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Version finale

15e législature, 1re session
(10 décembre 1919 au 14 février 1920)

Le mercredi 11 février 1920

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable J.-N. Francoeur

La séance est ouverte à 3 heures.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Rapports de comités:

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre de dix-huitième rapport du comité permanent des bills publics en général. Voici le rapport:

Votre comité a décidé de rapporter, avec des amendements, les bills suivants:

- bill 15 concernant certaines compagnies et corporations;

- bill 168 amendant le Code municipal de Québec relativement aux élections municipales;

Le bill 165 amendant le Code municipal de Québec relativement à l'élection des conseillers municipaux a été rejeté.

Rapportés à la Chambre les bills suivants:

- bill 150 amendant l'article 953a du Code civil;

- bill 155 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à l'exemption de taxes par les municipalités de cité, ville et village, en certains cas;

- bill 162 amendant les statuts refondus, 1909, relativement aux véhicules-moteurs.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté les messages suivants, lesquels sont lus ainsi qu'il suit:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, sans amendement, les bills suivants:

- bill 26 modifiant les statuts refondus, 1909, relativement aux maladies vénériennes;

- bill 37 autorisant un emprunt pour aider la colonisation;

- bill 46 amendant les statuts refondus, 1909, relativement aux chemins de colonisation.

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a agréé les amendements faits par l'Assemblée législative à ses amendements au bill 53 concernant la succession de feu Harrison Stephen.

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il ne concourt pas dans les amendements de l'Assemblée législative à ses amendements et qu'il persiste dans ses amendements au bill 119 amendant la charte de la ville de Longueuil.

Charte de Longueuil

M. Desaulniers (Chambly) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Hochelaga (M. Bédard), qu'un message soit envoyé au Conseil législatif informant les honorables conseillers que cette Chambre ne persiste pas dans ses amendements apportés aux amendements du Conseil législatif au bill 119 amendant la charte de la ville de Longueuil, et qu'il les retire.

Adopté. Le bill est retourné au Conseil législatif.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant, lequel est lu ainsi qu'il suit:

Conseil législatif, 10 février 1920

Ordonné qu'un message soit envoyé à l'Assemblée législative demandant que permission soit accordée au greffier de cette Chambre de corriger le message, dans la version anglaise, à elle envoyé, concernant le bill 126 amendant la charte de la ville de East Angus.

Charte de East Angus

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose, appuyé par le représentant de Montmorency (l'honorable M. Taschereau), que l'ordre de cette Chambre, en date du 6 février courant, ordonnant qu'un message soit envoyé au Conseil législatif informant les honorables conseillers que cette Chambre accepte leurs amendements au bill 126 amendant la charte de la ville de East Angus, avec un amendement, soit révoqué, que l'adoption desdits amendements soit remise à la prochaine séance, qu'un message soit envoyé au Conseil législatif pour informer celui-ci que permission est accordée au greffier de corriger la version anglaise des amendements qu'il a adressés à cette Chambre avec le bill 126 amendant la charte de la ville de East Angus.

Adopté. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Charte de Lasalle

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 75 amendant la charte de la ville Lasalle.

Les amendements sont lus une deuxième fois.

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose, appuyé par le représentant de Terrebonne (l'honorable M. David), qu'un message soit envoyé au Conseil législatif informant les honorables conseillers que les amendements du Conseil législatif au bill 75 amendant la charte de la ville Lasalle sont agréés avec amendements suivants:

1. En remplaçant les mots "Dans le cas où la ville, en vertu de ses pouvoirs généraux ouvrirait", dans les quatrième et cinquième lignes, par les suivants: "La ville, au moyen d'un règlement approuvé par les propriétaires d'immeubles imposables, qui sont électeurs municipaux conformément aux articles 5782, 5783 et 5784 des statuts refondus, 1909, suivant le cas, tels que remplacés par la loi 8 George V, chapitre 60, et amendés par la loi 9 George V, chapitre 59, et approuvé par le lieutenant-gouverneur en conseil peut ouvrir".

2. En remplaçant les mots "elle pourra", dans la douzième ligne, par le mot "et".

Adopté. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Ville de Saint-Michel

M. Ashby (Jacques-Cartier) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 200 concernant la ville de Saint-Michel.

Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.

M. Ashby (Jacques-Cartier) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Ville Montréal-Nord

M. Ashby (Jacques-Cartier) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 201 concernant la ville Montréal-Nord.

Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.

M. Ashby (Jacques-Cartier) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Z.-Armour Côté

M. Monet (Napierville) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 203 autorisant le Collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec à admettre Z.-Armour Côté à l'exercice de l'art dentaire.

Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.

M. Monet (Napierville) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

 

Demande de documents:

Chemin de fer au Labrador

M. Bergevin (Beauharnois) propose, appuyé par le représentant de Vaudreuil (M. Pilon), qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre copie de correspondance sur la construction de chemins de fer sur la Côte-Nord du Saint-Laurent, depuis Montréal et Québec jusqu'au Labrador, sur le littoral de l'océan Atlantique, partant du détroit de Belle-Isle jusqu'à la rivière Hamilton; de tracés de chemins de fer, plans et devis, cartes géographiques de la province de Québec et cartes hydrographiques de l'océan Atlantique et du golfe Saint-Laurent, et de tout ce qui a rapport à l'établissement d'une ligne rapide avec l'Europe et de relations plus étroites avec Terre-Neuve.

Je demande pardon à la Chambre si j'ai voulu attirer son attention sur une des questions les plus importantes et dont la solution comporte en elle-même des relations mondiales au point de vue du commerce et du trafic maritime, au point de vue du cheminement par terre et par eau, au point de vue même du rapprochement du continent européen et de l'Amérique, au point de vue de nos relations ave la colonie-soeur de Terre-Neuve, notre plus proche voisine, cela abrégerait la traversée entre l'Europe et l'Amérique du Nord.

Le problème dont il est question embrasse les intérêts vitaux de la colonisation, de l'agriculture, des mines et des pêcheries et de toutes les ressources naturelles dont regorge notre province dans cette partie encore inexploitée depuis Québec jusqu'à la côte du Labrador. C'est pourquoi, M. l'Orateur, j'ai cru qu'il était de mon devoir, après certaines études que j'ai faites sur cette question, d'attirer l'attention de la Législature et de la province en général sur ce problème qui donnera un relief mondial à la province de Québec et la placera à l'avant-garde de la civilisation de ce côté-ci de l'océan.

Nous voulons le développement de notre province. Le moyen d'y arriver, c'est de développer notre commerce avec l'Europe. Il n'y a pas de meilleur moyen d'aider au développement de notre commerce que de raccourcir la distance qui sépare la province de Québec de l'Europe. Or, le projet dont je veux parler, dont je suis un des promoteurs, a précisément pour but de donner au Canada un service de trois ou quatre jours entre notre pays et les pays européens. Ce problème réalisera bien plus facilement qu'en aucun autre endroit l'immense projet de la ligne rapide reliant l'Europe, les Îles britanniques avec les colonies de l'Empire, tel que préconisé par Sir Wilfrid Laurier. Je n'ai pas été le seul à m'enthousiasmer en face de ce projet. L'ancien premier ministre du Canada, que j'ai eu l'honneur de rencontrer à Londres pendant une conférence impériale, s'en est fait le parrain.

Il affirme que, s'il se réalise, le problème qu'il soumet concrétisera les grands plans esquissés par Sir Wilfrid Laurier, qui en fit adopter le principe par la Conférence impériale en 1907. Le projet est destiné à bénéficier surtout aux colonies et vise à les indemniser pour les tarifs préférentiels à la mère patrie. Les octrois qui seraient accordés aux compagnies maritimes aideraient à réduire le coût des importations et des exportations.

Laurier, avec les conceptions grandioses de son génie, a poussé plus loin l'idée d'établir une ligne plus courte sur l'Atlantique. Il entrevoyait l'unité de l'Empire à travers ses colonies par des relations plus étroites et intimement liées par des principes d'économie politique tout à l'avantage du Canada. Permettez-moi aussi d'ajouter que le président de la République française lui-même, informé de ce projet, lui a donné toute son approbation; et, tout dernièrement, je recevais à Montréal la visite d'un grand financier français intéressé dans plusieurs compagnies de chemin de fer et de navigation de France qui m'encourageait à réclamer la réalisation de ce magnifique projet. Il est temps plus que jamais d'assurer à notre pays un service océanique rapide pour ouvrir à nos produits agricoles les marchés d'Europe. Ce projet est, au fond, celui de la "All Red Line" dont il fut, dit-il, le promoteur.

Depuis plus de 30 ans déjà, cette question est à l'étude. Sous le régime de l'illustre patriote, Honoré Mercier, des hommes d'initiative avaient envisagé la possibilité de construire un chemin de fer jusqu'à l'Atlantique dans les régions du Labrador, afin d'apporter au développement de nos ressources naturelles le moyen le plus facile de leur mise en valeur par la construction de ce chemin de fer.

Des rapports assez complets avaient été faits pour justifier l'exécution de cette entreprise. Inspiré par ces travaux déjà élaborés et par les études d'économie politique et sociale sur les problèmes tendant à établir des relations plus étroites entre l'Europe et le Canada, et particulièrement entre notre pays, la France et la mère patrie, j'ai cru qu'il serait bon de me livrer spécialement à l'étude de ces projets qui nous mettraient en mesure de former les dossiers nécessaires et les travaux préliminaires qui doivent naturellement précéder l'exécution de semblables projets.

Je regrette que les circonstances nous aient forcés à attendre la mise en oeuvre de cette intéressante question, car, si nous avions eu un chemin de fer au Labrador durant la terrible guerre qui a endeuillé tout l'univers et qui a bouleversé toute l'économie politique des peuples civilisés, nous aurions pour éviter quelques-uns des désastres maritimes que la guerre nous a fait péniblement constater.

Nous aurions épargné aux alliés une grande partie des bateaux qui ont été coulés avec les tonnages fabuleux de marchandises qui étaient d'une importance vitale pour alimenter les champs de bataille et pour subvenir aux besoins des nations qui se sentaient privées des aliments nécessaires à leur existence. Mais il est inutile de s'apitoyer sur les circonstances qui ont empêché la réalisation de ces oeuvres d'une si grande utilité.

Si nous n'avons pas encore de communications plus directes par voie ferrée vers l'océan atlantique sur la Côte-Nord, c'est que l'initiative de la construction des chemins de fer a toujours été laissée au pouvoir central. Aujourd'hui que l'ordre des grands mouvements d'initiative semble changer d'orientation depuis la guerre, ne serait-il pas considéré d'une grande importance que la province de Québec prenne l'initiative de la construction de chemin de fer qui deviendrait le boulevard du commerce international et ouvrirait à notre province toutes grandes les portes du trafic européen avec l'Amérique du Nord?

Québec, dit-il, est la mieux placée pour tirer tous les bénéfices de ce projet, et il revient au peuple de la province d'agir, sur la question, dans leur meilleur intérêt.

Et quelles répercussions, quelles conséquences incalculables pour le cheminement sur terre, par voie ferrée, en divers continents! Les Français, qui ont découvert, on disait autrefois "inventé" le Canada, ont droit d'y prendre place en famille, pour ainsi dire, et de disposer de ports américains dans la province de Québec aussi proches que de l'Angleterre elle-même. Pourquoi donc, profitant de leur situation, n'enverraient-ils pas de Brest, de Cherbourg, du Havre, des transatlantiques, comme il en part et comme il en partira d'Angleterre pour atteindre la côte du Labrador en trois jours? Ces projets se réalisant, l'entente cordiale n'aurait-elle pas été un grand bienfait international et humain, en même temps que français et canadien?

Et qu'il me soit permis de citer ici ce que je disais, il y a de nombreuses années, devant une convention forestière alors que j'eus l'honneur de parler de chemins et de chemins de fer de colonisation: Ce dernier chemin (depuis Québec jusqu'à la côte du Labrador) ouvrirait d'immenses domaines à l'agriculture, à l'exploitation de nos pêcheries, au développement de nos pouvoirs d'eau, à l'exploitation de la forêt qu'il y a sur tout son parcours, et ce chemin devancerait le chemin de fer qui devra être construit un de ces jours jusqu'au Labrador, devenant pour l'Europe la porte du commerce et du trafic international. Car n'oublions pas que l'endroit que nous atteindrions sur l'Amérique nous mettrait à douze cents noeuds des côtes de l'Irlande, et cet endroit est exactement sur le 52e degré de latitude nord, qui est aussi le degré de latitude de Bristol et de Londres.

Lorsque la mère patrie aura décidé de subventionner des compagnies canadiennes aussi considérablement qu'elle l'a fait pour des compagnies faisant le trafic avec les États-Unis, nous pourrons compter sur la réalisation de cet immense projet. C'est par la côte du Labrador, c'est à travers la province de Québec que nous pourrons aller porter les malles d'Europe à New York même et dans tous les États-Unis, et surtout dans les États américains du nord beaucoup plus rapidement qu'on les apporte aujourd'hui par les lignes de navigation les plus rapides du monde. Ces routes et ce chemin de fer dont je viens de parler seront, au point de vue maritime et de défense navale, les endroits de ravitaillement et de protection véritable de l'Empire britannique et de notre pays. Elles relieront plus étroitement Terre-Neuve et le Canada, et ouvriront des domaines inexploités de ces deux pays de la couronne britannique.

La nouvelle route sera plus sécuritaire que nulle autre qui existe aujourd'hui. Il (M. Bergevin) est conscient du danger constant que représentent les épais brouillards des côtes de Terre-Neuve et aussi des icebergs sur la côte du Labrador qui sont une source permanente de danger à certains moments de l'année, particulièrement au printemps. Mais le brouillard diminue à mesure que les eaux se refroidissent et les rapports des ingénieurs et des explorateurs, tous hommes de grande compétence, ont démontré que les installations portuaires de cette région seraient sécuritaires et faciles d'accès.

Si de semblables projets étaient acceptés par les gouvernements intéressés, il deviendrait nécessaire d'établir des voies ferrées dans la province de Québec. Elles compléteraient un parcours de 600 à 700 milles pour se raccorder aux autres chemins de fer canadiens. Elles traverseraient et mettraient en valeur des domaines encore inexploités et non colonisés. Pourquoi les Français ne viendraient pas s'associer aux capitaux canadiens et diriger de tels travaux, surtout dans la province de Québec, où de tels bénéfices peuvent se réaliser par les ressources naturelles et par une richesse nationale qui n'a peut-être pas d'école au monde. Nous pouvons, sur la Côte-Nord, établir des ports qui seraient ouverts à la navigation au moins dix mois de l'année et probablement avec les brise-glaces tenir ces ports ouverts durant toute l'année.

Le Cap Charles, qui se trouve situé environ 35 milles de Chateau Bay, semble être l'endroit de prédilection des marins, des hommes de pratique et d'expérience, ainsi que des ingénieurs hydrographiques qui recommandent ces endroits ou ses environs. Il est démontré que, vers le mois de mars, les glaces remontent par les vents nord-est et du nord, mais jamais en grande quantité. Il a bien quelques icebergs et des petits champs de glace brisés, mais les moments les plus critiques sont au mois de mai quand les vents nord-est sont très forts. Mais un transatlantique peut toujours se frayer un chemin à travers ces glaces flottantes. Il a été aussi souvent question d'établir un port maritime dans les environs de Hamilton Inlet, à l'embouchure même du fleuve du même nom, mais la baie présente un inconvénient et les glaces la recouvrent durant au moins six mois.

Il y a bien aussi un port à la baie de Forteau, au nord du détroit de Belle-Isle, entre la Pointe à Moore et la Pointe Forteau, du côté ouest de cette baie. C'est de cet endroit que l'on traverse le plus facilement pour se rendre à Terre-Neuve. Il y a aussi, du côté de Terre-Neuve, la baie Sainte-Barbe, qui est l'endroit le plus rapproché du Labrador, qui est un port facile d'accès, et les marins qui ont fréquenté cette côte déclarent qu'elle est très spacieuse et plus à l'abri des vents de la mer. La distance de Forteau sur le détroit jusqu'à Sainte-Barbe, il y a 17 milles pour traverser le détroit de Belle-Isle.

Des rapports recommandent la construction de chemin de fer vers le Labrador en passant par le Lac-Saint-Jean et en se dirigeant sur la hauteur des terres vers la côte de l'Atlantique. Dans tous les cas, quels que soient les endroits choisis sur le bord du fleuve ou à la hauteur des terres, cela n'implique pas de difficultés pour la solution du problème. Il importe de réaliser le projet de la navigation rapide avec l'Europe, de développer et mettre en valeur les régions encore inexploitées, pour l'avantage de la province de Québec et du Canada tout entier et pour l'agrandissement de nos relations intercoloniales.

Au point de vue des mines, la formation géologique de cette contrée semble être une des plus riches en minéraux des plus variés et l'on y trouve du fer en quantité, du graphite, du cuivre, etc. Il y a aussi d'immenses forêts pouvant produire le bois marchand pour les générations à venir. C'est ce que déclare un ingénieur de la plus haute compétence ayant fait un rapport spécialement sur ces vastes régions de la côte du Labrador, dans le but d'y construire un chemin de fer et de trouver les endroits les plus avantageux pour la fondation d'un havre. Tous les honorables députés de cette Chambre savent que cette déclaration est juste et n'a rien d'exagéré.

En jetant un coup d'oeil rapide sur tout le parcours, depuis Québec jusqu'au Labrador, je donnerai quelques renseignements sur les régions particulières de la seigneurie de Mingan et des territoires qui l'environnent et qui se trouvent à peu près à mi-chemin entre Québec et la côte de l'Atlantique. À part les richesses de cette seigneurie qui possède des ressources naturelles des plus variées, il y a en arrière de ces domaines environ 13,000,000 d'acres de terre boisée. La seigneurie couvre un espace de 150 milles de longueur environ par 6 milles de profondeur, depuis le fleuve jusqu'à sa limite nord. La côte elle-même est plus ou moins dénudée, mais chaque acre de terre peut produire environ 2,000 pieds de bois marchand et 5 ou 6 cordes de bois de pulpe. À tous les 6 milles environ, des rivières viennent se jeter dans le fleuve sur toute la longueur des 150 milles qui couvrent cette seigneurie. Les communications fluviales peuvent être ouvertes en faisant usage de bateaux comme le Montcalm durant l'hiver.

On trouve dans ces environs des mines de fer, de cuivre, de molybdénite, de mica, etc. L'on pourrait, avec les développements des pouvoirs d'eau importants qu'il y a dans ces endroits, produire l'électricité et forger le fer à beaucoup meilleur marché qu'à Pittsburgh ou au Sault-Sainte-Marie. En ce qui concerne l'agriculture, ces régions formées de terres particulièrement avantageuses pour la culture de la pomme de terre peuvent rapporter d'aussi bons profits que les plus riches terres du Nord-Ouest pour le blé. Les produits fertilisateurs sont en quantité illimitée. Il me serait inutile de parler ici de cette région merveilleuse qui deviendra le point d'attraction le plus considérable du monde entier par ses pêcheries.

Il traite abondamment des ressources de pêche, autant des fleuves que des rivières ainsi que des côtes maritimes, où déjà se trouve une assez bonne population de robustes pêcheurs. Les ressources de la pêche produiraient suffisamment de matière première pour l'établissement d'importantes conserveries. Il est faux de penser que le pays n'est qu'une étendue de glace. Il affirme que le climat y est aussi tempéré qu'il l'est à Québec, et que le printemps arrive aussi tôt.

Le député de Beauharnois fait l'éloge du gouvernement Marchand, du gouvernement Parent qui ont assuré à notre province une ère de prospérité. Il fait aussi l'éloge du premier ministre qui est encore mon ami, dit-il. Le gouvernement a compris qu'il était nécessaire de fonder les écoles des hautes études commerciales et des écoles techniques, à la fondation desquelles j'ai eu l'honneur de contribuer en attirant l'attention de cette Chambre sur leur utilité. Grâce à la clairvoyance du premier ministre, nous pouvons maintenant compter ces écoles parmi les plus complètes, les mieux outillées et les plus belles de l'univers. La création de nouvelles industries et la construction de nos chemins de fer imposaient tout naturellement la fondation de ces écoles d'enseignement supérieur. Les développements de notre commerce intérieur et extérieur réclamaient que nous préparions des hommes qui puissent prendre place avec avantage à côté des ingénieurs, des techniciens et des économistes politiques des pays étrangers. Il constate les progrès réalisés dans l'agriculture.

La tâche, entreprise par les plus grands hommes d'État de ce pays, n'est certainement pas achevée, elle n'est en réalité que très bien engagée. De bonnes et larges routes de colonisation avec autant de voies ferrées qu'il en faut, voilà ce qui est nécessaire pour le développement futur de la province de Québec et le bien général de sa population.

Le terminus ne serait qu'à 24 heures de la ville de Québec. Les voies ferrées permettraient également la vente de très vastes limites à bois qui pour l'instant, dû au fait qu'elles sont isolées de tout système de transport, ne sont presque pas exploitées. Permettez-moi d'attirer l'attention de la Chambre sur l'organisation portuaire hivernale dans la province de Québec. La question ne date pas d'hier, elle a été l'objet de plusieurs discussions et a été étudiée attentivement.

J'avais l'honneur d'accompagner le regretté ministre de la Marine et des Pêcheries, l'honorable Raymond Préfontaine, lors de l'inauguration du premier brise-glaces de Montcalm. Tout le monde qui se porta vers le quai au moment du départ semblait douter du succès de l'entreprise. Mais, après plusieurs heures de travail, luttant contre les glaces compactes, il passa facilement à travers les obstacles et revint s'amarrer à son quai, après avoir inauguré un moyen des plus utiles pour établir la navigation hivernale dans la capitale de la province. Je me rappelle qu'il y a 19 ans le grand quotidien La Presse frétait un petit bateau qu'il baptisa du nom du journal mentionné plus haut. Puis, partant en plein hiver, durant les froids les plus rigoureux, quitta le port de Québec pour aller porter les malles aux différents ports de chaque côté du fleuve Saint-Laurent jusqu'au golfe.

Ce petit bateau que l'on peut comparer à un frêle esquif, si on le met en regard des léviathans qui sillonnent nos mers, fit le voyage sans encombres et revint quelque temps après, ayant accompli le but qu'il poursuivait et prouvant par le fait même la possibilité de réaliser le rêve de la vieille cité de Champlain d'y voir tout le temps de l'année un port maritime permanent.

Si un tel port hivernal était établi ici, il serait non seulement à l'avantage de la cité et de la province de Québec, mais aussi de la métropole, qui bénéficierait ainsi d'un port hivernal pour l'importante quantité de produits de toutes sortes qui sont acheminés vers Montréal en provenance de plusieurs lignes ferroviaires de tous les coins du Canada et des États-Unis. Il serait facile, avec les bateaux appropriés, de concrétiser ce qui est considéré comme l'un des plus importants projets de tout le Canada.

La guerre, dont les conséquences désastreuses ont bouleversé le monde social et politique, qui a jeté une perturbation lamentable dans le commerce, l'industrie, la finance et l'économie politique en général, exige qu'une orientation nouvelle soit donnée par les chefs de l'État pour ces problèmes si difficiles et si compliqués et pour le développement et l'exploitation de toutes nos ressources naturelles.

Notre tâche n'est pas finie, elle ne fait que commencer. Il nous faut de beaux et grands chemins de colonisation. La province de Québec doit prendre les devants. Il ne faut pas seulement compter sur le pouvoir central pour notre développement matériel, mais il faut compter sur nous-mêmes et sur les hommes qui sont à la tête de notre province.

Par tous les développements que nous voyons se manifester dans l'industrie, dans le commerce, dans les idées pratiques qui s'impriment dans les meilleurs cerveaux, dans l'élan donné à notre haute éducation, à l'enseignement technique et polytechnique, il est évident que les destinées de la province de Québec se dessinent avec un éclat inespéré. C'est notre avenir qui se révèle comme le bouton de fleur qui perce enfin son enveloppe pour s'épanouir.

Notre avenir, notre salut sont dans la colonisation et dans la construction des chemins et des chemins de fer.

N'hésitons pas à nous jeter tête baissée dans la solution de ces problèmes, et je crois que, comme la Providence a su susciter à différentes étapes de notre existence les hommes nécessaires à notre développement national, elle n'a pas oublié d'en faire surgir pour les nouveaux besoins qui s'imposent. Aujourd'hui, ce n'est plus la lutte sur les champs de bataille, mais c'est la lutte pacifique des bons combats inspirés par le plus pur patriotisme que nous devons livrer pour l'avancement intellectuel, moral, économique et pour le bien et la grandeur de notre province.

C'est une page bien belle de notre histoire qui s'est écrite depuis quelques années dans la province de Québec.

Pour réaliser nos légitimes ambitions, dit-il, il faut que les diverses races et tous les citoyens de cette province et du pays s'unissent dans une union sincèrement patriotique et qu'ils élèvent ensemble dans la paix, la concorde et l'harmonie leurs regards et leurs coeurs vers les immortelles destinées de la patrie canadienne, qui verra se former et se développer dans le respect de tous et de chacun sa véritable grandeur nationale.

M. Parrot (Témiscouata) propose, appuyé par le représentant de Jacques-Cartier (M. Ashby), que le débat soit ajourné.

Cette proposition est adoptée. Le débat est ajourné.

Représentation proportionnelle

M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Saint-Georges (M. Gault), qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre copie de toute correspondance entre le gouvernement et toute personne concernant la représentation proportionnelle, pour la province de Québec.

Adopté.

Saint-Gédéon du Lac-Saint-Jean, remplissage d'un chemin

M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Saint-Georges (M. Gault), qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre copie de toute correspondance, comptes et paie-listes au sujet de certains travaux de remplissage dans le chemin de front des lots de terre nos 1 et 2 du rang X de la seigneurie appartenant à M. François Turcotte, dans la paroisse de Saint-Gédéon du Lac-Saint-Jean, en 1918 et antérieurement.

Adopté.

Saint-Félicien, saisie d'un char de bière

M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Saint-Georges (M. Gault), qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre copie de toute correspondance entre le gouvernement et le percepteur du revenu de Roberval ou toutes autres personnes, au sujet de la saisie d'un char de bière à Saint-Félicien au cours de l'année 1918.

Je m'excuse de ne pas toucher à un projet aussi élevé et qui ne me conduira pas aux cimes que le député de Beauharnois (M. Bergevin) a atteintes, mais je vais parler d'un question brûlante, celle de l'application de la loi de prohibition. La loi n'est pas observée, et non seulement elle est violée par des citoyens, mais des officiers du gouvernement se rendent coupables des plus criants abus. Au cours de juin 1918, MM. Elzéar et Jos. Thivierge, de Saint-Félicien, achetaient d'une brasserie de Montréal, la Compagnie Frontenac, un char de bière que la compagnie leur expédiait. La marchandise arriva en bon état et fut transportée dans leur hangar et mise en sûreté. Mais un ami les avertit que cette importation était irrégulière et, sur ses conseils, ils voulurent la retourner mais l'agent du chemin de fer refusa de la réexpédier, disant qu'il n'avait pas le droit de la renvoyer.

Puis, au cours de la nuit suivante, le percepteur du revenu Truchon arrivait à Saint-Félicien avec deux hommes; il défonçait le hangar de Thivierge et remettait la bière dans la grange d'un particulier et, le lendemain, nommait un gardien, J.-B. Chartré, de cette marchandise (616 caisses de bière) et en apportait avec lui quelques caisses à Roberval. Puis le gardien Chartré gardait la bière. Mais les amis du village allèrent le voir. Il est, paraît-il, un homme bien élevé et de bonnes manières, difficile de n'être pas poli. On buvait longuement la douce liqueur. Thivierge se plaignit au percepteur du fait que l'on volait sa marchandise, mais on rit de lui. Le percepteur vint voir et rapporta chez lui plusieurs boîtes de ce bon nectar. Dans l'intervalle, le gouvernement décida de vendre la bière à l'enchère, et elle fut vendue à un agent de la compagnie qui, après la vente, se rendit à Saint-Félicien pour en prendre possession. Mais, au lieu de 616 boîtes, il n'y en avait plus que 106, c'est-à-dire que 510 avaient disparu sous la garde de J.-B. Chartré, gardien assermenté contre les voleurs et payé $3 par jour pendant 71 jours.

Or, Thivierge était convenu avec l'acheteur qu'en lui remboursant le montant payé au jour de l'enchère et en lui livrant la bière, la compagnie venderesse lui rembourserait le prix d'achat. De fait, Thivierge paya les six cents piastres, montant de la vente à l'enchère, ce qui, vu le vol de la marchandise, augmenta sa perte. Maintenant, où est allée la bière? Le gardien en avait-il dépensé 71 boîtes avec ses aides? Quinze boîtes avaient pénétré chez un fiston adoptif, 25 autres avaient pris un autre chemin, et la balance? Le gardien ne le sait pas, mais ces cinq cents boîtes avaient disparu sous sa garde. Voilà un vol manifeste et non réparé. Le gardien a reçu trois piastres par jour pendant 71 jours et la marchandise a été volée. Le percepteur a bu ce qu'il a pu, et il est encore percepteur. Que fait le gouvernement? N'est-ce pas que les officiers ont de jolis moyens de populariser le gouvernement en rinçant le gosier des gens à même ce pauvre Thivierge pour un montant de plus de $3,000? Voilà un fait qui prouve la culpabilité du gouvernement qui connaît ces faits et ne destitue pas l'officier qui a commis un pareil scandale.

Pourquoi le gouvernement a-t-il maintenu ce percepteur en fonction? Pourquoi n'a-t-on pas fait une enquête? Ce petit fait démontre que les officiers du gouvernement ont négligé de faire leur devoir. Il me semble que le premier devoir du gouvernement est de voir au respect des lois. À quoi nous sert de faire des lois pendant deux mois, ici, si on ne voit pas à ce que la population les respecte, si on ne voit pas à ce que les officiers du gouvernement donnent l'exemple à leurs citoyens? Il dit que la loi de prohibition est une faillite et qu'il vaut mieux revenir à l'ancien régime de tempérance.

L'honorable M. Mitchell (Richmond): L'honorable chef de l'opposition a été mal informé. Il est vrai qu'une saisie a été faite à Saint-Félicien. Le percepteur a fait placer les caisses de bière dans une grange et il en a donné la garde à des officiers qu'il a engagés lui-même. Ces officiers n'ont pas fait leur devoir, malheureusement. En l'absence des officiers, dont nous disons qu'ils n'ont pas fait leur devoir, un certain nombre de caisses de bière ont été volées par des inconnus. Nous avons donc destitué le percepteur. La bière est restée dans la grange pendant 78 jours et il n'a pas été possible de retrouver les caisses qui manquaient. La balance a été vendue selon la loi. Quant à l'application de la loi de prohibition, on ne peut en tenir responsables les officiers de mon département. Dans tous les cas, les officiers qui sont chargés de l'application de la prohibition font leur possible. La perfection n'est pas de ce monde, les hommes qui ont quelque chose à faire de près ou de loin peuvent commettre des erreurs.

La prohibition, suivant la volonté populaire exprimée dans un référendum, a été en vigueur depuis neuf mois et, en tenant compte de ces résultats, les résultats ont été absolument satisfaisants. Il ne faut pas oublier que des millions de piastres de capital avaient été investis dans ce commerce, que l'usage des liqueurs alcooliques dans la province était passé dans les moeurs et qu'un changement aussi radical devait nécessairement amener des abus. Les officiers ont fait leur devoir, mais il est impossible de prévenir toutes les violations de la loi, tant étaient nombreux ceux qui, à divers points de vue, avaient intérêt à ne pas se soumettre à cette mesure radicale. La même chose s'est produite dans la Colombie anglaise, la Saskatchewan, l'Alberta, l'Ontario, l'État du Maine et dans d'autres endroits où la loi de prohibition avait été appliquée avant Québec.

Quand je regarde ce qui s'est passé dans les autres provinces, aux États-Unis, où il y a eu des scandales, je crois que nous pouvons être satisfaits de la façon dont notre loi est appliquée. Pour ce qui est de la loi elle-même, la population de la province de Québec en est satisfaite et c'est pourquoi nous avons décidé de ne pas changer la loi de prohibition cette année. Nous voulons voir comment elle va fonctionner durant un laps de temps raisonnable et il est juste d'accorder au moins un an ou dix-huit mois pour en faire l'expérience. Nous ne croyons pas que la loi soit parfaite, mais elle est efficace et, avec le temps, les effets en seront appréciables.

Il demande à la population d'être patiente et d'attendre l'année prochaine, et, s'ils constatent alors que ça ne fonctionne pas, ils pourront apporter les amendements nécessaires pour l'améliorer.

Les infractions à la loi ont surtout été nombreuses à Montréal et à Québec. Dans cette dernière ville, un conflit s'est élevé à cause de la mise en vigueur de la loi Scott qui permet la vente en vertu de certificats médicaux et l'expédition dans les autres parties de la province. Des actions ont été instituées par le gouvernement en vertu de la loi de prohibition et le regretté juge Langelier les a renvoyées en alléguant que les officiers fédéraux ou leurs représentants étaient les seuls aptes à agir dans les circonstances. Le chef de l'opposition dit que la loi n'est pas respectée. Naturellement, nous avons beaucoup de difficultés, car c'est une loi nouvelle et nos officiers ne sont pas nombreux. Mais, si j'examine les statistiques de Québec et Montréal, je trouve que dans Montréal notre loi est peut-être mieux observée que la loi Scott l'est à Québec.

Du mois de mai au mois de novembre, on a émis à Québec 15,069 certificats médicaux et des liqueurs alcooliques pour une valeur de $351,448.87 ont été vendues, ce qui fait une moyenne de $26.89 par certificat. En vertu de la prohibition, des prescriptions ont été émises dans le reste de la province et la valeur des liqueurs vendues a été de $397,104.18, soit une moyenne de $2.35 par certificat. On doit avouer que, malgré les précautions prises dans la loi, bien des certificats étaient des documents forgés, au lieu de porter la signature de médecins bona fide, résidents de la province. On a procédé autrement. Quelques mois après, on fournissait des certificats numérotés aux médecins et on les renouvelait chaque semaine. Les résultats ont été merveilleux et on a constaté une diminution considérable dans la vente. Malgré le dévouement des officiers du département, il fut impossible de découvrir tous les cas.

En dehors des cités de Montréal et de Québec, on peut dire que les effets de la loi ont été satisfaisants et les citoyens des districts ruraux en apprécient les bienfaits. Depuis mai dernier, le département a pris 1,2501 actions et 86 causes sont pendantes; 14,116 bouteilles contenant 3,315 gallons de liqueurs ont été saisies et 2262 caisses de bière. Cela démontre que le département fait son possible pour que la loi soit observée et les instructions du ministère à ses employés sont et seront de faire respecter la loi à la lettre et dans toute son ampleur afin qu'elle subisse un essai équitable. Si la loi Scott était rappelée à Québec, la situation s'améliorerait à Montréal et dans le reste de la province, et dans moins de six mois, il serait facile de constater quels sont les points faibles de notre loi afin de l'améliorer.

Il fait un appel à la Chambre et aux citoyens de la province pour qu'on donne à la loi une application juste et désintéressée. L'an dernier, le premier ministre a dit aux membres de la délégation de tempérance de ne pas être trop critiques au cours de la première année alors qu'on devrait découvrir les lacunes de la loi, et ces paroles s'appliquent encore aujourd'hui. L'an prochain, quand l'expérience aura été tentée dans toute la latitude voulue pour en apprécier les avantages et juger les défauts de la mesure, on pourra demander des amendements et le gouvernement se rendra à ce désir.

Il fait l'éloge des officiers de son département.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je suis surpris de la réponse du trésorier provincial (l'honorable M. Mitchell). Je suis surpris qu'il ait traité de toute l'application de la loi de prohibition.

L'honorable M. Mitchell (Richmond): J'ai fait cela parce que l'honorable chef de l'opposition a prétendu que la loi était violée. Il ne serait pas juste de laisser le public sous l'impression que le chef de l'opposition avait raison.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je reviendrai sur cela d'ici à la fin de la session. Je ne m'occuperai pas du cas de Saint-Félicien. L'honorable trésorier nous a dit que des caisses de bière avaient été retrouvées. A-t-on compté les caisses vides?

L'honorable M. Mitchell (Richmond): 382 caisses de bière ont été saisies et on n'en a retrouvé que 217. La Frontenac Breweries a acheté les caisses pour le montant de $460.50. Huit caisses avaient été retenues par le percepteur, à titre de commission, pour son usage personnel.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Et le percepteur a été destitué pour cela?

L'honorable M. Mitchell (Richmond): Le département a trouvé qu'il n'est pas permis d'agir ainsi et a suspendu cet officier. Dès que j'ai reçu le rapport de l'enquête, le percepteur a été destitué. On ne peut tenir le département responsable de cette erreur. En pareil cas, le gouvernement a le courage de faire son devoir.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je reviendrai sur la question de la prohibition. Nous avons le régime de la prohibition, mais on vend partout du scotch, du whisky, du gin. On l'annonce dans les journaux. Nous aurons un nouveau débat d'ici à la fin de la session.

La proposition est adoptée.

Saisie de whisky au Lac-Saint-Jean

M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Saint-Georges (M. Gault), qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre copie de toute correspondance échangée entre le gouvernement et le percepteur du revenu, Thomas-Louis Desbiens, de Saint-Bruno, concernant la saisie d'une certaine quantité de whisky et autres liqueurs fortes au cours de l'automne 1918; aussi, état indiquant les quantités saisies et les quantités rapportées par ledit percepteur et vendues officiellement, avec le nom des acquéreurs; aussi, copie des instructions données pour le transfert de la plainte du district de Roberval aux officiers de Québec, avec les montants des amendes et des frais à payer; aussi, copie de toute correspondance entre les ministres et le susdit percepteur au sujet d'une poursuite prise par l'un des propriétaires des liqueurs saisies contre ledit percepteur, pour cause de boisson volée ou disparue.

Au cours de l'automne 1918, deux individus de Québec débarquaient un soir à la station Hébertville avec une cargaison de whisky et autres eaux gazeuses. Puis ils trouvaient un charretier à la mode qui, de suite, les dirigeait vers Saint-Joseph d'Alma en colportant leurs liquides par les maisons. Ils ignoraient que le long de la route vivait le percepteur du revenu, Thomas-Louis Desbiens, un ami du gouvernement. Le commerce allait bien, mais, tout à coup, vers minuit, une auto arrive, ordonne d'arrêter et le percepteur s'amène annonçant avec grandeur qu'il saisit toute l'organisation. Alors, on vire de bord et on se rend à la maison du percepteur où la liqueur est remisée. On est ahuri, on pourrait bien prendre un coup, mais la liqueur est saisie; après tout, c'est un voyage de nuit, on n'est pas pour crever; on décide de prendre un coup; et on prend un coup tellement que, le matin, on est ivre, et le percepteur ne voit plus clair.

Avant de partir, les témoins de la saisie et les amis invités décident que ce n'est pas fin de s'en aller comme ça. Alors, on prend une canistre de deux gallons, une de trois gallons, ainsi de suite, jusqu'à 29 gallons, sous les yeux du percepteur qui s'amuse. Puis il décide de poursuivre les coupables, il les consulte et, finalement, il convient de ne pas les poursuivre dans son district, à Roberval, mais d'aller à Chicoutimi. L'auto chauffe, on prend du whisky au cas où l'huile manquerait, et en route pour la capitale du Nord. On s'amuse le long du chemin, on chante, on prend un coup et puis on est ivre, et l'on va vite, tellement que le percepteur perd son chapeau. Le lendemain, le percepteur lâche les coupables et, deux jours après, ils reçoivent à Québec leurs actions pour vente illicite de liqueurs fermentées. Alors, ces deux braves sont embêtés; ils ont des influences et voici que l'avocat du revenu est averti d'envoyer les dossiers à Québec avant jugement. Alors, comme on est à Québec et que ce sont deux braves amis, on les condamne au minimum de l'amende avec les frais, et ainsi le magistrat de Roberval perd la chance de leur envoyer à sa force un jugement à bout portant. Ce magistrat est un apôtre pratiquant la prohibition et admirateur du gouvernement; il administre la loi comme un cerbère contre ceux qui osent violer la tempérance et surtout les lois du dieu de Québec, son protecteur bienfaisant. Et puis, ce scandale est public; les gens attendent la fessée que le percepteur a méritée et qu'il va recevoir par la malle. Mais rien encore. Rien ne vient.

Mais voici que l'un des coupables poursuit le percepteur pour sa part du whisky volé. Tête des gens. L'action est pendante. On plaide whisky réduit, frelaté. Or, n'est-ce pas que c'est beau la morale de tout cela? Prohibition totale, mais protection aux violateurs. Défendu de boire, mais soyez assez fins pour trouver du gin. Vous vous saoulez? Laissez faire ou plutôt continuez. Je demande au gouvernement s'il entend mettre fin à tous ces scandales. Je lui demande ce qu'il entend faire avec ce percepteur. Si le gouvernement continue à tolérer les abus qui se commettent, j'espère que nous changerons la loi. Je suis un partisan de la tempérance et, ma foi, si l'on ne peut améliorer la situation, je me demande si nous ne devrons pas revenir à l'ancien système.

L'honorable M. Mitchell (Richmond) croit que les faits relatés par le chef de l'opposition sont partiellement exacts. Nous avons destitué le percepteur. Quand à ses difficultés avec le coupable, nous n'avons rien à y voir. Je remercie cependant le chef de l'opposition d'avoir attiré l'attention de mon département sur ce fait.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Il y a longtemps que l'on a procédé dans cette affaire?

L'honorable M. Mitchell (Richmond): Il n'y a que huit jours, car je n'ai reçu le rapport que la semaine dernière.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Il y a un mois que j'ai attiré sur ce fait l'attention du gouvernement par une motion qui a évidemment fait marcher le gouvernement dans cette affaire.

Il déclare qu'il a mentionné uniquement ces deux causes et qu'il a encore amplement à présenter devant la Chambre, mais qu'il lancera plus tard un débat sur la loi de tempérance et ses nombreux abus, où le favoritisme est flagrant.

La proposition est adoptée.

Code civil, prescription

M. Roy (Lévis) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 205 amendant les articles 2260 et 2262 du Code civil, relativement à la prescription, soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité général.

M. Roy (Lévis) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.

M. Roy (Lévis) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant, lequel est lu ainsi qu'il suit:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, avec certains amendements qu'il la prie d'agréer, les bills suivants:

- bill 99 concernant la succession de feu Louis-Herménégilde Hébert;

- bill 129 amendant la charte de la cité de Québec.

Louis-Herménégilde Hébert

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 99 concernant la succession de feu Louis-Herménégilde Hébert.

Les amendements sont lus deux fois et adoptés. Le bill est retourné au Conseil législatif.

Charte de Québec

La Chambre procède à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 129 amendant la charte de la cité de Québec.

Les amendements sont lus deux fois.

M. Létourneau (Québec-Est) propose, appuyé par le représentant de Montréal-Saint-Louis (M. Bercovitch), qu'un message soit envoyé au Conseil législatif informant les honorables conseillers que les amendements du Conseil législatif au bill 129 amendant la charte de la cité de Québec sont acceptés avec amendement suivant:

Insérer les mots "chapitre 46", dans la sixième ligne, après le mot "session".

Cette dernière proposition est adoptée. Le bill est retourné au Conseil législatif.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant, lequel est lu ainsi qu'il suit:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté le bill C amendant les statuts refondus, 1909, concernant l'instruction publique, pour lequel il lui demande son concours.

Instruction publique

M. Thériault (L'Islet) propose, appuyé par le représentant de Québec-Centre (M. Cannon), que le bill C du Conseil législatif amendant les statuts refondus, 1909, concernant l'instruction publique soit maintenant lu une première fois.

Adopté. Le bill est lu une première fois.

Admission des femmes au Barreau

Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat dont elle a été saisie le jeudi 5 février courant: Que M. l'Orateur quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 161 modifiant l'article 4524 des statuts refondus, 1909, au sujet du Barreau de la province de Québec.

M. Lemay (Sherbrooke): Je me permettrai de différer d'opinion avec les députés de Saint-Laurent (M. Miles) et de Huntingdon (M. Philps) sur cette question. Je crois que cette mesure est bien inutile. Pourquoi demander que des femmes soient admises au Barreau de la province de Québec? Cela n'intéresserait que trois ou quatre femmes. Dans les provinces ou les pays où on leur a ouvert les portes du Barreau, bien peu de femmes en ont profité. Pourquoi? Parce que les femmes comprennent qu'elles ont assez de missions à remplir sans qu'on leur en donne une nouvelle. Ce n'est vraiment pas la peine de passer une loi générale pour cela. Il importe de suivre les saines traditions de notre race et de nous en tenir à l'ordre établi chez nous. En adoptant pareille mesure, nous ouvrons la porte à toutes les mesures que le féminisme nous apportera. Notre devoir est de protéger la femme; les lois sont faites pour protéger les faibles. Or, je crois que c'est le père Lacordaire qui a dit cela: Les premiers faibles que nous devrons protéger, c'est la femme et l'enfant. On a cité comme raison en faveur de cette mesure le fait que, sur les champs de bataille, la femme s'est dévouée et a gagné des droits.

Il ne croit pas que cela soit une récompense digne de leur dévouement. Eh bien, je dis que quand la femme de la province de Québec, du Canada ou du monde entier a quitté son pays pour aller soigner les blessés, la femme qui a risqué sa vie dans les hôpitaux a continué le rôle sublime que la femme a toujours rempli dans le monde, rôle de sacrifices qui a provoqué notre admiration. Dans le rôle important quelles ont alors joué, elles ont simplement continué leurs devoirs de chaque jour qui sont ceux de la charité et du dévouement, et elles ne réclamaient pas telle récompense.

Quant à la possibilité pour les femmes de retirer des avantages de l'exercice de la profession légale, elle est des plus problématiques. On ne devient pas avocat en usant des fonds de culotte. L'on n'est pas reçu avant 24, 25 ans et quelquefois 30 ans. On sait ce qu'il en coûte de travail, d'études et de temps pour devenir avocat. Pendant ce temps, au lieu de gagner de l'argent, on en dépense. Il n'y a donc pas lieu de penser que la profession soit lucrative pour les femmes. Celles qui travaillent sont en proie à la nécessité, leurs revenus doivent être immédiats. Or, il est évident que l'exercice de la profession légale ne peut répondre aux besoins de cette situation.

Il y a un autre argument que l'on invoque. On dit: La province de Québec ne devrait pas être en arrière des autres. Notre province est bonne, est saine, et l'étranger qui viendra sur cette terre d'Amérique sera heureux, je crois, de trouver ici une mentalité un peu différente de celle du reste de l'Amérique. Nous n'avons jamais eu à rougir de cette mentalité et je crois que nous ne devrions pas changer aujourd'hui car, et cela est une bonne raison, les femmes de la province de Québec ne veulent pas de cette mesure. Je crois que, dans les circonstances, il vaudrait mieux accorder le droit de vote aux femmes que de leur permettre d'être admises au Barreau.

Il propose le renvoi du bill à six mois.

M. Miles (Montréal-Saint-Laurent) veut se lever pour répondre.

M. l'Orateur: Je demande pardon à l'honorable député (M. Miles), mais il n'a pas le droit de réplique.

Des députés: Vote, vote...

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) fait remarquer que le député de Sherbrooke (M. Lemay) peut peut-être proposer le renvoi du projet à six mois. Vous pourrez provoquer un vote alors.

M. Monet (Napierville): M. l'Orateur, je propose, appuyé par le représentant de Vaudreuil (M. Pilon), l'ajournement du débat.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Quand l'honorable député (M. Monet) sera-t-il prêt à continuer le débat?

M. Monet (Napierville): Demain.

Cette dernière proposition étant adoptée, le débat est ajourné.

Inspection des hôtels, restaurants et maisons de logements

L'honorable M. Galipeault (Bellechasse) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 25 amendant les statuts refondus, 1909, relativement à l'inspection des hôtels, restaurants et maisons de logements soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité général.

L'honorable M. Galipeault (Bellechasse) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté.

 

En comité:

L'honorable M. Galipeault (Bellechasse): Le but de la loi est de faire conformer les règlements des hôtels et restaurants avec la loi de prohibition.

M. le président (M. Beaudry, Verchères): Adopté. "Carried"!

Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.

L'honorable M. Galipeault (Bellechasse) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Taxes scolaires

L'honorable M. David (Terrebonne) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 232 amendant l'article 2892 des statuts refondus, 1909, relativement au prélèvement des taxes scolaires, en certains cas, soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité général.

L'honorable M. David (Terrebonne) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté. Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.

L'honorable M. David (Terrebonne) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Affaires municipales

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 248 amendant les statuts refondus, 1909, et le Code municipal de Québec relativement aux affaires municipales soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité de la Chambre.

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté.

 

En comité:

L'honorable M. Mitchell (Richmond): Il s'agit d'accorder à certaines administrations des privilèges qu'elles n'ont pas dans leur charte et auxquels elles ont droit.

M. le président (M. Beaudry, Verchères): Adopté. "Carried".

Le comité étudie le bill et en fait rapport sans amendement.

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Subsides

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.

Adopté.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Pardon, M. l'Orateur. J'ai des griefs à faire entendre et, comme en comité des subsides on m'a rappelé à l'ordre, j'entends parler avant que la Chambre se forme en comité.

Il demande au gouvernement de mieux payer ses inspecteurs d'écoles et ses instituteurs. Le secrétaire provincial semble vouloir accomplir des réformes. Il est temps de les accomplir.

Au sujet de l'inspection scolaire, il prétend qu'elle est insuffisante et même inutile en plusieurs endroits. Le gouvernement dépense $92,000 pour cette inspection. C'est trop pour l'inspection qui est faite et ce n'est pas assez pour les besoins de nos écoles rurales. Les instituteurs se font de plus en plus rares, il y a pénurie. Les trois quarts de nos municipalités de village sont incapables de payer $1,200 ou $1,500 pour un instituteur et, cependant, un instituteur marié et père de famille ne peut pas vivre avec un salaire moins élevé. Si la loi générale ordonnait une école modèle dans les villages, il n'y aurait pas autant de petites municipalités scolaires. L'une des principales causes des divisions entre les paroisses et les villages, c'est à propos d'écoles modèles. Faute d'instituteurs, il faut avoir recours à des institutrices qui, sauf quelques exceptions, ne font pas de l'enseignement une carrière. Elles l'abandonnent après deux ou cinq ans d'enseignement. Les municipalités changent d'institutrices très souvent, deux ou trois par année. Un certain nombre de ces institutrices manquent d'expérience dans l'enseignement, et leur manque de méthode fait perdre un temps précieux aux enfants.

L'inspecteur d'écoles devrait être considéré comme un principal. Au lieu d'avoir de 125 à 150 écoles à visiter et 8,000 élèves sous sa juridiction, il devrait avoir 50 écoles et, au lieu de faire une visite en automne et une autre à la fin de l'année, il devrait être capable d'en faire une tous les mois dans certaines écoles, pour assurer aux enfants de ces écoles un enseignement pratique et efficace. Nous avons un programme qui constitue une grande amélioration, grâce au travail de M. le chanoine Ross et de M. l'abbé Desrosiers et aussi au comité catholique du Conseil de l'instruction publique. Il importe que ce programme soit bien compris et appliqué avec efficacité. L'inspecteur principal connaîtrait mieux nos institutrices.

Il exercerait leur jugement en leur faisant analyser, par exemple, l'Enseignement primaire, une excellente revue que l'on devrait conserver avec plus de soin dans nos écoles. De cette façon, on ne paierait pas inutilement l'inspection scolaire. C'est l'inspecteur principal qui suppléerait à la lacune dont nous souffrons par le manque d'instituteurs. Les instituteurs sont mal payés.

Dix instituteurs de Montréal, tous célibataires, ont été forcément enrôlés pour la guerre. La Commission scolaire de Montréal, par ses quatre chefs de district, leur avait promis leur salaire pendant leur absence et leur position au retour. Ces instituteurs, tous compétents et diplômés, ont été remplacés par des institutrices. Sept des professeurs sont revenus, ont demandé d'être réinstallés dans leurs fonctions. Aucun ne l'a été, et ces instituteurs-soldats sont présentement sans position et on ne leur paie pas leur salaire. Pas un seul de ces instituteurs n'est revenu du front sans un grade, depuis celui de sergent à celui de capitaine. Pas un seul d'entre eux n'a été payé de ses arrérages de salaire pendant l'absence au front. Pas un seul de ces instituteurs n'a enseigné moins de cinq ans en dehors de l'école normale et tous ont eu la prime du gouvernement provincial pour succès dans l'enseignement. Au nombre de ces instituteurs, nous relevons les noms de MM. L.-Louis Seize, H. Héroux, J. Coupal, A. Maltais, I. Bossé, H. Pilon, A. Sauvé. L'un d'eux, A. Magnan, est mort au front et sa famille n'a pas même reçu de condoléances de la Commission scolaire de Montréal, non plus que le salaire qui lui revient.

L'honorable M. David (Terrebonne): Je crois avoir essayé de toujours donner au chef de l'opposition (M. Sauvé) les explications qu'il m'a demandées. Il y a peut-être un point qui est nouveau dans ses remarques. Je crois que, si de petites commissions scolaires ne se créaient pas en marge de grandes commissions, il y aurait peut-être plus de facilités de faire des réformes. Je ne suis pas, d'un autre côté, en faveur de la centralisation scolaire qui n'a pas été trouvée un remède. Pour ce qui est de l'inspection des écoles, elle n'est pas parfaite, mais nous essayons de l'améliorer continuellement. Quant à changer le nom de l'inspecteur en celui de principal, je crois que l'inspecteur d'écoles est très satisfait de son titre actuel.

Il parle ensuite des instituteurs de Montréal. Il est bien disposé à l'égard des instituteurs, il veut l'amélioration de leur sort, mais il a confiance en la Commission scolaire de Montréal et il croit qu'elle rendra justice à ses instituteurs en autant qu'elle le pourra. De même pour les instituteurs-soldats, il dit qu'il ne voudrait pas condamner la Commission avant d'avoir entendu ses membres. La Commission a obtenu le droit d'emprunter $1,000,000; peut-être va-t-elle s'occuper maintenant du sort des instituteurs-soldats.

La proposition est adoptée.

 

En comité:

M. Sauvé (Deux-Montagnes) demande des renseignements au sujet des salaires et des états de service des professeurs de l'école normale Jacques-Cartier.

L'honorable M. David (Terrebonne) donne des renseignements.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je félicite le secrétaire provincial d'avoir enfin porté le salaire de M. Beaulne à $2,000. C'est une mesure de justice que réclamait depuis longtemps l'opposition. M. Beaulne exerçait pratiquement les fonctions de principal.

L'honorable M. Mitchell (Richmond) propose: Qu'un crédit n'excédant pas vingt-cinq mille piastres soit ouvert à Sa Majesté pour l'Université Laval de Montréal (dont deux mille piastres pour la Faculté de droit), pour l'exercice finissant le 30 juin 1921.

L'honorable M. David (Terrebonne): M. le président, avec la permission du lieutenant-gouverneur, je demanderais que l'item des subsides de l'instruction publique intitulé "Université Laval de Montréal, $25,000" soit changé par le suivant "Université de Montréal, $25,000".

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Qui vous en a donné la permission?

L'honorable M. David (Terrebonne): Le lieutenant-gouverneur. Et, si l'honorable chef de l'opposition connaît une autorité qui m'en empêcherait, qu'il me la cite.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): J'en appelle à la décision du président.

M. le président (M. Bugeaud, Bonaventure) déclare que le secrétaire provincial (l'honorable M. David) avait droit de faire changer le nom de l'université, puisque la Chambre a voté une loi pour réorganiser une université dont on a changé le nom.

L'honorable M. David (Terrebonne) s'étonne de l'opposition du député de Deux-Montagnes (M. Sauvé) à l'octroi que l'on veut donner à la nouvelle université de Montréal comme on le donnait à l'ancienne.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je tiens à savoir, d'abord, ce que le gouvernement va donner pour aider à la construction de l'université. Le gouvernement a été appelé à souscrire un certain montant. Il répond: Faites voter les municipalités, faites voter les citoyens, et nous verrons ensuite. On parle aussi de réformer le programme d'enseignement de l'université, mais ce que je veux savoir surtout, c'est ce que le gouvernement entend donner à l'université.

Va-t-il donner autre chose à l'université que ces $25,000? Il me semble que le gouvernement doit faire mieux que cela.

L'honorable M. David (Terrebonne): Si nous devons, comme le chef de l'opposition le prétend, faire quelque chose pour l'université, on ne pourra pas me reprocher d'avoir présenté le projet de loi que nous devions naturellement présenter sans avoir mûrement réfléchi.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Le secrétaire provincial veut-il dire que le gouvernement va présenter un projet de loi à cette session pour assurer une souscription à l'Université de Montréal?

L'honorable M. David (Terrebonne): Si le chef de l'opposition croit que le gouvernement doit faire quelque chose pour l'université, il ne pourra toujours pas dire que le gouvernement n'a pas bien réfléchi avant de présenter cette loi.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): M. le président, je proteste. Je suis convaincu que le député de Terrebonne n'a pas été choisi pour faire partie du cabinet pour nous répondre par des phrases évasives. Je n'ai peut-être pas la puissance d'un Fielding, mais j'ai le droit de savoir ce que je veux. Je répète ma question.

On a demandé au gouvernement d'aider l'Université de Montréal. Le gouvernement nous propose maintenant de voter $25,000 pour l'Université de Montréal. Je veux savoir si c'est tout ce que le gouvernement va faire. L'honorable secrétaire provincial fait de l'esprit, il me répond par de longues déclarations, mais il ne répond pas à ma question. On veut finir la session à la hâte. Eh bien, on ne nous dira pas cette année: Allons-nous-en, allons-nous-en!

L'honorable M. David (Terrebonne): Je suis prêt, M. le président, à donner tous les renseignements qu'il voudra au chef de l'opposition. S'il me demandait s'il y a un projet à l'étude, je lui répondrais.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): L'honorable secrétaire provincial est-il prêt à déclarer que le gouvernement va nous annoncer, d'ici à la fin de la session, ce qu'il entend souscrire pour l'Université de Montréal?

L'honorable M. David (Terrebonne): Si le gouvernement se décide à souscrire, oui.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Est-ce l'intention du gouvernement de souscrire?

L'honorable M. David (Terrebonne): Je crois me rappeler que le premier ministre a déclaré que le gouvernement a l'intention d'aider l'Université de Montréal.

Cette déclaration n'a pas été contredite. Il y a un projet à l'étude à ce sujet et, si une loi, basée sur ce projet, doit être présentée, elle le sera d'ici à la fin de la semaine.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Pourquoi d'ici à la fin de la semaine? Pourquoi pas à la semaine prochaine?

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Je suis bien prêt.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Le premier ministre est peut-être prêt à continuer la session, mais la majorité ne veut pas, je crois.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Nous pourrions peut-être passer à un autre item.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): L'honorable premier ministre ne répondra-t-il pas à ma question?

L'honorable M. Gouin (Portneuf): L'honorable chef de l'opposition n'est donc pas satisfait des réponses de l'honorable secrétaire provincial (l'honorable M. David)?

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Mais je n'en ai pas eu de réponses. Il proteste contre cette habitude de présenter toutes les législations d'importance dans les derniers jours de la session, ce qui ne permet pas aux membres de prendre le temps nécessaire pour étudier les mesures.

Il est contre les mesures importantes approuvées sans tenir compte de l'opposition et que le gouvernement pourrait tout aussi bien présenter dès le début de la session.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) ne s'attendait pas à ce qu'on s'oppose aux quatre mesures toujours en réserve, et le chef de l'opposition et les autres membres auront tout le temps dont ils auront besoin pour discuter des bills. Je peux donner l'assurance que pas une de ces mesures ne sera massacrée pour cause de manque de temps, et il est bien connu que nous n'employons jamais le bâillon en cette Chambre.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il n'a pas terminé l'examen des résolutions et demande la permission de siéger de nouveau.

Travaux de la Chambre

L'honorable M. Gouin (Portneuf) dit que, tous les comités ayant terminé leur travail, selon la coutume, on commence demain à siéger trois fois par jour.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): C'est donc la fin de la session.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Que cela ne vous empêche pas de parler.

Il propose, appuyé par le représentant de Montmorency (l'honorable M. Taschereau), que, lorsque cette Chambre s'ajournera aujourd'hui, elle soit ajournée à demain, à onze heures et demie de l'avant-midi.

Adopté.

La séance est levée.

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NOTES

 

1. Chiffre de La Presse. Le Montreal Herald mentionne plutôt 125 actions.

2. Chiffre de La Presse. Le Montreal Herald mentionne plutôt 2,226 caisses de bière.