L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Introduction historique

16e législature, 2e session
(7 janvier 1925 au 3 avril 1925)

Par Frédéric Lemieux

Le Québec, le Canada et le monde

Le monde de 1925 est encore à la recherche d’un nouvel équilibre mondial après la terrible guerre de 1914-1918 que l’on appelle toujours la Grande Guerre. Dans les années 1920, la Société des Nations (SDN) qui siège à Genève représente l’espoir d’un monde pacifié.

Au sein de cette institution, Raoul Dandurand (1861-1942), natif de Montréal, juriste et orateur reconnu, s’impose comme représentant du Canada sur la scène internationale. Il participe à l’élaboration de plusieurs documents et protocoles pour définir un nouveau droit international. En 1925, il est élu secrétaire général de la SDN, poste prestigieux qui contribue à la reconnaissance internationale du Canada. Avec les représentants de plusieurs pays, il travaille à atteindre un idéal de sécurité mondiale qui aboutit en octobre 1925 à la signature des accords de Locarno.

Pourtant, la paix du monde n’est pas assurée et on assiste à la montée de mouvements totalitaires. En Russie, Joseph Staline joue ses cartes pour récolter l’héritage de Lénine. L’Italie est déjà sous la gouverne d’un duce fasciste, Benito Mussolini, et les États-Unis connaissent une renaissance du Ku Klux Klan. En Allemagne, Adolf Hitler purge une peine de prison pour sa tentative ratée d’un coup d’État en novembre 1923. Mais, libéré en décembre 1924, il relance son parti national-socialiste qui prend dangereusement racine dans le contexte allemand de l’après-guerre.

Dans un climat international encore incertain, le XXe siècle dessine les traits de sa modernité. L’automobile, l’avion, le téléphone, le cinéma et la radio deviennent des réalités de plus en plus familières. À Paris, qui accueille les VIIIe Jeux olympiques en 1924, on prépare pour l’année suivante une grande exposition des arts décoratifs qui définissent un nouveau style, une esthétique contemporaine qui influence aussi la mode vestimentaire, la musique, la danse, la peinture et la sculpture.

Au Québec, l’année 1924-1925 est marquée par une fondation importante, celle de l’Union catholique des cultivateurs (UCC), qui deviendra plus tard l’Union des producteurs agricoles (UPA), et qui marque le début du syndicalisme agricole. Laurent Barré, cofondateur et premier président de l’UCC de 1924 à 1926, sera plus tard député à l’Assemblée législative de 1931 à 1936 et de 1944 à 1960.

Dans le milieu universitaire francophone, on a créé en 1923 un forum de communications scientifiques : l’ACFAS ou Association canadienne-française pour l’avancement des sciences. Le frère Marie-Victorin (Conrad Kirouac), qui en est l’un des artisans, fonde également la Société canadienne d’histoire naturelle. Ces débuts d’associations scientifiques sont encore modestes et hésitants, mais ils témoignent d’une certaine vitalité du monde de la recherche au Canada français.

Du côté des sciences humaines, l’histoire connaît un élan de popularité grâce à l’intérêt que suscite l’abbé Lionel Groulx qui publie Notre maître le passé en 1924. D’autres historiens, érudits et archivistes stimulent la recherche, et les noms de Pierre-Georges Roy, Aegidius Fauteux, Olivier Maurault, Gustave Lanctot se retrouvent parmi d’autres dans les catalogues et les bibliographies. À l’automne de 1925, une semaine d’histoire du Canada est organisée par la Société historique de Montréal à la Bibliothèque Saint-Sulpice.

À Québec, l’éminent greffier de l’Assemblée législative, Louis-Philippe Geoffrion, publie à compte d’auteur un essai de linguistique canadienne intitulé Zigzags autour de nos parlers. Le premier fonctionnaire de l’Assemblée porte un intérêt soutenu à la langue française et à ses particularités canadiennes. C’est également un conférencier apprécié dans la capitale.

Signalons un fait divers survenu pendant la session de 1925 et qui marquera durablement la mémoire des contemporains : un fort tremblement de terre de 6,2 à l’échelle de Richter secoue le Québec le soir du samedi 28 février. L’épicentre se situait sous le Saint-Laurent, entre Charlevoix et Kamouraska, et ses effets furent ressentis à plus de 1 000 km. On enregistra des dégâts matériels importants et une grande frayeur envahit la population, puisque de nombreuses répliques sismiques furent enregistrées également dans les semaines qui suivirent. Ce séisme demeure le plus fort survenu dans l’est du Canada au cours du XXe siècle.

 

Le contexte politique québécois

En Chambre, les forces en présence placent 63 libéraux contre 20 conservateurs ainsi qu'un membre du Parti ouvrier et un député indépendant. L’initiative semble être du côté de l’opposition qui, depuis les élections de l’hiver 1923, a augmenté ses effectifs de cinq à plus de 20 députés au Parlement. D’autres succès politiques ont renforcé les conservateurs : la défaite du maire de Montréal sortant Médéric Martin, un libéral notoire, aux mains de Charles Duquette, candidat d’Ésioff-Léon Patenaude (avril 1924), le succès du congrès de l’Union catholique des cultivateurs (UCC) à Québec (octobre 1924) et les deux victoires conservatrices lors d’élections partielles (novembre 1924). Ces gains donnent un avantage stratégique certain à l’opposition menée par Arthur Sauvé.

Les conservateurs entendent bien tirer parti des problèmes de la classe agricole qui, depuis la fin de la Grande Guerre, subit le rajustement à la baisse des prix des produits agricoles. Ils espèrent aussi marquer des points en attaquant la gestion de la Commission des liqueurs, des réserves forestières et des ressources naturelles en général. Sauvé, un ancien journaliste, se fait énergique et profite beaucoup de son lieutenant Patenaude, un avocat, qui donne à l’opposition une crédibilité juridique nouvelle et très utile pour affronter le gouvernement. À leurs côtés siègent Jules Langlais, député de Témiscouata, Arthur Plante, député de Beauharnois, Alfred Duranleau, député de Montréal-Laurier, et Joseph Dufresne, député de Joliette. Grâce à cette équipe, Sauvé a bel et bien terminé sa longue traversée du désert qui, de 1916 à 1923, l’avait contraint à affronter la majorité libérale pratiquement seul.

À la limite des deux partis gravitent deux députés, Ernest Tétreau, de la circonscription de Montréal-Dorion, et Pierre Bertrand, de Saint-Sauveur. Tétreau, qui se dit libéral à Ottawa et conservateur à Québec, y va de violentes attaques contre l’administration libérale de Louis-Alexandre Taschereau. En fait, des deux côtés de la Chambre, on compte une dizaine de députés jaloux de leur indépendance qui, s’ils votent généralement avec leur parti, votent parfois avec le camp opposé sur certaines lois particulières.

Face à la vigueur de l’opposition, les principaux ténors ministériels se montrent à la hauteur du défi. Le premier ministre Taschereau est maintenant solidement installé au pouvoir et dirige le gouvernement d’une main ferme. À ses côtés siègent une demi-douzaine de parlementaires de premier plan qui, par leur haut calibre, ont, le plus souvent, l’avantage sur ceux de l’opposition. Les plus sollicités sont Joseph-Édouard Caron, ministre de l’Agriculture, et Joseph-Édouard Perrault, ministre de la Colonisation, de la Chasse et des Pêcheries. Athanase David, secrétaire provincial, vient compléter ce trio. À un degré moindre, Jacob Nicol, Honoré Mercier fils et Antonin Galipeault sont les autres ténors de cette puissante équipe ministérielle.

Les débats se font animés, mais il est très rare que l’on contrevienne aux usages parlementaires. La sympathie personnelle traverse bien souvent le parquet de la Chambre et de nombreux adversaires, une fois les débats terminés, se rencontrent volontiers en camarades sur un terrain neutre. Toutefois, écrit La Presse, « nous ne croyons pas que la chose arrive jamais pour MM. Sauvé et Taschereau » qui, comme autrefois, « s’adressent des paroles qui ne sont pas précisément des compliments. Ils paraissent bien sincères tous les deux quand ils se battent l’un contre l’autre1 ». Le gouvernement offre tout de même pour la première fois à Sauvé un bureau au parlement. L’inauguration de l’édifice de la rue Sainte-Julie (appelé alors « l’aile Galipeault », aujourd’hui édifice Honoré-Mercier) règle momentanément le problème du manque d’espace à l’hôtel du Parlement où les employés étaient « cordés comme des sardines2 ».

Comme les conservateurs sont largement majoritaires dans la région de Montréal depuis 1923, ils courtisent les cultivateurs pour percer dans les campagnes lors des prochaines élections. Disant parler au nom de l’ouvrier et du cultivateur, ils misent sur la prétendue colère des campagnes contre la loi des bons chemins. Ils espèrent aussi forcer le gouvernement à ouvrir les livres de la Commission des liqueurs vue comme une distributrice de faveurs politiques et une source de contrebande aux produits de qualité douteuse.

Croyant réellement que le gouvernement montre des signes de fatigue, Sauvé et ses collègues échappent souvent des phrases révélatrices comme « Quand nous serons au pouvoir » et « Quand le gouvernement sera renversé ». À mi-chemin du mandat du gouvernement, cette opposition gagnant en expérience se croit arrivée à un point tournant. Elle croit même percevoir dans l’air politique des effluves ressemblant à celles du pouvoir.

 

Les principaux débats de la session

L’adresse en réponse au discours du trône est l’occasion pour l’opposition d’attaquer le gouvernement avec force. Au total, 30 orateurs se feront entendre durant les deux premières semaines de la session. Pour Sauvé, le gouvernement a négligé de convoquer le Parlement pour discuter des nombreux problèmes dont souffre la province. En conséquence, le discours du trône est un « menu de carême » qui ne répond pas aux attentes de la population. (13 janvier 1925) Le chef de l’opposition reproche au gouvernement son manque d’écoute qui, croit-il, va bientôt lui coûter le pouvoir s’il ne fait pas attention.

En réplique, Taschereau admet, malgré la prospérité financière de la province, qu’il y a crise. Selon lui, cette crise a toutefois été amoindrie au Québec grâce à la sagesse du gouvernement en place. Le premier ministre enchaîne ensuite sur les réalisations du gouvernement libéral, surtout sur le développement sans précédent des ressources naturelles.

Deux événements créent une accalmie durant l’adresse. William Lyon Mackenzie King, premier ministre du Canada, arrive à Québec et devient le centre de grandes célébrations libérales. King gouverne à Ottawa grâce à une très faible majorité, et tous s’attendent à ce que des élections générales soient déclenchées vers la fin de l’année. Quelques jours après, une importante délégation ontarienne, dite de la « bonne entente », arrive à Québec menée par le premier ministre Ferguson.

Ces 350 voyageurs viennent pour des raisons politiques et commerciales. On souhaite notamment ramollir la résistance de Taschereau, qui bloque le projet du Temiskaming & Northern Ontario vers les riches gisements de Rouyn. Du côté québécois, le principal objectif est d’obtenir le rappel du Règlement XVII qui, depuis 1912, a pour ainsi dire aboli l’enseignement en français pour les Franco-Ontariens. Le banquet donné à Québec réunit 1 200 convives et « il y a lieu de s’attendre, écrit La Patrie, à des déclarations d’une haute portée sur l’union et la bonne entente entre les deux races qui cohabitent notre pays.3 » Malheureusement, Ferguson déclare trouver acceptable la situation scolaire des Canadiens français chez lui. La déception est grande du côté québécois; des torrents d’encre couleront encore avant que le Règlement XVII tant honni soit enfin révoqué en 1927.

À partir de février, le discours du budget et l’étude des crédits provoquent de vigoureux débats. À une reprise, l’examen des crédits de la voirie dure jusque tard dans la nuit. Le reste du temps, beaucoup de députés brillent par leur absence de la Chambre. L’attention est principalement dirigée vers le comité des comptes publics où, en parallèle, l’opposition cherche à prendre en défaut l’administration de la Commission des liqueurs. Comme le gouvernement défend sa créature avec énergie, l’attention du public et des journaux est davantage tournée vers ce théâtre que vers les travaux de la Chambre.

 

La Commission des liqueurs

Depuis 1923, l’opposition fait campagne contre la contrebande florissante dans la province. Les conservateurs laissent entendre notamment que les amis du gouvernement jouissent d’une impunité à cet égard. Pour une troisième année consécutive, l’opposition demande une enquête sur les opérations de la Commission des liqueurs, ce que le gouvernement leur a toujours refusé affirmant que cela pourrait nuire aux affaires de la Commission.

Début 1925, le gouvernement Taschereau ressent un certain mécontentement dans l’opinion publique lui imputant le fardeau de la preuve quant à la légalité des opérations de la Commission. Le premier ministre finit par accepter d’ouvrir les livres de la Commission qui, le 27 janvier, dévoile des profits de 4 000 000 $ pour 1924-1925. « On nous a poussés à bout par les dernières campagnes », dit Taschereau, et le gouvernement n’en peut plus de se faire soupçonner de cacher des choses à la population. Sauvé et les conservateurs triomphent, mais Taschereau ajoute qu’ils devront porter l’odieux de faire perdre 200 000 $ à la province et de risquer que des fournisseurs européens soient mécontents de voir leurs prix de vente dévoilés.

En retour, le gouvernement veut que l’opposition donne des précisions sur l’objet de l’enquête, car la motion conservatrice est rédigée pour enquêter sur « toutes opérations » et sur « l’administration générale » de la Commission. On ne doit pas faire une enquête trop large, dit le premier ministre, car elle risque de ne pas aboutir. C’est évidemment un habile piège tendu à l’opposition dont les accusations, depuis deux ans, ne sont qu’indirectes. « Le gouvernement veut et ne veut pas », répond alors Duranleau, « comme une jeune femme qui ne veut plus se marier ». « C’est l’opposition qui veut et ne veut pas », riposte Taschereau. Finalement, le gouvernement élargit lui-même l’enquête par un amendement qui permet au comité de faire enquête sur certains particuliers soupçonnés de faire de la contrebande d’alcool. L’opposition hésite de nouveau, car elle voit cette manœuvre davantage comme un bluff, mais tant pis : après avoir fait autant de bruit pour obtenir son enquête, elle ne peut maintenant plus reculer.

L’enquête commence le 17 mars, mais le comité des comptes publics se limite aux points précis que l’opposition est contrainte de soumettre au gouvernement. Dès le début, le gouvernement force l’examen du cas de contrebandiers potentiels tels que Allan Bray, député conservateur de Montréal-Saint-Henri, dans une affaire d’importation d’alcool hors des frontières québécoises. Bray se défend et, en réplique, l’opposition fait sortir le nom du sénateur Marcellin Wilson, qui est, entre autres, un important actionnaire du quotidien Le Canada. Les séances du comité offrent beaucoup d’action, mais ne cessent de dévier de leur but premier. Finalement, alors que l’ordre du jour de la Chambre est épuisé, l’enquête est ajournée et se solde par un match nul.

 

L’agriculture et la colonisation

Pendant la guerre de 1914-1918, les prix des produits manufacturés ont augmenté tout comme ceux des produits de la ferme. La récession de 1921 a fait s’effondrer les seconds, alors que les premiers continuent d’être élevés. Le cultivateur québécois est victime de trois phénomènes : la baisse de la demande extérieure, une concurrence étrangère féroce de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande sur le marché anglais et, surtout, la fermeture des frontières américaines depuis 1922 à cause du bill Fordney, une mesure protectionniste qui surtaxe surtout les produits agricoles étrangers.

Quatre ans plus tard, la crise se fait toujours sentir durement chez les fermiers québécois. Charles Gagné, professeur à l’École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, écrit, en février 1924, que le cultivateur du Québec doit acheter des machines et d’autres instruments de culture qui coûtent, en 1923, 64 % plus cher qu’en 1913, des habits qui coûtent 75 % plus cher en 1923 qu’en 1913; du ciment qui coûte 63 % plus cher en 1923 qu’en 1913; du fil de fer qui coûte, en 1923, 44 % plus cher qu’en 1913. En même temps, la valeur brute de la production agricole en 1920, qui était de 266 367 000 $, n’a cessé de décroître depuis pour atteindre 135 679 000 $, en 19234.

Dans ce contexte, l’opposition blâme le gouvernement de ne pas alléger le fardeau des cultivateurs qui, dit-elle, sont surchargés de taxes. Sans crédit agricole, l’agriculture, l’un des fondements traditionnels de la société canadienne-française, est à ce point en crise que des Québécois par milliers abandonnent leurs terres pour les manufactures des États-Unis. La conjoncture difficile touche particulièrement les régions de colonisation où les fermes naissantes sont paralysées; d’un autre côté, la vente du bois, sortie de secours par excellence des colons, ne rapporte presque rien, car l’industrie forestière est elle aussi grandement affectée par cette crise. Bien que le gouvernement se défende d’être la cause d’un exode rural qu’il refuse de reconnaître – on dit que nombreux sont ceux qui reviennent –, aucun des deux partis n’est en mesure de quantifier l’ampleur de cet exode.

Le gouvernement, par la voix de son ministre de l’Agriculture Joseph-Édouard Caron, admet que l’agriculture au Québec traverse une crise sérieuse. Il s’emploie du même souffle à démontrer que la coopération, malgré les obstacles érigés par l’UCC, a fait des progrès et a procuré de meilleurs prix aux cultivateurs pour leurs produits. L’amélioration des troupeaux et des conditions d’hygiène dans les laiteries et les beurreries a valu au Québec de nombreux prix mérités lors d’expositions agricoles hors Québec. Ce n’est pas la faute du gouvernement si certains cultivateurs ont pris goût au luxe des années de guerre et ont fait preuve d’imprévoyance. Et puis, martèle le ministre Caron, la crise n’est pas seulement ressentie au Québec, mais partout dans le monde. Dans ces circonstances, le gouvernement a fait de son mieux et les cultivateurs lui ont d’ailleurs renouvelé leur appui à plusieurs reprises depuis 1923.

Le ministre de la Colonisation, Joseph-Édouard Perrault, ajoute que le gouvernement libéral a permis l’ouverture de 85 nouvelles paroisses en 10 ans. Prenant les témoignages des missionnaires-colonisateurs comme preuve, Perrault minimise l’ampleur du mouvement d’émigration et vante les progrès de certaines régions, telle l’Abitibi qui, grâce à la découverte de riches gisements, est sur le point de connaître un important essor minier. De plus, annonce le ministre, toutes les colonies possèdent ou sont sur le point de disposer d’églises et d’écoles au même titre que les vieilles paroisses. La colonisation ne régresse donc pas, estime le ministre, et elle va continuer ses avancées dans les années qui viennent.

 

La voirie

Ces discours des ministres Caron et Perrault, solides et consistants, ne donnent évidemment pas satisfaction aux conservateurs. Selon eux, les cultivateurs sont accablés par un autre mal : la loi des bons chemins. Depuis 1912, cette loi a permis aux municipalités du Québec d’emprunter au gouvernement pour construire et entretenir des routes.

L’opposition, désireuse de faire des gains chez les cultivateurs, affirme en substance que, malgré des conditions d’emprunt avantageuses, les municipalités rurales sont endettées et forcées de taxer davantage leurs contribuables. Et à qui servent vraiment les routes? Pas aux cultivateurs, qui, en général, n’ont pas d’automobile, et qui ne sont plus maîtres chez eux, car leurs chemins sont envahis par les touristes et les gens de la ville. Ces « étrangers » détruisent les routes construites à grands frais – et mal construites de surcroît, dit-on – par des favoris du régime. L’opposition se montre particulièrement choquée du fait que le gouvernement poursuive en justice plusieurs municipalités qui ont refusé de rembourser leur emprunt. Les conservateurs approuvent ces conseils municipaux qui, affirment-ils, ont été bernés par les fausses promesses d’emprunts avantageux et se révoltent face à leur endettement excessif.

Le gouvernement répond à ces griefs en démontrant l’essor inouï de l’« automobilisme ». Selon des statistiques données par le ministre Perrault (le porte-parole de Joseph-Léonide Perron, ministre de la Voirie et conseiller législatif), le Québec ne comptait que 254 automobiles sur ses routes en 1907. En 1924, ce nombre atteint 60 484 voitures et l’on évalue qu’il dépassera 70 000 à la fin de 1925. Le Québec est donc la troisième province au Canada pour le nombre d’automobiles5.

Certes, admettent les ministériels, les routes se détériorent plus rapidement que prévu, mais qui pouvait prévoir l’essor formidable de l’automobile? Et les cultivateurs profitent eux aussi des routes qui brisent leur isolement et donnent un meilleur accès aux marchés pour vendre leurs produits. Si les conditions d’emprunt sont si effrayantes, pourquoi nombre de villes demandent de se prévaloir de la loi au point où le gouvernement ne suffit pas à la demande? Aucune municipalité n’a été leurrée, affirme Perrault, ni forcée à emprunter en vertu de la loi de 1912.

La droite trouve l’opposition particulièrement irresponsable d’encourager la désobéissance des municipalités poursuivies pour non-paiement de dettes. Elles ont bénéficié d’un taux d’intérêt avantageux et n’avaient qu’à être plus prévoyantes. Comment le gouvernement pourrait les libérer de leurs dettes – une demande de la gauche – alors que la majorité d’entre elles ont emprunté aux mêmes conditions et sont parvenues à rembourser en entier sans se plaindre?

Par ailleurs, le département de la Voirie prend à sa charge l’entretien d’un nombre grandissant de chemins. C’est ce qu’affirme Joseph-Léonide Perron qui, du Conseil législatif, prononce de retentissants discours vantant les réalisations en ce domaine. Il proclame notamment que sur les 3 200 milles (5 100 km) de routes provinciales et régionales que prévoyait le programme de 1912, il ne reste que 714 milles (1 150 km) à construire.

 

La politique sociale

Deux lois emblématiques des libéraux subissent quelques ajustements : la loi sur l’assistance publique et la loi de l’adoption. Les relations teintées de suspicion entre le gouvernement Taschereau et l’épiscopat depuis les élections de 1923 imposent au premier ministre d’être prudent.

La loi sur l’assistance publique, adoptée en 1921, a subi de nombreuses attaques provenant d’éléments conservateurs du clergé qui y voient une ingérence de l’État dans les affaires religieuses. En contrepartie, cette loi a remporté un vif succès auprès de nombreuses communautés religieuses qui, avec la permission de l’évêque, ont pu disposer de fonds pour construire des hôpitaux, des crèches et mettre sur pied d’autres institutions à caractère social.

Dans ce délicat dossier, le gouvernement Taschereau ne peut claironner sa fierté trop ouvertement. Cinq évêques refusent toujours systématiquement de solliciter des octrois en échange – condition sine qua non – d’un contrôle par l’État des livres de leurs communautés. Pour amoindrir les irritants et faire taire certaines critiques – celle d’Henri Bourassa dans Le Devoir –, Athanase David et Taschereau obtiennent la collaboration de Mgr Ross, évêque de Gaspé, qui suggère un amendement destiné à établir clairement que « rien ne pourra préjudicier aux droits de l’évêque sur ces communautés religieuses ». L’amendement est voté sans difficulté, mais ce geste habile n’empêche pas de susciter de vigoureux débats. Le premier ministre établit tout le bien de cette loi qui, malgré les « diatribes » de l’opposition, a fourni plus de 3 000 000 $ aux institutions de charité et sauvé nombre d’entre elles de la banqueroute. Et Taschereau ajoute avec dédain : « On nous a calomniés, et j’en vois ici même en cette Chambre qui ne sont pas meilleurs chrétiens que nous et qui nous dénonçaient au nom de la religion et qui ont dit des choses incroyables sur les "hustings". » (24 mars 1925)

Quant à la loi de l’adoption, le gouvernement se montre tout aussi prudent. Taschereau rappelle qu’il fut accusé de conspirer contre la foi catholique, en 1924, au moment de l’adoption de cette loi. Ses plus virulents détracteurs ont été Bourassa, du Devoir, suivi par L’Action catholique et La Semaine religieuse de Québec. À l’époque, ce regain de tension entre le gouvernement et l’Église occultait le fait que la loi avait d’abord été souhaitée par les ordres religieux responsables des orphelinats.

Le projet de 1924 visait à la fois à faciliter le processus d’adoption et à protéger les familles adoptives contre les recours ultérieurs des parents naturels. On voulait également soulager les foyers et les orphelinats surpeuplés d’enfants non désirés ou illégitimes. Certes, le fait que cette loi avait été votée dans la précipitation aux toutes dernières heures de la session, sans tenir compte des avis de l’opposition, n’avait fait que provoquer davantage ses détracteurs.

En 1925, Taschereau est désireux de calmer le jeu et de prouver sa bonne foi avec des amendements qu’il présente comme étant le fruit des suggestions de membres influents du clergé. L’opposition, avec une fierté mal contenue, y voit – tout comme dans le cas de l’assistance publique – un acte de contrition forcé d’un gouvernement qui, grisé par sa puissance, a adopté des lois imparfaites à toute vapeur.

 

Le développement des ressources naturelles

L’immense potentiel en richesses naturelles de la province vaut au gouvernement Taschereau d’être constamment sollicité par les grands capitalistes étrangers. Les réponses du premier ministre démontrent qu’en 1925, on est bien loin de l’époque de Simon-Napoléon Parent (1900-1905), où l’on cédait pratiquement sans condition et à perpétuité les ressources de la province.

Taschereau déclare formellement que le Québec n’exportera jamais son hydroélectricité pour alimenter les usines américaines. Celles-ci devront plutôt s’installer dans la province, déclaration qui vise à la fois le capital étranger et le pouvoir fédéral. Ottawa a en effet le pouvoir de concéder des chartes à des compagnies non québécoises désireuses d’exploiter les richesses naturelles québécoises.

En Abitibi, par exemple, d’importants gisements de cuivre et d’or, découverts près de Rouyn, sont convoités par des compagnies minières ontariennes. Pour s’y rendre, le premier ministre Howard Ferguson demande à Québec le droit de prolonger en sol québécois un chemin de fer d’Ontario jusqu’à Rouyn. Québec refuse ce privilège, qui dirigerait irrémédiablement vers les fonderies de Toronto le minerai québécois. Pour prévenir ce scénario, on vote une loi pour construire un nouvel embranchement ferroviaire qui dirigera plutôt les wagons vers Montréal.

À l’autre extrémité de la province, le premier ministre Peter Veniot, du Nouveau-Brunswick, demande l’aide de Québec dans la construction d’un barrage sur la rivière Saint-Jean. Ce projet, réalisé en sol néo-brunswickois, nécessite de construire en amont, du côté québécois, des digues sur le lac Témiscouata et ses affluents pour régulariser le débit de la Saint-Jean. En retour, Québec exige notamment 5 000 chevaux-vapeur d’énergie électrique du futur barrage, qui alimenteront la région du Témiscouata.

Si l’opposition approuve l’embargo sur l’exportation d’énergie électrique, elle aimerait le voir s’étendre au bois de pâte et à l’amiante, ce dernier étant toujours exporté à l’état brut. Dans plusieurs discours aux arguments étoffés, Patenaude déplore la timidité du gouvernement en ce domaine. Taschereau lui signale qu’il ne peut révoquer arbitrairement les ententes signées par le gouvernement avec des compagnies qui exploitent ces ressources.

Arthur Buies disait au XIXe siècle que « les chemins de fer sont les veines par où circule le sang d’un pays ». Hector Authier, député d’Abitibi, réactualise ce dicton durant la session : « Les affaires suivent les voies de communication6. » Pour l’illustrer, près d’une demi-douzaine de chartes sont concédées à différentes compagnies de chemin de fer qui opèrent en Abitibi, dans l’Outaouais et autour de Chicoutimi. Le gouvernement se félicite de favoriser ainsi l’exploitation des richesses naturelles, l’agriculture et la colonisation. L’opposition, quant à elle, voit plutôt d’un mauvais œil cette expansion ferroviaire. Trop de chemins de fer nuisent à la rentabilité des compagnies. La difficile nationalisation des chemins de fer, entreprise à partir de 1918, est encore toute fraîche dans les esprits. Le gouvernement canadien avait dû imposer cette solution draconienne aux nombreuses compagnies gravement déficitaires qui étaient nées dans l’euphorie ferroviaire de l’époque de Wilfrid Laurier.

Sur le plan forestier, de grands industriels ont fait part de leurs inquiétudes quant au rythme effréné de l’exploitation du bois. Les nombreux feux de forêt de l’été 1923 ajoutent aux craintes d’un épuisement prochain de cette ressource. En Chambre, l’opposition relaie ce discours et reproche l’aliénation de la forêt au capital étranger. En réponse, le gouvernement fait voter des mesures pour favoriser le reboisement, mais le ministre Mercier fils, optimiste, refuse de croire à un épuisement prochain des réserves forestières.

 

Le budget de la province

Dans son discours sur le budget, livré le 3 février, le trésorier Jacob Nicol déclare un surplus de 1 303 440 $. Si les dépenses estimées ont été de 21 567 292 $ plutôt que de 17 733 437 $, les revenus anticipés ont aussi été plus grands que prévu. Ils se sont chiffrés à 23 170 733 $ plutôt qu’à 18 291 346 $. Les journaux ministériels évoquent l’enrichissement de la province sous la gouverne libérale éclairée : de 4 450 000 $ en 1900, les recettes annuelles se chiffrent à 10 000 000 $ environ en 1915, pour atteindre plus de 23 000 000 $ en 1924.

Personne ne contredit réellement ce bilan généralement positif, surtout pas Charles Ernest Gault, député de Montréal-Saint-Georges, pourtant critique financier de l’opposition. En fait, sa réponse complaisante empêche l’opposition de marquer des points contre le gouvernement. Pire encore, Gault, dénué de tout sens politique, réussit même à placer son parti sur la défensive en proposant de réduire à quatre le nombre de provinces constituant le Canada – le Québec et l’Ontario n’en formant qu’une seule. Tout cela, pour régler le problème de la suradministration qui, dans son esprit, afflige les Canadiens. À l’époque où le Règlement XVII sévit encore en Ontario, cette suggestion aussi candide que malheureuse mérite à Gault de subir le feu nourri des libéraux. La Presse estime pour sa part que c’est là « pousser un peu loin l’esprit très désirable de la Bonne Entente7 ».

Sauvé est forcé de réparer les pots cassés et affirme en substance que le député de Montréal-Saint-Georges a été mal compris8. Gault se dit à son tour surpris par la controverse et affirme que ce n’était là qu’une boutade, sans vraiment convaincre personne. Le ministre Perrault lui répond d’ailleurs : « Tout le monde ici pensait qu’il était un homme sérieux et qu’il ne ferait pas de telles déclarations en Chambre simplement pour badiner9. » (12 février 1925)

 

La fête de la Saint-Jean-Baptiste

Par un vote unanime, la Chambre fait du 24 juin un jour férié pour fixer officiellement dans le calendrier une fête qui, dans chaque région, était célébrée entre le 20 juin et le 15 juillet. Dans un discours patriotique, Ernest Tétreau rappelle les origines du peuple de la province de Québec avec éloquence. Au Conseil législatif, Henry Miles se fait le représentant de la minorité anglophone et appuie le bill sans réserve. La grande majorité des journaux saluent ce geste d’ouverture envers la « race » canadienne-française. (26 février 1925)

Quelques rares notes discordantes se font néanmoins entendre. Il vaut la peine d’en commenter quelques-unes. Certains journaux comme Le Monde ouvrier estiment que la Législature a agi par crainte des « patriotards » en quête de publicité. En devenant jour chômé obligatoire, la fête nationale ira-t-elle jusqu’à obliger les entreprises à fermer leurs portes? Rien n’est moins certain. Ceux parmi les Canadiens français qui seront obligés de travailler seront traités de mauvais patriotes, ou de chômer et de risquer de perdre leur place dans les usines au profit de travailleurs étrangers qui, eux, ne fêteront pas10.

L’Événement reprend aussi ces arguments et expose sa méfiance du groupe nationaliste qui, grâce à une campagne de publicité, a fortement incité les parlementaires à l’entériner, ceux-ci sentant « quelle guérilla féroce on entreprendrait contre eux s’ils la repoussaient11 ». Ce journal va même jusqu’à dire que le Conseil législatif rendrait un « discret service » à la nationalité s’il annulait le vote de l’Assemblée.

L’autre commentaire digne de mention provient du ministre Antonin Galipeault, seul de son camp à émettre des réserves sur cette loi. Pour lui, la majorité ne doit pas imposer ce qui deviendra fête nationale officielle à ses concitoyens de « races » et croyances différentes. En allant de l’avant, les minorités écossaises et irlandaises, par exemple, seraient justifiées de demander des congés fériés à la Saint-André et à la Saint-Patrice. (14 janvier 1925) Que les Canadiens français comptent pour plus de 85 % de la population québécoise ne semble pas entrer en ligne de compte pour Galipeault12.

 

L’union des Églises protestantes

L’union de cinq Églises protestantes a d’abord été réalisée à Ottawa grâce à une loi fixant la constitution de la nouvelle Église unie. Le Québec doit maintenant déterminer le partage des pouvoirs civils quant aux biens mis en commun. Les partisans de l’union espèrent mettre en commun les lieux de culte et les biens généraux de chaque confession pour améliorer leur santé budgétaire. Les opposants, eux, ne veulent pas plier à ce genre d’arguments ni abandonner leurs croyances religieuses en s’intégrant dans une autre Église qui ne leur convient pas.

Certains plaidoyers entendus au comité permanent des bills privés sont passionnés : à un certain moment, ceux en faveur de l’union essuient les injures des opposants13. Les journaux anglophones accordent une grande attention à cette question, ce qui n’est pas le cas chez les francophones. « À la vérité, lit-on dans La Presse, la cause est assez froide pour notre province, à peu près exclusivement catholique, et qui assiste passablement indifférente à cette querelle au sein de la grande famille anglo-saxonne14. »

La majorité catholique et francophone est embêtée par ces enjeux qui lui sont absolument étrangers. Le premier ministre Taschereau lui-même avoue ne pas trop s’y retrouver. Par souci de ne pas brimer involontairement la minorité, on décide finalement de remettre la question à plus tard tant que l’Ontario, qui doit se prononcer sur l’union, n’aura pas pris une décision.

 

Les écoles juives

Le système des commissions scolaires protestantes et catholiques, instauré par la Constitution de 1867, rendait problématique l’intégration scolaire des enfants de confession judaïque.

À l’origine, ils pouvaient être instruits dans l’une ou l’autre branche du réseau scolaire. En 1903, une modification à la loi d’éducation a dirigé exclusivement ces enfants vers les écoles protestantes. Or, de 2 144 qu’ils étaient en 1903, ils sont plus de 11 000 en 1922. Cet accroissement provoque les plaintes des autorités scolaires protestantes. Elles demandent sans succès au gouvernement de revenir à la situation qui prévalait avant 1903.

Pour trouver une solution, le gouvernement Taschereau met sur pied une commission spéciale, en juillet 1924, qui, à la fin, suggère de soumettre la question à la Cour d’appel. Celle-ci ne permet pas de régler la question : elle a plutôt statué que la loi de 1903 était anticonstitutionnelle et, en conséquence, que le Parlement ne pouvait imposer les enfants juifs aux seules commissions scolaires protestantes. La Constitution empêche de plus de créer des écoles séparées pour eux. Devant cette impasse, Taschereau déplore que ces milliers d’enfants soient menacés de ne pas recevoir d’instruction. La Chambre décide finalement de renvoyer la question au Conseil privé, à Londres15.

 

Le bill de Montréal

Le bill de Montréal (17 mars 1925) arrive devant la Chambre quelques jours après la grande enquête municipale du juge Louis Coderre sur la police de Montréal. Dans ce rapport, le juge condamne en bloc la conduite du corps policier et identifie les nombreux maux qui affligent Montréal. Incompétence et abus des policiers côtoient prostitution, corruption, recel, contrebande. « Le vice, écrit le juge, s’étale dans notre ville avec une hideur et une insolence qui paraissent sûres de l’impunité16. »

Cette enquête retentissante provoque peu d’échos en Chambre, mais constitue tout de même la toile de fond de l’étude du bill de Montréal. Les changements demandés par le maire Charles Duquette à la charte de Montréal sont importants. Le maire souhaiterait faire amender la charte récemment adoptée par référendum (la « cédule B »), laquelle garantit au Conseil exécutif une autorité que Duquette aimerait bien avoir. Le gouvernement refuse, car la nouvelle charte vient tout juste d’être adoptée par le vote populaire et qu’en conséquence il est trop tôt pour en demander des modifications.

Face à Montréal, le gouvernement Taschereau est soucieux de ne pas trop paraître interventionniste. La ville est en plein développement et le conseil municipal demande au Parlement de trancher des questions comme la répartition des coûts de l’ouverture de nouvelles artères entre propriétaires desservis. Le conseil municipal, n’ayant pu s’entendre sur cette question, souhaite que la Législature lui suggère un règlement en vue des nombreux développements à venir. Or, le premier ministre Taschereau et la Chambre estiment ne pas avoir à se prononcer, la majorité des députés ne connaissant rien aux problèmes montréalais, et il serait bien malaisé de trancher.

Le gouvernement refuse également d’imposer une taxe spéciale sur les compagnies « d’utilité publique » qui, plaident les avocats de la Ville, utilisent les infrastructures municipales et sont par le fait même coupables de les détériorer. C’est s’attaquer à un gros morceau : les trusts qui contrôlent l’électricité, le gaz et les tramways à Montréal possèdent aussi leurs entrées au Parlement. On refuse également à Montréal d’emprunter 6 000 000 $ pour des travaux que la Ville juge urgents, sous prétexte que les contribuables n’ont pas été consultés.

En résumé, le gouvernement repousse plusieurs demandes de la Ville en insistant pour qu’elle règle ses problèmes grâce aux mécanismes internes de démocratie municipale. En réalité, Taschereau ménage Montréal qui, depuis 1923, est devenue la forteresse des conservateurs de Sauvé. Ce respect nouveau de l’autonomie municipale doit faire taire ceux qui l’ont accusé longtemps de vouloir tout contrôler et de prendre Montréal pour la « vache à lait » de la province.

 

Les bons mots de la session

La question des ressources naturelles est l’occasion de nombreuses déclarations qui font sourire. L’opposition conservatrice est convaincue déjà que l’électricité (la « houille blanche ») pourrait être utilisée pour chauffer les maisons. Le député Pierre-Vincent Faucher rappelle la croisade menée sur ce thème par son chef, Arthur Sauvé, qui lui a valu d’être traité de rêveur en 1915 par Le Canada. Il vaudrait bien mieux utiliser la houille blanche de nos « pouvoirs d’eau », affirme Faucher, que de se servir du charbon. Mais cela ne persuade toujours pas Télesphore-Damien Bouchard qui, lui, ne croit pas en l’utilisation de l’électricité pour le chauffage domestique. Il félicite d’ailleurs le gouvernement d’avoir suivi à ce sujet « l’opinion émise par les ingénieurs compétents ».

Les immensités forestières québécoises sont telles en 1925 que le ministre responsable, Honoré Mercier fils, fait preuve d’un optimisme débordant. Aux pessimistes qui disent que la forêt sera épuisée dans 10, 15 ou 60 ans, Mercier répond que d’autres estiment, « plus raisonnables et plus véridiques, que nos bois seront perpétuels ». Le système de surveillance de la coupe instauré par le gouvernement, juge le ministre, « est assez perfectionné pour que la province de Québec garde sa forêt à perpétuité et que les enfants de nos petits-enfants exploitent à leur profit les bois de notre riche territoire ». Mercier, étant décédé en 1937, ne pourra voir ce que les générations suivantes auront fait de ces « forêts perpétuelles ». (5 février 1925)

De la scène politique municipale proviennent deux lois assez particulières sur lesquelles le Parlement doit se prononcer. Il y a d’abord le « bill » de L’Assomption, où le conseil municipal de la paroisse adopte des règlements depuis 1907 en ayant oublié un petit détail : les faire signer par le maire et le secrétaire-trésorier pour qu’ils aient force de loi. La paroisse demande au Parlement de régulariser la situation, ce qui est accordé. (28 janvier 1925)

Le député Édouard Hamel présente ensuite un projet de loi visant à rendre éligibles aux conseils municipaux les citoyens qui ne savent ni lire ni écrire. Cette mesure, que les mauvaises langues appellent le « bill des illettrés », veut adoucir la sévérité de la loi en vigueur qui empêcherait des hommes sérieux, compétents et judicieux de remplir la fonction de conseiller. D’un autre côté, ses opposants ne veulent pas d’un tel retour en arrière au profit de quelques individus qui sont plutôt l’exception. Ceux-ci devraient apprendre à lire et à écrire convenablement avant de briguer les fonctions municipales.

Ludger Bastien, nouveau député et ancien chef des Hurons de Loretteville, fait une première intervention marquée au coin de l’esprit et de l’humour :

S’il faut en croire dit-il, les journaux américains, probablement informés par certains de mes adversaires qui m’ont combattu, je serais ici à mon siège en grand costume huron, avec flèches, carquois et tomahawk. Mais soyez sans crainte, il y a longtemps que j’ai enterré la hache de guerre et ce n’est pas mon intention de scalper ni le premier ministre, ni aucun des messieurs du gouvernement. Ce sang huron, dont je suis fier, ne m’enlève pas mes idées pacifiques, mais me donnera peut-être ces énergies et forces dont j’aurai besoin pour remplir mon mandat de député honnêtement et loyalement. (10 février 1925)

 

La proposition douteuse de Charles Ernest Gault de réduire à quatre le nombre de provinces au Canada suscite de nombreuses réactions. Honoré Mercier fils affirme que si l’opposition arrive au pouvoir, le Québec sera annexé à l’Ontario. Son vis-à-vis conservateur, Joseph Renaud, répond : « Ça n’arrivera pas. » La droite applaudit aussitôt, jugeant que Renaud parle non pas de l’annexion, mais bien de l’accession au pouvoir des conservateurs. (10 février 1925)

Le 16 février, Sauvé insiste contre la construction d’un chemin de fer par la compagnie Singer qui a besoin de bois pour fabriquer ses machines à coudre. La Chambre est pratiquement vide, car c’est un projet de loi mineur. Mais le chef de l’opposition ne l’entend pas ainsi et déplore que la compagnie ne veuille pas assurer le transport des colons. Sauvé ne cesse de presser Taschereau en disant craindre que la compagnie ne construise d’autres embranchements qui passeront sur des terres des colons. Impatienté, Taschereau répond : « Vous pensez bien que l’industrie ne s’amusera pas à multiplier ces embranchements pour le simple plaisir de se promener dans le bois. »

Le ministre Joseph-Édouard Perrault est à l’origine de plusieurs bons mots durant la session. Fort en nuances, il parle un jour des progrès de l’agriculture depuis 15 ans et mentionne que, dans le temps, nos produits laitiers étaient « presque pitoyables ». (12 février 1925) Sur la colonisation, Perrault raconte qu’il y a 50 ans, soit du temps des conservateurs, il ne se faisait rien en ce domaine. Sauvé proteste énergiquement : « Il y a 50 ans, la situation n’était pas la même et la province n’était pas aussi riche. Et cependant, on faisait quelque chose. Qui a ouvert le nord de Montréal? Qui a ouvert le Lac-Saint-Jean, il y a 50 ans? Ce n’est pas les hommes qui siègent sur les bancs du gouvernement. » Une voix lui répond aussitôt : « Ils n’étaient pas nés. » (19 février 1925)

Dans un autre registre, Taschereau remercie la Chambre d’avoir souligné son 58e anniversaire. En ces temps de féminisme, dit-il, un bon argument pour empêcher les femmes d’entrer à la Législature est de leur apprendre qu’on y compte les années des ministres et des députés. (5 mars 1925) Le lecteur sourira certes davantage en lisant les dénonciations du chef de l’opposition de la Commission des liqueurs, qui fait des surplus éhontés par la vente « de mélanges dégoûtants, de décoctions faites par ses propres employés faisant du 20, du 30, du 37 et du 40 % de bénéfices sur le consommateur ». (11 février 1925)

Très souvent, Sauvé se plaint que les journaux, gavés par le gouvernement de lucratifs contrats d’impression, scandent « Quel bon gouvernement! ». Le secrétaire de la province, Athanase David, lui réplique : « Quel mal y a-t-il à cela, quand ces journaux ne disent en somme que la vérité? » (10 mars 1925) Deux semaines plus tard, quand Sauvé se plaint de la chaleur qui règne au Salon vert, le journaliste de L’Événement écrit de façon spirituelle que « c’est la première fois que l’on voyait un chef de la gauche se plaindre de la chaleur dans les froides régions de l’opposition ». (26 mars 1925)

Le 19 février, l’Orateur invite en souriant les députés à se rendre dans une salle voisine pour voir une « vue non censurée ». Avec humour, un journaliste raconte que les députés se bousculent vers le lieu de visionnement pour regarder un film montrant… la construction d’une route par le ministère de la Voirie17.

Pendant plusieurs séances, de nombreux députés, tous partis confondus, vantent la grande qualité littéraire du roman Marcel Faure, de Jean-Charles Harvey. Certes, l’œuvre compte des défauts, dit Sauvé qui cite l’abbé Camille Roy, critique littéraire. Ce prêtre, dit Sauvé, juge le livre d’Harvey « rempli de sensualités », l’auteur aimant à risquer « une épithète lascive, un substantif dangereux, un verbe coquin, une comparaison suggestive, un vocable charnel, qui étonne et déplaît ». Sauvé poursuit sa lecture de l’abbé Roy, qui se plaint que le réalisme littéraire d’Harvey devienne trop souvent du « truculent naturalisme ». « Oh! Oh! » font alors des voix en Chambre. Sauvé leur répond : « Je comprends que lorsqu’on parle de choses charnelles, il y ait des députés qui fassent entendre des soupirs. » (25 mars 1925)

Une telle œuvre a des mérites, conclut Sauvé, mais elle ne doit pas être distribuée dans les écoles à nos enfants comme prix. Il est savoureux de voir Jean-Charles Harvey porté aux nues pour son talent. Ses dons de romancier lui vaudront, en 1934, d’être pratiquement mis au ban de la société québécoise à cause de son roman Les demi-civilisés qui dépeint les travers des classes dirigeantes de Québec.

En terminant, la domination du Parti libéral et la bonne situation économique de la province donnent lieu à des démonstrations de force de la part des ministériels. Le 11 février, Taschereau, dans un discours magistral, fait pleuvoir sur l’opposition un torrent de chiffres établissant la prospérité de la province. Pour bien river le clou de Sauvé, il conclut ainsi :

[...] nous avons aujourd’hui dans notre province la métropole du Canada, le meilleur système de voirie du dominion, la moitié des usines de pulpe et de papier situées au pays, les plus grands barrages du Canada, les plus beaux pouvoirs d’eau du continent américain, la plus grande banque privée du monde entier, les plus grandes forêts, le plus grand fleuve, les plus nombreuses familles, la plus grande majorité parlementaire.

 

Le lendemain, le ministre Perrault dit combien le bilan présenté par Taschereau lui procure une grande satisfaction. Dans nos comtés, dit-il, « le peuple a dû se sentir heureux et content de vivre sur cette terre », rien de moins, en lisant dans les journaux ce « magnifique discours ».

 

Critique des sources

Par Frédéric Lemieux

Le Canada entame sa 23e année d’existence et souligne sa fidélité à un seul principe politique : celui du libéralisme. Ce quotidien de Montréal remercie ses lecteurs et ses annonceurs (le gouvernement par exemple), ces derniers représentant une importante source de revenus.

L’équipe éditoriale souligne que Le Canada a toujours su donner l’importance qu’il fallait aux « événements sensationnels » ayant ponctué la dernière année. On a beaucoup travaillé à améliorer la couverture des événements touchant tous les aspects de la vie quotidienne. Des correspondants parlementaires sont postés à Ottawa et à Québec pour suivre les débats politiques, et les nouvelles étrangères peuvent être publiées grâce à ses propres services télégraphiques. Grâce à tout cela, Le Canada envisage l’avenir avec optimisme18.

Avec Le Soleil, Le Canada attaque durement l’opposition et son chef, Arthur Sauvé. Moment important durant la session, le discours d’ouverture de Sauvé est ainsi qualifié de

discours sans beauté, sans suite et sans logique, élucubration de husting qui n’a de parlementaire que le nom et qu’un auditoire composé d’hommes renseignés ne peut entendre sans sourire. Série d’accusations lancées à la diable, citations mal digérées et mal interprétées, gonflements de voix soudains suivis d’un ton de basse profonde, objurgations démagogiques, tel est ce discours où nous regrettons que l’adversaire du gouvernement n’ait pas songé à préparer une étude plus solide et plus approfondie de la situation.

 

Autant Sauvé est « intempérant, faux et incohérent », selon ces journaux, autant Taschereau, lui, est « sobre, sincère et bien équilibré dans ses déclarations19 ». Et s’il se risque à lancer un débat, Sauvé est immanquablement « cloué au pilori » par la vigueur des ripostes qu’il s’attire.

Ces pratiques éditoriales partisanes atteignent leur sommet à la suite d’un débat où Perrault et Caron doivent se mettre à deux pour venir à bout de Sauvé. Celui-ci se défend fort honorablement dans les circonstances. Mais qu’en dit Le Soleil? « On eût dit un de ces gros hannetons que l’on épingle au mur et dont les ailes dures bruissent contre le mur qui les tient. Pour faire diversion, il tenta vainement une envolée dont les bourdonnantes tirades ne l’élèvent pas assez haut pour faire applaudir ses propres partisans.20 »

Affublé des épithètes les plus désobligeantes, Sauvé se voit aussi comparé par la presse gouvernementale à son collègue Arthur Plante, avantageusement présenté comme un modèle de modération. On cherche également à susciter un antagonisme entre Sauvé et Patenaude, son principal lieutenant. Bien que ce dernier émette à l’occasion « quelques idées dangereuses », écrit-on dans Le Soleil, on lui reconnaît aussi du talent21. Il sait se montrer « gentilhomme jusqu’au bout des ongles » envers les ministériels et on salue son respect des « règles de la délicatesse dans les manières et le langage22 ». Outre l’appui enthousiaste envers toutes les initiatives des ministériels, tel est le ton général de la presse gouvernementale.

Sauvé est habitué à ce traitement et ne se prive pas pour répondre vertement à ses détracteurs :

Les ministres et leurs organes geignent sous la campagne de l’opposition. Nos activités gênent les maîtres du pouvoir et indignent leurs laquais. Les écrivains du gouvernement, dont on voit autour du cou une rondeur pelée, ne cessent de nous prodiguer l’injure. Tout le clavier de la presse du gouvernement ne saurait empêcher la vérité de pénétrer dans la raison d’un peuple qui sent dans son cœur et dans son foyer la douleur de ses erreurs et qui comprend que l’apologie et la flatterie ministérielles sont payées pour semer le mensonge et imposer soumission à l’électorat. Mais le bâillon se déchire entre les dents du peuple indigné. (11 février 1925)

 

Parmi les autres sources utilisées pour reconstituer les débats de la session de 1925, L’Événement et Le Nouvelliste appartiennent tous deux à J.-H. Fortier. Ce riche homme d’affaires s’est servi de son journal en 1924 pour critiquer le budget des libéraux fédéraux qui, selon lui, favorisait l’Ouest au détriment du Québec. Bien que Le Soleil ait réagi en tirant à boulets rouges sur L’Événement, Fortier n’est pourtant pas un ennemi des libéraux provinciaux qui recherchent son appui. Homme influent, Fortier ne s’est-il pas vu offrir quelques mois auparavant le poste prestigieux de président de la Commission des liqueurs?

Sur le plan de la politique provinciale, L’Événement est de tendance conservatrice, mais considère avec bienveillance la politique du gouvernement Taschereau. Il n’en est pas moins capable de reconnaître les bons coups de l’opposition. Armand Crépeau, député conservateur de Sherbrooke, affirme d’ailleurs que ce journal « ne cache pas son indépendance même quand il donne son appui au gouvernement »23. L’Événement est en faveur de la loi des liqueurs et se satisfait de l’enquête sur les opérations de la Commission. Même si elle n’a rien pu prouver, cette enquête a rendu un service salutaire en purifiant une atmosphère chargée de soupçons.

Par ailleurs, L’Événement et Le Nouvelliste offrent au lecteur la même chronique parlementaire signée par Edmond Chassé. À une ou deux reprises durant la session, le quotidien de Trois-Rivières ajoute un paragraphe de plus à la version de L’Événement. C’est là chose exceptionnelle, car Le Nouvelliste suit la version de L’Événement de si près qu’il va jusqu’à reproduire les mêmes coquilles24.

La Presse fait figure de poids lourd dans le paysage journalistique. Grâce aux données de l’Audit Bureau of Circulation, on apprend que ce quotidien a vendu 166 093 exemplaires en février 1925, soit une augmentation moyenne de 10 371 sur février 1924 et de 15 920 par rapport à février 1923. Pour les éditions des samedis 28 février et 7 mars 1925, La Presse vend chaque jour plus de 180 000 exemplaires, un sommet alors inégalé au Québec25.

Favorable au gouvernement Taschereau, La Presse voit son directeur Pamphile Du Tremblay être assermenté conseiller législatif le 7 janvier. Peut-on y voir là un geste intéressé du gouvernement? Le Devoir semble le croire en soulignant que Du Tremblay a été nommé « de par la grâce du premier ministre26 ». Attaquant peu ou pas l’opposition en éditorial, La Presse appuie la politique de développement des ressources naturelles du gouvernement et trace un bilan fort positif de la session.

Le Devoir annonce ses couleurs dès le début de la session : les lecteurs seront « exactement et impartialement informés » grâce à un journaliste d’expérience (Louis Dupire) qui suit les travaux de la Chambre depuis six ans27 . Ce credo répété plusieurs fois atteint rapidement sa cible : Le Soleil se sent obligé de remettre les pendules à l’heure. Les rapports du Devoir seront « cuisinés » par Dupire « qui est personnellement un ennemi fielleux de l’administration libérale et l’ami reconnu du chef de l’opposition ». Voilà, écrit Le Soleil, pour la prétendue indépendance du Devoir, un mirage qui achève d’abuser « les gens honnêtes ».

Par cette joute entre Le Devoir et les journaux gouvernementaux, on peut sentir que le gouvernement Taschereau n’a toujours pas digéré l’appui efficace d’Henri Bourassa au Parti conservateur lors des élections de 1923. À l’époque, Bourassa ne s’était pas privé de se moquer du premier ministre, rebaptisé le « cardinal-neveu » en raison de son illustre oncle Elzéar-Alexandre Taschereau, et de s’opposer à ses politiques.

Tout au long de la session de 1925, les journaux gouvernementaux appellent dédaigneusement « H. B. » le directeur du Devoir. Quand Le Devoir estime que les libéraux d’Ottawa ne nomment presque pas de Canadiens français à des postes importants à Ottawa, Le Canada juge que Le Devoir, par ses plaintes basées sur des inexactitudes, remplit au Québec le même rôle que l’Orange Sentinel en Ontario28. Cette comparaison est évidemment injurieuse pour les gens du Devoir puisque le Sentinel est une feuille extrémiste qui fait la vie dure aux Canadiens français d’Ontario, procédé que Le Devoir n’utilise pas envers les anglophones.

Le Devoir n’hésite pas à remettre en question certains discours des ministériels. Il appuie Tétreau qui se plaint que le département du Trésor produise certains documents en anglais uniquement. Son contradicteur, le ministre Galipeault, prononce un discours que Le Devoir décortique et qualifie de « dérobade ».

Pour son 15e anniversaire, Le Devoir reproduit des articles élogieux du Droit et de L’Action catholique qui, dans leurs pages, saluent ses mérites et sa contribution irremplaçable. « La presse libre rend service à tout le monde, écrit Jules Dorion de L’Action catholique. Et si cela ne lui vaut pas les bénéfices du patronage, cela lui vaut non seulement des ingrats, mais encore des ennemis; et les ennemis sont plus actifs que les ingrats29. »

En réplique à ses détracteurs, Le Devoir publie un petit examen des Comptes publics de son cru qui fait état des sommes que reçoivent certains journaux pour des travaux d’imprimerie, de reliure, etc. Avant même que l’opposition n’ait abordé la question en Chambre, Le Devoir établit qu’au cours de l’année fiscale se terminant le 30 juin 1924, Le Soleil a reçu au moins 111 299 $, le Quebec Daily Telegraph, 61 389 $, L’Événement et Le Nouvelliste, appartenant à un même propriétaire, 21 743 $, Le Canada de Montréal, 19 906 $, et La Tribune de Sherbrooke, propriété de Jacob Nicol, a reçu 19 837 $. Suivent ensuite, pour des montants moindres, Le Quotidien de Lévis (12 460 $), malgré qu’il ne soit qu’un simple journal hebdomadaire, La Presse (11 563 $), L’Éclaireur de Beauceville (7 667 $), le Montreal Herald (6 539 $), et Le Canada français (3 594 $).

À cela s’ajoutent des sommes supplémentaires que le gouvernement paie pour « annoncer la province » : 10 400 $ à La Presse, 5 000 $ au Montreal Herald et 6 000 $ au Bulletin de la ferme, un hebdomadaire qui sort de l’atelier de presse du Soleil et qui est nul autre que l’organe officiel de la Coopérative fédérée du ministre de l’Agriculture, Joseph-Édouard Caron. Au total, ces journaux ont reçu au moins 400 000 $ du gouvernement, « tous gavés de publicité ou de contrats d’impression », écrit justement l’historien Robert Rumilly30.

Quelques miettes tombent jusqu’à La Patrie (3 594 $), The Standard (2 000 $), The Gazette (1 441 $), The Montreal Daily Star (379 $), Le Devoir (91 $), L’Action catholique (40 $) et The Quebec Chronicle (27 $)31. Cet article rempli de chiffres est dépouillé de toute attaque directe; l’éloquence des montants suffit.

Avec Le Devoir, L’Action catholique est l’autre quotidien indépendant, « organe officieux », écrit Rumilly, de l’archevêché de Québec. Ses accrochages avec le gouvernement libéral se poursuivent depuis le début des années 1920. L’équipe de L’Action catholique ne se prive pas d’attaquer les plus importantes décisions du gouvernement Taschereau. Le sauvetage de la Banque Nationale et la loi d’adoption s’attirent de dures critiques de l’abbé E.-V. Lavergne dont les collègues soupçonnent constamment Taschereau de manœuvrer pour menacer l’autorité de l’Église.

L’Action catholique est recommandée en chaire et circule certainement dans toute la province. Ses attaques agacent le premier ministre qui, lui, tend à la conciliation de l’Église et de l’État. Sa patience est mise à l’épreuve durant toute l’année 1924 au point où, en mai, une série d’accrochages culmine par la mise en doute de la sincérité religieuse du premier ministre dans les pages mêmes du quotidien.

Pendant que Le Soleil se jette dans la lutte pour défendre Taschereau, celui-ci en appelle au délégué apostolique à Ottawa, Mgr Pietro de Maria, qui intercède auprès du cardinal Bégin pour que cesse la campagne de L’Action catholique. Les choses se calment quelque peu dans les mois qui suivent : « les rédacteurs de L’Action catholique restaient critiques, écrit l’historien Bernard Vigod, mais sentaient manifestement s’exercer des pressions sur eux pour assaillir le gouvernement » à coups de piqûres d’épingles plutôt que d’éclairs32.  » De son côté, le premier ministre fait de nombreuses déclarations solennelles (fin 1924-début 1925) pour affirmer publiquement sa foi en la collaboration de l’épiscopat et du gouvernement pour le bien commun du peuple.

La Tribune de Jacob Nicol offre des comptes rendus très courts qui condensent ceux du Canada. Le journal fait la lutte à Armand Crépeau, le député conservateur élu lors d’une élection partielle à l’automne 1924, et ne manque pas d’encenser son patron, le trésorier provincial, lors du dépôt de son budget33.

L’analyse des chroniques parlementaires fait découvrir certains liens parmi ces journaux. Le Soleil, Le Canada et La Presse ont des comptes rendus totalement différents les uns des autres. La majeure partie du temps, La Presse a la même version que L’Action catholique et Le Devoir; ces deux derniers offrent exactement la même chronique tout au long de la session. À quelques rares reprises, La Patrie reproduit le même compte rendu qu’eux, mais c’est l’exception. Quelques éditoriaux favorables au gouvernement sont publiés dans d’autres journaux. Le 10 mars 1925, Le Canada reproduit textuellement un éditorial récent de La Presse saluant un discours de Nicol sur la pertinence de la Commission des liqueurs, prononcé au Club de réforme34.

Le Canada et le Montreal Herald reproduisent un long extrait du discours de Taschereau affirmant que la bonne santé financière de la province ne doit pas provoquer une pluie de demandes sur le gouvernement35. Le Montreal Herald, même s’il publie peu d’articles sur les débats parlementaires, s’aligne sur Le Canada quand il le fait.

Parlant du Montreal Herald, examinons l’apport des journaux anglophones sur la reconstitution de cette session. En 1922 seulement, ce quotidien publiait de substantiels articles des débats de la Chambre. Tel n’est plus le cas en 1925. On n’y trouve plus que de courtes chroniques parlementaires. Toutefois, ses éditoriaux défendent le gouvernement et dénoncent l’inexpérience et le manque de jugement des conservateurs dans plusieurs dossiers36.

The Gazette appartient à John Bassett et est modérément en faveur de l’opposition. Bien que Mercier fils décrive ce quotidien comme un « organe conservateur », et que Taschereau affirme que son propriétaire est l’ami de Sauvé, on n’y trouve à peu près aucune critique contre le gouvernement37. Il se fait d’ailleurs beaucoup d’ironie de part et d’autre sur les liens qu’entretiennent les parlementaires avec les magnats de la presse. À la séance du 12 février, Perrault utilise un éditorial du Montreal Daily Star approuvant la politique municipale du gouvernement. Comme le Star « n’est pas un ami du gouvernement », dit le ministre, son témoignage n’en a que plus de poids.

Sauvé fait quant à lui de nombreuses allusions ironiques aux plantureux contrats d’imprimerie qu’octroie le gouvernement à certains journaux, The Quebec Daily Telegraph par exemple. Il n’a pas tort de le faire, car ce journal traditionnellement conservateur appuie le gouvernement. Sur ce plan, la tiédeur des grands quotidiens anglo-conservateurs (The Gazette, The Quebec Chronicle, The Montreal Daily Star) à l’endroit de Sauvé peut s’expliquer en partie par les prétentions d’indépendance renouvelées du chef de l’opposition envers les conservateurs fédéraux d’Arthur Meighen.

Généralement, la couverture des débats parlementaires par les journaux anglophones est très partielle. Ils donnent tous de brefs résumés des débats et les sujets tels que l’agriculture, la colonisation et la voirie ne les intéressent à peu près pas. En revanche, la question de l’Église unie discutée au comité permanent des bills privés prend toute la place. Ce qui se passe sur le parquet de la Chambre en même temps, soit l’étude des crédits de la colonisation, est totalement évacué. Il faut attendre la deuxième moitié de mars pour que les journaux anglais reviennent au Salon vert. Le 23 mars, The Gazette et, dans une moindre mesure, The Montreal Daily Star produisent des comptes rendus très exhaustifs des débats sur les écoles juives. De longues discussions détaillées et en style direct – du jamais vu dans leurs pages durant cette session – tranchent avec les traditionnels résumés aussi généraux que peu détaillés.

Il en est de même pour la question du financement des commissions scolaires protestantes. Le 28 mars, cette question revient en Chambre; The Montreal Daily Star et The Gazette rapportent une longue discussion entre Smart, Patenaude, Taschereau et Nicol. Cette fois, on constate une inversion du phénomène mentionné plus haut : sur ces questions, les journaux francophones ne publient à peu près rien, se contentant, comme La Presse par exemple, d’écrire laconiquement : « À la séance d’hier soir, l’Assemblée législative a adopté le projet de loi relatif à la Commission des écoles protestantes de Montréal38. »

 

Pratiques journalistiques et aléas de l’époque

C’est grâce au seul travail des correspondants parlementaires de l’époque que nous avons pu réaliser cette reconstitution. Les aléas qui entourent la pratique de leur métier nous éclairent sur la valeur des sources qu’ils nous ont laissées. Sans disqualifier la validité de leurs retranscriptions, certains indices que nous avons notés nous éclairent sur les limites qui entravent leurs efforts.

La première difficulté provient de la capacité qu’ont les parlementaires de parler plus vite que ne peut écrire la main des courriéristes. Après un discours d’Athanase David, reconnu pour son éloquence, le correspondant du Soleil s’excuse de ne pouvoir lui rendre justice : « Par malheur, nous n’avons pas de texte, le secrétaire provincial ayant improvisé la plus grande partie de son discours; mais nous en avons retenu suffisamment pour en donner une idée39. » La situation se complique lorsque survient une bataille de chiffres40. Les données publiées dans les journaux du lendemain sont si contradictoires qu’il nous a été impossible de trancher en faveur de l’un ou de l’autre. Comme les politiciens ne citent pas toujours leurs sources, l’historien ne peut démêler un tel écheveau. Certains chiffres peuvent sembler illogiques ou exagérés, en raison d’erreurs commises par les correspondants parlementaires qui tentaient de suivre le rythme des interventions.

Malgré ces difficultés, le chroniqueur parlementaire expérimenté est conscient du rôle primordial qu’il joue du haut de sa tribune :

À la Chambre, il ne faut jamais perdre de vue que celui qui parle est dans une situation toute spéciale; devant lui, il a des gens qu’il sait ne pouvoir convaincre et qui écoutent avec froideur ses plus ardentes déclarations; en arrière, il est appuyé par un groupe prêt à l’applaudir et convaincu d’avance. Aussi, le bon orateur ne perd jamais de vue qu’il ne s’adresse pas directement à la Chambre lorsqu’il parle, mais à la population hors de la Chambre. Le public lira dans les journaux le discours prononcé, et si l’orateur est habile, le public acceptera pour lui les arguments lancés en Chambre. Les deux chefs à l’Assemblée législative sont habiles. Ils ont tous deux parlé pour la population de cette province; les lecteurs auront plus de plaisir à lire leurs discours41.

 

Voilà un scénario idéal, pourrait-on dire, vite gâté par la rapidité des échanges ou la distance qui met à rude épreuve la mémoire et l’ouïe des journalistes. Il faut être constamment alerte, quitte à laisser tomber certains passages. Edmond Chassé (L’Événement) décrit bien les obligations de son métier :

À Québec, il n’y a pas de Hansard comme à Ottawa, où un correspondant peut parfois quitter la tribune pour aller se délasser, car il n’a qu’à consulter ensuite les rapports des sténographes dont une copie est remise aux journalistes à mesure que se fait la transcription. Mais, à l’Assemblée, il faut toujours être là [...]. Car si on s’absente un moment et que pendant ce temps un député échappe un bon mot – ce qui arrive quelquefois! – si on n’est pas à son poste pour le recueillir et le rapporter à ses lecteurs, le député ne se cache pas de dire : voilà un journal bien mal informé! Et il a parfaitement raison. La tâche de journaliste parlementaire est donc un peu éreintante mais elle a ses charmes. Le banquet annuel de la Galerie en est un42.

 

Si ce type de célébration est un moment joyeux, il peut devenir un nouveau facteur limitatif de la mémoire humaine. Retournant à ses notes après le banquet offert par le président de la Chambre, le courriériste du Soleil se hasarde à écrire son compte rendu de la séance pour le lendemain :

Le président de la Chambre, écrit-il, a tellement l’art de récréer ses invités qu’on risque d’y perdre le souvenir des meilleurs discours : le parfum des fleurs, le fumet des menus, l’air des chansons, la folle gaieté des convives, l’exquise gentilhommerie du maître de céans, c’en est assez pour oublier le sens des réalités et renvoyer « ad patres » les affaires sérieuses43.

 

Au moins a-t-il l’honnêteté d’en avertir l’historien du XXIe siècle qui se penche sur sa chronique.

À tous ces facteurs qui font perdre des bribes des débats s’ajoute l’espace dont disposent les courriéristes dans les colonnes de leur journal. À plusieurs reprises, cette contrainte est évoquée pour expliquer les coupures aux discours des députés. Il arrive que la partie manquante soit publiée quelques jours plus tard. Tel est le cas du discours prononcé par Lafleur, député de Montréal-Verdun, le 20 janvier et qui est publié quatre jours après, « étant donné l’intérêt que suscite le débat sur l’adresse44 ».

Ce procédé est utilisé à plusieurs reprises au cours de la session. La Presse du 31 mars, par exemple, rapporte que le 28 mars, à 1 heure du matin, Bray a provoqué une discussion qui dura deux heures : « Le manque d’espace nous obligea à ne donner qu’un succinct résumé du discours du député de Montréal-Saint-Henri. Nous y revenons aujourd’hui en donnant de larges extraits.45 »

Certains journaux, Le Canada par exemple, ne se donnent pas cette peine. Le 21 mars, son courriériste estime que « la discussion se continua sur des questions absolument anodines qui ne méritent même pas, par suite de l’insistance du chef de l’opposition, d’être reproduites46 ».

La publication des débats parlementaires est soumise à d’autres aléas comme les grèves dans les ateliers de typographie des journaux. Le Devoir fait état, le 11 février, d’une menace de grève qui pourrait même empêcher l’impression des bills et retarder les travaux de la Chambre, comme la chose s’est vue en février 1922. Mais, surtout, « les rapports des courriéristes parlementaires seront publiés très en retard ». Devant l’imminence de cette grève, qui n’aura finalement pas lieu, on suppute que d’autres ateliers toujours ouverts pourraient imprimer les chroniques parlementaires à temps, « à moins, écrit-on, que le service postal ne fasse des erreurs, comme ça arrive quelquefois47 ».

Le meilleur des mondes pour le courriériste parlementaire devient réalité lorsque les parlementaires fournissent à l’avance la version complète de leurs discours. Le gouvernement procède de cette façon à l’occasion du discours sur le budget. La Presse et Le Devoir en publient seulement le sommaire, mais La Tribune, propriété du trésorier provincial en personne, ne manque pas d’en offrir le texte complet à ses lecteurs48.

Durant cette session, le président de la Tribune de la presse est E. E. Donovan, du Quebec Chronicle & Quebec Gazette. Les vice-présidents sont Hervé Lapierre, du Canada, et G. H. Ghewy, du Montreal Star, alors que Damase Potvin, du Soleil, agit à titre de trésorier. L.-P. Desjardins, de La Patrie, est le bibliothécaire. Les autres membres de la Tribune sont Abel Vineberg et Edmond Chassé, de L’Événement, Louis Dupire, du Devoir, Alonzo Cinq-Mars, de La Presse, et Jean-Charles Harvey, également du Soleil49.

 

Notes de l’introduction historique et de la critique des sources

1. « Lettre de Québec. Le débat s’anime », La Presse, 15 janvier 1925, p. 6.

2. « 17e session de M. Sauvé à la Législature », L’Événement, 9 avril 1925, p. 1.

3. « Lettre parlementaire », La Patrie, 26 janvier 1925, p. 4.

4. Charles Gagné, « Notre problème agricole », L’Action française, vol. IV, no 2, février 1924, p. 100, cité dans Yves Roby, Les Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre (1776-1930), Sillery, Septentrion, 1990, p. 275. Sauvé cite abondamment Gagné lors de la séance du 13 janvier 1925.

5. La Presse, 3 avril 1925, p. 6.

6. La Presse, 16 février 1925, p. 3.

7. La Presse, 5 février 1925, p. 6.

8. « Ce qu’a voulu dire M. le député Gault », La Presse, 9 février 1925, p. 17.

9. The Gazette, 13 février 1925, p. 13. Le 19 février, en première page, Le Soleil continue de s’acharner sur l’infortuné Gault.

10. « La Saint-Jean-Baptiste », Le Monde ouvrier, 28 février 1925, p. 1.

11. « La Saint-Jean-Baptiste », L’Événement, 4 mars 1925, p. 4.

12. Le journal L’Autorité reprend la même argumentation que le ministre Galipeault en éditorial. L’Autorité, 22 février 1925, p. 1.

13. L’Événement, 19 février 1925, p. 3.

14. La Presse, 19 février 1925, p. 6.

15. « Lettre de Québec. La question israélite », La Presse, 25 mars 1925, p. 6.

16. « M. le juge Coderre condamne en bloc le régime policier de Montréal », Le Devoir, 14 mars 1925, p. 13.

17. Dans un court article, La Patrie du 20 février 1925, à la page 14, nous donne ces informations sur ce film : « on a fait passer sur l’écran des vues de la province destinées à annoncer cette dernière aux États-Unis. Ces vues ont été préparées pour le département de la Voirie, par la compagnie "Le Cinéma Canadien", de Montréal, et elles ont été présentées […] par MM. Charles Quéry et S.-T. Grenier, directeurs du Cinéma Canadien. Le film, qui a pour titre "Les Laurentides", comprend trois mille pieds de pellicule où se déroulent les scènes les plus pittoresques du splendide paysage qu’offre la région traversée par la route Montréal-Sainte-Agathe. Il est destiné à faire connaître non seulement la voirie de la province, mais aussi ses richesses naturelles, comme ses pouvoirs d’eau, dont on peut avoir en même temps une excellente idée, ses lacs poissonneux et les paysages incomparables de cette belle région du comté de Terrebonne. »

18. « Vingt-deux ans d’existence », Le Canada, 4 avril 1925, p. 4.

19. Le Soleil, 14 janvier 1925, p. 1.

20. Le Soleil, 31 mars 1925, p. 17.

21. Le Soleil, 21 janvier 1925, p. 1.

22. Le Soleil, 13 février 1925, p. 17.

23. Sur ce discours de Crépeau, voir la séance du 17 février 1925 et L’Événement, 18 février 1925, p. 11.

24. Sur les mêmes coquilles de L’Événement et du Nouvelliste, voir les éditions du 25 février 1925.

25. « En avant toujours! Une marée qui monte sans reculer jamais », La Presse, 14 mars 1925, p. 19.

26. « Bloc-notes. Oui ou non? », Le Devoir, 15 janvier 1925, p. 1.

27. « La session de Québec », Le Devoir, 5 janvier 1925, p. 3.

28. Le Canada, 26 décembre 1924, p. 4.

29. « Pour la presse libre. L’Action catholique et le quinzième anniversaire du Devoir », Le Devoir, 16 janvier 1925, p. 5.

30. Robert Rumilly, Histoire de la province de Québec, vol. XXVII, Montréal, Fides, 1955, p. 198.

31. « Lettre de Québec. À travers les comptes publics », Le Devoir, 19 janvier 1925, p. 1.

32. Bernard Vigod, Taschereau, Sillery, Septentrion, 1996, p. 162.

33. La Tribune, 5 février 1925, pp. 1 et 3.

34. Le Canada, 10 mars 1925, p. 4.

35. Le Canada du 19 janvier 1925 et le Montreal Herald du 20 janvier 1925.

36. Montreal Herald, 28 janvier 1925, p. 4.

37. Voir les séances du 10 février et du 25 mars 1925.

38. La Presse, 29 mars 1925, p. 17.

39. Le Soleil, 21 janvier 1925, p. 1.

40. Séance du 12 février 1925.

41. L’Action catholique, 12 février 1925, p. 1.

42. « Qui va payer l’enquête du juge Coderre? », L’Événement, 23 mars 1925, p. 1.

43. Le Soleil, 6 février 1925, p. 1.

44. La Patrie, 24 janvier 1925, p. 21.

45. La Presse, 31 mars 1925, p. 15.

46. Le Canada, 21 mars 1925, p. 9.

47. Le Devoir, 11 février 1925, p. 1.

48. Voir La Presse, p. 1, Le Devoir, p. 1, et La Tribune, p. 1, 4 février 1925.

49. « Élections à la galerie de la presse », Le Soleil, 8 janvier 1925, p. 3.