L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationDébats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)

Version finale

18e législature, 1re session
(3 novembre 1931 au 19 février 1932)

Le mercredi 17 février 1932

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable T.-D. Bouchard

La séance est ouverte à 3 h 40.

Prière.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Rapports de comités:

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le vingt-neuvième rapport du comité permanent des bills publics en général. Voici le rapport:

Votre comité a décidé de rapporter, avec des amendements, les bills suivants:

- bill 59 modifiant la loi de la taxe sur les transferts de valeurs mobilières;

- bill 170 concernant modifiant la loi du régime des eaux courantes.

Le bill suivant a été retiré:

- bill 171 modifiant la loi de la Commission des services publics.

Code civil, article 44

L'honorable M. Taschereau (Montmorency), appuyé par le représentant de Drummond (l'honorable M. Laferté), demande la permission de présenter le bill 236 modifiant l'article 44 du Code civil.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

 

Demande de documents:

Frais d'annonces, de publicité, d'impression et de reliure

M. Lafleur (Montréal-Verdun) propose qu'il soit mis devant cette Chambre, un état indiquant: 1. Depuis la réponse à un ordre de la Chambre en date du 11 février 1931 (Document de la session 1931, no 41) jusqu'au 30 juin 1931, quels sont les noms des journaux, personnes ou compagnies auxquels le gouvernement a payé ou avancé des frais d'annonces, de publicité, d'impression et de reliure; 2. Combien a-t-il payé ou avancé à chacun dans chacune de ces périodes: a. pour les frais d'impression et de reliure; b. pour frais d'annonces et de publicité; c. pour autres frais divers.

Adopté.

 

Dépôt de documents:

Frais d'annonces, de publicité, d'impression et de reliure

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre, en date de ce jour, pour un état indiquant: 1. Depuis la réponse à un ordre de la Chambre en date du 11 février 1931 (Document de la session 1931, no 41) jusqu'au 30 juin 1931, quels sont les noms des journaux, personnes ou compagnies auxquels le gouvernement a payé ou avancé des frais d'annonces, de publicité, d'impression et de reliure; 2. Combien a-t-il payé ou avancé à chacun dans chacune de ces périodes: a. pour les frais d'impression et de reliure; b. pour frais d'annonces et de publicité; c. pour autres frais divers. (Document de la session no 57)

 

Demande de documents:

Le Soleil limitée

M. Lafleur (Montréal-Verdun) propose qu'il soit mis devant cette Chambre un état indiquant: À quelle date ont été payées les diverses sommes que Le Soleil limitée a reçues du gouvernement pendant l'exercice 1930-1931, avec indication, dans chaque cas, de la somme payée et du département intéressé.

Adopté.

 

Dépôt de documents:

Le Soleil limitée

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre, en date de ce jour, pour un état indiquant: À quelle date ont été payées les diverses sommes que Le Soleil limitée a reçues du gouvernement pendant l'exercice 1930-1931, avec indication, dans chaque cas, de la somme payée et du département intéressé. (Document de la session no 58)

 

Questions et réponses:

L'Abeille, L'Abeille et l'Érable et L'Abeille enregistrée

M. Lafleur (Montréal-Verdun): À quelle date ont été payées les diverses sommes que L'Abeille ou L'Abeille et l'Érable, ou L'Abeille enregistrée a reçues du gouvernement pendant l'exercice 1930-1931, avec indication dans chaque cas, de la somme payée et du département intéressé?

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Aucun montant n'a été payé durant l'exercice 1930-1931.

Bulletin de la ferme, Bulletin de la ferme limitée

M. Lafleur (Montréal-Verdun): À quelle date ont été payées les diverses sommes que le Bulletin de la ferme, ou le Bulletin de la ferme limitée a reçues du gouvernement pendant l'exercice 1930-1931, avec indication dans chaque cas, de la somme payée et du département intéressé?

L'honorable M. Taschereau (Montmorency):

Services divers:

Services divers: 1930 août, 22, $6,000.00.

Département de l'Agriculture: 1931, janvier, 21, $150; février, 26, $150; mars, 18, $2.64; avril, 20, $2.64; mai, 4, $166.75; mai, 21, $2.31; juin, 9, $0.60; juin, 30, $150.

Département de la Colonisation, Chasse et Pêcheries: 1931, mai, 8, $9.00.

Département de la Voirie: 1930, juin, 23, $6.00.

 

Demande de documents:

État de dépenses, colonisation, comté de Drummond

M. Barré (Rouville) propose, qu'il soit mis devant cette Chambre un état indiquant: 1. Combien le ministère de la Colonisation a-t-il dépensé dans le comté de Drummond, du 1er janvier 1931 au 31 décembre 1931 inclusivement; 2. a. Quels sont ceux qui ont bénéficié de ces argents octroyés par le ministère de la Colonisation; b. Dans quelle paroisse résidait chacun d'eux; c. Quel montant chacun d'eux a-t-il reçu.

Adopté.

Crédit agricole

Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend le débat, ajourné le 26 janvier 1932, sur la motion dont elle a été saisie le mardi 12 janvier dernier:

Qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre une copie de correspondance, documents, etc., relatifs à l'établissement d'un système de crédit agricole en cette province.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): J'ai reçu, de même que tous les députés de cette Chambre, copie d'une décision prise le 12 février1 dernier, par l'Union catholique des cultivateurs. Cette résolution parle par elle-même. Dans cette résolution, l'Union catholique des cultivateurs, après avoir constaté que le crédit rural s'impose, que les banques ne peuvent prêter à long terme, que les caisses populaires ne sont pas assez nombreuses, et que le gouvernement ne semble pas devoir adopter de mesures réparatrices, malgré l'assurance qu'il en avait donné dans le discours du trône, l'Union catholique des cultivateurs proteste contre l'inaction du gouvernement et annonce que, si l'on n'adopte aucun système, un grand nombre de cultivateurs vont être acculés à la banqueroute.

Il cite le texte du discours du trône qui a trait au crédit agricole.

Tous les députés qui ont parlé sur cette question ont reconnu la gravité de la situation, se sont accordés à dire que nous avions besoin d'un système de crédit agricole pour aider les cultivateurs; ils ont dit qu'il fallait agir sans retard, si l'on voulait empêcher un désastre. Or, nous sommes aux tout derniers jours de la session, et non seulement il n'y a rien de fait, mais le ministre de l'Agriculture déclare dans les journaux qu'aucun système de crédit agricole ne sera adopté à la présente session.

Je tiens à enregistrer ma protestation. La situation dans les campagnes est si grave que, si les créanciers exigeaient immédiatement la remise de leurs créances, la moitié des cultivateurs seraient mis en faillite.

On dit que le système actuel est défectueux, soit parce qu'il établit une mauvaise répartition de l'évaluation quand il s'agit de prêt, soit par l'enchevêtrement des titres de propriété. Il en est même qui ont critiqué le gouvernement fédéral. Aux députés qui réclamaient un nouveau crédit agricole, le premier ministre aurait répondu que l'on attendait de savoir quelle attitude prendrait le gouvernement fédéral.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Ce n'est pas ce que disait le discours du trône.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je ne parle pas du discours du trône. Mais, puisque vous abordez le sujet, le discours du trône parlait de l'établissement d'un nouveau crédit agricole.

Je tiens à relever des observations désobligeantes à l'égard du fédéral, et notamment à l'égard du ministre des Postes. On a reproché à l'ancien chef de l'opposition de ne pas avoir corrigé la loi. La première chose que le ministre des Postes a faite en arrivant à Ottawa a été de se rendre au ministère de l'Agriculture. Là, il a appris que le gouvernement provincial n'avait encore rien demandé. Le gouvernement provincial, qui a adopté des motions pour demander au gouvernement fédéral d'amender sa loi, n'a même pas pris la peine de les communiquer à Ottawa.

En tout cas, le gouvernement connaît la situation; il sait qu'elle est particulièrement grave et que, s'il n'agit pas, 30 pour cent de nos cultivateurs seront obligés de partir. On parle du retour à la terre comme remède à la crise du chômage, mais le meilleur système serait avant tout de garder sur la terre ceux qui s'y trouvent déjà, et de prendre les moyens de les aider. Ce sera un moyen sûr d'enrayer l'exode vers les centres urbains.

Le député d'Abitibi (M. Authier) a suggéré une commission pour ceux qui étaient dans le besoin, mais, comme les autres suggestions, elle n'a pas été considérée. Le gouvernement semble avoir décidé de ne rien faire, et toutes suggestions seraient inutiles. J'ai voulu quand même dégager ma responsabilité et enregistrer ma protestation dans cette Chambre. Tous les députés de cette Chambre pensent comme moi, j'en suis sûr. Il serait inutile d'insister davantage, et j'espère que nous n'aurons pas trop à regretter l'incurie du provincial.

M. Taschereau (Bellechasse): Plusieurs députés ont parlé sur le problème du crédit agricole et le débat soulevé aura, je crois, d'heureux résultats.

Je me demande comment le député de Deux-Montagnes peut reprocher au gouvernement provincial de n'avoir rien fait. S'il n'y a pas un nouveau crédit agricole, je crois que c'est au gouvernement fédéral que l'on doit s'en plaindre, lui qui est au pouvoir depuis dix-huit mois.

M. l'Orateur, je m'accorde avec les orateurs qui m'ont précédé. Les cultivateurs traversent une crise peut-être plus grande que les ouvriers des villes. Ils n'ont pas d'argent, et dans des cas trop nombreux, ils doivent des arrérages de taxes municipales, scolaires, des redevances de fabriques. En plus, en dépit des promesses dorées de M. Bennett, les produits de la ferme ne se vendent pas et jamais le lait, les oeufs, le beurre et les animaux ne sont descendus à des prix aussi bas. C'est pour cela que les cultivateurs ressentent à ce point la crise.

Nos cultivateurs auraient besoin de fonds pour faire face à la crise. Mais il leur est impossible d'avoir de l'argent. C'est probablement le grand mal dont souffrent actuellement nos cultivateurs. Si un cultivateur veut emprunter aux caisses populaires, elles vont lui répondre que leur actif est gelé dans des prêts à long terme du même genre. Les banques ne peuvent prêter à long terme, car la loi leur défend de prêter sur hypothèque. S'il s'adresse au crédit agricole fédéral, la même déception l'attend, car le système fonctionne mal; le gouvernement fédéral n'a pas d'argent à prêter à la Commission du crédit agricole, puisqu'il annonce un déficit important. Aussi, les demandes de prêts au crédit fédéral traînent en longueur, sont oubliées et finalement n'aboutissent à rien.

Devant cette situation, il importe de se demander s'il ne faut pas faire quelque chose. Et cependant il y a de l'argent de disponible quelque part. Le cultivateur ne sait pas où s'adresser pour avoir de l'argent. On se demande s'il n'y aurait pas lieu de faire quelque chose. Mais, la difficulté est que les prêteurs hésitent à prêter sur hypothèque à la campagne pour de longs termes. Cette tendance est très marquée depuis dix ans.

En 1921, les compagnies d'assurances avaient prêté à la campagne $68,000,000, et dans les villes $76,000,000. Or, en 1930, les compagnies avaient prêté à la campagne $74,000,000 et dans les villes la somme de $343,000,000. Ce qui signifie que l'augmentation du prêt avait été de $6,000,000 pour la campagne et de $267,000,000 pour les villes. L'argent a donc été drainé dans les villes, pour la construction de gigantesques bâtisses, maisons de rapport, gares, immeubles à bureaux, etc., avec le résultat que la campagne n'a rien eu. C'est une des causes importantes de la crise économique à la campagne.

Quel est le remède? Il faut évidemment aider le cultivateur, lui procurer les fonds nécessaires pour qu'il cultive la terre. Or, si le gouvernement fédéral n'a pas d'argent à prêter, et je me demande comment il pourrait en avoir avec un déficit de $80,000,0002, comme l'a annoncé M. Bennett, le gouvernement provincial n'en a pas davantage. Cependant, il y a de l'argent disponible.

Les banques en regorgent. Les compagnies d'assurances, les compagnies de fiducie, les administrations de successions ne demandent pas mieux que de faire des prêts à long terme, si la garantie de remboursement est suffisante. Or, si l'on pouvait établir une relation plus étroite entre le cultivateur et les prêteurs, il serait possible de trouver de l'argent à emprunter. Il faudrait créer ce contact, cette coopération.

Mais si le cultivateur est allé à la caisse populaire, au crédit agricole fédéral, à la banque, à son voisin et s'il n'a rien eu, où va-t-il aller?

Pour en arriver à une solution pratique, il n'est pas nécessaire de créer un crédit agricole provincial, mais s'il existait une commission de crédit agricole nommée par le gouvernement, dont le rôle serait d'emprunter de l'argent et de le prêter aux cultivateurs de la province, je crois que, ce jour-là, une loi bienfaisante aurait été passée.

L'emprunteur aurait à la fois la garantie hypothécaire sur la terre du cultivateur et la garantie de la commission gouvernementale.

De cette façon, le gouvernement n'aurait pas à débourser le montant prêté et le prêteur moins hésitant prêterait volontiers avec de pareilles garanties; le cultivateur pourrait obtenir l'argent dont il a besoin, sans grever le budget de la province de Québec. Le prêteur pourrait avoir un taux raisonnable sans crainte de perdre son avoir.

Le cultivateur saurait désormais où s'adresser et le prêteur, au lieu de perdre son argent dans des spéculations hasardeuses, pourrait trouver un placement de tout repos. Un contrat s'établirait entre celui qui peut disposer de capitaux et l'habitant de nos campagnes. Les craintes et les hésitations disparaîtraient.

Ce n'est d'ailleurs rien de nouveau; vous déposez dans une compagnie de fiducie à Montréal $1,000 ou $10,000 et vous dites: "Prêtez cet argent". Le trust garantit l'emprunteur et le trust fait des profits. Ne croyez-vous pas que la province pourrait faire en grand ce que les compagnies, prenons en exemple le fonctionnement du Guarantee Trust, font en petit à Montréal et aider les cultivateurs à conserver leurs terres? Pour ma part, je favoriserais un tel système.

Notre agriculture trouverait là un moyen de sortir de ses difficultés. Ce serait la prospérité pour nos campagnes qui reviendrait et qui assurerait la prospérité des villes sans affecter le budget provincial. Le cultivateur plus attiré vers la terre songerait moins à aller vers les villes.

(Applaudissements)

M. McDonald (Pontiac): L'opinion semble unanime à l'effet que le prêt agricole fédéral ne fonctionne pas de façon satisfaisante dans la province de Québec. On prête ici très peu d'argent.

Il (M. McDonald) affirme cependant qu'il n'est pas de l'avis du député de Bellechasse (M. Taschereau), puisqu'il voit d'un meilleur oeil la fondation d'un crédit rural provincial. Il donne le crédit ontarien comme exemple.

En Ontario, dit-il, le crédit agricole fonctionne bien. Le 1er octobre 1931, ce crédit agricole avait avancé $42,000,000 par prêts de $5,000 ou plus. L'intérêt est de 5½ %. Comme l'argent lui est fourni par le gouvernement de la province à 4½ %, la Commission trouve le moyen de satisfaire aux frais de l'administration. Depuis dix ans qu'il fonctionne, le crédit agricole ontarien n'a rien fait perdre au gouvernement, et il se trouve en possession d'un surplus de $648,0003.

Les temps sont durs, les gouvernements doivent être prudents. Mais la situation de l'agriculture est sérieuse et il faut absolument que l'on vienne à son aide. Il y a beaucoup de difficultés dans le fonctionnement du crédit agricole, mais il faut faire notre possible.

Il cite le Financial Post qui donne des statistiques sur les prêts de l'Investment Ass. Cy. à la campagne et dans les villes. En 1921, cette compagnie a prêté dans les campagnes $68,000,000 contre $74,000,000 en 1930; dans les villes $76,000,000 en 1921 contre $343,000,0004 en 1930.

Les prêteurs ont tendance à concentrer leurs prêts dans les villes plutôt que dans les campagnes. C'est une raison de plus d'entendre les demandes des cultivateurs et de leur prêter secours. Je suggère que les gouvernements interviennent auprès de ces compagnies au bénéfice des cultivateurs.

M. Fisher (Huntingdon): Il est inutile de répéter que les agriculteurs de cette province font face à une situation grave dans la crise actuelle. Ils ne demandent pas la charité, mais seulement une aide légitime pour qu'ils puissent tenir jusqu'à ce que la prospérité revienne.

Dans mon comté, les cultivateurs ont besoin de l'assistance du gouvernement. Le crédit agricole fédéral ne fonctionne pas de façon satisfaisante dans notre province. Il y a de grandes fermes dans mon comté, et je ne sais pas comment leurs propriétaires s'en tireront. Un grand nombre d'entre eux sont dans une situation financière difficile. Les dettes sont pesantes, et ils n'ont pas d'argent pour répondre à leurs obligations.

Il y a quelques années, quand quelqu'un avait de l'argent à prêter, il considérait que prêter au cultivateur c'était faire un bon placement. Mais aujourd'hui, la situation est changée. Personne ne veut prêter aux cultivateurs. et ceux-ci se trouvent dans une situation embarrassante.

Ils réussiront à se tirer d'affaire. Mais, si le gouvernement n'est pas prêt à leur octroyer un taux d'intérêt qu'ils seront en mesure de payer, il est inutile de créer une commission de crédit agricole, car en raison de la tendance à la baisse des prix de tous les produits agricoles, les cultivateurs sont incapables de se plier aux conditions des prêteurs et de faire face à des charges aussi lourdes que celles qui existaient en des temps plus prospères. Les cultivateurs ont besoin d'intérêt raisonnable, et je crois que le gouvernement devrait faire quelque chose pour venir en aide aux cultivateurs.

M. Dugas (Joliette): La Chambre étudie présentement le problème le plus grave. Le cultivateur est sérieusement affecté par la crise et il demande du secours. Toute la députation voudrait aider la classe agricole, mais on ne s'entend pas sur les moyens à prendre. Pour ma part, je m'étonne que l'on prône un système de crédit agricole provincial parce que trop de cultivateurs ont des terres hypothéquées plus qu'à leur valeur et qu'ils ne pourraient par conséquent emprunter. Les trois quarts de ceux qui réclament un crédit ont des terres hypothéquées plus qu'à leur valeur et c'est un cri politique que leur faire croire en la vertu d'un crédit provincial. Il n'est pas possible de trouver un prêteur qui voudra avancer de l'argent au cultivateur pour une valeur supérieure à celle de la terre à qui il prête. Un crédit agricole serait inutile pour ces personnes. Cela vient de ce que leurs fermes ont été achetées ou qu'ils ont contracté leurs emprunts à une période de hausse. Leurs hypothèques les empêchent aujourd'hui de prendre d'autres emprunts.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): L'honorable député ne croit-il pas que le prêt agricole serait le moyen d'améliorer l'évaluation?

M. Dugas (Joliette): On ne peut prêter au cultivateur parce que sa terre a été hypothéquée alors que le prix des terres était le plus élevé.

Le système fédéral est bon en soi et l'on pourrait le corriger. Ottawa a devant lui mieux qu'une résolution, bien mieux qu'un morceau de papier; il a devant lui celui qui proposait la résolution avec de grands éclats de voix. Je m'étonne même que l'ancien chef de l'opposition n'ait pas élevé la voix à Ottawa pour réclamer les corrections suggérées en cette Chambre.

Je m'inscris en faux contre ceux qui célèbrent sans restriction les louanges du crédit agricole d'Ontario. En fait, les taux sont plus favorables dans la province de Québec qu'en Ontario. Par suite de l'initiative prise par le gouvernement provincial l'année dernière, nos cultivateurs ne paient que 5 %, tandis que les Ontariens doivent payer 5½ %. Pourquoi alors nous donner l'exemple de l'Ontario.

Si un système provincial n'est pas la solution à apporter, il faut tout de même suggérer un moyen. Pour ma part, je crois qu'on devrait établir un moratoire, comme en Ontario et en Alberta, afin d'éviter que les créanciers ne profitent de la crise pour mettre les cultivateurs dans le chemin.

Nos cultivateurs empruntent par hypothèque. Lorsque l'échéance arrive, on continue l'emprunt. Nous avons une proportion d'hypothèques qui sont échues, payables à demande. Les gens qui sont ainsi engagés sont exposés à se voir poursuivre du jour au lendemain. Il faudrait établir en faveur du débiteur une protection contre son créancier. Il faut empêcher que de bons cultivateurs soient forcés d'abandonner leurs terres.

L'an prochain, peut-être que le ministre pourrait adopter le système de l'Alberta5. Un directeur est nommé avec droit d'enquêter sur les créances et d'empêcher la vente d'une terre par un créancier trop exigeant. De cette façon, on garde le cultivateur sur sa terre. Le créancier ne perdra rien, mais on le force à attendre quelque peu.

On me dira que c'est injuste pour le créancier. Non pas! Car le créancier a le privilège de s'adresser au même directeur pour réclamer d'être payé. Si le directeur estime que le cultivateur est négligent, le directeur peut autoriser la vente et le remboursement.

Tandis qu'Ontario prêtait aux cultivateurs et leur faisait payer 80 pour cent de certains grands travaux, dans Québec, le gouvernement versait des millions pour les routes, pour l'entretien des écoles, etc... Il est donc injuste de dire que le gouvernement n'a rien fait pour la classe agricole parce qu'il n'a pas établi de crédit agricole provincial. D'ailleurs, les cultivateurs l'ont bien compris, et ils se sont prononcés le 24 août dernier.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Le malaise agricole existe, il n'y a pas de doute là-dessus. Un crédit rural s'impose, le discours du trône le mentionne. Doit-on le créer? Tout le monde admet que l'industrie est la base de la structure économique.

Lorsque cette base est en danger, il faut lui venir en aide. Je regrette que l'honorable député de Bellechasse (M. Taschereau) ait consacré une partie de son discours à chercher noise au gouvernement fédéral.

M. Taschereau (Bellechasse): Je répondais à l'honorable député des Deux-Montagnes (M. Sauvé).

M. Duplessis (Trois-Rivières): Je répète que le député a consacré la majeure partie de son discours à blâmer le fédéral.

Un mot d'histoire. Le crédit agricole fédéral a été créé par M. King, mais surtout en faveur des provinces de l'Ouest. Les formes de garanties exigées (50 pour cent en hypothèque sur les champs et 20 pour cent sur les immeubles) en sont une preuve. Le taux d'intérêt a été peut-être trop élevé. Après la mise en force de ce crédit, le gouvernement King a nommé une commission pour administrer la loi. Si quelque chose ne va pas, ça ne dépend pas de l'administration de M. Bennett. Il n'y a donc rien à reprocher au gouvernement actuel.

La loi a été passée en 1922. Le provincial se devait d'aider à son application. Qu'est-ce que le gouvernement fédéral a fait en faveur du crédit agricole depuis 1928? Il avait le droit d'améliorer la loi en mobilisant un revenu suffisant pour diminuer le taux d'intérêt. Il aurait pu atténuer la crise dans une large mesure. Ce n'est que l'an dernier qu'il s'est décidé à faire quelque chose en payant une partie du taux de l'intérêt. Aujourd'hui, les cultivateurs attendent une solution.

On a attaqué le ministre des Postes, M. Sauvé, parce qu'il ne change pas la loi fédérale. Pourquoi demander au fédéral de faire dans un an ce que le provincial n'a pu faire dans quatre ans? Je comprends que c'est un compliment.

L'honorable député de Bellechasse dit que la cause de la crise réside dans le manque d'argent. Ce qui manque, c'est la confiance. Les prêteurs ont été habitués à croire que le développement industriel devait primer.

L'honorable M. Perrault (Arthabaska): L'honorable député croit-il que la loi de faillite a affecté le crédit?

M. Duplessis (Trois-Rivières): Elle a été passée par les amis de l'honorable ministre.

La province doit marcher sur une base d'affaire. Je ne suis pas d'avis que la province doit tout faire. Mais l'État a des moyens et des ressources pour aider les cultivateurs et il devrait s'en servir. Il devrait au moins combler les lacunes de la loi fédérale.

Une autre cause de la crise, c'est que trop de privilèges non enregistrables ont été accordés qui passent avant les hypothèques.

Le provincial devrait au moins payer les frais d'inspection, les frais d'administration, et abolir les frais des actes d'enregistrement ou du moins les réduire sensiblement. Les frais d'enregistrement sont trop considérables. Une réduction dans ce sens a été réclamée par l'opposition dès 1928. On faciliterait d'autant l'application de la loi fédérale. Je voudrais avoir l'opinion du ministre de l'Agriculture à ce sujet.

J'espère que cette question sera envisagée sans cachet politique. Si j'ai paru faire quelques allusions politiques, c'était pour rétablir les faits.

L'honorable M. Godbout (L'Islet): Je remercie le député d'Iberville (M. Lamoureux) d'avoir soulevé cette question. Nous avons constaté la sympathie de toute la Chambre pour l'agriculture. Cette discussion nous a donné l'occasion de voir combien cette Chambre s'intéresse à la classe agricole.

Je voudrais dégager la responsabilité du gouvernement en rapport avec la crise actuelle. Quand un député tient le gouvernement responsable de la crise, ce député est dans l'erreur. Il devrait plutôt remercier le gouvernement de n'avoir pas donné au cultivateur depuis dix ans des facilités plus grandes de s'endetter davantage, de n'avoir pas multiplié les faillites de crédit qui sont la ruine de toutes les classes et une des plus grandes causes de la crise actuelle.

Ce qu'il y a eu depuis dix ans, ça été l'excès de crédit pour achat de meubles, de machines aratoires, des automobiles, et aujourd'hui, on ne peut plus rencontrer les obligations contractées en temps de prospérité. Il en a été de même d'ailleurs dans les villes. Nous avons vu le crédit accordé à des facilités extraordinaires.

Aujourd'hui les cultivateurs ont besoin de crédit, mais il ne faudrait pas entendre par là un crédit d'État. Car tous les agriculteurs n'ont pas besoin d'argent, et parmi ceux qui en ont besoin, beaucoup peuvent s'en procurer par eux-mêmes. Ceux qui réclament le crédit d'État n'ont plus aucune garantie à offrir. Un crédit agricole d'État ne pourrait les satisfaire parce qu'ils ne pourraient l'utiliser; pour ceux-ci, il n'y a rien à faire.

Il est malheureux que les cultivateurs fassent faillite. Mais il ne faut pas que le gouvernement engage des crédits qui seront engloutis sans utilité. Chacun des dollars dépensés par le gouvernement doit faire l'objet d'une comptabilité exacte. Il faut que les députés sachent où vont les sommes engagées.

La question n'est pas nouvelle.

En 1922, une enquête générale a été faite sur ce problème au comité de l'agriculture, justement au lendemain d'une crise comme celle que nous traversons. On a posé la question à savoir s'il était avantageux pour les cultivateurs d'instituer un crédit agricole provincial. Tous les experts ont été interrogés, y compris les missionnaires agricoles, les techniciens, etc. On a répondu que ce serait rendre un mauvais service aux cultivateurs. Croit-on que ces prêtres n'aient pas à coeur l'intérêt de la classe agricole? En 1932, il n'est pas avantageux que le gouvernement fasse un excès de paternalisme en faveur d'une classe au détriment d'une autre. Les cultivateurs peuvent régler eux-mêmes leur problème.

Pourquoi instituer un système qui, dans les autres provinces, sauf en Ontario, a été un désastre. Et dans Ontario même, la situation commence à être moins favorable. Ontario, lui, ne prête plus d'argent parce qu'il n'en a pas le moyen. En 1929, en 1930 et en 1931, on a enregistré des pertes et j'apprends même que la Commission a cessé de prêter dernièrement. Il est tôt pour juger de la Commission provinciale de l'Ontario. Elle a aujourd'hui à sa charge plusieurs fermes qu'elle a dû reprendre. Le gouvernement a été prudent de ne pas établir un système de crédit provincial.

Pourquoi la province de Québec serait-elle à l'abri des dangers que comporte ce système? Au reste, on veut le crédit d'État dans l'espoir de payer un taux d'intérêt moins élevé et parce que l'on prétend manquer d'argent. On dit que les cultivateurs vont avoir plus de fonds. Mais, ailleurs, les prêteurs ont réduit leurs prêts avec le système de crédit provincial. Dans les autres provinces, on a été incapable de payer ce que l'on paie actuellement dans le Québec. D'ailleurs, à mon avis, le système fédéral est bon, c'est le meilleur système en dépit de ses inconvénients. Je ne crois pas cependant qu'il ait été très utile, parce qu'il a tué le crédit du cultivateur. Je crois même qu'il ne peut prêter à moins de 7 % à cause des autres provinces.

Ce sont les cultivateurs qui payent, et ils n'étaient pas anxieux de voir ici deux systèmes. Ils ont réclamé la réduction du taux d'intérêt. Il est difficile pour le fédéral d'accorder cette réduction. C'est la seule différence, celle du taux, qui existe ici avec les autres provinces. Le taux d'intérêt ici a été rendu plus facile que partout ailleurs.

Les cultivateurs n'ont pas que cette source de crédit. Outre les octrois, ils jouissent de prêts par leur association à un taux beaucoup plus bas que celui que l'on suggère.

Le meilleur système, ce sont les caisses populaires telles que nous les avons dans la province de Québec.

Que faire alors?

Il est faux de prétendre que le gouvernement provincial n'a rien fait.

La province de Québec a tout d'abord à sa disposition le crédit agricole créé par le gouvernement fédéral. C'est un système qui n'offre pas les dangers du crédit provincial. Cependant, on a constaté qu'il a fait tort aux autres prêteurs.

Il faudrait le modifier pour le rendre plus utile à nos cultivateurs. En premier lieu, le pourcentage de la valeur garantissant le prêt devrait être porté plus haut. Et cela devient facile maintenant que les valeurs mobilières ont subi une forte dépréciation.

La province paie une partie de l'intérêt, de sorte que le cultivateur ne paie plus maintenant qu'un intérêt raisonnable. De 6½ %, il est passé à 5 % pour les nôtres.

On peut faire autre chose. Nous travaillerons à rendre l'éclaircissement des titres moins coûteux et plus facile en nommant un, deux ou trois hommes à cette fin.

Mais le crédit par excellence, celui que je tiens à recommander par-dessus tout autre, c'est celui des caisses populaires. Depuis dix ans, il s'est perdu des millions dans la province parce que les cultivateurs prêtaient à des organisations qu'ils ne contrôlaient pas. Et je me réjouis de ce que la Fédération des caisses populaires vient d'être formée. Cet organisme manquait. Il existe maintenant et nous allons lui accorder toute l'aide possible pour lui permettre de répandre les caisses. Le gouvernement se propose de mettre à la disposition des caisses populaires une somme de $20,000. Nous paierons les frais de propagande, la formation des gérants, l'inspection des caisses.

Cette inspection sévère est nécessaire; c'est la garantie du bon fonctionnement de ces organismes. Mais il faut que cette inspection soit faite indépendamment de la politique, par la fédération elle-même. Le gouvernement ne fera que payer les frais d'inspection.

Oui, j'ai foi dans les caisses populaires qu'on semble trop ignorer. On oublie qu'elles ont prêté $52,000,000 depuis 15 ans et, qu'au cours de 1931 seulement, elles ont prêté $3,000,000. Ce système est le meilleur qui existe au Canada.

Elles ont encore $10,000,000 de disponibilité. Ce système a obtenu un grand succès dans les pays d'Europe, et là où il a fonctionné en même temps qu'un système d'État, ses résultats ont été meilleurs que ceux du système d'État.

On a été unanime à recommander comme remède ici l'usage des caisses populaires.

On nous demande et j'en suis surpris, d'aider les cultivateurs en nous introduisant dans leurs affaires. C'est un mauvais service à leur rendre. Le gouvernement aide les cultivateurs qui veulent s'aider. Au lieu de les pousser au mécontentement par des récriminations perpétuelles contre le gouvernement, on ferait mieux de les encourager à utiliser les moyens mis à leur disposition. Tant que le système des caisses populaires n'aura pas été reconnu inefficace, nous ne sommes pas prêts à l'abandonner.

Nous n'entendons pas nous arrêter là. Nous ne sommes pas infaillibles. Nous essayons actuellement un système. Nous l'avons pris sur le conseil d'experts. Nous ne pouvons dire encore s'il est parfait. Nous le verrons aux résultats. Si nous n'obtenons pas de bons résultats, nous essaierons autre chose.

Avec notre système, nous aurons enlevé les obstacles au prêt agricole. Quant à la question des enregistrements, le gouvernement l'étudie.

Le cultivateur s'il le veut, est capable de résoudre ce difficile problème. Que nos agriculteurs se pressent les coudes, qu'ils coopèrent, et les caisses populaires se multiplieront et leurs bienfaits se feront sentir dans un plus grand rayon.

Je crois qu'en mettant de côté l'opinion de tous les experts, on fait fausse route. La solution vraie et utile ne peut être obtenue de cette façon.

Nous espérons qu'en nous employant activement à alléger la misère de nos cultivateurs, nos efforts ne seront pas inutiles et que nous contribuerons au maintien et à la prospérité de l'agriculture dans la province de Québec.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Si la Chambre veut me prêter un peu d'attention, pendant les minutes qui restent, je désirerais ajouter quelques mots, bien que mon collègue, le ministre de l'Agriculture (l'honorable M. Godbout), ait couvert tout le terrain.

Si le gouvernement réalise que les cultivateurs ont besoin d'aide, et il veut les aider encore plus qu'il ne l'a fait dans le passé, bien qu'il ait fait beaucoup pour eux, nous pouvons les aider de deux manières. Nous avons en effet commencé, il y a longtemps, à alléger le fardeau qui pèse sur les épaules des cultivateurs. Nous avons construit et entretenu leurs chemins, leurs écoles, entièrement dans bien des cas et dans une forte proportion dans d'autres; nous leur avons donné des octrois pour payer leurs instituteurs et institutrices, des octrois pour les labours, des primes de résidence, des grains de semence, etc. Peut-être n'est-ce pas suffisant? On nous demande maintenant d'instituer un crédit agricole, et l'on nous parle des autres provinces.

C'est pourquoi, aujourd'hui, la question du crédit agricole est à l'affiche. On nous parle toujours des autres provinces. On nous dit que tout y est beau. Mais le crédit agricole a été essayé ailleurs et ça n'a pas produit les résultats qu'on en attendait. Le Financial Post nous dit que toutes les provinces qui ont adopté le système de crédit agricole ont connu le désastre. La Colombie-Britannique, de l'avis de son trésorier, n'enregistre cette année un déficit qu'à cause du crédit agricole. Sans le crédit agricole qui lui cause un déficit de $2,000,000, la Saskatchewan aurait annoncé un surplus de $1,000,000. En Ontario, la Commission du prêt agricole a suspendu ses prêts parce qu'il n'y a plus de fonds. De plus, $29,000,000 sont dus à l'Ontario.

Nous avons l'expérience des autres provinces pour nous dire d'y aller doucement. Savez-vous que, le premier novembre dernier, 40 pour cent des intérêts dus en Ontario6 n'ont pas été payés? Cependant, Ontario prend toutes les précautions possibles: on se plaint même que la province est trop sévère, qu'elle ne prête pas assez. Malgré tout cela, vous voyez le résultat.

Le prêt agricole va-t-il survivre? Je l'espère et j'en doute. Mais c'est dans Québec qu'il vivra le plus longtemps, grâce au paiement de 1½ % d'intérêt par le gouvernement provincial.

(Applaudissements)

Où est la solution? Pour moi, je crois qu'elle se trouve dans les caisses populaires. S'il y a moyen d'établir un système de caisses populaires dans Québec, contrôlé, pas par le gouvernement seulement, mais par une caisse centrale et par le gouvernement, caisses auxquelles le gouvernement est prêt à contribuer, je crois que de cette façon les habitants à l'aise prêteront à la caisse locale. Si l'on avait été plus prudent sur les prêts, sur l'inspection, ces caisses seraient dans notre province une des plus belles et plus stables de nos institutions.

Nous voulons aujourd'hui étudier le système. Les administrateurs des caisses nous ont demandé $20,000 par année pour l'inspection et le travail de propagande. Nous agréons cette demande et mon collègue, le ministre de l'Agriculture, va proposer à cette session-ci une loi dans ce sens. Nous attendons un bon résultat de ce système. Si ces caisses conservent la confiance du public et si elles demeurent fidèles à leur mission, je suis convaincu qu'elles ne seront pas lentes à remplacer le crédit agricole et ses dangers. Nous aurons alors un système que les autres provinces envieront et que l'on viendra copier.

Il y a sans doute d'autres moyens d'aider les cultivateurs. Je demande au député de Deux-Montagnes (M. Sauvé) de lire le discours que prononçait M. Arthur Sauvé alors qu'il était chef de l'opposition, et dans lequel il s'élevait contre la loi des faillites qui permet à un cultivateur de se mettre en faillite quand il lui plaît. La loi des faillites est un désastre pour eux, car elle est cause que l'on ne veut plus leur prêter. Je prie le député des Deux-Montagnes de rappeler ce discours au ministre des Postes. C'est le meilleur qu'il a prononcé.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Pourquoi le gouvernement King ne l'a-t-il pas rappelée cette loi des faillites?

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): C'est pour permettre au gouvernement Bennett de le faire.

(Rires et applaudissements)

Ceux qui parcourent nos campagnes pour décourager les cultivateurs, en promettant, l'an dernier au cours de la période électorale, de prêter de l'argent à 2 %, font une mauvaise oeuvre. Il y a des cultivateurs qui y ont cru et qui croient aujourd'hui qu'on ne leur rend pas justice parce qu'ils doivent payer 5 %. Si on ne veut pas mettre de politique dans cette question, que ceux qui dirigent la politique donnent l'exemple. Je crois que l'heure est arrivée pour toutes les bonnes volontés de s'unir sur cette question, afin que les cultivateurs puissent être heureux sur la terre, et ils le seront en autant que la bonne terre leur donnera le bonheur de la richesse.

(Applaudissements)

M. Lamoureux (Iberville): Si j'ai présenté cette motion, c'est à la demande de nombreux cultivateurs et j'y ai été encouragé fortement par de nombreux députés ruraux de cette Chambre. De tous les discours qui ont été prononcés, il se dégage un fait: c'est que le système de crédit rural fédéral est inopérant, et qu'il faut faire quelque chose pour aider les cultivateurs. La grande majorité de ces derniers le demandent et ils sont appuyés par les banquiers, hommes d'affaires qui ont intérêt à ce que la classe agricole ne fasse pas faillite.

Tout le monde admet que le système fédéral est impraticable. Je crois que le temps est venu d'établir un système de crédit provincial. Reste à déterminer le système à utiliser. Les uns favorisent le crédit agricole par les caisses populaires. L'idée peut être excellente, mais il se trouve malheureusement que les caisses n'ont même pas suffisamment d'argent disponible pour financer les petits prêts. Et je prie de croire que j'en sais quelque chose. Si donc le gouvernement se résolvait à recourir aux caisses populaires, il devrait d'abord avancer des fonds, permettre le réescompte des hypothèques, etc. Et puis, nous posons la question sans ambages. Certains prêts de crédit rural sont parfois risqués, et pourtant ils doivent être consentis. Les caisses sont-elles prêtes à subir les pertes sur ces prêts.

Il y a aussi le système ontarien. La loi a été si bien faite que, depuis 1923, elle n'a pas été amendée. C'est le système qui a fait ses preuves, donné des résultats pratiques et qui semble le meilleur.

Il nous faut une action immédiate pour venir en aide aux cultivateurs. Chez ces derniers, il y a une classe qui n'a pas besoin de crédit agricole gouvernemental, car elle peut elle-même trouver les argents nécessaires. Il y a aussi ceux qui sont d'avance voués à la banqueroute et perdus. Mais, il y a aussi la proportion considérable des cultivateurs mis en péril par une gêne passagère momentanée et qui vont être acculés à la banqueroute, si on n'agit pas immédiatement pour les sauver. Que l'on prenne les précautions voulues, j'en suis, mais qu'on fasse quelque chose.

La session est trop avancée maintenant pour que je compte sur la réalisation d'un projet de crédit agricole.

Le député de Joliette (M. Dugas) a suggéré un moyen terme, un moratoire. C'est une idée qui mérite d'être considérée puisqu'on refuse d'agir par ailleurs.

On nous a parlé de la loi des faillites, comme le plus grand obstacle à l'établissement du crédit agricole provincial. On a fait un épouvantail de la loi des faillites. Elle a du mauvais, mais elle a du bon. Que l'on sache bien ceci: le cultivateur se met sous la loi des faillites quand il ne possède plus rien, et il n'en sort jamais enrichi. On veut abolir cette loi pour lui, sans toucher aux autres classes. Je dis non. Le cultivateur a droit de se servir de cette loi comme tout autre. Comme tout autre, il a droit de recommencer à neuf.

Il y a des obstacles aussi sérieux que la loi des faillites et dont on devrait se préoccuper. Ainsi, on devrait faire disparaître la foule des privilèges qui réduisent la garantie de l'hypothèque à rien du tout, hypothèque de loi, hypothèque pour les médecins.

À ce sujet, j'ai vu un médecin inscrire un privilège de $4,000 contre une propriété, pour avoir soigné un cultivateur de vie à trépas. Si le gouvernement amendait la loi pour restreindre ces privilèges et donner à la garantie hypothécaire la valeur qu'elle possédait auparavant, les prêteurs seraient moins inquiets; ils prêteraient plus facilement. On devrait diminuer aussi les frais d'enregistrement, éclaircir les titres. Ce serait autant de bienfaits pour aider les cultivateurs.

On a parlé de la Commission du prêt agricole ontarienne. Voici la lettre que le président de la Commission m'écrivait le 4 janvier 1932.

"En réponse à vos questions, je dois vous dire que cette Commission est en opération depuis 10 ans et a fait 11,000 prêts jusqu'à la fin de la dernière année fiscale. La Commission est financée directement par le gouvernement. En vertu de la loi, la Commission émet des obligations de temps à autre, suivant les besoins d'argent pour les prêts, et des obligations sont achetées par le trésorier de la province. Ces obligations portent un intérêt de 4½ %. L'argent est prêté à 5½ %. Cette marge de 1 % et les frais de l'inspection et du travail légal constituent les revenus de la Commission. Celle-ci a payé au trésorier les intérêts sur les obligations jusqu'à date et a retourné le coût d'administration y compris les pertes sur les fermes telles qu'elles se sont produites d'année en année. Après avoir fait tout cela, la Commission a enregistré un surplus de $628,000 à la fin de la dernière année fiscale. C'est surtout grâce à ce surplus que la Commission est en état de porter de substantiels arrérages, jusqu'à date, mais nous estimons que nos hypothèques et nos arrérages sont garantis suffisamment par les propriétés.

"(signé) M. Broadhouse, président."

 

Si l'on ne trouve pas un remède immédiat, un bon nombre de cultivateurs vont être forcés d'abandonner leurs terres.

La motion est adoptée.

La séance est levée à 6 h 10.

 

Deuxième séance du 17 février 1932

Présidence de l'honorable T.-D. Bouchard

La séance est ouverte à 8 h 50.

Prière.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

Travaux de la Chambre

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, appuyé par le représentant de Drummond (l'honorable M. Laferté): Qu'à partir de demain, le 18 février, la Chambre tienne trois séances tous les jours, excepté le dimanche: la première de onze heures du matin à une heure de l'après-midi; la deuxième de trois à six heures de l'après-midi; et la troisième de huit heures et demie à l'ajournement; et qu'à chaque séance l'ordre des affaires soit réglé suivant les dispositions du règlement relatives aux séances du mardi.

Adopté.

 

Demande de documents:

Frais d'annonces, de publicité, d'impression et de reliure

M. Lafleur (Montréal-Verdun) propose qu'il soit mis devant cette Chambre un état indiquant: 1. Quels sont les noms des journaux, personnes et compagnies auxquels le gouvernement a payé ou avancé des frais d'annonces, de publicité, d'impression et de reliure, dans les six premiers mois de l'exercice en cours; 2. Combien a-t-il été payé ou avancé à chacun dans chacune de ces périodes: a. pour frais d'impression et de reliure; b. pour frais d'annonces et de publicité; c. pour autres frais divers.

Adopté.

 

Dépôt de documents:

Frais d'annonces, de publicité, d'impression et de reliure

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) dépose sur le bureau de la Chambre la réponse à un ordre, en date de ce jour, pour production d'un état indiquant: 1. Quels sont les noms des journaux, personnes et compagnies auxquels le gouvernement a payé ou avancé des frais d'annonces, de publicité, d'impression et de reliure, dans les six premiers mois de l'exercice en cours; 2. Combien a-t-il été payé ou avancé à chacun dans chacune de ces périodes: a. pour frais d'impression et de reliure; b. pour frais d'annonces et de publicité; c. pour autres frais divers. (Document de la session no 59)

Loi des pensions

L'honorable M. Perrault (Arthabaska) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant de Drummond (l'honorable M. Laferté), qu'à sa prochaine séance la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération un projet de résolution relative au bill 237 modifiant la loi des pensions.

Adopté.

Loi de la taxe sur les transferts de valeurs mobilières

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération un projet de résolutions relatives au bill 59 modifiant la loi de la taxe sur les transferts de valeurs mobilières.

Adopté.

Il informe alors la Chambre qu'il est autorisé par Son Honneur le lieutenant-gouverneur à soumettre ledit projet de résolutions et que Son Honneur en recommande la prise en considération.

 

En comité:

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose:

1. Que dans la loi de la taxe sur les transferts de valeurs mobilières (statuts refondus, 1925, chapitre 27):

1. Les mots "gouvernement étranger" désignent tous autres gouvernements que ceux du dominion du Canada et des provinces de ce dominion.

2. L'expression "valeur mobilière" signifie et comprend:

a. Toute action (share), obligation (debenture) action-obligation (debenture stock), et tout bon (bond) émis par toute corporation, compagnie ou gouvernement étranger;

b. Tout intérêt indivis communément appelé "unité", dans un groupement d'actions, obligations, actions-obligations et/ou bons tenus en fidéicommis ou en propriété, par une personne, société ou corporation, constaté par un document quelconque.

2. Que pour subvenir aux besoins du service public, il sera imposé, conformément aux règles ci-après, une taxe: sur toute mutation de propriété résultant de la vente, du transfert ou de la cession, de valeurs mobilières faite ou mise à effet dans la province et sur toute commande donnée dans la province pour la vente ou la cession, de valeurs mobilières, pourvu que cette commande soit suivie d'exécution hors de la province, mais que la première mutation de propriété résultant de la vente, du transport ou de la cession par la corporation ou compagnie qui émet ces valeurs mobilières ne soit pas sujette à la taxe édictée par la présente loi.

3. Que lorsqu'il s'agira d'une valeur mobilière ayant une valeur au pair, cette taxe sera de deux centins pour chaque telle valeur mobilière si cette valeur au pair est de moins de dix dollars, de trois centins, si cette valeur au pair est de dix dollars ou plus mais n'excède pas cent dollars, et de trois centins par chaque cent dollars ou fraction de cent dollars, si cette valeur au pair excède cent dollars; mais que, si la valeur sur le marché de la valeur mobilière est de moins de dix dollars, cette taxe ne sera seulement que de deux centins pour chaque telle valeur mobilière.

4. Que lorsqu'il s'agira d'une action, ou d'une unité visée par la résolution no 1, sans valeur au pair, cette taxe sera de deux centins pour chaque telle action ou unité, si sa valeur sur le marché est de moins de dix dollars, de trois centins pour chaque telle action ou unité si sa valeur sur le marché est de dix dollars ou plus mais n'excède pas cent dollars, et de trois centins pour chaque cent dollars ou fraction de cent dollars si la valeur sur le marché de cette action ou de cette unité excède cent dollars.

5. Que lorsqu'il s'agira d'une action, ou d'une unité visée par la résolution no 1, qui n'a pas de valeur au pair ni valeur sur le marché, cette taxe sera de trois centins pour toute telle action ou unité.

6. Que cependant, dans le cas d'actions ou d'unités visées par la résolution no 1, émises par des compagnies minières, cette taxe sera de trois centins pour chaque cent dollars ou fraction de cent dollars de la valeur sur le marché de ces actions, formant une seule transaction.

7. Que tout transfert, vente ou cession, commandé (ordered), fait ou mis à effet, par l'intermédiaire d'une personne faisant dans la province le commerce de courtier soit pour elle-même, soit pour le compte d'une autre personne, sera censé commandé (ordered), fait ou mis à effet dans la province, à moins que le trésorier de la province ne certifie que le contraire a été établi à sa satisfaction.

Les résolutions sont adoptées.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté plusieurs résolutions, lesquelles sont lues deux fois et adoptées sur division.

Il est ordonné que lesdites résolutions soient renvoyées au comité général chargé d'étudier le bill 59 modifiant la loi de la taxe sur les transferts de valeurs mobilières.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 59 modifiant la loi de la taxe sur les transferts de valeurs mobilières.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Forces hydrauliques de la Gatineau

M. Taschereau (Bellechasse) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 170 modifiant la loi du régime des eaux courantes.

Adopté.

 

En comité:

Le comité se réunit sous la présidence de l'Orateur suppléant (M. Vautrin, Montréal-Saint-Jacques).

M. Guertin (Hull): Nous avons vu un officier du gouvernement agir comme coulissier7 en faveur d'une corporation.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Quel officier?

M. Guertin (Hull): Ce n'est pas un officier du procureur général.

L'honorable M. Mercier fils (Châteauguay): L'employé de mon département auquel l'honorable député de Hull fait allusion n'a pas agi comme coulissier. M. Amos n'a jamais fait le métier de coulissier.

M. Guertin (Hull): Je tiens à dire que ce monsieur avec M. Yale a fait des démarches auprès des députés.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): On a prétendu que l'intérêt général était la raison principale de cette mesure. Mais nous avons vu que le bill concerne beaucoup plus un cas particulier. C'est un bill privé qui concerne la Gatineau Power et M. Freeman-T. Cross. Le moyen employé est inusité.

M. Taschereau (Bellechasse): Les deux parties intéressées se sont déclarées satisfaites de l'entente qui est intervenue. Le député de Hull est plus exigeant, lui.

M. Legault (Gatineau): Ce bill concerne mon comté. J'ai demandé des informations au représentant de M. Cross. Je n'ai rien reçu. Par conséquent on n'a pas à se plaindre.

M. Guertin (Hull), M. Sauvé (Deux-Montagnes) et M. Barré (Rouville) protestent tour à tour contre le bill.

M. Legault (Gatineau) insiste sur le fait que cette mesure concerne son comté.

M. Bertrand (Saint-Sauveur) veut faire lire le bill en français.

Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

M. Taschereau (Bellechasse) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Code civil, article 44

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 236 modifiant l'article 44 du Code civil soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité général.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Compagnies d'assurance mutuelle et sociétés de secours mutuels

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 224 modifiant la loi des assurances de Québec relativement à certaines compagnies d'assurance mutuelle et certaines sociétés de secours mutuels.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

 

Demande de documents:

Refonte des lois municipales

M. Rochette (Charlevoix-Saguenay) propose, appuyé par le représentant de Berthier (M. Bastien), qu'il soit mis devant cette Chambre copie de toute demande, correspondance, résolutions, etc., concernant le projet de refondre et de consolider nos lois municipales, spécialement les demandes de l'Union des municipalités de la province de Québec.

Adopté.

Loi du prêt agricole canadien

M. Authier (Abitibi) propose, appuyé par représentant de Wolfe (M. Lemieux):

Que, vu la nécessité de réformes dans le système fédéral actuel de prêt agricole institué en vertu de la loi du prêt agricole canadien;

Vu, en particulier, la baisse qui s'est produite depuis deux ans dans la valeur des fermes au Canada;

Cette Chambre invite le gouvernement:

a. À s'entendre avec le conseil provincial formé en vertu de la loi du prêt agricole canadien ainsi qu'avec les autorités compétentes du gouvernement fédéral, en vue d'obtenir un taux d'intérêt à 5 % sur les prêts de la Commission du prêt agricole canadien;

b. À faire aussi des démarches pour obtenir que le montant du prêt soit plus élevé par rapport à l'évaluation de la propriété hypothéquée.

C'est évidemment la journée du crédit agricole. La motion de ce soir fait suite au débat de cet après-midi. Elle s'inspire dans une large mesure de la motion proposée, il y a deux ans, par le député des Deux-Montagnes de l'époque.

Je crois que c'est au fédéral qu'il incombe de nous donner un système de crédit agricole. Il a d'ailleurs pris les devants en 19288. Les principes sur lesquels repose le système actuel de prêt agricole sont excellents. Le prêt est administré par une commission indépendante. On a voulu procéder avec prudence, avec trop de prudence peut-être. On a refusé des demandes qui, à mon avis, auraient dû être agréées. Dans mon comté, il y a des refus de prêts absolument déraisonnables.

L'honorable M. Sauvé demandait, en 1930, un prêt agricole de 4½ % et des prêts de 65 pour cent de la valeur des terres. J'ai l'honneur de demander au gouvernement provincial de faire des démarches auprès des instances du pouvoir central pour que la Commission puisse prêter à plus de 50 pour cent de la valeur de la terre et à plus de 20 pour cent de la valeur des habitations et des améliorations.

Il ne faut pas oublier qu'il y a eu une baisse de la valeur des fermes. Il y a moins de risques à prêter aux deux-tiers de la valeur des terres.

On réclame un système entièrement provincial. A quoi bon! Quand nous pouvons obtenir du fédéral une amélioration de sa loi.

Le taux d'intérêt imposé par le fédéral devrait être de 5 %. C'est que ce qu'il donne pour son argent, mais il faut pas oublier que nous sommes en un temps de crise et que les autorités fédérales doivent faire leur part. Ceci permettrait au gouvernement de se servir du 1½ % qu'il donne actuellement pour faire diminuer les frais d'enregistrement.

Il me semble que le gouvernement fédéral, qui a les principales sources de revenus et a laissé aux provinces le plus fort des dépenses, pourrait alléger les conditions de crédit agricole.

J'arrive à croire que la motion sera adoptée unanimement par cette Chambre et que nos démarches seront couronnées de succès.

M. Legault (Gatineau): Il faudrait évaluer les propriétés à leur valeur pour ne plus avoir de difficultés avec le prêt agricole.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Je suis surpris que le ministre de l'Agriculture (M. Godbout) n'ait pas parlé après l'honorable député de l'Abitibi. Cette proposition vient en contradiction avec les remarques de l'honorable ministre de l'Agriculture cet après-midi, qu'il y avait excès de crédit et que c'était une des causes du malaise actuel. On a rappelé que la mesure s'inspirait d'une motion de l'honorable Sauvé. C'est vrai et je souhaite au député d'Abitibi plus de succès que n'en a eu mon père.

L'honorable M. Godbout (L'Islet): J'ai dit que la province n'avait pas eu tort de ne pas accorder de plus grandes facilités de crédit depuis dix ans. Pendant ces dix ans, les cultivateurs n'ont pas manqué de crédit. Je n'ai pas dit que les cultivateurs n'avaient pas besoin de crédit; au contraire, ils ont besoin de crédit. J'ai expliqué plusieurs fois pourquoi ce crédit est nécessaire.

Je comprends qu'il serait facile pour le fédéral de coopérer avec le provincial pour améliorer surtout la condition du pourcentage.

M. Authier (Abitibi): En réponse au député des Deux-Montagnes qui prétend que rien n'a été fait par le provincial, je dis que le président de la Commission du prêt agricole a été approché, et il peut être considéré comme l'une des autorités fédérales.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): J'ai prétendu qu'aucune suite n'avait été donnée à la motion passée en Chambre.

La motion est adoptée.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, sans amendement, les bills suivants:

- bill 35 relatif à la conversion de la dette de la ville de Rouyn et de celle de la corporation des commissaires d'écoles de cette ville;

- bill 64 modifiant la loi des droits sur certaines mutations de propriétés;

- bill 67 concernant la manutention de la gazoline;

- bill 158 modifiant la loi des habitations salubres;

- bill 163 modifiant la loi des cités et villes relativement au droit de vote des compagnies à fonds social;

- bill 165 modifiant l'article 91 du Code du notariat;

- bill 174 modifiant l'article 61 de la loi des véhicules automobiles;

- bill 204 modifiant la loi du salaire minimum des femmes;

- bill 205 modifiant la loi des bureaux de placement;

- bill 221 modifiant la loi des produits laitiers;

- bill 225 abrogeant la loi des compagnies d'assurance des beurreries et fromageries.

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il agrée, sans amendement, ses amendements aux amendements faits par le Conseil législatif au bill 134 modifiant l'article 18 de la loi 1 George V (1911), chapitre 77.

 

Subsides

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides et que l'Orateur quitte maintenant le fauteuil.

M. Sauvé (Deux-Montagnes) propose par voie d'amendement, appuyé par le représentant d'Yamaska (M. Élie):

Que tous les mots après "que" dans la motion en discussion soient retranchés et remplacés par les suivants:

"Vu les déclarations des ministres que les revenus de la province ont considérablement diminué et qu'il est nécessaire d'imposer de nouvelles taxes pour boucler le budget;

"Attendu qu'il convient de pratiquer l'économie mais que, d'autre part, il est nécessaire de pourvoir à la solution de certains problèmes d'une importance capitale;

"Attendu qu'il est très urgent d'établir un système de crédit agricole approprié aux besoins des cultivateurs et aux moyens de la province en favorisant davantage les cultivateurs de cette province;

"Cette Chambre recommande au gouvernement de mettre fin aux dépenses considérables provoquées par la construction du pont de l'Île d'Orléans et d'adopter les mesures nécessaires pour employer les argents ainsi épargnés à venir immédiatement en aide à la classe agricole de cette province".

Le pont coûtera plusieurs millions, et le gouvernement Taschereau a déjà dit à la Chambre que l'économie la plus stricte est absolument nécessaire. Les revenus baissent et de nouvelles taxes sont imposées. Une politique d'économie s'impose. Nous croyons que certaines classes de la société ont besoin de secours. La classe agricole est fondamentale dans notre province. Elle constitue 50 pour cent de la population du Québec.

Le gouvernement, à l'Île d'Orléans, s'engage dans une entreprise de plus de $2,000,000 pour une population de 3,631 habitants qui est opposée à la construction de ce pont. Je ne veux pas faire de politique, mais la preuve c'est que la majorité du premier ministre dans l'Île a été diminuée l'an dernier. Ainsi, la Chambre a la chance d'aider une large partie de la population de Québec et de retarder la construction d'un pont qui ne servirait qu'à une poignée.

Or, chacun admet l'urgence d'un crédit agricole. La principale objection qu'on y fait, c'est que personne n'a d'argent. Or, en ajournant la construction du pont, le gouvernement aurait à sa disposition $4,500,000. Ce n'est pas une motion de non-confiance ni de censure. On ne fait que demander que l'argent qu'il n'est pas nécessaire de dépenser sur une chose soit transféré pendant un certain temps à quelque chose dont le besoin est urgent, c'est-à-dire de quoi organiser un crédit agricole immédiat suffisant pour parer aux besoins les plus pressants.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je soulève un point d'ordre. La construction du pont a été décidée par la Chambre, l'argent a été voté et les travaux ont été commencés. On ne peut demander d'arrêter ces travaux.

M. Duplessis (Trois-Rivières): En vertu de quel article?

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): 245. Demandez le rappel de la loi si vous voulez.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Le premier ministre le sait très bien, nous ne critiquons pas la loi; nous ne touchons pas au principe de la loi. Nous demandons la suspension des travaux pour que l'argent puisse aller ailleurs pour le moment. Nous disons que le gouvernement est à faire des travaux non urgents. Si l'amendement était déclaré hors d'ordre, ceci voudrait dire qu'il est impossible de faire aucun amendement au budget. N'avons-nous pas le droit d'émettre un voeu?

M. Legault (Gatineau): Pas toujours.

M. Duplessis (Trois-Rivières): C'est un amendement élémentairement bon.

L'honorable M. Perrault (Arthabaska): L'article 245.8 se lit comme suit: "Il est interdit à tout député qui a la parole:

"De critiquer une décision de la Chambre ou une loi de la province, sauf en discutant d'une motion ayant pour objet de rescinder cette décision ou un bill portant modification ou abrogation de cette loi."

L'amendement demande de suspendre les travaux du pont. L'an dernier nous avons passé une loi, voté des fonds, le pont est à se construire. C'est une modification de la loi que l'on veut.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Vous n'êtes pas sérieux?

L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Ne demande-t-on pas l'arrêt de travaux autorisés par la loi? Cet amendement ne demande rien d'autre qu'une modification de la loi. De plus, vous n'avez pas le droit de critiquer la loi.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Le ministre n'est pas sérieux?

L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Oui, très sérieux. Je le suis bien plus que l'honorable député. Quand on lui présente une objection sérieuse, il allègue que nous ne sommes pas sérieux. Je suis sérieux et je demande le maintien du point d'ordre. Il sait très bien que l'amendement aurait pour effet de modifier la loi.

M. Duplessis (Trois-Rivières): Absolument pas.

L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Vous bloquez la décision de la Législature exprimée dans cette loi.

M. Sauvé (Deux-Montagnes): La loi de l'an dernier ne mentionne aucun délai pour la construction du pont. Nous demandons seulement de différer l'application de la loi parce que des conditions nouvelles sont survenues. Je ne dirai pas que le premier ministre n'est pas sérieux, mais il sait très bien que nous ne demandons pas que la loi soit rappelée, mais plutôt qu'il y ait un délai. C'est tout.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): C'est la même chose.

Des voix de l'opposition: Non, non.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Nous serions obligés de prendre l'argent pour le mettre ailleurs. Nous n'en avons pas le droit. Vous demandez d'affecter les fonds votés à d'autres fins que celles définies dans la loi. Si on applique l'argent au crédit agricole, où prendrons-nous plus tard les fonds nécessaires à la construction autorisée par la Chambre?

M. Sauvé (Deux-Montagnes): Certainement, vous le pouvez. Il n'y a pas de fonds spécial duquel proviennent les argents pour le pont. Vous ne prendriez pas l'argent d'un fonds pour le mettre dans un autre. Tout provient du fonds consolidé. Quant à la loi, elle restera dans les statuts telle qu'elle est.

L'honorable M. Perrault (Arthabaska): Vous amendez la loi.

M. Power (Québec-Ouest) s'informe auprès du député de Deux-Montagnes s'il croit que son amendement va aider les chômeurs, s'il espère aider les ouvriers en leur enlevant du travail et la classe agricole en enlevant aux ouvriers leur pouvoir d'achat, et s'il va faciliter l'écoulement des produits des cultivateurs de l'Île.

(Applaudissements)

M. l'Orateur suppléant: Je prends le point d'ordre en délibéré.

La séance est levée à 10 h 50.

__________

NOTES

 

1. Le 13 février, selon L'Événement, du 18 février 1932, à la page 16.

2. $90,000,000, selon Le Canada, du 18 février 1932, à la page 7.

3. $643,000, selon L'Événement, du 18 février 1932, à la page 16.

4. L'Événement du 18 février 1932, à la page 16, écrit $300,000,000. Nous nous en tenons, toutefois, au montant de $343,000,000 pour demeurer cohérents avec les montants énoncés auparavant. Nous présumons qu'il s'agit d'une erreur dudit journal.

5. Le Devoir du 18 février 1932, page 2, écrit la Saskatchewan. Tous les autres journaux spécifient l'Alberta.

6. L'Événement du 18 février 1932, à la page 16, écrit Ottawa. C'est le seul journal à le faire.

7. Courtier en valeurs mobilières.

8. Le Canada du 18 février 1932, à la page 7, mentionne 1927, au lieu de 1928.