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Version finale

20e législature, 1re session
(7 octobre 1936 au 12 novembre 1936)

Le mercredi 4 novembre 1936

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable J.-M.-P. Sauvé

La séance est ouverte à 3 heures1.

Prière.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Rapports de comités:

M. Boyer (Châteauguay): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le deuxième rapport du comité permanent des bills publics en général. Voici le rapport:

Votre comité a décidé de rapporter à la Chambre le bill suivant:

- bill 20 concernant l'élection des députés à l'Assemblée législative.

 

Questions de privilège:

Augmentation du prix du lait

M. Rochefort (Montréal-Sainte-Marie): M. l'Orateur, je me lève sur une question de privilège pour protester contre l'augmentation du prix du lait. Les journaux de la province, dans leurs éditions récentes, nous apportent de multiples protestations au sujet d'une augmentation du prix du lait.

Les marchands détaillants, plusieurs clubs ouvriers et plusieurs autres organisations ont protesté contre le fait que cette matière de première nécessité se vend maintenant $0.12 la pinte à Montréal et $0.11 à Québec.

L'augmentation a été autorisée par une ordonnance de la Commission de l'industrie laitière. Lorsque je faisais partie du Conseil central des métiers et du travail, tous les automnes, nous protestions contre une augmentation du prix du lait.

Je viens de recevoir une lettre d'un de mes électeurs, un notaire de Montréal, qui soulève cette question et attire mon attention sur l'ordonnance de la Commission de l'industrie laitière, disant que les laitiers sont protégés par la Commission, en augmentant le prix du lait de trois sous la pinte à Montréal. J'attire l'attention du gouvernement sur les observations que contient cette lettre et je demande la permission de la déposer devant la Chambre, afin que nous puissions en discuter. Peut-être ne déplairaît-il pas à la Chambre d'entendre la lecture de cette lettre. Elle n'est pas longue.

(M. Rochefort donne lecture de la lettre.) Le signataire s'étonne particulièrement du fait que le cultivateur, en vertu de la nouvelle ordonnance de la Commission de l'industrie laitière, ne reçoit que $0.31 de plus le 100 livres, tandis que les distributeurs le vendent maintenant $1.20 de plus le 100 livres.

L'honorable M. Dussault (Portneuf): M. l'Orateur, il y a dans la lettre que nous a lue l'honorable député de Sainte-Marie quelques faits à relever. Permettez-moi de répondre immédiatement à quelques points soulevés par cette lettre. Je constate que certaines choses sont mal comprises par le public. La Commission de l'industrie laitière fixe le prix minimum du lait; elle ne fixe pas le prix de vente. Cette Commission a été instituée, à la demande des distributeurs, pour empêcher une concurrence ruineuse. Elle vient d'augmenter le prix que doit recevoir le producteur, mais elle a laissé à $0.10 la pinte le prix minimum auquel le lait doit être vendu. La Commission a fixé le prix minimum qui doit être payé au producteur, mais elle refuse de fixer le prix de vente. Ce n'est donc pas elle qui a fixé à $0.12 le prix de vente. Les distributeurs se sont entendus entre eux pour faire cette augmentation. Légalement, ils ont le pouvoir de le faire.

Cette explication donnée, je dois admettre qu'il y a certainement quelque chose d'anormal dans notre système. Il y a certainement des améliorations à faire. J'ai toujours mal compris que le consommateur doive payer pour la distribution du lait un prix égal à celui qu'il paye pour la production. Quand on sait tout le travail et toute l'organisation qu'il faut pour entretenir un troupeau de vaches et produire le lait, on ne peut que s'étonner du fait que la production ne soit pas mieux rémunérée que la distribution. Le producteur a droit de réclamer un juste prix, quand on sait ce que lui coûte la production.

(Applaudissements)

Établissement de villages dans les régions minières

L'honorable M. Gagnon (Matane): M. l'Orateur, je demande, appuyé par le représentant de Québec-Est (l'honorable M. Drouin), la permission de présenter le bill 35 modifiant la loi des mines de Québec relativement à l'établissement de villages dans les régions minières.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Explications.

L'honorable M. Gagnon (Matane): Il s'agit par la présente mesure d'amender l'article 31 de la présente loi des mines et de lui substituer deux ou trois articles, pour obliger notamment les concessionnaires de régions minières à s'occuper d'exploitation minière et ne pas les convertir à d'autres fins.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Loi des syndicats professionnels

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) pour l'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) demande, appuyé par le représentant de L'Islet (l'honorable M. Bilodeau), la permission de présenter le bill 41 modifiant la loi des syndicats professionnels2.

En l'absence de l'honorable ministre du Travail, je dirai que le projet au sujet des syndicats professionnels n'a d'autre but que faire disparaître certains ennuis et rectifier certaines choses.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Sources pétrolifères en Gaspésie

L'honorable M. Gagnon (Matane) demande, appuyé par le représentant de L'Islet (l'honorable M. Bilodeau), la permission de présenter le bill 39 relatif aux sources pétrolifères de la Gaspésie.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Charte de Verdun

M. Lafleur (Montréal-Verdun) demande, appuyé par le représentant de Chambly (M. Béïque), la permission de présenter le bill 151 modifiant la charte de la cité de Verdun.

Accordé. Le bill est lu une première fois sur division.

M. Lafleur (Montréal-Verdun) propose de suspendre les règlements de la Chambre pour la deuxième et la troisième lecture.

Adopté.

M. Lafleur (Montréal-Verdun) propose que le bill soit maintenant lu une deuxième fois.

Au cours de la dernière session, la ville de Verdun a présenté un bill comportant une quinzaine de clauses. Après avoir franchi les étapes régulières, ce bill devait recevoir la sanction d'usage, mais, avec la dissolution du Parlement, il est resté en panne.

Il s'agit principalement d'adopter une clause qui permettra à la ville de Verdun de retirer $20,000 de plus par année, en taxant les magasins à chaîne. La ville a absolument besoin de ce revenu pour boucler son budget et remédier au chômage, et nous espérons que la Chambre voudra bien agréer ce bill.

M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis): Je soulève un point d'ordre, car je prétends que, d'après les règlements de la Chambre, un bill du gouvernement doit être présenté par un ministre de la couronne.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): J'ai déjà soulevé la même objection alors que j'étais dans l'opposition, mais il y a une différence dans le présent cas.

Il s'agit d'une question d'intérêt général et non d'une question d'intérêt privé, car en protégeant le crédit municipal, on protège le crédit provincial. Il s'agit de donner à la ville de Verdun ce qu'il lui faut pour parer à toute éventualité, vu que ses charges du chômage sont élevées. En aidant à la ville de Verdun, nous aidons à la province.

De plus, je prétends que n'importe qui dans cette Chambre peut présenter un bill de nature privée, même s'il y a la question des frais à régler. Si le député de Saint-Louis (M. Bercovitch) insiste, nous allons faire présenter le bill par un ministre, mais cela ne fera que créer des retards.

On ne devrait pas enlever au député de Verdun (M. Lafleur) le crédit de cette mesure. Est-ce que le député de Saint-Louis maintient son point d'ordre?

M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis): Par mon intervention, je ne souhaite pas retarder le travail législatif, mais plutôt faire en sorte qu'il soit bien compris que le cas présent ne crée pas un précédent. Je n'insiste pas davantage, mais je voulais simplement attirer l'attention de la Chambre sur ce point.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) est d'accord sur ce point.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): J'admets qu'il s'agit de mesures urgentes dans les cas des trois villes, Québec, Lachine et Verdun, qui nous soumettent actuellement leurs demandes, et je n'ai aucune objection à ce que ces bills soient votés. Toutefois, le gouvernement ne devrait pas consacrer le principe qu'un bill privé soit présenté de cette façon. Le gouvernement ne devrait pas consacrer le principe de passer des bills privés pour des bills publics.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le chef de l'opposition ne parle pas sérieusement. Cette procédure n'est pas nouvelle, et je pourrais citer de nombreux précédents. Quand la Compagnie des tramways de Montréal a voulu légaliser par un bill public certains contrats à elle, le premier ministre du temps le lui a permis. Et, pendant la discussion, il y eut des décisions favorables à la compagnie de la part du député de Saint-Hyacinthe. Ces bills, ceux de Québec, Verdun et Lachine, ont déjà été annoncés dans les journaux, l'an dernier; ils ont été étudiés ici et soumis au Conseil législatif. Par suite d'une rapide dissolution dont je n'ai pas à apprécier les causes, ces bills sont restés en panne. De plus, nous n'acceptons pas les bills en entier. Dans le cas actuel, nous voulons permettre à la ville de Verdun de parer aux nécessités du chômage.

M. l'Orateur: Dans l'article 489 du Règlement, il y a une note au paragraphe 3, et d'après Desjardins, on y voit qu'il est possible de proposer par bill public l'abrogation d'une loi privée.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Ce n'est pas le même cas, je crois.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Nous abrogeons une loi qui limite le droit de taxer... Très bien, point d'ordre renvoyé, et procédons.

La motion est adoptée sur division. Le bill est renvoyé au comité plénier.

M. Lafleur (Montréal-Verdun) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté.

 

En comité3:

M. Lafleur (Montréal-Verdun): En vertu de cette mesure, la cité de Verdun est autorisée à imposer des taxes plus élevées pour les personnes ou corporations qui n'ont pas leur principal établissement dans ses limites que pour celles qui y sont installées depuis 12 mois ou plus.

M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis) s'y objecte et pose une question.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): La clause contre laquelle s'élève le député de Montréal-Saint-Louis est importante. Elle a été adoptée l'an dernier par le comité des bills privés. Elle a également subi sa première et sa seconde lecture, mais, avant qu'on ait procédé à la troisième, le gouvernement a dû s'enfuir par le soupirail de la cave de l'enquête des comptes publics.

(Rires dans les galeries)

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a adopté sans amendement.

M. Lafleur (Montréal-Verdun) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Taux d'intérêt en matières provinciales

L'honorable M. Bilodeau (L'Islet) demande, appuyé par le représentant de Maisonneuve (l'honorable M. Tremblay), la permission de présenter le bill 42 pour réduire à trois pour cent le taux d'intérêt en matières provinciales.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

L'honorable M. Bilodeau (L'Islet) propose que le bill soit maintenant lu une deuxième fois.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe) dit qu'il ne veut pas faire obstruction, mais qu'il veut protester contre la façon de procéder du gouvernement. Ce n'est qu'un autre bill que le gouvernement se dispose de voter à la vapeur sans rien comprendre...

(Désordre dans la Chambre et rires dans les galeries)

Des voix: Tu comprends rien toi-même.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Nous sommes en présence d'un bill qui fera un bien immense à la province. Il est d'intérêt urgent.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): C'est peut-être une bonne loi, mais c'est contre l'intérêt public que de la passer aussi vite.

M. Larochelle (Lévis): Tu connais donc cela, toi, l'intérêt public. Ferme-toi donc...

(Rires)

Adopté. Le bill est renvoyé au comité plénier.

L'honorable M. Bilodeau (L'Islet) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté.

 

En comité4:

Le comité étudie l'article 1, qui se lit comme suit:

"1. Nonobstant toute loi générale ou spéciale à ce contraire édictée par la Législature de la province, l'intérêt légal, dans les matières civiles et judiciaires qui sont de la juridiction de cette Législature, est de trois pour cent par année, à défaut de convention contraire."

M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis) demande des explications.

L'honorable M. Bilodeau (L'Islet):

(Applaudissements à droite)

M. le président, le but de ce projet de loi est connu. La Législature a le droit de fixer le taux d'intérêt en matières civile et judiciaire. Nous proposons donc que le taux soit à l'avenir de 3 %.

M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis) demande pourquoi on n'amende pas l'article 1478 du Code civil, qui fixe le taux d'intérêt en matières civiles.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il aurait fallu fouiller le Code et y relever des 10 à 12 articles qui parlent du taux d'intérêt, ce que nous n'avons pas eu le temps de faire. Il aurait fallu également amender tous ces articles, le bill en aurait été considérablement allongé, et les frais d'impression auraient été plus élevés. Enfin, l'amendement du Code civil n'aurait pas affecté les Statuts spéciaux qui traitent du taux d'intérêt en certaines matières qui relèvent de notre juridiction. Il valait donc mieux faire une loi générale qui couvrira tous les cas.

M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis) exprime l'opinion que le bill n'est pas assez précis.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je suggère un amendement pour que l'on ajoute les mots suivants: "En tant que la Législature a juridiction".

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je suis heureux de constater que le gouvernement présente des amendements à ses bills dès qu'ils sont lus. Il n'y a pas de plus grande preuve qu'ils sont incomplets et pas assez mûris. Il s'apercevra bientôt qu'il faut amender passablement de choses, dans ces lois passées aussi vite. Dans ce cas-ci, il y aura des conflits avant longtemps.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Cela ne prouve qu'une chose, c'est que le gouvernement est toujours disposé à amender des lois parfaites. Le gouvernement n'est pas têtu. Je note le compliment de l'honorable chef de l'opposition. Je souhaite ensuite, pour être tout à fait heureux, que le chef de l'opposition s'amende lui-même.

(Rires et applaudissements)

L'article est amendé, et les mots "en tant que la Législature a juridiction" sont ajoutés avant les mots "dans les matières civiles".

L'amendement est adopté.

L'article 1 ainsi amendé est adopté.

L'article 2 est adopté.

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a adopté avec un amendement. L'amendement est lu deux fois et adopté.

L'honorable M. Bilodeau (L'Islet) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Charte de Lachine

M. Carignan (Jacques-Cartier)5 demande, appuyé par le représentant de Montréal-Mercier (M. Thibeault), la permission de présenter le bill 152 modifiant la charte de la cité de Lachine.

Accordé. Le bill est lu une première fois sur division.

M. Carignan (Jacques-Cartier) propose que le bill soit maintenant lu une deuxième fois.

M. l'Orateur, Lachine se trouvait dans une situation assez anormale d'envoyer ses comptes pour les taxes de l'année courante au mois d'octobre. Nous avons avancé graduellement d'un mois par année, espérant faire arriver au mois de janvier le paiement de ces taxes. Nous demandons aujourd'hui le système existant à Sherbrooke, qui consiste en une perception trimestrielle, à commencer le 1er janvier, l'intérêt ne courant que tous les trois mois.

(Applaudissements)

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je ne veux pas faire obstruction et je ne suis pas contre la mesure proposée. Je n'ai pas d'objection à ce que Lachine perçoive ces taxes.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité plénier.

M. Carignan (Jacques-Cartier) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

M. Carignan (Jacques-Cartier) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Je trouve irrégulière cette façon de procéder. C'est la première fois que je vois un bill subir à la même séance toutes ses étapes jusqu'à la troisième lecture.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je ne puis laisser passer cette affirmation. Si l'honorable chef de l'opposition prétend que ça ne s'est jamais fait, c'est qu'il n'avait pas connaissance de ce qui se passait en Chambre, lorsqu'il siégeait à droite. La chose s'est produite souvent. Elle s'est produite toutes les fois qu'il s'agissait de passer un bill urgent, dont l'opportunité ne pouvait se contester.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je ne m'objecte pas, mais je maintiens que c'est contre la coutume.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

 

Questions et réponses:

Emprunts du gouvernement

M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis): 1. Le gouvernement a-t-il emprunté de l'argent depuis qu'il est au pouvoir?

Dans l'affirmative:

a. Combien a-t-il emprunté?

b. Quels titres de créance a-t-il donnés à ses prêteurs?

c. Quel montant total de titres de créance a-t-il donné à ses prêteurs?

d. Quel montant total de produit réel net le gouvernement a-t-il reçu pour l'ensemble des titres de créance qu'il a donnés aux prêteurs?

e. De combien les montants empruntés par le gouvernement à date augmentent-ils la dette de la province?

f. Le gouvernement a-t-il demandé publiquement des soumissions pour le montant de deniers qu'il désirait emprunter?

2. Dans l'affirmative: Dans quels journaux cette demande de soumission a-t-elle été publiée?

3. Si aucune soumission n'a été publiquement demandée, qui a été invité à soumissionner pour cet emprunt?

4. Quel a été le plus haut et le plus bas soumissionnaire?

5. En vertu de quelle loi les deniers ont-ils été empruntés?

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) pour l'honorable M. Fisher (Huntingdon): Depuis qu'il est au pouvoir, c'est-à-dire depuis le 26 août 1936, le nouveau gouvernement a payé, au moyen d'un emprunt se chiffrant à $51,000,000 les dettes et obligations mises à la charge de la province par l'ancien gouvernement. Ledit emprunt a été contracté par le nouveau gouvernement aux conditions les plus avantageuses obtenues par la province depuis au moins 40 ans.

Cet emprunt n'a pas augmenté la dette de la province, mais il a considérablement amélioré sa situation financière, en épargnant aux contribuables plus d'un quart de million de dollars par année et en payant des dettes provinciales en souffrance dont le non-paiement avait pour effet d'aggraver les misères de la crise. De plus, cet emprunt a facilité une comptabilité claire et exacte des affaires de la province.

Quelque temps avant de contracter ledit emprunt, le gouvernement, dans des entrevues répandues par toute la presse, a mis la population au courant de la nécessité et de l'urgence d'effectuer un emprunt pour acquitter rapidement les obligations et dettes contractées par l'ancien gouvernement.

Les titres de créance donnés par le gouvernement aux prêteurs sont des obligations de la province aux termes suivants:

12 millions à 1 % d'intérêt payables dans 2 ans;

12 millions à 1¼ % d'intérêt payables dans 4 ans;

12 millions à 2½ % d'intérêt payables dans 8 ans;

15 millions à 3 % d'intérêt payables dans 15 ans.

Le produit net reçu par le gouvernement sur cette émission de $51,000,000 a été de $50,373,000, et en plus de l'intérêt accru.

Cet emprunt a été émis en vertu de l'arrêté ministériel 2632, en date du 30 septembre 1936, et des lois provinciales alors en vigueur.

(Applaudissements à droite)

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je soulève un point d'ordre. En vertu des règlements, les questions ne doivent pas être données sous forme de pamphlets politiques ou de plaidoyers. Les règlements obligent le gouvernement à répondre aux questions purement et simplement. Au lieu de répondre directement à nos questions bien précises, le gouvernement se vante et parle de ses prédécesseurs.

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve): C'est pour que vous soyez capables de les comprendre!

M. Larochelle (Lévis): Ferme-toi là.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Ça n'avancera personne. Nous pourrions poser nos questions de la même façon, et ça finira par être ennuyeux pour le gouvernement.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): L'opposition est difficile à satisfaire. Quand nous répondons aux questions, l'opposition se plaint et, quand nous ne répondons pas, elle critique. Nous ne sommes pas ici pour faire l'affaire de l'opposition, mais celle de la province. Nous avons répondu aux questions posées. Peut-on nous reprocher de dire la vérité? La réponse dont on se plaint n'est pas un pamphlet politique, mais la conséquence de la question posée par l'opposition et l'expression de la vérité pure et simple.

M. Delagrave (Québec-Ouest): Le premier ministre n'a pas fait de réponse au sujet des soumissions, au paragraphe f de la question.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Que le député lise la réponse, il comprendra.

M. Delagrave (Québec-Ouest): Merci, jolie réponse de la part d'un premier ministre.

M. Dumaine (Bagot): Le premier ministre a oublié de répondre à deux ou trois items, notamment à celui qui a trait aux soumissions. Il n'a pas dit si des soumissions avaient été demandées, dans quels journaux, et si le contrat avait été accordé au plus bas soumissionnaire. La réponse est longue, mais incomplète. Il y a des règles à cet effet et d'autres qui le limitent à la portée même de la question. Suivant l'article 576 du Règlement, on doit répondre directement, sans commentaire. La réponse que vient de donner le premier ministre au sujet de l'emprunt de $51,000,000 est un beau discours politique, mais elle ne renseigne pas la Chambre. La campagne électorale est finie. On devrait être plus digne. Nous sommes ici pour administrer la province, qu'on ne l'oublie pas. Le gouvernement devrait à l'avenir nous donner des réponses en se limitant aux seules explications suffisantes pour être intelligibles6.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Comme question de fait, l'opposition oublie que le gouvernement n'est pas obligé de répondre aux questions. L'ancien premier ministre Taschereau a exercé à maintes reprises ce droit de ne pas répondre aux questions, quand il n'avait pas envie de le faire. Cela a été invoqué plusieurs fois dans le passé. Un exemple: quand le député de Saint-Sauveur (M. Bertrand) a voulu savoir combien avait coûté au gouvernement la recherche des individus qui avaient mis la fameuse bombe, le gouvernement n'a pas répondu, et l'Orateur du temps a déclaré que cela était dans l'ordre.

(Rires et désordre dans la Chambre)

Au moins, le gouvernement actuel répond aux questions qui sont à l'ordre du jour. Si les réponses ne satisfont pas l'opposition, ce n'est pas de notre faute. Nous voulons répondre, mais pas au désir de l'opposition, car ce ne serait pas conforme à la vérité.

M. Casgrain (Rivière-du-Loup) cite un nouvel article des règlements. La réponse va trop loin, dit-il. C'est plutôt un discours politique...

(Désordre dans la Chambre et dans les galeries)

Des députés de la droite: Plus fort!

M. Casgrain (Rivière-du-Loup): Je puis attendre que l'on finisse par laisser parler. Le gouvernement ne peut se soustraire à une interpellation qu'en invoquant l'intérêt public7. Sans quoi, s'il juge à propos de répondre, il doit s'en tenir au règlement et à l'usage.

M. l'Orateur: Sur la question d'ordre soulevée, je dois déclarer que l'Orateur ne peut intervenir dans les réponses aux interpellations. Si un député n'est pas satisfait, il doit en appeler à la Chambre et non à l'Orateur8.

M. Béïque (Chambly): Préparez vos questions avec plus de bon sens.

Augmentation du salaire des bûcherons

M. Lawn (Pontiac): 1. Quand les salaires des bûcherons ont-ils été augmentés à $37 par mois?

2. a. À compter de quelle date?

b. En vertu de quel pouvoir?

L'honorable M. Drouin (Québec-Est): Les salaires des bûcherons ont été augmentés d'une manière efficace et effective, d'abord à $37 et, ensuite, à $40 depuis l'entrée en fonction du nouveau gouvernement.

Cette augmentation a été exigée par le gouvernement actuel, en vertu des pouvoirs que possède depuis de nombreuses années la province et qui sont mentionnés dans les lois provinciales, lesquelles constituent des documents publics à la portée des membres de cette Chambre.

M. Dumaine (Bagot) soulève une question d'ordre.

M. l'Orateur déclare que c'est le même cas que précédemment.

Plaques d'automobiles fabriquées par la General Steel Wares of Canada

M. Rochefort (Montréal-Sainte-Marie): 1. Est-ce que le gouvernement a passé un contrat avec la General Steel Wares of Canada relativement à l'achat des plaques d'automobiles?

Dans l'affirmative:

a. Est-ce que ce contrat stipule le taux de salaire par heure pour les employés de la General Steel Wares travaillant à ces plaques d'automobiles?

b. Est-ce que le contrat passé entre le gouvernement et la General Steel Wares stipule le nombre d'heures par semaine que les employés de la General Steel Wares doivent travailler à la fabrication des plaques d'automobiles?

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve): La General Steel Wares of Canada Ltd., dont l'usine est située en la cité de Montréal, dans le comté de Saint-Henri, particulièrement atteint par le chômage, a été chargée par le gouvernement de fabriquer des plaques d'automobiles suivant la réponse déjà donnée à la séance de mardi, le 27 octobre 1936. Cette entreprise est avantageuse pour la province en général, et très profitable à la classe ouvrière en particulier.

Date de l'ordre en conseil fixant le salaire des bûcherons

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): À quelle date a été adopté l'ordre en conseil mentionné par le premier ministre, dans son discours en Chambre, prononcé le 22 octobre courant fixant le prix minimum du salaire des bûcherons à $40?

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Cette question telle que posée ne correspond pas aux déclarations faites par le premier ministre.

Depuis son arrivée au pouvoir, le nouveau gouvernement a établi pour les bûcherons de bien meilleures conditions de travail que celles maintenues pendant des années par l'ancien gouvernement.

Abolition des taudis à Montréal

M. Rochefort (Montréal-Sainte-Marie): Est-ce qu'il est dans l'intention du gouvernement de prendre certaines mesures relativement à l'abolition des taudis à Montréal?

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve): Le gouvernement a l'intention d'adopter aussitôt que possible toutes les mesures susceptibles d'améliorer la situation de la province et particulièrement de la cité de Montréal.

(Rires à droite)9

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe) proteste encore une fois que les réponses sont vagues et ne répondent pas aux questions posées.

M. Rochefort (Montréal-Sainte-Marie): (Souriant et haussant les épaules) À quoi cela sert-il de demander de l'information? Nous sommes aussi bien de ne pas lire nos questions.

Sources pétrolifères en Gaspésie

L'honorable M. Gagnon (Matane) propose, appuyé par le représentant de L'Islet (l'honorable M. Bilodeau), que la Chambre se forme en comité plénier pour prendre en considération un projet de résolutions relatives au bill 39 relatif aux sources pétrolifères de la Gaspésie.

Adopté.

Il informe alors la Chambre qu'il est autorisé par Son Honneur le lieutenant-gouverneur à soumettre ledit projet de résolutions et que son Honneur en recommande la prise en considération.

 

En comité10:

L'honorable M. Gagnon (Matane) propose: 1.  Que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra conférer au ministre des Mines et Pêcheries, aux conditions qu'il jugera opportunes les pouvoirs suivants:

a. Faire toutes recherches qu'il estimera utiles aux fins de se rendre compte des possibilités d'exploitation et de la valeur des sources pétrolifères de la Gaspésie;

b. Aider, par des mesures appropriées, à la mise en oeuvre et au développement de ces sources.

2. Que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra, sur la recommandation dudit ministre, nommer les ingénieurs des mines, les officiers et tous autres employés dont le ministre aura besoin pour les fins de la résolution 1 ci-dessus, définir leurs devoirs et fixer leur rémunération.

3. Que les dépenses encourues pour l'application de la loi qui accompagne les présentes résolutions ne devront pas excéder quinze mille dollars et qu'elles seront payées à même le fonds consolidé du revenu.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe) demande au ministre des Mines, de la Chasse et des Pêcheries si le gouvernement a l'intention d'aider les syndicats qui ont obtenu des concessions pétrolifères dans la Gaspésie, il y a 75 ans, et qui n'ont rien fait. Est-ce qu'il y a une compagnie ou un syndicat qui a l'intention de se prévaloir de cette loi?

L'honorable M. Gagnon (Matane): Il n'y a rien dans cette loi qui dit que nous allons protéger un syndicat. Nous voulons faire exploiter des concessions qui n'ont pas été touchées depuis 40 ans. Nous voulons savoir si réellement il y a des sources de pétrole dans la Gaspésie et s'il y aurait intérêt à les exploiter. Nous demandons environ $15,000 pour les recherches préliminaires et les travaux de forage.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Vous voulez développer les ressources pétrolifères de la Gaspésie avec $15,000 seulement?

L'honorable M. Gagnon (Matane): Il faut s'entendre. Il s'agit de travaux préliminaires. Les experts nous disent qu'avant d'aller au forage, nous devons faire un relevé géologique qui va coûter de $4,000 à $6,000. Après cela, il y aura les travaux de géophysique et de géodésie, et ceci nous mènera au mois de mai prochain, pour les premiers travaux de forage. C'est pourquoi nous ne demandons que $15,000 pour commencer.

Les résolutions sont adoptées.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté trois résolutions, lesquelles sont lues deux fois et adoptées.

Il est ordonné que lesdites résolutions soient renvoyées au comité plénier chargé d'étudier le bill 39 relatif aux sources pétrolifères de la Gaspésie.

L'honorable M. Gagnon (Matane) propose, selon l'ordre du jour, que le bill soit maintenant lu une deuxième fois.

Il y a environ 40 ans, il y a eu un véritable boom sur les ressources pétrolifères de la Gaspésie. Puis, après des travaux de recherche, on en a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment de pétrole pour en faire l'exploitation. C'était la conclusion des experts dans le temps; mais, cependant, des recherches ont été faites récemment par certains géologues, et ces derniers ont déclaré qu'il y a lieu d'exploiter ces champs miniers. Nous voulons maintenant en avoir le coeur net, vu qu'il y a eu contradiction chez les experts.

Ceci arrive parfois. Il ne faut pas oublier que les prospecteurs sont faillibles et susceptibles de se tromper. Rien ne le prouve mieux que le cas de la Noranda, la plus riche mine de cuivre au monde, peut-être. Depuis 1930, cette compagnie a payé plus de $20,000,000 en dividendes. La Consolidated Mining and Smelting Co. avait fait des recherches sur les mêmes terrains que ceux occupés par la Noranda, et les ingénieurs avaient déclaré qu'il n'y avait rien. Dans la suite, les autres experts ont constaté qu'on s'était trompé réellement.

Est-ce que le cas est le même en Gaspésie pour les ressources pétrolifères? Pour la province, à l'heure actuelle, il est important de connaître la valeur réelle des ressources pétrolifères de la Gaspésie, car elles peuvent fournir par leur exploitation d'innombrables avantages. Si réellement ces ressources sont bonnes, elles seront exploitées au profit de la jeunesse et au bénéfice de la population.

(Applaudissements à droite)

Si vraiment elles sont riches, nous allons les garder pour le bénéfice de la population, et le gouvernement ne permettra pas qu'elles soient possédées par des intérêts privés.

(Applaudissements à droite)

C'est pour cette raison d'ailleurs que l'on demande le pouvoir de canceller les permis pour des concessions qui n'ont pas été exploitées depuis 1911. On sait que parfois certaines personnes ont détenu des concessions, parce qu'elles étaient payées par de gros intérêts pour ne pas les exploiter. Mais, encore une fois, nous voulons avant tout savoir si ces ressources valent la peine d'être exploitées et s'il y aura profit à ce faire.

M. Pouliot (Gaspé-Sud): M. l'Orateur, au nom de la population de mon comté, je désire remercier sincèrement le ministre des Mines, de la Chasse et des Pêcheries (l'honorable M. Gagnon). Des recherches avaient été faites dans ce milieu dès 1863. Depuis lors, 53 puits ont été creusés, et une vingtaine d'entre eux ont produit de l'huile. Il nous est aujourd'hui impossible de savoir si, il y a 40 ans, on a réellement creusé au bon endroit car, vu la nature du sol gaspésien, il est permis de conjecturer qu'il contient du pétrole.

Il faut forer partout, et c'est une initiative excellente que le gouvernement prend aujourd'hui. La région pétrolifère comprend une cinquantaine de milles de l'est à l'ouest, et une vingtaine de milles du nord au sud11. Actuellement, les propriétaires de ces mines ne font rien. Nous nous sommes laissé dire que, vers 1906, des compagnies du sud des États-Unis avaient fait faire à dessein des relevés inexacts. On plaçait, dans les trous des foreuses, des charges trop fortes de nitroglycérine pour que l'huile pénétrât plus avant dans le sol au lieu d'en jaillir. Ces bruits courent la Gaspésie, paraît-il. Grâce à cette mesure, nous allons savoir exactement la valeur de ces sources pétrolifères, si elles existent enfin. Encore une fois, je félicite le ministre des Mines, de la Chasse et des Pêcheries de cette initiative qui ne manquera pas d'être appréciée de tout Gaspé-Sud.

La motion est adoptée. Le bill est renvoyé au comité plénier.

L'honorable M. Gagnon (Matane) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté.

 

En comité12:

Les articles 1 à 3 sont adoptés.

Le comité étudie l'article 4, qui se lit comme suit:

"4. Toute personne nommée en vertu de l'article précédent peut, entre huit heures du matin et huit heures du soir, tous les jours, sauf les dimanches et jours fériés, pénétrer sur tout terrain pour y faire des recherches et obtenir des renseignements; examiner les puits, excavations et autres travaux miniers; apporter sur les lieux l'outillage qu'elle juge nécessaire pour ses recherches ou se servir de celui qui s'y trouve; entrer dans tout bâtiment servant à l'exploitation d'une source pétrolifère; prendre dans tel bâtiment ou ailleurs tout échantillon dont elle peut avoir besoin pour fins d'analyse ou d'évaluation d'une source pétrolifère."

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Le bill dit que le ministre peut aider à la mise en oeuvre et au développement de ces sources. En permettant à des personnes de pénétrer sur tous les terrains pour faire leurs recherches, on s'expose à causer des dommages à des particuliers, et il n'y a rien dans la loi qui dit que l'on va indemniser ceux qui seront affectés par ces travaux. Lorsque l'honorable premier ministre était chef de l'opposition, il protestait si le gouvernement ne payait pas les dommages que ses lois pouvaient causer.

L'honorable M. Gagnon (Matane): La remarque du chef de l'opposition est bien fondée. Il ne s'agit pas d'entrer sur les terrains privés des petits propriétaires, mais surtout sur les concessions minières accordées en 1868. Les concessions de 1868 ne donnaient pas le droit de propriété. En autant que ces concessions sont concernées, il n'y a aucun dommage possible.

Quant aux autres concessions postérieures à celles-là, si nous causons des dommages, nous paierons une indemnité qui ne sera pourtant que très faible. Si le chef de l'opposition désire que nous amendions la loi dans ce sens, nous sommes prêts à le faire.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je suggère de mettre un tel amendement, car ce serait injuste pour les particuliers. Il me semble que c'est dans l'intérêt du gouvernement et de toute la province.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le chef de l'opposition a bien changé. L'ancien régime était pourtant moins soucieux des intérêts des particuliers. Il y a au moins 50 lois passées sous l'ancien régime et qui sont beaucoup moins sévères pour le paiement des dommages. Pour ne donner qu'un exemple, je ne parlerai que de la loi qui permettait au ministre des Terres et Forêts de faire des chemins en pleine forêt, sur des terrains concédés, sans payer un sou. On ne remettait même pas les droits de coupe.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Ce n'était pas sur son terrain.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): C'était sur un terrain concédé par la province.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Ce sont les droits de coupe qui sont concédés et non pas les terrains.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): C'est la même chose dans le cas des mines qui appartiennent à la province. Tous les terrains sont concédés avec une réserve des droits de mine. Nous allons commencer et, s'il se présente des dommages, nous les paierons.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): C'est un principe étrange que d'envahir la propriété privée. Le bill devrait contenir une clause relative aux dommages.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Lorsqu'il s'est agi d'étudier la question au Conseil exécutif, le ministre des Mines, de la Chasse et des Pêcheries (l'honorable M. Gagnon) nous a soumis un projet qui comportait la clause que le chef de l'opposition demande actuellement. Nous l'avons félicité, car c'était dans les idées de l'Union nationale d'avoir ainsi songé à protéger les droits des particuliers. Cependant, j'ai suggéré à l'honorable ministre de retirer cet article de sa loi, pour que nous convertissions l'opposition à notre idée.

Maintenant que nous avons contribué à la conversion de l'opposition pour lui faire admettre le respect de ces droits, nous allons rétablir la clause comme dans le projet initial. Nous allons ajouter à la fin de l'article 4 les mots, "sauf de payer les dommages réels s'il y a lieu".

(Rires et applaudissements)

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): C'est une façon habile de se tirer d'un mauvais pas. Je félicite le premier ministre de sa souplesse. Le premier ministre est très souple, il n'y a pas à dire.

(Rires)

On admettra cependant que l'opposition est quelquefois utile à quelque chose.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le chef de l'opposition ne devrait pas oublier qu'il a dit que, s'il parlait comme ça, c'est parce que le premier ministre le lui a suggéré.

L'honorable M. Gagnon (Matane): Dans le bill que nous présentons, je tiens à signaler que nous faisons exclusion, pour ce travail, des dimanches et des jours fériés.

Le chef de l'opposition pourra constater que nous introduisons ici le principe du respect dominical. Je sais qu'il admettra que c'est un bon pas et qu'il approuvera cette partie de la mesure du gouvernement.

(Applaudissements à droite)

L'amendement est adopté.

L'article 4, ainsi amendé, est adopté.

Les articles 5 à 8, ainsi que le préambule, sont adoptés.

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a adopté avec un amendement. L'amendement est lu deux fois et adopté.

L'honorable M. Gagnon (Matane) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Délai de prescription des taxes municipales et scolaires

L'honorable M. Bilodeau (L'Islet) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité plénier pour étudier le bill 40 modifiant la loi prolongeant le délai de la prescription des taxes municipales et scolaires.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

L'honorable M. Bilodeau (L'Islet) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Emprunt de la cité de Québec pour consolider le déficit budgétaire

L'honorable M. Bilodeau (L'Islet) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 38 pour permettre à la cité de Québec d'emprunter, pour éviter l'imposition de taxes spéciales, soit maintenant lu une deuxième fois.

Le but du bill est de permettre à la ville de Québec de consolider une dette de $650,000, représentant le déficit de l'année fiscale. Cette loi est faite pour venir en aide à la ville, sans l'obliger d'imposer de nouvelles taxes. Lors de la dernière session, un projet permettant certaines mesures pour équilibrer le budget avait été présenté, mais il ne put être adopté.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe) déclare qu'il s'objecte à la nature et à la forme du bill.

M. Grégoire (Montmagny): (Applaudissements) M. l'Orateur, je m'occupe de politique municipale depuis bientôt trois ans. Si je l'ai fait, c'est parce que la population de Québec était inquiète de la façon dont on administrait à l'Hôtel de Ville. On avait l'impression que l'on administrait à crédit, qu'on cachait des déficits, qu'on contractait des emprunts à des taux d'intérêt exorbitants. Ces déficits n'ont jamais été consolidés. Nous avons alors décidé de prendre l'Hôtel de Ville d'assaut. Nous avons réussi partiellement, lors de l'élection de 1934.

Dès mon arrivée au pouvoir, j'ai tenté d'obtenir l'audition des livres, mais le conseil ne m'en a pas laissé la latitude. Je suis allé voir la Commission municipale et je l'ai invitée à venir voir nos livres. On est venu et, dans l'espace de trois ou quatre jours, on a trouvé un déficit de $3,000,000. Nous avons continué l'audition et le déficit découvert actuellement est de près de $4,000,000. Nous n'avions pas les revenus suffisants pour le combler. On nous avait dit, pendant la campagne électorale, que le déficit était de $16,000.

Au cours de la dernière élection, nous avons fait élire un conseil qui a permis de faire l'audition générale des livres. Elle n'est pas encore terminée, et nous trouvons ce que nous croyions devoir trouver dans le temps: nous sommes en présence d'une administration qui avait une comptabilité défectueuse, d'une situation financière qui n'est guère meilleure.

C'est à compter du moment que je me suis aperçu que je n'étais pas capable de faire un nettoyage complet, sans remonter plus haut, que je me suis occupé de politique provinciale, et c'est ce qui explique ma présence ici à l'heure actuelle.

Les contribuables de Québec sont impatients de voir la ville administrée sur une base d'affaires. Nous voulons arriver à ce que nos revenus égalent nos dépenses. Nous avons actuellement une dette de $42,000,000 sur laquelle il n'y avait pas auparavant de fonds d'amortissement. Les administrateurs d'alors empruntaient sans se soucier de rembourser, se fiant aux administrations futures pour le faire. J'ai eu l'occasion souvent de déclarer que c'était aussi dû à l'administration de la province qui prenait plusieurs des revenus qui devaient revenir aux villes, tout en leur laissant la charge des dépenses.

Parmi celles-là, il y a une question fédérale: le chômage. Au début, il n'y avait pas d'organisation et on marchait à peu près. On a fait porter à la ville de Québec toutes les dépenses qu'il était possible de lui faire porter. Par la suite, on décida que les gouvernements et le conseil municipal contribueraient pour chacun un tiers mais, par contre, toutes les dépenses d'administration furent laissées à la charge de la ville seule. Cela a représenté une somme considérable par année, entre $60,000 et $80,000. Cette question a laissé les finances de Québec dans un état déplorable.

Un mot des revenus. Ce n'est pas une critique au gouvernement actuel, car il n'était pas en cause. L'ancien gouvernement prenait tous les revenus, revenus des licences, revenus de la gazoline et autres. La ville de Québec, comme Montréal et contrairement aux autres villes, doit payer seule la construction et l'entretien de ses rues. Résultat: dans Québec, la plus ancienne ville du pays, qui a 300 ans d'existence, près de la moitié de nos rues ne sont pas encore pavées et nous avons $42,000,000 de dette. Nous payons pour l'enlèvement de la neige et c'est la province qui en retire les revenus. Cela est injuste. De plus, les taxes sont mal réparties. Ce sont toujours les mêmes qui paient les taxes. Celui qui gagne $12,000 paie le même montant que le petit salarié.

Pour ce qui est du chômage, nous payons le tiers. Mais Québec paie les frais des emprunts. Dans le passé, les comptes étaient toujours payés en retard par le gouvernement. Je ne fais aucun blâme à l'administration actuelle, car la situation s'est améliorée avec elle. Dès que nos comptes sont prêts, ils sont payés.

(Applaudissements à droite)

Comme le disait l'honorable premier ministre avec raison, en parlant du bill de Lachine, le crédit municipal est à la base du crédit provincial. Notre crédit est bon, mais je dis que notre situation peut le mettre en danger. Nous sommes très anxieux de l'améliorer. Je comprends que nous sommes en session d'urgence, et que le gouvernement veut nous aider, mais on ne peut exiger de lui que tout soit fait dès le début. Mais, je le répète, les contribuables de Québec sont anxieux de voir leur cas se régler.

Nous payons, en intérêt et en fonds d'amortissement, à peu près les deux tiers des revenus de la ville. Nous ne pouvons ajuster nos finances avec les taxes actuelles. Nous coulons à pic. Nous sommes taxés et surtaxés. Nous avons vu un remède qui peut être trouvé radical: la conversion de la dette. Nous entendons par là rembourser le pair des obligations avec l'intérêt accru. On peut parler de contrat, mais je ne suis pas sûr qu'il y ait contrat. Je demande s'il vaut mieux laisser continuer cette situation qui met en danger le capital même des obligations, ou essayer de sauver non seulement le capital, mais une partie de l'intérêt. Je me suis fait un devoir de traiter cette question en Chambre, même si elle ne doit pas être étudiée à cette session. Nous reviendrons sûrement à la prochaine session.

Hier, la Chambre a passé un bill pour suspendre une partie des intérêts. Cela ne soulage pas le débiteur. On lui enlève un poids au cou et on le lui attache aux pieds.

Nous avons le pouvoir d'emprunter dans la proportion de 50 % des taxes à percevoir; Montréal a 100 %. Je crois que c'est trop parce que toutes les taxes ne peuvent être perçues. Nous demandons 80 %. Nous voulons imputer le paiement qui est fait à l'arrérage le plus éloigné.

Une autre question est extrêmement importante pour nous: la question du fonds de pension. Nous avons un fonds de pension défoncé depuis longtemps. Le fonds devrait avoir un capital de $800,000. Il avait $180,000, disait-on, mais lorsque les actuaires ont fait enquête, ils ont découvert que le fonds n'était que de $80,000.

Les employés avaient à déposer le moins possible, et ils retiraient les plus grosses pensions. Ainsi, un employé qui aurait payé $2,000 aurait retiré une pension de $4,000 après 20 ans. Nous ne voulons pas mettre fin au fonds de pension, mais nous voulons améliorer le système et dégager la responsabilité de la ville.

Nous voulons que la ville verse plus et que les employés versent plus également, pour avoir un fonds raisonnable.

Il est une autre question, celle du contrat intervenu entre la ville de Québec et le Quebec Power en décembre 1933, pour l'éclairage des rues de la ville, un mois et demi ou deux mois avant les élections. Ces gens qui allaient quitter la place ont engagé la ville pour dix ans, alors que le contrat en cours était encore bon pour deux ans13.

Nous venions de plus d'avoir un rapport d'ingénieurs compétents qui nous ont dit que la ville de Québec était exploitée, que les citoyens perdaient des milliers de dollars par année avec l'électricité. La population de Québec paie des taux d'électricité exorbitants. Nous sommes venus ici pour faire annuler ce contrat, mais nous n'y avons pas réussi. Inutile de dire que cette question est urgente. Si nous mettons de l'ordre dans toutes ces questions, nous pourrons boucler notre budget...

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): M. l'Orateur, je ne veux pas interrompre le maire de Québec, mais il fait référence au bill général qui concerne Québec. De plus, puis-je faire remarquer que le projet de loi présenté devant la Chambre n'est qu'un simple bill d'urgence pour aider la ville en lui permettant de négocier un emprunt temporaire.

Mais nous avons devant nous un bill qui parle de certaines choses, et il me semble que les règlements nous obligent à nous en tenir là. Je n'ai pas d'objection à ce que l'on parle de ceci, mais voici la situation.

Le député de Saint-Sauveur (M. Bertrand) et celui de Bellechasse (M. Boiteau) ont été les premiers à venir trouver le gouvernement au sujet de la ville de Québec. Nous avons dit que nous étions prêts à régler les questions urgentes de la ville de Québec. Subséquemment, le maire de Québec est venu avec M. Barry me rencontrer. Nous avons invité les échevins Bertrand et Boiteau. Le député de Saint-Sauveur seul a pu venir. Nous avons discuté toutes ces questions. J'ai dit que nous faisions une session d'urgence et que nous étions prêts à étudier toutes les questions urgentes.

J'ai dit que nous étions prêts à présenter une loi qui ne coûterait rien à la ville de Québec. Le maire a parlé de la conversion de la dette, de fonds de pension, de contrat d'électricité. J'ai répondu que nous ne pouvions prendre que les questions les plus urgentes. Le maire parle aujourd'hui d'emprunter jusqu'à 80 % des arrérages de taxes et du contrat du Quebec Power. Nous lui avons dit que nous ne pouvions pas faire un nouveau bill à ce moment.

J'ai même dit: "Pensez-y comme il faut, M. le maire. Ça n'embêtera pas le gouvernement, car le gouvernement est prêt à vous donner ce que vous désirez, pas un sou de plus, pas un sou de moins, si vous le demandez." Si nous faisons exception pour Québec à ce stade de la procédure, et que nous considérons les questions autres que les questions urgentes, il nous faudra faire la même chose pour Montréal, Trois-Rivières, Chicoutimi et les autres villes, et nous siégerons encore en mars. Je demande que l'on s'en tienne au bill, car nous ne pourrons en finir14.

M. Grégoire (Montmagny): J'ai tenu à mettre devant la Chambre quelques faits pour expliquer les demandes de la cité de Québec. Je vais m'en tenir au bill. Nous avons étudié sérieusement tous les articles. Je n'ai pas l'intention de créer des embarras au gouvernement, ni dans cette mesure, ni dans les autres. Nous savons qu'il a de nombreux problèmes à régler. Nous allons au contraire l'aider dans la mesure de nos forces.

(Applaudissements)

Nous demandons donc $650,000, pour placer la ville sur une base d'affaires et administrer en dedans de nos moyens. Nous sommes reconnaissants du fait que l'on nous permette d'emprunter $150,000, sans qu'il nous en coûte. Mais nous sommes anxieux de mettre fin aux emprunts et à l'accumulation de la dette. Je n'insiste pas davantage. Je sais qu'il s'agit d'une session d'urgence. Mais je ne pouvais pas ne pas mettre ces questions devant la Chambre.

(Applaudissements)

La motion portant deuxième lecture du bill 38 est adoptée. Le bill est renvoyé au comité plénier.

L'honorable M. Bilodeau (L'Islet) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté.

 

En comité15:

M. Hamel (Québec-Centre): Si je comprends bien la situation, les mesures que la ville de Québec avait insérées dans son bill, à l'effet d'obtenir le pouvoir de convertir sa dette, de résilier le contrat de décembre 1935 et de municipaliser son électricité, ne sont pas des mesures d'urgence et il vaut mieux les retarder à la prochaine session. Ça aurait permis à la ville d'économiser $1,000,000, et on nous dit que ce n'est pas une question d'urgence.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): M. le président, quand la session a été convoquée, j'ai cru être clair. Nous sommes à la tête de la province pour remplacer un régime de 40 ans. Il nous faut non seulement défaire ce qui a été mal fait depuis 40 ans, mais il nous faut aussi refaire. Nous avons à faire face à des problèmes complexes, multiples, difficiles et nombreux.

Nous avons fait une session d'urgence dont l'objet principal est de voter le budget et de mettre en force certaines mesures d'une grande portée sociale. Nous avons même fait beaucoup plus. Nous avons économisé à la province deux millions par année au bas mot. Nous avons fait avec Ottawa une convention relative au chômage, et le ministre du Travail (l'honorable M. Tremblay) a pu mettre à l'oeuvre des milliers d'hommes. Nous avons obtenu un emprunt pour faire face à des besoins urgents et dans des conditions singulièrement avantageuses. Nous avons assuré un salaire raisonnable aux bûcherons. Et nous avons posé des actes qui ne sont pas connus, mais dont la portée apparaîtra comme considérable dans un avenir très prochain. Nous avons fait un travail considérable, sans vantardise.

Nous ne voulons pas, nous ne pouvons pas traiter Québec autrement que les autres villes. Nous voulons donner pleine justice à Québec. Nous considérons que Québec est la capitale et le berceau de la province. Je l'ai déjà dit, je veux que Québec devienne la plus belle ville du Canada...

(Applaudissements)

... que Montréal garde son titre de métropole...

(Applaudissements)

... et que Trois-Rivières conserve toujours l'avantage d'être représentée par le meilleur député à la Législature. Mais nous avons des problèmes très compliqués à résoudre. Somme toute, nous voulons justice pour tous. Il n'y a pas que le bill de Québec qui soulève des questions d'une portée considérable. Si nous voulons étudier tout de suite le bill de Québec, il faudra étudier également ceux des autres villes. Nous avons été assermentés le 26 août. Il faudra continuer nos pourparlers avec l'Ontario, plus tard avec Ottawa, sur les importants problèmes de finance et de baisse du taux d'intérêt. L'entrevue que nous avons eue avec M. Hepburn16 et la Conférence d'Ottawa ont soulevé des problèmes qui sont aussi importants que les problèmes locaux.

(En souriant) M. le président, il faut toujours être raisonnable, et je dirai sans malice qu'il faut être de bonne foi. Nous sommes des êtres humains. Si je pouvais connaître un homme extraordinaire qui serait capable d'aller plus vite que tout le monde, je serais heureux de lui donner ma place, mais je veux être bien compris: je suis prêt à donner ma place, non pas à un homme qui pense qu'il est comme cela, mais qui est réellement comme ça17.

Nous faisons actuellement beaucoup pour la ville. Nous lui exemptons des frais d'impression considérables, des honoraires, etc., et cela, sans qu'il lui en coûte un sou. Quand la ville de Québec présentera son bill, je dirai mon opinion sans crainte. Je n'ai jamais peur de donner mon opinion et je prendrai des attitudes tranchées et claires. J'en prends toujours.

M. Casgrain (Rivière-du-Loup): Pour les attitudes tranchées? Je suis surpris d'apprendre cela.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Ça ne m'étonne pas que le député de Rivière-du-Loup soit surpris, parce que, sous le régime dont il faisait partie, il ne s'est jamais pris d'attitudes tranchées. On se contentait de chercher des retranchements derrière lesquels se cacher pour exploiter et mieux piller la province.

(Rires)

Nous donnons à Québec le pouvoir d'emprunter sans imposer de nouvelles taxes. C'est plus qu'une planche de salut et, malgré les abus des anciennes administrations, il y aura moyen de faire voguer à bon port le navire municipal jusqu'à la nouvelle session, pourvu que le pilote ne fasse pas trop d'écarts.

M. Grégoire (Montmagny): La population de Québec a confiance en son pilote et elle l'a prouvé il n'y a pas encore très longtemps.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Évidemment. Mais le député de Saint-Sauveur (M. Bertrand) et le député de Bellechasse (M. Boiteau) ont beaucoup contribué à lui donner cette confiance. Je suis certain qu'avec leur collaboration, le pilote pourra conduire le navire à bon port.

Nous faisons beaucoup pour Québec. Tout ce que nous accordons aujourd'hui ne lui coûte rien. Avec un bill privé, il aurait fallu payer les frais d'impression, les avis dans les journaux et les honoraires. J'ai déjà parlé d'un fonds d'embellissement. Il y a bien des choses qui devront être faites plus tard mais, pour le présent, nous allons améliorer les conditions. (En riant) J'ai toujours compris que le meilleur moyen d'aller vite, c'est de ne pas nuire au chauffeur, de ne pas le faire regarder en arrière et de ne pas aller se poser sur le radiateur en avant de lui.

(Applaudissements)

M. Chaloult (Kamouraska): M. le président, je crois que l'honorable premier ministre a donné des explications satisfaisantes sur le projet amendant la charte de la cité de Québec. Il dit qu'il aime les attitudes tranchées. Je suis heureux d'entendre cette déclaration et je lui souhaite de toujours donner de ces attitudes dans la bonne humeur. Mais, s'il les aime pour lui-même, il permettra sans doute à d'autres députés d'en prendre et d'exprimer des opinions tout aussi plausibles que les siennes. J'admets qu'on peut exprimer une opinion contraire et la discuter le sourire aux lèvres.

Je crois qu'on peut toujours être fidèle à un parti politique, tout en exprimant une opinion personnelle, sans qu'on nous accuse de mauvaise foi ou de déception. Je suis heureux que le premier ministre endure des expressions d'opinions personnelles, le sourire aux lèvres, et d'ailleurs elles ne sont pas aussi différentes que cela des siennes18.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): (Souriant) Je suis heureux de voir que, quand le député de Kamouraska exprime des idées différentes, il les considère comme légères.

(Rires et applaudissements de la Chambre)

M. Hamel (Québec-Centre): M. le président, on nous dit que le présent bill ne coûte rien à la ville de Québec. La dette de $42,000,000 porte toujours un intérêt à 4 %, alors que nous pourrions ne payer que 3 %. Et, d'ici la session de janvier, nous débourserons plusieurs milliers de piastres de trop pour le trust de l'électricité. En matant ce trust, nous aurions pu économiser de $400,000 à $600,000. Mais je veux être de bon compte. Si l'on nous donne l'assurance que nos mesures seront adoptées dans trois mois, soit à la session de janvier, je serai parfaitement satisfait. S'il nous dit qu'en janvier tout cela sera réglé, très bien.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je ferai d'abord remarquer que je n'ai pas parlé d'une session qui commencerait en janvier. Après la présente session, j'ai bien l'intention de prendre des vacances prolongées et, puisque ce sont mes premières vacances depuis trois ans, je pense que je les ai bien méritées. J'ai besoin de repos. Nous avons encore beaucoup d'ouvrage à faire entre les deux sessions et je ne crois pas que nous puissions convoquer une nouvelle session avant février.

Maintenant, je dis que ce n'est pas un privilège pour une ville que de demander à la Législature tout ce qu'elle veut lui demander, c'est un droit. Et nous accorderons encore plus qu'elle ne demande, pourvu que l'on reste dans les limites de la justice.

M. Hamel (Québec-Centre): Ce n'est pas compromettant. Qu'est-ce que vous nous accorderez?

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le député de Québec-Centre veut absolument m'arracher des déclarations, et il veut connaître mon opinion au sujet de la conversion des dettes. Je n'ai rien à refuser à l'honorable député de Québec-Centre.

Je la lui donne de façon franche. En ce qui me concerne, je suis contre la conversion forcée des dettes, car une conversion forcée n'est pas une conversion, mais une commotion que l'on projette. Je suis contre de A à Z. Cette façon de procéder détruira non seulement le crédit de la province, mais la province elle-même.

Plusieurs sont d'accord avec moi à cet égard. Je ne dis pas que les intérêts payés par la ville de Québec ne sont pas exorbitants. Mais ce sont des intérêts légaux, acceptés par les parties contractantes. Il y a certainement moyen de faire comprendre aux prêteurs que le capital humain doit primer le capital-argent, que, dans les circonstances actuelles, il y a des améliorations à apporter et qu'il y a moyen d'arriver au même résultat sans commotion.

Dans la majorité de ceux qui ont des doutes, et ils sont peut-être nombreux parmi les ministériels, ceux qui doutent, il est si humain de douter - car ils sont un peu comme l'apôtre, leurs doutes n'ont pas encore été sanctifiés - ceux-là seront surpris de voir tout ce que nous avons fait en si peu de temps sans casser les vitres, sans commotion, sans révolution, mais avec de la pondération. Je suis de ceux qui croient que la pondération est le facteur le plus certain des succès durables. La commotion est comme le sable que le vent souffle de l'est à l'ouest et du nord au sud, au gré des préjugés trop enracinés.

Nous croyons toujours que la politique de l'Union nationale est la meilleure qui soit, et nous voulons exécuter notre programme de  A à   Z. Seulement, il nous faut du temps. Pas plus qu'un gouvernement, un homme ne vient pas au monde du jour au lendemain, excepté les amis du chef de l'opposition. Il ne faut pas oublier que l'âge de raison vient à 7 ans et la majorité à 21 ans. Il faut tenir compte des moyens que nous possédons et des problèmes qui nous confrontent. Qu'on soit large un peu, aussi large que les intérêts de la province.

Il faut qu'il y ait de la bonne volonté de tous les côtés et non pas d'un côté seulement. Nous ne voulons pas l'expropriation de la bonne volonté. Nous préférons une collaboration efficace. Très prochainement, je le répète, nous allons montrer jusqu'à quel point le gouvernement travaille pour la province. Mais qu'on nous laisse le temps. (Se tournant vers le député de Québec-Centre) Ceci dit, nous allons travailler la main dans la main, dans les meilleurs intérêts de la province.

Ces déclarations sont assez précises, je pense, pour qu'on sache où nous allons. Nous avons déjà derrière nous des réalisations fécondes et profitables accomplies en deux mois, et qui feraient l'orgueil d'un gouvernement de 15 ans.

(Applaudissements à droite)

M. Hamel (Québec-Centre): Au cours de la dernière session, je posais exactement la même question au premier ministre d'alors. Il s'est dit opposé à la conversion des dettes. Il invoquait l'inviolabilité des contrats. Et, lorsque j'ai réfuté son argumentation, j'ai vu le chef de l'opposition d'alors applaudir à outrance. On nous laisse entendre qu'on a trouvé le moyen de mettre le trust de l'électricité à la raison. Pour notre part, nous en avons proposé un et nous considérons que c'est le seul efficace. Si le chef du gouvernement en a trouvé un meilleur, tant mieux.

Seulement, qu'il regarde ce qui vient de se produire tout près de nous, de l'autre côté de la frontière. Je rappelle ici qu'il y a eu des élections aux États-Unis hier, et le président Roosevelt a été réélu par la plus forte majorité qu'il ait été donné à un homme d'avoir depuis des siècles, parce qu'il a su se tenir debout et qu'il a combattu le trust de l'électricité, au moyen de la municipalisation et de la nationalisation des pouvoirs d'eau.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Ce discours vous prouve jusqu'à quel point il ne sert à rien de tendre des rameaux d'olivier. Évidemment, nous sommes dans une saison où bientôt la végétation sera recouverte de neige étincelante, et les seuls rameaux que l'on trouvera brûleront à la chaleur d'un courant électrique venu on ne sait d'où sans raison.

(Levant le ton) Il n'y a pas un trust, si puissant soit-il, pas un député, si puissant soit-il, qui puisse nous empêcher d'adopter les attitudes que nous croyons les meilleures. Je n'ai pas peur de me prononcer sur certaines situations, quand le temps en est venu.

J'ai dit que j'étais en faveur de la conversion volontaire et que j'étais contre la conversion forcée des dettes. Ce serait ruiner la province. Je ne suis pas seul à penser cela.

M. Hamel (Québec-Centre): Non, tous les capitalistes le pensent.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le député de Québec-Centre dit que les capitalistes pensent comme moi. Je demande à la Chambre d'être témoin de cette parole. La Chambre voit combien nous sommes doux et patients, et combien cela ne sert à rien.

Je dirai une chose au député: les bonnes intentions ne valent pas grand-chose, sans la bonne foi, et les mauvaises intentions sont comme les pièces d'argent: pour en prêter aux autres, il faut en avoir soi-même.

M. Hamel (Québec-Centre): Il n'est pas parlementaire de mettre en doute la bonne foi de ses adversaires, encore moins celle de ses amis.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): (Au président du comité plénier) Très bien, continuons l'étude du bill de Québec.

Les articles 1 à 4 sont adoptés.

M. Bertrand (Saint-Sauveur): Nous pourrions amender le bill pour obtenir d'emprunter jusqu'à concurrence de 80 % des arrérages de taxes, au lieu de 50 %.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): J'approuve cet amendement.

Le comité étudie le nouvel article 5 qui se lit comme suit:

"5. L'article 328 de la loi 19 George V, chapitre 95, est modifié en remplaçant le mot "cinquante", dans la neuvième ligne, par le mot "quatre-vingts"."

Le nouvel article 5 est adopté.

M. Boiteau (Bellechasse) propose un autre amendement dont l'effet sera de donner au contribuable le pouvoir d'attribuer le montant qu'il verse à la ville, au paiement des plus vieux arrérages de taxes. Autrefois, le conseil avait le pouvoir d'attribuer ce montant aux derniers arrérages.

Le comité étudie le nouvel article 6 qui se lit comme suit:

"6. Ladite loi 19 George V, chapitre 95 est modifiée en y ajoutant, après l'article 274, le suivant:

"274a. Nonobstant l'article 1158 du Code civil et l'indication par le débiteur de la cotisation, la taxe, le droit ou la redevance municipale quelconque qu'il entend payer à la corporation, celle-ci peut imputer le paiement sur la plus ancienne cotisation, taxe, droit ou redevance municipale due et de même nature et de même genre et affectant les mêmes biens immobiliers que celle pour laquelle le paiement est offert."

Le nouvel article 6 est adopté.

Le comité étudie le nouvel article 7 qui se lit comme suit:

7. Durant les six mois à compter du premier novembre 1936, nulle action en recouvrement de pension ne peut être intentée contre la cité de Québec par une personne mise à la pension.

Durant cette même période de temps la prescription cesse de courir à l'égard d'une telle réclamation.

Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas à une personne mise à sa pension alors qu'elle était membre du corps de police ou de constables de la cité, ou membre de sa brigade de pompiers.

L'article 7 est adopté.

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a adopté avec certains amendements. Les amendements sont lus deux fois et adoptés.

L'honorable M. Bilodeau (L'Islet) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté19.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

 

Ajournement

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): M. l'Orateur, je demande l'ajournement de la Chambre.

Je veux permettre à la Chambre d'aller entendre le jeune pianiste de sept ans, André Mathieu, un prodige, qui doit jouer à 6 heures moins le quart au café du Parlement. Le Conseil exécutif a eu des rapports si élogieux à son sujet qu'il a jugé de lui donner une bourse d'étude.

La Chambre siégera à 8 h 30 dans la soirée.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Qu'est-ce qu'on étudiera alors?

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): On commencera l'étude de la loi électorale, qui est volumineuse.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Il n'est pas nécessaire de faire une séance du soir pour cela. Demain sera assez vite. Aujourd'hui, nous avons tout nettoyé l'ordre du jour. Nous commençons dans l'avant-midi de bonne heure...

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): (En riant et en levant les bras au ciel) C'est bien difficile de refuser au chef de l'opposition.

(Rires et applaudissements)

Appuyé par le représentant de Québec-Est (l'honorable M. Drouin), je propose donc que la Chambre s'ajourne à demain après-midi à 3 heures.

Adopté.

La séance est levée à 5 h 4520.

__________

NOTES

 

1. L'Événement du 5 novembre 1936, à la page 3, nous apprend que "presque toute la séance de la Chambre, hier après-midi, a été filmée par un amateur. Le cinéaste, qui avait un instrument portatif, avait pris place dans la galerie de l'Orateur. Il filma le premier ministre, le chef de l'opposition, le maire Grégoire et le Dr Hamel au moment où ils parlaient. Il filma également M. Joseph-Mignault-Paul Sauvé montant sur le trône de l'Orateur et le sergent d'armes, M. Thériault, au moment où il manoeuvrait la masse."

2. Le Soleil du 5 novembre 1936, à la page 20, mentionne que l'honorable M. Tremblay est retenu à son bureau à ce moment.

3. Le comité se réunit sous la présidence de M. Trudel (Saint-Maurice).

4. Voir note 3.

5. Le Journal du 5 novembre 1936, à la page 1, précise que M. Carignan est maire de Lachine.

6. Le Montreal Daily Star du 5 novembre 1936, à la page 11, est la seule des sources à attribuer cette phrase à M. Bastien (Berthier).

7. Voir l'article 575 du Règlement.

8. Voir l'article 576 (2) du Règlement.

9. Selon La Presse du 5 novembre 1936, à la page 18, si le ton vague ou aux allures de pamphlet politique dans les réponses soulève d'abord les protestations de l'opposition, "finalement, tout le monde rit de ces réponses en série et provenant, vraisemblablement, toutes de la même source", soit l'honorable M. Duplessis.

10. Voir note 3.

11. Version du Devoir du 5 novembre 1936, à la page 6. Le Journal du même jour, à la page 8, mentionne plutôt "de 40 à 50 milles de l'est à l'ouest et de 15 milles du nord au sud."

12. Voir note 3.

13. M. Grégoire fait allusion à l'administration de Henri-Edgar Lavigueur, maire de Québec du 1er mars 1916 au 20 février 1920, puis du 26 février 1930 au 26 janvier 1934.

14. Selon L'Événement du 5 novembre 1936, à la page 9, "le premier ministre avait pris sa plus belle voix, et en parlant, il se tournait sans cesse vers M. Grégoire. La Chambre ne l'avait jamais vu s'exprimer d'une manière aussi aimable. Il souriait, comme aux plus beaux jours. M. Grégoire ne voulut pas être en reste d'amabilité", dans sa réplique au premier ministre.

15. Le comité se réunit sous la présidence de M. Trudel (Saint-Maurice).

16. Mitchell Frederick Hepburn (1896-1953), premier ministre libéral de l'Ontario de 1934 à 1942.

17. Selon Le Soleil du 5 novembre 1936, à la page 18, M. Duplessis regarde M. Hamel en riant, lorsqu'il prononce cette phrase.

18. M. Chaloult fait allusion à la séance de la veille où, à l'occasion d'une confrontation entre l'honorable M. Duplessis et M. Hamel, le premier accusa le second de mauvaise foi et de faire des commentaires inspirés par la déception.

19. Selon le Quebec Chronicle-Telegraph du 5 novembre 1936, à la page 12, le débat sur cette loi a duré près de deux heures.

20. Heure de L'Action catholique du 5 novembre 1936, à la page 3. Le Quotidien de Lévis du même jour, à la page 1, mentionne plutôt 5 h 30.