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Version finale

20e législature, 1re session
(7 octobre 1936 au 12 novembre 1936)

Le mardi 10 novembre 1936

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable J.-M.-P. Sauvé

La séance est ouverte à 3 heures.

Prière.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, sans amendement, les bills suivants:

- bill 31 modifiant la loi des mécaniciens de machines fixes;

- bill 32 modifiant la loi des appareils sous pression;

- bill 40 modifiant la loi prolongeant le délai de la prescription des taxes municipales et scolaires;

- bill 42 pour réduire à trois pour cent le taux d'intérêt en matières provinciales;

- bill 151 modifiant la charte de la cité de Verdun;

- bill 152 modifiant la charte de la cité de Lachine.

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, sans amendement, les bills suivants:

- bill 37 relatif à l'extension d'une convention collective de travail ratifiée par l'arrêté ministériel no 1723 du 28 juin 1935 et l'arrêté no 1131 du 15 avril 1936;

- bill 44 relatif aux ministres, aux membres du Conseil législatif et à ceux de l'Assemblée législative.

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté le bill 5 pour protéger l'épargne populaire et empêcher la surcapitalisation, avec les amendements suivants qu'il la prie d'agréer:

1. L'article 1 est modifié en y ajoutant l'alinéa suivant: "Les bateaux, bâtiments et navires d'une compagnie de navigation sont considérés comme des biens immobiliers pour les fins de la présente loi."

2. Ce qui suit est inséré, à la suite de l'article 1, comme article 2:

"2. Toutefois, le lieutenant-gouverneur en conseil peut autoriser une émission pour remplacer une émission déjà existante, pourvu que le montant de l'émission ainsi autorisée n'excède pas celui de l'émission remplacée."

3. L'article 2 devient l'article 3.

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté les bills suivants:

- bill 8 concernant les deniers publics relatifs au Conseil législatif et à l'Assemblée législative, avec un amendement qu'il la prie d'agréer:

1. L'article 5 est modifié en y ajoutant l'alinéa suivant:

"Néanmoins le trésorier de la province devra de temps à autre remettre au comptable de l'Assemblée législative, en tant que l'indemnité des députés est concernée, et au greffier du Conseil législatif en tant que l'indemnité des conseillers législatifs est concernée, les sommes nécessaires pour payer incontinent les indemnités dues aux membres de l'Assemblée législative et du Conseil législatif."

- bill 43 autorisant la cité de Montréal à accorder un octroi de deux cent vingt-cinq mille dollars à l'Association catholique de la jeunesse canadienne-française, avec un amendement qu'il la prie d'agréer:

1. L'article 1 est modifié en remplaçant les mots "douze mille cinq cents" à la cinquième ligne par les mots: "onze mille deux cent cinquante".

 

Explications sur des faits publiés:

Le Courrier de Saint-Hyacinthe et la loi du moratoire

M. Barré (Rouville): Avant de passer à l'ordre du jour, M. l'Orateur, qu'il me soit permis de faire une rectification en marge d'un compte rendu du Courrier de Saint-Hyacinthe, autour du débat sur la loi du moratoire. Ce compte rendu donne lieu à trois erreurs dans son interprétation. Il laisserait croire que je suis opposé à la réduction du taux de l'intérêt, tandis que j'ai toujours favorisé cette réduction. De plus, il laisse croire que je suis opposé à la loi du moratoire. Je ne me suis jamais opposé à ce système, mais j'ai déclaré que nous ne pourrions le maintenir constamment. Ce qui est pire, en troisième lieu, je serais supposé, d'après ce compte rendu, avoir combattu le gouvernement et avoir combattu une mesure de l'administration actuelle, tandis qu'en réalité j'ai fait certaines remarques simplement sur la motion en amendement.

Si Le Courrier de Saint-Hyacinthe était habituellement menteur comme certains journaux, passe encore, je ne protesterais pas. Mais comme le Courrier est généralement bien informé, je tiens à rectifier. Erreur n'est pas compte.

 

Questions d'urgence:

Colonisation

M. Dubé (Témiscouata): Je crois qu'il serait opportun à cette session d'urgence de parler de la colonisation. La colonisation a été soignée à la petite cuillère depuis cinq ans surtout, et j'espère que le gouvernement fera plus que son prédécesseur, qui a négligé notre industrie fondamentale et a laissé périr les pauvres colons aux quatre coins de la province. Au cours du mouvement de désertion de nos campagnes, on a trop oublié notre principal actif, la terre. Les colons de mon comté manquent du strict nécessaire, du fait que leur récolte a gelé. Il nous faut secourir d'abord les colons nécessiteux, et cela, avant le mois de juillet. Nous devons aussi leur donner de bons chemins. Ils en manquent partout.

La colonisation est en quelque sorte le marchepied de l'agriculture. L'argent versé pour la colonisation constitue un bon placement, un placement avantageux, à la condition que ces sommes ne soient pas englouties dans le patronage ou absorbées par les contracteurs. Des récoltes de colons ont gelé dans mon comté, cette année, et les colons sont réduits à la misère. L'ancien régime a voulu épater les étrangers et il a industrialisé à outrance...

M. Bastien (Berthier): Je soulève un point d'ordre, M. l'Orateur. Un membre de cette Chambre fait un discours sur la colonisation à l'heure des "questions de privilège".

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le député de Témiscouata est au courant de la situation des colons. Il s'y intéresse et je l'en félicite. Nous avons toujours le droit de soumettre à la Chambre une question urgente. Nous sommes en effet à une session d'urgence. S'il y a une question urgente, c'est bien celle de la colonisation. C'est la place devant la Chambre de donner des renseignements de cette nature.

M. l'Orateur: M. le Président... Je demande pardon à la Chambre de ce lapsus. L'honorable député de Témiscouata (M. Dubé) s'est levé sur une "question de privilège". Jusqu'à date, je n'ai pas bien saisi où se trouvait cette "question de privilège" dans ses remarques. Le premier ministre a dit que nous pouvions discuter toute question urgente, et je me demande si, à ce stade de la procédure, nous pouvons déterminer qu'il y a urgence à discuter ce cas. Comme je ne voudrais pas rendre une décision injuste dans un moment aussi critique, je prendrai le point d'ordre en délibéré.

M. Vachon (Wolfe): M. l'Orateur, la question est urgente, et je félicite le député de Témiscouata de l'avoir soulevée. Il a dit les besoins des colons. Ils sont les mêmes partout. Je représente, moi aussi, un comté de colonisation, et, du 1er janvier au 1er septembre, on a dû verser $2,496 en secours directs aux colons, et il n'y a pas de chemin. Je trouve donc étrange qu'un député proteste quand nous venons ainsi parler de colonisation et dire les besoins des colons.

Protection de l'épargne populaire

La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 5 pour protéger l'épargne populaire et empêcher la surcapitalisation. Les amendements sont lus deux fois et adoptés.

Le bill est retourné au Conseil législatif.

Deniers publics du Conseil législatif et de l'Assemblée législative

La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 8 concernant les deniers publics relatifs au Conseil législatif et à l'Assemblée législative. Les amendements sont lus deux fois et adoptés.

Le bill est retourné au Conseil législatif.

Association catholique de la jeunesse canadienne-française

La Chambre prend en considération les amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 43 autorisant la cité de Montréal à accorder un octroi deux cent vingt-cinq mille dollars à l'Association catholique de la jeunesse canadienne-française. Les amendements sont lus deux fois et adoptés.

Le bill est retourné au Conseil législatif.

 

Questions et réponses:

Destitution de M. Dumont, agent des terres à Rimouski

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): 1. À quelle date M. Jos.-M. Dumont, agent des terres à Rimouski, a-t-il été destitué?

2. Y a-t-il une enquête qui a été faite dans son cas?

3. Pour quelle raison ce monsieur a-t-il été destitué?

4. Par qui a-t-il été remplacé?

L'honorable M. Auger (Montréal-Saint-Jacques): 1. Le 15 octobre 1936.

2. Oui.

3. Partisannerie politique.

4. Joseph Rousseau.

Pont sur la rivière Métis, Sainte-Angèle-de-Mérici, Matane

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): 1. Le gouvernement a-t-il demandé des soumissions publiques pour la construction d'un pont sur la rivière Métis à Sainte-Angèle-de-Mérici, comté de Matane.

2. Si des soumissions publiques n'ont pas été demandées, a-t-on demandé des soumissions autrement que par la voie des journaux?

3. Si des soumissions publiques ont été demandées, quels ont été les soumissionnaires et quel prix ont-ils demandé respectivement?

4. À qui la construction du pont a-t-elle été accordée?

L'honorable M. Bourque (Sherbrooke): 1. Oui.

2. Répondu par no 1.

3. Alfred Gagnon et Alph. Montminy, Saint-François, comté Montmagny: $16,611.72;

Nazaire Boucher et fils, ltée, Bic, comté Rimouski: $19,854.93;

Langelier et Thiboutot, Saint-Victor, comté Beauce: $22,171;

Normand et Normand, L'Islet, comté L'Islet: $23,319.50.

4. À Nazaire Boucher et fils, ltée, parce que leur soumission était plus complète et plus avantageuse pour la province.

Voies et moyens

L'honorable M. Fisher (Huntingdon) propose, selon l'ordre du jour, que M. l'Orateur quitte maintenant le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité des voies et moyens.

Adopté.

 

En comité:

L'honorable M. Fisher (Huntingdon) propose: Que, pour pourvoir au paiement des subsides qui ont été accordés à Sa Majesté pour la dépense de l'année financière se terminant le 30 juin 1937, il soit permis de tirer du fonds consolidé du revenu de cette province une somme n'excédant pas $20,124,344.06.

Adopté.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté une résolution et demande la permission de siéger de nouveau.

Ladite résolution est lue deux fois et adoptée.

Loi des subsides

L'honorable M. Fisher (Huntingdon) demande la permission de présenter le bill 21 octroyant à Sa Majesté les deniers requis pour les dépenses du gouvernement pour l'année financière expirant le 30 juin 1937 et pour d'autres fins du service public.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

L'honorable M. Fisher (Huntingdon) propose que le bill soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté.

L'honorable M. Fisher (Huntingdon) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Paiement des pensions de vieillesse

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) propose, appuyé par le représentant de L'Islet (l'honorable M. Bilodeau), que la Chambre se forme à la présente séance en comité plénier pour prendre en considération un projet de résolutions relatives au bill 46 favorisant l'impartialité et la célérité dans le paiement des pensions de vieillesse.

Adopté.

Il informe alors la Chambre qu'il est autorisé par Son Honneur le lieutenant-gouverneur à soumettre ledit projet de résolutions et que Son Honneur en recommande la prise en considération.

 

En comité1:

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) propose: 1. Que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra conclure toute convention avec le gouverneur général en son conseil relative à un système général de pensions de vieillesse dans cette province et au paiement de ces pensions.

2. Que le lieutenant-gouverneur en conseil sera de plus autorisé à s'entendre avec le gouverneur général en son conseil relativement à tout ce qui concerne les pensions de vieillesse depuis l'entrée en vigueur de la loi fédérale à ce sujet et à toute modification qu'il jugera avantageux à la population de la province.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Explications.

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve): Il y a dans la loi actuelle plusieurs dispositions qui ne sont pas conformes à la loi fédérale.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je voudrais savoir la différence entre la loi et ces résolutions. Notre loi était conforme à la loi fédérale, puisque Ottawa l'a approuvée et que, aux dires du ministre du Travail, 5,000 ou 6,000 pensions ont été payées.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Quand cette loi des pensions de vieillesse a été passée par l'ancien régime, dans les circonstances que l'on sait, nous nous attendions à 25 % de justice pour les vieillards et pas plus, mais nous avons promis d'améliorer la loi dès que nous serions au pouvoir.

Cette loi était en force à Ottawa depuis 1927, et la province de Québec a payé sa contribution pour les autres provinces, sans jamais rien retirer de cette loi. Il a fallu ensuite profiter de la fuite du régime pour obtenir cette pension.

Nous en sommes venus à la conclusion que la loi de l'an dernier donnait au gouvernement trop de discrétion. Ainsi, le lieutenant-gouverneur en conseil pouvait refuser les pensions comme il le jugeait à propos. Nous, nous disons maintenant que le paiement de la pension sera obligatoire dès qu'un vieillard y a droit, qu'il soit partisan du gouvernement ou non.

L'article 2 de la loi disait que Québec paierait la pension en autant que le fédéral paierait 75 %. Or, si Ottawa décide de ne payer que 74 %, la province ne sera plus liée. Nous mettons tout cela de côté et nous autorisons le lieutenant-gouverneur en conseil à passer avec Ottawa toute convention, quitte à être remboursés, au besoin, pour les montants que nous avons contribué à la pension de vieillesse sans en avoir bénéficié jusqu'ici.

Enfin, nous voulons que la pension soit entourée d'impartialité et de célérité. Nous disons que la loi de la dernière session de l'ancien régime comporte des mesures dilatoires. Ainsi, il fallait, pour avoir sa pension, s'adresser au conseil municipal, puis ensuite aux réviseurs et à la Commission des pensions de vieillesse de Québec.

Or, on sait que, dans certains centres ruraux, le conseil municipal ne siège pas régulièrement. Nous faisons disparaître cet intermédiaire, et nous disons que la demande devra être soumise aux réviseurs ou à la Commission.

Si, après la demande, les réviseurs et les commissaires ne font pas leur rapport dans un délai raisonnable, celui qui veut sa pension pourra s'adresser à la Cour de magistrat et obtenir le paiement de sa pension.

Nous disons également que, dans le cas où ces réviseurs subiraient une certaine influence politique, celui qui demandera sa pension et ne pourra l'obtenir, si réellement il est éligible, pourra s'adresser à la Cour supérieure, sans frais, et faire réviser cette décision arbitraire. Nous voulons entourer la loi de garanties d'impartialité et en rendre l'application plus facile.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Encore une loi de camouflage...

(Rires et protestations à droite)

Je vais le prouver. L'honorable premier ministre veut faire croire que la loi actuelle n'est pas appliquée avec assez de célérité.

Combien y a-t-il de demandes devant les réviseurs? Il y a tout au plus 30,000 demandes pour les pensions de vieillesse, et c'est à peu près le total des vieillards qui sont en âge d'avoir la pension. Nous avons voulu confier l'étude des demandes aux conseils municipaux parce qu'ils sont indépendants du gouvernement.

C'est à la demande des députés que nous avons décidé que les conseils municipaux recevraient les demandes. Le premier ministre dit qu'on ne pourra plus demander ces pensions au conseil municipal, mais aux réviseurs ou à la Commission.

Des voix: Ou à un juge de la Cour supérieure.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Oui, ou à un juge de la Cour supérieure. J'en reparlerai. Il n'est pas pratique de s'adresser à des juges. Nous avions les conseils municipaux pour préparer les demandes. Nous avons dans la province au-delà de 1,4002 municipalités auprès de qui les vieillards pouvaient demander leur pension.

Maintenant, on aura les enquêteurs qui sont en nombre restreint. Je ne crois pas qu'ils soient plus que 100. Nous avions, nous, 1,400 conseils municipaux qui faisaient cette enquête avec des garanties d'impartialité. Ce n'est pas en réduisant le nombre des personnes désignées pour recevoir les demandes qu'on assurera la célérité au paiement des pensions. Les hommes que nous avions choisis connaissaient mieux les pétitionnaires que ne les connaissent les réviseurs que le gouvernement désignera.

On n'a pas besoin d'une résolution pour l'entente avec Ottawa. C'est déjà dans la loi. La loi que l'on présente aujourd'hui sous l'étiquette d'amendements, pour assurer l'impartialité et la célérité du paiement des pensions de vieillesse, n'améliore et n'accélère rien. C'est du camouflage. La seule chose nouvelle, c'est que l'on permet au pétitionnaire de s'adresser à un juge de la Cour supérieure. Je crois que nous avions le système idéal. On veut faire mine de changer la loi, mais on ne change rien qui vaille la peine et, surtout, l'on n'améliore rien.

Les membres de la Commission des pensions de vieillesse sont des experts, des hommes compétents en qui j'ai confiance. Nul besoin de faire contrôler leurs jugements par la Cour supérieure. Nous avons confiance dans leurs décisions et nous ne voulons pas de changements de camouflage. Je sais que lorsque le gouvernement remplacera les commissaires, il nommera des gens qui sauront faire leur devoir. Avec la loi existante, le pétitionnaire avait le droit d'en appeler devant la Commission. Je proteste contre la résolution et j'enregistre ma dissidence. La loi du gouvernement n'est présentée que pour faire croire que la nôtre n'était pas bonne. Au Nouveau-Brunswick, il a fallu trois ans pour payer les pensions de vieillesse.

L'honorable M. Gagnon (Matane): Est-ce que l'honorable chef de l'opposition n'a pas déclaré, au cours de la campagne, que les premières pensions seraient payées le 30 août, quand il savait qu'elles ne seraient pas payées?

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Oui, si nous avions été élus, elles l'auraient été le 30 août.

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve): Les membres de l'opposition, le député de Saint-Hyacinthe en particulier, savaient qu'ils ne seraient pas réélus au pouvoir. Et ils ne pouvaient ignorer que tout leur organisme était inopérant. Une grande partie du personnel était obligé de faire du marchandage politique.

On a fait une exploitation de la révision. On payait $2.50 par révision; cela devait couvrir toutes les dépenses, et il y a certains employés qui se faisaient des salaires de $800, $600 et $400 par mois. Nous avons dû recommencer toutes les révisions, et les malheureux qui ont confié aux réviseurs leurs demandes attendent.

Les modifications s'imposent donc. Nous sommes à étudier si nous devons payer les réclamations des enquêteurs.

M. Barré (Rouville): On ne sera pas surpris, j'imagine, de m'entendre exposer un troisième point de vue. Il n'y a pas six mois que la loi est passée et on l'amende avec raison, parce qu'elle est difforme, bossue, mal faite. On l'amenderait de six mois en six mois si nous siégions continuellement, tellement elle est mal faite3.

Au cours de la dernière campagne, l'honorable chef de l'opposition est venu dans mon comté et il a affirmé à mes électeurs que j'étais un malcommode, et que je fus le seul à m'opposer à la loi lorsqu'elle fut présentée devant la Chambre. C'est le chef de l'opposition qui a dit cela. Je reviens à la charge même si mes paroles doivent tomber dans le désert, mais je voudrais que mes paroles soient répandues par toute la province.

Le système est absurde. On oublie qu'il s'agit de l'argent du peuple. Je ne veux pas qu'on le gaspille. Je suis en faveur de la loi, qu'on n'en doute pas. J'ai d'ailleurs fait assez de motions dans le passé pour qu'il n'y ait pas de doute. Mais je suis en faveur aussi d'une foule d'autres législations sociales qu'on a toujours refusées, sous le prétexte qu'on n'avait pas d'argent. Si on n'a pas d'argent, c'est parce qu'on le gaspille. Il ne faut pas que l'argent se perde par des canaux détournés.

Sur cinq pensions actuellement payées, je pourrais dire qu'il y en a au moins trois qui vont à des gens qui n'en ont pas besoin, à des gens qui pourraient vivre sans cela. Je connais les conseils municipaux. Du moment qu'il s'agit de l'argent du gouvernement, on n'y regarde pas et l'on dit: "C'est aussi bien que tu l'aies qu'un autre, Baptiste."

On dit que c'est une loi de camouflage, mais le seul camouflage, c'est dans l'ingérence des conseils municipaux à qui l'on a donné un contrôle fictif, au lieu d'un contrôle réel. Les conseils municipaux veulent, partout, attirer le plus d'argent possible dans leurs villages. Si l'argent de la province est payé pour des pensions à des personnes qui n'en ont pas besoin, il sera impossible de payer les pensions aux mères nécessiteuses, de donner des allocations familiales.

On dira que je suis un utopiste, mais j'ai raison quand je déclare que nous sommes en retard de 25 ans pour ce qui est de la législation sociale dans la province de Québec. Nous nous disons catholiques et, à certains égards, nous ne sommes même pas chrétiens. La province d'Ontario donne bien les pensions aux mères nécessiteuses. Ici, nous ne nous en sommes pas occupés.

(Applaudissements à droite)

Pour revenir à la loi des pensions de vieillesse, je dis que la loi actuelle est à refaire. Elle est née d'un besoin électoral et, comme tout ce que produit l'électoralisme, elle est difforme, boiteuse, bossue, inserviable. Elle doit être refaite d'un bout à l'autre. Je veux dénoncer aussi le vice de notre système social qui permettra à des vieillards de retirer plus que ne gagnent des jeunes qui ont des charges de famille.

Pour la loi des pensions de vieillesse, je crois qu'on n'arrivera à trouver un système vraiment bon que le jour où on laissera aux conseils municipaux un contrôle véritable, c'est-à-dire que le jour où on leur imposera l'obligation de payer la première ou la dernière piastre de la pension. Ils auront l'intérêt à ce que des pensions ne soient pas versées à des gens qui n'en ont pas besoin. Les indigents, dans leur vieillesse, ne furent pas tous des as, dans leur jeunesse.

Ce qu'il faut, ce n'est pas de l'électoralisme, mais des législations sociales à base de charité et de justice. Songeons que c'est tous les citoyens qui paient les pensions. J'espère que je n'ai pas prêché dans le désert.

M. Barrette (Terrebonne): Je tiens, moi aussi, à protester contre cette loi de l'ancien gouvernement à base de favoritisme comme la plupart des mesures qu'il passa. C'est tellement vrai qu'on a vu l'ancien gouvernement nommer, pour faire mettre cette loi en vigueur, des organisateurs libéraux. C'était l'administration de la loi au moyen de la cabale politique. Les amendements que l'on apporte aujourd'hui ont pour but de faire disparaître ce favoritisme éhonté.

Je félicite le gouvernement d'améliorer la loi. En lisant les amendements, on verra que le pétitionnaire peut s'adresser à un magistrat de district et qu'il a ensuite droit d'appel à la Cour supérieure. Les avocats ne sont pas en cause dans le moment, et je me demande encore pourquoi le chef de l'opposition a fait de nouvelles insinuations relativement aux tribunaux. J'aime beaucoup mieux me fier à la justice des tribunaux de ma province qu'à la justice de l'ancien gouvernement.

Le chef de l'opposition parle constamment de camouflage. Je lui conseille de lire les articles de la loi et de se départir de sa marotte de la Cour supérieure.

M. Bertrand (Saint-Sauveur): M. l'Orateur, je suis, moi aussi, heureux de féliciter le gouvernement des amendements qu'il veut apporter à cette loi. J'ai été de ceux qui ont toujours demandé la loi des pensions de vieillesse. Le chef de l'opposition a toujours voté contre.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je n'ai jamais voté contre cette loi, car j'étais président de la Chambre, et je n'ai pas voté.

M. Bertrand (Saint-Sauveur): Si l'honorable chef de l'opposition n'a jamais voté contre, il n'a du moins rien fait pour essayer de l'aider. Il n'avait pourtant pas l'habitude de se gêner pour dire ce qu'il désirait. Si, à la dernière session, on a consenti à donner cette loi, c'est parce qu'on sentait que le gouvernement crèverait. Ce n'est pas pour les ouvriers qu'on la voulait. La loi n'était pas parfaite.

On lui apporte des amendements et le chef de l'opposition a tort de critiquer, puisque ces amendements sont de nature à rendre la loi meilleure. Le chef de l'opposition n'est plus le même homme, tout comme le député de Berthier (M. Bastien). Ils ont changé de peau. Au nom des ouvriers, je félicite le gouvernement de ses amendements et je le remercie. Le chef de l'opposition pourrait se passer de critiquer.

M. Langlais (Îles-de-la-Madeleine): M. le président, je tiens, moi aussi, à dire que je suis en faveur de ces amendements car, au cours des dernières élections, dans les Îles-de-la-Madeleine, les conseils municipaux, qui aiment souvent à faire de la politique, n'ont pas manqué l'occasion que leur offrait la loi des pensions de vieillesse. C'est ça le camouflage. On avait donné une loi bien camouflée pour faire de la politique et du favoritisme. Le gouvernement fait disparaître l'occasion de faire du favoritisme et il a raison. Les juges de la Cour supérieure jugeront en dernière instance, et on peut être sûr qu'ils rendront justice aux vieillards. Il n'y a plus de camouflage et l'opposition est destructive.

M. Bastien (Berthier): J'ai écouté avec intérêt tantôt l'honorable député de Rouville (M. Barré). J'ai même trouvé son attitude étrange, lui qui est toujours si logique. Il commence par encenser le gouvernement pour faire ensuite la critique de la loi, suivant son habitude. Il a aussi commencé par critiquer les conseils municipaux, pour dire ensuite qu'on devrait leur donner un contrôle plus grand...

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve): Le député de Berthier me permettra-t-il une question?

M. Bastien (Berthier): Non.

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve): Pour instruire le député de Berthier.

M. Bastien (Berthier): Vous me répondrez. Les conseils municipaux savent, il me semble, que ce sont leurs propres deniers qu'ils gaspillent en donnant des pensions à des personnes qui n'en méritent pas. Ils constituent même une garantie additionnelle, et d'autant plus que leurs opinions sont ensuite révisées par les réviseurs de la Commission.

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve): C'est complètement faux.

M. Bastien (Berthier): C'est de plus une garantie qui ne coûte rien aux pensionnaires. Le chef de l'opposition n'a pas critiqué les tribunaux tantôt, comme on veut le prétendre. Il a dit que c'était tout simplement ajouter une procédure inutile. L'honorable député de Rouville (M. Barré) ne croit pas que les demandes doivent être reçues par les conseils municipaux. Il dit: "Faites contribuer $1 par les conseils municipaux et ils exerceront un contrôle." J'ai maintenant une question à poser au député de Rouville car, de plus, j'aime toujours à l'entendre. Le député de Rouville n'aurait-il pas un amendement à présenter pour que les conseils municipaux soient appelés à contribuer la dernière des 20 piastres?

M. Barré (Rouville): Le député de Berthier aime à m'entendre, et je vais essayer de lui faire plaisir, mais les compliments n'ont jamais eu d'influence sur moi, pas plus que les menaces, et je n'ai jamais craint d'être seul à soulever une question. Le député de Berthier me pose une question en disant: "Le député de Rouville va-t-il proposer un amendement?" Pourtant, il devrait se rappeler ce qui s'est passé à la dernière session, lorsque je me suis levé sous l'ancien régime pour protester et demander d'étudier le cas de la contribution des conseils municipaux.

On m'a répondu que ça pressait, que je faisais perdre le temps de la Chambre, que les vieux de la province attendaient après leur pension de vieillesse. On semblait oublier que les vieux attendaient cette pension depuis six ans4. Sans vouloir faire de reproches à personne, je crois qu'on aurait été mieux d'attendre 60 jours de plus et de proposer une loi complète5. On ne voulait pas. Je me rappelle aussi une autre fois où j'ai proposé une pension de vieillesse avec une légère contribution municipale, et, dans le temps, le docteur Anatole Plante6 avait consenti à seconder ma motion, avec cette réserve qu'il voterait contre.

Le député de Berthier me demande si je n'ai aucun amendement à présenter. Pour répondre à la question, je lui dirai que, s'il veut affirmer que lui-même et tous ses collègues vont voter pour un tel amendement, je serai prêt à le présenter. Toutefois, je ne crois pas que, à ce stade de la session, il soit opportun de proposer un tel amendement.

On me fait dire que j'ai condamné les conseils municipaux. Je le répète, je n'ai jamais critiqué un contrôle municipal dans ce domaine, mais ce que j'ai critiqué, c'est un contrôle fictif... qui ne contrôle pas. J'ai tout simplement exprimé l'opinion qu'un contrôle qui ne rime à rien ne vaut rien. On sait que cette loi a été faite dans un moment de quasi-agonie du régime. Si je puis dire toute ma pensée, je déclarerai que la loi votée à la dernière session était un facteur de corruption électorale dont on s'est servi dans mon comté durant la dernière campagne...

Des voix: Dans le mien aussi!

M. Barré (Rouville): Dans mon comté, les organisateurs libéraux, parfois un maire, parfois un échevin, ou encore un secrétaire-trésorier, allaient trouver les électeurs avec des formules de pensions de vieillesse en leur disant que si cette loi était passée, c'est parce que Barré n'avait pas réussi à empêcher la Chambre de la voter. On disait: "Signez cette formule et on va vous faire avoir votre pension."

On ajoutait ensuite: "Le contrôle municipal n'existe pas, et il n'y a pas un homme qui m'empêchera de faire accepter ta pension au conseil." Dans quantité de cas, on a promis la pension en retour d'une promesse de voter en faveur du candidat du Parti libéral.

Je suis en faveur d'un contrôle municipal comme je l'ai dit tantôt, mais un contrôle qui découlerait du fait que le conseil devra payer la dernière piastre. Un contrôle comme celui qu'il avait auparavant ne vaut rien, mais un contrôle par les surveillants naturels de la loi serait excellent.

M. Chaloult (Kamouraska): M. le président, j'écoute toujours avec plaisir l'honorable député de Rouville. Dans ses discours et dans ses actes parlementaires, il fait toujours preuve d'un bel esprit social et d'un bel esprit catholique, sans partisannerie politique. Nous n'aurons jamais trop de ces discours touffus d'idées.

Je félicite le gouvernement des améliorations qu'il apporte à la loi des pensions de vieillesse, et j'espère qu'à la prochaine session il continuera son travail, en adoptant quelques-unes des suggestions de l'honorable député de Rouville. Je souhaite maintenant que le gouvernement continue à améliorer sa loi des pensions de vieillesse. J'espère que, dès la prochaine session, le gouvernement présentera une législation plus sociale et qu'il s'intéressera également au sort des mères nécessiteuses.

Mon honorable ami (M. Barré) favorise les allocations aux mères nécessiteuses. Je suis moi-même favorable à cette loi. Il dit qu'il n'a pas toujours réussi à se faire seconder dans les mesures sociales qu'il proposait. Je tiens à lui dire qu'à l'avenir il aura dans le député de Kamouraska un collègue toujours disposé à l'appuyer dans son travail. D'ailleurs, la Chambre elle-même sera sans doute toujours bien disposée envers les mesures vraiment sociales portées à son attention.

M. Hamel (Québec-Centre): Cette législation vient à son heure et, puisque nous sommes maintenant engagés dans cette voie, j'espère que le gouvernement fera tous les efforts nécessaires pour forcer le fédéral à modifier sa législation. Les pensions de vieillesse comme toutes les autres pensions devraient être à base contributoire. Autrement, nous ne savons pas où nous allons. Jamais un gouvernement ne réussira à contenter un pensionnaire, si celui-ci ne paie absolument rien pour avoir sa pension. C'est tout naturel.

La demande pour les pensions sera toujours de plus en plus croissante, et on finira par la réclamer pour des gens qui auront moins de 45 ans7. On devrait ne pas oublier les conclusions de la Commission des assurances sociales sur cette question qui proposait une pension à base tripartite. Le gouvernement, l'industrie et le pensionnaire auraient contribué chacun pour leur part.

Dans certains pays, on exige une contribution à l'ouvrier dès l'âge de 18 ans. Cette contribution est minime, mais elle réussit tout de même à mettre un frein aux demandes, parce que le pensionnaire est sous l'impression que, s'il veut avoir plus, il devra payer plus.

Je comprends que le gouvernement actuel ne peut faire pour le moment autre chose que de présenter cette loi, mais c'est son devoir d'essayer de convaincre le fédéral de faire mieux dans ce domaine et de modifier sa loi.

M. Bulloch (Westmount): J'ai surveillé l'application de la loi. Je félicite le ministre du Travail (l'honorable M. Tremblay) d'avoir mis cette loi en application aussi rapidement. Plusieurs milliers de vieux ont déjà reçu leurs chèques, et il ne fait aucun doute qu'avec cette législation le système fonctionnera encore plus rapidement.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Ces discours ne font que démontrer combien était excellente la loi que nous avons présentée à l'autre session. L'honorable député de Westmount vient de féliciter le ministre du Travail de la célérité apportée à l'application de la loi. Ai-je besoin d'un meilleur témoignage pour dire que notre système a été apprécié, car cette législation que le gouvernement nous présente actuellement n'est pas en force et, bien avant cela, un député de la droite dit que la pension de vieillesse fonctionne admirablement bien? On ne peut augmenter la célérité puisque, depuis les quelques mois que la loi est en force, 30,000 demandes ont déjà été déposées.

Maintenant, quel changement y a-t-il dans la loi? Nous avions recours aux conseils municipaux, et les conseils faisaient parvenir leurs demandes aux réviseurs. Les conseils municipaux, quoi qu'on dise, étaient indépendants de la politique provinciale. Aujourd'hui, on élimine les conseils municipaux et on ne laisse que les réviseurs à la disposition des applicants.

Il était toujours facile pour un applicant de trouver le secrétaire-trésorier de sa municipalité, tandis qu'avec la nouvelle loi, il ne sera pas toujours facile de trouver les réviseurs qui n'auront pas de bureau fixe et qui ne seront même pas obligés de demeurer dans le comté.

Le vieillard sera obligé de chercher le réviseur. Sans compter qu'il devra s'adresser directement à un fonctionnaire nommé par le gouvernement, ce qui augmente de beaucoup les dangers de patronage politique. Nous avions un système idéal, et j'avais longuement étudié la question avant de voir à la rédaction de la loi et des règlements concernant la pension de vieillesse. Nous avions le même contrôle que le gouvernement aura aujourd'hui avec sa nouvelle loi, et la seule différence qu'il y aura, c'est que les réviseurs rouges seront changés par des bleus.

Nous avions un moyen de protéger les deniers de la province de Québec. Le nouveau système coûtera plus cher, puisque les réviseurs seront payés à salaire fixe, quel que soit le nombre des demandes. Originairement, ils étaient payés pour chaque demande.

Et il est évident que le nombre des demandes va décroître considérablement maintenant que la plupart des vieillards ont déposé les leurs. Nous aurions payé 30,000 demandes à $2.50 pour la première année mais, l'an prochain, il n'y aura que 2,000 demandes probablement. Le coût sera donc moins élevé, tandis que les salaires des réviseurs seront les mêmes l'an prochain, lorsqu'il y aura beaucoup moins de travail.

M. Paradis (Matapédia): Je constate que la loi donnera aux applicants l'avantage de pouvoir en appeler des décisions de la Commission des pensions de vieillesse.

C'est un précieux avantage à mon point de vue, d'autant plus que je n'ai jamais aimé cette loi qui veut que personne ne puisse en appeler des décisions de la Commission.

Certaines de ces décisions sont des denis de justice. De plus, je remarque cependant que la loi dit que les personnes qui deviennent sujet britannique après le premier mai 1936 sont exclues. Je crois que tout sujet canadien qui est allé demeurer aux États-Unis, qui s'est fait naturaliser là-bas et qui revient ici ensuite, devrait bénéficier de la loi. Je soumets cette suggestion à l'attention de la Chambre. Je connais des cas pathétiques et on devrait bien retirer cet amendement.

M. Taché (Hull): Je voulais moi-même attirer l'attention de la Chambre sur cet amendement. Je félicite l'honorable député de Matapédia d'avoir attiré l'attention de la Chambre sur ce point.

Dans mon comté, il y a nombre de gens qui sont dans le cas cité par mon ami de la Matapédia. Il y a, par exemple, un M. Peterson8 qui est revenu au pays depuis 50 ans, mais qui ne s'est pas fait naturaliser. Je soumets que cet amendement devrait disparaître.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je serai heureux de considérer ces suggestions quand nous étudierons la loi, après l'étude des résolutions. Disposons des résolutions, et nous nous entendrons ensuite sur ce point. Nous demandons également le pouvoir d'entreprendre des démarches auprès des autorités fédérales pour faire améliorer la loi.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): J'ai déjà essayé et je suis convaincu que c'est inutile.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le chef de l'opposition n'est pas juste à l'égard d'Ottawa. Nous, nous avons encore confiance en l'esprit de justice.

Les résolutions sont adoptées sur division.

 

Résolutions à rapporter:

Le comité fait rapport qu'il a adopté deux résolutions, lesquelles sont lues une première fois, une deuxième fois sur division, et adoptées sur division.

Il est ordonné que lesdites résolutions soient renvoyées au comité plénier chargé d'étudier le bill 46 favorisant l'impartialité et la célérité dans le paiement des pensions de vieillesse.

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 46 soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté sur division. Le bill est renvoyé au comité plénier.

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.

Adopté.

En comité9:

Les articles 1 et 2 sont adoptés.

Le comité étudie l'article 3, qui se lit comme suit:

"3. L'article 3 de ladite loi est remplacé par le suivant:

"3. Le paiement de la pension de vieillesse à toute personne qui y a légalement droit devient obligatoire.

"Néanmoins, les personnes qui ont acquis la qualité de sujet britannique le ou depuis le premier mai 1936 ou qui l'acquerront après cette date n'ont pas droit à une pension en vertu de la présente loi."

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Au sujet de l'amendement touchant la naturalisation, je crois que nous ne devrions pas faire d'exception. Les autres pays n'en font pas.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Nous décrétons dans ce bill que la pension sera obligatoire. Sous l'ancien régime, le lieutenant-gouverneur en conseil pouvait refuser la pension à n'importe qui. Quant à ce qui concerne la clause de la naturalisation, il n'est pas juste que quelqu'un arrive ici un jour des États-Unis pour demeurer dans la province et se faire naturaliser ensuite, afin de bénéficier de la pension. Enfin, celui qui n'a pas voulu se faire naturaliser, qu'il en subisse les conséquences. Nous disons qu'il faudra être sujet britannique pour bénéficier de la loi.

M. Taché (Hull): On sait que, pour se faire naturaliser, il faut avoir été cinq ans ici. Or, qu'adviendra-t-il de celui qui reviendra demeurer dans sa province et qui sera âgé. Il lui faudra attendre cinq ans, et ainsi, il serait injuste de lui refuser sa pension, vu que nous tenons à garder les nôtres chez nous.

M. Paradis (Matapédia): Il y a le cas des vieillards nés au pays, qui ont vécu un certain nombre d'années aux États-Unis, qui s'y sont fait naturaliser et qui ont ensuite été rapatriés. Ils ne sont pas sujets britanniques, bien qu'ils aient pu passer ici la majeure partie de leur vie. Je demande que la clause soit biffée.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Ces remarques de l'honorable député de Hull et de l'honorable député de Matapédia donnent un autre aspect à la question. Après les avoir entendues, nous allons enlever cet amendement au projet de loi, et nous pourrons l'étudier d'ici la prochaine session.

Il est donc proposé d'amender l'article 3 en retranchant le dernier alinéa qui commence par le mot "Néanmoins".

L'amendement est adopté.

L'article 3, ainsi amendé, est adopté.

Les articles 4 et 5 sont adoptés.

Le comité étudie l'article 6, qui se lit comme suit:

"6. L'article 8 de ladite loi est modifié:

"a. En y retranchant les mots: "et ses décisions sont finales", dans la troisième ligne du premier alinéa;

"b. En y ajoutant les alinéas suivants:

"Il y a appel à un juge de la Cour supérieure du district du domicile du requérant, de toute décision de la commission refusant une demande de pension.

"Cet appel a lieu sur requête signifiée à la commission avec un avis de présentation d'au moins deux jours, et il est entendu par préséance sur les autres causes, même sur celles auxquelles une loi antérieure a accordé un droit de préséance.

"Le jugement rendu sur cette requête est final et sans appel."

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): On sait que, dans le passé, les réviseurs des pensions étaient des cabaleurs d'élections. Nous voulons donner au peuple des garanties additionnelles en établissant un organisme et en décrétant qu'il pourra toujours y avoir appel des décisions de la Commission. Évidemment, il n'est pas nécessaire qu'il y ait appel, puisque les décisions de la Commission seront justes. En somme, cette autorisation est un peu comme celle que commandent les règlements de la Chambre, quand ils disent qu'il faut un chef de l'opposition. Ceci ne veut pas dire évidemment que nous en avons un...

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je ne suis pas venu ici pour faire plaisir au premier ministre. D'ailleurs, je comprends que je n'ai pas la science infuse comme lui. Nous devons avoir des lois qui soient opérantes.

À l'alinéa b de l'article 6, on remarque un ajout qui spécifie que l'appel à un juge de la Cour supérieure doit se produire sur un avis de présentation d'au moins deux jours. C'est absurde dans un territoire aussi vaste que celui de la province.

L'honorable M. Gagnon (Matane): Mais deux jours, c'est le minimum.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): J'entends dire dans l'opposition que le chef de l'opposition se choque souvent pour rien.

(Rires)

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): (En riant) Vos informateurs vous informent mal. Cela me ferait bien plaisir d'entendre ces plaintes de mon côté, et j'ai peine à croire qu'on se plaint d'abord au premier ministre, avant de se plaindre à son chef.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Cette déclaration me porte justement à croire que mes renseignements sont exacts. Je dis cela pour lui rendre service.

(Rires)

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Le premier ministre change le sujet de la conversation. Je vois de la façon dont on a rédigé l'article 6 du bill qu'il ne tient pas à ce qu'on appelle des décisions de la Commission.

L'honorable M. Gagnon (Matane): Si le chef de l'opposition veut reprendre l'article avec moi, il peut constater que le requérant a la faculté d'en appeler, plus de deux jours après.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Ah! C'est une trouvaille. Pourquoi donc précisez-vous "deux jours"?

L'honorable M. Gagnon (Matane) ne répond pas.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le chef de l'opposition pose à l'expert.

(Rires)

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je suis ici pour défendre les lois du gouvernement contre le gouvernement qui ne comprend pas pourquoi il légifère.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le chef de l'opposition parlementaire a-t-il consulté son chef? On dit qu'il le voit tous les jours.

(Rires)

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Oui, je le consulte tous les jours et je suis fier de lui. Je vais continuer à recevoir ses conseils, parce qu'il m'en donne d'excellents, et à l'aider de toutes les façons, comme il l'entendra.

(Rires)

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le chef de l'opposition ne devrait pas dire qu'il donne l'opinion officielle du chef de son parti et du parti. (En souriant) Il discute les projets de loi si étrangement que les libéraux sont consternés. J'entends des libéraux dire: "Se peut-il que nous soyons rendus aussi bas que d'avoir le député de Saint-Hyacinthe comme chef de l'opposition au Parlement?" Vraiment, cela me fait de la peine. Le chef de l'opposition devrait mieux suivre les conseils.

(Rires)

M. Bastien (Berthier): Le premier ministre a meilleur caractère que du temps où il était dans l'opposition.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): C'est que je suis fait pour le pouvoir.

(Rires et applaudissements)

M. Bastien (Berthier): Je dirai que le chef de l'opposition parlementaire a toute notre admiration, notre estime et notre confiance. Il a beaucoup de mérite, car il se trouve dans une situation difficile...

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Surtout avec cette opposition.

(Rires)

M. Bastien (Berthier): On devrait être plus gentilhomme avec le chef parlementaire de l'opposition, avec tous les députés de la gauche. Que le premier ministre se rappelle le temps où il siégeait ici. Le chef de l'opposition accomplit une tâche superbe, magnifique, si l'on tient compte des circonstances. On devrait nous accorder plus de "fair-play". Ce serait plus généreux, moins étroit.

Nous ne sommes qu'un petit nombre et, quand nous nous levons pour parler, il y a 10 ou 15 députés de la droite qui crient après nous.

Il faut s'époumoner, crier, pour se faire entendre. Ce n'est pas juste. Les députés du premier ministre ne devraient pas ridiculiser le chef parlementaire de l'opposition. Qu'il soit sérieux; l'honorable premier ministre devrait user de son influence sur ses partisans pour qu'on nous donne la chance de nous faire entendre en cette Chambre et aux comptes publics.

Qu'il se rappelle le temps où il fut de ce côté de la Chambre. L'interrompions-nous de cette façon du temps que l'opposition ne se constituait que de cinq conservateurs? Pas du tout. Nous respections alors l'opposition. Le premier ministre a déjà affirmé le contraire, mais c'est qu'il prenait souvent une faible toux dans le rang des ministériels d'autrefois pour une interruption.

Une voix à droite: En voilà une bonne!

Des voix: Ha! Ha! Il a changé de chanson.

M. Bastien (Berthier): On peut trouver cela drôle, mais peut-être changerait-on d'idée si l'on était obligé d'entendre les quolibets du jeune député de Montréal-Saint-Henri (M. Labelle). Il est en arrière de moi et sa voix n'a rien d'agréable. Peut-être, en raison de sa jeunesse, suit-il l'exemple donné par le premier ministre pendant la dernière campagne! Nous, ça ne nous fait rien ces attaques; c'est pour le principe que j'en parle. Nous sommes de bons soldats.

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve): Oui, avec des tire-pois.

M. Bastien (Berthier): Nous avons confiance dans notre chef parlementaire et dans le chef du Parti libéral dans cette province.

J'aime à le répéter dans cette Chambre, et les bruits que rapporte en riant le premier ministre, il les sait faux. Je dis donc que les ministériels devraient être plus dignes, avoir plus de "fair-play". Surtout quand nous parlons sur un ton poli. Et, Dieu merci, nous sommes toujours polis.

La petite opposition libérale d'aujourd'hui n'a jamais insulté personne, nous nous adressons toujours au président en gentilshommes, comme c'est la tradition dans notre parti.

Des députés ministériels protestent.

M. Béïque (Chambly): Les temps sont changés.

M. Thibeault (Montréal-Mercier): Il y a des hommes qui critiquent la lune, le soleil et l'hippopotame, parce qu'ils n'ont pas été capables de créer des lunes, des soleils et des hippopotames. La même chose s'applique aux critiques que fait l'opposition de nos bonnes lois.

M. Labelle (Montréal-Saint-Henri): Peut-être que le député de Berthier (M. Bastien), qui siège depuis longtemps dans cette Chambre, est plus au courant que moi du langage parlementaire, mais à Saint-Henri d'où je viens, on a son franc-parler, on appelle un chou un chou, un navet un navet et un député de Berthier un député de Berthier.

(Applaudissements)

Nous faisons des observations dans l'intérêt de nos électeurs. Je n'entends pas garder le silence pour plaire à ces honorables messieurs, surtout pour plaire à celui dont la voix s'éteint de plus en plus10. Nous ne sommes pas ici pour faire plaisir à nos collègues de l'opposition, mais pour faire notre devoir.

L'article 6 est adopté.

L'article 7 est adopté.

Le comité étudie l'article 8, qui se lit comme suit:

8. L'article 10 de ladite loi est remplacé par le suivant:

"10. Le ministre pour la couronne aux droits de la province est autorisé à exercer contre tout pensionnaire en vertu de la présente loi les recours de droit ordinaires et notamment ceux qui sont attribués par la Loi du Parlement du Canada concernant les pensions de vieillesse."

Il est proposé d'amender l'article en ajoutant le paragraphe suivant à la fin du même article: "Nonobstant toute loi à ce contraire, le ministre du Travail est chargé de l'application de la présente loi et c'est lui qui est désigné par le mot "ministre" dans le présent article."

L'amendement est adopté.

L'article 8, ainsi amendé, est adopté.

Les articles 9 et 10 sont adoptés.

Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a adopté avec certains amendements. Les amendements sont lus deux fois et adoptés.

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

 

Messages du Conseil législatif:

M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:

Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté, sans amendement, les bills suivants:

- bill 20 concernant l'élection des députés à l'Assemblée législative;

- bill 25 établissant le crédit agricole provincial;

- bill 29 abolissant la Commission des services publics de Québec;

- bill 45 pour aider à la solution des problèmes affectant la petite propriété en cette province;

- bill 153 autorisant la cité de Montréal à accorder un octroi de cent mille dollars à l'hôpital Sainte-Justine.

 

Questions et réponses:

Dates et durée des réunions du Conseil de l'instruction publique

M. Dumaine (Bagot): 1.  Combien y a-t-il eu de réunions du Conseil de l'instruction publique chaque année depuis 1929-1930 à venir jusqu'à 1935-1936 inclusivement?

2. À quelles dates et combien de jours ont duré chacune de ces réunions?

3. Combien y a-t-il eu de séances de ces comités, catholique et protestant, durant la même période et pour chaque année?

4. À quelles dates et combien de jours ont duré chacune des séances de ces comités?

L'honorable M. Paquette (Labelle): 1.  Aucune.

2. ...

3. a. Comité catholique: 24 séances.

b. Comité protestant: 36 séances.

4. a. Comité catholique: 1.

1929: 6 févr. 15 mai 25 sept.
1930: 5 févr. 21 mai 24 sept.
1931: 4 févr. 20 mai 30 sept.
1932: 3 févr. 11 mai 28 sept.
1933: 1er févr. 10 mai 27 sept.
1934: 7 févr. 16 mai 26 sept.
1935: 6 févr. 8 mai 26 sept.
1936: 12 févr. 13 mai 23 sept.

 

2. Aux dates mentionnées ci-dessus, il y eut une séance prolongée et parfois deux séances.

En outre, entre ces séances régulières, des sous-comités de ce comité ont eu cinq ou six réunions.

b. Comité protestant: 1.

1929: 22 févr. 17 mai 27 sept. 29 nov. .....
1930: 3 janv. 28 févr. 27 mai 26 sept. 28 nov.
1931: 9 janv. 17 avril 4 juin 25 sept. 27 nov.
1932: 26 févr. 15 mars 18 mai 30 sept. 25 nov.
1933: 24 févr. 17 mai 29 sept. 24 nov. 5 déc.
1934: 23 févr. 18 mai 28 sept. 30 nov. .....
1935: 22 févr. 6 avril 31 mai 29 août 29 nov.
1936: 28 févr. 12 juin 25 sept. ..... .....

 

2. Durée de ces séances: une journée chacune. En outre, entre ces séances régulières, environ six séances de sous-comités ont été tenues.

Loi des syndicats professionnels

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 41 modifiant la loi des syndicats professionnels soit maintenant lu une deuxième fois.

M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis): Il s'agit là d'un bill privé qui aurait dû être présenté comme bill privé.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) et M. Raynault (L'Assomption) répondent qu'il est d'intérêt public d'empêcher les suppositions de personnes.

M. l'Orateur déclare qu'il n'a pas à décider de la nature du bill, puisque la motion introductive a obtenu le consentement unanime de la Chambre, qui se trouve à avoir consenti à ce que le bill soit présenté comme un bill public.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité plénier.

Mode d'identification pour les élections municipales de Montréal

M. Raynault (L'Assomption) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 154 permettant à la cité de Montréal de décréter un mode d'identification pour les élections municipales soit maintenant lu une deuxième fois.

M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis): Il me semble que ce bill est de nature privée. Il appartient essentiellement au bill de Montréal qui doit être préalablement dépouillé en présence des intéressés au comité des bills privés. Le gouvernement crée un mauvais précédent en le présentant aujourd'hui comme bill public, sans écouter de représentations.

D'ailleurs, je remarque qu'on le présente à la veille d'une élection municipale à Montréal. Cela suffirait à avertir le gouvernement de procéder prudemment avec une législation de cette sorte. Pour ces raisons, je soulève la question d'ordre.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Ce n'est pas là un bill privé, c'est un bill public. Nous ne voulons qu'empêcher la substitution de personnes. Nous voulons laisser l'électeur libre de se prononcer sans supposition de personne, comme cela se pratiquait couramment sous l'ancien régime.

(Rires)

C'est de l'intérêt public, cela. Et le bill est un tel bienfait que nous ne touchons pas à l'autonomie de Montréal mais, au contraire, nous augmentons cette autonomie. D'ailleurs, nous disons autoriser, "si le conseil en veut", en le laissant libre de ne pas vouloir. Je ne considère pas cela comme un amendement à la charte de la ville. Au lieu de bâtir l'honnêteté sur des points d'ordre, on devrait féliciter l'honorable député de L'Assomption sur son esprit civique.

M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis): Très bien, mais cela a-t-il été demandé par la ville de Montréal?

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je suis surpris de l'attitude de l'honorable député de Montréal-Saint-Louis. Plusieurs personnes de Montréal nous ont demandé cela. Mais ne l'aurait-on pas demandé, il est évident que cela s'impose. N'avons-nous pas promis des élections honnêtes et des électeurs libres?

Nous voulons garder à Montréal son titre de métropole du Canada, de deuxième ville française du monde: nous voulons avoir la satisfaction du devoir accompli, cette si belle récompense du législateur après une session comme nous venons d'en faire une, et au cours de laquelle nous avons plus travaillé que l'ancien régime en 39 ans.

(Applaudissements)

Ce bill 154, c'est assurer à tout électeur honnête son droit de vote.

M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis): C'est-à-dire que vous imposez cette loi à Montréal, qu'elle le veuille ou non. Nous sommes aussi bien d'abolir complètement nos lois et nos règlements, si nous sommes décidés de passer par-dessus. C'est bien un bill privé que ce bill 154.

C'est bien un amendement à la charte que l'on veut ici proposer, contrairement à ce que dit le premier ministre, car il existe une clause dans la charte de Montréal à cet effet. Le premier ministre ne peut nier cela. Il veut faire absolument le bien, dit-il, en dépit des lois existantes. Ce n'est pas ce qu'il disait lorsqu'il siégeait de ce côté-ci de la Chambre. Chaque fois que les ministériels s'écartaient des règlements, et j'admets qu'ils le firent quelques fois, il s'empressait de jeter les hauts cris et je l'approuvais, parce qu'il avait raison. Qu'il sache donc que sa loi d'aujourd'hui est présentée contre les règlements de cette Chambre.

M. Raynault (L'Assomption): Je veux dire deux mots en réponse au député de Montréal-Saint-Louis. Il sait comme moi qu'il y a une élection municipale qui s'en vient dans quatre semaines. Le bill que je présente concerne grandement cette élection. Il est donc de nature urgente, car c'est pour prévenir le vol électoral.

(Applaudissements)

C'est vrai qu'il existe à cet effet dans la charte une clause d'identification, mais les avocats de la ville l'ont jugée insuffisante. C'est donc que c'est insuffisant.

Nous ne voulons plus la répétition des anciens abus électoraux des élections municipales d'autrefois. Le but du projet de loi est aussi de servir une population d'un million à Montréal. Ce n'est donc pas un bill privé.

M. l'Orateur: La Chambre ayant accepté le projet de loi et l'ayant voté en première lecture, l'objection du député de Montréal-Saint-Louis (M. Bercovitch), même si elle est bien fondée, arrive trop tard11.

Adopté sur division. Le bill est renvoyé au comité plénier.

La séance est levée à 6 heures.

 

Deuxième séance du 10 novembre 1936

Présidence de l'honorable J.-M.-P. Sauvé

La séance est ouverte à 8 h 3012.

Prière.

M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Mode d'identification pour les élections municipales de Montréal

M. Raynault (L'Assomption) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité plénier pour étudier le bill 154 permettant à la cité de Montréal de décréter un mode d'identification pour les élections municipales13.

(MM. Barrette (Terrebonne) et Lesage (Abitibi) vont s'asseoir respectivement dans les fauteuils de MM. Bouchard (Saint-Hyacinthe) et Bastien (Berthier))14

(Rires à droite et dans les galeries)

M. Barrette (Terrebonne): (Parlant du siège de chef de l'opposition) M. l'Orateur, ne serait-il pas opportun de constituer une opposition... constitutionnelle? Les membres de l'opposition brillent par leur absence ce soir.

Adopté.

 

En comité15:

M. Béïque (Chambly): Depuis quelques jours, j'ai dit souvent que l'opposition disparaîtrait avant longtemps, et elle est déjà disparue. Il me semble que j'avais raison, elle n'est même pas apte à remplir matériellement ses rares banquettes. Quelle disgrâce!

(Rires)

M. Tardif (Frontenac): L'ancien premier ministre disait un jour: "Nous sommes ici; vous êtes là et vous allez y rester." Ce soir, c'est tout différent. Je constate que nous sommes ici et qu'ils ne sont même pas là.

(Applaudissements à droite)

Les articles 1 et 2 sont adoptés16.

M. Barrette (Terrebonne): (Parlant encore du siège du chef de l'opposition) M. le président, la loyale opposition de Sa Majesté désire féliciter chaleureusement le gouvernement de cette bonne mesure. De plus, je confesse que tout ce que la loyale opposition de Sa Majesté a dit depuis le début de la session pour critiquer le gouvernement est faux, et elle le rétracte ici publiquement devant la Chambre.

(Rires et applaudissements)

Une voix dans les galeries: Donnes-y ça.

Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

M. Raynault (L'Assomption) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Nous aurons bientôt des élections à Montréal, et nous aurions préféré avoir la carte d'identité. Toutefois, comme nous n'avons pas eu le temps de réaliser ce projet, nous avons songé à l'envoi d'une carte enregistrée par le greffier aux voteurs demeurant en dehors de Montréal ou à ceux qui votent dans plus d'un quartier. (Très sérieux) Je remercie le gouvernement d'avoir consenti à passer cette loi qui permettra d'assurer un vote honnête aux prochaines élections municipales.

M. Barrette (Terrebonne): Je soulève un point d'ordre!

M. l'Orateur: Le député de Terrebonne n'a pas le droit de se constituer ainsi chef de l'opposition et il ne peut parler que de son siège quand la Chambre n'est pas en comité plénier. Je lui ai permis ceci en comité, mais...

M. Barrette (Terrebonne) veut revenir à la charge.

M. l'Orateur se montre plus sévère.

M. Barrette (Terrebonne): (Souriant) Le chef de la loyale opposition de Sa Majesté s'incline devant votre décision, M. l'Orateur.

La motion est adoptée.

M. Barrette (Terrebonne): Sur division17.

(Rires)

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

 

Demandes de documents:

Salaire minimum pour commis de banques et collets blancs

M. Rochefort (Montréal-Sainte-Marie) propose, appuyé par le représentant de Bellechasse (M. Boiteau), qu'il soit déposé sur le bureau de la Chambre copies de toute correspondance au sujet de l'établissement du salaire minimum pour les commis de banques, les garçons d'ascenseurs et pour cette classe de travailleurs généralement appelés "collets blancs".

Adopté.

Réduction des droits de coupe

Un député18 pour M. Bouchard (Saint-Hyacinthe) propose, appuyé par le représentant de Berthier (M. Bastien), qu'une humble adresse soit présentée à Son Honneur le lieutenant-gouverneur, le priant de faire déposer sur le bureau de cette Chambre une copie du rapport du comité du Conseil exécutif en date du 9 octobre 1936 et approuvé par le lieutenant-gouverneur le 13 octobre 1936, concernant une réduction des droits de coupe pour les bois de sciage et une modification du mode de mesurage de ceux-ci.

M. Barrette (Terrebonne): Le chef de l'opposition retire sa motion.

(Rires et applaudissements)

Adopté.

MM. Bastien (Berthier), Bercovitch (Montréal-Saint-Louis), Connors (Montréal-Sainte-Anne) et Delagrave (Québec-Ouest) entrent en Chambre et délogent poliment les députés de Terrebonne (M. Barrette) et d'Abitibi (M. Lesage).

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): M. l'Orateur, je constate que les membres de l'opposition brillaient par leur absence, jusqu'ici ce soir. D'ailleurs, c'est la seule façon que l'opposition a de briller. Mais puisque l'honorable député de Berthier est revenu, je vais lui dire que nous avons passé le bill 154 en troisième lecture. Si les membres de l'opposition le désirent, nous allons recommencer notre travail.

M. Barrette (Terrebonne): Je reconnais que j'ai représenté l'opposition sans mandat.

M. Bastien (Berthier): Oh! je crois que, dans les quelques minutes pendant lesquelles nous avons été absents, le gouvernement n'a pas dû agir avec de si grands écarts. Nous avons assez confiance dans le gouvernement pour savoir que ce qu'il a fait est bien fait. Nous n'insistons pas pour recommencer.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Lorsque le député de Berthier est absent, il trouve que ce que le gouvernement fait est bien fait. S'il avait moins d'absences lorsqu'il est en Chambre, le gouvernement aurait toujours raison. Je le remercie de me confirmer dans le fait que l'opposition ne sert de rien en cette Chambre.

(Rires)

Loi des syndicats professionnels

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité plénier pour étudier le bill 41 modifiant la loi des syndicats professionnels.

Adopté.

 

En comité19:

M. Labelle (Montréal-Saint-Henri): M. le président, je ne puis laisser passer l'étude de ce bill, sans soulever une question relativement à un article de L'Illustration Nouvelle de ce jour, qui rapporte le cas d'un patron étranger qui a extorqué $50020 sur le salaire de ses employés et que la cour a condamné à $100 d'amende seulement, ce qui lui laissait quand même un bénéfice de $400.

Je demanderais au ministre du Travail (l'honorable M. Tremblay) d'ajouter un amendement à la loi que nous étudions présentement, afin de protéger les petits employés, et particulièrement les femmes et les filles, contre l'exploitation des patrons. C'est le devoir du gouvernement d'intervenir pour protéger les jeunes ouvrières trop souvent exploitées par des gens qui sont surtout des étrangers et qui n'ont même pas le droit de vivre au pays.

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve): Je félicite le député de Montréal-Saint-Henri de l'intérêt qu'il porte au sort des ouvrières. Ça me fait plaisir d'entendre la voix du député s'élever contre les abus criants qui se produisent dans l'industrie et de s'intéresser aux femmes et aux filles qui travaillent pour des exploiteurs. La question ne découle pas du bill, mais je me permettrai de dire que des mesures très sévères seront prises pour empêcher l'exploitation des ouvriers par leurs patrons. Il y a deux mois et demi que j'ai été assermenté, et il peut prendre ma parole que j'ai constaté les défauts de la loi dès le début. J'ai l'intention de remédier à cette situation dans le plus court délai possible, mais il était impossible de régler le cas au cours de cette session d'urgence.

Il est vrai que le député de Montréal-Saint-Henri a parlé de ce sujet, tout en restant hors de la question du bill même, mais je le félicite d'attirer l'attention de mon département. Nous allons certainement y songer d'ici à la prochaine session. Nous étudierons un amendement à ce sujet. Il y a des questions très importantes et en très grand nombre qui sollicitent mon attention. Pour citer un cas seulement, je déclarerai que nous avons réussi à obtenir que l'on paie temps et demi pour tous les employés de certaines manufactures qui sont obligés d'augmenter leur production avec l'approche des Fêtes.

Je sais combien on exploite trop les travailleurs en certains milieux, et surtout les ouvrières. Quand j'ai pris mon département, j'ai remarqué que certains fonctionnaires ne faisaient pas tout leur devoir. Des permis spéciaux auraient dû être refusés suivant mes ordres. Je les ai avertis, comme j'avertis les membres de l'opposition, de ne pas être surpris de voir certains de leurs amis destitués parce qu'ils veulent favoriser des manufacturiers exploiteurs et parasites. Ce ne sera pas par vengeance politique, ni par animosité personnelle, mais par désir du devoir accompli et pour rendre justice à qui justice est due. Il y a des manufacturiers sans âme qui ont violé la loi des heures de travail. Ah! Le député de Berthier (M. Bastien) peut rire, c'est un de ceux qui se sont servis de leur influence pour que des employés dérogent à leur devoir.

M. Bastien (Berthier): Que le ministre cite un seul cas.

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve): Je vais lui rendre la même politesse qu'il a voulu me rendre cet après-midi. Quand je lui ai demandé la permission de lui poser une question, poliment, il a refusé. Maintenant, je ne lui citerai pas ce nom, même s'il me le nomme lui-même.

(Applaudissements)

Le projet à l'étude a pour but d'aider à l'application de la loi des contrats collectifs. Il est pour combler certaines lacunes de l'ancienne loi. Quand les tribunaux auront encore à juger des causes du travail comme vient d'en citer le député de Montréal-Saint-Henri (M. Labelle), je demanderais à ces tribunaux d'y penser deux fois avant de rendre leurs jugements contre les exploiteurs du peuple.

(Applaudissements et bruits dans les galeries)

Je demande à la magistrature de peser les choses à leur valeur; la justice doit être bien pesée et mûrie. La Cour d'appel a rendu deux jugements contraires qui rendent la loi presque inopérante. C'est une des raisons du bill. Je crois que nous pouvons obtenir la collaboration sincère des tribunaux.

M. Bastien (Berthier): Je regrette que le ministre du Travail défende le sourire en cette Chambre. Il semble aimer les règlements. Cependant, il a parlé un quart d'heure pour rappeler à l'ordre le député de Montréal-Saint-Henri (M. Labelle); il lui a dit deux ou trois fois qu'il était hors d'ordre, et cependant il a été, lui aussi, hors de la question pendant tout ce quart d'heure.

(Rires à gauche)

Il a parlé de manufacturiers sans âme et sans coeur, qui pressuraient leurs employés et les payaient mal pour leur travail. Il a dit que j'étais intervenu envers l'un d'eux.

Pour l'information du ministre du Travail, je déclare de mon siège de député que, jamais au cours de ma carrière de 10 années en politique, je ne suis intervenu en faveur d'aucune des manufactures de la catégorie à laquelle le ministre du Travail a fait allusion. Bien au contraire, je suis un des premiers qui aient parti le mouvement, afin d'obtenir de meilleurs salaires pour les ouvriers de nos forêts. Je suis un de ceux, un des rares députés qui ont convoqué les détenteurs de limites forestières et leurs employés pour faire payer des salaires raisonnables aux bûcherons...

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je soulève un point d'ordre. On est un peu trop loin de la loi.

M. le président: À l'ordre.

M. Bastien (Berthier): Je veux croire que je suis hors d'ordre, mais je crois que le président fera preuve d'indulgence. Il a assez de largeur d'esprit pour me donner la même latitude qu'au ministre du Travail (l'honorable M. Tremblay) qui a parlé un quart d'heure de temps en étant toujours hors d'ordre. Les bûcherons avaient à ce moment...

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Nous sommes rendus dans la forêt.

(Rires)

S'il faut faire le tour du pays pour en arriver au bill...

L'honorable M. Drouin (Québec-Est): Le député de Berthier voulait nous passer un sapin.

M. Bastien (Berthier): M. le président, pour faciliter votre tâche et pour respecter le Règlement, je me contenterai de dire, en terminant, que jamais je ne suis intervenu, comme l'a prétendu le ministre du Travail.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je remercie le député de Montréal-Saint-Henri (M. Labelle) d'avoir soulevé le cas des femmes exploitées. Évidemment, notre loi, formée par des humains, reste incomplète sur ce point, comme elle l'est sur le point du travail des enfants. Il y a encore des enfants qui travaillent dans les manufactures. J'ai moi-même réclamé à plusieurs reprises la fin du travail des enfants dans les usines.

Il y a des exceptions pour le travail des enfants, mais quand on est rendu à avoir des enfants de 12 ans dans les usines, il est temps pour le gouvernement d'intervenir. Le dommage social est considérable. Je crois que les enfants d'une douzaine d'années sont bien plus à leur place à l'école qu'à l'usine, sans compter qu'ils prennent la place des grandes personnes.

(Applaudissements)

Nous aurons beaucoup de réformes à effectuer. Il faut tout refaire, c'est-à-dire tout faire les lois. À la prochaine session, je présenterai une loi au sujet du travail des enfants.

M. Bastien (Berthier): Restez donc dans l'ordre!

L'honorable M. Duplessis (Trois-rivières): Si je restais dans l'ordre, je ne pourrais pas voir le député de Berthier. Je promets qu'une loi dans ce genre sera présentée à la prochaine session.

M. Thibeault (Montréal-Mercier): Parmi toutes les demandes que nous recevons, il y en a une quantité qui viennent de jeunes gens de 16 à 18 ans, qui travaillent souvent 60 heures par semaine. Par exemple, je connais un jeune homme de 18 ans qui donne 60 heures d'ouvrage par semaine à $3 de salaire. C'est une exploitation éhontée, et je crois bien que la loi du premier ministre y mettra fin.

Les articles 1 et 2 sont adoptés.

Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

 

Travaux de la Chambre:

Absence du chef de l'opposition

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe) reprend son siège.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je vois que le chef de l'opposition est enfin arrivé. Je lui offre de reprendre l'ordre du jour que nous avons parcouru en son absence. Nous avons adopté deux motions à son nom.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Ah! non, vous avez adopté une loi sans moi. Vous n'avez pas besoin de moi pour adopter le reste. Ce n'est pas la première fois qu'on passe une mesure qui m'intéresse en dehors de ma connaissance.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Il me semble que le chef de l'opposition devrait être en Chambre. Il a $5,00021 de plus que tout le monde pour tenir sa place de chef. S'il veut qu'on appelle les motions des députés, il dira par laquelle il veut commencer.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Appelez n'importe laquelle. Cela m'est égal.

 

Demandes de documents:

Assurances collectives des fonctionnaires

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe) propose, appuyé par le représentant de Berthier (M. Bastien), qu'il soit déposé sur le bureau de cette Chambre copies des conventions ou du contrat relatifs aux assurances collectives sur la vie des employés et des officiers du gouvernement existant en 1936 avant le 1er août, et celles ou celui existant à l'heure actuelle.

Est-ce qu'on a déposé les réponses sur la table de la Chambre?

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le chef de l'opposition admet-il qu'il n'est pas prêt?

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Le premier ministre fait de l'ironie bien facile. On a passé une résolution hors de ma connaissance, quand j'avais posé des questions22. Au lieu de répondre directement à mes questions sur les assurances collectives, il a fait convertir mes questions en motion. On adopte tout sans que personne s'en aperçoive. Puis, quand on demande des documents par un avis de motion, on ne produit rien.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Nous avons eu deux fois ce soir la condescendance d'offrir à l'opposition, qui était en retard, de recommencer le travail de la séance. Il me semble que nous avons été assez polis. J'aime beaucoup l'admission du chef de l'opposition qui dit qu'il ne s'aperçoit de rien.

(Rires)

C'est un aveu qu'il ne sait pas ce qui se passe. Il est vrai qu'il a un chef de l'opposition suppléant, le député de Berthier (M. Bastien), et qu'il vaut tout aussi bien que le vrai chef de l'opposition parlementaire, le député de Saint-Hyacinthe, lequel n'est en réalité qu'un sous-chef. Nous avons demandé au député de Berthier s'il était satisfait de notre travail et le chef suppléant s'est déclaré content. Le sous-chef, lui, n'est pas content. Nous allons reprendre l'ordre du jour.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Il me semble qu'on aurait tout intérêt à avoir les réponses avant de procéder. Le premier ministre, au lieu de cela, a fait changer nos questions en motions, et ces motions sont adoptées hors de notre connaissance.

Mais tout en adoptant les motions, on néglige de donner des réponses claires et précises, alors que les députés de la gauche ont besoin d'informations du gouvernement, n'ayant pas les fonctionnaires à leur disposition.

Je ne suis pas le seul dans cette situation. Je crois que l'honorable député de Montréal-Sainte-Marie (M. Rochefort) a eu des réponses aussi inexistantes à ses questions. Il vaudrait mieux revenir à l'ancienne tactique parlementaire qui veut qu'on obtienne une réponse claire et précise à nos questions.

On me prie ici de débattre la question des assurances. J'ai demandé au gouvernement pourquoi il disait qu'on a réalisé les prétendues économies dont le gouvernement s'est vanté dans toute la presse, économies de $36,000 ou $37,000, je crois. On ne m'a pas répondu. La réduction n'est pas aussi miraculeuse que cela. Ayant été moi-même agent d'assurances, je sais que les taux sont uniformes pour toutes les compagnies.

C'est parce que le gouvernement obtient moitié moins pour ses employés que l'ancien gouvernement n'obtenait. Ainsi, au lieu de $1,000, la protection est maintenant de $500 pour les femmes et jeunes filles à l'emploi du gouvernement.

Voilà une excellente raison de diminuer de 50 % les taux d'assurances et de se vanter d'avoir fait des économies, mais sans précisément se vanter qu'on le fait au détriment des employés civils. Il est des cas où, pour des vieillards assurés depuis longtemps, l'assurance tombe automatiquement dans le temps où ils en ont le plus besoin. Il est des vieillards de 65 ans qui avaient des assurances et qui ne pourront plus s'en procurer après l'expiration que le gouvernement vient d'imposer à leur police, en changeant de compagnie.

On a réduit le nombre des assurés en enlevant le privilège de cette assurance aux pensionnaires de l'État. Est-il étonnant, dans ces circonstances, que la prime ait été diminuée? De cette façon, on permet aux grandes compagnies d'assurances de faire un profit net avec les primes payées par des employés jusqu'au moment où ils deviennent des pensionnaires. Je dis cela dans l'intérêt des employés de la province.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Si vous savez tout cela pourquoi voulez-vous avoir les réponses?

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Nous voulons montrer au gouvernement que, s'il ne nous répond pas, nous pouvons prendre les moyens pour connaître la vérité et la faire connaître à la population. Les employés du gouvernement, autrefois, étaient assurés jusqu'après 65 ans, parce que c'est surtout après cet âge que c'est nécessaire. C'est élémentaire.

Voici, par exemple, le cas d'une personne qui a travaillé pendant 20 ou 25 ans pour la province. Cette personne portait une assurance collective alors qu'elle était à l'emploi du gouvernement. Elle avait droit à une assurance additionnelle de $1,000 et elle a payé personnellement sa prime pendant nombre d'années, tandis que le gouvernement a payé son assurance collective. Quand le gouvernement a décidé que cette personne doit prendre sa pension, elle perd tout ce qu'elle a payé pour son assurance de $1,000, et ceci, aux dépens de la grosse compagnie d'assurances.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je soulève un point d'ordre. Quand on demande la production de documents, on ne peut faire allusion au contenu de ces documents. Le chef de l'opposition s'exprime comme s'il connaissait le texte de ces documents. C'est contraire aux règlements de la Chambre. Il devrait parler d'une manière générale et s'en tenir à la question en discussion.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Nous avons déjà demandé des documents et nous ne les avons pas obtenus. Si le gouvernement ne veut pas répondre, nous allons prendre les moyens.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je demande à M. l'Orateur de mettre fin au discours du chef de l'opposition. Le chef de l'opposition n'a pas le droit de parler du contenu des documents avant qu'ils soient produits.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): En vertu de quel article le chef de l'opposition ne pourrait pas parler sur cette question? Quand on soulève un point d'ordre, il faut désigner l'article qui nous permet de le soulever. Je serais désireux qu'il me le cite.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je ne suis pas obligé de citer l'article. Tout dépend qui est Orateur. Dans le temps, lorsque le chef de l'opposition remplissait cet office et que je soulevais un point d'ordre, si je ne lui avais pas cité les articles, il n'aurait pas été capable de les trouver lui-même. Ce n'est plus de même aujourd'hui.

(Rires)

C'est une règle élémentaire de la Chambre, basée sur le bon sens que tout député commence par apprendre.

(Rires et applaudissements)

(L'honorable M. Duplessis feuillette le Règlement, mais le referme)

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): C'est la première fois que j'entends parler de cet article qu'on semble citer par coeur. Mais j'aimerais l'entendre citer d'après le Règlement, parce que je sais qu'il n'existe pas.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je vais vous le donner.

M. l'Orateur: Je n'ai aucune objection à déclarer qu'il y a un article défendant de discuter le contenu des documents, quand on en demande la production par une motion. Je ne sais pas le numéro, mais je sais qu'il y a un article dans le sens de celui invoqué par le premier ministre.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): J'aimerais l'entendre citer d'après le Règlement, parce que je sais qu'il n'existe pas. Je suis prêt à me conformer aux règlements, bien que jamais personne ne s'y soit conformé ici.

(Le greffier L.-P. Geoffrion et les honorables MM. Duplessis et Drouin fouillent dans leurs livres de procédure)

M. l'Orateur: J'ai toujours été tolérant, mais je ferai remarquer qu'il y a un règlement qui dit aussi qu'aucun membre de cette Chambre n'a le droit d'argumenter en marge d'une décision de l'Orateur.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je n'argumente pas, mais je demande. Eh bien, résignons-nous. On n'obéit pas aux règlements dans cette Chambre. On en cite même d'inexistants. Ces écarts parlementaires ne me surprennent pas. On n'a pas fait autre chose depuis le début de cette session.

M. l'Orateur: Je rappelle le chef de l'opposition à l'ordre. J'ai rendu ma décision. Je sais qu'il y a un article qui défend de procéder de cette façon. Si le chef de l'opposition veut absolument que je lui cite le règlement qu'il désire entendre, je vais lui citer dans un instant.

(La Chambre garde alors le silence pendant que plusieurs députés, le premier ministre, le ministre des Terres et Forêts (l'honorable M. Drouin) et l'Orateur en tête, feuillettent le Règlement pour trouver l'article. On ne semble pas y parvenir; bientôt, M. L.-P. Geoffrion, greffier de la Chambre, fouille aussi les règlements)

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): On m'avait dit que c'était élémentaire.

(Rires à gauche)

M. Barrette (Joliette): C'est l'article 560.

M. Béïque (Chambly): Tout le monde sait ça, sauf le chef de l'opposition.

(Rires)

Une voix: Sauf l'Orateur.

(M. Sauvé cherche toujours dans son livre, pendant que le premier ministre feuillette encore des ouvrages de droit parlementaire)

Un député: C'est l'article 579.

(On cherche en silence pendant plusieurs minutes23 dans les livres de droit parlementaire.)

M. Barrette (Terrebonne): M. l'Orateur, je soulève un point d'ordre.

M. l'Orateur: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dumaine (Bagot): Faites donc appeler Bourinot24.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je sais que cet article se trouve dans May, Todd et Bourinot.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Apportez-les donc pour voir.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je ne suis pas un messager.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Alors, envoyez un messager les chercher.

M. Dumaine (Bagot): Pour permettre à l'honorable chef de l'opposition de continuer, ne vaudrait-il pas mieux de demander au premier ministre de retirer son point d'ordre basé sur un règlement tellement élémentaire qu'on ne l'a pas encore trouvé?

(Rires à gauche)

(Nouvelles recherches dans les livres. Quelques rires fusent dans les galeries)

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): C'est très élémentaire. Cela a été la première chose que j'ai apprise en arrivant dans ce Parlement en 1927. L'Orateur du temps était M. Laferté25 qui nous montrait ces choses. M. Laferté ayant été un Orateur de la Chambre supérieur à ceux qui l'ont suivi sur le trône, y compris le député de Saint-Hyacinthe.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Merci du compliment.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Enfin, c'est l'article 582 qui dit à la fin de la note 5 qu'il est défendu de présenter une telle motion pour défendre les intérêts particuliers, en l'occurrence le trust de Tessier & Fages, qui avait les assurances du gouvernement et qui était proche parent de l'ancien premier ministre26, alors que ce dernier était directeur de la Sun Life.

Je sais d'ailleurs que le chef de l'opposition a reçu ses renseignements de la Sun Life. Il est évident qu'il a rencontré quelqu'un aujourd'hui dans le but de critiquer l'attitude du gouvernement ... afin de persuader le gouvernement de reprendre ses contrats avec l'ancienne compagnie.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je proteste. Je nie avoir reçu des renseignements de cette compagnie. De plus, je soumets que nous devrions avoir une décision sur le point d'ordre du premier ministre.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je persiste dans mon point d'ordre. Le point d'ordre a été décidé et le chef de l'opposition a été rappelé à l'ordre par l'Orateur.

M. l'Orateur: J'ai déjà déclaré tout à l'heure que j'avais la conviction certaine qu'il existe un règlement à ce sujet. La question a soulevé un imbroglio dans cette Chambre. La Chambre pourra-t-elle me dire sur quoi précisément nous discutons à l'heure actuelle27?

(Rires)

Il s'agit, je crois, de reconsidérer l'ordre du jour parce que le chef de l'opposition était absent. C'est une procédure irrégulière, parce que l'ordre du jour a été adopté. Le chef de l'opposition ne peut parler sur une question qui ne se trouve même pas devant la Chambre. Du consentement de la députation, la Chambre peut toujours suspendre les règlements.

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je suis à débattre la question. Il me semble que, quand nous demandons une production d'une certaine correspondance, c'est simplement pour qu'il nous soit permis de discuter une question. Vous m'avez dit que je ne pouvais pas discuter...

M. l'Orateur: Je n'entreprendrai pas de discuter avec le chef de l'opposition, nous allons procéder. L'honorable premier ministre a proposé que l'ordre du jour no 528 soit considéré par cette Chambre.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je ne peux pas retirer mon point d'ordre parce qu'il a été maintenu par l'Orateur. Mais je n'ai pas d'objection à laisser parler le chef de l'opposition, car plus il parle, plus cela fait l'affaire du gouvernement.

(Rires)

M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Il est clair, comme je le disais avant d'être interrompu par un règlement qui n'existait pas, et que l'Orateur a inventé de toutes pièces, que si les assurances n'assurent pas, si on n'assure les employés de la province que pour les âges où ils ne sont pas censés mourir, il est clair, dis-je, que les primes soient basses. Je crois avoir démontré déjà que l'on a diminué les avantages offerts aux employés par l'ancienne assurance collective. Les nouveaux contrats ne tiennent l'assurance en force que jusqu'à l'âge de 65 ans. J'ai démontré qu'on avait déjà réduit les revenus des assurés de 50 %. On a voulu faire du camouflage en disant que les primes étaient trop élevées sous l'ancien gouvernement.

Les employés du gouvernement n'ont plus qu'une protection fictive, illusoire avec ces assurances collectives toutes changées. Si le gouvernement avait voulu faire de la propagande honnête avec ses prétendues économies d'assurances, il aurait dû dire la vérité complète quant à cette économie et parler, en même temps que de l'argent sauvé à la province, des employés qui seront privés de leurs assurances.

Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas demandé de soumissions? Il aurait été très facile alors de constater si le gouvernement avait payé des primes trop élevées dans le passé. L'ancien gouvernement a accordé 15 % de ses assurances à la Sauvegarde, une compagnie canadienne-française, et 40 % à la Sun Life. Nous avons cru nécessaire d'encourager les compagnies de la province de Québec. Je ne sais de quelle façon les assurances sont distribuées à l'heure actuelle, parce que le gouvernement n'a pas déposé sur la table les documents qu'il aurait dû déposer en vertu de ma motion. Mais je sais qu'elles ont été données à une compagnie de la province de l'Ontario.

Le gouvernement actuel aurait dû se conformer à sa promesse et demander des soumissions pour donner une chance aux compagnies canadiennes françaises, au lieu d'assurer ceux qui ne meurent pas, à la place de ceux qui sont à la veille de mourir. Je dis que la Sun Life avait droit à sa part d'assurances. Elle emploie des milliers de Canadiens et elle a un bureau-chef à Montréal, tandis que la compagnie avec laquelle le gouvernement fait affaire et à laquelle il a donné le contrat des assurances a son bureau-chef en Ontario.

Avec ce contrat, on a diminué la protection des employés dans une proportion de 60 % et on a voulu simplement transporter le patronage qu'il disait exister, dans la ville de Québec, dans la ville de Trois-Rivières. Tout ce que l'on a publié dans les journaux au sujet de ces assurances n'est que du camouflage.

Voilà les raisons pour lesquelles je demande la production des documents en question. Et je dis que, lorsque la Chambre en aura pris connaissance, le peuple de la province sera convaincu qu'on a tout simplement transporté les contrats d'assurances de Québec à Trois-Rivières.

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): L'honorable chef de l'opposition a fini par où il a commencé, et ça ne me surprend aucunement. La dernière partie de ses remarques illustre bien sa mentalité, et il représente bien mal un parti qui fut grand autrefois. Il a parlé des assurances et il a essayé de réduire le tout à une question de clocher. Que l'opposition est donc à plaindre. Nous, nous n'avons jamais songé à ces intérêts personnels. Toutes ces décisions ont été prises dans l'intérêt général. Si un citoyen de Trois-Rivières a eu le contrat, c'est parce que c'est un honnête homme.

(Applaudissements)

Et les citoyens de Trois-Rivières méritent de vivre aussi bien que les citoyens de Saint-Hyacinthe et comme ceux des autres parties de cette province. Nous dirons d'ailleurs plus tard comment le chef de l'opposition a dépensé les deniers publics quand il était Orateur, et comment il les a fait servir dans des compagnies où il était intéressé. Pour le moment, nous allons discuter l'objet de la motion.

Dans les assurances, il y avait un trust contrôlé par Tessier & Fages, par quelqu'un qui touchait de près à l'ancien premier ministre. Il existait des assurances sur des objets qui n'avaient pas du tout besoin d'être assurés. Non seulement on avait assuré des entrepôts frigorifiques contre le feu, des rouleaux à vapeur contre le vol...

(Rires)

... mais le nom de l'ancien ministre et des sous-ministres figurait sur les listes d'assurances comme ouvriers pour grossir le nombre des payeurs de primes. Tout était assuré, et Tessier & Fages ont retiré des milliers de piastres dépensées inutilement.

Nous avons reçu un mandat de nettoyer ce qui était sale. En faisant l'inventaire de ce qui était sale, tout était tellement sale que nous n'avons pas encore pris le temps de distinguer ce qui était propre. Nous avons promis de tout nettoyer. Quand il y a beaucoup de choses sales dans une maison, on sort tous les meubles, et après on ne garde que ce qu'il peut y avoir de bon.

Le seul moyen à notre disposition, c'était d'annuler le contrat de Tessier & Fages car, dans certaines parties de la province, il était impossible d'avoir des assurances du gouvernement, à moins de verser une commission de 10 % à Tessier & Fages. Nous avons eu recours à ce moyen, parce que certaines compagnies qui faisaient affaire avec le gouvernement ancien, se sentant traquées, se couvrent, souvent sous de faux noms. Leurs agents peuvent prendre des pseudonymes pour revenir à la charge.

Ces assurances de la Sun Life coûtaient à la province $68,000 par année. On avait assuré des vieillards de 80 ans, et la prime coûtait de $300 à $400 par année pour une police de $1,000. Il est impossible de faire aucune transaction avec des compagnies qui ont eu affaire à l'ancien régime, parce que cela serait continuer les abus. Nous avons annulé ces polices et pris d'autres assurances. Nous les avons accordées à une compagnie dans une province canadienne.

L'honorable chef de l'opposition nous reproche d'avoir donné le contrat à une compagnie d'Ontario. Nous vivons dans une Confédération et nous avons besoin de la collaboration de la province d'Ontario, qui a des intérêts connexes à ceux de notre province. Nous demeurons voisins d'une grande province dont la sympathie pour la nôtre est de plus en plus grande. Nous devons vivre en bons termes avec l'Ontario, et un bon moyen de conserver ces relations était d'accepter ce contrat. S'il est vrai qu'il faut, dans certains domaines, avoir une vision québécoise, il est aussi vrai de dire qu'il faut fraterniser et vivre en bons termes avec les provinces voisines.

D'ailleurs, cette compagnie a ses bureaux à Montréal, et elle emploie des Canadiens français. Est-ce que le Parti libéral, qui fut un jour un grand parti, en serait rendu à soulever le cri de race sur une question comme celle des assurances? Combien bas est tombé ce parti! Nous avons donné ces contrats à une compagnie en qui nous avions confiance, et nous avons débarrassé la province du trust de Tessier & Fages. Nous n'avons pas d'autre manière de procéder qu'en changeant de compagnie. Le meilleur moyen de détruire le monstre, c'était de lui couper la tête en partant.

(Applaudissements)

Nous payons aujourd'hui $31,000 de primes au lieu de $68,000. Avec la différence nous pourrons payer un grand nombre de pensions de vieillesse. Les assurés auront les mêmes garanties et ils retireront les mêmes avantages que par le passé. Ce qui choque l'opposition, c'est de constater que nous avons rejoint l'ennemi en plein coeur dans ses retranchements. Nous avons promis de débarrasser la province des débris d'un régime, et nous allons continuer notre travail jusqu'à la fin, sans merci et sans pitié.

(Applaudissements)

Nous avons beaucoup à faire. Nous avons fait en une seule session, qui maintenant s'achève, ce qu'un homme de grand talent même ne pouvait pas faire en deux ans. Il s'est fait plus de travail à cette session-ci que dans toutes les sessions d'un parlement de l'ancien régime. Lorsque nous aurons terminé ce travail, on voudra bien nous rendre le témoignage que nous avons fait au meilleur de notre connaissance.

Le chef de l'opposition peut garder son calme car ceci n'est que le début. Je répète qu'il y aura d'autres contrats d'assurances, mais nous ne pouvons tout faire en un jour. Nous sommes un gouvernement provincial, non local, et nous ne voulons pas favoriser Trois-Rivières plus que Québec ou Montréal. Du chauvinisme, nous n'en voulons pas dans cette Chambre, nous le méprisons. L'esprit étroit, nous n'en avons cure.

(Applaudissements à droite)

M. Bastien (Berthier): M. l'Orateur, j'ai l'honneur de proposer, appuyé par le représentant de Montréal-Saint-Louis (M. Bercovitch), d'ajourner le débat sur cette question.

Adopté.

 

Ajournement

L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je comprends qu'il y a ce soir une fête pour les journalistes, et nous pourrions ajourner dès maintenant, afin de leur permettre d'y participer. Et nous avons diverses questions à régler.

Je propose donc, appuyé par le représentant de Québec-Est (l'honorable M. Drouin), que, lorsque cette Chambre s'ajournera, elle soit ajournée à jeudi, à 3 heures de l'après-midi.

Adopté.

La séance est levée à 10 h 10.

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NOTES

 

1. Le comité se réunit sous la présidence de M. Boyer (Châteauguay).

2. Chiffre de L'Action catholique du 11 novembre 1936, à la page 9, et de la quasi-totalité des sources. The Montreal Gazette du même jour, à la page 10, est le seul quotidien à mentionner plutôt "1,450".

3. Le Courrier de Saint-Hyacinthe du 13 novembre 1936, à la page 8, précise "que cette loi est l'oeuvre de M. Bouchard."

4. Version de L'Action catholique du 11 novembre 1936, à la page 9. Le Soleil du même jour, à la page 17, mentionne plutôt "sept ou huit ans".

5. Version de L'Action catholique du 11 novembre 1936, à la page 9. Dans Le Soleil du même jour, à la page 17, M. Barré aurait plutôt dit: "Ils auraient pu attendre encore trois ou quatre jours quand nous discutions la loi. Le gouvernement disparu aurait pu attendre quatre jours de plus et présenter une loi plus complète."

6. Anatole Plante (1893-1981), médecin et député libéral de Montréal-Mercier (1927-1936). Nommé whip du Parti libéral en 1931.

7. Chiffre du Soleil du 11 novembre 1936, à la page 17. Le Devoir, à la page 2, mentionne plutôt "55 ans" et La Presse, à la page 16, "50 ans".

8. Nom donné par Le Devoir du 11 novembre 1936, à la page 2. Selon Le Soleil du même jour, à la page 17, il s'agirait plutôt de "Paterson".

9. Le comité se réunit sous la présidence de M. Boyer Châteauguay).

10. M. Labelle fait allusion à l'élection très serrée de M. Bastien qui, le 17 août 1936, fut élu avec une seule voix de majorité dans son comté.

11. Une fois présentés, les bills ne peuvent être modifiés ou retirés qu'avec l'autorisation de la Chambre. (Règlement Geoffrion, 1915, art. 438.)

12. Heure du Journal de l'Assemblée. Selon Le Devoir du 11 novembre 1936, à la page 1, il est plutôt 8 h 50. La Patrie du même jour, à la page 5, mentionne, quant à elle, 8 h 40.

13. Selon Le Devoir du 11 novembre 1936, à la page 1, aucun député de l'opposition n'est présent à ce moment: "La séance a commencé et l'on a procédé à l'étude des questions inscrites à l'ordre du jour."

14. Version du Devoir du 11 novembre 1936, à la page 6. Selon La Presse du même jour, à la page 16, M. Lesage s'assoit plutôt à la place de M. Bertrand (Montréal-Laurier). Selon ce même journal, MM. Barrette et Lesage changent plutôt de place, juste après la remarque de M. Tardif (Frontenac).

15. Voir note 9.

16. Le Canada écrit, à la page 5, que le président (M. Boyer) appelle les articles du bill et demande chaque fois, "Adopté?". M. Barrette (Terrebonne) dit: "Sur division."

17. Selon L'Action catholique du 11 novembre 1936, à la page 9, M. Barrette fait cette intervention parce qu'il "veut remplir jusqu'au bout sa tâche de membre de l'opposition".

18. Selon le Journal de l'Assemblée, c'est M. Bouchard qui fait cette motion. Or, La Presse du 11 novembre 1936, à la page 16, et Le Canada, à la page 5, nous apprennent que M. Bouchard apparaît en Chambre pour la toute première fois de la soirée un peu plus tard seulement. De plus, Le Journal nous informe, à la page 3, que les premiers députés libéraux arrivent avant l'étude en comité plénier du bill 41, modifiant la loi des syndicats professionnels.

19. Voir note 9.

20. Chiffre de L'Action catholique du 11 novembre 1936, à la page 9. Le Montreal Herald du même jour, à la page 2, mentionne plutôt $600.

21. M. Duplessis fait allusion à l'indemnité du chef de l'opposition de $5,000 qui n'a pas subi de réduction. M. Bouchard a toutefois vu son indemnité additionnelle de député de $2,500 réduite de 10 %, en conformité avec la loi votée à cet effet (1 Édouard VIII, chapitre 10). (Voir les séances des 6 et 9 novembre 1936.)

22. À la séance du 28 octobre 1936, M. Duplessis avait proposé et fait adopter une motion pour que la question détaillée de M. Bouchard soit convertie en ordre de la Chambre pour la production de documents.

23. Un journal libéral, Le Canada du 11 novembre 1936, à la page 5, estime qu'à ce moment précis du débat, les recherches des ministériels ont duré dix minutes.

24. John George Bourinot (1836-1902), journaliste, courriériste parlementaire et fonctionnaire du Sénat et de la Chambre des communes du Canada. Greffier de cette Chambre de 1880 à sa mort, il a écrit de nombreux ouvrages consacrées aux principes de gouvernement et au droit parlementaire, dont le traité intitulé Parliamentary Procedure and Practice, et le recueil de règles de procédures, qui porte maintenant le titre de Bourinot's Rules of Order (Règles de procédure).

25. Hector Laferté (1885-1971), ancien correspondant parlementaire pour le journal La Libre Parole, siégea à l'Assemblée législative comme député libéral de Drummond et fut Orateur suppléant (1923-1928) et Orateur (1928-1929), avant d'accéder au conseil des ministres du gouvernement Taschereau (1929-1934) et au Conseil législatif (1934-1968).

26. Il s'agit de Cortland A. Fages (1892-1948), marié à Gabrielle Taschereau, fille de l'ancien premier ministre L.-A. Taschereau.

27. Le Soleil du 11 novembre 1936, à la page 16, prête ces paroles à M. Duplessis, alors que Le Canada du même jour, à la page 5, à l'Orateur. Cette dernière hypothèse semble plus probable.

28. Il s'agit de l'article 5 du Feuilleton du 10 novembre, soit la motion de M. Bouchard pour la production de documents concernant les assurances collectives.