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Version finale

27e législature, 2e session
(21 août 1963 au 23 août 1963)

Le jeudi 22 août 1963 - N° 2

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Onze heures du matin)

M. le Président: Qu'on ouvre les portes. Let the doors be opened. À l'ordre, messieurs: Affaires courantes. Présentation de bills publics.

M. Lesage: Ah!

Bill no 2 Première lecture

M. le Président: Pour M. Gérin-Lajoie, M. Lesage propose la première lecture d'une loi concernant les taxes scolaires sur les immeubles des compagnies. Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. Johnson: M. le Président, je me demande en vertu de quelle disposition du règlement, on a...

M. Lesage: M. le Président, est-ce que je pourrais demander... il y a passablement de bruit, le chef de l'Opposition pourrait élever la voix.

M. Johnson: Je me demande en vertu de quelle disposition du règlement, on a, ce matin, évité de faire appel des chapitres ordinaires prévus par le règlement, c'est-à-dire la présentation de bills, la présentation de motions, M. le Président, il n'y a aucune exception.

M. le Président: Je pourrais peut-être répondre au chef de l'Opposition que c'est moi qui devrais en prendre la responsabilité, parce que j'avais compris que c'était de consentement unanime. Je ne crois pas qu'il y aurait d'autres articles. Si le chef de l'Opposition voulait, je pourrais appeler l'article des affaires courantes, la présentation de motions non annoncées. Ce serait la seule, parce qu'il n'y a pas de bills privés, il n'y a pas de présentation de pétitions.

M. Johnson: M. le Président, je vous remercie. Il n'y a pas de motion, contrairement à ce qui avait été fait à la session de 1960, la session de septembre, pour mettre de côté les règlements. J'aurais crû alors qu'on procéderait comme le veut l'article 114, et je n'ai pas de motion à présenter cependant, sauf que je pensais qu'il y aurait quelques questions verbales, si l'Orateur veut bien nous le permettre.

M. Lesage: Pour les questions verbales, l'on verra après la première lecture de ce bill, avant l'affaire du jour, le titre y est.

M. Johnson: Oui.

M. Lesage: Pour les motions verbales...

M. Johnson: On les permettra à ce moment-là?

M. le Président: Certainement.

M. Lesage: J'ai même été surpris hier de ne pas en avoir, de ne pas avoir de questions.

M. le Président: La première lecture du bill concernant les taxes scolaires. Adopté?

M. le Greffier adjoint: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. le Président: Deuxième lecture, même séance?

M. Lesage: Oui, plus tard aujourd'hui, si, par hasard, nous réussissions à terminer l'étude du bill 1.

M. le Président: Même séance?

M. Johnson: Jamais, M. le Président, vous n'aurez vu une Opposition qui collabore aussi régulièrement, aussi systématiquement.

M. Lesage: Il faut dire que le gouvernement, que le chef du gouvernement a fait sa part aussi vis-à-vis du chef de l'Opposition.

M. le Président: Même séance. Affaires du jour.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

L'enseignement de l'art dans les écoles normales

M. Bellemare: M. le Président, le journal Le Soleil d'hier nous annonçait une nouvelle assez sensationnelle. Je voudrais demander à l'honorable ministre de la Jeunesse, j'allais vous dire de l'Éducation, je dis bien au ministre de la Jeunesse s'il a pris connaissance de cette déclaration qui a été faite au congrès mondial à Montréal par une religieuse, à savoir que l'enseignement de l'art dans les écoles normales était complètement discontinué à partir de cette année.

Une voix: C'est bien grave.

M. Gérin-Lajoie: Oui, j'en ai pris connaissance, M. le Président.

M. Bellemare: M. le Président, est-ce que c'est une décision qui relève du ministère?

M. Gérin-Lajoie: En aucune façon, M. le Président.

M. Bellemare: M. le Président, est-ce que le ministre est satisfait de cette décision?

M. Gérin-Lajoie: Évidemment, comme citoyen et père de famille, je m'en étonne. Mais, comme ministre, je n'ai pas d'opinion à avoir là-dessus.

Bref d'élection Notre-Dame-de-Grâce

M. le Président: J'ai donc l'ordre d'informer la Chambre qu'à la suite de l'avis donné de son siège le 11 juillet 1963 par l'honorable Jean Lesage, à savoir que le siège du député du district électoral de Montréal-Notre-Dame-de-Grâce était devenu vacant par suite du décès de l'honorable Paul Earl, j'ai adressé au président général des élections un mandat lui enjoignant d'émettre un nouveau bref d'élection portant convocation du district électoral de Montréal-Notre-Dame-de-Grâce.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Edifice du ministère de l'Education

M. Bellemare: M. le Président, au ministre de la Jeunesse, je pose une autre question. On annonce que, d'ici à quelque temps, le ministère de l'Éducation fera construire un nouvel édifice sur la cité parlementaire, sur le nouveau développement parlementaire. Est-ce que le choix de l'architecte et des plans est définitif?

M. Lesage: M. le Président, pour ce qui est de la cité parlementaire, c'est la responsabilité du ministre des Travaux publics et du premier ministre, parce que la Commission d'aménagement de Québec relève évidemment du Conseil exécutif. En effet, les plans de construction d'un édifice pour le ministère de la Jeunesse, quel que soit son nom plus tard, sont demandés, la préparation des plans a été confiée à un architecte; il n'a rien commencé encore mais doit commencer incessamment à avoir des entrevues avec les hauts fonctionnaires du ministère pour connaître leurs besoins présents et à venir.

M. Johnson: M. le Président, le premier ministre n'aura certainement pas d'objection à nous éclairer sur ce point. Est-ce que les architectes devront tenir pour acquis qu'il y aura un ministère de la Jeunesse et un ministère de l'Éducation, lorsqu'ils établiront les besoins en espace de cet édifice? Car on sait qu'il ne doit pas y avoir de ministère de l'Instruction publique, ni de ministère de l'Éducation; ça prendra donc un peu moins de plancher pour loger les services encore considérables toutefois du ministre de la Jeunesse actuel.

Une voix: Est-ce que c'est une question?

M. Johnson: Non, je veux savoir, M. le Président, si on doit tenir pour acquis, du côté du gouvernement, qu'il y aura un ministère de l'Éducation malgré la promesse du premier ministre évidemment à l'effet contraire?

M. Lesage: M. le Président, cette question-là revient pour la deuxième ou la troisième fois. J'ai donné des explications. Quel que soit le nom du ministère qui s'occupe de l'éducation dans la province de Québec, les besoins en plancher sont les mêmes. Je ne conçois pas qu'on puisse avoir une autre opinion que celle-là. Maintenant, pour ce qui est du futur ministère de l'Éducation, il est définitif que, le plus rapidement possible, je ne puis pas dire autre chose, le gouvernement présentera à la Législature un bill 60 tel qu'il est ou amendé, suivant les circonstances.

M. Johnson: Relativement au bill 60, le premier ministre avait demandé qu'on lui envoie des suggestions pratiques, des suggestions concrètes avant le 1er septembre. Pourrait-il nous dire s'il en a reçu de plusieurs sources, en grand nombre?

M. Lesage: Je ne sais pas. Il faudrait que je demande à mes secrétaires.

M. Bertrand (Missisquoi): On en a reçu des copies.

M. Gérin-Lajoie: Si vous le savez, ne posez pas de questions.

M. le Président: À l'ordre!

M. Johnson: M. le Président, il est exact...

M. Lesage: M. le Président, on m'a posé une question, je me lève pour répondre et on ne m'en donne pas l'occasion.

M. Johnson: Oui, mais le ministre m'a dit: "Je ne sais pas".

M. Lesage: Bien oui, mais j'ai donné instruction à mon secrétariat de bien vouloir compiler toues les réponses, toutes les suggestions qu'on recevait à ce sujet pour que je puisse les examiner avec le ministre de la Jeunesse comme un tout après le 1er septembre.

M. Johnson: Merci. M. le Président...

M. Lesage: ...et je pense que, comme méthode de travail, c'est préférable à un examen au fur et à mesure.

M. Johnson: M. le Président, il est entendu que nous recevons quelquefois copie de ces communications envoyées au premier ministre et je voudrais remercier publiquement les corps publics et les associations qui agissent de cette façon. Je crois que c'est une façon très démocratique et je voudrais le dire publiquement...

M. Gérin-Lajoie: Les temps n'ont pas changé.

M. Johnson: ...le premier ministre me le permettra, et je voudrais inciter tous ceux qui ont des représentations à faire dans quelque domaine que ce soit...

M. Lesage: C'est ça!

M. Johnson: ...de ne pas négliger d'informer l'Opposition.

M. Lesage: Est-ce une question, M. le Président?

M. Johnson: Bien voici. Je vais la convertir en question. Le premier ministre est-il opposé à ce que tous ceux qui ont des représentations à faire sur des bills d'une nature publique envoient une copie à l'Opposition afin qu'elle puisse s'acquitter de son devoir d'Opposition?

M. Lesage: Évidemment, M. le Président, ça dépend de la confiance que chaque individu ou chaque organisme peut avoir dans l'Opposition. Pour ma part, si j'étais un citoyen ou le président d'un organisme, je croirais inutile d'envoyer des copies de mes résolutions ou de mes représentations au gouvernement à l'Opposition telle que constituée présentement.

M. Johnson: M. le Président, vous avez un exemple du grand esprit démocratique du premier ministre.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement. J'invoque le règlement, M. le Président.

Une voix: Vous avez couru après.

M. le Président: C'est moi qui s: invoqué le règlement avant le chef ce l'Opposition.

À l'ordre, messieurs;

Je crois qu'on s'engage dans un débat général qui n'est pas permis à ce stade des procédures. S'il y a des questions à poser qui pourraient avoir des réponses, des questions sérieuses avec des réponses sérieuses, d'accord. Mais ça ne doit pas susciter un débat général.

M. Johnson: M. le Président, même s: nous sommes dans une courte session, vous ne voulez pas, évidemment, que l'Opposition renonce ou qu'aucun député de cette Chambre renonce à ses privilèges, et j'invoque l'article 193 parce que le premier ministre, dans ses propos à la fin surtout de sa phrase, a attaqué la dignité des membres de cette Chambre. J'ai bien demandé au premier ministre, M. le Président, pour bien établir le status questionis...

M. Gérin-Lajoie: Ne répétez pas ce qui s'est passé, on le sait.

M. Johnson: ... j'ai demandé au premier ministre s'il encourageait les associations à nous envoyer copie de leurs représentations quand il s'agit de bills d'intérêt public. Or. M. le Président, le premier ministre a répondu en disant: Ils sont bien libres de le faire, mais que lui-même, connaissant l'Opposition, ne le ferait pas.

M. le Président, je voudrais, invoquait l'article 193, dire d'abord que nous avons là une des manifestations les plus spontanées de l'esprit démocratique qui anime le premier ministre.

M. Lesage: J'ai dit qu'ils sont libres.

M. Johnson: Deuxièmement, pour revendiquer les privilèges, la sécurité des membres de cette Chambre et l'honneur des députés, je voudrais dire à cette Chambre que plusieurs corps publics n'osent pas envoyer leurs représentations à l'Opposition parce qu'ils sont menacés de représailles par certains membres du gouvernement.

M. le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Lesage: M. le Président, si...

M. Johnson: Troisièmement...

M. Lesage: J'invoque le règlement. J'avise la Chambre...

M. Johnson: Quel article le premier ministre invoque-t-il à ce moment pour intervenir?

M. Lesage: Oui, je puis intervenir, parce que j'invoque le règlement...

M. le Président: À l'ordre, messieurs! Je comprends que le premier ministre voudrait soulever le même règlement que le chef de l'Opposition vient de mentionner.

M. Lesage: Il s'est levé sur une question de privilège.

M. le Président: Article 193, je crois.

M. Talbot: On n'a pas le droit de pyramider les...

M. le Président: ... parce que le chef de l'Opposition, en parlant sur la question de privilège qu'il a soulevée, commence à faire exactement la même chose dont il se plaint que le premier ministre vient de faire il y a quelques instants. Le premier ministre se lève pour soulever exactement une question de privilège du même ordre.

M. Lesage: M. le Président, c'est que je serai obligé de répondre à ce que vient d'affirmer le chef de l'Opposition, parce qu'il est absolument faux que les gens soient empêchés d'envoyer des copies au chef de l'Opposition. Mais il faudra que je réponde. On a dit que c'était antidémocratique. Je me réserve le droit de répondre au chef de l'Opposition sur les affirmations qu'il fait alors qu'il ne suit pas le règlement.

M. Lafontaine: Vous répondrez en temps et lieu.

M. Johnson: M. le Président, je disais donc que les propos du premier ministre ce matin ne sont pas de nature - c'est le moins qu'on puisse dire - à encourager les associations et les corps publics, comme les individus d'ailleurs, à faire parvenir à l'Opposition une copie des représentations qu'ils jugent à propos de faire relativement à des bills d'intérêt public. Je demanderais, et je me bornerai à cela, au premier ministre de revenir sur sa décision, qui est le fruit peut-être d'une saute d'humeur...

M. Lesage: Il n'y a pas de saute d'humeur, il n'y a personne de meilleure humeur que moi, ce matin.

M. Johnson: ... ou tout simplement qui est le fruit d'une mauvaise appréciation, c'est peut-être une blague, un précédent fameux par un de ses collègues récemment, et j'aimerais entendre le premier ministre nous dire qu'il encourage tout le monde à mettre tous les députés au courant des problèmes qui intéressent la population et des représentations que ces corps très qualifiés jugent à propos de faire toujours pour le bien commun. M. le Président, je me bornerai à cela ce matin, à réclamer non pas cette faveur mais le respect de ce droit envers tous les députés, que le premier ministre encourage tout le monde afin que tous les députés de la droite comme de la gauche prennent plus sérieusement à coeur leur fonction de député et méritent davantage la rémunération accrue qu'on leur a accordée en vertu d'une loi récente.

M. Lesage: M. le Président, voici, c'est que le chef de l'Opposition a déclaré que le gouvernement agissait de façon à décourager le corps publics ou les citoyens d'envoyer copie de leurs représentations au gouvernement aux membres de la Chambre et à l'Opposition en particulier.

Je regrette, mais, de ce côté, je n'ai jamais posé quelque geste que ce soit, loin de là. D'un autre côté, si je ne pose aucun geste pour empêcher que les citoyens ou les organismes qui font des représentations au gouvernement envoient copie de leurs représentations à l'Opposition, je n'ai pas de geste à poser pour leur imposer de le faire, pas plus. Quand on est démocrate, M. le Président, on laisse les citoyens libres d'agir à leur guise. Je n'ai pas le droit, comme démocrate, d'imposer aux citoyens et aux organismes de la province la confiance dans l'Opposition dont nous souffrons.

M. Johnson: M. le Président, je n'en demanderais pas tant de la part du premier ministre, mais j'ai une question à lui poser. Comme bon démocrate qu'il prétend être, veut-il nous dire s'il accorde une extension du délai discrétionnairement établi par lui d'une façon antidémocratique, le délai du 1er septembre?

M. Hamel (Saint-Maurice): C'est à l'encontre du règlement.

M. Gérin-Lajoie: La bonne blague!

M. Lesage: M. le Président, lorsque j'ai annoncé que nous ne procéderions pas à l'étude du bill 60 à la session qui s'est terminée le 11 juillet, j'ai affirmé l'intention bien déterminée du gouvernement de procéder le plus rapidement possible à l'établissement d'un ministère de l'Éducation.

Les représentations que j'avais reçues étaient dans le sens que l'on devait étudier les modalités prévues au projet de loi. Rarissimes sinon non existantes ont été les représentations contre le principe même du projet de loi. Il était raisonnable de m'attendre que, dans l'espace de deux mois, alors que la commission Parent avait siégé

pendant deux ans et demi, le rapport étant public depuis plusieurs mois, que, le 1er septembre, j'aie reçu des propositions précises d'amendements. On ne peut certainement m'accuser de ne pas avoir été démocrate. Nous avons retardé la proposition d'adoption d'un projet de loi qui était prêt devant la Chambre pour donner une chance aux intéressés de s'exprimer. Si ce n'est pas de la démocratie cela, qu'est-ce que c'est que la démocratie? Mais il y a tout de même une limite et ce n'est pas parce que nous sommes prêts à envisager des changements, des amendements aux modalités que nous allons donner une chance à l'infime minorité de ceux qui s'opposent au principe du bill d'en retarder indéfiniment l'adoption.

M. Johnson: M. le Président, cela ne donne pas une réponse à ma question. Est-ce que le délai sera étendu?

M. Lesage: Il me semble que ce que j'ai dit était clair.

M. Johnson: Au-delà de septembre, et je...

M. Lesage: Le délai a été raisonnable, M. le Président, et c'est le 1er septembre.

M. Johnson: C'est le premier ministre qui le juge unilatéralement...

M. le Président: À l'ordre, messieurs! À l'ordre, messieurs'.

M. Johnson: La Loi des liqueurs, on a plus de temps que cela.

M. le Président: À l'ordre! Affaires du jour.

M. Johnson: Pour les "bookmakers"...

M. Lesage: Qu'est-ce que cela a à faire là-dedans?

M. Johnson: M. le Président, j'ai une question à poser au ministre de la Jeunesse, je crois, il n'est pas là, il est là.

M. Lesage: Il y a la manière de regarder l'autre.

Tournée d'information sur la réforme scolaire

M. Johnson: Ce sera rétroactivement, M. le Président, qui paie les frais d'avion, les vins d'honneur, le publicité et les pourboires que le ministre de la Jeunesse de ce temps-ci encourt pour faire la propagande en faveur de ses positions théologiques douteuses sur le bill 60?

M. le Président: À l'ordre, messieursl Affaires du jour.

M. Johnson: Je regrette, M. le Président, je pose une question qui est bien du ressort de l'Assemblée législative. Qui paie? Nous sommes ici pour savoir qui défraie les dépenses...

M. le Président: J'avais bien compris la question; c'étaient les remarques que le chef de l'Opposition a employées en terminant sa question qui étaient antiréglementaires.

M. Johnson: M. le Président, j'ai une question à poser, est-ce que ces frais sont payés par les contribuables, par le Parti libéral ou personnellement par le ministre?

M. Gérin-Lajoie: M. le Président, le chef de l'Opposition a englobé un tas de choses dans sa question. Le ministre de la Jeunesse n'a offert aucun vin d'honneur pendant les visites qu'il a faites récemment dans diverses régions de la province. C'est le ministère de la Jeunesse qui paie pour les dépenses encourues pour les visites que le ministre de la Jeunesse et les hauts fonctionnaires du ministère de la Jeunesse font dans diverses régions de la province, pour se rendre compte des besoins de l'éducation, de l'application des politiques du ministère de la Jeunesse et du gouvernement en matière d'éducation au Québec. Tout cela se fait dans l'accomplissement normal des fonctions constitutionnelles du ministre de la Jeunesse.

M. Johnson: Le ministre de la Jeunesse voudra peut-être nous dire, M. le Président, s'il a profité de ces voyages, entre autres celui qu'il a fait à Jonquière, pour discuter des subventions demandées et autres problèmes de même nature qui concernent son département.

M. Gérin-Lajoie: Bien sûr, M. le Président, il a été question du problème des subventions, il a été question du problème des déficits scolaires, il a été question des problèmes d'aménagement scolaire, il a été question de commissions scolaires, d'écoles de métiers, d'instituts de technologie, de problèmes du personnel enseignant, des problèmes auxquels les parents ont à faire face quand leurs enfants atteignent un certain niveau scolaire et ne trouvent pas de place dans d'autres écoles, il a été question d'une très grande variété des problèmes relevant de près ou de loin des fonctions du ministère de la Jeunesse et du département de l'Instruction publique.

M. Courcy: Question dont le député de Trois-Rivières n'a pas fait le rapport à son chef.

Vous n'avez pas fait votre rapport.

M. le Président: À l'ordre:

M. Johnson: M. le Président, j'ai une question simple à poser au ministre. A-t-il été question du bill 60?

M. Gérin-Lajoie: Bien sûr que c'est une des questions d'intérêt le plus immédiat dans le domaine de l'éducation aujourd'hui, au cas où le chef de l'Opposition ne s'en serait pas rendu compte.

M. Johnson: Le ministre a annoncé qu'il y aurait bientôt de nouvelles occasions avantageuses de crédit pour les commissions scolaires qui doivent contracter des emprunts auprès des banques. Le ministre est-il prêt à donner à la Chambre des informations relativement à ce projet?

M. le Président: Je crois qu'on est rendu dans le style de questions qui devraient être posées par écrit. Le règlement prévoit que les questions qui peuvent être posées par écrit devront être posées de cette façon.

Anniversaire de M. Roy Fournier

M. Johnson: M. le Président, vous me permettrez de souligner, ce qui fera certainement plaisir à nos amis d'en face, que nous célébrons aujourd'hui l'anniversaire d'un député de cette Chambre, d'un député qui, depuis 1962 seulement, honore la Chambre de sa présence et, même s'il est absent ce matin, certainement pour des raisons valables...

M. Lesage: Qu'il y soit au moins, ce serait plus poli.

M. Johnson: Je voudrais lui offrir publiquement nos meilleurs voeux de bon anniversaire, qu'il voudra bien partager avec son épouse et sa famille. Il s'agit du nouveau et temporaire député du comté de Gatineau, M. Roy Fournier.

M. Lesage: M. le Président, j'avais l'intention d'offrir mes voeux à M. Fournier ce matin et j'ai constaté qu'il n'était pas à son siège. J'attendais l'occasion propice au cours de la journée, alors qu'il occuperait son siège, pour lui offrir mes voeux, nos voeux, afin qu'il puisse au moins les entendre.

M. Johnson: M. le Président, nous ne serons probablement pas en séance à ce moment-là et la province devra fêter le 24 août l'anniversaire d'un ministre du cabinet libéral et, comme c'est peut-être la dernière chance que j'aurai de lui offrir des voeux en sa qualité de ministre libéral, je voudrais bien que le premier ministre se charge pour moi de transmettre de ma part et de la part des députés de l'Opposition des voeux de joyeux anniversaire à l'honorable député de Laurier.

M. Lesage: Avec plaisir. La différence, c'est que je le verrai le jour de sa fête.

Bill no 1

Reprise du débat sur la deuxième lecture

M. Paul Dozois

M. Dozois: M. le Président, pour l'étude du bill 1 que nous étudions présentement, le ministre des Affaires municipales nous a fait hier un long discours et j'ai remarqué, M. le Président, qu'il avait consacré plus de la moitié de ce discours à prouver qu'Ottawa ne se mêlait pas de ses affaires. Il nous l'a prouvé d'une façon complète, je crois, qu'Ottawa commettait une invasion d'un domaine strictement réservé à la province ou aux provinces en vertu de l'article 92 de la constitution. J'ai lu et relu son discours que j'avais entendu et il n'y a pas de doute qu'il condamnait, dans cette première partie, cette attitude centralisatrice du gouvernement fédéral. Mais, ce qui a été surprenant, M. le Président, c'est que ce discours, dans la seconde partie, demande à la Chambre d'approuver ce bill qui, à toutes fins pratiques, approuve ce qu'il condamne dans la première partie de son discours.

En effet, M. le Président, si on regarde le bill qui est à l'étude actuellement, ce bill limite strictement les pouvoirs accordés soit au gouvernement, soit à la Commission municipale, à la portée du bill C-76 qui a été adopté au Parlement fédéral. Je le dis et je le répète, le ministre des Affaires municipales a tout d'abord condamné d'une façon non équivoque cette instrusion du gouvernement fédéral dans un domaine qui est strictement provincial. Je trouve que c'est de l'inconséquence et j'aurais préféré de beaucoup qu'il continue son raisonnement et nous présente plutôt une loi qui aurait vraiment affirmé les droits de la province.

Hier soir, M. le Président, le premier ministre, dans les remarques qu'il nous a adressées, a fait, entre autres choses, état de la loi adoptée par la Législature en 1958 concernant les travaux d'hiver. Il a dit rapidement que, malgré les nombreuss interventions du député de Saint-Maurice, cette loi, qui était un accroc à l'autonomie provinciale, avait été adoptée par la Législature. Il a cité, entre autres, les noms des quelques-uns de mes collègues, de même que le mien.

Or, M. le Président, si l'on consulte les

journaux de l'Assemblée législative au sujet de cette loi adoptée en 1958, on constate que les nombreuses interventions du député de Saint-Maurice n'étaient pas si nombreuses en fait. Il y a eu, tout d'abord, un amendement du député d'Outremont, alors chef de l'Opposition non pas pour condamner le principe de ce bill - il n'en a pas été question durant toute cette discussion -c'était un amendement purement et simplement pour demander au gouvernement du temps de contribuer aux travaux d'hiver. Cette proposition ayant été déclarée "money bill" par l'orateur du temps, le chef de l'Opposition en a appelé de cette décision et c'est là-dessus que la Chambre s'est divisée et qu'il y a eu un vote en partie pour le maintien de la décision de l'orateur l'Opposition du temps ayant voté contre le maintien de la décision de l'orateur. Le deuxième vote qu'il y a eu à ce moment a été également sur une incidence, alors que le député de Saint-Maurice voulait parler de quelque chose qui n'était pas contenu dans le principe du bill. Cela a été déclaré antiréglementaire et le chef de l'Opposition du temps en a appelé de cette décision de l'orateur. Mais, sur le principe du bill, tant en première, qu'en deuxième et qu'en troisième lecture, le bill a été adopté à l'unanimité et les noms enregistrés. C'est par un vote enregistré, et non pas du consentement du chef de l'Opposition.

M. Lesage: C'était un bill de M. Duplessis.

M. Dozois: Le vote a été enregistré et tous les députés libéraux du temps ont accepté ce principe. S'il y a eu quelqu'un de coupable, les députés libéraux - et il y en a plusieurs qui siègent encore dans cette Chambre - se sont rendus coupables de cette même offense à l'autonomie de la province.

La même chose s'est répétée, M. le Président, en 1959, alors que la portée du bill a été élargie, parce qu'en 1958, il avait été limité à une période de cinq mois. Encore là, il y a eu le même amendement et c'est vous, M. le Président, en votre qualité de député de Westmount, qui avez demandé, par un amendement, que la province contribue aux travaux d'hiver. Encore une fois, et pour les mêmes raisons que l'année précédente, cet amendement a été déclaré irrecevable, parce qu'il contenait une dépense de deniers publics et là-dessus, les partis se sont divisés; mais, encore une fois, le vote a été enregistré sur la deuxième lecture et tous les députés ont accepté à l'unanimité ce projet de loi.

Mais il y a plus, M. le Président, et j'en parle, parce que le député de Chambly, ministre des Affaires municipales, même si ce n'était pas dans son texte, a fait allusion hier à un moment donné au cours de la discussion, à notre attitude comme parti politique, relativement à ce bill de 1958. Je dois vous faire remarquer, M. le Président, qu'à ce moment, en 1958, le député de Chambly était correspondant d'un journal et il assistait aux séances à la tribune de la presse.

J'ai feuilleté, M. le Président, les journaux du temps, en particulier le journal dont il était correspondant et, nulle part dans toutes ses chroniques du temps, il n'a parlé de ce bill de 1958 sur les travaux d'hiver. Nulle part, lui qui était un autonomiste farouche et qui prétend l'être encore malgré la fin de son discours d'hier, nulle part dans ses chroniques, dans ses rapports des débats de l'Assemblée législative, il n'a condamné ce bill ou fait une remarque quelconque pour dire que ce bill entachait l'autonomie de la province. Nulle part, M. le Président, les députés libéraux du temps ne l'ont comdanné. Nulle part le député libéral de Chambly actuel qui, à ce moment-là, avait toute facilité à sa disposition pour exprimer son opinion et peut-être même plus de facilité qu'un député, parce que son public est considérable ou était considérable lorsqu'il écrivait dans son journal, nulle part, dis-je il n'a condamné l'attitude du gouvernement du temps.

Mais, M. le Président, même si cette décision de la Législature en 1958 ou en 1959 était mauvaise pour l'autonomie de la province, j'estime que ce n'est pas une raison d'invoquer cette attitude pour faire dix fois pire aujourd'hui. M. le Président, hier soir, le premier ministre a dit: "Nous avons défendu l'autonomie de la province, nous avons fait amender le bill C-76 à la Chambre des communes et je puis déclarer -je répète ses mots, j'en ai pris note - que la province peut agir maintenant dans ce domaine aux conditions que la province détermine". Et il ajoutait qu'il n'y aurait aucune relation, en vertu des amendements qui étaient apportés à C-76, aucune relation directe entre le gouvernement fédéral et les municipalités.

M. le Président, la loi que nous étudions présentement, je le répète, ne contient que deux paragraphes, deux ou trois articles. Elle limite strictement l'action du gouvernement et de la Commission municipale, qui pourra être déclarée l'organisme autorisé pour faire les prêts que la province obtiendra d'Ottawa en ce domaine. Elle ne va ni plus loin et ne va ni moins loin que le bill C-76 et, pour faire l'étude du bill 1, il nous faut nécessairement étudier en détail le bill C-76 adopté le 2 août à la Chambre des communes d'Ottawa.

Or, M. le Président, que dit ce bill C-76 et en particulier le paragraphe 2 de l'article 7? Car je crois que c'est surtout ce paragraphe qui nous intéresse d'une façon particulière, car l'on sait qu'en vertu de ce

bill, le gouvernement fédéral fera des prêts aux municipalités et que l'office créé par ce bill doit remettre une partie, soit 25% du coût des travaux exécutés en vertu de ces projets contenus dans le bill C-76. Mais pour répondre à la demande du premier ministre, on a amendé ce bill C-176 et c'est le paragraphe 2 de l'article 7 qui contient les amendements qui, d'après le premier ministre, sauvegardent l'autonomie des provinces et en particulier de notre province.

Que dit donc le paragraphe 2? "Avec l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil l'office peut au plus tard le 31 octobre 1963 conclure avec le gouvernement d'une province quelconque une entente relative aux prêts à consentir au gouvernement de cette province ou à tout organisme désigné de celle-ci, n'excédant pas au total le montant qui peut être approuvé sous le régime du paragraphe 2 de l'article 13 - on sait ce que c'est, je n'ai pas besoin d'expliquer la portée du paragraphe 2 de l'article 13 - pour des entreprises municipales situées dans cette province, en vue de permettre au gouvernement de la province ou à son organisme de consentir des prêts aux municipalités sises dans la province, relativement à des entreprises municipales selon les modalités et aux conditions applicables à des prêts accordés par l'office à des municipalités."

Je veux bien que l'on note ici "sises dans la province, relativement à des entreprises municipales selon les modalités et aux conditions applicables à des prêts accordés par l'office." Les conditions sont déterminées par le bill, elles ne sont pas déterminées par la province, elles sont déterminées par le gouvernement fédéral.

Ladite entente doit stipuler: "a) que les prêts faits sous son régime doivent être consentis par l'office aux dates et de la manière qui permettra au gouvernement de la province ou à son organisme de consentir, à l'occasion, à des municipalités des prêts pour des entreprises municipales."

Or, qu'est-ce qu'une entreprise municipale au sens de cette loi? C'est le paragraphe 3 du même article 7 qui définit d'une façon concluante ce que comprend l'entreprise municipale. Or, on voit, M. le Président, que ce n'est pas la province qui déterminera les conditions dans lesquelles les prêts pourront se faire. La province est strictement limitée à la définition d'entreprise municipale telle que définie dans le bill C-76, et même si la province voulait faire un prêt en vertu de cette loi pour une entreprise municipale qui n'est pas comprise dans la définition écrite dans le bill, la province ne peut pas le faire.

M. Lesage: C'est évident.

M. Dozois: Donc, M. le Président, ce n'est pas la province qui détermine les conditions dans lesquelles les prêts vont se faire. C'est la loi...

M. Lesage: Bien, voyons donc!

M. Dozois: ... fédérale et la province se limite strictement dans les cadres de cette loi; elle n'en fait pas moins, mais elle n'en fait pas plus.

Toujours, ladite entente doit stipuler "b) qu'en vue de faire des prêts sur son régime, l'office doit accepter un certificat délivré par le gouvernement de la province attestant

(i) que l'entreprise municipale à laquelle le prêt est consenti est une entreprise municipale au sens où l'entend la présente loi."

On le définit de nouveau. On ne doit pas dépasser cela et on souligne que c'est bien la loi et non pas le gouvernement de la province qui détermine les conditions des prêts.

(ii) qu'il a été satisfait aux exigences de l'alinéa a) ou b) du paragraphe 1 en ce qui concerne l'entreprise municipale pour laquelle le prêt doit être consenti."

C'est-à-dire que l'on doit établir que la province doit déliver un certificat disant que les travaux que l'on a exécutés ne l'auraient pas été, si ce n'avait pas été de cette loi ou que ce sont des travaux qui auraient été retardés, si la municipalité ne pouvait pas bénéficier des prêts consentis par la loi. "(iii) qu'il a été satisfait aux autres exigences de la présente loi."

Alors, toute la loi s'applique. Jamais on ne donne une liberté quelconque à la province, la province est strictement limitée à ce que contient la loi, ni plus ni moins.

Toujours ladite entente doit stipuler "c) que les prêts accordés par l'office sous le régime de l'entente doivent être remboursables selon les modalités, aux conditions et aux taux d'intérêt applicables à un prêt consenti par l'office à une municipalité aux termes du paragraphe 1."

On voit encore que les conditions d'emprunt, les taux d'intérêt, les modalités d'emprunt sont déterminés par l'office et la province doit s'y plier. Encore une fois, la province n'a aucune initiative, elle est liée par cette loi et les modalités déterminées par l'office; et je continue: "et être constatés par des obligations ou autres titres émis par le gouvernement de la province, ou émis par son organisme et garantis par ledit gouvernement, en conformité des stipulations que prévoit l'entente."

C'est-à-dire que ladite entente doit stipuler: "d) que l'office doit avoir le droit d'inspecter à l'occasion toute entreprise municipale concernant laquelle un prêt a été consenti aux termes de l'entente."

Voilà, M. le Président, la plus belle

brèche à l'autonomie municipale, à l'autonomie provinciale, en ce qui concerne l'administration des municipalités. L'office aura le droit - et c'est l'entente qui doit le stipuler, ce n'est pas l'office "peut", c'est l'office "doit" avoir le droit d'inspecter, c'est-à-dire que l'office pourra, même s'il y a entente, et en dépit de la lettre que le ministre des Finances d'Ottawa a adressée au premier ministre dans laquelle il dit: "Je voudrais déterminer le personnel qu'il faudra pour la constitution de l'Office des prêts aux municipalités, à savoir s'il y aura entente ou non".

Précisément, M. le Président, la lettre de M. Gordon veut tout simplement dire que, s'il y a entente, l'office engagera un personnel plus nombreux.

M. Bertrand (Mîssisquoi): C'est ça.

M. Dozois: ... engagera des inspecteurs pour venir faire l'inspection des travaux dans toute province où il y aura eu entente. Et comme l'on peut conclure, d'après des réactions à travers le pays, qu'il n'y aura que la province de Québec qui fera une telle entente, mais en tous les cas, ce qui nous concerne, si la province fait une entente, ça veut dire que le gouvernement fédéral engagera des inspecteurs pour faire les travaux, pour faire l'inspection des travaux dans la province de Québec pour voir leur marche, pour constater leur marche, pour constater leur coût. Et je tiens à vous faire remarquer, M. le Président, que la lettre de M. Gordon, ministre des Finances, c'est très important, veut certainement savoir s'il y aura entente parce que, s'il n'y a pas entente, il n'engagera pas d'inspecteurs.

M. Lesage: C'est évident.

M. Dozois: Et, s'il y a entente, il est obligé d'en engager...

M. Lesage: C'est le contraire, M. le Président. C'est exactement le contraire.

M. Dozois: Non, M. le Président, ce n'est pas le contraire.

M. le Président: À l'ordre, à l'ordre!

M. Lesage: Est-ce que le député de Saint-Jacques me permettrait une question? Est-ce que c'est lui ou moi qui étais à la conférence fédérale-provinciale et qui sais ce qui s'est passé?

M. Bertrand (Missisquoi): Ce n'est pas une question.

M. Dozois: M. le Président, je n'étais pas à la conférence fédérale-provinciale...

M. Lesage: Non, mais moi j'y étais, je le sais.

M. Dozois: ...seulement, malgré ce qui a pu se dire à la conférence...

M. Lesage: Une chance que j'y étais, s'il avait fallu que ce soit le député de Champlain...

M. Dozois: ...ou ce qu'on a pu y conclure, je m'en tiens strictement à ce que contient la loi.

Quand l'office exercera ses pouvoirs, l'office ne dira pas: À tel et tel moment de la conférence fédérale-provinciale, on a promis telle ou telle chose. Mais l'office lira la loi et dira: Dans toute province où il y a eu entente, je dois engager des inspecteurs pour faire l'inspection des travaux.

Car je dois vous faire remarquer, M. le Président, que ce paragraphe d) de la section 2 de l'article 7 n'est relatif qu'à une entente et que nulle part ailleurs dans le bill C-76 on retrouve une telle disposition. C'est-à-dire pour que les municipalités situées dans les provinces qui ne signeront pas d'entente avec le gouvernement central, il n'y aura pas d'inspecteurs de l'office pour aller vérifier les travaux exécutés dans ces municipalités.

Mais, dans toute province, et ce sera le cas de Québec, on fait une exception dans la loi, on dit: "Vous voulez agir autrement que les autres? On va vous surveiller de plus près, on va vous punir; on va pénétrer plus profondément dans cette brèche de l'autonomie provinciale. Nous allons envoyer des inspecteurs prendre un contact direct avec les administrations municipales, fouiller dans leurs livres, interroger les employés." On ne le fera pas ailleurs mais dans la province de Québec ou dans les autres provinces qui signeront des ententes, le gouvernement fédéral engage des inspecteurs et s'immisce davantage dans le domaine municipal, domaine strictement réservé en vertu de la constitution aux provinces.

Je pourrais continuer le même sous-paragraphe d) de l'article 2 qui dit que, dès que le prêt aura été "consenti aux termes de l'entente et si l'entreprise municipale a été complétée..." Ces paragraphes 1 et 2 sont accessoires, si l'on veut. Et toujours l'entente doit comprendre ou l'entente doit stipuler: "que le gouvernement de la province doit présenter à l'office aux dates dont il s'était convenu, un rapport sur la marche des travaux relatifs aux entreprises municipales sises dans la province, sur le volume d'emploi supplémentaire ainsi créé, sur les montants des obligations municipales, etc.." C'est plutôt accessoire également. "f) les autres questions ou choses qui peuvent être requises pour donner effet à la présente loi et dont peuvent convenir l'office et le gouvernement de la province."

On voit, M. le Président, que, pour cette loi qui est vraiment une intrusion dans un domaine strictement réservé aux provinces, le domaine municipal, on a pris soin, en amendant ce bill, d'être plus sévère, de pénétrer plus profondément dans ce domaine lorsqu'une province ferait une entente plutôt que si la province ne fait pas l'entente et approuve tout simplement les demandes de prêts des municipalités.

Une voix: Voyons donc!

M. Dozois: Certainement, M. le Président. Je ne sais pas, mais j'espère que le ministre de la Jeunesse va lire le bill C-76 et va lire, en particulier, en haut de la page 5, le sous-paragraphe d) "que l'office doit avoir le droit d'inspecter à l'occasion toute entreprise municipale concernant laquelle un prêt a été consenti aux termes de l'entente".

Nulle part ailleurs vous ne retrouvez cet article dans le bill. Cet article est strictement applicable lorsqu'il y a entente et nulle part ailleurs dans le bill...

M. Laporte: Pour le moment, ce n'est pas nécessaire, c'est le fédéral qui le fait directement. Ce n'est pas nécessaire, autrement, voyons donc!

M. Dozois: Voilà, M. le Président, l'on tourne le fer dans la plaie et l'on veut punir une province qui ne...

M. Laporte: Ce n'est pas le fer dans la plaie, c'est le raisonnement que...

M. Dozois: ...veut pas accepter la loi du gouvernement central. Mais, M. le Président, le premier ministre a dit hier, dans son discours, que tout d'abord il ne devait pas y avoir de subventions, que c'était tout simplement une loi que l'on devait présenter...

M. Lesage: Je regrette, M. le Président, je dois faire une rectification.

J'ai dit qu'au cours des conversations que j'avais eues avec un ou deux ministres fédéraux, alors qu'on m'en avait donné les grandes lignes du projet, on ne m'avait pas mentionné qu'il y aurait un élément subsides, pas plus que le programme du Parti libéral fédéral ne mentionnait, d'après mon souvenir, l'élément subsides. Je n'ai pas dit que, d'abord, il ne devait pas y en avoir. J'ai dit qu'on ne me l'a pas mentionné. Il y a bien une distinction à faire.

M. Dozois: Très bien, M. le Président, je vais dire que le premier ministre croyait qu'il n'y aurait pas de subventions en vertu de cette loi, que cette loi ne comporterait que le privilège de faire des prêts aux municipalités.

Je voudrais vous faire également remarquer, M. le Président, que la Fédération des maires, dans ses réclamations à ce sujet, ne demandait pas des subventions, elle demandait tout simplement des prêts. Puisque je parle de la Fédération des maires, j'abonde dans le sens des paroles prononcées par le ministre des Affaires municipales. J'estime que c'est un organisme qui devrait respecter l'autonomie des provinces tout d'abord et faire des représentations aux gouvernements provinciaux de qui relèvent les municipalités. J'ai participé à des congrès de cette fédération alors que je faisait partie de l'administration de la cité de Montréal et j'ai eu l'occasion, avec certains de mes collègues, précisément, de soulever ce point, de défendre ce point et de m'opposer. Est-ce que la fédération a évolué dans un autre sens? Je n'ai pas suivi les activités de cette fédération depuis 7 ou 8 ans, mais, pendant 4 ou 5 ans, alors que j'ai assisté à des congrès de cette fédération, et nous, les délégués de la province de Québec, nous nous sommes toujours opposés, et je dois dire avec succès à ce moment, à ce que la fédération fasse des représentations directement au gouvernement fédéral. Nous avons réclamé et obtenu, avant 1956 du moins, et pour les fois que j'ai assisté à ces congrès, que les représentations soient faites aux gouvernements des provinces.

M. Laporte: Cela fait combien d'années? Excusez-moi, est-ce que votre départ de Montréal relève, remonte à plus de neuf ans?

M. Dozois: Pardon?

M. Laporte: Est-ce que votre départ de l'administration de Montréal remonte à plus que neuf ans?

M. Dozois: 1956.

M. Laporte: Parce que le premier mémoire demandant des subventions, c'est-à-dire des prêts fédéraux aux municipalités, ça fait neuf ans,

M. Dozois: C'est possible. C'est possibie. J'ai dit que j'ai fait, avec des collègues de la province de Québec, des luttes pendant les séances. Je dois vous dire, M. le Président, que ce n'était pas toujours facile, parce qu'au début de ces congrès, il n'y avait pas de traduction simultanée; fallait s'exprimer dans une langue qui n'était pas la nôtre, et nous n'étions qu'une minorité. Je n'en prends pas un crédit personnel. J'ai dit que les députés de la province de Québec ont obtenu des succès, qu'à un certain congrès, ils aient passé outre, c'est possible. Je ne veux pas dire que

nous avons toujours obtenu 100% de satisfaction sur les réclamations que les délégués de la province de Québec pouvaient faire à ce sujet, mais, c'est une incidence à quelques remarques que je veux faire, M. le Président. Je tiens à souligner cependant que la fédération, pour autant que je me rappelle, et d'après ce que j'ai lu dans les journaux, ne demandait pas que cette loi de prêts aux municipalités comporte une partie de subventions, je ne me rappelle pas avoir vu cela.

Donc, d'une part, le premier ministre nous dit qu'il ignorait que cette loi devait comporter des subventions et, d'autre part, la fédération, qui réclamait l'institution d'un fonds municipal par le gouvernement fédéral, ne réclamait pas des subventions. C'est le gouvernement fédéral, M. le Président, qui, pour mieux s'implanter dans un domaine où il n'a pas le droit d'intervenir, a ajouté cette modalité à sa loi et donne une subvention qui équivaut à 16 et deux tiers pour cent du montant des travaux.

Je dis, M. le Président, que c'est un système machiavélique de la part du gouvernement fédéral; il veut tenir ces municipalités dans le creux de sa main, par l'appât des subventions aux municipalités, de façon à garder son emprise et à l'augmenter. C'est ce qu'il y a de plus mal dans cette loi et hier, le ministre des Affaires municipales nous a fait part qu'il avait nommé une commission pour étudier la création d'un crédit municipal.

Je connais M. Lambert, M. Lambert est un expert en finances municipales. Il fait partie de la Commission municipale depuis 1931 ou 1932, je crois; il a été nommé sous le régime Taschereau. C'est un fidèle serviteur de la province, quel que soit le gouvernement au pouvoir, quel que soit le parti au pouvoir, et c'est un homme d'une très haute compétence. Je suis heureux que l'on ait confié l'étude de ce problème sérieux, et qui est une demande de la Chambre, à une commission présidée par M. Lambert. Les autres membres, je ne les connais que socialement. Quant à M. Lambert, c'est un charmant garçon, je sais que c'est un spécialiste de l'impôt sur le revenu. Il est avocat et je ne doute pas qu'il va collaborer efficacement à l'étude de cette question. L'autre, je ne me rappelle pas.

M. Laporte: M. Ostiguy, M. Jean Ostiguy.

M. Dozois: M. Ostiguy est un courtier imminent de Montréal, il est courtier en valeurs et il connaît son affaire.

M. Laporte: Il y a M. Jacques Parizeau, qui est un expert reconnu.

M. Dozois: Oui, lui, il est adjoint, je ne sais pas, son statut est un peu spécial. Mais, M. le Président, si ce comité qui étudiera la création d'un crédit municipal, arrive à suggérer une formule qui, je l'espère, permettra à la province de créer un fonds municipal, un crédit municipal, il faudra nécessairement, M. le Président, que ce crédit, si l'on veut qu'il ait de l'attrait auprès de nos municipalités, comporte également les mêmes avantages que l'offre du gouvernement d'Ottawa, comporte des subventions, il faut que ce crédit provincial, à mon avis, offre autant d'avantages, si l'on veut que nos municipalités soient intéressées. On voit dans quel dilemme nous placera l'attitude du gouvernement central en offrant des subventions aux municipalités, alors que les municipalités ne relèvent pas du gouvernement fédéral; on voi: dans quelle situation elle va placer la province. Or, la province ne demande pas par son bill - et c'est là qu'aurait été important à mon avis, afin de pourvoir à la création possible d'un crédit provincial-municipal, que la province puisse récupérer sa part des taxes qu'Ottawa perçoit pour des fins provinciales. Pour l'application de cette loi, je crois qu'il aurait été plus sage de mettre en vigueur cette idée lancée par le chef de l'Opposition hier, que l'on se serve de la même formule dont le gouvernement de la province s'est servi pour récupérer les subventions aux universités, c'est-à-dire la déductibilité des montants payés en taxes, ou la déductibilité de la taxe de l'impôt sur le revenu.

Là, avec ce revenu supplémentaire, ou cette déductibilité, le gouvernement de la province aurait pu, à mon avis, créer un crédit municipal provincial qui offrirait les mêmes avantages, parce qu'il aurait eu à sa disposition les revenus nécessaires pour être aussi généreux qu'Ottawa veut l'être par son Office du développement et des prêts aux municipalités.

M. le Président, je le dis et le répète, c'est une invasion d'un domaine strictement réservé au gouvernement des provinces, le domaine de juridiction municipale, et je voudrais, pour le signaler davantage - car l'on nous accuse toujours, nous de l'Opposition, de soutenir tout simplement un point de vue contraire de celui que soutient le gouvernement ou les députés du gouvernement - citer une revue que l'on ne taxera pas, j'imagine, de revue politique. Il s'agit de la revue Relations, dans son numéro du mois d'août 1963. Voici ce que Relations écrit à ce sujet, et vous me permettrez, M. le Président, de lire cet article: "De nouveau à Ottawa les libéraux." Sous ce même titre, dans cette revue, au mois de mai, nous avons salué, en éditorial, le retour des libéraux au pouvoir et nous leur avons souhaité courage et lucidité pour affronter les graves problèmes de l'heure. Après trois mois de régime libéral, le même

titre s'impose, mais, chargé cette fois d'une exclamation! De nouveau, à Ottawa, les libéraux! "Car, avec une fidélité déconcertante, le gouvernement libéral actuel, comme si le parti n'avait rien appris durant ses six années dans l'Opposition, a repris la même politique de centralisation et d'intrusion dans les affaires provinciales que les gouvernements libéraux antérieurs, s'inspirant des recommandations de la commission Rowell-Sirois, n'avaient cessé de poursuivre. "Cette fois, le gouvernement fédéral est plus riche de déficit que de surplus. Pour l'année fiscale 1962-1963, il annonce un déficit de $709 millions et il en prévoit un de plus d'un demi-milliard à la prochaine année. Raisons excellentes, penserez-vous, de ne s'occuper que de ses propres affaires! Vous vous trompez! Ottawa, au contraire, comme avant-hier, se lance dans de graves mesures qui touchent au domaine provincial, se crée de nouvelles obligations et recherche de nouvelles occasions de donner de l'argent. Les provinces, à commencer par le Québec, ont beau crier famine, réclamer une plus large part des taxes, faire valoir leurs pressents besoins, surtout dans le domaine de l'éducation, Ottawa ne veut rien lâcher, mais entend se mêler de tout, même de ce qui ne le regarde pas. "La juridiction sur les muinicipalités relève exclusivement des provinces. Ottawa le sait fort bien, il n'en prétend pas moins créer une caisse de $400 millions pour venir en aide aux municipalités. Ce n'est point de ses affaires; le Québec, par la voix unanime de ses députés, proteste en vain et dénonce cette intrusion; le gouvernement libéral fait le sourd et ne change point sa politique de centralisation fiscale et administrative. "Ottawa voudrait saboter les chances d'avenir du fédéralisme au Québec qu'il n'agirait pas autrement. Toutes les enquêtes sur le biculturalisme, tous les progrès du bilinguisme dans les services fédéraux ne parviendront pas à faire accepter au Québec une politique qui vise ainsi à affamer et à asservir son gouvernement. Les seuls à pouvoir profiter d'une politique aussi retardataire sont les séparatistes; on dirait que le gouvernement libéral actuel, tout en les combattant en paroles, tient à leur fournir, par ses actes, des arguments nouveaux et des armes nouvelles".

M. Laporte: Je veux simplement dire que c'est une politique des deux côtés, il ne faut pas essayer à jeter le blâme.

M. Dozois: Non, et je l'ai dit tout à l'heure: même si on acceptait, même si l'on avouait que l'on s'est trompé en 1958, ce n'est pas une raison pour faire pire aujourd'hui. L'on a fait pire.

Pourtant le premier ministre avait l'appui de toute la Chambre en vertu de la résolution adoptée à l'unanimité par cette Chambre. Le premier ministre s'est rendu à Ottawa fort de cet appui. La Chambre a dit, à l'unanimité que ce bill C-76 constitue une atteinte grave à la compétence exclusive et à l'autonomie de la province de Québec en matière d'institutions muinicipales. Cela a été le voeu unanime de la Chambre.

Le premier ministre et le ministre des Affaires muinicipales, à cette conférence fédérale-provinciale, à mon avis, n'auraient pas dû accepter ce compromis, qui est pire que la loi de 1958, parce que c'est une intrusion directe et flagrante, malgré les ententes, malgré le paragraphe 2 de l'article 7, c'est l'intrusion du gouvernement fédéral, quoi qu'en dise le premier ministre, quoi qu'en dise le député de Chambly.

M. Laporte: Le député de Saint-Jacques devrait voir ce qu'en disent les textes de loi.

M. Dozois: M. le Président, si, en 1958, pour parer au chômage, l'on a entrebaillé la porte d'un pouce...

M. Laporte: Vous l'avez ouverte toute grande et à grands coups de pieds.

M. Dozois: Le gouvernement d'Ottawa, quel qu'il soit, profite toujours de ces entrebâillements pour ouvrir la porte toute grande et il l'ouvre avec le bill C-76. Il l'ouvre toute grande et entre de plein pied dans le domaine de l'administration muinicipale.

M. Bellemare: C'est ça!

M. Alma: J'estime qu'avec l'appui de la Chambre, l'appui unanime de la Chambre, le gouvernement actuel aurait pu réclamer un statut différent et non pas de se soumettre aux exigences comme le prévoit l'article 7, car il est limité strictement à la loi et doit obéir à la loi entièrement, à la loi votée par le fédéral et à ses conditions. Et le premier ministre a été mal venu à mon avis, M. le Président, de dire hier que c'est la province qui va déterminer les conditions dans lesquelles les prêts vont se faire.

M. Lesage: Certainement.

M. Dozois: Non, M. le Président, c'est la loi, on est obligé en vertu de l'entente...

M. Lesage: Ce n'est pas vrai, lisez la loi.

M. Dozois: De se limiter aux conditions de la loi, la loi qui est votée par Ottawa, la loi qui va être appliquée par Ottawa.

M. Bellemare: C'est ça!

M. Dozois: M. le Président, j'estime que le gouvernement fédéral est à blâmer sévèrement pour cette intrusion.

On présente ce bill C-76 comme une mesure temporaire pour pallier le chômage, vous saurez me le dire. M. le Président, on crée des appétits et on verra que l'on rendra peut-être inapplicable ou impossible à réaliser la création d'un fonds municipal-provincial, par le fait qu'il y a des subventions ou, du moins, qu'on le rendra trop onéreux pour les provinces. Car il ne faut pas oublier une chose: c'est qu'un fonds municipal-provincial aura un taux d'intérêt plus élevé que les prêts qui seront faits par Ottawa.

Or, l'entrée d'Ottawa d'une façon officielle dans ce domaine municipal ne fera que s'élargir et le gouvernement centralisateur, quel qu'il soit, qu'il soit dirigé par n'importe quel parti, doit plaire à la majorité des provinces qui ne pensent pas comme nous dans ce domaine.

J'estime, M. le Président, que nous venons d'assister par l'adoption du bill C-76 à une autre intrusion dans un domaine qui avait toujours été réservé aux provinces, qui avait toujours été respecté et que le gouvernement fédéral et ceux qui l'ont aidé à réaliser ce projet viennent d'enfoncer un autre clou dans le cercueil de la Confédération.

M. Jean-Jacques Bertrand

M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, il y a eu des mouvements de l'autre côté, j'ai cru que quelqu'un allait se lever, le député de Chambly a fait signe qu'il voulait exercer sa réplique. Peu importe l'endroit où l'on parle, je donnerais les raisons pour que l'on réponde à un autre qui s'est levé et qui ne parle pas, je donnerais tout simplement les raisons pourquoi je suis contre le bill. Je pense bien que le ministre de la Jeunesse devait se lever.

M. Lesage: Non, non, il s'est soulevé de son siège pour me parler à moi.

M. Bertrand (Missisquoi): Très bien. À tout événement, M. le Président, pour parler du bill no 1, je donnerai les raisons pour lesquelles je voterai contre la mesure qui est proposée à l'attention de la Chambre. Pour résumer dès le début, je ne puis approuver l'intrusion du gouvernement fédéral dans le domaine toujours réservé exclusivement aux provinces, à la province de Québec en particulier, celui de la gouverne des institutions municipales.

Deuxièmement, M. le Président, la formule d'option, dont le gouvernement semble se déclarer satisfait, à la suite de la rencontre qui a eu lieu à Ottawa vers la fin de juillet, est de son propre aveu un pis aller, un cheval de Troie, et si le gouvernement de la province de Québec s'est classé dans la position d'accepter un pis-aller et un cheval de Troie, ce n'est pas le rôle de l'Opposition d'agir en collusion avec lui.

Troisièmement...

M. Lesage: Attention à votre rhume!

M. Bertrand (Missisquoi): Non, M. le premier ministre. J'ai rencontré le premier ministre dimanche dernier; il est venu saluer la population de Missisquoi, et les jeunes qui étaient au camp militaire ont été heureux de le rencontrer.

Ma voix était moins bonne dimanche. Elle est meilleure aujourd'hui.

M. Lesage: J'en suis heureux.

M. Bertrand (Missisquoi): Heureusement, je n'ai pas eu de discours à prononcer. Le vôtre était bien.

M. Lesage: Merci, pour une fois.

M. Bertrand (Missisquoi): Vous savez que, quand on trouve occasion de dire du bien, on vous le dit; mais, quand c'est mal, on va vous le dire exactement sur le même ton.

Troisièmement, M. le Président, le gouvernement n'a pas cherché à utiliser d'autres moyens d'obtenir cette coopération, si cette coopération s'imposait pour la solution du problème du financement des travaux municipaux s'imposait, il n'a pas utilisé ou n'a pas recherché à utiliser d'autres moyens pour obtenir la coopération de l'autorité fédérale et en particulier la question que j'ai posée hier au premier ministre pour faire agir la Banque du Canada pour tâcher de régler ce problème immédiat.

M. le Président, voilà le résumé de mes propos, je ne parlerai pas longtemps, M. le Président, de l'intrusion du gouvernement fédéral. Le chef de l'Opposition a fait hier une analyse globale du projet de loi, les notes qui ont été distribuées contiennent tous les arguments de fond à l'encontre de la mesure. Je n'ai pas à les reprendre.

Le député de Saint-Jacques, ce matin, est entré dans plus de détails. Suivant son habitude, qui est excellente, il a analysé ligne par ligne l'article 7, paragraphe 2, du bill C-76, paragraphe qui n'existait pas dans le premier bill qui avait été soumis à l'attention du Parlement du Canada, article qui représenterait ce qu'on appelle la victoire de l'autonomie provinciale. Or, M. le Président, il l'a analysé, je n'ai pas à reprendre ses arguments, je ne ferais que répéter l'excellent discours qu'il vient de

prononcer. On y note, paragraphe par paragraphe, cette intrusion directe ou indirecte, ce cheval de Troie.

Le cheval de Troie, M. le Président, vous savez ce que c'était. Cet énorme cheval en bois que les Troyens ont fait pénétrer à Troie - ici les Québécois l'ont fait entrer à Québec - et qui était habité par des Grecs qui venaient pour s'emparer de la ville. Lorsque l'on parle d'un cheval de Troie, on représente un présent dangereux.

Or, M. le Président, est-ce l'Opposition qui a parlé de cheval de Troie? Est-ce l'Opposition qui, la première, a parlé de présent dangereux? C'est le premier ministre de la province de Québec. Et l'on voudrait que l'Opposition se taise? Et que, devant la mesure qui est présentée par eux-mêmes comme un pis-aller, comme un cheval de Troie, nous soyons là pour tirer sur le cheval, pour accélérer sa course et la faire installer d'une manière permanente dans la province de Québec? Non, M. le Président!

Si je veux M. le Président, des arguments, je n'ai pas besoin de les puiser dans mes notes. Certains des arguments me sont fournis par le ministre des Affaires municipales. Il m'a sauvé d'un discours que j'aurais pu prononcer. J'avais fait comme lui le relevé de l'origine des institutions municipales, l'étude constitutionnelle du problème soulevé par le bill fédéral C-76. Son discours jusqu'au chapitre V intitulé "La Crise", nous a fourni tous les arguments pour voter contre la mesure. Il commence, M. le Président, par analyser l'origine du problème. Il attire notre attention. "Le savoir", dit-il, "n'est pas simple curiosité. On pourra ainsi, peut-être, trouver le moyen d'éviter...

M. Laporte: C'est ça, il faut éviter.

M. Bertrand (Missisquoi): ...que les mêmes causes ne conduisent aux mêmes effets."

Et notre attitude, M. le Président, en disant "non" au gouvernement, c'est de l'aider à éviter justement les effets que le premier ministre reconnaît comme absolument insatisfaisants pour la province de Québec, que les mêmes causes ne conduisent aux mêmes effets. Il admet lui-même que l'action de ces "pressure groupe" finit par convaincre Ottawa ou le gouvernement centrai de violer la constitution.

Nous ne voulons pas contribuer à la violation de la constitution. De là notre attitude à l'endroit du bill que le gouvernement soumet à l'attention de la Chambre.

Je n'ignore pas, M. le Président, qu'à travers tout le pays le ministre, sans les citer, les commentaires de la presse à travers le pays, des opinions de ceux qui partagent l'idée que l'Etat central doit être fort et puissant. Il a parlé de ceux qui préconisent la dimension nationale des problèmes pour confier les pleins pouvoirs au gouvernement fédéral. Il a parlé de ceux-là qui prétendent que parce que le gouvernement fédéral a une responsabilité en matière de lutte contre le chômage, l'on se sert de toutes ces raisons pour contourner les fondements d'un véritable fédéralisme. Il conclut lui-même qu'accepter les opinions de ces gens, c'est nier le fédéralisme.

M. le Président, surtout en ce moment où, dans la province de Québec, nous vouions réviser la constitution canadienne, où - et je prétends qu'ils sont en majorité - les tenants d'un véritable fédéralisme veulent tâcher de convaincre l'opinion majoritaire à travers le pays que l'existence de la fédération et sa survie dépendent du respect intégral d'un véritable fédéralisme qui reconnaît à l'autorité provinciale et en particulier à l'autorité du Québec des pouvoirs souverains et indépendants; en ce moment-même, M. le Président, je ne pourrais pas, par un vote donné en faveur de la mesure qui nous est présentée par le gouvernement comme un pis-aller, comme une mesure qui ne lui donne pas satisfaction, comme un cheval de Troie, je ne pourrais appuyer cette mesure...

M. Laporte: Votre vote de 1958.

M. Bertrand (Missisquoi): J'y arriverai tantôt, M. le Président.

Le discours du ministre, à peu près de la première à la vingt-septième page comporte des raisons qui nous sont fournies par lui de voter contre le bill. Je veux le comprendre. Qu'il ne croie pas que le ton que j'utilise, qui peut parfois être violent, est dirigé contre lui personnellement. Il est ministre, député et ministre, chargé de l'administration d'un département. Il a des problèmes et le gouvernement a des problèmes.

Et l'on sait combien - ce n'est pas moi qui ai inventé la formule - le gouvernement est souvent l'art du compromis; on essaie, autant que possible, que le compromis soit le meilleur, et quand on ne peut pas l'obtenir on prend le compromis qui est un pis-aller, qui est le cheval de Troie; c'est ce que le ministre fait, lui-même l'admet. C'est pourquoi, le jour même où il présente à la Chambre ce projet de loi, qui ne lui plaît pas, je le connais, le ministre...

M. Laporte: Je l'ai dit dans tout mon discours...

M. Bellemare: Cela, c'est vrai...

M. Bertrand (Missisquoi): ...il sent le besoin de consacrer par une institution nouvelle la formation d'un comité chargé d'étudier un crédit municipal sous le contrôle absolu de la province de Québec. Je le

félicite sa deuxième décision; mais je ne suis pas capable de faire la même chose pour le bill no 1 qui est présenté à l'attention des membres de cette Chambre.

M. le Président, voilà pour le discours du député de Chambly.

Voyons maintenant le discours que prononçait le premier ministre le 25 juin 1963. Le premier ministre déclarait ceci: ("J'espère..." - j'ai corrigé même M. Lesage) 25-6-63, 4 h 23 R/22 - ...

M. Lesage: M. le Président...

M. Bertrand (Missisquoi): Je n'y attache, je vais le dire au premier ministre, aucun caractère officiel. Mais étant donné que le texte est plus fidèle que la mémoire peut l'être et puisqu'il rafraîchit ma mémoire...

M. Lesage: Oui, mais...

M. Bertrand (Missisquoi): ...si le premier ministre ne veut pas, on en parlera pas du texte. Le premier ministre déclare que le bill de l'époque constituait une atteinte grave parce qu'il institutionnalisait l'intrusion fédérale. Or, M. le Président, celui qui lit...

M. Lesage: M. le Président, ce que j'ai dit à ce moment, je regrette...

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Lesage: J'invoque le règlement. Je veux rétablir les faits. Ce que j'ai dit, c'est vrai, ce que je reprochais, c'est que l'on voulait institutionnaliser le système commencé par les travaux d'hiver, sous le régime de l'Union Nationale, de relations directes entre les municipalités et le gouvernement fédéral. C'est ça que j'ai dit.

M. Bellemare: Vous n'avez jamais dit cela, jamais!

M. Lesage: Et, M. le Président, je suis allé à Ottawa, j'ai obtenu les amendements nécessaires au bill C-76 pour que j'en sois satisfait.

M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, le premier ministre de la province de Québec déclarait alors, le 25 juin 1963,...

M. Lesage: ...que les municipalités...

M. Bertrand (Missisquoi): ...que l'attente, dans le cas des programmes de travaux d'hiver, est moins grave parce qu'elle n'est pas institutionnalisée.

M. Lesage: C'est cela. Je l'ai répété hier, je l'ai dit hier soir.

M. Bertrand (Missisquoi): Tandis qu'ici, il se référait alors à la loi ayant pour objet de stimuler l'emploi, loi, j'en conviens, qui a été amendée en y ajoutant à l'article 7 le paragraphe 2 et les sous-paragraphes qui ont été méticuleusement analysés par le député de Saint-Jacques.

M. Lesage: Et bien d'autres choses, et bien d'autres amendements.

M. Bertrand (Missisquoi): Et ce bill C-76 institutionnalise l'institution fédérale dans ce domaine. On n'a qu'à examiner, M. le Président, tout le chapitre de l'interprétation: "Loi ayant pour objet de stimuler l'emploi au Canada, grâce à une assistance financière sous forme de prêts aux municipalités afin de leur permettre d'accroître ou d'accélérer leurs programmes de travaux d'équipement." Or, "dans la présente loi, l'expression "office" désigne l'Office du développement municipal et des prêts aux municipalités".

Toutes les définitions, M. le Président, sont là, et on voit que même si l'on veut tenter de laisser croire qu'il s'agit là d'une institution ou d'une loi temporaire, le jour n'est pas loin, M. le Président, où, avec l'appui des groupements à travers le pays, avec l'appui des autres provinces qui n'ont pas la même notion du fédéralisme canadien et de l'État canadien tel qu'il devrait exister, nous verrons le gouvernement central, à la suite de la création d'un ministère des Terres et Forêts, instituer un ministère des Affaires municipales et peut-être, avant longtemps, un ministère de l'Éducation.

M. le Président, le ministre de la Jeunesse sourit et le ministre de la Jeunesse sait fort bien, comme moi d'ailleurs, et comme les autres qu'au Canada, la conception du fédéralisme n'est pas la même pour le Québec que pour les autres provinces canadiennes. Le ministre de la Jeunesse sait fort bien que la création d'institutions du genre de celle que nous avons là, reçoit l'appui en général des autres provinces, des groupements que j'appellerai pancanadiens où le Québec joue immanquablement un rôle minoritaire. Il le sait. Je sais qu'il n'approuve peut-être pas les propos que je tiens de la manière que je les tiens, mais qu'il approuve le fond de l'idée que je viens d'émettre et c'est justement pourquoi, M. le Président, il faudra de plus en plus, si l'on veut éviter l'extrême, qui est l'indépendance, si l'on veut, comme nous le voulons, éviter le centralisme comme le veulent la plupart des provinces du Canada, il faudra que le Québec soit reconnu comme un province qui n'est pas comme les autres car, suivant les mots que le premier ministre du Canada a tenus dernièrement, Québec est plus qu'une province, c'est la mère patrie de toute une

nation. Il faudra, M. le Président, que l'on finisse par accorder, à l'occasion de la révision de la constitution canadienne, un statut spécial et particulier à la province de Québec dans la fédération canadienne.

M. le Président, intrusion dans le domaine des institutions municipales, formule d'option qui, de l'aveu même du gouvernement, constitue un pis-aller, un cheval de Troie, et le gouvernement n'a pas recherché à utiliser d'autres moyens d'obtenir, s'il le fallait absolument, la coopération des autorités fédérales.

Le premier ministre s'est rendu à Ottawa en 1960, il y a exactement un peu plus de trois ans. Il a représenté la province de Québec. Il y a lu un texte où il analyse les problèmes du Québec...

M. Lesage: Je n'ai pas lu de texte. Cela a été pris en sténographie...

M. Bertrand (Missisquoi): C'est parce qu'on le dit dans le compte rendu de la conférence fédérale-provinciale de 1960.

M. Lesage: C'est parce que je parlais en français. Ce n'est pas une traduction. C'est ça que ça veut dire. C'est par opposition au mot "traduction" et non pas au mot "papier". Cela veut dire que c'est imprimé dans la langue dans laquelle je me suis exprimé.

M. Bertrand (Missisquoi): Alors, cette improvisation, si elle était telle, est meilleure que l'improvisation faite par le premier ministre hier soir!

M. Lesage: Évidemment, ça vous faisait moins mal!

M. Bertrand (Missisquoi): Hier soir, ça m'a fait rire.

M. Lesage: Je me suis entendu avec le chef de l'Opposition pour ajourner à une heure moins quart.

M. Bertrand (Missisquoi): Je continuerai à deux heures trente.

M. Lesage: Je n'ai aucune objection. Je n'ai pas un mot à retrancher.

M. le Président: À l'ordre, messieurs! La séance est suspendue jusqu'à deux heures et demie.

Reprise de la séance à 2 h 35 P.M.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, avec votre permission, je vais essayer de reprendre les guides du cheval de Troie...

M. Laporte: "De Troie ou meurs".

M. Bertrand (Missisquoi): Crois ou meurs?

M. Laporte: "Troie ou meurs'"...

M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, ce matin, en terminant mes remarques à l'occasion de l'ajournement, j'étais en train de rappeler que le premier ministre, lorsqu'il est devenu le chef du gouvernement en 1960, s'est rendu à Ottawa, à la conférence fédérale-provinciale et là, sans texte ou avec texte - mais le compte rendu déclare que c'était avec texte et, d'ailleurs, je peux lui dire qu'il parle assez bien quand il a un texte -il a fait une revue de l'ensemble des problèmes de la province de Québec en appuyant son texte sur je dirais l'essentiel du rapport Tremblay qu'il avait apporté avec lui pour le déposer sur la table de manière, disait-il, que toutes les provinces canadiennes, alors représentées par leurs premiers ministres, puissent lire le rapport, l'analyser, s'en inspirer pour mieux comprendre les problèmes de la province de Québec et mieux comprendre également pourquoi la province de Québec était différente des autres provinces canadiennes.

Or, le premier ministre, à ce moment-là, a parlé des emprunts provinciaux et municipaux et je le cite, à la page 34 du rapport de la conférence tenue les 25, 26 et 27 juillet 1960. Après avoir analysé les difficultés des gouvernements provinciaux et municipaux, après avoir analysé également la situation dans laquelle se débattent les provinces et les municipalités, il disait ceci: "Cette situation est une source de difficultés considérables pour les provinces et les municipalités qui se trouvent placées ainsi dans une position beaucoup moins favorable que les sphères correspondantes de gouvernement aux États-Unis et même que les grandes sociétés commerciales du Canada."

Et, il ajoutait: "Bien que la loi autorise expressément la Banque du Canada à escompter les valeurs provinciales, la Banque du Canada, se limite, dans ses opérations, à la vente et à l'achat d'obligations et de bons du trésor fédéral. "Cette attitude, déclare-t-il, donne au gouvernement un avantage marqué pour drainer l'épargne de la nation et lui permet l'accès à une source de financement qui n'est pas accessible aux provinces et aux municipalités."

M. le Président, hier, pendant que le premier ministre parlait, au moment où le chef de l'Opposition lui suggérait une modalité pour aider au financement qu'il a

appelé l'exemption d'impôts pour les acheteurs d'obligations, j'ai demandé au premier ministre s'il avait cherché à obtenir dans sa demande de coopération avec les autorités fédérales, que l'autorité fédérale mette à la disposition de la province de Québec les services de la Banque du Canada qui joue un rôle dans le domaine du crédit au Canada, et qui doit jouer ce rôle non seulement pour l'État central, mais qui doit jouer le rôle également pour l'ensemble de l'État canadien et, en particulier, de la province de Québec.

M. le Président, lorsque j'ai déclaré tantôt que l'on n'avait pas recherché tous les moyens pour empêcher l'intrusion du gouvernaient fédéral, j'ai attiré l'attention sur le fait qu'on n'a pas utilisé une institution qui, de par la constitution canadienne, relève, j'en conviens, de l'autorité centrale et avec laquelle on aurait évité que le gouvernement fédéral, sous le couvert d'aider les provinces par son crédit, par les prêts aux municipalités que l'autorité centrale, par une institution qui est de son ressort, aide au financement des municipalités dans la province de Québec.

M. le Président, le rapport Tremblay a servi, je n'en ai aucun doute, de base à la déclaration du premier ministre lors de la conférence fédérale-provinciale de 1960. Ce rapport Tremblay, j'invite les membres de cette Chambre et les journalistes qui sont toujours heureux de faire des commentaires sur les grands problèmes de l'actualité, à en lire le tome I et le tome Il, aux pages 263 et suivantes, sur le rôle qui peut être joué par la Banque du Canada.

M. le Président, il y en a qui prétendent - et c'est justement ce à quoi le rapport Tremblay a surtout répondu - il y en a qui ont prétendu, à la suite du rapport Roweli-Sirois, que ce nouveau fédéralisme qui était prôné par le rapport Rowell-Sirois - où l'on voulait faire jouer à l'État central un rôle de plus en plus fort et puissant, surtout au sujet de la politique financière et anticyciique - l'on a prétendu, dis-je, que seule l'autorité centrale possédait les pouvoirs pour agir dans ce domaine à l'occasion de crises nationales ou de périodes de régression.

M. le Président, il est clair, et le rapport Tremblay analyse cette situation, que les provinces et les municipalités sont de meilleures créatrices d'emplois que ne peut l'être l'autorité centrale. Il est clair que les provinces et les municipalités, la province de Québec, en particulier, sont de meilleurs agents d'investissement par le rayonnement de toutes les activités provinciales suivant la constitution, et en particulier, l'article 92: travaux publics, voirie, domaine de l'éducation, domaine municipal.

Il est clair que le champ d'action de l'autorité provinciale est très étendu et très diversifié, mais pour que son action soit efficace, pour que l'action de l'État provincial, pour que l'action du gouvernement municipal soit efficace, il faut deux conditions. Il faut d'abord disposer des revenus suffisants et les plus stables possible, et, M. le Président, ce n'est pas moi qui blâmerais le gouvernement d'avoir créé la commission chargée de l'enquête sur la fiscalité dans la province de Québec; au contraire, nous avons appuyé cette mesure du gouvernement de manière que l'on parvienne à une délimitation des pouvoirs de taxation, de manière que les municipalités puissent jouir de sources de revenus suffisants et plus stables. Mais, en période de régresssion, M. le Président, il faut que les provinces autant que les municpalités puissent avoir accès au crédit et puissent facilement vendre leurs obligations; et, dans ces moments, elles sont tenues de recourir au marché public.

Or, M. le Président, le rôle que la Banque du Canada joue à l'endroit de l'autorité centrale du gouvernement d'Ottawa, elle devrait le jouer à l'endroit de l'autorité provinciale, dans le domaine qui nous concerne ici, celui, de l'autorité provinciale québécoise.

M. le Président, je n'ai pas l'intention de vous donner lecture de ces pages fort intéressantes que j'ai déjà indiquées, mais que l'on me permette tout simplement de lire ceci, à la page 267: Étant donné son rôle primordial dans le fonctionnement de l'économie et le concours que les provinces ont normalement le droit d'en attendre, il serait hautement désirable que le régime administratif de la Banque du Canada soit modifié de façon à faire de cette institution, non comme c'est le cas à l'heure actuelle, la banque du gouvernement fédéral ou du gouvernement central, mais la banque de l'État canadien".

Car, M. le Président, il y en a trop qui oublient que l'État canadien n'est pas un État unitaire. L'Etat canadien est un État fédéral, et l'État canadien complet comprend le gouvernement central et les gouvernements des provinces, et, dans chaque cas, ce sont des gouvernements exerçant souverainement les pouvoirs qui leur sont attribués exclusivement par la constitution canadienne. Et je continue la citation: "Pourquoi, demandent les commissaires, les provinces, parties constituantes de l'État, et gouvernements autonomes de Sa Majesté au même titre que le gouvernement central, n'auraient-elles pas leur mot à dire dans l'administration d'une institution dont le concours leur est indispensable?"

M. le Président, ce ne sont pas des membres d'un parti politique, ce sont des gens intéressés qui, comme commisaires, ont écrit dans le rapport Tremblay que l'État provincial devait obtenir le concours de la Banque du Canada. Et l'on continue: "Il ne

s'agit pas de minimiser la juridiction du gouvernement central en matière de monnaie et de crédit, mais simplement de fournir aux provinces le moyen d'exprimer leur vue dans l'application de la politique décrétée par le gouvernement fédéral, politique dans laquelle, tout en subissant les effets, elles ont un rôle très important à jouer".

M. le Président, voilà les quelques remarques que j'avais à faire à l'occasion du bill no 1. Le bill no 1 est un accessoire, dont le principal est le bill C-76. Or, M. le Président, là où la juridiction provinciale du Québec, en particulier, est principale, je ne voterai pas pour une mesure qui n'est que l'accessoire d'un principal qui n'appartient pas au gouvernement, qui a adopté le bill C-76. Le bill no 1 est un appendice, le bill no 1 est un accessoire, le bill no 1 est une remorque du bill C-76.

Or, M. le Président, dans tout fédéralisme bien compris, qui est un fédéralisme non seulement de mots, mais un fédéralisme de droit et de fait, il y a un partage du pouvoir législatif, exécutif et judiciaire entre le gouvernement central et les gouvernements provinciaux, de telle façon que chacun des deux ordres de gouvernement puisse exercer sa pleine souveraineté dans son domaine et soit indépendant l'un à l'égard de l'autre.

Les conditions de ce fédéralisme, c'est que l'on ait des attributions exclusives, limitées et souveraines.

Or, M. le Président, lorsque le gouvernement de la province de Québec, après avoir effectué une nationalisation des compagnies d'électricité dans la province - à laquelle j'étais favorable et le demeure -lorsque le gouvernement de la province de Québec a emprunté $300,000,000, il n'a pas eu de permission à demander à qui que ce soit. Mais, lorsqu'il s'agit de $300,000,000 et que, par le bill 76, une municipalité, sous le régime de la présente loi, demandera un prêt d'un montant de $5,000,000 ou plus, l'office devra obtenir à ce sujet, non pas l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil de la province de Québec, mais l'approbation du gouverneur en conseil du Parlement canadien.

Une voix: Honte!

M. Bertrand (Missisquoi): Et j'appelle ça l'article 10 du bill C-76, M. le Président.

Une voix: En 1958.

M. Bertrand (Missisquoi): Les conditions du fédéralisme bien compris sont l'attribution exclusive, limitée et souveraine, et l'absence, deuxièmement, de contrôle d'opportunité. Est-il opportun, oui ou non, d'aider les municipalités?

Suivant un véritable fédéralisme, il n'appartient pas à une autorité à laquelle la constitution canadienne n'accorde aucun pouvoir de décider s'il est opportun ou non de l'aider. Le véritable fédéralisme empêche justement ce contrôle de l'opportunité par l'autorité fédérale. C'est à la province de Québec qu'il appartient de légiférer, c'est à la province de Québec que la constitution accorde, mais exclusivement le pouvoir de légiférer, M. le Président. Lorsque l'on parle du domaine de l'éducation, où l'on dit que la compétence de l'autorité provinciale est exclusive, "exclusive" veut dire qu'elle est la seule à exercer l'autorité dans ce domaine, "exclusive" dit donc que l'autorité centrale n'a absolument aucun pouvoir. Et l'on sera surpris après que l'on dise "non"? Mais on dit: "Non".

Par contre, M. le Président, on conviendra que nous ne faisons pas que dire non. Le rôle de l'Opposition peut s'arrêter là. Critiquer, c'est son droit et c'est son devoir. Surveiller, c'est son droit et c'est son devoir, et suggérer également. Et qui fera un reproche à l'Opposition qui, depuis trois ans , à l'occasion de chacune des mesures qui sont présentées en cette Chambre, suggère au gouvernement des amendements et suggère d'autres moyens d'atteindre les mêmes buts?

M. le Président, le député de Saint-Jacques et le chef de l'Opposition ont fait des suggestions au gouvernement. J'en ai fait une. Le premier ministre m'a répondu hier qu'il avait rencontré un haut fonctionnaire de la Banque du Canada. S'il en a rencontré un, ce n'était pas suffusant. Lui, ministre des Afffaires fédérales-provinciales, lui, ministre des Finances dont l'expérience a été acquise à Ottawa et qui connaît le maniement de ces institutions et qui connaît ces institutions qui relèvent de l'autorité centrale, avec l'expérience acquise, avec la diplomatie dont il sait faire preuve, j'aurais voulu, M. le Président, qu'il discute de ce problème des relations de la Banque du Canada avec les autorités provinciales, qu'il le discute lors de la conférence fédérale-provinciale avant d'accepter le bill 76. Car, M. le Président,...

M. Lesage: M. le Président, je viens d'entrer en Chambre, j'étais pris avec un visiteur, mais est-ce que le député de Missisquoi prétend que l'acceptation du bill 76, par la présentation du projet de loi, a été antérieure à la conférence?

M. Bertrand (Missisquoi): Non, non, elle a été après postérieure.

M. Lesage: Elle est venue après. Alors, j'ai rencontré tous les ministres et j'ai discuté, non seulement publiquement à la conférence, mais...

M. Bertrand (Missisquoi): Ce n'est pas

au sujet du bill 76. Je veux dire au premier ministre qu'hier je lui ai posé une question au sujet du rôle possible de la Banque du Canada. Le premier ministre m'a dit qu'il avait rencontré un haut fonctionnaire de la Banque du Canada...

M. Lesage: Out.

M. Bertrand (Missisquoi): Il n'a pas donné plus de détails. J'ignore si les renseignements qu'on lui a communiqués alors étaient des renseignements confidentiels.

M. Lesage: Je l'ai dit. Les renseignements qui m'ont été communiqués par ce haut fonctionnaire de la Banque du Canada étaient strictement confidentiels et les raisons qu'il m'a données sont telles que j'en suis venu à la conclusion qu'il n'y avait aucun espoir, dans le moment, pour des raisons, il me semble, que je n'ai pas besoin d'expliquer publiquement, mais que tout le monde peut comprendre, qu'il n'y avait pas moyen, dans le moment, d'en arriver à une telle décision de la part des autorités de la Banque du Canada. Que l'on pense un peu à la situation monétaire au Canada, la situation du crédit fédéral.

M. Bertrand (Missisquoi): Le premier ministre conviendra qu'il me soit difficile d'analyser les raisons, si, les raisons étant confidentielles, il ne peut pas me les donner.

M. Lesage: Je ne suis pas libre de donner des chiffres qui m'ont été donnés sur la base strictement confidentielle par un haut fonctionnaire de la Banque du Canada. Mais, simplement, je demande à la Chambre de prendre ma parole et j'ai dû en venir à la conclusion qu'il n'y avait absolument rien à faire dans le moment.

M. Bertrand (Missisquoi): Le premier ministre pourra être satisfait des raisons qui lui ont été données confidentiellement par un haut fonctionnaire de la Banque du Canada. Il conviendra que l'Opposition, elle, n'étant pas satisfaite, n'accepte pas que la seule démarche du premier ministre de la province de Québec, au sujet du moyen que je suggère, qui est conforme à la constitution canadienne, n'acceptera toujours pas que l'on croit que ses démarches ont été suffisantes. Ses démarches ont été faites auprès d'un haut fonctionnaire. Or, M. le Président, le ministre des Affaires fédérales-provinciales de la province de Québec communique avec l'autorité là-bas, qui est le premier ministre et le Cabinet fédéral, mais non pas avec un haut fonctionnaire.

M. le Président, je termine.

J'ai donné les raisons. Il est clair - et ce problème posé par le bill no 1, par le bill C-76, atteste une fois de plus à l'évidence, lorsqu'on lit les commentaires des journaux publiés à travers le pays et qu'a utilisés le ministre des Affaires municipales - il est clair, dis-je, qu'il y en a qui, malheureusement, n'ont pas compris, ne veulent pas comprendre, sont sourds et ne veulent pas réaliser que le Québec, pour paraphraser les propos de Lord Carnarvon, il y a près de cent ans: "Est jaloux et fier à bon droit de ses coutumes et de ses institutions, qu'il y est attaché et qu'il ne demeurera dans l'Union canadienne qu'avec la claire entente qu'il les conservera."

J'ai déjà dit, M. le Président, que j'étais canadien. Mais quand donc voudra-t-on comprendre, suivant ces propos de Murray G. Ballantyne que je cite en anglais: "When will our English-speaking friends ever understand the French Canadians and accept wholeheartedly that they are very different, that they have a perfect right to be themselves and therefore different and that this difference is a good thing and an enrichment of our own national life?" C'est M. Ballantyne qui le dit.

On lit dans les journaux des propos comme ceux-là, qui ont paru dans le Toronto Globe and Mail et dans le Toronto Telegram: "Quebec cannot block progress." Pour eux, "progress", c'est celui-là qui est déterminé et organisé par l'autorité centrale. Pour nous, le progrès véritable de la province de Québec, le progrès que nous recherchons, que nous rechercherons tant et aussi longtemps que le gouvernement agira dans la bonne voie, que nous appuierons, c'est celui-là qui sera d'abord et avant tout dans les limites constitutionnelles sous le contrôle et l'absolue souveraineté de l'autorité provinciale et du Parlement de Québec.

M. Paul Gérin-Lajoie

M. Gérin-Lajoie: M. le Président, je me plais à reconnaître que le député de Missisquoi a fait un discours d'une grande éloquence. Comment ne pas reconnaître avec lui que, dans les relations interprovinciales tout comme dans les relations au foyer, "difference is a good thing"?

Mais, M. le Président, la grosse question est évidemment de savoir comment marier ces différences, comment les réconcilier. Bien sûr, si, au foyer, il faut des différences d'ordre physique comme d'ordre spirituel, cela existe à l'intérieur d'un pays et cela existe à l'intérieur du monde entier.

Pour revenir sur un terrain beaucoup plus concret, je vous avouerai qu'en entendant tout à l'heure le député de Missisquoi dire "je voterai contre le bill no 1", je me suis demandé s'il irait dans son comté faire une grande campagne publique pour inviter les municipalités à ne pas se prévaloir en aucune façon du bill no 1 lorsqu'il aura été adopté par cette Assemblée

législative.

M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, je soulève un point de règlement, si le ministre me le permet. Quand une loi est adoptée par le Parlement de Québec à la majorité de ses députés, elle devient la loi de la province et je ne serai pas de ceux qui empêcheront l'exécution et l'application d'une loi. J'ai le droit d'exprimer mon opinion, c'est même mon devoir comme législateur et ce n'est pas la présence en Chambre d'une majorité qui sûrement nous battra qui m'empêchera d'accomplir mon devoir.

M. Gérin-Lajoie: M. le Président, je prends bonne note des paroles du député de Missisquoi. Je reconnais sa sincérité habituelle, mais je me demande en quoi cela pourrait aider les municipalités de la province à voter unanimement contre le bill no 1 à la présente session de la Législature. Le député de Missisquoi a évidemment formulé des considérations qui, pour un grand nombre, sont très justes et avec lesquelles nous pourrions être entièrement d'accord si elles étaient situées hors du contexte du débat du bill no 1; nous sommes entièrement d'accord sur les grands principes d'ordre constitutionnel qu'il a formulés, mais je crois que nous avons tous le devoir, comme législateurs, comme chargés du bien commun de la population de cette province, d'envisager la situation bien concrètement, à la lumière des contingences humaines, des contingences québécoises et des contingences canadiennes.

La question qui se pose à l'heure actuelle est celle, précisément, de savoir si la province de Québec peut obtenir du gouvernement fédéral des conditions qui lui permettent de participer, et de participer sans renoncer à ses droits et privilèges constitutionnels auxquels il tient comme à la prunelle de ses yeux, à un projet fédéral qui est destiné dans son esprit à aider les municipalités de notre province et, par là, toute la population.

Il faut bien se rendre compte que nous vivons dans un contexte constitutionnel donné, qu'on l'aime ou non. Unanimement, cette Chambre a convenu de former un comité parlementaire d'étude des questions constitutionnelles; unanimement, nous avons nommé des membres de cette Chambre pour siéger à ce comité qui a déjà, d'ailleurs, amorcé son travail. Je crois bien que personne en cette Chambre ne discutera de la nécessité de réexaminer aujourd'hui les bases sur lesquelles la Confédération canadienne a été établie en 1867 et s'est développée jusqu'à ce jour.

À la veille du jour où nous serons appelés à célébrer, espérons-le, le centenaire du régime constitutionnel canadien, formulons l'espoir que nous puissions trouver, d'accord entre tous les Canadiens, d'un coin à l'autre du pays, des bases nouvelles pour assurer un régime de vie qui convienne à l'avenir, pour les prochains cent ans peut-être, à toutes les parties du Canada, différentes de par leur histoire, différentes de par leurs conditions sociologiques et économiques, différentes de par les perspectives qu'elles prennent sur l'avenir, de vivre selon leurs exigences propres, mais quand même dans une véritable communauté humaine.

En dépit du fait que nous sommes ainsi unanimes à désirer la révision du régime confédératif canadien, nous sommes aujourd'hui, au mois d'août 1963, devant une situation constitutionnelle déterminée, devant une situation constitutionnelle qui donne au gouvernement fédéral une responsabilité X dans le domaine du chômage et de la lutte contre le chômage. Nous sommes devant une situation constitutionnelle qui donne en exclusivité au Parlement fédéral juridiction en matière d'affaires bancaires et de crédit.

Nous sommes, M. le Président, devant une situation où le gouvernement et le Parlement du Canada ont décidé, dans l'exercice de leurs responsabilités, disent-ils, de prendre les dispositions pour combattre le chômage, pour aider les corps publics qui sont le plus près du peuple à établir un programme de travaux publics qui constitue une arme, et une arme importante, pour combattre le chômage qui sévit depuis quelques années de façon aiguë à travers tout le Canada et au Québec de façon encore plus aiguë que dans d'autres provinces du Canada, et cela pour des raisons sur lesquelles je n'ai pas à m'étendre en ce moment et qui remontent bien loin en arrière.

Devant une telle situation, le gouvernement fédéral a conçu un projet qui a été consigné dans un bill C-76, mais pas celui que nous avons devant nous aujourd'hui, qui a pour titre: "Loi ayant pour objet de stimuler l'emploi au Canada grâce à une assistance financière sous forme de prêts aux municipalités afin de leur permettre d'accroître ou d'accélérer leur programme de travaux d'équipement".

M. le Président, je n'ai pas l'intention de faire ce retour en arrière qui a été fait si brillamment par le ministre des Affaires municipales hier et par le premier ministre lui-même.

Ils ont tous les deux rappelé des lois antérieures, des décisions administratives et parlementaires prises avant 1963 et avant 1960. Personnellement, je suis de ceux qui croient que, malgré les grands discours que nous avons entendus depuis nombre d'années sur l'autonomie provinciale, les gestes posés à cette même époque n'ont pas toujours été conformes aux discours et aux professions de foi qui ont été prononcés. Quand on a parlé de cette loi de 1958, en ce qui concerne les

travaux d'hiver et l'aide fédérale à ces travaux, loi qui prévoyait des relations directes entre le gouvernement fédéral et les municipalités, je crois que lorsqu'on se contente de simples retours en arrière, sur cette loi en particulier, on a suffisamment rappelé que les gestes étaient bien souvent très loin d'être conformes à ces professions de foi qu'on faisait avec une grande éloquence et parfois beaucoup de sentimentalité. Mais nous sommes en 1963, je m'évite ce retour en arrière qui a été fait par d'autres et sur lequel je n'ai pas l'intention de revenir.

Le gouvernement fédéral a établi un projet de programme pour venir en aide aux municipalités en leur permettant d'avoir à leur disposition les sommes d'argent nécessaires pour poursuivre des travaux qui leur permettraient d'atteindre deux buts: le premier, celui de combattre le chômage en donnant de l'emploi aux citoyens de leurs municipalités et, accessoirement, mais de façon très importante, de poursuivre ainsi des travaux qui sont depuis de nombreuses années considérés essentiels à l'hygiène publique et au développement de la vie communautaire, particulièrement sur le plan municipal.

Ce premier projet fédéral consigné dans le bill 76, tel que d'abord présenté au Parlement fédéral, constituait aux yeux de cette Législature ou de cette Assemblée législative tout entière une atteinte aux droits des provinces tel qu'en fait foi cette résolution adoptée unanimement par cette Chambre, dans les derniers jours de la session qui s'est terminée au mois de juillet dernier.

Fort de cette résolution, le gouvernement du Québec, par sa délégation dirigée par le premier ministre à une conférence fédérale-provinciale à Ottawa, a fait valoir le point de vue du Québec, point de vue d'une province pas comme les autres, mais point de vue, dans ce cas-ci, quand même partagé par un grand nombre d'autres provinces du Canada au point que l'attitude du gouvernement du Québec a servi, je dirais, de point de ralliement aux délégations de la presque totalité des autres provinces du Canada dont les délégués se trouvaient présents à Ottawa.

Et l'un des points fondamentaux mis de l'avant par la délégation du Québec était que les institutions municipales relevant, en vertu de la constitution de 1867, exclusivement des Législatures des provinces, il n'appartenait pas au gouvernement du Canada d'établir des lois et de prendre des dispositions susceptibles d'intervenir directement dans les affaires municipales et que si le gouvernement et le Parlement du Canada avaient, par ailleurs, des responsabilités en matière de chômage ou de lutte contre le chômage, avaient aussi des responsabilités en matière d'affaires bancaires, il appartenait au Parlement du Canada d'assumer ses responsabilités dans ces domaines sans pour autant contrevenir à la responsabilité et à la juridiction exclusives des Législatures provinciales en matière d'institutions municipales.

C'est dans cette perspective que la conférence s'est déroulée, que la province de Québec a fait ses représentations, que d'autres provinces ont emboîté le pas et que, finalement, un accord est intervenu, accord en vertu duquel le gouvernement fédéral, responsable du crédit et des banques, responsable dans une mesure déterminée de la lutte contre le chômage, utiliserait ses pouvoirs et ses moyens pour mettre à la disposition des provinces qui, elles, à leur tour, pourraient mettre à la disposition des municipalités qui relèvent d'elles et d'elles uniquement, les moyens financiers pour lutter contre le chômage et faire des travaux qui s'avèrent aujourd'hui, et depuis longtemps, essentiels au point de vue de l'hygiène publique, au point de vue du progrès de la vie communautaire sur le plan municipal.

Voilà l'ensemble des principes qui ont guidé la conférence à la suite des représentations du gouvernement du Québec et qui ont conduit la conférence à adopter ce qui se trouve dans le bill C-76 tel qu'adopté par la Chambre des communes le 2 août 1963, et en particulier cet article 7, paragraphe 2, avec ses sous-paragraphes. En vertu de ces dispositions, ce sont les provinces, en ce qui concerne le Québec, c'est la Législature du Québec, et une fois que la Législature se sera prononcée sur un projet de loi, ce seront les institutions gouvernementales du Québec et plus particulièrement le ministre des Affaires municipales ou les institutions dépendantes du ministre des Affaires municipales qui auront la responsabilité d'administrer - je dis bien d'administrer - ces dispositions législatives en vertu desquelles des sommes d'argent sont mises à la disposition des municipalités pour les fins mentionnées.

Eh bien, M. le Président, c'est dans cette perspective que le premier ministre a conclu hier son discours en disant qu'il était revenu de la conférence fédérale-provinciale en disant: Mission accomplie! "Mission accomplie", simplement parce que l'autonomie provinciale sur les municipalités a été entièrement sauvegardée et respectée, parce que l'autonomie provinciale sur les gouvernements municipaux est maintenant confirmée par ce bill C-76 tel qu'adopté en faisant dépendre de la volonté, et de la volonté exclusive du gouvernement provincial, les modalités en vertu desquelles les prêts seront faits aux municipalités.

Je sais que nos amis d'en face - je les ai bien écoutés - ont fait grand état de certaines prescriptions qui se trouvent dans

le bill C-76; mais ces prescriptions qui se trouvent dans le bill C-76, celles qui déterminent, par exemple, les entreprises pour lesquelles les prêts et les subventions seront accordés, ces prescriptions qui déterminent les conditions auxquelles le gouvernement fédéral accordera la remise de 16 2/3% de la valeur des travaux, ces prescriptions sont le résultat d'un accord entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces. Pour autant que les prescriptions sont expressément formulées et déterminées dans ce projet de loi, elles ne sont pas le fruit de la volonté exclusive, unilatérale du gouvernement fédéral, elles sont le fruit d'une entente intervenue à une conférence fédérale-provinciale et d'une entente intervenue dans un domaine où il y a compétence concurrente, où il y a juridiction commune de la part du Parlement du gouvernement d'Ottawa et de la part des Législatures et des gouvernements des provinces.

Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, la compétence du gouvernement du Canada en matière bancaire, en matière de lutte contre le chômage, établit précisément que, lorsqu'il s'agit de prêts, et je crois bien les paroles du député de Missisquoi qui, lui-même, confirme ce que j'avance. Ce que le député de Missisquoi proposait, c'était un pas en avant dans un régime de juridiction concurrente puisque le député de Missisquoi proposait que la Banque du Canada prête aux provinces, que la Banque du Canada soit au service des gouvernements provinciaux, que les gouvernements provinciaux interviennent dans les affaires de la Banque du Canada par une modification de la constitution de cette banque jusqu'ici unilatérale.

Ce que le député de Missisquoi propose, c'est l'établissement d'une juridiction commune, c'est l'établissement d'une juridiction concurrente, ce qui est bien loin d'une juridiction exclusive du gouvernement provincial. M. le Président, de cet aveu même du député de Missisquoi, je conclus qu'il était nécessaire pour le gouvernement de la province et le gouvernement fédéral, qu'il ont tous les deux et concurremment une junaiction en matière de lutte contre le chômage, d'en arriver à un accord qui respecte l'esprit et la lettre de la constitution. Cet accord n'est pas l'idéal, bien entendu, je l'ai dit, au début de mes remarques, pour un groupe qui aspire à une autonomie la plus complète possible, un groupe qui, s'il écoutait ses aspirations intimes, désirerait profondément l'autonomie complète, pour ne pas dire l'indépendance. Mais ce groupe est bien conscient de la constitution en vertu de laquelle il existe depuis plusieurs décennies, pour ne pas dire un siècle, conscient de la solidarité de ses intérêts et de ses besoins avec d'autres secteurs du Canada et en attendant qu'une modification soit apportée à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et aux autres dispositions qui régissent notre régime constitutionnel, en attendant pareilles modifications, il est conscient de la nécessité de travailler de concert pour le bien de la population de la province de Québec, tout en respectant l'esprit et la lettre de cette constitution à laquelle nous devons tous tenir, que nous soyons responsables de l'administration publique au sein du gouvernement fédéral ou au sein du gouvernement de l'une ou l'autre des provinces de notre pays.

M. le Président, personne ou aucun de ceux qui ont adressé la parole de ce côté-ci de la Chambre depuis le début de ce débat sur le bill no 1, n'a exprimé l'avis qu'il s'agissait, dans ce projet de loi, d'une formule idéale, d'une formule parfaite; mais il s'agit, nous en sommes convaincus, de la formule la meilleure que nous pouvions trouver dans les circonstances - je dis bien "circonstances" - du Canada dans son ensemble, du Québec vivant sous la constitution qu'on connaît, la formule la meilleure dans les circonstances que nous puissions trouver dans l'intérêt des citoyens et même de notre province.

L'époque où les gouvernements du Québec pouvaient se contenter de dire "Non" et un "non" pur et simple aux autorités fédérales, l'époque où les gouvernements du Québec pouvaient se contenter de dire: "Non, nous ne voulons pas de votre argent, distribuez-le, distribuez-le partout au Canada, dans les neuf autres provinces, nous du Québec nous sommes au-dessus de nos affaires, nous ne voulons pas de votre argent, notre peuple est si riche, nos institutions sont si florissantes, notre standard de vie est si élevé, nous n'avons pas besoin de votre argent", ces temps sont révolus, M. le Président.

Notre population ne permet plus qu'un gouvernement du Québec se contente de dire "non". Nous sommes à une époque où la population du Québec, où ce qu'on appelle les corps intermédiaires aussi dans le Québec, institutions municipales ou autres, exigent du gouvernement du Québec qu'il trouve un modus vivendi au Canada, un modus vivendi acceptable pour notre population qui respecte nos institutions, mais un modus vivendi quand même, tout comme, sur le plan international, tous les pays du monde ont le devoir de trouver des modus vivendi plutôt que de recourir aux guerres, plutôt que de recourir à la force, parce que, entre humains, nous avons le devoir non seulement de sauver les vies humaines, mais de maintenir un régime de paix, un régime qui permette aux populations de se développer et d'être témoins d'un progrès toujours plus grand, même si cela exige un certain renoncement à des ambitions

personnelles ou à certaines ambitions régionales.

M. le Président, je terminerai simplement en insistant sur le fait que l'entente, en somme, à laquelle en est venu le gouvernement du Québec à cette conférence fédérale-provinciale est d'abord un pas énorme en avant dans la voie de la réintégration de l'autonomie provinciale pour le Québec. Un pas important en avant.

M. Bellemare: Un pas en avant de reculons.

M. Gérin-Lajoie: Je crois que le ministre des Affaires municipales et le premier ministre ont suffisamment montré jusqu'à quel point ce projet de loi constitue un pas et un pas de géant en avant sur la loi de 1958, loi qui permettait l'intervention fédérale directe dans les affaires municipales, un pas en avant, qui est, M. le Président, un gage de la détermination du gouvernement actuel à poursuivre sa marche en avant, à réintégrer pas à pas, point par point, l'autonomie provinciale que, vous me permettrez de le dire en baissant le ton, on a laissée aller au gré de discours patriotards pendant trop longtemps.

Je termine, M. le Président, en ce qui concerne la nécessité pour le Québec d'avoir des instruments supplémentaires pour assurer son autorité et sa juridiction effectives dans les domaines qu'énumèrent l'article 92 de la constitution - moyens supplémentaires, en particulier, en ce qui concerne le crédit, en ce qui concerne les ressources fiscales en général, en disant mon accord sur la nécessité de reprendre possession de ces moyens qui sont nécessaires à l'exercice effectif des pouvoirs de 92, j'en suis.

Pendant que nous poursuivons cette marche en avant, pendant que le comité parlementaire sur la constitution poursuivra ses travaux, pendant que le gouvernement de la province poursuivra sa lutte aux conférences fédérales-provinciales, celles du passé et surtout celles qui s'en viennent à partir de novembre prochain, pendant tout ce temps, nous avons le devoir d'assurer le progrès de nos institutions, de nos institutions municipales, comme de nos institutions scolaires, comme de nos institutions de santé publique, comme de nos institutions de bien-être, comme de nos institutions qui ont autorité en matière économique et en matière de richesse naturelle, comme dans tous ces domaines, nous avons bien l'intention de ne pas attendre des solutions définitives aux problèmes constitutionnels...

M. Johnson: Mais l'ultimatum?

M. Gérin-Lajoie: ... mais de faire marcher les deux de front, de faire progresser la province dans le domaine municipal, de faire progresser la province dans le domaine scolaire, de faire progresser la province dans tous les autres domaines, pendant tout ce temps que nous poursuivrons notre lutte pour assurer une véritable réforme constitutionnelle qui donnera à notre province, dans des textes clairs et précis, les moyens financiers d'exercer les autres pouvoirs qu'elle détient dans le domaine de la constitution.

M. Yves Gabias

M. Gabias: M. le Président, vous comprendrez, il s'agit uniquement d'un jeu du hasard si je prends la parole immédiatement après le ministre de la Jeunesse. Et si ce n'est pas le jeu du hasard, M. le Président, je ne voudrais pas que nos amis d'en face...

M. Gérin-Lajoie: Ne vous trompez pas de numéro, c'est le bill 1.

M. Gabias: M. le Président, les amis d'en face sont donc nerveux cet après-midi!

M. Lacroix: Il n'y a pas de raison, avec vous comme orateur.

M. Gabias: Parfois, la nervosité se note dans des interruptions, d'autres fois, la nervosité se note dans le rire, et vous avez entendu ces rires faux qui ont suivi ma simple remarque.

M. Laporte: Les rires ont suivi des grincements.

M. Gabias: M. le Président, après avoir entendu le ministre de la Jeunesse essayer -je dis bien essayer - de faire un discours éloquent, discours d'ailleurs qui sonne faux, je voudrais tout simplement répondre par ceci: M. Godbout aussi se disait autonomiste. Voici, d'après le Soleil du 23 avril 1942, ce que M. Godbout a déclaré en Chambre, lors de la discussion du bill ratifiant cette fameuse entente de 1942 par laquelle nous allions à Ottawa, pour la durée de la guerre, l'impôt sur les corporations et l'impôt sur le revenu. Et voici ce que M. Godbout disait en se déclarant autonomiste.

M. Hamel (Saint-Maurice): Lorsqu'on parlera de M. Duplessis, vous vous rappellerez ça.

M. Gabias: Je cite un journal. Je n'insulte pas du tout, comme le font si souvent les membres du Parti libéral, je n'insulte jamais une personne qui est décédée, et c'est la différence entre le député de Trois-Rivières et les gens qui sont là.

Je dis ceci, et c'est le Soleil qui le

rapporte: "M. Godbout continue en affirmant que jamais le gouvernement n'a songé ou ne songera à sacrifier les droits sacrés de la province, jamais...

M. Crépeau: Pourquoi parler des morts?

M. Gabias:... dit-il - et c'est M. Godbout en 1942 - jamais, dit-il, nous ne consentirons à céder une parcelle des droits que nos pères ont acquis et qui nous ont été confirmés par le pacte fédératif. Le contrat doit être respecté dans toute son intégrité et il le sera".

Est-ce que, M. le Président, après avoir entendu le ministre de la Jeunesse, nous ne pouvons pas douter de la sincérité de ses déclarations quand nous nous reportons à cette fameuse loi de 1942 qui, aux dires de M. Godbout, ne cédait pas les droits que nos pères nous avaient acquis et que jamais le pacte confédératif ne serait sacrifié?

M. le Président, le bill no 1 que l'on nous soumet est intitulé "Loi pour faciliter le financement de certains travaux municipaux". Je me demande, M. le Président, s'il n'y a pas erreur dans le titre qu'on a choisi et si le bill no 1 ne devrait pas s'intituler "Loi pour faciliter davantage la centralisation dans la province de Québec."

M. le Président, le bill no 1 a ceci de bien particulier, c'est qu'il traite, à mon sens, de la question no 1 qui a toujours existé et qui existe encore dans la province de Québec, même en 1963: l'autonomie de la province de Québec, l'autonomie de nos institutions municipales. Je voudrais rappeler à cette Chambre certaines déclarations de principe, et nous savons que les principes, ça ne change pas. Nous savons également, M. le Président, pour l'avoir entendu dire à maintes reprises par le premier ministre actuel, par le Procureur général - le nouveau Procureur général - également et surtout par le ministre des Affaires municipales actuel, que les principes, c'était intangible. On ne doit pas toucher aux principes.

On peut parfois, sans toucher aux principes, afin que la pratique soit meilleure, afin que les résultats qui sont mauvais actuellement puissent être améliorés, prendre des moyens qui, parfois, changent ou varient. Tout le monde en est. Mais je suis certain que, si tous les députés de cette Chambre s'arrêtent pour une minute à la question de principe qui est en jeu dans le bill qu'on nous soumet, je suis certain, M. le Président, comme l'a dit dans son discours le ministre de la Jeunesse, que, l'Assemblée législative va voter à l'unanimité contre le bill no 1 qui nous est actuellement soumis.

Ces quelques principes, je voudrais en donner une lecture tranquille. Malgré la rapide croissance du pouvoir fédéral, particulièrement à notre époque, la centralisation reste le seul système acceptable pour un pays s'étendant sur un continent et ayant une population aussi nombreuse que différenciée.

Le gouvernement national, surtout à la suite des mesures de l'époque de crise et du temps de guerre, est déjà devenu énorme, pesant, dévorant. Le peuple risque de se trouver désespérément écrasé par une bureaucratie fédérale, vaste et professionnalisée, assez irrespectueuse de la démocratie.

Dans certains domaines importants, les gouvernements provinciaux restent encore les agents de contrôle les plus naturels et les plus efficaces parce que plus près des problèmes et des intéressés. En conséquence, il est souhaitable que les provinces gardent toute latitude de servir de centres d'expérience et qu'on ne cherche pas à appliquer des standards uniformes. Sous le tissu toujours amplifié de sa loi, le gouvernement central étouffe les provinces et les réduit à de simples circonscriptions locales, chargées seulement de l'unique et humble soin du détail en obéissance à une politique nationalement déterminée.

En contre-partie, on allègue que les temps, les inventions et d'autres forces encore ont si énergiquement nationalisé notre pays que nombre d'intérêts sociaux et économiques élémentaires ne sont plus locaux, mais, au contraire, transcendent les limites étatiques et régionales.

Parallèlement à ce grand changement des conditions, il y a eu une transformation correspondante de la pensée politique, de telle sorte que le peuple n'attend plus ou ne désire plus l'autonomie étatique ou régionale, chérie à l'époque primitive de simplicité, mais au contraire est prêt à voir le fédéralisme concurrent de la loi céder la place au fédéralisme coopératif plus flexible de l'avenir.

Les provinces n'ont pas si bien réussi que s'impose leur droit de rester seules devant les problèmes d'intérêt national omnipotent ou important.

Tant qu'apparaîtront des conditions sociales et économiques qui, si elles doivent être effectivement réglementées, doivent l'être par le gouvernement national, il ne servira à rien de dire que ce gouvernement est inapte à prendre davantage de responsabilités, la meilleure chose à faire étant d'améliorer son fonctionnement de façon à remédier à ses déficiences éventuelles.

Voici, M. le Président, les deux grandes théories auxquelles nous avons à faire face: une première qui veut la décentralisation des pouvoirs et une autre qui veut la centralisation des pouvoirs sous un seul gouvernement.

Qu'est-ce que la province de Québec a déjà dit et dit encore devant les deux

solutions qui s'offrent à elle? Comme députés, M. le Président, qu'est-ce que nous devons nous demander? Qu'est-ce que nous devons surtout vouloir quand nous avons une décision aussi importante que celle que nous allons prendre sur ce bill no 1? Est-ce que nous allons être de la théorie centralisatrice ou allons-nous être de la théorie décentralisatrice? Allons-nous être pour l'autonomie de la province de Québec ou allons-nous être pour ceux qui veulent voir disparaître cette autonomie de la province de Québec?

Et, si vous le voulez, après avoir posé cette question, nous allons, afin de revenir au bill no 1, afin également de revenir au bill C-76, étudier ensemble les programmes des partis libéraux provinciaux et fédéraux, les programmes de 1960 et de 1962. Qu'est-ce que disait, en 1960, le programme politique du Parti libéral du Québec concernant le chômage, concernant les municipalités et concernant la constitution?

Je crois, M. le Président, qu'on ne pourra pas m'accuser d'aller à des sources d'information qui ne sont pas reconnues au moins par le Parti libéral provincial, car, dans le bill no 1, nous retrouvons ces trois questions: la question du chômage, la question des municipalités et la question de la constitutionnalité.

Je retrouve dans le programme de 1960 du Parti libéral, de nos amis d'en face, les solutions que l'on prêchait en 1960 concernant, premièrement, le chômage à la page 8, à l'article 12: "Le gouvernement provincial doit assumer ses responsabilités en matière de chômage." Et, en commentaire, l'on disait ceci: "Le gouvernement provincial a son ministère du Travail. Il a en outre l'administration des richesses naturelles. Il a la responsabilité de l'assistance sociale et de la plus grande partie des travaux publics. La province de Québec compte actuellement, en mars 1960, 235,000 chômeurs. Cela représente 42% des chômeurs du Canada. Depuis plusieurs années, c'est toujours dans la province de Québec que l'on trouve le plus de personnes sans travail."

Qu'est-ce que l'on suggérait pour pallier cette plaie du chômage en 1960 dans le programme libéral de nos amis d'en face? Après avoir déclaré qu'il s'agissait d'une plaie, qu'il s'agissait d'un problème familial, qu'est-ce que l'on disait? On étudiait ensuite les différentes structures du chômage et l'on disait: "Le gouvernement provincial doit assumer ses responsabilités en matière de chômage."

Une voix: C'est ça'.

M. Hamel (Saint-Maurice): On l'a fait aussi.

M. Bellernare: C'est pour ça qu'on en a plus.

M. Gabias: M. le Président, je ne fais que citer le programme de 1960. Si le Procureur général, député de Saint-Maurice, veut prendre la parole, il la prendra une fois que j'aurai terminé.

M. Gérin-Lajoie: On dit qu'on est d'accord. Ne vous fâchez pas.

M. Gabias: C'est parce que, M. le Président, j'entends le ministre de la Jeunesse me dire de ne pas me fâcher. Je ne suis pas fâché du tout: c'est une habitude que je viens d'apprendre de lui: il n'aime pas le dialogue, je ne l'aime pas moi non plus. M. le Président, c'est pour ça que je demande...

M. Gérin-Lajoie: Ah! Vous ne l'aimez pas vous non plus!

M. Gabias: C'est pour ça, M. le Président, qu'en cette Chambre je demande au député de Saint-Maurice de ne pas parler.

À la page 20, on traite de l'avenir constitutionnel et on dit, en guise de commentaires: "Avant la tenue de la prochaine conférence fédérale-provinciale, et surtout avant la fin des accords qui doivent expirer en 1962, il est nécessaire et urgent que toutes les provinces du Canada se réunissent et, si possible, s'entendent sur le grand nombre de questions qui les divisent entre elles et le gouvernement fédéral. Au cours de ces conférences, le rôle du Québec doit être prépondérant. Il le sera si Québec est préparé, va de l'avant et soumet des propositions concrètes.

J'insiste sur ce dernier membre de la phrase, M. le Président: "Québec doit être prépondérant et il le sera si Québec est préparé, va de l'avant et soumet des propositions concrètes". Retournons maintenant à la question des municipalités, à la page 23, qui dit ceci: "Municipalités, article 53, répartition des sources de revenus entre le gouvernement provincial et les municipalités". Commentaires: "Les revenus des municipalités sont nettement insuffisants. Un système de péréquation sera établi dès la prochaine session". Cela se passait en 1960, M. le Président: "Un système de péréquation sera établi dès la prochaine session pour permettre aux municipalités d'exercer pleinement leur autonomie." C'était là, M. le Président, le programme du Parti provincial libéral de 1960 concernant le chômage, les municipalités et la constitution.

Voyons ce que disait le Parti libéral fédéral en 1962.

Le manifeste du Parti libéral du Canada concernant un fédéralisme authentique, à la page 5: "Collaboration avec les provinces: L'unité nationale et la bonne

administration du pays dépendent d'une étroite collaboration entre Ottawa et les provinces. Cette collaboration efficace entre les gouvernements repose d'abord sur le respect absolu - et je note à nouveau -"repose d'abord sur le respect absolu des droits des provinces dans les domaines qui relèvent de leur juridiction." Ce respect absolu se reflétera dans toutes les mesures, dans toutes les mesures, M. le Président, que prendra un gouvernement libéral.

Or, le gouvernement actuel à Ottawa, c'est le gouvernement libéral dont je viens de vous lire un extrait du manifeste pour les élections de 1962. Le Parti libérai fédéral s'engageait devant l'électorat de tout le Canada, mais en particulier de la province de Québec: "Cette collaboration efficace entre les gouvernements repose d'abord sur le respect absolu des droits des provinces dans des domaines qui relèvent de leur juridiction. Ce respect absolu se réflétera dans toutes les mesures que prendra un nouveau gouvernement libéral".

Or, M. le Président, quelle est la mesure que le gouvernement fédéral a proposée à la Chambre des communes au mois de juin 1963? Le bill C-76 dont la première lecture a eu lieu le 17 juin 1963.

On y voit que le gouvernement libéral dirigé par l'honorable M. Pearson, qui a été l'auteur du manifeste du Parti libéral fédéral de 1962, on le voit, comme chef du gouvernement, déposer le bill C-76; le ministre des Finances dépose ce bill qui fait quoi et qui demande quoi à la Chambre des communes? Il demande à la Chambre des communes la permission de mettre à la disposition des municipalités de toutes les provinces et en particulier de la province de Québec un montant de $400 millions.

En aucun moment, dans le bill C-76, déposé au mois de juin 1963, le gouvernement fédéral libéral ne se préoccupe des provinces et, en particulier, de la province de Québec. En 1962, M. le Président, l'honorable M. Pearson, actuellement premier ministre du Canada, s'engageait devant la province de Québec à ne jamais déposer un projet de loi qui n'aurait pas un respect absolu des droits des provinces dans les domaines qui relèvent de leur juridiction. Or, le domaine des municipalités relève exclusivement de la province de Québec. M. Pearson a trompé l'électorat de la province de Québec.

M. Pearson et le Parti libéral ont trompé l'électorat de Québec en 1962, en déposant le bill C-76 le 17 juin 1963. Que s'est-il passé à ce moment? La province de Québec, la population du Québec, fière de son autonomie, soucieuse de garder et même de renforcer l'autonomie de la province, a commencé à se faire entendre et, à la suite des protestations de la province, de la population, nous avons une copie de lettre qui a été adressée, le 7 juin 1963, par le premier ministre actuel de la province de Québec concernant ce bill C-76. Au très honorable Lester B. Pearson, premier ministre fédéral "Monsieur le premier ministre, "J'ai pris connaissance, grâce au texte que votre bureau a fait tenir à mon collègue, monsieur Laporte, vendredi dernier, des déclarations que vous avez faites à Toronto lors du congrès de la Fédération canadienne des maires sur le projet d'aide fédérale aux municipalités. J'ai noté, dans ce texte, votre désir de procéder avec célérité au dépôt et à l'adoption d'un projet de loi à cet effet. "Vous notez vous-même dans votre discours que cette question soulève un grave problème de juridiction. C'est l'opinion du gouvernement de la province de Québec qu'il serait impérieux de nous laisser suffisamment de temps pour prendre ronnaissance du projet de loi, l'étudier et vous faire tenir nos commentaires. "La suggestion du gouvernement du Québec est la suivante: La conférence des premiers ministres des provinces doit se réunir à Halifax dans la première semaine du mois d'août. Monsieur Laporte a l'intention, à l'occasion de cette réunion, de convoquer les ministres des Affaires municipales des autres provinces pour étudier toutes les implications du projet de loi que vous vous proposez de soumettre aux Chambres. Nous serions ensuite en mesure de faire valoir notre point de vue. "Auriez-vous l'obligeance, pour que cette consultation soit possible et utile, d'ajourner l'étude du projet de loi jusque après la conférence des premiers ministres des provinces? Je vous serais reconnaissant d'accorder à cette demande votre bienveillante et immédiate attention. Je me permets de faire parvenir une copie de cette lettre à mes collègues des autres provinces. "Recevez, monsieur le premier ministre, l'assurance de mes sentiments distingués."

Non seulement, M. le Président, le chef du Parti libéral fédéral ne s'est pas préoccupé de son manifeste de 1962, non seulement il ne s'est pas préoccupé de la population de la province de Québec, mais, malgré la lettre du premier ministre de la province de Québec en date du 7 juin 1963, le premier ministre canadien, qui s'était engagé à respecter intégralement la constitution canadienne, dépose le bill C-76, qui est seulement une intrusion dans le domaine des municipalités et une violation de l'autonomie, mais qui est également une violation directe de ses promesses électorales, une violation directe d'une demande faite par le premier ministre de la province de Québec.

Croyez-vous, M. le Président, qu'après ces événements, nous puissions concevoir que

le gouvernement libéral actuel à Ottawa peut avoir de la considération pour la province de Québec? Pouvons-nous, pour un instant, nous imaginer que le premier ministre canadien, après avoir violé son manifeste de 1962, après avoir mis de côté une lettre du premier ministre de la province de Québec, après avoir déposé un projet de loi C-76 qui est complètement anticonstitutionnel, qui est complètement en dehors du champ de la juridiction du fédéral, croyez-vous, M. le Président, que, pour un instant, on puisse aujourd'hui faire confiance au gouvernement libéral d'Ottawa?

Et si ce n'est pas cela, M. le Président, et si nous devons pour un instant penser que le gouvernement fédéral pouvait être sincère, il y a lieu pour nous de nous inquiéter et de nous inquiéter gravement.

Si le premier ministre actuel de la province, si le ministre des Affaires municipales de la province, si le ministre de la Jeunesse de la province sont satisfaits de l'attitude du premier ministre canadien, sont satisfaits du chef fédéral libéral, après les représentations et les promesses qu'il a faites, je dis, M. le Président, qu'il faut être absolument et fermement opposé au bill 1, dans la province de Québec, parce qu'alors il y a un traquenard dans la loi C-76 qui a été adoptée au mois d'août 1963 au fédéral. Et c'est cela que l'on veut aujourd'hui nous faire adopter. Entre le dépôt du premier projet, le 17 juin 1963, et l'adoption du bill C-76 amendé, le 2 août 1963, quels ont été les amendements apportés à ce bill C-76? Pour quelles raisons ont-ils été apportés? Et, en fait, quelle est la portée de ces amendements? Car tout le monde a été unanime, le 25 juin 1963, à rejeter comme anticonstitutionnel, à rejeter comme non acceptable le bill C-76 déposé le 17 juin 1963 à Ottawa. Et, ce n'est pas un chef de parti qui a parlé. Ce n'est pas un cabinet qui a parlé. C'est l'Assemblée législative du Québec à, l'unanimité, qui a adopté la résolution suivante et qui l'a adressée au fédéral.

Quelle est la teneur de cette motion qui a été adoptée à l'unanimité? Pas un seul député libéral...

Une voix: Si ç'a été unanime...

M. Gabias: ...pas un seul indépendant en cette Chambre, personne n'a été à l'encontre de cette motion. Au contaire. Tout le monde, publiquement, y compris le ministre des Affaires municipales, s'est opposé...

M. Laporte: M. le Président, je soulève un point d'ordre. Si le député avait le moindrement de souvenirs, il saurait que j'étais en Europe à ce moment-là.

M. Gabias: Pardon?

M. Laporte: J'étais en Europe au mois de juin.

M. Gabias: Je dis que vous vous êtes opposé publiquement à ce bill C-76 lors de votre conférence à Montréal; je crois que c'était au club Richelieu ou à la Chambre de commerce...

M. Laporte: M. le Président, je soulève un point de règlement. Si le député de Trois-Rivières connaissait également ses dates, il saurait que le bill C-76 n'était pas déposé au moment où j'ai fait ma conférence.

Une voix: Le ministre ne s'est jamais opposé.

M. Gabias: Voici. Quand je dis que le ministre des Affaires municipales s'était opposé au bill C-76, je me réfère à ce qu'il a lui-même déclaré devant la Chambre de commerce à Montréal: "Si le gouvernement fédéral, quel qu'il soit, a de l'argent à consacrer à l'étude ou à la solution de problèmes municipaux, cet argent appartient de plein droit à l'autorité provinciale car seule elle est autorisée à s'occuper de ces problèmes. Les provinces devraient prendre des mesures pour récupérer ces sources de taxation qui sont ultra vires des pouvoirs fédéraux et dont elles ont grand besoin." Et le ministre ajoutait ceci: "Le gouvernement de la province de Québec, pour sa part, résistera à toute ingérence fédérale." Je souligne, M. le Président, "à toute ingérence fédérale".

M. Laporte: Vous ne soulignez pas, vous répétez là...

M. Gabias: "...dans les matières qui sont du ressort des municipalités et il insistera pour mettre lui-même à la disposition des gouvernements municipaux les sommes d'argent qu'Ottawa leur destine et qui devront être rétrocédées au gouvernement provincial."

M. Laporte: C'est ça, c'est ça.

M. Gabias: Voici le langage que tenait le ministre des Affaires municipales devant la Chambre de commerce de Montréal et tout le monde a applaudi à cette déclaration du ministre des Affaires municipales, mais, aujourd'hui, tout le monde...

Une voix: Eh!

M. Gabias: Et aujourd'hui, M. le Président, tous ceux qui ont applaudi le ministre des Affaires municipales, alors qu'il s'adressait à la Chambre de commerce, demandent aujourd'hui, et sont en droit de demander au ministre: Pourquoi cette

reculade, pourquoi donner aujourd'hui votre assentiment à cette intrusion du fédérai dans le domaine des municipalités? Est-ce que vous étiez sincère lors de votre conférence?

M. Laporte: M. le Président, je soulève un point d'ordre. J'invoque le règlement. Je comprends que le député est très énervé, mais il faut qu'il s'adresse au président, pas à moi personnellement, au président.

M. Gabias: M. le Président, je vous le demande, quand le ministre est-il sincère? Est-ce qu'il parle à titre de ministre devant la Chambre de commerce et qu'il s'oppose à ces intrusions du fédérai dans les questions municipales ou est-ce aujourd'hui, dans cette Chambre, alors qu'il est le parrain du bill no 1 et nous demande que le fédéral s'introduise dans le domaine des municipalités, domaine exclusivement réservé à la province de Québec?

M. le Président, il y a des cabrioles, il y a des acrobaties, il y a des reculs que la population ne comprend pas, et ceux du ministre des Affaires municipales représentent un recul...

Une voix: Ne le regardez pas, il a honte de lui...

M. Gabias: ... que la population ne s'explique pas. Ce n'est pas un recul de vingt ans, après une déclaration qu'il aurait faite il y a vingt ans. Ce n'est pas un recul sur une déclaration qu'il aurait faite il y a dix ans ou cinq ans. C'est un recul tragique qu'il a fait dans l'espace de quelques mois, après avoir fait une déclaration, avec toute la puissance de ses poumons, après avoir donné une publicité retentissante, tant à la télévision qu'à la radio et dans les journaux, à cette déclaration qui disait: "Non seulement vous n'entrerez pas dans le domaine provincial, mais vous allez rétrocéder ce que vous avez pris aux municipalités, vous allez rétrocéder ce que vous avez pris à la province", aujourd'hui, non seulement il s'oppose, M. le Président, à l'intrusion du fédéral, mais il parraine cette intrusion et c'est lui qui introduit dans nos lois cette intrusion du régime fédéral, cet accroc à notre autonomie.

La population, M. le Président, est intéressée à savoir pourquoi le ministre a changé si vite d'idée. Lui qui, jadis, appartenait à la rédaction d'un journal qui se disait indépendant, d'un journal qui ne changeait pas d'opinion, qui était bien assis sur les principes, lui, M. le Président, qui a eu une formation juridique, qui a eu, en plus d'une expérience de journaliste au journal Le Devoir, ici, dans les tribunes des journalistes de l'Assemblée, une longue expérience des projets de loi et de toutes les questions constitutionnelles, comment a-t-il pu, devant la Chambre de commerce de Montréal, en quelques mois, reculer de telle sorte que, non seulement il ne tient plus à ses déclarations de principe d'il y a quelques mois, mais qu'il est l'auteur du bill no 1 qui fait que la province de Québec, une fois de plus, va être envahie par le fédéral et également qu'une fois de plus nos municipalités vont subir un accroc à leur autonomie municipale?

M. Laporte: C'est éloquent, mais c'est faux.

M. Gabias: M. le Président, il y a de ces reculs qui sont inexplicables et on me dit que c'est faux. Je voudrais savoir du ministre, M. le Président, quand il n'a pas dit la vérité. Si cela est faux, je veux savoir de lui s'il n'a pas dit la vérité devant la Chambre de commerce ou s'il ne dit pas la vérité aujourd'hui devant cette Chambre. Nous sommes en droit de le savoir, M. le Président.

M. Lesage: Asseyez-vous, il va répondre.

M. Laporte: C'est une question que me pose le député.

M. Gabias: Je la pose à l'Orateur, comme vous me l'avez mentionné.

M. Crépeau: Qui est-ce qui recule?

M. Gabias: M. le Président, voyez-vous la différence d'attitude en deux minutes?

M. Laporte: La vôtre, tout le monde l'a vue.

M. Gabias: Il y a deux minutes, M. le Président, je m'adressais au ministre des Affaires municipales et il m'a dit: Ne vous adressez pas à moi, adressez-vous au président. Je suis son conseil, je m'adresse au président, il veut maintenant que je m'adresse à lui. Je m'explique mieux, M. le Président, son changement d'attitude, je m'explique mieux aujourd'hui...

M. Laporte: C'est ça, on pose des questions à l'orateur.

M. Gabias: M. le Président, pourquoi, il y a quelques mois, était-il pour l'autonomie de la province et, aujourd'hui, est-il contre cette même autonomie? Vous venez d'avoir le portrait du ministre des Affaires municipales: un irresponsable quant à ses opinions.

M. Lesage: M. le Président, je me lève sur une question de privilège. Un député n'a pas le droit de dire d'un autre qu'il est

irresponsable; c'est en vertu des règlements.

M. Gabias: M. le Président, je me conformé à votre décision, que je connais d'avance, et je retire ce mot qui a pu être blessant.

M. Lesage: Pas blessant, antiparlementaire. Il est faux et antiparlementaire.

M. Gabias: Simplement, la population ne s'expliquera pas mieux ce changement d'attitude du ministre des Affaires municipales. Ce n'est pas parce que l'on a soulevé un point d'ordre, ce n'est pas parce que j'ai utilisé un mot antiparlementaire que la population va mieux s'expliquer ce changement d'attitude du ministre des Affaires municipales. Mais s'il n'y avait que le ministre des Affaires municipales qui ait changé d'attitude et qui ait changé d'opinion, la population serait moins inquiète car, au-dessus du ministre des Affaires municipales, il y a évidemment le premier ministre, il y a évidemment le cabinet. Or, il serait peut-être bon, M. le Président, d'analyser brièvement quelles ont été les déclarations du premier ministre actuel concernant l'autonomie de la province de Québec et concernant l'ingérence du pouvoir central dans l'administration de la province et dans l'administration des domaines qui lui sont exclusifs. Je ne parlerai pas des déclarations que le premier ministre a pu faire alors qu'il appartenait à une autre juridiction, alors qu'il était membre, comme député, de la Chambre des communes, et membre du cabinet de la Chambre des communes. Je vais restreindre ses déclarations ou le rapport de ses déclarations à celles qu'il a faites depuis qu'il est chef du Parti libéral de la province.

M. Lesage: Vous avez décidé de gagner $100 par jour pendant 15 jours.

M. Laporte: Avec lui, on ne gagne...

M. Gabias: Je suis bien à l'aise, M. le Président, de prendre quelques minutes de cette Chambre quand je me souviens, avec tous les autres membres de cette Chambre, que le premier ministre nous a fait perdre onze semaines pour l'étude du bill de Montréal il y a à peine un an ou deux. Je suis bien à l'aise. M. le Président.

M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement. Je n'ai jamais fait perdre onze semaines à la Chambre avec l'étude du bill de Montréal. C'est simplement que le gouvernement a agi, encore une fois, d'une façon démocratique, il a entendu tous les intéressés sur un bill extrêmement imDortant.

M. Johnson: Celui-là n'est pas important, non?

M. Lesage: Il a entendu les intéressés exprimer leur opinion sur un bill extrêmement important et sur lequel nous voulions avoir l'opinion de tous les intéressés. Ces onze semaines ont bénéficié grandement à la cité de Montréal et à la région de Montréal.

M. Gabias: M. le Président, je prends note de la déclaration du premier ministre, j'ai même rappelé tout le temps qu'il nous a fait perdre parce que ses lois n'étaient pas prêtes, M. le Président.

M. Lesage: Je n'ai jamais...

M. Gabias: Et je sais que les membres . de cette Chambre...

M. Lesage: M. le Président, est-ce qu'il y aurait moyen de cesser ce genre d'attaque? Je pense qu'il n'y a pas moyen d'arriver à quelque chose de sérieux en cette Chambre.

M. Gabias: M. le Président, est-ce que c'est un point d'ordre?

M. Lesage: Je n'ai jamais, jamais... Oui, c'est un point d'ordre.

M. Gabias: Il n'a pas le droit d'intervenir.

M. le Président: A l'ordre!

M. Lesage: J'invoque le règlement, M. le Président. Lorsqu'un député affirme une chose qui est manifestement fausse et qui se rapporte à la Chambre, il ast de mon devoir de me lever pour rétablir les faits. Il est faux d'avancer qu'on a attendu un seul moment après le gouvernement parce que la législation n'était pas prête. Ce n'est jamais arrivé.

M. Johnson: M. le Président, parlant sur le point d'ordre, puisque le premier ministre a décidé que c'était un point d'ordre, tout ça a commencé lorsque le premier ministre, de son siège a fait une remarque qui est dérogatoire à l'honneur de la Chambre en disant: Voulez-vous gagner $100 par jour pendant plusieurs jours sur ce bill?

M. Lesage: C'est à vous que je parlais.

M. Johnson: M. le Président, c'était mauvais. Si on a passé onze semaines à étudier le bill de Montréal et que le premier ministre disait que c'était nécessaire, nous passerons tout le temps nécessaire quand il s'agir de toutes les municipalités.

M. Lesage: La différence, M. le Président, pendant une session régulière...

M. Johnson: M. le Président, le premier ministre n'a pas le droit de parler d'un point d'ordre.

M. le Président: À l'ordre, messieurs! Le bill no 1, M. le député de Trois-Rivières.

M. Lesage: J'ai conclu une entente avec le chef de l'Opposition pour que ça dure trois ou quatre jours.

Une voix: Est-ce que vous pourriez le rappeler à l'ordre, M. le Président?

M. Lesage: Qu'est-ce que vous pensez que le public va dire de payer $100 par jour?

M. Bertrand (Missisquoi): Bien, voyons donc!

M. le Président: À l'ordre!

M. Bertrand (Missisquoi): Pourquoi fait-il voter le Parlement s'il ne veut pas qu'on parle?

M. Lesage: Arrêtez de vous répéter, pour l'amour de Dieu!

M. Gabias: M. le Président, le premier ministre lui-même doit respecter ces règlements qui sont les nôtres dans cette Chambre. Je vous prierais de le rappeler à l'ordre autant que vous le faites quand je suis concerné.

Je disais donc, M. le Président...

Une voix: Il commence en se répétant.

M. Gabias: J'espère, M. le Président, que vous avez bien noté les paroles du premier ministre à savoir que si moi ou d'autres membres de l'Opposition, nous prenions la parole, c'était pour gagner $100 par jour.

M. Lesage: Non, non, je n'ai pas dit ça.

M. Gabias: J'espère, M. le Président -et je soulève un point d'ordre - que vous allez lui faire retirer ses paroles, qui sont indignes d'un premier ministre et indignes d'un membre de cette Chambre.

M. Lesage: M. le Président, parlant sur un point d'ordre soulevé par le député de Trois-Rivières, je n'ai jamais dit que le député de Trois-Rivières se levait pour gagner $100 par jour. J'ai fait remarquer au chef de l'Opposition que nous étions payés $100 par jour et je lui ai fait remarquer ce que ça coûtait à la province d'étirer le débat par des répétitions. C'est tout.

M. Johnson: M. le Président, parlant sur ce point d'ordre, je voudrais rappeler au premier ministre que nous avons promis notre coopération pour ne pas prolonger indûment la session.

Nous savons que chaque jour coûte à la province beaucoup d'argent, ça coûte $100 et même ceux qui ne parlent pas, lorsque nos droits son menacés, vont les gagner quand même, M. le Président. Par ailleurs, le premier ministre doit admettre que nous avons coopéré, à ce jour, que nous avons adopté sans discussion l'adresse, que nous avons consenti à ce que la deuxième lecture soit faite le même jour, à la même séance que la première lecture. Nous avons coopéré à 100%, mais la matière et le sujet sont tellement importants que tous les députés de cette Chambre ont le droit - et ça, c'est important - de manifester leur opinion sur le sujet.

M. Lesage: Certainement, mais cessons de nous répéter.

M. Johnson: Le premier ministre ne devrait pas être impatient, il doit s'attendre à cela, il peut compter que nous continuerons de coopérer, mais, quand il s'agit d'enterrer l'autonomie, M. le Président, donnez-nous au moins le privilège, de chanter le libéra de l'autonomie qu'on est en train d'enterrer avec le bill no 1.

M. le Président: Je considère d'abord que ce n'était pas un point d'ordre, c'était une remarque qui, de part et d'autre, devient un débat dans un débat. C'est le député de Trois-Rivières qui avait la parole, il lui reste sept minutes et j'espère qu'il remplira ses sept minutes. Le bill no 1.

M Gabias: Évidemment, vous comptez toutes les interruptions du premier ministre et du ministre des Affaires municipales. Je pense bien que j'ai droit à mon plein temps.

Je disais donc, M. le Président, que s'il ne s'agissait que de la reculade du ministre des Affaires municipales, ce ne serait pas trop grave. Mais lorsqu'il s'agit de la reculade d'un chef de parti provincial, lorsqu'il s'agit de la reculade d'un premier ministre de la province de Québec, eh bien, là, nous devons être inquiets et nous devons dire au premier ministre, comme à son parti et comme à cette Chambre... Nous n'acceptons pas la reculade que vous, vous voulez donner à la province de Québec.

Et c'est cela, M. le Président.

Et, aujourd'hui, il essaie par tous les moyens publicitaires, de faire avaler cette reculade à la population du Québec, lui qui, en de nombreuses circonstances, s'est dit le

champion de l'autonomie de la province, lui, par exemple, le premier ministre, qui déclarait ce qui suit: "Le Québec n'a nullement l'intention, par ses prises de position et ses attitudes, de retarder ou d'empêcher de quelque manière que ce soit l'application de certains programmes d'origine fédérale dans les provinces du Canada qui désirent la mise en oeuvre intégrale de ces programmes. Tout ce que le Québec demande, c'est que, dans les domaines qui relèvent de la juridiction provinciale, il puisse procéder comme il l'entend en tenant compte de la situation particulière du Québec, expression politique du Canada français, par rapport aux autres provinces."

Et qu'est-ce qu'on nous suggère aujourd'hui, M. le Président? On nous suggère d'entériner, d'accepter une intrusion fédérale dans le domaine des municipalités qui est exclusivement réservé aux provinces, à la province de Québec. Voilà une différence, M. le Président, entre sa déclaration alors qu'il essayait d'obtenir la confiance de la province de Québec et ce qu'il fait aujourd'hui dans cette enceinte...

M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement.

La déclaration que vient de lire le député de Trois-Rivières n'a pas été faite dans la province de Québec. Elle a été faite à Ottawa, à la fin de juillet, pour amener le gouvernement fédéral à apporter les amendements que j'exigeais et qui ont été apportés au bill C-76.

M. Gabias : Nous avons pris bonne note, M. le Président. Évidemment, quand le premier ministre a fait cette déclaration, il ne pensait pas, comme d'habitude, à la province de Québec, il pensait à ses maîtres d'Ottawa. Je suppose que c'est cela qu'il veut nous faire remarquer cet après-midi.

M. le Président, le premier ministre avait la mission suivante, mission qui lui a été confiée par l'Assemblée législative concernant le bill C-76: "La Chambre, tout en étant prête à voter les subsides nécessaires à l'administration de la province, est d'avis que le gouvernement devrait étudier la possibilité d'établir, sans retard, un système provincial de crédit municipal permettant aux municipalités de s'acquitter de leurs obligations et sauvegardant ainsi la compétence exclusive de la province en matière d'institutions municipales".

Qu'est-ce qu'a fait le premier ministre? Il est allé à Ottawa. Est-ce qu'il est allé à Ottawa pour sauvegarder ainsi la compétence exclusive de la province en matière d'institutions municipales? Non, M. le Président, il est allé à Ottawa pour essayer de trouver une patente pour que la loi soit acceptable pour la province de Québec. C'est cela qui a été la mission du premier ministre et c'est cela que le premier ministre essaie aujourd'hui de faire accepter à cette Chambre.

Pas plus l'Opposition ne va accepter ce truc légal du premier ministre de la province de Québec, appuyé par le ministre des Affaires municipales et appuyé également par le Parti libéral fédéral, pas plus nous n'allons l'accepter, pas plus la population de la province de Québec ne va accepter que le ministre, quel qu'il soit, des Affaires municipales ou le premier ministre, jamais nous n'allons tolérer dans cette province que ce soit le fédéral qui vienne dicter, donner des ordres à nos municipalités. Les municipalités sauront quoi faire: elles n'accepteront pas l'aide qui leur est offerte illégalement.

M. le Président, on nous dit que ce projet de loi est surtout présenté pour remédier au chômage. Nous pensions bien, en 1960, avec l'avènement du Parti libéral, qu'avec toutes les promesses qui ont été faites, il n'y aurait pas de chômage dans la province de Québec. Pourtant, les dernières statistiques qui ont été publiées par la province de Québec nous disent bien que nous gardons encore, au mois de juillet 1963, bien malheureusement, mais que nous gardons encore le championnat du chômage dans le Canada. Nous avons actuellement 113,000 chômeurs, et ceci représente 5,9% de chômeurs, en pourcentage, de la main-d'oeuvre civile, par rapport à 4,4%, qui est la moyenne du Canada.

Voici, M. le Président, ce que les promesses du Parti libéral ont pu obtenir pour corriger cette plaie du chômage dans notre province. Et au nom de la correction que l'on veut apporter au chômage, on veut essayer de nous faire adopter le bill no 1. On veut essayer d'introduire le bill C-76 par la porte d'en arrière. C'est cela qu'on essaie avec le bill 1. Mais l'Assemblée législative, au moins l'Opposition, va dire un "non" bien formel au parrain de ce bill, va dire un "non" bien formel au bill no 1 et nous allons voter contre le bill no 1 de la province pour sauvegarder le problème no 1 de la province qui reste encore celui de l'autonomie provinciale.

M. René Hamel

M. Hamel (Saint-Maurice): M. le Président, ce n'est pas mon intention de prolonger longtemps le débat sur le bill no 1, mais l'Opposition a dit qu'avant d'enterrer l'autonomie, il fallait chanter le Libera, j'étais rendu au "Dies Irae": "Tuba mirum spargens sonum: les flûtes retentissantes faisaient entendre leur son."

M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement, quel est l'article de la constitution du règlement qui permet qu'on

parle latin dans cette Chambre? À moins que ce ne soit de l'anglais!

M. Hamel (Saint-Maurice): En fait, de quoi s'agit-il, M. le Président? On dramatise, de l'autre côté, on dramatise, c'est effrayant. Je veux d'abord répondre au député de Trois-Rivières sur quelques points qu'ii a soulevés.

Jamais le parti libéral provincial et le gouvernement provincial n'ont accepté que la première responsabilité dans le domaine du chômage relevait des provinces, jamais. Nous avons dit que la première responsabilité dans le domaine du chômage appartient au gouvernement fédéral, pour deux raisons. La première raison, c'est que le gouvernement fédérai perçoit les primes d'assurance-chômage; la deuxième raison, on sait que, dans le domaine de l'emploi, dans le domaine du développement économique, la manipulation de la monnaie et du crédit constitue un moyen puissant et la manipulation de la monnaie et du crédit, ce n'est pas le gouvernement provincial qui l'a, c'est le gouvernement fédéral.

Cela a été notre thèse. C'est la thèse que j'ai soutenue dans cette Chambre depuis 1952, c'est la thèse qu'a soutenue le parti libéral provincial en 1960, c'est la thèse que le parti libéral a soutenue en 1962, c'est encore la thèse que nous soutenons.

Malgré ça, malgré que nous ayons soutenu que la première responsabilité relevait du gouvernement fédéral pour les raisons que je viens de mentionner, nous avons dit que le gouvernement provincial a une responsabilité. Et qu'est-ce que nous avons fait? Nous avons d'abord pris des mesures à court terme, nous avons prolongé la scolarité de nos enfants afin d'encombrer le moins possible le marché du travail. Nous avons pris d'autres mesures. On a parlé tantôt de la péréquation. Dès que nous avons réalisé que la péréquation exigeait une étude particulière de la fiscalité, nous avons formé un comité interdépartemental pour examiner ces problèmes-là, mais pour compenser, le gouvernement provincial a accepté de payer 40% du coût de la main-d'oeuvre, ce que n'avait jamais fait le gouvernement qui nous a précédé. La conséquence c'est que le nombre des municipalités, je cite de mémoire, qui bénéficiaient des travaux d'hiver avant notre arrivée est passé, je pense, de 71 à quelque 900 municipalités dans les dernières années.

Nous avons pris des mesures à long terme, nous avons procédé à la nationalisation de l'électricité. Nous avons ouvert une maison du Québec à Paris, et à Londres, M. le Président, le gouvernement actuel a fait tout ce qu'il était possible de faire. Mais il n'y a personne qui va nier que la situation qu'a créée l'Union Nationale est une des raisons, M. le Président, qui fait que, de 1947 à 1957-1958-1959, jusqu'à l'avènement de M. Sauvé particulièrement, le gouvernement de Québec a été privé de $1,000,000,000. De 1947 à 1954 et à la suite de 1954, est arrivée la modification de la loi de l'impôt, mais, pendant ces années-là, le gouvernement provincial de Québec a été privé d'environ $1,000,000,000.

Qu'on mette durant ces dix années à peu près $1,000,000,000 de plus, M. le Président, pour travailler au développement de la province de Québec et nous n'aurions pas été au point où nous étions quand nous avons commencé.

Maintenant, on nous dit que le gouvernement fédéral s'inquiète à bon droit du chômage. S'inspirant des économistes à la mode, il dit: Un des moyens de soulager le chômage, c'est d'entreprendre des travaux publics. Si nous ne pouvons pas les entreprendre seuls, nous allons permettre aux municipalités de les entreprendre. Nous allons mettre $400,000,000 à la disposition des municipalités.

On a organisé à un moment donné un système et nous avons protesté contre ce système pour plusieurs raisons: une conférence fédérale-provinciale a été tenue. J'entendais tantôt, M. le Président, le député de Trois-Rivières. Je crois qu'il n'y a pas un journal dans la province de Québec qui n'ait souligné le rôle prépondérant du premier ministre du Québec à la conférence fédérale-provinciale aussi bien qu'aux conférences fédérales-provinciales antérieures et aux conférences interprovinciales.

À ma connaissance, peut-être évidemment que certains journaux partisans, de façon aveugle, ne l'ont pas mentionné, tous les grands journaux, presque tous les journaux, ont mentionné qu'à la conférence fédérale-provinciale, le premier ministre rie la province avait été la vedette de la conférence. Quelle a été la conséquence? Après discussion, le gouvernement fédéral décide de modifier sa loi.

D'abord, le montant sera prévu, pas globalement, comme autrefois, mais on tiendra compte de la population; la part dont la population de Québec peut bénéficier est de $120,000,000.

Une autre réforme: c'est la province de Québec, si elle le veut, qui sera l'intermédiaire, les municipalités ne seront pas en contact direct avec le gouvernement fédéral.

Et quels sont les gens au; nous reprochent cela aujourd'hui, M. le Président? Ce sont les gens qui, en 1958, votaient la loi suivante: "Nonobstant toute disposition législative inconciliable avec la orésente, toute corporation municipale qui désire faire exécuter dans la municipalité" - qu'on remarque bien - "toute corporation municipale qui désire faire exécuter dans la municipalité sur laquelle s'exerce sa

juridiction des travaux pour remédier au chômage et pour lesquels le gouvernement du Canada consent à subventionner cette corporation, cette corporation peut, à ces fins, par résolution de son conseil, pas par règlement - par résolution de son conseil, accepter quoi? - "accepter une subvention du gouvernement fédéral pour l'exécution de ses travaux et conclure toute entente qui s'y rapporte."

Ce sont ces gens-là, M. le Président, qui, aujourd'hui, viennent prétendre qu'ils chantent le libera de l'autonomie, branchement, M. le Président, si j'avais fait voter cette loi-là...

M. Dozois: Vous avez voté pour.

M. Hamel (Saint-Maurice): Oui, j'ai voté pour, certainement, comme je vote pour celle d'aujourd'hui. C'est ça, la différence. Parce qu'en 1958, là, l'autonomie n'était pas tellement respectée. Mais il arrive...

M. Bertrand (Missisquoi): Si le ministre me le permet, est-ce qu'il n'a pas entendu les propos du premier ministre qui disait que cette loi-là était moins grave, parce qu'elle n'institutionnalisait pas, justement, l'ingérence fédérale?

M. Lesage: On tronque ce que j'ai dit. On tronque absolument ce que j'ai dit. Le bill C-76 original institutionnalisait les relations directes entre Ottawa et les municipalités et j'étais contre cela et c'est ce que j'ai représenté à Ottawa. C'est ce que j'ai fait changer: les relations, en vertu de la loi qui est présentée, sont entre le fédéral et les provinces qui le veulent et entre les provinces et les municipalités. La distinction saute aux yeux.

M. Bertrand (Missisquoi): Est-ce que le premier ministre n'admet pas que l'institution fédérale demeure comme une intrusion dans le domaine municipal de la province?

M. Lesage: Non. Pas du tout, M. le Président.

M. Bertrand (Missisquoi): Je m'excuse, on coupe la parole tous les deux au Procureur général.

M. Lesage: Bien oui, je le sais bien...

M. Hamel (Saint-Maurice): Le député de Missisquoi s'apercevait que ça chauffait!

M. Bertrand (Missisquoi): Pas du tout, au contraire. Je suis prêt, M. le Président, avec la permission du Procureur général, à reprendre la parole.

M. Hamel (Saint-Maurice): Ayant peur d'être confondu, M. le Président, il dit: "Cessons"... Vous discuterez vos problèmes en comité.

Alors, à mon sens, M. le Président, la loi de 1958, précisément parce que la loi permettait - et c'est la loi qui le dit - aux municipalités, par simple résolution; c'est la formule la plus élémentaire, c'est la formule la plus sommaire de toutes les procédures municipales. Par simple résolution, ils pouvaient accepter des subventions fédérales.

M. Dozois: Me permettriez-vous une remarque?

M. Hamel: Bien, je ne voudrais pas qu'il fasse un autre discours, M. le Président.

M. Dozois: Non, non juste une remarque. Je ferais remarquer au Procureur général que la loi prévoyait cependant que ces résolutions devaient recevoir l'approbation du ministre des Affaires municipales et de la Commission municipale. Ce n'était pas automatique; ça ne s'en allait pas à Ottawa automatiquement. Ce n'est pas aussi mal que le Procureur général veut le laisser croire.

M. Hamel (Saint-Maurice): Il y avait le besoin d'approbation dans bien des cas. Il y avait un grand nombre de formalités à remplir, il fallait l'autorisation du ministre des Affaires municipales et de la Commission municipale. On n'imposait pas plus de restrictions quand il s'agissait pour la municipalité de discuter avec le gouvernement fédéral.

M. Dozois: Il restait quand même le privilège de refuser.

M. Hamel (Saint-Maurice): M. le Président, une municipalité qui veut emprunter, une municiciplité qui veut, dans ces choses presque ordinaires, est obligée d'avoir l'autorisation du ministre des Affaires municipales. On n'imposait pas plus alors de restriction. Cela veut dire que, dans la loi de 1958, on n'imposait pas plus de restrictions aux municipalités pour discuter avec le gouvernement fédéral qu'on ne lui en imposait pour ses propres affaires courantes, presque courantes.

M. Johnson: Est-ce que c'était bon?

M. Hamel (Saint-Maurice): Si c'était bon? C'était dangereux.

M. Johnson: Celle-là, ce n'est pas dangereux?

M. Hamel (Saint-Maurice): Celle-là est moins dangereuse. Cela constitue en fait un pas en avant important pour récupérer

l'autonomie à cause des dangers et du résultat de cette loi-là.

M. Johnson: Pour encourager M. Pearson à continuer.

M. Lesage: Non, non, non.

M. Hamel (Saint-Maurice): Quand vous avez voté en 1958 la loi pour bénéficier des travaux d'hiver...

M. Lesage: C'est ça.

M. Hamel (Saint-Maurice): Quand vous avez voté en 1958 la loi pour bénéficier des travaux d'hiver, est-ce que c'était a ce moment-là pour encourager le gouvernement fédéral?

M. Bertrand (Missisquoi): C'est lui qui a la réplique.

M. Hamel (Saint-Maurice): Alors, M. le Président, je voulais souligner particulièrement ce point-là, c'est que la loi actuelle est une amélioration considérable sur la loi de 1958 votée par eux et pour laquelle...

M. Johnson: Prouvez-nous ça.

M. Hamel (Saint-Maurice): ... j'ai voté moi-même. Pourquoi? Il ne faut pas, M. le Président, se faire d'illusion. Depuis le commencement du monde et dans tous les pays du monde, quand vous avez plusieurs pouvoirs dans un pays, chacun essaie d'accaparer la juridiction de l'autre, il s'y efforce, M. le Président. Leur prétexte, c'est le fait que les populations, de façon générale, sont de plus en plus exigeantes, et s'en vont frapper à la première porte. A la première porte, on considère qu'on n'a pas les moyens. On va frapper à une autre porte. Nous avons vu ce que, par exemple, la fédération des maires a fait vis-à-vis du gouvernement fédéral.

Le choix du gouvernement actuel était celui-ci: refuser, tout simplement, ou bien travailler à en venir à une rédaction qui, sans être parfaite, est tout de même ou plus acceptable ou moins acceptable. C'est ce que le premier ministre a fait. C'est ce que le premier ministre a réussi à accomplir. "Vous allez passer par la province, vous allez attribuer à Québec, a-t-il dit, le montant proportionnel à sa population. C'est la province de Québec qui va voir à l'administration de cette loi-là."

Il y avait le choix entre refuser ou essayer de faire améliorer la situation. Il a réussi et il avait raison hier soir de dire, à la suite de la présentation de ce bill, à la suite...

M. Johnson: Mission ratée. M. Gabias: Mission accomplie. M. Johnson: Ratée.

M. Hamel (Saint-Maurice): M. le Président, je ne me souviens plus lequel des orateurs de l'autre côté disait que le gouvernement fédéral nous volait, nous avait volés.

M. Johnson: C'est Nicol, le sénateur libéral.

M. Bertrand (Missisquoi): C'est le sénateur Nicol qui a déjà dit ça...

M. Hamel (Saint-Maurice): Je me souviens, M. le Président, que, pendant plusieurs années...

M. Johnson: Et le Bloc populaire disait ça lui aussi.

M. Hamel (Saint-Maurice): Non, je n'étais pas du Bloc populaire à ce moment-là...

M. Johnson: M. le Président, le Bloc populaire disait ça.

M. Hamel (Saint-Maurice): J'étais député et je siégeais dans cette Chambre.

M. Johnson: Le Crédit social disait ça aussi.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Hamel (Saint-Maurice): M. le Président, j'ai entendu combien de fois dans cette Chambre "le gouvernement fédéral nous vole". J'ai dit: "Si le gouvernement fédéral nous vole, qu'est-ce que le Procureur général attend pour envoyer la police provinciale pour nous protéger contre ces voleurs?"

Des voix: Ah! Ah!

M. Bertrand (Missisquoi): Elle est bonne!

M. Hamel (Saint-Maurice): C'était l'expression dont se servaient ces messieurs de l'autre côté...

M. Johnson: Le sénateur Nicol.

M. Hamel (Saint-Maurice): Et qu'est-ce qui est arrivé, M. le Président? Il est arrivé...

M. Bertrand (Missisquoi): On va déposer une plainte.

M. Hamel (Saint-Maurice): ... qu'ils ont

été battus et, après avoir été battus, ils ne croyaient pas...

Une voix: Deux fois.

M. Hamel (Saint-Maurice): Ils disaient: "Donnez-nous des élections provinciales." Le gouvernement a dit: "On va les contenter."

M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. le Président, vous avez été très libéral dans le sens large et vous avez permis un débat général, mais est-ce qu'on doit parler des élections, des dernières élections, des faux certificats montés par les libéraux? Est-ce qu'on a le droit de parler de toutes ces choses-là?

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

Le chef de l'Opposition, en soulevant son point de règlement, a commencé par dire que le débat a été assez large jusqu'à ce jour. J'avais pensé, à quelques reprises, de demander aux députés d'essayer de restreindre un petit peu le débat et je ne crois pas qu'à ce stade-ci, quand le Procureur général fait simplement allusion à quelque chose, je vais intervenir immédiatement. Je crois que ce n'est pas nécessaire de lui demander de ne pas continuer à traiter d'un sujet qui n'a pas tout à fait affaire avec le débat en cours.

M. Hamel (Saint-Maurice): Je résume, M. le Président, et je souligne tout simplement un fait parce que le député de Trois-Rivières l'a mentionné tantôt. Le député de Trois-Rivières a souligné et combien de fois dans cette Chambre, de 1952 à 1960... on s'est fait casser les oreilles par le gouvernement du temps qui vouait à toutes les gémonies le premier ministre de 1939 à 1944, M. Godbout. Mais, ce qu'on oubliait - je n'ai pas l'intention de revenir là-dessus longuement, je veux tout simplement le mentionner pour répondre au député de Trois-Rivières, je ne sais pas s'il le sait - on a vilipendé M. Godbout, parce que M. Godbout avait fait une entente à l'occasion de la guerre. Mais ce qu'on n'a jamais dit...

M. Talbot: Ce n'est pas exact.

Ce n'est pas à l'occasion de la guerre.

Une voix: Bien, voyons donc!

M. Talbot: C'était pour mettre en application les conclusions de l'enquête Rowell-Sirois.

Une voix: On va vous ajouter un ministre là.

Une voix: ... les gros canons qui s'en viennent là.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Hamel (Saint-Maurice): L'entente que reproche à M. Godbout le député de Trois-Rivières constitue le chapitre 27 des statuts de 1942, page 241. Il y avait un article dans l'entente qui disait ceci: "La province peut mettre fin à la présente convention le 31 mars de toute année - de toute année -...

M. Johnson: Elle y a mis fin.

M. Hamel (Saint-Maurice): ... en donnant avis par écrit au minitre de son intention de ce faire trente jours avant ladite date.

Cela ne demandait pas une session spéciale, ça ne demandait pas une loi particulière, ça ne demandait pas une réunion des Chambres. La seule condition, c'est qu'on donnait avis par écrit au ministre de son intention de ce faire trente jours avant ladite date.

Or, l'Union Nationale a pris le pouvoir en 1944 et elle ne l'a jamais dénoncée.

M. Johnson: M. le Président, le ministre ne veut certainement pas induire la province en erreur. Ces accords expiraient en 1945 et M. Duplessis n'a jamais signé, jamais, jamais, il ne les a jamais renouvelés. M. le Président, le ministre sait ça, il était député du Bloc populaire à Ottawa dans le temps. Il approuvait M. Duplessis dans le temps, dans ces discours.

M. Hamel (Saint-Maurice): M. le Président, quand le chef de l'Opposition dit ça se terminait en 1945, ce n'est pas vrai.

M. Lesage: En 1947.

M. Hamel (Saint-Maurice): Cela s'est terminé en 1947 et M. Duplessis était au pouvoir en 1944, 1945, 1946, 1947. Il pouvait, avec un mois d'avis, y mettre fin, par une simple lettre écrite au gouvernement fédéral. Qu'est-ce que la loi disait? Nous pouvons y mettre fin. Il n'a pas fait ça. Ils ont protesté verbalement, certainement. Tuba mirum spargens sonum", M. le Président. Les flûtes ont retenti de leur voix, de leur son strident à ce temps-là. Mais, pendant ce temps-là, la province a perdu $1,000,000,000, et c'est une des raisons pour lesquelles aujourd'hui...

M. Johnson: Qui est-ce qui l'a pris ce $1,000,000,000?

M. Hamel (Saint-Maurice): ... nous avons plus de chômage qu'ailleurs; c'est une des raisons, M. le Président.

M. Johnson: Oui est-ce qui l'a eu le montant de $1,000,000,000?

M. Hamel (Saint-Maurice): Pardon?

M. Johnson: Qui est-ce qui l'a eu le montant de $1,000,000,000? Le gouvernement fédéral d'Ottawa?

M. Hamel (Saint-Maurice): D'autres que nous autres, et c'est un mal.

M. Bertrand (Missisquoi): Qu'est-ce que vous disiez dans ce temps-là?

M. Hamel (Saint-Maurice): Qu'est-ce que je disais? Je n'ai jamais rougi de ce que j'ai dit. J'ai dit en 1945, M. le Président, remarquez bien, j'ai dit en 1945-1946...

M. Gabias: Vous l'encensez.

M. Hamel (Saint-Maurice): J'encense qui?

M. Gabias: M. Lesage. Autrefois vous le condamniez, aujourd'hui, vous l'encensez.

M. Hamel (Saint-Maurice): Non, M. le Président, non. Je ne sais pas à quoi veut faire allusion le député de Trois-Rivières, je ne le sais pas, mais si c'est à la même chose que le député de Champlain a l'habitude de faire allusion, quant à ce que j'aurais dit: "Ne votez pas pour M. Lesage", si c'est ça, je vais lui répondre ce que j'ai répondu au député de Champlain, je n'ai jamais dit ça. J'ai dit: "Votez pour l'homme qui est capable de libérer la province du régime le plus néfaste qu'elle a eu depuis la Confédération."

Le meilleur, M. le Président, c'est que les délégués m'ont compris et ils ont voté pour celui... Alors, je dis ceci: ...

M. Lafontaine: Qu'est-ce que vous disiez à propos des "créchards" d'Ottawa?

M. Hamel (Saint-Maurice): Les "créchards", je suis prêt à en parler en temps et lieu avec le député de Labelle.

M. Lafontaine: En n'importe quel temps.

M. Hamel (Saint-Maurice): Pas sur le bill des municipalités, M. le Président, mais dans d'autres circonstances, je n'ai pas peur de ça.

M. Lafontaine: Pas peur non plus.

M. Johnson: Moins peureux que le ministre de la Jeunesse.

M. Hamel (Saint-Maurice): Ce que je trouvp illogique, M. le Président, je le regrette, étant donné l'attitude antérieure de l'Union Nationale en 1958 et en 1959, alors qu'à ce moment-là nous n'avions pas le minimum de garantie, le minimum de protection si on veut, que nous avons aujourd'hui, c'est qu'on a voté à deux mains pour des ententes avec le gouvernement fédéral, conclues non pas par le gouvernement provincial, mais par les municipalités elles-mêmes.

À ce moment-là, on a voté pour ça à deux mains. Puis aujourd'hui on prend des précautions, on dit: "Vous ne discuterez pas avec les municipalités, vous discuterez avec le gouvernement provincial." On dit: "Nous ne voulons pas que le montant attribué soit discrétionnaire, nous voulons que le montant attribué à la province soit fixé." Et il a été fixé et, aujourd'hui, on dit que le gouvernement actuel est le fossoyeur de l'autonomie.

Une voix: Le bourreau!

M. Hamel (Saint-Maurice): M. le Président, si on voulait comprendre d'abord qu'il ne sert à rien de se livrer à de la partisanerie politique avec nos relations avec le fédéral, tous, M. le Président, nous voulons l'autonomie provinciale, tous, nous y tenons. Mais supposons que nous refusions, supposons que cette loi-là ne soit pas votée, le gouvernement fédéral dépense $400,000,000.

M. Johnson: On pourrait voter d'autres lois.

M. Hamel (Saint-Maurice): Le gouvernement dépense $400,000,000.

M. Johnson: Il y a d'autres manières de régler ça.

M. Hamel (Saint-Maurice): Ah oui, d'autres manières? De quelle façon?

M. Johnson: C'est une question?

M. Hamel (Saint-Maurice): Non, ce n'est pas une question. Le député de Bagot l'expliquera à sa manière, quand il viendra en comité, si le règlement le permet, M. le Président, si le règlement le permet.

M. Johnson: Est-ce qu'Ottawa va se mettre à en parler?

M. le Président: À l'ordre!

M. Hamel (Saint-Maurice): Je crois, M. le Président, que la loi actuelle est une amélioration considérable et c'est avec plaisir, en fait que, je vais voter pour, parce qu'elle est destinée à mettre à nos

municipalités un montant d'argent d'environ $120,000,000 qui est nécessaire, car les économistes aujourd'hui prétendent que le moyen de résoudre le chômage et de créer de l'emploi quand l'industrie privée ne suffit pas, c'est par l'entreprise de travaux publics. Cela, c'est la théorie des économistes d'aujourd'hui.

M. Johnson: M. Lamontagne!

M. Hamel (Saint-Maurice): Ce n'est pas M. Lamontagne, c'est M. Keynes.

M. Johnson: M. Lamontagne, néo-fédéraliste. M. Lamontagne;

M. Lesage: C'est la théorie de Keynes qui a évolué.

M. Johnson: C'est dans le livre de M. Lamontagne. Il faut que ça vienne d'Ottawa.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Hamel (Saint-Maurice): M. le Président, nous allons voter cette loi, je crois que ce sera un grand bienfait pour nos municipalités.

M. Maurice Bellemare

M. Bellemare: M. le Président, ce pourquoi on nous réunit en session extraordinaire, c'est uniquement pour faire ratifier aujourd'hui par la Législature un compromis, et quel compromis, entre les autorités fédérales, d'une part, et les délégués de la province de Québec, d'autre part.

Donc, M. le Président, question fondamentale, puisque le gouvernement a pensé à réunir les députés en session extraordinaire pour leur démontrer et leur expliquer l'attitude prise à Ottawa.

Question d'autonomie, oui, M. le Président, parce qu'il est essentiellement à la base de la discussion qui prévaut dans cette Chambre depuis hier que c'est à la base même de nos institutions constitutionnelles que les municipalités dépendent des provinces et sont les filles des provinces.

M. le Président, vous avez entendu dans cette Chambre plusieurs discours, mais un en particulier qui vient de se terminer, celui du Procureur général. M. le Président, vous qui le connaissez depuis plusieurs années, vous qui connaissez ses pirouettes politiques, ses déclarations à l'emporte-pièce et surtout, M. le Président, ses déclarations sensationnelles au sujet de l'autonomie provinciale, vous venez d'entendre le Procureur général, M. le Président, dire dans cette Chambre combien il est attaché à l'acte constitutionnel et à l'autonomie provinciale, d'une part mais combien il est prêt, lui, à condamner l'attitude des membres de l'Opposition en 1958.

Mais ce même Procureur général, il a été élu dans le comté de Saint-Maurice-Laflèche comme autonomiste.

M. Hamel (Saint-Maurice): Je soulève un point d'ordre. Le député de Champlain a dit tantôt que j'avais dit combien j'étais attaché à l'acte constitutionnel et à l'autonomie provinciale. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que j'étais attaché à l'autonomie provinciale. Je n'ai pas parlé de l'acte constitutionnel.

M. Bellemare: M. le Président, je ne me laisserai pas détourner de mon sujet, mais je pense, M. le Président, qu'il est bon que la province de Québec sache de quel bois cet homme se chauffe pour venir dans cette province aujourd'hui affirmer que l'autonomie provinciale a été sabotée.

Une voix: Ce n'est pas vrai.

M. le Président: À l'ordre!

M. Crépeau: C'est du bois franc!

M. le Président: Je voudrais simplement attirer l'attention du député de Champlain sur le fait que c'est le bill no 1 qui est en discussion, ce n'est pas le procès d'un député, d'un ministre ou de quelque individu que ce soit. C'est seulement la loi no 1, le bill no 1 qui est devant la Chambre.

M. Bellemare: M. le Président, à Ottawa, en 1947, le 21 mai, le député du Bloc populaire, le Procureur général d'aujourd'hui disait: "On dira demain aux provinces comme on le fait aujourd'hui: Signez tel contrat, acceptez telle condition ou je vous coupe les vivres." Cela, c'était le Procureur général d'aujourd'hui.

Pourquoi le même Procureur général ne se lève-t-il pas dans la province et ne répète-t-il pas la même thèse? Non, M. le Président, il disait par exemple et je vous cite un autre paragraphe, M. le Président, dans son intervention à Ottawa le 27 mai, il disait devant ces faits, devant cette intrusion du fédéral dans le champs provincial...

M. Hamel (Saint-Maurice): Donnez donc mon texte.

M. Bellemare: M. le Président, il disait devant ces faits: "Je n'hésite pas à dire que les propositions fédérales actuelles sont indéfendables...

M. Hamel (Saint-Maurice): En 1947!

M. Bellemare: ...en ce qui concerne la

nrovince de Québec et que ceux qui s'en font les propagandistes - donc M. Lesage, qui était ministre dans le temps, qui était député, et je tiens à dire que je me place au-dessus de toute partisanerie - porteront devant les générations futures la plus lourde des responsabilités, cette responsabilité d'autant plus grande que cette députation se réveille tout à fait impuissante à corriger des injustices, qui, je l'espère, doivent l'humilier profondément." C'était là la citation du député du Bloc populaire à Ottawa. Il a tout à l'heure sali la réputation de M. Duplessis, quand il disait M. le Président, qu'en Chambre, M. Duplessis n'avait pas rappelé l'entente des propositions fédérales, des accords fiscaux, il disant cependant en 1947: "M. l'orateur, je ne suis pas un partisan de l'Union Nationale, mais je ne puis pas m'empêcher d'approuver sincèrement l'attitude du premier ministre de la province de Québec, l'honorable Maurice Duplessis, dans son refus de sacrifier sur de telles équivoques l'autonomie législative provinciale dans certains importants secteurs de l'autonomie."

C'est lui qui, aujourd'hui, vient dans la province dire: "Non, messieurs, regardez-moi. Je suis un autre homme. J'appartiens à une autre équipe. J'ai changé de couleur. J'ai changé d'idée. Et je ne suis plus l'autonomiste qui, dans le temps...

M. Hamel (Saint-Maurice): Je vais répéter ce que disait le député de Missisquoi...

M. Bellemare: ...défendait l'autonomie provinciale et disait aux autorités fédérales qui voulaient s'ingérer dans le domaine fiscal ou dans le domaine de l'autonomie: "Halte là, messieurs, vous ne passerez pas parce que le député de Saint-Maurice-Laflèche est ici."

Eh bien, quelle est son attitude aujourd'hui? Attitude de trahison, M. le Président, attitude de lâcheur...

M. Hamel (Saint-Maurice): M. le Président, je soulève un point d'ordre.

M. le Président: À l'ordre, messieurs! À l'ordre:

M. Hamel (Saint-Maurice): Écoutez, il y a une limite. Les discours électoraux, ce n'est pas en Chambre qu'on les fait.

M. le Président: Je comprends que le Procureur général voudrait s'opposer à la première expression. Mais, moi-même, j'ai écouté...

M. Bellemare: M. le Président, je retire le mot "trahison". M. le Président, je l'ai retiré.

Une voix: À l'ordre!

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Bellemare: Ils ont le droit de tous dire et puis de...

M. le Président: À l'ordre, messieurs! M. Bellemare: Cela, c'est du décorum!

M. le Président: Je dois dire que la conduite du député de Champlain n'amène pas les autres députés à donner le meilleur exemple en Chambre. Je demande au député de Champlain d'essayer de commencer à discuter du bill no 1. C'est la deuxième fois que je lui demande de discuter du bill qui est devant la Chambre.

M. Bellemare: M. le Président, c'est en 1960, le 11 janvier 1960.

Si nous sommes aujourd'hui obligés d'assister à cette session extraordinaire, c'est parce que l'honorable Procureur général de la province a manqué à ses obligations, a manqué à ses promesses électorales. Et c'est lui qui, dans la province de Québec, a fait le tour et a dit à qui voulait l'entendre: "Le Parti libéral a inscrit à son programme une loi qui donnera l'avantage aux municipalités de recevoir des subventions statutaires per capita de $10 et de $15 que verserait le gouvernement provincial." Il le savait à ce temps-là, le 11 janvier 1960, il l'avait étudié, disait-il, et il pouvait établir un système de péréquation, et il en fixait même le montant, $10 et $15.

Et, M. le Président, c'est le même homme qui présentait ici, en Chambre, à l'Assemblée législative, le 10 mars 1960, une motion dans laquelle il demandait "que cette Chambre soit prête à voter . les crédits demandés et exprime l'avis que le gouvernement devrait étudier l'opportunité de redistribuer aux corporations municipales... C'étaient en partie des paiements de péréquation. C'est encore lui, M. le Président, qui, par une motion, demandait la péréquation. C'est encore lui qui a fait mettre dans le programme du Parti libéral que, dès la prochaine session en 1960, il y aurait un système de péréquation municipale pour aider les municipalités en détresse.

Et c'était dans le programme des libéraux, mon distingué collègue de Trois-Rivières l'a rappelé. Et, M. le Président, le 5 juillet 1960, il a été assermenté comme ministre des Affaires municipales. Donc, comme ministre des Affaires municipales, après avoir prêché une théorie, après avoir déposé une motion, après avoir dit, le 15 août à Shawinigan: "Pour les Affaires municipales, il y a, en premier lieu, un système de péréquation à instituer," on était en droit de s'attendre que le ministre des

Affaires municipales viendrait au secours des municipalités en détresse.

M. le Président, au 17e congrès des conseils de comtés vous retrouverez encore le ministre des Affaires municipales, le 12 septembre 1960, qui dit: "Nous allons, dès la prochaine session, établir un système de péréquation permettant à la province de remettre une partie de ses revenus aux municipalités. Par ce système, de dire le ministre des Affaires municipales, nous établirons un barème qui tiendra compte de la population, des taxes payées par les compagnies ou les industries et les propriétaires."

Il le savait, à ce moment-là, parce qu'il avait étudié la péréquation. C'était le 12 septembre 1960. Le 16 septembre, à Jonquière, il répète: "Nous établirons un système de péréquation dès la prochaine session pour sauver les municipalités du marasme." Et, M. le Président, qu'est-ce qui est arrivé? Il est arrivé que la session en 1961 n'a rien donné et, en 1961, au mois de mars, on a commencé à voir la reculade du ministre puisqu'il dit, M. le Président, devant la Chambre de commerce de Québec: "... a également fait savoir que les autorités provinciales étudient maintenant une formule de paiement de péréquation qui aiderait les municipalités."

Le 1er septembre 1961, le ministre des Affaires municipales est au 40e conqrès de l'Union des municipalités, tenu à Pointe-au-Pic. Il déçoit tout le monde, selon un journal où on lit: "On se souvient que, l'an dernier, peu de temps après l'élection du Parti libéral, l'honorable Hamel avait parlé au cours du souper du congrès de l'Union des municipalités d'un programme de péréquation envers les municipalités; déclaration qui lui avait valu une ovation. Il n'en a seulement pas fait mention cette année."

M. le Président, c'est le 19 septembre 1961 qu'on dit, dans un éditorial que j'ai ici: "M. René Hamel, ministre des Affaires municipales, a déclaré hier au banquet du congrès de l'Union des conseils de comté, que la péréquation peut être... mais après une étude sérieuse..."

M. Bellemare: M. le Président, vous avez les déclarations du ministre, vous avez la thèse qu'il a défendue à travers la province pour venir en aide aux municipalités, mais surtout pour gagner des élections, pour gagner des votes, M. le Président, mais, quand est venu le temps, comme ministre et avec des responsbilités totales et entières, comme ministre responsable vis-à-vis des municipalités, de les aider, où est allée la péréquation? Rien de rien, M. le Président. C'est la raison pour laquelle aujourd'hui le gouvernement provincial est obligé de faire des ententes, est obligé d'établir des compromis et cela met le ministre des Affaires municipales d'aujourd'hui dans de bien "mauvais drapa.

Si on avait, M. le Président, établi véritablement cette péréquation qui avait été un des articles fondamentaux du programme libéral, on n'aurait pas eu à abaisser le drapeau de la fierté nationale, du respect entier de l'autonomie provinciale. On n'aurait pas eu, comme dit le premier ministre, et comme dit le député de Missisquoi, à tirer ce cheval de Troie et à accepter un pis-aller. Mon, M. le Président, et c'est sur ça que la province de Québec jugera demain le gouvernement libéral qui a manqué à sa promesse et surtout qui n'est jamais venu en aide à ses municipalités.

M. le Président, vous avez entendu le ministre de la Jeunesse. Qu'est-ce qu'il disait, le ministre de la Jeunesse, il n'y a pas si longtemps? Il disait lui aussi des choses intéressantes. Comme son chef, il voulait lui aussi un gouvernement stable. Bona, l'honorable ministre et Secrétaire de la province, disait: "Emmenez-nous en des plans conjoints". Mais lui, le ministre de la Jeunesse, M. Gérin-Lajoie déclarait à Vaudreuil remplacer les plans conjoints par un retour aux provinces des pouvoirs fiscaux.

À quelle occasion disait-il ça? C'est dans le Devoir du lundi 25 février 1963, c'est de l'histoire moderne, ce n'est pas de l'histoire ancienne. On lisait: "Le ministre de la Jeunesse a donné trois raisons pour lesquelles, dit-il, il appuiera sans réserve le Parti libéral fédéral. "Premièrement: nous avons besoin d'un gouvernement stable à Ottawa. Sans cette stabilité, disait le ministre de la Jeunesse, les réformes que nous entreprenons dans la province de Québec vont rester lettre morte."

Donc, les réformes faites car le gouvernement de Québec resteront lettre morte, si c'est un autre gouvernement. Voyez-vous la dépendance d'un parti fédéral? Voyez-vous ça? Cela est la déclaration d'un ministre, un ministre de la couronne qui, pour faire quelque chose dans sa province. avec un mandat de ses électeurs et, surtout, assermenté comme ministre, attend la dépendance de l'autorité fédérale. "Deuxièmement: il faut un élargissement de l'assiette fiscale provinciale. Ottawa doit se retirer immédiatement des plans conjoints." C'est ça, un gouvernement stable, et c'était pour cela qu'il s'en mêlait des élections. "Troisièmement: nous avons besoin d'un gouvernement stable qui comprend et accepte l'existence des deux cultures traditionnelles dont l'enrichissement et le développement constituent la seule base de tout autre État de l'Amérique du Nord."

Deux raisons, trois raisons fondamentales, pour lesquelles le ministre de la Jeunesse prend part activement à la lutte

fédérale: d'abord pour que son programme de réformes dans la province de Québec puisse avoir une suite - dépendance des libéraux fédéraux - et, deuxièmement, disparition immédiate de tous les plans conjoints. Imaginez-vous donc, M. le Président, trois mois après, à genoux devant les autorités fédérales pour en signer un autre!

Et, M. le Président, le ministre de la Jeunesse dit: "Les municipalités demandent de l'aide gouvernementale." Oui, nous en sommes. Il est vrai que les municipalités ont besoin d'être aidées, plus que jamais, à cause du développement considérable de ces grandes cités, et de ces belles cités demi-rurales, demi-citadines. Elles ont besoin de répondre à des demandes plus urgentes de la part de leurs propriétaires et de leurs résidents. Ils ont des obligations auxquelles il faut qu'ils répondent au point de vue d'amélioration de voirie, d'égouts, de services d'eau, d'incendie, etc. Mais elles sont limitées et plafonnées par la taxation des propriétaires sur l'évaluation municipale et elles n'ont aucune autre source de revenus que celle-là. Le ministre de la Jeunesse dit que les municipalités ont besoin d'aide gouvernementale: au lieu de venir à leur secours et de leur donner de l'aide directe de la province de Québec, on leur facilite des emprunts en passant par le fédéral. Cela, c'est de l'autonomie! Cela, c'est une reculade!

Vous pensez, M. le Président, que tout cela s'est fait sans y penser? Non, M. le Président.

Le gouvernement sait, et la province tout entière sait aussi que l'Opposition a rempli véritablement son rôle dans cette Chambre, celui d'être aux aguets, celui de faire des suggestions opportunes au gouvernement, celui de bien défendre les intérêts et de nos électeurs et de la province et aussi de la constitution canadienne. En vertu de ses privilèges et de ses droits, l'Opposition a présenté, par la voix de l'honorable député de Saint-Jacques, le 25 juin, une motion dont vous connaissez la teneur et qu'il est bon, peut-être de relire: "La Chambre est d'avis que le projet de loi portant le no C-76, Loi sur le développement et les prêts municipaux, soumis à la Chambre des Communes par le ministre du Canada constitue - c'était là, M. le Président, la lumière rouge qui s'allumait une atteinte grave à la compétence exclusive et à l'autonomie de la province de Québec en matière d'institutions municipales et prie le gouvernement de la province de Québec d'étudier la possibilité d'établir un système provincial de crédit municipal susceptible de faciliter les emprunts municipaux."

Cette motion, M. le Président, malgré l'opposition du député de Saint-Maurice, malgré l'opposition de quelques autres, a été retirée, parce que - vous savez les circonstances - nous l'avons transformée, avec le consentement unanime de la Chambre, dans une motion de fond, et, le 26 juin, la motion a été votée à l'unanimité dans cette Chambre.

Mais, M. le Président, à la suite de cette motion du 26 juin, vous avez entendu le premier ministre de la province de Québec dire qu'il considérait le projet de loi C-76 comme une atteinte très grave à l'autonomie provinciale. Il disait: "Ce n'est pas seulement un prêt, c'est une subvention " et c'est à cause de cela qu'il y a énormément de gravité. Et le premier ministre disait pour cette Chambre: "Le gouvernement fédéral va contraindre les municipalités à accepter et va les obliger à se soumettre à leurs critères et à leur inspection. Il y a là un inconvénient fondamental, disait le premier ministre de la province le 25 juin, parce qu'on élargit par le fait même le plan conjoint."

M. le Président, le premier ministre de la province disait que les moyens pour que la province puisse remplir véritablement son rôle, c'était de demander au fédéral de respecter entièrement l'autonomie provinciale dans le domaine des municipalités.

Mais le premier ministre de la province est parti à Ottawa après que la Chambre eut voté unanimement la motion: Est-ce que la Chambre a donné à M. le premier ministre de la province et à la délégation le pouvoir de transiger un compromis? Est-ce que le Chambre a donné au premier ministre de la province le droit de transiger et d'apporter des modifications au bill C-76? Est-ce que la Chambre a donné un ordre au premier ministre de la province d'aller à Ottawa et de changer les modalités de la loi fédérale? Non. Quelle a été la motion unanime de la Chambre? Le mandat que la Chambre a donné au premier ministre de la province était celui-ci: "La Chambre, tout en étant prête à voter les subsides nécessaires à l'administration de la province, est d'avis que le gouvernement devrait étudier la possibilité..." Non, ce n'est pas celle-là, M. le Président. "La Chambre est d'avis..." Ceux qui ouaouaronnent devraient faire comme moi, ils devraient travailler un peu de temps en temps pour défendre l'autonomie! ''La Chambre est d'avis que le projet de la loi portant le no C-76: "Loi sur le développement et les prêts municipaux", soumis à la Chambre des Communes par le ministre des Finances du Canada, constitue une atteinte grave à la compétence exclusive et à l'autonomie de la province de Québec en matière d'institutions municipales, et prie le gouvernement de la province d'établir la possibilité d'un système provincial de crédit municipal, susceptible de faciliter les emprunts municipaux." Cela, c'est le mandat, ça, c'était la motion. Mais guelle a été la

mission? Cela a été de baisser pavillon à Ottawa, cela a été un "knock-out", une reculade de la part du gouvernement provincial. Il ne pouvait pas se justifier, comme je le dirai tout à l'heure, dans le discours de l'honorable ministre des Affaires municipales, "d'avoir un mandat de la Chambre". C'est faux. Il n'a jamais eu de mandat de la Chambre pour aller à Ottawa baisser le pavillon, faire un compromis, accepter un pis-aller ou fabriquer un cheval de Troie. Jamais, M. le Président:

Le mandat de la Chambre était d'établir un crédit municipal, d'établir un système provincial de crédit municipal, mais dans la province de Québec, sans être les colporteurs ou les intermédiaires des centralisateurs d'Ottawa. Cela, c'était le voeu.

C'était difficile pour le premier ministre, lui qui a vécu si longtemps à Ottawa, lui qui s'est un peu contaminé à l'air centralisateur des gouvernements King et Saint-Laurent. Et surtout, faut-il vous rappeler les déclarations qui ont été faites après la malheureuse déclaration du "Saxonia"? Faut-il vous rappeler, M. le Président, les éditoriaux qui ont été écrits à ce moment? Certains disaient, par exemple, en parlant de M. Lesage qui, à ce moment-là député à Ottawa, s'interposait pour que le premier ministre, M. Saint-Laurent fasse respecter les accords fiscaux et n'accorde aucunement la détectibilité sauf de 5%... Un éditorial du 5 mai 1954 par M. Gérard Fillion, disait ceci: "M. Saint-Laurent laisse la porte ouverte aux négociations - c'était après le discours à Valleyfield du premier ministre, l'honorable M. Duplessis - il invite même la province de Québec à entamer des pourparlers avec le gouvernement fédéral pour décharger le contribuable du fardeau du double impôt. C'est un progrès sur les orateurs qui l'ont précédé, disait M. Fillion.

M. Abbott, était alors ministre des Finances et avait comme adjoint à ce moment-là l'honorable M. Lesage, premier ministre de la province aujourd'hui. "M. Abbot avait refusé carrément les réclamations québécoises. Pour lui, les ententes fiscales étaient à signer ou à rejeter. M. Lesage avait été plus conciliant dans le ton et dans la forme, mais il avait fait de savants calculs pour démontrer qu'en définitive, la seule et unique solution acceptable par Québec était de signer les accords fiscaux."

C'est Gérard Fillion qui juge le premier ministre de la province d'aujourd'hui. C'était le centralisateur dans le temps, à Ottawa. C'était celui qui se battait pour faire respecter les lois du gouvernement fédéral quand il voulait imposer une distribution des pouvoirs fiscaux et que M. Duplessis lui, avec son équipe, allait à Ottawa pour revendiquer le respect intégral de la constitution qui, dans le temps, était contre le premier ministre de la province? Le premier ministre d'aujourd'hui, un des centralisateurs le plus acharnés que jamais l'histoire du Canada aura connu dans la province de Québec. Et, M. le Président, il était bien préparé, il connaissait bien la mentalité des gens d'Ottawa.

M. le Président, vous retrouverez dans le Devoir du 5 mai 1954...

Une voix: Très intéressant.

M. Bellemare: J'ai des petites nouvelles pour vous et puis pour le ministre tout à l'heure. Vous allez arrêter d'en parler du 25e.

M. le Président, le Devoir du 5 mai disait: "Comment le Québec pourra-t-il alors exercer le droit parrallèle et concurrent qu'on lui reconnaît sans demander à Ottawa de lui faire un peu de place? Pour légitimer le refus d'accorder la déduction du 15%, M. Lesage, alors ministre, prétexte que l'Ontario pourra demander autant, ce qui, d'après lui, déclencherait une ruée des provinces sur le trésor fédéral."

C'était ça l'argument du premier ministre, dans le temps, argument d'un centralisateur qui nie voulait pas reconnaître les véritables données de l'autonomie provinciale du Québec et, surtout, les revendications de M. Duplessis dans le temps et de son équipe autonomiste. C'était lui qui, à Ottawa, M. le Président, au lieu d'aider sa province, essayait d'en faire une province comme toutes les autres provinces.

Mais, M. le Président, il était bien préparé, le premier ministre actuel, pour aller à Ottawa, régler la question de l'autonomie provinciale. Si on lit, M. le Président, la déclaration de "Maîtres chez nous", publiée avec cette fameuse "clé du royaume", à la dernière élection provinciale de 1962...

M. le Président: Il y a eu des articles de journaux, il y a eu des éditoriaux qui ont été lus devant la Chambre. Mais je dois attirer l'attention du député et de tous les membres de la Chambre sur l'article 285, quatrième paragraphe, qui dit que c'est défendu "de lire un écrit, un imprimé ou quelque extrait d'écrit ou d'imprimé qui ne se rapporte pas directement au sujet du débat en cours". Maintenant, comme je l'ai dit, on a laissé une certaine latitude, mais je ne crois pas qu'on puisse dire que les extraits que le député de Champlain lit actuellement se rapportent directement au sujet du bill no 1.

M. Bellemare: Alors, M. le Président, je vais dire comme un de mes collègues:

"Maîtres chez nous, mais la clé à Ottawa."

M. le Président, vous parlez de ceux qui ont cité des textes, de ceux qui ont lu des textes, des coupures de journaux. Vous dites que l'article peut s'appliquer...

M. le Président: Je n'engage pas un débat avec le député de Champlain. J'attire son attention.

M. Bellemare: Non, non, je me pose des questions.

M. le Président: J'attire l'attention du député de Champlain sur le règlement de la Chambre. Je demande en même temps au député de Champlain, quand je me lève pour prendre une décision, de prendre sa place et de cesser de parler.

M. Bellemare: M. le Président, chez ceux qui ont cité des extraits de discours, ceux qui ont cité des extraits de lois, ceux qui ont cité des coupures de journaux, eh bien, M. le Président, aujourd'hui et hier, le ministre des Affaires municipales aura sûrement le record. Il est devenu le champion des coupeurs, celui qui produit le plus de coupures de journaux. J'ai pris la peine de relire son texte et j'ai trouvé, dans ce texte d'une heure et quinze minutes, 59 citations, textes de loi, lettres ou coupures de journaux. Sur 4,071 mots...

M. Laporte: Avez-vous également compté les mots qu'il y avait dans mon discours?

M. Bellemare: Sur 4,071 mots, 3,140 sont pour des citations de textes de loi...

M. Laporte: M. le Président, j'invoque le règlement sur deux points. Lorsque le député de Trois-Rivières suggère aux députés de travailler, je vois ce qu'il fait, maintenant.

M. Bellemare: De Trois-Rivières?

M. Laporte: Au député de Champlain. Excusez-moi, je ne voulais pas l'insulter. Quand il suggère de travailler, je vois ce qu'il fait. Deuxièmement, j'ai respecté strictement le règlement parce que toutes et chacune des citations, dont la plus longue avait une phrase, se rapportaient strictement au sujet que nous discutions.

M. Johnson: 3,410 mots de citations.

M. Bellemare: M. le Président, le ministre dit que chaque citation ne comprenait qu'une phrase. Page 21, il y en a 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, il y a 10 phrases dans ce texte.

M. Laporte: Où est-ce?

M. Bellemare: Cela veut dire que le ministre des Affaires municipales, qui a parlé pendant une heure et treize minutes, a fait 59 citations.

Une voix: Combien de secondes?

M. Bellemare: Peut-être 12 ou 13, je n'en suis pas sûr.

M. Laporte: Soyez précis!

M. Bellemare: Des 4,071 mots de ce texte, il y a 3,140 citations de textes de loi et de coupures de journaux. Cela veut dire, M. le Président, qu'il lui reste à lui, de son cru, 931 mots et, dans ces 931 mots du ministre, nous retrouvons, à la page 27, ce qu'il nous dit. Il nous dit ceci, et c'est en or, M. le Président: "Je suis prêt à défendre la théorie suivante." Cela, c'est dans les 931 mots.

M. Laporte: Si le député veut citer, cela c'est le plus important, mais les deux paragraphes.

M. Bellemare: "Chaque fois que le gouvernement fédéral voudra pénétrer dans un domaine de juridiction provinciale" donc juridiction qui nous est accordée par la constitution à nous, de la province de Québec - et chaque fois qu'une majorité des provinces sera favorable à cette violation..." M. le Président, "à cette violation..."

M. Laporte: Pas besoin de répéter, c'est dans le texte.

M. Bellemare: Il l'admet, M. le Président - "de la constitution, ce sera le devoir - imaginez-vous - des administrateurs de l'État du Québec de tirer le meilleur parti possible de la situation."

Pourquoi? Pour protéger l'autonomie provinciale? Non, non: "pour éviter le pire. Et qu'est-ce que c'est, le pire? "Pour éviter que les citoyens québécois ne soient taxés au profit du reste du Canada. "

L'autonomie de l'honorable ministre des Affaires municipales était une autonomie de piastres et de cents. C'est ça, M. le Président, une autonomie de piastres et de cents.

M. Laporte: Lorsque le député de Champlain a mon texte en main, il pourrait au moins le lire tel quel.

M. Bellemare: Ah, je l'ai lui

M. Laporte: Un instant! Je vais soulever un point d'ordre et vous répondrez après. Le député de Champlain, en lisant

mon texte qu'il a devant lui, a dit que ce sera le devoir de la province de Québec.

M. Johnson: Non.

M. Bellemare: Non, j'ai dit: des administrateurs de l'État du Québec.

M. Laporte: Un instant, j'ai le texte devant moi.

M. Bellemare: Moi aussi.

M. Laporte: "Ce sera le devoir des administrateurs de tirer le meilleur parti possible de la situation pour éviter le pire "qui serait, dit-il, le pire, que les citoyens soient privés... "Je passe à mon texte. Ce n'est pas cela, mon texte. Pour éviter d'abord le pire - le négativisme de l'Union Nationale pendant 16 ans - et, deuxièmement...

M. Bellemare: Non, non, M. le Président, j'invoque le règlement.

M. Laporte: Non, non.

M. Bellemare: Le ministre aura le droit de me répondre. Il y a une réplique. Mais il n'a pas de droit, M. le Président, durant mon discours, de faire des interventions de points d'ordre. Il y a une réplique.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Bellemare: C'est le crapaud qui a parlé? Il n'a pas été nommé procureur encore? On va le nommer Procureur général!

M. le Président: Je comprends que le ministre des Affaires municipales voudrait soulever un point d'ordre, parce qu'il prétend que le député de Champlain n'a pas cité exactement son texte. D'après moi, je ne suis pas convaincu qu'il ait le droit de le faire à ce moment-ci, mais, d'après la coutume qui a été établie depuis deux jours, il me semble que c'est le consentement des deux côtés de la Chambre de tout faire. Je pourrais peut-être suggérer au député de Champlain, s'il veut citer quelque chose, qu'il le dise et qu'il fasse ses commentaires après. S'il y a un député qui parle sur un point d'ordre, ce n'est pas en soulevant un autre point d'ordre qu'on peut l'interrompre.

M. Bellemare: Donc, je continue. Sur les 4,071 mots du discours du ministre, 3,140 mots de déclarations, de coupures, de lettres et 931 mots du ministre en une heure et treize minutes pour se sortir d'un mauvais pas. Parce que le ministre est autonomiste, ne l'oubiiez pas. C'est le premier ministre qui est centralisateur, mais lui, le ministre, est autonomiste, et il l'a prouvé. Il l'a fait dans 27 pages d'un texte concis, bien préparé, d'un texte où il fait preuve d'un attachement véritable à l'autonomie. Il donne les raisons pour lesquelles il est autonomiste. Mais la crise arrive. Le centralisateur, l'honorable premier ministre, lui, dit: "Il faut que tu marches. "Et voici la déclaration.

Le ministre est autonomiste, et il est obligé de ménager la chèvre et le chou, ses principes et son devoir. Il dit: "Je pense que je pourrais peut-être m'en sortir en disant que,(...) chaque fois que ce sera le devoir des administrateurs de l'État de Québec de tirer le meilleur parti possible de la situation pour éviter le pire et pour éviter que les citoyens ne soient taxés au profit des autres au Canada."

M. le Président, le premier ministre n'a pas le droit de m'interrompre.

M. Lesage: Vous vous trompez. M. le Président, j'invoque le règlement.

M. Bellemare: Quel règlement? Quel numéro? M. le Président, quel article du règlement?

M. le Président: À l'ordre!

M. Lesage: M. le Président, je suis debout.

M. Bellemare: Oui, mais moi aussi, M. le Président. J'ai la parole.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Bellemare: J'ai la parole, M. le Président. Le premier ministre n'a pas le droit de m'interrompre. Je n'ai pas manqué au règlement, certainement pas. J'ai dit la vérité, M. le Président.

M. le Président: Pour la deuxième fois, je demande au député de Champlain de prendre son siège.

M. Lesage: M. le Président...

M. Bellemare: M. le Président, je continue.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Bellemare: Dans les circonstances, M. le Président...

M. le Président: J'ai déjà rappelé à l'ordre le député de Champlain deux fois, je n'ai pas besoin, je crois, d'expliquer au député de Champlain ce qui va arriver si je suis obligé de le rappeler à l'ordre une troisième fois. Je comprends que le premier ministre a soulevé un point d'ordre et a invoqué le règlement. J'écoute le premier ministre.

M. Lesage: M. le Président, il y a une coutume dans cette Chambre qui consiste à soulever une question de règlement lorsqu'un député, citant un autre député, tronque son texte ou le transforme et c'est ce que vient de faire le député de Champlain.

M. Bellemare: M. le Président, le premier ministre n'a pas raison et son intervention est inopportune. Ce qui est fâchant c'est qu'il passe son temps dans les corridors pendant que la session se tient. C'est son devoir d'être en Chambre, lui, le premier ministre de la province, de rester en Chambre et d'écouter les discours; ça, c'est son devoir.

M. Lesage: Le député de Champlain est absolument injuste à mon endroit. Je soulève cette fois-ci une question de privilège. Je pense que je suis assidu en Chambre durant les sessions, mais il y a des questions administratives d'une importance et d'une urgence au-dessus de la compréhension du député de Champlain et sur lesquelles...

M. Bellemare: Voulez-vous m'insulter? Voyez-vous? C'est une insulte. Allez-vous le laissez faire!

M. Lesage: M. le Président...

M. Bellemare: Il a le droit de m'insulter!

M. Lesage: ... je me suis levé sur une question de privilège.

M. Bellemare: Pour m'insulter!

M. Lesage: ... en mon absence de la Chambre...

M. Bellemare: Pour insulter les autres.

M. Lesage: J'ai eu à régler cet après-midi des questions d'une importance et d'une urgence qui dépassent le député de Champlain.

M. Bellemare: M. le Président, le premier ministre sait qu'il y a une session urgente, que c'est important. C'est lui qui l'a convoquée, c'est sa responsabilité d'être en Chambre pour entendre les raisons qu'invoque l'Opposition pour être contre et le premier ministre se sauve dans les corridors, le premier ministre se donne des raisons, des raisons d'administration.

Le bill no 1 et le centralisateur no 1.

M. le Président, je dis donc que la thèse dont se sert le ministre des Affaires municipales, la théorie qu'il est prêt à défendre, ce n'est pas une théorie autonomiste, c'est une théorie de piastres et de cents. Et ça, c'est important quand ça vient de la bouche d'un homme qui, dans la province de Québec, a surtout écrit des articles en nombre considérables sur l'autonomie provinciale, lui qui s'est permis, en maintes circonstances, de dire et d'écrire et des articles et des lettres pour féliciter ceux qui défendaient l'autonomie provinciale, lui qui donnait même, dans certaines circonstances, dans des écrits que j'ai ici, des conseils et qui disait aux gens: "Il y a deux phases à suivre pour faire respecter l'autonomie provinciale. Il les citait, M. le Président, le 22 septembre 1954.

M. le Président, vous ne voulez pas que je cite des articles de journaux. Il y aurait ainsi toute une thèse pour démontrer que l'honorable ministre des Affaires municipales est un autonomiste, a été un autonomiste. Il a défendu l'autonomie provinciale. Mais, aujourd'hui, à cause du centralisateur no 1 de la province de Québec, le premier ministre de la province, il a été obligé d'abdiquer, il a été obligé de baisser pavillon. Et c'est ça, la belle province de Québec!

Quand je vois le premier ministre dire, la main sur le coeur: "J'assure la province de Québec que notre autonomie provinciale va être respectée... "Ah! Les serments. Il est comme quelqu'un que j'ai connu et qui en faisait par oubli ou par distraction. L'honorable ministre, dans son texte, lui, par exemple, a tronqué le texte de M. Léger. Il ne l'a cité qu'en partie et il sait, qu'il ne l'a cité qu'en partie.

M. Laporte: Je pense bien, j'ai cité 20 mots.

M. Bellemare: M. le Président, il a cité de M. Jean-Marc Léqer: "Peut-être, en l'absence d'une solution immédiate de rechange, ne pouvait-on pas faire davantage." Mais ce n'est pas ça. C'est laisser dans la province une opinion bien différente sur la déclaration qu'a faite M. Léger concernant la conférence fédérale. Qu'est-ce qu'il disait, M. Léger? Il apporte ici la phrase qui fait son affaire.

Mais, M. le Président, s'il avait apporté celle-ci, par exemple, dans le même article du ministre, s'il avait apporté cette phrase où M. Léger dit ceci: "Sans doute le pire a été évité, c'est-à-dire l'intervention directe du gouvernement central dans l'usage que feront les municipalités des ressources tirées de lui et à cet égard, M. Lesage a eu un résultat non négligeable, mais l'atteinte à l'autonomie provinciale, même adoucie, subsiste."

C'était là une condamnation de M. Léger; et il disait, M. le Président... "Ainsi, il n'y aura pas de relations directes entre le gouvernement central et les municipalités. Pas d'intervention d'Ottawa sur le terrain".

Mais, disait M. Léger, "Ottawa subventionne quand même les municipalités du Québec. Deuxièmement, l'État provincial devra se conformer aux objectifs recherchés par Ottawa dans cette entreprise. "Et, troisièmement, l'État provincial devra faire rapport au gouvernement central sur l'affectation des crédits. "Cela, c'est de l'autonomie...à la...

Une voix: A là?

M. Bellemare: Bien j'allais dire...c'est de l'autonomie du genre du député de Québec-Ouest. La centralisation emmitouflée dans de l'autonomie bordée. Ah ça, par exemple, le premier ministre est habile dans ça! Là, il patine, M. le Président, surtout avec ses anciens amis d'Ottawa, centralisateurs comme ils sont restés! Il va les voir, il va faire une petite promenade. Il dit en sortant: "Je suis satisfait. Je suis satisfait d'avoir laissé le pavillon, nous du Québec. Fier de notre passé, je suis satisfait de leur avoir immolé sur l'autel des centralisateurs, je suis satisfait d'avoir baissé pavillon devant mes anciens maîtres." Et c'est M. Jean Paré, un ami du premier ministre, qui écrit dans un éditorial: "M. Lester Pearson a bien eu M. Lesage...

M. Lesage: Qui est M. Jean Paré?

M. Bellemare: Je ne la connais pas.

M. Lesage: Bien, moi non plus. Ce n'est pas un de mes amis.

M. Bellemare: Non, mais, M. le Président, il écrit dans un journal qui vous est bien sympathique.

M. Lesage: Je ne sais pas.

M. Bellemare: Non, le collaborateur de M. Yves Michaud. Cela doit vous dire quelque chose. Il dit ceci: "Cette fois le caoutchouc a rebondi. Lester Pearson a bien eu M. Lesage."

M. le Président, quand on voulait faire respecter nos droits et notre autonomie, on disait "non" dans la province de Québec, disait le premier ministre hier soir. On vivait, par exemple, selon nos moyens et on ne se créait pas sûrement dans la province un tollé général comme celui qui existe actuellement. On vivait selon nos moyens et, dans des programmes électoraux comme il en a été cité aujourd'hui, on ne faisait pas des promesses sans bon sens.

M. le Président, aujourd'hui, on accepte tous les plans conjoints, mais on les dénonce, et on sait pourquoi, parce qu'on a besoin d'argent. C'est la nouvelle politique du gouvernement: Emprunter pour s'enrichir. Il en faut, de l'argent; Emmenez-en, des millions. Nous autres, on n'est pas troo scrupuleux sur l'autonomie. On va l'assaisonner un peu avec des petits mots bien touchants de la part du ministre de la Jeunesse et du premier ministre. Nous avons été à Ottawa, et, M. le Président, mission accomplie. "Mission accomplie, autonomie sacrifiée. Autonomie sacrifiée pourquoi? Pour de l'argent. Mission accomplie, peuple du Québec trahi. Oui, M. le Président. Mission accomplie, municipalités mal servies. Cela, c'est ce qu'on appelle mission accomplie, oui, les Québécois enchaînés avec des chaînes d'or, de millions:

Il y a eu dans le passé un homme qui a laissé trace de son nom parce qu'il avait accepté 30 derniers pour vendre son maître. Mais, là aujourd'hui, on accepte $120,000,000 pour vendre sa province.

Eh bien, le premier ministre a raison de dire que c'est un pis aller, que c'est un cheval de Troie...

M. Lesage: La vente de 1958...

M. Bellemare: M. le Président, la victoire des centralisateurs, elle est confirmée par ce compromis "Sauvons l'essentiel", dit le ministre des Affaires municipales. Oui, sauvons l'essentiel. Qu'est-ce que c'est pour ces gens du pouvoir, l'essentiel? L'argent, pas autre chose.

Et, comme disait un jour Sir Wilfrid Laurier: "C'est celui qui ramasse l'argent qui administre un jour ou l'autre." Eh bien, c'est Ottawa, M. le Président. Et M. Sauriol, lui, disait dans un éditorial le 28 juin 1963: "Ottawa doit renoncer à donner de l'argent à qui n'a pas le droit de percevoir et à percevoir de l'argent qu'il n'a pas le droit de donner". Ça doit être bien clair ça, M. le Président.

Cet après-midi, nos honorables amis ont dit: "Mais qu'est-ce que vous avez fait dans le passé? Vous avez voté pour le bill en 1958. Vous avez manqué à votre devoir".

M. Vincent Prince a une réponse pour ces gens qui nous ont descendus. Il dit dans un éditorial du 27 juin 1963 cette phrase: "Enfin, l'argument des précédents ne manque pas de force, mais il doit en même temps nous ouvrir les yeux. Il équivaut à dire ceci: Vous avez cédé bien des fois, où serait le mal à nous de céder une fois de plus? Mais justement, dit M. Vincent Prince, il faut s'arrêter une fois pour toutes dans la descente des abandons de l'autonomie."

Eh bien, ça, M. le Président, c'est une affirmation d'un homme qui, aujourd'hui, occupe une place assez importante dans le monde journalistique. Mais le ministre des Affaires municipales nous a dit: "Qu'est-ce qu'on pouvait faire de mieux? Il n'y avait pas de solution. Nous avons regardé partout. Nous n'en avons trouvé aucune."

Depuis hier l'ancien ministre des

Affaires municipales, le député de Saint-Jacques, en a fourni une. L'honorable chef de l'Opposition...

M. Laporte: Il aurait été mieux de la fournir quand il était au pouvoir.

M. Bellemare: L'honorable député de Missisquoi s'est levé pour en suggérer une bonne. Et, M. le Président, à mon tour je dirai à l'honorable ministre de regarder un peu ce qui se fait dans les autres provinces et en particulier dans l'Alberta. Ils en ont un système de prêts municipaux. Le ministre doit le savoir.

M. Laporte: Il existe depuis combien d'années?

M. Bellemare: Depuis 1950.

M. Laporte: Pourquoi n'en avez-vous pas donné en 1950 vous autres?

M. Bellemare: Parce qu'on n'avait pas les revenus que vous avez. Parce que le centralisateur numéro un de la province de Québec les gardait à Ottawa nos revenus.

M. Laporte: Cela ne convaincra personne.

M. Bellemare: Oui, c'est ça, M. le Président. En Alberta, la corporation du financement municipal...

M. Laporte: Mais, est-ce qu'ils avaient un revenu, eux?

M. Bellemare: Oui, à cause de la population, oui.

M. Laporte: Ah, bon...

M. Bellemare: Et vous allez voir comment fonctionne le système, vous allez le voir. Au 31 décembre 1961, cette entreprise avait prêté au total $177,000,000 et quelques chiffres et elle détenait en garantie des obligations municipales pour une somme de $165,000,000; donc, $177,000,000 de prêtés et $165,000,000 que le gouvernement détient. Par exemple, la municipalité d'Edmonton a émis des obligations pour un montant de $51,500,000. Celle de Calgary avait émis pour près de $36,000,000 et huit grandes autres villes pour plus de $12,000,000, ce qui formait le total de $100,000,000.

Des sommes plus modestes ont été prêtées à cinquante-six villes, cinquante-deux villages, huit comtés, six districts municipaux. Soixante divisions ou districts scolaires et quelques autres administrations locales. Il semble évident que l'on puisse de la sorte obtenir aux municipalités des taux d'intérêts beaucoup plus bas, puisque les émissions seraient faites par un organisme provincial et pour des sommes beaucoup plus élevées, soit $25, $50, ou $100,000,000 à la fois. Et, M. le Président, l'éditorialiste du Nouvelliste disait dans son article du 20 août 1962: "On peut emprunter pour une période de cinq ans pour le gravelage et l'achat d'outillage de voirie, dix ans pour l'achat d'appareils pour combattre les incendies et enfin, vingt-cinq ans lorsqu'il s'agit d'installer des services municipaux et construire des écoles ou des ponts et exécuter des travaux d'irrigation et de drainage. Cela, c'est de l'autonomie et de l'autonomie provinciale respectée chez eux. Et non pas comme le grand centralisateur, le premier ministre de la province, aller à Ottawa sans mandat et là, M. le Président, nous revenir tout souriant et nous dire: "Mission accomplie"...

M. le Président, mission accomplie, autonomie sacrifiée, peuple trahi, municipalités mal servies.

M. le Président: À l'ordre, messieurs. A l'ordre!

M. Lesage: Au prix que vous êtes payé, vous allez siéger jusqu'à la dernière minute...

M. Gabriel Loubier

M. Loubier: M. le Président, j'entends le premier ministre dire que parce qu'on est payé qu'on veut rester en Chambre. M. le Président, je ne pense pas que ces paroles-là soient parlementaires et nous ne sommes pas ici pour gagner de l'argent, nous sommes ici pour défendre des principes. M. le Président, je serais même venu en Chambre si j'avais été obligé de payer $100 par jour pour venir dire au premier ministre...

M. le Président: À l'ordre, messieurs, le bill No 1...

M. Loubier: M. le Président, est-ce que c'est parlementaire les paroles qu'il vient de prononcer?

M. le Président: Je n'ai pas entendu. Pour la deuxième fois, je demande au député s'il veut adresser la parole, qu'il parle sur le bill no 1.

M. Loubier: Très bien, M. le Président. Le premier ministre semble surpris que nous prenions une position contraire à celle qu'il avait préconisée, à savoir que nous serions en faveur du bill No 1. C'est lui-même qui a convoqué le Parlement. Il savait bien qu'en convoquant le Parlement, nous ne serions probablement pas tous d'accord. C'est le rôle de l'opposition justement de faire remarquer au gouvernement les dangers qu'une législation peut comporter pour le peuple de

la province de Québec et nous entendons accomplir notre rôle même s'il y a des intimidations ou s'il y a des insultes dans les allusions que fait le premier ministre.

M. le Président, on a lu dans quelques journaux, à un moment donné, que le déroulement de la conférence à Ottawa s'était fait dans un climat de bonne entente. Plusieurs ont été surpris de lire ces titres des journaux. Nous, de ce côté-ci de la Chambre, ne sommes pas surpris du tout que ce soit fait dans un climat de bonne entente puisqu'il y avait la réunion de quelques frères séparés depuis quelques années qui se retrouvaient autour de la même table pour discuter gentiment de la philosophie centralisatrice qui les avait animés depuis leur début en politique. Et, nous avons assisté aux discours et aux échanges d'idées de félicitations du "triumvirat" Pearson, Lamontagne et Lesage. Et, encore là, nous assistons au triomphe de la théorie de M. Lamontagne, ce grand économiste qui s'est présenté deux fois dans Québec-Est, qui a exposé ses théories sur l'économie politique que les gens de Québec-Est ont jugée inacceptable et qui a été obligé d'aller se représenter ailleurs alors que dans Québec, les gens étaient à cent pour cent patriotes, à cent pour cent pour des théories sauvegardant la suprématie et l'autonomie de la province de Québec.

M. le Président, il est six heures, je vous demanderais, est-ce que je vais continuer, il est six heures.

M. le Président: Si le député ne veut pas parler jusqu'à six heures...

M. Loubier: Ah, je peux parler, M. le Président. Quelle heure est-il, M. le Président?

M. le Président: Il est six heures.

M. Johnson: C'est l'heure de Québec qui compte, pas l'heure d'Ottawa.

M. le Président: La séance est suspendue jusqu'à huit heures.

(Reprise de la séance à 8.04 du soir)

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Loubier: M. le Président, relativement au bill no 1 présenté devant cette Chambre vers la fin de la séance de cet après-midi, je rappelais que la grande partie de la population du Québec n'a pas été surprise de lire en quelques endroits que la conférence s'était déroulée dans un climat de bonne entente, parce que je disais que cela a permis à de vieux frères séparés de se réunir autour de la même table: M.

Pearson, M. Lamontagne et M. Lesage, et cela a été l'occasion rêvée de vanter les mérites de la centralisation.

Ces trois amis sont tous diplômés avec très grande distinction de l'université politique d'Ottawa, dont le plus illustre recteur fut sans contredit l'honorable Mackenzie King. Il n'est pas surprenant que la théorie de Maurice Lamontagne ait enfin triomphé. Je rappelais que M. Lamontagne avait, à deux reprises, exposé avec frénésie, et avec toute la conviction qu'on lui connaît, ses théories en économie politique qui avaient une orientation fortement axée sur la centralisation fédérale, qu'à deux reprises, la population considérait que c'était contraire aux aspirations du peuple de la province de Québec. Il a été obligé d'aller se présenter dans un comté où il s'agit d'avoir un candidat libéral pour attribut. C'est comme ça qu'on a pu faire la petite réunion d'Ottawa, qui s'est déroulée dans une entente confraternelle des plus agréables, mais ceci, par exemple, au détriment de l'autonomie de la province de Québec.

Lorsqu'on s'aperçoit qu'enfin la théorie de M. Lamontagne triomphe, les membres de l'Opposition qui, en définitive représentent tout de même au-delà de 40% de la population du Québec, sont bien fondés à ne pas se réjouir de cet accord des plus désastreux depuis 1942 puisque cette entente vient encore une fois consacrer notre féodalité et vient ratifier la détermination des deux gouvernements libéraux d'anéantir toute autonomie politique et fiscale et d'ensevelir les libertés les plus fondamentales d'un gouvernement de la province de Québec.

M. le Président, lorsque j'ai entendu le premier ministre dire qu'il revenait d'Ottawa avec la conscience du devoir accompli et qu'il pouvait répéter la même phrase que celle qu'on se disait en temps de guerre après une victoire, mission accomplie, je dis oui, M. le Président, mission accomplie pour lui, vis-à-vis de tous les libéraux du Canada, mais non pas mission accomplie pour le peuple de la province de Québec. Victoire de la théorie d'un parti, mais non pas victoire des libertés fondamentales du peuple de la province de Québec.

Et, M. le Président, lorsqu'on s'insurge devant la philosophie de l'économie du bill qu'on présente devant nous, eh bien, le premier ministre dit avec une certaine arrogance - il l'a dit au député de Trois-Rivières, il l'a dit au député de Missisquoi lorsqu'il a parlé, il l'a dit et répété lorsque j'ai débuté vers la fin de la séance - c'est évident, ces gens-là vont tout faire pour éterniser et gagner leurs $100 par jour.

M. Lesage: Pendant plus de jours.

M. Loubier: J'ai le texte du premier ministre ici. Le premier ministre a dit, à un

moment donné: "Au prix que vous êtes payés, vous allez siéger jusqu'à la dernière minute." Eh bien, M. le Président, j'ai discuté de cette allusion malicieuse du premier ministre avec mes collègues et nous sommes tous d'accord pour renoncer à cette indemnité de $100 par jour.

M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement. Les mots "allusion malicieuse"...

Une voix: Oui, oui, c'est malicieux.

M. Lesage: ...ne sont pas parlementaires, d'autant plus qu'il me prête des motifs. Je n'ai que constaté un fait, c'est que les députés de l'Opposition se répètent constamment.

M. Lafontaine: Cela, c'est malicieux.

M. Loubier: Je suis prêt à faire une motion appuyée par n'importe quel député, le député de Labelle.

M. le Président: À l'ordre, messieurs! Une voix: Faites-la, votre motion.

M. Loubier: Nous, nous sommes prêts à renoncer à cette indemnité de $100, à condition que tous les députés fassent la même chose et que ces $100 aillent dans un fonds spécial pour structurer une organisation qui défendra l'autonomie de la province de Québec.

M. le Président: À l'ordre! Le bill no 1.

M. Loubier: Et si ceci nous permet...

M. le Président: Le bill no 1.

M. Loubier: M. le Président, c'est tout de même le premier ministre qui a convoqué cette session au sujet du bill no 1. Et il voulait probablement, ce faisant, prendre le pouls de la province concernant ce bill, par le biais de l'Opposition...

M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement encore une fois; le député m'impute encore des motifs sur les raisons de la convocation de la session.

M. Loubier: M. le Président, disons tout simplement qu'en discutant du bill no 1, nous avons l'occasion, nous de l'Opposition, d'exprimer les sentiments de la province concernant les objections sérieuses que nous avons à formuler sur ce bill.

M. Lesage: Parlez-vous au nom de la province, comme quand vous disiez que vous nous battriez en novembre?

M. Loubier: Pardon? M. Lesage: Cela va.

M. Lafontaine: Les faux certificats d'élection, il ne faut pas les oublier.

M. Loubier: Le premier ministre a une question?

M. Lesage: Cela ne vaut pas la peine.

M. Loubier: Non, je comprends. Cela ne vaut pas la peine de défendre l'autonomie de la province de Québec pour être premier ministre. Cela vaut la peine d'aller à Ottawa, par exemple, de se présenter en mendiant devant Ottawa pour demander notre propre argent, demander de prêter notre propre argent au gouvernement de la province, quand on songe à l'ultimatum qu'il avait lancé il y a quelques mois, disant au gouvernement d'Ottawa: "Si vous ne nous remettez pas 25% de nos droits de taxation d'ici un an, c'est un ultimatum que je vous lance et nous prendrons des mesures sérieuses..."

M. le Président: A l'ordre! Je demande encore une fois au député de Bellechasse... S'il veut discuter du bill no 1...

Une voix: C'est ce qu'il fait.

M. le Président: ...il devrait commencer bientôt. Cela fait treize minutes qu'il parle et il n'a pas parlé du bill no 1. Je demanderai encore une fois au député de Bellechasse, s'il veut parler du bill no 1, de commencer sa discussion. Autrement, je dois considérer qu'il ne veut pas parler du bill no 1 et je vais demander à d'autres députés de prendre la parole.

M. Loubier: M. le Président, je réoonds aux interventions du premier ministre. C'est le premier ministre qui m'a interrompu a deux reprises et je n'ai fait simplement que répondre à ses interventions.

Mais que le premier ministre sache bien que l'Opposition n'est pas contre l'aide aux municipalités. Bien au contraire. C'est l'Opposition qui a prêché que nos municipalités étaient dans le désarroi financier le plus complet et que le gouvernement devait à tout prix mettre tout en oeuvre pour qu'elles reçoivent le plus grand support possible afin de se développer, de prendre le pas du progrès et de vivre dans une certaine sécurité. Cependant, ce secours aux municipalités doit être prodigué avec le respect des impératifs de notre constitution. Si les municioalités doivent vendre leur autonomie et leur liberté administrative pour recevoir l'aide du gouvernement provincial, jamais nous ne

permettrons cet esclavage qui a déjà coûté trop cher à la province de Québec.

Le présent projet de loi aura pour effet de permettre au gouvernement de la province de Québec d'emprunter $120,000,000 d'Ottawa pour ensuite prêter cette somme aux municipalités de la province de Québec. Comme l'a dit avec éloquence le chef de l'Opposition, le premier ministre du Québec s'est présenté à Ottawa pour aller quêter comme un féodal, comme un capitaine qui s'incline devant son général, lui qui nous avait informé cet hiver qu'il lançait un ultimatum pour la récupération de nos droits, d'au moins 25% de nos droits de taxation.

M. le Président, devant M. Pearson, il n'a pas voulu répéter les mêmes paroles qu'il avait prononcées à l'Assemblée législative du Québec. Il s'est contenté d'implorer pour obtenir une maigre pitance déshonorante pour ne pas...

M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement...

M. Loubier: Bien, M. le Président, je parle du bill no 1.

M. Lesage: J'invoque le règlement. Comment le député de Bellechasse peut-il m'imputer des paroles que j'aurais prononcées ou des actions que j'aurais posées au cours d'une conférence à huis clos qui n'a reçu aucune publicité, sinon celle qui a été faite par chacun des premiers ministres'' Comment peut-il le faire? Il me semble que c'est souverainement injuste à mon égard. Et le député de Bellechasse me reproche de ne pas avoir parlé de la question fiscale, alors qu'il s'agissait d'une conférence spécifique sur deux points spécifiques. La conférence fiscale doit avoir lieu au mois de novembre et il devrait le savoir.

M. Johnson: M. le Président, sur le point de règlement, il est évident que le député de Bellechasse, qui n'était pas à la conférence comme aucun de nous, doit essayer de comprendre ce qui s'est passé là...

M. Lesage: Il n'a pas le droit de faire ça en Chambre, s'il ne connaît pas les faits.

M. Johnson: M. le Président, le député de Bellechasse n'a-t-il pas le droit de conclure que, si M. Pearson était prêt à répondre à l'ultimatum, on n'aurait pas besoin de plier devant Ottawa sur ce bill-là? On aurait les moyens de le faire tout seul, le crédit aux municipalités. Si on est pour avoir 25%...

M. Lesage: M. le Président, si le chef de l'Opposition veut discuter du fond de la question, il doit savoir parfaitement qu'il s'agit dans ce cas-ci de prêts et non de subventions et que, par conséquent, la tranche d'impôt que je réclame d'Ottawa n'a rien à faire avec le problème que nous étudions ce soir. C'est très facile à comprendre quand on est de bonne foi. Ceci équivaut à un rabattement d'intérêt.

M. Johnson: M. le Président, le premier ministre dit...

M. Bellemare: Oui, mais 25%...

M. Lesage: 25% du prêt, cela équivaut à un rabais de l'intérêt.

M. Johnson: Le premier ministre vient de dire que c'est facile à comprendre quand on est de bonne foi. Prétend-t-il que nous ne comprenons pas, M. le Président?

M. Lesage: Bien évidemment, comme je n'ai pas le droit d'accuser le chef de l'Opposition d'être de mauvaise foi, je dois dire qu'il ne comprend rien.

M. Loubier: M. le Président, tout ce qui importe, c'est qu'on n'a eu la récupération d'aucun droit de taxation. C'est un emprunt, purement et simplement.

M. le Président: Le bill no 1.

M. Loubier: Bien, c'est le bill no 1, M. le Président. On est allé emprunter à Ottawa. C'est le bill no 1. C'est le titre du bill. On est allé emprunter à Ottawa une somme de $120,000,000 pour la reprêter aux municipalités aux conditions fixées par Ottawa. Et lorsqu'on octroiera ces montants aux municipalités, Ottawa aura encore le droit de surveillance, M. le Président.

M. le Président, je dis à ce moment-là qu'on aurait dû revendiquer les droits de la province de Québec en matière de taxation et que les municipalités auraient pu recevoir deux ou trois fois plus qu'elles ne reçoivent actuellement.

M. Lesage: Non.

M. Loubier: Et c'est justement de deux ou trois fois plus qu'elles ont besoin...

M. Lesage: Ce n'est pas vrai.

M. Loubier: ... que ce qu'on leur offre actuellement. Et, M. le Président...

M. Lesage: Mettez votre siège en jeu.

M. Loubier: De temps en temps, M. le Président...

M. le Président: À l'ordre!

M. Loubier: De temps en temps, le premier ministre et le ministre des Affaires municipales nous disent que ce n'est pas la solution idéale, que c'est un pis-aller, que c'est un cheval de Troie. Eux-mêmes ne sont pas satisfaits de cette loi et ils voudraient qu'au cours de cette session, nous les félicitions d'avoir obtenu ce qu'ils ont obtenu, alors qu'eux-mêmes font l'aveu très candide qu'ils n'ont pas du tout eu satisfaction, que c'est une formule d'abdication ni plus ni moins. M. le Président, en définitive, le premier ministre admet implicitement que c'est une défaite pour l'autonomie de la province de Québec. Quand j'entends d'autres rapports qui font l'apologie de cette entente et affirment qu'elle est des meilleures et des plus conformes aux droits et aux besoins du Québec, eh bien, il nous est permis de ne plus comprendre grand-chose dans les apologies qu'on peut faire de l'autonomie ou de la bonne entente qui règne entre Québec et Ottawa. D'ailleurs, le ministre des Affaires municipales - puisqu'il vient d'entrer - a terminé son discours en proclamant que la conduite du premier ministre à Ottawa permettait de dire qu'il était actuellement le véritable chef de l'État du Québec. Ce n'est certainement pas...

M. le Président, il y en a plusieurs qui n'ont pas applaudi. Je pense que, si l'on prenait le vote, on gagnerait.

M. Lesage: On va le prendre tout de suite...

M. Loubier: Ce n'est certainement pas l'avis de l'Opposition et de la majorité de la population du Québec. Que le premier ministre ne soit pas surpris, comme il le disait, de ne pas avoir été reçu par des fanfares à Québec, comme l'avait déjà été un autre homme, un autre grand premier ministre de la province de Québec, parce que lui, il est revenu avec une solution de pis-aller avec un accroc à la constitution, il est revenu avec un document qui consacrait notre armistice et notre soumission complète et entière devant Ottawa, alors que l'allusion du ministre au patronage...

M. Courcy: De payer $400 pour la fanfare...

M. Loubier: M. le Président, lorsqu'on fait des allusions à la rentrée à Québec de l'honorable Maurice Duolessis à son retour d'Ottawa, il avait reçu des félicitations non seulement de gens du parti de l'Union Nationale, soyez-en assuré, M. le Président. Lorsqu'on voit le premier ministre actuel essayer de ternir la mémoire de celui qui fut un farouche défenseur de l'autonomie de la province de Québec, je me dis, comme a déjà dit le chef de l'Opposition, que ça me fait penser, M. le Président, à un nain qui veut cracher dans la face d'un géant qui est mort. Et, M. le Président...

M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement. Je viens d'être insulté, je ne cracherai pas dans la figure de ce mort, car il serait trop putréfié.

M. Johnson: Je sais, M. le Président...

M. Bellemare: Vous avez fréquenté T.-D. Bouchard assez longtemps... Les mêmes phrases...

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Lafontaine: Rappelez le premier ministre à l'ordre!

M. le Président: Je crois que si, de part et d'autre dans l'Assemblée...

M. Gabias: Un robineux n'aurait jamais dit cela...

M. le Président: Si l'on pouvait, de part et d'autre, dans l'Assemblée législative, essayer d'éliminer et d'oublier des expressions telles que celles qui ont été employées des deux côtés de la Chambre, je crois qu'on...

M. Lafontaine: Regardez le premier ministre, regardez-le faire...

M. le Président: Pour la deuxième fois, je raopelle le député de Labelle à l'ordre.

M. Bellemare: Mais regardez de l'autre bord, le premier ministre rit de ce que vous dites. Il est content.

M. le Président: Si le député de Bellechasse veut bien parler du bill no 1, je suis prêt à l'écouter.

M. Johnson: Si le député de Bellechasse me prête la parole, je voudrais vous demander si vous avez entendu la remarque du premier ministre, une remarque qui le qualifierait dans l'histoire comme un nécrophore...

M. le Président: J'ai bien entendu la remarque du premier ministre et j'ai entendu la remarque du député de Bellechasse qui a soulevé la remarque du premier ministre, et c'est précisément là-dessus...

M. Gabias: La population est dégoûtée de cela...

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Bellemare: Vous le paierez

chèrement un jour.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Lafontaine: C'est un euphémisme qu'il emploie à votre endroit!

M. Bellemare: Un premier ministre qui en dénigre un autre, on n'a jamais entendu dire cela par M. Duplessis. Jamais M. Duplessis n'a parlé de M. Taschereau comme cela. Jamais.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Loubier: M. le Président, je répète que l'économie et la politique, la philosophie du bill présenté ne sont pas conformes aux dictées de la constitution concernant l'autonomie de la province de Québec. Je me dis que, dans quelques années, nous aurons probablement dans nos bibliothèques un volume dont le titre sera: Comment un peuple souverain devint esclave? Comme premier chapitre, M. le Président, nous lirons que les droits et les libertés de la province de Québec furent vendus en 1942 par un premier ministre libéral; comme deuxième chapitre, nous lirons qu'en 1963, un autre premier ministre libéral a vendu les libertés fiscales et administratives de nos municipalités et, en 1964 ou 1965, je ne connais pas encore la date, mais ça va arriver, M. le Président, ce seront toutes les libertés fondamentales de l'individu de la province de Québec qui seront vendues à Ottawa parce qu'on n'aura plus d'institutions à vendre à Ottawa.

Encore là, M. le Président, nous constaterons que toutes ces entailles profondes au bloc de l'autonomie de la province de Québec ont été exercées alors qu'à Québec, on avait un premier ministre libéral et, à Ottawa, un premier ministre libéral. Chaque fois qu'on veut reprocher quelque chose au gouvernement, ce qu'il a fait de mal, on nous dit: Cela a été pire dans le passé; une vieille excuse pour mal faire, M. le Président...

Une voix: Qui s'assemble se ressemble...

M. Loubier: M. le Président, une chose me frappe. C'est que le bill no 1 tel qu'il est présenté aurait pu l'être d'une façon qui aurait respecté au moins le décor de l'autonomie de la province de Québec. Le ministre des Affaires municiales annonçait qu'il y avait un comité créé qui avait eu une première séance pour étudier les modalités pour en venir à un fonds de crédit provincial pouvant aider les municipalités. C'est bien, M. le Président, de créer ce comité. Mais pourquoi ne l'a-t-on pas créé avant? Pourquoi? C'est qu'après avoir passé l'accord avec le fédéral, après avoir fait un acte de soumission, pour mettre du baume sur la plaie, on nous arrive avec des paroles et avec la formation d'un comité éventuel, mais le mal sera fait, M. le Président. Il me semble que tous ceux qui veulent réellement que les bases les plus fondamentales de l'esprit même et de la lettre de notre constitution soient respectées devraient à cent pour cent voter contre ce projet qui est contraire aux aspirations du peuple de la province de Québec, qui est contraire à la constitution et qui est contraire aux intérêts les plus vitaux de notre peuple pour son rayonnement, pour son épanouissement et pour sa survie.

M. Antonio Talbot

M. Talbot: M. le Président, il y a 25 ans que je suis dans la politique active, il y a 25 ans que je siège en cette Chambre...

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Talbot: ... et j'ai eu l'honneur, et j'en suis fier, de soutenir un parti qui avait mis au premier rang de ses préoccupations la sauvegarde de l'autonomie provinciale, la sauvegarde des droits du Québec. Aussi, je suis sûr, M. le Président, que vous ne serez pas surpris de m'entendre dire quelques mots de ce projet qui touche de si près l'autonomie provinciale et qui engage, je dirai, l'autonomie du Québec.

Au cours de ces 25 ans de vie politique, au cours de ces 25 ans passés en cette Chambre, j'ai été témoin, M. le Président de luttes homériques pour la sauvegarde de l'autonomie provinciale. Je me rappelle qu'en 1942, mon chef, le chef de l'Union Nationale alors chef de l'Opposition, quittait, au risque de sa vie, son lit d'hôpital, puisqu'il était menacé à ce moment-là d'embolie, pour venir ici en cette Chambre défendre les droits du Québec contre des centralisateurs qui voulaient, au moyen d'accords passés entre Québec et Ottawa, mettre en application les données centralisatrices de la commission Rowell-Sirois. Sous prétexte de guerre, on voulait imposer au Québec toutes les conclusions du rapport de cette commission qui avait été nommée avant la guerre, toutes ses conclusion qui n'avaient qu'un but: asservir les provinces du Canada et particulièrement la province de Québec. Le chef de l'Union Nationale, à ce moment-là, a fait une lutte homérique pendant des jours et des jours; il s'est battu en dépit de sa mauvaise santé pour lutter contre cette loi qui a été adoptée à cause de la majorité massive du gouvernement dans le temps et qui a fait perdre à la province, vous le savez, M. le Président, des centaines et des centaines de millions de dollars.

En 1944, le gouvernement qui s'était

rendu coupable de cette trahison, le gouvernement libéral que dirigeait M. Godbout, était battu aux élections de la province. Le chef de l'Union Nationale devenait premier ministre.

En 1945, une année plus tard, le gouvernement central convoquait à Ottawa une conférence fédérale-provinciale réunissant tous les premiers ministres des provinces pour leur demander de renouveau en 1947, l'entente qui avait été signée en 1942 et qui expirait en 1947. Là, nous avons vu le chef du gouvernement, appuyé, d'ailleurs, par le premier ministre de la province de l'Ontario, par le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, un libéral, M. Macdonald, par le premier ministre de la Colombie-Britannique, se lever pour dire au gouvernement fédéral: Non serviam, nous ne servirons pas. C'est au retour de cette conférence que le premier ministre de la province de Québec était reçu ici, à la gare du Palais, en triomphateur. On a voulu faire des gorqes chaudes au cours de ce débat sur cette réception. Le proposeur du bill, le ministre des Affaires municipales, en a ri; le premier ministre l'a suivi. On a voulu dire qu'il s'agissait d'une réception organisée. J'y étais...

M. Laporte: M. le Président, j'invoque le règlement. Si le député de Chicoutimi avait écouté mon discours, il aurait constaté que je n'ai fait aucune allusion à la réception qui a eu lieu.

Des voix: Ah, ah...

M. Talbot: J'ai le texte, M. le Président...

M. Laporte: Vous avez le texte, mais je ne l'ai pas lu.

M. Talbot: J'ai le texte du ministre des Affaires municipales où il dit: "Il aurait été facile de dire non et de nous faire organiser des démonstrations au retour." Est-ce que ce n'était pas là une allusion directe?

M. Laporte: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Laporte: Si le député de Chicoutimi, au lieu de faire autre chose, m'avait écouté, il aurait constaté que je n'ai pas lu cette phrase.

M. Talbot: Je prends note du fait que le ministre des Affaires municipales a eu honte de la phrase qu'il avait écrite et qu'il n'a pas eu le courage de la prononcer. S'il ne l'a pas dite, le premier ministre, son chef, lui, l'a dite...

M. Laporte: Très bien. ... heureux de la dire à sa place.

M. Talbot: Mais on ne fera croire à personne, M. le Président, qu'un homme comme Sir Thomas Chapais, qui prenait la parole en cette occasion, ait pu être soudoyé et amené là malgré lui. On ne fera croire à personne que des ennemis politiques comme le père Lévesque, qui était là avec les élèves de sa faculté, allaient là parce qu'on le leur avait demandé et parce qu'on avait organisé toute la réception. C'était une réception spontanée.

M. Laporte: Spontanée?

M. Talbot: C'était l'hommage d'un peuple à un grand patriote qui avait bien mérité de sa province.

On a dit cet après-midi et je crois que c'est le ministre, le nouveau Procureur général, qui disait cela: Mais pourquoi, si M. Duplessis était sincère, n'a-t-il pas mis fin à l'entente qui avait été conclue puisque l'entente comportait qu'on pouvait y mettre fin après un avis d'un mois? Pourquoi n'y a-t-il pas mis fin, à ce moment, alors que tous ses adversaires l'accusaient de ne pas vouloir collaborer? Il n'y a pas mis fin pour qu'on ne puisse pas dire: Voici un homme qui n'a pas de bon sens. Il a dit tout simplement, il a dit bien mieux que cela, il a dit au gouvernement fédéral: Nous ne renouvellerons pas cette entente. Qu'est-ce qui serait arrivé s'il y avait mis fin? Il y a mis fin en 1947, en ne la renouvelant pas, et le gouvernement fédéral, le gouvernement central a gardé l'argent, a gardé les droits qui lui avaient été cédés. À quoi aurait servi en 1947 de mettre fin à l'entente? Les droits auraient été gardés comme ils l'ont été en 1947, comme ils l'ont été en 195?, en 1956, comme ils le sont encore en partie.

On a dit: Politique négative? Qu'est-ce qui, en 1947, faisait adopter par la Chambre une loi pour imposer un droit sur les revenus des corporations, sinon le gouvernement de l'Union Nationale? Ce gouvernement dont, à ce moment, ses adversaires disaient qu'il était lié aux trusts. Le gouvernement de l'Union Nationale n'avait pas peur, à la veille d'une élection, puisqu'il y avait une élection l'année suivante, d'imposer une double taxation aux compagnies dans la province de Québec. Cela a pris des années au gouvernement central, que dirigeait M. King, qu'a dirigé M. Saint-Laurent ensuite, qu'appuyait le premier ministre actuel de la province, pour faire accorder une réduction d'impôt pour qu'il n'y ait pas double taxation dans la province de Québec.

Ah! politique négative! En 1950, qui est-ce qui convoquait ici à Québec une conférence fédérale-provinciale, sinon le premier ministre de la province du temps,

sinon le chef de l'Union Nationale? Et qui est-ce qui, au cours de cette conférence, pour la première fois de l'histoire de la province, parlait de refaire la constitution canadienne, sinon encore ce grand patriote, Maurice Duplessis?

Et remarquez bien, M. le Président, qu'à ce moment, les revenus de la province, en 1946, par exemple, étaient d'à peine $100,000,000 par année. Et, malgré cela, nous n'avions pas peur de faire passer la question de principe avant la question d'argent. Et le peuple de Québec, qui a du coeur, le peuple de Québec, qui sait comprendre lorsqu'on lui parle de principe, le peuple de Québec approuvait et soutenait le chef de l'Union Nationale.

En 1952, il y avait eu les ententes de 1947 qui expiraient; en 1952, la province de Québec, fidèle à elle-même, le gouvernement de Québec, fidèle à lui-même, ne voulait pas, comme il ne l'avait pas voulu en 1947, renouveler les ententes. Qu'est-ce que faisait le gouvernement central? Il gardait l'argent; les ententes n'étant pas renouvelées, il gardait l'argent et c'est pourquoi le sénateur Nicol, un bon libéral, avait bien raison de dire qu'il volait la province de Québec.

En 1953, politique négative? En 1953, c'est le gouvernement de l'Union Nationale qui a adapté la Loi de l'impôt sur le revenu. À ce moment, le premier ministre de la province jouait sa vie politique, la vie politique de son gouvernement et de son parti, sur cette mesure qui frappait tout le monde dans la province de Québec. Il n'a pas eu peur de passer cette mesure, de l'imposer et c'est le gouvernement central qui a dû reculer, puisque c'était une affirmation de nos droits, puisque c'était la reprise de droits qui nous avaient été volés depuis 1947 par le gouvernement central, c'est le gouvernement central qui a dû reculer et accorder les réductions d'imoôt qui s'imposaient. Je pourrais nommer bien d'autres mesures qui prouvent la sincérité du gouvernement de l'Union Nationale dans la défense de l'autonomie provinciale.

On a voulu parler de la loi de 1958 et on a voulu prétendre - c'est le premier ministre qui l'a fait - qu'il s'agissait là d'un accroc formidable à l'autonomie provinciale. Voyons un peu la genèse de cette loi. De 1930 à 1939, il y avait au pays une crise économique qui affectait particulièrement la province de Québec. Il y avait une crise de chômage. Or, le chômage, vous le savez, le gouvernement le sait depuis 1960 - il l'ignorait avant, il le sait depuis 1960 - est en grande partie une responsabilité fédérale. Le gouvernement du temps, voulant tenir compte de ses responsabilités, adopta une loi pour accorder des secours aux chômeurs de la province et du pays. Cette loi était du ressort du gouvernement fédéral, à tel point que M. Taschereau, premier ministre du temps, un autonomiste féroce, je dois le dire, n'hésitait pas à l'appliquer, à s'en servir dans la province de Québec. C'est cette loi qu'on a employée en 1958 à Ottawa pour pouvoir inscrire au budget fédéral des secours accordés aux municipalités dans des travaux de chômage, comme cela s'était fait de 1930 à 1939. Tout ce qu'a fait, à ce moment, le gouvernement de la province de Québec, a été de dire aux municioalités: Vous pouvez prendre ces secours puisqu'il s'agit d'une mesure qui reiève de l'autorité centrale qui a des resoonsabilités en ce domaine.

Une voix: Le député de Chicoutimi approuve cela?

M. Talbot: Même chose... Je prends note que le ministre dit: D'accord. Même chose en 1959.

M. Laporte: Je demande au député de Chicoutimi s'il approuve encore la loi de 1958.

M. Talbot: Je reprends le raisonnement que faisait ce matin l'honorable député de Saint-Jacques. S'il était vrai, M. le Président, ce que je n'admets pas, mais même s'il était vrai qu'il s'agissait d'un accroc à l'autonomie provinciale, eh bien, ce n'est pas une raison pour en commettre un autre dix ou cent fois plus considérable.

Une voix: C'est évident.

M. Talbot: A entendre le premier ministre, hier soir, j'avais l'impression qu'il avait convoqué cette session non pas pour nous présenter le bill qui est aux études, mais pour faire, comme il le fait à chaque occasion, le procès de l'Union Nationale.

M. Lesage: Les orocès ne sont pas commencés.

M. Talbot: Il est à remarquer, M. le Président, que, sous tous les gouvernements ou à peu près, à Ottawa, on était tenté de s'inqérer dans l'autonomie des provinces. Je dois dire cependant, qu'au cours ries six dernières années d'administration conservatrice, aucun nouvel accroc n'a été fait à l'autonomie provinciale et, au contraire, on a guéri, peut-être pas de façon oarfaite, certains accrocs qu'avaient faits les régimes précédents, particulièrement dans le domaine éducationnel.

Il fallait les élections fédérales de cette année, il fallait le retour au pouvoir d'un gouvernement libéral pour que l'on voie, dès son arrivée au pouvoir, une nouvelle tentative pour s'emparer de certains droits, de droits considérables, de droits sacrés des provinces et particulièrement de la province de Québec.

Dès avant l'élection, le chef du Parti libéral l'avait mis à son programme. Nous avons, à ce moment, attiré l'attention du premier ministre, nous lui avons dit qu'il était dangereux d'appuyer un homme qui avait, entre autres articles à son programme, un article aussi dangereux que celui-là. Cela n'a pas empêché le premier ministre évidemment, son esprit de parti l'a emporté sur l'amour de sa province - de faire une lutte pour l'honorable Pearson, premier ministre actuel.

Et nous avons vu la suite. Dès le mois de juin, M. Pearson présentait le bill C-76 qui était une attaque directe aux droits de la province dans le domaine municipal. Nous avons voulu, à ce moment, aider le premier ministre de la province de Québec, nous avons voulu aider le gouvernement, nous avons voulu aussi, comme il est de tradition de ce côté-ci de la Chambre, rendre service à la province de Québec, et nous avons proposé en Chambre une motion par laquelle nous demandions au premier ministre ou nous donnions mandat au premier ministre de s'opposer carrément au principe contenu dans le bill C-76.

C'était, comme je le disais tout à l'heure, rendre service au premier ministre de la province. Il pouvait s'en aller à Ottawa, il pouvait dire la-bas, aux gens d'Ottawa: J'ai un mandat bien précis, je n'ai pas le droit de faire de transaction en marge de ce mandat; mon mandat comme le faisait remarquer le député de Champlain cet après-midi, est de m'opposer au principe contenu dans le bill 76 et de m'opposer à l'ingérence du fédéral dans le domaine municipal.

Au lieu de cela, qu'est-ce qu'il a fait? Il a capitulé. Et parce qu'il a capitulé, il nous présente le bill qui est devant nous aujourd'hui et il charge un ancien nationaliste qui, autrefois, a bien pensé dans ce domaine, d'être le parrain de cette loi.

J'ai écouté et j'ai lu; j'ai écouté avec attention, quoi qu'en pense le ministre des Affaires municipales; j'ai lu à maintes reprises son texte et je dois lui dire que, dans sa première partie, son texte est admirable.

M. Bellemare: Très bien.

M. Talbot: Dans la première partie de ce texte, on reconnaît le journaliste qui était nationaliste, le journaliste qui a écrit pendant des années dans un journal qui, à ce moment, n'était pas encore devenu l'organe officiel du Parti libéral, dans un journal dont les autorités ne sonqeaient pas à n'avoir que des membres du fédéral, mais songeaient vraiment à éclairer la province.

Le ministre, dans son discours, le député de Missisquoi me le faisait remarquer ce matin, a prouvé quoi? Il a prouvé, avec textes à l'appui, en se donnant la peine de nous souligner l'article de la constitution, en se donnant la peine de nous donner tous les jugements qui ont été rendus par la plus haute autorité de l'empire britannique, le Conseil privé... Il a prouvé quoi? Que la loi d'Ottawa était une loi anticonstitutionnelle qui violait l'article 92, paragraphe 8, de la constitution canadienne.

Ce plaidoyer, le ministre des Affaires municipales aurait dû le faire à Ottawa. Et je suis convaincu, à moins que ses partenaires à Ottawa ne soient de mauvaise foi, qu'ils auraient compris; c'est tellement clair, ce qu'il nous explique qu'ils auraient compris que leur loi violait l'esprit et la lettre de la constitution du Québec.

Et je suis convaincu que, si le ministre avait expliqué à Ottawa aussi clairement l'inconstitutionnalité de la loi fédérale, il aurait gagné de M. Pearson que cette loi fût retirée: du moins, je l'espère. Et, s'il n'avait pas réussi par la persuasion, il pouvait en se basant encore sur la même démonstration que celle qu'il nous a faite, brandir la menace d'attaquer la loi devant les tribunaux comme anticonstitutionnelle, comme ultra vires. Avec les autorités qu'il nous a citées, avec les jugements du Conseil privé, la Cour suprême, même avec ses petites tendances centralisatrices, même avec ses tendances fédérales, n'aurait pas pu faire autrement que de donner raison au ministre des Affaires municipales, que de donner raison au gouvernement de la province de Québec.

Et alors, il aurait pu proposer à Ottawa, en échange d'un retrait volontaire de sa loi, de prendre soin des municipalités du Québec, à la condition d'avoir un nouveau champ dans le domaine de la taxation. Cela serait de l'autonomisme. Cela aurait réglé la situation. Le ministre ne serait pas dans la situation pénible dans laquelle il se trouve aujourd'hui. Car, qu'est-ce qu'on nous demande par cette loi, M. le Président? On nous demande d'abord de nous déjuger. Toute la Chambre a rendu un jugement au mois de juin. Toute la Chambre a dit unanimement, tant du côté de la droite que du côté de la gauche, que la loi d'Ottawa était un accroc à l'autonomie québécoise. Et on nous demande aujourd'hui, par le projet de lot qui est devant nous, de nous déjuger et de dire: Nous approuvons ce projet de loi qui n'est, somme toute qu'un sceau mis sur la loi d'Ottawa.

Qu'est-ce qu'on nous demande par ce projet de loi? On nous demande de donner au gouvernement du Québec un chèque en blanc pour l'autoriser à passer avec Ottawa un contrat dont nous ne connaissons pas la rédaction, un contrat qui n'est pas devant nous, pour donner effet à la loi. Mais ce que nous savons, par exemple, c'est qu'entre autres clauses, ce contrat contiendra les clauses humiliantes suivantes... Et je Dlains le ministre d'être obligé de mettre sa

signature au bas d'un pareil contrat; l'histoire sera dure pour lui surtout à cause de son passé...

M. Laporte: Cessez d'en raconter et ne vous inquiétez pas de l'histoire.

M. Talbot: ... surtout à cause de son passé. Le contrat dira qu'en dépit du certificat que pourra donner le gouvernement du Québec, à savoir que les travaux municipaux répondent aux exigences de la loi, l'office fédéral aura le droit, en dépit de ce certificat, de se méfier et d'inspecter les travaux municipaux. Le contrat dira que le provincial doit faire rapport au fédéral de la marche des travaux de temps à autre, suivant l'entente. Le contrat dira que le gouvernement provincial devra faire rapport à Ottawa du nombre d'emplois créés par les travaux. Le contrat dira que le gouvernement provincial devra faire rapport à Ottawa sur le montant des obligations acquises des municipalités. Le contrat dira que le gouvernement du Québec devra faire rapport au fédéral sur toute matière, remarquez bien, qu'exigera le gouvernement fédéral. Est-ce assez pour vous? Est-ce assez large? Cela veut dire que le gouvernement central, le gouvernement d'Ottawa, aura le droit de s'ingérer dans toute l'administration nécessitée pour la mise en application de cette loi.

Eh bien, je dis, M. le Président, que c'est une honte et je dis que, pour moi, je ne suis pas prêt à renier mon passé et que, même si j'étais seul en cette Chambre, je me lèverais pour voter contre cette loi.

Le ministre des Affaires municipales, après avoir établi superbement - je le disais tout à l'heure - que la loi est anticonstitutionnelle, on aurait cru qu'il devait nous demander de voter contre cette loi. Tout ce qu'il trouve à dire, c'est que, chaque fois que le gouvernement d'Ottawa, répondant au désir des neuf autres provinces de la Confédération, violera la constitution, chaque fois le gouvernement du Québec devra faire un pas en arrière, chaque fois le gouvernement du Québec devra s'incliner et chaque fois le gouvernement du Québec devra céder les droits sacrés de la province...

M. Laporte: Où avez-vous lu cela? M. Talbot: Dans votre discours.

M. Laporte: Trouvez-moi donc cela dans mon discours.

M. Talbot: Page 29, nous allons le lire...

M. Laporte: C'est cela. Lisez donc cela.

M. Talbot: Nous allons le lire: Chaque fois - remarquez bien, M. le Président - que le gouvernement fédéral voudra pénétrer dans un domaine de juridiction provinciale et chaque fois qu'une majorité des provinces sera favorable à cette violation de la constitution, ce sera le devoir des administrateurs de l'État du Québec de tirer le meilleur parti possible de la situation pour éviter le pire et pour éviter que les citoyens québécois soient taxés au profit du reste du Canada.

C'est une invitation. Réjouissez-vous, réjouissez-vous du fait que la province de Québec...

M. Laporte: Notre argent va rester chez nous.

M. Talbot: Parce que, chaque fois... À quoi sert la constitution, M. le Président, si, chaque fois que neuf provinces veulent qu'elle soit mise de côté, nous du Québec sommes obligés de nous ranger et de faire marche arrière? Et le ministre - je continue la citation - va plus loin, il dit: Mais chaque fois que le gouvernement fédéral recourra à un tel procédé, j'allais dire à un pareil chantage... C'est lui qui dit ça... L'attitude d'Ottawa, il la qualifie de chantage... l'équilibre de la Confédération en sera de plus en plus faussé avec le risque qu'un jour ça ne craque.

M. Laporte: C'est ça...

M. Talbot: Cela craquera, mais le gouvernement, par ses abdications, pourra dire: Je suis complice du craquement. Et c'est ça. C'est ce qu'on voudrait nous faire admettre. C'est cette théorie qu'on voudrait nous faire sanctionner par notre vote. Remarquez-le bien avant cette citation, le ministre avait dit: Je suis prêt à défendre la théorie suivante. C'est là sa théorie. Ce n'est pas comme M. Godbout; au moins, il pouvait dire que c'était un oubli par distraction; mais le ministre actuel n'a aucune espèce d'excuse. Il sait où cela le mène, il sait que c'est une violation de la constitution, il sait que la loi d'Ottawa est une loi anticonstitutionnelle. Il sait tout ça et, au lieu de s'occuper de la loi, de la faire tomber, nous demande de la ratifier par notre vote et d'essayer de la rendre constitutionnelle. Eh bien, M. le Président, je dis non, l'Union Nationale ne s'abaissera pas à une pareille trahison...

M. Bellemare: C'est un raisonnement.

M. Talbot: L'Union Nationale... Le peuple du Québec sait être attaché non pas verbalement, comme le premier ministre, mais le peuple du Québec sait que le gouvernement de l'Union Nationale et le

parti de l'Union Nationale ont prouvé par leurs actes que l'autonomie de la province leur était chère, plus chère que la prunelle de leurs yeux, et nous ne manquerons pas à cette confiance que le peuple du Québec met en nous. Nous nous battrons, sachant bien que nous allons être écrasés par le vote de la majorité gouvernementale. Nous nous battrons, parce qu'il s'agit d'une question de principe, parce qu'il s'agit d'un principe qui a aiguillé toute notre vie politique. C'est pourquoi, M. le Président, je suis fier de l'attitude qu'a prise le chef de l'Opposition, de l'attitude qu'ont prise mes collègues et, avec eux, c'est avec plaisir que nous allons voter pour cette loi.

M. Frank Hanley

M. Hanley: Mr. President, I would like to put this Parliament at ease and state that I have four points. I will not take more than eight minutes to express my opinion as to why, as a legislator of this Parliament, I should vote for this Bill No 1, Mr. President.

It may be difficult for me, within my limited time, to keep within the framework of this law. But I will do every effort, because the arguments against this law have been arguments concerning the constitutional controversies between a certain section of the Province of Québec and the Central Government in Ottawa.

Therefore, first of all, I would like to bring to the attention of this Parliament that this Bill No, 1 is not a "précédent" according to the constitutional controversies that we have listened to during the debate of this bill. Between now and 1967, the people of the Province of Québec will have an opportunity to decide upon the constitutionnal controversies that are going on between Québec and the Central Government. And until that time, until the majority of the Province of Québec, the electors of Québec decide, I think that we should recuperate every dollar from the Central Government that is feasibly and practically possible.

Mr. President, as an example, during the years of 1950-1954, we could have classified it as a controversial constitutional issue, when the Government of the Province accepted an agreement with Ottawa and the city of Montréal to demolish 1200 slums in the eastern section of the city and rebuilt for 90% of French Canadians, new, proper homes, so that they will have an opportunity of a new life.

Mr. President, another example is the demolition of another section of the city of Montréal, another agreement between the present Government and the Government of Ottawa, Radio-Canada and Montréal, where again in a predominately French section of the city, the slums will be demolished and the central bureaus of Radio-Canada and of television, a multi-million dollar project, will be constructed within the city, and taxes will come into the city of Montréal and not into the revenue of the city of Toronto, the second controversial constitutional issue that could be arranged.

The third constitutional controversy that could be also discussed, Mr. President, is that of fatalities on our highways within the boundaries of the Province of Québec. Again the Government of Québec and the Central Government agreed, in the best interests not only of the motorists of the Province of Québec, not only of the pedestrians of the Province of Québec, but in the interests of all motorists who are using our networks of highways within our Province, to see to it that there should be an agreement and that highways could be constructed with some financial assistance from Ottawa, and our highways will be safe for motorists who are visiting our own Province.

Mr President, my last issue before the people of the Province of Québec will decide, and I am not sure that the majority of the Province of Québec are against, as I have listened to within this Parliament, the centralizers of Ottawa. It is only within the last twelve months that the people of the Province of Québec elected the present Government to Ottawa. Therefore, who are we, what member of this Parliament today can have an opinion of all the majorities of the people of the Province of Québec concerning this controversial issue?

Mr. President, until this issue is settled, we should advise every resident within the Province of Québec who receives an old age pension from Ottawa to return the pension to Ottawa. We should advise all the veterans who fought in the first and second war, who receive some financial pensions from Ottawa to return their pensions. If we did decide, we will be classified as imbeciles...

M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement. Je sais bien que le député de Sainte-Anne, qui est un excellent bilingue, va me comprendre. Il vient d'affirmer que, si nous étions logiques, nous demanderions à Ottawa de retourner à Québec la responsabilité sur les pensions. Il ne sait pas, je pense, M. le Président...

M. le Président: Ce n'est pas cela qu'il a dit. Il a dit que les gens, dans le public, devraient remettre les chèques qu'ils reçoivent.

M. Johnson: Je sais que le député va m'être très reconnaissant...

M. Hanley: Les Canadiens français du

Québec ne sont pas des imbéciles, ils vont refuser leurs chèques d'Ottawa! Whoa, M. le Président, les Canadiens français du Québec qui ont 70 ans et plus vont refuser leurs chèques d'Ottawa?

M. Johnson: M. le Président, je sais que l'honorable député de Sainte-Anne, qui descend d'une race fière, jalouse de ses droits, voudrait bien comprendre que le premier ministre - et cela va l'éclairer dans l'optique et dans l'option qu'il doit prendre -vient de demander à Ottawa qu'on nous remette, au Québec, la responsabilité...

Une voix: C'est un point de règlement.

Des voix: À l'ordre!

M. Johnson: ... entière des pensions de vieillesse en vertu d'une lettre qui a été déposée ici et que l'honorable député aurait dû lire.

M. Hanley: Mr. President, I think I have given four good reasons to this Parliament why I should vote in favour of this bill. And I would like to say without fear of contradiction, Mr President, that if the majority of the French Canadian people of the Province of Québec, between now and 1967, were to decide against Ottawa, then I will stand up behind them and back their decisions.

Mr. President, in conclusion...

M. Bertrand (Missisquoi): Des séparatistes.

M. Hanley: Mr. President...

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Hanley: ... All of the members of this House had an opportunity, during the last two days, of expressing their opinions. The member of St. Anne never once interfered with and insulted any member. So, I think that parliamentarians who want to give to the public who are within the confines of this Parliament tonight an example of sincerity, should give every member an opportunity to express his opinion without insult or interruptions.

Mr. President, under Bill No. 1, we are going to receive from the Central Government $120,000,000 to be diverted into the treasuries of the various municipalities, in order to give employment to our people. And we are called upon, by 1966, when all of the projects shall be concluded, to pay back to Ottawa, to the Bank of Canada, only $90,000,000 and we are going to receive $120,000,000.

Mr. President, outside of a parliamentarian, as a businessman, if I could make the same agreement with any financial institution that I could borrow $120,000,000 and only repay $90,000,000 within three years, I think I would be classified by the majority of the citizens of the Province of Québec as a very good businessman. Therefore, I repeat: I believe I am justified and I have not heard any argument on constitutional rights or controversies that have not been accepted by all of the Parliaments that I have sat with since 1948. And I do not think we should make an exception concerning this bill until the electors of Québec stand up, make their choice whether it be the State of Québec or the Dominion of Canada.

M. Armand Russell

M. Russell: M. le Président, vous me permettrez bien quelques remarques, quoiqu'il en déplaise un peu au ministre; je crois que...

M. Laporte: Ah non!

M. Russell: ... tout le monde veut finir ce soir; probablement que tous s'en iront chacun chez eux. Mais je m'en voudrais de ne pas exposer un peu le point de vue des municipalités, étant moi-même un administrateur municipal depuis quelques années et ayant, à l'heure actuelle, à subir le sort que subissent plusieurs municipalités dans le domaine financier. Je voudrais, pour être bien compris, vous dire d'avance que je serai obligé, afin de parler du bill no 1, de me référer au bill fédéral C-76; et pour répondre un peu aux arguments qui sont invoqués sur le bill no 1 ou de répondre au bill no 1, je serai aussi obligé de vous parler des travaux d'hiver, des questions de chômage; et pour répondre un peu au député de Sainte-Anne, parler des pensions de vieillesse venant d'Ottawa.

M. le Président, je n'ai pas créé de précédent. Le député de Sainte-Anne a bien voulu embarquer sur ce terrain-là...

M. Laporte: Cela ne crée pas de précédent, ça...

M. Russell: À moins que le ministre veuille prendre à sa charge cette réplique lui-même.

M. Laporte: Je ne veux pas influencer...

M. Russell: Mais, par contre, je crois que je peux dire que le ministre des Affaires municipales, à l'heure actuelle, est très conscient du fardeau qu'ont à supporter les municipalités. Et je crois que cette loi est un peu parente des autres lois, des autres ententes fédérales qu'il y a eu dans le passé dans ce domaine particulier; ce sera un

fardeau plus lourd encore pour les municipalités, étant donné que ceci ne comprend pas des subventions, mais simplement un prêt. Je ne connais pas encore, dans la province de Québec, de municipalités qui soient rendues au point où elles ne peuvent pas aller elles-mêmes sur le marché des obligations et chercher l'argent dont elles ont besoin pour les travaux qu'elles ont à faire suivant les besoins de la municipalité.

C'est donc dire que si nous acceptons cette loi, le ministre pourra emprunter du gouvernement fédéral ou d'une commission, à même un montant de $120,000,000 répartis sur trois ans à venir, un montant pour orêter aux municipalités dont celles-ci paieront les intérêts. On ne sait pas encore à quel taux d'intérêt ce sera, je ne sais pas si ce sera au même taux qu'on paie aujourd'hui, 5,5%, 5,75% ou 6%, mais je me demande où est l'avantage. On parle d'un certain remboursement de 25% de 66%, mais, encore là, je me demande de quelle façon les administrateurs municipaux vont pouvoir se comprendre avec tous ces bureaucrates que nous avons à l'heure actuelle à Ottawa.

Nous avons des plans conjoints signés à l'heure actuelle dans le domaine des travaux d'hiver. Donc, nous avons fait époque, nous en avons parlé longuement dans des sessions précédentes, nous avons prétendu que c'était là une aide extraordinaire pour les municipalités et je crois qu'en 1958, j'avais entendu le premier ministre du temps dire que ce n'était pas là une aide aux municipalités mais tout simplement un fardeau additionnel à leur imposer en voulant leur faire accepter la responsabilité d'Ottawa de vouloir enrayer le chômage dans les municipalités là où Ottawa aurait dû embarquer pour supporter financièrement ce fardeau. M. le Président, tous ceux qui ont en main l'administration des affaires municipales savent aujourd'hui que tous les travaux d'hiver qui ont été faits ont coûté plus cher aux municipalités, de leurs propres deniers, ont coûté plus cher aux contribuables, malgré les subventions qui sont venues du prêt fédéral et du provincial, que cela leur aurait coûté, s'ils avaient fait ces travaux dans les mois d'été. Et je vois le ministre qui me fait des signes pour me dire: C'est peut-être possible, pas tout à fait possible.

M. Laporte: Non, je voulais tout simplement demander aux députés comment il se fait que cela augmente par des millions chaque année.

M. Russell: Le ministre dit qu'on a donné des millions, c'est facile de donner des millions, on dit des millions qui viennent d'Ottawa et d'autres milions qui viennent de la province. Mais, lorsque ces millions sont payés par les municipalités et qu'ils ne leur rapportent aucun profit, en somme, cela veut dire ceci, et je vais essayer d'être assez clair pour que le ministre puisse comprendre, parce qu'il n'est pas administrateur d'une municipalité, il n'a peut-être pas suivi les travaux sur les lieux pour pouvoir comprendre ce que veulent dire ces subventions à ces travaux d'hiver, c'est que nous savons qu'à l'heure actuelle des travaux d'aqueduc et d'égout dans une municipalité, lorsqu'on parle de main-d'oeuvre et de coût de main-d'oeuvre, cela représente de 15% à 20% du coût total des travaux. Lorsqu'on perçoit une subvention de 90% ou qu'on reçoit une subvention de 90% pour la main-d'oeuvre, ça veut dire quoi? Qu'on reçoit 12% à 18% du coût total des travaux? Lorsqu'on sait que les travaux faits en hiver coûtent de 20% à 30% plus cher, selon les travaux, à la municipalité, quelle économie pour les municipalités, si on a un fardeau additionnel pour le contribuable pour pouvoir faire faire dans sa municipalité des travaux dont elle a besoin, mais dans des temps choisis par Ottawa, pour que ces députés puissent se vanter d'une politique pour enrayer le chômage? Je crois que cette loi que nous avons devant nous aura le même effet pour les municipalités et, si nous voulons aider les municipalités, nous pourrions parler d'une subvention qui paiera une partie des travaux, de la main-d'oeuvre et une partie du matériel qui est utilisé pour des travaux spéciaux pour enrayer le chômage, qui est la responsabilité, à mon sens, presque totale du gouvernement fédéral.

M. Morissette: Vous recommandez ce que vous venez de condamner?

M. Russell: Pardon, je condamne ce que je viens de recommander?

M. Morissette: C'est-à-dire que vous recommandez immédiatement ce que vous venez de condamner?

M. Johnson: Il dit que ce n'est pas suffisant.

M. Russell: Le député pourrait peut-être s'exliquer, je ne l'ai pas entendu.

M. Morissette: Vous recommandez ce que vous venez de condamner?

M. Russell: C'est-à-dire que je recommande ce que je viens de condamner. Je n'ai rien recommandé ce soir. J'ai simplement dit: Je condamne à l'heure actuelle cette prétendue aide du fédéral aux municipalités. C'est simplement un fardeau additionnel pour le contribuable, M. le Président. Nous voyons à l'heure actuelle que ce gouvernement, le gouvernement fédéral,

veut se montrer le grand défenseur de toutes les municipalités et qu'il vient de leur imposer une petite taxe additionnelle sur la machinerie qu'ils achètent pour faire leurs travaux.

M. le Président: À l'ordre!

M. Laporte: Oui, c'est un peu forcé sur les bords du bill.

M. Russell: Bien, ce n'est pas une taxe additionnelle qui a été imposée, ce n'est pas un fardeau additionnel pour les municipalités.

M. Laporte: On ne discute pas de cela ce soir.

Une voix: Il donne d'une main et il retire de l'autre.

M. Guillemette: C'est la même chose pour Hydro-Québec.

M. Russell: M. le Président, je ne comprends pas à l'heure actuelle de quelle façon on pense, en cédant nos droits, à Ottawa que nous allons aider d'une façon additionnelle les municipalités. Payer intérêt sur de l'argent qui vient d'Ottawa ou payer intérêt sur de l'argent qui est souscrit par l'émission d'obligations du public, quelle est la différence?

Si nous voulons être sérieux, s'il s'agit simplement d'argent, s'il y a des municipalités qui sont dans des situations telles qu'elles ne peuvent plus emprunter sur le marché public, nous pouvons créer ici à Québec une banque municipale ou un crédit municipal; la province peut, elle, faire une émission d'obligations pour se créer des fonds ou elle peut, par l'entremise de la Banque du Canada, et c'est là le rôle de la Banque du Canada, aider la province à créer un tel fonds. A ce moment-là, si la province veut réellement aider les municipalités d'une façon directe et si elle trouve que l'intérêt est trop lourd pour le porter durant plusieurs années, elle pourrait payer 50% aux municipalités, 50% de l'intérêt qu'elles auraient à payer.

Et savez-vous, M. le Président si je prenais les chiffres qui sont mis en question à l'heure actuelle, $120,000,000 répartis sur trois ans, ce qui veut dire $40,000,000 par année. Si je prête ces $40,000,000 aux municipalités de la province de Québec avec remboursement sur 20 ans, cela veut dire un remboursement approximatif de $4,000,000 -$2,000,000 d'intérêt et $2,000,000 de capital par année. Et si la province voulait rembourser 50% de l'intérêt, cela représenterait, $1,000,000 par année pour aider les municipalités. Cela représenterait le même montant que représente ce bill à l'heure actuelle ou ce montant dont il est question et que nous voulons récupérer d'Ottawa.

Nous ne récupérons rien d'Ottawa. C'est notre argent qui est à Ottawa, qui est prêté à la province et que la province va nous reprêter.

Et pour quelle raison, nous, ce soir, voterions-nous la loi pour nous prêter de l'argent à nous - même mais en passant par Ottawa pour revenir à Québec et retourner dans les municipalités? Je crois que c'est une façon indirecte de violer un domaine dans lequel le fédéral n'a aucun droit. Est-ce que cela existe dans la constitution, oui ou non? Je crois que le ministre des Affaires municipales, si je comprends le contenu de la première partie de son discours, il a très bien exprimé que le fédéral n'avait aucun droit dans le domaine municipal et je ne comprends pas de quelle façon il a pu se tourner la langue ou son crayon pour écrire la dernière partie de son discours, pour essayer de nous demander de voter ce soir cette loi qui est une violation de la Confédération et des droits sacrés de la province de Québec.

M. le Président, si nous voulons aider les municipalités, il y a plusieurs autres façons dont nous oouvons nous y prendre que celle-là et je suis convaincu que le ministre des Affaires municipales ne croit pas à cette solution. Il connaît la situation actuelle des municipalités, il connaît leurs besoins, il sait que le peu d'aide que cette loi va apporter va détruire beaucoup plus nos droits qu'apporter le soulagement que nous voulons offrir aux municipalités. D'abord, avec $40,000,000, si nous constatons que, dans la province de Québec, le total des travaux c'est, en moyenne, $150,000,000 par année, combien de municipalités aiderons-nous? La ville de Montréal et la ville de Québec? Et que va-t-il arriver aux autres petites municipalités? Peut-être à continuer avec les subventions pour travaux d'hiver.

On prétend qu'on a aidé énormément les petites municipalités rurales avec les travaux d'hiver. Je dis que c'est encore là une farce. La plus grande partie des 75% prévus pour les travaux d'hiver qui sont faits dans les petites municipalités ont été faits dans le passé à même le budqet de la voirie, à même de l'entretien. Aujourd'hui on le fait faire aux municipalités durant les mois d'hiver, on compense cela avec de l'argent venant prétendument du provincial et du fédéral, mais aussi en laissant l'avantage à la municipalité d'en payer une partie.

M. le Président, je ne veux pas prolonger indéfiniment le débat, mais je crois que les municipalités ne trouvent pas une solution à leur problème par cette loi, mais on va peut-être essayer de leur faire comprendre que nous allons les aider, mais lorsqu'elles verront la façon dont elles doivent précéder, elles feront comme la

plupart l'on fait pour les travaux d'hiver, elles se décourageront et laisseront tomber cette solution. Nous aurons encore une loi, dont nous aurons fait état, dont le gouvernement fédéral pourra se servir pour faire de la politique le provincial aussi pourra se vanter d'aider les municipalités de cette façon, mais je crois que c'est la façon la plus ingrate de vouloir apporter une solution aux problèmes que nous avons à résoudre.

Je demande, ce soir, par votre entremise, M. le Président, au ministre des Affaires municipales de regarder objectivement le problème des municipalités et je lui demanderais de regarder les lois qui existent aujourd'hui à Ottawa, qui veulent ou qui prétendent aider les municipalités, et qui sont tout simplement une excuse pour pouvoir s'ingérer dans le domaine municipal à l'heure actuelle.

Je veux parler, M. le Président, de la loi de la Société centrale d'hypothèques et le logement, qui permet à certaines municipalités qui bâtissent un plan d'épuration des eaux, de pouvoir emprunter de ces gens-là, mais simplement si c'est construit suivant leur manière de le faire, seulement leur manière de procéder. Il faut aller les voir d'abord et voir leur manière de procéder et revenir à Québec et dire: "Eh bien, à Ottawa, ils veulent avoir ça de même"; et Québec accepte après tout, après Ottawa et, après ça, on s'en vient poser à la municipalité le fardeau de payer.

Et savez-vous quelle est la récompense? Une prétendue subvention d'un sixième du coût des travaux, non, M. le Président, non, d'un sixième du coût de l'usine, mais on enlève tous les tuyaux autour, on a tout juste notre pauvre petite usine, qui peut coûter peut-être encore $2,000,000, mais si l'usine coûte encore $2,000,000, on sait que ça coûte près de $1,000,000 à la municipalité et je crois que c'est encore là une façon d'aveuqler le public et de surcharger les municipalités et les contribuables par des lois qui répondent aux besoins esentiels, aux besoins inévitables de certaines municipalités et de certaines cités et villes.

Si nous voulons être sérieux, nous allons regarder objectivement les villes qui ont besoin d'être aidées, nous allons faire un inventaire et nous allons créer un fonds municipal ici, et, s'il faut, le contrôler par un organisme spécial du Québec, et là voir à le financer de cette façon, voir à ce que les remboursements ne fassent suivant les moyens de chacune des municipalités, non pas de surcharger certaines municipalités au détriment d'autres municipalités et laisser certaines municipalités se surcharqer après s'être laissé aveugler par les lois telles que passées par Ottawa et par des propagandistes qui ne sont pas dignes de prêcher la politique qu'ils prêchent.

M. le Président, cette méthode de prêcher durant les élections, d'amener des lois pour aider les municipalités et après, les élections, de les oublier, je crois que c'est fini ce tsmps-là.

On devrait reqarder objectivement et sérieusement s'il y a possibilité d'apporter une loi qui peut aider les municipalités plutôt que de parler aveuqlément comme nous l'avons vu depuis quelques campaqnes électorales et de laisser sous-entendre que chacune des municipalités sera aidée pour, après les élections les oublier comme l'a fait le gouvernement actuel et comme l'a fait le gouvernement fédéral afin de tout contrôler, de finir d'accaparer le contrôle absolu dans le domaine municipal comme tous les autres domaines qu'ils ont déjà à l'heure actuelle, suivant leur manière et leur façon de procéder.

M. le Président, à l'heure actuelle, on a dit que la fédération des maires avait demandé que nous acceptions ce mode de orocéder d'Ottawa. Je peux vous dire que je n'ai pas eu connaissance que la majorité des maires l'aient demandé, sauf la Fédération canadienne des maires. Je crois que le député de Saint-Jacques l'a dit hier ou ce matin, c'est l'infime minorité des maires de la province de Québec, excepté peut-être quelques-uns qui ne sont pas conscients du massacre, si nous pouvons l'appeler ainsi, qui peut arriver dans le domaine de l'autonomie de la province ou des droits de la province en acceptant cette loi.

Mais je crois, que, si chacun des maires était conscient, on étudiait le dommage qui peut être fait par des lois comme celles-là, il y aurait un recul de leurs demandes ou de leurs désirs, car il faut tout de même comprendre que ces gens ne reaardent pas d'où vient l'argent. Ils veulent l'avoir simplement pour soulager leurs propres contribuables et pour compléter certains travaux qui sont nécessaires.

Donc, je crois que le ministre des Affaires municipales, lui qui est conscient du problème, lui qui connaît les droits provinciaux, qui sait dans quels domaines ou combien loin le fédéral peut aller, devrait les faire comprendre à tous les maires des municipalités et devrait dès ce soir retirer cette loi et apporter une autre loi pour créer un fonds municipal, un fonds du Québec, pour le Québec, ou une banque municipale, si vous voulez. Mais je ne crois pas que nous soyons obligés d'accepter $120,000,000 d'Ottawa pour pouvoir nous gouverner dans la province de Québec, et surtout de la façon que ceci est présenté.

Donc, M. le Président, je crois que la fédération des maires est bien prête à coopérer, à aider le ministre à soulager les municipalités et surtout de la façon convenable pour toutes les municipalités de la province de Québec; je suis certain que le

ministre étant conscient de sa responsabilité, étant conscient des droit,, de la province de Québec, va retirer son bill ce soir et va présenter un autre bill. Je suis certain aussi que le premier ministre va le comprendre il va lui permettre de le faire.

Et si le premier ministre ne veut pas comprendre, s'il laisse simplement les députés qui sont conscients du danger voter bien librement sur cette loi sans leur imposer cette obligation de suivre la règle du parti, la loi va tomber seule et, demain, si vous voulez, pour accepter la formule qu'a proposée le député de Bellechasse, nous pourrions siéger voter une autre loi pour créer un fonds municipal et nous pourrions renoncer à cette indemnité de $100 pour demain.

Je sais que certains députés trouvent ça bien drôle. Je sais que certains députés ne comprennent pas la difficulté qui existe dans certaines municipalités, et je sais que, pour certains députés, la question d'autonomie, c'est secondaire, cela ne les regarde pas, les droits des provinces leur sont indifférents, ils n'y ont jamais pensé ou ils ne l'ont jamais compris. Ils ne l'ont jamais reqardé.

Mais je dis, M. le Président, que ce soit la province de Québec ou la province d'Ontario ou n'importe quelle province, qu'il est toujours mauvais que l'argent soit perçu par l'un et dépensé par l'autre. C'est pour cette raison que je crois que le gouvernement de Québec devrait accepter ses propres responsabilités non pas simplement dans le domaine municipal mais dans tous les autres domaines. Et surtout, comme en a fait mention le député de Sainte-Anne, dans le domaine des pensions, je suis d'accord.

On pourrait s'organiser avec nos pensions de vieillards ou autres si le fédéral voulait se retirer du domaine de la taxation. Cela serait facile. Ce n'est pas si compliqué que cela. Mais on s'est embarqué il y a quelques années et on veut continuer à s'immiscer dans les affaires des provinces, et il est malheureux que nous voyions certains députés qui laissent passer l'esprit de parti avant la question de leurs droits de la province qu'ils représentent. Ils ne l'ont jamais compris et ils ne le comprendront jamais.

M. le Président, je termine. Je vois que le ministre s'impatiente. Il voudrait donner sa réplique. Je suis certain qu'il va le faire bien sagement. Il va être très peiné de continuer dans cette voie où il s'est déjà engagé. Il va terminer tristement, mais il est regrettable qu'il ait été obligé de se laisser immoler pour pouvoir sauver les apparences partisanes d'un gouvernement libéral à Ottawa et libéral à Québec.

M. Pierre Laporte

M. Laporte: M. le Président...

M. Gabias: Les moutons sont tous revenus.

M. Laporte: Le "bêleux" aussi.

M. Gabias: Il sont tous revenus. Le "bêleux" reprend la parole.

M. Laporte: On a l'impression, M. le Président, à entendre les députés de l'Union Nationale qui ont adressé la parole aujourd'hui, que c'était une charge non pas personnelle contre le ministre des Affaires municipales, mais une tentative de laisser croire que le ministre, dans cette Chambre, est obligé de se marcher sur le coeur pour défendre ce projet de loi.

M. Gabias: Il n'en a pas, il n'en a pas, ce n'est pas possible. Voyons donc! Qu'il aille voir s'il avait droit de

M. Laporte: Le ministre des Affaires municipales, a tenté pendant toute la première partie de l'argumentation de dire combien la première partie de sa thèse avait été excellente, et cela a même évité au député de Missisquoi de faire les mêmes recherches, a-t-il dit, et que, dans la deuxième partie, on a vu le ministre, forcé par le premier ministre de la province de Québec...

M. Johnson: C'est cela.

M. Laporte: ...venir défendre un bill.

M. Johnson: Oui, après...

M. Laporte: Écoutez, attendez, attendez la fin!

M. Gabias: C'est la meilleure partie de son discours.

M. Laporte: M. le Président je dis simplement que, compte tenu de mon passé dans ce domaine - qui vaut n'importe quand celui de l'Union Nationale - compte tenu des démarches qui ont été faites par le Parti libéral à Ottawa, compte tenu des amendements qui ont été apportés à la loi et compte tenu de la façon intelligente avec laquelle il faut défendre la constitution, pas simplement à grands coups de queule comme on en a entendu aujourd'hui...

M. Gabias: Lui, c'est à coups de piastres; c'est à coups de piastres que le député de Chambly...

M. Johnson: Je voudrais invoquer le règlement et demander au ministre pour voiler la nudité de ses arguments, il a

employé un terme antiparlementaire, de retirer le mot "gueule", qui ne convient par dans cette Chambre.

M. Laporte: Alors, M. le Président, je consens à retirer la gueule à l'Union Nationale.

M. Gabias: M. le Président, le ministre, c'est à coups de piastres, lui.

M. Laporte: La thèse que j'ai défendue lorsque j'ai fait mon discours de deuxième lecture était écrite. Elle a été transmise à la presse et, comme on a prétendu que le ministre des Affaires municipales s'était contenté de citer des extraits de journaux, je vais citer trois ou quatre phrases essentielles de mon discours.

M. Gabias: Ce n'est pas parmis, ça, ce n'est pas permis.

M. Laporte: Non, c'est beaucoup trop pour ce que le député peut endurer. J'ai dit: La thèse est la suivante: il est clair qu'en matière de droit municipal l'autorité appartient exclusivement aux gouvernements provinciaux. Là-dessus on est d'accord. Je l'ai dit. Deuxièmement: "L'esprit et la lettre de la constitution s'opposent donc clairement à l'entrée du gouvernement fédéral dans un domaine de juridiction provinciale."

M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. Gabias: On a eu assez de l'entendre une fois.

M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement.

Nous voulons collaborer pour que les travaux soient expédiés raisonnablement et le ministre tue le temps en répétant, à l'encontre du règlement, son discours de deuxième lecture. Ce n'est pas de la nature d'une réplique du tout, le ministre devrait le savoir.

M. Laporte: M. le Président, ce genre de collaboration, on n'en n'a pas besoin. Deuxièmement, le chef de l'Opposition a employé toute la première partie de son argumentation, ce qui n'était pas dans son texte, à tenter de démolir mon discours en citant seulement les parties qu'il voulait. Il est temps que je rétabllisse la situation.

J'ai dit deux choses, M. le président: qu'il eût été préférable qu'Ottawa n'entrât pas dans le domaine municipal, je l'ai dit clairement. Et j'ai dit même que c'est notre devoir de travailler inlassablement à l'en faire sortir. Mais les autres provinces étant d'accord pour qu'il y entre; nous avions le devoir de protéger au maximum les intérêts du Québec sans priver les autres provinces de ce qu'elles désiraient.

Je ne répéterai pas les deux phrases que le député de Chicoutimi et le député de Champlain ont citées, mais je répéterai que c'est la base de mon argumentation et que je suis prêt à les suivre dans toute la province de Québec pour la défendre, parce que c'est le bon sens même. Et lorsque le député de Chicoutimi ajoute, après avoir cité mes deux phrases...

M. Johnson: Il est plus brave que le ministre de la Jeunesse.

M. Laporte: M. le Président, le chef de l'Opposition a tous les droits, sauf celui de faire mon discours...

M. Johnson: Non, non, mais, M. le Président, je faisais un compliment au ministre en disant qu'il est plus brave que le ministre de la Jeunesse.

M. Laporte: Et à cela le député de Chicoutimi disait: "Mais, que devient alors la constitution, si on déclare que, chaque fois que le gouvernement fédéral se conduira comme il l'a fait, ce sera le devoir des administrateurs de l'État du Québec de tirer le meilleur parti possible de la situation, pour éviter le pire, et pour éviter que les citoyens québécois continuent d'être taxés au profit des autres provinces."

Qu'est-ce que devient la constitution? Il s'agit simplement d'avoir l'intelligence de la défendre de façon à faire progresser nos affaires et non pas de façon négative, comme l'Union Nationale l'a fait pendant seize ans.

J'ai tiré deux conclusions:

La première, c'est que nous devons continuer à combattre l'intrusion fédérale, même amoindrie, dans le domaine municipal. Le cheval de Troie dont a parlé à juste titre le chef de notre gouvernement devra être progresivement chassé de notre territoire.

Deuxièmement, et c'est aussi essentiel que l'autre, la province de Québec devra se faire un devoir, comme c'est actuellement le cas, d'accepter complètement et efficacement tout le domaine qui lui est concédé par la constitution. Si l'Union Nationale l'avait fait dans le passé, si, au lieu de se lever hier, le député de Saint-Jacques et, aujourd'hui, le député de Missisquoi, si le député de Shefford, qui vient de parler, au lieu de dire: "Le gouvernement devrait créer une banque, un service de prêts aux municipalités", si cela avait été fait au cours des seize années de l'Union Nationale, peut-être aurions-nous eu un argument décisif pour aller à Ottawa nous opposer à la loi qui est venue.

Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir...

M. Gabias: C'est effarant:

M. Laporte: Oui, c'est effarant, M. le Président, parce qu'il n'y avait aucun rapport sur ce sujet-là. Il n'y avait aucune étude sur ce sujet-là. Nous n'avons rien trouvé.

M. Gabias: Le rapport Tremblay?

M. Laporte: M. le Président, est-ce que le député de Trois-Rivières est malade?

M. Gabias: Oui.

M. Laporte: Bien, ça paraît. Cela paraît qu'il est malade.

M. Gabias: M. le Président, le député de Chambly m'a posé une question. C'est vrai...

M. Laporte: Bon, qu'il aille donc se coucher, s'il est malade.

M. Gabias: C'est vrai, M. le Président, que je suis malade d'entendre un tel langage de la part du ministre des Affaires municipales.

M. le Président: À l'ordre, messieurs! Je crois que le député de Trois-Rivières et les autres députés pourraient laisser parler le député qui a la parole sans faire des interventions. Il y a eu des interventions de part et d'autre aujourd'hui. Je crois que le ministre, en donnant son droit de réplique, pourrait le faire sans interruption.

M. Gabias: L'exemple nous entraîne, M. le Président.

M. Laporte: Je dis que lorsque nous sommes arrivés au ministère des Affaires municipales, nous n'avons absolument rien trouvé, dans ce domaine du crédit aux municipalités, aucune étude, aucun rapport, absolument rien et il a fallu créer un comité d'étude parce que c'est facile pour les députés de se lever: On devrait passer une loi demain pour créer un crédit communal.

M. Johnson: Le député de Saint-Maurice n'a rien fait pendant deux ans.

M. Laporte: M. le Président, ce qui s'est fait au ministère des Affaires municipales sous le député de Saint-Maurice et sous le député d'Abitibi, nous allons en parler dans quelques minutes. Soyez patients et soyez prudents. M. le Président, nous sommes donc d'accord qu'il s'agit d'une intrusion partielle du gouvernement fédéral dans un domaine réservé aux municipalités. Je pense que point n'est besoin de le répéter davantage. C'est a partir de ce moment-là, dit l'Opposition, qu'elle se sépare de ma thèse. On va l'examiner.

Est-ce qu'il fallait aller à Ottawa et dire simplement "non". Est-ce qu'il fallait simplement aller mener la guerre à Ottawa et revenir sans aucun résultat pratique? Je pose la question: Qu'est-ce que ça aurait réglé? Est-ce que cela aurait réglé le problème constitutionnel que soulève actuellement l'Opposition? Ce n'est certainement pas en coupant les ponts, ce n'est certainement pas en cessant brutalement les discussions, lorsque cela n'est pas absolument nécessaire, qu'on va obtenir gain de cause dans les choses que nous avons à défendre.

Deuxièmement, M. le Président, sans notre intervention à Ottawa, est-ce que l'Opposition est d'avis que la loi n'aurait pas été votée quand même? Si nous avions simplement dit non à Ottawa, nous aurions eu le bill C-76 tel que déposé en première lecture, et l'entorse à la Confédération aurait été fatale. Tout ce qui a été gagné, c'est nous qui l'avons gagné à Ottawa.

Des voix: Oh, oh!...

M. Laporte: Et, il y a plus que ça, M. le Président: si la loi avait été inscrite dans les statuts telle qu'elle a été déposée, c'est-à-dire que si nous avions simplement dit non, c'eût été un précédent extrêmement dangereux en droit constitutionnel et cette référence à la Cour suprême dont parlait le député de Chicoutimi, je me demande s'il est prêt à se lever ce soir pour suggérer qu'une loi comme celle-là soit référée devant la Cour suprême telle que constituée actuellement, avec le danger que je dois...

M. Talbot: Oui.

M. Gabias: Inconstitutionnel.

M. Laporte: Mais moi, je ne suis pas pour en prendre et rester là, M. le Président, parce qu'à ce moment-là, vous aurez un jugement qui fera loi au Canada...

M. Gabias: Bien, voyons donc!

M. Laporte: ... et on sait que certains jugements peuvent avoir comme conséquence de changer la constitution.

Qu'est-ce que le député de Champlain connaît dans ça?

M. Bellemare: Il y a une chose que le député de Champlain a, il a du coeur, il a du coeur!

M. Laporte: Je comprends que le député sait compter les mots, mais qu'il n'abuse donc pas des mots.

M. Bellemare: Des quoi?

M. Laporte: Des mots. 4782 mots dans un discours.

M. Bellemare: 4071.

M. Laporte: 4071. Cela va ramener le sourire, j'aime mieux ça.

M. le Président, si nous avions simplement dit non, cela ne réglait pas le problème constitutionnel, pas du tout, cela l'aggravait.

Deuxièmement, ça ne réglait pas le problème des municipalités et là je suis partagé entre deux opinions exprimées par l'Opposition, celle du très brillant député de Trois-Rivières, qui a dit: "Les municipalités de la province de Québec ont tellement de coeur, sont tellement autonomistes qu'il n'y en a pas une qui va emprunter..."

M. Gabias: M. le Président, je soulève un point d'ordre, ce que j'ai dit n'est pas ce que le ministre vient de répéter....

M. Laporte: Comment, c'était encore pire que ça?

M. Gabias: Ce que j'ai dit, ce sont les paroles suivantes: j'ai dit que j'espérais que les municipalités ne se serviraient pas de ce que le bill no 1 veut leur accorder; c'est cela que j'ai dit.

M. Laporte: C'est ça. Est-ce que je peux me permettre d'ajouter que le député de Trois-Rivières a certainement rendu hommage à l'autonornisme foncier des municipalités en disant qu'elles n'accepteraient pas d'emprunter à ce fonds-là?

M. Gabias: Comme elles l'ont fait de 1958 à 1960, tel que le ministre l'a dit et tel que l'ancien ministre l'a dit.

M. Laporte: Très bien. Alors, si je comprends bien le député de Trois-Rivières, les municipalités n'emprunteront pas. Puis le député de Shefford vient de dire, il y a cinq minutes: Les municipalités, ça ne les inquiète pas d'où viennent les fonds, du moment qu'il y en a."

M. Gabias: Ce n'est pas ce qu'il a dit. Bien, voyons donc!

M. Laporte: C'est ça qui nous inquiète, M. le Président, ça n'aurait pas réglé le problème des municipalités qui ont besoin d'argent et qui seraient allées l'emprunter directement d'Ottawa, ça ne réglait pas ce problème-là.

M. Gabias: Cela ne le règle pas non plus, cela ne règle pas le problème.

M. Laporte: Les municipalités vont avoir...

M. le Président, je constate une fois de plus que le député de Trois-Rivières, je le regrette, n'a rien compris.

M. Russell: M. le Président, est-ce que les municipalités pourront aller directement à Ottawa?

M. Laporte: Non.

M. Russell: Non? Mais si la loi était votée, elles pourraient y aller sans le demander à Québec?

M. Laporte: En vertu de la loi de 1958, oui. En vertu du bill tel que déposé à Ottawa, oui. En vertu des amendements qu'on a obtenus, non.

M. Gabias: Ce n'est pas vrai.

M. Russell: M. le Président, est-ce que le ministre des Affaires municipales affirme que s'il n'y avait pas eu d'amendements à la loi d'Ottawa, au bill C-76, une municipalité aurait pu aller emprunter directement à Ottawa sans obtenir la permission de Québec?

M. Laporte: C'est simple, Ottawa prêtait directement aux municipalités, ç'a été dit clairement. Avec les amendements que nous avons obtenus... Le député de Shefford connaît ça, la Commission municipale?

M. Russell: Oui.

M. Laporte: C'est la Commision municipale qui va prêter. C'est la Commision municipale de Québec qui va prêter. Est-ce que c'est québécois, ça? C'est nous qui avons obtenu ça à Ottawa.

M. Russell: M. le Président, est-ce que le ministre des Affaires municipales me permettrait une question?

La différence, c'est ceci: à l'heure actuelle, n'importe quelle municipalité peut emprunter suivant ses besoins, à condition qu'elle obtienne au préalable la permission de la Commission municipale à Québec. Et cela aurait été la même chose pour un prêt du fédéral, de la Banque du Canada ou tout autre prêt. C'est ça qui est la loi.

M. Laporte: Faudrait pas mêler trop, trop.

M. Russell: Non, c'est ça qu'il ne faut pas mêler.

M. Laporte: Actuellement, les municipalités, c'est clair, lorsqu'elles veulent

emprunter sans s'occuper de la loi fédérale, sans s'occuper de ce qu'on adopte ce soir, doivent passer par la Commission municipale. Cela, c'est entendu, tout le monde le sait. Toutes les municipalités le font. Deuxièmement, en vertu de la loi d'Ottawa, elles pourraient emprunter directement d'Ottawa.

M. Johnson: Elle n'est pas en vigueur.

M. Laporte: Que le chef de l'Opposition ne joue pas sur les mots. On n'en est pas à se demander si, à dix heures moins deux, elle est en vigueur.

M. Johnson: Elle n'est pas en vigueur.

M. Laporte: On est à étudier la situation qui serait créée par cette loi-là, elle va finir par être proclamée.

M. Johnson: Elle n'est pas en vigueur. M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Lafontaine: Le ministre a le cordon mêlé. La loi n'est pas encore en vigueur.

M. Laporte: C'est d'autant plus inquiétant qu'en dépit de ce qu'a dit le député de Shefford, cette loi aurait incité les municipalités à aller à Ottawa, nous avons eu raison d'insister pour qu'elles empruntent de Québec parce que ça va être des prêts extrêmement avantageux.

M. Johnson: Premièrement, elles n'auront pas le problème de la vente des obligations, elles ont un marché tout trouvé, c'est la province de Québec.

M. Johnson: Pour la balance.

M. Laporte: Bien oui, la balance.

M. Johnson: 40%, 50%

M. Laporte: Je parle de deux tiers sur trois tiers. Bien, si le chef de l'Opposition n'a pas lu la loi, il peut s'absenter quelques instants.

M. Johnson: M. le Président, j'ai lu la loi, je la connais et ce n'est pas 66% du coût, tel qu'établi en vertu des règlements d'Ottawa.

M. Laporte: Cela, c'est tout simplement encore du patinage de fantaisie.

M. Johnson: Non, non.

M. Laporte: Il s'agit de 66 2/3% d'un prix à être établi d'un commun accord entre les deux.

M. Gabias: Non, ce n'est pas ça. Dites donc la vérité pour une fois.

M. Laporte: M. le Président, les municipalités qui obtiendront des prêts n'auront pas de problème de vente pour la partie du prêt.

Deuxièmement, elles vont vendre au pair, ce qui est un avantage, il n'y aura pas d'escompte.

Et, troisièmement, et c'est là l'erreur profonde du député de Shefford, si les travaux sont terminés avant le 31 mars 1966, il y aura une subvention de 25% du prêt qui équivaut approximativement à 16 2/3% de subvention sur l'ensemble des travaux. Cela, c'est avantageux.

M. Bellemare: Cela, c'est l'autonomie.

M. Laporte: Ce n'est pas l'autonomie, c'est le progrès de nos municipalités pour pouvoir se développer chez nous. Et,. troisièmement, ça n'aurait réglé ni le problème constitutionnel, ni le problème des municipalités qui seraient allées à Ottawa comme le permettait la loi votée par le député de Champlain, le grand autonomiste.

M. Johnson: Non, non.

M. Laporte: Et ça n'aurait pas réglé...

M. Johnson: Non, non.

M. Laporte: Cela n'aurait pas préparé l'atmosphère pour une conférence infiniment plus importante et qui va avoir lieu cet automne. Les relations sont bonnes, la fiscalité va se discuter à l'automne et toute la province de Québec est extrêmement confiante que cette démarche sera faite par le chef du gouvernement au cours des prochains mois.

Je répète, M. le Président, que dire "non" à Ottawa, c'est parfois nécessaire mais qu'il faut l'éviter chaque fois que c'est possible. Et, dans le cas actuel,...

M. Gabias: Vous n'avez jamais dit ça.

M. Laporte: ...lorsque le chef de l'Opposition propose que nous imposions un impôt dans la province de Québec pour créer un fonds Municipal, par exemple, c'est une des plus grandes erreurs qu'il peut commettre, à moins qu'il ne souhaite, comme c'est le cas pour les Canadiens français, pour créer un fonds municipal, par exemple, c'est une des plus grandes erreurs qu'il peut commettre, à moins qu'il ne souhaite, comme c'est le cas pour les Canadiens français à Maillardville, que nous décidions d'imposer à toutes les municipalités, à tous les citoyens du Québec, double taxation: taxe pour se créer un fonds ici et taxe pour faire vivre

les autres provinces du Canada.

Qu'est-ce que ç'a donné, M. le Président, les cinq années au cours desquelles l'Union Nationale s'est contentée de dire non pour ne pas citer deux ou trois cas?

M. Lafontaine: Vous n'avez pas toujours été de cet avis-là.

M. Laporte: La Transcanadienne, par exemple, elle s'y est opposée . ec la dernière véhémence, pendant des années, alors que la route se développait ailleurs dans le pays.

M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement. Voici que le ministre, dans son droit de réplique sort des faits nouveaux dont il n'a pas été question, il fait des affirmations qui vont appeler de la part de l'Opposition au moins des mises au point et nous allons encore faire rebondir le débat. Je crois que le ministre devrait se limiter dans sa réplique à ce que le règlement demande.

M. le Présidents J'ai l'impression que le débat a fait le tour depuis vers les 1800 jusqu'à 1963. J'ai essayé...

À l'ordre, messieurs!

M. Johnson: Depuis 1760.

M. le Président: ...j'ai essayé de suggérer aux députés des deux côtés, d'essayer de revenir, de discuter du principe du bill no 1 qui est devant la Chambre. Mais me demander, à cette étape des procédures, de limiter le ministre qui parraine le bill au cours de sa réplique, je ne peux pas le faire. Ce serait me demander un jugement dont je ne suis absolument pas capable de porter.

M. Laporte: Je dis que le refus pendant des années d'accepter les subventions fédérales pour la construction de la Transcanadienne a occasionné à la province de Québec, dans son développement, un retard considérable. Et comment est-ce que ça s'est terminé quand un nouveau chef, un nouveau premier ministre de l'Union Nationale a été désigné? Il a dit à un journaliste, et ç'a été publié noir sur blanc: "Dans l'affaire de la Transcanadienne, il s'agit non pas d'une question de principe, mais strictement d'une question de piastres et de sous et nous allons négocier."

Nous avons eu un retard avec ce "non", un retard d'années et d'années, absolument inutile et sans raison.

M. Gabias: C'était dans le Devoir.

M. Laporte: L'assurance-santé: nous avons refusé ou néqligé d'intervenir pendant des années avec la conséquence que des familles sans nombre dans la province de

Québec ont été taxées au profit du reste du Canada et se sont endettées quand la maladie les a frappées.

Et je voudrais parler en troisième lieu...

M. Gabias: Vous avez élevé le impôts pour ça.

M. Laporte: Je voudrais parler de l'accord Barrette-Fleming et je pense qu'il en a été assez question dans cette Chambre pour qu'on admette que, dans ma réplique, j'aie le droit d'intervenir.

Est-ce qu'on a accepté, oui ou non, des conditions? Le grand reproche que l'on nous fait actuellement dans l'étude du bill, c'est d'accepter des conditions fédérales. Est-ce qu'on a accepté, oui ou non, des conditions dans l'accord Barrette-Fleming?

M. le Président, j'ai ici en main le Hansard. J'ai en main un texte de Me Noël Dorion, c.r., député de Bellechasse, discours qu'il a fait à la Chambre des communes justement pour expliquer l'entente Barrette-Fleming et je lis le paragraphe suivant: "La condition essentielle...

M. Gabias: Oui, mais ce n'est pas dans le temps de l'Union Nationale, ça.

M. Laporte: "...pour tirer avantage de cette nouvelle méthode, c'est que la province qui veut y avoir recours ait, suivant l'opinion du ministre - ça, c'est le ministre fédéral -fait des arrangements satisfaisants pour verser à ces maisons d'enseignement supérieur au moins l'équivalent des sommes qu'elles auraient percues si elles avaient tiré parti de la méthode actuellement en vigueur. En d'autres termes, il faudra que la province s'acquitte véritablement de ses obligations à l'endroit de nos universités."

M. le Président, nous avons, pendant des années, laissé accumuler un fonds pour les universités, partiellement en exerçant des influences sur les universités pour qu'elles n'acceptent pas. Lorsque le fonds a été assez considérable, lorsque les pressions sont devenues absolument intolérables, on a trouvé une formule - formule acceptable - mais qui comportait, comme c'est le cas du bill que nous étudions actuellement, des conditions.

M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement. Le ministre, jusqu'à maintenant, nous a apporté comme seule preuve de son avancé l'opinion d'un avocat distingué, mais il y a des statuts de la province qui ont été votés librement et qui ne contiennent pas cette condition humiliante qu'il faut suivre des instructions d'Ottawa, comme le présent bill le demande, le bill C-76.

M. Lesage: Parlant sur le point de

règlement du chef de l'Opposition, je voudrais bien lui rappeler ce que j'ai dit lors de mon intervention et lui rappeler la loi fédérale 8-9, Elizabeth Il, chapitre 2-b: "Une province désignée...

M. Johnson: Vous avez lu ça hier.

M. Lesage: Oui, mais qu'on ne vienne pas dire, par exemple, que nous nous sommes servis seulement de la déclaration de M. Dorion...

M. Johnson: Ce n'est pas une loi de la province, ça. C'est une loi d'Ottawa.

M. Lesage: Mais c'est une loi...

M. Johnson: Elle ne nous lie pas.

M. Lesage: M. le Président, est-ce que nous allons recommencer le débat d'hier...

M. Johnson: Non, M. le Président.

M. Lesage: ...et dire qu'elle lie la province...

M. Johnson: Non.

M. Lesage: ...quand le gouvernement provincial de l'Union Nationale déclare qu'il a récupéré? Le chef de l'Opposition a admis, hier, que s'il n'acceptait pas les conditions...

M. Johnson: Ce n'est pas moi. Non, M. le Président...

M. Lesage: Le chef de l'Union Nationale a admis que si le gouvernement provincial...

M. Johnson: Ce n'est pas exact.

M. Lesage: ...est-ce que je puis finir?

M. Johnson: Excusez.

M. Lesage: ...que si le gouvernement provincial n'acceptait pas les conditions et qu'il n'y avait plus récupération, il y avait double taxation. C'est clair. Il y a récupération à condition que le gouvernement provincial suive les prescriptions du statut fédéral. Le chef de l'Opposition l'a admis hier.

M. Johnson: M. le Président, le premier ministre...

M. le Président: Sur le point de règlement...

M. Johnson: M. le Président...

M. le Président: C'est le chef de l'Opposition qui a soulevé un point de règlement ou qui a fait un discours en soulevant un point de règlement. Le premier ministre a répondu en disant qu'il parlait sur le point de règlement. Le chef de l'Opposition n'a pas le droit de parler une deuxième fois sur le point de règlement. C'est le ministre des Affaires municipales qui exerce son droit de réplique.

M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, si le chef de l'Opposition n'a pas le droit de parler, je vais parler, moi.

M. le Président: Oui, mais la décision que je devrais rendre, c'est qu'il n'y a pas de point de règlement.

M. Bertrand (Missisquoi): Alors, il y a eu un discours sur...

M. le Président: C'est le ministre des Affaires municipales qui exerce son droit de réplique. Le chef de l'Opposition a voulu faire une intervention. Il l'a faite. Le premier ministre a répondu. Je crois qu'on pourrait laisser le ministre des Affaires municipales...

M. Laporte: M. le Président, au sujet de ces ententes fédérales-provinciales, on a cité "Relations" tout à l'heure au sujet de notre bill actuel. Voici ce que disait "Relations". C'est intitulé "La nouvelle formule d'aide fédérale aux universités. Le principe de l'aide fédérale aux universités une fois réaffirmé, le mode de versement des subventions demeure tout naturellement soumis aux conditions qu'Ottawa lui-même..."

M. Gosselin: C'est le président qui l'a dit lui-même...

M. Johnson: Il ne fait pas mal ce texte-là. Il est très bien.

M. Laporte: "...le mode de versement des subventions demeure..."

M. Lafontaine: Il se fait mal lui-même.

M. Laporte: "...Le mode de versement des subventions demeure tout naturellement soumis aux conditions qu'Ottawa lui-même va imposer. Car, selon la nouvelle formule, c'est le..."

M. Johnson: Non!

M. Laporte: "...gouvernement fédéral qui détermine, premièrement, le montant alloué, l'équivalent de $1.50 par tête; deuxièmement, le genre de taxe, 1% du produit de l'impôt sur le revenu des sociétés dans la province; troisièmement, l'emploi de la somme ainsi perçue des subventions

supplémentaires aux universités de la province."

Tout ceci pour dire, M. le Président, et je veux en venir...

M. Johnson: Lisez donc en bas.

M. Laporte: Ah bien, si vous voulez que je continue, vous n'aimerez pas ça.

M. Johnson: Dernier paragraphe.

M. Laporte: "Ottawa agit, en somme, comme si l'instruction au deqré universitaire était de sa compétence..."

M. Johnson: Dernier paragraphe...

M. Laporte: Oui j'allais justement à ce paragraphe...

M. Gabias: Allez-y!

M. Laporte: Je veux simplement dire que "Relations" conclut que, dans les circonstances, c'était un accord acceptable, parce qu'il y avait des conditions.

M. Gabias: Mais oui, si vous voulez que cela se prolonge.

On n'est pas pressé, on n'est pas pressé! Lisez!

M. Laporte: Alors, je veux simplement, M. le Président, appliquer toute ce que je vais maintenant lire au débat d'aujourd'hui. Vous insistez pour que je le lise, je vais le lire.

M. Gabias: Allez-y!

M. Laporte: "Est-ce à dire que la province de Québec doive refuser cette offre? Est-ce à dire que la province de Québec doit refuser l'offre de prêts aux municipalités?..."

M. Gabias: Non, non, ce n'est pas cela que ça dit.

M. Laporte: Oui...

M. Gabias: Ce n'est pas ce que cela dit. Il n'a pas le droit, il n'a pas le droit.

M. Laporte: M. le Président, si le député de Trois-Rivières continue, je ne le lirai pas.

M. Gabias: Ah! quelle affaire! Lisez, mais lisez intégralement...

M. Johnson: Il va nous punir... frère directeur... Ne lisez pas.

M. Laporte: M. le Président, Relations dit qu'"en dépit des conditions, étant donné que c'est une entente raisonnable, le gouvernement était justifié de l'accepter."

M. Gabias: Non, non, non.

M. Laporte: C'est cela que Relations dit, et je dis qu'étant donné l'entente que nous avons discutée à Ottawa, étant donné que nous avons gagné que la province seule accorde les prêts aux municipalités, que la province seule accorde des subventions, que la province seule décide quels travaux seront admissibles et que la province recevra sa part dans la Confédération, nous avons raison: c'est une entente acceptable.

M. le Président, quand on pense que l'Union Nationale a laissé entendre qu'elle voterait contre cela, qu'elle voterait contre ce qu'elle appelle un accroc effroyable à la Confédération! C'est la Commission municipale qui va prêter aux municipalités, alors que le même parti politique, en 1958, a adopté une loi permettant à toutes les corporations d'accepter une subvention directe du gouvernement fédéral.

M. Duplessis - c'était pressé à ce moment - M. Duplessis, dit le Soleil, révèle qu'il a demandé au ministre des Affaires municipales, l'honorable Paul Dozois, au sous-ministre des Affaires municipales et au sous-ministre du Travail de se rendre à Ottawa pour obtenir la liste complète des travaux qui pourraient être considérés comme remédiateurs au chômage. Les deux sous-ministres, poursuit l'article, sont partis dès hier pour Ottawa."

Ils sont allés se mettre à genoux à Ottawa, M. le Président!

M. Gabias: Ce n'est pas ce que cela dit, ce n'est pas ce que cela dit.

M. Laporte: "M. Duplessis a déclaré que son intention, en pressant l'adoption de cette loi...

M. Gabias: Ce n'est pas honnête, cela...

M. Laporte: ...provient du fait qu'il importe de permettre rapidement aux municipalités de profiter de l'offre du gouvernement d'Ottawa sur les travaux de chômage. Le gouvernement fédéral offre de payer 50% du coût de la main-d'oeuvre. "Une subvention directe!" Pressés d'aller à Ottawa, ministre, sous-ministres rendus à Ottawa, ils ont tous éliminé la procédure, seule l'approbation du ministre des Affaires municipales et de la commission, par résolution plutôt que par règlement, afin que ça se fasse plus vite...

M. Gabias: Pour s'enquérir...

M. Laporte: Ce sont ces gens, M. le

Président, qui, aujourd'hui, alors que nous proposons une loi singulièrement améliorée, alors que c'est la province de Québec qui va l'administrer, alors que c'est la Commission municipale qui va accorder les prêts, ces gens viennent faire la bouche fine et disent: "C'est un accroc effroyable, nous allons voter contre."

M. Gabias: Certainement...

M. Laporte: M. le Président, en 1958, le Parti libéral a voté pour cette loi. En 1963, le Parti libéral se présentant avec une loi considérablement améliorée, protégeant infiniment plus l'autonomie provinciale, il est dans la logique des choses que le parti vote pour et c'est ce que nous allons faire.

M. le Président, il me reste en terminant...

M. Gabias: Est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. Laporte: Je ne permets rien, je ne permets rien...

M. Gabias: Un autre qui n'aime pas le dialogue... deux ministres qui n'aiment pas le dialogue. Ce n'est pas pire.

M. Laporte: M. le Président, je tire les mêmes conclusions qu'à la fin de mon premier discours. L'entente que nous faisons écarte l'invasion directe du gouvernement fédéral.

M. Johnson: Dispense...

M. Laporte: Deuxièmement, la formule d'option est élargie, ce qui est une victoire majeure.

Troisièmement, de plus en plus, le gouvernement fédéral et les autres provinces reconnaissent que Québec n'est pas une province comme les autres.

Quatrièmement, la preuve est faite que l'on peut satisfaire les aspirations du Québec, sans priver les autres provinces de ce qu'elles désirent et il est devenu clair que le gouvernement fédéral n'agira plus unilatéralement.

M. le Président, on nous a critiqués. L'Union Nationale a prétendu que nous avions capitulé devant Ottawa. Le chef fédéral du député de Trois-Rivières a prétendu exactement le contraire: "Liberal Government has surrendered to Provinces", says Mr. Diefenbaker. Il a dit cela à la Chambre des Communes.

M. Gabias: M. le Président, tel qu'il a été établi dans cette Chambre, j'ai le droit de rectifier une déclaration fausse du ministre des Affaires municipales. Jamais l'honorable Diefenbaker n'a été mon chef politique. Jamais!

Des voix: Ah, ah, ah!

M. Lesage: Et le coq chanta trois fois;

M. Gabias: M. le Président, je comprends que le premier ministre faisait allusion à son Procureur général;

M. Laporte: C'est un point de règlement, M. le Président. Il y a des limites!

M. Gabias: Je le répète, M. le Président, j'ai le droit de rectifier la vérité, j'ai dit et je répète que jamais je n'ai adhéré à la politique...

M. Lesage: Deux fois...

M. Gabias: Et trois fois, si vous voulez. Jamais je n'ai adhéré à la politique du Parti conservateur.

M. Lafontaine: Quand c'est le premier ministre qui donne l'exemple du désordre, vous le laissez faire...

M. le Président: À l'ordre, messieurs! Je comprends que le député de Trois-Rivières voudrait nier qu'il faisait partie du Parti conservateur fédéral.

M. Gabias: Je ne veux pas, je nie. M. le Président: J'ai bien compris.

M. Gabias: J'ai le droit, M. le Président, de terminer une rectification.

M. le Président: À l'ordre, messieurs! Le député de Trois-Rivières a fait sa correction et c'est le ministre des Affaires municipales qui a la parole.

M. Gabias: Alors, qu'il retire ce qu'il a dit. J'ai droit à une rectification.

M. le Président: À l'ordre, messieurs;

M. Laporte: M. le Président, je orends note de la déclaration du député de Trois-Rivières. Premier coq: Harkness; deuxième coq: Sévigny; troisième coq: Trois-Rivières.

M. Gabias: M. le Président, je comprends que le ministre des Affaires municipales s'y comprend, lui, en renonciations, lui qui a été indépendant, lui qui a été de l'Union Nationale, lui qui a été de tous les partis, même libéral indépendant, et, aujourd'hui, il veut que je chante le coq, M. le Président. C'est lui qui a renié ses appartenances politiques et qui, aujourd'hui, trahit la province de Québec avec le bill C-

76.

M. Laporte: M. le Président, je veux faire une rectification. Je ne l'oblige pas à chanter, le député de Trois-Rivières. M. Diefenbaker a dit, et je cite le Hansard...

M. Gabias: Combien de partis avez-vous reniés?

M. Laporte: "Tous les premiers ministres provinciaux ont donné leur approbation, pourquoi ne l'auraient-ils pas fait? Ils ont eu tout ce qu'ils voulaient, c'est magnifique pour les provinces, dit M. Diefenbaker, c'est tout ce qu'elles pouvaient demander."

M. le Président, les journaux ont dit que c'était un règlement acceptable.

M. Bellemare: Pas tous.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Bellemare: Pas le Devoir. Pas le Devoir avec Jean-Marc Léger. Ne dites pas ça.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Laporte: Les journaux ont dit que c'était un règlement acceptable.

M. Bellemare: Un compromis...

M. Laporte: M. le Président, avec le sens du devoir qui doit être celui du ministre de la Couronne, je déclare que c'est un accommodement acceptable, que c'est un pas important vers une solution du problème. J'affirme que l'Union Nationale a simplement, au cours du débat, continué, dans le domaine des relations fédérales-provinciales, son attitude négative. M. le Président, le député de Bellechasse a déjà mis son siège en jeu; s'il veut recommencer, nous sommes disposés à faire une campagne dans son comté strictement sur ce point.

M. Loubier: M. le Président, j'aimerais que le ministre de la Jeunesse y soit aussi; on pourrait joindre les deux bills ensemble. Je me demande ce que ça produirait.

M. Laporte: Cela produirait une formidable défaite pour le député de Bellechasse.

Des voix: Pas sûr.

M. Laporte: Je termine...

M. Bellemare: Venez faire une élection même partielle à Matane. On vous attend. Vous viendrez la faire à Matane. On vous attend. Vous allez y goûter.

M. le Président: À l'ordre, messieurs! Je dois dire au député...

M. Bellemare: Le premier ministre viendra dans Matane aussi. On va vous montrer vos trahisons, qu'est-ce que ça fait. Vous allez y goûter. Préparez-vous...

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Laporte: C'est ma dernière phrase, M. le Président. Nous avons entendu les arguments des deux côtés de la Chambre. Personnellement, je suis heureux de présenter ce pas dans la bonne direction. Je voterai avec plaisir en faveur de la deuxième lecture du bill et, deuxièmement, nous attendons avec confiance le jugement que les citoyens du Québec porteront.

M. le Président: La motion de deuxième lecture sera-t-elle adoptée?

Des voix: Non.

M. le Président: Qu'on appelle les députés.

Que tous ceux qui sont en faveur de la motion pour l'adoption de la deuxième lecture du bill no 1 veuillent bien se lever.

M. le Greffier adjoint: MM. Bédard, Lalonde, Gérin-Lajoie, Hamel (Saint-Maurice), Courcy, Arsenault, Saint-Pierre, Cliche, Dionne, Brown, Lafrance, Bertrand (Terrebonne), Pinard, Levesque (Bonaventure), Laporte, Fortin, Parent, Binette, O'Reilly, Turpin, Lechasseur, Roy, Coiteux (Duplessis), Meunier, Harvey, Morissette, Blank, Maheux, Collard, Vaillancourt, Laroche, Roulais, Coiteux (L'Assomption), Ouimet, Hamel (Iberville), Crépeau, Fournier, Thibeault, Théberge, Dallaire, Lacroix, Kennedy, Raillarqeon, Brisson, Mailloux, Hébert, McGuire, Cadieux, Hanley, Beaupré, Godbout, Dupré, Martin.

M. le Président: Que tous ceux qui sont contre la deuxième lecture veuillent bien se lever.

M. le Greffier adjoint: MM. Johnson, Talbot, Élie, Dozois, Bertrand (Missisquoi), Bellemare, Ducharme, Johnston (Pontiac), Boudreau, Lafontaine, Gabias, Bernatchez, Guillemette, Russell, Somerville, Gosselin, Lizotte, Raymond, Charbonneau, Loubier, Majeau, Gagnon, Cloutier, Gauthier, Lavoie (Wolfe).

Pour: 53

Contre: 25

Yeas: 53

Nays: 25

M. le Président: La motion est adoptée. Affaires du jour. Deuxième lecture

adoptée.

M. le Greffier adjoint: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

M. le Président: Affaires du jour. Comité plénier. La résolution?

M. Lesage: Oui, la résolution.

M. Laporte: Mis au courant de la teneur de cette résolution, il a plu à Son Honneur le lieutenant-gouverneur d'en recommander l'adoption par cette Chambre.

M. le Président: M. Laporte propose que je quitte maintenant le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité plénier pour étudier les résolutions relatives au bill no 1 intitulé "Loi pour faciliter le financement de certains travaux municipaux". Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. Johnson: Contre. Non. Même vote. M. le Président: Même vote. Adopté. Comité plénier

M. Bédard (président du comité plénier): Bill no 1, résolution no 1.

M. Johnson: M. le Président, la résolution no 1 se lit comme suit, je crois qu'il est important de la lire pour comprendre le sens de la motion que je voudrais faire: "Que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra autoriser le ministre des Affaires municipales à conclure avec l'Office du développement municipal et des prêts aux municipalités une entente relative aux prêts a consentir au gouvernement de la province ou à la Commission municipale de Québec pour le financement d'entreprises municipales dans cette province suivant la loi votée par le Parlement du Canada qui peut être citée sous le titre de Loi sur le développement et les prêts municipaux."

Vous avez remarqué, M. le Président, que pour la première fois peut-être dans nos statuts depuis 15 ou 20 ans, il y a une référence directe à une loi fédérale et à une entente qui devra intervenir basée sur cette loi.

Or, nous n'avons pas devant nous, M. le Président, officiellement la loi fédérale ni l'entente évidemment. Nous n'avons pas la loi fédérale ni officiellement ni officieusement pour la plupart d'entre nous. Nous ne pouvons pas l'avoir officiellement d'abord parce qu'elle n'est pas en vigueur; elle n'est pas actuellement en vigueur. Donc, personne n'est tenu de la connaître. Officieusement, plusieurs d'entre nous se sont donné la peine de se procurer une copie de cette loi, mais si je demandais quels sont les députés libéraux qui ont une copie de cette loi en leur possession, M. le Président, je pense qu'il y en a très peu.

Une voix: Tous.

M. Johnson: M. le Président, je suis très heureux de savoir ça. Donc, ma motion sera acceptée facilement. Ma motion, c'est qu'on en distribue à tout le monde, M. le Président. Plusieurs d'entre nous se sont donné la peine de s'en procurer, mais d'autres étaient en vacances, d'autres étaient très éloignés ou n'ont pas eu le temps de communiquer avec Ottawa, même si Ottawa fait diligence pour expédier les copies du bill.

Je demanderais donc, M. le Président, pour que nous puissions étudier intelligemment la résolution no 1, qu'une copie du bill C-76 soit mise à la disposition de tous les membres de cette Chambre qui n'en ont pas.

M. Laporte: M. le Président, le texte de la loi fédérale est connu. J'ai personnellement pris des dispositions pour en obtenir un exemplaire. Tous les députés de cette Chambre étaient parfaitement libres de faire la même chose, premièrement.

Deuxièmement, le texte de ce projet de loi n'a pas été discuté article par article dans cette Chambre, mais on s'y est référé constamment au cours du débat, particulièrement le député de Saint-Jacques. Il a fait allusion in extenso surtout à la clause qui comporte la permission ou le droit pour les provinces d'administrer elles-mêmes le plan, le projet fédéral-provincial. Alors, je pense qu'il y aurait lieu pour tous les députés de se procurer le texte de la loi et, dans les circonstances, je ne vois pas de raison pour que nous ajournions l'étude de cette résolution, mais personnellement j'en recommande l'adoption immédiate.

M. Johnson: M. le Président, le ministre a peut-être à sa disposition des copies additionnelles qui pourraient être distribuées. Le député de Jonquière-Kénogami dit que tout le monde en a une copie du côté libéral. M. le Président, nous ne sommes pas membre- '- la fédération libérale, nous, et nous n'avons pas ce même service que semblent avoir les députés libéraux.

M. Laporte: ... pas le temps. Je ne sache pas que le chef de l'Opposition ne soit pas un citoyen canadien capable de s'en procurer comme tout le monde.

M. Johnson: M. le Président, je ne croirai jamais que chacun des députés libéraux de l'autre côté de la Chambre a écrit individuellement à Ottawa pour avoir

une copie de la loi.

M. Laporte: Je ne demande pas au chef de l'Opposition de croire ça. Je ne crois pas que c'est nécessaire non plus.

M. Johnson: M. le Président, il reste quand même que pour la première fois, nous lisons dans cette résolution uns référence directe à une loi et la résolution qu'on nous demande de voter est parfaitement ou totalement incompréhensible en elle-même tant pour les députés que pour les conseils municipaux de cette province si on n'a pas à sa disposition une copie du texte de la loi fédérale. Vous aurez remarqué que contrairement à cet arrangement Fleming-Barrette, concernant les universités, la présente loi contient une référence, une subordination directe à un texte fédéral, un texte qui n'est pas du tout de la compétence provinciale, qui n'est pas du tout de la compétence de cette Chambre d'analyser, d'amender ou de modifier de quelque façon que ce soit.

Dans l'arrangement Fleming-Barrette, dans les statuts de la province qui donnent effet à cet arrangement, il n'y a aucune référence à aucun statut fédéral. Il y a une rédaction qui respecte la dignité et l'autorité de cette Chambre. Et je soutiens que cette référence à une loi fédérale dans une résolution de l'Asemblée législative constitue un précédent qui marque d'une façon non équivoque, d'une façon qui sera consignée à jamais dans les statuts de la province, la dépendance de la province envers Ottawa. Et quand on voudra savoir si oui ou non nous avions raison de voter en deuxième lecture contre le principe de cette loi, on n'aura qu'à se référer à la résolution no 1.

M. le Président, cette résolution réfère au bill C-76 dont une copie n'est pas disponible pour chacun des député, je le note de nouveau, mais dont j'essaierai évidemment d'analyser la portée. Vous aurez noté, et avec reqret, j'en suis certain, dans le fond, que non seulement les droits des municipalités, créatures provinciales, pupilles du gouvernement provincial et ce en vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, tout le monde admet ça, les municipalités verront leurs droits limités par une loi fédérale.

Et sans référer trop directement à la résolution no 2, je voudrais vous faire remarquer, pour la bonne compréhension de ma démonstration, qu'en plus d'établir la servitude des municipalités quand il s'agit de travaux municipaux envers Ottawa, la présente loi établit même la servitude de la province ou de son organisme qui s'appelle la commission municipale envers non pas le gouvernement fédéral, mais envers un office du gouvernement fédéral qui va dicter à la commission municipale et au ministre des

Affaires municipales de Québec jusqu'au taux, jusqu'à l'échelle de remboursement. Elle va dicter à la province, cette loi fédérale, quels sont exactement les travaux qui peuvent être octroyés, c'est-à-dire qui peuvent recevoir un prêt du gouvernement provincial.

Vous avez compris, M. le Président, le mécanisme de la loi. Une municipalité qui voudra se prévaloir des soi-disant privilèges accordés par le bill C-76 devra d'abord s'adresser à la Commission municipale de Québec ou au ministre des Affaires municipales de Québec. Le ministre des Affaires municipales de Québec va dire: Écoutez, il faut examiner votre projet non pas en vue de la planification faite pour la province de Québec, mais en vue des conditions posées dans la loi d'Ottawa. Il va falloir se demander si l'entreprise municipale, au sujet de laquelle on veut faire un emprunt, la municipalité de Granby ou celle de Waterloo, disons, veut faire un emprunt. Cette entreprise municipale devra être une entreprise municipale au sens où l'entend la présente loi, c'est-à-dire la loi fédérale.

Il faudra que cette entreprise municipale tombe dans la catégorie énumérée au paragraphe 3 de l'article 7, c'est-à-dire qu'il faudra que ce soit: a) une usine d'épuration des eaux et des conduites d'eau principales appartenant à des municipalités; b) des égouts collecteurs d'eau pluviale appartenant à des municipalités; c) une rue ou une voie de communication de municipalité; d) un bâtiment municipal ou encore un réseau de transport ou de transit public appartenant à la municipalité, sauf le matériel roulant et l'outillage semblable d'exploitation. Ou encore, ça pourra être toute autre construction, reconstruction, agrandissement ou amélioration, les autres ouvrages d'équipements municipaux que le gouvernement de la province où est située la municipalité, dans le cas où l'entente prévue au paragraphe 2 a été conclue par l'office et le gouvernement de cette province, ou que l'office, dans tout autre cas, a déclaré être des ouvrages d'équipement dont la construction, la reconstruction, l'agrandissement ou l'amélioration provoquera un plus fort volume d'emploi au Canada.

M. Laporte: Alors, qui décide?

M. Johnson: Mais il faudra décider en conformité de la loi.

M. Laporte: Ce n'est pas ça que vous venez de dire.

M. Johnson: M. le Président, il faudra décider que ce travail, que cette construction donne un plus fort volume d'emploi au Canada, mais pour comprendre exacatement la portée de cet article, il faut

se référer à un autre article qui s'appliquera même dans la province de Québec. C'est l'article 7, premier paragraphe. Il faudra que le gouvernement de la province de Québec établisse que sans cette assistance l'entreprise municipale dans son ensemble -voyez comme c'est clair - ou une de ses parties n'aurait pas été comprise dans le programme des travaux d'équipement que la municipalité compte mettre en chantier pendant cette période et que le fait de l'y inclure n'aura pas pour résultat de remplacer ou de retarder, pendant ladite période, la réalisation d'autres travaux d'équipement de la municipalité ou, b), que l'entreprise municipale dans son ensemble ou une de ses parties avait été comprise parmi les travaux d'équipement que la municipalité devait mettre en chantier au cours de cette période du fait de l'élimination ou de la remise à une date ultérieure d'autres travaux durables de la municipalité prévus pendant cette même période, lesquels autres travaux seront par la suite de l'aide disponible en application de la présente loi à l'égard de l'entreprise municipale globale ou partielle comprise parmi les travaux d'équipement dont la mise en chantier est projetée avant l'expiration de la période en question.

Que c'est donc clair! Que c'est donc une grande limite! Que c'est donc une énorme juridiction qu'on laisse à la province! On dit à la province: Vous serez obligée de donner un certificat établissant que sans cette aide d'Ottawa on n'aurait pas fait ce travail additionnel. Si ça veut dire quelque chose, tout ce charabia-là, c'est exactement ce que ça veut dire, que ce travail est un travail qui n'aurait pas été entrepris...

M. Laporte: Cela existe dans la loi des travaux d'hiver.

M. Johnson: M. le Président, il n'y a pas de loi des travaux d'hiver.

M. Laporte: Non, mais dans la réglementation fédérale, il est établi qu'on doit donner la preuve que ce travail-là n'aurait pas été fait sans cela et c'est lettre morte.

M. Johnson: C'est lettre morte.

Le ministre veut-il nous dire qu'on est en train de passer une loi dont on ne tiendra pas compte?

M. Laporte: Je ne suis pas en train de dire ça.

M. Johnson: Dont Ottawa ne tiendra pas compte?

M. Laporte: Je dis que tout le raisonnement du chef de l'Opposition tombe à plat parce que c'est loin d'être strict comme il le dit.

M. Johnson: Peut-être que le ministre pourrait nous expliquer, par exemple - je ne voudrais pas recommencer, me répéter -quand il se lèvera debout, si le métro de Montréal, pour la partie qui était déjà projetée, déjà annoncée, pourra quand même être compris, tomber sous la portée de la présente loi.

M. Laporte: M. le Président, très brièvement, parce que je ne voudrais pas reprendre le long débat, les deux longues interventions que j'ai faites. D'abord, il s'agit d'une entente. L'Assemblée législative vient de voter l'adoption d'une entente avec le gouvernement fédéral. Or, il est bien clair que dans une entente, les deux parties obtiennent quelque chose ou posent des conditions. Il est clair que dans la loi, dans la loi fédérale, il existe des conditions, cela fait partie d'une entente; autrement, ce serait équivaloir à refuser toute entente.

Les deux cas que vient de mentionner le chef de l'Opposition ont précisément fait l'objet de deux amendements que la province de Québec a obtenus. Article 7, paragraphe 3, qu'a cité le chef de l'Opposition et qui comportait les usines, les égouts, les rues, les bâtiments municipaux, les réseaux de transport, nous avons obtenu que cette autorisation s'étende à peu près à tous les travaux municipaux d'équipement.

Et c'est ainsi que nous avons obtenu que le gouvernement de la province où est située la municipalité déclare que des ouvrages d'équipement de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration provoqueront un plus fort volume d'emploi au Canada. Ce n'est pas le gouvernement fédéral qui va déterminer ça, c'est strictement la province de Québec; nous n'aurons qu'à donner, après étude - il est clair que nous devrons étudier chacun des cas - un certificat à l'effet qu'il s'agit d'un travail d'équipement qui provoquera un plus fort volume d'emploi au Canada. À ce moment-là, tous les travaux municipaux d'équipement sans exception seront inclus.

Deuxièmement, le chef de l'Opposition a cité le paragraphe 1, l'article 1, paragraphes a) et b). Quant aux conditions de l'assistance, nous avons précisément obtenu qu'on ajoute le paragraphe deuxième afin de pouvoir inclure des travaux qui étaient déjà projetés et, précisément, le premier ministre de la province de Québec a cité le cas du métro de Montréal qui, actuellement, est projeté. Il a dit aux autorités fédérales: Voici un cas précis, les plans sont déposés, nous jugeons qu'il y aurait lieu d'étudier ce cas et d'avoir l'autorité pour accorder le prêt si nous jugeons que la chose est nécessaire. Et c'est pour couvrir ce cas et d'autres qui sont analogues que le

gouvernement fédéral a accepté d'apporter l'amendement.

Je déclare donc que la très grande majorité ou la presque totalité des travaux d'équipement seront inclus dans les prêts qui pourront être consentis par la commission municipale et, deuxièmement, que même les travaux déjà prévus, et plus particulièrement le métro de Montréal, pourront être éligibles pour un prêt en vertu des prêts provinciaux aux municipalités.

M. Johnson: M. le Président, puisque nous sommes sur le sujet, par exemple, des plages, des parcs, est-ce que dans l'opinion du ministre la province pourra qualifier ces travaux pour l'aide fédérale?

M. Laporte: Bien, voici. Comme la province se réserve le droit de passer tous les règlements qu'elle juge nécessaires ou désirables, il faudrait évidemment voir quels seront les règlements adoptés.

Deuxièmement, il faudrait que je consulte mes officiers sur la portée de la loi quant à Ça. Je ne suis pas en mesure...

M. Talbot: M. le Président, il est 11 heures.

M. Johnson: M. le Président, évidemment, lors du débat à Ottawa, lorsque...

Une voix: Il est 11 heures.

M. Johnson: À l'heure d'Ottawa, il est 11 heures, mais à Québec, il est 11 heures moins deux minutes.

M. Talbot: Oui, mais avant qu'il ait fait rapport...

M. Johnson: M. le Président, lors de la présentation de la loi à Ottawa, le ministre Gordon n'y était pas. C'est M. Sharp, l'honorable Sharp, qui a défendu la loi. Et à une réponse du député de Jacques-Cartier, M. Rock, a dit qu'il espérait qu'on ne ferait pas trop de plages ni de parcs avec ça parce que ce n'étaient pas des travaux de nature à accorder, à donner, à augmenter le volume de l'emploi au Canada. Je voudrais tout de suite attirer l'attention du gouvernement là-dessus; si c'est l'esprit qui préside à l'application de la loi à Ottawa, je pense bien qu'on va s'arranger, la province s'arrangera pour, tout en gardant son autonomie, respecter aussi l'esprit de la loi. Elle n'a pas l'intention, au départ, de la violer, elle n'a pas l'intention, au départ, de créer des problèmes ou de faire des exceptions sans justification spéciale.

M. le Président, j'aurais bien des commentaires à faire sur cette résolution no 1, mais il semble qu'on ne pourra pas la finir à ce moment-ci, à moins du consentement unanime de la Chambre et je crois comprendre que quelques membres de cette honorable Chambre préféreraient plutôt retourner au foyer, puisqu'il est 11 heures, quitte à siéger plus rapidement et à prendre moins de temps pour...

M. Lesage: M. le Président, plus à bonne heure dans la soirée, le chef de l'Opposition m'avait laissé entendre qu'il serait possible de terminer l'étude du bill non seulement en comité, mais en troisième lecture; il m'avait même parlé de la possibilité d'adopter le bill no 2 et j'ai fait venir le ministre de la Jeunesse.

Il est 11 heures. Quant à nous, de ce côté-ci, nous sommes certainement prêts à au moins terminer l'étude en comité et s'il y a des objections qui viennent de quelque part, elles viennent du côté de l'Opposition et non pas du côté ministériel, j'en suis sûr.

M. Johnson: M. le Président, il est exact qu'au début de la séance ce soir, j'ai pensé que nous pourrions procéder avec un peu plus de célérité. Je regrette qu'à cause de multiples interventions, d'interruptions surtout inutiles dans les discours, on n'ait pas pu procéder aussi vite que nous aurions dû procéder, mais à moins du consentement unanime, on comprendra... J'avais dit au premier ministre dans le temps que tout ça était sujet à l'approbation de mes collègues et que je ne pouvais pas m'engager pour eux.

M. Lesage: C'est pour ça qu'on s'est levé à date évidemment, pour protester. Alors, continuons.

M. Lafontaine: Je proteste, M. le Président, et je pense qu'on doit terminer l'Assemblée à onze heures. D'après les règlements de la Chambre, nous étions supposés commencer à trois heures et nous avons commencé à deux heures et demie. Présentement, nous sommes rendus à onze heures...

M. Lesage: Voulez-vous qu'on prolonge l'Assemblée jusqu'à la semaine prochaine?

M. Lafontaine: Je ne suis pas le seul, M. le Président, dans cette Chambre.

M. le Président: En vertu des règlements, il est clair que la séance doit se terminer à onze heures. Il a été fait part tout à l'heure d'une entente qui serait intervenue entre les deux chefs de parti. Alors, mon devoir est de demander s'il y a consentement unanime de la Chambre pour que le débat se prolonge afin d'étudier les résolutions.

M. Talbot: Non.

Une voix: Lequel est le chef?

M. Lesage: Vous avez besoin des $100, vous, riches comme vous êtes?

Des voix: Ah, ah...

Une voix: Retirez ça.

M. Johnson: Voulez-vous, M. le Président, demander au premier ministre...

M. Lesage: Je le retire.

M. Johnson: ...de cesser d'utiliser cette arme qui voudrait être efficace, qui est une arme d'insultes qui est indigne d'un premier ministre qui a le sens de la démocratie?

Une voix: À trois heures de l'après-midi.

M. Lesage: Ah, vous voulez les $100? Vous n'êtes pas assez riche?

M. Bellemare: Pauvre premier ministre! Comme il fait pitié!

M. le Président: Prochaine séance. La Chambre est ajournée à demain...

M. Lesage: À dix heures trente.

M. le Président: Dix heures trente. Demain matin, à dix heures trente. La Chambre est ajournée à dix heures et demie, demain matin.

M. Johnson: Dix heures trente.

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