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Version finale

28e législature, 4e session
(25 février 1969 au 23 décembre 1969)

Le mercredi 3 décembre 1969 - Vol. 8 N° 96

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures cinq minutes)

M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de comités élus. Présentation de motions non annoncées. Présentation de bills privés. Présentation de bills publics.

M. BERTRAND: A.

Bill 74 Loi modifiant de nouveau

le code de procédure civile

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la première lecture de la Loi modifiant de nouveau le code de procédure civile.

L'honorable ministre de la Justice.

M. PAUL: M. le Président, sans doute les honorables députés me dispenseront-ils de lire toutes les notes explicatives qui apparaissent au projet de loi et dans lesquelles on retrouvera la justification de chacun des amendements que l'on apporte au code de procédure civile.

Disons que les principes majeurs contenus dans ce bill sont: premièrement, aux fins de porter la juridiction de la cour Provinciale de $1,000 à $3,000; deuxièmement, aux fins de donner aux protonotaires de la cour Supérieure le pouvoir de rendre jugement sur les motions pour examen médical et autres procédures similaires, ce qui hâtera sûrement l'expédition de la justice; troisièmement, il y aura une présomption juris de jure à l'effet que dans le cas d'un employé qui est remercié de ses services par son patron à l'occasion d'une saisie-arrêt, l'employeur devra démontrer que le congédiement n'est pas lié à la saisie-arrêt qui lui a été signifiée.

Il y a ensuite d'autres articles de concordance. Je crois, M. le Président, que je viens de donner les grands principes de ce projet de loi qui s'impose. Il y aura également des articles de concordance avec le bill 10: les articles 814, 815 et 817 que nous soustrairons du projet de loi no 10 parce qu'ils figurent comme étant inscrits au projet de loi no 74.

M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine séance ou à une séance subséquente.

M. BERTRAND: C.

Bill 83

Loi concernant le registre central des régimes matrimoniaux

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la première lecture de la Loi concernant le registre central des régimes matrimoniaux.

M. PAUL: Ce projet propose l'établissement d'un registre central des régimes matrimoniaux au ministère de la Justice pour donner suite aux dispositions du bill no 10, Loi concernant les régimes matrimoniaux. Ce registre contiendra tous les avis de contrats de mariage conclus après le 1er juillet 1970 et le changement apporté au régime matrimonial des conjoints après cette date soit par jugement, soit conventionnellement. Ce registre sera tenu selon les noms de chacun des époux et les avis qui y seront enregistrés devront être transmis en deux copies en plus de l'original.

Le fonctionnaire chargé d'effectuer l'enregistrement indiquera le numéro et la date d'enregistrement sur les copies et sur l'original et retournera ce dernier document à la personne de qui il l'aura reçu. Le public aura le droit d'obtenir des copies des documents enregistrés au registre central des régimes matrimoniaux en versant les honoraires fixés par le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. LE PRESIDENT: La motion en première lecture sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. SEGUIN: A titre de renseignement, même si l'ordre du jour n'indique pas que ces deux bills ne sont pas les mêmes, est-ce qu'on doit comprendre qu'ils seront étudiés...

M. PAUL: Ils vont être incessamment distribués.

M. SEGUIN: Merci.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine séance ou à une séance subséquente.

M. BERTRAND: Affaires du jour.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. Le député de Drummond.

Questions et réponses

Foyer Notre-Dame-du-Lac

M. PINARD: A la suite des questions et des remarques qui ont été faites hier par le chef de l'Opposition relativement au sinistre qui a causé la mort d'une cinquantaine de personnes au foyer de Notre-Dame-du-Lac, me serait-il permis, M. le Président, de poser des questions au ministre responsable, le ministre de la Santé et de la Famille et du Bien-Etre social, pour savoir de lui si l'enquête sommaire qui a été faite ne révélerait pas que, effectivement, il y avait un conflit de travail assez grave dans cette institution qui aurait occasionné le départ d'une dizaine d'employés, et, ce qui aurait été plus grave, le départ des gardiens qui avaient la charge de l'institution durant la nuit, pour donner l'assurance que toutes les mesures de sécurité étalent suivies, pour la plus grande protection des pensionnaires de l'établissement?

Nous savons, de source beaucoup plus sûre maintenant, que ce conflit de travail était bel et bien une réalité...

M. BERTRAND: Posez votre question... M. PINARD: Enfin...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Drummond a posé sa question. Il aurait pu la faire précéder d'une brève entrée en matière pour permettre la compréhension de la question. Mais il semble bien que l'honorable ministre a compris le sens de la question.

M. PINARD: Vous avez raison, J'ai peut-être fait des remarques préliminaires un peu trop longues. Ma question, c'est à l'effet de savoir du ministre s'il sait maintenant qu'il y avait des gardiens de nuit en exercice au moment de l'incendie et si d'autres mesures de sécurité avaient été mises en place pour la protection des pensionnaires de l'établissement et si c'est vrai qu'il y avait véritablement un conflit de travail qui avait occasionné le congédiement de dix employés à cette institution.

M. CLOUTIER: Je veux dire, d'abord, que je suis disposé à répondre à toutes les questions que l'on voudra me poser en rapport avec cette tragédie de Notre-Dame-du-Lac. Je voudrais le faire aussi objectivement que possible, parce qu'on comprendra facilement que le sujet ne se prête ni à la démagogie, ni à la politique partisane. Il est déjà assez triste que cet événement se soit produit.

Je suis constamment en contact avec mes officiers qui ont été délégués là-bas. Il y en a qui reviendront cet après- midi. J'aurai un rapport détaillé sur ce que l'on a constaté et sur les événements qui se sont produits là-bas, depuis hier. Mais, jusqu'à maintenant, je puis dire à cette Chambre que rien ne me permet de déduire ou de conclure que ce serait un conflit de travail qui aurait été la cause d'une telle tragédie.

J'aurai des renseignements plus complets. J'en ferai part à la Chambre dès que mes officiers seront revenus de là-bas et m'auront fait un rapport détaillé sur tout ce qu'ils ont constaté et appris.

Toujours sur le même sujet, je voudrais ajouter autre chose. Je voudrais le faire aussi objectivement et de façon aussi sereine que possible. On m'a rapporté la déclaration assez violente du député de Laurier. Je n'ai pas entendu cette déclaration. Je voudrais dire qu'en ce qui concerne la question que m'a posée le député de Laurier hier à l'effet qu'il avait fait une recommandation, en mal 1966, recommandant de fermer cette institution, j'ai fait très objectivement des recherches au ministère et j'ai fouillé le dossier moi-même. C'est un dossier très volumineux. Je l'ai examiné pièce par pièce et j'ai demandé à mes officiers de l'examiner. Il n'y a rien au dossier d'écrit qui indique que le député de Laurier aurait demandé ou exigé la fermeture de cet établissement. J'ai également communiqué...

M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre...

M. CLOUTER: Je vais ajouter autre chose. Je veux être très objectif pour le député de Laurier. Je vais dire très calmement ce que je sais, et j'ajouterai mes propres commentaires. J'ai communiqué également avec le sous-ministre en titre au ministère, avec les principaux officiers et également avec le directeur général du service des personnes âgées qui était en fonction à ce moment-là, M. Neveu, qui est aujourd'hui à la commission Castonguay de même qu'avec d'autres officiers.

A leur connaissance, le ministre ou le cabinet du ministre n'a pas demandé la fermeture de cet établissement. Mais, connaissant le député de Laurier comme Je le connais, je lui dis de mon siège que je suis prêt à prendre sa pa-

role à l'effet qu'il aurait, à la suite de cette enquête, demandé la fermeture de cette institution. Probablement que je l'aurais fait moi-même, si j'avais visité cette institution. Je ne le sais pas, car je ne l'ai pas visitée. Je ne sais pas quelle a été sa réaction, à ce moment-là, en 1966. Je suis prêt à accepter sa parole et à dire qu'il avait l'intention ou qu'effectivement il a demandé à son chef de cabinet d'exiger la fermeture de cet établissement.

Mais peut-être que les communications entre son cabinet et nos officiers ne se sont pas établies à ce moment-là. A tout événement, je ne retrouve, dans le dossier, aucun écrit qui justifierait cette déclaration du député de Laurier. Mais, voulant être très objectif, M. le Président, je dis au député de Laurier que je suis prêt à prendre sa parole et à accepter qu'il ait demandé cette intervention.

D'autre part, cela ne règle pas le problème. Même si cela s'est produit comme ça en 1966, il reste qu'il y avait un permis d'exploitation pour 68 personnes âgées dans cette institution. Elle était remplie, à ce moment-là. J'ai dit, hier, qu'à différentes reprises, depuis quelques années, le permis avait été augmenté; on était parti d'un permis initial de 20 personnes pour monter à 68 personnes, à la suite d'agrandissements, etc.

Alors, M. le Président, même si le député de Laurier avait demandé la fermeture de cet établissement, évidemment, il aurait fallu reloger ailleurs ces personnes âgées. C'est pour ça que nous avons entrepris ce programme de construction. Dans le comté du député de Té-miscouata, il y a actuellement deux foyers que nous espérions pouvoir terminer plus tôt pour y déménager des personnes du foyer qui a été incendié et reconstruire, à Notre-Dame-du-Lac, une institution nouvelle.

Mais, il y a un problème de logement. Actuellement, si nous devions fermer toutes les institutions qui ne respectent pas les normes maximales de sécurité... Il y a des degrés dans les normes de sécurité; il y a des normes qui sont aussi acceptables, mais qui ne sont pas, évidemment, des normes idéales. On comprendra qu'un édifice qui a été construit il y a plus de 50 ou 75 ans, même s'il est bien aménagé, même si le ministère du Travail a exigé des conditions spéciales d'aménagement, évidemment, des bâtisses en bois ne respectent pas des normes maximales de sécurité. S'il fallait appliquer partout ces normes maximales de sécurité, je pense bien qu'il y aurait beaucoup d'édifices dans la province qui devraient fermer. Il n'y aurait pas que ceux qui relèvent des ministères que je dirige, mais il y aurait des églises, des écoles, des centres de loisirs, des salles paroissiales qui seraient fermés automatiquement.

Peut-être que cette maison où nous sommes actuellement, M. le Président, ne rencontre pas non plus toutes les normes maximales de sécurité. Mais de toute façon, j'ai ici des documents qui sont dans le dossier selon lesquels des inspections ont été faites par le ministère du Travail. Je les ai pour 1966, 1967, 1968, et la dernière est en date du 10 octobre 1969, cela vient du ministère du Travail service d'inspection. On y dit; « Nous vous informons par la présente que le tout a été trouvé conforme aux exigences de la loi concernant la sécurité dans les édifices publics ». C'est à partir de là que le ministère de la Famille donne un permis d'exploitation qui était accordé depuis douze ans.

Mais, cela, c'est pour le passé, je comprends que cela ne donnera pas la vie à ceux qui ont péri aussi tragiquement. Pour l'avenir, évidemment, il y a urgence. J'ai dit aux membres de cette Chambre hier qu'il y avait urgence à accélérer encore, si possible, le programme de construction de foyers pour personnes âgées, programme qui est réalisé par le ministère de la Famille et la Société d'habitation avec le concours des prêts de la Société d'habitation.

Nous avons actuellement une centaine de foyers en chantier ou qui le seront dans le courant de l'hiver. Nous espérons, l'an prochain, en construire encore autant, 75 à 100 foyers. Nous espérons, d'ici deux ans, avoir réalisé un programme qui nous permettra d'éliminer, dans le domaine des personnes âgées, ces institutions qui ne rencontrent peut-être pas des normes suffisantes de sécurité. En attendant, nous sommes prêts à apporter des exigences accrues. J'ai demandé à mes sous-ministres, que je rencontrerai tout à l'heure, pendant la séance de la Chambre, de constituer une équipe spéciale dirigée par le responsable des services d'urgence au ministère de la Santé et au ministère de la Famille et du Bien-Etre social. Nous allons envoyer cette équipe en province pour visiter, pour commencer, les institutions où on a raison de croire qu'il y a peut-être, là encore, des dangers que de semblables tragédies se répètent.

A partir de ces travaux d'inspection, nous reviserons l'ordre de priorité des foyers et des institutions de l'enfance, parce que là aussi de ce côté, vous savez que nous avons des investissements, des projets qui sont en construction, il y en a actuellement une dizaine ou une douzaine qui sont en construction durant cet hiver. Nous espérons, avec toutes ces mesures, que de semblables tragédies ne se répéteront pas.

De toute façon, M. le Président, j'espère

que, même si le sujet par lui-même ne se prête pas à des déclarations fracassantes, il ne faudrait pas être pris de panique, de façon à ne pas apeurer non plus toutes nos personnes âgées, qui sont actuellement dans des institutions. Les conséquences du seul fait de les apeurer, de les traumatiser, peut n'être pas aussi grave que le décès, mais, dans certains cas, cela peut aller chercher assez loin.

Nous prenons donc toutes les précautions et toutes les mesures nécessaires dans les circonstances pour remplacer ces institutions désuètes et pour améliorer la condition de celles qu'on ne peut pas remplacer immédiatement.

M. PINARD: Je remercie le ministre pour les remarques qu'il vient de faire. Je crois qu'elles éclairent beaucoup mieux les députés de cette Chambre qui ont quand même le devoir de veiller à l'intérêt public. Dans cet ordre d'idée, puisque le ministre a fait une revue assez globale et générale de tout ce système de foyers d'hébergement pour personnes âgées, Je pense que nous sommes en droit de lui poser des questions plus précises et d'attendre des réponses plus précises que celles qu'il nous a données.

Par exemple, je lui ai posé la question tantôt à savoir s'il y avait un gardien attitré au foyer Notre-Dame qui a été dévasté par l'incendie. Il me semble que c'est une réponse qui est assez facile à donner. Il y en avait un ou il n'y en avait pas. Il était en fonction ou il n'était pas en fonction. S'il n'était pas en fonction, qu'on essaie de savoir pourquoi. Est-ce qu'il y avait eu une inspection de l'établissement?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

J'ai cru que sur cette question et sur celle qui a précédé, l'honorable ministre a déclaré qu'il attendait un rapport de certains fonctionnaires qui avaient été dépêchés sur les lieux. Je crois qu'il y aurait lieu de ne pas engager un débat sur cette question si on attend vraiment les réponses.

M. PINARD: M. le Président, pour enchaf-ner avec les remarques que je viens de faire, je voudrais que le ministre nous dise combien il y a d'établissements dans la province de Québec qui servent à l'hébergement des personnes âgées et qui pourraient être inscrits dans la série des institutions qui ne répondent pas aux normes maximales de sécurité et qui devront faire l'objet, comme il l'a souligné tantôt, d'une enquête rapide de la part d'un service d'inspection spécial qu'il dépêchera sur les lieux partout où il y a des foyers de cette sorte dans la province. Je pense qu'il est important que nous le sachions. Et cela ne couvre pas seulement les institutions pour l'hébergement des personnes âgées. C'est également le cas des institutions qui ont pour vocation d'héberger les malades chroniques, les orphelins, les infirmes, les handicapés. Je pense que c'est tout un problème d'ensemble sur lequel le ministre devra veiller de façon très attentive et pour lequel il devra créer ce service spécial d'inspection qui ira rapidement faire une enquête à travers toute la province, de façon à s'assurer que toutes les mesures de sécurité ont été prises...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! C'est mon devoir de rappeler aux honorables membres de la Chambre que nous sommes encore à la période des questions.

M. LEVESQUE (Laurier): Sans vouloir en faire une question de privilège, je voudrais juste reprendre les propos du ministre de la Famille et du Bien-Etre social à mon endroit pour préciser de nouveau — je le remercie beaucoup d'avoir pris ma parole — que c'était pendant une campagne électorale où on ne passe pas très souvent au ministère. Je me souviens non seulement d'avoir fait la recommandation très précise et qui a dû être au dossier, mais d'en avoir reparlé avec insistance au moins deux fois avant le scrutin du mois de juin 1966, lors de passages du ministère. Il doit y avoir des traces. Sinon, je m'engage vis-à-vis du ministre à les retrouver, peut-être dans mes propres copies de dossiers ou dans celles de mon ancien secrétaire. Il ne s'agit pas d'en faire un cas partisan. Il s'agit de voir simplement si le ministre a été bien mis au courant de certaines des urgences qui se présentaient parce que l'impression que j'avais moi, après quelques mois, seulement — c'était la première visite des institutions du ministère — était que ce secteur des institutions privées basées en bonne partie sur le profit ou sur un notion de profit...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

L'honorable député de Laurier conviendra que ce n'est pas le moment d'un débat sur cette question et qu'il aura sûrement d'autres occasions de soulever ces problèmes.

M. LEVESQUE (Laurier): Sans faire de débat, M. le Président, je pensais que c'était le moment de faire aussi quelques commentaires.

M. LE PRESIDENT: Non. Malheureusement, c'est la période des questions. L'usage et la tradition ont voulu qu'il soit permis de profiter de cette période pour faire des déclarations minis-

térielles. On connaît le règlement sesslonnel qui a été confirmé et consacré par les membres de cette Chambre à l'effet qu'un membre de l'Opposition peut user d'un court droit de parole et le chef de l'Opposition ou son porte-parole d'un droit très bref de parole pour commenter la déclaration ministérielle. L'honorable député de Gouin.

Commission des télécommunications

M. MICHAUD: M. le Président, j'ai fait prévenir le premier ministre par ministre interposé de la question que je m'apprête à lui adresser immédiatement. L'agence Reuter annonçait hier que le ministre fédéral des postes et télécommunications a été élu président, sous l'égide de l'UNESCO, d'une commission visant à promouvoir l'usage des télécommunications par satellite spécial aux fins d'une rapide extension de l'enseignement et de là culture.

Ma question est la suivante: Le premier ministre peut-il nous dire si les compétences constitutionnelles du Québec sont sauvegardées?

(Le président est debout.)

M. BERTRAND: M. le Président, d'abord, je dois déclarer ceci: Il y a deux Québécois qui font partie de la délégation canadienne: M. Jean-Marie Beauchemin, qui a été délégué par la conférence interprovinciale des ministres de l'Education, et M. Yvon Côté, sous-ml-nlstre adjoint aux communications et conseiller spécial auprès de l'exécutif.

Le fédéral avait communiqué avec la conférence des ministres de l'Education, par son secrétariat, et c'est ainsi que M. Beauchemin a été choisi. Quant à M. Côté, c'est le ministère des Affaires intergouvernementales qui a demandé qu'il soit ajouté à la délégation canadienne. Cela a été accepté. Tout cela démontre l'intérêt majeur que le Québec porte aux communications et aux télécommunications. Le Québec a l'intention de continuer à suivre les développements internationaux dans ce domaine comme dans les autres.

La présidence de M. Kierans ne donne aucun droit nouveau au gouvernement fédéral, sur l'éducation ou sur la culture. J'ajouterai qu'un projet de loi a été annoncé qui nous permettra, au Parlement ici, de créer un ministère des Communications, qui existe déjà, mais dont nous ferons une unité à part, puisqu'il est déjà relié au ministère des Transports. Nous délimiterons, à ce moment-là, sa compétence et ses fonctions, dans le cadre de la compétence juridictionnelle du Québec.

Mises à pied éventuelles à Saint-Jérôme

M. BERTRAND: M. le Président, je voudrais fournir quelques informations supplémentaires concernant la lettre que le chef de l'Opposition aurait reçue du président d'un syndicat régional de la fonction publique de la division de voirie 7-1 de Saint-Jérôme, Lac-Saint-Jean. La question que m'a posée hier le chef de l'Opposition était: « Ces congédiements ou le fait de non-emploi seraient-ils dûs à une décision du ministère de la Voirie d'accorder le contrat de déneigement et de sablage à un entrepreneur, au lieu de faire effectuer cet ouvrage par les employés du ministère? » Le ministère de la Voirie m'informe que, dans le but d'offrir une meilleure sécurité au public dans les cantons de Taché, Labrecque et Rouleau, Lac-Saint-Jean, pendant la période de l'hiver, le ministère de la Voirie a décidé d'octroyer un contrat de sablage dans ces cantons, soit sur une distance de 33 milles, à l'un des trois entrepreneurs effectuant le déneigement des routes dans ce coin du Québec.

Cette décision, me dit-on, s'imposait parce que l'expérience de l'an passé, de l'avis du divisionnaire lui-même, a démontré qu'il fut extrêmement difficile de synchroniser le travail des équipes de la voirie préposées au sablage des routes dans cette division et partant, de donner un service adéquat aux citoyens. Il était alors nécessaire de remédier à ce grave inconvénient; c'est pourquoi cette décision a été prise. En plus d'améliorer la qualité de l'entretien, le fait d'avoir accordé le sablage à l'un des entrepreneurs chargés du déneigement va entraîner une économie de l'ordre de $4,000, ce qui est tout de même à considérer, et un meilleur service, à un coût moindre.

Par contre, il arrive que la mise en application de cette mesure va affecter prochainement le travail de six employés réguliers de la voirie à cette division, mais pour une période d'un mois. Cela n'est donc que passager.

Comme je l'ai dit hier, ceux-ci auront priorité lors d'un rappel au travail, vers la mi-janvier.

Il s'agit donc, tout simplement, d'une décision administrative en vue de donner un meilleur service et surtout une plus grande sécurité au public voyageur.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education.

Subventions aux institutions privées

M. CARDINAL: M. le Président, j'aurais

une première réponse à deux questions posées hier par le chef de l'Opposition concernant les subventions de l'Etat aux Institutions privées. Vu l'absence, motivée d'ailleurs, du chef de l'Opposition, Je réserverai, je pense, à demain ces réponses, tout en soulignant que, dans les Journaux d'aujourd'hui, la directrice du collège Bellevue confirme ce que J'avais mentionné hier, qu'il n'est pas question de fermer ce collège. Quant aux autres questions techniques qui ont été posées, J'y reviendrai demain.

Profitant de votre permission, M. le Président, je n'ai pas l'intention de faire une déclaration ministérielle mais de donner certains renseignements concernant une autre institution privée au sujet de laquelle il y a actuellement beaucoup d'articles dans les journaux, beaucoup de rumeurs et beaucoup de pression. Je voudrais, pour rassurer les membres de cette Chambre, le député du comté en question et la population, apporter les renseignements suivants.

C'est au sujet du collège d'Outremont, dirigé par les Clercs de Saint-Viateur. On a lancé l'information que j'aurais reçu une pétition de plus de cinq cents noms. A ce sujet, je n'ai reçu aucune pétition au moment où je m'adresse aux députés.

L'on mentionnerait de plus que j'aurais consenti à recevoir les représentants d'une société privée. Jamais je n'ai eu de demande de recevoir des représentants d'une telle société. Par conséquent, jamais je ne les al reçus.

La commission scolaire d'Outremont n'a jamais administré d'école secondaire pour sa clientèle mais s'est contentée de conclure, d'une part, une contrat d'association avec le collège privé dirigé par les Clercs de Saint-Viateur. Depuis quelques années, en vertu d'une entente entre la commission scolaire de la ville de Mont-Royal et la commission scolaire d'Outremont, d'autre part, le collège reçoit tous les garçons catholiques sous la juridiction des deux commissions scolaires.

Le conseil métropolitain de planification a prévu que ce collège servirait de point de départ à un complexe polyvalent pour les garçons catholiques d'un secteur englobant la ville de Mont-Royal, Outremont et une petite partie du territoire de la Commission des écoles catholiques de Montréal. On sait que le complexe pour les filles du même âge faisant partie de l'école secondaire d'Outremont et de la même région se retrouve à la commission scolaire de la ville de Mont-Royal. C'est l'école Mont-Royal sur le boulevard Rockland.

Le printemps dernier, pour mettre au point ce qui est rapporté dans les journaux, le comi- té de mise en place des écoles polyvalentes avait étudié une demande de la commission scolaire d'Outremont, à l'effet de conclure une entente à très long terme — c'est exact que c'était dix ans qui étaient demandés — avec le collège, entente incluant la transformation du collège en école polyvalente aux frais de la commission scolaire et du ministère en entier. Et en même temps, M. le Président, que l'on demandait ceci on demandait que l'institution ne perde pas son caractère d'institution privée, ce qui était une demande paradoxale. On demandait en même temps qu'elle soit publique et privée.

Ce problème a été porté au comité des sous-ministres dont la décision, conformément aux lois et la recommandation du comité de mise en place, a été négative. C'était d'ailleurs inacceptable comme proposition.

Au cours d'une rencontre avec l'un des sous-ministres et de la commission scolaire d'Outremont, on a attiré l'attention des commissaires sur le fait qu'ils n'administraient aucune école du niveau secondaire et qu'il était plus normal, pour la commission scolaire, de se porter d'abord acquéreur du collège pour ensuite le rendre polyvalent comme école publique. Et si l'on voit la réaction de la population dans son ensemble, c'est ce qui est demandé, que ce collège soit acquis par la commission scolaire.

L'accord de la commission scolaire a été spontané à ce moment-là. De plus, M. le Président, j'ai appris qu'un certain nombre de parents, d'Outremont en particulier, entendaient former une corporation privée, après avoir eu d'avance la garantie du ministère qu'elle serait subventionnée comme une institution d'intérêt public.

Je fais deux commentaires: Le ministre ne peut pas d'avance garantir ceci. La loi ne le prévoit pas, ne le lui permet pas. Et d'autre part, en le faisant, j'irais à l'encontre des recommandations du ministère, du comité de mise en place et du comité de planification.

Le cas de Saint-Viateur n'a rien de commun avec le cas du Mont Saint-Louis, auquel on le compare, et présentement, les projets du ministère sont de voir à l'agrandissement, d'une part, de l'école secondaire de la ville de Mont-Royal pour les filles, d'autre part de poursuivre les démarches avec la commission scolaire d'Outremont pour qu'il y ait un complexe polyvalent secondaire pour garçons à Outremont.

Il n'entre pas dans les intentions du ministère de faire des promesses sur la reconnaissance d'une institution privée à un groupe privé qui voudrait acquérir le collège présentement.

Polyvalente de Deux-Montagnes

M. BINETTE: Ma question s'adresse au ministre de l'Education. Il s'agit plutôt d'un rappel. Je lui ai posé la semaine dernière, une question qui se trouve — Je ne me rappelle plus à quelle page du journal des Débats — mais en date du 27 novembre, et il devait communiquer avec ses officiers afin de me fournir une réponse. Est-ce qu'il pourrait me dire s'il a obtenu ces informations de ses officiers concernant la polyvalente de Deux-Montagnes?

M. CARDINAL: Est-ce qu'on pourrait me rappeler le texte de la question? Je serait peut-être en mesure d'y répondre.

M. BINETTE: Il s'agissait de savoir quand le ministère déciderait de construire la section des métiers à la polyvalente Deux-Montagnes.

M. CARDINAL: Si je me souviens bien, la question n'a pas été jugée acceptable à ce moment-là, et je m'étais tout simplement assis. Je donnerai la politique du ministère. J'ai annoncé qu'il y aurait, d'accord avec le ministre des Finances, 25 ou 26 écoles polyvalentes qui seraient construites ou agrandies. Mais, il n'entre pas dans les intentions ni du gouvernement ni du ministre de faire des promesses sur des écoles précises, dans des endroits précis, à dates précises, puisque tout ceci — comme j'ai répondu ce Jour-là et malgré ce que je viens de dire — dépend des priorités établies par le ministère, et je m'en tiens à ces priorités. Ce n'est que lorsque tout est mûr, tout est prêt et que les priorités sont satisfaites que j'annonce les écoles; sans quoi, chacun des 108 députés de cette Chambre serait en mesure de poser cette question pour savoir quand son école serait accordée.

M. BINETTE: Je comprends que le ministre n'est pas en mesure de répondre à ma question dans le moment, parce que ses priorités ne sont pas encore établies. C'est bien ça? Lorsque ses priorités seront établies, nous pourrons avoir une réponse à cette question.

M. CARDINAL: Les priorités sont établies, le député aura, comme tous les autres, la réponse en temps et lieu.

Conférence administrative de l'ODEQ

M. BINETTE: Pourvu que ce ne soitpas aux calendes grecques.

J'aurais une question à poser au ministre des Richesses naturelles. Dans un article sur l'ARDA qui a paru dans la revue Relations, l'auteur soulignait qu'il y avait une lacune assez considérable qui s'était produite — je m'excuse, je dois faire ce court préambule pour faire comprendre ma question — dans la formation de ce qu'on appelle la conférence administrative de l'ODEQ. Voici ma question: Est-ce que le ministre des Richesses naturelles pourrait dire à cette Chambre si le ministère des Richesses naturelles a été invité à faire partie de la conférence administrative de l'ODEQ?

M. ALLARD: A ma connaissance, non.

M. BINETTE: Est-ce que le ministre a l'intention de faire une demande à cette conférence administrative pour que le ministère des Richesses naturelles soit représenté à cette conférence qui est très importante dans l'ODEQ? Je considère que le ministère des Richesses naturelles se doit d'être là.

M. ALLARD: Je vais prendre les informations et j'aviserai, s'il y a lieu de faire cette demande.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Matane.

Rivière Matane

M. BIENVENUE: Ma question s'adresse au ministre des Richesses naturelles. Je n'ai pas eu le temps de lui en parler. Je n'ai pas d'objection à ce que cette question que je formule serve de préavis. Pour sa meilleure compréhension et afin qu'on me comprenne mieux, je ferai rapidement lecture d'un télégramme dont J'ai reçu copie et d'un extrait très court d'une lettre. Je recevais et je le dis au ministre des Richesses naturelles, un télégramme se lisant comme suit: « Re lettre du 17 octobre 1969, dossier no..., de l'honorable Paul Allard, adressée à la ville de Matane, concernant l'érosion de la berge de la rivière Matane. « Devant l'urgence de la situation, laquelle situation est intolérable, les soussignés sollicitent votre intervention personnelle et immédiate avant qu'un malheur ne se produise. La ville de Matane, dans sa lettre du 14 novembre 1969, refuse d'assumer les responsabilités de l'érosion. Nous comprenons que les responsabilités légales ne sont peut-être pas faciles à déterminer dans l'immédiat. Cependant, il nous apparaît clairement qu'il s'agit pour un gouvernement d'une grave responsabilité morale, car des vies humaines sont en danger et des propriétés durement affectées. « M. le ministre, nous savons que vous ne serez pas insensible à une situation aussi d'ur-

gence et nous vous prions de prendre action immédiatement avant qu'un autre drame, dans le genre de celui de Nicolet, ne se reproduise. » Original envoyé à l'honorable Paul Allard, etc.

J'arrive à ma question, M. le Président. Neuf contribuables, neuf propriétaires riverains de la rivière Matane, dont les propriétés sont menacées à tout instant de tomber, de se ramasser, si on me permet le mot, dans la rivière à cause d'un phénomène d'érosion, ont signé le télégramme. Leur panique — je termine là-dessus mes explications — provient de cette lettre que le ministre leur avait envoyée et qu'il connaît, j'imagine, mieux que moi.

Il indiquait que les travaux d'analyse des sols pour parer à cette situation seraient trop dispendieux pour la province, il suggérait que la ville de Matane les fasse. Cette dernière ayant refusé, ma question est la suivante, M. le Président: Le ministre a-t-il reçu l'original de ce télégramme et, dans l'affirmative, le ministère entend-il modifier sa première attitude ou prendre des mesures appropriées? Je ne veux pas qu'il arrive chez moi ce qui est arrivé ailleurs, M. le Président.

M. ALLARD: M. le Président, en effet, j'ai reçu le télégramme hier midi et j'ai demandé aux officiers du ministère de renvoyer sur les lieux un ingénieur afin d'étudier, à nouveau, la situation et de voir s'il n'y aurait pas une solution à apporter dans le cas précité.

MR. PRESIDENT: The honorable Member for Brome.

Subventions pour chemins d'hiver

MR. BROWN: Mr. Speaker, I have a question for the Prime Minister. In view of the hardship placed on the shoulders of the municipalities by their loss of grants for winter roads, does the Government intend to reconsider the situation and replace them?

MR. BERTRAND: I take notice of your question and shall present the same to the Minister of Roads.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Marguerite-Bourgeoys.

Utilisation de l'ivressomètre

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ma question s'adresse au ministre des Transports et des Communications. Le ministre a-t-il l'intention de présenter, à cette session, des amendements au code de la route relativement à l'utilisation de l'ivressomètre?

M. LIZOTTE: Ma réponse est la suivante: Nous présenterons, à l'ouverture de la prochaine session, au mois de février, je crois, des amendements au code de la route.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, il me semble qu'étant donné l'adoption d'une loi fédérale dans ce sens-là il aurait été normal de prévoir...

DES VOIX: A l'ordre!

MME KIRKLAND-CASGRAIN: ... étant donné que cela a été étudié au comité...

M. LAFRANCE: II s'agit d'une question d'urgence et d'intérêt provincial, M. le Président. Le ministre a dit, à plusieurs reprises, qu'il était prêt à présenter cette législation. Je ne vois pas pourquoi on laisserait continuer la tuerie sur les routes encore durant cinq ou six mois.

M. LIZOTTE: Sans vouloir faire un débat, M. le Président, il nous fallait attendre la publication de la loi fédérale afin de ne pas présenter une loi qui serait en contradiction avec une loi fédérale ou quelques-unes de ses parties. C'est la raison pour laquelle nous avons attendu; ainsi, lorsque cette loi sera présentée, elle sera très près de la perfection.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, je suis obligée de me lever sur un point d'ordre. Déjà, la commission du code de la route a étudié le problème. Il y a eu un amendement d'étudié dans le sens de l'utilisation de l'ivressomètre au Québec. Je considère que le ministère des Transports et des Communications est plus que prêt à présenter cet amendement à cette session.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Olier.

Sécurité au sujet du gaz naturel

M. PICARD (Olier): M. le Président, à propos du sinistre de Notre-Dame-du-Lac, j'aurais une question à l'adresse du ministre du Travail. Mais, en son absence, peut-être que le premier ministre pourrait prendre avis de cette question.

Vous me permettrez, M. le Président, de faire un court préambule afin de bien situer ma question. Les sinistres du genre de celui de Notre-

Dame-du-Lac ne sont pas les seuls auxquels le Québec a à faire face. Nous avons, apparemment, la réputation d'avoir le plus grand nombre de sinistres de ce genre dans le monde entier. J'aimerais attirer l'attention de cette Chambre sur l'explosion qui avait eu lieu à ville de LaSalle, à l'occasion du gaz naturel.

M. LE PRESIDENT: Je veux bien permettre à l'honorable député d'Olier de faire un court préambule, mais il conviendra qu'on s'éloigne passablement de la question que je prévois.

M. PICARD (Olier): Alors, voici ma question: J'aimerais savoir du ministre du Travail ce qui est arrivé de la suggestion que je lui avais faite, en mai dernier, à l'effet d'exiger dans tous les édifices publics l'installation d'appareils détecteurs d'émanation de gaz naturel.

Il m'avait dit, à ce moment-là, qu'un M. Bergeron étudiait la question. J'aimerais savoir où en est cette étude.

M. BERTRAND: J'en prends note, M. le Président, et je la transmettrai au ministère.

M. LE PRESIDENT: Le temps réservé à la période des questions est maintenant expiré.

Questions inscrites au feuilleton

M. PAUL: M. le Président, qu'il me soit permis d'appeler quelques questions auxquelles des réponses seront fournies.

Question no 1, de M. Michaud. Réponse de M. Bertrand.

M. BERTRAND: Lu et répondu.

M. PAUL: Question no 4, de M. Tessier. Je voudrais faire motion pour que cette question soit transformée en motion pour production de documents. Documents produits par M. Cardinal au nom de M. Loubier.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. PAUL: Question no 11, de M. Lacroix. Réponse de M. Bertrand.

M. BERTRAND: Lu et répondu.

M. PAUL: Question no 18, de M. Pinard. Réponse de M. Bertrand.

M. BERTRAND: Lu et répondu.

M. PAUL: Question no 20, au nom de M. Parent. Réponse de M. Bertrand.

M. BERTRAND: Lu et répondu.

M. PAUL: Question no 21, de M. Parent. Réponse de M. Bertrand.

M. BERTRAND: Lu et répondu.

M. PAUL: Question no 22, de M.Houde. Réponse de M. Loubier par M. Cardinal.

M. CARDINAL: Pour M. Loubier, lu et répondu.

M. PAUL: Question no 24, de M. Lacroix. Réponse de M. Bertrand.

M. BERTRAND: Lu et répondu.

M. PAUL: Question no 25, au nom de M. Bergeron. M. le Président, je comprends que vous ne pouvez pas répondre aux questions qui regardent l'Assemblée nationale. J'ai, cependant, obtenu, de bonne source, la réponse à cette question et je réponds en votre nom.

Question no 27, de M. Leduc (Taillon). Réponse de M. Russell.

M. RUSSELL: Lu et répondu.

M. PAUL: Question no 31, de M. Houde. Je fais motion, M. le président, pour que cette question soit transformée en motion pour production de documents.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. PAUL: Réponse par M. Cardinal, au nom de M. Loubier.

Question no 33, de M. Bourassa. Réponse de M. Lizotte.

M. LIZOTTE: Lu et répondu.

M. PAUL: Question no 34, de M. Beaupré. Je fais motion pour que cette question soit transformée en motion pour production de documents.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. PAUL: Réponse de M. Gosselin. M. GOSSELIN: Documents déposés.

M. PAUL: Question no 44, de M. Parent. Réponse de M. Loubler par M. Cardinal.

M. CARDINAL: Pour M. Loubler, lu et répondu.

M. PAUL: Question no 51, de M. Saint-Germain. Réponse au nom de M. Lafontaine par M. Cardinal.

M. CARDINAL: Pour M. Lafontaine, lu et répondu.

M. PAUL: Question no 75, ordre de la Chambre au nom de M. Laporte. Cette motion est adoptée; documents déposés par M. Cloutler.

M. CLOUTIER: Documents déposés.

M. PAUL: Question no 85, ordre de la Chambre au nom de M. Pinard. Cette motion est acceptée; documents déposés par M. Allard.

M. ALLARD: Lu etrépondu.

M. PAUL: Article 64, M. le Président.

Bill 72 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la deuxième lecture de la Loi modifiant de nouveau la Loi des tribunaux judiciaires.

L'honorable ministre de la Justice.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce bill et en autorise la présentation.

Ce projet de loi, portant le numéro 72, est présenté tout d'abord pour établir un certain équilibre et pour que nous ayons une législation de concordance avec certaines dispositions du bill omnibus, adopté par la Chambre des communes d'Ottawa. Voici en quoi, M. le Président, ce projet de loi s'impose pour obtenir une législation de concordance. En vertu du texte actuel de la Loi des tribunaux judiciaires, il est prévu que nos juges de la cour Supérieure peuvent, en tout temps...

M. PINARD: Avez-vous le texte?

M. PAUL: En vertu des dispositions actuelles de la Loi des tribunaux judiciaires, il est prévu que nos juges de la cour Supérieure peuvent entendre en tout temps un procès de novo venant de la cour des Sessions de la paix, c'est-à-dire en vertu de la partie 24 du code criminel. Or, il arrive qu'à la suite des modifications apportées au code criminel par le bill omnibus certains de nos juges de la cour Supérieure ont interprété ces dispositions nouvelles du code criminel comme limitant à un terme d'assises seulement le droit qu'ils auraient d'entendre un procès de novo ou pour reviser une sentence consécutive à un procès qui se serait déroulé devant la cour des Sessions de la paix.

Or, nous voulons, par cette législation, autoriser spécifiquement nos juges de la cour Supérieure à entendre ces procès de novo dans tous les districts et en tout temps, surtout et spécialement en dehors des termes d'assises criminelles prévus pour chacun de nos districts.

Cet après-midi, M. le Président, vous avez appelé la première lecture du projet de loi 74, Loi modifiant de nouveau le code de procédure civile. En vertu de ce projet de loi, nous amenderons la juridiction de la cour Provinciale pour porter sa juridiction de $1,000 à $3,000. Actuellement, nos savants juges de la cour Supérieure ont la compétence qui leur est accordée pour entendre exclusivement toute cause où le montant ou la valeur en litige est de $1,000 et plus; avec l'amendement que nous apporterons au code de procédure civile, il n'est que normal que nous puissions payer à nos juges de la cour Provinciale le même salaire que celui qui est actuellement versé à nos juges de la cour Supérieure. Sans parler en aucune façon au nom d'une autre juridiction, je suis moralement bien assuré que le traitement de nos juges de la cour Supérieure devrait être reconsidéré de la part des autorités compétentes.

Un problème se présente également. C'est le besoin de juges que nous avons, tant pour nos cours des Sessions de la paix, nos cours Provinciales et nos cours de Bien-Etre social. Je voudrais citer quelques statistiques qui serviront d'arguments au soutien de la présentation de cet amendement proposé par le projet de loi 72. Tout d'abord, pour ce qui a trait aux statistiques de la cour des Sessions de la paix, nous verrons que les causes sont de plus en plus nombreuses.

Est-ce que l'honorable député aurait une question?

M. PINARD: M. le Président, pour nous permettre de mieux suivre la discussion qui s'engagera sans doute avec le ministre de la Justice tantôt, est-ce que le ministre aurait l'obligeance de nous faire envoyer un certain nombre de tableaux dont il a l'intention de se ser-

vir pour établir ses comparaisons? Je pense que cela faciliterait beaucoup la discussion.

M. PAUL: Disons que c'est une excellente suggestion de l'honorable député. Je vais tâcher de la combler le plus tôt possible en faisant faire des photocopies. Je m'excuse de n'avoir pas eu cette délicate pensée à l'attention de mes collègues; c'est parce que je suis revenu un peu tard à mon bureau ce midi, après avoir assisté à une partie des délibérations du colloque de Montmorency. Cela explique pourquoi je ne dispose pas dans le moment de ces tableaux, mais je vais faire en sorte qu'ils soient polycopiés pour distribution a tous les collègues de la Chambre.

Par exemple, nous voyons une ascension progressive, soutenue, au niveau de la cour des Sessions de la paix, pour le district de Hull. En 1965, nous avions 3,114 causes; en 1966, 3,656; en 1967, 4,069; et en 1968, 4,108.

Pour le district de Saint-Jérôme: 3,640 en 1965; 4,037 en 1966; 3,970 en 1967; et 4,678 en 1968.

Pour le district de Montréal: en 1965, 26,764 causes, en 1966, 25,747; en 1967, 27,212; et en 1968, 30,602.

Pour le district de Québec, je donne les chiffres par ordre mais toujours en me référant aux années 1965, 1966, 1967, 1968: 7,629 - 12,074 - 9,491 et 11,316.

Je voudrais citer deux autres districts. Le district de Chicoutimi: 2,045 - 2,257 - 2,614 -2,772.

Joliette: 2,325 — 2,106 — malheureusement je n'ai pas les statistiques de 1967 pour le district de Joliette, mais en 1968, 3,066.

Nous avons là certains chiffres au soutien de l'acitivlté de la cour des Sessions de la paix. Je voudrais également fournir quelques statistiques sur l'activité de toutes les cours, y compris celle de la cour Supérieure. Il faut cependant tenir compte qu'avec la nouvelle juridiction, un certain nombre de causes seront automatiquement rayées des rôles de la cour Supérieure pour être, de droit et de fait, immédiatement déférées aux tribunaux de la cour Provinciale.

Alors je dis donc que le tableau dont je veux donner les chiffres indique les causes en suspens au 1er décembre 1969 dans les cours civiles et criminelles des principaux districts judiciaires de la province.

Cour Supérieure de Montréal: 13,002 causes; cour Provinciale, 3,633; Sessions de la paix, 5,777.

Québec: cour Supérieure, 1,815; cour Provinciale, 482; cour des Sessions de la paix, 2,783.

Saint-Jérôme: cour Supérieure, 670; cour Provinciale, 300; Sessions de la paix, 3,999.

Voici une situation qui constitue un véritable déni de justice. A Saint-Jérôme, par exemple, quelqu'un qui comparaîtrait demain matin à une enquête préliminaire verrait cette enquête fixée à la fin d'avril, début de mai 1970. C'est une situation intolérable. Tout à l'heure, j'ai bien l'intention de toucher du doigt certaines lacunes qui existent pour tâcher que les principaux intéressés, juges, procureurs, avocats, compagnies d'assurances puissent faire un effort commun pour que nous puissions mettre fin à une telle situation qui existe dans trop de tribunaux de la province.

Pour le district de Hull, cour Supérieure: 330 causes; cour Provinciale: 256 causes; cour des Sessions de la Paix: 605 causes.

A Chicoutimi, cour Supérieure: 567 causes; cour Provinciale; 308 causes; cour des Sessions de la paix: 1,116 causes.

A Joliette, cour Supérieure: 451 causes; cour Provinciale: 249 causes; cour des Sessions de la paix: 1,222 causes.

Je pourrais diposer immédiatement d'une copie de ce tableau que j'ai en duplicata, ce qui permettrait aux principaux collègues et confrères de la profession de posséder ces chiffres pour être en mesure de les commenter s'ils croient bon et nécessaire de le faire.

M. LAFRANCE: Est-ce réservé aux confrères seulement?

M. PAUL: Non, j'ai dit: aux collègues et aux confrères. J'ai dit les deux.

Maintenant, un autre tableau qui peut également nous faire part d'une situation que personnellement je considère comme alarmante dans le Québec au point de vue de l'administration de la justice. Je voudrais cependant ne traiter que le côté matière criminelle et pénale dans les chiffres que je viens de donner.

Dans certains districts judiciaires comme l'Abitibi, qui comprend Amos, Chibougamau, La Sarre et Val d'Or, nous avons comme causes inscrites à Amos à la cour des Sessions de la paix — les chiffres que je donne n'affectent que la cour des Sessions de la paix — en 1968: 552. On en a disposé de 422 et il en reste 130; c'est donc dire qu'il y a un décalage de 23.55%. A Chibougamau, il y a un décalage de 18.95%. A La Sarre, 242 causes inscrites, 172 liquidées; il en reste 70, soit un décalage de 28.92%. A Val d'Or, 475 causes inscrites, 375 liquidées, solde de 21%.

J'ai cité ces chiffres parce que je me suis rappelé le district judiciaire de l'honorable

député d'Abitibi-Est. Je voudrais surtout signaler certains districts où la situation est vraiment anormale. A Chicoutimi, 1,117 causes inscrites en 1968, 657 dont on a disposé, il reste 460 causes. C'est donc dire qu'il y a eu un retard de 41.24% dans l'audition des causes.

Si l'on tient compte que dans certains cas il y a des détenus qui n'ont pas été capables de fournir de cautionnement et qu'il y a des détenus qui se trouvent en quelque sorte gênés par de tels délais, je dis que nous n'avons pas le droit de tolérer plus longtemps une telle situation.

Dans le district de Joliette, 1,302 causes inscrites en 1968; 927 ont été terminées, 375 représentent le solde, ce qui fait un déficit de 28.80%. Je dis donc qu'une telle situation ne peut pas être tolérée dans ce district non plus.

A Montréal, 7,242 plaintes ont été portées. On a disposé de 5,063, il en reste 2,179. C'est pour l'année 1968. C'est donc dire qu'en 1969 il y avait, inscrites au rôle au début de l'année, 2,179 causes non encore liquidées pour l'année 1968, ce qui représente un déficit de 30,09%.

Je pourrais continuer, et j'ai l'intention, également, de faire faire une photocopie de ces tableaux pour l'information de tous les députés de la Chambre.

M. MICHAUD: Merci.

M. LAFRANCE: Le ministre me permettrait-il une question?

M. PAUL: Certainement.

M. LAFRANCE: A quoi attribue-t-il ce retard?

M. PAUL: Je vais répondre à cette question de mon honorable ami dans quelques instants.

Il y a également, M. le Président, nos tribunaux de la cour du Bien-Etre social qui, malheureusement, se voient de plus en plus fréquentés par les jeunes de moins de 18 ans. Et à un tel point qu'à Montréal il nous faudra nommer deux juges additionnels.

La situation se présente également à Sherbrooke. Je dois immédiatement signaler que nous devrons — et nous sommes dans l'obligation — de demander i la Chambre d'accepter de majorer de dix le nombre de juges de la cour Provinciale. Et je vois mon honorable ami de Gouin qui est surpris, mais, comme je sais qu'il est un assidu à tous nos travaux de la Chambre, il se rappellera que nous avons créé un tribunal du Travail qui va commander la nomination de sept juges. Comme il se présente une ques- tion de droit constitutionnel en vertu de l'article 96, nous avons inséré, dans la Loi du travail, la cour Provinciale comme étant le bassin d'approvisionnement du tribunal du Travail.

Par conséquent, en réalité, nous n'aurons que trois juges additionnels à la cour Provinciale pour faire face à tous les besoins.

M. le Président, depuis que j'assume les re-ponsabilités de ministre de la Justice, j'ai tâché d'accélérer, si possible, l'administration de la justice. J'ai demandé et obtenu de l'honorable juge Challies, juge en chef adjoint de la cour Supérieure à Montréal, la création d'une troisième chambre d'Assises, qui, en fait, siège depuis le début de l'automne.

Nous avons maintenant six cours ou six chambres des Sessions de la paix qui siègent à tous les jours, cinq jours par semaine. Et nous sommes actuellement à examiner, nous sommes à la recherche d'un local convenable pour aménager deux cours additionnelles des Sessions de la paix. Il est probable que nous pourrons trouver sur la rue Saint-Laurent un local qui puisse convenir à la marche d'au moins deux chambres additionnelles de la cour des Sessions de la paix.

Je ne désespère pas, M. le Président, que nous puissions mettre en action une quatrième chambre des Assises, à Montréal. L'honorable juge Challies est tout à fait disposé à nous céder un juge de plus, mais le problème, c'est celui de l'exiguïté des locaux qui ne peuvent, actuellement, se prêter à l'aménagement d'une pièce convenable pour un procès devant jury.

Nous sommes dans une période transitoire en attendant l'ouverture du nouveau palais de justice de Montréal prévue pour le 1er juin ou juillet 1971. Mais nous ne désespérons pas de pouvoir trouver un local, peut-être sur la rue Saint-Denis, là où se trouve la cour des Sessions de la paix, pour tâcher d'aménager ou de déménager quelques salles de la cour des Sessions de la paix pour prendre de ces salles actuellement occupées par la cour des Sessions de la paix et les aménager en une salle de la cour d'Assises et nous pourrions peut-être à cet endroit diriger toutes les causes de droit pénal qui ne nécessitent pas une présence dangereuse de certains prévenus qui deviennent accusés.

Voilà en toute franchise le pourquoi de la demande de modification de la Loi des tribunaux judiciaires. Gladstone disait un jour: « Justice delated is justice denied. » Et, malheureusement, nous sommes placés et nous courons vers un tel état de fait actuellement au Québec. Tous, dans une proportion plus ou moins grande, doivent en supporter les responsabilités. Je sais que la très grande majorité

de nos juges, tant de la cour Provinciale, des Sessions de la paix que du Bien-Etre, sont des compétences, qu'ils sont soucieux de rendre une justice expéditive, mais il y en a trop qui préfèrent le golf à leurs responsabilités de la judicature. C'est peut-être dur ce que je dis, mais s'il y a un endroit où on doit le dire, c'est ici, et c'est à l'occasion de l'étude d'un projet de loi comme celui-là. Je ne voudrais pas cependant que l'on généralise parce que j'ai bien dit au début que la très grande majorité de nos magistrats accomplissent un travail excellent, sans relâche, d'assiduité de jugements élaborés, mais il y a quelques exceptions qui, je l'espère, entendront cet appel au sens de la responsabilité et du devoir que je leur fais cet après-midi.

Il y a également les avocats de la couronne et je me propose, après la session, d'envoyer une lettre à chacun des procureurs de la couronne afin de ne pas consentir aussi facilement, en vertu de la loi du moindre effort, à des remises aussi nombreuses de procès devant nos tribunaux. Encore là, je regrette d'être obligé de signaler ces faits qui ne concernent qu'une minorité de nos substituts du procureur général, mais je me dois de le faire et j'irai même jusqu'à demander, lorsqu'il y aura trop de remises, que les prévenus soient libérés, je ne dis pas acquittés, je dis libérés. Et là où nous trouverons une incompétence ou un manque sérieux au devoir qui leur est assigné, je n'hésiterai pas à demander leur remplacement.

Il y a également les procureurs de la défense, qui doivent, eux aussi, jouer leur rôle et faire leur part pour que la justice devienne expéditive. Il est anormal, M. le Président, que nous ne puissions pas atteindre un délai maximum de six ou huit mois avant qu'un individu soit traduit devant les tribunaux, ait eu son enquête préliminaire, son procès devant jury, le cas échéant, ou son procès devant le juge lorsqu'il aura choisi de revenir devant le juge. Disons que c'est l'idéal que les justiciables, d'abord, attendent et qu'une bonne administration de la justice commande. Il y a un autre facteur, M. le Président, c'est l'aisance et la complaisance de trop de confrères, les uns envers les autres, pour remettre indûment les causes qu'on laisse traîner, pour ne pas dire qu'on raye durant un certain temps, pour les inscrire de nouveau sur les rôles de la cour Supérieure ou de la cour Provinciale.

Je dis que tous les confrères de la profession devraient faire un effort pour éviter les remises de causes lorsqu'on n'a pas de motifs sérieux de faire une telle demande à nos juges, soit de la cour Provinciale, soit de la cour des Sessions de la paix ou de la cour de Bien-Etre social. Si, aujourd'hui, la justice est si vilipendée, est-ce que tous les avocats n'ont pas un certain reproche à se faire? Il arrive, M. le Président, que la très minime proportion porte atteinte à l'intégrité et à l'honneur de la profession elle-même, il y a un autre complice dans l'encombrement de nos rôles devant la cour Supérieure, c'est l'indécence des compagnies d'assurance à porter en appel des causes futiles dans l'espoir de bénéficier, pendant un certain temps, d'intérêts sur des capitaux au taux de 10%, alors que l'intérêt légal accordé par les jugements n'est que de 5%.

UNE VOIX: Très bien.

M. MICHAUD: Bravo! Si le ministre...

M. PAUL: Je voudrais, M. le Président...

M. MICHAUD: ...me le permet...

M. PAUL: Oui.

M. MICHAUD: Sur ce sujet-là, le ministre est-il au courant qu'il y a un projet de loi 97 visant à corriger cette situation?

M. PAUL: Je crois que l'honorable député s'est très mal pris lorsqu'il a voulu présenter son amendement, parce que c'est une question constitutionnelle à laquelle je vais répondre, ce ne sera pas long.

M. MICHAUD: On disposera de ça en temps et lieu.

M. PAUL: M. le Président, des confrères ont porté à ma connaissance, dans le cours de la semaine dernière — ils sont deux à pratiquer dans une ville de la périphérie de Montréal — qu'actuellement, ils ont pour $1 million en suspens devant la cour d'Appel, il s'agit de jugements obtenus dans des causes qu'ils ont gagnées et le calcul des intérêts, au taux de 5% dans ces causes, se totalisent à $78,000. Cela importe peu aux compagnies d'assurance parce que, si l'on paie 5% d'intérêts, on réalise encore des bénéfices et des profits puisqu'on prête à 9%, 10% et même plus, dans certains cas. Je dis, M. le Président, que c'est le droit de tout individu ou de toute personne physique ou morale de porter une cause en appel.

Mais je dis que ce sont des actes dont l'honnêteté est douteuse, quand on agit de cette façon au détriment, parfois, d'une victime d'accident

d'automobile, infirme pour sa vie et qui est obligée d'attendre quatre, cinq et sept ans avant que sa cause soit complètement liquidée. On en est même rendu et on pousse même, je suis obligé de dire l'immoralité judiciaire jusqu'à partir de la cour d'Appel pour s'en aller maintenant en cour Suprême.

Je dis que nous allons trouver un moyen constitutionnel et légal.

M. MICHAUD: Il y en a.

M. PAUL: Et la façon pour résoudre ceproblème n'est pas de changer le taux de l'intérêt parce qu'en vertu de la Loi des lettres de change seul le gouvernement fédéral a juridiction pour changer le taux d'intérêt.

M. MICHAUD: En matière de propriété.

M. PAUL: Nous allons cependant, et disons que c'est un projet qui est encore à l'état de gestation, nous verrons à amender l'article 1056c du code pour imposer l'obligation à nos juges de considérer comme un dommage liquidé la différence du taux entre l'intérêt courant du marché et l'intérêt qui est, aujourd'hui, considéré comme légal. A ce moment-là, cela sera tout à fait constitutionnel.

Je préviens immédiatement les compagnies d'assurance que, si elles continuent à adopter une attitude d'appels généralisée, les fonctionnaires de mon ministère se pencheront comme moi, avec empressement, pour essayer de mettre fin à cet abus de procédures qui est au détriment de la masse des justiciables dans le Québec.

Il y aura également dans ce projet de loi des amendements que nous devrons soustraire du projet 10, pardon, je me trompe, M. le Président. J'ai tellement de projets de loi...

M. MICHAUD: 72.

M. PAUL: ... qu'actuellement il y a confusion dans mon esprit. Je crois que ces modifications s'imposent. Nous avons également, par la même occasion, apporté certaines modifications aux montants des pensions de retraite, ce qui va de soi; il n'est que normal que l'accessoire suive le principal.

Voilà, M. le Président, dans un bref exposé, avec franchise, sans vouloir rien cacher, les principes contenus dans le projet de loi 72, que je suis prêt à discuter dans ses modalités lorsque la Chambre aura accepté le principe de deuxième lecture. Il y aura deux petits amendements sans conséquence aux fins d'éclaircir davantage le texte de deux articles, et j'en informerai mes collègues lorsque nous commencerons l'étude de ce projet de loi en comité plénier.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): L'hono-rabe député de Richmond.

M. Emilien Lafrance

M. LAFRANCE: M. le Président, je n'ai pas l'Intention, évidemment, de commenter les propos que vient de tenir l'honorable ministre de la Justice. D'autres de mes collègues le feront sans doute. Je dois tout simplement dire que je me réjouis avec tous ceux qui ont soif de justice en face des moyens auxquels entend recourir le ministre pour accélérer l'exercice de la justice en cette province.

Comme je me propose d'apporter quelques objections et quelques réserves concernant certains avantages accordés aux juges par cette importante législation, je tiens d'abord à ce que l'on sache que je suis l'un de ceux qui éprouvent encore le plus grand respect à l'endroit de nos tribunaux judiciaires.

Ils constituent pour moi le fonde ment de notre système démocratique, car le jour où le peuple aura perdu confiance dans notre magistrature, eh bien, ce sera alors l'instauration du « mob rule » où nous verrons s'écrouler comme un château de cartes nos institutions les plus vénérables. Pour ma part, je tiens à dire que jamais je n'ai senti autant l'Imminence de ce péril qui nous menace depuis quelque temps que depuis que certains agitateurs, genre Chartrand et Vallières, s'acharnent à injurier et à contester la dignité et la légitimité de nos juges.

C'est donc avec raison que l'on considère nos tribunaux comme étant le dernier rempart de la démocratie. D'autre part, on sait sans doute que cet antique et sécuritaire banc auquel rêvent tous les disciples de Thémis n'est plus une sinécure, surtout depuis que les valeurs et les institutions les plus anciennes et les plus sacrées ne sont plus à l'abri du pic — je dis bien — de nos contestataires, experts démolisseurs de notre société. C'est donc dire que nos juges, qu'ils soient de la haute ou de la basse cour, assument des responsabilités de plus en plus lourde et aussi de plus en plus fastidieuses.

Personnellement, je connais des présidents de tribunaux, parmi ceux qui ont encore le courage d'accomplir tout leur devoir, si pénible soit-il, qui sont présentement menacés, eux et leurs familles, par certains criminels et par certains agitateurs. Donc, la magistrature joue un rôle des plus éminents au sein de notre so-

ciété démocratique, et l'exercice de ses hautes fonctions ne constitue plus un lieu de tout repos.

Si j'ai recours à ce long préambule, c'est afin que l'on ne s'offusque pas en certains milieux des quelques observations que je me crois obligé de faire concernant certaines dispositions du bill 72. C'est donc en toute objectivité que je ferai ces remarques, avec la seule et unique préoccupation de contribuer à conserver cette haute réputation dont jouissent encore la plupart de nos juges. En considérant certaines dispositions de ce projet de loi accordant une hausse de traitement substantielle et d'autres avantages aux juges du Québec, je me demande — et croyez-moi, je ne suis pas seul à le faire — si le moment est bien opportun pour adopter une telle législation. Ne sommes-nous pas, comme on nous le rappelle très souvent, en pleine crise d'inflation où nos gouvernants à tous les niveaux sont aux prises avec des difficultés financières inouïes, ce qui les oblige à pratiquer une politique d'austérité qui affecte souvent tragiquement la classe des économiquement faibles, comme on vient de le constater lors de l'étude du bill 26 créant la Loi de l'aide sociale?

Ceux qui ont participé de près à l'étude du bill 26 ont pu constater comment des familles de cinq, six ou sept personnes, et même davantage, éprouvées soit par l'invalidité ou la perte du chef de famille, doivent encore se contenter d'une maigre pitance de moins de $3,000 par année, tandis que d'autres citoyens plus privilégiés se verront accorder des traitements de plus de $30,000.

Je ne voudrais pas que l'on considère ces propos comme étant démagogiques, mais plutôt comme étant le reflet d'une triste réalité de notre société dite d'opulence où l'écart s'élargit sans cesse entre les différentes classes»

Je crois qu'il est grand temps que l'on se rende compte de cette disparité absolument intolérable. Certaines crises récentes, comme celles que nous venons de vivre au sujet des professeurs et des employés d'hôpitaux, par exemple, pour me limiter à ces deux dernières, ne nous ont-elles pas démontré combien il est devenu difficile à la fois d'arrêter cette escalade de l'augmentation vertigineuse des salaires et en même temps de tenter de satisfaire aux exigences de la justice sociale?

Aussi, je me demande comment nous, les bien nantis, ce qu'on appelle dans cette province, dans certains milieux, 1' « establishment », hommes publics, députés, maires, juges et autres pourront, demain, décemment prêcher la modération aux autres classes de la société qui sont moins favorisés que nous le sommes.

Comment pourrions-nous, en toute bonne foi, si nous abusons des pouvoirs dont nous disposons, devant les réclamations souvent légitimes des petits salariés, nous scandaliser devant certaines méthodes radicales auxquelles ils se croient justifiés de recourir, même si, en leur for intérieur, ils les abhorrent? Si nous, les hommes publics, voulons vraiment conserver la confiance et le respect du peuple, ne devrions-nous pas commencer par prêcher par l'exemple cette politique d'austérité que nous sommes obligés d'imposer aux autres?

Je me demande comment nous pouvons justifier et expliquer, dans une période d'austérité toujours, des majorations de traitements de $5,000 ou $7,000, quand des gens touchent des salaires de plus de $20,000 comme c'est précisément le cas, par exemple, pour toute une catégorie de hauts fonctionnaires, de sous-ministres, de présidents de commissions, conseillers techniques, voire même de secrétaires particuliers.

Quant à nos magistrats, qu'ils soient mieux rémunérés que les autres, j'y acquiescerai le jour où on exigera d'eux — je devrais dire de certains d'entre eux pour être plus juste — un plus haut rendement, ou encore quand ils nous auront prouvé qu'ils sont, selon l'expression populaire, à plein temps au service de la société et de la justice.

En un mot, il faudrait qu'ils consacrent tout leur temps à remplir exclusivement les hautes fonctions qui leur ont été attribuées par le lieutenant-gouverneur en conseil, c'est-à-dire qu'on leur refuse dorénavant le privilège de présider certaines commissions d'arbitrage, ce qui malheureusement a prêté à certains abus scandaleux tout en retardant indûment l'expédition de la justice.

N'est-il pas aussi notoire que certains juges — ils constituent probablement une minorité — abusent trop souvent de cette trop grande discrétion qui leur est accordée dans l'exercice de leurs fonctions? Aussi je me demande si le temps n'est pas venu d'exercer un certain pouvoir de coercition pour obliger certains d'entre eux à siéger plus souvent, sinon à quoi servira-t-il d'augmenter leur compétence, comme on se propose de le faire dans un autre projet de loi?

Ne serait-il pas aussi temps, M. le Président, de nous demander pourquoi les juges, eux, jouissent d'un régime d'exception concernant leur pension qui, soit dit en passant, me semble être l'une des plus élevées de la société québécoise. Pourquoi donc des juges, comme tous les autres profanes, les députés, par exemple, ne seraient-ils pas tenus de contribuer personnellement de

leurs deniers à un fonds de pension? Surtout, que l'on n'essaie pas de justifier ce privilège en évoquant une certaine tradition.

Le temps ne serait-il pas aussi venu de nous interroger sur la façon dont, trop souvent, nos juges sont choisis, sur les critères sur lesquels on s'appuie? On se demande parfois si l'une des premières qualifications qui président à ce choix ne constitue pas l'allégeance politique ou les services rendus à un parti. Si nous voulons vraiment maintenir l'intégrité de nos institutions judiciaires, il est urgent d'extirper ce genre de haut patronage de nos moeurs politiques.

M. PAUL: L'honorable député me permettrait-il ici de l'informer d'une situation? Je le fais bien honnêtement, c'est que mon prédécesseur, l'honorable Jean-Jacques Bertrand, premier ministre, alors qu'il était ministre de la Justice, avait établi cette coutume qu'une série de noms, qu'importe la couleur politique, soit transmise au Barreau qui fait l'enquête administrative sur l'expérience, la réputation du confrère et qui, par la suite, fait certaines recommandations au ministère de la Justice.

M. LAFRANCE: II est cependant étrange de constater, M. le Président, qu'on peut relier l'allégeance politique à la plupart des nominations qui ont été faites par le présent gouvernement.

Pour toutes ces raisons, je me demande s'il ne serait pas plus sage, dans les circonstances actuelles, de surseoir, du moins, à certaines dispositions de cette législation. Dans des conditions plus favorables, à la lumière du rendement que seront appelés à fournir les juges, avec les nouvelles compétences qui leur sont attribuées, nous, les législateurs nous serons alors mieux éclairés, peut-être plus justifiés d'adopter certaines mesures visées par ce projet de loi.

Quant à moi — je parle en mon nom personnel et non au nom de l'Opposition — à moins que l'on n'apporte certains amendements au bill 72, je me demande quelle sera mon attitude en deuxième lecture.

M. LE PRESIDENT (M. Fréchette): L'honorable député de Matane.

M. Jean Bienvenue

M. BIENVENUE: M. le Président, il y a un peu plus de deux ans, soit le 14 juillet 1967, nous votions en cette Chambre un projet de loi qui, par un curieux hasard, portait le no 71, un chiffre de moins que celui que nous étudions présentement, et traitait du même sujet quant à l'ensemble. J'avais alors eu l'occasion d'exprimer le point de vue de l'Opposition.

Il n'est pas dans mes habitudes de me lire et encore moins de me relire. Je vous avoue que j'ai succombé à la tentation, cette fois-ci, de voir ce que j'avais dit à ce moment-là. J'ai constaté — et je le dis avec modestie — que j'ai de la suite dans les idées et que je suis conséquent avec moi-même. Je me proposais cet après-midi — et je vais le faire — de tenir des propos du genre de ceux que j'ai tenus il y a deux ans. J'entends énoncer substantiellement les mêmes principes, tout en y allant peut-être de quelques suggestions ou idées qui sont de mon cru et d'autres qui me viennent soit d'entretiens récents avec des magistrats fort autorisés, soit du fruit de ma bien modeste expérience de près de 18 ans devant le prétoire.

Comme on le verra, je n'irai pas jusqu'à faire des motions formelles d'amendement de ces suggestions et de ces idées qui me viennent. Je voudrais faire au gouvernement et au ministre de la Justice en particulier des recommandations dont ils pourraient peut-être tenir compte au moment où nous franchirons les étapes de l'adoption de cette loi, et plus particulièrement lors de l'étude en comité plénier. Il est assez difficile de cerner de façon précise le principe même d'un bill de cette nature, parce qu'on a tôt fait de réaliser que son but est de replâtrer différents murs de plusieurs pièces de législation touchant le traitement et le nombre des juges des trois cours dont on parle, touchant leur juridiction et leurs pouvoirs, frôlant au passage la cour du Banc de la reine, les commissaires à l'assermentation et même notre président général des élections, et que sais-je encore?

Toutefois, après avoir déblayé le terrain pour extraire le principe du bill 72 présentement à l'étude, je pense qu'il s'agit de l'importance accrue accordée par le législateur aux trois cours qui ressortent de sa juridiction et de son contrôle, au triple chapitre du nombre, du traitement, des responsabilités, des devoirs et des pouvoirs qui incombent à tous les magistrats qui composent ces trois cours. Je voudrais m'arrêter d'abord à cette augmentation du nombre des magistrats qui composent les trois cours de la juridiction provinciale.

Je dis tout de suite, sans détour, que cette augmentation me paraît parfaitement justifiée par cette vieille théorie dite, si l'on veut, de l'offre et de la demande ou mieux encore du besoin créant la nécessité. Nous connaissons tous cette expression proverbiale — elle est sur bien des lèvres, sur trop de lèvres malheureusement — au sujet de la lenteur de la justice, qu'il s'agisse de justiciables intéressés aux matières civiles ou, comme le disait le

ministre de la Justice avant moi, de matières pénales.

Je m'empresse de dire, cependant, que des progrès considérables ont été réalisés depuis quelques années dans ce domaine, grâce à différents facteurs dont les moins négligeables sont certes l'adoption de législations telles que ce bill 71 dont j'ai parlé précédemment.

Il était le fruit, je tiens à le dire, de l'unanimité de cette Chambre à l'époque ou, mieux encore, grâce au travail inlassable, appuyé par un véritable esprit d'équipe, auquel se sont astreints les juges en chef et les juges puînés des différentes cours qui administrent la justice dans cette province, travail dont j'ai et dont un si grand nombre de plaideurs ont été témoins.

Je ne veux nommer aucun de ces juges en chef puînés pour des raisons manifestes. Et je ne puis chasser de mon esprit le labeur intelligent et les initiatives louables de certains magistrats qui laisseront le souvenir impérissable d'avoir contribué à rendre cette justice, si discutée, efficace, accessible à tous et prononcée dans les meilleurs délais.

L'augmentation du nombre des juges à ces trois paliers accentuera, je pense, de façon appréciable l'expédition des affaires judiciaires dans notre province. Cette augmentation me paraît également parfaitement justifiée par cette autre augmentation, surtout en matière pénale — je fais allusion au niveau de ceux de moins de 18 ans devant la cour du Bien-Etre social et de ceux de plus de 18 ans devant nos tribunaux communs — je dis cette augmentation est justifiée par cette autre, effarante augmentation du crime, cette montée tragique du banditisme et de la violence sous toutes ses formes, lesquels sont bien caractéristiques des périodes de récession économique et de chômage ou encore de léthargie des autorités gouvernementales.

Je pense qu'aucun recul n'est permis, aucune faiblesse ne doit être tolérée, aucun retard ne doit être admis, même sous prétexte de l'insuffisance des juges ou de la saturation des rôles, lorsque les forces occultes ou connues de ceux qui transgressent l'ordre établi et la paix publique se livrent à leurs activités destructives, activités qui détruisent la personne, les biens des individus ou encore ceux de l'Etat.

Cette même augmentation du nombre des juges, j'en trouve également une justification aux matières civiles, dont je voudrais dire un mot très bref à la suite du ministre de la Justice. Ce bill 74 que nous étudierons à brève échéance nous offre ce nouvel article qui a pour but de faire changer la juridiction de la cour Provinciale, ancienne cour de Magistrat, d'un montant de $1,000 à celui de $3,000.

Il est évident que ce changement, cet amendement dans la juridiction de la cour quant au quantum sur lequel elle sera appelée à se prononcer aura pour effet de donner un surplus de travail assez considérable aux juges en matières civiles de notre cour Provinciale, et les faits sont là pour l'établir, il peut y avoir des variantes d'un district judiciaire à l'autre, mais nous savons tous que devant notre cour Supérieure actuelle, et cela avant et sans tenir compte de l'amendement qu'on nous annonce, une proportion variant de 60% à même, parfois, 75% des causes civiles concerne des causes dites d'accident d'automobile.

Or, une autre statistique qui est accessible à tous veut que, sur ces 60% à 75% de causes embourbant le rôle de la cour Supérieure pour des matières d'accident d'automobile, il y en ait une proportion d'environ 50% dans lesquels le montant en litige est de $3,000 ou moins. On peut facilement se rendre compte, à ce moment-là, qu'un pourcentage substantiel des causes qui encombraient les rôles de notre cour Supérieure seront dorénavant portées, entendues et jugées devant notre cour Provinciale. Et je pense que l'augmentation du nombre à ce chapitre est également parfaitement justifié.

Pour ce qui est du traitement, y compris l'augmentation des pensions que l'on nous annonce — donc l'augmentation du traitement et des pensions — je dis que cette augmentation me paraît également justifiée. Je ne voudrais pas revenir sur les raisons que j'avais longuement évoquées il y a un peu plus de deux ans, lors de l'étude du bill 71 dont j'ai parlé. J'ai dit que je voulais être conséquent avec moi-même.

Les raisons qui valaient à ce moment-là n'ont pas changé, sauf en ce qu'elles peuvent être affectées par certaines opinions, certains faits que je voudrais porter à la connaissance de cette Chambre.

Il est manifeste que l'on veut placer nos magistrats provinciaux des trois cours dont il s'agit sur le même pied que les juges qui sont nommés par le gouvernement du Canada. Je n'y vois absolument aucune objection d'ordre rationnel et encore moins d'ordre émotif. De plus en plus, ces cours dites provinciales soulagent les juridictions supérieures d'une partie considérable de leur travail. Il y a de nombreux exemples en matière civile, et j'ai fait allusion il y a un instant à ce bill 74 qui portera la juridiction, quant au quantum, de $1,000 à $3,000 et où dorénavant, comme conséquence directe de ce changement de juridiction — je le dis, qu'on me comprenne bien, je ne dirai rien de plus que ce que je dis et je ne sous-entendrai rien — où dorénavant, dis-je, les juges de notre cour

Provinciale en matière civile devront être soumis eux aussi à la censure de la cour d'Appel, et l'étant, devront nécessairement mettre autant de soin, autant de zèle, autant de préparation et autant de compétence dans les jugements qu'ils rendront sur les litiges qui leur seront soumis.

En matière criminelle ou pénale, et sans mettre de côté ce qu'a dit le ministre de la Justice au sujet du plus grand nombre de cours d'Assises qu'il veut faire organiser ou mettre sur pied à Montréal, mais parlant de l'ensemble de la province, je dis qu'en matière pénale, nos cours d'Assises en général — et je ne parle pas toujours de Montréal — sont devenues de plus en plus, ou de moins en moins si l'on veut, des ateliers de justice moins fréquentés et dont les murs deviennent de plus en plus les témoins historiques et parfois nostalgiques, et j'avoue que je participe parfois à cette nostalgie, les témoins historiques, dis-je, de grands procès fracassants du passé ou pour lesquels de brillants plaideurs ont contribué, autant par leurs intonations sonores que par la froide logique, à des instances où le spectaculaire l'emportait souvent sur le judiciaire.

Les prévenus, les accusés et leurs procureurs, étant modernes, n'échappent pas 9. cette règle nouvelle du sens pratique, du sens expé-ditif, s'accommodant souvent plus du résultat simple et concret que des moyens complexes et incertains. Aussi optent-ils pour des procédés plus rapides devant des tribunaux plus accessibles présidés par des juges aussi compétents et aussi justes et aussi assidus au travail que tous les autres magistrats des juridictions supérieures.

Je ne veux pas revenir sur mes propos d'il y a deux ans mais, succinctement, je désire rappeler que nos juges provinciaux siégeant en matière pénale exercent des responsabilités quotidiennes parfois et fort souvent aussi grandes et même plus terribles que celles de leurs collègues dont je viens de parler. En effet, alors que, plus souvent, ces derniers, ceux de la cour du Banc de la reine, ceux de la cour Supérieure, n'exercent que la fonction quasi unique de diriger en droit des corps de jurés et de prononcer des sentences, les premiers, ceux qui sont intéressés par ce projet de loi, cumulent le double mandat de rendre une justice totale, soit si l'on veut, de croire ou de ne pas croire, d'acquitter ou de condamner et, dans ce dernier cas, d'imposer des sentences allant parfois jusqu'à priver des individus de leur liberté pour la vie.

Quant aux juges de la cour du Bien-Etre social dont on a parlé avant moi, j'ai déjà eu l'occasion de dire en cette Chambre, et je tiens à redire aujourd'hui, que leur responsabilité et l'ampleur de leur travail ne sont pas moins importantes. Tous savent qu'ils reçoivent devant eux, ces juges de la cour dite du Bien-Etre social, le criminel en herbe et même parfois hélas, le criminel qui est déjà reconnu comme tel alors qu'il est âgé de moins de 18 ans.

Très souvent, selon la façon dont la justice aura été comprise et rendue par ces juges de la cour du Bien-Etre social, dépendra la vie de citoyens honnêtes, d'un adolescent ou sa chute irréversible sur la pente fatale de la criminalité.

Les crises que traverse notre société comptemporaine — pas seulement au Québec, Dieu merci — crises engendrées ou aggravées par l'usage et la consommation répandue des narcotiques chez les jeunes...

M. LAFRANCE: Les boissons alcoolisées.

M. BIENVENUE: Mon collègue de Richmond m'a volé les paroles de la bouche, M. le Président... engendrées par la juste contestation dégénérant en violence, bris d'édifices, explosions de bombes, glorification de criminels prenant figures de vedettes, sédition et courses folles à la révolution contre l'ordre établi ou la guerre civile, tout cela sous l'oeil encourageant de certaines émissions du réseau français de Radio-Canada, ces crises, dis-je, ajoutent de façon bouleversante aux immenses responsabilités des magistrats de cette cour qu'un trop grand nombre d'individus et même de juristes voient d'un oeil insouciant et même moqueur.

Je formule donc la proposition suivante, M. le Président: A travail égal, responsabilités égales, traitement égal, respect égal pour ces magistrats de nos cours provinciales. On entend parfois des récriminations. Le ministre de la Justice vient d'en faire état. On parle d'incompétence, on parle de manque d'ardeur au travail, et que sais-je encore? Je ne connais point, M. le Président, de professions — les députés n'échappent pas à la règle — les médecins...

M. LAFRANCE: Les avocats.

M. BIENVENUE: ... les avocats, pour faire plaisir à mon ami, le député de Richmond, je ne connais point de profession ou de discipline parfaite. Je sais cependant que c'est au prix de bien des facteurs, de bien des considérants que l'on obtient plus de compétence, plus d'efficacité dans la vie. L'un d'entre eux, et non le moindre de ces considérants, c'est celui du

traitement accordé. Nous attirerons, M. le Président, de meilleurs juristes vers nos tribunaux lorsque les sacrifices nombreux qu'ils s'imposent trop souvent seront allégés par l'assurance d'émoluements un tant soit peu, plus compétitifs. J'ai parlé de sacrifices. Je ne veux pas toucher à tant d'autres problèmes auxquels mon collègue, le député de Richmond, a touché brièvement, tant d'autres problèmes qui se posent aujourd'hui à notre magistrature et qui me font dire d'elle qu'elle exige souvent de ses membres un véritable esprit de renoncement quand ce n'est pas davantage, quand ce n'est pas d'aller jusqu'à endurer l'injure, l'insulte ou l'opprobre. Enfin, M. le Président, j'avais dit au début — et je le ferai très, très rapidement — que je voulais formuler quelques suggestions avant que nous traversions toutes les étapes de la procédure pour l'adoption de ce bill.

Mes suggestions, et je n'en fais pas, évidemment, une motion d'amendement, ont trait en particulier à la cour des Sessions de la paix et à la cour Provinciale qui sont directement intéressées par notre projet de loi actuel.

Nous savons tous — et le ministre de la Justice le sait mieux que moi, M. le Président — qu'en vertu du chapitre 20 des Statuts refondus de 1964, qui constitue la grande charte de cette cour des Sessions de la paix, le juge en chef de cette cour n'a sur ses membres, sur ses juges, que des pouvoirs de surveillance et de contrôle. Je sais que des situations assez délicates sont survenues et pourront encore survenir, situations qui placent le juge en chef de cette cour dans une position où ses responsabilités, son contrôle se limitent à la surveillance, à l'incitation, et rien davantage. Si l'on pouvait ajouter a ces pouvoirs des pouvoirs que je ne craindrais pas d'appeler des pouvoirs de coercition pour le juge en chef, je pense qu'on faciliterait grandement son travail et qu'on obtiendrait des résultats beaucoup plus positifs dans l'administration de cette cour.

Il ne serait pas anormal, M. le Président, alors que vous êtes président en quelque sorte ici d'une Chambre législative et que vous avez des pouvoirs coercitifs — je ne voudrais pas vous mettre à l'épreuve de ce côté — que le juge en chef d'une cour aussi importante que celle-là puisse bénéficier de tels pouvoirs.

Une autre suggestion qui me venait à l'idée — et je m'adresse surtout au ministre de la Justice — serait celle qui tendrait, dans cette province, à la séparation de la juridiction civile et de la juridiction pénale, lorsqu'on parle de notre cour Provinciale. Nous savons tous que notre cour Provinciale a une juridiction mixte, une juridiction double dans certains districts — je pense surtout aux districts ruraux— par laquelle ses membres administrent la justice tant criminelle que pénale. Je verrais d'un bon oeil — c'est une bien modeste suggestion que je fais au ministre en cette Chambre — que, dorénavant, seule la cour des Sessions de la paix administre la justice pénale dans cette province y compris dans les districts ruraux, mais que, grâce à l'augmentation du nombre de ses juges, grâce à des dispositions administratives nouvelles, l'on puisse, deux fois par mois, faire siéger ses membres dans les districts ruraux, même les plus éloignés, afin de libérer les rôles qui sont déjà fortement encombrés.

M. le Président, je fais cette suggestion — et je le dis au ministre de la Justice — parce que je ne crois pas au génie transcendant, je ne crois pas à ces magistrats qui possèdent avec une égale compétence la science de deux matières, de deux champs d'activités juridiques tellement différentes; celui du civil et celui du pénal. D'ailleurs, je pense qu'il devrait en être ainsi à tous les paliers de la justice dans la province et dans le pays. Je pense qu'un jour la cour du Banc de la reine devrait subir, elle aussi, cette division quant aux matières afin que les causes criminelles ou pénales ne soient entendues que devant cette section, si je peux l'appeler ainsi, de la cour du Banc de la reine, composée, comme on le sait, de juges de notre actuelle cour Supérieure.

La cour d'Appel, je le sais, a fait elle-même dernièrement, des remarques au sujet de ce partage des juridictions ou des compétences chez nos cours de juridiction de droit commun.

Enfin, M. le Président, ce sera ma dernière suggestion: mon collègue, le député de Richmond, y a fait une brève allusionprécédemment. On sait qu'actuellement, en vertu des dispositions de l'article 73 de la Loi des tribunaux judiciaires, chapitre 20 toujours, les juges de ces cours peuvent, avec la permission du procureur général, s'occuper d'organismes d'arbitrage privés. L'on me rapporte — et je crois ne pas me tromper en l'affirmant — qu'à toutes fins utiles cette permission-là n'est pas demandée au procureur général et que cet article ne reçoit pas d'application. Je verrais d'un bon oeil — là aussi, je le dis bien humblement — que dorénavant ou cet article reçoive pleinement son application et cela, évidemment, via le juge en chef de la cour concernée ou mieux encore soit abrogé complètement. En effet, nos magistrats et nos juges de juridiction provinciale ont déjà suffisamment de travail; ils seront en nombre suffisant et auront un traitement suffisant pour

accomplir à la satisfaction des justiciables le travail qui ressort normalement de leur juridiction.

M. le Président, je le dis sans détour, je ne me pose pas de question; je voterai pour le principe que j'ai dégagé de ce projet de loi no 72. Evidemment, certains de mes collègues ont fait et feront des réserves. Je leur en reconnais, Dieu merci, le droit absolu et je respecte ces réserves. Je crois que, face à ce projet de loi, pour les raisons que j'ai exposées et pour les motifs dont j'ai traité, il ne devrait pas être du devoir ou du lot de l'Opposition de mettre des bâtons dans les roues du gouvernement pour cette législation quant à son principe et que nous devrions laisser le gouvernement prendre ses responsabilités et adopter ce projet de loi dans l'intérêt supérieur des justiciables de cette province.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourassa.

M. Georges-E. Tremblay

M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, vous conviendrez avec moi que ce n'est pas avec un goût sucré que je me lève, cet après-midi, pour parler du bill 72. Mais, par contre, je me verrais manquer à mes devoirs envers les citoyens de mon comté, les électeurs du comté de Bourassa, si je ne participais pas à ce débat.

Je dois d'abord vous dire que je suis entièrement d'accord pour reconnaître que, dans notre province, nous avons besoin de juges, tant dans nos cours Provinciales que dans celles du Bien-Etre social et celles des Sessions de la paix. Je vois très mal qu'on nous présente un projet de loi comme celui-ci dans les années difficiles que nous traversons, à un moment où les taux de chômage s'élèvent constamment dans toutes les régions du Québec et que la majorité des travailleurs doit se contenter d'un salaire moyen de $3,000 par année. Et je suis très libéral du côté des salaires.

Alors que tous les Parlements prennent des mesures pour réduire l'inflation, nous pouvons nous vanter de payer les taxes les plus élevées dans tout le Canada. Nous pouvons également affirmer que l'administration du gouvernement du Québec a atteint le plus haut niveau au pays, au point que nous finançons nos emprunts au taux de 11%.

A ce moment précis où on nous présente un bill qui occasionnera des dépenses, je ne dirai pas supplémentaires, mais exorbitantes et scandaleuses, on nous demande d'accepter ces dépenses, mais pas pour venir en aide à nos assistés sociaux. On vient de passer un bill hier, et on donne ça à nos assistés sociaux à la petite cuillère à thé. Là, ce n'est pas pour ça, c'est pour d'autres personnes, non pour les infirmes qui sont au crochet de leur famille ou de leurs amis qui n'en ont même pas assez pour se subventionner eux-mêmes, non pour les malades mentaux que les parents sont incapables de placer dans les hôpitaux... Non pas pour amener de nouvelles industries destinées à relancer notre économie. Non pas pour les mères de famille qui, avec deux enfants, doivent vivre avec une maigre pension de bien-être social, de $145 par mois, montant sur lequel elles doivent payer un loyer de $75 a $85 par mois. Le chauffage, le téléphone, et manger trois repas par jour. Non pas pour ceux-là, M. le Président. Ceux-là, on les oublie. Non pas pour les travaux d'hiver dans les municipalités où on pourrait intervenir en donnant un peu plus d'argent pour aider ces municipalités à engager des personnes sans travail. Non pas pour ceux-là. Non pas davantage pour donner du travail aux personnes en chômage.

M. le Président, on nous demande d'accepter ce bill pour augmenter messieurs de la magistrature. Je sais qu'ils font un travail sérieux. Je n'en discute pas. Mais personne ne les force à accepter le rôle de magistrat. D'ailleurs, tous les membres dans cette Chambre sont au courant qu'il y a des listes assez chargées qui attendent. Je ne dirais pas qu'ils ont toutes les compétences, mais je suis au courant moi-méme qu'il y a des listes assez chargées qui attendent ceux qui peuvent en sortir si ce n'est pas assez payant.

Lors des élections générales — et ça me choque un peu, c'est pour ça que j'interviens dans ce bill-là — on a embrassé les pauvres contribuables, les pauvres citoyens, le petit salarié, on les a embrassés pour gagner ses élections, et maintenant on couche avec les gros et on les protège. C'est ça que nous donne ici, au Québec, le gouvernement d'aujourd'hui.

Ce bill porte les salaires des juges en chef de $25,000 à $32,000, c'est-à-dire $7,000 d'augmentation.

M. PAUL: M. le Président, je suis obligé ici, en vertu de l'article 270, de faire un rappel au règlement. Tout d'abord, l'augmentation des juges n'est pas de $25,000 à $32,000. L'augmentation des juges est de $23,000 à $28,000.

M. TREMBLAY (Bourassa): Les juges en chef...

M. PAUL: Et pour les juges en chef seulement à $32,000. Ce qui ne constitue que quelques exceptions...

DES VOIX: C'est ce qu'il a dit...

M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, je ne suis jamais intervenu, moi, auprès du ministre quand il parle. Qu'il me laisse faire mon discours; après ça, il fera ses remarques. Quand est-ce que je me lève en Chambre pour intervenir auprès d'un ministre? Jamais. Je le laisse parler. Bien, qu'on me laisse parler; après ça, il posera ses questions.

M. le Président, le salaire des juges en chef — je vais recommencer, ça va faire plaisir à l'honorable ministre que je mette les points sur les « i » — passe de $25,000 à $32,000. Cela veut dire $7,000 d'augmentation. Quant à la pension, avec les années, de$16,000, elle sera augmentée à $18,000.

Pour ce qui est des juges de nos trois cours, Bien-Etre social, Provinciale et Sessions de la paix, leur salaire sera porté de $23,000 à $28,000: augmentation de $5,000. Leur pension, avec les années, ira de $14,000 à $16,000. Que dire des frais de voyages qui seront portés de $30 à $35 par jour?

Est-il nécessaire d'ajouter que la cour siège à dix heures le matin? Je comprends que M. le Juge est obligé de partir de chez lui et qu'il lui faut peut-être se lever à neuf heures. Par contre, il y en a d'autres qui doivent faire la mime chose pour aller travailler. Dans l'après-midi, ça va jusqu'à quatre heures et demie, peut-être cinq heures. Cinq heures, c'est tard. Si nous allons à la cour à Montréal, cinq heures, c'est très tard. Il ne faudrait pas oublier le lunch. Il faut qu'ils mangent, c'est sûr, mais ce n'est pas trente minutes. Je pense que nous allons nous entendre; c'est un peu plus que trente minutes.

Alors, on dit qu'ils vont travailler davantage. Il ne faut pas se conter des histoires, M. le Président. Ils ne pourront pas entendre plus d'une cause à la fois; il faut bien se rendre compte de ça.

Alors, nous disons qu'ils vont travailler davantage, mais ils ne siègent pas tous les jours. Alors, la journée où ils ne siègent pas, ils ont le droit, je crois, de préparer leur jugement sur certaines causes.

Le salaire d'un juge, vous savez, si nous le comparons avec celui d'autres personnes de la population qui ont aussi un travail sérieux, est de $1,916.80 par mois et ils ont la possibilité de rester en fonction jusqu'à l'âge de 70 ans. Mais, ils peuvent se retirer égale- ment après vingt ou vingt-cinq ans de service. Pour établir une comparaison, songeons aux propriétaires de petites entreprises, de petites industries, qui travaillent de quinze à dix-huit heures par jour, qui paient de plus en plus d'impôts, des taxes de toute nature et qui, à l'âge de 60 ans, ne peuvent pas jouir d'une pension raisonnable.

Que dire des cols blancs, des cols bleus, des professeurs de nos universités, de nos CEGEP, qui, bien qu'ils possèdent 18 ans, 19 ans et parfois 20 ans et plus de scolarité, auront une pension qui n'atteindra pas la moitié de celle de ces messieurs de la magistrature?

MM. les Juges se sont-ils arrêtés un instant pour penser que, dans notre société actuelle, des hommes et des femmes de 45 ans, même avec une très bonne formation, sont incapables de trouver le moindre emploi? Pour ma part, je trouve qu'un traitement de $23,000 annuellement est fort juste et raisonnable. En raison même du climat économique difficile de la province de Québec, je demanderais à MM. les juges de comprendre que le moment est très mal choisi pour envisager une augmentation de cette importance, soit de $5,000 à $7,000 annuellement, pour un nombre approximatif de 250 juges, ce qui comporterait une dépense additionnelle pour la province de $1,250,000, sans compter la majoration de la pension pour tous.

Je suis assuré qu'à ce moment-ci il est impossible, pour des députés qui prétendent être de bons administrateurs, d'accepter ce bill. Il faut également songer à l'économie qui est à la baisse partout dans la province et aux difficultés énormes qui touchent toutes les classes de la société.

Les agriculteurs, à l'heure actuelle, tirent le diable par la queue, surtout depuis qu'ils ont vu leurs subsides diminués de la part d'Ottawa. Les petites industries font des tours de passe-passe — il ne faut pas se le cacher — pour réussir à se maintenir. Comme j'en ai parlé il y a quelques instants, les cols bleus et les cols blancs, les employés d'hôpitaux, les professeurs, les policiers, les pompiers, les travailleurs syndiqués dans d'autres régions, enfin, tous ceux qui ne sont pas syndiqués ont toute la peine du monde à obtenir une misérable augmentation de $4, $5, $6 ou $7 par semaine.

Actuellement, les contribuables ont peine à faire face à leurs obligations. Pour eux comme pour messieurs les juges, le coût de la vie ne cesse de s'accroître. Quand on voit dans les épiceries le prix du pain, du lait, du beurre et de la

viande qui est très élevé dans toute la province, ces prix sont pour toutes les classes de la société.

Qu'ils soient magistrats, qu'ils soient chauffeurs de camion ou ouvriers, le beurre est au même prix, $0.75 ou $0.80 la livre. Afin de vous convaincre du bien-fondé de mes objections à ce bill, je pourrais allonger indéfiniment la liste des défavorisés qui verront d'un mauvais oeil qu'une classe déjà privilégiée soit encore plus protégée. On parle de justice, il faut être juste pour toute la population.

Je suis assuré que vous, M. le Président, et messieurs les ministres comprendrez que pour toutes les considérations énumérées, gardant toujours en vue l'état financier et économique de la province et le bien commun général, je me verrai forcé en mon nom personnel, de voter contre le projet de loi no 72.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député des Iles-de- la- Madeleine.

M. Louis-Philippe Lacroix

M. LACROIX: M. le Président, je ne prétends pas me faire le défenseur des avocats et des juges. Je crois qu'ils ont la compétence voulue pour se défendre seuls. Actuellement, comme dans toutes les classes de la société, on se plaint tellement de l'administration de la justice que je crois qu'il y a lieu d'étudier sérieusement la situation et de ne pas oublier que si nous voulons que la justice soit bonne, il faut qu'elle soit rendue par des gens compétents.

Les bons avocats quitteront leur étude pour accepter de monter sur le banc si nous leur versons une rémunération raisonnable et correspondant à leurs qualités. Le bill no 72, à mon humble avis, ne doit pas être une possibilité, pour certaines personnes, de pêcher en eaux troubles. Il ne faut pas profiter de cette loi pour alimenter une lutte de classes qui ne pourrait que servir les intérêts des agitateurs professionnels qui ne peuvent eux-mêmes se satisfaire d'un revenu moindre que celui qu'on propose de verser actuellement aux juges.

Je me demande, étant donné que les juges ne peuvent absolument pas exercer un autre travail que celui de juge, qu'ils ne peuvent exploiter aucun commerce ni maintenir leur étude, je me demande, si la même obligation était faite aux députés de s'en tenir uniquement à leur seul revenu de députés, s'il n'y aurait pas des personnes qui reviseraient leur jugement. Les économiquement faibles, les moins bien nantis ne sont-ils pas ceux qui comptent le plus sur des juges impartiaux et compétents? Un juge doit pouvoir compter recevoir un salaire raisonnable. Je pense que ce n'est que justice pour ces gens à qui l'on demande d'être savants, d'être toujours présents et d'avoir un excellent jugement. Le juge, comme tous les autres travailleurs, a deux partenaires qui partagent avec lui son salaire, soit les gouvernements fédéral et provincial.

Sur le salaire de $28,000 que nous verserons au juge, celui-ci devra verser environ $10,000 aux trésors fédéral et provincial. Il lui restera environ $18,000 pour son travail. Je crois qu'un juge a droit à un niveau de vie raisonnable de même que sa famille, sa femme et ses enfants. On parle toujours de M. le juge, des enfants de M. le juge, de la famille de M. le juge. Ils doivent avoir un standard de vie raisonnable et correspondant au niveau social qui est le leur.

Je comprends que la situation économique de notre province n'est pas des plus favorable. Mais l'augmentation du coût de la vie, des impôts, des obligations sociales atteint les juges comme toutes les autres classes de la société. On ne paie jamais trop cher de bons serviteurs. Il ne s'agit que de choisir les meilleurs avocats pour faire de bons juges; et les meilleurs avocats n'accepteront de monter sur le banc qu'en autant que leur compétence sera rémunérée à sa juste valeur.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. Yves Michaud

M. MICHAUD: M. le Président, il y a deux aspects fondamentaux dans ce projet de loi qui est soumis à l'adoption de l'Assemblée nationale. L'étude la plus rapide et je dirais la moins attentive révèle qu'il y a là deux volets. Le premier concerne l'augmentation du nombre de juges afin d'expédier et d'accélérer les méthodes et les moyens qui rendent la justice au Québec, et le second vise à donner à ceux qui exercent la fonction de juge des traitements supérieurs à ceux qu'ils possèdent déjà.

Ce sera là, M. le Président, un bel exemple pour faire fonctionner cet article de notre règlement qui prévoit, dans certains cas, que l'on peut scinder un bill en deux parties lorsque le Parlement décide qu'il pourrait en adopter une et en rejeter une autre, il me semble que cet article pourrait s'appliquer dans l'étude du présent projet de loi. Car s'il est manifeste que nous avons besoin d'un nombre additionnel de juges pour accélérer l'audition des causes, il est, par ailleurs, moins manifeste que les traitements des juges doivent être augmentés à ce

moment-ci, et surtout dans une période où l'économie québécoise connaît des périodes d'essoufflement notoire...

Or, M. le Président, ces deux aspects font que nous sommes assez partagés quant au vote que nous allons donner. Puisque, rejetant la partie, nous ne pouvons accepter le tout, il y aurait peut-être lieu, encore, je le répète, d'appliquer cet article de notre règlement.

Il y a bien sûr, quand on discute de choses aussi sacro-saintes et taboues que l'administration de la justice chez nous, des gens qui diront qu'à chaque fois que l'on ose s'attaquer à l'ordre établi, l'on remet en question les fondements mêmes sur lesquels notre société repose.

Pour ma part, bien qu'à l'occasion on puisse me tancer du fait que je remets en question des institutions, j'ai toujours éprouvé, pour ceux qui sont commis à cette redoutable fonction de rendre la justice des hommes, un inconditionnel respect. J'essaie, comme tout le monde, de me comporter en honnête citoyen, respectueux de la loi et de ceux qui sont chargés d'en actionner les mécanismes administratifs.

Mais, M. le Président, il faut quand même nous poser des questions en fonction du mandat que nous avons reçu ici de légiférer en fonction des intérêts de l'ensemble. La démonstration du ministre de la Justice, parrain du projet de loi, ne m'a pas convaincu du bien-fondé de l'augmentation de traitement des juges, encore que sa démonstration ait été fort pertinente et fort intelligemment défendue pour ce qui concerne le problème de l'augmentation du nombre des juges au Québec.

Il y a là un problème fondamental et je me réfère à quelques dossiers, quelques documents qui ont été publiés il y a quelques mois sur le pourcentage d'occupation des salles d'audience des tribunaux dans le Québec, tant à nos cours de la Vieille Capitale que dans nos cours à Montréal. Je voudrais pouvoir voter, en toute intelligence et en toute connaissance de cause, sur des faits précis. Quel est le pourcentage exact d'occupation de nos salles d'audience? C'est-à-dire est-ce que les juges, dans l'état actuel des choses et tenant compte de la situation réelle et concrète, effectuent le travail que, normalement, la société s'attend qu'ils doivent faire?

Le ministre de la Justice a parlé, et je pense bien que nous concourrons dans cette affirmation, qu'il y a dans ces retards inqualifiables apportés à rendre la justice, des citoyens qui sont considérablement lésés dans leurs droits les plus naturels et dans leur droit d'avoir une justice pleine et entière.

Lorsque le ministre, parrain du projet de loi, parle du fait que « to delay justice is to deny justice », je pense qu'il a raison et qu'il touche là l'un des problèmes les plus cruciaux de l'administration de la justice au Québec. Bien sûr, s'opposer à une loi qui, d'une part, prévoit une plus-value du traitement de la magistrature, c'est y aller à nos risques et périls, c'est nous faire accuser facilement d'être des démagogues, de vouloir exploiter les instincts les plus bas de la population, de mettre en parallèle les classes les unes contre les autres, c'est encourir le risque de nous faire accuser de réveiller chez les moins nantis, chez les moins riches, ceux qui souffrent — par rapport à ceux qui en ont plus — des instincts de contestation qui pourraient, lorsqu'ils sont trop exacerbés, verser dans la démesure et dans l'exagération. Aussi, ce n'est pas sans réserve que nous abordons ce problème de la critique de cette institution sacro-sainte et taboue, je le répète, de notre société québécoise.

Il y a le danger de nous faire traiter d'iconoclastes et de briseurs d'idoles, de nous faire accuser de mettre en danger et en cause les fondements et les piliers de l'administration de la justice. Mais, devons-nous pour autant, courant le risque de ces accusations faciles et grossières, hésiter à demander des comptes à ceux-là qui, magistrats, juges, commis à la justice, sont chargés d'administrer en notre nom et de rendre la justice des hommes en notre nom, c'est-à-dire au nom des élus du peuple? Devons-nous maintenir cette atmosphère feutrée de silence et parfois de conspiration à l'endroit de ceux-là qui, sur le banc, rendent la justice? N'ont-ils pas à nous rendre compte ici, à nous, les élus, du travail qu'ils effectuent dans toutes les cours de justice, à tous les niveaux et à toutes les instances? Quelles garanties avons-nous que, dans l'état actuel des choses, les intérêts de la justice et du peuple sont servis dans des conditions maximales ou je dirais même normales d'efficacité? Lorsque le ministre de la Justice lui-même dit que dans certains cas il y en a trop qui préfèrent le golf au banc, il touche là un problème, et ça éveille chez moi les mêmes échos, les mêmes interrogations que ça éveille chez lui. Lorsqu'il affirme qu'il s'agit là d'un déni de justice, l'affirmation est grave; lorsque le ministre de la Justice parle du problème, celui-là aussi est extrêmement grave, des compagnies d'assurances qui chez nous, grâce aux artifices de la loi et à une spéculation honteuse de la procédure devant nos tribunaux, peuvent retarder trois, quatre, cinq, six, sept ans l'audition des causes lorsqu'il y a des victimes qui attendent le paiement d'indemnités lorsqu'un jugement en première ins-

tance a reconnu le bien-fondé de leur réclamation, il y a là un problème qui touche aux libertés les plus fondamentales du citoyen. N'y aurait-il pas lieu de faire en sorte que l'on puisse augmenter le nombre de juges de telle sorte que l'on puisse éviter ce goulot d'étranglement des causes qui sont stoppées entre le tribunal de première instance et la cour d'Appel ou la cour Suprême lorsque les montants sont importants? Ce problème des compagnies d'assurance, on pourra discuter sur la façon de le régler, c'est-à-dire par le moyen d'un amendement au code civil au sujet du taux d'intérêt ou par le moyen qu'a suggéré le ministre de la Justice, l'essentiel n'étant pas de réussir ou de gagner des victoires parlementaires, mais de faire en sorte que cette question soit réglée une fois pour toutes et que ceux-là qui n'ont que leur propre voix pour se défendre contre les hautes puissances de l'argent puissent avoir véritablement justice et ne pas attendre des années entières que les jugements de cour d'Appel ou de cour Supérieure ou de cour Suprême viennent confirmer leurs droits.

Mes propos seront brefs. J'ai dit au tout début — et je le répète — que, pour ce qui concerne l'augmentation du nombre de juges, je ratifiais, parlant en mon nom personnel, bien sûr, cette proposition qui m'apparaît compatible avec les intérêts supérieurs de la justice québécoise.

Ne pourrions-nous pas — j'en fais simplement une suggestion, quitte à ce qu'elle pénètre dans les cerveaux — pendant une période d'un an, disons, effectuer un certain moratoire? Le projet de loi 72 prévoit l'augmentation de dix juges. Avec les augmentations prévues au salaire des juges — il y a 250 augmentations de $5,000 — nous avons là un réservoir de $1,250,000. Les fonds publics ne seraient-ils pas mieux dépensés si, à même ces $1,250,000, le ministère de la Justice et le lieutenant-gouverneur en conseil, par le truchement des consultations avec le Barreau, augmentaient le nombre de juges dans la même proportion que les augmentations sont suggérées par le projet de loi 72? Ce qui veut dire que la magistrature québécoise pourrait voir ses rangs passer de 250 à 300.

Si je divise $1,250,000 par la somme augmentée, $5,000 nous en arrivons à ce calcul d'une cinquantaine de juges qui pourraient être, demain, une fois ce projet de loi adopté, nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil et qui pourraient s'attaquer aux problèmes dont a parlé avec vérité le ministre de la Justice. Ce serait là régler une situation ou, à tout le moins, diminuer, d'une façon beaucoup plus efficace, beaucoup plus dynamique, les causes qui sont actuellement pendantes devant les tribunaux. Je n'ai pas fait le calcul, mais le ministre de la Justice a parlé de milliers de causes qui, à l'heure actuelle, sont pendantes devant les tribunaux. Je fais simplement cette proposition. Ces $1,250,000, puisqu'ils existent dans les fonds publics, ne seraient-ils pas mieux consacrés à l'augmentation du nombre de juges au prorata de la somme, quitte à ce que, dans un an, nous puissions voter cette augmentation qui est actuellement demandée par le ministre, parrain du projet de loi?

Il n'y a pas, que je sache, péril en la demeure. Cela ne presse pas d'augmenter le salaire des juges. Nous pourrions attendre cette année, et, l'an prochain, voyant les progrès qu'auront pu accomplir à la fois le ministère de la Justice, les procureurs permanents de la couronne et les juges eux-mêmes, nous pourrions, si l'intérêt supérieur de toute la collectivité québécoise est bien satisfait, voter cette augmentation qui pourrait être assortie, à ce moment-là, de chiffres sur le travail des juges, sur le nombre de causes qu'ils entendent par semaine ou par mois, puisque nous avons le droit fondamental de demander et d'exiger des comptes au niveau de la magistrature. C'est la proposition, M. le Président, qui me semblerait, dans les circonstances, la plus logique, la plus intelligente et la plus compatible avec les intérêts supérieurs, je le répète, de la collectivité québécoise dans son ensemble.

Les députés doivent toujours, ce me semble, légiférer non pas en fonction des intérêts immédiats d'un groupe de citoyens, mais en tenant compte des impératifs de l'ensemble des citoyens qui composent le corps social.

Je crois honnêtement que cette proposition devrait être agréablement reçue, qu'elle pourrait constituer une amorce, une tentative de solution à ce problème d'engorgement et de goulot d'étrangelement des causes devant nos cours. Finalement, si cette suggestion était acceptée, elle pourrait servir les fins ultimes de toute la société québécoise, d'une part, et aussi celles de la justice. Si cet amendement n'est pas apporté, si cette suggestion est déclarée irrecevable ou si le ministère public décide qu'elle est frivole ou farfelue, je me verrai dans l'obligation, en toute conscience, de voter contre le projet de loi 72.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Deux- Montagnes.

M. Gaston Binette

M. BINETTE: M. le Président, je n'ai pas l'intention de répondre aux remarques du député de Bourassa ni du député de Gouin. C'est leur

droit de s'exprimer et je les al écoutés avec beaucoup d'attention.

Voici quelques remarques d'ordre très général que J'ai l'intention de faire sur ce projet de loi. Le banc étant inaccessible aux notaires, c'est avec toute l'objectivité dont je suis capable que je ferai ces quelques brèves remarques d'ordre général sur le projet de loi no 72, Loi modifiant de nouveau la loi des tribunaux judiciaires. Il s'agit d'un projet de loi qui, en fait, intéresse toute la communauté parce qu'il permet la présence d'un plus grand nombre de juges pour assurer une justice plus expéditive et parce qu'il revalorise cette haute fonction par une rémunération plus adéquate et une sécurité plus avantageuse à la retraite. Rémunération et sécurité qui doivent correspondre le mieux possible à la responsabilité considérable qui incombe à cette fonction.

Je pense, contrairement au député de Bourassa, qu'il est sain et profitable pour les citoyens de cette province de permettre dans un domaine aussi important que celui de l'administration de la justice, le meilleur rendement possible. Les délais encourus devant nos tribunaux sont préjudiciables. Si le nombre des juges est insuffisant, comme l'a prouvé le ministre de la Justice, il est évident qu'il faut y remédier pour la protection non seulement du gros contribuable, pour employer une expression chère au député de Bourassa, mais aussi et surtout, et plus souvent qu'autrement, pour protéger le petit contribuable qui attend que justice soit rendue ou soit faite dans sa cause.

D'autre part, M. le Président, la hausse du coût de la vie depuis quelques années impose, je dirais, une certaine réforme des traitements et des moyens de sécurité pour ces personnes qui rendent un service essentiel à la société. S'il en était autrement, il ne serait pas possible d'intéresser à ces fonctions des avocats qui possèdent véritablement les qualifications requises. Je pense en particulier au tribunal du travail qui est une institution nouvelle qui requiert ou requerra la présence de juges provinciaux spécialisés en droit du travail.

Ceux qui se scandalisent de cette augmentation du traitement et de la sécurité des juges — je ne leur nie pas ce droit — mais j'ai l'impression que ces députés semblent oublier que les juges ne travaillent pas seulement quand ils sont sur le banc, mais qu'ils ont des jugements à rédiger, qu'ils sont souvent obligés de travailler tard dans la nuit pour préparer, étudier et rédiger les jugements qu'ils doivent rendre le lendemain ou dans les quelques jours qui suivront. C'est une responsabilité morale considérable.

C'est un peu comme le député, d'ailleurs. Son travail n'est pas représenté par sa seule présence en Chambre, ce que beaucoup de gens, malheureusement, croient. Je dirai même que beaucoup de journalistes le croient. La fonction de député requiert que cet homme représente son comté dans plusieurs milieux, que cet homme travaille, je ne dirai pas jour et nuit, mais à longueur de semaine, sept jours par semaine, pour rencontrer ses électeurs, pour être capable de leur donner le service qu'on requiert de lui. C'est du travail qui ne paraît pas nécessairement en Chambre et que souvent les journalistes ne volent pas, ne connaissent pas ou font semblant de ne pas connaître.

M. le Président, je ne veux blâmer personne, mais je tenais à faire ces quelques remarques qui, je crois, pouvaient être dites par une personne qui, en toute objectivité, pouvait le faire car, comme je le signalais au début, je n'ai aucune prétention au banc. C'est pourquoi, même si je n'ai aucune prétention au banc, je voterai en faveur de ce projet de loi qui, je crois, est dans l'intérêt de la population du Québec.

DES VOIX: Très bien.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Claire Kirkland-Casgrain

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Vous permettrez à un disciple de Thémis, une autre, parce qu'il y en a d'autres qui ont parlé, qui a exercé sa profession pendant neuf ans et qui a, par la suite, substitué la politique àl'exercice du droit, pendant le même nombre d'années, de s'exprimer sur l'un des points soulevés dans le bill 72, c'est-à-dire l'augmentation du salaire des juges.

Peut-être devrais-je immédiatement informer cette Chambre que je n'ai pas l'ambition d'être nommée juge. Non seulement je n'ai pas l'ambition d'être nommée juge, mais si cela m'était offert aujourd'hui, et Je peux parler également pour l'avenir, je refuserais. Je refuserais parce que, d'une part, je considère que si je cessais mon travail, comme représentante à l'Assemblée nationale, je préférerais retourner à l'exercice de la profession légale où Je serais mon propre chef et où la profession serait exercée à ma guise et pendant les heures de travail de mon choix. Ce qui me donnerait beaucoup plus d'argent, serait sûrement plus lucratif et cela me permettrait de choisir les heures que je pourrais consacrer à mes enfants.

Ceci étant dit, je me demande si certains opinants dans ce débat pourraient répondre à la question suivante: Pourraient-ils vivre sur les salaires de députés à l'Assemblée nationale s'ils n'avaient pas le revenu d'un commerce ou de capitaux accumulés?

M. LAFRANCE: Est-ce que le député me pose la question?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Il y a eu plusieurs opinants... Je ne m'adressais pas, en la posant, particulièrement à mon collègue, le député de Richmond, mais je n'ai pas objection à ce qu'il y réponde. De deux choses l'une...

M. BINETTE: Sa ferme...

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, en effet...

M. LAFRANCE: On fait allusion aux revenus de ma ferme.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Le député de Richmond se rendra compte que je le visais tellement peu que je ne me suis pas souvenue qu'il exploitait une ferme en plus de faire le travail magnifique qu'il exerce pour les électeurs de son comté, ici à l'Assemblée nationale et à l'extérieur.

Alors je repose la question. Peut-être que d'autres se sentiront visés et pourront y répondre. Les députés pourraient-ils vivre sur leur seul salaire à l'Assemblée nationale s'ils n'avaient pas le revenu d'un commerce ou de capitaux accumulés? De deux choses l'une. S'ils me répondent oui, alors je crois sincèrement qu'ils ne pourraient pas garder le train de vie qu'ils mènent actuellement, les voyages à leur domicile dans leur comté et au parlement. Si, par contre, ils me répondent non, je comprends parfaitement qu'un juge qui, souvent, contrairement à eux, ne dispose d'aucun autre revenu et, qui en plus est, dans bien des circonstances, a des responsabilités familiales, ce même juge, dis-je, ne doit accepter aucun émolument en dehors de son salaire, alors qu'il voit son travail de magistrat augmenter. Je pense que, d'ailleurs le ministre de la Justice nous a souligné ce fait, puisque, et là, cela s'applique particulièrement à la cour Provinciale, la juridiction de cette cour sera accrue. Pour ceux de la magistrature qui n'ont pas de responsabilité familiale et qui ont accumulé des biens propres, il est clair qu'ils peuvent sacrifier un montant de revenus qu'ils obtenaient à leurs bureaux d'avocat pour se dévouer à la justice.

Mais à ce compte-là, ne devrait-on pas de- mander à tous les députés, qui travaillent à temps partiel au Parlement, de donner tout leur temps à leur tâche de représentant du peuple et à cesser immédiatement d'exercer leur profession ou d'exploiter les commerces qu'ils possèdent déjà?

On a donné des chiffres relativement aux heures de travail des juges. Vous me permettrez d'en donner à mon tour. Je ne parlerai pas de la cour Provinciale, parce que je dirai tout de suite que, même si je connais plusieurs des juges de la cour Provinciale, je n'ai pas d'ami à cette cour. Je ne parlerai pas non plus de la cour des Sessions de la paix, parce que, même si j'ai de mes confrères que j'estime beaucoup qui sont là, je n'ai aucun ami qui s'y trouve. Mais je parlerai, par exemple, de la cour du Bien-Etre social où j'ai une excellente amie qui a été nommée, il y a un certain nombre d'années.

J'espère qu'elle ne m'en voudra pas si je mentionne certaines informations que je lui ai demandées et que j'ai obtenues à l'occasion de conversations avec elle.

Ce juge, qui a été nommé à la cour du Bien-Etre social il y a environ quatre ou cinq ans, travaille cinq jours par semaine, il lui arrive même de travailler six jours par semaine, parce qu'il lui arrive d'être de garde en fin de semaine; à tour de rôle, les juges de cette cour sont obligés d'être de garde, pour les causes de délinquance et de crimes qui surviennent pendant les fins de semaine.

Elle travaille donc généralement cinq jours par semaine, huit heures par Jour, mais son travail ne se termine pas là, comme d'autres l'ont dit, après avoir... Elle me dit qu'elle examine en moyenne de 20 à 25 cas par jour, ce qui représente un cas, parce qu'à la cour du Bien-Etre ce ne sont pas des plaintes, c'est une cour assez spéciale, elle reçoit des témoins, dans chaque cas. Ce juge doit, par la suite, recevoir, dans la majorité des cas, les conseils d'un psychiatre, discuter du problème avec un psychologue ou un sociologue, elle doit rencontrer les travailleuses sociales, et ce n'est pas tout. Très souvent, il faut que l'enfant qui s'est présenté devant elle soit placé, parce qu'on sait qu'à la cour du Bien-Etre social ce sont des enfants qui, depuis l'âge de raison jusqu'à l'âge de 18 ans, sont reçus par cette cour, lorsqu'il y a des actes de délinquance. On sait à l'heure actuelle quelles difficultés ont les juges de cette cour à trouver des endroits appropriés pour les différents cas de placement qui sont en général des cas d'espèce et qui se présentent devant eux.

Je sais que les juges de cette cour travail-

lent sous une tension nerveuse et ce n'est pas exagéré de dire que, dans certains cas, ils en perdent même le sommeil. Ce n'est pas le fait que ce juge soit une femme, je sais que la même chose arrive à d'autres juges. Les cas qui sont présentés devant cette cour sont tellement pitoyables! Habituellement, les enfants qui viennent devant cette cour sont des enfants de foyers brisés où ils sont déchirés entre, d'une part, l'amour qu'ils ont pour le père et la mère et, en même temps, les conflits épouvantables qui se présentent dans leur foyer.

Tout cela pour souligner à cette Chambre non seulement qu'il y a des heures de travail qui se font à la cour, mais qu'il y a à l'extérieur des problèmes qui doivent être résolus. C'est donc dire que les délibérés, aussi faciles que l'on puisse penser qu'ils sont, sont loin de l'être généralement.

Je compare le rôle du député à celui du juge, même si notre salaire est un peu moindre que celui du juge; pour ma part, j'ai pu cesser l'exercice de la profession légale en devenant député et j'ai pu endurer la perte de revenus que ceci comportait parce que je suis mariée, que mon mari exerce une profession et qu'il partage avec mol les responsabilités pécuniaires de notre famille.

Tout comme certains l'ont préconisé, il y a quelques années, l'augmentation du salaire des députés permettra d'obtenir une qualité accrue d'hommes et de femmes. Je pense que l'on pourra de même attirer à cette noble tâche des personnes de qualité, mais cela, à* condition qu'on leur fournisse la sécurité qui s'impose quand on a affaire à des gens qui vivent dans le contexte nord-américain.

En terminant, je dois dire que je ne me fais pas d'illusions. Je sais que ce discours, comme ceux de mes collègues qui étaient d'accord pour dire qu'ils voteraient en faveur de ce bill, ne fera pas la manchette. J'ai, d'ailleurs, remarqué que les journalistes, qui se trouvaient dans la tribune de la presse, ne se sont pas gênés pour écrire ou sembler écrire religieusement tout ce que disaient les opinants qui étaient contre ce bill. Evidemment, c'était de la nouvelle. Remarquez que je ne leur en voudrai pas. J'espère qu'ils ont remarqué le bill 10, cependant; cela, c'est de la nouvelle.

M. PROULX: Cela ne changera pas grand-chose.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: II y a une chose certaine, c'est que ceux qui ont parlé en faveur de ce bill n'auront pas la manchette; ils n'auront pas d'articles dans les journaux. Je pense que ce n'est pas important; on s'y habitue avec le temps. On s'y habitue, parce que ce sont ceux qui sont contre qui ont toute la publicité généralement, dans certains journaux. Je terminerai sur ce point. Mais cela ne m'impressionne pas qu'on ne nous donne pas de manchette et qu'on ne nous donne pas d'importance. C'est facile de faire, de la démagogie, surtout sur un bill comme celui-là qui est présenté à un moment peut-être peu opportun à cause des études que nous avons faites hier sur un autre bill. Je pense qu'il faut passer par-dessus cette facilité que peuvent avoir les hommes publics de faire de la démagogie et s'exprimer avec franchise en votant pour un bill lorsque nous croyons que ce bill s'impose dans l'Intérêt de tous les contribuables pour obtenir la meilleure justice possible.

MR. PRESIDENT: The Honourable Member from Huntingdon.

Mr. Kenneth Fraser

MR. FRASER: Thank you, Mr. President. This bill number 72 today in second reading deals with the number of judges in our courts. It also sets their salaries and the pensions that they may receive after 20 or 25 years of service to their Province. Mr. President, the minister of Justice has given us the number of cases which have been heard in our courts during the past three or four years and the number has increased. This is normal. To use this as an argument in favor of increased salaries for the judges is the same as saying that the bus driver should be paid more when the bus is full than when it is half-full.

I presume that the articles 12 and 14 that increase the number of judges from 35 to 40 in one case and from 90 to 102 in the other is the answer to the increased number of cases before the courts in this province. Mr. President, may I express to the Government my concern regarding this raising of the salaries of the already favored segment of the population. In face of the financial position of the Government, when money cannot be found for so many programs that are so badly needed for hospitals, for schools, for roads in all of the Departments of the Government, I feel that the Government is preaching poverty and then handing out this same sort of salary increases to people who are already in a salary range that will never be achieved by 80% or 90% of the population.

These same people must practice austerity to pay all the taxes that the Government demands of them.

Will the farmers in Huntingdon County who have had their subsidy on industrial milk cut severely be happy because the salary of a judge has been increased from $23,000 to $28,000. And, in the case of the chief judges, from $25,000 to $32,000? Farmers work seven days a week and would be happy if they could clear $5,000 for their whole year's work.

It is the same old story: the rich get richer and the poor get poorer. I think it is time to call a halt to the continuing rising prices in salaries. The Minister today is proposing the first act to encourage a new round of demands for higher wages by every person working for the Government, and they will be justified in their demands. Why should a judge have more of a raise all at one time than many of them receive for a whole year's work? If we want the people of this Province to put their shoulders to the wheel and pay their part of the price of putting Quebec back on its feet, I think we, as members of Parliament, must speak out against the wasting of these taxes in luxuries that Quebec cannot afford. If the Government practices what it preaches, if we have austerity for the poor, it is only just that the same austerity touch the already favoured classes of our society.

For these reasons, I must speak out against these raises in salaries that appear to me unjustified.

M. Lucien Cliche

M. CLICHE: M. le Président, vous me permettrez certaines observations à la suite des députés qui ont déjà exprimé leur opinion sur le projet de loi qui fait l'objet de la présente discussion.

Je veux d'abord dire que, dans le territoire qui me concerne, dans la région du Nord-Ouest québécois, comme l'a souligné le ministre tout à l'heure, le nombre de causes criminelles a augmenté considérablement, ce qui veut dire un fardeau plus considérable sur le nombre de juges, qui n'a pas augmenté depuis plusieurs années. Cela, c'est au point de vue criminel. Au point de vue du bien-être social, le nombre de causes a également augmenté en flèche. Quant au point de vue civil, à la cour dite Provinciale, évidemment et nécessairement, le nombre de causes va augmenter et l'augmentation des traitements des juges est, à mon point de vue, amplement justifiée par cette augmentation de la juridiction de la cour Provinciale.

La plupart des membres de l'Assemblée nationale savent que la juridiction provinciale, en matière civile, était, il n'y a pas tellement d'années, de $100. Le maximum était de $100 pour les causes que les magistrats de la province avaient juridiction d'entendre.

Cette juridiction a été augmentée par la suite, au cours des années à $200. Par la suite encore, on l'a augmentée, et à la suite de pourparlers avec les autorités fédérales, parce qu'il y avait des problèmes constitutionnels, la juridiction de la cour Provinciale a été augmentée à $500, c'est-à-dire que les causes de $500 et moins étaient entendues et allaient nécessairement devant la cour Provinciale de juridiction civile. Par la suite, cette juridiction est portée à $1,000 et maintenant à $3,000. Ce qui veut dire qu'auparavant, la cour Supérieure avait juridiction dans les causes de $100 et plus dans la province de Québec il y a une vingtaine d'années. Maintenant, cette juridiction ne commencera qu'à partir de $3,000, ce qui veut dire un fardeau de moins pour la cour Supérieure mais un fardeau certainement plus lourd pour la cour Provinciale du Québec.

Je suis très favorable à cette augmentation de juridiction qui correspond nécessairement à la juridiction de la cour d'Appel commencée depuis septembre dernier et ne concernant que les causes de $3,000 et plus. Alors, la juridiction de la cour Provinciale, c'est à notre honneur, a juridiction jusqu'à la somme de $3,000, mais ceci veut dire nécessairement, comme je le disais, une augmentation du nombre de causes, une augmentation du travail des juges. Je suis pour une augmentation raisonnable. Je prétends que l'augmentation suggérée par le présent bill est raisonnable et devrait être accordée, à condition que le ministre de la Justice, que les juges en chef concernés continuent et voient peut-être davantage à une meilleure distribution de la justice, à une justice plus expéditive.

Je ne veux pas poser sur les épaules du ministre de la Justice le fardeau unique de cette administration, parce que l'administration de la justice et la rapidité avec laquelle les causes doivent procéder dépendent nécessairement d'une série de facteurs dont celui d'abord de la présence, de la ponctualité des juges au palais de justice, du nombre d'heures que les juges accordent, de la rapidité avec laquelle ils peuvent entendre les causes, quoiqu'il y a une rapidité qui ne doit pas exclure l'audition de tous les témoins, des faits et des plaidoiries des avocats pour donner pleine et entière justice.

Je disais donc qu'en plus de la responsabilité qui incombe au ministre de la Justice et à ses fonctionnaires, il y a en plus le travail, comme le disait le ministre de la Justice, des avocats de la couronne, des fonctionnaires des tribu-

naux et également de la Sûreté du Québec. Il faut pour que les causes puissent être appelées, que les témoins soient disponibles, que les officiers soient présents avec les accusés et, encore une fois, que les témoins soient appelés à temps pour que la cour puisse procéder»

Est-ce que le ministre de la Justice peut faire plus qu'il fait actuellement? Je prétends que oui. Je prétends que le ministre de la Justice peut surveiller plus étroitement, connaissant la situation, situation qu'il déplorait tout à l'heure jusqu'à un certain point, c'est-à-dire l'attitude de certains juges, l'attitude de certains avocats de la couronne, l'attitude de certains membres du Barreau, à l'effet qu'une cause peut être retardée sans causer de préjudice à qui que ce soit. Si le ministre de la Justice, conjointement avec les juges en chef, exerce une surveillanceplus étroite sur l'administration de la justice, dans les districts ruraux en particulier par la visite qu'il peut faire dans ces districts — soit lui, soit ses officiers supérieurs — réunissant les membres du Barreau, les officiers de justice, les juges, et leur faisant comprendre régulièrement le sens de leurs responsabilités, vis-à-vis de la population, je pense que l'on peut obtenir une justice objective, juste, très équitable, mais en même temps plus expédi-tive, plus rapide, surtout le travail du juge en chef.

Je ne veux pas critiquer les juges en chef actuels, mais je dis que le juge en chef c'est son devoir, à lui, d'obtenir des rapports quant au nombre de causes entendues, de surveiller la ponctualité et la présence des juges. Si le juge en chef pouvait régulièrement imposer des sanctions aux juges qui ne sont pas à leur poste, qui ne siègent pas comme ils doivent siéger — et c'est là l'exception rare, j'en suis convaincu — je pense qu'on pourrait procéder beaucoup plus rapidement. Ces problèmes ne sont pas limités au Québec. C'est la même situation qui se présente dans les autres provinces du Canada et même aux Etats-Unis. A tel point que dans certains Etats des juges en chef ont, à un moment donné, défendu à des juges d'assister à des funérailles. On sait qu'aux Etats-Unis, la majorité des juges sont élus lors d'élections régulières avec le résultat qu'ils doivent rencontrer leurs électeurs, leurs partisans, leurs lieutenants.

On a constaté qu'un nombre considérable de jours d'administration de la justice étaient perdus par le fait que les juges assistaient à des funérailles. Alors, on leur a donné des ordres très sévères, dans certains états, d'éviter cette pratique et de demeurer à leur poste, de demeurer au travail.

Je disais donc qu'il y a lieu pour le juge en chef, pour le ministre de la Justice de faire une surveillance plus étroite et d'imposer des sanctions, s'il y a lieu. On devrait imposer des sanctions dans les cas où des juges ne veulent pas accepter les ordres soit du ministre de la Justice ou du juge en chef de leur cour. Je dis que l'augmentation suggérée est sûrement justifiée, parce que — et ici je crois répondre au député de Richmond lorsqu'il présentait son argumentation tout à l'heure — il n'y a pas et il ne doit pas y avoir de petite justice. Si les juges de la cour Supérieure ont droit à un traitement...

M. LAFRANCE: Je ne voudrais pas que le député interprète mal mes paroles. Je n'ai jamais exprimé une opinion de cette nature, M. le Président. J'ai trop de respect pour la justice pour penser qu'il y a la haute et la basse cour.

M. CLICHE : Evidemment, le député de Richmond ne s'est pas exprimé en ces termes, mais je veux lui dire que, si les juges de la cour Supérieure ont droit, eux, à un traitement qui est équivalent à celui suggéré actuellement pour les juges de la cour Provinciale, l'on doit être équitable et, qu'encore une fois, il n'y ait pas de petite justice...

M. LAFRANCE: D'accord.

M. CLICHE: Il y a une justice, qu'elle soit celle des juges de la cour de la province, nommés par la province, ou celle appliquée par des juges nommés par le fédéral. Je prétends qu'elle doit être la même, elle doit être exercée de la même façon avec autant d'équité, autant d'impartialité et avec autant de célérité. Comme il est six heures, je continuerai demain. Je demande l'ajournement.

M. LE PRESIDENT: La motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. PAUL: Voici, M. le Président, l'ordre des travaux pour demain. Nous appellerons, dans l'ordre suivant, les projets de loi. Tout d'abord no 68, Loi modifiant la loi des décrets de convention collective. Deuxièmement, no 69, Loi modifiant la loi des accidents du travail; no 70, deuxième lecture, Loi concernant les régimes supplémentaires de rentes établis en vertu de la loi des décrets de conventions collectives.

Quatrièmement, reprise du débat sur la motion de deuxième lecture du bill 10 et, finale-

ment, reprise du débat en deuxième lecture sur le bill 72, Loi modifiant de nouveau la loi des tribunaux judiciaires.

Qu'il me soit permis de rappeler que, demain matin, la commission des bills privés et des bills publics siégera à dix heures, à la salle 81.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'intervertir la discussion de deuxième lecture, de sorte que cela vienne après le dernier article mentionné? Comme je l'ai déjà mentionné au ministre de la Justice, je ne serai pas en cette Chambre demain soir et je tiens beaucoup à être présente pour la discussion du bill 10.

M. PAUL: Je m'excuse. Effectivement, l'honorable député de Marguerite-Bourgeoys m'avait signalé son empêchement d'être ici demain soir. Alors, nous pourrions peut-être continuer, après les trois projets de loi de M. Bellemare, avec le projet de loi no 72.

M. PINARD: M. le Président, permettez-moi d'attirer l'attention du ministre sur ce que je crois être une erreur. Il a dit que, demain, nous prendrions les bills 68,69...

M. PAUL: Ce ne sont pas les numéros de bills. Ce sont les articles qui figurent au feuilleton. Ce sont ces numéros-là.

M. PINARD: Ah bon! II s'agira effectivement des bills 79, 80 et 81 qui seront présentés par le ministre du Travail et de la Main-d'oeuvre.

M. PAUL: Et les bills 72 et 10. M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain après-midi, trois heures.

M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain après-midi, trois heures.

(Fin de la séance: 18 h 3)

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