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Version finale

28e législature, 5e session
(24 février 1970 au 12 mars 1970)

Le vendredi 6 mars 1970 - Vol. 9 N° 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures trente-quatre minutes)

M. FRECHETTE (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de commissions élues.

L'honorable député de Sainte-Marie.

Commission de l'Education

M. CROTEAU: M. le Président, la commission de l'Education a l'honneur de soumettre à votre honorable Chambre son premier rapport. Lors de sa séance du 4 mars 1970, le député d'Ahuntsic a fait motion, appuyé par le député de D'Arcy-McGee: « Que la commission recommande à la Chambre d'être autorisée à siéger désormais à Montréal lorsque la chose sera possible, d'un commun accord entre les chefs des deux partis. »

Vu l'article 467 et l'article 473 et suivants, votre commission demande donc à être autorisée par la Chambre i siéger désormais à Montréal lorsque la chose sera possible, d'un commun accord entre les chefs des deux partis.

Pour la bonne compréhension et pour expliciter les circonstances dans lesquelles le député d'Ahuntsic a présenté cette motion, je joins au rapport l'épreuve du journal des Débats rapportant les discussions des membres de la commission permanente de l'Education au sujet de cette motion.

M. LE PRESIDENT: Ce rapport sera-t-il adopté?

M. PAUL: M. le Président, en vertude l'article 456, je demanderais que ce rapport ne soit pas reçu immédiatement.

M. LEFEBVRE: M. le Président, j'aurais, comme proposeur de cette motion et à propos du rapport qui vient d'être fourni par le président de la commission, des éclaircissements à fournir à la Chambre...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!

L'honorable député d'Ahuntsic aura remarqué que l'honorable ministre de la Justice s'est objecté à ce que le rapport soit immédiatement reçu. Il s'est appuyé, pour le faire, sur l'article 456. Je me permets de référer l'honorable député d'Ahuntsic à l'article 457, qui dit: «Les rapports de tout comité spécial ne peuvent être discutés que sur une motion préalablement annoncée ». Or, la lecture par le député de Sainte-Marie, ce matin, de son rapport, constitue cet avis. Je pense que, maintenant, tout cela sera inscrit au feuilleton — la lecture du député de Sainte-Marie constitue l'avis — et ne pourra être rediscuté qu'à une prochaine séance.

M. LAPORTE: M. le Président, il est bien évident que le règlement est clair sur ce sujet-là. Je ne peux même pas discuter. Je veux poser une question au leader parlementaire et au premier ministre - il y a répondu partiellement en disant « mardi » —.

Est-ce que nous pouvons tenir pour acquis que le rapport de la commission de l'Education sera appelé mardi pour être discuté?

M. PAUL: Oui, M. le Président. M. LAPORTE: Merci.

M. LE PRESIDENT: Présentation de motions non annoncées. Présentation de bills privés. Présentation de bills publics.

M. BERTRAND: A.

M. GOSSELIN: M. le Président, j'aurais des documents à déposer.

Bill 7 1re lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Agriculture et de la Colonisation propose la première lecture d'une loi concernant la fabrication et la vente du cidre.

M. VINCENT: Ce bill a pour but, comme l'indique le titre, de permettre la fabrication et la vente du cidre doux et du cidre léger dans la province de Québec. Le projet de loi donne les conditions pour être admissibles à l'émission d'un permis. Il donne également les normes pour la tenue des cidreries. En plus, le projet de loi donne les conditions pour la vente du cidre doux et du cidre fort dans la province de Québec.

M. BOURASSA: Le ministre pourrait-il déposer le rapport de la commission Thinel, relativement à ce projet de loi?

M. VINCENT: Nous avons demandé à la commission Thinel un rapport prioritaire sur la question de la fabrication et de la vente du cidre.

Comme j'avais l'occasion d'en discuter avec le chef de l'Opposition, la semaine dernière, je veux me faire autoriser par le cabinet à apporter ce document de travail, afin que tous les députés puissent en prendre connaissance avant que nous discutions chaque article du bill 7.

M. BOURASSA: Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.

M. LAFRANCE: M. le Président, le ministre a-t-il consulté les brasseries avant de présenter son bill?

M. VINCENT: Pardon?

M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine séance ou à une séance subséquente.

Déclarations ministérielles. Dépôts de documents.

L'honorable ministre des Terres et Forêts.

M. GOSSELIN: M. le Président, je désire déposer certains documents qui, antérieurement, l'étaient par le Secrétariat.

M. LE PRESIDENT: Questions des députés. L'honorable député des Iles-de-la-Madeleine.

Questions et réponses

Pêche au hareng

M. LACROIX: M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce. Est-ce que le ministre aurait des commentaires à faire qui seraient de nature à rassurer les pêcheurs concernant la restriction possible de la pêche au hareng dans le golfe Saint-Laurent.

M. BEAUDRY: M. le Président, je remercie le député des Iles-de-la-Madeleine de m'avoir prévenu de sa question. Ses commentaires sont au sujet d'un article paru dans le Soleil d'hier. L'article sur la pêche au hareng qui a été pu- blié dans l'édition du journal Le Soleil du 5 mars contient quelques éléments de vérité, mais il est sûrement trop alarmiste. Il est vrai que quelques spécialistes du hareng se posent des questions sur le potentiel des stocks de harengs dans le golfe. Leur inquiétude vient toutefois de la baisse des captures dans une zone bien spécifique de la baie de Fundy, baisse dont les causes n'ont pas été identifiées avec certitude.

Un des problèmes fondamentaux de l'industrie de la pêche vient du fait que la mobilité de la ressource rend très difficiles et très longues les recherches visant à déterminer le niveau optimal d'exploitation.

En effet, une diminution dans le niveau des captures peut être conséquente à des changements dans la température de Peau, sa salinité, les courants, la disponibilité de la nourriture etc, — ces facteurs sont tous variables d'une année à l'autre — plus encore que dans le rendement de la pêche d'une espèce, qui peut tout simplement signifier qu'une espèce était jusqu'alors sous — exploitée et que le niveau des captures n'avait pas atteint une intensité optimale.

Enfin, je ferai remarquer que, bien avant que le hareng soit exploité comme aujourd'hui, bien avant l'opération des seineurs, le hareng avait, pendant quelques années, complètement disparu de nos eaux. C'est donc avec beaucoup de précautions qu'il faut interpréter les chiffres de capture de ces espèces.

La situation est à ce point confuse que certains biologistes jettent un cri d'alarme. D'autres considèrent que nous ne prenons pas part de façon significative à la pêche du hareng. Ce dernier diagnostic se relie d'ailleurs à l'Office de développement de l'Atlantique dans une étude publiée en 1969, étude qui a été réalisée en consultation avec les sous-ministres des pêches tant du Canada que des provinces de l'Atlantique.

Je voudrais ici attirer l'attention sur les trois points suivant: Le Québec accuse déjà un retard dans l'exploitation du hareng qui longe son territoire de mai à octobre. Deuxièmement ses stocks de hareng ont surtout servi jusqu'ici à alimenter les usines de farine de hareng du Nouveau-Brunswick.

Troisièmement, les pays étrangers, en particulier les Russes et les Allemands vident systématiquement les bancs de hareng qu'ils rencontrent, en particulier le banc Georges.

Devant ces faits, soit l'incertitude des scientifiques, la disponibilité des stocks à notre portée, qui servent surtout à ces non-Québécois, mon ministère considère que le Québec ne doit pas être masochiste au point de se priver d'in-

dustries rentables dans une région en développement comme la Gaspésie et les Iles-de-la-Madeleine. C'est pourquoi, avec mes collègues, j'ai voulu accorder toute mon aide à l'implantation de la B.C. Packers Limitée à Sunday Beach, surtout quand on pense que cette société veut développer la production du hareng pour consommation humaine et faire démarrer la capture d'espèces pélagiques qui, comme le lançon et l'éperlan, se retrouvent en grande quantité et sont inexploitées.

Je suis persuadé qu'aucun député de cette Chambre ne me blâmera de vouloir faciliter la création de 70 emplois directs dans une usine à Gaspé, usine qui contribuera à augmenter les revenus de près d'une centaine de pêcheurs. Je préfère, si des dangers existent pour les stocks de hareng, que l'on commence par limiter l'accès à ces stocks aux pays européens et asiatiques.

M. LACROIX: Une question supplémentaire, M. le Président. Etant donné la très grande importance commerciale de la pêche au hareng dans le golfe, y aurait-il possibilité de demander au ministère fédéral des Pêcheries, qui est mieux équipé que celui de la province de Québec, d'effectuer des recherches scientifiques afin de vérifier les assertions qui sont à la base de l'article paru hier dans Le Soleil?

Je pense qu'il est très important, pour l'avenir économique des Iles-de-la-Madeleine en particulier, que l'on sache à quoi s'en tenir en ce qui concerne la pêche au hareng dans le golfe.

M. BEAUDRY: Je prends bonne note de la suggestion du député des Iles-de-la-Madeleine et je ne manquerai pas de faire les suggestions nécessaires auprès du ministre Jack Davis avec lequel j'ai déjà eu des entretiens à ce sujet la semaine dernière.

M. LACROIX: J'espère que vous aurez plus de succès qu'avec les phoques.

M. BEAUDRY: Oui.

M, LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.

Représentant du Québec à Niamey

M, BOURASSA: Une question au premier ministre. Où en est l'état des négociations et y a-t-il une décision d'arrêtée entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial sur la représentation du Québec à Niamey?

M. BERTRAND: Non, j'ai adressé une lettre en réponse à celle que j'ai reçue du premier ministre du Canada. Cette lettre a été envoyée à Ottawa 11 y a cinq ou six jours et je n'ai pas eu de réponse.

M. BOURASSA: Dans votre lettre, y avait-il une proposition du Québec?

M. BERTRAND: J'aime mieux ne pas en parler immédiatement. Au départ, une proposition avait été faite. Une contrepropositlon a été formulée, et nous avons répondu à cette contreproposition.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.

Commission d'enquête sur la santé

M. LAPORTE: M. le Président, le gouvernement ayant augmenté de $150 à $200 et de $100 à $175 par jour les traitements des membres de la Commission d'enquête sur la langue française, y a-t-il eu une augmentation de l'allocation des membres de la Commission d'enquête sur la santé et le bien-être social?

M. BERTRAND: Je le prends en note et je répondrai au député.

M. LAPORTE: Est-ce que le premier ministre aurait l'obligeance, dans ce cas également, de produire, quant à cette commission, les arrêtes ministériels?

M. BERTRAND: Aucune objection.

Jetons de présence

M. LAPORTE: Et comme j'ai une question supplémentaire relativement aux divers conseils qui siègent actuellement dans la province de Québec, Conseil supérieur de l'éducation, Conseil sur la main-d'oeuvre, etc., j'aimerais qu'on me dise, dans ces cas-là, quel est le jeton de présence et s'il a été augmenté depuis un certain temps.

M. BERTRAND: Je prends note, je lirai les questions.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de D'Arcy-McGee.

Conflit des internes

M. GOLDBLOOM: M. le Président, vu

l'urgence de la situation sur laquelle je voudrais poser ma question, l'absence du ministre de la Santé et du ministre d'Etat à la santé m'oblige à m'adresser au premier ministre. Au sujet du conflit qui oppose, d'une part, les internes et résidents et, d'autre part, les hôpitaux et le gouvernement, je poserai trois questions précises et simples. Est-il vrai qu'il n'y a pas eu de séance de négociation depuis le 17 février, soit 17 jours? Deuxièmement, le gouvernement a-t-il reçu un télégramme envoyé hier dans lequel les internes et résidents ont offert des concessions sur le plan monétaire? Troisièmement, est-ce qu'il y a une séance de négociation prévue pour l'immédiat?

M. BERTRAND: Je prends avis de ces trois questions.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Drummond.

Travaux sur le pont de Québec

M. PINARD: M. le Président, en l'absence du ministre de la Voirie — c'est compréhensible — je n'ai pas eu l'occasion de pouvoir en discuter non plus avec le ministre des Travaux publics, quoique les ponts soient maintenant de la juridiction du ministère de la Voirie, j'aimerais poser une question au premier ministre, qui, lui, pourra peut-être donner avis de ma question au ministre responsable. Je voudrais savoir pourquoi le ministère de la Voirie ne procéderait pas à des travaux immédiats sur le pont de Québec pour accroître la sécurité. A l'heure actuelle, le pont de Québec nous place dans une situation de danger très grave, et on a annoncé — je l'ai lu dans les journaux la semaine dernière — qu'il n'était pas question de faire un revêtement de la chaussée avant que le printemps et les jours plus chauds ne soient arrivés. Je me demande si, dans le cas du pont de Québec, il ne serait pas possible de faire comme on a fait pour la chaussée du pont Victoria, qui a été mise à découvert jusqu'au treillis métallique. Je pense que la situation de danger serait beaucoup moins grave que dans le cas actuel où les trous sont tellement profonds et où l'angle des rebords des trouées tellement aigus que ça occasionne des fissures dans les pneus des camions ou des automobiles ou que ça occasionne le bris de la suspension des autos et des camions.

Il y a eu énormément d'accidents depuis un bout de temps; j'en ai été témoin personnellement. Cela retarde de beaucoup la circulation sur le pont de Québec qui, on le sait, est la seule voie de communication quelque peu rapide entre les deux rives. Je pense que le premier ministre comprendra le sens de ma question. Le gouvernement se doit de rendre justice aux concitoyens des deux rives, plus particulièrement en cette saison de l'année.

M. BERTRAND: Je prends note du commentaire du député de Drummond.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

Enseignants de Pointe-Lebel

M. MALTAIS (Saguenay): Ma question s'adresse au ministre de l'Education. Je n'ai pas pu lui donner préavis de cette question, vu que je viens tout juste de recevoir le message ce matin. Le ministre pourrait-il nous dire s'il a reçu de la Fédération des enseignants Golfe-Côte Nord un message à l'effet que les professeurs enseignant à Pointe-Lebel dans le comté de Saguenay ne sont pas payés depuis près de deux mois? Est-ce qu'il envisage de faire quelque chose dans le but d'éviter le pire aux professeurs et, par ricochet, aux élèves? Je m'excuse une fois encore de n'avoir pu donner de préavis; je viens de recevoir le message.

M. CARDINAL: Je ne pense pas avoir pris connaissance de ce télégramme, si je l'ai reçu. J'ajouterai deux commentaires: le premier, c'est qu'il faut se rappeler que ce sont les commissions scolaires qui paient les enseignants; deuxièmement, lorsque des commissions scolaires ne peuvent pas réussir à les payer, le ministère, chaque fois qu'il en est informé, agit dans les situations d'urgence. Je prends avis de la question pour ce cas particulier et je vérifierai pour donner une réponse la semaine prochaine.

M. MALTAIS (Saguenay): Je remercie le ministre de son attention et je lui envole, de toute façon, le message que j'ai reçu, si la chose peut l'aider.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce.

Horaires des magasins

M. BEAUDRY: Voici ma réponse à la question que le député de Charlevoix formulait hier

au sujet d'un article paru dans un journal de Québec: « Est-il vrai que certains commerces généraux peuvent ouvrir en dehors des heures d'ouverture prévues par le bill 24 s'ils ont une section alimentaire composée de trois personnes ou moins? » Article 1 et article 5 de la loi: Une épicerie rattachée à une section générale, c'est-à-dire un magasin général, peut rester ouverte 24 heures par jour si 1) elle emploie moins de trois personnes, y compris le propriétaire; 2) elle est séparée de la section générale par une cloison. Cette section générale doit rester fermée en dehors des heures prévues par la loi. Si l'épicerie emploie quatre personnes et plus, elle doit se conformer aux prescriptions du bill 24 quant aux heures d'ouverture et de fermeture. En un mot, si trois personnes ou moins travaillent à l'épicerie et si l'épicerie est séparée de la section générale par une cloison, elle n'est pas soumise à la loi. La section générale, pour sa part, doit rester fermée en dehors des heures prévues par le bill 24.

Le magasin à plus de trois personnes, tout le magasin, y compris l'épicerie, est soumis à la loi.

M. MAILLOUX: M. le Président, je voudrais d'abord remercier le ministre de l'Industrie et du Commerce des renseignements qu'il fournit à cette Chambre. Pour éviter que d'autres infractions nombreuses se produisent, est-ce que, lorsqu'il parle de cloisons entre section alimentation et commerces généraux, ce sont des cloisons étanches et bien fermées ou si c'est ce que l'on voit normalement, des demi-cloisons ou des rideaux qui font que les gens qui sont dans la section alimentation peuvent voir également les marchandises générales?

Je ne veux pas embêter le ministre, je veux simplement... S'il y a déjà 2,900 infractions...

M. BERTRAND: Vous soumettrez ça au tribunal.

M. MAILLOUX: Pardon?

M. BEAUDRY: Je ne sais pas si la formulation est bonne, mais c'est une porte en accordéon ou un genre de division qui n'est que temporaire.

M. LESAGE: Sur ce point, plusieurs cas m'ont été soumis.

M. BEAUDRY: Oui.

M. LESAGE: Je voudrais poser au minis- tre une question bien précise. Est-ce que la cloison doit être opaque ou si elle peut être transparente, autrement dit, en verre? Il y a de ces cas qui se sont présentés et qui m'ont été soumis.

M. PAUL: M. le Président,... M. BEAUDRY: D'après...

M. PAUL: ...qu'il me soit permis de signaler qu'on invite actuellement l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce à émettre une opinion juridique et que la forme de la question originale présentée par l'honorable député de Charlevoix et détaillée par l'honorable député de Louis-Hébert est tout à fait en contravention avec les dispositions de l'article 675 de notre règlement.

M. LESAGE: M. le Président, il ne s'agit pas du tout d'obtenir du ministre de l'Industrie et du Commerce une interprétation juridique. Je veux demander au ministre de l'Industrie et du Commerce de quelle façon les inspecteurs appliquent la loi, ce qu'ils exigent. C'est ça que je lui demande. Ce n'est pas une opinion juridique.

M. BEAUDRY: Je sais, M. le Président, que le chef de l'Opposition a déjà écrit au ministère à ce sujet.

M. LESAGE: Bien oui.

M. BEAUDRY: Je dois vous dire que nous ne sommes pas tellement sévères à ce sujet-là actuellement. Nous sommes en train de voir la solution idéale pour l'ensemble des Québécois. Je pense que mon ministère a répondu au chef de l'Opposition en ce qui regardait le cas précis de son comté.

M. LESAGE: Pardon, ce n'était pas dans mon comté, et c'était un cas précis. Mais ce n'est pas à ce cas précis-là que je fais allusion dans le moment: ce sont des gens qui sont venus me demander de quelle façon la cloison devait être érigée. Je voudrais savoir de quelle façon les inspecteurs du ministère seront satisfaits. Est-ce qu'ils exigeront que le mur soit opaque ou s'il peut être transparent, en verre, par exemple?

M. BEAUDRY: Comme je vous le mentionnais, nous acceptons, actuellement M. le Président, une porte en accordéon opaque.

M. LESAGE: Oui, mais les murs?

M. BEAUDRY: Mais les portes en accordéon, évidemment...

M. LESAGE: Oui, je comprends, les portes en accordéon, cela ne peut pas être en verre, c'est évident: c'est en cuirette ou en d'autres matériaux.

Mais supposons qu'il y a une cloison entre l'épicerie et une boucherie exploitée par un autre, est-ce que cette cloison — même si la porte est en accordéon, si vous voulez — peut-être en verre?

M. BEAUDRY: Il n'y a rien qui s'objecte à cela, M. le Président.

M. LESAGE: Bon. Je vous remercie, M. le Président.

Achat de motos-neige

M. BEAUDRY: M. le Président, si vous m'en donnez la permission, je préciserai une réponse que j'ai donnée au député de Saguenay, il y a deux jours, au sujet des motos-neige. J'ai fait un relevé plus précis au sujet de tous les achats effectués au cours des quatre dernières années.

De 1966 à 1967, le gouvernement du Québec a acheté 54 motos-neige: 51 Bombardier, 2 Sno-Jet et 1 Moto-Ski. En 1967-1968, nous avons fait l'acquisiton de 72 motos-neige: 58 Bombardier, 6 Sno-Jet, 3 Sno-Prinz et 3 Moto-Ski. En 1968-1969, nous avons fait l'acquisition de 93 motos-neige: 81 Bombardier, 1 Sno-Jet et 1 Snow Cruiser, dont 92 ont été achetées au Québec et 1 en Ontario, le Snow Cruiser. En 1969-1970, nous avons fait l'acquisition de 76 Bombardier, toutes du Québec. Donc, 295 motos-neige en quatre ans: 294 fabriquées au Québec et 1 fabriquée en Ontario.

M. BOURASSA: M. le Président, le ministre a dit: 1969-1970, ce qui veut dire l'année se terminant au 31 mars. Cela comprend celles qui ont été achetées pour la Sûreté provinciale?

M. BEAUDRY: Aucune n'a été achetée pour la...

M. PAUL: M. le Président, les six...

M. BEAUDRY: Cela comprend les six dernières, exactement.

M. BOURASSA: Les six dernières.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

Corporation du poisson salé

M. BEAUDRY: Maintenant, M. le Président, en réponse également à une question dont m'avait prévenu le député de Duplessis au sujet de la Corporation du poisson salé de l'Atlantique qui devrait être formée incessamment, je désire apporter quelques notes. Un projet de loi qui vise à établir l'Office canadien du poisson salé a été présenté le 19 décembre 1969 à la Chambre des communes par l'honorable Jack Davis, ministre des Pêches et Forêts. Le but immédiat de l'office est d'améliorer et de stabiliser les revenus des pêcheurs produisant du poisson salé, surtout de la morue, dans les provinces de l'Atlantique.

Le ministre des Pêches et Forêts estime réaliser cet objectif en améliorant la qualité du produit, en adaptant le produit et l'empaquetage au développement récent du marché et en centralisant la mise en marché. La corporation serait le seul acheteur, vendeur et exportateur de morue salée de la zone qui aurait été désignée. Elle achèterait également tout le produit fini ou semi-fini des pêcheurs de morue salée à un prix de base déterminé au début de la saison et sujet à un rajustement à la hausse à la fin de l'exercice financier. Elle pourrait se servir à volonté des structures existantes, acheteurs, usines, chauffe-eau communautaires et le reste, grâce à des ententes, contrats, ou même achats s'il s'agit d'actif.

Il n'y aurait qu'un seul agent ou acheteur de morue salée par zone de production. La corporation aurait un contrôle exclusif sur l'exportation du produit fini ou semi-fini de son territoire.

Si elle voulait acheter du poisson frais, elle devrait se soumettre à la concurrence des usines de poissons frais et congelés. Les agents de la corporation joueraient aussi le rôle de fournisseurs des pêcheurs. En ce qui regarde les implications au Québec, il revient à la province de décider si son territoire ou une partie de son territoire doit être inclus dans le champ d'action d'opération de ladite corporation.

Les officiers de mon ministère ont eu l'occasion, à quelques reprises, de discuter, avec les représentants du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, des implications de cette corporation sur le secteur des pêches du Québec. Nous en sommes venus à la conclusion qu'il sera avantageux que le territoire de la Basse Cote Nord qui s'étend de Magpie à Blanc-Sablon fasse partie du champ d'action de la corporation du poisson salé de l'Atlantique. En effet, il nous apparaît clairement que la

Basse Cote Nord, qui connaît des conditions comparables à celles de Terre-Neuve, pourrait bénéficier des opérations de la corporation de la façon suivante;

Premièrement, les pêcheurs de la Basse Cote Nord seraient sûrs de pouvoir vendre tous leurs produits. Deuxièmement, le séchoir de Lourdes-de-Blanc-Sablon et l'entrepôt frigorifique de cet endroit sont très bien localisés pour transformer et entreposer le poisson dans sa zone d'influence. Troisièmement, les pécheurs de la Basse Cote Nord ne subiraient plus les aléas de ces dernières années, tant en ce qui a trait au prix payé qu'aux échéances des paiements. Quatrièmement, il est probable aussi que ces pêcheurs toucheraient un revenu plus régulier; à l'heure actuelle, ils sont payés au moment de la vente de la production, soit à la fin de la saison de pêche, quand se concluent les transactions de vente. C'est aussi à ce moment qu'ils savent le prix offert pour leurs produits. Pour ce qui est de la Gaspésie, mon ministère considère qu'il ne serait pas tout à fait avantageux qu'elle fasse partie du territoire couvert par la corporation. En effet, le produit de cette région, le Gaspé Cured est connu pratiquement dans tout le monde entier, par sa qualité et son goût supérieur. De plus, il n'y a, à vrai dire, aucun pêcheur qui, en Gaspésie, oeuvre encore sur une base artisanale, en transformant lui-même son produit. Il ne faut pas oublier non plus que les pêcheurs y sont payés régulièrement par les producteurs, qu'il existe une bonne concurrence, non seulement entre les usines de poissons salés et séchés, mais aussi entre les usines de poissons congelés. Enfin, puisque la corporation achèterait le poisson directement du pêcheur pour le transformer elle-même ou le faire transformer, il y aurait risque, dans ces conditions, que plusieurs petits producteurs de la Gaspésie soient perdants, si la Gaspésie était incluse dans le territoire de ladite corporation.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. PAUL: M. le Président, afin de dissiper tout doute, je tiens à déclarer à cette Chambre qu'en aucun temps la sûreté du Québec n'a acheté des motos-neige qui n'étaient pas de fabrication québécoise.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. M. PAUL: Trois.

Débat sur le discours inaugural

M. LE PRESIDENT: Reprise du débat sur la motion de M. Bertrand, proposant une adresse en réponse au discours inaugural.

L'honorable député de Saguenay.

M. Pierre Maltais

M. MALTAIS (Saguenay): M. le Président, il me fait énormément plaisir — et ce seront là mes premiers mots — de vous offrir toutes les félicitations que vous méritez, suite à votre nomination comme président de cette Chambre.

Je pense que le choix unanime de l'Assemblée nationale confirme ce que nous pensions en bien de vous, et vous voudrez bien offrir également aux vôtres mes voeux. Je voudrais également féliciter celui qui est devenu le vice-président, qui a été, incidemment, l'un de mes professeurs, et je m'aperçois que l'élève a bien tourné aussi.

Hier, lorsque nous avons ajourné, vers dix heures, c'est avec une certaine émotion que j'ai entendu le vieux routier de la politique, qui est l'ex-leader du gouvernement et député de Champlain, nous faire, au terme de sa vie politique, l'éloge de M. Duplessis.

Evidemment, j'ai remarqué en lui un homme qui avait un grand attachement à un passé, et même si j'ai trouvé en lui énormément de fidélité, j'aurais aimé que son opinion sur son chef soit partagée par plus de gens dans cette province puisque nous avons vécu cette époque d'avant 1960.

Je ne voudrais pas partager tout l'optimisme au départ de mon ami, le député de Champlain, parce que ce fut plutôt une lecture de citations qui racontaient les péripéties du congrès du parti libéral, combat à la « chefferie » qui, comme vous le savez évidemment, comporte des propos entre candidats. De toute façon, je puis l'assurer que la fidélité que les membres de ce côté-ci de la Chambre ont à l'endroit de M. Bourassa, le député de Mercier et chef de l'Opposition, n'aura d'égale que notre combativité aux prochaines élections.

Mais, ce qui m'a le plus surpris a été le discours tellement optimiste du député de Nicolet. Il nous a parlé, avec une émotion qui jamais ne s'est démentie, des animaux, de la culture, je ne voudrais pas parler de l'autre culture. Il nous a parlé de tout ce qui touche son ministère avec une émotion qui reflétait une conviction qui nous surprend, surtout lorsque, habitués comme les politiciens le sont à lire un peu les glanures des journaux, l'on a eu l'occasion de regarder le

journal La Presse de Montréal de samedi le 21 février 1970, relativement à une enquête dans le diocèse de Nicolet.

M. le Président, c'est avec émotion donc que le ministre de l'Agriculture nous a dit comment les animaux de la province de Québec étaient heureux, que les vaches,...

M. VINCENT: C'est bon ça.

M. MALTAIS (Saguenay): ... dont le lait était le moins riche du pays...

M. VINCENT: Je vais me servir de ça.

M. MALTAIS (Saguenay): ... ont vu leur lait s'améliorer, de telle sorte que le Québec, maintenant, a des vaches qui ont le meilleur lait du pays, grâce à un gouvernement actif, sérieux, et qui va de pis en pis.

M. VINCENT: Cela, c'est bien.

M. MALTAIS (Saguenay): Par ailleurs, dans son comté — je parle maintenant des personnes, puisqu'il s'est occupé des animaux— qu'est-ce qu'on dit de son monde? « Pauvreté et insatisfaction sont le lot de la grande majorité des familles dans Nicolet. »

M. VINCENT: « Du diocèse de Nicolet. » Cela inclut Drummond et l'enquête a été faite après l'administration libérale.

M. MALTAIS (Saguenay): Quand vous dites que cela inclut, cela veut dire que vous êtes dedans aussi. Comme je parle de votre cas présentement, vous permettrez, comme je vous ai laissé continuer hier votre exposé, sans vous interrompre, que je persiste dans mes propos. Ils ne seront pas blessants. Ce n'est qu'une citation de journalistes éminents qui ont fait une enquête sérieuse, comme vous le savez, mais qui se trompent parfois, comme hier, lorsqu'ils ont dit que presque tous les députés démissionnaient. C'est évident que cela n'a pas de bon sens; ce serait la disparition de l'Assemblée nationale.

Dans ce cas-ci, ce sont des statistiques. Vous me permettrez une rapide énumération. Dans le diocèse de Nicolet, 20% des familles vivent dans une stricte pauvreté; 58% dans un sentiment de privation; 36.2% des familles ont un revenu inférieur à $4,000; 66.5% disent avoir des difficultés financières dans le comté de mon ami, le ministre de l'Agriculture; enfin, 80% doivent de l'argent.

Le ministre a été éloquent hier, parce qu'il énumérait toute une série de lois qui, effectivement, ne rapportaient rien ou à peu près rien à l'agriculture. Regardez les animaux dans la province de Québec! J'ai même vu un chef du parti séparatiste qui s'est fait photographier avec un veau dans le comté de Témiscouatapour avoir le vote des cultivateurs; vous auriez dû voir le veau! Vous savez que cela regarde l'agriculture. Même les animaux s'aperçoivent que cela ne va pas bien dans la province, et ce sont des animaux!

Au surplus, le même article est explicite et nous raconte tout ce qui se passe chez celui qui vantait les mérites du grand parti de l'Union Nationale, le seul parti provincial qui lutte contre les moutons noirs d'Ottawa. Vous voyez que je ne m'éloigne pas de l'agriculture. Il nous dit que les femmes doivent travailler, elles aussi, pour gagner le pain quotidien. Elles gagnent presque autant que leur mari et parfois plus, même si le salaire est tout de même très bas. C'est-à-dire que non seulement les hommes ont de la misère — ceux qui travaillent — à faire vivre leur famille dans le comté, mais que les femmes doivent également ajouter au salaire de l'époux pour pouvoir joindre les deux bouts. C 'est le comté paradisiaque de mon ami, le ministre de l'Agriculture, imaginez!

On dit, enfin: Il y a un gros travail à faire dans ce comté: « Reclassement des assistés sociaux, recyclage, scolarité plus poussée, révision des allocations familiales — et remarquez bien ici, M. le Président — réforme agricole. » C'est un comté largement agricole, je crois. Si le ministre me permettait une question — je suis bien certain qu'à ce stade-ci il ne voudrait pas — je pense que c'est un comté où 25% des gens sont des cultivateurs, en comptant les rebords, comme on dit.

M. VINCENT: Je vais répondre tout de suite à la question.

M. MALTAIS (Saguenay): Développement...

M. VINCENT: Non, non, vous m'avez posé une question, je vais répondre tout de suite. Le diocèse de Nicolet, dont fait mention le député de Saguenay, a une production agricole, pour les quatre comtés, de $45 millions; le comté de Nicolet a par lui-même une production agricole de $13 millions, ce qui le place comme un des comtés les plus importants de la province au point de vue de la production agricole.

M. MALTAIS (Saguenay): De toute façon, l'optimisme du ministre, qui exhibe un large sourire qui est presque immoral ce matin,

n'est pas partagé par les journalistes et les enquêteurs de son comté. De toute façon...

M. VINCENT: Il reste quand même, monsieur... Est-ce que je pourrais simplement dire ceci, c'est que l'enquête a été terminée après six ans d'administration du gouvernement libéral.

M. MALTAIS (Saguenay): Elle est datée du 21 février 1970, c'est plus proche de ces jours derniers.

M. VINCENT: Oui, d'accord, l'enquête a été commencée en 1967, après six mois d'administration du gouvernement libéral.

M. MALTAIS (Saguenay): M. le Président, comme vous le voyez, si l'agriculture ne progresse pas, avec le ministre actuel, sa façon de recevoir les remarques de ses amis ne s'améliore pas non plus. L'Union Nationale nous accuse de toutes sortes de maux, nous les libéraux; c'est drôle pourtant qu'en 1966, lorsqu'ils ont pris le pouvoir avec tout cet attirail de promesses que l'on a faites, — promesses évidemment non remplies — et qui ont été énumérées d'une façon très brillante par le leader parlementaire de l'Opposition, les gens croyaient je pense, de bonne foi, avoir un gouvernement qui ferait quelque chose pour la population. Mais, si d'une part, on a également attaqué certaines divisions et dissensions qui se seraient passées dans le parti libéral, j'aime mieux certaines dissensions dans l'intelligence que certaines unions dans l'anémie, comme c'est le cas pour nos amis d'en face.

Je pense qu'à l'heure actuelle, le premier ministre est en train d'élaborer un plan quinquennal de chômage pour la province de Québec; et c'est dans tous les domaines. Ce n'est pas seulement dans le domaine de l'agriculture, dont le discours inaugural ne fait même pas mention; les cultivateurs ont été ignorés, sauf dans le discours électoral à hauts frais qui a été prononcé, je pense, dans le comté de Lotbinière, je ne le sais pas, c'est dans un comté de la province, en tout cas; on nous a dit qu'il y avait deux ministres délégués, des délégués députés, un nouveau « gadget » de l'Union Nationale, pour montrer que leurs gars sont bien importants, font quelque chose, ont une charge importante dans le parti. Eh bien, le premier ministre a repris, pour pleurer sur le sort des cultivateurs, nous dire qu'il allait les aider. Il s'est aperçu qu'il les avait oubliés, lors du discours inaugural. De toute manière, je voudrais rapidement, M. le Président, et vous me le permettrez, vous dire qu'indépendamment — et c'est quelque chose qui m'a excessivement frappé — j'aimerais qu'éventuellement le premier ministre nous en parle. Supposons que le problème du $200 millions n'eût pas existé à Ottawa, est-ce que ça irait bien dans la province de Québec? Supposons que ce problème n'existe pas du tout, quelle serait la situation financière dans la province de Québec? Ces jours derniers, le ministre Gosselin des Terres et Forêts — c'est dans l'édition de l'Action du jeudi 5 mars 1970 — mettait fin à l'idée d'un projet pour l'implantation d'une usine de pâtes mécaniques à Sacré-Coeur, dans le comté de Saguenay...

M. GOSSELIN: M. le Président, ce n'est absolument...

M. HARVEY: A l'ordre, vous parlerez après.

M. GOSSELIN: Les règlements me le permettent et m'obligent, au moment où un député fait une allégation qui est totalement fausse, de la nier. Or, ce que le député vient d'affirmer est absolument faux.

Le projet de Sacré-Coeur n'est pas tombé. Les promoteurs sont encore à travailler au même projet. Je les ai invités à revenir à mon bureau n'importe quand afin que nous puissions continuer le travail déjà commencé depuis déjà plusieurs années. Lorsque le député de Saguenay affirme que j'ai mis fin à ce projet, c'est totalement faux. D'ailleurs, il ferait mieux de se lever le matin et de respecter ses rendez-vous, comme il était censé le faire, hier.

M. MALTAIS (Saguenay): La question a été posée en Chambre, et je suis tout aussi en Chambre que le ministre. C'est devant mes pairs que cette question a été posée relativement à l'usine de Dorntar. Si je n'étais pas à votre bureau à 8 h 30, votre réponse aurait pu être sur la table ce matin.

M. GOSSELIN: Je me souviendrai de vos ententes. C'est clair qu'il n'y a aucune « fiat » à faire avec un député comme vous.

M. MALTAIS (Saguenay): Ah! les Fiat, les Peugeot, vous savez, les Michelin, c'est ailleurs ça. De toute façon, pour répondre au ministre, je cite le journal: «Bref, le ministre ne voit pas tellement d'issue à moins d'un changement radical. » En bon français, cela veut dire qu'il n'a pas confiance au projet mais si, de toute façon, le ministre me dit qu'il a encore confiance, s'il croit...

M. GOSSELIN: Vous avez une façon bien particulière de disloquer les textes. C'est malhonnête de votre part.

M. MALTAIS (Saguenay): S'il croit que le projet marchera, malgré ses interruptions, je veux lui dire que j'en suis très heureux.

M. LAPORTE: J'invoque le règlement. Le débat, jusqu'ici, s'est poursuivi de façon relativement paisible, je dirais, et dans l'ordre. Le ministre, quel que soit son caractère ce matin, d'abord devrait cesser d'interrompre. Il aura l'occasion de répondre, s'il le veut, après. Deuxièmement, je voudrais que vous lui demandiez très poliment de retirer l'expression « malhonnête » qu'il a eue à l'endroit du député ou des propos qu'il a tenus.

M. GOSSELIN: Je veux bien retirer le mot « malhonnête », mais je dirais que c'est intellectuellement malhonnête, du moins, d'agir comme il l'a fait.

M. LAPORTE: Je n'ai pas scruté l'intelligence ou l'intellect du ministre. S'il veut jouer au plus fin, on peut faire durer cette discussion inutile qui fait perdre du temps à la Chambre. Il n'est pas permis, il n'est pas raisonnable et n'est pas courtois, même quand on est mécontent, de dire d'un collègue qu'il est intellectuellement malhonnête, et ça ne fait qu'empirer les choses. Je vous demande, M. le Président, bien poliment, de demander au ministre de retirer ses paroles, sans arrière-pensée. Cela devrait être facile à faire, quand même.

M. GOSSELIN: Puisque les règlements m'y obligent, je retire ces paroles, mais je n'en pense pas moins.

M. MALTAIS (Saguenay): Même s'il y a une condition, je vais répéter au ministre que je n'ai jamais parlé de l'usine de pâtes mécaniques de Sacré-Coeur, hier. S'il a la mémoire courte, je lui ai parlé du cas de Baie-Trinité, la Domtar, et je n'ai pas manqué de parole du tout ce matin puisque ce n'est pas de ce sujet que je parle. Je suis en train de parler d'une déclaration qui a été faite par le ministre, qui a réuni les journalistes, déclaration relativement à l'implantation éventuelle d'une usine mécaniques de pâtes à Sacré-Coeur, dans le comté de Saguenay. Il n'a jamais été question de ça hier dans la journée.

Il a été question des bâtiments de la Domtar qui ont été remis au gouvernement, et de la perte de revenus tant scolaires que municipaux de la municipalité. Je me suis inquiété, à l'occasion d'une question, de l'économie de ces gens qui sont de ma région. Cela n'a pas été une question partisane. J'ai demandé au ministre s'il y aurait quelque chose de fait pour compenser la perte de ces compagnies qui s'en vont en laissant les biens, sachant qu'elles n'auront plus d'impôt à payer, qu'elles n'auront plus rien à payer, quand tout le bon est tiré, pour laisser les municipalités dans le marasme. Vous m'avez dit et je vous ai dit hier: Nous en parlerons mardi. Il était probable que l'ancien leader parlementaire parlerait, il m'a demandé et a pris ma place. Je parlais ce matin. C'est la raison pour laquelle je n'en ai pas parlé du tout. Vous êtes le seul à en avoir parlé. Je ne manque pas à mes engagements, mais vu que vous m'y avez forcé, je l'ai fait, à la suite d'une question. Je voulais attendre à mardi. Vous êtes le seul à avoir parlé du cas.

De toute manière, relativement au cas de Sacré-Coeur, c'est très important au point de vue de l'économie du Québec parce qu'il s'agit d'une région, d'un pôle économique qui couvre à peu près quinze comtés au point de vue des implications et qui, comme vous le savez, a créé, d'une façon très modeste, un chantier coopératif il y a cinq ans, avec une mise de fonds des citoyens, des bûcherons, des gens d'humble extraction, parce qu'il n'y a pas de professionnels dans ce bout-là, tous des gens du peuple, qui ont mis $75,000 en commun pour créer, avec l'aide du curé Poulin, qui est un peu le curé Labelle dans notre bout, un chantier coopératif pour aider le peuple à se relever du marasme, sans toujours crier auprès du gouvernement pour demander de l'aide.

Voici qu'un jour, il y a environ quatre ans, l'idée d'aménager une usine est venue très lentement. C'est à ce moment-là que les principaux points sont entrés en ligne de compte. Aménager une usine de pâtes et papiers, mais comment?

Le ministre est au courant du dossier. J'y ai travaillé énormément, tant sous l'ancien gouvernement que sous le gouvernement actuel. Nous avons étudié le cas des marchés, l'approvisionnement, le financement, la technique, les implications de la création d'emplois et du financement. D'ailleurs, la province de Québec n'avait pas tellement à s'énerver; elle ne fournissait que $500,000 en vertu d'une loi générale qui était adoptée, pas plus.

Qu'est-il arrivé? C'est que tout d'abord, l'aménagement d'une usine de pâtes mécaniques, il est clair que c'est rentable dans le coin. La rentabilité a été prouvée. L'approvisionnement? Il s'agissait de 70% de ce qu'on appelle les ar-

bres feuillus et de 30% de conifères. Nous avions ces marchés; nous avions l'assurance de la région du Lac Saint-Jean qu'une partie de l'approvisionnement viendrait de là et nous avions énormément de petits cultivateurs prêts à vendre leur bois, prêts à gagner leur vie honnêtement. Sur ce point, nous avions également la collaboration de l'UCC de Charlevoix, de Québec-Est, du comté de Québec, de la région de Rimouski. Vous voyez que cela englobe énormément de gens. Cela englobe énormément de députés; il y en a des bleus, il y en a des rouges. Mais je pense qu'ils sont tous intéressés, j'espère, et le ministre avec. Il ne faut pas penser qu'à Compton,mais au reste de la province aussi. D'ailleurs, je ne le blâme pas de penser à son comté. S'il a un bon député, c'est tant mieux. Mais qu'il pense que les intérêts de la province de Québec sont primordiaux pour nous aussi, et que l'amour de son village, ce n'est pas seulement du côté de l'Union Nationale. Hyena quelques-uns, de ce bord-ci, qui aiment leur pays aussi.

Donc, nous avons la quantité assurée. Quant au financement, le ministre n'avait pas besoin de craindre. Je ne sais pas s'il a eu des craintes mais de toute façon, la Société générale de financement ne devait pas craindre non plus. D'ailleurs, leur principe... J'aimerais bien avoir le rapport de la Société générale de financement. C'est parce qu'elle a trop mis ses oeufs dans le même panier, peut-être, qu'elle ne va pas dans le bout de Sacré-Coeur où elle pourrait aider pour pas grand-chose. Je vais vous les donner les détails dans un instant pour vous montrer comment cela allait être financé.

Le fédéral donnait $4.5 millions en vertu de la loi; le provincial, $500,000; le quai en eau profonde était fait à Sainte-Marguerite, c'est-à-dire à l'Anse-de-Roche près de Sacré-Coeur, sur le Saguenay qui est navigable et flottable, et $2.5 millions étaient garantis par le gouvernement. Les plans sont d'ailleurs faits pour le quai. Les gars de la côte et les producteurs de bois fournissaient $2.5 millions; c'est mieux que le gouvernernent, ce qu'on donnait. Le peuple des petits bouts, les habitants, qui ont gagné cela à la cent ont souscrit $2.5 millions par les caisses populaires, M. le Président.

Le gouvernement se pose des questions sur la rentabilité. La Société populaire des pâtes et papiers — prenez ça, ce sont des chiffres, ce ne sont pas des histoires — qui comprend les cinq UCC suivantes; Québec-Comté, Québec-Nord, Québec-Est, Cote-Sud, Rimouski, et le Lac Saint-Jean avec les producteurs forestiers, une possibilité de 45,000 cordes de feuillus, garantissait, quant à elle, $500,000 en équités sur cette affaire. Au surplus, la technique, d'ailleurs...

M. GOSSELIN: Pour 24 millions...

M. MALTAIS (Saguenay): Ecoutez l'Interprétation, ceci s'est passé à votre bureau, je vais vous donner les noms à part ça. La rentabilité a été établie par deux firmes d'ingénieurs très connues: La firme Monti, Lavoie et associés et deuxièmement, dans le but d'éviter qu'il y ait des accrocs, qu'il y ait des erreurs, pour être sûr que le gouvernement ne ferait pas une mauvaise affaire, il s'est adressé à la firme Monarque & Morelli — un bon Italien, cela va faire plaisir à mon ami de Saint-Henri — qui ont dit que c'était une oeuvre valable, que c'était quelque chose qui avait du bon sens, que c'était rentable pour la province de Québec. Mais ce n'est pas tout! n y a les Américains, les firmes américaines que je vais nommer dans un instant. La firme Pearson & Whlttemore de New-York a garanti $2.5 millions d'actions sans en prendre le contrôle puisque je crois qu'il y avait 50,000 actions privilégiées qui appartenaient aux Canadiens français et qui ne pouvaient passer aux intérêts étrangers. La compagnie Pearson & Whittemore de New York s'est engagée à écouler toute la production pendant 25 ans avec des possibilités de renouvellement d'entente chaque année au prix du marché international.

Au bureau de M. le Ministre, il y a des personnages très importants qui ont fait des visites et je vais lui donner les noms, s'il ne s'en souvient pas — cela ne sera pas long...

M. GOSSELIN: Il y avait M. Nenniger, qui a refusé. M. Nenniger, le président de Pearson & Whlttemore...

M. MALTAIS (Saguenay): Je sais que vous êtes content, si cela ne veut pas marcher. Oui, c'est cela, le président, M. Nenniger et le vice-président, M. Camden...

M. GOSSELIN: Oui.

M. MALTAIS (Saguenay): ...qui ont dit: A une condition, simplement à une condition. Imaginez, messieurs, alors qu'ils se plaignent, ces gens-là, de vouloir sauver le Québec contre les dangereux d'Ottawa, ils ont refusé de garantir — et de mon siège, je déclare qu'ils ont refusé de garantir — des investissements qu'il y aurait, et la province de Québec a eu peur. Aucune réponse n'est venue. Si elle existe, cette réponse, j'aimerais que le ministre la produise en Chambre. J'aimerais qu'il la produise, parce que c'est important. C'est important, d'abord, pour le Québec qui, Dieu le sait, est pauvre, au point de vue industriel. Il y a plus de départs que d'arrivées.

M. GOSSELIN: M. le Président...

M. MALTAIS (Saguenay): Le Québec est pauvre.

M. GOSSELIN: M. le Président, je ne peux laisser de telles affirmations continuer, ce que le député affirme est absolument faux.

M. MALTAIS (Saguenay): Le ministre peut toujours venir en assemblée publique quand il voudra. Nous sortirons les chiffres. Avez-vous une date? La semaine prochaine. Nous irons à la télévision. Je vous en emmènerai des chiffres.

M. GOSSELIN: Des types de votre acabit, j'aime autant ne pas les rencontrer.

M. MALTAIS (Saguenay): Je vais vous amener des gens sérieux de la Côte-Nord. Ce sont peut-être des bûcherons, mais vous allez voir que, même s'ils ne sont pas ministres...

M. LE PRESIDENT (M. Théorêt): A l'ordre, à l'ordre!

Je crois que le débat dégénère en discussion entre deux membres de cette Chambre. J'aimerais entendre le député de Saguenay continuer son exposé.

M. MALTAIS (Saguenay): La peur, cela ne devrait pas vous donner prétexte à m'interrompre à chaque minute.

M. GOSSELIN: Je n'ai pas peur de vous du tout!

M. MALTAIS (Saguenay): Des experts de la fuite.

Il y a une déclaration du ministre qui nous parle de la Société de financement. C'est évident, ils ont mis tous les oeufs dans le même panier. Je félicite, d'ailleurs, mon ami le député Mailloux, de Charlevoix, qui fait son travail. Ils ont tout mis dans Donahue. Ils n'en ont plus d'argent pour chez nous. C'est parce que les finances de la province ne sont pas fameuses, parce qu'elles sont mal administrées à l'heure actuelle.

UNE VOIX: C'est le fédéral.

M. MALTAIS (Saguenay): C'est le fédéral, à part de cela. C'est encore pire que je pensais.

La technique était garantie par les Américains pendant cinq ans, jusqu'à ce que le groupe ait formé les nôtres, les ait rendus prêts à prendre la relève pour continuer à exploiter le système du moulin de pâtes et papier. Toutes ces choses, M. le Président, ont été portées à l'attention du ministre, sont en la possession du ministre; si je ne m'abuse, et je lui fournirai une autre copie au cas où il aurait perdu l'original. J'ai eu des rencontres avec les gens de l'UCC. J'ai rencontré, en maintes circonstances, des autorités de Sacré-Coeur. Evidemment, vous n'avez pas de professeurs d'université, vous n'avez pas de grands économistes qui sautent de parti en parti. Ce sont des gens du peuple, avec des connaissances normales, qui ont ramassé $2.5 millions et qui demandent à leur gouvernement de se réveiller pour qu'un pôle d'attraction soit créé en dehors de la charité publique, du service social, de la misère généralisée et de la béquille étatique. C'est cela qu'ils ont demandé.

Vous voulez d'ailleurs qu'on aborde un autre sujet, je reviendrai donc sur celui-là. Depuis que vous êtes là, M. le ministre, je vous l'ai demandé plusieurs fois — vous ne pouvez pas dire que je vous ai attaqué souvent — la route de la ville de Gagnon qui nous relierait à un endroit du Labrador québécois où l'on produit 65% de l'acier canadien n'est même pas reliée à une route. Il y a eu 30 à 35 milles de faits par les libéraux en vertu de la Loi des chemins d'accès. Ces montants ont été donnés par l'ex-ministre des Terres et Forêts. J'avais demandé au député actuel de Laurier, ex-ministre des Richesses naturelles, des montants pour continuer cette route. Je n'ai jamais eu de réponse.

UNE VOIX: Ah!

M. MALTAIS (Saguenay): Je le dis ici, de mon siège, parce que le député de Laurier est ici. En vertu de la Loi des chemins d'accès. Et il reste aujourd'hui 27 milles. On parle de séparatisme, on parle amplement de nationalisme, mais le vrai nationalisme, c'est d'abord de sortir ceux qui sont isolés dans les terres, dans des îlots entourés de terre, aussi paradoxal que cela puisse paraître, des gens qui paient à l'Etat, qui ne sont pas à la solde du service social et qui ne demandent qu'à développer le pays du Québec, qu'à aérer le Grand Nord et ses ressources immenses, dont 20% seulement ont été inventoriées, à donner quelque chose au Québec, au lieu de faire des discours contre quelqu'un, en palliant ses carences, en démolissant les autres, en étant jaloux par nature, en disant qu'on est un peuple d'abrutis et de peureux et en faisant des déclarations farfelues.

L'économique, c'est un fait, et vous n'avez rien fait pour la ville de Gagnon, M. le ministre. Vous savez que vous m'aviez promis, il y a deux

ans, $300,000 — je vous les al demandés — et dit à quoi cette somme serait appliquée. Jamais un cent n'a été donné. Pourtant cette route qui raboute à Manic-5, qui continue jusqu'au lac Louise est avancée en direction nord vers le mont Wright, sur une distance d'environ 30 milles. Il reste 20 milles jusqu'à la rivière Hart Jaune, d'où vous êtes rendus à Gagnon. Cela, c'est du nationalisme. Cela, c'est aérer, c'est grandir les Canadiens français. Si nous avons réellement quelque chose comme peuple à donner, si réellement, nous voulons que, de l'extérieur, on cesse de nous regarder comme un peuple de pigeons qui s'envient, qui se jalousent, qui ont peur des succès des autres, il va falloir sortir de son plaisir de faire des déclarations personnelles et travailler ensemble à bâtir un Etat où quelque chose se fait, un Etat où les gens sont heureux parce que ça travaille, un Etat où les chômeurs ne seront pas le principal groupe représenté, mais où la masse des Québécois, la masse réelle de ceux qui veulent travailler, mais pas qu'on exploite à des fins électorales, en disant: Vous en aurez des pensions. Envoie-moi de l'argent. Envoies-en tout le temps, envoies-en toujours, c'est pour notre amour, ma réélection. On flatte les instincts populaires. Vous avez un exemple, M. le ministre, qui ne touche pas du tout, à l'heure actuelle, à autre chose qu'à un fait économique. Des gens sont emprisonnés. On faisait huit milles par année. Cela ne coûte pas cher. Ces gens-là seraient sortis, développeraient chez nous. Qu'est-ce qui va arriver? C'est Joe Smallwood qui va faire la route et, vous verrez, cela nous échappera encore, et dans vingt ans, on dira: A cause de l'intransigeance de Lucien Cliche, peut-être de l'autre, de Gosselin et de Maltais...

M. LE PRESIDENT (M. Théorêt): A l'ordre! A l'ordre! A moins d'avoir le consentement unanime de la Chambre, Je ferai remarquer que les trente minutes...

M. LAPORTE: M. le Président, je m'excuse, mais 11 est une tradition qui donne toujours deux minutes à un député pour terminer.

M. LE PRESIDENT (M. Théorêt): C'est le consentement dont j'ai besoin.

M. GOSSELIN: C'est assez.

M. LAPORTE: M. le Président, ne partons pas sur ça. Je sais que le ministre est mécontent. Il y a une tradition qui existe...

M. GOSSELIN: Il y aune limite à endurer des faussetés...

M. LAPORTE: Il y a une limite à votre mécontentement, aussi. Bon, il faut garder la tradition, autrement cela va devenir fort désagréable.

M. LE PRESIDENT (M. Théorêt): Alors, je crois comprendre...

M. PAUL: M. le Président, après en avoir discuté avec mon collègue, celui-ci consentirait que l'honorable député puisse terminer dans deux minutes.

M. LAPORTE: Merci.

M. MALTAIS (Saguenay): Je remercie...

M. LE PRESIDENT (M. Théorêt): Je m'excuse, je ferai remarquer, cependant, que j'avais accordé deux minutes de plus à l'honorable député, à cause des interruptions. Alors, avec le consentement unanime, nous allons continuer pour encore deux minutes.

M. MALTAIS (Saguenay): Je comprends, que ce n'est pas deux minutes de quatre minutes, c'est seulement deux minutes de trois minutes. Je vais y aller.

Alors, si, comme le dit le ministre, ce que je viens de dire est faux pour la route de Gagnon et s'il a contribué au progrès de cette route vers Gagnon, immédiatement en sortant de cette Chambre, en quittant mon siège, je démissionnerai, n sera mon témoin. Mais, je déclare qu'il n'y a eu rien de fait au point de vue de la progression.

Deuxièmement, l'affaire de Sacré-Coeur est une chose importante, parce qu'elle comporte une solution aux problèmes du Québec. Cette solution, c'est 200 emplois réguliers dans un pôle qui est anémique au point de vue industriel, ce qui veut dire 500 emplois supplémentaires en forêt pour l'alimentation. Dans le secteur secondaire, on sait que les statistiques disent que ce qui regarde le coeur de l'usine produit 2.5 en hommes, c'est-à-dire 500 personnes de plus.

M. le Président, j'aurais pu m'étendre sur de nombreux autres sujets. Je les ai limités et les ai traités le plus rapidement possible, sans vouloir blesser d'aucune façon le ministre des Terres et Forêts. Je signale simplement à son attention quelque chose qui est important pour le Québec. S'il le fait, il va être élu plus facilement. Cela va mieux aller, son affaire. S'il ne le fait pas, on continuera à dire qu'on a moins confiance en notre gouvernement, parce qu'un bon jour nous, les Canadiens français, il va falloir nous dire: Commençons donc à travailler. Cessons donc de « renoter ». Faisons quelque

chose. Imitons donc les Juifs qui sont un million dans le monde, et ils sont tous en train de nous faire branler.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauharnois.

M. Gérard Cadieux

M. CADIEUX: M. le Président, au tout début de mes brèves remarques, il me fait plaisir de me joindre à mes collègues pour vous féliciter de votre nomination comme président de cette Assemblée.

Je vous offre également mes meilleurs voeux de succès pour les quelques semaines qu'il vous reste à présider cette Assemblée nationale, avant que le premier ministre décide de déclencher des élections générales.

M. le Président, ces brèves remarques, je les ferai d'abord, au sujet de la situation dans le domaine de l'éducation. Depuis des mois, nous n'avons qu'à relire les déclarations des commissaires d'écoles, des enseignants et de ceux qui étudient la situation dans le domaine de l'éducation pour nous rendre compte du marasme extraordinaire dans lequel se débattent les enseignants et les commissions scolaires au niveau local et au niveau régional.

L'an dernier, après le discours de M. Dozois, une commission scolaire disait: Cela va influencer énormément le marché des obligations. Une autre commission scolaire déclarait ceci, à Saint-Jérôme: Nous avons un montant de $2 millions d'arrérages. Le gouvernement doit, en subventions statutaires, un montant de $2 millions. A la régionale Louis-Fréchette, le 17 janvier 1969, on déclarait: La plupart des enseignants ont été payés de justesse et ne le seront pas pour les prochaines semaines. En Gaspésie, si on a quelque peu suivi le débat, on s'aperçoit que c'est encore pire qu'ailleurs. Les écoles sont fermées en Gaspésie pour une période indéterminée; ça, c'était rapporté en janvier 1969. Les écoles secondaires de Gaspésie ne rouvriront pas lundi, faute d'argent. Le miracle que nous n'attendons même plus, c'était un montant de $300,000 et ceci n'aurait été qu'un miracle temporaire.

La Commission des écoles catholiques de Montréal, le 1er février 1969, affrontait un déficit de $15 millions à $20 millions. La régionale de l'Amiante connaîtra une crise financière le 30 juin si les subventions d'équilibre budgétaire ne lui sont pas versées d'ici là. Le 15 avril 1969, protestations touchant le nouveau mode de paiement de subventions par les commissions scolaires régionales de la province de Québec et plus particulièrement par la régionale de Chauveau. Le 12 février 1969, la Commission des écoles catholiques de Montréal lance un appel pressant et crie au secours à Québec. Les enseignants n'ont pas été payés pour le début de l'année scolaire dans le comté de Témiscamingue, 16 janvier 1969. Une cinquantaine d'enseignants n'ont pas encore été payés à Thetford Mines, 2 juin 1969. Fermeture des écoles le 15 mars prochain, à Saint-Michel. Le 27 février 1969, une somme de $1,215,961 est due à la régionale Chauveau. Le 11 juin 1969, la ville devra emprunter un montant de $11 millions pour le paiement de versements des taxes aux commissions scolaires. Le 30 avril 1969, emprunt d'un montant de $43,100,000 des commissions scolaires régionales. Le 19 juin 1969, le financement scolaire, un problème toujours plus aigu.

C'est la même chose pour environ une cinquantaine de déclarations. Dans toute la province de Québec, toutes les commissions scolaires crient au secours et ceci, semaine après semaine, mois après mois.

On ferme les classes pour deux ou trois jours; les enseignants cessent de travailler pour une semaine, pour deux semaines; le ministre de l'Education envoie quelques milliers de dollars, parfois quelques centaines de milliers de dollars pour ne couvrir que la paie d'une, de deux ou de trois semaines.

On déclarait encore dernièrement que si, d'ici la fin de février, le ministre de l'Education ne remboursait pas aux commissions scolaires locales les subventions statutaires dues, il n'y aurait pas 10% des commissions scolaires locales du Québec qui pourraient, au début de mars, payer les enseignants.

C'est une situation intenable; c'est une grave crise financière qui peut retarder l'enseignement au Québec et qui fait que tant d'enseignants, tant d'élèves, tant de parents sont inquiets.

C'est également à cause de cela que tant d'industriels, tant de banquiers, tant de personnes qui veulent investir au Québec sont inquiets également, ce qui fait que les investissements au Québec ne montent pas en flèche comme dans la province voisine, l'Ontario, que le chômage augmente, justement à cause de cette inquiétude.

Ce sont des cas généraux dans toute la province de Québec. Il y a quelques jours, je soulevais des cas particuliers en cette Chambre, le cas particulier de la polyvalente de Beauharnois. Des soumissions publiques ont été demandées il y a déjà un an et demi. Le contrat a été octroyé par la commission scolaire à un entrepreneur du

comté de Beauharnois au coût de plusieurs millions. Nous attendons depuis ce temps-là. Des réponses viennent du ministère de l'Education: Il faut changer certaines choses dans les plans; on s'adresse à l'architecte; on s'adresse aux ingénieurs; on les fait venir à Québec, on les consulte par téléphone.

Lorsqu'on demande au ministre de l'Education ce qui retarde la construction d'une polyvalente à Beauharnois même, il nous dit que, pour la première fois, il en a entendu parler à la suite d'une rencontre qui a eu lieu la semaine dernière ici même à Québec avec les commissaires d'écoles de la régionale d'Youville. Cela fait des mois que je communique personnellement avec le ministre de l'Education. H m'a répondu, le 13 mars 1969, que la construction débuterait en juillet 1969. Il m'a répondu, à d'autres reprises, pour me dire que tout était en marche et que la construction de cette école à Beauharnois commencerait très bientôt.

Pendant ce temps-là, les sous-ministres et les fonctionnaires du ministère de l'Education écrivent et téléphonent aux commissaires d'écoles de la régionale d'Youville, à Beauharnois, pour leur dire de faire des améliorations dans des écoles locales, de changer des cloisons de place pour avoir de l'espace, dès septembre prochain, pour recevoir tous les élèves de cette région. Cela fera près de $150,000 de dépenses que l'on impose à la commission scolaire régionale d'Youville pour des réparations alors que, depuis un an et demi, l'entrepreneur est choisi par la commission scolaire de la régionale d'Youville; alors que, depuis un an et demi, il a un dépôt de 10% qui est retenu par la commission scolaire régionale d'Youville; alors que, depuis un an et demi, probablement, il doit payer des intérêts pour un emprunt à la banque.

Comment voulez-vous que nos entrepreneurs sérieux, que nos industriels aient encore confiance dans le ministère de l'Education et dans le ministre de l'Education, alors qu'on se contredit de semaine en semaine? On accepte la construction une semaine et, l'autre semaine, on fait venir les commissaires pour leur dire qu'on doit changer les plans. On leur demande d'effectuer de petites réparations dans de petites écoles pour pouvoir recevoir les centaines d'étudiants qui devront être en classe en septembre. On a construit à Châteauguay une régionale qui devait pouvoir accepter 2,500 élèves. Présentement, il y en a 2,800; en septembre prochain, on prévoit qu'il y aura à peu près 3,000 élèves à cette régionale de Châteauguay. Mais on retarde toujours la constuction de la polyvalente de Beauharnois.

Le ministre m'a dit, de son siège, que la cons- truction de l'école polyvalente de Valleyfield était terminé. On n'a demandé les soumissions que la semaine dernière dans les journaux. Cela fait quatre ans qu'on en discute. On vient à peine de demander des soumissions pour la construction de cette école-là. Si on procède de la même façon qu'on a procédé à Beauharnois, cela prendra encore deux ou trois ans avant que l'on accepte, qu'on donne le feu vert à l'entrepreneur pour construire cette école. Ceci n'est pas encore fait dans le cas de Beauharnois.

M. le Président, il n'est pas surprenant que tous ceux qui se lèvent pour parler, de ce côté-ci de la Chambre, que tous ceux qui ont conscience de la situation économique au Québec soient inquiets. Il n'y a pas seulement la menace du séparatisme, il y a aussi l'incompétence du gouvernement actuel et, plus précisément, l'incompétence du ministre de l'Education et de son ministère. Pour parler dans un autre domaine, en 1966 — je relisais les promesses faites par le candidat de l'Union Nationale — on disait, dans le comté de Beauharnois:

Avec l'Union Nationale, le boulevard no 3 sera une chose terminée dans quelques années. Ce n'est pas commencé, M. le Président. On disait: On va régler le problème à Caughnawaga pour continuer le boulevard. C'est dû à la mauvaise administration qui nous a précédés et nous allons le régler, ce problème-là. Ce n'est pas encore réglé.

On parlait d'une route de ceinture à Valleyfield; les montants étaient votés pour la construction de cette route de ceinture. On vient de sortir tout dernièrement des rapports disant que, probablement, peut-être cet été ou à l'automne, on entreprendra des travaux pour une route de ceinture à Salaberry-de-Valleyfield. Cela, c'est la meilleure preuve que nous sommes à la veille d'une élection provinciale. On parlait, M. le Président, de la construction de la route dans le rang double.

Cela revêt une importance toute particulière, puisque ce cas peut s'appliquer à toute la province. En 1965, le président, le vice-président et des membres du conseil d'administration de la Dominion Textile étaient à ma résidence, à Valleyfield, pour annoncer publiquement la construction, au coût d'une vingtaine de millions et plus, d'une usine de la Dominion Textile à Saint-Timothée même. La première question que m'avaient posée auparavant M. Daniels, le président et M. King, le vice-président, était la suivante : Si nous allons nous installer à Saint-Timothée, sur le bord du canal de Beauharnois, pouvons-nous compter avoir une route nouvelle pour le transport de nos marchandises et pour nos employés, puisqu'il

y a au-delà de 1,000 employés à cette usine?

J'avais fait venir pour cette assemblée-là, à Valleyfield, le sous-ministre de la Voirie, M. Roger LaBrèque. Après avoir étudié lui-même tout le dossier, Roger Labrèque disait publiquement à ceux qui investissaient $25 millions dans la région de Beauharnois: D'ici un an, nous entreprendrons la construction de cette route-là et, dans deux ans, tout sera terminé. Allez voir, M. le Président, ce qu'il y a de fait. On a changé des clôtures de place, on a creusé des fossés, on a mis des affiches disant que ça se fera et on a corrigé quelques courbes. Ce n'est pas à cela que s'attendaient ceux qui venaient investir des millions chez nous. Comment voulez-vous que ces gens-là aient encore confiance pour réinvestir dans notre province lorsque, à cause d'un changement de gouvernement, tous ces projets-là ont été mis sur les tablettes et oubliés?

Dernièrement, les membres de la Chambre de commerce de Valleyfield demandaient une rencontre avec le ministre de l'Industrie et du Commerce pour lui présenter un mémoire, très bien fait, expliquant la situation économique du comté de Beauharnois et plus précisément de Valleyfield. Je me dois, d'abord, de féliciter publiquement le président de la Chambre de commerce, M. Jean-Guy Beaulieu, et tous ceux qui ont contribué à préparer ce mémoire expliquant la situation économique défavorable de notre région. Des membres de la Chambre de commerce et des représentants des différentes industries de la région ont préparé ce document qui a été présenté, il y a quelques semaines, au ministre de l'Industrie et du Commerce. Voici ce qu'on demandait au ministre: « Attendu que, le 22 octobre 1969, il fut ordonné par l'arrêté en conseil 3197 que le ministre de l'Industrie et du Commerce soit autorisé à mettre en application un programme pour stimuler le développement de certaines industries dans certaines municipalités québécoises; « Attendu que la situation défavorable de notre région, nous demandons que Valleyfield et la région soient incluses dans cet arrêté ministériel 3197.

Nous disions ceci : Valleyfield est presque une ville frontière, coincée entre les Etats-Unis et l'Ontario; de plus, elle est située dans un cul-de-sac géographique. Avoisinant des villes du sud-ouest de l'Ontario, la région de Valleyfield se trouve en concurrence directe avec des villes comme Cornwall et Hawkesbury et s'en trouve nettement défavorisée. L'aide gouvernementale donnée à ces villes de l'Ontario est immense et nous en subissons un énorme préjudice. Quatre compagnies recevant de l'aide gouvernementale ontarienne, M. le Président (Programs for prosperity) et écoulant une grande partie de leur production au Québec ont récemment commencé leurs opérations: ce sont Patchogue, Plymouth, Duplate, Astro Industries et Color-Matic.

Ces compagnies sont localisées à Hawkesbury. Quelques unes de ces compagnies s'étaient adressées à des gens de la région de Valleyfield, mais parce que Valleyfield n'était pas incluse dans l'arrêté ministériel 3197, on s'est laissé tenter — et qui peut les en blâmer? — d'aller s'installer à Hawkesbury et d'autres à Cornwall. Si ces industries étaient allées dans le comté de Châteauguay, dans le comté de Laprairie ou un autre endroit dans la province de Québec, je n'emploierais pas le même ton, je n'aurais pas les mêmes arguments, parce que, de toute façon, je me dirais: Au moins, on est resté au Québec. Mais non, on est allé à quelques milles de Valleyfield et la, je viens de vous énumérer quatre compagnies.

Depuis 1968, la compagnie Chemcell, après avoir étudié des plans pour construire une nouvelle usine à Valleyfield, constate qu'elle peut obtenir des avantages financiers en développant ses usines de Drummondville. Elle ferme donc définitivement son usine de Valleyfield et offre de remettre à la cité les 40 arpents de terrain déjà achetés et ceci à 90% de son prix d'achat. Résultat: 156 emplois éliminés. En 1968 encore, la compagnie Dominion Textile décide de fermer sa vieille usine de Valleyfield, qui comprend 1,500,000 pieds carrés de plancher. La cité accorde à cette compagnie une réduction d'évaluation de l'ordre de $1,800,000 afin d'éviter la démolition de ses bâtiments, mais les édifices sont toujours vacants. Il a été impossible à ce jour d'intéresser de nouvelles industries à utiliser ces locaux, étant donné qu'elles ne peuvent obtenir des avantages financiers gouvernementaux chez nous. Résultat: 466 emplois éliminés en 1968.

En 1969, la compagnie Canadian Converters annonce aux autorités municipales qu'elle désire augmenter la capacité de production de sa compagnie subsidiaire, la Springdale Mills. Devant l'impossibilité d'obtenir des avantages financiers qui sont accordés dans des régions dites défavorisées, elle décide donc de remettre à plus tard son projet d'expansion.

Nous avons appris, en fin de décembre, que la compagnie Canadian Converters venait de congédier 69 employés à Salaberry-de-Valleyfield. Résultat: 69 emplois éliminés. En 1969, diminution très sensible des opérations de l'usine de munitions de Canadian Industries Limited, CIL, et par conséquent, réduction régulière du per-

sonnel. A ce jour, 233 emplois éliminés et, il y a quelques semaines, on a encore renvoyé du personnel là-bas. En 1969, fermeture complète de la meunerie McDonald & Robb. Résultat: 15 congédiements.

Dans un an à peine, nous avons perdu, dans la région de Salaberry-de-Valleyfield, 1,400 emplois, éliminés dans la seule région de Salaberry-de-Valleyfield et ça, parce que notre région n'est pas incluse dans l'arrêté ministériel 3197. Le ministre de l'Industrie et du Commerce est au courant de la situation. Il a pris connaissance de ce document présenté par la Chambre de commerce et il a promis à la délégation une réponse très hâtive. Cela fait déjà quelques semaines de cela, trois semaines, un mois; je demande donc au ministre de l'Industrie et du Commerce de venir en aide le plus tôt possible, à la région de Salaberry-de-Valleyfield, parce que justement, dans une de ses déclarations qui a paru dans le journal Nouveau-Temps, il disait que l'arrêté ministériel 3197 devait venir en aide aux villes et aux régions qui sont situées près de l'Ontario et près des Etats-Unis. Eh bien, Valleyfield est une de ces villes; si nous n'obtenons pas d'ici quelques semaines l'aide du gouvernement et du ministère de l'Industrie et du Commerce, d'autres industries qui sont intéressés à venir s'installer chez nous, à la condition également que l'on construise ce boulevard no 3, iront non pas dans d'autres parties de la province de Québec mais s'installeront probablement en Ontario, probablement peut-être aussi aux Etats-Unis, Le chômage dans la région de Salaberry-de-Valleyfield dépasse de beaucoup 10%, ce sera bientôt 11%.

C'est une situation inacceptable. Et on se demande exactement ce que le gouvernement fait pour remédier à cette situation.

M. le Président, il n'y a pas seulement que les questions de $200 millions que l'on pourrait aller récupérer d'Ottawa qui intéressent la population. Ces $200 millions-là, on veut en faire un ballon politique, tout le monde le sait. Est-ce que le gouvernement d'Ottawa a récolté en taxes chez nous $200 millions? Est-ce qu'il a pris cela et enfoui cela dans un tiroir pour vous dire: Si vous êtes fins, vous l'aurez; si vous n'êtes pas fins, vous ne l'aurez pas?

Le premier ministre du Canada a déclaré que plusieurs millions sont dépensés dans le cadre de l'aide sociale dans toutes les provinces, et donc dans le Québec. Mais comment voulez-vous qu'Ottawa ait confiance dans l'administration actuelle de la province? Les gens d'Ottawa, les gens de tout le pays comme, d'ailleurs, la très grande majorité de la population québécoise sont au courant de la situa- tion qui existe dans le domaine de l'éducation. La population est au courant qu'au 31 mars l'an dernier, le gouvernement devait $375 millions aux commissions scolaires locales en subventions d'équilibre budgétaire. La population est au courant que le gouvernement doit encore des sommes aux municipalités. La population, du Québec et du Canada, est au courant que la situation économique se détériore très vite au Québec, et que le chômage augmente de semaine en semaine et de mois en mois. Elle est au courant que, dans la région de Valleyfield, le chômage se situe à près de 11%. Elle est au courant que nous n'avons pas de route pour faire venir nos industries là-bas et que si nous promettons d'en construire, nous ne tiendrons pas ces promesses-là, et que ce ne sont que des promesses électorales.

La population est au courant de tout ceci, et Ottawa sait bien que fournir $200 millions au gouvernement actuel, ce serait une dépense inutile parce qu'on s'en servirait probablement pour boucher les trous, pour aider des amis et non pas à l'avantage de toute la province de Québec.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Voyons donc!

M. CADIEUX: C'est probablement plus que $200 millions avec un nouveau gouvernement et une nouvelle façon d'aborder le problème qu'Ottawa verserait, et dans le même domaine C'est probablement beaucoup plus que ça si l'on sent que, réellement, à la tête de la province de Québec, il y a des administrateurs sérieux qui veulent réellement l'avancement du Québec, qui veulent réellement la diminution du chômage, qui veulent réellement mettre de l'ordre dans le domaine de l'éducation. Cette équipe-là, M. le Président,...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Soit vendue à Trudeau.

M. CADIEUX: ... nous l'aurons très bientôt...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Soit vendue à Trudeau.

M. CADIEUX: ... et je puis vous assurer que le député de Chicoutimi ne sera pas dans cette équipe-là. Elle verra ce qui va lui arriver lors des prochaines élections...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Certainement pas avec Trudeau.

M. CADIEUX: ... et d'ailleurs, ce sont tous les hommes bien-pensants, ils ne veulent plus l'avoir ici. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laurier.

M. René Lévesque

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, vu le peu de temps dont je dispose et la durée déjà plus que respectable de ce débat, vous comprendrez que je réduise au minimum tous les compliments auxquels l'usage vous donne droit, et que je me contente, en vous félicitant de votre nomination, de vous souhaiter toute la sérinité, l'objectivité et la patience qu'exigera de vous la présidence de cette Assemblée nationale où l'on discute de l'état de la nation.

D'un projet de loi à l'autre ou d'un budget à l'autre, c'est ce que l'on fait, en détail, continuellement. En ce moment, et depuis notre très brève rencontre avec M. le lieutenant-gouverneur, c'est également ce que l'on fait, ou ce qu'on est autorisé à faire en considérant l'ensemble de la situation.

Même si le premier ministre s'est défendu d'avoir prononcé un discours paraprésidentiel, parce que cela faisait rire un peu, dans le public, c'est bien de cela qu'il s'agissait. Sur le mode électoral, le premier ministre nous a donné son aperçu de l'état du Québec en ce moment, et aussi les perspectives qu'il propose. En gros, le député de Missisquoi, c'est normal, voit la situation plutôt en rose, à condition, bien sûr, que l'Union Nationale soit reportée au pouvoir.

En face, naturellement, le député de Mercier a le regard plutôt sombre et le propos plutôt sinistre. Mais, malheureusement, son ciel s'éclaircirait, le nôtre c'est un peu moins sûr, si c'était lui qui devenait, à son tour, le chauffeur de la vieille bagnole provinciale, car son discours n'avait vraiment qu'un seul contenu essentiel, le refrain folklorique des saisons préélectorales: Ote-toi que je m'y mette. Et la situation économique, en particulier, s'éclaircirait comme par miracle. Probablement que le boulevard numéro 3 du député de Beauharnois et la route du député de Saguenay surgiraient dans le paysage comme par enchantement.

Je dois dire que, tout compris, j'ai préféré le ton du premier ministre et tout particulièrement les quelques passages où, comme il disait lui-même, il posait la vraie question, un peu avant de poser aussi à l'Opposition libérale ses trois autres questions spécifiques auxquelles le député de Mercier a jusqu'à présent décliné de répondre.

Le 24 février, donc lors de l'ouverture de la session, le premier ministre situait comme suit ce qu'il appelle la vraie question, c'est à la page 8: « Or, ce n'est pas facile, M. le Président, de faire en sorte que la qualité de notre vie française et notre niveau de vie ne se fassent pas mutuellement obstacle. Pour y arriver, il faut de solides institutions, au premier rang desquelles il faut placer les institutions politiques, surtout à une époque où tend malheureusement à diminuer l'influence des structures sociales et religieuses qui contribuaient jadis à encadrer notre peuple. « D'où la question capitale qui se pose: Compte tenu du fait que la nation canadienne-française n'est majoritaire qu'au Québec, quelles sont les institutions politiques qui lui permettront d'assurer au maximum la promotion de ses valeurs propres en milieu nord-américain? Où trouver la juste mesure entre l'autonomie et la participation? Où trouver le point d'équilibre entre les pouvoirs que l'on doit exercer au Québec et ceux que l'on peut profitablement confier à un fonds commun canadien ou nord-américain? « Tel est le problème central de la politique québécoise. C'est ce qui fait sa difficulté et aussi sa grandeur, son immense intérêt. « Problème tellement central — disait le député de Missisquoi — que c'est à partir de là, c'est-à-dire par leurs options constitutionnelles beaucoup plus que par leurs options sociales de droite ou de gauche, que se définissent, au Québec, les partis politiques, du moins ceux qui ont été spécialement conçus et organisés en fonction de nos besoins et de nos valeurs à nous. « Je ne suis pas d'accord — disait encore le premier ministre — avec la solution préconisée par le parti du député de Laurier, mais il faut au moins reconnaître qu'il ne craint pas, lui, d'aller au fond des choses et de poser le vrai problème. Il nous offre, en termes clairs, une mauvaise réponse à la vraie question. »

Eh bien, le député de Missisquoi me permettra de le remercier — je regrette qu'il ne soit pas ici — pour les termes généreux dans lesquels il rejette le choix politique que je défends de mon mieux ici et ailleurs, au Québec. C'est vrai, je crois, que cette question capitale du régime dont le Québec a besoin comme toute collectivité, nous nous efforçons, depuis plus de deux ans, au Parti québécois, de définir et d'approfondir une réponse claire et articulée. Si le premier ministre trouve que cette réponse est mauvaise, que pense-t-il, alors, de la façon dont certains de ses collègues, le député de Dorion, le député de Montcalm, en particulier, nous ont servi publiquement la même réponse, mais sur le ton de ce que l'on pourrait appeler l'anticipation conditionnelle, en faisant de ce

régime que nous proposons non pas un objectif clair et précis, mais une espèce d'instrument de chantage?

L'Union Nationale aurait-elle la tentation de reprendre encore une fois, en 1970, ce jeu électoral qu'elle a quelque peu pratiqué en 1966 et qu'on pourrait appeler le chantage à l'indépendance? Le Québec a évolué depuis ce temps-là et, sauf erreur, il a fait pas mal de chemin. Ou je me trompe fort, ou notre peuple ressent comme jamais un besoin féroce de sortir enfin de la confusion, de l'à-peu-près, et du j'avance-et-puis-je-recule. Quand le député de Missisquoi a été élu chef de son parti, c'était, entre autres choses, sur cette même question capitale. Et même dans la bousculade et les incohérences inévitables d'un congrès à la chefferie, une chose semblait ressortir sans ambiguïté: L'Union Nationale s'était choisi un leader franchement et, pour ainsi dire, indissolublement fédéraliste. Il serait bon, je crois, et plus nettement qu'il ne l'a fait jusqu'ici, que le premier ministre dise à tous les Québécois à quelle enseigne il loge, définitivement.

Je ne sais pas si, dans des calculs électoraux à court terme, pour le printemps alors que les bourgeons éclatent ou pour l'automne quand les feuilles rouges sont censées tomber, je ne sais pas si ce serait bon pour l'Union Nationale, mais il me semble évident que ce serait bon pour le peuple québécois.

Ce serait bon d'être clair pour cette foule, enfin pour cette multitude chaque jour croissante de citoyens, en particulier, mais pas exclusivement chez les jeunes qu'il ne faudrait tout de même pas écoeurer complètement de ce qu'on appelle le processus démocratique.

Ce serait bon pour tous ces citoyens qui en ont jusque là, des petites ambiguïtés savantes, des petits ultimatums pour rire et des petits futurs conditionnels de tous les matamores éventuellement très prudents de l'électoralisme provincial.

Jusqu'à preuve du contraire, les deux partis qui sont ici, sont fédéralistes, de même d'ailleurs que les deux ou trois autres ailes provinciales d'autres formations qui sont en train de s'improviser présentement à l'extérieur.

Jusqu'à preuve du contraire, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'ils aient décidé fermement et clairement de se définir autrement et d'assumer les risques personnels d'une telle décision, les hommes qui siègent ici défendent, dans les deux partis officiels de cette Chambre le statu quo politique ou, tout au plus, l'illusion tenace d'un statut particulier qui, d'ailleurs, ces temps-ci, du côté libéral surtout, se comporte curieusement comme une peau de chagrin. Il rétrécit.

Nous, nous proposons autre chose. N'en dé- plaise au premier ministre, après être allés de notre mieux au fond des choses, comme il disait, nous proposons ce qui nous paraît la seule bonne réponse à la vraie question, c'est-à-dire la souveraineté politique du Québec et une forme nouvelle d'association qui garderait, dans ce que le député de Missisquoi appelait le fonds commun, uniquement des relations économiques principales.

A notre avis, cela permettrait aux citoyens québécois, à la collectivité dont nous faisons partie, d'aller, elle aussi, et tardivement, et après combien de tergiversations, dans le sens des deux grands courants qui emportent, partout dans le monde, tous les peuples évolués dans ces directions nouvelles et complémentaires à la fois; d'abord, d'être chacun maître chez soi et puis, tous, de plus en plus, rapprochés par des accords de communauté économique.

Cela nous permettrait du même coup, de sortir enfin de ce qui est devenu le gaspillage désastreusement polyvalent, gaspillage d'argent et de ressources, gaspillage d'énergie et de temps auquel nous condamne un vieux régime fédéral qui est à la fois usé et durci, dont les alternances, de plus en plus visibles, de fébrilités et de paniques, et de raidissements qui ressemblent déjà à une espèce de rigor mortis, constituent la chronique continuelle, lamentablement quotidienne de ce qu'on appelle les relations fédérales-provinciales.

C'est un maquis de plus en plus inextricable où je comptais récemment 160 comités plus ou moins permanents, où une chatte ne retrouve plus ses petits et où les citoyens, sans compter les hommes qui prétendent administrer ce régime, ne sont même plus capables de suivre le rendement, bon ou mauvais, des milliards de dollars qu'ils versent péniblement chaque année pour maintenir des administrations publiques.

A ce propos, par exemple, il n'est peut-être rien de plus révélateur, sur le plan mesquin de l'état du régime et de l'état d'esprit de certains des hommes qui s'y prolongent, que l'invraisemblable missive où le ministre fédéral MacEachen prétendait ces jours-ci régir les écriteaux, les plaques inaugurales, les cérémonies d'ouverture et même les noms des écoles techniques du Québec. L'arrogance très consciente et très grossière sombrait dans cette lettre dans le ridicule le plus achevé.

Même si le ministre de l'Education et son collègue des Finances ont réagi avec au moins l'ironie qui s'imposait comme un minimum vital de dignité, le simple fait qu'on ait le front de nous traiter ainsi fait que nous nous trouvons tous plus ou moins englués dans ce même ridicule.

Par la même occasion, nous sommes éga-

lement plongés dans la confusion délirante où deux niveaux de gouvernement n'arrivent même plus à démontrer clairement et honnêtement ce qu'il advient de l'argent des contribuables.

Les fameux $12 millions dont Ottawa dit qu'ils ont refusés et dont Québec soutient qu'ils se sont perdus dans les velléités d'austérité budgétaire du fédéral... De toute façon, cette somme de $12 millions brille par son absence dans notre programme de construction scolaire.

L'austérité fédérale dont le frein économique ne semble efficace que dans les régions qui sont déjà mal en point et, en premier lieu, dans le Québec — je répète simplement ce que le député de Beauharnois disait pour sa région — nous aide à atteindre dans le Québec des taux de chômage de 8% qui seront probablement de 10% avant l'été. Cependant, cette austérité n'empêche pas des soulagements rapides de quelques centaines de millions et même des vacances agricoles fort peu austères et bien payées, mais ça, c'est dans l'Ouest canadien. Et, là comme ailleurs, nous payons notre part.

C'est dans ce même maquis fédéral-provincial que sont disparus, sans laisser d'autres traces que le ressentiment et la chicane partisane, ainsi qu'une nouvelle spoliation massive des Québécois, les $200 autres millions dont nous avons tous et chacun payé une fraction pour une assurance-maladie que nous n'avons pas.

Sur ce point, d'ailleurs, le député de Mercier vient d'apprendre à son tour qu'il n'est pas aussi simple de faire entendre raison à ses éminents « seniors » d'Ottawa qu'il faisait mine de le croire dans l'un de ses manifestes de la course à la « chefferie » ou il faisait écrire candidement à ses rédacteurs: « Les positions constitutionnelles d'un gouvernement libéral du Québec pourront donc diverger d'avec celles du gouvernement central, mais, en utilisant toutes les ressources du fédéralisme, les libéraux québécois découvriront des mécanismes politiques aussi ingénieux qu'inédits. »

Eh bien! sur le montant de $200 millions, il vient de recevoir de l'aile fédérale de son parti une réponse qui, à mon humble avis, n'a rien d'ingénieux, et rien non plus d'inédit. Il s'est fait dire non, comme tout le monde.

Pendant ce temps-là, dans ce même maquis fédéral-provincial, nos concitoyens anglophones du Protestant School Board of Greater Montreal se préparent officiellement à faire jouer l'un contre l'autre, si possible, à propos du bill 62, ces deux tronçons d'Etats qui ne semblent plus avoir d'autre raison d'être que de se contrer et de se stériliser mutuellement.

D'ailleurs, sur ce problème de la scolarité, qui est l'un des aspects les plus épineux du problème culturel et linguistique du Québec, nous proposons, nous — je le dis en passant — une solution qui nous sortirait de ces espèces de contorsions humiliantes dont nous avons eu et dont nous avons encore tant d'exemples dans nos comportements. Cela nous délivrerait des bouts de papier, si respectables soient-ils, pour assurer la sécurité d'un instrument collectif que tous les peuples normaux pratiquent sans même être obligés d'en discuter, sans surtout être obligés de « placoter » sur cette situation.

Tous les peuples normaux parlent leur langue; ils ne sont pas obligés d'en parler tout le temps. C'est toujours dans ce même maquis fédéral-provincial — et c'est parallèle au sujet que je viens d'évoquer rapidement — que notre ex-président, le député de Rivière-du-Loup, le ministre des Communications, vient de se sentir obligé, comme l'ont dit les observateurs, de passer à l'attaque sur le front des satellites et des communications par ondes.

Si j'ai bien lu les comptes rendus, il l'a fait en reprenant et en réaffirmant, pour l'essentiel, la vieille et caricaturale division des juridictions entre le contenant, le véhicule ou la technique, et les longueurs d'ondes qui, d'une part, seraient fédérales et le contenu, c'est-à-dire ce mélange inévitable d'éducation et d'information que véhiculent les ondes qui, lui, d'autre part, serait provincial.

C'est dans ce labyrinthe byzantin, d'ailleurs, que croupissent depuis le début tous nos projets de télévision éducative et aussi, à côté des réseaux radio-télévision où, là comme ailleurs, nous avons largement payé notre part, que nous payons toujours et que nous nous croyons obligés d'édifier parallèlement une Radio-Québec, de même qu'on édifie, en parallèle à un autre, ce ministère des Communications dont je viens de parler et dont le ministre apprendra que dans le contexte où nous sommes, les pouvoirs sont surtout verbaux. De même qu'on s'est doté d'un ministère verbal de l'Immigration, d'un ministère en grande partie verbal de la Main-d'Oeuvre, et des instruments, pour une bonne part verbaux eux aussi, de la planification et du développement régional.

Ce qui n'empêche pas que tout cela est très coûteux, verbalement et autrement. De toute façon, un Etat moderne est toujours coûteux. Bien sûr, il faut l'efficacité nécessaire sur laquelle revient si souvent le député de Mercier. Mais il ne suffit pas de se faire un slogan facile du mot « compétence », comme il le fait trop souvent, pour sortir le Québec des difficultés terribles qu'il rencontre pour boucler ses bud-

gets et aussi de la lenteur de son développement sur tous les plans. Cela ne suffit surtout pas quand on voit le député de Mercier, selon une vieille tradition préélectorale, tomber dans l'inflation verbale, sauf, naturellement, que son inflation à lui est chiffrée.

Par exemple, il y a quelques semaines seulement, toujours dans ses manifestes d'aspirant à la chefferie, le député de Mercier publiait les chiffres suivants. Je lis le paragraphe: « Il est grand temps que l'on s'attaque aux problèmes réels et concrets. En perfectionnant les rouages administratifs on pourrait, dans deux ou trois ans, diminuer de 5% à 10% le budget de l'Etat sans que la qualité des services publics en souffre. Quelque $150 millions pourraient alors être affectés à l'accélération de notre développement économique ».

Le député de Mercier trouvait, comme cela, par compétence, quelque $150 millions d'économie sur l'ensemble du budget. Ici même, dans sa réponse au discours inaugural, lors de son intervention, sur les seuls grands crédits de l'Education, de la Santé et du Bien-être, le député de Mercier faisait brusquement de l'inflation et les $150 millions devenaient, sur une partie évidemment énorme, mais seulement une partie du même budget, « combien de centaines de millions ne pourrait-on pas économiser par cette meilleure administration que nous fournirions, nous, les libéraux ». Dans ce même maquis de gaspillage polyvalent ou sombre lamentablement l'administration québécoise, le plus ou moins de compétence et le plus ou moins de médiocrité d'une équipe bleue ou d'une équipe rouge ne changent rien a l'essentiel.

Je voudrais insister juste un petit peu quand même sur une chose qui devient inquiétante ces temps-ci, parallèlement à une certaine panique qui semble s'être installée dans ce qu'on pourrait appeler la portion provinciale du régime et dont, par exemple, des démissions de plus en plus nombreuses et spectaculaires ne sont que les manifestations les plus visibles. Je voudrais insister juste un peu sur la panique parallèle et potentiellement dangereuse qui semble s'être emparée de la partie fédérale.

On dirait que, un peu comme pour le cancer, les régimes ont comme ça des paniques ou des endettements terminaux, et ça se dessine de toute évidence, comme on dit en anglais : dans l'autre lieu, « in the other place », si on prend ces interventions assez cauteleuses du chef du gouvernement fédéral, assez dégradantes aussi, à l'adresse de la communauté juive de Montréal et que le premier ministre a commentées, je crois, de la façon qui convenait; ou que l'on prenne cette réponse assez rapide, qui était le mot de

Cambronne, à l'adresse du député de Dorion et de quelques autres, que l'on prenne certaines brutalités de vieux boss politique qui semblent être le rôle essentiel que joue actuellement le ministre fédéral du développement régional; ou que l'on prenne le cas de ces jeunes députés fédéraux qui se répandent fébrilement dans la nature comme une vieille garde en débandade, en ce moment, tandis que leurs patrons nous préparent un congrès de propagande axé précisément sur le scrutin provincial qui s'approche, ce qui n'empêche pas leur chef à tous de proclamer pieusement qu'il ne faut pas faire des élections sur le dos d'Ottawa.

Et peut-être plus grave, sûrement plus grave, il y a cet inénarrable député fédéral, M. Jean-Pierre Goyer, qui, dans un style de couleuvre, évoquait cette éventualité burlesque d'une intervention militaro-comique de la décadence galopante du régime sur le dos de l'électorat québécois. Oh! évidemment il n'a pas dit ça. Quelque part dans son discours, ça dit que ça viendrait peut-être s'il y avait un coup d'Etat, si on sombrait dans l'anarchie. Mais c'est tellement bien déguisé dans cette prose sinueuse, telle que rapportée par les journaux, que c'est précisément ce que je viens de dire qu'une foule de braves gens chez nous ont quand même compris, et je pense que c'est précisément ce qu'on voulait aussi qu'ils comprissent.

Alors il me semble que le premier ministre et le gouvernement devraient être d'accord avec moi que c'est, en quelque sorte, un référendum à une ou deux étapes, peu importe, un référendum sur son avenir politique que le Québec va avoir à faire pendant la période que nous vivons. Je crois que nous sommes tous d'accord pour que cela se déroule selon les règles de la consultation démocratique, calmement et librement.

Alors, il serait bon de faire dire à M. Trudeau et à ses collègues, si éventuellement — et non pas dans un style de couleuvre partisane — ils respecteront la décision claire et lucide de tout un peuple qui a le droit fondamental de choisir et de définir lui-même les institutions politiques dans lesquelles il veut vivre, c'est-à-dire de répondre lui-même à ce que le premier ministre appelait la question capitale. Cette population a maintenant les moyens — et c'est la première fois que ça arrive dans l'histoire du Québec, ces années-ci — aussi bien en compétences humaines. Cette année, pour la première fois, le budget de l'éducation va dépasser $1 milliard — toute cette éducation se fait jusqu'au niveau supérieur — pour nous former en français des compétences modernes dans tous les secteurs de l'administration d'une société. Pour

la première fois, donc, le Québec a en mains — 11 aura bientôt un trop grand nombre de gens pour les placer convenablement dans le contexte provincial étriqué où nous nous maintenons — a les compétences humaines nécessaires à l'administration d'une société moderne. Il a également les ressources matérielles nécessaires, s'il cesse de les endetter lamentablement à deux niveaux. Par conséquent, pour la première fois, nous aurons l'occasion de faire un choix qui soit à la fois clair et décisif: Ou bien nous continuerons à tourner en rond dans la cage de ce régime où nous sombrons de plus en plus — et je n'ai pas fait le tableau complet, j'en ai seulement évoqué, à toutes fins utiles, les aspects d'actualité — dans ce régime où nous sombrons lamentablement dans la chicanerie politique et dans l'affaiblissement culturel, tout en traînant la queue, économiquement. Si nous faisons ça, il suffit de suivre tous les autres, toutes ces ailes provinciales traditionnelles ou improvisées de nos partis politiques bien connus. Ou bien, nous relèverons le défi fécond, exigeant de la responsabilité nationale pour nous ranger enfin parmi les peuples normaux, nous assurant du même coup la sécurité dans des domaines où nous ne l'avons jamais connue collectivement, la dignité que nous n'avons jamais eue comme peuple, la liberté — ce qui a quand même son importance — et aussi les conditions essentielles de la prospérité qu'autrement nous continuerons à chercher comme un chien court après sa queue en changeant le chauffeur rouge pour le chauffeur bleu, et vice versa, mais en oubliant qu'il faut changer le moteur. Cette décision calme et lucide, le Parti québécois est le seul à la proposer. Le premier ministre dit que c'est la mauvaise réponse. Nous disons, nous, que c'est la seule bonne.

En tout cas, c'est elle qui est la raison d'être de l'action que le Parti québécois poursuit: la souveraineté du Québec d'abord, à la fois comme but et comme moyen. C'est un but parce que, pour nous, c'est l'étape essentielle d'accomplissement très normal de notre évolution depuis 200 ou 300 ans. C'est le terme du long processus défensif et pénible de la survivance. C'est en même temps un moyen, puisque la fin d'une époque constituerait, en réalité, un vrai commencement, celui de la maturité et de la certitude de vivre et non plus de survivre, et aussi, croyons-nous, de la capacité du progrès continu.

Evidemment, la souveraineté ne changera pas du jour au lendemain les faiblesses et les retards du Québec. Nous sommes tous d'accord là-dessus. Mais elle seule peut nous faire sortir de cette lamentable petite jungle d'institutions désuètes et de confusion stérile où nous sommes.

Elle seule peut nous permettre de finir, une bonne fois, le rattrapage amorcé il y a dix ou quinze ans dans le Québec, et de nous lancer en bon ordre dans la vraie course du siècle où nous vivons, qui est celle du développement sur tous les plans: L'économique avec le social, l'humain aussi bien que le technique.

Cela n'exclut pas la souveraineté, ces formes nouvelles d'associations dont le monde d'aujourd'hui nous offre également des modèles qui sont en plein essor et que le programme du Parti québécois propose d'adopter avec un minimum d'imagination, — parce que cela a été essayé ailleurs — d'adopter aux intérêts politiques et économiques les plus évidents du Canada aussi bien que du Québec, c'est-à-dire de garder dans ce que le premier ministre appelait le fonds commun, les principales relations économiques. Ce serait négocier d'égal à égal, pas facilement, mais dans une conférence fédérale-provinciale, une seule, celle qui mettrait fin aux conférences fédérales-provinciales, mais où le Québec sera là comme un peuple, une entité politique, culturelle et nationale, qui a pris sa décision. Négocier d'égal à égal une telle association remplacera par un coopération souple — quelque chose qui soit enfin décomplexé et stimulant — les vieux liens de plus en plus morbides de la relation majorité-minorité et fédéral-provinces où nous nous gaspillons et contre, enfin, la progression constante et de plus en plus visible de cette option politique, aussi normale pour le Québec que pour les 62 autres peuples qui ont accédé à la souveraineté, la plupart pacifiquement depuis 30 ans, une moyenne de plus de deux par année.

Il suffit de moins en moins de faire appel à la magie noire de telle ou telle improvisation de comptabilité économique. Ce genre d'improvisation, le député de Mercier en a donné un triste exemple tout récemment, en dehors de cette Chambre, mais sur un sujet parallèle à celui que nous discutons, quand il a annoncé à la radio une balance des paiements déficitaire et catastrophique de $1 milliard pour le Québec. Cela a été véhiculé. Ce chiffre rappelait d'autres chiffres de propagande dont le Québec a été nourri. Mais, c'est d'autant plus frappant qu'il y a le slogan de la compétence technique que véhicule le député de Mercier et qui fait que...

UNE VOIX: La compétence.

M. LEVESQUE (Laurier): ... certains des défenseurs les plus éminents du statu quo, entre autres, M. Claude Ryan, dans le Devoir, ont mis en exergue ce chiffre de pure propagande du député de Mercier. Cela fait une semaine que

nous essayons de trouver d'où vient ce milliard. Il ne s'agit pas de savoir s'il est vrai ou faux; il s'agit de savoir s'il est appuyé sur quelque calcul précis.

M. HARVEY: Nous vous le dirons en temps et lieu.

M. LEVESQUE (Laurier): Une balance des paiements, bien sûr qu'un homme qui se dit économiste doit savoir de quoi il s'agit.

M. HARVEY: En temps et lieu, nous vous le dirons.

M. LEVESQUE (Laurier): Eh bien, en temps et lieu, je le dis tout de suite: Une balance des paiements...

M. HARVEY: Vous dites n'importe quoi.

M. LEVESQUE (Laurier): ... cela ne s'improvise pas simplement pour faire peur au monde...

M. HARVEY: Vous dites n'importe quoi.

M. LEVESQUE (Laurier): ... surtout quand cela donne un beau chiffre global et autant que possible terrorisant, gentiment, comme un milliard rond et « frête ».

Une balance des paiements, cela comprend une balance commerciale. Là-dessus, tout ce qu'on possède dans le Québec, sauf erreur — le premier ministre et le gouvernement nous diront si les calculs sont allés plus loin — c'est une hypothèse dont les auteurs eux-mêmes disaient que c'était le premier essai fragile d'établir les comptes nationaux du Québec dans le domaine des importations et des exportations, sur l'année 1961. Autant qu'on sache on n'a aucune évaluation, quelle qu'elle soit, du deuxième élément de ce qu'on appelle la balance des comptes courants, c'est-à-dire, dans le jargon, les invisibles; le tourisme, par exemple. Même pour l'année de l'Expo, quand, autant qu'on le sache, c'est le Québec qui a, pour la seule fois depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, assaini, grâce à l'Expo, la balance touristique canadienne, tout ce qu'on a, ce sont, naturellement, des statistiques fédérales, dans lesquelles 11 est impossible de retrouver le Québec.

Donc, ce deuxième élément d'une balance des comptes courants, ce sont essentiellement les invisibles; le tourisme, les intérêts et dividendes, les assurances, les frais de transport, etc, cela n'existe pas, autant que nous le sachions. Il n'y a même pas d'hypothèse.

Et finalement, pour ce qui est du troisième élément d'une balance nationale des paiements, c'est-à-dire le compte de capital, essentiellement ce qui a permis au Canada, qui a toujours à peu près été en déficit sur les comptes courants...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Al'ordre!

Malheureusement, je dois rappeler à l'honorable député de Laurier que la période de temps mise à sa disposition est écoulée.

M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, si vous le permettez, j'ai commencé, il me semble, à 12 h 1, parce que j'ai regardé.

M. PAUL: M. le Président, à 11 h 57. M. LEVESQUE (Laurier): Pardon? M. PAUL: A 11 h 57.

M. LEVESQUE (Laurier): Ah bon! Les lunettes du ministre de la Justice grossissent et rapprochent les chiffres qui ne sont pas ceux que j'ai vus. Je termine là-dessus, M. le Président, en disant simplement que nous proposons, nous, ce qui nous semble la seule bonne réponse à la vraie question, parce que le premier ministre a posé la vraie question dans son discours. Nous la proposons franchement, comme l'a dit le premier ministre, en tâchant d'aller au fond des choses parce que cela nous paraît un objectif à la fois trop crucial et trop fécond et de plus en plus pressant pour le Québec pour que nous le proposions, nous, comme un instrument de chantage en condamnant ou en prétendant condamner le Québec à rester encore quatre ans dans ce maquis dévalué de plus en plus inextricable du régime de statu quo que les autres partis, comme c'est leur droit, défendent dans cette Chambre. Et nous aimerions bien, puisque le premier ministre est là, que lui aussi dise clairement, vis-à-vis de cet élément de référendum qui s'en vient dans le Québec sur une chose aussi fondamentale, s'il est d'accord qu'on ne doit pas — si on doit le proposer, qu'on le fasse franchement — se servir de l'indépendance politique du Québec comme d'un instrument électoral de chantage ou d'ultimatum dont le but essentiel serait d'assurer certains petits succès à court terme.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Huntingdon.

M. Kenneth Fraser

MR. FRASER: Mr. Speaker, I would first like to congratulate you on your accession to the post of Speaker of the House. I would like to also congratulate my new leader, Mr. Bourassa. I am sure that in the coming months, he will make known, his qualities to the Province of Quebec and in the coming years, as Premier of this Province, he will go down in history as one of the greatest leaders this party has ever had.

I would also like to say thank you to our former leader, Mr. Lesage, who has made such contribution to our party and to the life of Quebec.

The Prime Minister, Mr. Bertrand, on Tuesday of last week, made a speech supposedly on the state of the Province. The Province must be in bad shape because the Premier made a bad speech that gave no indication of leadership and no immediate suggestion of solutions to the problems that Quebec faces today.

MR. BERTRAND: Do not make me cry.

MR. FRASER: As the editorial of the Montreal Star says: The dismal portent of an empty speech.

MR. BERTRAND: It was the only article against my speech. I was not surprised to read it in the Montreal Star.

A VOICE: We do not read it any more.

MR. FRASER: It shows clearly the lack of imagination, the lack of leadership that has characterized this Government since June 1966.

This Government that has kept Quebec in a state of anxiety standing by ineffectively while one spasm after another are shaking the Province. The crypto-separatists within its ranks fought great battles on behalf of the French culture and on the language, only to achieve results of greater unemployment and the exits of industry.

I quote the Toronto Telegram, Tuesday June 3, 1969, in an article entitled: « Cornwall feels the French Back-lash: « Outof 23 new industries established since 1962 in Cornwall, 14 of them have come from Montreal compared with eight from the USA ».

Now, from my home, I can see the smoke's stacks of Cornwall across the river...

MR. BERTRAND: They are the best agent of separatism.

MR. FRASER: ... St. Lawrence. This is true, 14 industries moved from Montreal to Cornwall. Why? Why, I ask you, did 14 industries moved from Montreal to Cornwall?

And what did the Union Nationale Government to try to keep them in Montreal?

The answer is lack of confidence on the part of the industries, lack of leadership and lack of common sense on the part of the Government.

How many industries came to Huntington?The answer, I am sorry to say it, is none since 1966. How do we go about changing this state of affairs? The people of Quebec at the coming election must elect a Government which will give the province competent administration. This Government will occupy itself with the economic necessities first, before indulging in costly forays into nationalistic battles on language and school problems that inflame feelings and leave such a bitterness in the heart of so many citizens and chase away prospective industries. The Government that will be elected this year will have to pass laws that treat every person living in Quebec as a citizen with equal rights, privileges and responsabilises without stooping to consider what language they speaks.

The fury created by bills 63and 62 shows how confidence between linguistic groups is hard to build up and how easily the seeds of bigotry and hatred can be sown and how rapidly these seeds can flower into anarchy and chaos.

MR. BERTRAND: Did you vote in favour of bill 63?

MR. FRASER: Yes Sir.

MR. BERTRAND: Why does it create the situation that you are trying to describe?

MR. FRASER: Because, Sir, when you have a delegation of many thousands that came to Quebec to protest bill 63 on behalf of the French community, this has not created a contrary reaction in the English community and create a battle between English and French. It sows the seeds of hatred and that is the thing that the Government is not supposed to be doing. A political party is not supposed to sow the seeds of hatred between one people and another people in the same province.

Unless the emphasis is placed on other aspects, the Province of Quebec, in my view, has a dim and uninviting future ahead. How can the minister of Industry and Commerce hope to attract industry to come to Quebec when his confrere, the minister of Education, is busily

kicking the English in the shins with bill 62? Bill 63, which he claims protects English rights is entitled: « An Act to Promote the French Language ». Let us stop this double talk, this war over nothing. Does a cow give more milk for a French or an English farmer? Does butter taste any sweeter on a French or an English table? Does a Mclntosh apple taste any better because it has a Scotch name or taste any worse because it has a Scotch name?

Does a ski-doo run any better because it is built by Bombardier?

Probably that the next Government give back to Quebec the freedom it deserves. Freedom to live in peace whatever language you speak. Freedom to appreciate quality in any human. Freedom to learn without oppression. Freedom to partake fully in the life of Quebec without prejudice. Let our youth be given the freedom of forming their own opinions without force feeding them in school, the hates and fears of former generations. And in this new climate of freedom, we will find the prosperity we now seek too hard and in vain.

The Minister of Agriculture, yesterday, made a speech telling us of how his Department has passed in-laws and try to make good the promises that the Union Nationale made in the last election in 1966. All his talking will not convince the farmers that everything is rosy and that they have received $1 more of income because of the laws he has passed, or convince them that he is not equally to blame for the economic squeeze in which they find themselves today.

I would like to read you some excerpts from an article in le Soleil of the 13th of December 1969. « Le problème numéro 1 de notre agriculture, c'est évidemment le lait. Le Québec fournit plus que la moitié de la production canadienne. Quand, en 1969, près de 50,000 cultivateurs, dont la principale source de revenu est la production laitière, on s'était plu à dire que l'agriculture de notre province était à vocation laitière, les gouvernements fédéral et provincial avaient fortement conseillé, en y contribuant, d'augmenter la production de cette industrie. Nos cultivateurs ont mis tant d'ingéniosité et d'ardeur à suivre la consigne qu'on s'est trouvé tout récemment avec des surplus considérables de beurre, de lait industriel et même de fromage, et malgré la disparition régulière de 3,000 à 4,000 petits exploitants chaque année, une relative stabilité des prix à la consommation. « La Commission canadienne du lait accorde un subside de $1.25 les 100 livres de lait, et de ce montant retient $0.26 pour les frais à l'exportation. Ce qui, ajouté au prix de soutien de $3.60, fait un revenu net de $4.59 pour le producteur. Si ce dernier produit plus que la moitié, plus que le quota alloué par la commission, non seulement on ne lui accorde aucun subside pour le surplus, mais on lui retire $0.52 à même la subvention accordée pour le quota.

C'est dire qu'on pénalise le cultivateur qui veut devenir rentable. La Commission canadienne de planification de l'agriculture recommande pour sa part que, d'ici cinq ou sept ans, on supprime complètement la subvention gouvernementale et qu'on abolisse le prix de soutien de sorte que le prix du lait soit fixé selon la loi de l'offre et de la demande.

Si on se rappelle que les stocks de poudre de lait écrémé se sont accumulés de 58% l'année dernière pour atteindre 205 millions de livres, la perspective d'un marché libre n'est pas du tout souriante. Pendant que les cultivateurs de la Beauce, de Dorchester, de Frontenac, de Mégantic et d'ailleurs — on peut ajouter Châteauguay, Huntingdon, Beauharnois — vont gagner leur vie du côté américain, parce que la terre du Québec semble devenir trop aride pour nourrir ses fils, le gouvernement propose des mesures multiples et contradictoires, sans qu'on sache jamais qui est responsable de quoi. Le gouvernement fédéral a dit aux cultivateurs du Québec: Devenez rentables, produisez du lait. Aujourd'hui, par la bouche de la Commission canadienne du lait, il leur demande de produire moins de lait, parce qu'il n'y a plus de marché pour le surplus.

L'Union catholique des cultivateurs reconnaît qu'on ne peut éternellement subventionner le lait en vue de bien régler la solution des subsides laitiers. Ce qui signifie le départ massif des petits producteurs, explique Gabriel Saab, économiste à l'emploi de l'UCC. On pose comme condition qu'il y ait des politiques de rechange, c'est-à-dire un aménagement régional véritable, qui fasse que les gens quittent l'agriculture, trouvent des emplois honorables dans d'autres métiers et des pensions de retraite anticipée pour les agriculteurs qui ont atteint un certain âge: 23,000 ont plus de 55 ans au Québec. Il faut par ailleurs encourager les productions différentes qui pourraient remplacer le lait, le mouton ou le boeuf par exemple, ainsi que la consolidation des fermes sur une très grande échelle. C'est la mise en application de toutes ces mesures que nous posons comme condition à la diminution des subsides laitiers. Mais qui appliquera ces mesures? L'agriculture relève du provincial dans les

limites de chaque province et du fédéral pour la vente à l'extérieur de la province ou du pays. Les carences du Québec en matière d'aide à la production ont fait qu'Ottawa a assumé ces tâches; il subventionne actuellement le lait et dirige la mise en marché.

Il faut d'abord préciser les juridictions, pour savoir qui va assumer les frais des grandes transformations devenues nécessaires. La consolidation des fermes, par exemple, relève du provincial. Rien, jusqu'à aujourd'hui, ne permet de croire que le Québec est disposé à consacrer les énergies et les sommes très considérables qu'il faudrait pour multiplier par quatre ou par six la superficie des fermes afin de les rendre viables dans le domaine de l'élevage des moutons ou des bovins.

Le gouvernement du Québec est tout heureux de s'associer aux doléances des cultivateurs dénonçant la brutalité de la politique proposée par la Commission de la planification de l'agriculture canadienne. Mais ce même gouvernement n'a pas de proposition précise ni de politique globale pour remettre à flot ce secteur de l'économie.

Le nouveau président de l'UCC, M. Albert Allain, explique que les cultivateurs du Québec attendent l'action du gouvernement du Québec à trois niveaux: le premier, c'est celui de la formation professionnelle du futur agriculteur et de ceux déjà en place; cela comprend aussi le problème des institutions. Au Québec, les institutions, en particulier le ministère de l'Agriculture — écoutez ce que dit le président de l'UCC — ne sont pas modernes et efficaces. Ce ne sont pas des organisations rationnelles, suffisamment bien équipées. On a des mécanismes vieux, des hommes aux vieux concepts et une situation de carence assez épouvantable. Cela, c'est notre ministre de l'Agriculture et son ministère. Il y a un profond besoin de changement et de dynamisme, sans quoi on investira de l'argent pour rien.

Le deuxième niveau, c'est celui de la production. La planification et l'aménagement, choses à peu près inexistantes dans le passé, se posent au premier chef au Québec. Il faut qu'on remplace l'agriculture dans son contexte régional, provincial et national. Il faut qu'on fasse le point.

Historiquement, nous avons été des producteurs laitiers. Je pense que nous le demeurerons assez longtemps. Mais du lait, on ne peut en produire encore et encore plus. On ne peut rendre rentables tous nos sols et tous nos investissements en produisant seulement du lait.

On fait déjà autre chose. Il faudrait peut-être en faire plus et autrement, notamment du boeuf, du porc, du mouton et de la volaille. Ces der- nières années, on a appris à produire du mais dans la région de Montréal et rien que cela pourrait nous permettre une utilisation très différente de nos sols.

Troisièmement, & supposer que l'on produise aux meilleures conditions possibles, encore faut-il qu'on mette les produits en marché. Si à ce niveau les problèmes ne se règlent pas différemment que par le passé, tous les autres efforts seront inutiles. Ce qui arrive ici, c'est que l'agriculteur n'arrive pas à communiquer au consommateur les hausses de prix de revient. Tout monte, sauf les produits agricoles, à l'exception, peut-être, du lait nature.

Nous proposons comme concept de mise en marché un système qui nous permettrait d'influencer les prix. Cela suppose que le pouvoir change de place. Au lieu de le donner aux grands magasins à chaîne, il faut qu'on le donne aux producteurs qui, en accord avec les consommateurs, offriront la qualité recherchée, à des conditions telles que l'agriculteur y trouve son intérêt.

Mais pour cela, si nous sommes tout seuls, même avec une loi, dans quinze ans, nous n'aurons pas encore réussi. Et si, dans quinze ans, nous n'avons pas encore réussi, nous aurons disparu comme espèce.

L'UCC, de son côté, entreprend un examen de conscience. Au congrès de cette année, les 10 et 11 juin 1969, les membres ont reconnu que la cotisation annuelle de $10 n'était pas suffisante pour permettre d'oeuvrer sur tous les fronts. On n'a pas le moyen de distribuer — écoutez — tous les coups de pied au derrière qu'il faudrait distribuer au gouvernement, selon l'expression de M. Allain, président de l'UCC.

On est conscient d'avoir négligé les producteurs d'oeufs, de pommes de terre, de volaille et de plusieurs autres produits qui auraient besoin d'un plan conjoint pour veiller au maintien et à l'uniformisation des prix.

Les participants au congrès ont voté l'augmentation de la cotisation à $15 en attendant une législation qui permettra de prélever une cotisation à la source au prorata de la production et qui s'inscrira dans un programme de reconnaissance syndicale. La première promesse de l'Union Nationale n'est pas encore remplie. C'est la première sur la liste des promesses concernant l'agriculture.

M. le Président, ce sont là mes remarques. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: La motion principale sera-t-elle adoptée?

DES VOIX: Sur division.

M. LE PRESIDENT: Adopté sur division.

M. PAUL: M. le Président, mardi, la Chambre se réunira à trois heures et nous commencerons par disposer du rapport qui a été produit ce matin par l'honorable député de Sainte-Marie. Ensuite, nous appellerons dans l'ordre les articles 6, 7 et 8 qui figurent au feuilleton du jour et qui sont des projets de loi inscrits au nom de l'honorable ministre des Richesses naturelles. Le soir, à 8 heures, la Chambre sera appelée à se former en comité des subsides pour, en principe, appeler l'étude de vos crédits et probablement faire rapport ici en Chambre pour ensuite continuer l'étude des projets de loi. Par la même occasion, nous pourrions accepter l'étude des crédits du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation qui pourrait débuter en bas, tel qu'il a été entendu entre l'honorable député d'Abitibi-Ouest et l'honorable ministre de l'Agriculture et de la Colonisation.

M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à mardi, trois heures.

M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne ses travaux à mardi après-midi, trois heures.

(Fin de la séance: 12 h 52)

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