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Version finale

29e législature, 1re session
(9 juin 1970 au 19 décembre 1970)

Le jeudi 10 décembre 1970 - Vol. 10 N° 41

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures six minutes)

M. LAVOIE (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes. Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de comités élus.

Commission permanente des Finances

M. HOUDE (Limoilou): M. le Président, la commission permanente des Finances a l'honneur de soumettre à votre honorable Chambre son deuxième rapport.

Votre commission a décidé de rapporter avec une modification le bill suivant: bill 57, Loi modifiant la charte de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Et, sans modification, le bill suivant: bill 58, Loi modifiant la loi concernant l'établissement par Sidbec d'un complexe sidérurgique intégré.

M. LE PRESIDENT: Ce rapport sera-t-il approuvé? Approuvé.

Commission des bills privés et publics

M. BLANK: M. le Président, la commission des bills privés et des bills publics a l'honneur de soumettre à votre honorable Chambre son huitième rapport.

Votre commission a décidé de rapporter avec des amendements les bills suivants: bill 181, bill 186 et bill 244.

M. LE PRESIDENT: Ce rapport sera-t-il approuvé?

M. PAUL: Approuvé. M. LAURIN: Approuvé.

M. LE PRESIDENT: Approuvé. Présentation de motions non annoncées.

Commission des Affaires sociales

M. LEVESQUE: M. le Président, qu'il me soit permis de faire motion pour que la commission permanente suivante soit instituée et ajoutée à la liste des commissions permanentes de l'Assemblée nationale: 29e) commission des Affaires sociales; que messieurs Bois, Boivin, Bossé, Castonguay, Cloutier (Montmagny), Fortier, Goldbloom, Harvey (Jonquière), Laurin, Quenneville et Théberge forment ladite commission; que le quorum en soit fixé à six et que M. Fortier en soit le président. Cette commission remplacera la commission de la Santé et la commission de la Famille et du Bien-Etre social, après la proclamation de la Loi du ministère des Affaires sociales.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. PAUL: Je voudrais signaler au leader du gouvernement et à vous-même, M. le Président, des modifications qui devront s'imposer pour référence au texte du procès-verbal numéro 1, du mardi 9 juin, considérant que nous y voyons la liste des différentes commissions et que l'on y retrouve justement ces deux-là qui deviennent fusionnées par suite de l'adoption de la Loi des Affaires sociales. Là où cela devient nécessaire, il y aurait peut-être lieu de faire les corrections qui s'imposent.

M. LEVESQUE: D'autant plus que, M. le Président, malgré la justesse des remarques du leader parlementaire de l'Opposition officielle, la session achève et que c'est sessionnel. Dès le début de la prochaine session, nous devrons reconstituer toutes les commissions.

M. LE PRESIDENT:

Présentation de bills privés. Présentation de bills publics.

M. LEVESQUE: C.

Projet de loi no 64 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires culturelles propose la première lecture de la Loi modifiant la loi de l'admission à l'étude de professions et d'autres dispositions législatives.

L'honorable ministre des Affaires culturelles.

M. CLOUTIER (Ahuntsic): M. le Président, en vertu de ce projet, il ne sera plus nécessaire d'être citoyen canadien pour exercer certaines professions. Il suffira aux candidats de s'engager à demander cette citoyenneté dans les délais légaux minimums et de posséder une connaissance d'usage du français.

L'article 1 change le titre de la Loi de l'admission à l'étude de professions, qui devient la Loi de l'admission à l'étude et à l'exercice de professions.

L'article 2 ajoute à cette loi un article 4 prévoyant qu'une corporation mentionnée à l'annexe ne pourra refuser d'admettre un candidat simplement pour le motif qu'il n'est pas citoyen canadien, s'il a été légalement admis au Canada pour y demeurer en permanence, s'il s'engage à demander la citoyenneté canadienne dans les délais légaux minimums, s'il est domicilié au Québec et s'il possède une connaissance d'usage de la langue française.

Par ailleurs, le gouvernement pourra rendre cet article applicable à d'autres corporations en

adoptant un arrêté en conseil qui doit être publié dans la Gazette officielle du Québec, au moins trente jours avant son adoption.

Quant au nouvel article 5 ajouté par l'article 2 du projet, il permet à une corporation à laquelle la loi s'appliquera de suspendre toute personne qui ne demandera pas la citoyenneté canadienne à l'expiration des délais légaux minimums.

Les articles 3 et 6 du projet apportent des modifications de concordance à la Loi médicale. L'article 7 apporte des modifications de concordance à la Loi de pharmacie. Il permet en outre au conseil du Collège des pharmaciens de reconnaître l'équivalence des études suivies par un candidat à l'admission, de même que l'équivalence du stage qu'il a effectué et des examens qu'il a subis. Les articles 8 et 9 apportent des modifications de concordance à la Loi des optométristes et des opticiens et à la Loi des opticiens d'ordonnance.

L'article 10 permet au bureau des gouverneurs du Collège des médecins vétérinaires de reconnaître l'équivalence d'un diplôme d'un candidat à l'exercice de la médecine vétérinaire et l'article 11 apporte une modification de concordance à la Loi des médecins vétérinaires.

Les articles 12 et 13 apportent des modifications de concordance à la Loi des agronomes. L'article 14 fait de même pour la Loi des architectes. Les articles 15 à 17 pour la Loi des ingénieurs. L'article 18 pour la Loi des ingénieurs forestiers. L'article 19 pour la Loi des chimistes professionnels et l'article 20 pour la Loi des comptables agréés. L'article 21 protège les droits acquis des personnes qui ont déjà été admises par une corporation au moment où l'article 4 de la Loi de l'admission à l'étude et à l'exercice de professions devient applicable à la corporation.

Je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT : Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à une prochaine séance.

Déclarations ministérielles.

L'honorable ministre des Affaires municipales.

Nouvelle industrie en Gaspésie

UNE VOIX: Encore!

M. TESSIER: M. le Président...

M. CARDINAL: Qui vous a mal cité?

M. TESSIER: Attendez. M. le Président, dans le cadre de l'opération déblocage du plan d'aménagement de l'Est du Québec, il me fait plaisir d'annoncer à cette Chambre la création d'une nouvelle industrie dans la Gaspésie, plus précisément dans le comté de Gaspé-Nord. Il s'agit d'un projet qui était en suspens depuis plusieurs mois. En ayant été saisi il y a moins d'une semaine, je suis entré immédiatement en contact avec le ministre fédéral de l'Expansion économique régionale l'honorable Jean Marchand. Il me fait plaisir de dire que M. Marchand ayant considéré très favorablement l'établissement de cette nouvelle industrie la construction de l'usine pourra débuter d'ici un mois à Grande-Vallée...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. TESSIER: ... dans le comté de Gaspé-Nord.

M. DEMERS: C'est dans la Gaspésie, ça?

M. TESSIER: L'investissement sera de près de $1 million et procurera des emplois permanents dont 30 à l'usine et au moins une centaine en forêt, pour un total de 130 emplois.

La compagnie qui construira cette usine, d'ici un mois, est la compagnie James Richard-son Company Limited.

UNE VOIX: C'est un beau nom français.

M. CHARRON: Ça, ça en donne des emplois!

M. PAUL: Une usine de quoi?

M. TESSIER: J'ai parlé de 100 employés en forêt, alors je pense qu'il est facile d'en conclure qu'il s'agit d'une industrie forestière de transformation du bois.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

L'honorable député de Lévis.

M. ROY (Lévis): M. le Président, je suis très heureux des déclarations du ministre des Affaires municipales. Etant intéressé à l'industrie...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II faudrait attendre la version définitive, M. le Président.

M. ROY (Lévis): La semaine dernière — si ma mémoire est fidèle — le ministre du Travail annonçait une industrie nouvelle du côté de Montréal et, aujourd'hui, le ministre des Affaires municipales nous annonce une industrie du côté du Bas du-Fleuve. Etant député du centre et n'ayant pas l'avantage d'avoir un ministre dans cette région, je me demande si un des ministres, un de ces jours, pourra nous annoncer une industrie dans le centre, c'est-à-dire

dans les environs de la ville de Lévis ou de Québec.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LACROIX: On a sauvé votre chantier.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lévis a-t-il fini ses commentaires? Il s'agirait d'en faire uniquement sur la déclaration ministérielle.

M. ROY (Lévis): Je voulais simplement féliciter le gouvernement et lui demander de continuer dans la bonne voie. Avec ces déclarations, on pourra toujours au moins compenser, par ces nouveaux emplois, les mises à pied qu'on a subies en ce moment.

M. CHARRON: II est payé pour cela.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, au nom de l'Opposition officielle, je me réjouis de la déclaration du ministre des Affaires municipales, sous toute réserve, naturellement, que le texte qu'il nous a communiqué soit définitif. Je l'inviterais à faire de la prospection forestière dans la région du Saguenay-Lac Saint-Jean, afin de nous doter d'industries qui pourraient occuper plus de 130 personnes pendant quelques mois.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, avant de faire des commentaires définitifs, nous attendrons la version officielle, la bobine autrement dit.

M. LACROIX: Vous allez attendre que M. Lévesque fasse ses commentaires?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! UNE VOIX: Ah, il se réveille! UNE VOIX: On s'ennuyait

M. LE PRESIDENT: Dépôts de documents. Questions des députés.

L'honorable chef de l'Opposition.

Questions et réponses

Protestation des journalistes de Rimouski

M. BERTRAND: Le ministre des Affaires municipales a-t-il pris connaissance du vote de blâme enregistré à son endroit par le club de presse de Rimouski, dans lequel on l'accuse d'avoir indûment contesté le travail et le sens de l'éthique professionnelle d'un journaliste du quotidien le Soleil, M. Robert Lévesque?

M. TESSIER: En effet, M. le Président, j'en ai pris connaissance.

M. BERTRAND: A-t-il des commentaires à faire? Est-ce que le ministre a des commentaires?

M. TESSIER: Je n'ai aucun commentaire à faire.

M.BERTRAND: Est-ce qu'on doit tenir pour acquis que le vote de blâme est bien fondé?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TESSIER: C'est une question d'appréciation.

M. BERTRAND: Ah, il ne nie pas!

M. LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.

Personnel au Bien-Etre social

M. SAMSON: M. le Président, j'aurais aimé poser une question au ministre des Affaires sociales ou à son adjoint parlementaire, mais en leur absence...

M. LEVESQUE : Le ministre est retenu dans la capitale fédérale.

M. SAMSON: ... j'adresserai ma question à l'honorable premier ministre. C'est une question concernant le manque de personnel évident dans les différents bureaux de bien-être social de la province qui sont à ce moment-ci débordés de travail. J'aimerais, avec votre permission, apporter un exemple concret d'une plainte qui, entre plusieurs, m'est parvenue aujourd'hui même.

Il s'agit, dans la région de Rouyn-Noranda, encore, d'une famille de seize enfants à qui le gaz a été coupé aujourd'hui; il n'y a donc plus de chauffage à la maison — ceci pour expliquer ma question — le bureau de bien-être social ne peut s'en occuper avant le 17 janvier 1971. Donc, le chef de police de Rouyn a dû aujourd'hui piger à même la caisse de Noël des policiers pour venir en aide à cette famille, ce qui fait dire au chef de police qu'il devient en quelque sorte un deuxième bureau de bien-être.

Est-ce que le premier ministre pourrait nous rassurer à l'effet qu'il y aurait des possibilités, dans un avenir très rapproché, d'augmenter le personnel des bureaux de bien-être social pour venir en aide à ces gens?

M. BOURASSA: Oui, il y a certainement des possibilités très rapprochées. J'en ai discuté, il y a quelques jours à peine, avec le ministre des Affaires sociales.

Nous voulons augmenter le personnel pour répondre à ces cas-là. Nous sommes absolument conscients de la situation qui existe actuellement au Québec et dont le chef du Ralliement créditiste vient de donner un exemple très convaincant. Je demanderais au ministre d'Etat et député de Hull, responsable du Conseil de la Trésorerie, de donner des détails supplémentaires sur les efforts que fait le gouvernement pour répondre à la question soulevée par le député.

M. PARENT: M. le Président, devant la situation créée à la suite du bill 26, le Conseil de la trésorerie a dû prendre des mesures assez radicales pour prévoir justement les cas qui se sont présentés dans les différents bureaux de la Famille et du Bien-Etre social pour le paiement de l'assistance sociale. Nous avons autorisé le ministère de la Famille et du Bien-Etre social à retenir, avant même la tenue de concours par la Fonction publique, tous les employés qui pouvaient réussir un examen verbal de façon à combler par le moyen d'emplois occasionnels, les postes vacants dans chacun des bureaux régionaux et locaux du ministère de la Famille et du Bien-Etre social.

Ceci s'est présenté dans cinq bureaux de la province où nous avions de la difficulté pour le recrutement du personnel. Nous avons adopté cette formule justement pour pallier les problèmes qui se présentaient dans ces bureaux. Alors, s'il y a des cas particuliers, je n'ai pas objection à les prendre en considération et à faire le nécessaire pour que l'engagement de ce personnel se fasse dans le plus bref délai possible.

M. SAMSON: Question supplémentaire, M. le Président. J'ai bien compris que le ministre avait autorisé des mesures, en quelque sorte d'urgence, pour combler les postes vacants dans les différents bureaux. Est-ce que ces mesures pourraient aller aussi loin que prendre en considération les endroits où on a besoin d'un surplus de personnel?

M. PARENT: Oui. Le nombre des effectifs qui a été autorisé est plus élevé que le montant prévu normalement. Or, la mobilité du personnel peut exister entre les bureaux; il n'y a aucune difficulté de ce côté-là.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve

Loi des mesures de guerre

M. BURNS: M. le Président, à la suite d'une motion que j'avais inscrite au feuilleton, le ministre de la Justice a déposé deux directives du directeur général de la Sûreté du Québec concernant la détention de personnes arrêtées en vertu de la Loi des mesures de guerre. Cependant, la motion que j'avais déposée allait beaucoup plus loin. En particulier, elle demandait le dépôt de directives relativement à l'utilisation des pouvoirs d'arrestation et de perquisition, d'identification et d'interrogatoires des personnes arrêtées et la libération de ces personnes.

Est-ce que je dois conclure, du dépôt de documents fait par le ministre, que, sur ces trois points, il n'y a pas eu de directive du ministère ou des officiers supérieurs de la Sûreté?

M. CHOQUETTE: Non, vous n'êtes pas obligé de conclure ça, mais il peut y avoir eu des directives verbales sans qu'il y ait eu de directives écrites. Toutefois, je vais vérifier pour voir si on n'aurait pas omis de déposer certaines directives écrites mentionnées dans la question du député.

M. BURNS: Question supplémentaire, M. le Président. Le ministre de la Justice peut-il nous dire en vertu de quelles lois ont été prises les photographies et les empreintes digitales de toutes les personnes arrêtées, tel qu'il le mentionnait dans une de ses réponses?

M. CHOQUETTE: Je ne le sais pas.

M. LAURIN: Question supplémentaire, M. le Président, toujours au ministre de la Justice. Ma question porte sur les perquisitions effectuées en vertu de la Loi des mesures de guerre. Je suis obligé d'expliquer brièvement ma question. Dans une réponse antérieure à une question que nous avions inscrite au feuilleton, le ministre de la Justice a indiqué qu'il y avait eu, jusqu'au 24 novembre, 3068 perquisitions dont 49 seulement avaient mené à des mises en accusation. Parmi les objets saisis, le ministre a mentionné plusieurs armes, 46 dactylos, deux enregistreuses, une machine à adresser, deux machines à polycopier. Le ministre mentionnait également dans sa réponse: "De plus, une certaine quantité de films, de diapositives et de caméras ont été saisis, ainsi qu'une abondante documentation se rapportant au mouvement FLQ ou à d'autres mouvements connexes." Le ministre ne mentionne aucun autre objet. Or, j'aimerais, M. le Président, vous donner la liste des objets saisis chez un citoyen bien connu du Québec: une machine à polycopier Ronéo...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. LAURIN: ...cinq mille feuilles de papier...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Je pense bien que le député de Bourget a bien énoncé tous les faits utiles pour rendre sa

question très intelligible. Je lui demanderais de poser sa question.

M. LAURIN: Je voulais simplement mentionner, M. le Président, que, chez ce citoyen, on avait pris un tas de choses qui nous semblaient avoir assez peu de rapport avec le motif de la perquisition. Je voulais ajouter, en terminant, qu'en dépit de demandes répétées la Sûreté du Québec...

M. LEVESQUE: M. le Président, un rappel au règlement.

M. LAURIN: ...a refusé, jusqu'à maintenant, de remettre ces objets.

M. LEVESQUE: M. le Président, un rappel au règlement.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAURIN: J'arrive à ma question.

M. LEVESQUE: Non, non, non!

M. CADIEUX: II y a deux rappels au règlement.

M. CHARRON: L'honorable ministre du Travail.

M. CADIEUX: Toi, le petit, là...

M. LE PRESIDENT: L'honorable leader parlementaire.

M. LEVESQUE: M. le Président... M. CADIEUX: Mon petit marxiste là, sors. M. CHARRON: Le ministre du Travail. M. CADIEUX: Toi, je ne te piquerai pas... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CADIEUX: ...avec des aiguilles. Tu vas voir comment je vais te piquer, toi.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. CHARRON: Le grand, assieds-toi. M. LEVESQUE: Le député de Bourget... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE: ...est bien conscient que le règlement ne lui permet pas une intervention comme celle qu'il vient de faire. Qu'il soit ou non satisfait des réponses fournies, il n'a pas le droit, à ce moment-ci, de s'en plaindre.

S'il veut le faire, il y aura peut-être d'autres façons ou d'autres occasions. Nous sommes maintenant à la période des questions et je crois que le député de Bourget doit se conformer au règlement.

M. LAURIN: Je vais me contenter de me poser ma question: Le ministre de la Justice pourrait-il nous dire si, quand des citoyens, après plusieurs tentatives infructueuses, ne se sont pas vus remettre les objets qui ont fait l'objet de la perquisition, le ministre de la Justice peut faire quelque chose pour que cesse une situation qui peut facilement paraître intolérable?

M. CHOQUETTE: M. le Président, en réponse à cette question, certainement que le ministre de la Justice peut faire quelque chose, mais est-il opportun de faire quelque chose dans le cas particulier soulevé par le député de Bourget? Cela reste à voir.

Maintenant, est-ce que le député me permettrait de donner une réponse au moins aussi longue que sa question...?

M. LAURIN: Je n'ai pas eu le temps de la poser!

M. CHOQUETTE: Je lui dirai ceci: Dans ce cas particulier, j'ignore tout des faits soulevés par le député. D'ailleurs, c'est un cas particulier. S'il m'avait manifesté qu'il avait des revendications à faire valoir au sujet de cette saisie ou de cette perquisition en particulier, j'aurais pu prendre des mesures. Mais faire perdre le temps de la Chambre avec des cas particuliers comme ceux-là, M. le Président, cela ne me paraît pas très parlementaire.

M. LAURIN: Je l'ai donné comme exemple, M. le ministre. J'ai dit qu'il y avait plusieurs exemples de ce genre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Chicoutimi.

L'assurance-automobile

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai une question à l'intention du premier ministre, question qui ne sera pas litigieuse. Est-ce que le premier ministre, ayant pris connaissance du rapport du bureau des assurances du Canada qui indique que, l'an passé, le taux d'assurance avait augmenté de 11.8 p. c. — l'assurance-automobile, j'entends — et qu'il doit augmenter cette année, semble-t-il, de 12 p. c, est-ce que le gouvernement du Québec a l'intention de préparer un projet de loi en vue de la création d'une régie de l'assurance-automobile, telle que le demandent un grand nombre de consommateurs?

M. BOURASSA: Je dois dire, M. le Président, qu'aujourd'hui le député de Chicoutimi pose une question tout à fait pertinente.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon, M. le Président, comme de coutume. Seulement le premier ministre l'a comprise aujourd'hui!

M. BOURASSA: Je dois affirmer que les hausses successives et substantielles en assurance-automobile préoccupent sérieusement le gouvernement. Il est clair que si ces hausses ne sont pas justifiées, le gouvernement ne peut pas rester passif devant une telle situation. Il reste pour lui à déterminer le moyen d'action le plus approprié. Mais avec l'usage quasi général de l'automobile par l'ensemble des citoyens du Québec, le gouvernement devra assumer ses responsabilités s'il y a des abus.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je remercie le premier ministre, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.

Opération mise à jour

M. CARDINAL: M. le Président, ma question se serait adressée au ministre de l'Education qui a probablement d'excellentes raisons de ne pas être à l'Assemblée nationale. Je l'adresse donc au premier ministre qui pourra...

M. LEVESQUE: Le ministre de l'Education sera probablement ici dans quelques minutes, si le député veut attendre.

M. CARDINAL: Est-ce que la période des questions sera terminée, à ce moment-là?

M. LEVESQUE: Nous pouvons attendre vers la fin.

M. CADIEUX: On a posé plusieurs questions à l'ancien ministre de l'Education et il n'était jamais en Chambre!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. LEVESQUE: II est retenu présentement à une réunion très importante.

M. CARDINAL: Est-ce que la présidence me permettrait, moyennant la promesse d'honneur du leader parlementaire, de poser ma question, même si le ministre arrive deux minutes après la fin de la période des questions?

DES VOIX: Demain, demain!

M. LEVESQUE: Je n'ai pas d'objection, si mes collègues n'en ont pas, d'attendre à la fin de la période des questions. On ira voir à ce moment-là.

M. CARDINAL: Auriez-vous objection à ce que je pose la question, M. le Président, et qu'on en prenne avis, tout simplement? C'est encore plus simple.

Cela permettrait au ministre de se renseigner auprès de ses hauts fonctionnaires. Pour poser la question, M. le Président, selon les règlements, je donnerai quelques très brefs faits. Sous l'ancienne administration, le ministère de l'Education avait lancé l'"Opération mise à jour", devant la situation financière difficile de nombreuses commissions scolaires. Et, à ce moment-là, ceux qui forment présentement le gouvernement avaient d'ailleurs posé plusieurs questions.

Ma question est donc, précisément, la suivante: Alors que le ministre de l'Education a promis $50 millions aux commissions scolaires, alors que plusieurs commissions scolaires sont dans une situation difficile présentement, est-ce que l'"Opération mise à jour", premièrement, est poursuivie? Deuxièmement, est-ce qu'elle se terminera bientôt? Et, troisièmement, quels fruits portera-t-elle?

M. LEVESQUE: Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Mégantic.

Route 49

M. DUMONT: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de la Voirie. Considérant que la route 49 de Thetford à Plessisville, appelée la route de la mort, a causé onze accidents mortels, est-ce que des projets urgents pour atténuer le chômage et rendre moins dangereuse cette route sont mis de l'avant par son ministère?

M. PINARD: M. le Président, nous étudions ce problème très attentivement et nous espérons pouvoir réaliser le souhait du député de Mégantic, à très brève échéance.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bellechasse.

Livre blanc de M. Benson

M. LOUBIER: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Est-ce que le premier ministre souscrit à la déclaration faite par son ministre des Finances, laquelle déclaration a été reproduite dans le quotidien Le Soleil de lundi, à l'effet que le livre blanc de M. Benson n'avait pas tenue compte des droits et des intérêts du Québec?

M. BOURASSA: Le ministre des Finances a repris dans des mots forcément un peu différents ce que j'avais dit à la Chambre, la semaine dernière.

M. LOUBIER: Le premier ministre souscrit à cette déclaration?

M. BOURASSA: Je viens de répondre à la question.

M. LOUBIER: D'accord.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Abitibi-Ouest.

Chemin Villebois — Baie-James

M. AUDET: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de la Voirie. J'ai déjà posé une question au ministre de la Voirie, au sujet de l'entretien, cet hiver, du chemin de pénétration de Villebois — Baie-James. Le ministre m'a répondu qu'il me donnerait une réponse sous peu. Je lui demanderais à nouveau si l'étude qu'il nous disait être en cours a été définie. Si non, je demanderais s'il serait possible de hâter cette étude, parce que chez nous, déjà, c'est l'hiver.

M. PINARD: Je prends avis de la question et, dès que le rapport m'aura été soumis, je ferai part des recommandations au député.

M. AUDET: Une question supplémentaire. Pourrions-nous espérer, pour très bientôt, la décision du ministre? Ceci serait un moyen presque unique de faire ressentir la relance économique du gouvernement en Abitibi-Ouest.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, j'attends le ministre de l'Education.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

Rapport Davey

M. CHARRON: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre et concerne le rapport sénatorial Davey, qui a été remis, hier. Parmi les recommandations du comité, il y en a quelques-unes, par exemple création d'un conseil national de la presse, octrois de bourses aux journalistes, etc., qui sont des matières, sinon exclusivement, du moins en grande partie de juridiction provinciale. Ma question est donc la suivante. Est-ce que le gouvernement entend prendre des mesures immédiates pour occuper activement ce domaine qui est le nôtre, avant que le fédéral ne s'en empare complètement?

M. BOURASSA: Malheureusement, je n'ai pas eu le rapport complet. J'ai pris connaissance des recommandations.

Un conseil de presse a été proposé avant-hier par M. Gilles Gariépy, président de la Fédération des journalistes, et M. Bureau. Je pense que ce conseil de presse est différent de celui dont parle le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Celui dont parle la commission Davey.

M. BOURASSA: Mais le député pourrait-il préciser la composition ou les modalités du conseil de presse dont parle la commission Davey?

M. CHARRON: M. le Président, je n'ai pas à faire l'information du premier ministre. S'il n'a pas le temps...

M. BOURASSA: Le député lance-t-il des termes en l'air sans savoir ce dont il parle?

M. CHARRON: Ce que je vous ai demandé c'est simplement si vous suiviez l'activité qui se passe à Ottawa...

M. BOURASSA: Le député pose des questions et il n'a même pas lu le rapport.

M. CHARRON: ... c'est tout ce que je vous ai demandé. Et je vous ai demandé si vous aviez l'intention de réagir devant ça. Un domaine qui devrait être réservé à la juridiction provinciale...

M. BOURASSA: M. le Président,...

M. CHARRON: Agissez plutôt que de parler.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai posé une question au député. Je me suis rendu compte qu'il ne savait pas ce dont il parlait. Cela ne vaut pas la peine de lui répondre.

M. CHARRON: Je vais vous en poser, une question.

Question additionnelle, M. le Président.

Commission sur la liberté de la presse

M. CHARRON: Je reviendrai avec ma question quand le premier ministre saura ce dont je veux parler. Une question qui relève du premier ministre. La commission parlementaire sur la liberté de la presse doit-elle siéger bientôt, sera-t-elle formée avant la fin de la session, afin de pouvoir siéger en janvier?

M. BOURASSA: J'ai répondu...

M. CHARRON: Cela vous concerne, vous êtes censé être informé de cela.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BOURASSA: Du calme. Il est excité aujourd'hui!

M. CHARRON: Cela vous énerve, cela vous excite.

M. BOURASSA: J'ai dit, la semaine dernière,...

M. CHARRON: Le ministre du Travail, s'il vous plaît.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. CHARRON: M. le Président, voulez-vous rappeler à l'ordre le ministre du Travail, s'il vous plaft?

M. CADIEUX: Va te piquer en dehors de la Chambre...

M. CHARRON: Le centrale de Beauharnois.

M. CADIEUX: ... à Cuba. Tu aurais dû être sur l'avion.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

UNE VOIX: Nous comprenons pourquoi il n'est pas ministre.

M. CHARRON : Si vous aviez été sur l'avion, je l'aurais détourné.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CADIEUX: ... à Cuba... la détourner.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable premier ministre.

M. CHARRON : II est en train de sauver le premier ministre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHARRON: II ne répondra pas encore.

M. LACROIX: II est donc fin!

M. BOURASSA: ... s'il était possible, avant la fin de cette session. Nous avons siégé ce matin à la commission des Richesses naturelles, pour entendre les représentants de Sidbec et de la Caisse de dépôt. Hier, nous avons siégé à deux commissions: les Richesses naturelles, sur la question de la baie James, et les Institutions financières, au sujet de la protection du consommateur. Je veux réunir, la semaine prochaine, la commission parlementaire en ce qui a trait à la réforme électorale. Si nous pouvons trouver, la semaine prochaine, peut-être le 23 ou le 24 décembre, si le député n'a pas d'objection...

M. CHARRON: Si vous aviez commencé la session à temps, nous aurions eu le temps de le faire.

M. BOURASSA: ... sur la liberté de la presse, nous le ferons.

Rencontre avec le personnel de Radio-Mutuelle

M. LAURIN: Question additionnelle, M. le Président. Une autre question en ce qui concerne les problèmes de la presse, qui s'adresse cette fois au ministre des communications. Je voudrais lui demander si les informations que j'ai reçues de la permanence du parti sont exactes à l'effet qu'avec M. Marc Lalonde, conseiller de M. Trudeau, il aurait rencontré les patrons et les journalistes de Radio-Mutuelle, vendredi, à Montréal.

M. L'ALLIER: L'information est inexacte. Je n'ai pas rencontré les patrons et les journalistes de Radio-Mutuelle à Montréal. Radio-Mutuelle avait organisé, pour son service d'information, des journées d'étude, et j'ai été invité à ces journées d'étude uniquement comme citoyen, pour rencontrer ces gens-là et discuter avec eux de questions qui nous ont été posées uniquement par ces...

Cela ne s'est pas déroulé à Montréal, ça s'est déroulé à l'hôtel Chanteclerc, à Sainte-Adèle.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

Déblocage de l'ODEQ

M. PAUL: M. le Président, ... vous savez que je suis réfractaire à toute activité bouillante. Je voudrais poser à l'honorable ministre des Affaires municipales une question pour l'information des honorables députés et pour la population de la région de la Gaspésie. Le ministre peut-il nous dire si l'annonce qu'il nous a faite aujourd'hui est en relation avec la déclaration qu'il faisait en Chambre, le 24 novembre, au sujet du déblocage de l'ODEQ?

M. TESSIER: C'est en plus de ce que j'avais annoncé à cette occasion.

M. PAUL: M. le Président, le ministre pourrait-il nous dire si, depuis le 4 décembre environ, il y a 750 emplois nouveaux qui ont été créés dans la région du Bas Saint-Laurent et la Gaspésie, tel qu'il nous l'annonçait mardi le 24 novembre 1970, dans un texte qui ne peut pas être réfuté?

M. TESSIER: Je ne peux pas, M. le Président, préciser le nombre exact.

C'est plusieurs centaines d'emplois nouveaux qui ont été créés, et les gens sont au travail depuis quelques semaines.

M. PAUL: Par la même occasion, le ministre avait dit que cela cesserait si la neige commençait à tomber. Y a-t-il beaucoup de neige en Gaspésie actuellement?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TESSIER: Non, aucun emploi n'a encore cessé.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Portneuf.

Offensive contre la pègre

M. DROLET: M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable ministre de la Justice. Maintenant que M. Cross est libéré et qu'on a commencé à retirer les forces policières et l'armée, le ministre de la Justice peut-il dire à cette Chambre s'il prépare ou s'il a l'intention de préparer contre la pègre une offensive globale semblable à celle qu'il a lancée contre le FLQ surtout à la suite de la déclaration du juge Wagner, futur candidat à la chefferie, qui a déclaré que la pègre était le véritable gouvernement parallèle?

UNE VOIX: Quelle chefferie?

M. CHOQUETTE: M. le Président, je n'ai pas attendu la déclaration de l'honorable juge Wagner pour déclencher une offensive générale contre la pègre. Aussitôt que le premier ministre m'eut confié les responsabilités de ministre de la Justice, j'ai pris des actions énergiques que j'ai déjà relatées en cette Chambre à plusieurs occasions. Il me semble inutile de revenir sur des sujets qui ont été discutés à la suite de questions, entre autres, posées par le député de Maisonneuve et par d'autres députés du Ralliement créditiste.

Pour autant que je suis concerné, l'action contre la pègre va continuer à tous les niveaux et, on peut en être assuré, dans tous les milieux. Si nous avons été obligés de porter une attention particulière au phénomène du terrorisme, ceci n'a été que temporaire et imposé par les circonstances. Le député peut être assuré que notre réponse à la pègre est un non catégorique à tous les niveaux du crime.

M. PAUL: M. le Président, une question de privilège. L'honorable ministre de la Justice nous a annoncé que dès sa prestation de serment il avait déclenché une opération contre la pègre.

M. BERTRAND: II a continué le travail.

M. PAUL: Je dis que le ministre de la Justice n'a fait que continuer l'oeuvre de tous ses prédécesseurs.

DES VOIX: Oh! Oh!

M. PAUL: Vous n'avez pas besoin de vous lever, M. le Président, c'est vrai et la population se rappelle que quand nous étions au pouvoir, ce n'était pas des déclenchements de mécanismes...

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. PAUL: ...mais des résultats que l'on obtenait contre la pègre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BERTRAND: Moins de paroles, plus d'actes.

M. LE PRESIDENT: Je comprends que l'intervention du député de Maskinongé est terminée.

M. PAUL: Oui, oui.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Maurice.

M. BURNS: J'avais une question additionnelle avant l'intervention du député.

M. DEMERS: M. le Président...

M. BURNS: Est-ce que je peux poser ma question additionnelle, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: Une question supplémentaire?

M. BURNS: Une question supplémentaire ou additionnelle.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela fait plus sérieux.

UNE VOIX: C'est plus français.

Déclaration du juge Wagner

M. BURNS: M. le Président, je me réfère à la déclaration du juge Wagner. Le ministre de la Justice a-t-il l'intention de communiquer avec le juge Wagner pour lui faire des reproches car il s'agit d'un juge qui, à mon avis, fait de façon anormale, des déclarations d'ordre politique, se servant de son siège, du haut du banc, pour les faire?

M. LEGER: II va dégringoler.

M. CHOQUETTE: Le ministre de la Justice est toujours délicat dans ses interventions auprès de la magistrature et il apprécierait que les magistrats soient également délicats dans leurs incursions politiques.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Maurice.

Syndicalisme agricole

M. DEMERS: M. le Président, ma question s'adresserait au ministre de l'Agriculture, mais en son absence je la pose au premier ministre. Pourrions-nous savoir, à la suite des visites très assidues que nous recevons présentement des membres de l'UCC, si c'est l'intention du gouvernement de présenter dès cette session la loi instaurant le syndicalisme agricole dans la province de Québec?

M. BOURASSA: M. le Président, le leader parlementaire a répondu à cette question au début de la semaine.

M. DEMERS: Est-ce qu'on pourrait me répondre encore?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BOURASSA: Pourquoi faire perdre le temps de la Chambre?

M. LE PRESIDENT: Cette question a déjà été posée et on y a répondu, à ma connaissance, à quelques reprises.

M. DEMERS: On n'y a jamais répondu clairement à aucune reprise.

M. LE PRESIDENT: De toute façon, le règlement...

M. DEMERS: C'est ce que je voudrais savoir.

M. LEVESQUE: Qu'on relise le texte du journal des Débats.

M. LE PRESIDENT: ...dit qu'on doit accepter une réponse même non satisfaisante. L'honorable député de Témiscouata.

M. SIMARD (Témiscouata): M. le Président, ma question s'adresse au ministre responsable de l'ODEQ. J'ai été bien emballé tout à l'heure d'apprendre qu'une nouvelle industrie s'implantait en Gaspésie.

Je me pose quelques petites questions. Par exemple, j'aimerais demander au ministre si c'est la même firme Richardson qui exploite déjà une usine de bois de sciage en Gaspésie. Si oui, combien de personnes cette firme a-t-elle à son emploi?

M. TESSIER: Si c'est la même firme qui? Je n'ai pas compris.

M. SIMARD (Témiscouata): Qui exploite déjà une usine de bois de sciage en Gaspésie.

M. TESSIER: Oui, à Cap-Chat.

M. SIMARD (Témiscouata): Combien d'employés a-t-elle à son service?

M. TESSIER: Je n'en ai aucune idée.

M. SIMARD (Témiscouata): Est-ce qu'il s'agit d'une deuxième usine ou d'une reconstruction plus moderne de cette usine?

M. TESSIER: II s'agit d'une nouvelle usine. Il n'y a rien qui existe actuellement à Grande-Vallée. Il s'agit d'exploiter des concessions forestières qui ne le sont pas actuellement. Il n'y a aucune usine de transformation à Grande-Vallée. Il s'agit, par conséquent, de quelque chose de tout à fait nouveau.

M. SIMARD (Témiscouata): Est-ce que la première usine, qui fonctionne à l'heure actuelle, va fermer ses portes?

M. TESSIER: Vous voulez dire l'usine de Cap-Chat? Je ne le sais pas.

M. SIMARD (Témiscouata): Oui.

M. BERTRAND: II bouche un trou, dans ce bout-là.

M. SIMARD (Témiscouata): C'est certainement important de le savoir. On nous annonce un projet nouveau. Est-ce qu'il s'agit d'une fermeture pour une réouverture? C'est ça qu'on voudrait savoir.

M. TESSIER: Non, non il n'est pas question de fermeture. Je ne suis pas au courant du fonctionnement actuel...

M. SIMARD (Témiscouata): On ferme d'un bord, puis on ouvre de l'autre.

M. TESSIER: ... de l'usine de Cap-Chat. UNE VOIX: Un autre ballon.

M. TESSIER: Je peux m'informer, si vous le voulez...

M. SIMARD (Témiscouata): C'était trop beau pour être vrai.

M. TESSIER: ... et vous répondre, mais, actuellement, il s'agit d'un projet nouveau.

M. SIMARD (Témiscouata): Une question

supplémentaire sur le même sujet. Est-ce que cette usine remplacerait l'usine Couturier à Marsoui qui vient de disparaître à la suite d'un incendie?

M. DEMERS: II ne le sait pas encore. M. TESSIER: Si elle remplacerait quoi?

M. SIMARD (Témiscouata): Si cette usine remplacera éventuellement l'usine qui vient de disparaître à Marsoui?

Il ne sait rien.

M. BERTRAND: C'est dans l'ODEQ. United Aircraft

M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et du Commerce, concernant la United Aircraft. Il pourra la prendre comme préavis et me répondre plus tard. On sait que la compagnie United Aircraft avait signé une entente avec le gouvernement québécois, le 9 novembre — remarquons bien la date — et avait reçu une subvention de $5 millions de la part des contribuables québécois et que cette compagnie est présentement en négociation avec ses employés pour le renouvellement de la convention collective.

Ma question est la suivante: Le ministre est-il au courant des quatre renseignements suivants et qu'entend-il faire par la suite? Premièrement, que le 25 novembre, après le don de la subvention, la compagnie a annoncé au syndicat une nouvelle réduction de personnel d'environ 10 p. c, c'est-à-dire 150 mises à pied, en plus de 400 employés qui ont déjà été rétrogradés ou mis à pied. Deuxièmement, que la compagnie refuse d'inclure dans la convention une clause reconnaissant le français comme langue de travail.

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LEGER: Est-ce qu'il y a un point de règlement?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE: M. le Président, le règlement ne permet pas, encore une fois, ce genre de question. Si on s'en rapporte au titre 12 des questions et réponses, c'est justement un énoncé de faits. On donne des renseignements; on n'en demande pas. On est en train de faire un discours. Le but de la période des questions — les collègues le reconnaissent — c'est de permettre aux membres de la Chambre de poser des questions aux ministres et au gouvernement. Depuis le commencement de cette prétendue question, on est en train de faire un discours et de donner des renseignements qui sont contrôlés plus ou moins, on ne le sait pas. Si on a des questions à poser, qu'on les pose donc.

Présentement, c'est le gouvernement qui est interrogé; ce n'est pas la compagnie United Aircraft, ce ne sont pas les unions ouvrières, ce ne sont pas les syndicats. On pose des questions aux ministres. On veut savoir ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce a fait ou devrait faire dans telle situation. Qu'on pose la question qui est de la responsabilité du ministre.

M. LEGER: M. le Président, ma question est claire et simple. Le gouvernement a donné $5 millions à une compagnie.

M. CADIEUX: Ce n'est pas une question, ça.

M. LEGER: Je lui demande s'il était au courant et s'il entend agir. A la suite de ce don, puisque la compagnie ne veut pas reconnaître le français comme langue de travail...

M. LEVESQUE: M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Ce n'est pas sous forme d'une question; c'est un énoncé de faits. Qu'on pose une question, qu'on demande au ministre si la langue de travail sera le français. Le ministre vous dira oui ou non.

M. LEGER: M. le Président, est-ce que le ministre a l'intention de retirer ces $5 millions à la suite des décisions prises par la compagnie, qui sont contraires aux intérêts du Québec?

M. LEVESQUE: Très bien. Voilà le genre de question qui peut être posée. Alors, voici la réponse...

M. LEGER: J'attends la réponse.

M. LEVESQUE: La réponse va venir bien naturellement. Si la compagnie ne remplit pas les conditions posées par le ministère, la subvention devra être remboursée. De toute façon, pas un sou de cette subvention n'a encore été versé.

M. LEGER: Merci.

M. LE PRESIDENT: Je vais permettre trois dernières questions. Le député de Montmagny, le député de Sainte- Marie et le député de Beauharnois.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voulais poser des questions au premier ministre sur la commission de la liberté de la presse et le rapport qui a été déposé, hier, au fédéral. Le député de Saint-Jacques a posé ses questions, mais, si le premier ministre a quelque chose de plus précis à nous dire que tout à

l'heure, je serais prêt à lui reposer la question, quant à la date possible à laquelle la commission pourrait siéger afin de prendre en considération deux problèmes au moins; le problème dont nous avons parlé en Chambre antérieurement, durant le débat sur les événements du mois d'octobre, et aussi les implications du rapport qui a été déposé hier, les implications importantes du point de vue du Québec. Je voudrais demander au premier ministre, si la commission ne peut pas siéger d'ici la fin de la présente session, si durant l'intersession, en janvier ou février, il ne sera pas possible de convoquer cette commission, de la remettre sur pied, afin que nous puissions discuter de ces problèmes d'extrême importance.

M. BOURASSA: J'en prends note. J'ai dit que, si nous pouvions siéger d'ici le début de la période des Fêtes, nous le ferions. Je prends note de la suggestion du député, qui semble approuvée par le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. PAUL: J'ai approuvé la demande qu'il vous a faite pour que ça bouge.

M. BOURASSA: Pardon? M. PAUL: Pour que vous bougiez. M. BERTRAND: Pour que ça bouge. M. PAUL: Que ça bouge.

M. BOURASSA: Si nous ne pouvons pas réunir la commission pour des raisons qui sont compréhensibles à tous les députés sérieux, si nous ne pouvons pas réunir la commission...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela exclut tous les vôtres.

M. BOURASSA: ... d'ici le début de la période des Fêtes, nous le ferons certainement entre les deux sessions, comme vient de le suggérer, d'une façon très appropriée et courtoise, le député de Montmagny.

UNE VOIX: Très bien.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.

Médicaments aux assistés sociaux

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, étant donné l'absence du ministre des Affaires sociales, ma question s'adresse au premier ministre. Est-ce que le premier ministre pourrait préciser s'il y a eu des directives données aux hôpitaux, en ce qui concerne la distribution de médicaments aux assistés sociaux? Est-ce que les hôpitaux ont reçu des directives?

M. BOURASSA: Depuis quelques jours? Est-ce que le député se réfère à des directives qui auraient été...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui.

M. BOURASSA: Depuis l'annonce de l'assis-tance-médicaments?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Actuellement, il semblerait qu'il règne une grande confusion à ce propos dans les hôpitaux. Est-ce qu'on a prévu un régime provisoire en attendant la modification de l'assurance-maladie, en ce qui concerne la distribution de médicaments aux assistés sociaux? Si vous voulez prendre avis de la question.

M. BOURASSA: Oui, je prends avis de la question. Le ministre est à Ottawa pour la conférence fédérale-provinciale, il va être de retour mardi.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ce n'est pas une colle que je vous pose, je voudrais avoir des informations précises.

M. BOURASSA: Ah non! le député de Sainte-Marie ne pose pas ce genre de question.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Merci. DES VOIX: Le ministre du Travail. M. LE PRESIDENT: A l'ordre.

M. CADIEUX: Le député de Saint-Jacques, ses jours sont comptés, il ne sera jamais ministre ni adjoint...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CADIEUX: ... alors, il peut laisser les questions aux autres.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Question. M. CHARRON: ... mes intentions.

Réduction des prix

M.. CADIEUX: Ma question s'adresse au ministre de la Justice et il ne s'agit pas des présumés bandits qui sont enfermés. Il s'agit de centaines de personnes qui sont intéressées à un problème crucial et urgent. Des vendeurs font remarquer au gouvernement qu'il y a une guerre terrible, actuellement, dans le domaine de l'alimentation et plus spécialement dans le domaine de la vente des pains. Des pains sont vendus, présentement, dans des épiceries à neuf cents et les vendeurs sur la route doivent les vendre vingt-cinq cents. Plusieurs détaillants en alimentation ont décidé de se servir de ce produit...

DES VOIX: Question.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CADIEUX: ... pour attirer le client dans leur épicerie. La question que je pose au ministre de la Justice...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...

M. CADIEUX: ... est celle-ci: Est-ce que le ministre de la Justice entend intervenir auprès du ministre fédéral de la Justice concernant l'article 33a) de la loi fédérale contre les pratiques restrictives qui déclare coupable toute personne qui vend son produit à un prix exagérément bas dans le but de diminuer la concurrence...

DES VOIX: Question.

M. CADIEUX: ... d'éliminer un compétiteur ou d'aboutir à un pareil effet?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est plutôt "toasté", ça!

M. CADIEUX: Le député de Chicoutimi ne comprend jamais rien. Il n'a pas compris ma question. Ma question a été posée...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une question "toastée", M. le Président.

M. CADIEUX: ... au ministre de la Justice qui, lui, a compris.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II est dans le pétrin.

M. BERTRAND: Je pense que le ministre n'a pas compris, lui non plus!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! messieurs! je pense bien que, depuis au-delà d'une demi-heure, tout le monde a pu poser ses questions plus ou moins facilement. Il s'agit de la dernière question. Est-ce que l'on pourrait...

M. BERTRAND: ... vous bâillonnez tout le monde, par exemple.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BOURASSA: L'Opposition bâillonne le gouvernement!

M. LE PRESIDENT: Ecoutez, lorsqu'il y a des énoncés de faits, vous pouvez comprendre que le président va les permettre moins, lorsque cela soulève des débats. Mais je ne voyais pas dans l'énoncé du député de Beauharnois que cela pouvait soulever beaucoup de débats si le pain se vend $0.09 ou $0.25.

Je demanderais au député de Beauharnois de terminer sa question.

M. CADIEUX: Ma question, je la repose. Est-ce que le ministre de la Justice veut intervenir auprès du ministre fédéral de la Justice concernant l'article 33 de la loi fédérale sur les "loss leaders"?

M. CHOQUETTE: M. le Président, je remercie l'honorable député de Beauharnois de m'avoir fait parvenir une volumineuse documentation au sujet de ce problème d'un grand intérêt. Je puis assurer l'honorable député que je vais intervenir auprès de la Commission fédérale sur les pratiques restrictives du commerce afin de savoir si elle a procédé à une enquête sur la question qu'il a soulevée et quelles mesures elle va adopter.

Je puis également l'assurer que je vais faire examiner par les légistes de mon ministère, l'aspect juridique, à savoir s'il y a contravention du code criminel et s'il est de notre compétence d'agir. S'il y a lieu, nous prendrons les actions nécessaires. Je puis assurer le député que s'il ressort de ces interventions qu'il s'agit d'un domaine réservé exclusivement au gouvernement fédéral, je ferai les interventions requises auprès du ministre fédéral de la Justice.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. LESSARD: M. le Président, est-ce qu'on peut espérer que nous aurons demain plus de ministres pour répondre à nos questions?

M. LEVESQUE: Je crois que chaque fois qu'un ministre a été interrogé et qu'il n'était pas à sa place, j'ai pris la peine de me lever et d'indiquer les raisons très sérieuses qui l'avaient retenu à l'extérieur.

UNE VOIX: Vous faites votre possible, en masse!

M. LESSARD: Le ministre du Revenu?

M. LEVESQUE: M. le Président, vous me permettrez de déposer une réponse complémentaire à celle qui apparaît à la page 247 des procès-verbaux du 2 décembre 1970 à une question posée par M. Burns; c'est une réponse complémentaire de M. Choquette.

M. le Président, je crois que nous pourrons avoir une sanction vers la fin de l'après-midi, et ceci pour une raison bien simple; c'est que, lors

de l'étude d'un des projets de loi présentés par le ministre des Affaires municipales, on a mentionné qu'il y avait des conseils municipaux qui étaient inquiets et qui continuent d'être inquiets.

UNE VOIX: Ils ont raison d'être inquiets du ministre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une version définitive, sa loi, elle a été bien citée?

M. BERTRAND: Est-ce qu'elle a été revue et revisée?

M. LEVESQUE: Revue, revisée et adoptée même en troisième lecture par l'Assemblée nationale.

M. BERTRAND: Oui, oui, mais...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le gouverneur est toujours en fonction, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LEVESQUE: Pardon?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le lieutenant-gouverneur est toujours en fonction? J'attends ma nomination!

M. LEVESQUE: Je continue de...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le premier ministre me l'a promise, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE: Nous continuons de noter l'intérêt soutenu et constant du député de Chicoutimi !

M. LESSARD: Est-ce que le député des Iles-de-la-Madeleine aura le poste de lieutenant-gouverneur?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

M. LEVESQUE: M. le Président,... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: Est-ce que le député des Iles-de-la-Madeleine va être nommé lieutenant-gouverneur?

M. LEVESQUE: ... Article 5.

M. BURNS: M. le Président, avant les affaires du jour, est-ce que je peux demander, à ce stade-ci, quel est l'ordre des travaux qui est prévu pour aujourd'hui et demain? Je comprends que les bills du ministre de la Justice doivent être étudiés cet après-midi.

M. LEVESQUE: Les quatre projets de loi au nom du ministre de la Justice seront suivis du projet de loi du ministre de l'Agriculture. Voilà, du moins, les prévisions jusqu'à présent.

M. BURNS: Une dernière question à ce sujet-là, M. le Président. Est-ce l'intention du leader de nous faire siéger samedi, comme une certaine motion l'y autorise?

M. BOURASSA: Cela dépend de ce que l'Opposition va faire.

M.BERTRAND: Nous n'aimons pas cela! Vous allez siéger jusqu'à demain soir et samedi.

M. PAUL: C'est malhabile!

M. BERTRAND: C'est très malhabile!

M. LEVESQUE: Autrement dit, nous pourrons nous consulter à la fin de la journée, aujourd'hui, avant l'ajournement. Et selon le progrès réalisé, comme le disait justement le premier ministre, il y a un instant, nous pourrons alors convenir d'ajourner à telle heure plutôt qu'à telle autre, à tel jour plutôt qu'à tel autre.

M. BOURASSA: S'il y a une collaboration positive...

M. BERTRAND: Cela, c'est encore de trop! UNE VOIX: Il s'enfonce, M. le Président!

M. PAUL: M. le Président, pourrais-je demander à l'honorable leader du gouvernement s'il ne pourrait pas, dans ses temps libres, renseigner quelque peu le premier ministre sur la façon de se conduire en Chambre quant au travaux, et ainsi de suite, dans un but de collaboration? Je voudrais suggérer au leader d'appeler le rapport qui nous a été fait cet après-midi, concernant les projets 57 et 58, ce qui pourrait faciliter, j'en suis sûr, l'adoption en troisième lecture et, peut-être, la sanction ce soir.

Voilà de la collaboration effective.

M. BOURASSA: Merci.

M. LEVESQUE: En effet, voilà une marque de collaboration. D'autant plus que je ne manquerai pas de rappeler au premier ministre que c'est aujourd'hui jeudi, qui semble être un jour de prédilection pour le député de Maskinongé.

M. PAUL: C'est cela. Oui. Je viens de Trois-

Rivières. Autrefois c'était le mercredi mais un peu plus loin c'est le jeudi!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela tombe le vendredi.

M. LEVESQUE: M. le Président, pour faire suite à la suggestion positive du député de Maskinongé, je vais proposer de franchir l'étape du comité plénier et celle de la troisième lecture des deux projets de loi 57 et 58.

M. BERTRAND: II y a eu des amendements à un projet de loi, n'est-ce pas?

M. LEVESQUE: Un amendement pour le projet de loi 57.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que les résolutions du comité sont agréées?

M. BERTRAND: Adopté. M. PAUL: Adopté. Le comité plénier a siégé. M. LE PRESIDENT: Troisième lecture. M. PAUL: C'est cela.

Troisième lecture des projets de lois no 57 et no 58

M. LE PRESIDENT: Troisième lecture des deux projets de loi, adoptée?

M. LAURIN: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Les projets de loi 57 et 58 adoptés.

M. BOURASSA: Cela bouge, cela bouge! M. PAUL: Pas vous autres, nous autres! M. LEVESQUE Article 5.

Projet de loi no 46 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: Article 5. L'honorable ministre de la Justice propose la deuxième lecture du projet de loi numéro 46, Loi prolongeant et modifiant la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires.

L'honorable ministre de la Justice.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, cette loi a pour but de prolonger, pour une période additionnelle d'une année, c'est-à-dire jusqu'au 30 avril 1972, la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires. Elle a également pour but d'arrêter, ou de fixer les municipalités dans lesquelles la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires s'applique à la suite de demandes de la part des conseils municipaux intéressés.

M. le Président, je ne pense pas que j'aie besoin de faire un long exposé du principe de cette loi, ou de donner des explications considérables à son sujet, puisqu'il s'agit d'une loi qui revient encore cette année comme elle est revenue dans le passé de façon à réaliser les objectifs que je viens de mentionner précédemment, c'est-à-dire de continuer l'existence de la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires pour la période additionnelle d'une année ainsi que pour déterminer la liste des municipalités dans lesquelles le régime est applicable.

Je ferai simplement quelques observations sur le travail réalisé...

M. LEVESQUE: M. le Président, j'attendais que mon collègue finisse sa phrase.

Pourrais-je avoir le consentement de la Chambre — et je m'excuse auprès de mon collègue et de mes collègues de la Chambre, parce que vu qu'il y a sanction et que nous avons ces trois projets de loi de ce matin qui ont été adoptés, à la commission des bills privés — pour demander au secrétaire de faire les inscriptions, de franchir l'étape du comité plénier et de la troisième lecture et ainsi, pouvoir faire sanctionner ces trois projets de loi en même temps.

M. BURNS: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je disais donc que, sans m'étendre inutilement, je crois qu'il y aurait lieu pour moi, quand même, de faire part à la Chambre de l'étendue du travail accompli par la Commission des loyers, dans la période récente. Ainsi, du 1er janvier au 1er novembre de cette année, la commission a-t-elle entendu 10,000 différends entre locataires et propriétaires. On m'informe également qu'environ 200,000 informations ont été données par la commission à des propriétaires ou à des locataires, sur des situations qui les intéressaient, dans le cours normal des occupations de la commission.

Finalement, on a pu renseigner, à la commission, 10,000 personnes qui s'enquéraient de leurs droits respectifs, en vertu de cette loi. Actuellement, il existe encore, et cela m'apparaît tout à fait évident, il existe, dis-je, une nécessité, pour une telle commission, de continuer son existence et de pouvoir trancher les différends entre les locataires et les propriétaires, avec la plus grande équité, car il serait au moins audacieux d'affirmer que la crise du logement, qui avait été à l'origine de la Loi de la

conciliation entre locataires et propriétaires, soit une question réglée.

Evidemment, ce sont aux autorités locales à demander d'être assujetties à la loi existante. C'est-à-dire qu'il appartient à chaque conseil municipal de déterminer les conditions qui existent dans la localité concernée, et à la suite d'un examen de la situation, de demander au lieutenant-gouverneur en conseil d'être assujetti à la loi en question. De telle sorte que c'est une mesure qui nous est demandée par les conseils municipaux de chaque municipalité.

Alors, M. le Président, sans autre préambule, je présente une motion à l'effet que ce projet de loi soit adopté en deuxième lecture.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, nous venons d'assister à la présentation rituelle et je dirai quasi sacramentelle du principe d'une loi qui est devenue permanemment annuelle. Depuis 1950, 1951, celle loi s'impose, afin de corriger certaines situations qui, dans les milieux, pourraient devenir des situations vraiment intolérables et même créer des problèmes injustes à l'endroit des défavorisés, des économiquement faibles.

Nous ne pouvons pas être contre le principe de cette loi; cependant, j'ai été déçu. J'ai été déçu, non pas de la teneur du discours du ministre responsable de la Régie des loyers, mais des brèves remarques qu'il nous a adressées, parce que j'aurais cru, M. le Président, que le ministre de la Justice aurait saisi cette occasion pour nous annoncer une loi concordant avec une motion dont il fut, un jour, l'auteur, soit en avril 1969, motion aux fins d'étudier le problème des locataires dans la ville d'Outremont et la région de Montréal.

C'était une motion tellement urgente qu'elle a été consacrée comme étant la motion Choquette. Le gouvernement a alors accepté les propos que tenait à l'époque le député d'Outremont qui, à moins que je ne m'abuse, est le même aujourd'hui.

M. BERTRAND: II y a plusieurs personnes en lui.

M. PAUL: Je crois que l'occasion aurait été toute choisie pour que le ministre nous informe qu'il avait l'intention de créer un comité spécial sur la question du logement et de la construction domiciliaire non seulement dans la région de Montréal, mais dans toute la province. Nous aurions eu ainsi une continuité de pensée entre l'Opposition et le pouvoir. Je n'en fais pas un reproche au ministre; je suis sûr que c'est probablement le fardeau des nombreuses responsabilités qui le force à reporter jusqu'à la prochaine session cette for- mation du comité spécial dont il nous a entretenus avec intérêt et émotion et que nous avions discutée avec enthousiasme parce que nous y voyions à l'époque des arguments au soutien de la formation de ce comité. Je vous prie de croire, M. le Président, que les arguments soulevés à l'époque par le député d'Outremont étaient tellement valables et sérieux que si nous avions gardé le pouvoir cette commission serait déjà en action depuis bientôt quelques mois.

Cette législation, qu'on nous demande aujourd'hui de renouveler parce qu'elle arrivera à terme au mois de mars 1971, est nécessaire parce que nous n'avons qu'à nous référer à la liste... Je ne voudrais pas qu'il soit dit que j'ai l'intention de discuter article par article mais je voudrais simplement signaler le nombre de municipalités qui se prévalent aujourd'hui des dispositions de cette loi concernant la conciliation entre locataires et propriétaires. Le tout résulte d'une excellente législation qui a été présentée par l'ancien gouvernement, soit le bill 12. Sans vouloir jeter de blâme sur qui que ce soit; sans vouloir non plus nous attribuer des mérites trop généreux, je dirai qu'à l'époque, nous avons présenté une législation qui a permis aux conseils municipaux de prendre leurs responsabilités. Si nous avons toute cette liste de municipalités qui aujourd'hui se prévalent des avantages de la conciliation entre locataires et propriétaires, c'est parce qu'elles ont bénéficié du mécanisme du bill 12 qui prévoit qu'une municipalité doit, avant le 1er novembre de chaque année, informer la Commission des loyers de son intention de se prévaloir du mécanisme d'application de la loi.

Quelques-uns iront jusqu'à prétendre... Ce point, je n'y toucherai pas trop parce que l'honorable député de Maisonneuve soulèvera peut-être cette question qui, je le sais, a déjà été débattue à la CSN.

S'il y a un problème particulier dans la ville de Montréal, je crois qu'il appartient aux autorités municipales de se prévaloir du mécanisme du bill 12 et qu'il y aura peut-être lieu d'étendre ou de prolonger les périodes prescrites par les dispositions de cette loi.

Je comprends parfaitement la situation dans laquelle se trouve placé le ministre responsable de l'application de cette loi. Veuillez croire, M. le Président, que le ministre recevra notre appui dans l'application de cette loi, sachant qu'il saura garder les fonctionnaires expérimentés et compétents qui oeuvrent, pour certains d'entre eux, depuis 1941.

A cette époque, cette disposition de la loi relevait de la compétence du gouvernement fédéral, puisque c'était durant la guerre. Ce n'est qu'en 1951 que le provincial est intervenu dans ce domaine, par suite du retrait des autorités fédérales. Qu'il me soit permis de rendre un hommage bien mérité à tous ceux qui, à la régie et à la commission, font un travail de

dévouement, de renseignement et d'efficacité administrative qui les honore.

Entre autres, je crois que la cheville ouvrière du bon fonctionnement de toute cette opération est M. Gaston Massie. Il a acquis une expérience dans l'application fédérale de la loi et il est resté en poste malgré tous les remue-ménage et toutes les tempêtes que peuvent apporter les changements de gouvernement.

Les statistiques que nous a données le ministre de la Justice, responsable de l'application de cette loi, nous prouvent la nécessité de maintenir tout le personnel et le mécanisme de fonctionnement afin d'éviter certains chaos économiques dans les paroisses où il y a des crises de logement ou des situations particulières qui forcent les conseils municipaux à intervenir avec des législations particulières qui diffèrent d'un endroit à l'autre, et ce, en vertu de la latitude que leur donne le bill 12.

C'est une législation excellente qui s'impose; elle est nécessaire. Au lieu de voir le gouvernement aux prises avec l'application d'une loi de portée générale, alors que les conditions économiques peuvent être différentes d'un endroit à l'autre, ce sont les municipalités qui ont le mécanisme opérationnel voulu pour corriger les situations, mais toujours, cependant, sous l'administration et sous la gouverne de la commission et de la Régie des loyers, sous l'oeil vigilant du ministre responsable, le ministre de la Justice.

M. le Président, c'est avec empressement que nous appuierons ce projet de loi en deuxième lecture.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Mégantic.

M. Bernard Dumont

M. DUMONT: Merci, M. le Président. Nous avons devant nous ce projet de loi no 46, Loi prolongeant et modifiant la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires. Ce que nous avons à dire de ce projet de loi, c'est que ni des louanges, ni des protestations vigoureuses ne nous ont été faites, même si l'Union Nationale, dans le temps, avait continué, selon les paroles du député de Maskinongé, à administrer cette loi, amendée aujourd'hui par le ministre actuel. Souvent, quand on parle en bien ou en mal d'un projet de loi, c'est tout simplement parce qu'on a à s'en plaindre ou qu'on voudrait le voir améliorer.

Comme nous n'avons pas eu tellement de plaintes, je me contenterai de poser quelques questions au ministre de la Justice. Entre autres, il nous a fait mention de 10,000 différends tout à l'heure. Ma curiosité a été piquée et j'aimerais savoir combien il y a de questions financières qui ont été discutées entre propriétaires et locataires, lorsque ces derniers trouvaient le prix trop élevé. Dans les 10,000 cas, combien peut-il y en avoir eu pour cela?

L'autre question est la suivante: Dernièrement, j'ai reçu à mon bureau du comté des appels à l'effet qu'un certain avocat, du palais de justice de la ville de Thetford Mines, donnait, dans le passé, des renseignements. Apparemment — du moins, c'est la version qu'on m'a donnée; je n'ai pas vérifié et je pose la question au ministre — cet avocat ne serait pas désigné pour continuer à donner des renseignements concernant les propriétaires et locataires. Je ne sais pas si c'est une nouvelle politique ou une information qui a été transmise à cet avocat ou si ce dernier ne trouvait pas cela assez rémunérateur de continuer d'informer la population.

Je pose la question, car ce sont à peu près les seuls griefs que j'ai reçus de ma circonscription ou d'ailleurs dans la province.

Tous ensemble, nous aussi, parce qu'il ne semble être ni mauvais, ni tellement digne de louange, il ne semble pas faire de mal à personne, nous serons en faveur de ce bill.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, nous aussi nous sommes, bien sûr, d'accord avec le principe de ce bill, comme nous l'avons été pour la loi de la protection du consommateur, puisqu'il s'agit, à toutes fins pratiques, d'un projet de loi protégeant une catégorie de consommateurs, c'est-à-dire les locataires. Du moins, c'est comme ça que nous aimerions envisager cette loi. Malgré tout l'enthousiasme que nous apportons à l'appui du principe de ce bill, nous le trouvons, évidemment, un peu restrictif et nous pensons qu'il ne va peut-être pas assez loin à certains égards. C'est brièvement, sur ces divers aspects, que j'aimerais faire des remarques relativement au projet de loi no 46.

J'espère que, suite aux reproches que le député de Maskinongé faisait à l'égard du député d'Outremont, on ne me fera pas les mêmes reproches lorsque le groupe dont je fais partie sera au pouvoir; dans ce temps-là, je tenterai de les mettre en vigueur, si on me le permet.

M. BERTRAND : Dans combien d'années ça?

M. BURNS: Bientôt. Très bientôt. De toute façon, voici la première critique que j'aurais à faire valoir contre cette loi, le député de Maskinongé ayant abordé le sujet. Il s'agit d'une loi dont les dispositions provenaient du fédéral, avant 1951, et qui ont été prises en charge, à bon droit puisque c'est sa juridiction, par le gouvernement provincial, en 1951, qui, depuis, d'année en année a renouvelé la loi. Nous nous demandons véritablement s'il ne s'agirait pas, après 19 ans, de nous poser la question suivante: Pourquoi ne rendrions-nous pas ce texte législatif permanent au lieu de,

continuellement, de façon rituelle, revenir tous les ans devant l'Assemblée nationale pour prolonger à nouveau les dispositions de ce bill?

Selon nous, cela aurait un avantage et c'est évidemment celui de la politique à long terme. Vous avez actuellement une commission des administrateurs, des fonctionnaires qui sont dans le cadre d'une loi qui existe d'année en année, qui est sujette à être éteinte d'année en année. Selon nous, ça favoriserait une politique à long terme de la commission des loyers, de rendre ou de donner à cette loi le caractère permanent dont elle a besoin.

De deux choses l'une; ou bien, c'est une véritable farce de revenir constamment devant l'Assemblée nationale, alors que tout le monde se dit que ce sera prolongé, ou bien ce n'est pas une farce et, à ce moment-là, des politiques à long terme peuvent difficilement être envisagées dans le domaine de l'habitation.

C'est la première critique que j'ai à faire valoir à l'encontre de la loi. Nous aimerions, plutôt que de voir une loi prolongée d'année en année pour des fins que nous approuvons, évidemment, voir cette loi avoir un caractère de permanence.

Le deuxième point que j'aimerais soulever concerne la juridiction. L'article 33a) —M. le Président, je ne veux pas entrer dans le détail, mais je le mentionne, il s'agit quand même d'un point assez important dans la loi — l'article 33a) réserve aux municipalités qui y sont désignées ainsi qu'à celles qui en font la demande la juridiction de cette loi. Nous nous demandons, encore une fois, pourquoi le gouvernement provincial, par l'entremise de l'Assemblée nationale, ne prend pas l'initiative d'étendre cette loi à toutes les municipalités. Si on s'arrête au concept de la municipalité, qui en soi est une créature de l'Assemblée nationale, il est concevable que ce soit plutôt le rôle du gouvernement provincial de décider de la juridiction.

A partir du moment où on a accepté qu'il est important de protéger cette catégorie de consommateurs qui s'appellent les locataires, je me demande pourquoi on n'étend pas la juridiction de cette loi à toutes les municipalités plutôt que de laisser aux municipalités elles-mêmes le choix de décider si ça s'appliquera ou non.

Par analogie, je me demande ce que le ministre de la Justice aurait dit si nous étions arrivés avec un amendement, par exemple, sur la loi de la protection du consommateur et si nous avions dit: La loi de la protection du consommateur ne s'appliquera que dans les municipalités où les conseils municipaux le décident. Il y a un parallèle évident à faire. Et pas plus que nous n'aurions été d'accord avec cette formule relativement à la protection du consommateur, nous ne pouvons être d'accord avec une juridiction qui est décidée par des corps qui sont des créatures de la Législature provinciale.

Il y a un autre problème qui est évident dès qu'on s'arrête à y penser, lorsque ce sont les municipalités qui décident. Je n'ai pas besoin de discuter longtemps sur le fait que plus le pouvoir est local, plus il est sujet à des pressions d'intérêt, plus le conseil municipal va être sujet à écouter les pressions venant principalement, et très souvent principalement, des propriétaires qui, dans encore beaucoup de municipalités, sont ceux qui détiennent le pouvoir. C'est une question de fait, malheureusement, qui relève de l'histoire, mais qui est là quand même.

Sur ce point, nous considérons donc que l'Assemblée nationale devrait prendre sa responsabilité et, évidemment, si on croit que ce bill doit être prolongé, doit exister en vue de la protection, encore une fois, de ce type de consommateurs qui s'appellent les locataires, il devrait être étendu à toutes les municipalités de la province.

Un autre point nous préoccupe, M. le Président, c'est celui relatif au fait qu'il est d'abord évident que nous devons reconnaître que les coûts des loyers doivent de se tenir au pair et augmenter selon le coût de la vie. Je pense que quelqu'un qui arriverait à dire que les loyers doivent être absolument bloqués, gelés, sans égard à la progression de l'indice du coût de la vie, serait peu réaliste.

Pour cette raison, nous nous demandons s'il n'y aurait pas lieu de réexaminer toute la technique de l'augmentation du loyer. Le ministre nous a cité tantôt des chiffres qui sont quand même très intéressants et qu'il est bon d'examiner en regard de ce que j'ai l'intention de suggérer. S'il y a eu 10,000 différends et 200,000 informations, il est assez difficile de voir dans les 200,000 informations la proportion de ce qui aurait pu être d'éventuels différends qui ont été bloqués à cause d'une information ou pas.

Il reste quand même qu'on s'aperçoit qu'il pourrait y avoir diminution du côté administratif de la commission, si la commission, toujours vue dans une optique de permanence de cette loi et dans une optique de juridiction complète sur le plan du territoire de la province, pouvait avoir la juridiction — comme d'autres régies l'ont d'ailleurs, en matière d'électricité par exemple, en matière de gaz — d'édic-ter des augmentations automatiques pour le territoire au complet.

On peut envisager que cette commission pourrait entendre les parties intéressées, les mouvements, les groupes de pression, etc., qui feraient valoir le pour et le contre d'une augmentation automatique lorsque nécessitée par l'augmentation du coût de la vie. Partant de là, on pourrait envisager que le nombre de plaintes, le nombre de différends serait énormément diminué. On se retrouverait probablement avec beaucoup moins de plaintes, étant donné que le problème aurait déjà été discuté globalement.

Au lieu de voir les administrateurs de la Commission des loyers obligés de se pencher individuellement sur des cas qui ne sont normalement que des cas qui arrivent à cause de l'augmentation de l'indice du coût de la vie, cela nous permettrait d'envisager que si un propriétaire réclame — j'aurai, en comité plé-nier, un amendement à proposer en ce sens — une augmentation de loyer supérieure à ce coût déjà décidé par la commission avec les experts, les techniques, les statistiques et les informations utiles à ces fins, qu'il s'adresse lui-même à la régie. On reviendrait, dans cette optique, à ce qui est normal dans les relations de plaideur, au sens large du mot, c'est-à-dire que celui qui, habituellement, veut quelque chose est celui qui s'adresse au tribunal pour l'obtenir.

Il serait donc possible de considérer que ce soit le propriétaire qui s'adresse à la Commission des loyers.

Enfin, dans les cas de contestation., nous croyons que ce bill devrait comporter une disposition qui permette au locataire, lorsque ce dernier n'obtient pas gain de cause, — c'est-à-dire lorsque le loyer est augmenté à un montant supérieur à ce qu'il croit acceptable, donc justifiant le différend, au départ même dans l'éventualité où l'administrateur donne raison au propriétaire sur l'augmentation, — de mettre fin à son bail en donnant avis au cours du mois.

Voici pourquoi nous pensons que cette disposition est justifiée. Il est normal de penser qu'un locataire qui se présente devant un administrateur de la Commission des loyers en contestant une augmentation de loyer ne le fait pas simplement par caprice. Il peut se présenter des cas de caprice mais j'imagine que la majorité des gens qui prennent la peine de s'adresser à cet organisme le font parce qu'ils sentent, de deux choses l'une: ou bien ils sont incapables de payer le loyer tel que suggéré par l'augmentation, ou bien le lieu loué ne vaut pas, à leurs yeux, le montant du loyer proposé par le propriétaire. Dans l'un ou l'autre cas, il ne serait que juste que si l'administrateur donne raison au propriétaire qui veut faire cette augmentation ... Pardon?

M. CHOQUETTE: Ça ne sera pas comme aller aux courses.

M. BURNS: Ce ne sera pas comme aller aux courses, M. le Président. Ce sera comme dans toute contestation judiciaire où une partie a toujours une décision à prendre. Un locataire conteste une décision d'un propriétaire. Le locataire se trouve "encarcané" dans un bail, parce que, la plupart du temps, le bail est prolongé et, selon ma petite expérience dans ce domaine, dans la grande majorité des cas, la décision arrive après la reconduction du nouveau bail. Voilà un locataire qui est pris, pour une année, dans une situation telle que si on lui avait dit d'avance qu'il était pris dans ce système, il n'aurait peut-être pas accepté. De là l'importance, selon nous, de cette faculté que le locataire devrait avoir en cas d'augmentation, décrétée par l'administrateur, de mettre fin au bail après un avis raisonnable, un avis d'un mois que nous suggérerons, éventuellement.

Enfin, et c'est mon dernier point, M. le Président, tout ce problème tourne autour d'un document qui s'appelle le bail. Nous ne comprenons véritablement pas pourquoi cette loi ne comporte pas, à la suite de suggestions de nombreuses organisations, de bail type, de modèle de bail. Encore une fois, je fais l'analogie avec la loi du consommateur. Il n'y a pas de contrat type dans la loi du consommateur, tel que proposé par le gouvernement. Mais il y a tellement de précisions concernant les clauses à trouver dans les contrats relatifs à cette loi que, à toutes fins pratiques, nous avons devant nous, ou nous devrons peut-être rédiger un contrat type.

Pourquoi alors, dans le cas de ce consommateur très important qu'est le locataire — et soit dit en passant, à Montréal, on nous dit que 80 p. c. des gens sont des locataires; cela commence à être important — pourquoi n'aurions-nous pas de baux types dans la loi?

Je ne cite que deux organismes qui ont fait des représentations à cet égard, dont l'un qui s'appelle "Le comité sur l'habitation et la rénovation urbaine de la région métropolitaine de Montréal", a remis un mémoire très documenté au gouvernement précédent, en date du 26 novembre 1969. Vous avez eu, également, les divers organismes syndicaux, dont le Conseil central de Montréal des syndicats nationaux, qui se préoccupent beaucoup de la situation du locataire.

Le bail, en soi, est un contrat bilatéral ou, pour faire plaisir à mon collègue de Maskinongé, un contrat synallagmatique, c'est-à-dire où deux parties doivent donner leur adhésion à un contrat après l'avoir discuté. Ce bail qui, à l'origine, devrait être bilatéral, on se rend compte qu'en pratique c'est un contrat d'adhésion, c'est-à-dire que le propriétaire, selon des baux qu'il achète à tant de dollars le cent, dans des entreprises qui se spécialisent dans ce genre de travail, soumet son bail au locataire, et c'est purement et simplement un contrat d'adhésion, c'est-à-dire que le locataire n'a pratiquement pas la faculté de discuter d'autre chose que du loyer et non des clauses qui s'y trouvent. Le locataire se trouve automatiquement, s'il veut louer ce genre de logement, obligé de signer le bail.

Selon nous, une façon d'éviter ce contournement du contrat bilatéral en le faisant progresser vers le contrat d'adhésion, ce serait d'inclure le contrat, le bail type dans la loi. Je pourrais citer une série de conditions qui sont,

justement, imposées au locataire dans ces baux préparés à l'avance, imprimés par milliers et où personne n'a vraiment quelque chose à dire sur le problème du nombre d'enfants, le problème des animaux dans la maison, le problème de la sous-location, etc, qu'on impose au locataire sans qu'il ait quoi que ce soit à dire. Il n'a, à toutes fins pratiques, qu'une seule chose à dire: Je n'adhère pas. Donc, je ne loue pas. Dans ces circonstances, on trahit le véritable sens du bail et, comme je le disais tantôt, d'un contrat bilatéral, on fait un contrat d'adhésion où la bilatéralité est très peu présente.

Ce sont les quelques remarques, M. le Président, que j'avais à faire. Nous en aurons d'autres devant le comité plénier. Qu'il soit quand même retenu que nous sommes, de façon évidemment enthousiaste, en faveur du principe de ce bill, tellement enthousiaste que nous trouvons qu'il ne va pas assez loin. J'espère qu'éventuellement quand nous proposerons nos amendements dans ce sens, le gouvernement saura en tenir compte. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Brown): Y a-t-il d'autres répliques?

Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais évidemment féliciter le député de Maskinongé de la mémoire qu'il a des motions que j'avais présentées en Chambre lorsque j'étais dans l'Opposition.

M. BERTRAND: Une meilleure mémoire que vous!

M. CHOQUETTE: Pardon?

M. PAUL: Est-ce que l'honorable ministre me permet, dans le but de lui rappeler ses bons coups à l'Assemblée, que c'est au journal des Débats de 1969, page 179.

M. BERTRAND: C'est devenu un document historique.

M. CHOQUETTE: Mais, M. le Président, ce que le député de Maskinongé n'a pas dit, c'est que la commission qui avait été formée pouvait siéger, si je me rappelle bien, d'après la décision de la Chambre, entre les sessions, et qu'en somme, cette commission n'est pas décédée, n'est pas morte, parce que la commission avait été instituée pour les questions qui relèvent du logement et de l'habitation en général.

Elle a entendu un certain nombre d'organismes et de personnes. Elle a reçu des mémoires et sur ces entrefaites est survenu l'ajournement qui a précédé la dernière élection, celle du 29 avril dernier. Par la suite, évidemment, nos préoccupations ont été concentrées sur d'autres sujets qui étaient peut-être plus critiques que cette commission.

Mais je puis assurer l'honorable député de Maskinongé que l'intérêt de l'ancien et actuel député d'Outremont, comme celui du ministre de la Justice n'a pas diminué quant à ces questions et que je lui donnerai probablement le plaisir, en temps et lieu, au début ou au cours de la prochaine session, de réunir de nouveau cette commission de façon qu'elle puisse continuer le travail qu'elle avait entrepris sur mon insistance quand j'étais député dans l'Opposition. Evidemment, tout le monde se rend compte que, dans la province de Québec, il y a un problème économique, un problème social, un problème familial, un problème individuel au niveau du logement et de l'habitation.

Je ne vais pas parler longuement de cette question parce qu'il y a d'une part des économistes, en particulier des amis de nos collègues du Parti québécois, qui ont déjà insisté sur cet aspect. Au point de vue social on sait, par exemple, que dans la ville de Montréal au moins 70 p. c. de la population est locataire, tandis que dans la ville de Toronto les proportions sont exactement inverses, avec les conséquences que ceci entrafne sur le plan de l'aisance et du confort des personnes et également, je pense, sur le plan de la société pour autant qu'on puisse l'examiner sous le rapport de la stabilité parce que, à mon sens, une honnête aisance de propriétaire ne peut en somme que favoriser la stabilité sociale. A ce point de vue là, il nous faut reconnaître — je pense qu'on le reconnaîtra d'emblée — que la situation qui prévaut dans la ville de Toronto a des avantages sur celle qui prévaut à Montréal.

Que dire également de la situation familiale, puisque tout le monde sait qu'en bonne partie la prolongation de cette loi vise à protéger justement les familles nombreuses, les familles où il y a beaucoup d'enfants et qui ont de la difficulté, dans l'état actuel de la construction, à trouver des logements suffisamment vastes, suivant les moyens financiers du chef de la famille. Par conséquent, il devient nécessaire de trouver ce mécanisme régulateur qui fait que l'impact de l'augmentation des loyers n'est pas tellement percutant sur le chef de famille lorsqu'il habite un logement vétuste et que son propriétaire, évidemment, cherche à l'augmenter pour faire face à des coûts sans doute croissants, mais qui peuvent constituer un obstacle presque insurmontable pour celui qui est locataire et chef d'une famille nombreuse.

Par conséquent, l'intérêt que je porte à la question est toujours aussi immédiat qu'il l'était à l'époque, mais je pense qu'aujourd'hui tout le monde se rend compte que nous n'avons pas fait les études voulues, que nous n'avons pas la documentation nécessaire, que le sujet n'a pas été approfondi d'une façon suffisamment adéquate pour nous permettre d'arriver, comme le disait tout à l'heure le député de Maisonneuve, avec une loi permanente dans ce domaine. Mais je peux l'assurer que le président de la Commis-

sion des loyers, le juge Lionel Ross, a été chargé de préparer une refonte de la loi qui sera prolongée par ce bill que nous adopterons dans quelques minutes, refonte qui serait faite dans l'optique d'une loi qui serait permanente et qui viendrait au secours des locataires dans les diverses localités du Québec.

Quant à savoir si cette mesure devrait s'étendre à toutes les municipalités, quelles que soient les conditions qui peuvent prévaloir dans chaque localité ou dans chaque municipalité, il s'agit encore là d'une question que l'on peut se poser.

Je comprends parfaitement le député de Maisonneuve de se la poser, mais je ne pense pas qu'actuellement, avec les données que nous possédons, nous sommes en mesure de trancher la question d'une façon définitive et de dire qu'il faudrait établir une loi qui s'étendrait à tout le Québec.

M. BURNS: Puis-je poser une question au ministre?

M. CHOQUETTE: Sans doute.

M. BURNS: Quelles seraient, selon lui, ces données que nous n'avons pas et qui seraient nécessaires pour prendre une décision sur cette juridiction totale dans le Québec?

M. CHOQUETTE: Cette loi cherche à régler la crise du logement, tant au point de vue du nombre que du coût des logements, dans les diverses régions ou municipalités du Québec.

Je considère donc qu'avant de l'étendre à tout le territoire du Québec il faudrait savoir si l'état de crise existe d'une façon suffisamment généralisé pour que nous devions abandonner le système en vertu duquel la décision finale repose sur les autorités locales. Le principe de ce projet de loi, c'est que c'est l'autorité locale qui, constatant un besoin, demande au lieutenant-gouverneur en conseil l'application de cette loi.

J'ajouterai, en réponse à l'intervention du député de Maisonneuve, que les amendements qui furent apportés, je crois, à l'automne 1969, permettant aux locataires de voter aux élections municipales et de se faire élire dans les conseils municipaux, soit comme conseillers ou comme maires, donnent aux locataires une influence beaucoup plus considérable sur la politique des conseils municipaux que celle qui existait avant.

Par conséquent, il serait erroné, à l'heure actuelle, de dire que l'influence des propriétaires a plus de poids que celle des locataires. Au total, je considère que nous avons fait le nécessaire, pour le moment. Mais, je serais le dernier à dire qu'il s'agit d'une question réglée et qu'il faudra toujours conserver cette loi dans son état de "permanence annuelle", comme le disait tout à l'heure le député de

Maskinongé. C'est donc que je me rends compte de la force des arguments qui ont été soulevés de l'autre côté de la Chambre. Je ne pense pas qu'à l'heure actuelle nous soyons en mesure de prendre une décision éclairée. C'est la raison pour laquelle, aussitôt que possible, nous pourrons, à cette commission dont j'ai été à l'origine, examiner le problème de la permanence d'une loi s'appliquant aux différends entre locataires et propriétaires. Je pense que nous serons en mesure de prendre une décision finale dans ce domaine-là avant que l'année prochaine, à pareille date, je sois obligé de revenir avec ce projet ou avec un projet identique.

Maintenant, l'honorable député de Mégantic m'a posé des questions. Il m'a demandé quelle était, je pense, la nature des litiges qui avaient été tranchés par la Commission ou par la Régie des loyers. Je ne suis pas en état de lui donner une réponse précise, parce qu'on sait que la Commission des loyers peut trancher des litiges de différentes catégories. Mais, je lui dirai que, sans aucun doute, les 10,000 litiges portaient principalement sur la valeur du loyer. En somme, il s'agissait d'ajuster les réclamations du propriétaire aux moyens du locataire.

Quant au conseiller juridique dont il déplore la disparition du palais de justice de Thet-ford-Mines, je peux l'assurer que je vais examiner la situation et que nous saurons y remédier.

L'honorable député de Maisonneuve a également soulevé la question d'un bail type. Actuellement, je suis en mesure de lui dire que la Commission de révision du code civil a justement étudié et fait un rapport sur le chapitre qui traite des relations entre locateurs et locataires.

Mais il m'a semblé que le temps n'était pas approprié, parce que les suggestions qui nous ont été faites n'étaient pas encore suffisamment au point pour que nous soyons en mesure d'apporter à la Chambre un projet dont nous pourrions être parfaitement satisfaits comme gouvernement.

Il est incontestable que, dans le contexte actuel, comme partout dans le monde, la situation des locataires mérite notre préoccupation. Elle le mérite. Même une province comme l'Ontario s'est penchée sur le problème puisqu'on a institué une commission, la commission McRuer, qui a produit un rapport établissant quelles devaient être les règles de droit qui s'appliquent, en 1970 ou dans la période contemporaine, entre locataires et propriétaires. Tout le monde se rend compte que la base du droit, entre locataires et propriétaires, est extrêmement ancienne; elle date peut-être du XVlle et du XVllle siècle; il y a peut-être un certain nombre de droits qui ont été consacrés, par les locataires à l'endroit des propriétaires, au cours des siècles. Ces droits devraient être corrigés de

façon que la législation soit absolument contemporaine dans ce domaine-là.

Le gouvernement se préoccupe donc de cette question. Nous ne pensions pas, avec toutes les crises que nous avons traversées récemment, que nous étions prêts à apporter une législation définitive tant sur le plan de la conciliation entre locataires et propriétaires que sur le chapitre du code civil qui traite des relations entre les propriétaires et les locataires. Là encore, il pourra s'agir d'une question que nous pourrions examiner à cette commission de l'habitation et du logement de façon qu'au cours de l'année prochaine nous puissions apporter une législation véritablement au point. Ce sont les seules observations que j'avais à faire sur ce sujet, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture sera-t-elle adoptée? Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

Comité plénier

M. BLANK: (Président du comité plénier): Article 1.

M. PAUL: M. le Président, c'est avec intérêt que nous avons écouté le ministre de la Justice. Il me permettra cependant de différer peut-être un peu d'opinion avec lui au sujet de cette commission qu'il aurait l'intention de faire revivre. Lors de la motion qu'il avait présentée en avril 1969, envisageant l'étude de toute la situation des locataires dans le Québec, l'honorable ministre avait proposé la formation d'une commission spéciale. S'il s'en souvient, c'était une commission spéciale. A la suite de discussions de bon aloi que nous avions eues avec le leader de l'Opposition de l'époque, M. Pierre Laporte, et l'honorable ministre, nous avions convenu de référer tout ce problème à la commission des Affaires municipales...

M. CHOQUETTE: C'est exact.

M. PAUL: Parce que la commission des Affaires municipales est l'organisme tout choisi, en vertu de nos règlements sessionnels, pour entendre la Société d'habitation du Québec sur toutes les implications de la question du logement dans le Québec. A ce moment-là — c'est là que je me permets de différer quelque peu d'opinion avec l'honorable ministre — cette commission avait reçu un ordre de la Chambre d'étudier un point, un domaine ou une question particulière.

Quand le ministre dit que la commission n'est pas morte, je soumets respectueusement que je ne puis partager son point de vue en vertu des dispositions de l'article 10 de notre règlement qui dit: "Lorsqu'une session est prorogée, tous les ordres qui n'ont pas été adoptés sont rescindés, donc reviennent caducs." Je crois que, pour éviter toute ambiguïté ou toute discussion possible, il y aurait lieu, durant la prochaine session, de donner un nouveau mandat bien déterminé à la commission des Affaires municipales visant à aérer tout ce problème des relations entre locataires et propriétaires.

On pourrait juger de l'opportunité ou de la nécessité de présenter une loi-cadre susceptible de corriger toutes les situations auxquelles le locataire et quelquefois également le propriétaire doivent faire face.

Si, comme le disait le député de Maisonneuve, c'est une loi pour protéger le locataire, c'est un mécanisme opérationnel qui protège également le propriétaire qui se voit imposer de nouvelles taxes. La commission possède des barèmes d'ajustement et de vérification de loyer qui tendent à établir un certain équilibre entre les droits et les obligations du propriétaire et du locataire.

Nous avons noté avec plaisir les remarques du ministre de la Justice. Il n'y a aucun doute qu'après consultation avec le leader parlementaire cette commission des Affaires municipales sera appelée à siéger dès le début de la prochaine session pour que nous puissions envisager l'opportunité d'adopter une législation corrigeant la situation que décrivaient tout à l'heure et le ministre et le député de Maisonneuve.

M. CHOQUETTE: Est-ce que je pourrais seulement faire une brève réponse au député de Maskinongé et lui dire que, sur le plan juridique, je m'incline devant son interprétation qui me parait tout à fait justifiée? Il a rafraîchi un peu ma mémoire quant au mandat qui avait été confié à la commission des Affaires municipales. Le député a tout à fait raison; c'était la commission des Affaires municipales. La commission des Affaires municipales, qui est une commission permanente, pourra reprendre les travaux de l'ancienne commission là où elle les avait laissés et continuer le travail.

M. BURNS: M. le Président, avant d'étudier le projet article par article, j'aimerais dire que j'ai été bien intéressé personnellement par les chiffres que le ministre nous a cités tantôt, soit les 10,000 différends et les 200,000 informations qui ont été demandées, si je comprends bien au cours de l'année dernière.

M. CHOQUETTE: Cette année.

M. BURNS: Apparemment, cette Commission des loyers n'émet pas de rapport annuel, tel que le font diverses autres commissions. Est-ce l'intention du ministre de voir à ce qu'un rapport formel soit déposé, afin qu'au moins les membres de l'Assemblée nationale puissent se tenir au courant des activités de cette commission, activités, évidemment, que je loue avec le député de Maskinongé? Il serait bon, je pense, que nous ayons les détails des différents travaux. Le travail obscur qui est fait à la Commission des loyers pourra peut-être être amélioré et encouragé de l'extérieur, quand il sera connu véritablement en détail. On pourrait connaître aussi les lacunes de cette commission qui fait peut-être face à des problèmes administratifs ou autres.

C'est une suggestion que je fais au ministre. J'espère qu'il nous sera donné, dans un avenir prochain, d'avoir un rapport annuel de cette commission, comme beaucoup d'autres commissions gouvernementales le font.

M. CHOQUETTE: Je note avec intérêt la suggestion du député. J'en ferai part au président de la régie et je verrai dans quelles conditions il serait possible de produire un rapport au nom de la commission.

M. LE PRESIDENT (Blank): Article 1 adopté?

M. BURNS: Article 1, M. le Président, je ne répéterai pas les remarques que j'ai faites tantôt en deuxième lecture concernant la permanence de la loi. Je me demande simplement si les collègues accepteraient de suspendre l'étude de l'article 1, parce que j'aurais des amendements à proposer à l'article 2. Même si nous sommes en faveur de la permanence de la loi, s'il arrivait que ce comité plénier se prononce en faveur de certaines améliorations, même pour une courte période, évidemment, ça pourrait changer notre attitude à l'égard de l'article 1. Alors, je demanderais, si on n'a pas d'objection, qu'on suspende l'étude de l'article 1 et qu'on passe à l'article 2.

M. LEVESQUE: Suspendons. Mais je trouve que le député est présomptueux.

M. BURNS: J'ai le droit d'être présomptueux.

M. CHOQUETTE: M. le Président, avant d'aborder l'étude de l'article 2...

M. LEVESQUE: Confiant.

M. BERTRAND: Vous feriez peut-être mieux de ne pas parler de votre force et de l'utiliser quand le temps viendra.

M. BURNS: C'est un aveu ça, cependant.

M. BERTRAND: Vous êtes mieux de ne pas parler de votre force numérique.

M. LEVESQUE: Je ne parlais ni de la qualité ni de la quantité, je parlais simplement d'un état de fait.

M. BERTRAND: Non, non, mais...

M. LAURIN: Comment le leader parlementaire peut-il préjuger de la mauvaise qualité de notre amendement qui serait telle qu'il le déclarerait inacceptable?

M. LEVESQUE: Pour répondre à ça, je dirais que j'ai accepté de bonne grâce que l'on suspende l'article 1, que l'on passe, mais, évidemment, on peut bien sourire.

M. LE PRESIDENT (Blank): Article 2.

M. CHOQUETTE: Avant d'en aborder l'étude, j'aurais un amendement à soumettre.

M. LAURIN: Je ne sais pas si c'est un meilleur.

M. BURNS: Est-il meilleur parce qu'il vient de l'autre côté?

M. PAUL: M. le Président, je me demande si le ministre a oublié une ville dans son amendement. Il semblerait, d'après les informations que j'ai, qu'une ville s'est prévalue des clauses et dispositions de l'article 12, la ville de Waterloo.

M. BERTRAND: Waterloo, dans le comté de Shefford.

M. PAUL: Elle aurait, avant le 1er novembre, manifesté le désir de se prévaloir des dispositions et des avantages de cette loi. Peut-être, que nous pourrions adopter cet article et, connaissant la vigilance du conseiller juridique du gouvernement, nous pourrions apporter la correction et ajouter le nom de cette ville, si ça s'impose.

M. CHOQUETTE: Très bien.

M. PAUL: C'est parce que j'ai reçu de la correspondance à cet effet. De mon côté, je pourrais peut-être l'envoyer chercher.

M. CHOQUETTE: Très bien. M. Normand téléphone au juge Deraspe pour savoir si la ville s'est conformée aux exigences et si son nom doit se trouver dans la liste.

M. PAUL: Très bien.

M. BURNS: M. le Président, à l'article 2, j'ai mentionné plutôt que nous aimerions voir la juridiction de cette loi s'étendre à toutes les

municipalités. Nous soumettrions l'amendement suivant, en remplaçant l'article 35, tel qu'il apparaît dans le bill, par les mots suivants: "Nonobstant les articles 32, 33a) et 35a), la présente loi s'applique, à compter du 1er janvier 1971, à toute maison dès que celle-ci a été occupée comme lieu d'habitation depuis au moins douze mois".

Si on me permet d'expliquer un peu brièvement cet amendement que je propose — d'ailleurs, je pense que je ne prenne personne par surprise, je l'ai annoncé tantôt en deuxième lecture — nous soumettons un délai de mise en application au 1er janvier 1971 à cette juridiction étendue à toute la province, pour des raisons bien évidentes, c'est-à-dire pour ne prendre personne par surprise au cas où cet amendement serait adopté. On me dit que je suis présomptueux, j'ai l'impression que déjà la décision du gouvernement de battre cet amendement est prise. Nous verrons bien s'il va l'étudier sérieusement ou pas.

En second lieu, je voudrais relever ce que le ministre de la Justice mentionnait tantôt, lorsqu'il a dit qu'il est erroné de penser que le locataire est sous-représenté dans certaines municipalités. Je pense que ça va être difficile pour quelqu'un de nier ça, il y a certaines municipalités où le locataire est minoritaire en soi. Et je pense, sauf erreur, à la ville de Hauterive.

Je peux peut-être faire erreur dans le cas de la ville de Hauterive, mais je sais qu'il y a un certain nombre de municipalités où véritablement le locataire, même s'il a le droit de voter depuis les récents amendements, est minoritaire. Cela pourrait être facilement le propriétaire ou les propriétaires qui décident, à toutes fins pratiques, de l'application ou de l'absence d'application, de l'absence de juridiction de la loi. C'est pour cette raison que nous croyons quand même, malgré tous les arguments que le ministre de la Justice nous a donnés à l'effet que certains projets sont à l'étude et que toutes les données ne sont pas actuellement entre nos mains, que cette loi, puisqu'elle vient à l'étude devant l'Assemblée nationale, doit être bonifiée autant que possible. Ce n'est pas, selon nous, une raison suffisante de dire que tout ce problème est à l'étude. — II l'est depuis 1951, soit dit en passant — et de dire aussi que c'est un problème qui mérite préoccupation. Il ne faudrait pas qu'on règle un problème aussi important que celui des relations entre locataires et propriétaires par des simples énoncés de bonnes intentions, que j'endosse, remarquez. Je suis bien d'accord pour que l'on revise totalement cette situation. Nous espérons pouvoir, sur certains points très précis, améliorer cette loi, même s'il était décidé de la garder en vigueur seulement pour un certain temps jusqu'à une refonte totale.

C'est pour cette raison que nous proposons cet amendement à l'article 2.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je ne vais pas répéter ce que j'ai dit tout à l'heure dans mon intervention en réponse à l'intervention de l'honorable député. Je comprends que sa suggestion part d'un bon naturel...

M. BURNS: Elles partent toutes de là.

M. CHOQUETTE: Oui, mais enfin celle-là en particulier. Je comprends qu'il peut y avoir des arguments qui militent dans le sens de la solution qu'il préconise et je tiens à lui dire que je ne les rejette pas. Mais je ne suis pas convaincu que dans l'état actuel de nos connaissances dans ce domaine, nous ferions nécessairement un pas en avant avec l'amendement qu'il suggère.

Dans ces conditions, je ne peux pas l'accepter, mais je peux lui dire que, quant à l'ensemble de la situation et en particulier quant à l'amendement qu'il suggère, nous aurons l'occasion d'étudier sa suggestion à fond, au cours de l'année prochaine, je pense, avant de présenter un autre projet de loi annuel, comme je le lui ai répondu tout à l'heure. Il ne faut pas oublier que si, dans certaines régions, dans certaines municipalités, il n'y a aucun problème sur le plan de la Régie des loyers, aucun problème entre propriétaires et locataires, l'on peut se demander si en étendant la loi à l'ensemble du territoire du Québec nous ferions un pas administrativement justifiable et même justifiable sur le plan des administrés. Je pose la question sans y répondre. A mon sens, il demeure qu'il y a un gros point d'interrogation relativement à l'amendement qu'il suggère. Pour cette raison, je crois que pour cette année nous pouvons nous dispenser de l'amendement suggéré. Mais comme je le dis, il sera considéré au cours de l'année qui vient.

M. BURNS: M. le Président, j'aurais une seule question à poser au ministre sur ce point. Quand il dit qu'il n'est pas certain qu'administrativement parlant ce soit acceptable ou désirable, est-ce que je dois comprendre que du côté administratif, la Commission des loyers ne serait pas prête à faire face à ce genre d'extension de la juridiction à tout le territoire? Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?

M. CHOQUETTE: II va de soi que cela pose des problèmes, et non seulement sur le plan de l'extension des services de la Régie des loyers. C'est sûrement là un des problèmes, mais ce n'est pas celui que j'avais à l'idée au moment où je m'exprimais. Je me demandais simplement s'il était opportun, sur le plan de la bonne administration et des résultats que nous devons donner tant aux locataires qu'aux propriétaires, d'étendre une administration à

certaines municipalités où il n'y a pas de problème réel à régler, si ceci était sage.

Je ne voudrais pas prendre cette décision avant que nous ayons entendu les membres de la Commission des loyers, que nous ayons examiné les conditions qui peuvent exister un peu partout dans le Québec avant d'arriver à une solution définitive sur ce sujet. Il ne s'agit pas, à mon sens, d'une décision que l'on puisse prendre à la légère. On risquerait alors de faire encourir au gouvernement des coûts administratifs additionnels, sans être assuré que cela rendra véritablement service, parce que l'administration de cet organisme et de la commission a coûté, au cours de l'année dernière, près de $1 million. Dans l'état actuel des choses, c'est le coût que cela représente pour le Québec. Est-ce qu'il serait opportun de le faire? Je n'en suis pas satisfait à l'heure actuelle. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas accepter l'amendement de l'honorable député.

M. PAUL: M. le Président, nous devons féliciter le député de Maisonneuve pour la compassion et le bon esprit qui l'animent. Je crois toutefois que le député de Maisonneuve a été mal conseillé dans la rédaction de son article 35 tel qu'il nous le soumet, parce que, de la façon qu'il est présenté, nous ne pourrions pas, avec cet amendement, mettre de côté certaines dispositions des chapitres 79 et 80 des statuts de 1967, 17, Elizabeth II.

Je crois, M. le Président, que le député de Maisonneuve est animé d'un bon esprit, mais, d'un autre côté, voyez-vous la surprise générale, s'il fallait que, dans dix jours ou quinze jours, tous les loyers soient gelés à travers le Québec?

M. BURNS: Si on lit bien mon amendement, il ne devrait entrer en vigueur que le 1er janvier 1971.

M. PAUL: C'est cela, 1971. Nous n'en sommes pas loin.

M. BURNS: Nous n'en sommes pas loin, mais...

M. PAUL: II reste à peu près quinze jours. M. le Président, il faut saisir, dans l'intention du député de Maisonneuve, qui se fait sans doute le porte-parole de tous ses collègues et de nos collègues de l'Assemblée nationale, il faut voir, dis-je, le but visé et le mécanisme d'opération.

Le but visé est de tâcher de corriger certaines inquiétudes, certaines situations qui existent dans le Québec et spécialement dans les petits centres. Je dis, M. le Président, que le pouvoir a déjà été donné aux municipalités de corriger ces situations. D'un autre côté, il nous appartient de légiférer pour le bien commun dans tout le Québec. Il ne faut pas oublier, à cette période-ci, les dispositions plus que généreuses du ministre de la Justice. Si l'équipe actuelle était marquée d'une libéralité aussi progressive et aussi socialiste, dans le bon sens du mot, je crois, M. le Président, que nos débats seraient parfois raccourcis.

C'est là, M. le Président, que le député d'Outremont, qui est le ministre responsable de cette loi, et le député de Maisonneuve et toute son équipe se réunissent au sommet quant à la nécessité d'adopter une législation. Le député de Maisonneuve voudrait y aller par un amendement, le ministre de la Justice dit: II nous faut faire revivre une commission pour aller de l'avant dans une législation, pour éviter non pas ce pèlerinage, mais cette présentation annuelle d'une loi qui doit être étudiée tous les ans par l'Assemblée.

Je dis, M. le Président, que même si l'animus du député est excellent, je crois que nous devons, dans les circonstances, tenir compte des remarques qui nous ont été faites par le ministre de la Justice, et surtout à cause du texte de l'amendement qui n'atteindrait pas son but, même s'il était adopté, les répercussions dans nos statuts seraient telles que nous ouvririons un nid de procès. Et même si mon collègue est un brillant juriste, je suis sûr qu'il se reprocherait lui-même d'être responsable de certaines difficultés encore plus graves que celles que connaissent aujourd'hui les locataires et les locateurs dans le Québec.

Dans les circonstances, nous devons appuyer le ministre de la Justice tout en retenant le bien-fondé de la suggestion du député de Maisonneuve.

M. CHOQUETTE: Pourrai-je ajouter simplement une observation, M. le Président? C'est que l'amendement suggéré par le député n'aurait pas d'effet immédiat. Il n'a effet que dans un an d'ici.

Or, il va de soi que, l'année prochaine, nous serions obligés de revenir avec une autre loi. Par conséquent... Ah, le 1er janvier 1971...

M. BURNS: C'est bientôt, ça.

M. LE PRESIDENT (Blank): L'amendement est rejeté sur division. L'article 2 est adopté sur division.

M. BURNS: Sur division.

M. SEGUIN: Si M. le Président veut me regarder, on va lui faire face. Je brise un silence de six ou sept mois, silence volontaire et non pas imposé, mais j'entends, depuis tout à l'heure, des argumentations au sujet de cette question de la possibilité d'en étendre la juridiction, tel qu'indiqué dans le bill 46, à toute la province.

Je parle, non pas en deuxième lecture mais

surtout sur l'article 2, où il s'agit de la nomenclature, et en réponse à l'amendement suggéré par le député de Maisonneuve, où son amendement aurait pour effet d'étendre ce contrôle de la province sur les loyers.

Je voudrais faire une observation immédiate, et mon observation sera probablement plus brutale que ne l'a été la réponse du ministre de la Justice, ou encore du député de Maskinongé, en reconnaissant les bonnes intentions du député de Maisonneuve. Mais je vais dire tout simplement que je m'oppose totalement à ce que ce contrôle soit imposé au-delà des villes déjà mentionnées, et je voudrais demander que le gouvernement, dans les mois à venir, puisse trouver les moyens pour diminuer le contôle qui existe déjà dans les municipalités concernées. Il s'agit ici, dans notre société d'entreprise libre, d'une question d'offre et de demande. Je comprends que, durant une certaine période, à cause du manque de logements, il a pu y avoir des abus de la part de certains propriétaires qui louaient leur propriété à des locataires ou à des citoyens.

La loi proposée, qui est déjà devant nous, et à laquelle on propose une extension aujourd'hui, avait justement pour intention et pour but d'empêcher les abus dans certaines municipalités, et surtout dans des secteurs industrialisés et dans des secteurs où il y avait une population plus dense et où la demande était plus considérable que l'offre. Il y avait une pénurie de logements, il y avait une diminution dans la construction et on a dû imposer une réglementation pour protéger le locataire, afin de fournir à chaque citoyen et à sa famille la protection voulue au point de vue de l'habitation. Je pense que cette époque est révolue et qu'on devra rétablir un ordre d'offre et de demande, une offre d'entreprise libre, au lieu de donner au gouvernement encore plus de contrôle dans le domaine de l'habitation. Je pense qu'ici, il faut prendre en considération le problème tel qu'il est, dans une situation, dans une population, dans une société dans laquelle nous habitons, et non point essayer de transmettre des doctrines, que ce soit le socialisme ou autre chose, à l'intérieur de ce problème de l'habitation.

Je pense que nous avons les outils, si nous voulons nous mettre à l'oeuvre, pour fournir à chacun une habitation propre, salubre. Mais je ne vois pas qu'étendre, à la grandeur de la province, un contrôle sur les loyers vaille quoi que ce soit, si ce n'est implanter le service du gouvernement ou la juridiction gouvernementale à toute la province dans un domaine où, en réalité, nous n'avons pas juridiction. Nous ne devrions pas avoir juridiction, si ce n'est que pour s'assurer que chacun puisse y habiter confortablement à l'intérieur de notre patrimoine provincial.

Tout à l'heure, lorsque nous aurons voté l'amendement, j'aurai des suggestions à faire au sujet de certains noms qui ne reflètent pas exactement les circonstances. Ce sont des changements ou des propositions d'ordre mineur. On a eu, de la part du député de Maskinongé et de la part du député d'Outremont, le ministre de la Justice, et du député de Maisonneuve, des suggestions à l'égard de la possibilité, une autre année, d'étendre la portée de cette loi. On a parlé de bail type, tout à l'heure. Que fait-on de l'offre? Que fait-on des services?

Que fait-on de l'utilisation? Que fait-on de la demande? Que fait-on de l'évaluation? Que fait-on du risque du propriétaire? Que fait-on de toutes ces choses-là? C'est très bien de faire de grands énoncés et de dire: Nous allons contrôler tous les loyers, nous aurons un bail type et ce sera la même chose pour tout le monde. Cela me répugne et je n'accepte pas du tout que nous puissions nous diriger vers une réglementation de ce genre. Je m'opposerai formellement, je n'accepterai pas. Il s'agit plutôt, pour le gouvernement, de réduire la liste des différentes municipalités concernées et de voir à ce qu'à l'intérieur de ces municipalités on ait des habitations salubres et en quantité, en nombre et en valeur pour la demande de la population et non pas vouloir imposer des contrôles gouvernementaux dans toutes les paroisses, dans tous les villages qui existent dans la province. C'est un non-sens et c'est nous charger d'une responsabilité que nous ne devons pas assumer, puisqu'il y a trop d'autres choses qu'il faut faire pour améliorer le sort du citoyen du Québec.

Mon commentaire, en réalité, n'était que pour faire opposition, tant bien que mal, à cette suggestion qu'on a faite et qui semblait recevoir un certain appui, intentionnel ou autre.

Je dis franchement et sincèrement que, lorsque cette proposition viendra, je m'y opposerai formellement pour une société libre.

M. LE PRESIDENT (Blank): L'honorable député de Bourget.

M. LAURIN: M. le Président, ce n'est pas la première fois que nous observons qu'il y a deux écoles de pensée dans le parti ministériel. Je commence même à me demander sérieusement si nous n'assisterons pas bientôt à une scission de ce parti, avec une aile droite et une aile gauche.

M. MARCHAND: C'est déjà fait dans le Parti québécois.

M. BACON: Nous pensons, nous, au moins.

M. LAURIN: De toute façon, entre les deux écoles de pensée...

M. SEGUIN: Je ne voudrais pas qu'on puisse accorder des intentions à mes paroles.

M. MARCHAND: Dans le Parti québécois, il y a les radicaux, les socialistes, les maoïstes et il y a toute la suite des litanies au complet.

M. SEGUIN: M. le Président, je me donne le même droit d'exprimer mes pensées que le député qui vient de me prêter des intentions. Je me donne ce même privilège et ce même droit en cette Chambre. Si je ne l'ai pas fait jusqu'à maintenant, c'était intentionnel parce qu'un nouveau gouvernement en place doit avoir le temps de prendre position.

Ce n'est pas à moi, comme député, comme représentant, de vouloir imposer une charge supplémentaire à ce gouvernement, mais il faut donner le temps aux ministres des différents ministères d'aménager et d'apporter les législations qui représenteront mon parti.

Alors, qu'on ne me prête pas d'intentions, ni quant à une question de scission ou autre chose. Je suis de mon parti et je serai de mon parti. J'appuie ce que mon parti apporte aujourd'hui comme législation et je m'oppose non pas au bill du gouvernement, mais à l'amendement apporté et suggéré par l'Opposition.

M. LAURIN: Mes remarques portaient simplement sur le fait que le député...

M. MARCHAND: Les insinuations du député de Bourget sont sa force.

M. LAURIN: ... de je ne sais plus quel comté disait que la loi actuelle donnait déjà trop de pouvoirs à la Commission des loyers et suggérait au gouvernement de restreindre la portée des pouvoirs accordés à la Commission des loyers.

Je n'ai pu m'empêcher de tirer la conclusion que j'ai tirée. De toute façon, je voulais simplement dire que les opinions exprimées tout à l'heure par le ministre de la Justice sur les perspectives envisagées par le député de Maisonneuve me plaisaient beaucoup plus que celles exprimées par le député de Robert-Baldwin. Je voudrais simplement dire que notre amendement venait d'un principe très simple; c'est qu'étant donné l'accord de principe apporté par les quatre partis qui se sont exprimés aujourd'hui, à cette perspective d'une plus grande libéralisation dans ce domaine et, deuxièmement, étant donné que chaque année nous sommes obligés d'ajouter les noms d'autres municipalités assujetties à la Commission des loyers, il nous semblait préférable d'envisager ce problème dans une autre perspective, c'est-à-dire une loi générale qui couvrirait toutes les municipalités, loi à laquelle nous pourrions apporter ensuite des exceptions dans les cas où les embarras ou les difficultés administratives s'avéreraient trop grandes. Il me semble que c'est beaucoup plus conforme au droit français et à la logique d'apporter une loi positive à laquelle on peut présenter des cas d'exception plutôt que faire des lois où on ajoute sans cesse des municipalités les unes après les autres.

M. LE PRESIDENT (Blank): Article 2, adopté sans amendement.

M. BURNS: Sur division. M. LE PRESIDENT (Blank): Article 1.

M. SEGUIN: Lorsque nous aurons disposé du projet d'amendement, j'aurais une suggestion à faire au gouvernement au sujet de la nomenclature de certaines villes. Ainsi, par exemple, à l'article 35, la ville de Beaconsfield devrait être City of Beaconsfield en anglais, et non pas Town of Beaconsfield. D'après les chartes de ces municipalités, on donne le titre français "ville de" et la traduction anglaise est "city";

Pour le compte de Pierrefonds, au bas de la page, à cinq lignes du bas de la page, ce serait City of Pierrefonds, pour la version anglaise et dans le cas de Pointe-Claire, ce serait City of Pointe-Claire, ville de Pointe-Claire en français.

M. CHOQUETTE: Nous acceptons l'amendement du député.

M. BURNS: M. le Président, faudrait-il que je fasse proposer mes amendements par ce député pour qu'ils aient des chances de passer à l'avenir?

M. MARCHAND: C'est parce qu'il propose des amendements intelligents.

M. LE PRESIDENT: Article 1, adopté.

M. PAUL: Le ministre peut-il nous dire pourquoi cette nouvelle disposition dans la loi?

M. CHOQUETTE: Quelle nouvelle disposition?

M. PAUL: L'amendement à l'article 9. "Les articles 1 à 8 entrent en vigueur à compter du 1er décembre 1970".

M. CHOQUETTE: Parce que le projet de loi arrive au moment où nous avons dépassé de neuf jours la date du 1er décembre. Les municipalités doivent faire connaître leur intention, d'être soumises à la Commission des loyers, avant le 1er décembre. C'est la raison...

M. PAUL: Très bien

M. CHOQUETTE: ...pour laquelle il nous faut introduire l'amendement que les honorables députés ont sur une feuille unique que je leur ai présentée.

M. le Président, vous avez sans doute noté qu'il y a un amendement à l'article no 9.

M. LE PRESIDENT (Blank): Oui. Article 1? Adopté sur division. Article 3, adopté. Article 4, adopté. Article 5, adopté. Article 6, adopté.

Article 7, adopté. Article 8, adopté. Article 9. "Les articles 1 à 8 entrent en vigueur à compter du 1er décembre 1970" est l'amendement à l'article 9. Adopté. Article 10, adopté.

M. BURNS: Oui. M. le Président, en vertu de l'article 564 du règlement, il semble que, si on a de nouveaux articles à proposer, c'est après l'adoption des articles imprimés, ce qui vient d'être fait. J'aurais un autre amendement à proposer. Je suis prêt à le proposer tout en étant présomptueux. Ajouter, après l'article 1, l'acticle l-a)."Ladite loi est amendée en remplaçant les articles 18 à 22 par les suivants." Soit dit en passant, je mentionne que l'article 18, dans la loi, est abrogé et c'est pour cela qu'on lui donne le numéro 18."Sur réserve des articles 19, 20, 20a), 21 et 22, tout bail de maison, qui arrive à expiration, est reconduit pour une période d'une année ou pour la même durée si celle-ci était de moins d'un an. "19) Tout locataire qui désire éviter la reconduction d'un bail doit donner au propriétaire un avis à cet effet, par poste recommandée, au moins 90 jours avant l'expiration du bail; le locataire peut également donner cet avis au moins 60 jours avant l'expiration du bail pourvu que cet avis soit accompagné d'un paiement égal à un mois de loyer ou au moins 30 jours avant l'expiration du bail, pourvu que cet avis soit accompagné d'un paiement égal à deux mois de loyer. "20) Tout locateur qui désire qu'un bail soit reconduit à de nouvelles conditions doit donner, au locataire, un avis à cet effet par poste recommandée au moins 90 jours avant son expiration. Le locataire, qui a reçu un semblable avis, peut éviter la reconduction du bail en signifiant au locateur un avis à cet effet par poste recommandée au moins 60 jours avant l'expiration du bail. "20a) Si, 60 jours avant l'expiration du bail, les nouvelles conditions, dont avis a été donné conformément à l'article 20, n'ont pas été acceptées et si le locataire n'a pas signifié son intention de mettre fin au bail, le locataire peut demander à l'administrateur local d'en déterminer l'application au bail à être reconduit. Cette demande doit être accompagnée d'une copie de l'avis qui a été donné au locataire. Après avoir reçu cette demande et si possible avant l'expiration du bail, l'administrateur doit convoquer les parties pour audition et leur communiquer sa décision sur la demande. "21) L'appel de la décision de l'administrateur en suspend les effets sur le bail reconduit. Toutefois, la décision de la commission sur cet appel fixe les conditions du bail à partir de la reconduction si elle est rendue postérieurement à celle-ci, à moins qu'elle ne dispose d'un autre temps où elle prendra effet. "22) Lorsque l'adjudication définitive prévoit une augmentation de loyer supérieure à celle permise par les règlements adoptés en vertu de l'article 22a), tout locataire peut mettre fin au bail en donnant au locateur un avis par poste recommandée dans le mois qui suit. Le bail se termine alors à la fin du mois suivant celui où l'adjudication a eu lieu. "22a) La commission peut, chaque fois qu'elle le juge à propos, prescrire par règlement les augmentations de loyer qui sont permises dans une municipalité ou un territoire donné ou dans l'ensemble du Québec. Un tel règlement entre en vigueur après approbation du lieutenant-gouverneur en conseil et publication dans la Gazette officielle de Québec. "Lorsqu'un tel règlement est entré en vigueur, une augmentation de loyer inférieure à l'augmentation permise et s'appliquant à compter de la reconduction d'un bail n'est pas considérée, aux fins de l'article 20, comme une modification des conditions de ce bail. "Avis de cette augmentation doit, cependant, être donné au locataire par poste recommandée au moins 90 jours avant l'expiration du bail. Le locataire peut alors, par un avis signifié au locateur par poste recommandée au moins 60 jours avant l'expiration du bail, empêcher sa reconduction".

M. le Président, on me permettra très brièvement d'expliquer la nature de l'ensemble de ces nouveaux articles que nous proposons. Tout d'abord, aux articles 18 et 19, nous proposons une formule qui donnerait une plus grande flexibilité quant à la possibilité du locataire de ne pas reconduire le bail à de nouvelles conditions, lorsqu'un avis lui est donné. Il aurait cette possibilité, dans des délais plus courts, allant jusqu'à 30 jours avant l'expiration du bail, pour autant qu'il paie une certaine indemnité, chose qui, d'ailleurs est déjà acceptée par une certaine jurisprudence devant les tribunaux en droit commun, en dehors du cadre de la Loi favorisant la conciliation entre locataires et propriétaires.

Nous soumettons également, ce que j'avais mentionné tantôt, le fait, à 22a), que la Commission des loyers, elle-même puisse décréter des augmentations que j'appelais tantôt automatiques et qu'à l'intérieur de ces augmentations-là il ne puisse pas y avoir de possibilités de plaintes de la part du locataire. Par contre, si le propriétaire demandait une augmentation supérieure à celle prescrite par la régie, il lui reviendrait de s'adresser à la régie pour demander que ces changements lui soient appliqués.

Enfin, nous mentionnons, à l'article 22, l'amendement que j'avais annoncé tantôt à l'effet que, si l'adjudication définitive dans les cas de contestation accorde au propriétaire un droit à un loyer supérieur à celui qui existait, il y ait une possibilité de mettre fin au bail de la part du locateur, en donnant un avis d'un mois. Je n'ai pas à expliciter davantage ces points-là. Je suis encore présomptueux en présentant cet amendement, mais nous considérons qu'il serait absolument essentiel que ces dispositions appa-

raissent dans un bill qui prétend favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je ne blâmerai pas le député d'être présomptueux et même audacieux dans les amendements qu'il veut soumettre à ce projet de loi, en particulier, ou à d'autres projets de loi. C'est parfaitement son droit de soumettre les amendements qu'il juge opportuns, mais je considère que les amendements soumis par le député ne sont pas tout à fait réalistes ou encore ne me persuadent pas, de prime abord, qu'ils méritent d'être accueillis par le gouvernement.

D'abord, le député veut instaurer un système de réglementation générale en vertu duquel la Commission des loyers pourrait décréter, dans une localité donnée, une augmentation générale de xp.c. suivant l'augmentation des coûts d'entretien d'édifices.

L'honorable député sait comme moi que les édifices sont très variables au point de vue de leur vie. Je veux dire que la dépréciation qui affecte les édifices varie suivant ceux-ci. Si un édifice est très ancien, la dépréciation l'affecte beaucoup moins qu'un édifice nouveau. Par conséquent, je vois de prime abord quelque inconvénient à ce que la régie se prononce par un règlement d'ordre général sur un accroissement de l'ensemble des loyers dans une municipalité. L'honorable député devrait noter que ceci peut être au détriment des locataires qu'il cherche justement à protéger parce que, dans certains cas, un locataire pourrait se voir imposer arbitrairement une augmentation de loyer par une décision de portée générale alors que le cas particulier n'a pas été analysé à son mérite.

Par conséquent, même si on pouvait trouver une justification en théorie économique globale à la suggestion de l'honorable député, je pense que, dans la réalité des choses, ceci pourrait créer des injustices à l'égard de locataires et surtout les plus démunis, ceux qui ont des familles nombreuses et qui ne peuvent absorber des augmentations de loyer que très légères et très espacées, comme on en a l'expérience à la Régie des loyers. C'est ça en effet, la situation qui se produit, puisque, dans les plus vieux édifices habités par des locataires, les régisseurs ou les commissaires de la régie tentent en somme d'alléger le fardeau économique de cette partie de notre population qui a de la difficulté à joindre les deux bouts.

Par conséquent, je ne saurais être favorable à l'amendement proposé, mais j'invite le député à venir le suggérer en temps et lieu à la commission des Affaires municipales de façon qu'il soit étudié avec les régisseurs. Si on lui trouve certains avantages, peut-être pourra-t-on le raffiner et peut-être pourra-t-il faire partie de la loi sous une autre forme, quand nous l'adopterons l'année prochaine.

L'honorable député, dans ses amendements — ceux qu'il nous annonçait entre autres dans son intervention en deuxième lecture — a suggéré un droit pour un locataire qui ne serait pas satisfait du jugement rendu à son égard de se désister de ce jugement et de quitter les lieux, laissant le propriétaire bredouille avec son logement.

Je ne pense pas que nous puissions accueillir cette suggestion, premièrement, parce qu'elle ne me paraît pas correspondre à la réalité, à un problème réel, à un problème concret, à un problème vécu. Je pense que la plupart des augmentations accordées par la Commission des loyers sont en général assez légères qu'elles ne constituent pas un obstacle à ce que locataire continue d'occuper encore une autre année et même souvent neuf ou dix autres mois les lieux qu'il occupe.

D'autant plus que c'est lui qui a imposé au propriétaire le fardeau ou l'obligation d'aller à la Commission des loyers, qui a tranché la question et qui a rendu un jugement dont il peut ne pas être satisfait souvent, comme on ne l'est pas de tous les jugements qui sont rendus à notre égard. Mais, à ce moment-là, il a engagé le propriétaire, c'est-à-dire un tiers, dans un processus judiciaire contre la volonté du propriétaire. Or, l'honorable député de Maisonneuve voudrait donner à ce locataire le droit additionnel de se désister du jugement dont il ne serait pas satisfait.

Je ne pense pas, avec l'esprit juridique que je reconnais au député de Maisonneuve, qu'il accepte, après avoir analysé la situation à son mérite, que l'on puisse ainsi affecter les droits d'un tiers et, une fois que l'on a affecté ses droits, parce que on n'est pas soi-même satisfait de la décision rendue, qu'on puisse de nouveau réaffecter les droits du même tiers que l'on a amené devant le tribunal.

Je ne pense donc pas que la suggestion soit réaliste et je ne pense pas qu'elle soit conforme au droit.

M. PAUL: M. le Président, vous ne sauriez croire avec quel déchirement je me lève.

D'un côté, vous avez des amendements qui sont proposés par le député de Maisonneuve qui se penche, avec un souci admirable, sur le sort d'un certain nombre de locataires. D'un autre côté, j'ai suivi l'argumentation du ministre de la Justice et je m'en voudrais de ne pas commenter très brièvement, d'une façon bien objective, cet amendement. Je n'insisterai pas, M. le Président, sur la recevabilité de l'amendement parce que ce serait faire référence à certains débats qui eurent lieu un jeudi... Ce serait une question sérieuse de recevabilité, mais je passe là-dessus. On en a eu un amendement tout à l'heure. On en a disposé. On ne peut pas faire indirectement ce qu'on a tenté de faire directement. Ce n'est pas ça qui est le point.

Je dis que l'amendement proposé par l'honorable député de Maisonneuve est dangereux

parce que son application aurait pour effet d'exposer un grand nombre de locataires à avoir une augmentation de loyer de leurs propriétaires. Il y a un point que je ne puis comprendre quand je lis les articles 21, 22 et 22a). Dans l'article 21, tel qu'il est proposé, on reconnaît encore le fonctionnement actuel de la régie, de l'administrateur à la commission. On dit que certains règlements peuvent être adoptés par la commission pour un territoire donné. Il va de soi, M. le Président, que la régie et la commission, la commission agissant comme tribunal d'appel ou de surveillance des décisions des régisseurs, seront nécessairement liées par les règlements qu'éventuellement ceux-ci pourraient adopter.

Quelle est l'application pratique de l'article 22a) lorsqu'on dit: "La commission peut, à chaque fois qu'elle le juge à propos, prescrire par règlements les augmentations de loyer qui sont permises dans une municipalité ou un territoire donné dans l'ensemble du Québec. Un tel règlement entrera en vigueur après approbation du lieutenant-gouverneur en conseil et publication dans la Gazette officielle du Québec." Là, c'est le principe ou l'autorité qu'on donne, le devoir qu'on impose à la Commission des loyers de concert avec la régie d'édicter des règlements applicables dans un territoire donné ou une région donnée.

Mais voici qu'à l'article 22 on émet un nouveau principe. On permettrait à la régie d'accorder — à la régie, aux régisseurs et à la commission — des augmentations supérieures aux propres règlements que la régie aurait adoptés. "Lorsque l'adjudication définitive prévoit une augmentation de loyer supérieure à celle permise par les règlements adoptés en vertu de 22a)." Au point de vue pratique, jamais cela va se présenter parce que MM. les régisseurs, MM. les commissaires n'iront jamais accorder ultra petita, c'est-à-dire plus que le règlement qu'ils ont eux-mêmes rédigé et imposé, l'accorde soit à un locataire ou à un locateur.

Je dis donc, M. le Président, que nous tombons dans une économie qui viendrait chambarder tout le code civil. D'autant plus que l'amendement proposé par l'honorable député de Maisonneuve se rapporte aux dispositions de l'article 1608 du code civil; la tacite reconduction. Qu'adviendra-t-il de l'article 1609 qui traite du défaut de congé? On n'en parle pas. Qu'est-ce qu'on ferait des articles — si ma mémoire est bonne — 1641 ou 1642 du code civil pour ce qui est du terme d'un bail? Bail ne veut pas nécessairement dire écrit.

M. le Président, tout ce problème...

M. BURNS: L'article 1668.

M. PAUL: L'article 1668? Peut-être. M. le Président, tout ce problème soulevé par le député de Maisonneuve est à l'étude à l'Office de révision du code civil. Tout à l'heure, dans sa réplique de deuxième lecture, le ministre a référé au rapport de la commission McRuer en Ontario. Dans ce rapport, M. le Président, on fait mention de la création possible de tribunaux de loyers, comme cela existe en France. Dans l'analyse de toute cette situation juridique entre locataires et propriétaires, on se pose, entre autres, cette question que j'ai déjà soulevée de la constitutionnalité d'un tribunal nouveau qui pourrait être créé en vertu des dispositions de l'article 96 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Le député de Maisonneuve nous propose une législation qui, dans ses principes, serait acceptable, mais non pas dans la formulation qui nous est présentée aujourd'hui. D'abord l'adoption de cet amendement aurait pour effet de modifier les dispositions du code civil traitant des relations entre locataires et propriétaires, c'est-à-dire tout le chapitre du bail et de la location. En second lieu — le ministre pourra certainement confirmer ces remarques — tout ce chapitre de notre code concernant la location et, par voie de conséquence, le bail régissant les locataires et les propriétaires est actuellement à l'étude par les membres de l'Office de révision du code civil.

Je dis donc, M. le Président, qu'en droit nous ne pourrions pas adopter cet amendement. Ce serait pour le moins immoral au point de vue légal. Ce serait placer dans une boîte à surprise des amendements qui devraient faire l'objet d'une législation bien spécifique de la part du gouvernement visant à amender les dispositions du code civil.

Je comprends que l'application de la Loi de la Régie des loyers déroge aux principes généraux qui régissent les relations normales entre locataires et propriétaires. Alors, je dis, M. le Président, que nous ne pouvons pas accepter ces amendements qui créeraient certaines complications ou dangers à l'endroit des locataires qui, actuellement, ne sont pas frappés par les dispositions de la loi qui régit les relations entre locataires et propriétaires. Ces mêmes locataires deviendraient, de ce coup, exposés à voir la Commission des loyers réglementer sur un territoire donné.

Ils seraient exposés à des hausses de loyer anormales et, dans certains cas, oppressives. Pour toutes ces raisons, M. le Président, mon tiraillement, mon déchirement finit par me faire décliner mon appui à l'endroit de la motion d'amendement du député de Maisonneuve. J'appuie les remarques visant à rejeter cet amendement et je vote avec le ministre de la Justice, sur ce point-là.

M. BOURASSA: Collaboration positive.

M. PAUL: M. le Président, ça allait bien. Je remarque que le premier ministre arrive. De grâce, M. le Président, ne vous en occupez pas.

Nous allons continuer à travailler en hommes sérieux et nous allons certainement progresser dans nos travaux.

M. LE PRESIDENT (Blank): L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, moi, je suis content que le premier ministre soit arrivé, parce que j'ai l'impression que son ministre de la Justice ne comprend pas le sens de nos amendements. Peut-être que le premier ministre va l'aider à comprendre.

M. MARCHAND: Le premier ministre sait qu'il a un bon ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: Lâchez-le.

M. BURNS: Le ministre de la Justice nous dit que cela pourrait, à la rigueur, nuire aux locataires. Quand il nous dit que cette augmentation générale, et soit dit en passant, ce n'est pas uniquement pour une municipalité, on dit: Pour une municipalité, un territoire ou pour l'ensemble du Québec. C'est justement pour ça que le premier ministre va peut-être comprendre, c'est un problème économique.

On a dit tantôt que ce serait irréaliste de notre part de nous imaginer que les loyers peuvent être gelés complètement, qu'il y a un des éléments de l'indice du coût de la vie qui varie et c'est le coût du logement. C'est sous cet aspect que nous voyons la Commission des loyers se prononcer.

Pourquoi permettrions-nous, à ce moment-là, aux propriétaires, en sus de cette augmentation, de s'adresser à la commission pour obtenir une augmentation additionnelle? C'est que l'autre serait, évidemment, au minimum applicable par un commun dénominateur au plus bas possible.

Et si, justement, les cas spéciaux que le ministre de la Justice soulevait tantôt se présentent, ce seront justement ces cas qui justifieraient des augmentations. Le député de Maskinongé, quand il nous réfère au code civil...

M. CHOQUETTE: M. le Président, les amendements proposés par mon savant ami, le député de Maisonneuve, entraînent une dépense d'argent; il n'a pas le droit de les proposer.

M. BURNS: Quelle dépense d'argent cela entrafnerait-il?

M. CHOQUETTE: C'est sûr, vous préconisez la généralisation d'un système différent. Cela va de soi qu'il y a une dépense d'argent.

M. BURNS: Pas du tout, M. le Président. Pas du tout. Cette commission existe déjà. On a le droit de lui donner certaines autres fonctions, qui sont les mêmes, à toutes fins pratiques, qui sont plus élargies.

M. LE PRESIDENT (Blank): Le ministre a raison, parce que, si on demande à la Régie des loyers de faire des enquêtes pour savoir si on a besoin d'une augmentation ou non, c'est dépenser de l'argent. Le député de l'Opposition n'a pas le droit de faire des suggestions d'amendements qui entraîneraient des dépenses additionnelles.

M. BURNS: M. le Président, loin de moi de vouloir contester votre décision mais je pense qu'elle n'est pas tout à fait rendue. C'est pour ça que je voudrais argumenter sur ce point. J'espère qu'on ne...

M. CHOQUETTE: Vous êtes sur le point de continuer votre...

M. LEVESQUE La décision est rendue, si j'ai bien compris...

M. BURNS: Elle est rendue. Est-ce qu'elle est rendue?

M. LEVESQUE: ... et c'est une motion...

M.BERTRAND: C'est tout simplement pour indiquer qu'il rendrait cette décision.

M. LEVESQUE: Ah bon, très bien, si c'est l'interprétation qu'on lui donne!

M. BLANK: Si on me le demande, je rendrai cette décision.

M. BURNS: De toute façon, si j'ai bien compris l'intervention du ministre de la Justice sur le règlement, c'était surtout pour me faire signe que nous approchons de six heures et qu'il fallait que je sois très bref. C'est du moins ce que j'ai cru comprendre.

Je veux tout simplement faire cette dernière remarque en regard de ce que disait le député de Maskinongé quand il nous dit que c'est exorbitant du code civil, ce que l'on propose là. Mais, c'est bien évident que c'est exorbitant. Toute cette loi est exorbitante du code civil, elle est contraire à l'une des règles de base qui est la liberté de contracter sans aucune difficulté extérieure. C'en sont des lois qui vont à l'encontre du code civil, qui vont par-dessus le code civil. Ce n'est pas ma prétention que les amendements que nous faisons là sont dans le cadre du code civil, ils sont contraires à cette idée suivant laquelle deux personnes ont le droit de faire les contrats qu'elles veulent entre elles. Là-dessus, nous ne changeons rien, il n'y a rien de nouveau.

M. LE PRESIDENT (Blank): L'amendement est rejeté.

M. BURNS: Rejeté sur division.

M. CHOQUETTE: Est-ce adopté?

M. BURNS: M. le Président, je m'excuse, j'en ai un dernier. Il sera plus bref celui-là. Il est bien meilleur, sauf que j'ai l'impression qu'on se force pour ne pas les comprendre pour pouvoir les battre, ce serait trop compliqué de changer le système.

M. CHOQUETTE: Je n'ai pas tellement compris.

M. BURNS: M. le Président, je propose un article 2a) qui se lirait comme suit: "Ladite loi est amendée en ajoutant, après l'article 38, les articles suivants: "39) Tout bail de maison fait après le 1er avril 1971 doit être consigné dans un écrit conforme à l'annexe de la présente loi — soit dit en passant si jamais l'amendement était adopté, je serais prêt à déposer une annexe à cette loi-là — toutefois, les parties pourront modifier ou remplacer les clauses, qui seront laissées à leur option, en les biffant de telle manière qu'elles restent lisibles, et en ajoutant des clauses nouvelles faisant une référence explicite aux numéros des clauses qu'elles remplacent ou modifient. "Les parties peuvent également ajouter au bail des clauses qui ne sont pas contraires aux clauses obligatoires, car toute stipulation d'un bail de maison, oral ou écrit, conclu après le 1er avril 1971 qui déroge aux conditions obligatoires de l'écrit mentionné à l'article 39, est nulle et sans effet. Ces conditions obligatoires sont présumées faire partie de tout bail conclu après cette date."

Encore une fois c'est l'énoncé du bail type qui respecterait, selon nous, davantage l'idée du contrat bilatéral que doit être un bail.

M. CHOQUETTE: M. le Président, ma réponse au député sera brève. Comme je l'ai déjà dit en réponse à son intervention en deuxième lecture, je pense qu'il y a sûrement du mérite à étudier la question du bail type, mais je ne pense pas qu'il s'agisse ici de la loi appropriée pour présenter cet amendement. Il ne faut oublier que la loi que je présente en Chambre aujourd'hui ne vise que ces loyers qui sont réglementés par la Loi de la Régie des loyers, tandis que le chapitre entier du code civil qui traite des relations entre propriétaires et locataires a une application générale, que le bail soit soumis à la Commission des loyers ou non.

Par conséquent, l'amendement proposé par le député n'a pas vraiment sa place dans cette loi, mais je l'invite à le soumettre, ou au moins à soumettre l'idée qui y préside, à notre commission qui siégera au cours de l'année prochaine sur toute cette situation.

M. PAUL: M. le Président, je crois que, pour une fois, le député de Maisonneuve a touché la corde sensible, à mon humble point de vue, du juridisme pratique. Je crois que cet amendement devrait recevoir une considération sérieuse.

Je regrette, M. le Président, mais aujourd'hui le ministre est dans un esprit de juridisme extraordinaire. Dans les circonstances, je crois qu'à cause de l'exception générale de la loi du code civil qui est cette application de la conciliation entre locataires et locateurs, nous ne pouvons malheureusement appuyer l'amendement proposé par l'honorable député de Maisonneuve. Je n'ai aucun doute cependant que le leader parlementaire du Parti québécois se fera un impérieux devoir de déléguer le député de Maisonneuve à la commission municipale chargée d'étudier les relations entre locataires et locateurs. Il nous apportera des suggestions susceptibles de nous aider à légiférer dans le meilleur intérêt de cette classe de la société que l'on appelle les locataires et par voie de conséquence également des suggestions concernant cette relation synallagmatique qui existe avec les locateurs.

M. LE PRESIDENT (Blank): Cet amendement est rejeté.

M. BURNS: Adopté sur division.

M. LE PRESIDENT (Blank): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a adopté le projet de loi 46 avec des amendements et demande la permission de siéger de nouveau.

M. LE PRESIDENT (Vézina): Alors ces amendements seront-ils lus et agréés?

M. BERTRAND: Pour vous, oui.

M. LE PRESIDENT (Vézina): Troisième lecture?

M. PAUL: Adopté, M. le Président. Article 64; je ne peux pas me lever, vous êtes debout.

M. LE PRESIDENT (Vézina): C'est pour cela que je reste debout. Troisième lecture.

M. PAUL: Non, objection. Vous pouvez vous asseoir.

M. LE PRESIDENT (Vézina): Je peux m'as-seoir?

M. PAUL: M. le Président, je suis soucieux du règlement et l'article 64 m'empêchait de me lever pendant que vous étiez debout. J'ai une suggestion à faire au leader du gouvernement: c'est de retarder, peut-être, la troisième lecture de ce projet de loi jusqu'à demain pour permettre certaines vérifications au sujet de la ville de Waterloo, dont j'ai soulevé cet

après-midi le problème. L'honorable député de Shefford, c'est sa ville, corrobore l'information que j'ai eue. Alors peut-être que cette vérification administrative, qui pourra se faire demain matin, ne causera aucun préjudice à l'adoption en troisième lecture de ce projet de loi demain.

M. LEVESQUE: Le ministre de la Justice me fait signe qu'il est entièrement d'accord.

M.PAUL: Très bien.

M. LEVESQUE: Nous pourrions suspendre nos travaux jusqu'à ce soir à huit heures et quart.

M. BERTRAND: Huit heures et quart.

M. LE PRESIDENT (Vézina): La Chambre suspend ses travaux jusqu'à vingt heures et quinze minutes.

Reprise de la séance à 20 h 19

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

M. LEVESQUE: Article 6.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la deuxième lecture du projet de loi no 47, Loi modifiant la Loi de police.

Projet de loi no 47

Deuxième lecture

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, je ne ferai pas d'intervention sur le bill proprement dit, parce que je crois que les articles qui se trouvent au projet sont suffisamment explicites et ne requièrent pas d'exposé très élaboré de ma part. Cependant, je dois immédiatement annoncer aux membres de cette Chambre que j'aurai des amendements additionnels à apporter en comité et dont le sens sera, premièrement, de permettre à la Commission de police d'arrêter ou de fixer le niveau de scolarité et les cours de formation policière qui seront exigés dorénavant des chefs de police municipaux.

En second lieu, les amendements que j'apporterai auront pour but de revaloriser et indexer la pension aux veuves et aux enfants de membres de la Sûreté du Québec morts en fonction depuis quelques années. On sait que le coût de la vie a augmenté, la pension leur est payée en vertu du salaire qu'ils gagnaient antérieurement à leur mort et, dans certains cas, ceci nous ramène à 1961, 1962, 1963. Par conséquent, il s'agit pour nous, en toute justice, de rétablir le niveau de la pension due à ces veuves et à des enfants pour être plus conforme aux conditions économiques actuelles.

En troisième lieu, M. le Président, d'arrêter que les pensions dues aux enfants et aux veuves des policiers municipaux qui sont décédés en fonction seront ajustées selon les barèmes arrêtés pour la Sûreté du Québec. C'est-à-dire que nous allons créer l'égalité entre les policiers municipaux et ceux de la Sûreté du Québec, sur le plan des pensions qui peuvent être dues.

Et finalement, parmi les amendements que j'introduirai tout à l'heure lors de notre étude de ce projet en comité, j'apporterai un amendement à la Loi de police en vertu duquel les chefs de police ne pourront être destitués par simple résolution des conseils municipaux, mais la résolution des conseils municipaux sera sujette à une condition suspensive, c'est-à-dire qu'elle n'entrera en vigueur qu'une fois la résolution entérinée, approuvée par la Commission de police, à moins, évidemment, qu'il n'y ait acquiescement de la part de l'intéressé.

Maintenant, M. le Président, je suggère que nous allions immédiatement en comité plénier. Je voudrais, avant de terminer cet exposé introductif en deuxième lecture, annoncer à la Chambre que la Commission de police a adopté ou adoptera incessamment un règlement en vertu duquel, dorénavant, tout policier municipal du Québec, à quelque police municipale qu'il appartienne, sera tenu d'avoir suivi le cours de quatre mois prescrit à l'Institut de police du Québec ou à l'Ecole de police de la ville de Montréal.

Je pense que je n'ai pas besoin d'insister beaucoup sur les avantages de cette mesure dans les conditions où nous sommes à l'heure actuelle. Il s'agit, en somme, de revaloriser nos corps de police municipaux, d'assurer que nos policiers municipaux aient une formation adéquate au départ. Et ceux qui connaissent l'Institut de police de Nicolet ainsi que l'Ecole de police de la ville de Montréal savent jusqu'à quel point ces écoles de police peuvent donner, en un court espace de temps, une formation extrêmement précieuse, extrêmement avantageuse pour le public, extrêmement complète sur le plan du travail policier qui nous assure que, dans le Québec, dans un avenir rapproché, nous aurons des forces de police municipale tout à fait à la hauteur de la situation. Ce qui n'implique, évidemment, aucune critique à l'égard de nos forces actuelles. On le comprendra. Mais d'un autre côté, je pense que tout le monde comprend aujourd'hui la nécessité que le policier, aujourd'hui, soit non seulement un excellent policier, soit non seulement énergique dans l'exécution de ses fonctions, mais ait cette discipline et cette formation qui en fassent un citoyen qui ait le respect de ses concitoyens auprès desquels il représente, après tout, l'ordre.

Et, M. le Président,...

M. PAUL: Le lieutenant-gouverneur...

M. CHOQUETTE: ... le savant secrétaire adjoint m'indique qu'avant de m'asseoir...

M. BERTRAND: Ne l'oubliez pas.

M. CHOQUETTE: ... je devrais lire la formule traditionnelle à l'effet que l'honorable lieutenant-gouverneur, dans sa sagesse, a pris connaissance de ce bill et qu'il en recommande l'étude à la Chambre.

M. Rémi Paul

M. PAUL: Je suis content de voir, M. le Président, qu'on ajoute trois mots à l'expression habituelle. Dans sa sagesse, Son Excellence le lieutenant-gouverneur approuve la présentation de ce projet de loi.

Vous comprendrez, M. le Président, que je ne peux pas laisser passer cette occasion sans tout d'abord rappeler, à vous, non, M. le Président, mais à certains collègues qui siègent ici en cette Chambre que la Commission de police a été le résultat d'un travail acharné, d'études poussées, de dialogues continus entre les intéressés et celui-là qui, en 1967, occupait les fonctions de ministre de la Justice, l'honorable chef de l'Opposition.

Cette loi répondait à l'époque — je dis à l'époque — à un besoin. Je crois que les amendements subséquents que nous avons apportés au bill 14 — c'était le numéro du bill original — prouvent de toute évidence l'efficacité et le travail vraiment admirable de construction, de collaboration, d'édification d'un corps de police. Et quand je parle d'un corps de police, M. le Président, je parle du genre. Pour ce qui est de l'espèce, il se compose des membres de la Sûreté provinciale et des différents corps de police municipaux.

Je dis, M. le Président, que cette Commission de police a immédiatement joué son rôle. Par la création de cet organisme, nous avons créé comme un phare d'orientation pour les conseils municipaux, infailliblement aux prises avec certains problèmes administratifs qui résultaient d'un mode de recrutement un peu fait au hasard et sans normes de compétence, de scolarité et de préparation, comme la Commission de police le fait aujourd'hui par la voie du ministre actuel de la Justice.

Le travail de cette commission a été vraiment admirable et je suis sûr que tous ont lu avec beaucoup d'intérêt ce rapport de la Commission de police, concernant les activités pour l'année 1969, surtout quand on voit que, dans le cours de l'année 1969, la Commission de police était composée de trois commissaires. J'ajouterai que par le bill 21 nous avons apporté un amendement pour pouvoir, là comme ailleurs, avoir des commissaires ad hoc.

L'honorable juge Gosselin, MM. Courteman-che, Tobin et Saint-Georges ont été les pionniers dans la réglementation d'abord, pour certaines règles au sein de la Sûreté du Québec et ils ont été aux prises avec une foule de demandes venant de différentes municipalités à travers tout le Québec. Et devant ce travail accumulé, devant les besoins qui devenaient de plus en plus pressants, la commission a été obligée d'engager, ou de confier du travail d'enquête à des enquêteurs à la pige. Dans certains cas, on a procédé à une préenquête, pour justifier l'audition d'une enquête publique.

La Commission de police, en 1966, a procédé à six grandes enquêtes. Je n'ai sûrement pas à énumérer ici les municipalités, ou les corps de police qui ont été touchés par ces enquêtes. Mais au point de vue pratique, 18 enquêtes ont été présentées à la Commission de police, par différents conseils municipaux, non pas toujours dans le but de pénaliser les corps de police municipaux, mais dans le but de créer, ou de

mettre sur pied, un corps de police mieux préparé, des méthodes de travail qui correspondent le plus et le mieux aux moyens que nous devons prendre aujourd'hui pour combattre les activités des criminels, et même, dans certains cas, de la pègre, dans des territoires donnés.

La Commission de police a été saisie, dans le chapitre 22 des lois de 1969, d'un travail d'arbitre. Ce qui autrefois relevait du code du travail en a été soustrait pour être confié à la Commission de police qui, aujourd'hui, est le seul organisme en mesure de juger du bien-fondé des plaintes que portent devant elle des policiers municipaux qui se croient victimes de certaines injustices.

Ces plaintes, qui autrefois relevaient de la Commission municipale dans l'appréciation de la preuve, sont aujourd'hui référées à la Commission de police pour enquête et pour l'imposition, en certaines circonstances, je ne dirai pas de sentences, mais de recommandations de la part des conseils municipaux. Dans certains cas, ces derniers sont obligés de remercier de leurs services certains membres du corps de police jugés indésirables, le tout résultant souvent d'un manque de préparation efficace et nécessaire au policier aujourd'hui pour jouer son véritable rôle dans la vie quotidienne, pour la protection du peuple québécois.

Il faut avoir vécu certaines journées désagréables, dont je n'ai pas l'intention de rappeler le souvenir, pour comprendre combien notre société est fragile et combien elle deviendrait anarchique si, du jour au lendemain, nous perdions cette protection essentielle qui assure notre propre sécurité et la garde de nos biens.

Le travail accompli par la Commission de police a été vraiment remarquable. Je félicite le ministre d'avoir écouté, comme nous l'avions fait dans le passé, les recommandations de l'honorable juge Gosselin, président de la Commission de police.

Ces recommandations qu'il nous est donné aujourd'hui d'étudier ou d'inclure dans un texte de loi avaient été portées à la connaissance de celui qui vous parle à la suite de rapports détaillés et d'une étude exhaustive de toute la situation qui existe au sein de la Commission de police en regard du travail gigantesque qu'elle doit accomplir.

C'est tellement vrai — et je serais fort heureux d'apprendre que la situation est changée — qu'il y a tellement de travail à accomplir à la Commission de police qu'on est rendu à un point où l'on doit retarder des enquêtes demandées depuis plus de dix-huit mois et près de vingt-quatre mois.

Je crois que les amendements que nous propose ce projet de loi permettront, d'une façon plus expéditive, de répondre aux besoins des municipalités. Je tiens à faire part de toute notre appréciation quant aux normes que l'on exigera à l'avenir et qu'imposera la Commission de police. Nous allons lui donner le pouvoir de réglementer, d'édicter des conditions d'admission. Un minimum de qualifications deviendra requis pour qu'un individu, dans l'un ou l'autre de nos corps de police, soit provincial ou municipal, puisse faire carrière.

C'est ainsi que nous pourrons, devant cette société qui évolue, obtenir une collaboration plus étroite et une coopération — "coopération" n'est pas suffisant — essentielle parmi tous les corps de police. Ayant reçu la même formation, ils comprendront mieux les problèmes et ils seront en mesure de travailler à la solution des difficultés qui se présentent pour le maintien de l'ordre et de la paix dans la société.

Cette réglementation, à l'endroit des cadets de nos corps de police, à l'endroit des cadets de la Sûreté du Québec, s'imposait. Je crois qu'il faut rendre, ce soir, un hommage bien mérité à ces travailleurs acharnés qui ont accepté le mandat qu'on leur avait confié dans le but de répondre à un besoin et à une législation qu'avaient demandée les différentes municipalités de la province. Je sais qu'il existe certaines difficultés au niveau financier. Aujourd'hui, la Commission de police exige, à bon droit, que les cours dispensés à leurs futurs policiers à l'Institut de police de Nicolet, les municipalités doivent en partager le coût.

Je sais, M. le Président, que nous avons examiné ce problème. Je suis convaincu que le ministre s'est penché également sur cette situation qui a sûrement été portée à sa connaissance. Afin que les municipalités puissent, si on leur impose l'obligation de faire suivre des cours, soit à l'institut de Nicolet ou à l'école de Montréal, à leurs futurs policiers, il va de soi, M. le Président, que le ministère de la Justice devrait trouver une formule pour alléger, en quelque sorte, le budget des municipalités, afin qu'il n'y ait pas de charges trop onéreuses à l'endroit des contribuables.

Je sais que le ministre n'a pas eu le temps de le faire depuis son entrée en fonction, mais je me demande s'il n'y aurait pas avantage à tenir occasionnellement des rencontres avec les différents chefs de police des principales villes de la province. Personnellement, j'ai vécu cette expérience, et c'est là que nous pouvons saisir les véritables besoins de nos chefs de police, qui, à ce moment-là, se font les porte-parole des corps policiers municipaux. Et par la présence des officiers de la Commission de police, je crois que ces derniers sont orientés, sont en mesure de préparer des règlements et de suggérer des méthodes administratives et de travail qui ne soient que dans le meilleur intérêt de toutes les populations des municipalités concernées.

Si on envisage certaines expériences pilotes qui sont actuellement vécues au sein de la Sûreté du Québec, je n'ai aucun doute que, de plus en plus, ces rencontres devront être continuées et deviendront nécessaires pour tâcher qu'il n'y ait qu'un esprit au sein de tous nos corps de police municipaux.

C'est avec plaisir, M. le Président, que nous apprenons également l'amélioration du sort des veuves et des enfants des policiers morts en service. C'est une autre amélioration. C'était une lacune qui existait dans la loi, mais nous l'avons constatée au fur et à mesure que des cas d'espèce nous ont été signalés. Je crois que ces amendements qui nous sont présentés ce soir s'imposaient, et c'est avec plaisir que nous appuierons cette loi qui répond à un besoin qui était fortement désiré par les membres de la Commission de police.

Je suis sûr que vous me permettrez, M. le Président, non pas de m'éloigner du sujet, mais de rattacher à ce sujet l'Institut de police de Nicolet. Je me rappelle qu'à l'occasion de l'étude des crédits du ministère de la Justice, le ministre était aux prises avec un cas de conscience, soit celui d'améliorer, de réparer et d'investir davantage dans l'Institut de police de Nicolet.

Je ne sais pas quel a été le résultat de ces consultations que le ministre a certainement eues avec les chefs de service du ministère et avec ses sous-ministres. Mais je serais fort surpris que le ministre, de concert avec le ministre des Travaux publics, n'ait pas arrêté la décision d'aller de l'avant afin d'améliorer cet institut de police pour que l'on puisse offrir un peu de confort, et je dirais même dans certains cas de la sécurité, à ces élèves qui fréquentent l'institution. Je souhaite une politique progressive de la part du ministre de la Justice et je formule le voeu que les locaux actuels de l'Institut de police de Nicolet soient améliorés.

C'est donc avec beaucoup de plaisir que nous appuierons le principe de cette loi. Nous serons prêts à collaborer avec le gouvernement dans l'espoir de rendre cette loi encore meilleure si possible. Ce seront nécessairement les policiers eux-mêmes qui, en premier lieu, en retireront bénéfices et avantages. D'un autre côté, ce sera la population qui, avec orgueil et raison, se réjouira d'avoir un corps de police bien préparé pour accomplir le travail que les officiers municipaux, ou les officiers de la Sûreté du Québec voudront bien lui confier, et ce pour que notre corps de police puisse se comparer avec avantage à ceux de toute autre province du Canada.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Mégantic.

M. Bernard Dumont

M. DUMONT: Merci, M. le Président. Nous avons ce soir à étudier ce bill 47, Loi modifiant la Loi de police. Dans les premières notes explicatives, nous pouvons lire textuellement: "Les articles 1 à 4, 7, 12 et 14 du projet de loi modifie la Loi de police afin de prévoir explicitement la possibilité pour les corps de police municipaux d'avoir des cadets et leur accordent un statut analogue aux cadets de la Sûreté du Québec."

J'ai écouté tout à l'heure le ministre de la Justice vanter les possibilités d'avoir de tels cadets, surtout dans la région de Montréal. Je le félicite de penser toujours à cette grande ville, cette grande métropole du Canada qui, par sa population, mérite une attention spéciale.

Le député de Maskinongé, lui, a parlé de Nicolet. Je n'ai aucune objection à ce qu'on continue à vanter les mérites des gens bien préparés. On espère que ces cadets seront préparés à être demain des gens d'ordre, mais qu'ils seront surtout des éducateurs qui verront à faire respecter les lois et non pas seulement à percevoir des amendes. Je voudrais aussi attirer l'attention du ministre sur le fait qu'il y a Québec, Lévis, Chandler, Rimouski. Il y en a peut-être un dans Bonaventure. En tout cas, dans le comté de Mégantic, il y a, à Thetford Mines, un très beau palais de justice où l'on pourrait très bien préparer les cadets à effectuer un service d'ordre qui deviendrait parfait. Il faudrait qu'on permette à ces jeunes de tous les coins de la province, d'étudier dans des écoles de formation comme telles.

A Thetford Mines, comme dans bien d'autres endroits de la province de Québec, maintenant que les manèges militaires sont fermés, nous pourrions avoir des cadets qui, venant des quatre coins de la province, formeraient, sans aucun doute — nous espérons qu'ils ne seront pas seulement préparés à Montréal — un corps policier ou un service d'ordre qui deviendrait parfait. Donc, nous acceptons et nous préconisons cette façon de procéder de la part du gouvernement, conscients que le ministre de la Justice a voulu donner un bon coup de pouce au premier ministre pour créer ses 100,000 emplois! Bien préparés, ces cadets auront un emploi rémunérateur. Comme je le disais tout à l'heure, nous espérons qu'ils seront préparés dans le but de prévenir notre population des lois qui existent et qu'ils seront des éducateurs plutôt que des percepteurs d'amendes.

Enfin, nous devons, je crois, applaudir à cette pensée. C'est une expérience à vivre dans la province de Québec. Souhaitons que nous aurons avec ça une préparation nécessaire afin que, dans les périodes de crise comme celle que nous venons de traverser, nous ne soyons pas toujours obligés d'appeler l'armée. On l'a fait parce qu'il y avait épuisement humain à cause des circonstances difficiles que nous avons traversées. Désormais, nous aurons un nombre assez imposant de personnes au service d'ordre de la province de Québec pour répondre à nos besoins.

Il y a peut-être une explication que je demanderais au ministre de la Justice. D'ailleurs, lors de l'application de cette loi, nous nous réserverons le droit de critiquer si par hasard il y avait dans ça une intrusion de la part de la Commission de police. J'ai toujours

respecté, moi, et je sais que le ministre aussi respecte très bien les municipalités, le maire et les conseillers. Alors, j'ai bien remarqué dans ces déclarations qu'il faudra toujours, lors de la destitution, par exemple, de leurs fonctions d'officiers de police et autres, comme le ministre l'a expliqué tout à l'heure, que le tout soit entériné par la Commission de police. J'ai l'habitude de faire confiance et je sais que le ministre fait confiance aussi au maire et aux échevins qui, la plupart du temps, sont des juges très impartiaux pour maintenir dans ses fonctions un chef de police ou un officier de police qui remplit bien son rôle.

Alors je me pose une question, au sujet de l'article 11, à savoir s'il n'y aura pas, à un moment donné, un divorce d'idées entre un conseil municipal et une commission de police qui aura tendance à devenir un petit peu trop autoritaire. Enfin, ce n'est qu'une simple remarque. C'est surtout dans le but d'en faire une critique constructive que je fais une allusion à cet article 11.

Dans ce secteur-ci de la Chambre, nous serons en faveur de cette loi. Nous sommes en faveur du principe de la loi. Nous écouterons tous les arguments qui seront apportés et nous tenterons, par des critiques constructives qui existeront en cette Chambre, d'améliorer ce projet de loi qui permettra, dans la province de Québec, d'avoir réellement un corps policier québécois.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, il est quelques aspects de ce projet de loi qui ont particulièrement retenu notre attention. Le premier concerne précisément la formation de ces étudiants-policiers que l'on nomme cadets.

La formation de nos policiers constitue, en effet, un problème extrêmement important. Au cours de la crise que nous venons de connaître, c'est le ministre de la Justice lui-même qui nous rappelait, avec quelques autres membres de l'équipe ministérielle, ainsi que le député de Maskinongé tout à l'heure, à quel point notre démocratie est fragile et justement, par voie de conséquence, à quel point le rôle du policier est appelé à prendre de l'importance dans notre société.

Plus le rôle du policier est appelé à prendre de l'importance, plus nous devons accorder une extrême attention aux programmes d'étude, aux modes de formation auxquels nous devons penser pour lui. A ce titre, je crois que l'occasion est peut-être opportune de souligner à quel point le rôle du policier exige une formation de plus en plus poussée, de plus en plus complète. Incidemment, j'aimerais bien, à ce sujet — je sais que l'occasion n'est pas propice à l'heure actuelle — pouvoir examiner le programme d'étude des policiers afin que nous puissions l'analyser d'un peu plus près. J'espère que cette occasion nous sera donnée lorsque la commission de la Justice se réunira.

Mais de toute façon, nous pouvons rappeler certains des grands principes qui doivent inspirer la formation de nos élèves-policiers. Je ne voudrais en signaler que quelques-uns ce soir. Ce premier principe, particulièrement, est le respect de la vie, de la dignité humaine afin que l'on ne voie jamais, dans notre pays, certaines pratiques qui, parfois, ont terni la réputation de certains autres corps policiers dans d'autres pays, c'est-à-dire ces brutalités ou ces sévices qui, au fond, ne sont pas ordonnés aux fins que poursuit la justice et qui souvent, constituent un déni des droits fondamentaux de la personne humaine.

De la même façon, je crois que, comme deuxième principe, on pourrait dire que la formation des policiers devrait s'inspirer des découvertes de la psychologie moderne afin que le policier puisse, dans son action, mener non seulement le rôle qui est le sien, de protéger la société mais aussi d'aider l'individu dans le cours de son travail à réorienter ses activités dans un sens différent, quitte à ce que plus tard, cette action soit poursuivie par les cours de justice.

De même, je crois qu'un troisième principe pourrait être le suivant: c'est que l'on enseigne d'une façon très exacte au cadet policier la conception exacte de son rôle qui est celui d'apporter des faits à l'administration de la justice, qu'il s'agisse de procureurs de la couronne, d'avocats de la défense ou de juges, qui leur permettent d'établir la culpabilité ou la non-culpabilité de l'accusé. Il faudrait éviter encore une fois ce qu'on a vu dans certains autres pays et qui peut peut-être exister parfois dans le nôtre: des policiers ou des représentants de la justice prendre à ce point fait et cause pour la cause qui a amené l'arrestation que nous constatons là encore, un véritable déni de justice.

Je pense que la conception de ce rôle est extrêmement importante et que si chacun de nos policiers, comme chacun de ceux qui administrent la justice dans ce pays, conçoit son rôle comme celui d'un protecteur de la société et non pas de quelqu'un qui ne veut pas perdre sa "cause" par suite de la façon faussée dont il conçoit son rôle, la justice sera très, très bien servie.

Un autre aspect du projet de loi a retenu notre attention. C'est la formation d'un autre corps, un service de renseignements et de statistiques. Ce rôle était jusqu'ici tenu par la Commission de police. Je suis d'accord avec le ministre de la Justice que le développement structural de notre société rend nécessaire...

M. CARON: M. le Président...

M. LAURIN: ... et même indispensable la formation de cette nouvelle...

M. CARON: ... une question de privilège, s'il vous plaît. Afin que l'honorable député de Saguenay cesse d'intervenir à propos de tout et de rien, pourriez-vous lui demander de se réveiller et d'écouter attentivement les intéressants discours des membres de cette Chambre?

M. LESSARD: M. le Président, j'ai d'ailleurs mon microphone ici et je suis à l'écoute du député de Bourget, comme j'ai écouté tout à l'heure le député de Maskinongé ainsi que le député de Mégantic. S'il vous plaît, les "backbenchers", réveillez-vous d'abord avant de demander aux autres de se réveiller.

UNE VOIX: Debout!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. DEMERS: Ce n'est pas la faute du député, s'il dort...

M. LAURIN: Donc, M. le Président, ce rôle était tenu jusqu'ici par la Commission de police. Quant à moi, j'étais rassuré du fait que c'était la Commission de police qui avait pour mission de contrôler ces opérations d'intelligence, de renseignements. On sait à quel point ces opérations de police peuvent être délicates. Lorsqu'il s'agit d'enquêter dans la vie privée de certains individus, même parfois sur des matières qui touchent aux moeurs, sur des activités qui, sans être illégales, peuvent parfois mettre un individu, si elles étaient révélées, dans une fâcheuse situation, on conçoit le pouvoir que cette faculté accorde aux corps de police ou aux individus qui les contrôlent.

Pour ma part, j'étais satisfait de voir que la Commission de police, étant donné surtout sa composition, donnait là-dessus des garanties absolument parfaites de la bonne utilisation de ces renseignements.

Lorsque nous voyons que ces pouvoirs sont transférés uniquement à un corps de police, je suis quand même obligé de rappeler l'exemple de certaines polices dans le passé, dans d'autres pays; je me rappelle, par exemple, les volumes que j'ai lus sur la police secrète de Russie, d'Allemagne et même de France dans le temps de Fouché. Je me rappelle les abus auxquels a pu donner lieu cette capacité de connaissance de dossiers individuels, à certaines occasions. Il y a toujours danger que ces renseignements puissent être utilisés pour des fins autres que celles que poursuit la police, c'est-à-dire pour des fins politiques ou pour d'autres fins plus ou moins avouables.

Je n'ai pas d'amendement à suggérer au ministre de la Justice, mais je voudrais simplement soumettre ce problème à son attention pour qu'il songe aux dangers possibles que cela pourrait constituer et qu'il puisse penser à un moyen, peut-être lorsqu'il nous donnera la réplique ou en comité plénier, qui garantirait d'une façon absolue que tous les renseignements nécessaires et indispensables qui peuvent être recueillis par cette section de la police puissent ne pas servir à d'autres fins que la protection et le bon ordre de la société.

En ce qui concerne les pensions, je me réjouis, avec le député de Maskinongé, qu'on pense à en élever le montant et surtout qu'on pense à l'accorder aux conditions actuelles de la vie. Mais, j'irais peut-être même plus loin. Nous savons à quel point le métier de policier devient de plus en plus dangereux, à quel point des accidents peuvent survenir dans la poursuite des activités d'un policier, que ce soit dans le cours normal de la lutte contre la pègre ou dans la lutte contre les organisations terroristes, comme nous l'avons vu récemment. Peut-être y aurait-il moyen de pousser un peu plus loin la protection à accorder aux policiers, peut-être y aurait-il moyen de penser à l'indemnisation des policiers victimes de leur devoir et aussi des familles dont ces policiers seraient responsables.

Je crois que c'est là un principe absolument valable, absolument humain qui correspond aux dangers de plus en plus grands que courent nos policiers et qui pourrait non seulement rassurer leur famille, mais leur donner une plus grande motivation dans l'exercice de leurs fonctions.

C'est un autre principe que je soumets à l'intention du ministre de la Justice, espérant qu'à cette occasion ou plus tard il lui sera permis d'y donner suite.

En ce qui concerne l'amendement qui nous est suggéré, au point de vue des suspensions de chefs de police, je crois que je suis absolument d'accord, puisque la nomination d'un chef de police prendra de plus en plus d'importance dans les années qui viennent et qu'il faut être bien sûr qu'aucun arbitraire ne soit exercé, soit dans le sens positif, soit dans le sens négatif, en ce qui concerne la nomination ou la suspension de personnages aussi importants.

C'est donc la raison pour laquelle, M. le Président, il nous fait plaisir de souscrire, avec enthousiasme, au principe de ce projet de loi.

M. DUMONT: M. le Président, le député de Bourget me permettrait-il, à la suite de l'exposé qu'il a fait, de lui poser une question?

Il a fait allusion au système d'ordre qui existe en Russie. Le député de Bourget pourrait-il nous donner des détails sur le corps policier qui expédie les prisonniers en Sibérie?

M. LAURIN: Je préfère ne pas répondre à cette question.

UNE VOIX: Cela pourrait être intéressant. M. CHOQUETTE: M. le Président...

M. VINCENT: M. le Président, avant que le ministre puisse exercer son droit de réplique, peut-être pourrait-il ce soir — puisqu'il a mentionné tout à l'heure, ainsi que le député de Maskinongé, l'Institut de police situé à Nicolet, et puisque, à l'occasion de l'étude du budget du ministère de la Justice, le ministre avait émis quelques doutes en ce qui concerne l'emplacement de l'institut — à la suite de ses deux visites à Nicolet, à la suite également des rencontres qu'il a eues avec des officiers supérieurs, nous donner un aperçu de sa politique en ce qui concerne l'Institut de Nicolet?

Il y a même certaines rumeurs qui circulent selon lesquelles le ministre tendrait la main pour donner des montants d'argent assez importants. Ceci, je crois, entre très bien dans le cadre du principe du projet de loi. Si nous voulons former de très bons cadets, dans un corps de police provincial, ils peuvent venir chercher à Nicolet la meilleure formation dans ce très bel institut.

M. FORTIER: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gaspé-Sud.

M. Guy Fortier

M. FORTIER: ... je désire féliciter le ministre de la Justice d'avoir présenté ce projet de loi parce qu'il m'intéresse de façon particulière. Comme nous avons, à Percé, un palais de justice et que nous avons eu des difficultés avec des jeunes, je crois qu'avoir un corps de cadets à Percé pourrait régler un problème qui s'est présenté dans le passé et qui se présentera peut-être dans l'avenir.

Je suis heureux de voir ce projet de loi car je crois que cela pourrait peut-être régler le problème de Percé ou encore d'autres villes ou villages qui reçoivent des jeunes durant l'été et qui ont des problèmes avec ces jeunes. Je crois que le meilleur moyen de régler le problème des jeunes, c'est avec des jeunes. Je crois que les jeunes s'entendraient très bien avec ceux qui seraient initiés. Ils connaîtraient les modalités d'application de la loi de police et pourraient devenir des cadets de police. Je me rappelle toujours, une fois à Gaspé, avoir vu des jeunes, des cadets de l'armée et de la marine qui m'ont donné l'impression que ce sont eux qui vont, dans l'avenir, aider la province.

Ce sont nos jeunes qui dirigeront ceux qui auront des problèmes; ils devront, par exemple, prendre part à l'exécution de ce qui regarde l'avenir de la province de Québec. Il faut se rappeler, M. le Président — et je crois que tous vont dire comme moi — qu'avant de diriger, il faut apprendre à écouter. L'école de cadets de la police offre une excellente formation. Cela permet aux jeunes de s'initier à cette profession, parce que, maintenant, être policier est une profession. Vous allez donner de l'emploi et, en plus, vous permettrez ainsi à des jeunes de Gaspé de discuter avec des jeunes qui viendront visiter la Gaspésie.

Je vous félicite de cette loi et je crois qu'elle donnera d'excellents résultats.

M. PAUL: L'honorable député me permettrait-il une question?

M. FORTIER: Oui.

M. PAUL: L'honorable député ne conviendrait-il pas que la formation d'un corps de cadets à Gaspé, à la charge exclusive de la ville de Gaspé, pourrait être onéreuse? D'un autre côté, s'il y avait, par exemple, un organisme comme une communauté urbaine, couvrant tout ce territoire-là, ne serait-ce pas l'organisme tout désigné pour implanter, sustenter ou soutenir l'établissement d'un corps de cadets non pas exclusivement pour la ville de Gaspé — je sais que vous avez un brillant maire — mais pour tout le territoire de la Gaspésie?

M. FORTIER: M. le Président, je dois dire au député de Maskinongé que sa question m'intéresse. Nous aurons prochainement une loi qui va faire de Gaspé et de Percé une communauté urbaine. Je ne vous apprends rien, tout le monde le sait et cela va aider à avoir un corps de cadets pour Percé et aussi pour Gaspé.

M. PAUL: Voici.

M. LE PRESIDENT: Le député de Robert-Baldwin.

M. Arthur Séguin

M. SEGUIN: M. le Président, je m'en voudrais si, à l'occasion de ce bill, je ne faisais pas certains commentaires, je pense, bien à propos. Tout d'abord il s'agirait de déclarer, puisque tous les membres de cette Chambre semblent être en faveur du bill, que, moi aussi, je voudrais féliciter le gouvernement de l'idée d'apporter ces changements à la Commission de police, changements qui permettront d'augmenter le nombre de commissaires, d'abord, puisque je pense que déjà avec trois membres ils n'ont pas tous les avantages voulus pour diriger cette fonction policière à travers la province. Deuxièmement, l'aspect nouveau de permettre aux corps policiers des différentes municipalités d'organiser des corps de cadets qui pourront, à l'occasion, être utiles dans leur municipalité sur plusieurs fronts et en plusieurs rapports.

J'écoutais avec beaucoup d'intérêt les commentaires énoncés ce soir par différents orateurs de la Chambre. On semble prêter aux policiers un rôle non seulement primordial et principal de ce rôle de détection et d'investigation quand on sait qu'exception faite de Mont-

réal, de Québec, de Trois-Rivières et de, peut-être, une ou deux autres villes, la responsabilité du policier se résume probablement à 10 p. c. ou à 15 p. c. de son temps passé aux investigations et à la détection du crime.

C'est là que je vois, M. le Président, qu'on est enclin plutôt à se pencher du côté de ce problème de détection, de prévention, ou d'investigation et qu'on oublie le rôle très important du policier dans les municipalités. C'est un rôle tout à fait d'ordre personnel, d'ordre social, d'ordre humain et j'en parle avec connaissance de cause, ayant été responsable, comme administrateur local, d'un corps de policiers assez considérable si on parle de 70, 80 ou 100 personnes, dans un corps, pour une ville assez imposante. Et je sais que, dans la province, il y a d'autres municipalités dans cette même situation où les policiers sont appelés non seulement à pourvoir à la détection et à la surveillance du bien d'autrui, mais aussi ces gens sont des ambassadeurs de l'administration, en réalité. Ce sont des gens qui se prêtent quotidiennement, constamment à l'assistance du public, que ce soit pour la maladie, que ce soit pour l'hospitalisation, ou encore pour des problèmes tout à fait journaliers comme des pannes d'automobiles, etc.

Il s'agit aussi pour ces policiers de faire la surveillance de domiciles, de maisons dont les propriétaires sont partis en vacances. Il s'agit d'appeler les quartiers généraux de la police pour demander cette assistance. Dans la plupart de nos municipalités, exception faite de la métropole, ou des grandes villes, il s'agit pour ces policiers d'être constamment alertés et employés à l'organisation de toutes sortes d'oeuvres. C'est la police municipale, dans la province, qui est à la base de la représentation de l'individu. Qu'on ne l'oublie pas! On semble toujours mettre cette partie-là à l'écart, en arrière et on pense à la pègre, on pense au crime, on pense à tous ces problèmes extravagants, mais on oublie le rôle principal du protecteur civil qu'est le policier dans 1,500 ou 1,600 municipalités de la province.

Il y a cet avantage, en pouvant créer ses corps de cadets, non seulement de prendre des jeunes qui sont intéressés à la chose, de les instruire sur ce côté humain, loin du crime, loin de la pègre, mais qu'on puisse les instruire, les éduquer et les élever avec l'idée d'un service public, de la participation au civisme.

C'est ce qui semble manquer. On est prêt à organiser des groupements politiques, des mouvements de protestation, on est prêt à structurer toutes sortes de jeunes pour protester, pour s'opposer, mais jamais rien de positif ne se fait; c'est un négativisme auquel on est devenu tellement habitué qu'on n'y fait plus attention.

Je voudrais que cette Commission de police puisse, au cours des prochaines années, avoir des pouvoirs plus étendus que ceux que le bill lui donne. Qu'on puisse lui permettre d'entrer dans les municipalités et d'aider à l'organisation de ces corps de cadets, de ces groupements de jeunes, afin de renverser la roue ou de la faire tourner en sens inverse.

On en est à la protestation; il me semble qu'il faudrait peut-être revenir à la participation et c'est par l'entremise de ces jeunes, corps de cadets de l'armée, corps de cadets de l'aviation, corps de cadets de police, qu'on y parviendra. En plus de ça — peut-être que j'abuse, M. le Président, je pourrais être hors d'ordre — il faudrait même que le ministère de l'Education poursuive dans nos écoles les mêmes ambitions pour essayer d'éduquer les jeunes sur cette nécessité de vivre ensemble. En plus du crime, de la pègre, de la détection et de l'investigation dont on parle toujours au sujet de nos policiers, il faudrait aussi reconnaître leur rôle principal, en réalité, dans les petites municipalités. Et ce rôle principal, c'est d'être constamment au service du public.

Je pense que c'est là l'influence que ces corps de cadets pourraient avoir, qu'ils soient subventionnés ou non, qu'ils aient des uniformes ou non, peu importe. Qu'ils aient un local pour qu'ils puissent entendre parler les gens bien renseignés de la municipalité, que ce soient le maire ou les conseillers, les présidents de groupes locaux, des corps intermédiaires, la police elle-même, pour qu'on les instruise et les amène à comprendre d'une façon positive cette participation au civisme.

C'est ça qu'il faudrait, c'est de cette façon qu'il faut utiliser ces jeunes. C'est pour cela qu'il me fait grand plaisir, non seulement de féliciter le gouvernement, mais de lui souhaiter bonne chance et surtout d'exprimer, en ce qui concerne les municipalités de ma région, notre intérêt et notre désir de participer pleinement à ce qu'on veut accomplir ici.

J'éviterai de faire les éloges de la commission, puisque déjà le député de Maskinongé est allé bien au-delà de ce que j'aurais pu faire moi-même, surtout après une période d'essai d'une année ou d'une année et demie depuis qu'elle est en devoir. Mais, je sais que déjà il y a grand avantage d'avoir cette centrale qui pourra contrôler la police municipale.

Pendant que j'y suis, il faudrait peut-être que cette Commission de police fasse en sorte d'enlever au niveau municipal le contrôle de la police locale, la soustraire du joug du maire et des conseils de ces municipalités, pour que ces corps policiers deviennent apolitiques dans la force du mot. Qu'il y ait un minimum de contrôle et du nombre et des individus et de leurs qualifications et de ce qu'ils font, de la part du conseil, qui est élu d'une façon politique et qui a des tendances et des désirs politiques. Il faudrait, il me semble, que cette commission puisse graduellement voir à cette surveillance tout à fait nécessaire à nos corps de police municipaux pour faire disparaître toute interférence, toute ingérence et pour qu'ils

soient complètement libres d'être utilisés pour les raisons pour lesquelles ils ont été constitués, c'est-à-dire voir à l'application des lois, voir à l'assistance de la population et, enfin, détecter les crimes, s'il en existe dans le milieu où ils sont.

Je pense que le gros problème qui existe présentement, c'est que, très souvent, il y a de la part des autorités municipales de l'ingérence. C'est pour ça aussi qu'il faudrait, à l'avenir, que cette commission puisse avoir plus à dire sur l'action de la police dans nos municipalités. La municipalité doit nécessairement payer. D'un autre côté, je pense qu'il faut préserver ces gens, pour qu'ils puissent accomplir leur devoir librement, jusqu'à un certain degré, de la politique locale qui se vit et se répète tous les quatre ans, lorsqu'il y a des élections.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, je ferai simplement une brève réplique qui ne constituera pas une réponse à tout ce que nous avons entendu de la part des honorables préopinants. Une réflexion qui me venait à l'esprit en entendant le député de Robert-Baldwin, c'est que son point de vue était diamétralement opposé à celui du député de Mégantic. D'une part, le député de Robert-Baldwin réclamait l'autonomie absolue des corps policiers par rapport aux conseils municipaux, tandis que le député de Mégantic, lui, faisait l'apologie des conseils municipaux, de leur sens civique dans la direction des affaires policières et de leur désintéressement par rapport à l'action des corps municipaux de police.

M. le Président, je n'abonderai ni dans le sens de l'honorable député de Robert-Baldwin ni dans celui du député de Mégantic. La vérité est probablement entre les deux. D'une part, il faut que la police ait une certaine indépendance vis-à-vis du pouvoir politique mais, d'un autre côté, on ne conçoit pas bien qu'un corps de police travaille dans l'absolu, sans aucun contrôle des élus du peuple. Par conséquent, ce qu'il faut rechercher, je crois, lorsqu'on est dans ce domaine, c'est la formule qui assure un équilibre entre les deux pouvoirs, un respect réciproque, une action concertée, afin d'éviter des collisions et d'assurer, en somme, que la justice s'accomplisse dans les meilleurs conditions possible.

C'est la raison pour laquelle, tout à l'heure, je proposerai un amendement que les honorables députés n'ont pas encore sous les yeux et qui, à mon sens, diminuera les pouvoirs des conseils municipaux sur les directeurs ou les chefs de police. Les conseils municipaux pourront, évidemment, adopter une résolution relevant un directeur de sa fonction, mais cette résolution n'entrera en vigueur que lorsqu'elle aura été entérinée et approuvée après enquête par la Commission de police. Je pense que, dans ces conditions-là, nous aurons réalisé l'unanimité entre le député de Robert-Baldwin et le député de Mégantic.

M. le Président, simplement quelques observations. L'honorable député de Nicolet m'a tendu la perche pour que je lui réponde de l'avenir de l'Institut de police de Nicolet. Il est vrai que, lors de l'étude du budget du ministère de la Justice, j'avais manifesté quelques doutes sur l'avenir de cet institut dans les locaux qu'il occupe actuellement. Ceci n'impliquait, de ma part, aucune critique à l'égard de la formation, du programme d'entraînement, de la direction ou du personnel de l'institut. Ce sont simplement des questions qui nous venaient à l'esprit, étant donné l'investissement considérable requis par cet institut.

Mais, je dois rassurer le député de Nicolet, ce soir. L'Institut de police demeurera à Nicolet. Il peut dormir sur ses deux oreilles. Il pourra retourner à ses commettants à Nicolet et, dans cette ville au passé clérical, je dirais, presque centenaire, il pourra dire que le clergé a été remplacé par la police!

M. VINCENT: Je vais me faire aider par le vice-président de l'Assemblée nationale!

M. BERTRAND: II y a même un policier qui est devenu diacre!

M. CHOQUETTE: J'ai vu que dans la ville de Nicolet on réussissait à concilier les qualités des deux. Je suis content que le chef de l'Opposition... Enfin, même un père de huit enfants...

M. PAUL: C'est cela. Locus regit actus.

M. CHOQUETTE: Je puis dire au député de Nicolet que l'institut restera à Nicolet et que sans lui promettre des investissements considérables nous travaillons sur la base d'un programme bien organisé de façon à équiper l'institut dans son ensemble de tous les services requis pour en faire une école de plus en plus avancée, un campus policier, véritablement, qui assurera à nos jeunes policiers la meilleure formation possible.

L'honorable député de Bourget a également posé quelques questions intéressantes, à mon sens. Il s'est interrogé sur le rôle de ce centre de renseignement et de dépistage du crime. Je peux l'assurer que je partage tout à fait ses préoccupations. A mon sens, un centre de renseignements et de documentation sur le crime ne doit jamais servir contre les personnes en l'absence d'une action véritablement policière qui a pour but de faire triompher la justice et non pas d'exercer une vengeance quelconque à l'égard de qui que ce soit pour quelque motif personnel que ce soit. Il peut, je pense, dans ces conditions, être assuré que les contrôles appropriés seront exercés de façon qu'on n'utilise pas des renseignements qui sont nécessaires dans

l'action policière d'aujourd'hui à des fins autres que celles qui sont strictement ordonnées vers le triomphe de la justice. l'honorable député s'est également interrogé sur la formation qui était donnée à l'Institut de police. Je voudrais, M. le Président, à titre de colonel honoraire de l'Institut de police l'inviter à la prochaine collation des diplômes des policiers, ainsi que tous les autres députés, pour voir jusqu'à quel point en quatre mois on réussit à prendre des jeunes gens souvent indisciplinés, sans aucune tenue, sans aucune formation, souvent — je ne dirais pas délabrés, le mot serait trop fort, mais négligés, le mot, je pense, serait exact — et à en faire des personnalités tout à fait dignes de représenter leur ville et même la province auprès du peuple.

M. LAURIN: Le ministre pourrait-il me permettre une question? Si vraiment ils sont dans cet état à leur arrivée, j'ai l'impression qu'ils sont mal choisis.

M. CHOQUETTE: Non. J'ai dit négligés. J'ai dit négligés parce que l'honorable député sait qu'il y a beaucoup de laisser-aller de nos jours.

M. LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture sera-t-elle adoptée?

UNE VOIX: Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier.

Cette motion sera-t-elle adoptée?

UNE VOIX: Adopté.

Comité plénier

M. HARDY (président du comité plénier): Article 1?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 2?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 3?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 4.

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 5? Adopté. Article 6? Adopté. Article 7.

M. CHOQUETTE: L'article 7, c'est dans les nouveaux amendements.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable ministre de la Justice propose un amendement à l'article 7.

Adopté.

Article 8? Adopté?

M. PAUL: Un instant, s'il vous plaît. Adopté, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 9?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 10? Adopté?

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté?

M. PAUL: M. le Président, à l'article 30, cet amendement s'impose justement à cause de cette nouvelle politique, mise sur pied au sein de la Sûreté du Québec, qui tendrait à faire disparaître les deux régions est et ouest du Québec, ou la région de Québec et la région de Montréal, pour établir certains bureaux de districts.

M. CHOQUETTE: Conformément à la division administrative qui a été acceptée pour l'ensemble des activités gouvernementales.

M. PAUL: Oui, très bien.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 10, adopté. Article 11?

M. CHOQUETTE: L'article 11, c'est dans les nouveaux amendements, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 11, adopté avec amendement.

M. VINCENT: M. le Président, à l'article 11, est-ce que le ministre serait en mesure de nous dire... Je n'ai pas eu le temps de lire l'article, je viens tout juste de l'avoir. Je vais citer un exemple: supposons un policier de la Sûreté du Québec qui serait décédé en 1961 et dont la veuve recevrait présentement une pension d'environ $150 par mois. En vertu de l'article 11 ou de l'amendement que le ministre apporte aujourd'hui, quel serait l'ajustement de cette pension? Est-ce qu'on agirait de la même façon qu'on a agi avec les fonctionnaires provinciaux,

soit en donnant un effet rétroactif qui datait de 1962, je crois, ou si cela entre en vigueur seulement à compter du 1er janvier 1970? Je l'avoue, je n'ai pas eu le temps de lire l'article. Il vient tout juste de m'être remis.

M. CHOQUETTE: La revalorisation de la pension est faite à compter du 1er janvier 1970, mais elle est faite en fonction du salaire gagné par le défunt, à la date du 1er janvier 1970, si le défunt avait été vivant à cette date.

M. VINCENT: D'accord. Parfait.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 11, adopté tel qu'amendé.

M. LAURIN : M. le Président, est-ce que le ministre aurait un commentaire à faire sur la suggestion que je faisais en ce qui concerne l'indemnisation des policiers morts en service?

M. CHOQUETTE: L'indemnisation...

M. LAURIN: Les familles des policiers morts en service?

M. CHOQUETTE: Mais c'est justement l'objet de tous les amendements qui suivent et que le député a devant lui. Le premier article est l'article 49 a) qui vise les veuves et les enfants des officiers de la Sûreté, mais vous avez par la suite des amendements qui visent les officiers et les agents des municipalités.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 11, adopté tel qu'amendé. Article 12? Adopté.

M. SEGUIN: A l'article 11 du règlement, il s'agit, malgré que la discussion n'ait pas porté directement sur ce que je peux lire à l'article 11, 53 a), il s'agit d'un code de discipline. Est-ce que la Commission de police ferait parvenir...

M. CHOQUETTE: L'honorable député, je pense, est un peu en avance...

M. SEGUIN: Bien, je parle de l'article 11.

M. CHOQUETTE : Dans les amendements qui viennent d'être ajoutés et qui sont assez longs, il s'agit de pension, et après cela, l'article 11 dont il parle devient l'article 12 dans le nouveau projet.

M. SEGUIN: Très bien. Alors je reviendrai à l'article 12.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 12, adopté?

DES VOIX: Adopté.

M. SEGUIN: Puisque je n'ai pas les amendements, c'est assez difficile de suivre, M. le Président.

M. BERTRAND: Nous allons vous les passer.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'Opposition est mieux traitée que le parti ministériel.

M. PAUL: C'est parce qu'on fait une part plus constructive.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Ceci démontre l'impartialité du président.

M. PAUL: C'est ça.

M. SEGUIN: J'ai une question assez simple à poser au ministre de la Justice. On fait cette suggestion que les différents responsables des corps policiers devront faire parvenir à la commission, dans les 60 jours, un exemplaire de leur code disciplinaire. Cela prête à toute une série de codes variés. Est-ce que la commission ne pourrait pas, pour avantager et aider, faire parvenir aux municipalités concernées, c'est-à-dire les municipalités qui ont des corps de police, un prototype, un exemple ou un modèle de code, sur lequel les municipalités moins bien pourvues au point de vue de l'assistance, au point de vue du personnel de bureau, par exemple, en l'amendant ou en le changeant?

On aurait au moins un règlement de base sur lequel la plupart des municipalités pourraient se baser.

Je me demande si, puisqu'il en est question ici dans 60 jours, il ne serait pas assez difficile, dans certains cas et pour certaines municipalités, de rédiger ce code, qui pourrait aller complètement à côté de ce qu'on voudrait avoir en réalité.

Je soumets humblement que peut-être la commission ou le ministère pourrait faire parvenir aux municipalités de la province, par l'entremise du ministère des Affaires municipales, un exemple d'un code type, permettant ensuite aux municipalités de le modifier, de l'amender ou de le changer, mais toujours en gardant les grandes lignes de cette suggestion ou de cette proposition.

Je pense qu'il y aurait une assistance et une contribution réelles afin de s'assurer que, dans le plus bref délai possible, on pourrait obtenir à la commission un rapport de chacune des municipalités. De plus, il y aurait déjà un certain ordre d'établi puisqu'il y aurait un document de base sur lequel elles pourraient se guider.

M. CHOQUETTE: Je note la suggestion de l'honorable député. Elle me paraît avoir beaucoup de valeur et j'en ferai part au président de la Commission de police. Peut-être pourrait-on prévoir un certain code type suivant l'importan-

ce des municipalités, quitte à permettre à des municipalités, dans des cas particuliers, de déroger au code pour d'excellentes raisons. Je note la suggestion du député et si nous pouvons y donner suite, nous le ferons.

M. SEGUIN: II y aurait en plus, M. le Président, pour l'information du ministre, à prêter ou donner considération au fait que, dans beaucoup de nos villes d'importance moyenne, il y a des forces combinées de police et de pompiers. Je pense que le code de discipline devrait être rédigé de façon que, dans certains cas où les corps sont séparés, on ait un code disciplinaire distinct pour le corps de police. Dans les autres corps où il s'agit d'une combinaison des deux, il y aurait aussi un code qui s'applique aux deux fonctions puisqu'en l'occurrence, à certains moments, le policier devient pompier ou le pompier devient policier.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 13, adopté?

M. DUMONT: M. le Président, j'ai quelque réticence à accepter cet article 13 en ce sens que, pour moi, le maire d'une municipalité, c'est un peu comme l'homme à la chaise, le "Chairman", le président, l'homme très juste qui prend toujours de très bonnes décisions, et on semble vouloir donner à la Commission de police ces droits de décider. Je ne sais pas, nous avons entendu tout à l'heure des commentaires en cette Chambre, peut-être y a-t-il des maires qui, par excès de zèle, ont abusé de leurs responsabilités. S'ils s'en accusent publiquement, nous prenons leur parole et probablement parce que le ministre de la Justice se sent le Salomon québécois, a-t-il voulu en même temps servir une bonne leçon de choses à certains maires qui sont allés un peu loin!

Mais les maires que je connais personnellement ont toujours été des arbitres qui prennent des décisions très justes et ce, avec les conseillers qui les entourent. Je pense qu'à ce moment-là, ils sont mieux en mesure de juger qu'une commission municipale. Par exemple — ça dépend où les membres siégeront — si on essaie de légiférer à Montréal pour une erreur qui pourrait être commise dans le comté de Mégantic, s'il y avait des erreurs, on ne connaî-tra peut-être pas tous les problèmes à ce moment-là et il pourrait en résulter des abus.

Je ne m'opposerai sans doute pas à l'article, mais nous allons suivre de très près l'application de cet article dans le projet de loi.

M. SEGUIN: M. le Président, répondant aux commentaires qu'on vient de faire, puisque je suis maire, en plus d'être député, je dois dire que le maire et le conseiller, dans leur municipalité, sont reconnus et doivent y agir comme législateurs et non pas comme exécuteurs ou comme des gens qui voient nécessairement, immédiatement et directement à l'application de leur législation. Cela, c'est laissé.

UNE VOIX: A titre d'arbitres.

M. SEGUIN: Non même pas arbitres. Une fois que la législation est votée par le conseil municipal, de par le fait même, le geste du législateur étant posé, le policier, le directeur de police ou le chef de police assume la responsabilité de l'application de la loi adoptée par le législateur qui est le membre du conseil.

Je voudrais, une fois que la législation sera faite, que le policier ou le directeur de police soit dégagé d'une responsabilité. Nécessairement, il est responsable devant le conseil de ville; cela, je le comprends. Au point de vue de la direction et au point de vue de l'application de ses directives, il doit en assumer la responsabilité vis-à-vis d'une commission de police régissant toute la province et non pas vis-à-vis d'un conseil local ou municipal.

M. CHOQUETTE: Je voudrais seulement dire, en réponse aux deux honorables préopinants, que nous n'avons que de bons rapports sur les maires du comté de Robert-Baldwin et du comté de Mégantic.

M. SEGUIN: Je l'espère.

M. DUMONT: Nous pouvons vous signaler, M. le Président, comme il a été demandé, tout à l'heure, d'être au juste milieu, que nous avons nous aussi adopté un slogan, qui est "ordre nouveau" et qui permettra le juste milieu.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 13, adopté. Article 14? Adopté tel qu'amendé?

M. BERTRAND: Oui.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 15? Adopté. Article 16?

M. BERTRAND: Adopté;

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 17?

M. BERTRAND: Adopté.

M. HARDY (Président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que le comité a étudié le projet de loi no 47 et l'a adopté avec des amendements.

M. LAVOIE (Président): Est-ce que ces résolutions sont agréées? Agréé.

M. PAUL: Oui, M. le Président, agréé.

Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la troisième lecture du projet de loi no 47, Loi modifiant la Loi de police. Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté de consentement unanime.

M. LEVESQUE: Article onze.

Projet de loi no 56 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la deuxième lecture du projet de loi no 56, Loi modifiant de nouveau la Loi des tribunaux judiciaires.

L'honorable ministre de la Justice.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce bill et il en recommande l'étude à la Chambre. Il s'agit d'un certain nombre d'amendements à la Loi des tribunaux judiciaires, qui ne requièrent pas de présentation. Par conséquent, M. le Président, je propose que nous allions en comité immédiatement.

M. LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. BERTRAND: Adopté. Nous allons en comité.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

Comité plénier

M. HARDY (Président du comité plénier): Article 1.

M. PAUL: M. le Président, je ne voudrais pas entrer dans les secrets du ministre, mais sans doute a-t-il consulté les autorités du gouvernement central pour que cet amendement à la loi devienne actualisé dans un avenir rapproché, c'est-à-dire après son adoption. Je présume que le mécanisme de consultation habituel a été appliqué dans les circonstances.

M. CHOQUETTE: Oui. l'honorable député comprendra que j'ai été en communication avec le ministre de la Justice et que j'ai promis de lui donner les justifications statistiques nécessaires à l'accroissement du nombre de juges. Il faut noter qu'actuellement le nombre de juges est de 12 et que ce chiffre n'a pas varié depuis 1921, à la cour d'Appel. Alors, je pense que je pourrai satisfaire facilement les autorités fédérales.

M. BERTRAND: Est-ce que la demande a été formulée par le juge en chef?

M. CHOQUETTE: Le juge en chef de la cour d'Appel.

M. BERTRAND: II vous a demandé d'augmenter le nombre.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 1, adopté? Adopté. Article 2?

M. LEVESQUE: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 3?

M. BERTRAND: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 4? Adopté.

M. CHOQUETTE: L'article 4 vise à corriger des erreurs commises lors de la préparation d'une loi précédente et ne change absolument rien à la question du régime des pensions.

M. DUMONT: Quel est le montant des pensions que les juges reçoivent actuellement?

M. CHOQUETTE: Cela dépend des conditions dans lesquelles ils prennent leur pension.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 4 adopté. Article 5, adopté. Article 6?

M. FOURNIER: J'aurais certaines remarques à faire. Je dois mentionner la situation particulière de la cour Provinciale dans le district judiciaire de Hull. A cet effet, j'aimerais renseigner la Chambre sur les activités de cette cour qui nécessiteront la nomination d'un quatrième juge. Il y a présentement trois juges de la cour Provinciale: les honorables juges Arthur Labbé, Avila Labelle et Orvile Frenette.

Les statistiques judiciaires pour le district indiquent qu'il y a eu une augmentation sensible des causes civiles depuis que des modifications ont été apportées à la juridiction de la cour Provinciale. L'augmentation s'est fait sentir lorsque la juridiction a été augmentée à $1,000 et elle se fait sentir davantage depuis qu'elle est passée à $3,000. Les causes civiles ont augmenté. A la fin de 1962, il en restait dix. A la fin de 1968, il y avait 180 causes civiles en suspens. En 1969, il y en avait 260 et, présentement, il y a 386 causes civiles qui sont sur le rôle et qui attendent des juges.

Parmi ces causes, il y en a 108 dont le litige s'établit au-dessus de $1,000, de sorte que la

situation est assez difficile. Le nombre des poursuites pénales et statutaires dans Hull a augmenté. En 1965, le total se chiffrait par 3,114 poursuites pénales et statutaires. Il est passé, en 1968, à 4,108. En 1969, il était de 4,467 poursuites pénales et statutaires et, cette année jusqu'à maintenant, il y a eu 1,261 causes en vertu du code criminel et 2,493 causes statutaires, de sorte que le total, pour cette année, à ce jour, est de 3,754.

Je dois dire que cette situation est causée par le district que nous occupons qui est situé près de la région ontarienne. Je ne dis pas que tous ceux qui commettent des offenses nous viennent de la province voisine. Cependant, ils participent grandement, à cause de la quantité de la population, aux activités des tribunaux, de sorte que, cette année, jusqu'ici, nos juges ont eu à entendre 3,754 causes criminelles. Les trois juges qui siègent dans le district de Hull sont appelés à siéger aussi dans le district de Pontiac. Ici, on me donne, pour l'année 1969, 773 poursuites pénales et statutaires.

Je dois dire à l'avantage des honorables juges qui siègent à Hull qu'ils ont accompli un travail très considérable. J'ai devant moi le nombre des jours de séance qu'ils ont tenues dans le district. Il y a eu 412 jours de séance cette année, de sorte que chacun des juges a siégé au maximum. Le travail prend du retard quand même à cause de l'augmentation de juridiction. Il est donc important et opportun, vu cette augmentation de juridiction, que le gouvernement voie à la nomination d'un quatrième juge de la cour Provinciale relativement aux affaires civiles et criminelles, de façon à empêcher la multiplicité des retards dans l'administration de la justice.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les arguments soulevés par le député de Gatineau. Disons que la situation qui vient de nous être signalée n'est pas exclusive à son district judiciaire. Quand on envisage, M. le Président, les modifications qui ont été apportées à la juridiction de la cour Provinciale, soit l'article 34 du code de procédure civile, on voit qu'il y a eu déplacement massif de la cour Supérieure à la cour Provinciale dans tous les districts judiciaires.

Et je crois que le district actuellement qui mérite le plus d'attention de la part des autorités du ministère de la Justice, c'est votre district, M. le Président, où il existe une accumulation de causes, tant au niveau de la cour Supérieure, de la cour Provinciale et de la cour des Sessions de la paix, qui, en certaines circonstances pourraient appeler certains commentaires désagréables jusqu'à même employer l'expression "déni de justice", non pas parce que les officiers ne travaillent pas, non pas parce que les juges ne travaillent pas, mais cette situation, fort intéressante, qui vient de nous être décrite par l'honorable ministre d'Etat, se retrouve à tous les niveaux de tous les districts judiciaires parce qu'il y a, en raisonnement simpliste, trois fois plus de causes à la cour Provinciale qu'il n'y en avait autrefois, c'est-à-dire depuis le mois de juillet 1970, en 1969 c'était $1,000, en 1970 c'est devenu $3,000 et certaines modifications apportées à cette session-ci donnent aujourd'hui nécessairement une accumulation de causes au niveau de la cour Provinciale.

Pour ce qui est de la situation dans le district judiciaire de l'honorable député, je crois que le développement fantastique qui se produit à Lucerne, à Gatineau, et à la ville de Deschênes amène là une population qui a quasiment doublé de densité depuis peut-être une dizaine d'années. Je ne dirai pas que c'est la rançon du progrès, mais dans ce district judiciaire, il y a des besoins, je l'admets. Mais ce soir, je crois que nous devons nous pencher sur une situation toute particulière qui existe dans deux districts judiciaires spécialement, ceux de Terrebonne et de Joliette.

Je crois que vous avez là les deux districts judiciaires où il y a suffisamment de juges, mais peut-être un manque d'espace pour corriger une situation pour que nos tribunaux puissent siéger davantage. Et je ne suis pas personnellement frappé quand l'honorable ministre nous parle de 412 jours de session à trois juges par année, ce qui fait une moyenne d'à peu près 104 jours chacun. Alors ce n'est pas un argument très fort, mais l'honorable ministre a eu raison de faire ces commentaires pour satisfaire sans doute à des demandes qui lui ont été faites par des membres de son barreau. Je suis sûr que le ministre de la Justice, avec le discernement et l'expérience de ses fonctionnaires, verra à répartir ces nouveaux juges dans les districts où le besoin est le plus pressant.

M. BERTRAND: Très bien.

M. FOURNIER: Seulement un mot à ajouter. Sur ce nombre de jours, il faut penser nécessairement aux délibérés que les juges ont à faire.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 5, adopté. Article 6.

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 7.

M. PAUL: Adopté.

M. BERTRAND: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 8.

M. BERTRAND: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté.

M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que le comité a étudié le projet de loi no 56 et l'a adopté sans amendement.

Troisième lecture

M. LAVOIE (président): L'honorable ministre de la Justice propose la troisième lecture du projet de loi no 56, Loi modifiant de nouveau la Loi des tribunaux judiciaires.

Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

M. LEVESQUE: Article 12.

Projet de loi no 62 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la deuxième lecture du projet de loi no 62, Loi modifiant la Loi des poursuites sommaires.

UNE VOIX: Adopté.

M. CHOQUETTE: Comité.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier.

Cette motion sera-t-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

Comité plénier

M. HARDY (président du comité plénier): A l'ordre!

M. CHOQUETTE: M. le Président,... M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 1?

M. CHOQUETTE: ... à l'occasion de l'article 1...

M. LE PRESIDENT (Hardy): Excusez.

M. CHOQUETTE: ... je voudrais quand même remercier le juge Potvin ainsi que ses collègues de la cour des Sessions de la paix qui ont fait un travail d'étude et de mise au point de notre Loi des poursuites sommaires. Ils ont présenté un rapport, et de ce rapport nous avons tiré un certain nombre d'amendements qui sont contenus dans la loi que j'ai l'honneur de présenter ce soir, de façon à moderniser notre Loi des poursuites sommaires.

Alors, je pense, M. le Président, qu'il s'imposait que je leur exprime, publiquement, nos remerciements pour le travail qu'ils ont accom-pli.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 1, adopté?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 2? Adopté?

M. PAUL: M. le Président, à l'article 2, je me demande quelle est la justification de cette définition qu'on y trouve, spécialement à l'avant-dernière ligne et à la dernière ligne: "... soit dans toute circonscription que l'aéronef a survolée au cours de cette envolée." Pourquoi ne dit-on pas tout simplement: Entre le point de départ et le point d'arrivée, ou le point de départ et le point de destination? A ce moment-là, on englobe tout le champ visé par l'amendement qu'on veut apporter à cet article-là. Soit dans la circonscription où l'envolée a commencé, soit dans les lieux où elle...

M. CHOQUETTE: Est-ce que l'honorable député...

M. PAUL: ... a pris fin.

M. CHOQUETTE: ... accepterait de suspendre l'étude de cet article?

M. PAUL: Je suis sûr, M. le Président, que le ministre verra que cela devient un peu confus quant à la lecture de cette dernière partie...

M. CHOQUETTE: C'est qu'en...

M. PAUL: ... de la phrase ou de l'amendement qui devient, à mon humble point de vue, de la redondance inutile.

M. CHOQUETTE: En somme, l'aéronef est censé avoir traversé tous les districts judiciaires à partir du point de départ jusqu'au point d'arrivée. Par conséquent, on laisse...

M. BERTRAND: Alors, il survole, au départ, le district d'où il part, il survole, à l'arrivée, le district où il atterrit. Alors, il a vu déjà ces deux districts-là...

M. PAUL: Et les districts qu'il a traversés.

M. BERTRAND: "... soit dans toute circonscription que l'aéronef a survolée au cours de cette envolée." Il a survolé au point de départ et il a survolé au point d'arrivée et il a survolé pendant. Alors, il y a...

M. CHOQUETTE: Oui, mais le survol impli-

que qu'il n'y a pas eu de départ ni d'arrivée. Le survol...

M. PAUL: Bien...

M. CHOQUETTE: Cela me rappelle...

M. BERTRAND: II ne faut pas être plus catholique que le pape.

M. PAUL: Ou bien, entre le point de départ et le point d'arrivée.

M. CHOQUETTE: Dans tout district judiciaire, entre le point de départ...

M. BERTRAND: En plus, si cela s'est produit à bord d'un aéronef, il y a un point de départ et un point d'arrivée. Pourquoi les districts...

M. CHOQUETTE: C'est que cela peut même représenter un avantage pour celui qui...

M. BERTRAND: Voici. Cette rédaction-là doit venir à la suite d'un cas qui s'est présenté, et peut-être que le ministre de la Justice a des informations qui permettraient d'appuyer cet article.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je n'ai pas de cas précis. Il s'agit, en somme, d'arrêter la compétence des tribunaux au point de vue des infractions qui peuvent être commises à bord d'un aéronef.

Evidemment, on peut être assez restrictif et limiter cela au district d'où l'avion a décollé et au district où il a terminé sa course. Par ailleurs, il y a les districts qui ont été traversés par l'aéronef. Cela nous donne un peu plus de latitude. Je serais bien prêt à accepter une suggestion disant: "Dans toute circonscription territoriale où l'envolée a commencé et s'est poursuivie jusqu'à sont point d'arrivée."

M. BERTRAND: A ce moment-là, vous choisirez n'importe quel district.

M. CHOQUETTE: Exactement.

M. BERTRAND: Si vous survolez le district de Rimouski, vous pourrez déposer la plainte dans le district de Rimouski. Si vous arrivez dans le district de Gaspé, vous déposerez la plainte à Gaspé ou à Percé.

M. CHOQUETTE: Le texte de l'article 2 est ainsi fait. C'est que le situs de la commission de l'infraction est dans l'un ou l'autre de ces districts judiciaires. C'est pour donner compétence au tribunal, purement et simplement.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 2 adopté.

Article 3?

UNE VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 4?

UNE VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 5?

M. BERTRAND: Pas trop vite, M. le Président.

M. PAUL: Une demi-minute, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Hardy): On arrête à l'article 5?

M. PAUL: Non, non.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 5?

M. BOURASSA: Adopté.

M. PAUL: C'est jeudi, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 5 adopté.

Article 6?

UNE VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 7?

M. BOURASSA: Adopté.

M. PAUL: M. le Président, le premier ministre pourrait-il nous dire ce que dit l'article 7?

M. BERTRAND: Le premier ministre vient en Chambre, habituellement...

M. BOURASSA: M. le Président, je puis dire exactement ce que c'est.

M. BERTRAND : Oui mais le premier ministre me permettrait certainement...

M. BOURASSA: "L'article 16 de ladite loi est remplacé par les suivants...

M. PAUL: Mais qu'est-ce que cela veut dire?

M. BOURASSA: "La signification à une corporation se fait soit à son siège social, soit à son bureau...

M. BERTRAND: C'est cela.

M. BOURASSA: "... d'affaires dans la province, soit au bureau de son agent dans la circonscription territoriale où la contravention a été commise, en s'adressant à l'un de ses

officiers ou à une personne ayant la garde du bureau. "Une corporation comparaît par avocat ou par l'un de ses officiers généralement ou spécialement autorisé." C'est clair.

M. BERTRAND: C'est cela. La lecture est excellente. Je constate, M. le Président, que, lorsque le premier ministre vient en Chambre, c'est un peu comme une détente.

M. PAUL: C'est cela.

M. BERTRAND: A l'occasion, il vient ici pour se détendre.

M.BOURASSA: Avec le chef de l'Opposition, je pense que c'est normal.

M. BERTRAND: Je ne le blâme pas de se trouver cette détente, mais c'est ce qu'il fait.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Revenons à l'article 7 pour l'adopter. Adopté. Article 8?

M. PAUL: Oui, oui, d'accord. Parce que vous le demandez, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté.

Article 9?

Adopté.

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Adopté. Article 10? Adopté. Article 11? Adopté. Article 12? Adopté. Article 13? Adopté.

M. VEILLEUX: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 14? Adopté.

DES VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 15? Adopté. Article 16? Adopté. Article 17?

M. PAUL: M. le Président, au deuxième paragraphe de l'article 17, amendant l'article 44, dois-je comprendre que le ministre a l'intention de changer les formules de rapport qui sont en usage au ministère depuis de nombreuses années?

M. CHOQUETTE: Pardon? J'étais distrait. Je n'écoutais pas le député de Maskinongé.

M. PAUL: A l'article 17, deuxième paragraphe de l'article 44. "Le procès-verbal est dressé suivant un modèle approuvé par le lieutenant-gouverneur en conseil et est contresigné par un juge de paix". Pour fins de statistiques en vue de l'établissement de l'électronique au ministère de la Justice, est-ce l'intention du ministre d'adopter une nouvelle formule de compilation de rapports? Est-ce pour ça qu'on amende l'article 44?

M. CHOQUETTE: J'attire l'attention de l'honorable député sur la portée exacte de l'article 17 qui ne vise que le jugement rendu par le juge.

M. PAUL: Oui.

M. CHOQUETTE: Alors, en somme, le jugement pourrait être...

M. PAUL: Au procès-verbal.

M. CHOQUETTE: ... écrit au procès-verbal par le greffier, mais à la condition qu'il soit contresigné par le juge de paix. Maintenant, quant à savoir comment nous allons recueillir les statistiques sur les jugements rendus, eh bien, je pense qu'on devra s'en rapporter aux chiffres qui nous seront donnés par les greffiers au sujet des condamnations et des amendes accordées.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 17, adopté. Article 18? Adopté. Article 19?

M. PAUL: M. le Président, à l'article 19, est-ce que les nouveaux tarifs sont prêts?

M. CHOQUETTE: Non, mais on peut tenir pour acquis qu'ils seront similaires à ceux du code de la route.

M. PAUL: Ah! très bien.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 19? Adopté. Article 20? Adopté. Article 21? Adopté.

M. BERTRAND: Quand il y a un mandat de saisie.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 22? Adopté. Article 23? Adopté. Article 24? Adopté. Article 25? Adopté.

M. PAUL: Articles 24, 25, 26, 27.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 26?

Adopté. Article 27? Adopté. Article 28?

Adopté. Article 29? Adopté. Article 30? Adopté.

M. BERTRAND: En avez-vous d'autres? M. PAUL: Amenez-en.

M. HARDY (Président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport

que le comité a procédé à l'étude du projet de loi numéro 62 et l'a adopté sans amendement.

M. LE PRESIDENT: La troisième lecture. L'honorable...

M. DUMONT: M. le Président, je voulais faire remarquer que nous avons justement au cours de la semaine — avant l'adoption en troisième lecture — demandé qu'on porte une attention spéciale quand il y a des projets de loi de l'importance de celui qui vient de nous être présenté — 30 articles par exemple — afin que nous ayons de la part du gouvernement une préparation avec la loi actuelle, la loi que l'on propose et les notes explicatives à côté.

Alors, au lieu d'adopter les lois à la vapeur comme nous le faisons, nous serions peut-être...

M. BOURASSA: Ce sont des articles de concordance.

M. DUMONT: ...en mesure de mieux juger de l'importance de la loi.

Mais puisque le ministre de la Justice, tout à l'heure, semblait se poser la question et je me la pose, à l'article 2, "Soit dans toute circonscription que l'aéronef a survolée au cours de cette envolée", pourquoi ce terme est-il ajouté? Le ministre peut-il maintenant nous fournir des détails?

M. CHOQUETTE: C'est parce que, lorsqu'une infraction est commise dans un avion, nous ne savons pas dans quel district l'infraction a été commise. Prenons un avion qui part de Baie-Comeau et qui s'en irait à Ottawa. L'infraction commise à bord d'un aéronef peut être commise dans le district de Baie-Comeau, dans le district de Québec, dans le district de Saint-Hyacinthe, dans le district de Montréal, dans le district de Hull, dans le district de Pontiac, peut-être. C'est pour donner le choix au plaignant de porter sa plainte dans le district.

M. BERTRAND: II peut atterrir en cours de route. Il sera arrêté à Trois-Rivières.

M. CHOQUETTE: L'honorable député peut tenir pour acquis que ça ne se produira pas souvent.

M. VEILLEUX: A Saint-Jean.

M. BOURASSA: II convient que la Chambre ait une détente, d'après les remarques que je viens d'entendre.

Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: Cette motion de troisième lecture est-elle adoptée?

M. PAUL: Oui, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement...

M. PAUL: Un instant, M. le Président. Je ne peux pas concevoir que nous allons terminer la journée à dix heures cinq.

M. BERTRAND: Nous sommes prêts à continuer.

M. PAUL: Tout à l'heure, il y a une phrase que le président des comités a échappée.

M. LE PRESIDENT: Est-ce sur la motion d'ajournement?

M. PAUL: Oui. C'est sur cela.

M. LEVESQUE: M. le Président, je n'ai pas encore formulé la motion.

M. PAUL: Mais je veux faire une suggestion au leader. Le président des comités a échappé tout à l'heure une phrase que je voudrais appuyer positivement, en suggérant au leader du gouvernement d'appeler, même si c'est en appendice au feuilleton, la motion qui est inscrite au nom de l'honorable député de Terrebonne. Je crois que la discussion ne sera pas trop longue et nous pourrions libérer d'autant notre feuilleton du jour.

M. LEVESQUE : Je trouve la suggestion excellente. Je crois même qu'il y a là une mesure d'économie parce que...

M. PAUL: C'est ça.

M. LEVESQUE ... demain le feuilleton n'aura pas à porter l'inscription mentionnée par le député de Maskinongé.

Chaque fois que de tels cas se présenteront, je serai très heureux de manifester ma collaboration et le même esprit qui a animé nos amis d'en face au cours de cette journée qui nous a permis d'adopter ces quatre projets de loi.

M. BOURASSA: Merci, merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Terrebonne.

M. HARDY: M. le Président

M. HARDY: M. le Président, mes explications sont très brèves. En vertu de la coutume, je demande tout simplement que la fabrique de Sainte-Adèle soit remboursée des sommes qu'elle a dû déposer ici pour un projet de loi qui est devenu caduc et qui a été remplacé par un autre projet de loi.

Je pourrais évidemment faire une grande

thèse sur les difficultés financières, que traversent présentement les fabriques, mais je sais que mes collègues comprendront et accepteront à l'unanimité cette motion.

M. PAUL: Pourrais-je demander à l'honorable député quand aura lieu le "party"?

M. HARDY: Le?

M. BERTRAND: Le "party".

M. PAUL: Le "party".

M. BERTRAND: A Sainte-Adèle-en-Haut.

M. LE PRESIDENT: Cette motion sera-t-elle adoptée? Adopté.

M. PAUL: Adopté.

M. LACROIX: II y a un baril de vin de messe qui s'en vient.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain matin, vendredi, à dix heures trente.

M. BERTRAND: Nous étions prêts à continuer jusqu'à onze heures.

M. LEVESQUE: Je connais votre...

M. BERTRAND: Non, non. Nous savons que votre ministre de l'Agriculture n'est pas prêt, ce soir.

M. LEVESQUE: Vous allez voir, demain matin à dix heures trente...

M. BERTRAND: ... pour discuter de la loi sur le cidre.

M. VINCENT: Le député de Rouville n'était pas là.

M. BERTRAND: Nous allons excuser le député de Champlain et ministre de l'Agriculture même si nous étions prêts à continuer jusqu'à onze heures.

M. LEVESQUE: Je ne voudrais pas être injuste ainsi envers le ministre de l'Agriculture. Je crois que s'il y a une responsabilité à assumer, je dois l'assumer entièrement car j'avais prévu que les travaux dureraient un peu plus longtemps. J'étais un peu dans l'esprit du député de Mégantic, probablement, lorsque j'ai fait le calcul du temps que cela prendrait pour les quatre projets de loi présentés par le ministre de la Justice. C'est pourquoi j'ai dit au ministre de l'Agriculture, qui était évidemment retenu par beaucoup d'autres travaux — il n'y a pas seulement ce projet de loi qui l'occupe — qu'il pouvait continuer son travail ce soir et que nous l'attendions ici demain matin.

S'il y a quelqu'un de responsable, j'assume toute la responsabilité.

M. PAUL: L'honorable député me permettrait-il une question?

M. LACROIX: Avec le consentement du whip.

M. PAUL: M. le Président...

M. BERTRAND: On ne l'a pas vu depuis quelques jours.

M. PAUL: Dans la projection du temps qu'a pu faire le leader, est-ce que par hasard il avait présumé que le premier ministre serait plus longtemps en Chambre aujourd'hui?

M. BOURASSA: II n'avait peut-être pas présumé la collaboration positive et l'opposition constructive de l'Opposition officielle.

M. DUMONT: M. le Président, les jeudis passent mais ne se ressemblent pas.

M. BERTRAND: C'est votre meilleure depuis un bon moment!

M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne ses travaux à demain matin, dix heures trente.

(Fin de la séance 22 h 9)

ANNEXE Commission permanente des Finances

Projet de loi no 58

Loi modifiant la loi concernant l'établissement par Sidbec d'un complexe sidérurgique intégré

Séance du mercredi 9 décembre 1970

TABLE DES MATIERES

Nombre d'actions.................................... 2167

Rentabilité ........................................ 2168

Prévisions......................................... 2169

Gisements......................................... 2170

Ferraille.......................................... 2170

Exploitation minière.................................. 2171

Exportation ....................................... 2172

Ventes........................................... 2176

Déficit........................................... 2179

Ajournement....................................... 2180 Séance du jeudi 10 décembre 1970

Etobicoke......................................... 2180

Approvisionnement de métal ............................ 2180

Aciers spéciaux ..................................... 2181

Concurrence ....................................... 2181

Parcs d'automobiles .................................. 2182

Marchés.......................................... 2183

Développement industriel .............................. 2184

Recherche......................................... 2185

Autres compagnies................................... 2185

Projet de loi no 57

Loi modifiant la charte de la

Caisse de dépôt et placement du Québec

Séance du jeudi 10 décembre 1970

Aliénation d'immeubles................................ 2187

Placements immobiliers................................ 2188

Politique de la caisse.................................. 2189

Placements........................................ 2190

Fonds de développement industriel ........................ 2194

Ajournement....................................... 2196

Annexe

Commission permanente des Finances

Projet de loi no 58 Loi modifiant la loi concernant

l'établissement par Sidbec d'un complexe sidérurgique intégré

Séance du mercredi 9 décembre 1970 (Dix-sept heures vingt-quatre minutes)

M. HOUDE (Limoilou): (président de la commission permanente des Finances): A l'ordre, messieurs!

M. BERTRAND: Si le président veut ouvrir la séance. M. Roy, entre autres, a des questions à poser à M. Gignac.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais le ministre des Finances, s'il vous plaît.

M. GARNEAU: A l'article 1. M. LE PRESIDENT: Article 1, bill 58. Nombre d'actions

M. GARNEAU: II s'agit de porter de 6 millions à 9 millions 600 mille le nombre d'actions et dividendes différés. Ce qui devrait dire que, d'après la charte, il resterait 400 mille actions à dividendes différés qui seraient non émises.

M. PAUL: Le nombre d'actions, M. le Président, est de 10 millions?

M. GIGNAC: 20 millions.

M. GARNEAU: 10 millions d'actions ordinaires et 10 millions d'actions à dividendes différés.

M. GIGNAC: Le gouvernement a seulement acheté, d'ailleurs de son propre accord, les actions à dividendes différés.

M. JORON: Si vous le permettez, dans quel but avait-on payé ces deux classes de capital?

M. GIGNAC: Je pense qu'elle existaient déjà dans Sidbec, au moment de la formation de Sidbec — pour quelles raisons ont-elles, à ce moment-là...

M. GARNEAU: Elles existaient dans la charte de Sidbec et il avait été convenu qu'il faudrait qu'il y ait au moins une moyenne de $1 de profit par action avant de pouvoir les transférer en actions ordinaires et recevoir des dividendes. Mais la raison pour laquelle...

M. ROY (Beauce): Pardon? Je n'ai pas très bien compris. Combien de profit par action?

M. GIGNAC: C'est $1, de mémoire.

M. ROY (Beauce): C'est $1 minimum. C'est dans la charte, ça?

M. GIGNAC: Dans la charte, oui. M. GARNEAU: Cela remonte...

M. ROY (Beauce): C'est parce que, si on se réfère à la loi, il y a 15 millions d'actions d'autorisées.

M. GIGNAC: II y a 20 millions.

M. ROY (Beauce): Cela a été changé il y a quelque temps. Mais dans l'ancienne loi...

M. GIGNAC: Est-ce que vous avez le bill 66?

M. ROY (Beauce): C'est le chapitre 77.

UNE VOIX: Cela a été changé par la suite, ça?

M. GIGNAC: En 1968.

M. ROY (Beauce): C'est la loi sanctionnée le 5 juillet 1968.

M. GIGNAC: II est censé y avoir, si je me souviens bien 10 millions d'actions à dividendes différés et 10 millions d'actions ordinaires.

M. ROY (Beauce): A l'article en bas, oui.

M. GARNEAU: Vous avez ça dans la loi... Les détenteurs de ces actions, des actions à dividendes différés, n'auront droit à cette conversion en dividendes ordinaires que lorsque la compagnie aura d'après ses états financiers approuvés par ses administrateurs, réalisé au cours de deux exercices financiers consécutifs de 12 mois...

M. TETREAULT: M. le Président, on ne comprend rien!

M. GARNEAU: Y a-t-il quelque chose qui ne fonctionne pas?

M. TETREAULT: Ce n'est pas assez fort. On ne comprend absolument rien.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous pourriez faire un peu moins de bruit?

M. GARNEAU: Je mentionnais que les actions...

UNE VOIX: Ah, ah!

M. GARNEAU: Je pense que le micro ne fonctionnait pas. Je mentionnais donc que les actions à dividendes différés pouvaient être converties en actions ordinaires. Les détenteurs de ces actions, à dividendes différés, n'auront droit à la conversion en actions ordinaires que lorsque la compagnie aura, d'après ses états financiers approuvés par ses administrateurs, réalisé, au cours de deux exercices financiers consécutifs de 12 mois chacun, un bénéfice net, déductions faites de toutes taxes — parce qu 'à ce moment-là c'était une charte privée — dont la somme globale, pour les deux exercices, divisée par deux, sera égale à au moins un dollar par action en cours à la fin du premier de ces deux exercices.

M. ROY (Beauce): C'est un dollar net, cela? M GARNEAU: Oui.

M. ROY (Beauce): C'est un dollar net, les impôts payés. Maintenant — là, je ne suis pas au courant — est-ce que Sidbec, par exemple, serait tenue de faire ses rapports d'impôt comme d'autres sociétés, ou si Sidbec en est exemptée?

M. GIGNAC: Elle les fait.'

M. ROY (Beauce): Elle les fait?

M. GIGNAC: On les a déposés d'ailleurs en 1969. On a déposé des états financiers —je ne sais pas si vous les avez eus, en tout cas, j'en ai envoyé...

M. ROY (Beauce): Je les ai eus. D'ailleurs, j'y ai fait certaines références tout à l'heure, en Chambre, et je veux vous féliciter de votre rapport. Je l'ai lu avec beaucoup d'attention. D'ailleurs, il y avait beaucoup d'indications là-dedans qui nous ont fourni la lumière nécessaire pour nous prononcer sur le projet de loi.

Alors, ce sera un dollar l'action une fois les impôts payés. C'est un dollar net ou un dollar avant impôt?

M. GIGNAC: Après toutes déductions.

M. ROY (Beauce): Après toutes déductions d'impôt.

M. GIGNAC: Amortissements, impôts...

M. ROY (Beauce): Pour deux années de suite?

M. GIGNAC: Oui.

M. ROY (Beauce): Au sujet de la répartition des actions, je pense que la totalité des actions est détenue par le gouvernement. C'est cela?

M. GIGNAC: II y a à peu près 50 actions qui sont détenues par les administrateurs actuels, des actions de qualification, et qui, de toute façon, sont endossées par les détenteurs, qui sont remises au Trésor.

M. ROY (Beauce): C'est la deuxième question que je voulais vous poser. D'ailleurs, cela répond à la question parce que j'ai remarqué qu'il y avait un certain nombre d'actions qui étaient calculées séparément ici.

M. TETREAULT: Sur les actions que le gouvernement achète, on remarque que ce sont toujours des actions différées. Est-ce que le gouvernement, quand il fait un investissement, est obligé d'acheter strictement des actions différées?

Rentabilité

M. GIGNAC: Je pense que c'est une question de choix ou de goût. Le gouvernement aurait peut-être pu acheter des actions ordinaires, mais on n'aurait tout simplement pas payé de dividendes. Peut-être que M. Prieur pourrait confirmer cette affirmation. Je pense que, normalement, quand quelqu'un détient des actions ordinaires, il semble normal que le plus rapidement on paie des dividendes, le mieux c'est. Je pense que le gouvernement a voulu indiquer, en achetant des actions à dividendes différés, qu'il était évident que cela prendrait quelques années avant que la compagnie puisse faire des profits.

M. ROY (Beauce): Cela peut prendre combien d'années, d'après vous...

M. GIGNAC: Pour faire des profits, à Sidbec?

M. ROY (Beauce): Oui.

M. GIGNAC: Disons que je pense que l'année 1973 sera le point tournant.

Ce sera un gros point tournant en fait, parce que tout converge vers l'année 1972, pour, d'une part, avoir tous nos équipements de fabrication d'acier en marche, rodés, avec la main-d'oeuvre entraînée et, d'autre part, pour mettre sous contrôle certains équipements qui ne l'étaient pas lorsque nous avons pris la charge de Dosco.

Au milieu de 1972, on prévoit qu'on se retrouvera avec une compagnie rentable et qui devrait à partir de ce moment, l'être toujours, à moins qu'il y ait des choses imprévisibles qui se produisent et qui nous empêchent de faire des profits. Actuellement — je ne sais pas jusqu'à quel point on vous a donné des informations — mais nous sommes extrêmement dépendants des marchés extérieurs pour nous procurer, disons, de l'acier primaire, des billettes et

lingots, et nous sommes obligés de payer des prix exorbitants. Si nous ne payons pas ces prix, nous perdrons les marchés que nous avons. Construire un marché dans le domaine de l'acier, cela coûte énormément cher, et je pense qu'il est important que nous gardions nos clients.

C'est pour cela que cette année, en 1970, de même qu'en 1971, d'une façon consciente, sachant que les prix seraient exorbitants, nous avons décidé d'acheter l'acier où que ce soit — je ne dirais pas à des prix de fou, mais c'est presque cela, dans le fond — au prix du marché, qui est un prix très élevé, surtout aux Etats-Unis. Nous devons acheter cet acier pour être capables de pourvoir à la demande de nos clients.

M. PAUL: Excusez-moi, est-ce que je pourrais vous poser une question? Est-ce que c'est dans les projets de Sidbec de fabriquer de l'acier à partir du minerai transformé par toutes les opérations d'une sidérurgie?

M. GIGNAC: Oui.

Prévisions

M. PAUL: Est-ce que vos prévisions, votre projection vous permettraient de risquer sans imprudence une année comme étant susceptible d'être atteinte pour la production, à partir du minerai de base de l'acier, pour consommation commerciale?

M. GIGNAC: Voici quelles sont nos prévisions. Dans les projets que nous avons soumis, les prévisions que nous avons faites, comportent trois étapes très distinctes l'une de l'autre.

La première étape, la plus immédiate, celle qui nous aidera à éliminer le paiement de ces sommes exorbitantes que l'on paie pour l'acier primaire, c'est l'installation de fours électriques à Contrecoeur et à l'usine de Montréal, parce qu'il y a aussi là une installation de fours électriques qui est en voie de se faire ou qui a commencé. Ces fours vont être alimentés au départ par de la ferraille. Evidemment, cela va demander un apport de ferraille assez considérable, de l'ordre de 700,000 tonnes en 1972. Cela veut dire que le marché québécois ne peut fournir la ferraille en question. Il faut l'importer. Cela va nous coûter je ne dirais pas nécessairement plus cher, parce que dans le moment, assez curieusement, la ferraille de Détroit coûte moins cher que celle de Québec. Je ne sais pas pourquoi, mais passons.

M. PAUL: Quand vous parlez de ferraille, vous ne parlez pas du minerai.

M. GIGNAC: Non, je parle de la "scrap". M. PAUL: La "scrap" de métal.

M. GIGNAC : Oui. Cela va nous permettre de faire fonctionner nos fours électriques et d'entraîner notre main-d'oeuvre, bien que, dans le moment, nous ayons déjà deux fours électriques et que nous soyons très bien placés pour entraîner cette main-d'oeuvre. Cela va quand même nous permettre de nous dégager de l'emprise sous laquelle nous sommes présentement quant à la fourniture d'acier primaire. La deuxième étape est ce que j'appelle...

M. JORON: Si vous me le permettez, la première va durer combien de temps environ?

M. GIGNAC: Je prévois qu'à peu près à ce temps-ci, l'an prochain, la première fournaise va entrer en fonction. La deuxième devrait être installée et prête vers le mois de février 1972.

M. JORON : Je veux dire la période pendant laquelle vous vous alimentez en ferraille avant d'en arriver au minerai va durer combien de temps?

M. GIGNAC: J'arrive à ce point-là. Disons qu'en mars 1972 tout ce que l'on avait prévu pour fondre des boulettes métallisées ou de la "scrap", de la ferraille, va être installé et va fonctionner, excepté qu'au début cela va fonctionner seulement avec de la ferraille. La deuxième étape, qui va se faire en même temps ou, du moins, qui va démarrer assez rapidement, va être l'installation d'une usine pour faire ce que l'on appelle du fer éponge ou du fer métallisé.

Qu'est-ce que le fer métallisé? Je pense que vous êtes tous ici assez au courant de ce qui se fait à Pointe-Noire avec des boulettes d'oxyde de fer.

C'est une opération qui consiste à faire passer la teneur en fer de 66 p. c. à 94 p. c. ou 95 p. c. de ces boulettes ou d'un concentré de fer. C'est une concentration, mais bien spéciale, faite à l'aide de catalyse, etc. C'est un procédé qui est très compliqué.

Cette usine de métallisation peut être alimentée de deux façons, soit par des boulettes — des "pellets" vous connaissez ça — ou par un minerai. L'usine de métallisation, si le tout se déroule selon le scénario qu'on a prévu, devrait être en marche vers les mois de mars ou d'avril 1973. A ce moment-là, ça nous dégage d'une autre emprise qui est celle du marché de la ferraille. Cela nous permet — ça nous met peut-être sous une autre emprise, mais une emprise qui est beaucoup plus contrôlable — d'acheter des boulettes d'oxyde de fer et de les transformer en fer métallisé dans l'usine de métallisation qui serait à Contrecoeur.

La troisième étape, c'est l'exploitation d'une mine, soit seuls ou avec d'autres. Je dois vous dire qu'on a plusieurs options en tête, plusieurs voies à suivre, de ce côté-là, qui nous permettraient de trouver un concentré qui répondrait à

nos exigences techniques et qui pourrait être utilisé directement dans l'usine de métallisation. Cette troisième étape, au mieux, je la vois à la fin de 1973 — je dis au mieux — et, au pire, vers 1975. C'est difficile à dire, cela dépend beaucoup de la voie dans laquelle nous allons nous engager.

Si nous y allons seuls, c'est différent. Si nous y allons avec d'autres, évidemment il faut faire un peu de compromis. Si nous sommes pressés d'avoir du minerai, cela ne veut pas dire que d'autres le sont. Vous savez très bien — vous pouvez lire les journaux mieux que moi — que les investissements dans une mine de fer sont extrêmement considérables, normalement. Le choix, pour nous, est soit d'y aller avec des partenaires dans un nouveau gisement ou un gisement actuel — nous étudions toutes les possibilités — soit d'avoir notre propre mine, qui, nécessairement, devra être une petite mine que nous exploiterions nous-mêmes.

M. JORON: Est-ce que, pour les fournisseurs actuels de minerai, la production est vendue d'avance en circuit fermé? Vous ne pouvez pas vous alimenter...

M. GIGNAC: Je vais juste vous faire une remarque technique; le minerai que nous requérons pour alimenter notre usine de fer, on appelle ça un concentré.

M. JORON: D'accord.

M. GIGNAC: Ce n'est pas nécessairement le minerai qui sort de terre et qui est expédié aux hauts fourneaux. C'est un concentré de ce minerai et la concentration doit se faire sur place. En d'autres mots, ça prend des équipements additionnels sur place pour faire le concentré. C'est le concentré qui va être expédié à Contrecoeur et qui va être utilisé dans l'usine de métallisation.

Gisements

M. TETREAULT: Dans les recherches pour les dépôts de fer, est-ce que vous pensez, vu que la sidérurgie' du Québec se développe à ce rythme, que ça peut faciliter les investissements dans les mines où existent actuellement certains gisements? Je parle du Nord-Ouest québécois aux environs de Cadillac?

M. GIGNAC: Ecoutez, les investissements dans une mine sont normalement des investissements très considérables. On parle du mont Wright, enfin tout monde est au courant, l'affaire de la Québec Cartier Mining. Elle veut dépenser quoi? Quelque $300 millions. Dès qu'on s'attaque à des mines de cette dimension, ce sont de gros gâteaux. Il faut avoir les reins assez solides. On n'est sûrement pas prêt pour cela. Moi, je ne demanderais jamais au gouver- nement d'entreprendre une chose semblable, pour plusieurs raisons. D'abord, je pense que —évidemment je ne voudrais pas donner d'opinion politique, c'est une opinion personnelle —c'est beaucoup plus rentable, pour la création d'emplois, de mettre l'argent dans une usine de métallisation, des fours électriques ou des instruments de production et ou finition que de le mettre dans une mine de fer. Vous pouvez prendre comme exemple Québec Cartier Mining ou même Iron Ore Company of Canada. A Schefferville, ils ont investi peut-être $1 milliard pour créer quoi? A peu près 1,000 emplois.

M. PAUL: Vous n'excluez pas la minéralisation, l'extraction du minerai...

M. GIGNAC: Non, je ne l'exclus pas. Ce qu'on essaie de trouver, c'est une façon de faire qui serait appropriée à nos moyens financiers.

UNE VOIX: On n'a pas parlé de Natashquan.

M. GIGNAC: On a fait beaucoup d'études sur les sables de Natashquan et on a fait des études de concentrés de Québec Cartier Mining, etc. Il y a même la possibilité d'autres gisements; il y en a qui sont assez bien connus, il y en a d'autres qui le sont moins.

On a reçu — parlant de l'abitibi — des représentations. Il y a des gisements de fer un peu partout, mais évidemment, à moins que le gouvernement nous dise que nous sommes une société de charité, je suis obligé de m'occuper de la rentabilité de cette entreprise. Je prends donc le minerai qui est le plus approprié pour mon usine, et justement celui qui me coûte le moins cher.

Je pense qu'il est important que notre société, je parle de Sidbec, de façon générale, devienne une entreprise rentable.

Ferraille

M. RUSSELL: Dans la troisième étape, vous parlez d'utiliser d'autres concentrés, mais vous conservez toujours la possibilité d'utiliser la "scrap" comme on dit communément.

M. GIGNAC: Nous serons toujours un gros acheteur de ferraille ou de "scrap".

M. RUSSELL: Plutôt que d'expédier la "scrap" au Japon, on pourra toujours l'utiliser.

M. GIGNAC: Un des gros avantage d'utiliser le fer métallisé, c'est que cela nous permet d'acheter de la ferraille de très basse qualité, qu'il est difficile d'écouler pour tous les fournisseurs de ferraille.

Evidemment, en achetant une ferraille de deuxième ou troisième qualité, on abaisse le

coût de notre matière première aux fours électriques.

M. LE PRESIDENT: Le député de Mégantic, s'il vous plaît.

M. DUMONT: M. Gignac, vous incluez les vieilles carcasses d'automobiles dans cette ferraille?

M. GIGNAC: Actuellement, pous vous dire la vérité, nous en achetons. Il y a une usine à Montréal qui a installé une déchiqueteuse et qui peut-être dans le moment déchiquette des automobiles au rythme de 30,000 ou 40,000 tonnes par année. Le problème, c'est le coût de la voiture rendue à l'usine où elle doit être déchiquetée. C'est une installation qui est assez dispendieuse, qui demande beaucoup d'entretien et qui, évidemment, donne un assez bon produit. Mais à un moment donné, dans un marché où le prix de la ferraille est à la baisse, cela peut devenir du jour au lendemain une entreprise peu rentable.

M. DUMONT: Vous avez dit qu'il serait nécessaire, probablement, d'acheter à l'extérieur, alors on pense aux Etats-Unis, et à ce moment-ci on voit que les navires et les chemins de fer transportent en grande quantité ces vieilles carcasses d'automobiles pressées. Si on les vend aux Etats-Unis dans le moment et qu'après vous êtes obligés de les y racheter, est-ce que ce n'est pas un peu invraisemblable?

M. GIGNAC: Vous ne pouvez pas déchiqueter les carcasses d'automobiles si elles sont pressées. C'est là qu'est le problème.

M. DUMONT: Ah! bon.

M. GIGNAC: C'est cela le problème. S'il n'y avait pas ce problème-là, ce serait facile. Pour vous donner une idée, je pense, si je me souviens bien, que le prix qu'un opérateur doit payer, comme celui de Montréal, pour une carcasse d'automobile rendue à l'usine, se situe entre $10 et $15. Ensuite, on la dépouille de ses pneus, on enlève le chrome, on enlève ceci et cela, et ce qui reste représente un peu moins qu'une tonne d'acier. Alors, cela veut dire que la matière première, au départ, sans même lui toucher ou à peu près pas, coûte $15 la tonne. Il faut qu'il la manufacture, qu'il la mette en petites pièces. Alors, c'est une entreprise marginale, et moi, je ne crois pas — enfin c'est une opinion bien personnelle — qu'on puisse se départir de nos parcs de vieilles voitures, dont tout le monde souhaiterait la disparition, sans que le ou les gouvernements donnent des subsides. Cela me semble difficile, du moins dans le moment, avec les équipements qui existent présentement.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption, vous avez une question?

M. PERREAULT: Etant donné que vous êtes à court de ferraille que vous avez payée cher, est-ce que le gouvernement ne devrait pas donner un subside pour se débarrasser de ces parcs-là? Nous en avons partout dans la province, dans la région de Montréal surtout.

UNE VOIX: Quel est votre but?

M. GIGNAC: Je n'ai pas d'objection.

M. PERREAULT: Les municipalités sont prises avec cela.

M. GIGNAC: II y a deux choses. Allez chercher avec un camion — vous savez ce que coûte un camion aujourd'hui avec les chauffeurs qui sont payés $2.50 à $3 l'heure — dix carcasses d'automobiles et apportez-les à l'usine, ils vont faire le déchiquetage de la ferraille. A moins que les parcs en question soient très près de l'usine, ce n'est pas rentable.

S'il y a un subside, c'est évident que cela peut parer un peu à la non-rentabilité, mais il faut quand même penser aussi aux quantités. On a fait une étude, justement sur le sujet, et on calcule, dans le moment, que si on utilisait ce que j'appelle l'inventaire des parcs de vieilles voitures qui existent dans la province de Québec, on pourrait sans problème — supposons qu'on pourrait les avoir à bon prix — déchiqueter à peu près 120,000 tonnes d'acier par année, pendant cinq ans. Après cela, on reviendrait au rythme de la production normale annuelle qui se situe aux environs de 50,000, 60,000, 65,000, 70,000 tonnes. Evidemment, au point de vue de la pollution, c'est réellement un élément de pollution, j'en conviens. On peut vider ces parcs-là, mais cela ne peut pas se faire sans que le gouvernement n'intervienne.

M. LE PRESIDENT: M. le député d'Olier. Exploitation minière

M. PICARD: M. Gignac, vous avez dit, tantôt au sujet de l'utilisation d'un concentré par l'usine, qu'il y avait deux possibilités. D'abord, que vous pouviez l'obtenir d'une compagnie qui exploitait déjà une mine. Puis, que c'était possible d'exploiter eux-mêmes une mine. Mais que cette deuxième possibilité était très dispendieuse. On nous laisse entendre qu'il existe de nombreux gisements au Québec. Avez-vous étudié la possibilité, par exemple, que si une compagnie voulait exploiter ces gisements, qu'il y aurait peut-être possibilité d'en venir à une entente? Qu'un pourcentage du minerai extrait et concentré pourrait être vendu à la compagnie Sidbec de la même façon que l'Hydro-Québec

exploite Churchill Falls, où on obtient la presque totalité de la production de Churchill Falls. Il y aurait une entente. Vous n'auriez pas à faire les frais de l'investissement mais on donnerait à cette compagnie, à capital prévu, le privilège d'exploiter le gisement à la condition, par exemple, que vous donniez la préférence à Sidbec d'acheter 50 p. c. non pas du minerai mais du concentré.

M. GIGNAC: Ce n'est pas une impossibilité. C'est strictement une question de prix. Une des raisons pour lesquelles, je pense, des compagnies se sont groupées et ont formé des sociétés comme Iron Ore Company et Wabush, c'est parce qu'elles ont réalisé rapidement, après plusieurs expériences, qu'à quelques exceptions près ce n'était pas tellement rentable d'exploiter des mines à faible volume. Il peut y avoir des exceptions mais c'est rare. C'est pour cela que les compagnies Wabush, dans laquelle il y a Steelco, Dopasco, Algoma et je ne sais combien d'autres ont fait un "pool", ont mis de l'argent et ont dit: On dépense $300 millions et on ouvre une mine.

M. PICARD: Est-ce qu'il n'est pas vrai aussi que la raison principale pour laquelle ces compagnies risquent quelque $300 millions est tout simplement parce qu'elles sont capables de récupérer leur capitalisation dans un très court délai? Autrement, elles ne risqueraient pas. C'est une question de récupérer leur capitalisation. En 50 ans, elles ne le feront pas.

M. GIGNAC: C'est bien évident que non. Je pense que c'est dix ans.

M. PICARD: C'est cela que je dis. C'est un court délai...

M. GIGNAC: C'est une façon de le dire. C'est peut-être plus compliqué que cela.

Malheureusement, je ne suis pas dans les secrets de Wabush et de l'Iron Ore Company of Canada, mais il est évident que ces gens ne sont pas là juste pour le plaisir d'être là. Seulement, c'est une chose prouvée que d'exploiter une mine à 10 millions de tonnes par année ça coûte moins cher que d'en exploiter une à 2 millions. Cela, c'est sûr et certain.

Maintenant, il peut arriver, et il peut y avoir certaines exceptions à cela, mais elles sont très rares. Je pense que SIDBEC, et je parle strictement au point de vue de la rentabilité, ne peut pas se permettre de payer son minerai ou son concentré $2 ou $3 ou $4 ou $5 de plus la tonne qu'elle pourrait l'avoir d'un autre, si on peut l'avoir, surtout ici au Québec.

Il y a aussi la possibilité d'obtenir une équité dans les grosses compagnies, d'entrer dans le club des exploitations minières; mais ce sont des investissements qui sont aussi assez lourds, même si notre part serait assez minime au départ.

Il y a des règles de jeu qui sont établies. Je pense que ces compagnies avec lesquelles nous sommes en excellentes relations, avec lesquelles on discute — c'est une question de fait, nous discuterons cette semaine avec une de celles-là — sont assez souples et sont parfaitement conscientes des aspects politiques et économiques du problème. Seulement, elles font affaires à l'échelle mondiale. Non seulement elles font affaires à l'échelle mondiale, mais elles ont aussi dans d'autres pays, souvent, des exploitations de minerai de fer. Si, dans un pays, elles faussent les règles du jeu, pour autant qu'elles sont concernées — du moins, si elles vont trop loin dans ce jeu-là — à ce moment, cela peut leur retomber sur le bout du nez ailleurs. Je ne veux pas me faire l'interprète de l'Iron Ore et de toutes ces compagnies.

M. PICARD (Leduc): Mais, si on regarde l'expérience...

M. GIGNAC: Pour nous, — bien que la mine soit une chose qui deviendra importante — je suis obligé de vous dire qu'à ce moment, c'est ce qu'il y a de moins important dans mon programme, ce n'est pas ma première priorité. Ma première priorité, c'est d'installer des fours électriques et ma deuxième, c'est d'avoir une usine de métallisation. A ce moment-là, je peux me permettre bien des choses. Parce qu'à ce moment, je peux rendre ma compagnie rentable. Lorsqu'on est rentable, c'est plus facile de converser ou de discuter avec des partenaires éventuels, prendre des équités dans d'autres compagnies, etc. C'est un sujet délicat, j'en conviens; surtout, lorsqu'on sait très bien qu'au Québec nous avons un tas de mines ou de gisements miniers.

A partir du moment où nous avons eu un gisement minier, cela ne veut pas dire nécessairement que c'est un gisement rentable. Je pense qu'on ferait face à ce moment-là à la concurrence mondiale. On ne peut pas se permettre cela, à moins de vouloir demeurer ce que j'appelle une sidérurgie locale. Si on veut sortir du Québec — et on est sorti du Québec au point de vue de la vente — je pense qu'il faut élargir nos horizons pour demeurer rentable. Il faut être non seulement rentable, mais aussi donner à nos clients la qualité et la quantité qu'ils veulent avoir quand ils veulent les avoir. H faut leur donner le service. Ils n'achètent pas pour nos beaux yeux. Ils achètent parce qu'ils ont besoin de quelque chose.

Exportation

M. LOUBIER: Vous disiez que le seul pouvoir de rentabilité sur le marché non seulement local mais international était l'installation de fourneaux électriques, à Contrecoeur, je présume. Tout cela présuppose, par exemple, une alimentation sur le plan de la ferraille, comme vous le signaliez tout à l'heure. Est-ce qu'à ce

moment-là, vous avez considéré la concurrence exercée par le marché européen?

M. GIGNAC: Pour le marché de la ferraille?

M. LOUBIER: Oui.

M. GIGNAC: ...C'est le marché japonais.

M. LOUBIER: Pas seulement japonais. Vous avez en Espagne et en Angleterre des marchés qui sont très bons.

M. GIGNAC: Je n'ai peut-être pas compris. Parliez-vous de l'exportation du Canada vers l'Europe ou le contraire?

M. LOUBIER: Le contraire n'existe pas. Au Québec, 80 p. c. de la production de ferraille actuellement au Québec et pratiquement en Ontario, dans un pourcentage inférieur à cela, va à l'exportation à cause des prix beaucoup plus élevés que ceux offerts ici dans le Québec et même au Canada actuellement. Vous avez, par exemple, cette année...

M. GIGNAC: Nous n'avons pas les mêmes chiffres.

M. LOUBIER: Nous n'avons pas les mêmes chiffres, mais je suis dans le commerce. Cette année, entre autres, vous aviez des prix offerts ici pour l'acier numéro 1, ce que l'on appelle "low-fire steel" autour de $40, $42 la tonne.

UNE VOIX: Vous pouvez aller jusqu'à $45.

M. LOUBIER: Or, pour fins d'exportation, vous pouviez avoir un prix se situant aux environs de $48 à $50 au quai de chargement. Partant de là, tous ceux qui sont dans le commerce ne sont pas du tout intéressés — que ce soit des "brokers" ou des commerçants — à vendre leur ferraille pour la production québécoise ou la production canadienne. Or, il appert, selon les projections des experts en la matière, que pendant les cinq ans à venir, le même phénomène persistera.

Même si la demande du Japon a diminué, on la retrouve à un plus haut degré en Espagne, en Angleterre et même en France, où l'on a fait des tentatives. Pour vous, l'alimentation en ferraille de ces fourneaux électriques devient-elle un élément essentiel ou si vous pouvez y suppléer d'autres façons?

M. GIGNAC: Au départ, c'est un élément essentiel.

M. LOUBIER: Au départ, c'est un élément essentiel.

M. GIGNAC: Je ne prévois pas que Sidbec soit capable de s'alimenter au Québec à cause du volume très important de ferraille dont nous allons avoir besoin, qui va se situer aux alentours de 600,000 ou 650,000 tonnes, dès 1972. Disons que, dans le moment, nous achetons au Québec; nous contrôlons le marché de la ferraille au Québec. Je m'excuse, mais nous achetons 250,000 tonnes de ferraille au Québec, dans le moment.

M. ROY (Beauce): Cela représente quel pourcentage de vos achats?

M. GIGNAC: Jusqu'ici, cela représentait tout ce dont nous avions besoin, mais, à partir de maintenant, cela ne sera plus suffisant.

M. LOUBIER: Je m'excuse, avant d'aller plus loin. Vous prétendez qu'actuellement vous avez une alimentation et un contrôle de 250,000 tonnes...

M. GIGNAC: Disons 200,000 tonnes.

M. LOUBIER: ... de ferraille qui proviennent du Québec.

M. GIGNAC: C'est ça.

M. LOUBIER: Est-ce que vous avez une projection de ce qui est exporté à l'extérieur?

M. GIGNAC: II doit s'exporter environ 100,000 à 150,000 tonnes.

M. LOUBIER: Par tous les "brokers" de Toronto ou de New York.

M. GIGNAC: Si vous connaissez le marché, les bateaux qui passent par la Voie maritime chargent tout d'abord en Ontario, passent le canal et — comme ils disent — "topent" à Montréal. Les mouvements que nous avons observés — j'ai peut-être de mauvais renseignements, en tout cas — ont surtout été des mouvements vers le Japon, du moins cette année. Il y a aussi des Européens, mais disons que les Japonais ont entrepris, depuis deux ans, toute la côte est nord-américaine, à partir de la Floride jusqu'au Québec. Je dois vous dire cependant que, depuis à peu près un mois, peut-être un mois et demi, le prix de la ferraille a baissé d'à peu près $15 la tonne. Je ne vous dis pas que cela ne remontera pas au printemps.

Qu'est-ce qui se passe exactement? Il y a eu la grève de la General Motors qui a dû être un élément d'influence dans ça, parce que les aciéries ont été obligées de diminuer leur production. On n'a pas encore analysé quels sont les éléments qui ont fait que le prix de la ferraille avait baissé d'une façon aussi draconienne, surtout aux Etats-Unis. Au Québec, le prix a fléchi mais beaucoup moins qu'aux Etats-Unis, jusqu'à maintenant du moins. Mais de toute façon, quoi qu'il arrive, on sait fort

bien qu'en 1972 on ne pourra pas s'alimenter en ferraille au Québec, pour nos besoins. Il va falloir aller à l'extérieur et l'extérieur, ce sont les Etats-Unis.

M. LOUBIER: Quels sont les "brokers" actuellement, des courtiers de Sidbec ou de Dosco?

M. GIGNAC: Je ne sais pas si je peux les nommer.

M. LOUBIER : Je pense. Ce sont des intérêts publics.

M. GIGNAC: Actuellement, nous avons un courtier principal qui s'appelle Saint Lawrence Metal qui nous fournit à peu près 75 p. c. à 80 p. c. de nos besoins.

M. LOUBIER: Oui.

M. GIGNAC: Nous avons un contrat avec ce courtier et nous avons des ententes spéciales avec certains fournisseurs...

M. LOUBIER: Du Québec?

M. GIGNAC: Du Québec. Le CPR, par exemple et le CNR; alors que c'est là une ferraille de très haute qualité et d'autres entreprises du genre.

M. LOUBIER: Saint Lawrence Metal, vous prétendez que c'est un "broker"?

M. OSTIGUY: Cette ferraille, M. Gignac, est-ce une ferraille d'automobile?

M. LOUBIER: Je m'excuse, M. le Président. J'aimerais, si c'est possible, qu'on réponde à ma question.

M. GIGNAC: Qu'est-ce que vous voulez dire, si je prétends que c'est un "broker"? Je prétends qu'il nous vend de la ferraille.

M. LOUBIER: Non, est-ce que c'est un "broker" dans le sens qu'on l'entend dans le monde des affaires, c'est-à-dire une tierce partie qui fait le lien entre les commerçants, ou les négociants et le consommateur?

M. GIGNAC: Je pense que oui. C'est un "broker" au même sens que Luria Brothers est un "broker" — je ne sais pas où, je pense que c'est à New York, ou à Détroit, ou à Chicago...

M. LOUBIER : A travers le monde.

M. GIGNAC: ... et que d'autres, Internatio- nal Iron, etc. Je pense que, au même titre que ces gens-là, si c'est le mot "broker"...

M. LOUBIER: Et combien fournit-on de ferraille pour cette année, par exemple, pour 1969?

M. GIGNAC: De tonnes? En 1969, on a dû nous fournir, attendez une minute, je dirais à peu près 130,000, ou 135,000 tonnes.

M. LOUBIER: A peu près 130,000 ou 135,000 tonnes. Il y a une exportation de 125,000 à 130,000 tonnes qui se fait actuellement.

M. GIGNAC: A part cela, on en achète nous-mêmes.

M. LOUBIER: Ce que je veux dire, je ne veux pas vous embêter, ou vous emmerder, comme dirait Voltaire, mais je ne peux pas concilier les chiffres que vous donnez surtout sur ce plan-là, si vous me dites que la ferraille est absolument essentielle, pour les fourneaux électriques qui vont être aménagés à Contrecoeur, quand on a la projection que d'ici un an et demi, ou deux ans ce sera 650,000 tonnes. A ce moment-là, vous entrez directement dans le marché de la compétition internationale de la ferraille.

M. GIGNAC: Non, écoutez, ce n'est pas difficile à expliquer...

M. LOUBIER: Non, voici, je m'excuse... M. GIGNAC: Je comprends...

M. LOUBIER: Vous allez arriver avec des coûts de revient qui vont sensiblement augmenter. Alors, si on prend les données du début, du moins ce que j'en ai su, c'était actuellement déficitaire et on prévoyait, avec les chiffres que l'on possède aujourd'hui, que cela deviendrait rentable avec l'établissement de ces fourneaux. Mais que l'élément essentiel se retrouvait dans l'alimentation de la ferraille. Alors, ceci nous invite à considérer l'aspect suivant: c'est que vous allez vous retrouver dans le marché de la compétion internationale pour l'aspect essentiel de vos fourneaux électriques de Contrecoeur. Est-ce que vous avez tenu compte du coût de revient qui va être énormément augmenté dans vos projections?

M. GIGNAC: J'ai dit: Au départ. Ce sont deux mots bien importants. J'ai dit: Au départ, la ferraille est un élément essentiel. On ne peut pas mettre du minerai dans une fournaise électrique, donc il faut mettre de la ferraille.

M. LOUBIER: D'accord.

M. GIGNAC: Et immédiatement, ou en même temps, on met en marche l'usine de métallisation qui, elle, va réduire grandement notre demande en ferraille.

M. LOUBIER: Oui.

M. GIGNAC: Et qui, en fait...

M. LOUBIER: Progressivement.

M. GIGNAC: D'un coup sec, dès que cela va marcher. Je veux dire, mettez six mois, huit mois, neuf mois. Cela prend trois mois pour mettre une usine de métallisation en marche. Alors, cela veut dire qu'après trois mois, théoriquement, on devrait atteindre une capacité d'à peu près 450,000 tonnes de production de boulettes métallisées. Alors, à ce moment-là, c'est évident qu'on réduit nos achats de ferraille considérablement. Et cela nous permet, en même temps, comme je le disais tout à l'heure, d'acheter une ferraille de qualité beaucoup inférieure à celle qu'on achète présentement, mais on veut demeurer dans le marché de la ferraille, parce que ce sera toujours un élément intéressant pour nous à utiliser. On peut faire des inventaires de ferraille à des prix qui peuvent être attrayants et s'en Servir au fur et à mesure de l'exploitation de nos usines.

M. LOUBIER: II y a un an, il y a une compagnie française, ou il y a un consortium d'hommes d'affaires français qui se sont présentés ici, au Québec, avec des offres assez alléchantes — à ce qu'on m'a dit — pour vider tous les parcs ou les cimetières d'automobiles.

M. GIGNAC: Je les ai rencontrés. La Compagnie française des ferrailles.

M. LOUBIER: En partant de là, est-ce qu'ils ont trouvé qu'il n'y avait aucune rentabilité à cause des distances, des facilités portuaires, d'une foule de facteurs?

M. GIGNAC: La Compagnie française des ferrailles voulait se spécialiser dans le déchi-quetage des automobiles.

M. LOUBIER: D'accord! Vous l'avez dit avec beaucoup d'à-propos tout à l'heure, le simple coût du transport des carcasses d'automobiles est prohibitif, à mon sens. Il est inutile et illusoire de penser qu'on pourrait rendre ce marché alléchant pour les commerçants éventuels, c'est absolument impossible. Vous avez parlé de subsides, tout à l'heure. Ce sont des subsides qui seraient absolument impensables en chiffres pour le gouvernement. Si l'on peut, dans un camion de cinq tonnes, mettre quatre, cinq ou six carcasses et s'il peut transporter deux, trois, même trois tonnes et demie de tôle de carcasses d'automobiles sur une distance supérieure à 50, 75 ou 100 milles, cela ne serait pas rentable. Si l'on prend le coût d'exploitation d'un camion, qui est évalué d'une façon assez rentable à $0.45 ou $0.50 le mille, cela voudrait dire qu'il faudrait donner en subsides $35 ou $40 pour trois tonnes pour avoir une matière absolument secondaire en qualité et même en possibilité de production.

M. GIGNAC: Ce n'est pas une matière secondaire en qualité, c'est une bonne qualité. Je ne voudrais pas entrer dans les détails ni, enfin, être celui...

M. LOUBIER: Je m'excuse.

M. GIGNAC: Le besoin crée l'organe. Il y a quelqu'un qui a déjà dit ça.

M. BERTRAND: Lui, y connaît ça.

M. LOUBIER: On peut dire que c'est vrai dans tous les domaines.

M. GIGNAC: Quelque soit le besoin ou l'organe. Ce qui est à l'étude présentement — et non pas seulement par la Compagnie française des ferrailles, je peux vous le dire, par bien d'autres aussi — est la possibilité d'aller dans des parcs de cadavres, dans les cimetières d'autos, et faire le dépouillement sur place.

M. LOUBIER: Oui, d'accord!

M. GIGNAC: Oui, il y a des choses qu'on peut conserver. Je ne connais pas les détails. En tout cas, faire le dépouillement qui, normalement, se fait à l'usine et avoir une machine qui serait, une machine portative, où on prendrait la carcasse et on l'aplatirait comme une feuille de papier.

M. LOUBIER: Ce qui n'est absolument pas rentable. Cela a été expérimenté.

M. GIGNAC: Ce que je veux vous dire, c'est qu'à ce moment-là, le subside du gouvernement serait moindre que de prendre les carcasses d'autos telles qu'elles sont présentement, et de mettre cela dans un camion et transporter cela à l'usine. Cela coûterait cher.

M. RUSSELL: Mais si vous pensez à vous démunir de vos cimetières d'automobiles, dans la province de Québec ou ailleurs, sans subsides, "forget about it", c'est infaisable.

M. LOUBIER: II y a déjà une loi qui prévoit qu'en 1972, ils seront obligés de les transporter à 500 pieds de toute voie carossable avec une clôture...

M. GIGNAC: Oui, mais cela a changé...

M. GARNEAU: Les voitures restent là.

M. LOUBIER: Sur le plan de l'esthétique, cela règle le problème.

UNE VOIX: Dans le cas de Montréal... M. BERTRAND: Le péché est toujours là. UNE VOIX: Dans Bellechasse, c'est réglé.

M. LOUBIER: Ils seront obligés de les enlever quand même.

M. PERREAULT: Pas dans la région de Montréal.

M. LOUBIER: Voici, si vous permettez, monsieur, je vais vous poser une question directe. Je sais que vous ne pourrez peut-être pas répondre parce qu'il y a tellement d'éléments technologiques et de commerces internationaux, tout ce que vous voudrez, qui entrent en ligne de compte. Est-ce que vous prévoyez qu'avec ces fourneaux avec une alimentation optimiste et optimale sur le plan ferraille, que d'ici deux ans, cette sidérurgie deviendra rentable? Je vous place dans les circonstances les plus favorables sur tous les plans: au plan de l'alimentation, au plan de la mise en marché, au plan de l'écoulement, au plan de la production, etc.

UNE VOIX: Salaire.

M. RUSSELL: II n'oublie rien.

M. GIGNAC: Je prétends que, d'une façon non optimiste mais d'une façon réaliste, me plaçant entre l'optimiste et le pessimiste...

M. LOUBIER: Entre les deux extrêmes.

M. GIGNAC: ...les deux pieds bien à terre, compte tenu de catastrophes — évidemment des catastrophes qui peuvent arriver, on ne peut pas les prévoir.

M. LOUBIER: Je vous place dans des circonstances...

M. GIGNAC: Je ne veux pas être dans un climat idéal, je n'ai jamais vécu cela.

M. RUSSELL: Cela, c'est la première condition pour avoir ce climat idéal.

M. LOUBIER: Je ne vous aurais même pas posé cette question si j'avais su que cela aurait été le même gouvernement qui aurait été là et qui nous l'aurait donné.

M. GIGNAC: Ce que je veux vous dire, c'est que, dans une perspective réaliste, avec des prix de ferraille tels qu'on les connaît aujourd'hui, le plus tard ou l'année la plus éloignée où j'entrevois faire des profits, c'est en 1973. Je parle des profits que nous verrons.

M. RUSSELL: Pour l'année 1973 ou à partir de 1973?

M. GIGNAC: C'est-à-dire que nous pouvons peut-être faire des profits en 1972, mais ce sera peut-être dilué par des pertes que nous aurons faites dans les trois, quatre ou cinq mois précédents.

M. LOUBIER: Pour les trois prochaines années, vous prévoyez encore des déficits?

M. GIGNAC: C'est-à-dire qu'en 1971 je prévois une année déficitaire. C'est 1971, l'an prochain? C'est cela. En 1972, en étant un peu optimiste, je prévois une année profitable. Evidemment, là, tout est enregistré et écrit. J'aimerais beaucoup que ce soit 1972 plutôt que 1973, mais, disons que sûrement, en 1973, pour autant que je suis concerné, la sidérurgie, telle que nous la connaîtrons à ce moment, sera rentable et fera des profits.

M. LOUBIER: Malgré les importations de fer laminé, etc., que font actuellement les provinces, vous prévoyez que cela ira très bien.

M. GIGNAC: Oh! oui, absolument.

M. LOUBIER: Et malgré même la possibilité d'augmentation de ces importations, parce qu'il n'y a aucune barrière.

M. GIGNAC: Malgré tout cela.

M. LOUBIER: Malgré tout cela. Eh bien, je vous félicite au moins d'une chose, c'est de votre optimisme.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin.

M. JORON: M. le Président, le député de Bellechasse comprendra que je ne veux pas lui manquer de respect en abandonnant la ferraille...

M. LOUBIER: Ce n'est peut-être pas distingué, mais c'est payant.

M. BERTRAND : Pourquoi cela ne serait-il pas distingué?- Lorsque c'est de la bonne ferraille.

Ventes

M. JORON : Vous vous souvenez que ce n'était pas non plus une des priorités de Sidbec. Une priorité qui est constante, je pense, qui sous-tend la rentabilité de l'entreprise à tout

moment, c'est évidemment votre marché et vos clients.

Est-ce qu'il vous est possible de nous dire, premièrement, quel est le pourcentage de ventes destinées à des clients au Québec? Le pourcentage du chiffre d'affaires de Sidbec-Dosco réalisé au Québec? Deuxièmement, y a-t-il des clients dont l'importance est telle que la perte d'un client comme celui-là pourrait entraîner des conséquences graves pour Sidbec? Par exemple, est-ce qu'il y a des clients qui achètent jusqu'à 10 p. c. et plus de la production de Sidbec?

L'autre question s'adresserait plutôt au ministre des Finances ou au premier ministre: Y a-t-il une coordination qui se fait entre le gouvernement, Sidbec et d'autres agences du gouvernement — je pense à 1'Hydro, à la SGF, à Sidbec, à SOMA, etc. — quant à leur approvisionnement d'acier?

M. GIGNAC: Pour répondre à la première partie de votre question, environ 55 p. c. de nos ventes se font au Québec.

Il y en a 35 p. c. qui se font en Ontario et le reste se fait dans les Maritimes ou dans l'Ouest du pays et à l'exportation. Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, notre plus gros client actuellement est l'Hydro-Québec. C'est facile à expliquer.

M. LOUBIER: Des ventes en famille.

M. GIGNAC: Je ne sais pas si ce sont des ventes en famille, mais nous avons de ce côté un excellent produit, nous avons un bon équipement et nous pouvons lui donner ce qu'elle veut à un prix qui est très convenable.

M. JORON : Je voudrais vous demander quel pourcentage du chiffre d'affaires est impliqué.

M. GIGNAC: Le pourcentage du chifrre d'affaires représente à peu près 8 p. c, cette année.

M. RUSSELL: M. Gignac, êtes-vous en mesure...

M. GIGNAC: L'an dernier, c'était plus que cela.

M. RUSSELL: ... de nous informer si les clients, les fournisseurs du matériel de l'HydroQuébec achètent vos produits?

M. GIGNAC: Oui.

M. LOUBIER: Les entrepreneurs, les sous-entrepreneurs.

M. RUSSELL: C'est-à-dire que les fabricants, il y a des chances qu'ils utilisent l'acier...

M. GIGNAC: Je prends un produit quelcon- que. Disons que les gens qui font une route pour l'Hydro-Québec — je suis un peu au courant parce que c'est moi qui l'ai établi, c'est-à-dire que j'y ai contribué — sont obligés, ou du moins cela est spécifié dans leur contrat, de mentionner le contenu québécois et de leur produit.

M. LOUBIER: M. Gignac, si vous me le permettez, avez-vous fait un tour d'horizon, une analyse des importations provenant, par exemple — je prends juste un pays — de France, en tonnage de tout ce qui entre au Québec actuellement?

M. GIGNAC: C'est à peu près 15,000 à 20,000 tonnes.

M. LOUBIER: C'est le chiffre que j'avais avancé à quelqu'un tout à l'heure. Selon les renseignements que j'ai recueillis, soit par des personnes ou par des lectures que j'ai faites, d'ici trois ans la France, entre autres, se promet de doubler ses exportations qui deviennent des importations pour nous. Avez-vous analysé tout ce mouvement?

M. GIGNAC: Oui.

M. LOUBIER: Je m'excuse. Avez-vous analysé ce mouvement et avez-vous tenu compte de cette possibilité dans vos chiffres, dans vos projections, dans vos perspectives?

M, GIGNAC: Oui. Ecoutez, nous avons tenu compte de tout cela, de l'importation. Et avec tout le respect que je dois à la mère-patrie, ce n'est pas la France qui nous effraie le plus...

M. LOUBIER: Oui.

M. GIGNAC: ... au point de vue des importations. Prenez le cas de l'Angleterre, à cause du tarif réduit de douanes qu'elle a.

M. LOUBIER: D'accord.

M. GIGNAC: Et si jamais les Japonais décident de venir exporter par exemple des fers-angles, cela pourrait sûrement nous faire mal. Mais, à ce moment-là — et c'est un peu d'ailleurs le phénomène qui se produit aux Etats-Unis où les aciéries commencent à se plaindre de façon assez forte auprès du gouvernement — elles vont faire comme ils ont déjà fait dans d'autres domaines: sans mettre d'embargo, elles vont tout simplement établir des quotas et ils vont dire: Cette année, vous pouvez exporter tant.

M. LOUBIER: Cela vient justement à la prochaine question que je voulais vous poser: Est-ce que vous ne croyez pas — et je parle là à l'homme d'affaires, au spécialiste, je ne parle

pas à un politicien — que la seule planche de salut de l'entreprise dont il est question soit que le gouvernement fédéral impose des restrictions quant à l'invasion du marché québécois et canadien par les produits venant de France, d'Angleterre et éventuellement surtout —je le crains — d'Espagne?

M. GIGNAC: II y a bien des façons de voir le problème; on peut le voir d'une façon immédiate ou d'une façon à long terme. Si on le voit d'une façon immédiate, il peut y avoir des dangers. Evidemment, si la France, l'Angleterre et le Japon se mettent à exporter d'une façon massive au Canada, ils peuvent mettre — si le gouvernement ne s'en occupe pas — toutes les aciéries en faillite...

M. LOUBIER: D'accord.

M. GIGNAC: ... mais je pense, pour ma part, que ce n'est pas le Canada qui intéresse ces pays-là, c'est bien plus les Etats-Unis. Le marché américain est beaucoup plus attrayant que le marché canadien et, sans que cela paraisse trop, je pense quand même que le marché canadien est un marché difficile à conquérir, pour des exportateurs ou des importateurs, suivant le cas. Cependant, si le pire se produisait ou qu'on voyait à long terme se dessiner ce que vous dites là — l'envahissement, si vous voulez — le choix qu'on devrait faire serait de devenir verticalement intégré. En d'autres mots, il faudrait se créer des marchés captifs, aller jusqu'à la construction de maisons, de bâtiments. D'ailleurs, une des sidérurgies les plus rentables que je connaisse est située à Tampa, Floride, et elle s'appelle Florida Steel. On y fait à peu près $75 millions à $80 millions d'affaires par année et c'est complètement intégré. On achète de la ferraille à $55 — pour votre information — la tonne, pour faire concurrence aux Japonais, on la fond dans des fours électriques; on y a des coulées continues et on y fait des fers marchands.

Cette sidérurgie ne vend pas une tonne d'acier. Tout cet acier est utilisé dans des bâtiments ou des choses qui feront des produits finis.

M. LOUBIER: Oui.

M. GIGNAC: A ce moment-là c'est difficile pour un exportateur de concurrencer cela, avec notre système.

M. LOUBIER: Je me suis laissé dire que les compagnies américaines — vous avez raison d'affirmer que le marché le plus fascinant et le plus rentable pour les pays européens ou pour le Japon, c'est les Etats-Unis, c'est clair — se servaient d'industries canadiennes, contrôlées par des capitaux américains, comme porte d'entrée des cargaisons ou des volumes assez considérables, et qu'à ce moment-là on faisait jouer le jeu de la régie interne et de la loi qui veut qu'une compagnie-mère peut s'alimenter avec les produits d'une filiale où qu'elle se trouve, et qu'à ce moment-là il y a une entente internationale selon laquelle on ne peut taxer ou "douaner" ces produits-là ou cette alimentation-là. L'un des subterfuges utilisés par les exportateurs européens ou japonais était justement de se servir de cette porte d'entrée —comme on le fait pour plusieurs produits, mais entre autres pour ceux-là — du Canada et, d'une façon très subtile et très discrète, de faire pénétrer tous ces tonnages-là aux Etats-Unis, sous prétexte que la compagnie-mère est aux Etats-Unis, qu'elle manque de matériel ou qu'elle manque de produit et qu'on va lui en transporter. Cela devient, à ce moment-là, seulement un jeu de livres ou seulement un jeu de comptabilité et de transfert.

M. GIGNAC: Ecoutez, tout peut se faire par des subterfuges, j'imagine.

M. LOUBIER: Qui sont très légaux.

M. GIGNAC: C'est assez curieux, mais une compagnie japonaise est entrée en contact directement avec nous pour faire expédier de l'acier aux Etats-Unis. Je n'ai pas besoin de vous dire que la réponse négative est venue vite de notre part. Mais, le gouvernement canadien —du moins à ma connaissance — est extrêmement conscient de ce problème-là. Ce qui peut se passer dans les hautes sphères des gouvernements canadien et américain, je ne le sais pas. Je pense bien que c'est un jeu dont on ne peut pas abuser sans risquer de se faire taper sur les doigts un jour ou l'autre. Je pense que les Japonais sont assez intelligents pour ne pas en abuser. Ils l'ont fait et ils le font peut-être encore.

Quant aux Européens, je ne pense pas qu'ils soient implantés, en tout cas à mon avis, assez solidement ici au Canada pour jouer ce jeu-là. Mais, les Japonais sont implantés.

M. LOUBIER: Mais, ce qui me fait peur dans les propos que vous tenez, qui sont absolument raisonnés et bien logiques, c'est ceci: Le gouvernement canadien aurait-il intérêt, pour une usine ou pour une entreprise bien particulière, à imposer un embargo ou des restrictions aux exportations des autres pays, tenant compte des discussions qui sont très larges sur le plan horizontal sur d'autres modes, d'autres articles de négociation ou de commerce entre ces pays-là? A ce moment-là, cela voudrait dire, à moins que le gouvernement du Québec n'insiste d'une façon très particulière et très convaincante, qu'il s'agit de sauver et de rendre rentable Dosco et Sidbec et que le gouvernement fédéral pourrait trouver la façon de convaincre ces pays-là pour un objet particulier qui s'appelle

Sidbec et Dosco. Moi, je trouve qu'on tombe dans le monde des spéculations. J'aimerais avoir plus d'assurance sur l'attitude — ce n'est pas à vous de répondre, à ce moment-là — du gouvernement fédéral à la suite des représentations que pourrait faire le Québec pour éviter justement que cette entreprise ne devienne déficitaire ad vitam aeternam.

M. GARNEAU: Dans la question des négociations de tarifs douaniers, je crois bien que le député de Bellechasse est au courant...

M. LOUBIER: Comme député de l'Opposition, je ne suis au courant de rien.

M. GARNEAU: ... je ne vous demande pas de le confirmer, mais que, dans chacun des accords, surtout à l'intérieur du CATT, il y a la clause de la nation la plus favorisée, dans ce sens-là, à l'exception des produits agricoles, si le Canada donne un avantage particulier sur un article qui fait partie des négociations, il est obligé de le donner à d'autres en vertu de cette clause de la nation la plus favorisée. Evidemment, il y a toujours la possibilité de faire sortir de l'accord général sur le tarif des transports un article qui pourrait être l'acier, comme on a fait sortir les produits agricoles.

M. LOUBIER: Oui, mais, à ce moment-là, si on parle des produits agricoles...

M. PICARD: Est-ce que le ministre pourrait parler un peu plus fort?

M. GARNEAU: C'est parce que les produits agricoles, on n'a jamais...

M. BERTRAND: M. Gignac, si tout ce que vous avez dit tantôt et ce que mon collègue de Bellechasse a dit au sujet des importations et des exportations se produisait au Canada, cela ne serait plus seulement le problème de Sidbec, mais cela deviendrait le problème de toutes les aciéries canadiennes.

Je pense qu'il est important de noter que ce ne serait pas alors seulement votre problème. Si c'était seulement votre problème, si vous étiez dans une position de faiblesse telle, étant seul, il est sûr que votre rentabilité future serait joliment précaire.

M. GIGNAC: J'irais même jusqu'à dire, M. Bertrand, que nous serions le plus petit des problèmes.

M. BERTRAND: Le plus petit! Et vous auriez des alliés puissants...

M. GARNEAU: Pour faire le...

M. BERTRAND: ... pour inviter le gouvernement canadien à modifier sa politique.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce. Déficit

M. ROY (Beauce): En parlant de rentabilité, M. Gignac, l'année dernière Sidbec a fait un déficit de $1 million. Cette année, combien prévoyez-vous? Je ne voudrais pas vous faire dévoiler quelque chose qui est confidentiel, mais étant donné que l'année est presque terminée...

M. GIGNAC: Vous parlez de Sidbec consolidée?

M. ROY (Beauce): Sidbec consolidée. C'est-à-dire que je parle de ce qui était inclus dans votre bilan de l'année dernière.

M. GIGNAC: II y a deux profits, il y a deux pertes d'exploitation. Si on parle de pertes d'exploitation, l'ordre de grandeur du déficit de cette année serait de l'ordre d'à peu près $8 millions et demi à $9 millions.

M. ROY (Beauce): De $8 millions et demi à $9 millions comparativement à $1 million l'année dernière.

M. GIGNAC: Oui.

M. ROY (Beauce): Est-ce qu'il y a des raisons particulières à cela?

M. GIGNAC: Oui, il y en a.

M. ROY (Beauce): II y en a plusieurs?

M. GIGNAC: Non. Il y en a deux particulières. D'abord, le prix — cela n'était pas prévu à ce point — excessif qu'il a fallu payer pour se procurer de l'acier primaire. Nous appelons cela le coût de l'excédent qu'il faut payer pour se procurer de l'acier primaire, coût qui excède ce que Sidbec peut se procurer dans le moment de la Sydney Steel Corporation de la Nouvelle-Ecosse. Ce coût s'élève cette année à tout près de $7 millions. C'est pour cela que lorsqu'on parle de "scrap" à $55, on regagne vite son argent.

Deuxièmement, il y a eu une grève, comme vous le savez sans aucun doute, qui n'a pas été tellement longue, durant en tout et pour tout trois semaines ou un mois, mais qui nous a coûté assez cher. Je ne parle pas des augmentations de salaires, je parle du coût du fait d'être arrêté, etc.

Ce sont les deux principaux éléments qui ont concouru au déficit.

Maintenant, je dois dire que nous avions prévu pour Sidbec consolidée, si ma mémoire est bonne, dans nos prévisions faites en 1968, un déficit de $6 millions pour 1969.

Et nous avons prévu pour 1970 un déficit moindre que $8 millions. Mais ce qu'on prévoit — en fait, des prévisions, cela demeure toujours des prévisions — c'est que, dans l'ensemble des études que nous avons faites, si on parle de déficit sur une période de trois ans, nous aurons un déficit à peu près égal à celui que nous avions prévu. Si nous pouvions réussir cela, je pense que ce ne serait déjà pas mal.

Evidemment, tant qu'on achètera de l'acier au prix qu'on doit le payer, surtout sur le marché américain, on aura des déficits d'exploitation de cet ordre. Maintenant, il y a une chose qui s'est produite — quand on parle de prévisions, c'est curieux de voir celle-là — en 66/67, je crois, quand on a commencé à discuter de la possibilité d'acheter les entreprises de Dosco et que Dosco, à ce moment-là, si vous vous en souvenez bien, a vendu au gouvernement de la Nouvelle-Ecosse ses équipements de production d'acier à Sydney, le marché de l'acier était complètement à plat. Il y avait, prétendait-on, un surplus mondial de 75 millions de tonnes d'acier qui est disparu en l'espace d'un an. Il n'y a personne, expert ou non, qui avait prévu cela. La raison qui, apparemment, a amené cette disparition de surplus de capacité, c'est que la Russie est devenue importatrice plutôt qu'exportatrice, dans un très court laps de temps. Cela a complètement changé la situation européenne. Cela a été la principale raison, en somme, de la rareté et de la hausse du coût de l'acier primaire.

Le contraire peut se produire, c'est difficile à dire. Même en 1968 Dosco, dans des conditions difficiles — ce n'est pas nous qui étions là, à ce moment, même si nous avons le bilan ici — a réussi à augmenter la vente de ses produits finis, alors que le marché d'exportation, en 67/68, vers le Canada et particulièrement la province de Québec était très, très fort.

M. ROY (Beauce): Maintenant...

M. GIGNAC: C'est assez intéressant de le noter.

M. GARNEAU: M. le Président, il est six heures et demie et nous avions convenu de prolonger un peu après six heures. J'en ai causé avec le chef de l'Opposition, il serait d'accord. Si les autres membres de la commission étaient d'accord, nous pourrions ajourner à dix heures et demie demain, à la salle 91, celle qui est au bout, la salle du comité de l'ancien Conseil législatif, et nous pourrions terminer le bill de SIDBEC et entreprendre en commission le projet de loi de la Caisse de dépôt et placement.

M. BERTRAND: Parfait.

M. LE PRESIDENT: La séance est ajournée à demain matin, à dix heures trente, à la salle 91.

Séance du jeudi 10 décembre 1970 (Dix heures)

M. HOUDE (Limoilou) (président de la commission permanente des Finances): A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Beauce.

Etobicoke

M. ROY (Beauce): M. Gignac, quand la séance s'est terminée hier, nous parlions, je crois, du bilan consolidé. J'aurais une question à vous poser. Lorsque vous parlez de bilan consolidé, est-ce que cela comprend une filiale de Sidbec, située à Toronto Etobicoke. Est-ce compris dans le bilan consolidé de Sidbec?

M. GIGNAC: Oui.

M. ROY (Beauce): Quel pourcentage de l'actif Etobicoke représente-il?

M. GIGNAC: Vous voulez dire en argent? M. ROY (Beauce): En argent, oui.

M. GIGNAC: Les actifs d'immobilisation fixes de Etobicoke sont de l'ordre d'environ $5 millions.

M. ROY (Beauce): Cela veut dire $5 millions sur le montant total de $103 millions?

M. GIGNAC: Vous parlez de l'actif total. Je ne pourrais pas vous donner le chiffre exact. Quand nous avons pris le contrôle de Dosco à la fin de 1968, la valeur aux livres des actifs fixes dépréciés était de $72 millions, si ma mémoire est fidèle. Dans ce montant, Etobicoke pouvait représenter à ce moment-là à peu près $5 ou $6 millions. C'est un ordre de grandeur. Evidemment, nous n'avons pas, comme vous le savez, payé la valeur aux livres pour ces équipements. Nous avons eu un escompte assez appréciable lors des négociations.

Approvisionnement de métal

M.ROY(Beauce): Je vous remercie. Voici ma deuxième question. Hier, il y a une partie de cette question qui a été posée. A propos du pourcentage d'approvisionnement sur le marché du Québec — votre approvisionnement, par exemple, de métal de rebus et autre sorte de métal dont vous avez besoin pour votre usine — pourriez-vous nous indiquer quel est le pourcentage d'approvisionnement à l'intérieur du Québec?

M. GIGNAC: Jusqu'à maintenant, il a été de 100 p. c. à l'intérieur du Québec. Quand nous passerons à des quantités plus élevées, il faudra aller à l'extérieur du Québec, ceci à partir de 1971.

M. ROY (Beauce): Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: D'autres questions? Alors, article 1, adopté? Article 2?

M. BERTRAND: Tous.

M. LE PRESIDENT: Article 3, adopté? Article 4, adopté?

Aciers spéciaux

M. LAURIN: M. le Président, avant de terminer, j'avais une question que j'ai oublié de poser. On a beaucoup parlé de l'alimentation, dans ce qui précède, de métal de rebut et tout ça. Est-ce que Sidbec a éventuellement des projets également pour les aciers de qualité?

M. GIGNAC: Les aciers spéciaux? M. LAURIN: Oui.

M. GIGNAC: Disons que c'est une chose que nous n'avons jamais mise en évidence, mais le fait d'utiliser des fours électriques plutôt que des hauts fourneaux pour faire de l'acier donne une très grande flexibilité dans le domaine des aciers spéciaux, des aciers alliés, si vous voulez. Il me semble donc naturel qu'éventuellement, Sidbec devienne très intéressée aux aciers spéciaux, pour lesquels il y a un marché domestique assez considérable, ainsi qu'un marché d'exportation intéressant.

M. LAURIN: Mais vous n'avez pas encore pensé à des projets spéciaux, même dans une prospective?

M. GIGNAC: Non, nous pensons actuellement à l'accouchement, nous pensons à mettre le bébé au monde.

M. LAURIN: Mais, de toute façon, dans ce que vous allez faire, il y a une possibilité.

M. GIGNAC: C'est une possibilité réelle et qui pourrait devenir très intéressante.

M. JORON: M. le Président, si vous le permettez, sur le même sujet, vous disiez hier que 55 p. c. des expéditions étaient destinées au Québec et que le reste était exporté vers les autres provinces ou... Je me demandais si Sidbec-Dosco a une vocation de haute spécialisation dans le contexte d'un très grand marché. Je ne sais pas quelles sont exactement les barrières tarifaires à l'heure actuelle sur les produits de l'acier entre les Etats-Unis et le Canada, mais, dans la mesure où, d'ici un certain nombre d'années, nous pourrions peut-être les voir s'abaisser.

M. GIGNAC: Avec le Kennedy Round, les tarifs douaniers baissent graduellement...

M. JORON : Ils sont rendus à quoi à peu près, en gros?

M. GIGNAC: Actuellement, nous importons des Etats-Unis surtout des billettes —ce sont des pièces d'acier d'une dimension variant de 3 pouces par 3 pouces par 40 pieds de longueur jusqu'à 5 pouces par 5 pouces par 30 ou 40 pieds de longueur ainsi que des lingots. Sur cet acier importé, nous devrions normalement payer un tarif douanier qui s'élève, je crois, à 2 p. c. ou 3 p. c. Le gouvernement fédéral, l'an dernier, nous a cependant exemptés de ce tarif douanier, étant donné que personne, sur le marché canadien, ne pouvait nous fournir cet acier. Cette année, il a consenti, pour un certain nombre de mois en tout cas, à nous exempter de nouveau de ce tarif.

Sur l'acier fini, les barres, les fers marchands, la tôle, etc. le tarif est plus élevé, je crois qu'il est situé autour de 6 ou 7 p. c. Si nous avions à un moment donné, un marché commun avec les Etats-Unis, il n'y aurait pas de 6 p. c. ni pour eux ni pour nous et je ne sais pas ce qui arriverait.

M. JORON: Seriez-vous des concurrents pensez-vous?

M. GIGNAC: Oui.

M. JORON: Le coût de production...

M. GIGNAC: L'acier canadien est à meilleur marché que l'acier américain dans le moment.

Concurrence

M. JORON: Dans ce contexte que l'on peut prévoir, peut-être, éventuellement, la vocation de Sidbec serait-elle hautement spécialisée ou bien si vous entrez en concurrence directement avec U.S. Steel et toute sa gamme de produits?

M. GIGNAC: Tout le monde est concurrent avec U.S. Steel parce que cette aciérie fabrique tous les produits. Normalement, nos clients et les clients de nos concurrents s'alimentent de plusieurs aciéries et de plusieurs sidérurgies. C'est une pratique normale et tout le monde le comprend. Enfin, on ne veut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. A partir de ce moment-là que ce soit Sidbec, Steelco, Algoma, Dofasco ou U.S. Steel, etc., on peut espérer avoir une certaine part d'un certain marché, ou une certaine part du marché d'un certain client. Je pense bien qu'on ne peut pas espérer avoir 100 p. c. de la demande d'acier d'un client. A ce moment-là, ça devient une question de mise en marché, de contacts personnels au niveau des

vendeurs, etc., qui doivent convaincre le client que l'acier qu'on leur vend est de bonne qualité, est à un prix acceptable et qu'on peut leur donner un service métallurgique convenable, qu'on s'occupe d'eux, etc. Dans le fond, à ce moment-là, on joue les règles du jeu, on observe les règles du jeu. Si on ne les observe pas, on perd nos clients. C'est le jeu de l'offre et de la demande. Il arrive aussi que, pour des raisons économiques souvent difficilement contrôlables, c'est un "seller's market". A ce moment-là, il y a une rareté d'acier et on se trouve de nouveaux clients. En fait, il y a beaucoup d'éléments qui jouent dans l'élaboration du marché. C'est sûr qu'on essaie d'exploiter ça à fond et on essaie de remonter ses ventes dans des occasions comme celles-là. Prenez, comme exemple, la grève de la Steelco, il n'y a personne qui aime avoir des grèves. Quand Steelco était...

Quand Steelco était en grève et que nous, nous ne l'étions pas, j'aime autant vous dire que la demande était à la hausse. En fait, on ne pouvait suffire à la demande. Cela a joué contre nous cette année, c'est nous qui avons eu une grève.

Ce sont des éléments qui, à un moment donné, dans le temps, jouent et font qu'on obtient des marchés, qu'on a de nouveaux clients, etc. Il y a aussi des points spéciaux, comme dans le fil-machine, qui est un produit relativement spécial. Il n'y a pas tellement de gens qui font du fil-machine. Souvent, en vendant du fil-machine, cela nous permet de vendre d'autres produits, — une espèce de "package deal" — à un client donné.

Tous ces éléments jouent et je suis très confiant, surtout au Québec, que nous allons augmenter notre part du marché. On vend, je l'ai dit, 50 p. c. ou 55 p. c. de nos produits au Québec. En ce qui concerne des aciers comme l'acier d'armature ou des fers-angles, il n'y a pas de problèmes. Quand on touche à la tôle, c'est différent, on a un pourcentage infime du marché. La raison est très simple, je l'ai dit plusieurs fois, c'est qu'on a eu des problèmes techniques avec nos engins, nos équipements. Dès que ces problèmes techniques auront été réglés ou surmontés, je pense que nous allons très rapidement prendre notre juste part du marché québécois dans le domaine des tôles fines. Je vous donne un exemple entre autres.

M. LAURIN: M. Gignac, hier vous aviez l'air bien confiant, pour ne pas dire assuré, que, Sidbec dès 1973, non seulement serait rentable mais ferait des profits intéressants. Est-ce que vous pourriez nous résumer des raisons sur lesquelles s'appuie votre confiance ou votre certitude?

M. GIGNAC: C'est relativement facile. Actuellement, nous sommes obligés de nous approvisionner pour une quantité d'environ 350,000 tonnes d'acier primaire de Sydney Steel Corporation, de U.S. Steel, de Republic Steel, enfin de plusieurs aciéries. Cet acier-là nous coûte les yeux de la tête et nous avons fait nos projections, nos prévisions en nous basant sur les prix — cela, c'est en 1969 — que nous payions à Sisco.

Même si, depuis ce temps-là Sisco a haussé ses prix, en nous basant sur ces prix-là, qui forcément sont plus élevés que nous coûterait l'acier si nous le fabriquions nous-mêmes, nous prévoyons un profit. Alors, je me dis: Nous ne sommes pas plus imbéciles que Sisco. En outre, pour nous appuyer, nous avons quand même deux petites fournaises électriques à Montréal et nous connaissons très bien le prix d'une billette. Nous savons ce qu'une billette nous coûte, nous savons le prix que nous la payons. Alors faire la différence entre les deux n'est pas difficile et multiplier non plus. Je peux vous assurer qu'en 1973, à moins qu'il arrive des catastrophes que je ne prévois pas, nous allons faire un profit et un bon profit.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.

Parcs d'automobiles

M. PERREAULT: M. Gignac, vous avez parlé hier de la possibilité d'avoir une déchi-queteuse mobile qui irait dans les parcs d'autos. Cette déchiqueteuse mobile existe-t-elle sur le marché?

M. GIGNAC: Ce n'est pas cela que j'ai dit. Je m'excuse M. le député. J'ai dit qu'on pourrait avoir des aplatissoirs, un appareil qui aplatirait sur place les carcasses d'automobiles pour en faire comme une espèce de feuille afin qu'elle ne prenne pas de place dans le camion. Au lieu de mettre 7, 8 ou 10 voitures dans un camion, il serait possible d'en mettre 50 ou 100. Ce serait encore dispendieux, mais j'ai dit que, même à cela, il faudrait quand même un subside du gouvernement pour rendre cette chose-là rentable.

Il y a beaucoup de gens qui ont pensé aux déchiqueteuses mobiles. Ce sont de très gros engins et je serais énormément surpris si on pouvait utiliser une déchiqueteuse mobile qui pourrait être rentable.

UNE VOIX : Est-ce que ça existe présentement?

M. GIGNAC: Non. A ma connaissance ça n'existe pas.

M. BRASSARD: Je pense bien que des essais ont été faits sur des presses.

M. GIGNAC: Ça fonctionne. Je pensais qu'on parlait de déchiqueter le métal.

M. BRASSARD: Je parle de presser le métal sur place après avoir brûlé les bourrures, l'intérieur de l'automobile. Encore là c'est extrêmement dispendieux, ça coûte trop cher et les gens disent que ce n'est pas rentable, donc ils ne s'en occupent pas.

M. GIGNAC: C'est un problème.

M. LEVESQUE : Est-ce que vous avez déjà songé à mettre en parallèle vos besoins et ceux de la province dans un programme d'embellissement?

M. GIGNAC: Pour autant que la province contribue, je n'ai pas d'objection. Je peux vous assurer d'une chose, c'est un problème qui va s'accentuer, il ne diminuera pas. Plus ça va, plus le nombre de voitures est élevé. Je pense, qu'on le veuille ou non, qu'il va sûrement falloir que le ou les gouvernements interviennent, d'une façon ou d'une autre, pour faire disparaître ou, du moins, pour amoindrir ces fameux parcs de cadavres qui existent dans le moment.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. GIGNAC: Mais ce n'est pas le mandat de Sidbec d'embellir la province. Notre mandat à nous est de faire de l'acier.

M. BERTRAND: Ce n'est pas une compagnie d'embellissement.

M. GIGNAC: Non.

M. ROY (Beauce): Vous avez mentionné tout à l'heure que Sidbec devait acheter de l'acier d'autres compagnies pour pouvoir satisfaire à la demande de ses clients. Est-ce qu'il arrive parfois que Sidbec soit obligée d'acheter de l'acier à un prix déterminé et que Sidbec soit obligée de le vendre à un prix inférieur? Est-ce que cela arrive assez souvent?

M. GIGNAC: Cela arrive...

M. ROY (Beauce): Je ne dis pas à un prix inférieur au prix de production ou au prix que cela pourrait vous coûter pour le produire...

M. GIGNAC: Ah! bon.

M. ROY (Beauce): ... mais au prix où vous l'avez payé.

M. GIGNAC: II y a une partie des fonds — je pense que cela vous a été expliqué par M. le ministre Garneau — il y a $76 millions, si je me souviens bien, qui sont affectés à l'installation d'équipement pour faire de l'acier. Cet acier-là va nous coûter pas mal moins cher que le prix qu'on paie actuellement pour alimenter nos laminoirs. C'est là que se trouve le gros profit.

M. ROY (Beauce): Ma question est la suivante: Est-ce que cela vous arrive actuellement d'acheter de l'acier préparé et de le revendre pour satisfaire le besoin de vos clients, mais de le revendre à un prix inférieur à celui que vous avez payé?

M. GIGNAC: Vous voulez dire le revendre tel quel?

M. ROY (Beauce): Tel quel, oui. M. GIGNAC: Non.

M. ROY (Beauce): Vous n'avez jamais à subir de perte?

M. GIGNAC: Non. La perte qu'on subit survient quand on achète de l'acier primaire en billettes et en lingots, qu'on le transforme et qu'on le revend en produit fini. Evidemment, quand le prix de départ est de $50, $30, ou $40 la tonne de plus cher que cela nous coûterait si on le faisait, c'est là qu'on perd de l'argent.

M. ROY (Beauce): J'aurais maintenant une question indiscrète à vous poser.

M. GIGNAC: Allez-y.

Marchés

M. ROY (Beauce): Est-ce que le gouvernement du Québec est un bon client pour Sidbec?

M. GIGNAC: Le gouvernement du Québec est de plus en plus conscient que Sidbec existe.

M. ROY (Beauce): Est-ce qu'on peut vous poser la même question relativement à l'Hydro-Québec?

M. GIGNAC: Oui, l'Hydro-Québec... j'y ai d'ailleurs vu avant de la quitter.

M. BERTRAND: Quelqu'un faisait hier la remarque que c'était peut-être en famille. J'ai aimé l'explication, la réponse de M. Gignac à ce sujet-là, parce qu'il ne faudrait pas que cela devienne une entreprise d'entraide qui ne serait pas basée sur des critères meilleurs que celui de bonnes relations avec un groupe.

Vous avez ajouté, qu'au point de vue du produit, vous étiez en état de donner à l'Hydro-Québec un produit de première qualité.

M. GIGNAC: Exactement.

M. BERTRAND : Quant à moi, comme dé-

puté, nous avons eu l'occasion de vous entendre pendant trois ou quatre jours, devant la commission lorsque nous avons lancé Sidbec.

M. GIGNAC: Oui.

M. BERTRAND: Vous aviez répondu à la satisfaction de tous les membres de la commission d'une manière complète. Vous aviez apporté des arguments pour faire valoir que l'achat de Dosco était une première étape sinon il y aurait deux sidérurgies au Québec, cela pourrait être dangereux. Et vous aviez dit que, par la disparition d'un concurrent, cela assurait davantage le succès de Sidbec. Nous vous avons fait confiance — quant à moi — et je pense que mes collègues sont prêts également à vous faire confiance à ce sujet. Je comprends que toutes les décisions qui sont prises — vous avez un conseil d'administration qui vous appuie — sont des décisions unanimes.

M. GIGNAC: Oui, absolument.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin.

M. JORON: M. Gignac, je m'excuse, il n'y a peut-être pas de suite logique dans nos questions...

M. GIGNAC: Cela n'a pas d'importance.

M. JORON: ... mais je profite de votre présence pour les poser toutes. J'ai une question, peut-être un peu délicate. Cela m'a toujours intrigué de savoir si, au moment où Dosco était devenue propriété de l'Etat québécois, il y avait eu un chambardement dans votre clientèle. En d'autres mots, est-ce que vous avez pu voir si certains marchés, si certains clients vous devenaient inaccessibles du fait que Sidbec était devenue propriété de l'Etat? Avez-vous été en mesure de voir peut-être une certaine forme de nationalisme économique chez certains clients anglophones, par exemple?

M. GIGNAC: Sur le marché du Québec, non. Il n'y a aucune réaction, ni pour ni contre...

M. JORON; II n'y a pas eu de gros chambardements chez vos clients...

M. GIGNAC: Non.

M. JORON: ... comme la perte de clients spectaculaires...

M. GIGNAC: Sur le marché de l'Ontario, il y a eu ce que j'appellerais quelques hésitations. A ce moment, dès le début de 1969, je suis allé avec mon vice-président de mise en marché, rencontrer personnellement deux de nos principaux clients qui, au fond, se demandaient ce que nous faisions dans cette galère. Je leur ai expliqué d'une façon très franche très honnête, quels étaient nos objectifs. Cela les a satisfaits. Depuis ce temps, je dois dire qu'en fait nos ventes ont augmenté en Ontario. Alors, il n'y a pas eu de réactions.

Si vous me parlez des événements récents, c'est la même chose; nous n'avons vu aucune réaction. De toute façon, je me suis informé cette fois-là, à la suite des événements que nous connaissons, pour savoir les réactions sur le marché, mais il n'y en a pas eu.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget désirerait...

M. GIGNAC: C'est assez curieux, mais ce que le client désire, c'est un produit de qualité à un prix concurrentiel. Il se fout comme de l'an quarante de la provenance du produit. En tout cas, c'est l'expérience que j'en ai.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget. Développement industriel

M. LAURIN: M. Gignac, lorsque l'on parlait de l'établissement d'un projet Sidbec, une des raisons principales que l'on faisait valoir était qu'une aciérie et surtout une sidérurgie intégrée constituaient une sorte d'incitation extraordinaire au développement industriel, c'est-à-dire que l'effet d'entraînement prévu de Sidbec pour le développement industriel serait très marqué. Cette projection bénéfique entrevue commence-t-elle à se matérialiser?

M. GIGNAC: Je peux vous dire une chose. Les effets bénéfiques dont vous parlez ne sont peut-être pas arrivés. La façon positive de répondre à votre question serait la suivante: Cela a empêché des usines qui utilisent des produits d'acier de fermer leurs portes et d'utiliser leurs usines situées en Ontario. Disons que les tôles fines, qui sont un produit que nous fabriquons et avec lequel nous perdons de l'argent dans le moment parce que nous avons des difficultés techniques, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, sont probablement le produit qui engendre le plus d'industries secondaires. Dès que nous pourrons établir vis-à-vis des clients actuels et futurs notre crédibilité au point de vue de la qualité, de la livraison, du service, etc., je pense et je suis absolument convaincu, à la suite des contacts que j'ai eus, que cela va avoir un effet bénéfique au point de vue du développement industriel au Québec.

M. LAURIN: Y a-t-il d'autres domaines où vous entrevoyez des développements de ce genre-là?

M. GIGNAC: D'autres domaines?

M. LAURIN: D'autres secteurs, d'autres industries secondaires?

M. GIGNAC: Parlons-nous encore des produits de l'acier?

M. LAURIN: Oui.

M. GIGNAC: II n'y a presque pas de limite à ce qui peut se faire. On peut parler de maisons préfabriquées. On peut parler de panneaux préfabriqués pour la construction de maisons ou la construction d'édifices publics. On peut parler de lessiveuses-sécheuses. Je vais vous donner un exemple que tout le monde connaît, je pense. Prenons la Fonderie l'Islet, qui est située dans le bas du fleuve, à l'Islet. C'est un problème que je connais assez bien parce qu'à ce moment-là j'étais à l'Hydro-Québec et d'ailleurs, M. Perreault, qui est ici, peut confirmer cela. Elle s'est mis en tête un jour de faire des chauffe-eau électriques. L'Hydro-Québec l'a réellement encouragée. On lui a fait une concurrence épouvantable et elle a été obligé à un certain moment de cesser ses affaires. Je vois maintenant qu'elle semble vouloir recommencer à produire. Une des raisons qui faisait que ses produits n'étaient pas compétitifs ou concurrentiels était qu'elle payait tout simplement la tôle utilisée pour mettre autour du chauffe-eau $12 de plus que tous ses concurrents. Je vous donne un autre exemple concret.

Prenez les motos-neige, c'est une industrie que nous ne fournissons pas à plein dans le moment justement à cause des problèmes dont je vous ai parlé. C'est une industrie qui va devenir, pour nous, éventuellement, un client extrêmement intéressant. Nous allons contribuer... Comme question de fait, par notre seule présence actuellement, même si nous avons un produit qui est de qualité douteuse, nous avons fait descendre le prix de l'acier de $10 à $12 la tonne. Si nous n'étions pas là, le prix remonterait de $12. Le seul fait d'être là fait baisser le prix de $12 la tonne et je dis $12 parce que c'est le transport dans le fond entre Hamilton et Montréal ou le marché du Québec.

Recherche

M. LAURIN: Est-ce que vous avez un département de recherche à Sidbec qui s'occupe de ces problèmes de prospective, de mise en marché éventuelle, de développement de nouveaux produits, d'ouverture de nouveaux marchés?

M. GIGNAC: Je suis justement en train d'en former un. Hier, vous m'avez dérangé en ce sens que l'Assemblée nationale a exigé ma présence. J'étais en train de discuter exactement du problème que vous soulevez. Au moins, nous voulons former une équipe qui va travailler dans la recherche de nouveaux produits ou de nouvelles façons de faire le produit. Je vais vous dire qu'une partie de cette recherche-là va se faire — cela peut peut-être intéresser — de concert avec l'Institut de recherche de l'Hydro-Québec, dans leur département de métallurgie. On a d'ailleurs déjà commencé. C'est une chose qui est inscrite dans notre programme de développement, mais nous ne pouvons réellement escamoter la fondation. Il faut partir d'une bonne base, ce qui n'est pas facile. D'ici deux ou trois ans, nous allons avoir tout ce qu'il faut pour faire le développement ou la recherche, pour être disons à l'avant-garde.

Je peux vous dire que l'usine de métallisation, que nous avons l'intention d'installer à Contrecoeur, est une première au Canada. Nous allons probablement être en 1972 ou 1973, la quatrième ou la cinquième usine au monde à faire des boulettes métallisées. De ce côté-là, nous sommes réllement à l'avant-garde. Nous avons pris au départ un risque calculé, mais cela en valait la peine, parce qu'en faisant du fer métallisé dans une usine, les investissements de capital pour faire de l'acier sont coupés de moitié. Cela vaut la peine de prendre le risque et je pense que, de ce côté-là, nous avons sûrement été d'avant-garde.

M. LE PRESIDENT: Une deuxième question.

Autres compagnies

M. LAURIN: Pensez-vous qu'avez le développement de Sidbec vous pouvez chasser du marché québécois certaines autres compagnies qui y sont ou les absorber éventuellement? Ou même faire des "holdings conglomérats"...?

M. GIGNAC: Quand on fait des profits et qu'on a un bon "cash-flow", on peut se permettre bien des choses. Ce n'est pas notre intention de chasser qui que ce soit du Québec. Cependant, nous avons l'intention de bien nous implanter au Québec de la même façon que Steelco ou Dofasco sont bien implantées en Ontario. J'en nomme deux, mais je pourrais nommer Algoma mais ce n'est pas tout à fait le même genre de produit. Ce sont plutôt Steelco et Dofasco qui sont nos plus grands concurrents. Cependant, nous allons leur faire concurrence sur leur marché pour les tenir honnêtes, pour employer une expression commune. Eux viennent faire d'ailleurs la même chose ici.

Maintenant, qu'on rationalise — j'appelerais plutôt ça de la rationalisation — ou même qu'on fasse des entreprises communautaires avec des concurrents, cela n'est pas impossible. Parce qu'il y a des marchés — je ne vais vous en nommer qu'un — le marché du tuyau qui est un marché limité, qui a une croissance très lente.

La capacité de fabrication est à peu près 50 p. c. ou 75 p. c. plus élevée que le marché. C'est une entreprise marginale. Tout ce que ça fait, ça dépense l'acier qui est produit à l'aciérie.

Ce n'est pas impossible, qu'un de ces jours on se mette ensemble avec Steelco et qu'on fasse seulement une compagnie qui va faire un produit et qui va desservir un marché. Disons qu'à ce moment-là cela ne sera plus une entreprise marginale. Cela sera une entreprise profitable.

Qu'est-ce qui peut se produire dans le futur? Je ne le sais pas. Mais on a bien l'intention de s'implanter solidement au Québec.

M. LAURIN: Dans ce domaine-là, est-ce qu'il y a, comme en agriculture, des signes de protectionnisme provincial qui commencent à se manifester?

M. GIGNAC: II y a des signes que l'on voit et il y a des signes qu'on ne voit pas. Je n'aime pas beaucoup revenir sur le passé mais quand j'étais à l'Hydro et qu'on a commencé à parler de tarifs préférentiels, tout le monde a jeté les hauts cris pour s'apercevoir, six mois ou un an après, que toutes les provinces faisaient la même chose. Disons que le problème s'est réglé à ce moment-là.

M. BERTRAND: II faudrait se le dire.

M. GIGNAC: Cela a été notre malheur ou notre bonheur, je ne le sais pas. D'ailleurs, je dois dire, je ne sais pas si vous êtes au courant, qu'on a été critiqué à ce moment-là — c'était en 1963 ou 1964, si je me souviens bien — par toutes sortes d'organismes y compris le Financial Post, le président de ceci et le président de cela. Il y a un an les entreprises du Canada, et évidemment les entreprises ontariennes, étaient à ce moment-là extrêmement lésés par des importations. Je connais au moins deux présidents, en particulier le président de la General Electric qui a dit que la seule politique d'achat intelligente au pays — je m'excuse de vous dire ça — c'est l'Hydro-Québec qui l'a établie. Quant au président de la CEMA, je ne me souviens plus du nom, la Canadian Electrical Manufacturing Association, il a confirmé la même chose. Je pense que, lorsque l'on parle de protectionnisme, cela me semble normal qu'une province s'occupe de ses affaires. Quand on retombe dans l'industrie privée, disons que c'est normal que la concurrence joue avec moins de protectionnisme. Mais que le gouvernement ou que l'Hydro-Ontario ou des entreprises du gouvernement, d'une façon quasiment consciente, aillent donner leurs commandes aux Japonais ou aux Allemands, je trouverais ça un peu ridicule, si on veut réellement se bâtir une économie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Shefford.

M. RUSSELL: Certaines de nos compagnies manquent de vigilance.

M. GIGNAC: Cela se fait. Cela se fait sûrement.

M. PILOTE: M. Gignac, vous avez dit tantôt que le marché de plaques d'acier pour la fabrication de motos-neige était très intéressant, ou semblait intéressant. Avez-vous pensé à la concurrence des plaques d'aluminium ou de fibre de verre avec lesquelles certaines motos-neige sont fabriquées?

M. GIGNAC: Cela fait partie du développement. S'il fallait que, du jour au lendemain, on arrête les substituts, dans dix ans d'ici, on serait à court d'acier. Cela serait impossible de fournir là-dedans.

En un mot, quand on dit que le marché de l'acier augmente de 2 1/2 p. c, 3 p. c. ou 4 p. c. par année, cela tient compte du fait qu'il y a un tas de substituts qui vont remplacer l'acier dans les motos-neige ou dans ce que vous voudrez. S'il n'y avait pas ces substituts —la même chose d'ailleurs s'applique pour le bois — les forêts seraient vidées dans l'espace de dix ans. C'est ma façon de voir les choses. Il y aura toujours des substituts ou d'autres produits pour faire concurrence à l'acier ou au bois et même au plastique ou à la fibre de verre, etc.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Gignac d'avoir répondu aux questions de la commission et je remercie également les membres de la commission.

M. LEVESQUE: M. le Président, au nom du gouvernement, je veux également remercier M. Gignac. Si nous l'avons dérangé dans un domaine particulier, de la recherche, je suis convaincu qu'il aimerait se faire déranger comme ça...

M. GIGNAC: Souvent.

M. BERTRAND: II est certainement heureux que M. Gignac soit venu. Quelle que soit la compétence d'un ministre quel qu'il soit, il ne peut jamais répondre à nos questions comme peut le faire, dans le cas, le président de la compagnie Sidbec. Je le remercie personnellement au nom de mes collègues.

M. ROY (Beauce): A titre de membre de la commission il me fait plaisir également de remercier sincèrement M. Gignac d'avoir bien voulu répondre à toutes nos questions.

Etant donné que nous sommes des nouveaux en Chambre, il est évident qu'il a contribué énormément à nous informer. Nous sommes beaucoup plus au courant maintenant des projets de Sidbec dans la province de Québec. Par la manière dont il a répondu aux questions que nous lui avons posées, M. Gignac nous a prouvé

qu'il était un homme d'une grande compétence et d'une grande valeur. Il me fait plaisir de le remercier.

M. BERTRAND: C'est votre cadeau de Noël!

M. JORON: Je voudrais également remercier M. Gignac. Sans répéter ce que je disais en Chambre, hier, nous sommes très sensibles à l'exemple que représente Sidbec, une intervention positive de l'Etat dans la création d'entreprises nouvelles et d'un élargissement de notre structure économique. Nous souhaitons que l'exemple soit multiplié. On ne sait pas si on pourra trouver partout des administrateurs aussi compétents que M. Gignac pour piloter tous ces exemples futurs que l'on souhaite. Vous me permettrez de vous remercier et de vous féliciter pour le rôle que vous jouez dans le redressement de l'économie québécoise.

M. GIGNAC: Cela me remonte le moral. M. BERTRAND: Ne comptez pas vos visites.

M. LE PRESIDENT (Houde) (Limoilou): Merci bien, M. Gignac.

M. GIGNAC: Cela me remonte le moral. Cela m'appesantit aussi. Merci beaucoup. Au revoir.

Projet de loi no 57

M. LE PRESIDENT (Houde) (Limoilou): Bill 57 - Loi modifiant la charte de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Article 1.

M. LEVESQUE (Bonaventure): A l'article 1, il y aurait un amendement que nous voudrions suggérer et qui sera distribué à l'instant même.

Aliénation d'immeubles

M. BERTRAND: A l'heure actuelle, la loi permettait quand même à la Caisse de dépôt d'aliéner les immeubles, mais, dorénavant, la caisse ne pourra le faire qu'après une autorisation générale, ou spéciale du lieutenant-gouverneur en conseil. Ce pouvoir a été demandé, bien entendu, par le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. Prieur, j'ai noté à la page 26 de votre rapport annuel de gestion pour l'année 1969, la liste de tous les immeubles qui ont été acquis par la Caisse de dépôt et placement.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Si vous me permettez, M. le Président, d'enchaîner avec ce que vient de dire le chef de l'Opposition, simplement pour clarifier un peu la nécessité d'amener, ou l'opportunité d'amener cet amendement à l'article 4 de la charte de la caisse, c'est qu'à l'occasion de certaines transactions, des conseillers juridiques avaient émis des doutes quant à la capacité de la caisse de passer certains actes, tels que vendre, hypothéquer, nantir et louer les biens immobiliers dont la caisse a la possession.

D'autre part, le conseil d'administration de la caisse avait reçu une opinion juridique du ministère de la Justice du Québec à l'effet que la caisse avait probablement la capacité de passer des actes de propriété. Toutefois, l'opinion juridique transmise stipulait que la charte de la caisse devrait être modifiée pour enlever tout doute qui pourrait subsister à ce sujet. Si on se reporte, par exemple, aux dispositions retrouvées dans la Loi des autoroutes 1964, Statuts revisés de Québec, chapitre 134, article 10, on voit que les deux premiers alinéas sont sensiblement les mêmes que l'on retrouve dans l'article 4 de la charte de la Caisse de dépôt et de placement, mais on y avait, alors, ajouté un troisième paragraphe qui disait: "Toute acquisition ou aliénation de biens immeubles par l'office doit être préalablement autorisée généralement ou spécialement par le lieutenant-gouverneur en conseil."C'est cette disposition que nous croyons bon d'amener pour enlever tout doute dans l'interprétation des pouvoirs de la caisse.

M. BERTRAND: II y aurait eu moyen d'enlever tout doute, si doute il y avait. Je n'ai

personnellement pas d'objection à ce que l'aliénation d'immeubles soit autorisée par le lieutenant-gouverneur en conseil. Je pense que c'est une protection également pour la Caisse de dépôt. A ce moment-là, il ne pourra pas y avoir un jour des conflits comme on en a eus au sujet de certaines transactions immobilières qui ont été faites par une régie, dont je n'ai pas besoin de donner le nom, étant donné que le problème a été devant l'opinion publique. Je pense que c'est également une protection pour les membres de la Caisse de dépôt.

M. LEVESQUE: A ce moment-ci, on pourrait peut-être parler de l'amendement, parce que ça enchaîne encore sur ce que vient de dire le chef de l'opposition. Nous voudrions ajouter un alinéa qui se lirait comme suit: "Toute autorisation visée à l'alinéa précédent n'a effet qu'à compter de la date de sa publication dans la Gazette officielle du Québec." Ceci est pour éviter ce qui arrivait lors des transactions, alors que les notaires et les avocats se posaient continuellement la question à savoir si un arrêté en conseil prévoyant l'autorisation pouvait avoir été modifié subséquemment. Donc, pour enlever encore...

M. BERTRAND: Ça va donner un avis au public, à l'opinion publique en général. Est-ce qu'il y a eu beaucoup de ventes d'immeubles?

M. PRIEUR: Non, à ma connaissance, il n'y a eu aucune vente d'immeuble, mais il y a eu certaines aliénations comme, par exemple, lorsque nous avons loué des immeubles. Dans le cas de transactions de conventions d'achats à retours locatifs — ce que l'on appelle en anglais les "sell and lease back", — nous achetons une propriété et nous la louons pour une période de, disons, vingt ans à une société. Louer une propriété, ce n'est pas la vendre, mais ça y ressemble un peu.

M. BERTRAND: Un bail au-delà de neuf ans équivaut presque à une aliénation au sens du code civil.

M. PRIEUR : II y a aussi la question à savoir lorsque nous devons reprendre une propriété qui jouit de la garantie de la Centrale d'hypothèques, c'est-à-dire qui jouit de l'assurance de la Centrale d'hypothèques fédérale, nous savons que la Centrale d'hypothèques n'acceptera pas la validité du titre signé simplement par nous sans une intervention du lieutenant-gouverneur en conseil. Ceci prévoit donc ce qui nous arrivera peut-être un jour.

M. ROY (Beauce): En ce qui a trait aux immeubles, est-ce que la Caisse de dépôt achète des immeubles pour les revendre, si elle achète des immeubles commerciaux pour les louer à d'autres personnes ou si elle est exclusivement réservée aux immeubles devant servir aux différents services gouvernementaux?

M. PRIEUR: La caisse a le droit de faire toutes les opérations de ce genre, mais généralement, à ce jour et à l'avenir, tel que je peux le prévoir, la caisse n'est pas au marché pour acheter des immeubles et les revendre pour faire un profit. Lorsque nous achetons des immeubles, c'est pour des raisons de placements et c'est essentiellement pour les relouer pour gagner un revenu pendant un certain nombre d'années.

M. ROY (Beauce): Est-ce que c'est surtout pour acheter des immeubles devant servir au gouvernement?

M. PRIEUR: Non. Ce sont des immeubles pour fins commerciales.

M. ROY (Beauce): Pour fins commerciales.

M. LE PRESIDENT (Houde) (Limoilou): Le député de Gouin.

Placements immobiliers

M. JORON: M. Prieur, j'ai vu que la caisse avait fait différents placements immobiliers; on voit souvent des constructions où la caisse de dépôt participe au financement de la réalisation de tels projets, etc. Est-ce qu'avant cette loi, de tels placements devaient être autorisés par le lieutenant-gouverneur en conseil?

M. PRIEUR : Non, II y avait une différence d'opinion, seulement au moment d'une vente c'est-à-dire que, la Caisse de dépôt étant une corporation au sens du code civil, certaines personnes croyaient que nous avions le droit de le vendre. Par contre, vu qu'il existe déjà une tradition, des lois — je ne suis pas avocat, je m'excuse — ...

M. JORON : II ne faut pas vous en excuser surtout !

M. PRIEUR: ... dans ces explications, j'ai toujours peur de me servir d'expressions qui pourraient choquer les avocats — la question est la suivante: à notre avis, nous avions le droit de vendre, mais le problème avait été soulevé par certains avocats, à l'effet que nous n'avions pas le droit de vendre. Le ministère de la Justice avait émis une opinion laquelle, pour un organisme comme le nôtre, a force de loi, à savoir que nous avions le droit de vendre. En même temps, il a été suggéré que, pour enlever tout doute, on adopte une loi dans ce sens. Ceci va toutefois exiger un arrêté en conseil du lieutenant-gouverneur qui nous permettra généralement de faire la sorte de transactions que nous faisons, arrêté en conseil qui, selon la loi, devra être publié dans la Gazette officielle.

M. JORON: Dans le passé, les placements immobiliers qu'a fait la Caisse de dépôt, ont-ils été faits après consultation avec le conseil des ministres?

M. PRIEUR: Non.

M. JORON : Ma question s'adresse aussi en même temps au ministre de l'Industrie et du Commerce — je ne sais pas, en fait, de qui relève... c'est le cabinet...

M. PRIEUR : Du ministère des Finances.

M. LEVESQUE: Du ministre des Finances. Je suis ici justement, à titre de représentant.

M. JORON : Sans mettre en question la qualité des placements que la caisse a effectués à date, je me suis posé une question, à propos de ces fonds publics perçus de tous les Québécois. Uniquement à titre d'exemple, ne mettant pas en cause le mérite du placement, je vois que la Caisse participe au financement de l'hôtel... sur la rue Sherbrooke... le Holiday Inn, je ne sais trop.

M. PRIEUR: Oui, mais cette propriété n'a rien à faire avec Holiday Inn.

M. JORON: Pardon, cela je l'ignorais. Je me demande — la question s'adresse davantage au gouvernement — s'il y a des priorités dictées par des réalités sociales, par exemple de mettre l'accent sur la construction immobilière des logements à loyers modiques. On en parle beaucoup de ce temps-ci. Est-ce qu'il est souhaitable que la Caisse de dépôt emploie ses fonds à financer des constructions d'ordre un peu plus somptuaire: des hôtels de luxe ou des maisons appartements de luxe, des immeubles à bureaux, ainsi de suite? A quel moment intervient le rôle du cabinet pour dicter une politique qui tiendrait compte de ces préoccupations sociales?

M. LEVESQUE: Je n'ai pas d'objection à tenter de répondre à la question posée. Je m'objecterais, en principe, à ce que la commission parlementaire s'éloigne de l'objet de la présente loi. Je voudrais qu'on se comprenne parce qu'autrement, on pourrait, à ce moment-là, utiliser le travail en commission parlementaire, exigé par la présente loi, pour faire un tour complet d'horizon dans le domaine de la Caisse de dépôt. Ce n'est pas ce pourquoi la Caisse de dépôt a demandé ce projet de loi, présentement.

Ceci étant dit, je ne crois pas que ce soit le lieutenant-gouverneur en conseil qui doive prendre l'initiative des placements dans ce cas-ci parce qu'il y a une grande part d'autonomie dans la Caisse de dépôt. C'est à la Caisse de dépôt qu'il revient de juger des situations et, suivant la loi, de faire les placements qu'elle juge à propos de faire.

M. JORON: Je comprends très bien, M. le ministre, aussi je ne veux pas élargir indûment le débat, mais puisque...

M. LEVESQUE: D'ailleurs, M. Prieur pourrait peut-être ajouter quelque chose pour répondre à cette question.

M. JORON : Je vous en prie.

Politique de la Caisse

M. PRIEUR : II me fait plaisir de vous donner, d'une façon très brève, les politiques que nous poursuivons et qui répondrons peut-être à la question que vous m'avez posée.

La Caisse de dépôt est consciente de ses responsabilités sociales. Par contre, la Caisse de dépôt est aussi consciente du fait que les fonds, qu'elle doit gérer, sont les fonds non pas de toute la population mais d'une certaine partie de la population est que ces fonds servent à protéger le Régime de rentes du Québec. Nous sommes dans une position où nous devons, à la fois, rencontrer deux critères qui, dans la majorité des cas, ne sont pas en conflit mais, quelquefois, peuvent le devenir. Pour répondre à votre question spécifiquement, nous avons essayé de faire certains placements dans le domaine du domicile à prix modique, mais par contre, nous ne pouvons pas demeurer simplement dans ce domaine parce qu'il s'agit aussi d'obtenir des revenus et de faire des profits aussi pour protéger le Régime de rentes et les autres organismes qui déposent à la caisse.

Nous avons essayé de faire un peu de tout. Mais il y a une autre chose, c'est que la caisse n'est pas un entrepreneur, et ce n'est pas du domaine de la caisse à elle seule de lancer des projets. Nous représentons la finance et la finance n'est qu'une seule des choses essentielles dans le développement économique. H faut un entrepreneur avec une idée pour lancer un projet, avec des fonds assez substantiels pour le protéger et pour permettre des prêts qui pourraient s'y rattacher.

Notre présence même dans le marché répond donc à tout le problème d'aider au développement économique de la province. Nous chargeons habituellement le prix du marché; il y a toujours l'offre et la demande, il y a toujours un écart entre le meilleur prix et le prix le plus dispendieux, et parce que nous sommes au Québec, parce que nous sommes une institution québécoise, nous avons tendance à offrir peut-être des meilleurs taux et conditions qu'on pourrait en obtenir d'une société qui ne se reconnaît pas de responsabilités politiques. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. JORON: Je comprends très bien; je comprends que le rôle de la caisse n'est pas d'être entrepreneur, elle est fournisseuse de capitaux, si vous voulez. Mais, à ce moment, la partie s'adresse peut-être plus au gouvernement, dans la mesure où le gouvernement doit dicter peut-être des critères, enfin, établir des normes à la caisse. A qui doit-elle...

M. LEVESQUE: D'ailleurs, nous avons des institutions, vous l'admettrez volontiers, comme la Société d'habitation du Québec, par exemple, qui s'occupe plus particulièrement d'un domaine social.

M. JORON: D'accord, la question que je posais, M. le ministre, à ce moment, est justement de savoir s'il serait souhaitable que la caisse prête à des entrepreneurs privés dans le domaine immobilier ou prête davantage à l'Etat pour augmenter son pouvoir d'investissement, à savoir si elle pourrait prêter à la Société d'habitation du Québec. A un moment donné, il y aura...

M. LEVESQUE: D'ailleurs, je sais que chaque fois qu'il y a un emprunt de la province, la première question qui est posée en Chambre: Est-ce que la Caisse de dépôt, en particulier?

M. JORON: Le pourcentage que...

M. BERTRAND: Vous avez à la page 23 du rapport annuel la ventilation du portefeuille de la Caisse de dépôt et vous notez que le gouvernement du Québec a des garanties dans ce portefeuille il en a pour 55,1 p. c. ; hypothèques et immeubles: 3,1 p. c. . Ce sont des placements très limités pour le moment. Vous avez également les actions: 16 p. c. ; obligations d'entreprises: 4,7 p. c. ; gouvernement du Canada: 4,8 p. c. ; émissions garanties par subventions provinciales: 2,2 p. c. ; municipalités et commissions scolaires: 8 1/2 p. c. .

M. LEVESQUE: On admettra que la part du gouvernement, qui est de 55,1 p. c. doit servir à plusieurs fins que vous défendez.

M. JORON: J'en conviens. Les 3 p. c. en immeubles, c'est qu'il faut concevoir aussi que les initiatives de la caisse sont relativement nouvelles dans ce domaine.

M. PRIEUR: C'est exact, dans le domaine des immeubles et hypothèques, il y a aussi le fait qu'il y a un délai considérable entre le moment de l'engagement et le moment où la transaction se termine. Dans les cas de maisons d'appartements, cela peut aller jusqu'à un an, un an et demi; tout dépend de la dimension de l'édifice.

Je pourrais peut-être vous donner un chiffre que je citais publiquement récemment; lorsque tous les engagements présents de la caisse seront complétés, dans le domaine des valeurs immobilières, y compris cette partie qui est réellement du domaine immobilier mais qui se fait par choix par le véhicule d'obligations hypothécaires, nous aurons, si nous arrêtions de prendre des engagements ou d'accepter des engagements, $110 millions dans le domaine des valeurs immobilières.

M. JORON: Soit environ près de 10 p. c. du...

M. PRIEUR: Sur un actif qui, en ce moment, excède un peu $1,300,000,000.

M. LE PRESIDENT (Houde) (Limoilou): Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): Est-ce qu'on me permettrait de poser quelques questions concernant le bilan? A la page 18, il est mentionné: Actions privilégiées: $6 millions; actions ordinaires: $150 millions.

Les actions achetées, qu'elles soient privilégiées ou ordinaires, sont-elles des actions dans des sociétés canadiennes, dans des sociétés québécoises? Y a-t-il des capitaux qui peuvent être investis ailleurs que dans la province de Québec?

M. LEVESQUE Je n'ai pas d'objection à ce que M. Prieur réponde, mais j'aurais objection à ce qu'on poursuive trop longtemps ce genre de questions et qu'on s'éloigne du projet de loi.

Placements

M. ROY (Beauce): On a permis quand même à un autre député d'obtenir des réponses à ses questions. J'aimerais bien en obtenir également parce que c'est la première occasion que nous avons de rencontrer M. Prieur et de discuter avec lui.

M. LEVESQUE: Si on le fait d'une façon brève, je n'ai pas d'objection.

M. ROY (Beauce): Comme il s'agit justement de changer un peu la politique de placement de la Caisse de dépôt, j'aimerais, pour m'éclairer et pour éclairer les autres également, avoir quelques réponses à ce sujet.

M. PRIEUR: Je peux répondre à cette question en vous faisant peut-être un exposé de la politique de la caisse vis-à-vis des différentes sortes de placements. Dans le cas de titres de créance où il s'agit d'obligations hypothécaires, de debentures, de billets, ou quoi que ce soit, les transactions de la caisse représentent alors un apport direct de capital dans les sociétés. Dans ce cas-là, nous nous sommes généralement maintenus à l'intérieur de la province de Qué-

bec. Il y a eu quelques exceptions et ces exceptions sont d'habitude temporaires, pour des fins bien précises, celles de faire de l'argent, de faire un profit. Nous avons, par exemple, acquis une partie d'une émission en Ontario qui apparaissait attrayante au marché. On croyait qu'il y a un petit profit à faire à un moment où nous avions des fonds disponibles. Nous allons peut-être passer un mois, deux mois dans de telles obligations, puis les revendre et faire un profit, ce qui nous donne plus d'argent pour retourner dans les affaires québécoises, éventuellement.

Le cas des actions est complètement différent. Le domaine des actions représente à près de 100 p. c. un marché secondaire. Lorsque nous achetons des actions, ce n'est pas un apport de capital à la compagnie. C'est un transfert d'actionnaires; nous remettons l'argent à un autre actionnaire qui peut faire ce qu'il veut avec cet argent. Vu que cela ne représente pas un apport direct et immédiat de fonds à une société, nous nous sommes maintenus dans le marché canadien. Par exemple, si la caisse voulait participer au pétrole, pour avoir un portefeuille le moindrement équilibré. Or, nous pouvons difficilement le faire dans la province de Québec, car le pétrole se trouve surtout dans l'Ouest, nous avons donc acheté des actions de sociétés de pétrole dans l'Ouest. Ceci toujours dans le but de faire un profit, toujours pour protéger les participants au régime des rentes et les autres déposants à la caisse. Remarquez qu'il y a là une différence fondamentale qui existe entre le portefeuille d'actions et le portefeuille de créances. Le portefeuille d'actions est essentiellement pour faire de l'argent. Je n'ose pas dire trop fort que c'est pour se protéger contre l'inflation parce que le marché des actions n'a pas été propice à la protection contre l'inflation cette dernière année.

M. ROY (Beauce): Cela peut vous protéger contre l'inflation et aussi vous protéger contre l'impôt, mais comme vous êtes dans une institution gouvernementale, c'est différent. Si je comprends bien, d'après les actions ordinaires que détiendrait la Caisse de dépôt, ce serait un genre de portefeuille qui pourrait se comparer aux portefeuilles des compagnies de fonds mutuels, en somme, tant de placements dans telle catégorie.

M. PRIEUR: Oui, sauf que la Caisse de dépôt, étant un organisme nettement québécois, nous avons essayé de nous identifier comme actionnaires de sociétés québécoises et nous retrouvons peut-être à la Caisse de dépôt une ampleur plus grande que celle que nous pourrions trouver dans un portefeuille privé de titres, d'actions de sociétés québécoises car, naturellement, nous les connaissons mieux. Alors que, par exemple, nous détenons des actions de presque toutes les banques canadien- nes, en pourcentage de chaque banque, les plus élevés sont les deux banques québécoises francophones.

M. ROY (Beauce): Concernant la rentabilité de ces actions, je comprends que la politique du gouvernement puisse entrer en ligne de compte, mais si on regarde uniquement la rentabilité dans un portefeuille d'actions, il est évident que nous n'en sortirons jamais. Si nous voulons mettre l'accent, par exemple, sur les entreprises québécoises, pour leur permettre de se développer, il est évident qu'il y aura peut-être des sacrifices à faire au début.

Comme la Caisse de dépôt se trouve alimentée par des fonds qui proviennent des petits épargnants, du peuple du Québec, ne pensez-vous pas qu'il y aurait lieu d'orienter la politique de placement vis-à-vis les entreprises québécoises, même s'il y a des sacrifices à faire au tout début? En somme, ce sont des capitaux québécois.

M. JORON: Si le député me le permet, je voudrais amplifier sa question. Je suis très content de voir la distinction que vous avez faite entre la nature différente des deux sortes de placements, le premier étant un investissement, un achat d'action n'étant qu'un transfert de capital. J'avais eu passablement de misère à faire comprendre ça, moi-même, à mon adversaire libéral pendant la campagne électorale. Il est vrai que cela a été une source de profit supplémentaire pour la Caisse de dépôt dans le passé. La section des actions de la Caisse de dépôt est pilotée par un de mes amis personnels et qui a eu passablement de succès dans ses opérations boursières depuis quelques années. La question que je voulais vous poser, et qui se rattache à celle du député de Beauce, c'est dans le total des actions — c'est 16 p. c. environ le portefeuille de la caisse — quel a été le pourcentage des émissions nouvelles d'actions et qui auraient constitué un apport de capital, à ce moment-là, des entreprises nouvelles?

Est-ce aussi la politique de la caisse, à l'avenir, de se concentrer davantage à l'achat d'actions au moment d'émissions premières que d'opérations en bourse?

M. PRIEUR: Naturellement nous sommes toujours liés à ce qu'on peut acheter au marché, à ce qui nous est offert.

M. JORON: Oui.

M. PRIEUR: Je n'ai pas fait faire le chiffre pour l'an dernier. L'année précédente, j'avais demandé qu'on me prépare une liste pour répondre exactement à cette question. Cette année-là, l'année 1968, 92 p. c. de nos opérations étaient en bourse, au marché secondaire, et 8 p. c. de nos acquisitions représentaient des apports directs de financement, c'est-à-dire une

émission primaire d'actions. Je dois dire que nous essayons toujours de faire cette sorte d'opération, mais nous ne pouvons faire que ce que le marché nous permet de faire. Ce n'est pas tous les jours qu'on nous offre ces choses-là.

M. JORON: Vous faites des placements privés et directs aussi?

M. PRIEUR: Oui.

M. JORON: Est-ce que vous avez l'intention d'amplifier cette activité de la caisse?

M. PRIEUR: Oui, exactement.

M. ROY (Beauce): Moi, M. Prieur, j'avais posé une question tout à l'heure, à savoir si vous croyez que la Caisse de dépôt devrait — si vous êtes d'accord — mettre l'accent à l'avenir sur le placement d'actions de compagnies québécoises plutôt que de l'étendre sur des compagnies canadiennes, même si ça suppose certains sacrifices, de perte d'intérêt.

M. PRIEUR: C'est une question à laquelle je dois répondre avec énormément de discrétion, parce que je ne peux pas parler pour le conseil d'administration de la caisse. Je peux essayer de me faire son interprète. Nous avons toujours été prêts, à la caisse, de faire certaines concessions au marché pour aider le Québec. Il y a une limite où on ne peut pas aller plus loin. Cette limite-là, plus souvent qu'autrement, est simplement dans une opération que nous ne croyons pas rentable. Si la situation est rentable, nous pouvons toujours trouver des conditions auxquelles nous pouvons faire un placement. C'est plutôt rare que, à partir de discussions, on ne puisse pas en arriver à une solution quelconque. Si nous n'avons pas fait plus, c'est que le marché ne nous l'a pas permis.

M. ROY (Beauce): En parlant d'entreprises rentables, il est évident que, si on se réfère aux banques qui font différents prêts, ils exigent trois bilans, les trois derniers bilans. Est-ce que c'est un peu la même chose en ce qui regarde la Caisse de dépôt quand elle fait un placement dans une entreprise?

Voici où je veux en venir. C'est parce qu'on demande certaines modifications et il est évident qu'il va falloir songer, au Québec, à financer des entreprises qui devront débuter. Et une entreprise qui débute, qui doit commencer, ne peut pas publier trois bilans. Alors, elle publie nécessairement une espèce de prospectus de départ avec certaines normes de rentabilité qui peuvent être analysées. Est-ce la politique de la Caisse de dépôt de prévoir la possibilité de faire des placements dans une entreprise nouvelle au Québec plutôt que dans des entreprises déjà existantes et qui sont hors de notre contrôle, parce qu'en somme la caisse de dépôt est toujours minoritaire?

M. JORON: Dans quelle mesure est-elle en concurrence avec la SGF, lorsqu'elle fait ça?

M. PRIEUR: S'ils existent, nous demandons cinq bilans, pas trois.

M. ROY (Beauce): Cinq bilans.

M. PRIEUR : La loi précise en effet que l'entreprise a dû gagner 4 p. c. pendant cinq ans sur le compte des actionnaires. Maintenant, en ce qui a trait aux entreprises nouvelles, la loi nous permet aussi, par la clause omnibus, de faire des placements qui ne rencontrent pas les autres exigences. Il n'y a aucun empêchement pour la caisse à faire des placements dans les nouvelles industries. Nous en avons fait. A certains moments nous avons même fait des placements dans les entreprises qui n'étaient pas nouvelles, mais en regard de croissance de l'entreprise, au moment où le financement se faisait, il fallait envisager la situation non pas par en arrière mais par en avant, pour l'avenir.

M. ROY (Beauce): Est-ce qu'il y aurait possibilité de faire chaque année, une partie du portefeuille, même si cela pouvait comporter certains risques pour permettre la création d'entreprises nouvelles? Je ne veux pas citer de cas, mais je pense que vous avez en mémoire un cas que vous avez eu. A titre de député de Beauce, je vous rappelle que vous avez eu l'occasion d'avoir des rencontres au sujet de l'établissement à Saint-Georges d'une entreprise à laquelle la population avait accepté de souscrire un demi-million de dollars, c'est-à-dire $500,000. Mais il n'a pas été possible d'avoir de nos institutions québécoises le montant d'argent susceptible de permettre l'établissement de cette industrie au Québec. Elle a dû aller s'établir au Manitoba après un effort d'un demi-million de la part de la population. A ce moment-là, je m'étais réservé des questions, quand l'occasion se présenterait de vous rencontrer, pour vous demander s'il n'y aurait pas possibilité que la Caisse de dépôt songe à ce problème. Nous avons des entreprises à bâtir au Québec. Le problème en est un de capitaux.

M. PRIEUR : Nous sommes conscients du problème à la caisse. Je pourrais dire, comme je l'ai dit dans le rapport annuel, l'an dernier, qu'au commencement de l'année, le conseil d'administration dresse un programme d'investissements pour l'année en cours et que nous devrons, au cours de l'année, modifier lorsque nécessaire.

Chaque année, nous avons toujours prévu des placements dans des sociétés pour un montant plus fort que celui que nous avons pu trouver au marché. Il n'y a pas d'année qu'on n'a pas terminée, avec un certain montant d'argent dont on ne s'était pas servi parce que l'on n'avait pas trouvé les choses que l'on

croyait rentables. Il faut toujours se servir de critères d'une rentabilité quelconque. On peut se tromper à certains moments. Peut-être les gens de la caisse peuvent-ils commettre des erreurs comme tout le monde, quand ils jugent de la rentabilité d'un projet. Mais on ne peut pas dire qu'on n'a pas essayé.

M. ROY (Beauce): On dit toujours qu'une institution prêteuse qui ne perd jamais d'argent en prêtant ne prête pas assez! C'est un dicton qui est assez populaire.

M. PRIEUR: On en a déjà perdu un peu, peut-être que l'on entre dans la catégorie que vous mentionnez.

M. ROY (Beauce): J'aurais une dernière question à poser là-dessus. Je voudrais terminer en ce qui me concerne. Je remarque que vous avez ici, dans l'état des revenus et des dépenses, au poste du surplus, une somme de $52,876,000, et qu'au passif on ne voit aucun poste au bilan qui indique des surplus accumulés. Est-ce que ceci voudrait dire que le revenu net est partagé entre les déposants et crédité au compte des déposants?

M. PRIEUR: Pourriez-vous répéter les chiffres au bilan?

M. ROY (Beauce): Je m'excuse. Au bilan, page 20, on indique à l'état des revenus et dépenses, $52 millions de revenu net. Si on revient à la page 19, je ne vois pas de poste au bilan, au passif, qui indique un surplus ou un surplus accumulé. Est-ce que ceci voudrait dire que le surplus du revenu net est crédité directement au compte des déposants, partagé entre les déposants et crédité directement à leur compte?

Dans tout bilan d'entreprise, on voit toujours un article, à la fin du passif, qui indique les surplus accumulés.

M. PRIEUR: La comptabilité de la caisse est un peu différente de celle d'un organisme purement commercial. Ceci se situe au niveau de la capitalisation. Dans notre cas, ce n'est pas une capitalisation, c'est un résumé des dépôts à demande et des dépôts à préavis. Ces chiffres représentent, en réalité, les dépôts historiques de la caisse de dépôt. Les revenus qui sont là, sont traduits purement et simplement dans l'actif de la caisse qui est automatiquement augmenté.

M. ROY (Beauce): Oui, un instant.

M. PRIEUR: Ils servent à augmenter le compte du déposant. C'est-à-dire que, si vous regardez le compte des déposants à préavis qui est $924 millions, ils n'avaient pas déposé exactement $924 millions, ils avaient déposé un montant moindre que ceci par les surplus accumulés de chaque année.

M. ROY (Beauce): Bon.

M. PRIEUR: Cela revient automatiquement dans le compte du déposant.

M. ROY (Beauce): Cela revient directement dans le compte du déposant?

M. PRIEUR : Oui. Vous allez voir à la page 21 — c'est là que la comptabilité se fait — dans la répartition du revenu net d'opération, où les $52 millions apparafssent sous le montant à préavis, $52,876,000. Actuellement, le revenu total était de $54 millions et on avait déduit de cela les montants payés en intérêt sur les dépôts à demande. Le revenu net qui était de $54,977,000, a été réparti parmi les déposants. C'est pour cela que, lorsqu'on regarde le bilan, le montant de $52 millions ou de $54 millions n'apparaît pas au bilan parce qu'il est déjà au compte des déposants.

M. ROY (Beauce): Autrement dit, la caisse de dépôt ne garde pas un compte du surplus, elle le crédite directement au compte de déposant.

J'avais dit que c'était ma dernière question mais je m'excuse. Il arrive que la caisse de dépôt achète les obligations du gouvernement provincial, comme cela s'est produit lors de la dernière émission d'obligations de $60 millions du gouvernement. La caisse de dépôt a alors acheté directement du syndicat financier au lieu d'acheter directement du gouvernement. Est-ce que c'est là une politique établie à la caisse de dépôt?

M. LEVESQUE : On a déjà répondu à cette question précissant qu'il s'agissait d'une émission publique. Je crois que cette question doit être posée au gouvernement.

M. ROY (Beauce): Au gouvernement?

M. RUSSELL: Répondu par le gouvernement?

M. LEVESQUE: C'est cela.

M. ROY (Beauce): Disons que la décision ne relève pas de la caisse de dépôt, la décision relève du gouvernement?

M. PRIEUR: C'est cela.

M. ROY (Beauce): Si le gouvernement répète la même chose, on posera d'autres questions?

M. LEVESQUE: C'est cela. Nous continuerons en Chambre.

M. LE PRESIDENT (Houde) (Limoilou): Le député de Gouin.

Fonds de développement industriel

M. JORON: M. le Président, je voudrais revenir brièvement à cette partie des activités de la caisse de dépôt, dont on parlait tout à l'heure, et dont le rôle est d'assurer le financement privé direct de petites entreprises qui ont de la difficulté à se financer. Si cette forme d'activité devait prendre une ampleur considérable, est-ce qu'elle dépasse, d'après vous, le rôle premier qu'on avait prévu à la caisse? Est-ce qu'on ne s'en va pas vers une espèce de fonds de développement industriel, en quelque sorte qui, à un certain moment donné, pourrait se détacher de la caisse pour venir remplir le rôle historique que la SGF n'a jamais joué et qu'on avait pensé qu'elle jouerait au début?

M. PRIEUR: Je n'ai pas répondu complètement à votre question la dernière fois. Vous aviez deux ou trois questions au même moment. Vous avez parlé des relations qui existent entre la Caisse de dépôt et la SGF et j'ajouterais aussi l'Office du crédit industriel. Je siège à l'Office du crédit industriel et les trois organismes ne sont pas dans le même domaine de la finance. La Société générale de financement est une société qui, d'après ce que l'on voit, s'oriente vers le contrôle de sociétés. La Caisse de dépôt est un organisme financier qui s'occupe de placements de portefeuilles surtout rentables. On fait peut-être un peu plus que cela, mais il faut toujours garder l'aspect de rentabilité à la Caisse de dépôt. L'Office du crédit industriel commence où nous laissons dans la petite entreprise c'est-à-dire que, lorsque la petite entreprise est un peu petite pour nous, que la rentabilité — lorsqu'il s'agit de manufactures, d'entreprises manufacturières — laisse un peu à désirer — c'est peut-être du nouveau —c'est à l'Office du crédit industriel que cette société s'adresse.

Je croirais, pour répondre à votre question —c'est peut-être une question politique — mais il me semble que ce que vous demandez existe déjà à l'Office du crédit industriel. Il serait peut-être plus facile de considérer cet organisme, pour faire ce dont vous parlez, plutôt qu'à la Caisse de dépôt.

M. JORON : Le rôle de la caisse serait peut-être, à ce moment-là, de prêter des fonds à d'autres organismes ou de faire une délimitation...

M. PRIEUR: C'est possible. Avec ces organismes qui sont des organismes gouvernementaux, la caisse est toujours prête à considérer des prêts.

M. LE PRESIDENT (Houde) (Limoilou): Article 1, adopté? Adopté. Article 2?

M. LEVESQUE Pour bien saisir la marche de cette législation, je pense qu'il faut regarder un instant l'article 5 et on reviendra sur les articles 2, 3 et 4.

C'est qu'actuellement la caisse ne peut détenir plus de 30 p. c. des actions ordinaires d'une même compagnie. Présentement, nous parlons d'aliénation d'immeubles dans l'article 1. A certains moments, dans les transactions immobilières, il serait avantageux d'acheter des actions de compagnies qui ne font que de l'immeuble; elles ne sont que propriétaires. Je vais vous dire ce à quoi on veut en venir: c'est que la Caisse ne peut détenir plus de 30 p. c. des actions ordinaires d'une même compagnie. Elle peut, cependant, acquérir et détenir des immeubles sans restriction pourvu que son investissement total en hypothèques et en immeubles ne dépasse pas 10 p. c. de son actif total.

La caisse est fréquemment appelée à acquérir des immeubles en co-propriétés avec d'autres institutions financières et la meilleure formule à utiliser pour ce genre d'opérations, est celle de la compagnie. Cette formule présente l'avantage de limiter la responsabilité de la caisse et sa mise de fonds, lui donne des prérogatives identiques à celles dont jouissent ses compétiteurs et permet à la caisse de varier sa participation en fonction des circonstances dans le capital-actions des compagnies concernées.

L'article 5 a donc pour effet de modifier la charte de la caisse de façon à ce qu'elle ait le pouvoir de détenir plus de 30 p. c. des actions ordinaires d'une même compagnie, n'existant qu'aux fins de détenir ou d'administrer les immeubles. Une compagnie autrement dit qui n'a...

M. BROSSARD: ... qui est propriétaire d'immeubles.

M. LEVESQUE: Oui directement. C'est cela. A ce moment-là les 30 p. c. peuvent devenir 100 p. c.

M. LAURIN: Comment expliquez-vous, M. le Président, 1 p. c. pour une seule compagnie et 10 p. c. pour l'ensemble...

M. LEVESQUE: C'est pour cela qu'il y a eu les deux articles précédents. On verra quand on va faire la concordance, on va y revenir.

M. LAURIN: C'est toujours dans un but de diversification qui est destiné à assurer la protection de ceux qui contribuent a la Caisse de rentes?

M. LEVESQUE: C'est surtout pour permettre à la caisse de faire ce qu'elle fait dans l'acquisition des immeubles, etc., mais de procéder via des actions de compagnies plutôt que directement...

M. RUSSELL: D'être la seule actionnaire d'un immeuble, d'aider à des compagnies qui font de l'immeuble et de donner une meilleure garantie, en somme, de sortir d'un domaine auquel elle n'appartenait pas.

M. PRIEUR: Nous sommes, par exemple, dans une transaction; nous étions dans cette transaction à moins de 30 p. c, et il y avait trois actionnaires. C'était une compagnie qui détenait des immeubles. A un certain moment, un des actionnaires a dû se retirer et cela nous a laissés dans une drôle de situation parce que nous étions obligés d'acquérir sa participation et cela nous aurait fait dépasser les 30 p. c. Nous ne pouvions pas faire indirectement ce que la loi nous permettait de faire directement. C'est pour cela qu'on a demandé... D'ailleurs, les sociétés d'assurance fédérales ont eu le même problème avant 64/65 et, à ce moment-là, elles ont demandé la même chose que nous demandons aujourd'hui.

M. RUSSELL: Je suis opposé à ce que la caisse devienne propriétaire d'immeubles. Je ne serais pas contre le fait que la caisse fasse partie d'une compagnie ou détienne partie d'une compagnie qui fait exactement ce commerce-là, mais qu'elle exige de cette compagnie les mêmes garanties que d'autres avant de prêter à une compagnie valable. C'est exactement ce qu'on fait en vertu de la loi.

M. PRIEUR: C'est cela. En revenant à l'article 2, on s'aperçoit que le but de cet article est de soumettre les sommes placées dans des actions de compagnies détenant ou administrant des immeubles aux mêmes restrictions qui existent déjà. Dans l'article original, on ne parlait évidemment pas des actions. Or, on introduit dans les paragraphes a) et b) la possibilité d'inclure les actions de chaque compagnie ayant uniquement pour objet d'acquérir, de détenir, de louer ou d'administrer des immeubles, avec les mêmes restrictions, soit 1 p. c. et 10 p. c.

M. LAURIN: Et ces restrictions sont le garde-fou qui protège l'admission, l'objectif premier de l'enquête.

M. LEVESQUE: La caisse a autant de protection. La seule chose, cela nous donne un peu plus de flexibilité.

L'article 3 — je mentionnais tout à l'heure l'article 5 — "donnant à la compagnie le pouvoir d'acquérir sans restriction des actions d'une compagnie ayant uniquement pour objet d'acquérir, détenir, louer ou administrer des immeubles. Il est nécessaire de lui accorder le pouvoir d'acquérir de telles actions même si les exigences passibles pour l'achat d'actions dans d'autres compagnies, quant au rendement", tel qu'il est prévu au paragraphe b).

C'est pour les actions privilégiées; alors, la caisse peut acquérir et détenir des actions privilégiées entièrement acquittées, d'une compagnie qui a uniquement pour objet d'acquérir, détenir, louer ou administrer des immeubles.

M. LAURIN: Les 4 p. c. seront éventuellement changés parce que cela vous oblige à des placements de pères de famille.

M. PRIEUR : Pas nécessairement. Pour le grand portefeuille de la caisse, je crois que 4 p. c. est un chiffre prudent. Il est moins prudent qu'il l'était, parce qu'originalement, dans toutes les lois telles que celle-ci, c'était: "ayant payé un dividende de 4 p. c"; éventuellement, cela a changé, c'est: "ayant gagné 4 p. c. sur ces actions durant les cinq années précédentes", et cela ne représente réellement pas un critère très difficile à satisfaire.

Lorsqu'une compagnie ne satisfait pas à ce critère, elle tombe sous la clause omnibus, et alors nous pouvons détenir jusqu'à 7 p. c. de notre actif total dans de telles sociétés.

M. LEVESQUE: L'article 4, c'est la même chose, excepté pour les actions ordinaires. Nous arrivons à l'article 5 dont nous avons discuté tout à l'heure. Quant à l'article 6, on ajoute un alinéa à l'article 31. C'est-à-dire qu'on ajoute l'article 31 a) qui se lit comme suit: "La Caisse peut recevoir et détenir en nantissement tout titre en garantie de l'exécution d'une obligation contractuelle autre que le remboursement d'un prêt ou en garantie additionnelle du remboursement d'un prêt qu'elle consent, etc."

Cet article a pour but de permettre à la caisse de recevoir, non pas à titre de placement, mais en nantissement, à titre de garantie additionnelle tout genre de titres ou valeurs même si ceux-ci ne sont pas admissibles aux fins de placements. Cette modification a pour objet de permettre à la caisse d'améliorer les garanties d'exécution de certains contrats auxquels elle peut être partie dans le cours normal de ses opérations ou de parfaire la sécurité de certains placements qu'elle est autorisée à faire en vertu de sa charte. Alors, c'est une garantie additionnelle.

M. LAURIN : Est-ce que la garantie peut devenir un corset à un moment donné?

M. LEVESQUE: Si on me le permet ici, on donne un exemple: dans un cas la caisse a considéré l'acquisition des debentures d'une société qui avait gagné un revenu de 4 p. c. sur ses actions ordinaires depuis au moins cinq ans.

L'article 24 le permet. Alors que la caisse avait le droit d'acquérir ces debentures, elle se voyait obligée de refuser à cause de l'état financier général de cette société.

Par contre, cette société détenait la totalité des actions d'une de ses filiales, dont la valeur était jugée suffisante pour garantir le remboursement de la débenture. La caisse ne pouvait pas accepter que ces actions soient nanties en sa faveur, car sa charte lui défend de détenir plus de 30 p. c. des actions ordinaires d'une même compagnie et elle n'aurait pu demander la réalisation de cette garantie additionnelle.

M. LAURIN: A mesure que la Caisse de dépôt progresse au point de vue d'accumulation de ses fonds, de l'expérience de ses administrateurs, de la connaissance de tout le marché, il me semble qu'on pourrait peut-être lui donner plus de flexibilité, plus de marge de manoeuvre.

M. LEVESQUE: Nous allons noter cette remarque pour la prochaine visite de M. Prieur.

M. RUSSELL: Peut-être au début...

M. LE PRESIDENT (Houde) (Limoilou): Alors, article 2, adopté, article 3, adopté, article 4, adopté, 5, adopté, 6, adopté et 7 adopté. Merci bien, M. Prieur, de vous être prêté si gentiment à répondre à nos questions.

M. LEVESQUE: Au nom du groupe ministériel, nous allons suivre l'exemple du président en vous remerciant et en vous souhaitant plein succès dans votre travail.

M. BERTRAND: J'amende les propos en disant au nom de l'Opposition.

M. TETREAULT: Pareillement.

(Fin de la séance: 12 h 26)

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