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Version finale

29e législature, 1re session
(9 juin 1970 au 19 décembre 1970)

Le vendredi 11 décembre 1970 - Vol. 10 N° 42

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures trente-cinq minutes)

M. LAVOIE (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes. Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de comités élus. Présentation de motions non annoncées. Présentation de bills privés. Présentation de bills publics.

M. PAUL: M. le Président, au sujet des bills publics, est-ce que, par hasard, même s'ils figurent en appendice au feuilleton, les projets de loi concernant la charte de la ville de Gaspé et la charte de la ville de Percé seraient imprimés? Cela nous permettrait peut-être de les regarder en fin de semaine si, par hasard, ils étaient imprimés.

M. LEVESQUE: Justement, je me suis en-quis de cela ce matin dans le but de pouvoir remettre les épreuves, au moins aux chefs de parti et aux leaders parlementaires. Ce n'est pas encore prêt. J'ai demandé qu'on essaie de les avoir pour la fin de l'après-midi et on m'a assuré que, lundi au plus tard, on devrait être en mesure de les remettre.

M. BERTRAND: Lundi matin? M. LEVESQUE: Oui. M. BERTRAND: Les quatre? M. LEVESQUE: Oui, les quatre.

M. BERTRAND: Si on avait les quatre projets.

M. LE PRESIDENT: Déclarations ministérielles.

Dépôts de documents. Questions des députés.

L'honorable député de Saint-Maurice.

Questions et réponses

Taux de chômage

M. DEMERS: M. le Président, ma question s'adresse au ministre du Travail et, en son absence, au premier ministre. Elle a trait à la montée vertigineuse du taux du chômage. On nous rapporte qu'il y aurait 25,000 chômeurs de plus qu'à pareille date l'année dernière et qu'il y aurait 24,000 chômeurs...

M. LE PRESIDENT: La question.

M. DEMERS: ... de plus chez les jeunes, comparativement... Vous voulez que j'en vienne à la question, M. le Président?

M. LEVESQUE: Oui, de grâce, M. le Président.

M. PAUL: C'est juste pour vous mettre l'eau à la bouche.

M. DEMERS: Je fais comme le chômage; je grimpe tranquillement vers la question. Il y aurait donc 24,000 chômeurs de plus chez les jeunes de 14 à 24 ans. Je demande au gouvernement, dans sa politique de recyclage, quelles précisions il pourra nous apporter pour régler le cas bien précis du chômage, afin que l'on n'établisse pas tous les records possibles pour le mois de décembre.

M. BOURASSA: En ce qui a trait au recyclage, le ministre d'Etat et député de Gatineau pourra répondre mardi, après discussion avec le ministre du Travail. Je comprends que le député de Saint-Maurice donne sa propre version, mais on doit quand même constater que même si le chômage est très élevé, il y a eu 60,000 chômeurs de plus d'octobre à novembre pour le Québec, comparativement à 20,000 pour l'Ontario.

C'est une hausse, d'accord, mais la hausse est moins forte qu'elle ne l'était au cours des derniers mois.

M. DEMERS: M. le Président, je ferai remarquer au premier ministre que les statistiques ne sont pas de moi, mais bien de l'office du chômage à Ottawa.

M. BOURASSA: Non, non, mais je comparais d'octobre à novembre, au Québec et dans le reste du Canada.

M. DEMERS: Octobre et novembre cette année comparativement à novembre l'an dernier.

M. LEVESQUE: A l'ordre!

M. BOURASSA: On peut parler de 1966, 1967, 1968 et 1969. On va voir les hausses de chômage qu'il y avait ces années-là.

M. DEMERS: Vous tendez à un record.

Routes de la Côte Nord

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question additionnelle, M. le Président. Reprenant ce que mon collègue, le député de Saint-Maurice, a dit, est-ce que le premier ministre a pris connaissance d'un rapport du CRD de la Côte Nord, indiquant qu'il y avait 20 p. c. de la main-d'oeuvre en chômage et que l'on réclame la construction du réseau de routes de la Côte Nord pour pallier cette débilité du gouvernement?

M. BOURASSA: M. le Président, si le député veut se rafraîchir la mémoire, il va se rendre compte que grâce à l'action du gouvernement, qui a fait changer la réforme fiscale dans le domaine du secteur minier, il y a plus d'un demi-milliard de dollars d'investissements nouveaux sur la Côte Nord qui devraient prochainement commencer à donner des résultats.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, question additionnelle. J'ai posé une question précise au premier ministre. Il y a 20 p. c. de la main-d'oeuvre de la Côte Nord qui ne travaille pas et, pour réembaucher ces gens, on demande la construction du réseau routier de la Côte Nord. C'est une question très précise. Je demande au premier ministre si son gouvernement a l'intention de mettre en chantier ces travaux que réclame le CRD de cette région.

M. BOURASSA: Est-ce que le député pourrait être plus précis? Quand il parle de réseau routier de la Côte Nord, est-ce qu'il parle de la route qui mène au Labrador? Quelle route?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Toute la route, M. le Président, qui va de Tadoussac à Blanc-Sablon.

M. PAUL: Une question corollaire, M. le Président.

M. LEVESQUE: Voyons!

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: Question additionnelle au sujet du réseau routier. Est-ce que le premier ministre est capable de nous donner, actuellement, une réponse concernant la route de Gagnon qui est un projet extrêmement important pour la Côte Nord et pour le Québec? Et c'est surtout...

M.BOURASSA: C'est au ministre de la Voirie, je pense,...

M. LESSARD: J'ai posé la question au ministre de la Voirie. Le premier ministre me dit qu'on a enregistré...

M. BOURASSA: Non, je veux dire que M. Arthur Tremblay est sur le point de terminer une étude. Il y a eu plusieurs négociations et discussions au sujet de cette route. Il doit nous fournir une réponse là-dessus.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, comme question corollaire, est-ce que l'honorable premier minis- tre pourrait, d'une façon bien objective, nous faire un rapport, avant la fin ou pour la fin de la présente session, de sa campagne d'embauche pour 100,000 nouveaux emplois au Québec et ce, à partir du premier mai 1970 jusqu'au 15 décembre 1970?

M. BOURASSA: M. le Président, 12,000 pour les travaux de voirie que nous avons annoncés; 20,000 pour l'habitation que nous avons annoncée...

M. PAUL: M. le Président, nous voulons avoir les chiffres justes. Pour faciliter notre comptabilité, nous voudrions les avoir d'une façon précise dans chaque secteur des différentes branches de l'économie québécoise.

M. BOURASSA: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lotbinière.

Calcium sur les routes

M. BELAND: M. le Président, ma question s'adressait au ministre de la Voirie mais cela concerne également les Affaires municipales, je ne sais pas à qui je dois m'adresser.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BELAND: II s'agit de l'épandage de calcium dans plusieurs villages de la province où on cherche à faire fondre la neige plutôt que de l'enlever simplement. Etant donné qu'il y a des dommages qui en résultent vis-à-vis de puits artésiens appartenant soit à la municipalité ou à des propriétaires privés, est-ce que le gouvernement assume la responsabilité du coût des dommages?

M. TESSIER: M. le Président, si le calcium est répandu par la municipalité, évidemment, c'est à la municipalité elle-même à réparer les dommages. Ce n'est pas le gouvernement qui a affaire, à ce moment-là.

M. BELAND: Une question supplémentaire. Justement, il s'agit de calcium étendu par le ministère de la Voirie.

M. PAUL: Est-ce que le même raisonnement s'applique?

M. TESSIER: Je laisserai le ministre de la Voirie vous répondre, alors.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

Assurance-hospitalisation

M. LAURIN : Ma question porte sur la conférence des ministres de la Santé. Je l'adresse au

nouveau ministre des Affaires sociales. Le ministre a-t-il indiqué clairement que le Québec entend se retirer définitivement du programme d'assurance-hospitalisation à la fin de la période transitoire qui a été prolongée jusqu'à la fin de 1971?

M. CASTONGUAY: M. le Président, au début de cette conférence, j'ai indiqué dans une déclaration, d'ailleurs, qui a été remise à la presse, qu'à notre avis, ce qui était le plus important, à ce stade-ci, à titre de ministre des Affaires sociales ou de la Santé, c'était la recherche d'un meilleur système d'organisation et de fonctionnement des services de santé et que toutes les interventions que je ferais seraient dans ce cadre.

Dans le même ordre d'idées, j'ai indiqué la trop grande rigidité des programmes de financement qui ont été développés au cours des dernières années par le gouvernement fédéral, telle l'assurance-hospitalisation, l'assurance-maladie. Je dois également ajouter que des représentants d'autres provinces, comme l'Alberta, ont souligné cette grande rigidité des programmes fédéraux. A la suite de ces interventions, le ministre fédéral a convenu que des discussions sur le plan technique s'amorcent; d'ailleurs, des formules ont été mises de l'avant. Je fais référence à celle du ministre de l'Alberta, qui a été rendue publique. Le but visé est d'en arriver à une formule de financement qui laisse toute latitude aux provinces quant à l'organisation et à la distribution des services de santé.

Quant à l'autre question à savoir s'il doit y avoir une entente définitive qui pourrait se traduire sous la forme de points d'impôt, etc., ce n'était pas dans le cadre de la discussion de la conférence.

M. LAURIN: Est-ce que le ministre a repris à son compte les protestations de l'ancien gouvernement concernant les subventions nationales à la santé qui sont faites directement par le gouvernement fédéral aux institutions du Québec?

M. CASTONGUAY: M. le Président, un programme a été mis de l'avant, il y a deux ans, je crois, par le fédéral, programme qui compte pour l'ensemble du Canada, si ma mémoire est bonne, un montant de l'ordre de $2 millions pour l'exercice financier en cours. C'est donc un montant assez minime. Malgré tout, le principe est extrêmement important, parce que ces subventions peuvent être le signal de départ d'un nouveau type de services, et nous avons soulevé ce point. Nous avons convenu d'une procédure qui nous donne la possibilité de nous objecter à l'octroi sans consultation ou à l'octroi, par le gouvernement fédéral, de subventions qui iraient à l'encontre de la planification du développement de nos services.

Là-dessus, nous avons convenu d'une procédure qui m'apparaît raisonnable.

Caisse d'aide à la santé

M. LAURIN: En ce qui concerne la caisse d'aide à la santé, M. le ministre, est-ce que vous avez demandé que le résidu non encore réparti soit distribué uniquement au prorata de la population et non pas, comme il avait déjà été annoncé, à des institutions nationales?

M. CASTONGUAY: M. le Président, sur la question de la caisse d'aide à la santé, après l'attribution d'une première tranche de $325 millions sur le montant de $500 millions, la Loi de la caisse d'aide à la santé ou les ententes qui avaient été prises auraient permis au gouvernement fédéral de distribuer ce montant de $175 millions à la limite extrême pour des projets d'importance nationale et non pas nécessairement pour des établissements d'importance nationale.

A la conférence, la question a été reprise et il a été convenu qu'une tranche de $100 millions sur le montant de $175 millions qui reste serait distribuée sur une base per capita, c'est-à-dire sur la même base que le premier montant de $300 millions qui a été distribué et qui semble avoir donné satisfaction aussi bien au Québec qu'aux autres provinces.

Quant au dernier montant de $75 millions, le principe qui a été retenu ou qui semble être accepté par le gouvernement fédéral, parce qu'encore là ce n'est pas un montant qui sera distribué au cours des prochaines semaines ou des prochains mois, c'est qu'il soit retenu pour des projets d'importance nationale, mais uniquement après consultation avec les provinces.

Quand on parle de $75 millions, nous pouvons imaginer à prime abord de grandes écoles ou de grandes universités, mais les provinces comme le Québec ont mis de l'avant la nécessité que certains projets d'importance nationale ne soient, en fait, pas nécessairement considérés comme tel. Nous avons mis de l'avant les centres communautaires de santé comme étant des projets qui mériteraient une part généreuse de financement pour leur développement assez rapide. Cette suggestion a été retenue comme une des possibilités par le ministre fédéral. La preuve, d'ailleurs, c'est que la conférence a convenu de mettre immédiatement sur pied un groupe de travail qui sera chargé de recueillir toute l'information sur ces centres communautaires de santé et d'étudier quelles sont les formules qui ont été utilisées dans diverses expériences pour résoudre certains des problèmes de fonctionnement de ces centres.

Soins des optométristes

M. LAURIN: Enfin, une dernière question additionnelle au ministre. Le gouvernement fédéral a-t-il accepté de contribuer aux soins donnés par les optométristes?

M. CASTONGUAY: Sur cette question, il faut que je me reporte à la position originale que nous avons prise à l'effet que les formules de financement actuelles telles l'assurance-hospitalisation ou l'assurance-maladie, sont trop rigides. Il ne faut pas, en même temps que nous exprimons cette position, demander quelque chose de contraire. Insister fortement pour la couverture des soins optométriques, dans le régime d'assurance-maladie, était, à mon sens, contraire à cette position générale.

La position que nous avons prise c'est que, comme ministre de la santé, j'étais d'accord pour que ce soit compris, mais à la condition que nous étudiions en même temps une nouvelle formule de financement. Simplement insister pour la couverture des soins optométriques, sans avoir la contrepartie, c'était insister pour la continuation d'un régime de financement auquel nous nous opposions, d'autre part.

Le ministre fédéral a convenu qu'au cours des deux ou trois prochains mois une décision serait prise par le gouvernement fédéral au sujet de la couverture des soins optométriques.

M. DUMONT: Une question supplémentaire, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Excusez-moi, je crois que le député de Montmagny aurait une question supplémentaire,

M. DUMONT: Moi aussi.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais faire suite aux propos du député de Bourget et du ministre des Affaires sociales. Au sujet de la caisse d'aide à la santé, on se souvient que, l'an dernier ou il y a deux ans, dans le cadre de la lutte contre l'inflation, le ministre fédéral des Finances, M. Benson, avait plafonné les contributions annuelles à même le fonds de $500 millions prévu pour la caisse d'aide à la santé.

Dans le cadre d'une autre opération qui s'amorce maintenant, celle de débloquer certains crédits, ce plafond existe-t-il encore? Je crois qu'il se situait aux environs de $10 à 12 millions pour chacune des provinces. Ce plafond existe-t-il encore ou si on a discuté de la possibilité de l'enlever ou de le fixer à un niveau plus élevé pour permettre, évidemment, de réaliser plus tôt des projets déjà envisagés dans le domaine de la santé?

M. CASTONGUAY: La question a bien été discutée, mais des opinions divergentes ont été émises.

D'une part, on peut désirer avoir une plus large part et plus rapidement des fonds de cette caisse pour des projets de construction liés à la recherche et à l'enseignement dans le domaine de la santé, mais en même temps — et c'est le type d'opinions divergentes qui ont été expri- mées — une fois ces projets réalisés, il faut les financer. Donc, un certain nombre de provinces ont dit qu'au plan des déboursés de la caisse, la formule était peut-être un peu trop rigide présentement, mais il n'y a pas eu de demande générale pour que tout contingentement de la caisse soit éliminé brusquement.

Sur ce plan, cela revient un peu un genre de décision ou de réalisation que nous avons effectuée en ce qui a trait au projet de construction des hôpitaux ici au mois de mai ou au mois de juin.

Rapatriement de la sécurité sociale

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, une question additionnelle. Je comprends que c'était une conférence fédérale-provinciale des ministres de la Santé, mais le ministre des Affaires sociales a rencontré son homologue, M. Munro, ministre de la Santé. Est-ce qu'il a été question de la sécurité sociale, du livre blanc et du rapatriement de la sécurité sociale en dehors de la conférence? Si le ministre a des choses intéressantes à révéler à la Chambre à ce sujet, nous l'écoutons avec beaucoup d'intérêt.

M. CASTONGUAY: La question n'a pas été discutée, évidemment, à la conférence. Les discussions que nous avons pu avoir en dehors de la conférence, je ne pense pas que ce soit le genre d'information qui doive être transmise ici; cela revêt un caractère officieux absolument pas officiel.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre du Québec a prévenu son homologue, M. Munro, qu'il lui enverrait le rapport de la commission Castonguay sur la sécurité du revenu?

M. CASTONGUAY: Le ministre était déjà au courant.

M. LE PRESIDENT: Le député de Mégantic.

Taxe du progrès social

M. DUMONT: Une question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que le ministre, en présence de ses amis de la santé des autres provinces, a réussi à fournir une excuse permettant de convaincre le ministre fédéral de rembourser la taxe dite de progrès social au montant de $255 millions pour aider son collègue le ministre des Finances?

M. CASTONGUAY: M. le Président, j'ai mentionné tantôt, lorsqu'on m'a posé la question au sujet du programme d'assurance-hospitalisation, que c'était une conférence des ministres de la Santé et que nous nous en sommes tenus aux questions qui étaient à l'ordre du jour.

Cela n'aurait fait que prolonger davantage les travaux de cette conférence que d'introduire des questions qui ne sont pas de la responsabilité immédiate du ministre de la Santé et qui ne sont pas, à titre de ministre de la Santé, des questions que je dois soulever sans que nous le fassions d'une façon coordonnée à l'intérieur du cabinet.

M. DUMONT: Question supplémentaire, M. le Président. Est-ce à dire qu'avec tout le prestige que l'on attribue dans le Québec, au ministre de la Santé, qu'il serait passé inaperçu à la conférence, comme le ministre des Finances?

M. BOURASSA: M. le Président, où veut en venir le député avec de telles questions?

M. DUMONT: Nous pensions que le ministre reviendrait avec $255 millions.

M. BOURASSA: II n'y a pas de prima donna dans le cabinet que je dirige, c'est pour ça que c'est un cabinet efficace.

M. DUMONT: On pensait que le ministre reviendrait avec des millions.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

Communiqués de l'ODEQ

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai une question non litigieuse à l'intention du premier ministre. Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire s'il est exact que le ministre des Affaires municipales aurait fait interrompre la publication de certains communiqués portant sur le bilan de l'exécution du plan de développement de l'Est du Québec?

Il devait y avoir une centaine de communiqués, il y en a eu à peu près une quinzaine de publiés et le directeur de l'Office d'information et de publicité de la région de Rimouski a dit qu'il ne pouvait pas faire de commentaires, qu'il ne savait pas ce qui se passait. Mais, selon toute vraisemblance, il y aurait eu intervention du ministre des Affaires municipales. Alors, est-ce que le premier ministre pourrait nous dire quelle est l'attitude du gouvernement en ce qui concerne cette affaire et en ce qui concerne l'ingérence du gouvernement dans l'Office d'information et de publicité?

M. BOURASSA: Je ne sais pas si l'ancien ministre appelle ça une question non litigieuse, je suppose que le ministre responsable peut répondre.

M. TESSIER: M. le Président, c'est absolument faux.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- dent, une question additionnelle. Je veux bien prendre la parole du ministre des Affaires municipales, mais il y a quand même un rapport officiel des journaux de Rimouski...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LEVESQUE: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je vais expliquer ce que je veux dire.

M. LEVESQUE: A l'ordre! Le président est debout.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre...

M. LE PRESIDENT: Je ne peux pas permettre...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...des Affaires municipales a été mal cité...

M. LEVESQUE: Le président est debout. M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...ou non? M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous ne me laissez pas le temps de vous expliquer ce que je veux dire.

M. LEVESQUE: A l'ordre! DES VOIX: A l'ordre!

M. SAINT-PIERRE: Le président est debout.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vais rester debout tant que je ne poserai pas la question.

DES VOIX: Assis, assis.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi connaît très bien les règlements et il sait pertinemment qu'il doit prendre la parole du ministre des Affaires municipales qui a, d'une manière catégorique, nié, ou répondu d'une manière négative à la question du député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, on doit donc prendre pour acquis, encore une fois, que les journaux se sont trompés, que les journalistes de Rimouski sont des menteurs.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

United Aircraft

M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et du Commerce concernant la compagnie United Aircraft. Le ministre a dit hier qu'il n'y avait pas un cent de payé à la compagnie. Etant donné que, dans le document qu'il a déposé la semaine dernière, il est bien dit: "II est ordonné en conséquence, sur la recommandation du ministre de l'Industrie et du Commerce, que soit immédiatement effectué le paiement d'un quart de la subvention, soit $1,250,000". Est-ce que le ministre pourrait se renseigner auprès du Trésor si ce montant a été versé dernièrement?

M. LEVESQUE: M. le Président, lorsque j'ai dit qu'il n'y avait pas un cent de versé, il n'y avait pas un cent de versé.

M. LEGER: Question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que le ministre pourrait s'informer auprès de la compagnie United Aircraft afin de vérifier s'il est vrai que l'assurance collective devait être confiée à des compagnies, une société coopérative québécoise et qu'elle a refusé de le faire à la demande des syndicats?

Est-ce qu'il pourrait s'informer aussi auprès de la compagnie si des personnes, qui auraient été arrêtés en vertu de la Loi des mesures de guerre et libérées sans être accusées, auraient été congédiées, par la suite, par la compagnie?

M. LEVESQUE: Si le député de Lafontaine veut poser de telles questions, qu'il les pose à la United Aircraft. Quant au ministre, sa responsabilité dans cette affaire, c'est de voir à ce que les conditions mentionnées à la convention soient respectées avant de verser la subvention. D'autre part, si, à la suite du versement d'une partie de la subvention, les conditions n'étaient pas respectées, il verra à exiger le remboursement. Voilà la responsabilité du ministre.

Pour tous les autres "placotages", qu'on pose la question à la United Aircraft.

M. LEGER: M. le Président, je ne sais pas si le ministre trouve que c'est du "placotage" de payer $5 millions à une compagnie...

DES VOIX: Question.

M. LEGER: ... qui ne respecte pas la mentalité québécoise.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.

Médicaments aux assistés sociaux

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Pourrait-il nous donner quelques explications à propos d'une question que je lui ai posée hier concernant la distribution par les hôpitaux, de médicaments aux assistés sociaux ou est-ce qu 'il préfère que je pose la question au ministre des Affaires sociales?

Alors, je m'adresse au ministre des Affaires sociales. En votre absence, hier, j'avais demandé au premier ministre de nous dire si des directives ont été données aux hôpitaux en ce qui concerne la distribution de médicaments aux assistés sociaux. Il semblerait qu'actuellement il y ait une grande confusion à ce sujet dans les hôpitaux, surtout dans ceux de Montréal.

M. CASTONGUAY: M. le Président, depuis le 1er novembre, avec l'application de la Loi de l'aide sociale, un certain nombre d'hôpitaux qui, depuis de nombreuses années, avaient établi un système de distribution de médicaments dans leurs consultations externes, face aux difficultés financières qu'ils rencontrent, ont décidé d'arrêter la distribution des médicaments. Le mécanisme de l'aide aux assistés sociaux pour l'achat de médicaments par la Loi de l'aide sociale est évidemment un mécanisme lourd. Nous avons d'ailleurs annoncé qu'un projet de loi serait déposé au cours de la présente session visant à remplacer ce mécanisme. De toute façon, ce mécanisme étant lourd, un certain nombre de personnes habituées à aller dans les hôpitaux qui, de façon individuelle, avaient établi un tel système se sont plaintes. Alors, à titre tout à fait temporaire, nous avons demandé à ces hôpitaux de continuer la distribution des médicaments, mais uniquement à ceux-là.

Maintenant, je dois dire, parce que je les ai visités, que, même s'il y a une certaine concentration d'hôpitaux de langue anglaise, la clientèle qu'ils desservent n'est pas nécessairement de langue anglaise, au contraire. Je vais prendre, comme exemple, le Montreal Children's Hospital. Il est juste à côté de la bouche du métro et il y a beaucoup plus de personnes de langue française qui se rendent à cet hôpital. C'est un des cas. Je tiens à apporter cette précision parce qu'on peut avoir l'impression, de prime abord, qu'il y a peut-être une certaine discrimination, quand on ne regarde que la liste des hôpitaux.

M. DEMERS: M. le Président, dans le même ordre d'idée, s'il vous plaît.

M. LE PRESIDENT: Question additionnelle sur le même sujet?

Coût des médicaments

M. DEMERS: La semaine dernière, j'ai donné préavis de ma question au ministre des Affaires sociales. Il s'agit du tarif de l'achat des médicaments. Lorsque les médicaments sont achetés par soumissions publiques, par le service des achats de la province de Québec, une unité de médicament comme la pénicilline peut nous

coûter $0.61 la fiole. Lorsque le même médicament est acheté par la corporation ou par le service des achats de l'hôpital, il coûte $1.85. C'est toujours le même contribuable qui paie. Est-ce que le ministre aurait des informations précises à me donner sur la question que je lui avais posée dans le temps, si mes données s'avèrent justes, d'après un rapport qui aurait été foruni par trois pharmaciens de la province. Or, Québec, d'après une étude qui aurait été faite dans quinze hôpitaux de la région?

M. CASTONGUAY: M. le Président, je n'ai pas fait vérifier les données contenues dans le rapport, mais j'ai toutes les raisons de croire qu'elles sont exactes. J'ai déjà vu précédemment ce genre de données. C'est une des raisons, d'ailleurs, pour lesquelles j'ai mentionné que le système de la couverture des médicaments par la Loi de l'aide sociale est plus ou moins efficace parce qu'en plus du fait qu'il oblige le bénéficiaire à bien des déplacements, celui-ci continue d'acheter au prix du détail. C'est pourquoi, encore une fois, le gouvernement déposera un projet de loi sur cette question.

Ce projet —, je pense que cela a été mentionné — sera déféré à la commission parlementaire parce que plusieurs avenues peuvent être prises. C'est une question assez délicate. Comme les travaux sessionnels ne reprendront pas tellement tard, j'imagine, en 1971, je pense que l'étude précise par une commission parlementaire d'une telle question est quelque chose qui s'impose. Vous savez aussi qu'il n'y a pas seulement la question du prix mais aussi la question de la qualité et des exigences de la profession médicale.

C'est donc une question dont nous sommes bien conscients et à laquelle il faut s'attaquer. Je crois que nous poserons un geste très concret en déposant un projet de loi.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Mégantic.

M. DUMONT: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre des Communications et de la Fonction publique à la suite d'un préavis que je lui ai donné la semaine dernière.

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement. Le député de Mégantic comprendra. Il y a deux ministres des Communications en Chambre. Il y en a un dans la galerie, le ministre des Communications, M. Kierans, un ancien collègue, et il y a le ministre québécois des Communications.

Subsides pour les sports

M. DUMONT: Nous sommes heureux, M. le Président, de souligner la présence de l'ancien ministre des Postes, maintenant au ministère des Communications à Ottawa.

Ma question s'adresse donc au ministre de la Fonction publique...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... interlocuteur.

M. DUMONT: ... à savoir si son homologue, M. John Munro, a accordé des subsides pour l'année 1970 concernant les sports.

M. L'ALLIER: M. le Président, je ne possède pas encore les détails de la réponse qui est demandée. Je pourrai les fournir dès qu'ils me seront disponibles.

M. DUMONT: Est-ce que je pourrai avoir la réponse la semaine prochaine?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que je pourrais vous la donner, la réponse, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

Communiqués de l'ODEQ

M. PAUL : M. le Président, je voudrais poser une question au ministre des Communications. Le ministre pourrait-il faire connaître à cette Chambre les raisons qui ont amené l'interruption de l'envoi des communiqués, de l'Office d'information et de publicité, sur le bilan de l'exécution du plan de l'ODEQ? Du même coup, le ministre pourrait-il nous dire quelle main noire aurait donné des instruction à l'Office d'information et du publicité pour empêcher la diffusion de ces communiqués quant aux activités de l'ODEQ?

M. L'ALLIER: M. le Président, à ma connaissance, aucune instruction n'a été donnée à l'Office d'information et de publicité pour empêcher la publication des documents et des communiqués qui auraient pu être préparés par l'office.

Ce que je sais ce matin à ce sujet, c'est que plusieurs communiqués sont en voie de préparation et ont été préparés par l'Office d'information et de publicité pour faire état du bilan des opérations. Ces communiqués — il n'y en a pas une centaine, mais à peu près quarante ou quarante-cinq — sont actuellement encore au bureau de l'Office d'information et de publicité pour être retravaillés et mis en forme, ou sont déjà sur le bureau de l'administrateur de l'opération, M. Caron, qui doit en prendre connaissance avant qu'ils ne soient diffusés. C'est l'information dont je dispose actuellement.

M. PAUL: Une question supplémetaire, M. le Président. Le ministre pourrait-il fournir des explications quant à la retenue de certains communiqués qui seraient disponibles pour

communication au public, puisque le dernier remonterait au 27 novembre et que d'autres seraient déjà imprimés et prêts pour la livraison?

M. L'ALLIER: Je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai déclaré auparavant, à ce sujet.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, une question additionnelle. Est-ce que le ministre des Communications pourrait nous dire s'il est exact que les communiqués dont il a parlé tout à l'heure et qui sont en voie de préparation ont été acheminés, hier ou ce matin, au bureau de ministre des Affaires municipales, pour censure?

M. L'ALLIER: C'est une question, M. le Président. Je ne sais pas si ces communiqués l'ont été. La procédure habituelle de l'Office d'information et de publicité est certainement suivie. Mais, je suis convaincu, tel que la question est posée, qu'ils n'ont pas été acheminés pour censure, par l'Office d'information et de publicité, au ministre des Affaires municipales.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre pourrait examiner la question et nous faire rapport ultérieurement?

M. LESSARD: J'aurais ma question d'hier, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Pardon?

M. LESSARD: Ah! excusez, je pensais que...

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse, la période des questions est déjà terminée.

M. LESSARD: M. le Président, hier, je devais poser une question au ministre de l'Education et il n'était pas présent. Il avait été entendu qu'on pourrait lui poser des questions aujourd'hui.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je ferai remarquer au député de Saguenay qu'il a déjà posé une question au tout début de la période des questions.

DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre! M. LESSARD: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Qu'est-ce que vous avez à ajouter?

M. LESSARD: M. le Président, j'ai posé une question additionnelle sur un point qui avait été soulevé par le député de Chicoutimi. Mais, je n'ai pas posé la question que je devais poser, hier, au ministre de l'Education. Celui-ci n'étant pas présent, hier, je voudrais lui poser cette question ce matin.

M. LE PRESIDENT: Allez, posez votre question.

Salaires des enseignants

M. LESSARD: Merci, M. le Président. Je voudrais savoir du ministre de l'Education s'il a été informé que les commissions scolaires suivantes — dans le comté de Saguenay — Pointe-Lebel, Baie-Trinité, Bergeronnes et Sacré-Coeur, ainsi que les commissions scolaires de Rivière-au-Tonnerre et Natashquan, dans le comté de Duplessis, n'ont plus actuellement d'argent pour défrayer le salaire de leurs enseignants?

M. SAINT-PIERRE: Ce n'est pas la question, je pense, qui avait été posée hier; de toute façon, à cette question-là, la réponse est oui, j'ai été informé. J'ai demandé à M. Sylvestre White, le directeur général du financement au ministère, de voir quelles seraient les possibilités de même consentir des avances pour régler ces cas particuliers. On m'informe que, là comme ailleurs, c'est aussi un problème de perception de taxes locales, de dépenses inadmissibles que souvent les commissions scolaires peuvent faire.

Opération mise à jour

M. SAINT-PIERRE: Je voudrais assurer cette Chambre que — je pense que le député de Bagot avait soulevé, hier, la question de l'"Opération mise à jour" — c'est une opération, pour le bénéfice des autres députés, conjointe du ministère de l'Education et de la Fédération des commissions scolaires. Elle vise à faire un examen complet des bilans financiers et des opérations financières des commissions scolaires, pour déterminer avec exactitude les montants devant être remboursés par le gouvernement provincial.

Il me fait plaisir de dire qu'à ce jour les états financiers pour 66/67, 67/68, pour l'ensemble des commissions scolaires, ont été terminés et que les sommes ont été versées. Que pour 68/69, l'"Opération mise à jour" sera terminée en mai 1971 et que, finalement, pour l'exercice financier 69/70, nous prévoyons terminer cette opération en novembre 1971, date à laquelle le gouvernement aura alors remboursé toutes les sommes dues aux commissions scolaires.

Pour l'année en cours, je peux assurer, après consultation avec le ministre des Finances, que nous verserons cette année, chose qui n'a pas toujours été faite dans le passé, durant l'année financière, toutes les sommes prévues dans nos normes budgétaires. La situation financière des commissions scolaires pour l'année en cours connaîtra peut-être une amélioration légère, mais nous n'accuserons pas les déficits, que

nous avons eus et qui nous ont été laissés, de l'ordre de $275 millions. Comme je l'ai déjà annoncé dans d'autres circonstances et comme j'en ai fait état en cette Chambre, nous comptons mettre de côté, dans le prochain exercice financier une somme assez importante, de l'ordre d'environ $50 millions, qui servira à payer les dépenses qui ont été encourues dans les années 1968 et 1969, alors que la province n'a pas pu verser ou n'avaît pas prévu au budget les sommes devant être prévues par les normes budgétaires qui avaient été données aux commissions scolaires.

M. LESSARD: Une question additionnelle, M. le Président, concernant ces commissions scolaires qui semblent avoir des problèmes très particuliers. Est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il a l'intention de poursuivre le projet de l'Union Nationale, concernant le paiement direct des salaires aux enseignants, lorsque les commissions scolaires ne sont pas capables de remplir leurs obligations?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je crois que...

M. LESSARD: Parce que ce n'est pas la faute des professeurs, quand même, si les commissions scolaires ne les remplissent pas.

M. LE PRESIDENT: Je crois que cette question pourrait être formulée à la prochaine séance, du fait que nous avons déjà dépassé le temps alloué.

M. LESSARD: Vous m'obligez à poser des questions.

M. LE PRESIDENT: Avec la permission de la Chambre, l'honorable ministre des Affaires municipales aurait deux réponses à apporter à des questions laissées en suspens antérieurement.

Usine en Gaspésie

M. TESSIER: M. le Président, plus précisément, trois questions. Lorsque j'ai fait une déclaration ministérielle, hier, pour annoncer l'installation d'une nouvelle industrie en Gaspésie, le député de Témiscouata m'a posé trois questions et je lui ai dit que je m'informerais, puis que je donnerais les réponses. Je tiens donc à renseigner mes collègues de cette Chambre. Je me réfère à l'épreuve des Débats. Le député de Témiscouata me demandait, au sujet de l'industrie Richardson de Cap-Chat: "Combien d'employés a-t-elle à son service? "

Je suis en mesure de dire qu'elle a présentement 175 employés à son service, dont 50 dans l'usine et 125 en forêt.

La deuxième question, également du député de Témiscouata, était la suivante: Cette nouvel- le usine de Grande-Vallée remplacera-t-elle éventuellement l'usine qui vient de disparaître à Marsoui?

Ma réponse est non. Malheureusement, comme tout le monde le sait, à la suite du malheureux incendie qui a détruit cette usine, j'ai appris que les propriétaires ont décidé de ne pas reconstruire. Ce qui est malheureux. Nous sommes actuellement à la recherche de quelqu'un, ou d'une compagnie, qui serait intéressé à l'exploitation de la concession forestière, à cet endroit.

Par conséquent, nous ferons tous les efforts pour essayer de trouver quelqu'un à Marsoui pour exploiter la concession forestière qui remplacerait l'usine détruite par l'incendie.

La troisième question était toujours au sujet de la même compagnie, Richardson, à Cap-Chat: La nouvelle usine de Grande-Vallée doit-elle remplacer celle de Cap-Chat qui fermerait?

A ce sujet, le député de Témiscouata disait: "C'est trop beau pour être vrai, on ferme d'un bord et on ouvre de l'autre ". Le chef de l'Opposition disait: "Ils bouchent un trou dans ce bout-là". Or, après information, je suis en mesure de déclarer positivement que non seulement l'usine de Richardson à Cap-Chat ne fermera pas, mais qu'il y a même possibilité d'expansion. Je pense que ça, ça bouche les députés de l'Union Nationale.

M. SIMARD (Témiscouata): Question supplémentaire. J'avais raison de me poser des questions, hier, lorsque je m'adressais au ministre des Affaires municipales. Il vient de confirmer, ce matin, qu'à l'usine de Marsoui, M. Couturier, avait décidé de ne pas reconstruire. La question que nous nous posons est la suivante: Les approvisionnements qui ont été concédés à Richardson sont probablement la cause de la décision que vient de prendre récemment M. Couturier, est-ce une question d'approvisionnement?

M. TESSIER: M. le Président, ça n'a aucun rapport.

M. LEVESQUE: Me permettrait-on d'ajouter que j'ai eu l'occasion de discuter avec les personnes concernées et ce que vient de dire le député me semble inexact.

M. DUMONT: Question supplémentaire, M. le Président, afin d'éclairer la situation.

M. LE PRESIDENT: C'est la dernière question additionnelle que je vais permettre. Je vais reporter les autres questions à la prochaine séance.

M. DUMONT: Ce serait pour savoir si les mêmes avantages financiers ont été offerts à la firme Couturier, à Marsoui, qu'à l'usine de Grande-Vallée, concernant les subsides fédéraux.

M. LEVESQUE: II est entendu que les subsides sont disponibles. Evidemment, il faut aussi tenir compte de certaines circonstances, comme les assurances, etc., mais en dehors de ces considérations, quelle que soit l'usine, dans cet endroit, en particulier, les subsides sont assez élevés et même si le gouvernement fédéral, pour une raison ou pour une autre, ne pouvait pas verser ces subsides, le ministère de l'Industrie et du Commerce y verrait.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. M. LEVESQUE : Article trois.

Projet de loi no 46 Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable leader parlementaire, pour l'honorable ministre de la Justice, propose la troisième lecture du projet de loi no 46, Loi prolongeant et modifiant la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires.

M. LEVESQUE: II y aura un amendement suggéré par le député de Shefford. Il faudrait ajouter la ville de Waterloo à la liste des municipalités de l'article 2 du projet de loi. C'est un amendement que je propose au nom du ministre de la Justice.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il consentement unanime?

M. PAUL: Oui, M. le Président. Le secrétaire pourra faire les inscriptions qui s'imposent dans les circonstances.

M. LEVESQUE: Nous retournons en comité pour faire l'amendement...

M. PAUL: C'est cela, pour les inscriptions.

M. LEVESQUE: ... à l'article 2. Comme si nous étions allés en comité.

M. PAUL: Troisième lecture adoptée.

M. LE PRESIDENT: Cette motion de troisième lecture est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: Article six.

Projet de loi no 7 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Agriculture propose la deuxième lecture du projet de loi no 7, Loi concernant la fabrication et la vente du cidre.

L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. Normand Toupin

M. TOUPIN: L'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à la Chambre.

M. le Président, depuis de nombreuses années, les pomiculteurs du Québec réclament le droit de fabriquer et de vendre légalement du cidre au Québec en vue de trouver un nouveau débouché pour leur produit. Tous les membres de cette Chambre savent que ce problème de la légalisation, de la fabrication et de la vente du cidre au Québec existe depuis longtemps et que les revendications des pomiculteurs en cette matière étaient largement justifiées.

Des efforts sérieux, de la part des gouvernements qui ont précédé le nôtre, ont été déployés en vue de trouver une solution acceptable à ce problème. D'ailleurs, une commission d'enquête a été instituée à cet effet. C'est la Commission d'enquête sur le commerce des boissons alcooliques présidée par le juge Lucien Thinel, qui a pris le nom de commission Thinel, et dont le rapport, portant sur la fabrication et la vente du cidre, a été présenté au gouvernement en septembre 1969 et déposé à l'Assemblée nationale au début de la présente semaine.

Désirant donner suite aux principales recommandations du rapport Thinel, un projet de loi fut préparé et déposé à l'Assemblée nationale, en première lecture, par le gouvernement qui nous a précédé, mais ce projet de loi n'ayant pu franchir les étapes subséquentes de deuxième et troisième lectures, la situation demeura donc inchangée. Les pomiculteurs se retrouvaient, par le fait même, face aux mêmes difficultés et continuèrent aussi leurs revendications.

Nous sommes heureux d'avoir pu trouver une solution acceptable au problème posé. Après avoir présenté en première lecture le projet de loi no 7, il nous fait plaisir d'en proposer aujourd'hui à cette Chambre la deuxième lecture. Ce projet de loi n'a pas la prétention d'apporter une solution complète au problème rencontré par les pomiculteurs.

Nous sommes cependant persuadés qu'il contribuera largement à régler une partie des principales difficultés rencontrées dans la transformation et dans la mise en marché des pommes au Québec.

Il ne faut pas perdre de vue, M. le Président, que le principal marché des pomiculteurs est encore celui de la vente de la pomme à l'état brut. En effet, ce marché de la consommation directe utilise à lui seul quelque 90 p. c. de la production de pommes au Québec.

D'après le rapport Thinel, environ 1.5 p. c. de la récolte annuelle de pommes au Québec sera dirigée vers la fabrication du cidre. Pour notre part, nous croyons qu'en vertu des

dispositions prévues au bill 7, il sera peut-être possible de dépasser ce 1.5 p. c. d'utilisation pour fins de fabrication du cidre, dont fait mention le rapport Thinel.

De toute façon, ce projet de loi vient répondre à un besoin réel des pomiculteurs et des consommateurs. Nous devons admettre que le contenu de ce projet de loi s'est largement inspiré des principales recommandations du rapport Thinel. En fait, le projet de loi no 7 donne suite à au moins sept ou huit recommandations dudit rapport. Les principaux articles du projet de loi peuvent se résumer de la manière suivante: premièrement, le projet de loi légalise la vente et la fabrication du cidre de pomme au Québec. Nous procurons ainsi l'occasion à plusieurs pomiculteurs de développer dans la légalité une industrie déjà en voie de fonctionnement dans plusieurs cas.

Deuxièmement, il permettra la normalisation et le conditionnement de la fabrication et de la vente du cidre. Effectivement, ce projet de loi permettra d'édicter des règlements visant à établir des normes de qualité et de fabrication du cidre, protégeant ainsi le marché de la fabrication et celui de la consommation. Troisièmement, il donne à tous les pomiculteurs l'occasion de se procurer un permis de fabricant. L'article 1 du projet de loi prévoit cette disposition en définissant le "pomiculteur" comme "toute personne physique qui cultive des pommiers au Québec." Nous n'avons pas cru bon de fixer des minimums, comme cela était prévu dans l'ancien bill 7.

Quatrièmement, il offre à des sociétés ou à des associations de pomiculteurs la possibilité de se procurer un permis de fabricant. L'article 5 du projet de loi prévoit cette possibilité. Or, nous pouvons conclure que des permis individuels peuvent être émis et aussi des permis qu'on pourrait appeler collectifs, par l'intermédiaire de sociétés ou d'associations de pomiculteurs.

Cinquièmement, il protège le marché de la pomme au Québec, en exigeant du fabricant qu'il s'engage à utiliser, pour la préparation du cidre qu'il fabrique, des pommes récoltées au Québec, dans une proportion d'au moins 90 p. c. L'article 7b) du projet de loi est très précis en cette matière. Cette question des 90 p. c. ou de la protection de la production des pommes au Québec est extrêmement importante, car elle va certainement contribuer à développer cette production. Sixièmement, il offre aux fabricants de cidre un très large éventail du marché québécois.

En effet, les cidres forts et légers pourront être vendus soit à la régie à une personne autorisée à vendre du cidre fort ou du cidre léger en vertu d'un permis qu'elle détient ou à une personne qui se trouve dans l'établissement du fabricant pour consommation à l'extérieur de l'établissement et de ses dépendances.

En définitive, il sera possible de vendre du cidre de pomme léger et fort dans presque tous les établissements qui ont des permis de vente; également dans l'établissement où est fabriqué le cidre à la condition qu'il ne soit pas consommé sur place, sauf dans les tavernes en ce qui a trait au cidre fort.

Le cidre fort sera vendu dans les épiceries. Ce permis autorise aussi la vente ou la livraison du cidre faite par le fabricant qui l'expédie à un endroit situé hors du Québec. Il est prévu qu'il sera possible de développer des marchés de vente à l'extérieur de cette province.

Ce projet de loi contribuera à développer une industrie artisanale fort importante. Ce type d'industrie stimulera la concurrence dans la fabrication et la vente du cidre et développera par le fait même l'économie québécoise. Nous sommes persuadés que ce projet de loi contribuera à la transformation et à l'utilisation de la pomme au Québec. Par conséquent, il sera pour les pomiculteurs un instrument additionnel qui leur permettra d'exploiter de nouveaux marchés pour leur produit et surtout pour une partie de la production dont le seul moyen d'utilisation est la transformation.

L'agriculture a besoin de ces nouveaux marchés si nous voulons la rendre encore plus prospère, plus dynamique et plus forte économiquement. Afin de rendre encore plus conforme ce projet de loi no 7 aux besoins du marché, nous aurons à proposer quelques amendements au texte original. Ces amendements auront pour effet de permettre aux épiceries qui détiennent un permis de vente de bière de vendre aussi du cidre fort et du cidre léger. Néanmoins, la vente du cidre fort ne sera pas permise dans les tavernes, contrairement au cidre léger.

Je vais distribuer dans quelques minutes les amendements que nous proposons au texte original.

M. VINCENT: M. le Président, est-ce que le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation pourrait immédiatement, avant que nous allions en comité tout à l'heure, faire distribuer par un page les amendements qu'il désire apporter en comité? Nous pourrions ainsi prendre connaissance de ces amendements.

M. TOUPIN: Je vais les distribuer immédiatement.

Enfin, ce projet de loi tel qu'il est rédigé répond aux désirs des pomiculteurs et aux principales recommandations se dégageant de la commission Thinel. Nous espérons qu'il aidera les pomiculteurs à trouver des solutions favorables à leurs problèmes et nous demandons la collaboration de cette Chambre pour que nous puissions mettre à la disposition des pomiculteurs cet instrument si important dans le plus bref délai.

Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Iberville.

M. LEVESQUE: Le député m'excusera, le ministre de la Justice vient de m'informer qu'il aurait une déclaration qui intéresserait peut-être les députés et qui serait très courte. Si j'ai le consentement de la Chambre, nous pourrions écouter le ministre de la Justice.

Identification de Pierre Séguin

M. CHOQUETTE: M. le Président, j'avais annoncé à la Chambre que je porterais à sa connaissance les renseignements que j'obtiendrais aussitôt après les avoir eus au sujet de l'identification exacte de celui qui a pris le nom de Pierre Séguin et qui est parti pour Cuba avec le groupe de la cellule Libération.

Après une enquête par notre service policier, il s'agit de Yves Langlois, résidant à Longueuil, qui a déjà été appréhendé par la police lors de manifestations, en 1966. Alors, il est évident que ce Yves Langlois a pris le nom de Pierre Séguin. Celui-ci est né le 13 octobre 1947.

M. PAUL: Merci.

Projet de loi no 7 (suite) M. Alfred Croisetière

M. CROISETIERE: Je remercie le ministre de la Justice d'avoir informé la Chambre de cet important renseignement.

M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'honorable ministre de l'Agriculture et de la Colonisation nous faire l'éloge du bien-fondé du projet de loi numéro 7 concernant la fabrication et la vente du cidre au Québec. Franchement, M. le Président il fait chaud au coeur d'entendre des paroles si élogieuses du ministre, sur un projet de loi qui, dans un laps de temps relativement court, a été parrainé par deux ministres de l'Agriculture dans un même Parlement. Avec votre permission, M. le Président, j'aimerais faire un bref résumé du travail d'un comité qui avait été demandé par l'honorable ministre de l'Agriculture du temps et qui avait amené la préparation du premier projet de loi.

Le 9 mai 1968, l'honorable ministre de l'Agriculture, M. Clément Vincent, demandait à l'honorable député de Lotbinière, M. Bernat-chez, de voir à préparer un comité de députés ministériels afin qu'ils puissent prendre connaissance des dossiers, des recommandations, des études qui avaient été soumis aux ministres de l'Agriculture des gouvernements passés, pour voir à faire des recommandations qui pourraient nous amener par la suite à l'élaboration et la préparation d'un projet de loi légalisant la vente du cidre.

Ce comité était formé de l'honorable premier ministre, M. Bertrand, qui était aussi ministre de la Justice à l'époque, de l'honorable Armand Russell, du député de Rouville, M.

Paul-Yvon Hamel, de M. Bernatchez, l'adjoint parlementaire du ministre de l'Agriculture, et de moi-même. Nous avons tenté de digérer le madrier, si on peut dire, qui faisait partie du dossier pertinent au problème de la légalisation de la cidrerie au Québec. Il n'était pas facile de prendre connaissance de tous les mémoires et de tous les écrits, des rapports, des études qui avaient été demandés par les gouvernements précédents, parce que, comme disait le ministre, depuis fort longtemps le Québec s'attendait d'avoir un projet de loi qui légaliserait enfin le cidre.

Nous avons eu une quinzaine de réunions de députés ministériels et nous avons pris connaissance de documents qui pouvaient nous orienter et nous permettre de faire certaines recommandations qui seraient susceptibles d'aider le gouvernement à préparer un projet de loi. Nous avons retenu, entre autres, des recommandations de la Pommeraie de Saint-Hilaire, qui mentionnait ceci à l'époque, le 20 octobre 1961: "Avant d'étudier certaines considérations d'ordre pratique, il semble que nous devions d'abord, brièvement, situer le problème du cidre tel qu'il nous apparaît. Il se fabrique du cidre dans le Québec depuis plus de 100 ans. C'est essentiellement une industrie familiale qui, aujourd'hui, a de profondes racines. Dans certaines régions pomicoles, les fabriquants de deuxième et même de troisième génération se sont fait à l'idée d'un droit acquis par la coutume et la tolérance.

De plus, certains producteurs ont gagné la confiance d'un nombre considérable de consommateurs. Il ne paraît nullement exagéré de prétendre que plus de 200 vendeurs de cidre opèrent actuellement dans la province, de façon illégale, il va sans dire. Un nombre limité de fabricants offrent leur produit à différents stades de fermentation par une technique qui varie depuis le contrôle bactériologique et l'emploi de formules éprouvées jusqu'à l'écrasement de pommes de rebut, où la contamination met en danger la santé publique par des procédés peu orthodoxes."

Tout ceci pour souligner, M. le Président, que le problème du cidre, il faut le reconnaître, a atteint une maturité critique et qu'il importe d'organiser l'industrie dans l'ordre, si nous ne voulons pas qu'elle perde l'excellente réputation acquise par un travail courageux de chercheurs souvent peu connus.

Nous aurions tort de croire qu'il n'existe qu'une technique de fabrication du cidre. Une telle prétention ne peut venir que de la part de personnes qui n'ont pu faire le lien entre la recherche en laboratoire et les goûts, les habitudes de notre population. L'expérience industrielle et commerciale nous indique que plusieurs formules de cidre peuvent être mises avantageusement sur le marché pourvu qu'une bonne technique de base vienne en garantir les normes établies.

L'Etat de New-York, par exemple, n'aurait pas une quinzaine de fabriques de vin très prospères si l'on avait limité les formules techniques de fabrication. Tout comme en France, ce sont les variétés, les fumets différents, les régions qui donnent la grande valeur à l'ensemble de l'industrie du vin.

Certaines observations dans la province voisine et dans le pays voisin nous démontrent que le développement d'industries semblables ne fut possible qu'avec l'aide de lois exceptionnelles. Nous conformant au même esprit qui a présidé à la refonte de la Loi des alcools dans le Québec, nous croyons que le problème du cidre peut trouver sa solution dans l'extension ordonnée des droits de fabrication et de vente et le rigoureux devoir de la part des fabricants de se soumettre à des normes et à des règlements fédéraux et provinciaux de mise en marché. Nous avons retenu différentes parties de ces recommantations.

En août 1961, un rapport qui avait été demandé à l'Office des marchés agricoles du Québec par le ministre du temps, l'honorable Courcy, faisait certaines recommandations. Nous en avons pris connaissance, parce que, M. le Président, il faut le dire, le premier projet de loi dont nous avons ici, en Chambre, la teneur, a été inspiré de ce projet de loi. C'est pour ces raisons que j'aimerais souligner ce que nous avons pu retenir pour permettre les recommandations.

Ce rapport, qui venait de l'Office des marchés agricoles, disait entre autres: "L'industrie de transformation de la pomme utilise 25 p. c. de la production canadienne mais seulement 9 p. c. de la production québécoise, pour la moyenne des années 1948 à 1956. Les deux principales entreprises québécoises sont la Coopérative Montérégienne qui fabriquait de la pulpe, du jus, de la compote de pommes, du nectar, de la gelée de pommes, et la compagnie Lion (jus en boîte et vinaigre)", qui sont, entre autres, propriétaires de la compagnie Allen. "Quelques petites installations dans le comté de Rouville achètent la plupart du temps leurs matières premières — du jus — à la Coopérative Montérégienne." Je reviendrai tantôt à ce qui m'a amené à faire des recommandations. "Ces dernières années, elles fabriquaient en moyenne par année, avec la tolérance du gouvernement, environ 200,000 gallons de cidre de type Champagne. Ce cidre se vendait bien, puisqu'il restait bon marché. L'acquittement d'un droit provincial éventuel, en plus de la taxe fédérale de $2.50 par gallon, en élevant le prix de détail, aurait probablement fait baisser considérablement le volume de cette vente."

Nous avons retenu, aussi, de ce même rapport: "Ce qui est signalé au début de ce chapitre pour l'industrie de transformation en général vaut aussi, évidemment, pour une éventuelle industrie cidrière."

Celle-ci aurait donc à faire face au même problème. En particulier, elle devra s'assurer un approvisionnement suffisant, même durant les années de faible récolte, et surtout régulier, ce qui pourra l'amener à établir des relations avec les producteurs des autres provinces. En effet, si la récolte québécoise de pommes varie beaucoup d'une année à l'autre, la quantité dite excédentaire varie bien davantage. Il est difficile de croire que des intérêts privés consentent à s'approvisionner régulièrement à cette seule source, à moins que ce ne soit seulement à une petite échelle.

A l'inverse, une industrie cidrière absorbant en tout temps la quantité dite excédentaire ne pourrait être qu'une industrie pour laquelle cette quantité dite excédentaire ou stabilisatrice ne représenterait qu'une partie de ses approvisionnements. Cela suppose que l'industrie cidrière en question s'occupe en même temps de la fabrication d'autres produits de la pomme, ou, alors, qu'elle absorbe une telle quantité de pommes que la variation de ses approvisionnements, d'une année à l'autre, se fasse relativement moins sentir.

Il paraît donc assez certain que, si la fabrication du cidre peut élargir les débouchés pour les pommes de moindre qualité, le cidre n'est pas en soi la solution définitive au problème causé par la fluctuation désastreuse des récoltes, de même que cette fluctuation n'est pas la seule cause du revenu peu élevé de certains pomiculteurs.

Le cidre n'est qu'un des multiples dérivés possibles de la pomme. Mais peut-être pourrait-il permettre, plus rapidement que les autres dérivés, d'écouler les pommes de moindre qualité. La question est de savoir si, pour autant, les producteurs seront satisfaits du prix obtenu pour ces pommes de moindre qualité et si les consommateurs consentiront à payer pour les différentes sortes de pommes, à un prix aussi élevé.

Le cidre semble être une boisson assez populaire, même si les endroits où l'on peut s'en procurer sont très limités. Un pourcentage de 41 p. c. des personnes interrogées ont déclaré aimer le cidre et presque toutes ont souhaité pouvoir éventuellement l'acheter à leur épicerie.

Dans un rapport déposé le 2 novembre 1965 au ministère de l'Industrie et du Commerce par la firme d'ingénieurs-conseils, Surveyer, Nenni-ger et Chênevert, on trouve, entre autres, que l'estimation du marché du cidre de qualité, titrant 12 p. c. d'alcool, s'établit à 150,000 gallons en 1966 et à 180,000 gallons en 1971. Sachant que la fabrication non autorisée s'établit à environ 200,000 gallons et que la consommation annuelle de vin est d'environ 2,700,000 gallons, dont 1,500,000 gallons de vin canadien, notre estimation semble être conservatrice. La consommation possible du cidre mousseux de très haute qualité s'établit à 20,000 ou 30,000

gallons. Les données manquent pour préciser davantage cette estimation. Enfin, le marché du cidre titrant 6 p. c. d'alcool, pourrait atteindre 700,000 gallons en 1966 et 850,000 gallons en 1971. Pour les 5,095 épiciers détenteurs d'un permis de la province, la consommation mensuelle de cidre estimée à 6 p. c. équivaudrait à l'écoulement de 13 gallons par épicerie. Remarquons que la consommation de bière se situait à environ 81 millions de gallons en 1964. La consommation globale du cidre s'élèverait donc à 0.156 gallon par personne, soit 25 onces par personne en 1966, et 25.7 onces par personnes en 1971. Cette étude du marché demeure fort sommaire. Les renseignements recueillis sont en général fragmentaires et souvent sujets à caution. Les chiffres de production ou de vente des entreprises consultées ont été établis en première instance pour d'autres fins. Nous obtenons cependant, et c'est l'essentiel, un ordre de grandeur de la consommation possible.

Il ne s'agissait pas, enfin, d'entreprendre une étude détaillée du marché, mais d'inscrire dans l'ensemble de l'étude du développement de l'industrie de la pomme les facteurs permettant d'évaluer les possibilités d'assurer un débouché à certains produits précis.

Les résultats obtenus, toujours d'après le rapport Nenniger, indiquent qu'il y a largement place pour l'accroissement de la production de jus et de sauce, et le marché potentiel pour les cidres représente plus du double de la production envisagée au départ.

Une étude plus précise s'imposerait s'il s'agissait d'accroître la production du cidre substantiellement au-delà des prévisions actuelles.

Une telle étude serait, de toute façon, utile à l'organisation d'un programme de publicité et de vente bien équilibré et pour déterminer en particulier si la qualité et la saveur du cidre recontrent les exigences du public.

Toujours d'après ce rapport, en ce qui concerne le cidre à 12 p. c. non mousseux, selon l'étude du marché dans le grand Montréal, 13 p. c. des familles interrogées achetaient du cidre à l'occasion, et 3 p. c. en avaient acheté durant le mois de l'enquête. Autrement dit, en transposant à l'ensemble de la population de Montréal 13 p. c. des familles, 67,452 familles en 1966, et 77,191 familles en 1971, dont 25 p. c. seraient susceptibles d'acheter du cidre chaque mois à raison d'un demi-gallon chaque mois, consommeraient 109,609 gallons en 1966, et 125,436 gallons en 1971.

En admettant une consommation, dans le reste de la province, égale aux deux tiers de celle de Montréal, soit 73,500 gallons, en 1966, et 84,000 en 1971, la consommation totale possible s'élèverait à environ 180,000 gallons et 210,000 gallons en 1971.

Toutefois, aussi sévère que soit rendue la réglementation, une production privée estimée à 30,000 gallons continuerait de s'effectuer, d'où une estimation de 150,000 gallons et 180,000 gallons respectivement pour les années 1966 et 1971.

Remarquons que la fabrication du cidre est évaluée, en 1971, à 200,000 gallons, et celle du vin à 2,700,000 gallons, dont 1,500,000 gallons de vins canadiens sont consommés actuellement chaque année au Québec.

Evidemment, ces estimations reposent sur l'hypothèse d'une mise en marché d'un cidre de qualité convenable. On a jugé, par le taux de consommation actuel, en dépit de la qualité généralement médiocre du cidre clandestin, que les estimations précédentes semblent toutefois être conservatrices et le cidre officiellement autorisé par l'offre de garanties nécessaire d'une bonne qualité et d'une qualité suivie. Nous avons retenu ces avertissements pour faire les recommandations du premier projet de loi. Le prix d'un tel cidre demeure tout de même inférieur et tout au plus égal à celui du vin ordinaire.

Le cidre mousseux à 12 p. c. Environ 21,000 caisses de vin pétillant du type rosé ou saumur rosé ont été écoulées par la Régie des alcools en 1964. Bien qu'un cidre mousseux de très haute qualité, type champagne, ne puisse se comparer à un vin pétillant, un volume de consommation de même ordre de grandeur peut se concevoir. D'autre part, l'attrait d'un mousseux à prix sensiblement inférieur à celui des grands vins importés peut être un facteur important de consommation et nous estimons donc de 20,000 à 30,000 gallons la consommation du cidre mousseux de très haute qualité.

Le cidre à 6 p. c, 41 p. c. des familles interrogées lors de l'enquête de 1959 délaraient aimer le cidre. 46 p. c. des familles interrogées désiraient pouvoir en acheter chez l'épicier. Comme l'on voit mal comment 5 p. c. des familles interrogées pourraient désirer acheter du cidre sans en apprécier le goût, admettons que 41 p. c. des familles interrogées achèteraient éventuellement du cidre à 6 p. c. chez l'épicier à raison d'une caisse de 24 bouteilles de 12 onces par an, soit environ deux gallons. Ceci n'est, bien sûr, qu'un jugement de valeur reposant sur les désirs exprimés.

Le questionnaire utilisé ne demandait pas combien de bouteilles seraient achetées, sur l'hypothèse qu'un cidre est de bonne qualité, ni même si les familles interrogées avaient déjà eu l'occasion de boire du cidre semblable. Sur cette base, néanmoins, la consommation estimée dans le grand Montréal s'élèverait à 460,922 gallons en 1966 et 527,472 en 1971.

En supposant que la consommation par famille est réduite de moitié dans le reste de la province, nous obtenons une consommation totale, pour le Québec, de 751,833 gallons en 1966 et 849,937 gallons en 1971. Je m'excuse de citer des chiffres, mais ils sont là et c'était très important pour nous d'en prendre connaissance pour les recommandations futures.

Notez que la consommation de la bière, dans

la province, était d'environ 81 millions de gallons en 1964. Si le cidre à 6 p. c. est vendu par les 5,095 épiciers licenciés de la province, de l'époque, ils écouleront, chacun en moyenne, 13 gallons de cidre par mois. Tous savent que les conclusions du rapport Surveyer, Nenni-ger, Chênevert en venaient à dire qu'il fallait implanter une cidrerie au Québec. C'est avec regret que nous songeons aux achats de terrains à Lasalle, à l'époque, qui seraient éventuellement mis à la disposition de l'implantation d'une cidrerie.

L'honorable ministre de l'Agriculture, tantôt, ne l'a pas souligné parce que j'ai l'impression que le rapport, qui a servi à la préparation du projet de loi qui est devant nous, était la suite logique du projet de loi no 7 qui avait été adopté en première lecture par le gouvernement précédent. J'aimerais souligner, entre autres, des pressions, à la suite du rapport des ingénieurs-conseils Surveyer et autres, qui recommandaient une cidrerie. Ces pressions ont été faites dans des régions qui avaient déjà des coopératives et qui craignaient de voir tomber, dans les mains de grosses industries — comme celles qui fabriquent de la bière actuellement — ou de compagnies comme Lion Vinegar, Imperial Tobacco, Melchers ou d'autres qui pourraient prendre le monopole et priver les gens qui font partie de coopératives déjà implantées d'écouler leur produit.

Nous voyons, en date du 3 mai 1966, la Chambre de commerce de Marieville qui s'inquiétait de ce rapport indiquant et recommandant une cidrerie. Elle faisait, à juste titre, des pressions pour que les régions pomicoles — comme la région de Rouville et d'autres régions — puissent également avoir le droit de se procurer de tels permis. Je cite, entre autres, dans la recommandation de la Chambre de commerce de Marieville quelques-uns des "attendus". "Attendu que 1- L'étude de la pomme, par la firme Surveyer, Nenniger, Chênevert, recommande comme site de cette industrie le bassin de Laprairie — où il y a très peu de pommiers, un peu comme dans le comté d'Iberville parce que nous y avons des pomiculteurs, mais dans un nombre moindre que dans d'autres régions — ou l'intégration à la coopérative Montérégienne de Rougemont." Le premier ministre a déclaré en Chambre, le 31 janvier 1966, que le terrain de Lasalle servira à la construction d'un entrepôt et non à la future cidrerie d'Etat. C'était toujours avec un point d'interrogation. Nous avons connu la suite. Je laisse à la Chambre le soin de juger les conclusions qui suivirent. Entre autres, il soulignait: La Chambre de commerce provinciale a insisté, dans un mémoire, et suggère auprès du gouvernement une décentralisation industrielle.

Nos éditorialistes sérieux comme Paul Sauriol, Roger Champoux, Roland Gagné favorisent nettement que le comté producteur de pommes par excellence, le comté de Rouville, retienne l'attention du gouvernement du temps. Et nous avons aussi d'autres mémoires, d'autres rapports. Une enquête en date d'avril 1963, que nous avons retrouvée dans le dossier, mentionnait entre autres qu'une enquête récente, menée par un sous-comité de commercialisation des produits agricoles sur l'initiative de l'Office des marchés, révélait de façon brutale que notre production des sous-produits de la pomme était déficitaire de 58 p. c. Voici les chiffres fournis par cette enquête.

Jus de pomme: consommation dans le Québec, 800,000 minots; production dans le Québec, 400,000 minots; importation, 400,000 minots; déficit, 50 p. c. Sauce aux pommes: consommation dans le Québec, 240,000 minots; production du Québec, 40,000 minots; importation, 200,000 minots; déficit, 83 p. c. Garniture de tartes: consommation totale du Québec, 120,000 minots; production dans le Québec, 20,000 minots; importation, 100,000 minots; déficit, 83 p. c. Pulpe: consommation du Québec, 100,000 minots; production dans le Québec, 100,000 minots; aucune importation. Autres sous-produits: consommation 150,000 minots; production dans le Québec, 40,000 minots; importation, 110,000 minots; déficit, 73 p. c. Tout cela donne un total de 1,410,000 minots de consommation dans le Québec. La production dans le Québec étant de 600,000 minots et l'importation de 810,000 minots, cela donne un déficit de 58 p. c.

Je reviendrai tantôt, vers la fin de mon exposé, sur les inquiétudes qu'il y a de surveiller les importations qui viendront de l'extérieur du Québec, parce que l'esprit de la loi veut que nous consommions au moins les pommes que nous avons au Québec. C'est dire que la province consomme actuellement, sous diverses formes après transformation, plus de 3/4 de million de minots de pommes de qualité inférieure en provenance des autres provinces canadiennes.

Pendant ce temps, une partie de nos propres fruits pourrissent dans nos vergers, et c'est ce qui a amené le projet de loi. Pour une autre partie de nos fruits de qualité, la qualité inférieure contribue à maintenir une mauvaise réputation à notre marché de pommes fraîches et avilit encore une fois le prix des pommes fraîches classifiées et entreposées à coût d'argent. Réaction psychologique chez le producteur: celui-ci voit le problème et souhaite sa solution. Il y a accord unanime sur le principe. A une assemblée générale de la Société pomologique en avril 1961, une résolution adoptée à l'unanimité demandait que toutes les pommes tombées soient dirigées vers l'usine et que la nouvelle loi des classifications alors à l'étude ne permette pas qu'elles soient mises sur le marché, même après classification.

Et alors, M. le Président, la création de la commission Thinel a été demandée par un

arrêté en conseil no 3715, en date du 18 novembre 1968 et son mandat a été prolongé par l'arrêté en conseil no 1454 en date du 14 mai 1969 pour lui permettre de compléter le travail qui avait été demandé. Ce rapport a été déposé au conseil des ministres en septembre 1969. L'honorable ministre Toupin nous en a distribué copie cette semaine.

Or, M. le Président, il a fallu travailler. Est-ce que j'ai droit à plus de trente minutes, M. le Président?

M. LE PRESIDENT (Brown): Cinq minutes encore.

M. BERTRAND: M. le Président, comme chef de l'Opposition, j'ai le droit d'autoriser un de mes collègues à parler au nom de l'Opposition. Je crois qu'à ce moment-ci, étant le premier à porter la parole, mon collègue d'Iberville devrait avoir droit de dépasser la limite réglementaire.

M. CROISETIERE: Cela peut prendre une quinzaine de minutes.

M. DUMONT: Nous trouvons, M. le Président, que le député fait tellement un bon exposé que nous sommes consentants à le laisser aller au-delà de la limite permise.

M. LESSARD: II n'y a pas de consentement nécessaire.

M. CROISETIERE: Je remercie les membres de l'Opposition et le gouvernement.

C'était pour expliquer le travail qu'il fallait faire. A ce moment-là, lors de l'institution de la commission Thinel, nous avions eu une douzaine de réunions. Il fallait entendre les recommandations de cette commission. L'honorable ministre a souligné tantôt, avec raison, le rapport de la commission Thinel, dont il a retenu une partie des recommandations.

Le rapport de la commission Thinel disait entre autres, dans l'utilisation de la pomme, que la destination première de celle-ci est sa consommation directe comme fruit frais. Et nous sommes tous d'accord. Il s'agissait tout simplement d'utiliser le surplus du produit qui, comme d'autres rapports le soulignaient, pourrissait dans les vergers. Les pomiculteurs n'avaient aucun débouché logique.

Le rapport Thinel souligne entre autres: On estime que le Québec produit environ 7 1/2 millions de boisseaux de pommes par an. Cette production sert dans une proportion de 90 p. c. à la consommation directe. Le solde est utilisé comme jus de pomme, sauce, pulpe, garniture de tartes et autres sous-produits. La fabrication du jus de pomme utilise environ les deux tiers des pommes usinées. L'Institut vini cole canadien estime qu'en 1967 il s'est vendu au Canada environ 150,000 gallons de cidre léger et 20,000 gallons de cidre fort. Il est difficile de prévoir quelle serait la consommation québécoise du cidre dans l'éventualité de la législation de sa fabrication et de sa vente.

En effet, le goût des consommateurs reste largement inconnu. Toutefois, l'expérience canadienne ainsi que les différents rapports présentés jusqu'à maintenant nous font croire que la fabrication du cidre ne pourra utiliser plus de 1.5 p. c. de la récolte annuelle de pommes ou encore 13 p. c. des pommes destinées à l'usinage. On se rend bien compte, et les mémoires sont unanimes sur ce point, que la fabrication du cidre demeure un utilisateur marginal de pommes. Sa législation peut certes aider les pomiculteurs, mais elle ne saurait résoudre le problème de la mise en marché des pommes produites au Québec. Et ceci est bien important.

Il ne faut pas perdre de vue cette vérité. C'est dans cette perspective que l'on doit envisager le problème du cidre. Sa fabrication ne produira pas de miracle financier pour les pomiculteurs. Elle aidera tout au plus au soutien du marché des pommes de seconde qualité. Elle facilitera ainsi une meilleure sélection des pommes destinées à la consommation directe en créant un nouveau débouché pour la pomme de transformation.

Si les structures du marché de la pomme doivent être modifiées, c'est aux organismes de mise en marché de le faire. La fabrication du cidre ne peut se substituer à ce mécanisme régulier.

Les types de cidre. Les définitions et les classifications légales du cidre utilisent le degré de contenu en alcool comme critère de distinction entre le jus, le cidre léger et le cidre. Les boissons à base de pommes, contenant un volume d'alcool de moins de 2 1/2 p. c., sont considérées comme des jus; entre 2 1/2 p. c. et 7 p. c. comme cidre léger et entre 7 p. c. et 13 p. c. comme cidre fort.

Dans la réalité, ces catégories se retrouvent avec des degrés d'alcoolisation relativement précis. Par exemple, les jus alcoolisés contiennent 2 p. c. en volume d'alcool; les cidres légers, 6 p. c. et les cidres forts, 12 p. c. . Chacune de ces trois catégories de produit peut être présentée sous forme "tranquille" ou sous forme "pétillant" en y ajoutant du gaz carbonique sous pression. Ici, je ne fais pas allusion à la révolution tranquille.

La fabrication du cidre s'effectue à partir du jus de pomme. Le cidre léger à teneur de 6 p. c. d'alcool s'obtient en soumettant le jus de pomme à une fermentation primaire dans des cuves appropriées. Nous avons tenu compte de ça pour faire des recommandations et pour conserver ceux qui en fabriquaient afin de ne pas déranger l'ordre établi.

La production du cidre fort requiert, cependant, un procédé plus élaboré. En effet, pour obtenir le cidre dont la teneur en alcool est de 12 p. c, il est nécessaire de soumettre le cidre

léger à une fermentation secondaire avec l'addition de concentrés de sucre et de levure. Après pasteurisation, le produit est mis en bouteilles. Nous en avons aussi tenu compte. Ces techniques de production du cidre léger et du cidre fort sont connues au Québec depuis longtemps. Comme nous venons de le mentionner, le cidre léger sert à la fabrication du jus de pomme alcoolisé qui, cependant, est vendu sous l'étiquette de cidre. Le cidre fort est un produit vendu clandestinement par un certain nombre de pomiculteurs. Il fallait tout simplement légaliser cette situation. Ceux-ci ne sont pas munis de permis et sont, en conséquence, passibles d'amendes plus ou moins périodiques. On se souvient de l'époque où à peu près tous les gens de ces régions-là fabriquaient du cidre en sous-main et soulignaient à certaines autorités que leurs voisins en vendaient, ce qui, peut-être, par ricochet, les avantageaient personnellement. Il était impérieux que cette situation soit corrigée.

Dans l'hypothèse de la légalisation de la fabrication du cidre au Québec, il importe d'avoir une idée de ce que pourrait être le prix au producteur. De tels renseignements peuvent s'obtenir de deux façons, soit par la connaissance du prix aux producteurs de cidre au Canada, soit en les demandant aux entreprises québécoises qui produisent du cidre de façon artisanale.

La Société Beauchatel Wines Limited fabrique un cidre léger qu'elle vend en Ontario et au Manitoba, sous la marque Beauchatel Light N'Easy Sparkling. Ce cidre était vendu à l'époque à la régie ontarienne, au prix de $5.10 la caisse de 24 bouteilles de douze onces. La Société Beauchatel ne fabrique pas de cidre fort. Le seul fabricant au Canada est Chipman Apple Products Limited de Nouvelle-Ecosse. D'après les renseignements obtenus de cette société, le prix au producteur de cidre fort tranquille est de $5.90 la caisse de douze bouteilles de 25 onces. Les données que nous avons obtenues de producteurs québécois ne concernent que la bouteille de 26 onces.

M. le Président, ce tableau montre également ce que serait le prix au producteur de cidre fort. Au Québec, le prix au producteur s'établirait à $5.15 la caisse de cidre léger pétillant de douze bouteilles de 26 onces et à $4.40 la caisse de cidre léger tranquille. Ce tableau démontre également ce que serait le prix au producteur de cidre fort. Les données québécoises ne sont que des estimations et ne représentent ni les tendances futures, ni les normes à suivre. Toutefois, elles nous semblent réalistes puisque le prix québécois diffère peu de celui des autres provinces.

Le cidre fort fabriqué au Canada, toujours selon le rapport de la commission Thinel, est commercialisé dans huit des dix provinces. Nous étions pratiquement des orphelins. Voici les huit provinces: Nouvelle-Ecosse, Nouveau-

Brunswick, Ile-du-Prince-Edouard, Ontario, Manitoba, Saskatchewan, Alberta et Colombie-Britannique. Ce produit est également vendu dans les Territoires du Nord-Ouest. Terre-Neuve ne vend que du cidre importé. Il a peut-être espoir de les alimenter par la suite.

Québec est donc la seule province où l'on ne vend, légalement, ni de cidre canadien ni de cidre importé. Il y a trois producteurs de cidre au Canada: Growers Wines Limited de Colombie-Britannique, Beauchatel Wines Limited, qui ne produit que du cidre léger, et Chipman Apple Products Limited, comme je le soulignais tantôt, qui fabrique également du cidre fort.

Il semble que les deux premières sociétés soient liées à l'Imperial Tobacco du Canada Limitée. Je l'ai souligné tantôt et j'y reviendrai parce qu'il peut y avoir un certain danger de tout monopoliser dans de grosses industries et de laisser handicaper jusqu'à un certain point nos producteurs locaux et nos coopératives locales.

La commercialisation du cidre dans les autres provinces et l'existence de producteurs bien établis et économiquement puissants nous conduisent à une constatation importante. Si la fabrication du cidre devient légale au Québec, elle devra autant que possible tenir compte des produits des producteurs des autres provinces et sa qualité devra correspondre à celle qui existe ailleurs au Canada.

Qui, au Québec, devrait produire du cidre? Voilà la première question que nous nous sommes posée et à laquelle nous devons répondre. A cette fin, nous distinguerons le cidre léger et le cidre fort. Je ferai grâce du rapport des recommandations et de la spécification des cidres légers et des cidres forts. L'honorable ministre a mentionné tantôt les différences qu'il y avait. Mais la commission Thinel nous indiquait clairement que nous pouvions faire des recommandations au conseil des ministres, au gouvernement, pour décentraliser et déranger le moins possible ceux qui fabriquaient du cidre fort sous le contrôle de la Loi de la Régie des alcools et également pour permettre la fabrication du cidre doux.

Nous avions également fait des recommandations à l'effet d'instituer la Commission de l'industrie pomicole. Notre comité suggérait, entre autres, que les membres de ladite commission soient nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil et recrutés au sein des corps publics suivants: un représentant de la Société de pomologie du Québec, un représentant du ministère de l'Agriculture, un représentant de la Régie des alcools, un représentant du ministère du Commerce, un représentant des pomiculteurs indépendants, un représentant de l'usine coopérative de transformation des produits de la pomme et un septième membre devant agir comme président de ladite commission. Il suggérait aussi que ces personnes composant la Commission de l'industrie pomicole

du Québec s'adjoignent un secrétaire et les techniciens requis pour leur travail.

Nous avons préparé des recommandations pour le conseil des ministres et, en date du 4 décembre 1969, nous recevions de l'honorable ministre de l'Agriculture du temps, M. Vincent, une lettre disant aux membres du comité: "Lors de la réunion du conseil des ministres, hier soir, un accord de principe a été donné au projet de loi concernant la fabrication et la vente du cidre. Le tout a été remis aux légistes pour la préparation du texte. Un avis de motion de présentation de cette loi sera inscrit au feuilleton de la présente session — Et de fait, cela avait été fait en décembre — Permettez-moi de profiter de la présente pour vous remercier très sincèrement du magnifique travail que vous et vos collègues avez accompli dans le règlement de cette affaire qui faisait l'objet de pourparlers depuis plusieurs années. Je me fais l'interprète de l'honorable premier ministre et de tous les membres du cabinet pour vous en féliciter".

M. le Président, j'aimerais souligner ici, avant de faire une brève analyse et une comparaison des deux projets de loi, qu'il est vrai, comme je le soulignais au début, qu'il y a fort longtemps qu'il en était question au Québec. Peut-être, lors de périodes électorales, il en était question parce que les électeurs de ces régions, non pas des régions qui nous entourent, mais d'autres régions du Québec, s'interrogeaient et anticipaient la venue d'un tel projet de loi. Mais, le dossier était volumineux et il fallait agir. Nous avons eu l'occasion, en très peu de temps, de voir à la préparation de ce projet de loi.

M. le Président, nous voulions présenter ce projet qui, de fait, a été déposé en Chambre par l'honorable Clément Vincent. J'aimerais, avec votre permission, que nous nous interrogions sur la différence des deux projets de loi.

En réalité, devant le nouveau projet de loi qui a été changé, si on ne peut dire amélioré, par différents articles, puisqu'ils en ont conservé l'essence et la majeure partie des articles, je me demande ce qui arrivera lorsque viendront des époques où la production de pommes sera, disons, moindre. Je lisais, entre autres, dans la Voix de l'Est du 8 décembre dernier, un article qui mentionnait que la récolte de pommes accuse une baisse, cette année, de 17 p. c.

Ces pomiculteurs, qui font partie de coopératives, actuellement, ont déjà un marché pour leurs pommes de qualité et pour les sous-produits de leurs pommes. On se demande si un tel projet protège le fabricant de jus de pommes, car, lors de petites récoltes, le prix supérieur offert par les fabricants de cidre leur assurera la préférence. Par la suite, lors de récoltes normales, le fabricant de jus, n'ayant pu s'approvisionner, aura perdu une surface de tablette chez le détaillant et ne pourra que très difficilement la reprendre. Il est prouvé que la vente du jus doit être maintenue, puisque c'est encore le meilleur moyen d'écoulement de grandes quantités de pommes secondaires.

M. le Président, je me demande également si l'honorable ministre de l'Agriculture a consulté toutes les coopératives qui sont déjà en place et qui absorbent, en majeure partie, la production de ces pomiculteurs.

J'aimerais, en terminant, faire un bref exposé des comparaisons entre le premier projet de loi, déposé par le gouvernement de l'Union Nationale, et celui qui est présentement devant nous. Nous voyons, à l'article 1, un changement. Dans l'ancien texte, on définissait le pomiculteur comme suit: "Toute personne physique qui est propriétaire ou locataire d'un verger comprenant au moins cent pommiers productifs." Nous voyons dans le nouveau texte: "Toute personne physique qui cultive des pommiers au Québec."

M. le Président, j'ai peut-être raison de m'inquiéter de la phraséologie du nouveau texte, puisque nous avons tous encore frais à la mémoire, surtout ceux qui sont dans des comtés ruraux, ce qui s'est produit quand est venue la préparation du plan conjoint pour les producteurs d'oeufs du Québec. Nous avons connu, à l'époque, la définition d'un aviculteur:

Un aviculteur est un type, une personne physique qui possède des poules. Nous avons connu également un tollé, à un moment donné, lors de la préparation du plan conjoint et il y a eu un vote parmi ces aviculteurs qui disaient, entre autres, que certains aviculteurs qui possédaient un nombre très restreint de poules avaient le droit de vote. A ce moment-ci, je me demande s'il n'y aurait pas un certain danger de voir se répéter la définition d'un pomiculteur? C'est pour cette raison que nous avions déterminé un certain nombre de pommiers pour un pomiculteur. Cette nouvelle définition est évidemment beaucoup plus vague que l'autre. Combien faut-il de pommiers pour être pomiculteur? Sur quoi se fondera la Régie des alcools pour en décider, au moment d'accorder ou de refuser une demande de permis? Nous avons des raisons de nous interroger.

Une telle imprécision peut être à l'avantage de certains producteurs qui désireraient, même avec un nombre restreint de pommiers, entreprendre la fabrication du cidre sur une base artisanale. N'étant liée par aucun chiffre ni aucune donnée précise, la régie devra s'appuyer davantage sur la bonne foi du requérant.

Nous pourrions peut-être aussi, entre parenthèses, penser que certains actionnaires de compagnies pourraient être intéressés, comme je le soulignais tantôt, dans d'autres domaines qui fabriquent d'autres produits alcoolisés, et demander un tel permis, puisqu'ils ont cinq ou six pommiers chez eux. De plus, cette nouvelle définition permet à un cultivateur de faire partie, comme je le soulignais tantôt, d'une société de pomiculteurs, même s'il n'a qu'un nombre restreint de pommiers productifs.

Qui pourra le vendre? Il y a un changement de rédaction à l'article 37-B, qui sera inclus dans la Loi de la régie des alcools par l'article 3

du bill 7. Cet article 37-B dit: "Le permis de fabricant de cidre léger autorise la personne qui le détient à vendre ou à livrer le cidre léger qu'elle fabrique".

L'ancien texte, M. le Président, se lisait comme suit: "A une personne munie d'un permis pour la vente de la bière ou d'un permis de vendeur de cidre." Le nouveau texte souligne: "A une personne autorisée à vendre du cidre léger en vertu d'un permis qu'elle détient." A première vue, nous serions portés à conclure qu'avec ce nouveau texte, le détenteur d'un permis d'épicerie ne serait plus autorisé, par le fait-même, à vendre du cidre léger. Enfin, je crois que cette nouvelle rédaction ne change rien, car, en vertu d'un amendement de 1965, au chapitre 19, le permis d'épicerie permet maintenant la vente en bouteille et la livraison à domicile non seulement de la bière mais aussi du cidre léger. Voir l'article 18 de la Loi de la Régie des Alcools, tel que modifié par l'article 11 du chapitre 19, 1965, première session.

Comment protéger les nôtres? Il y a des changements considérables à l'article 4 du bill 7 qui modifie l'article 40 de la Loi de la Régie des alcools. En plus de laisser tomber une correction qui avait été proposée à la version anglaise de l'article 40 dans le projet de loi de l'honorable Vincent, le nouveau texte élimine le minimum de 25 pomiculteurs ainsi que la mention "domicilié au Québec".

Il remplacera tout cela par la condition suivante: Pourvu que le fabricant s'engage à utiliser, pour la préparation du cidre qu'il fabrique, des pommes récoltées au Québec dans une proportion d'au moins 90 p. c. . L'intention est sans doute louable, mais on peut se demander s'il sera aussi facile d'établir le domicile des pommes que celui des pomiculteurs. De plus, on peut se demander si la proportion de 90 p. c. ne serait pas un handicap dans certains cas.

En vertu de l'ancien texte, une fabrique située près de la frontière aurait pu fonctionner avec 25 pomiculteurs du Québec et autant de l'Ontario, ou du Nouveau-Brunswick, si vous voulez. En vertu du nouveau texte, ils ne pourraient plus obtenir de permis et ce sont peut-être nos pomiculteurs qui en souffriront. A noter, au paragraphe d), ce qui est totalement nouveau et a été introduit par l'article 7, qu'on annule le permis quand un fabricant ne satisfait pas à cette exigence de 90 p. c. des pommes récoltées au Québec.

J'ai l'impression que la surveillance sera obligatoire et devra être accrue. Nous avions espéré déranger le moins possible l'ordre établi et permettre à des coopératives, à des groupes de 25 pomiculteurs, par exemple, qui, à 100 pommiers chacuns faisaient un chiffre assez intéressant de 2,500 pommmiers, de se grouper pour la fabrication.

M. TOUPIN: C'est prévu dans le projet de loi, cela.

M. CROISETIERE: M. le Président, je sais que l'on a retenu des choses de notre projet de loi et nous vous en félicitons. Je voudrais souligner ces changements; j'aimerais maintenant laisser à d'autres collègues en Chambre le soin de compléter ce que je n'ai pas pu mentionner durant le laps de temps qui m'a été accordé.

J'aimerais en terminant souligner que nous allons assister, encore une fois, à une coupe de ruban par le gouvernement actuel d'un projet de loi qui avait été préparé par le gouvernement précédent. Nous voterons donc, nous de l'Opposition officielle, pour le principe du projet de loi en deuxième lecture, tout en nous réservant le droit de faire des suggestions au gouvernement en comité. Je vous remercie.

M. BROWN: Le député de Lotbinière.

M. BELAND: M. le Président, puis-je d'abord signaler qu'il est midi trente?

M. LEVESQUE: Nous allons suspendre jusqu'à deux heures et quart. Le président a reconnu le député de Lotbinière. La séance est suspendue jusqu'à deux heures et quart.

M. BROWN: La séance est suspendue jusqu'à deux heures et quart.

Reprise de la séance à 14 h 16

M. LE PRESIDENT (Lavoie): A l'ordre, messieurs!

Le député de Lotbinière.

M. Jean-Louis Béland

M. BELAND: M. le Président, il me fait plaisir de dire aujourd'hui quelques mots sur ce projet de loi que nous avons devant nous concernant la fabrication et la vente du cidre au Québec. Toutefois, au début, je me permettrai de souligner une chose qui m'a énormément surpris ce matin. Devant un projet de loi aussi important pour les pomiculteurs du Québec, j'ai été très surpris de constater que la plus grande partie du temps s'était déroulée durant cette discussion avec seulement sept ou huit députés libéraux en Chambre.

Ce projet de loi est important pour les pomiculteurs du Québec. D'abord, depuis on ne sait plus combien d'années, les pomiculteurs se sont vus acculés, après une année de travail, devant une année que l'on pourrait appeler de disette au point de vue des prix pour leurs produits.

La production était bonne, oui, mais par contre les prix étaient très bas. Que ce soient des entreprises familiales qui produisent et possèdent des champs de pommiers, que ce soient des entreprises coopératives, que ce soient d'autres sortes d'entreprises qui possèdent des pommiers, eh bien lors de la vente, il faut que ces pommiers rapportent un prix suffisant aux producteurs.

Evidemment, mon comté n'est pas un comté où il y a tellement de pomiculteurs, mais par contre, ici en cette Chambre, on doit légiférer en fonction des besoins qu'il y a à quelque endroit que ce soit dans la province. Les pomiculteurs que nous avons rencontrés depuis plusieurs années nous ont parlé de leurs problèmes. Ce matin dans les deux brillants exposés qui ont été prononcés, deux personnes, une du côté ministériel, l'autre du côté de l'Opposition officielle ont démontré l'utilité en des termes techniques du besoin réel d'un bill spécifique pour faire en sorte que l'on puisse fabriquer et vendre du cidre au Québec.

Avec ce bill, les pomiculteurs verront des jours plus heureux. Mais comment pourront-ils les voir? Eh bien, de quelle façon devra se faire la mise en marché de ce produit, si ce n'est strictement pas un outil que devront se donner les pomiculteurs eux-mêmes? Non pas que ce soient des entreprises compètement à l'extérieur de la production, non, car on a trop vu cela dans le passé dans d'autres productions, mais que les pomiculteurs eux-mêmes se donnent les outils nécessaires pour transformer leur produit et le mettre sur le marché. Peu importe l'appellation de cedit organisme, que ce soit à l'intérieur d'une formule coopérative ou autre- ment, pourvu que, justement, ça appartienne aux pomiculteurs eux-mêmes.

Il y a évidemment, selon les prévisions, une possibilité d'écoulement et de fabrication pour environ 1. 5 p. c. de la quantité de boisseaux de pommes produites au Québec. Ce sont des prévisions, mais à mon humble avis, je crois que ces prévisions seront largement et très largement dépassées, si l'on s'arrête à penser, à réfléchir à tout le champ d'activité dans lequel pourront travailler une certaine quantité de personnes pour élaborer, entre autres, une certaine quantité de recettes-alimentaires nouvelles, qui feront la joie, évidemment, des ménagères.

Des huit millions de boisseaux de pommes que produit le Québec par an, il est vrai que, jusqu'à maintenant, environ 90 p. c. ou 92 p. c. étaient consommées d'une façon directe par le consommateur. Mais seulement au point de vue de l'écoulement, on a dit ce matin et je l'ai noté, qu'environ 150,000 gallons de cidre léger avaient été produits et vendus depuis 1967, et 20,000 gallons de cidre fort.

Encore là, ce ne sont que des chiffres très légers comparativement à ce que cela pourra être lorsque le développement se fera automatiquement, à cause justement de la possibilité de distillation, de vente, de transformation, etc.

Il y a toute une gamme de sous-produits qui entreront en ligne de compte. La gelée de pomme, ainsi que la pâte de pomme trouveront également un marché dans l'avenir. Une quantité d'autres sous-produits pourront être exploités à une très haute échelle grâce à cette nouvelle loi pour les pomiculteurs.

Le cognac est produit à Cognac même, en France. Or, on voit, aux alentours de la ville de Cognac, d'immenses chais, d'immenses caves à vin qui sont exploitées pour le plus grand bénéfice de ceux qui aiment se délecter le palais.

Eh bien, je pensais — je vous ramène au Québec — à ceux qui, depuis un an, ne peuvent pas vendre leur bois à pâte. J'ai imaginé que ce bois pourrait très bien servir à construire des tonneaux pour conserver ou pour faire changer le goût de notre cidre. En somme, si le cognac prend ce goût fin, ce goût spécial, c'est parce qu'il séjourne, pendant un certain laps de temps, à l'intérieur de tonneaux faits, non pas avec n'importe quelle sorte de bois, mais avec du chêne provenant de la région du Limousin, en France. Les tonneaux sont faits strictement avec ce bois. Alors, peut-être que cela pourrait nous permettre d'écouler au Québec, les dérivés de la pitoune, du bois à pâte et de notre vieux bois.

Je le dis un peu en riant mais en somme, tout le travail que cela pourra donner, toute cette main-d'oeuvre qui pourra être employée dans ces diverses étapes de transformation, d'em-magasinement, de vente, etc. vis-à-vis du cidre, produit dérivé de la pomme, cela ne pourra pas

faire autrement que d'apporter des jours meilleurs pour les pomiculteurs du Québec.

Jusqu'à maintenant, il y a eu, malheureusement, au Québec, une certaine quantité d'alambics. Ils ont été mis à jour. Quant au cidre, on pourra parler de distillerie au lieu d'alambic. Par le fait même, on pourra peut-être, d'ici trois ou quatre ans, aller déguster divers cidres qui pourraient avoir comme appellation — puisqu'il y a beaucoup de pommes et de pomiculteurs dans les régions de Rougemont, de Missisquoi, à l'île d'Orléans, dans le Bas-du-Fleuve — le fameux cidre Orléans, le cidre Rougemont, etc.

Quant au consommateur, est-ce son désir? A mon humble avis, oui. Le consommateur attend également, comme le producteur, l'avènement de cette loi. Le consommateur est loin de chercher à détruire l'entrée de cidres ou de certaines autres boissons du même genre, provenant de certaines autres provinces, de certains autres pays, je crois qu'il serait tout simplement normal, car nous avons ici, au Québec, d'immenses possibilités, et ces possibilités que nous constatons aujourd'hui, en 1970, auraient été encore beaucoup plus grandes si, justement, cette loi avait été adoptée plus tôt.

Je me rappelle, il y a environ 25 ans, des vendeurs passaient dans nos rangs, à la campagne, pour offrir — et j'ai vu faire cela - à mon père, comme à d'autres dans le voisinage, de petits pommiers.

Beaucoup de fermiers ont acheté des pommiers et, aujourd'hui, quelques-uns sont en production. Comme dans d'autres pays, lorsque la pomme est produite pour une même variété donnée, l'on constate que, si elle est produite à l'île d'Orléans, elle n'a pas du tout le même goût, la même variété qui serait produite à Rougemont ou ailleurs. Tout dépend de la texture du sol, etc.

Si cette loi avait été votée avant, on aurait un plus grand nombre de pomiculteurs qui, probablement, verraient des jours beaucoup plus heureux que ceux qui vivent aujourd'hui aujourd'hui sur les fermes, étant donné le marasme qui sévit. Comme dans n'importe quelle production, pour les pomiculteurs, c'est peut-être l'espoir d'une manne ou d'une petite manne qui s'en vient, mais cette manne, ils l'auront seulement à la condition qu'ils contrôlent eux-mêmes — et j'insiste — leur mise en marché en vue d'alimenter les consommateurs du Québec, peu importe l'appellation de la mise en marché.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.

M. Charles Tremblay

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, je pense qu'il y a déjà vingt-cinq ou trente ans qu'on parle de légaliser la fabrication et la vente du cidre dans le Québec. En 1960, le gouvernement s'était fait autoriser à réglementer la fabrication du cidre au Québec et cette législation était restée lettre morte. C'est-à-dire qu'on ne l'a jamais appliquée. Il y a eu aussi, en 1966, l'adoption de la législation actuelle, mais, encore une fois, elle ne fut jamais appliquée, parce qu'on n'a jamais émis de permis aux pomiculteurs. L'an passé, il y a eu le bill 7, proposé par l'ancien ministre de l'Agriculture, qui, comme vous le savez, n'a franchi ni la deuxième, ni la troisième lecture, tout simplement parce qu'on avait déclenché des élections. Là-dessus, j'espère que le présent gouvernement ne déclenchera pas d'élection avant qu'on adopte la deuxième et la troisième lectures de ce bill.

M. TOUPIN: Non, non, ça va se faire cet après-midi.

M. VEILLEUX: Assoyez-vous, on va voter ça tout de suite.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je n'ai pas voulu faire de politique.

M. TOUPIN: II n'y a pas de danger, M. le Président; ça va se faire cet après-midi.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Cependant, M. le Président, dans le projet de loi, il y a certains dangers que nous remarquons, c'est-à-dire qu'en accordant le droit aux individus de former des corporations pour fabriquer le cidre nous pensons qu'à un moment donné la fabrication et la vente du cidre dans le Québec pourraient être contrôlées par de grosses corporations, et ce serait au détriment des pomiculteurs.

D'ailleurs vous savez qu'au Canada, les trois principaux fabricants de cidre sont la Growers Wines, BeauChatel Wines et il y a aussi la Chipman Apple Products. Alors, ces compagnies-là, qui sont les plus gros fabricants de cidre, sont liées par des intérêts à la compagnie Imperial Tobacco, et la compagnie Imperial Tobacco a certainement intérêt à s'implanter comme producteur de cidre au Québec. D'ailleurs, nous savons déjà qu'elle est intéressée à le faire, et c'est à ce moment-là que les pomiculteurs eux-mêmes en viendraient à ne pas contrôler la fabrication du cidre, c'est-à-dire que ça deviendrait un monopole au détriment des petits fabricants.

Le danger est que ces grosses compagnies contrôlent le marché de la pomme au Québec. Ce sont elles qui fixeraient le prix des pommes, souvent au détriment des gens qui achètent la pomme pour produire, soit de la confiture ou de la gelée de pomme, etc.

En somme, nous pensons que le bill devrait être amendé — d'ailleurs nous en parlerons en comité plénier — afin que les gens qui ne sont pas des pomiculteurs eux-mêmes ne puissent pas se former en corporation et prendre le

contrôle de la fabrication du cidre dans le Québec. Nous croyons que cela devrait rester aux pomiculteurs eux-mêmes.

Il y a aussi le problème des droits et des taxes spéciales qui peut empêcher la création d'un marché rentable pour le cidre dans le Québec. Nous demandons au gouvernement de s'engager formellement à ne pas trop prélever de droits ou de taxes spéciales sur le cidre pendant une période d'au moins cinq ans, quitte à réviser la loi ou à instituer des taxes à un moment opportun. Afin de créer un marché dans le Québec, je pense que nous devons éviter que ce produit soit trop taxé, ce qui augmenterait le coût et empêcherait de créer un marché rentable.

M. MARCHAND: Cela va faire comme dans Laval, qui est trop taxée.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je parle du cidre.

M. HARVEY (Jonquière): Le député a-t-il lu le texte des amendements?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que le député a commencé à en boire? Je ne le sais pas.

M. HARVEY (Jonquière): Le député me permettrait-il une question?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui.

M. HARVEY (Jonquière): Le député a-t-il pris connaissance de l'amendement suggéré par le ministre de l'Agriculture à l'article 26?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui.

M. HARVEY (Jonquière): Si vous en avez pris connaissance, vous ne devriez pas parler comme vous le faites.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Non, je veux parler d'autres taxes. Je pense que vous êtes au courant...

M. LEDUC: II n'a pas compris.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... qu'il y a aussi des taxes fédérales. Il y a des taxes d'accise.

M. LEDUC: C'est parce que le député n'a pas compris.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): D'ailleurs, cet amendement à l'article 26, proposé par le ministre ce matin, était de même nature que celui que nous voulions proposer. Nous sommes heureux que le gouvernement...

M. HARVEY (Jonquière): Vous souhaitez qu'il n'y en ait pas!

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): ... le fasse lui-même.

M. HARVEY (Jonquière): Est-ce que vous êtes heureux de voir que nous l'avons trouvé avant vous?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Le ministre voudrait-il me laisser la parole, s'il vous plaft? Je ne permets plus de question, parce que ce n'est plus une question, c'est un discours que vous faites. Rappelons que de tels droits spéciaux sont actuellement perçus. Je ne parle pas de la taxe de 8 p. c. L'article 26 disait que tout le cidre faible — le cidre qui n'a pas plus que 7 p. c. d'alcool — n'était pas soumis à la taxe de 8 p. c. Avec cet amendement, cela veut dire que le cidre fort ne sera pas assujetti à la taxe de 8 p. c. C'est cela que vous voulez dire. C'est d'autres taxes que je veux parler.

M. HARVEY (Jonquière): Le député n'a pas du tout compris l'amendement. Vous le comprendrez tout à l'heure en comité.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): On parlera de l'amendement tantôt. Actuellement, par exemple, on perçoit $0.24 le gallon pour la bière au niveau du fabricant. On perçoit $0.07 la douzaine de grosses bouteilles de bière — pour ceux qui en achètent — et $0.04 la douzaine de petites bouteilles de bière au détaillant. Par simple arrêté en conseil, en se référant à l'article 72 de la Loi de la Régie des alcools...

M. MARCHAND: A Sainte-Marie, est-ce qu'on achète encore la bière en grosses bouteilles?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Cela, c'est une farce.

M. HARVEY (Jonquière): Ce n'est pas une farce. Est-ce que le député pourrait me dire à quelle taxe il réfère? Est-ce à la taxe sur la vente au détail ou à la taxe sur les repas et hôtellerie? Ce n'est pas une taxe dont vous parlez, c'est un règlement de la régie imposant aux brasseurs du Québec des droits...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui, c'est exactement ça que je viens de dire.

M. HARVEY (Jonquière): Ce n'est pas une taxe provinciale, monsieur, pour votre information.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est par simple arrêté en conseil, en se référant à l'article 72 de la Loi de la Régie des alcools. Je le savais, d'ailleurs.

Nous croyons que le fait de prélever une telle taxe nuirait au lancement d'un nouveau produit qui serait fabriqué au Québec et qui ne jouit pas actuellement d'une clientèle permettant un niveau rentable d'exploitation. Si le cidre peut constituer un substitut québécois au vin importé, nous croyons qu'il revient à l'Etat de favoriser, par voie fiscale, l'établissement de ce substitut sur le marché de la consommation.

Nous ne sommes pas, d'ailleurs, les seuls à demander à l'Etat de favoriser le lancement de ce produit par des exemptions de taxes. Dans le rapport Thinel, à la page 54, il est dit ceci: "Quant à l'imposition de ce nouveau produit, nous avons opté pour l'exemption au départ; l'Etat aiderait ainsi au lancement d'un nouveau produit". Cela, c'est dans le rapport Thinel à la page 54. Il y a aussi la taxe de vente sur le cidre fort, dont on demandait la suppression. Avec l'amendement à l'article que le ministre mentionnait tantôt, on l'aura. Alors, je ne traiterai pas de cette taxe-là.

Mais, il y a les taxes d'accise fédérales. Dès qu'on parle de manufacturer ou de vendre un produit dans le Québec, vous savez qu'on tombe dans un fouillis de taxes fédérales et provinciales. Nous nous inquiétons de certaines taxes d'accise fédérales qui, dans la mesure où elles seraient appliquées intégralement, nuiraient grandement au lancement de ce produit. Le ministère du Revenu national permet une taxe d'accise sur les vins, qui varie entre $0.25 le gallon et $2.50 le gallon. Cette taxe est, en effet, de $0.25 sur chaque gallon de vin contenant moins de 7 p. c. d'alcool et de $0.50 sur chaque gallon contenant plus de 7 p. c. d'alcool, exception faite du vin mousseux. Ce dernier est passible d'une taxe de $2.50 le gallon. Or, nous croyons qu'une partie du cidre produit au Québec pourrait tomber dans cette catégorie du vin mousseux et serait, de ce fait, soumise à une taxe prohibitive de $2.50 le gallon.

M. VEILLEUX: Cela n'est pas vrai.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si le cidre au Québec tombe dans cette catégorie...

M. MARCHAND: Est-ce que je pourrais poser une question au député?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je ne permets pas une question. Quand j'aurai fini, vous m'en poserez. Le député n'est même pas à son siège.

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre! Le député ne permet pas de question. Je demande au député de Sainte-Marie de poursuivre son discours.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Cette taxe de $2.50 le gallon touche plus particulièrement le Champagne importé de France et d'ailleurs. S'il s'agit à proprement parler d'une taxe sur les biens de luxe, nous ne pouvons imaginer comment elle pourrait s'appliquer au cidre manufacturé au Québec.

Nous suggérons donc au ministre de s'informer de la question et de voir, dans le cas où le cidre mousseux serait passible d'une telle taxe, à ce que cette taxe ne nuise pas de façon prohibitive au lancement de ce nouveau produit qu'est le cidre québécois. Si la taxe de $2.50 le gallon est applicable au cidre qui est un vin mousseux, eh bien, ça hausse le prix considérablement et ça peut nous empêcher aussi de créer un marché profitable dans le Québec.

Cependant, malgré toutes ses anomalies, nous allons voter pour le bill en deuxième lecture, ainsi qu'en troisième lecture, parce que ça fait trente ans que la population attend une loi comme ça. Merci.

M. VEILLEUX: Bravo!

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Rouville.

M. Marcel Ostiguy

M. OSTIGUY: M. le Président, je remercie infiniment mes collègues de l'Assemblée nationale pour ces applaudissements.

M. DROLET: Cette ovation.

M. OSTIGUY: Cette ovation. Je remercie aussi mes collègues de l'Opposition qui ont bien voulu, à plusieurs reprises, parler du beau et grand comté de Rouville que j'ai l'honneur de représenter à l'Assemblée nationale.

J'aimerais, durant les quelques minutes qui suivent, attirer l'attention des membres de l'Assemblée nationale sur un problème qui, parmi tant d'autres, relève à la fois de la promotion économique de plusieurs régions du Québec et d'une partie importante de la main-d'oeuvre active.

Il est évident que ce gouvernement doit faire face à des défis majeurs dans les domaines de l'éducation, du plein emploi et du progrès social. Il est tout aussi évident que son objectif premier, au-delà de l'efficacité qu'il doit implanter dans son administration, doit viser dans une très large mesure la relance économique de tous les secteurs productifs du Québec. Dans cette perspective, il doit prendre tous les moyens mis à sa disposition pour attirer les investissements, favoriser l'implantation de nouvelles industries et promouvoir le développement de celles qui existent déjà. L'un des moyens les plus puissants qui sont à la disposition de l'Assemblée nationale et du gouvernement du Québec réside dans le pouvoir de la législation. Ce pouvoir de législation doit, avant toutes les considérations politiques, être mis au

service du développement de tous les facteurs productifs de la province.

L'un des facteurs productifs auquel j'aimerais faire allusion devant cette Assemblée est celui de l'industrie de la pomme.

Les gouvernements qui se sont succédé depuis quelques décennies ont très sérieusement étudié les solutions possibles aux débouchés de la pomme et, entre autres, ils ont abordé une solution possible qui était celle de la légalisation du cidre. Cependant, aucune formule valable n'a été apportée jusqu'à maintenant sur le plan légal, soit parce qu'on ne s'entendait pas sur les modalités de mise en marché, sur le nombre de permis à accorder ou encore sur la façon même de produire le cidre. Les enquêtes ont été multipliées, les comités d'étude se sont succédé en proposant diverses modalités de mise en oeuvre et d'application de la fabrication et de la mise en marché du cidre. Là encore, cependant, il n'en est rien ressorti de complet et, par conséquent, aucune loi qui permette à tous les pomiculteurs et à tous les producteurs de cidre de pouvoir démarrer et contribuer en quelque sorte à l'essor du produit national brut de cette province.

La dernière enquête et les dernières recherches qui ont été effectuées à ce sujet ont donné lieu au rapport de la commission Thinel qui, à notre avis, fait ressortir des propositions très pertinentes quant à la production et à la vente du cidre, d'une part, et, d'autre part, quant au processus d'imposition de ce produit en regard des revenus possibles de l'Etat du Québec. Le rapport de la commission Thinel, qui a été déposé cette semaine, a donné lieu à la rédaction d'un projet de loi concernant la fabrication et la vente du cidre, projet de loi qui a été déposé à l'Assemblée nationale et qui malheureusement n'a vu qu'une seule lecture.

On s'est d'abord demandé si la fabrication du cidre devait être le propre d'une seule cidrerie. On s'est demandé, d'autre part, s'il devait s'agir d'un fabricant unique, qui pouvait être l'Etat, d'une coopérative de producteurs de pommes ou, enfin, si la solution d'une société mixte n'était pas la meilleure. Le gouvernement qui nous a précédés a conclu, pour sa part, que la meilleure façon de résoudre cette question de fabrication était d'accorder un permis de fabrication ou de production à des associations groupant au moins 25 pomiculteurs ou encore à une association ou société groupant exclusivement des pomiculteurs domiciliés au Québec ou, enfin, à une corporation ou à une société à laquelle au moins 25 pomiculteurs domiciliés au Québec se sont engagés, par contrat, à livrer la majeure partie de leur récolte de pommes au cours de l'année pour laquelle le permis est délivré ou renouvelé. Dans notre esprit, cette attitude est quelque peu sectaire et ne reflète pas véritablement une perspective qui tient compte des besoins des pomiculteurs.

En effet, nous ne voyons pas pourquoi il serait nécessaire qu'au moins 25 pomiculteurs soient regroupés pour qu'un permis de fabrication soit émis. Selon l'esprit même du rapport de la commission Thinel, il est de loin préférable d'élargir les émissions de permis sous réserve de solvabilité, de capacité de fabrication, en accord avec les normes établies d'installations sanitaires. Nous croyons donc, à l'instar des membres de la commission Thinel, qu'une politique de libre accès devrait être maintenue dans le cas de la fabrication. Cela n'entraîne pas nécessairement qu'il y aura toujours et constamment un très grand nombre de fabricants. On comprend très facilement que les exigences de la fabrication limiteront le nombre possible de producteurs au départ et, comme nous le verrons plus loin, qu'il y aura des conditions de commercialisation et de mise en marché onéreuses. Il est donc à prévoir, dans cette optique, que le nombre de permis sera relativement élevé au début, mais, de la même façon, on peut logiquement prévoir que ce nombre de permis diminuera au cours des années. En effet, il n'est pas besoin de calculs très approfondis pour comprendre que les besoins et les coûts sans cesse croissants de la production, de la publicité et de la mise en marché mèneront éventuellement les producteurs à rechercher un regroupement quelconque sous forme de coopérative, d'association ou autre. Il en découle, consé-quemment, que les exigences économiques et techniques mèneront à une sorte de concentration de la production.

Cependant, même si la logique économique nous laisse entrevoir à long terme un regroupement des forces de production ou de fabrication du cidre, il est nécessaire, au départ, de permettre à tous et à chacun des producteurs de pommes de rechercher des débouchés additionnels pour leurs pommes de deuxième catégorie. Cela ne veut pas dire pour autant que la simple légalisation du cidre et l'extension des permis de fabrication à un grand nombre de producteurs produira un miracle financier. Cependant, il ne fait aucun doute dans notre esprit que cette légalisation, que cette extension des permis facilitera une meilleure sélection des pommes destinées à la consommation de masse tout en aidant au soutien des pommes de seconde qualité en créant un nouveau débouché par voie de transformation.

Sachant, d'autre part, que la fabrication du cidre et la mise en marché de ce dernier sont assez développées dans les autres provinces du Canada, il s'impose que l'industrie naissante du cidre soit protégée ainsi que tous les pomiculteurs qui voudront se prévaloir de ce nouveau débouché. Nous devons donc exiger que 90 p. c. des pommes provenant du Québec soient permis dans la fabrication du cidre. Aussi est-il important que les permis de fabrication soient émis aux seuls fabricants qui s'en tiendront à cette exigence.

La seconde difficulté reliée à l'industrie du

cidre relève de la mise en marché. On a soutenu pendant longtemps que cette mise en marché devrait être confiée exclusivement à la Régie des alcools et, de bonne foi, cette objection s'insérait dans un cadre de rationalisation qui n'est pas dénué de sens logique. Cependant, et considérant qu'un grand nombre d'Etats américains permettent la vente des vins de production locale dans les épiceries autorisées et que, d'autre part, depuis près de cinquante ans déjà, le Ontario Liquor Board permet la vente de vin de fabrication locale dans un grand nombre de magasins de la régie ontarienne, il est nécessaire de tenir compte de certaines mesures appropriées de mise en marché qui permettraient, au départ, de favoriser les producteurs québécois. Il va sans dire que le cidre sera en concurrence à la fois avec les vins et les champagnes importés de France, d'Italie, du Portugal ou d'ailleurs, ainsi qu'avec les productions qui sont effectuées dans d'autres provinces canadienne. L'industrie du cidre du Québec devrait bénéficier de ce type de modernisation dans nos formules de vente afin de la favoriser au départ.

Dans cette optique, l'émission d'un permis de fabrication ne devrait pas être distincte de l'émission d'un permis de vente. En effet, le permis de vente deviendrait un droit attaché automatiquement au permis de fabrication, une sorte d'extension rattachée à ce dernier permis qui autorise la personne qui le détient, en plus de le fabriquer, de le vendre et de le livrer. Cependant, il est aussi acquis dans notre esprit que la livraison et la vente ne seront faites qu'à une personne légalement autorisée à l'acquérir du fabricant. Cette personne pourrait être l'épicier autorisé, le détenteur d'un permis de bière ou toute autre personne légale reconnue par la loi.

De cette manière, notre nouvelle industrie du cidre pourrait bénéficier sans délai d'un avantage certain sur les produits importés de l'extérieur du Québec. Il est à remarquer toutefois que cette nouvelle formule de mise en marché ne devra pas exiger de l'épicier autorisé ou du détenteur de permis de bière un permis additionnel. Le dynamisme dans la mise en marché du cidre québécois ne peut être qu'avantageux pour cette industrie naissante et, par extension, ne peut être que rentable pour l'ensemble de l'économie québécoise.

M. le Président, si le gouvernement du Québec peut, par la simple légalisation de la fabrication et de la vente du cidre au Québec favoriser la mise en oeuvre d'une industrie vraiment rentable, il doit également, par d'autres mesures incitatrices sur le plan fiscal, promouvoir le développement et la croissance rapide de cette même industrie. Nous sommes conscients que le cidre, comme la bière et le vin, doit être soumis à un régime de taxation qui viendra rehausser les revenus de l'Etat.

Il va sans dire que nous ne sommes pas en mesure, pour l'instant, de nous prononcer sur les intentions du gouvernement fédéral quant au régime de taxation dans une perspective de promotion de cette industrie naissante. Cependant, il est de notre devoir de considérer très sérieusement un régime de taxation québécois qui tienne compte des besoins de cette nouvelle industrie. Dans cette optique, nous souscrivons entièrement aux recommandations de la commission Thinel qui a bien perçu le genre de difficultés que peut rencontrer la mise en oeuvre de ce type d'industrie.

Nous recommandons qu'au départ le cidre ne doit pas être taxé, et ceci durant les trois premières années. Après trois ans, on pourra établir un taux d'imposition qui ne devra pas cependant dépasser le montant de la taxation sur la bière ou le vin. Le cidre ne dépassant pas 7 p. c. en teneur d'alcool devrait suivre les mêmes exemptions que la bière en fonction de la Loi de l'impôt sur la vente au détail. Si la bière devenait éventuellement soumise à la taxe de vente, il serait alors normal qu'il en soit de même pour le cidre ne dépassant pas 7 p. c. en teneur d'alcool. Quant au cidre excédant 7 p. c. en teneur d'alcool, il serait soumis au même type de taxation que les vins et spiritueux.

Permettez-moi, M. le Président, de souligner enfin un point extrêmement important. Jusqu'à maintenant je n'ai fait une distinction entre cidre léger et cidre fort que lorsqu'il s'agissait de divers taux d'imposition et de modalités de taxation. C'est à dessein que je n'ai fait cette distinction que lorsqu'il s'agissait des revenus de l'Etat. En effet, il est très clair dans notre esprit que dans le cadre de la promotion de l'industrie du cidre au Québec, aucune distinction ne devrait être faite entre le cidre fort et le cidre léger quant à la fabrication et à la mise en marché. En effet, si le cidre fort, qui s'apparente aux vins et aux spititueux est soumis au même type de mise en marché, au même régime commercial où la Régie des alcools possède un droit de distribution exclusive, on peut d'ores et déjà escompter que la vente du cidre fort ne bénéficiera d'aucun avantage compétitif par rapport aux vins et aux champagnes importés.

C'est pourquoi, M. le Président, nous recommandons fortement que, pour ce qui a trait à la distribution, à la vente et à la mise en marché, il n'y ait aucune distinction qui soit effectuée entre le cidre fort et le cidre léger et que, partant, on puisse permettre la vente libre aussi bien du cidre fort que du cidre léger dans les épiceries licenciées.

La Régie des alcools n'en souffrira pas puisqu'elle n'aura pas à administrer un produit additionnel. Les revenus de l'Etat n'en souffriront pas non plus puisque les derniers perçus le seront simplement d'une façon quelque peu différente. L'avantage est évident et les désavantages sont inexistants. Il est impératif que nous établissions une promotion de ce produit en lui donnant d'une part tous les avantages fiscaux et

d'autre part tous les avantages de la mise en marché.

M. le Président, les études ont été suffisamment nombreuses et nous ont suffisamment démontré qu'il était nécessaire de légaliser la fabrication et la vente du cidre au Québec. Le temps est à l'action et non plus aux études. Il me semble que tout a été dit sur le sujet et qu'il est important maintenant de passer aux actes. Du point de vue strictement administratif, il serait peut-être encore préférable de faire une sélection plus nette parmi les fabricants de cidre. Cependant, du point de vue économique, il est tout à fait préférable et avantageux de permettre à tous et à chacun des pomiculteurs de nos régions de mettre en oeuvre les processus de fabrication qui leur permettront d'écouler leurs pommes de seconde qualité soit sous forme d'association, de coopérative ou simplement sous une forme de production individuelle. D'autant plus qu'à l'heure actuelle nous n'ignorons pas qu'il existe un grand nombre de producteurs de cidre. Si on voulait artificiellement et par des mesures restrictives limiter le nombre des permis, il serait très difficile de savoir à qui véritablement nous devrions les accorder.

J'aimerais ici, M. le Président, citer une phrase du rapport Thinel qui me semble tout à fait pertinente, à savoir: "En préconisant une politique de libre accès, nous prévoyons que la concurrence se chargera de réaliser la sélection désirée."

Cette réflexion me semble valable. La sélection se fera sans aucun doute et les formes de regroupement coopératif ou toute autre forme émergeront d'ici quelques années. Pour l'instant, laissons donc aux pomiculteurs québécois le soin de décider eux-mêmes quelle forme de production est plus rentable pour chacun d'eux.

J'ai, ici, un éditorial qui a récemment paru dans un journal où l'on disait: "Trente ans de fermentation." Je voudrais vous citer une autre phrase. "Il y a 140 ans, c'est-à-dire en 1830, un censitaire remettait au seigneur Hertel de Rouville quelques gallons de bon cidre; c'était sa rente seigneuriale, au mont Saint-Hilaire, dans le beau et grand comté de Rouville."

UNE VOIX: II va remplacer les censitaires par ses collègues.

M. OSTIGUY: II y a une autre phrase que j'aimerais vous citer: "Depuis une quinzaine d'années, les journaux accordent, à intervalles assez réguliers, des chroniques sur la légalisation du cidre dans le Québec, mais toujours le projet est remis à l'étude et repoussé à la session suivante. Les pomiculteurs du Québec et la population tout entière n'espèrent qu'une chose: qu'un projet de loi soit présenté devant l'Assemblé nationale pour amender en conséquence la Loi des liqueurs. Trente années d'études sembleraient suffisantes. Le projet est mûr, il faut passer à l'action."

M. le Président, un de nos collègues a mentionné, ce matin, un rapport qui avait été rédigé par la Chambre de commerce de Marieville; j'en suis très honoré, car, à ce moment-là, j'étais moi-même le président de cette chambre de commerce. Je pense que ce projet de loi, que nous allons adopter aujourd'hui même, démontre que pour le Parti libéral, le gouvernement d'aujourd'hui, par l'entremise du ministre de l'Agriculture, l'honorable Toupin, le temps n'est plus aux études, mais aux réalisations.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.

M. CADIEUX: Juste une question, si on voulait.

M. VINCENT: Certainement.

M. CADIEUX: M. le Président, c'est une question que je pose à la présidence. Selon les rumeurs qui circulent, est-il vrai que, conjointement avec ses amis, le député de Rouville doit fêter aujourd'hui même l'adoption de ce bill et fêter ça au cidre?

M. PAUL: II y en a qui ont commencé.

M. OSTIGUY: Je m'excuse, mon cher collègue, disons que le projet pourra quand même être soumis à l'étude.

M. CADIEUX: Le temps n'est plus aux études.

M. OSTIGUY: Nous réaliserons sûrement ce projet la semaine prochaine.

M. Clément Vincent

M. VINCENT: M. le Président, pour vous aider à répondre au député de Beauharnois, il faudra nécessairement que le bill soit sanctionné pour que le député de Rouville puisse donner suite au désir de l'ancien député de Rouville, c'est-à-dire de traiter tout le monde au champagne ou au cidre.

M. OSTIGUY: M. le Président, deux jours d'illégalité de moins ou de plus, ça fait 100 ans que nous attendons!

M. VINCENT: Mais il faut quand même demeurer dans la légalité.

M. le Président, je dois féliciter tout d'abord très sincèrement le ministre de l'Agriculture, député de Champlain, d'avoir bien voulu présenter le bill numéro 7 concernant la fabrication et la vente du cidre.

Dans l'ensemble, le nouveau texte ne fait que reproduire les dispositions du projet de loi no 7 déposé par l'ancien gouvernement.

M. TOUPIN: Cela, c'est moins gentil. M. LACROIX: II a été amélioré.

M. VINCENT: II comporte, cependant, certaines modifications qui, d'ailleurs, ont dû être...

M. VEILLEUX: Qui l'améliorent.

M. VINCENT: ...retrouvées dans les dossiers du ministère. En effet, après le dépôt en première lecture, nous avions déjà, comme c'est le cas aujourd'hui, envisagé d'apporter des amendements au projet de loi no 7 présenté au début de l'année 1970.

M. MARCHAND: L'ancien gouvernement l'a juste déposé.

M. LACROIX: Nous sommes d'accord avec les améliorations.

M. VINCENT: Je voudrais également... UNE VOIX: Vous n'êtes pas nombreux.

M. VINCENT: ...mentionner la justesse des propos tenus par le député d'Iberville, il y a quelques instants, lorsqu'il nous a brossé un tableau très substantiel, très élaboré, de toutes les études et analyses qui ont été faites sur cette importante question de la légalisation de la fabrication et de la vente du cidre au Québec.

En effet, en mai 1968, les députés d'Iberville, de Lotbinière, de Rouville, de Shefford et de Missisquoi, ce dernier alors qu'il était ministre de la Justice, avaient reçu comme mandat, en formant un comité de députés, de faire l'analyse assez laborieuse de tous les rapports et de toutes les enquêtes que nous avions sur cette question dans nos dossiers, depuis plusieurs années, au ministère de l'Agriculture et de la Colonisation.

Ce comité, comme l'a dit le député d'Iberville, a siégé au moins à quinze reprises et a présenté son rapport au conseil des ministres. Ce dernier, par la suite, a soumis à la commission Thinel une demande expresse pour qu'elle présente un rapport préliminaire sur la question du cidre dans la province de Québec. Nous pouvons lire, dans le rapport Thinel, à la page 7, ce qui suit: "Le problème de la fabrication et de la vente du cidre apparaît donc comme l'un des multiples aspects de notre mandat. Nous présentons immédiatement notre rapport sur cette question, répondant ainsi à une demande expresse qui nous a été faite".

Donc, le premier travail constructif concernant la fabrication et la vente du cidre au Québec a été réalisé par le comité formé des députés d'Iberville, de Rouville, dans le temps, de Lotbinière, de Missisquoi et de Shefford. Lorsque la commission Thinel a soumis son rapport, à la fin de septembre ou au début d'octobre, immédiatement, le conseil des ministres du temps s'est penché sur la question et, le 3 décembre 1969 — nous en informions les membres du comité le 4 décembre — le conseil des ministres a accepté les grands principes, même certaines modalités et a demandé aux légistes de procéder à la rédaction du projet de loi no 7 légalisant la fabrication et la vente du cidre au Québec.

La même semaine, une motion a été placée en appendice au journal des Débats de la Chambre et ce ne fut qu'au début de la session de 1970 que le projet de loi no 7 a été déposé. Tout à l'heure, j'entendais le député de Rouville, que je félicite de son premier discours en Chambre, je ne pouvais m'empêcher d'avoir un souvenir à l'endroit de son prédécesseur.

Tous ceux qui siégeaient de 1966 à 1970 l'ont connu, M. Yvon Hamel, alors, député de Rouville. Je ne sais pas si...

M. PAUL: C'était un bon député.

M. VINCENT: ... dans cette région quand une personne est élue à l'Assemblée nationale elle est piquée par les pomiculteurs d'un désir de venir, ici, à Québec, avec l'intention d'apporter un projet de loi pour légaliser la vente et la fabrication du cidre. Nous devons rendre à César ce qui appartient à César. Mais nous pouvons être assurés que le travail qui a été fait par le député de Rouville de 1966, et plus spécialement de 1968 à 1970, nous pouvons le considérer comme étant le point de départ à ce projet de loi que nous avons aujourd'hui et qui deviendra un projet de loi dans les statuts de la province de Québec.

M. PAUL: M. le Président, je pense qu'on ne peut pas reconnaître le député de Rouville à l'endroit où il est.

M. VINCENT: Et si un jour, M. le Président, nous devons rendre hommage aux pères de la législation sur la fabrication et la vente du cidre dans la province de Québec, nous devrons certainement inclure parmi les premières personnes responsables, M. Yvon Hamel qui siégeait, alors, comme député de Rouville, ici, à l'Assemblée nationale.

M. OSTIGUY: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question, et faire remarquer au député de Nicolet, que c'est bien beau tout ce travail qui a été fait, mais chaque gouvernement avait toujours attendu à trois jours, ou à une semaine avant les élections?

M. PAUL: La question.

M. OSTIGUY: Je voudrais faire remarquer au député de Nicolet que le député actuel de Rouville s'est préoccupé de la situation des pomiculteurs au tout début de son mandat.

M. VINCENT: M. le Président, je continue comme s'il n'y avait pas eu d'intervention, cela n'enlève aucunement les mérites que peut avoir — je l'ai souligné tout à l'heure — le député actuel du comté de Rouville. Car quand le député actuel du comté de Rouville a été élu député de l'Assemblée nationale, comme l'a fait son prédécesseur, il s'est certainement intéressé à cette question de la légalisation et de la vente du cidre dans la province de Québec.

Mais la différence qu'il y a eue entre le député actuel et le député qui l'a précédé, c'est que le député actuel de Rouville est arrivé au ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, il a demandé le dossier, la table était prête, la table était servie, il n'avait qu'à...

M. BOSSE: Qu'à prendre sa fourchette. UNE VOIX: II est agressif celui-là!

M. VINCENT: ... prendre son repas et aiguillonner le ministre actuel de l'Agriculture en lui disant: Ecoute, il faut absolument que tu ramène en Chambre le bill no 7. C'est tellement vrai que le ministre actuel de l'Agriculture a ramené en Chambre le même numéro de bill, à peu près les mêmes termes, les mêmes paragraphes, les mêmes articles, si ce n'est quelques modifications. Cela prouve, M. le Président...

M. OSTIGUY: M. le Président, cela prouve quand même que le ministre actuel de l'Agriculture est un ministre efficace, lui aussi.

UNE VOIX: C'est parce que c'est le même cidre.

M. VINCENT: Si le député actuel de Rouville était arrivé en 1966, et...

M. OSTIGUY: Cela serait fait.

M. VINCENT: ... qu'on lui avait remis le volumineux rapport préparé par une firme de consultants, d'ingénieurs-conseils de Montréal, où on recommandait la création d'une cidrerie d'Etat qu'il a critiquée lui-même alors que son parti était au pouvoir, il aurait fallu d'abord qu'il démolisse un par un tous les arguments qui avaient coûté en définitive au ministère de l'Industrie et du Commerce plusieurs milliers de dollars pour le travail de la firme de consultants.

M. OSTIGUY: Je m'excuse, M. le Président, j'ai peut-être critiqué, je ne me souviens pas, mais il reste que, à l'époque, on parlait d'une cidrerie d'Etat, aujourd'hui c'est la légalisation ouverte à tous les pomiculteurs.

M. VINCENT: Oui, c'est justement le travail qui a été fait. Je reviens au début en disant qu'il faut rendre à César ce qui appartient à César.

J'ai inclus également dans mes félicitations le député actuel de Rouville, mais tout en me rappelant le travail efficace, sans relâche, de son prédécesseur qui, en définitive, doit être considéré comme celui qui, après des discussions, des réunions, des rencontres avec le comité de législation, est arrivé à bâtir un projet de loi qui portait le no 7, projet de loi qui aujourd'hui encore porte le no 7.

Il faut également se rendre à l'évidence que si nous voulons faire un succès de ce bill no 7 qui légalise la vente et la fabrication du cidre dans la province de Québec, il va falloir attacher beaucoup d'importance au produit qui sera mis en marché et qui devra satisfaire le goût du consommateur québécois, et également, je le souhaite, le goût des consommateurs des autres provinces et même des autres pays.

C'est là-dessus que, très brièvement, je voudrais que le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation ainsi que les responsables de la Régie des alcools prennent bonne note des quelques commentaires que je vais faire au cours des cinq ou six prochaines minutes.

D'abord, pour que le consommateur québécois puisse consommer un cidre de haute qualité, un cidre qu'il pourra aller chercher à l'épicerie, chez le fabricant ou aux autres endroits où il sera possible d'en obtenir, il faudra que la pomme employée à la base de la fabrication soit une pomme de qualité et un pomme acceptée par les inspecteurs de fruits et légumes du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation. Si le consommateur est au courant que les inspecteurs du ministère de l'Agriculture et de la Colonisation se font un devoir d'accepter cette pomme de qualité, nous pourrons ainsi avoir un cidre qui justifiera plus la confiance des consommateurs du Québec.

Deuxièmement — ceci est très important et le député de Rouville en conviendra avec moi — le cidre devra être conservé dans des endroits ou des entrepôts spécialement affectés à cette fin. Ceci veut dire que le cidre qui sera mis en marché dans la province ne devra pas être placé à n'importe quel endroit pour le vendre. Il faudra que ce soient des endroits ou des entrepôts dont la température ne sera pas inférieure à 20 degrés Fahrenheit et ne sera pas supérieure à 60 degrés Fahrenheit. Il va falloir que la Régie des alcools, que le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation soient bien conscients de ce facteur avant de livrer ou de permettre la vente du cidre léger ou du cidre fort dans un établissement de la province de Québec.

Une autre chose importante également pour les consommateurs du Québec, ce sont les contenants. Il ne faudra pas que le cidre soit livré dans toutes sortes de contenants à partir de cinq onces à soixante onces, qui pourraient mêler le consommateur voulant acheter du cidre et l'obliger à faire un choix entre douze ou qinze sortes de contenants. C'est pourquoi il

serait préférable que les contenants, pour les fins de la vente, soient des bouteilles de verre capsulées de douze ou vingt-six onces ou des canettes de même capacité. Ainsi, nous aurions sur le marché québécois des bouteilles, des contenants de douze ou vingt-six onces ou encore des canettes de douze ou vingt-six onces.

Il faudra également être bien certain que les étiquettes ou inscriptions apposées sur les contenants indiqueront la classification du cidre d'une façon claire, précise et sans avoir à tromper l'oeil du consommateur, indiquant si c'est du cidre léger ou du cidre fort. Le titrage en alcool, ça, c'est important. Le député de Rouville va certainement m'approuver là-dessus, à savoir que le titrage en alcool soit bien indiqué sur le contenant, parce qu'on peut arriver avec une boisson de pomme dosant 2 p. c. d'alcool et appeler ça du cidre lorsque ce ne sera pas du cidre léger.

Les gens peuvent être trompés avec un titrage en petits caractères ou un titrage qui pourrait tromper l'oeil du consommateur. Donc, les étiquettes ou inscriptions apposées sur les contenants devront indiquer clairement la classification du cidre, soit cidre léger, ou cidre fort, la teneur en alcool, l'endroit de la fabrication — cela, c'est important — le nom du fabricant et la marque de commerce.

Quatrièmement, tout détenteur de permis de fabrication de cidre fort ou de cidre léger, à mon sens, devrait tenir un registre mentionnant, pour chaque année, d'abord la quantité de pommes utilisées à la fabrication du cidre, leur provenance et la quantité achetée. Deuxièmement, la quantité de cidre qu'il a fabriqué en spécifiant s'il s'agit de cidre fort ou de cidre léger. Troisièmement, la quantité de cidre vendue à la régie, à des particuliers et la quantité vendue à l'extérieur du Québec afin que dans deux ou trois ans, s'il faut apporter des amendements à la réglementation ou à la loi, nous puissions avoir ces chiffres qui nous viendront, à ce moment-là, non pas du ministre actuel de l'Agriculture, mais d'un autre ministre de l'Agriculture qui sera probablement celui qui siège présentement de ce côté-ci de la Chambre!

Sixièmement, tout détenteur de permis de fabrication de cidre fort...

M. TOUPIN: II est fantastique!

M. VINCENT: ... et de cidre léger devra se prêter à l'examen de ses livres et documents par les inspecteurs et enquêteurs de la régie et fournir à la régie tout rapport et tout renseignement sur son exploitation.

Septièmement, tout fabricant de cidre fort, préalablement à l'obtention de son permis, devra fournir une garantie de responsabilité financière ou une preuve de solvabilité jugée suffisante par la régie. Cela, c'est important parce qu'il peut arriver des chevaliers qui vont demander des permis de fabrication de cidre léger ou de cidre fort, qui vont fonder une organisation à la faveur de la publicité, et qui, dans deux, six ou douze mois pourraient être déclarés en faillite et ainsi détruire la publicité qu'on veut faire autour du cidre léger ou du cidre fort dans la province de Québec.

Huitièmement, les diverses phases de la fabrication et de la mise en vente du cidre devront être sujettes à la surveillance des inspecteurs et des enquêteurs de la régie.

Enfin, M. le Président, un autre commentaire, et tout à l'heure en comité plénier nous y reviendrons: il faut étendre le plus possible, dans la mesure du possible, les permis de vente de cidre léger et de cidre fort. C'est pourquoi je remercie le ministre de nous avoir fait parvenir les amendements qu'il a l'intention de proposer tout à l'heure en comité, amendements que nous acceptons d'emblée, amendements qui permettront aux fabricants de cidre fort de pouvoir livrer leurs poduits à d'autres qu'à la Régie des alcools du Québec.

Tout à l'heure, je poserai une question. Je crois que quelques-uns des fonctionnaires du ministre à l'heure actuelle, nous écoutent dans l'antichambre. Il y a une question que j'ai l'intention de poser immédiatement et qui va revenir en comité tout à l'heure: Est-ce que les magasins d'alimentation, les centres d'alimentation comme Steinberg, Dominion, IGA ou tous les autres — je ne veux pas faire de publicité à aucun de ceux-là — pourront spécifiquement obtenir un permis de vente de cidre de la Régie des alcools? En vertu de la loi, ou des amendements qu'on apporte à la loi, à l'article 2 on mentionne que la régie pourra émettre des permis pour vendre du cidre léger. Je crois que ceci serait une suggestion intéressante que le comité pourra analyser tout à l'heure: c'est que la Régie des alcools puisse émettre des permis à des magasins d'alimentation, des centres d'alimentation qui n'ont pas de permis de vente de bière, afin que ces centres d'alimentation, qui ont des entrepôts, des endroits propices pour garder le cidre, puissent mettre en marché le cidre léger et le cidre fort, également.

Là-dessus, je crois que le ministre est d'accord avec moi sur le principe qu'il faut en vendre, du cidre, pour que ce soit intéressant.

Si une ménagère se rend dans un centre d'alimentation très important et que ce centre d'alimentation n'a pas de permis de la Régie des alcools pour vendre de la bière, eh bien, si ce centre d'alimentation avait un permis pour la vente du cidre léger ou du cidre fort, ce produit pourrait y être vendu comme le jus de pomme, comme les autres sous-produits de la pomme et comme, également, la pomme fraîche. Donc, je crois que tout à l'heure, en comité, nous devrons analyser très sérieusement cette suggestion qui peut être incorporée à la loi, si elle ne l'est déjà. Actuellement, la régie peut le faire avec les amendements qu'on apporte, mais il faudrait nécessairement que la régie analyse cette suggestion.

M. le Président, je termine ici en rendant

hommage, encore une fois, à tous ceux qui, depuis le 22 février 1959, avec le premier travail de la Régie des marchés agricoles du Québec qui a soumis son rapport en 1961, et depuis le mois de mai 1968 jusqu'à aujourd'hui, ont travaillé à ce projet de loi qui, j'en suis convaincu, fait sur la question du principe l'unanimité de tous les membres de l'Assemblée nationale. Nous aurons tout à l'heure quelques suggestions à faire en ce qui concerne les articles, en ce qui concerne certains amendements aux articles sans apporter d'amendements mais des suggestions que nous aimerions voir acceptées par le ministre actuel parce que nous croyons qu'avec ces quelques modifications, la loi répondra encore davantage à l'objectif qu'il s'est fixé, que nous nous sommes tous fixé en ce qui concerne la légalisation de la fabrication et de la vente du cidre dans la province de Québec.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Abitibi-Ouest.

M. Aurèle Audet

M. AUDET: M. le Président, il me fait plaisir de venir moi aussi ajouter quelques opinions personnelles au sujet du présent projet de loi concernant la fabrication et la vente du cidre dans le Québec.

Je crois que ce bill est très approprié. Je dirais même qu'il devrait exister depuis longtemps. Cependant, M. le Président, aussi bon et à point que puisse être ce projet de loi, il pourrait, à mon avis, tout à fait manquer le but visé qui semble être un avantage et une sécurité pour le pomiculteur. Je dis bien que ce bill pourra, en plus de manquer le but visé, contribuer à faire un tort considérable aux pomiculteurs.

Je m'explique. Si nous ne prévoyons aucun contrôle pour maintenir un prix minimum pour ce produit, si nous laissons ce produit à la merci de la libre concurrence, tôt ou tard le cidre subira, comme beaucoup d'autres produits de nos fermes, les effets néfastes d'une importation sans contrôle qui vient avilir nos prix, nos marchés et notre économie. Comme nous avons subi à tous les niveaux de nos denrées agricoles la triste situation que nous vivons au Québec de ne plus produire que 30 p. c. de notre consommation, le cidre ne fera pas exception si nous ne prévoyons pas le maintien d'un prix minimum pour ce produit, et ce pour protéger réellement nos pomiculteurs et notre économie.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que d'autres députés désirent prendre la parole? La réplique du ministre de l'Agriculture mettra fin au débat.

L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. Normand Toupin M. TOUPIN: M. le Président, il me fait plaisir de remercier tous les députés qui ont participé à ce débat et qui ont donné leur opinion. Une opinion qui a attiré mon attention de façon plus particulière venait du député de Nicolet.

Il est bien sûr que nous n'avons pas amendé tous les articles du projet de loi no 7 et que nous l'avons présenté sous le même numéro. Mais, ce qui était important pour nous, ce n'était pas de changer le numéro du bill, c'était de changer son contenu pour qu'on puisse enfin le faire adopter et répondre à l'ensemble des besoins des pomiculteurs du Québec.

M. VINCENT: Le contenu n'est pas changé. C'est le même principe.

M. TOUPIN: Certains articles ont été changés; ils donnent à la loi une tout autre allure, un tout autre mode d'administration. Ils offrent aux producteurs un éventail beaucoup plus large des possibilités de vente du cidre, par exemple. Cela n'existait pas dans le premier projet de loi, mais cela existe présentement.

M. VINCENT: Des modalités.

M. TOUPIN: Le député d'Iberville a également fait plusieurs observations. Il manifestait de l'inquiétude vis-à-vis d'une seule source d'approvisionnement pour les fabricants. On dit dans le bill que le fabricant devra utiliser au moins 90 p. c. de pommes cultivées au Québec pour fabriquer son cidre; le député d'Iberville semblait manifester certaines restrictions, à ce niveau-là. Nous, nous croyons qu'il n'y a aucun danger, parce qu'il est presque admis, par tous ceux qui connaissent la fabrication du cidre, qu'une marge de 10 p. c. est suffisante pour qu'on puisse se procurer les différentes catégories de pommes dont un fabricant a besoin pour faire différents types de cidre.

Evidemment, cette marge est peut-être discutable, mais selon ce que nous ont dit les connaisseurs, cette marge se situe aux environs de 10 p. c. Le député d'Iberville a parlé aussi des contingences de la production. Il est bien sûr que les années où la production de pommes sera moins substantielle, cela deviendra peut-être un peu plus difficile de se procurer de ce produit pour fabriquer du cidre. Mais, là, il y a un élément qui joue présentement et qui jouera encore dans l'avenir, c'est celui des prix. S'il y a pénurie de pommes sur le marché, il est bien sûr que le prix augmentera pour la pomme vendue à l'état frais et ainsi il restera encore des quantités suffisantes non vendues à l'état frais pour qu'on puisse les diriger vers la fabrication du cidre. Ce sera, selon le principe actuel de l'établissement des prix, un avantage pour l'ensemble des pomiculteurs, c'est-à-dire que nous assisterons à une augmentation des prix.

La recherche. Il est bien sûr que nous sommes d'accord pour qu'il y ait beaucoup de recherche de faite en ce qui a trait à la

fabrication et à la vente du cidre au Québec. Le député d'Iberville a également parlé de la définition du pomiculteur. Evidemment, celle que nous donnons dans le bill 7 est beaucoup plus large que celle qui existait auparavant. Nous n'avons mis aucune restriction, par exemple.

M. VINCENT: M. le Président, pour aider le ministre de l'Agriculture et tous les membres du comité, nous aurons plusieurs suggestions lors de l'étude article par article. Peut-être serions-nous mieux d'attendre en comité, tout à l'heure, pour revenir sur chacun de ces articles, afin d'avoir les commentaires du ministre sur ce qu'il dit de chacun des articles. Ainsi, nous n'aurions pas besoin de reprendre la discussion, en comité, tout à l'heure.

M. TOUPIN: Cela me paraît raisonnable, cette suggestion.

M. VINCENT: Comme toujours.

M. TOUPIN: Oui, quand cela aboutit à de l'action.

M. VINCENT: C'est parce que ma voix est éraillée un petit peu aujourd'hui.

M. TOUPIN: C'étaient des commentaires que je voulais faire sur les propos tenus par l'ensemble des collègues de cette Chambre qui ont fait des discours.

Au fond, ce que nous cherchons, comme l'a dit l'ensemble des députés, c'est de faire en sorte que le projet de loi sur le cidre puisse être adopté le plus rapidement possible pour donner ainsi l'occasion aux pomiculteurs du Québec de vendre légalement le cidre qu'ils fabriquent actuellement et celui qui est peut-être fabriqué et attend déjà sur les tablettes.

Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Agriculture propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier.

Cette motion est-elle adoptée?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

Comité plénier

M. HARDY (Président du comité plénier): A l'ordre, messieurs! Article 1, adopté?

M. VINCENT: M. le Président, à l'article 1, du nouveau bill 7, on mentionne comme définition du mot pomiculteur: "Toute personne physique qui cultive des pommiers au Québec." Ce n'est pas pour retourner à l'ancienne définition, mais, dans l'ancien texte, on donnait comme définition: "Toute personne physique qui est propriétaire ou locataire d'un verger comprenant au moins 100 pommiers productifs."

M. le Président, je demanderais au ministre de l'Agriculture de bien vouloir, très sérieusement, analyser la possibilité de retourner à l'ancien texte pour inscrire la définition de pomiculteur que nous pouvions y lire. Pourquoi? Pour l'application présente de la loi, ceci peut ne pas causer tellement de problèmes, malgré qu'il sera assez difficile à la Régie des alcools de se faire une définition de pomiculteur. Mais, à l'avenir, lorsque nous aurons à définir ou à parler des pomiculteurs, nous nous référerons toujours à des définitions qu'on retrouve dans les lois qui sont dans les statuts du Québec.

Comme le disait de léputé d'Iberville, le pomiculteur sera, avec cette nouvelle définition: "Toute personne physique qui cultive des pommiers au Québec." Cela veut dire qu'un pomiculteur pourra être une personne qui a deux ou trois pommiers derrière sa maison. En vertu de cette définition, il sera considéré comme pomiculteur. Il faudrait que nous inscrivions dans le texte de loi — c'est normal, je crois — que, pour être considéré comme pomiculteur, il faut être propriétaire ou locataire d'un verger, comprenant au moins 100 pommiers productifs. Si le ministre veut baisser ça à 50 pommiers productifs, je n'ai pas d'objection, mais qu'on précise un peu, du moins. Pour avoir le titre de pomiculteur, ça ne prend pas n'importe quel citoyen qui aurait deux, trois, quatre ou cinq pommiers, même des pommiers qui ne sont pas productifs. Selon la définition actuelle, ils seraient considérés comme pomiculteurs au sens de la loi. Le ministre comprendra comme moi, comme l'a dit le député d'Iberville, que ceci peut avoir des répercussions dans d'autres domaines, quand il s'agira de plans conjoints, d'assurance-récolte, de reconnaissance comme membre d'une société, comme la Société de pomologie, ou encore d'une coopérative.

Je ne sais pas ce qu'en pense le ministre. Il peut consulter les fonctionnaires qui sont tout près de lui; d'autres membres du comité peuvent également faire leurs suggestions. En ce qui me concerne, je ne le propose pas officiellement comme amendement, mais je crois que le

ministre pourra accepter de prendre l'ancienne version. S'il trouve le nombre de 100 trop élevé, nous pouvons le baisser à 50.

M. VEZINA: M. le Président, le député pourrait-il renouveler sa suggestion? Je n'en ai pas compris le début.

M. VINCENT: Ma suggestion est la suivante: c'est qu'on remplace la définition 10e a) de pomiculteur dans le bill actuel: "Toute personne physique qui cultive des pommiers au Québec" par: "Toute personne physique qui est propriétaire ou locataire d'un verger comprenant au moins 100 pommiers productifs" Mais, là, on peut mettre 50 pommiers productifs. Ma suggestion était au moins 100 pommiers productifs. Cela éviterait — pour le député de Montmorency — de considérer comme pomiculteur quelqu'un qui aurait deux, trois ou quatre pommiers qui ne seraient même pas productifs.

Au sens de la loi, la définition lui donnerait le titre de pomiculteur. Ainsi, nous pourrions préparer l'avenir, pour d'autres législations ou pour des plans conjoints, ou encore pour des membres de sociétés d'agriculture, de pomologie ou de coopérative. C'est un amendement mineur.

M. TOUPIN: Oui. Voici, premièrement, sur l'objection apportée, c'est-à-dire le danger de créer un précédent qui se perpétuerait ailleurs par la suite, soit au niveau d'un membre d'une coopérative ou au niveau de la définition d'un producteur en vertu de la Loi de la mise en marché, je ne pense pas que cela crée trop de problèmes parce que le mot "pomiculteur" est défini pour une fin bien précise.

M. VINCENT: Oui, mais...

M. TOUPIN : II est défini pour les fins de la fabrication et de la production du cidre. Pourquoi nous avons enlevé un minimum ou un maximum? C'est que nous voulions donner l'occasion à tout pomiculteur désireux de le faire — on sait fort bien qu'un gars qui a deux pommiers dans sa cour ne demandera pas un permis de fabrication de cidre — de demander un permis. C'était pour ouvrir la porte à tout producteur de 50, de 30, de 40, de 45, de 38 ou de 48 pommiers.

Supposons que nous mettons le chiffre 50, par exemple, celui qui en a 48 sera exclu.

M. VINCENT: A ce moment-là...

M. TOUPIN: Si vous procédez comme cela par déduction, vous arrivez au bout et vous dites: L'idéal, pour les fins de l'application de cette loi, ne serait-ce pas de dire purement et simplement: Un pomiculteur est toute personne physique qui cultive des pommiers au Québec? On ne parle pas d'un propriétaire de verger, on ne parle pas d'un exploitant de verger, on ne parle pas d'un locataire, on parle d'une personne physique qui cultive des pommes, pour les fins de la présente loi.

C'est un essai, peut-être, de définition du mot "pomiculteur", mais je ne pense pas, personnellement, que cela puisse avoir, dans le temps, des conséquences néfastes ou mauvaises, par exemple, au niveau d'un plan conjoint, au niveau d'une coopération ou au niveau de toute autre définition qui pourrait être nécessaire un jour ou l'autre en ce qui a trait à un pomiculteur donné.

M. VINCENT: J'admets, M. le Président, que la définition de pomiculteur s'applique dans le contexte de la loi actuelle. C'est la définition qui s'appliquera exclusivement pour cette loi-ci. Il reste quand même que c'est la première fois que nous définissons, dans une loi, ce qu'est un pomiculteur. C'est la première fois qu'on fait cela.

Donc, à l'avenir, n'importe qui pourra se référer au projet de loi no 7 pour dire qu'à l'occasion de la première, de la deuxième et de la troisième lectures de ce projet de loi, on avait désigné un pomiculteur comme étant toute personne physique qui cultive des pommiers au Québec. A ce moment-là, le danger est que si, moi, demain, je veux devenir pomiculteur, au sens de cette loi, je pourrais faire planter, dans un champ, 25 petits pommiers qui deviendraient productifs seulement dans quatre ou cinq ans, et je serais reconnu, au sens de cette loi, comme pomiculteur.

M. TOUPIN: Non, M. le Président.

M. VINCENT: Oui, parce que je cultiverais des pommiers.

M. TOUPIN: Oui, vous cultiveriez des pommiers.

M. VINCENT: Oui, mais qui ne seraient pas nécessairement productifs.

M. TOUPIN: Oui.

M. VINCENT: Je cultiverais des pommiers.

M. TOUPIN: Oui, mais vous n'auriez pas de pommes.

M. VINCENT: Non, mais la loi ne le mentionne pas.

M. TOUPIN: II vous serait impossible de fabriquer du cidre, donc, vous seriez dans les pommes.

M. VINCENT: Non, non. D'après le texte de la loi...

M. TOUPIN: Oui, en vertu de la loi...

M. VINCENT: ... toute personne physique qui cultive des pommiers au Québec.

M. TOUPIN: II faut l'envisager dans son contexte.

M. VINCENT: Oui, oui, mais...

M. TOUPIN: Dans son contexte réaliste.

M. VINCENT: II faut le réaliser...

M. TOUPIN: Vous pouvez tergiverser beaucoup, mais envisagez-le dans son contexte réaliste.

M. VINCENT: ... à la lettre du texte de loi. M. TOUPIN: Oui.

M. VINCENT: Toute personne physique qui cultive des pommiers au Québec. Si j'ai 50 petits pommiers plantés cette année, je deviens pomiculteur au sens de la loi parce que je cultive des pommiers.

M. TOUPIN: II aurait fallu, après cela, définir ce qu'est un pommier.

M. VINCENT: Non.

M. TOUPIN: Un pommier est un arbre qui produit des pommes.

M. VINCENT: Oui, mais...

M. TOUPIN: II est dit, ailleurs dans la loi, que si vous voulez avoir un permis, vous devez être un pomiculteur qui, en principe, produit des pommes.

M. VINCENT: Non, non, voyons!

M. TOUPIN: Or, si, par exemple, vous avez 50 ou 60 petits arbustes en arrière de votre maison, je pense bien qu'à ce moment-là c'est essayer de chercher ce que l'on appelle communément des...

UNE VOIX: Puces.

M. TOUPIN: Des puces oui, parce que j'ai l'impression, M. le Président, — je pense que le député de Nicolet va me comprendre, il est assez réaliste pour ça — que la définition du mot "pomiculteur," dans le texte de la loi, est là pour les fins précises de cette loi. Elle est là pour ça. Il est bien sûr que ça peut occasionner certaines difficultés. Aucun texte de loi n'est assez clair, en soi, pour éviter toute difficulté éventuelle dans son application. Mais je pense que c'est assez clair et assez précis pour que chacun d'entre nous puisse comprendre clairement ce que l'on veut dire. On veut que tout pomiculteur...

M. VINCENT: Non, non.

M. TOUPIN: ... puisse se procurer un permis en vue de fabriquer du cidre de pomme si la Régie des alcools veut bien le lui émettre. C'est ça qu'on a voulu dire, rien d'autre. C'est la raison pour laquelle, aussi, on n'a pas mis de chiffre, de nombre, parce qu'on voulait donner accès à tous les pomiculteurs. On ne voulait être discriminatoire vis-à-vis d'aucun d'eux.

M. VINCENT: M. le Président, avant que le ministre aille trop loin, je voudrais poser la question à un de ses collègues qui est avocat, député de Montmorency. Comme producteur, si j'allais consulter le député de Montmorency, et si, je lui disais: M. le député, M. l'avocat, vous avez ici le bill no 7...

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre! J'arrête immédiatement le député de Nicolet, parce que je m'aperçois qu'il est en train de vouloir demander une opinion juridique au député de Montmorency, ce qui est absolument défendu par les règlements.

M. LACROIX: II ne le fait pas gratuitement.

M. VINCENT: Voici, M. le Président, je ne demanderai pas au député de Montmorency en tant qu'avocat, mais en tant que législateur. Il a le droit de donner son opinion en tant que législateur. Est-ce qu'au sens de l'article 1, lOo a) une personne physique qui cultiverait 30 petits pommiers plantés cette année qui produiraient seulement dans cinq ans, est reconnue comme pomiculteur?

M. VEZINA: M. le Président, je voulais justement intervenir sur cette question. C'est intéressant d'entendre des gens spécialisés en agriculture nous parler de ces questions. Mais dans...

M. VINCENT: Oui, mais ce sont des avares qui vont nous l'interpréter.

M. VEZINA: ... la définition des termes dans une loi, il y a un principe de base: plus vous en mettez, plus vous causez des problèmes. C'est un axiome en droit. L'interprétation pratique est laissée à la Régie des alcools, l'interprétation est laissée à la commission, au président, ou aux régisseurs de la Régie des alcools. Quand on me dit: Si une personne plante 25, 30 ou 50 petits pommiers non productifs, devient-elle... Je pense qu'à ce moment-là c'est une question de fait dans chaque cas. Ce qui est beaucoup plus important que le nombre est de savoir si nous allons ajouter ou non — dans le cas présent nous

ne l'avons pas ajouté — ce que nous retrouvions dans l'ancien texte, les mots "propriétaire" ou "locataire".

Je pense que c'est beaucoup plus important d'avoir enlevé ces mots-là que d'avoir enlevé ou non le chiffre 100. Remarquez que je comprends l'esprit dans lequel le député de Nicolet fait sa suggestion, mais s'il veut faire un acte de foi, envers notre profession, je lui dirai ceci: En matière législative, plus vous décrivez au lieu de définir... Parce que ce n'est pas une définition de dire: M. X est propriétaire de 100 pommiers, ce n'est pas ça un pomiculteur; là vous le décrivez. Mais si vous voulez définir le pomiculteur: Personne physique qui cultive des pommiers. Mais pour la Régie des alcools, quand il s'agira de faire une preuve devant elle, pourra voir si M. X qui fait une demande de permis et qui a planté justement ces petits pommiers auxquels vous faisiez allusion, premièrement, est-ce une personne physique qui cultive des pommiers, au sens de la loi? Pas au sens agricole du terme, au sens légal du terme. Je pense — c'est une opinion évidemment personnelle — que la Régie serait bien fondée d'arriver à la conclusion que l'exemple que le député a soulevé, ne satisfait pas du tout aux exigences et à l'esprit de l'article 10 du chapitre 46 qui est la Loi de la Régie des alcools.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président...

M. VINCENT: Puisque ce sont des avocats qui vont l'interpréter par la suite, nous sommes aussi bien d'avoir leur interprétation tout de suite.

UNE VOIX: Si nous les consultions comme avocats, ça coûterait plus cher.

M. VINCENT: C'est justement, M. le Président, la question que je dois poser au député des Iles-de-la-Madeleine. Supposons, que le député des Iles-de-la-Madeleine aurait 48 poules, est-ce qu'il serait considéré comme aviculteur?

M. LACROIX: Au moins, si jamais j'avais 48 poules elles m'appartiendraient. Je n'emprunterais pas celles du voisin.

M. VINCENT: Si le député des Iles-de-la-Madeleine avait 72 poules, est-ce qu'il serait considéré comme aviculteur ou comme whip du Parti libéral.

M. LACROIX: Ce serait meilleur que 17 coqs.

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre! Si mon souvenir est bon, le dernier député à qui j'ai donné la parole est le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, on dit souvent que l'esprit vivifie et que la lettre tue. Il faut se placer dans le contexte de messieurs les membres de la Régie des alcools, les régisseurs qui auront à décider de l'octroi ou du refus d'un permis. On sait que, dans certains milieux, on se fait fort de la tradition et de l'interprétation qu'on a toujours donnée. Je me demande si, en raison de la jurisprudence suivie depuis quelques années, messieurs les commissaires ne se trouveront pas nécessairement liés par la définition qu'on trouve dans la loi de cette expression "pomiculteur".

Qu'est-ce qu'un pomiculteur? Normalement, c'est celui qui se livre à l'exploitation d'un verger et qui fait la culture des pommes. Je dis "normalement".

M. TOUPIN: C'est un exploitant.

M. PAUL: Je dis que ce n'est pas un exploitant; c'est un commerçant, s'il est exploitant. La langue française a des mots pour qu'on les utilise à bon escient. Et c'est tellement vrai que, le député de Sainte-Marie ayant deux pommiers chez lui, on va maintenant dire "monsieur le pomiculteur".

M. TOUPIN: Vous pourriez dire ça.

M. PAUL: M. le Président, si on a l'intention d'enfreindre constamment le règlement, je préviens que ça va "jouer" des deux bords. Je n'en ai pas l'intention, mais, pour une fois, qu'on soit donc logique et qu'on nous donne la chance d'étudier une législation qui est toute nouvelle. On y va de bonne foi, parce qu'on sait quelles difficultés l'application de cette loi va créer, spécialement à l'endroit de ceux qui auront à se présenter devant la Régie des alcools du Québec. Notre participation est sincère et non pas dans le but de retarder inutilement les débats. On sait de quelle façon on interprète restrictivement les textes à la Régie des alcools du Québec; je ne fais pas une critique, je constate que l'interprétation qu'on fait des textes de loi à la Régie des alcools du Québec nous oblige aujourd'hui, avant d'adopter une définition, à prendre garde et à satisfaire réellement au principe visé par cette loi.

Je crois que le principe est de permettre la légalisation de la vente du cidre dans le Québec. Tout le monde est d'accord sur ce principe, peu importe que l'on emploie douze ou treize ou quinze articles. Je crois que tous les députés de cette Chambre sont heureux de pouvoir se pencher sur une législation qui aurait normalement dû être votée avant aujourd'hui.

Nous n'avons pas à analyser tout le contexte, toutes les difficultés dans lesquelles on a pu évoluer dans le passé. Aujourd'hui, nous sommes au moment où nous devons accepter une définition; en dehors de l'interprétation qu'on voudra bien donner du mot "pomiculteur", il

reste qu'en parti que ça demeurera toujours l'exercice d'un métier ou d'une profession.

Comme on le signalait tout à l'heure, ce n'est pas parce que j'aurais personnellement deux automobiles que je pourrais être jugé vendeur d'autos. Alors, il faut trouver le sens pratique et l'application des termes. Je crois qu'en voulant garder cette définition nous nous exposons à une interprétation qui obligera nécessairement — et ça, c'est à la lumière de l'expérience vécue dans l'exercice de la profession et dans l'exercice de certaines fonctions administratives — le gouvernement actuel à revenir avant longtemps avec un terme pour éviter toute difficulté d'interprétation.

On doit accepter l'esprit avec lequel nous voulons collaborer, travailler à l'adoption de cette loi, mais également dans l'usage de termes qui ne placeront pas les requérants dans des camisoles de force où ils devront subir d'une part l'interprétation littérale d'un texte et, d'autre part, l'interprétation d'un principe qu'on essaiera de découvrir.

On dira, à ce moment-là: Le législateur n'a pas voulu reconnaître tel principe. Il s'est volontairement lié à l'emploi d'un terme qui, en définitive, pourrait causer certains préjudices à ceux qui sont de véritables pomiculteurs, de génération en génération, en raison du capital investi et du nombre d'employés qu'ils ont à leur service. Si nous examinons le but visé par cette loi, c'est d'aider le commerce, la fabrication et la vente du cidre dans le Québec. Pour tout cela, il faut tenir compte, d'un côté, des usages normaux du commerce et de cette nouvelle forme légalisée de commerce que l'on veut introduire par le bill 7.

Je dis, M. le Président, que les légistes — j'en vois un justement assis derrière le ministre — possèdent une expérience pratique de ces choses. Il ne s'agit pas simplement d'être avocat, parce qu'il y a une différence entre un avocat et un légiste. On doit envisager l'interpréation que l'on veut donner à cette loi à la lumière de l'expérience vécue des légistes qui sont constamment au service de cette Chambre et non pas d'un parti. Je suis sûr que, si on prenait le soin de les consulter davantage, on verrait que les suggestions que nous faisons sont les meilleures pour atteindre les principes visés par l'application de cette loi.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Mégantic.

M. VINCENT: M. le Président, est-ce que je pourrais faire, à la suite des remarques du député de Maskinongé, une suggestion qui tiendrait compte de ce qu'ont mentionné le député de Montmorency et le député de Maskinongé? Avant que le député de Mégantic puisse intervenir, le ministre de l'Agriculture pourrait justement demander aux légistes qui sont derrière lui si cette suggestion pourrait être incluse dans la définition du mot "pomiculteur". Est-ce que nous pourrions lire la définition comme ceci: — toute personne physique qui cultive au moins — un certain nombre là; qu'on mette 50 ou 100 pommiers — X pommiers productifs, au Québec? A ce moment-là, on enlèverait propriétaire, locataire et cela définirait beaucoup mieux le pomiculteur. Je ne sais pas si les légistes pourraient analyser cette suggestion.

M. LACROIX: Le député de Nicolet me permettrait-il une observation? Par exemple, un pomiculteur qui exploiterait 25 pommiers très productifs et qui voudrait augmenter le nombre de ses pommiers ne pourrait le faire que par étapes. Il faut bien qu'il laisse croître les pommiers. A ce moment-là, il serait exclu. Un pomiculteur, qui possède 25 pommiers qu'il exploite de façon raisonnable et rentable et qui veut faire progresser son entreprise, serait exclu des avantages de la loi. Je pense que la restriction que l'Opposition veut inclure dans la loi ne serait pas à l'avantage des pomiculteurs que l'on veut aider, en fait, par cette loi.

M. VINCENT: M. le Président, pour répondre au député des Iles-de-la-Madeleine, je vais simplement employer un exemple qui frappe tout le monde, à l'heure actuelle. Au sens de la loi fédérale des statistiques, une personne est considérée comme agriculteur pour autant qu'elle mette en marché $50 de produits agricoles. A ce moment-là, on arrive au nombre astronomique de 100,000 et quelques agriculteurs au Québec. En réalité, quelqu'un qui pourrait vendre pour $50 de fraises et de pommes ne devrait pas être considéré comme un agriculteur au sens de la loi.

Il faut en arriver avec des définitions plus réalistes de noms comme pomiculteur, agriculteur, aviculteur, "acériculteur" pour établir des catégories de personnes qui travaillent ou qui occupent un emploi dans l'industrie agricole.

M. LACROIX: Je suis bien d'accord avec le député de Nicolet que la définition du mot "cultivateur" ou "agriculteur" qui est donnée par la Loi des statistiques à Ottawa n'est pas valable. Mais il ne faudrait pas mélanger des pommes et des oranges, non plus. Je pense qu'un pomiculteur — même s'il n'est pas un cultivateur aux termes de la loi — qui exploite un verger de 20, 25 ou 40 pommiers est un homme qui a tout de même le droit de mettre ses produits sur le marché et d'en retirer tous les avantages prévus par la loi. Je pense que la façon restrictive dont on veut interpréter la loi n'est pas une façon de l'améliorer considérablement et qu'elle peut priver des individus d'avantages auxquels ils ont droit comme citoyens.

M. DUMONT: M. le Président, je remarque que les interventions de chaque côté de la Chambre sont très sérieuses et qu'on veut

justement donner à ce bill 7 une interprétation très précise.

Je ne veux pas retarder les travaux de cette Chambre, mais je poserais au ministre de l'Agriculture la question suivante: J'ai l'intention, au mois de mai, de planter dix pommiers sur ma propriété; allez-vous me considérer comme un pomiculteur?

M. VINCENT: Oui, oui.

M. DUMONT: C'est cela, je crois, qui est défendu.

M. LACROIX: S'il y a des pommes d'accrochées après.

M. TOUPIN: Oui. Il est bien sûr que si jamais cette intention vous vient, ce serait d'abord une bonne intention, mais une chose est certaine à la définition que nous avons donnée au mot "pomiculteur", nous n'avons voulu donner aucun un caractère restrictif, de quelque façon que ce soit. De quel droit puis-je empêcher, moi, un gars qui a dix pommiers d'essayer d'avoir un permis, de fabriquer du cidre et de compléter ainsi un revenu? De quel droit puis-je me prévaloir de cela?

M. VINCENT: Non, non. Le ministre ne comprend pas.

M. TOUPIN: Laissez-moi terminer.

M. VINCENT: Le ministre ne comprend pas l'argumentation.

M. TOUPIN: Si, je comprends.

M. VINCENT: Ce n'est pas cette question-là.

M. TOUPIN: Si, je comprends. Vous voulez mettre, vous voulez...

M. VINCENT: Un instant, M. le Président, le ministre pourrait-il me permettre? Je pense que le ministre ne comprend pas l'intervention que nous sommes en train de faire. Ce n'est pas dans le but de restreindre la législation actuelle. C'est dans le but d'aider plus tard les autres législations et également d'aider à définir plus tard ce qu'est un pomiculteur au Québec.

Prenons un exemple. Si le ministère de l'Industrie et du Commerce, sous la direction du député de Bonaventure, décidait au cours de son prochain recensement, de dénombrer le nombre de pomiculteurs dans la province de Québec, la personne responsable au ministère de l'Industrie et du Commerce chercherait une définition légale du mot "pomiculteur". Il verrait qu'au bill 7, on a défini un pomiculteur comme toute personne physique qui cultive des pommiers au Québec. Les fonctionnaires du ministère de l'Industrie et du Commerce les dénombreraient à travers la province et parmi eux il y aurait le député de Sainte-Marie qui deviendrait pomiculteur. Nous arriverions, à la fin de l'année, avec un chiffre officiel du ministère de l'Industrie et du Commerce de 10,000, 15,000 ou 30,000 pomiculteurs au Québec lorsqu'en réalité il n'en existerait qu'environ 3,000. Ce serait fausser, avec une nouvelle définition, des chiffres qui nous seront fournis plus tard.

M. TOUPIN: M. le Président, le député de Nicolet me dit que je comprends mal son intervention. Je pense que non. Je ne le comprends pas mal. C'est qu'il faut bien tenir pour acquis — nous l'avons bien dit au début et nous le redisons — que cette définition est là pour une fin bien précise.

Vous apportez des exemples; je vais aussi vous en apporter. Vous parliez tantôt de plans conjoints. Regardez les définitions qu'on donne aux différents groupes de producteurs, regardez les définitions qu'on donnera, par exemple, à un producteur de lait, à un producteur de chair de volaille, à un producteur de porc. On donnera deux, trois ou quatre définitions, selon le groupe qui travaillera sur les définitions. Certains diront: Un producteur de porc, c'est celui qui a un porc. D'autres diront: Un producteur de porc, c'est celui qui est propriétaire d'une porcherie, etc. Vous pouvez avoir mille et une définitions.

Nous, ce que nous avons voulu, dans le bill 7, c'est déterminer, pour les fins de la loi, qu'un pomiculteur est celui qui cultive des pommes. Et je pense pas que nous nous trompions.

C'est normal. Un pomiculteur est celui qui cultive des pommiers; autrement, ça n'existe pas, un pomiculteur. Celui-ci peut, en vertu de la loi, demander un permis à la régie. Je ne sais pas, moi, si la régie va lui accorder ce permis, mais je sais que, lui, peut le demander. Il a le droit de le demander en vertu de cette loi et il n'est pénalisé d'aucune façon à l'égard de celui qui a 40, 50, 100, 200 ou 1000 pommiers. Il n'est pénalisé d'aucune manière, il peut le faire. C'est la philosophie qui nous a guidés. Ce n'était pas l'idée de définir le mot "pomiculteur" pour, par la suite, qu'on puisse s'en inspirer pour agir dans tel ou tel autre secteur de l'activité économique.

M. VINCENT: C'est justement là...

M. TOUPIN: Mais vous, c'est le danger que vous voyez.

M. VINCENT: ...que le ministre...

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre!

M. TOUPIN: Nous, nous croyons que c'est pour les fins d'une loi qui est la présente loi. Vous allez trouver, tout à l'heure, la définition

de l'expression "producteur de base"; vous allez la trouver en trois endroits différents et il y a trois définitions différentes.

M.VINCENT: C'est justement là, M. le Président, que le ministre est en train d'errer. Il dit que la définition du mot "pomiculteur", c'est seulement dans le but de permettre à une personne de demander un permis de pomiculteur. J'aimerais que le ministre me suive très bien.

M. LEDUC: Le ministre suit très bien.

M. VINCENT: Je n'ai pas d'objection de principe à cette définition; c'est simplement pour permettre que, plus tard, on n'arrive pas à déclarer une personne pomiculteur seulement parce qu'elle a quatre ou cinq pommiers. Le ministre nous dit que la définition du mot "pomiculteur" s'applique dans le contexte de la loi seulement pour les personnes qui demandent un permis. Est-ce que j'ai bien compris?

M. TOUPIN: C'est-à-dire pour les fins de l'application de la présente loi.

M.VINCENT: Pas seulement pour les personnes qui demandent un permis. Parce que dans la présente loi, à l'article...

M. TOUPIN: J'ai voulu dire que toute personne qui respecte cette définition a le droit de demander un permis de fabrication. C'est ce que j'ai voulu dire.

M. VINCENT: Bon. La définition du nom "pomiculteur" s'applique à toute cette législation et, si on regarde l'article 4, paragraphe b), 2e ligne, on mentionne "d'une association de pomiculteurs".

M. TOUPIN: Oui.

M. VINCENT: "Société composée en majorité de pomiculteurs".

M. TOUPIN: Oui.

M. VINCENT: Et encore là la définition du mot "pomiculteur" s'applique.

M. TOUPIN: Bien sûr qu'elle s'applique.

M. VINCENT: Ce qui fait que, là, on va dire: Une association de pomiculteurs, aux fins de cette présente loi, peut être de 10 personnes qui auraient chacune deux ou trois pommiers, le député de Sainte-Marie, le député de Mégantic qui en plante 10 l'an prochain...

M. LACROIX: Est-ce que le député de Nicolet me permettrait une question?

M. VINCENT: Moi, qui ai déjà trois pommiers, je peux former une association, mais sur le plan pratique...

M. LACROIX: Seulement une question. Quels désavantages voyez-vous à la définition actuelle? Quels sont les inconvénients majeurs que vous y voyez? Il faut bien se reporter au bill 7, mais il y a aussi la Loi de la Régie des alcools qui est impliquée dans ça. Je pense qu'à ce moment-ci on "s'enfarge dans les fleurs du tapis". Ce qui est important, c'est de permettre un débouché pour les pommes. Et je me demande si on avance ou si on améliore la loi en posant des conditions restrictives comme le voudrait le député de Nicolet, qui le fait en toute bonne foi, j'en suis convaincu.

Je lui pose encore une fois la question: Quels sont les inconvénients majeurs que voit le député de Nicolet dans la définition actuelle du terme "pomiculteur"?

M.VINCENT: M. le Président, il n'y a absolument aucun inconvénient — je l'ai dit et je le répète — pour la loi de la fabrication et de la vente du cidre dans la province de Québec.

La seule chose que je voulais suggérer au ministre tout à l'heure, parce que nous avons participé à toute cette discussion pour la définition du mot "pomiculteur", — et je termine immédiatement après — c'est que c'est la première fois que nous définissons, dans un texte de loi, ce qu'est un pomiculteur. Pour la première fois on se sert de toutes les anciennes définitions d'agriculteur, d'aviculteur, "d'acé-riculteur," pour en arriver à inclure tout le monde dans cette profession ou dans ce groupe.

M. TOUPIN: Non.

M. VINCENT: ... et je voulais que, pour une fois.

M. TOUPIN: M. le Président, on donne une interprétation beaucoup trop large. Restons donc dans le cadre de la loi.

M. VINCENT: Ecoutez, M. le Président, si le ministre de l'Agriculture s'imagine que je fais ceci simplement pour parler de politique...

M. TOUPIN: Non, non.

M. VINCENT: ... que le ministre de l'Agriculture cesse donc d'en faire de la politique.

M. TOUPIN: M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre!

M. VINCENT: M. le Président, je suis dans le texte de la loi.

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre! Et qu'on revienne à l'article.

M. VINCENT: M. le Président, je suis dans le contexte de la loi, je peux parler de pomicul-teur, je peux parler de politique dans le contexte de la loi actuelle.

M. LE PRESIDENT (Hardy): De politique relative à l'article 1.

M. VINCENT: De politique de la loi actuelle, M. le Président. C'est simplement une suggestion que je fais au ministre de l'Agriculture et, si le ministre de l'Agriculture ne veut pas l'accepter, c'est son droit. J'ai fait la suggestion de bonne foi et je crois que ç'aurait été le moment. D'ailleurs, lui-même, dans quelques jours, dans quelques semaines ou dans quelques mois, aura à examiner à nouveau la définition du mot pomiculteur, comme j'ai eu à le faire quand j'étais ministre de l'Agriculture et de la Colonisation du Québec.

A ce moment-là, il constatera que la nouvelle définition qu'il vient de ratifier ou d'accepter dans un projet de loi du Québec n'est pas conforme aux désirs mêmes de ceux qui sont des pomiculteurs dans la province de Québec. Nous éviterions ainsi de poursuivre ce que nous avons toujours poursuivi dans le Québec, soit d'avoir un nombre considérable de personnes dans une profession donnée, surtout en agriculture, sans que ces personnes-là soient réellement des aviculteurs, des pomiculteurs, des "acéricul-teurs". Parce qu'ils gardaient quelques poules, ils étaient aviculteurs; parce qu'ils avaient quelques pommiers, ils devenaient des pomiculteurs; parce qu'ils avaient deux ou trois vaches, ils devenaient des producteurs laitiers; et même si ces personnes-là étaient avocats, si elles avaient dix, douze ou quinze érables, elles pouvaient devenir "acériculteur". C'est ça qu'il faut éviter.

Je termine là-dessus, M. le Président, je n'ai pas plus d'objection à cette définition, que ce soit celle-là ou l'ancienne, mais je voulais simplement faire la suggestion au ministre afin de lui éviter certains problèmes qu'il aura à résoudre, et il s'en souviendra, à ce moment-là, dans trois ou quatre mois d'ici, lorsque arrivera l'assurance-récolte ou le plan conjoint. A ce moment-là, il devra se pencher à nouveau sur la définition du mot "pomiculteur",

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 1, adopté.

M. DUMONT: M. le Président.

M. PAUL: M. le Président, nous sommes actuellement à étudier un article de loi, et du même coup nous voyons une initiative de la part du ministre de l'Agriculture mais dont l'application, au point de vue pratique, relève d'un autre organisme que nous appelons la Régie des alcools du Québec. Par l'article 1, nous amendons la Loi de la régie des alcools du Québec. Il faudrait que le ministre accepte le sens de nos interventions. C'est le sens de l'application et de l'interprétation suivies actuellement à la Régie des alcools du Québec qui nous presse à inviter le ministre à reconsidérer une définition qui, dans le sens pratique, suivant l'esprit de commerce qu'on établit à la lumière d'une politique d'interprétation suivie dans l'émission des permis à la Régie des alcools, créera, à un moment donné tout un conflit entre, d'une part, la définition qu'on y trouve et d'autre part, ce qui n'est pas dans l'esprit de l'octroi d'un permis par la Régie des alcools du Québec. C'est dans cet esprit-là. Ce n'est pas dans le but de dire que c'est le ministre actuel de l'Agriculture qui a gagné finalement la définition qu'il avait proposée du pomiculteur. Cela ne nous dérange pas.

Le ministre conviendra que, si, dans certains domaines, il a une expérience que l'on respecte, dans d'autres domaines, j'ai une expérience vécue devant les tribunaux et spécialement devant la Régie des alcools du Québec.

C'est un danger de vouloir inscrire dans un texte une définition qui ne sera pas considérée comme telle par la Régie des alcools du Québec et avec raison. Si on suit la définition littérale qui est donnée d'un pomiculteur, ayant deux pommiers chez moi, je vais me présenter demain matin à la Régie des alcools du Québec et on sera obligé de me donner un permis, à moins que...

M. TOUPIN: M. le Président, je ne suis pas un spécialiste en la matière; je le reconnais. Néanmoins, il y a, à l'article 123 de la Loi de la Régie des alcools qui parle de la fabrication et de la vente du cidre, une réglementation concernant le cidre. Il est dit, au paragraphe c): "Déterminer, nonobstant toute disposition inconciliable de la présente loi, les conditions qu'une personne doit remplir et les droits qu'elle doit payer pour qu'un permis de fabrication de cidre fort ou de cidre léger puisse lui être délivré".

M. PAUL: M. le Président, c'est à cause de ce texte-là.

M. TOUPIN: Vous avez là...

M.PAUL: La seule condition qu'on exige, actuellement, c'est d'avoir au moins deux pommiers, parce qu'on a mis pommiers avec un s, c'est tout.

M. TOUPIN: II y a là tout ce qu'il faut à la régie pour appliquer cet article-là.

M. PAUL: Justement, à cause de cette restriction existant dans la Loi de la Régie des alcools à l'article 123, du moment qu'un individu est propriétaire de deux pommiers — parce que pommiers est avec un s — s'il se présente à la régie, il peut dire: Moi, en vertu de

la définition que l'on trouve dans le projet de loi no 7, je veux avoir un permis de fabricant de cidre et on sera obligé de lui donner un permis, à moins que l'on n'établisse une politique d'interprétation qui viendra en conflit avec l'application pratique que l'on voudra donner de la loi et avec la définition même du terme que l'on veut employer.

M. DUMONT: M. le Président, puisque l'on définit un pomiculteur en disant que les permis de fabricant de cidre fort et de fabricant de cidre léger ne peuvent être délivrés qu'à un pomiculteur, par l'exemple que j'ai donné tantôt, au mois de septembre le ministre de l'Agriculture sera obligé de reconnaître que je deviens un pomiculteur et j'aurai droit, à ce moment-là, selon ce que la loi autorise, d'agir en conséquence. C'est sur cela qu'il faut probablement arrêter la décision à prendre.

Par contre, dans les interventions qui ont été faites de ce côté-ci de la Chambre, il y aurait peut-être aussi à souligner que, dans la reconnaissance professionnelle tant du cultivateur que du pomiculteur, l'association pourra peut-être déterminer ce qu'est, au sens de la loi, un véritable pomiculteur, à savoir un propriétaire de 100 arbres fruitiers ou autre chose. Peut-être que, dans cela, on pourrait avoir un compromis pour en venir à une entente afin d'avancer dans les travaux.

M. TOUPIN: C'est une alternative fort valable.

M. FRASER: M. le Président, les gens de la droite croient que, si un gars qui a deux pommiers fait du cidre, que c'est un crime. S'il veut en faire plus de cidre qu'il n'a de pommes dans ses deux pommiers, il n'aura qu'à acheter d'autres pommes. Cela offrira un débouché à ceux qui ont des pommes à vendre.

M. VINCENT: D'accord, mais ce n'était pas là l'objection.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: M. le Président, l'idée de fixer, à l'intérieur de la définition de "pomiculteur", le nombre de pommiers qu'une personne peut cultiver, comme dans l'ancienne définition que le gouvernement de l'Union Nationale proposait, n'est pas mauvaise en soi. Cependant, il y a une foule d'événements qui peuvent survenir.

Si on regarde la Loi de la Régie des alcools — celle que le ministre de l'Agriculture a lue tout à l'heure — on remarque que le lieutenant-gouverneur en conseil peut faire des règlements. C'est entendu que, si l'on part de l'idée de cultiver des pommiers, à ce moment-là, la Loi de la Régie des alcools permet au lieutenant- gouverneur en conseil de fixer le nombre de pommiers que la personne doit cultiver pour obtenir un permis de vente ou de fabrication de cidre.

Je crois qu'il est beaucoup mieux de laisser cette alternative au lieutenant-gouverneur en conseil que de toujours venir en cette auguste assemblée proposer des amendements quant au nombre de pommiers, le tout selon le temps et selon les récoltes que le cultivateur peut faire au cours d'une année.

M. le Président, la définition proposée par le ministre actuel de l'Agriculture est beaucoup plus réaliste que celle que proposait l'ancien gouvernement.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 1, adopté.

M. VINCENT: M. le Président, nous en sommes à l'article 2. Je crois que c'est ici que vient la question au ministre de l'Agriculture. On dit à l'article 2: "L'article 11 de ladite loi, modifié par l'article 6 du chapitre 19;" on y ajoute: "25o Permis de vendeur de cidre." Si on regarde l'article 11 du chapitre 44 des statuts refondus de, la Loi de la Régie des alcools, on peut lire: "La Régie est autorisée à accorder les permis suivants pour la vente de boissons alcooliques sur paiement des droits prescrits et aux conditions qu'elle peut imposer en vertu de la présente loi." On ajoute à ceci: "Permis de vendeur de cidre". En vertu de cet amendement, est-ce qu'un magasin, un grand centre d'alimentation, comme Steinberg, IGA, tous les autres grands centres d'alimentation qui n'ont pas, en vertu de l'article 11, de permis d'épicerie, peuvent obtenir ou pourront obtenir un permis, ou, encore, est-ce que la régie pourra leur décerner ou leur émettre un permis de vendeur de cidre?

M. TOUPIN : M. le Président, je ne peux pas présumer des décisions de la Régie en cette matière, mais ce qui est mis dans ça, ce qu'on a voulu faire ici, c'est de rejoindre le fabricant. Le fabricant de cidre a un permis, il en a un pour le fabriquer. En même temps, on pourra lui émettre un permis de vente, de la sorte, il pourra vendre son cidre à l'établissement même où il le fabrique, à condition qu'il soit consommé à l'extérieur. C'est un peu le but.

Je ne peux aller plus loin, je ne peux répondre à la question...

M. VINCENT: Oui, oui, il faut y aller.

M. TOUPIN: Je ne peux répondre à la question à savoir si la régie émettra des permis aux magasins qui n'en ont pas présentement.

M. VINCENT: Oui, mais il faut justement, M. le Président, aller plus loin. Est-ce qu'on doit comprendre qu'avec cet amendement, un per-

mis de vendeur de cidre pourra être émis à des propriétaires de kiosques sur le bord de la route, où l'on vend des produits et des sous-produits de la pomme? Est-ce qu'à ce moment-là, ces propriétaires de kiosques pourront obtenir un permis de vendeur de cidre de la Régie des alcools? C'est simplement cette question-là.

M. TOUPIN: Si la régie décide de leur donner un permis... Vous voulez savoir...

M. VINCENT: Oui, mais en vertu de la loi, est-ce que la régie pourra?

M. TOUPIN: La régie peut-elle le faire? Je ne suis pas en mesure de dire si la régie peut le faire ou non. Je présume que la régie évoluera à l'intérieur de cette loi-là. Si, toutefois, ça lui est permis d'émettre des permis pour fins de vente de cidre, si, toutefois, cela veut dire qu'elle peut en émettre aux propriétaires de kiosques, aux magasins qui n'ont pas de licence, etc., si elle peut le faire, tant mieux, il y aura plus d'endroits pour en vendre.

M. VINCENT: M. le Président, c'est justement pour ça qu'on discute un projet de loi. C'est le ministre qui défend le projet de loi aujourd'hui.

M. TOUPIN: Oui, bien sûr.

M. VINCENT: C'est lui qui explique le projet de loi. Je demande au ministre si cet amendement va permettre à la régie d'émettre des permis. Le ministre nous réponds: Je ne le sais pas, je ne peux pas présumer de ce que la régie va faire. Mais est-ce qu'en vertu de cet amendement à l'article 2 du bill 7, la régie pourra émettre un permis de vendeur de cidre à un propriétaire de kiosque, à un propriétaire ou à un grand centre d'alimentation tel que IGA, Steinberg ou les autres?

M. TOUPIN: Je regarde l'ancien texte du bill 7, et cela existait.

M. VINCENT: Oui, mais seulement...

M. TOUPIN: Alors on pourrait vous retourner la question. C'est vous qui l'avez fait.

M. VINCENT: Pardon?

M. TOUPIN: On pourrait vous retourner la question. On a pris...

M. VINCENT: Si on défend l'ancien bill 7...

M. TOUPIN: ...l'ancien texte qu'on a mis dedans. C'est la même chose.

M. VINCENT: Est-ce qu'on défend l'ancien bill 7 ou le nouveau bill 7?

M. LEVESQUE: Article 2.

M. TOUPIN: Vous l'avez défendu un peu...

M. VINCENT: Oui, je peux répondre au ministre, mais ce n'est pas moi qui vais répondre à tous les pomiculteurs ou aux membres du comité qui vont poser cette question. En vertu de l'ancien texte du bill 7, ou de l'esprit qui a présidé à l'élaboration du bill 7, nous avions une raison d'inclure un article 25, et cette raison, je l'ai encore. Est-ce qu'aujourd'hui le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation peut également me dire, en vertu de l'article 2 — parce que la question sera posée demain, après-midi, la semaine prochaine — si je suis propriétaire d'un kiosque, je vends des pommes, du jus de pomme, tous les sous-produits de la pomme et je veux également vendre du cidre léger et du cidre fort, est-ce que je pourrai obtenir, en vertu de la loi, un permis de la Régie des alcools?

M. LEVESQUE: On verra au cours de l'étude du bill...

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre! Il est évident que la question, telle que formulée par l'honorable député de Nicolet, est contraire au règlement. Au fond, l'honorable député de Nicolet demande à l'honorable ministre de l'Agriculture et de la Colonisation de se substituer aux régisseurs de la Régie des alcools.

M. VINCENT: Non, M. le Président...

M. LE PRESIDENT (Hardy): Un instant. Voulez-vous me laisser finir de rendre ma décision? Vous parlerez après. Si l'honorable député de Nicolet a des suggestions à faire pour clarifier le texte de loi, ceci est tout à fait dans l'ordre, mais il n'est pas dans l'ordre que l'honorable député de Nicolet demande à l'honorable ministre de l'Agriculture et de la Colonisation quelle sera la décision des régisseurs de la Régie des alcools.

M. VINCENT: M. le Président, vous avez très mal interprété mon intervention.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Vous n'avez pas à discuter de ma décision.

M. VINCENT: M. le Président, vous avez très mal interprété mon intervention. Je n'ai pas demandé au ministre de l'Agriculture de présumer d'une décision de la Régie des alcools, j'ai demandé au ministre de l'Agriculture et de la Colonisation si, en vertu de cet amendement, la régie pourra — est-ce que je présume, à ce moment-là, d'une décision?

M. LE PRESIDENT (Hardy): Evidemment, vous demandez au ministre de l'Agriculture et

de la Colonisation de rendre la décision que la Régie des alcools pourrait rendre.

M. VINCENT: Non, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Bien, c'est ma décision.

M. VINCENT: Nous amendons la Loi de la Régie des alcools. Est-ce ça? Est-ce que nous amendons la Loi de la Régie des alcools?

M. LE PRESIDENT (Hardy): Si vous avez des amendements à proposer, proposez-les.

M. VINCENT: Ce n'est pas un amendement, c'est une question que je pose.

M. TOUPIN: M. le Président...

M. VINCENT: Nous amendons la Loi de la Régie des alcools.

M. TOUPIN: Est-ce que le député...

M. VINCENT: Avec ces amendements à la Loi de la Régie des alcools...

M. TOUPIN: Est-ce que le député de Nicolet permettrait une intervention très rapide? Je pense que ça va clore la discussion là-dessus. On va revenir à toute cette question-là à l'article 19 du projet de loi alors qu'il va être question de réglementer les permis à émettre.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 2.

M.VINCENT: Non, non, M. le Président, l'article 2 n'est pas adopté.

M. LEVESQUE: Eh bien!

M. VINCENT: Présentement, nous proposons un amendement à l'article 11 de la Loi de la Régie des alcools du Québec, qui est le chapitre 44 des Statuts refondus, 1964, qui a été amendé par l'article 6 du chapitre 19 des lois de 1965, et qui a été amendé par l'article 1 du chapitre 22 des lois de 1968. Là, on ajoute à la Loi de la Régie des alcools un article 25 qui se lit comme suit: "Permis de vendeur de cidre". Et si nous prenons la Loi de la Régie des alcools, chapitre 44, article 11, on lit: "La Régie est autorisée à accorder les permis suivants pour la vente de boissons alcooliques, sur paiement des droits prescrits et aux conditions qu'elle peut imposer en vertu de la présente loi".

M. TOUPIN: Bon, voici; "aux conditions qu'elle peut imposer..."

M. VINCENT: Juste un instant, M. le Président.

M. TOUPIN : On reviendra par règlement, si vous voulez, à l'article 18.

M. VINCENT: Juste un instant, M. le Président.

M. TOUPIN: Vous vous acharnez, vous, c'est fantastique!

M. VINCENT: Pardon? Est-ce que le ministre de l'Agriculture pourrait répéter ce qu'il vient de dire, M. le Président?

M. TOUPIN: J'ai dit: Vous vous acharnez sur ce point-là, c'est fantastique; on vous propose de revenir...

M. VINCENT: Non, M. le Président, parce que c'est à l'article 2.

M. TOUPIN: Mon cher collègue, on va revenir si vous voulez à l'article 18 et on le verra à ce moment-là.

M. VINCENT: D'accord, M. le Président.

M. TOUPIN: C'est une réglementation qui va venir.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Pour accélérer les travaux, est-ce que vous voulez qu'on suspende l'article 2?

M. VINCENT: Là, cette suggestion est beaucoup plus intelligente que celle du ministre de l'Agriculture.

M. TOUPIN: Bien, écoutez, elle l'est sans doute plus que la vôtre aussi.

M. VINCENT: M. le Président, est-ce que je pourrais dire au ministre de l'Agriculture que ces questions, je les pose parce que ses propres députés n'ont pas été capables de les lui poser?

M. TOUPIN: Bien, il y en a une sûrement que le député de Nicolet aurait dû se poser bien avant celles d'aujourd'hui.

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre! A l'ordre! Article 2, réservé.

M. TOUPIN: C'est celle de faire adopter le projet de loi, n'est-ce pas.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 3?

M. TOUPIN: Si vous aviez peur de le défendre, moi, je peux le défendre.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 3? UNE VOIX: Adopté.

M. VINCENT: Un instant, M. le Président. Il n'y a pas des amendements? Est-ce que je dois continuer à faire le travail du ministre de l'Agriculture? Le ministre ne nous aurait-il pas proposé des amendements au début?

M. TOUPIN: Oui, il y a un amendement à l'article 3.

M. VINCENT: Bien oui, mais il faudrait quand même les signaler!

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre!

M. TOUPIN: Oui, vous avez ces amendements en main, je pense. On les a distribués.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable ministre de l'Agriculture propose un amendement à l'article 3.

M. VINCENT: Non, M. le Président, c'est un nouvel article...

M. LE PRESIDENT (Hardy): Bien oui, c'est l'amendement.

M. VINCENT: ... qui est inséré. Non, non, ce n'est pas un amendement à l'article 3, M. le Président. Ecoutez, il reste quand même ceci: un nouvel article 3 est inséré après l'article 2. Ce n'est pas un amendement à l'article 3.

M. TOUPIN: C'est ça, l'article 3 est amendé dans le sens...

M. VINCENT: Non, M. le Président. M. TOUPIN: Ah!

M. LE PRESIDENT (Hardy): S'il vous plaft, messieurs. Si on veut procéder à l'étude de ce projet de loi, on pourrait s'empêcher de s'amuser sur des détails semblables.

M. VINCENT: Justement, M. le Président. Je ne comprends pas votre attitude. Vous appelez l'article 3. Je me lève tout bonnement et je dis: Le ministre de l'Agriculture nous a suggéré des amendements; tout à l'heure. Ces amendements, ce n'est pas à l'article 3; c'est un nouvel article qui est ajouté après l'article 2...

M. LE PRESIDENT (Hardy): Ce qui fait l'article 3.

M. VINCENT: ... qui deviendra l'article 3.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'article 3 est-il adopté tel qu'amendé?

M. TOUPIN: Adopté.

M. VINCENT: Non, M. le Président. Quels sont les amendements à l'article 3?

M. TOUPIN: Alors, l'article 3 va devenir...

M. VINCENT: Qu'on me donne les amendements à l'article 3.

M. TOUPIN: ... l'article 4. Nous proposons un amendement au projet en y insérant un nouvel article 3 qui va se lire comme suit — je pense qu'on a distribué ces amendements à tous les députés, ce matin: "L'article 18 de ladite loi, modifié par l'article 2 du chapitre 19 des lois de 1965 et par l'article 2 du chapitre 21 des lois de 1966-1967 est de nouveau modifié en remplaçant le premier alinéa par la suivant..." Si vous prenez l'article 18 de la Loi de la Régie des alcools, le premier alinéa dit: "Le permis d'épicerie autorise, à la suite d'une commande donnée à cet effet au magasin ou par téléphone, la vente en bouteille de la bière ou du cidre léger." L'amendement que nous proposons ici, c'est d'enlever le mot "léger" et de mettre seulement le mot "cidre". Voici pourquoi.

M. VINCENT: II n'y a pas de problème. C'est accepté en ce qui nous concerne.

M. TOUPIN: Bon.

M. VINCENT: Pourquoi dépenser des mots?

M. TOUPIN: D'accord, on va l'adopter.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 3, adopté?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 4?

M. VINCENT: M. le Président, je propose que l'article 3 maintenant...

M. LE PRESIDENT (Hardy): Devienne l'article 4?

M. VINCENT: ... devienne l'article 4.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Très bien. Adopté? Adopté.

L'article 4 qui devient l'article 5, adopté?

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, à la onzième ligne de l'article 4, à b), nous lisons: "Une personne physique agissant pour le compte d'une corporation, d'une association de pomiculteurs ou d'une société composée en majorité de pomiculteurs."

Les mots "d'une corporation", ceci veut dire que des personnes qui ne sont pas des pomiculteurs peuvent former une corporation, fabriquer le cidre, le vendre et prendre le contrôle absolu de tout le commerce du cidre dans la province de Québec. En deuxième lecture, j'en ai fait mention. Nous serions surtout intéressés

à ce que ce soient les pomiculteurs qui contrôlent la fabrication et la vente du cidre.

Les mots "d'une corporation" veulent dire aussi qu'une corporation comme les compagnies que j'ai mentionnées, qui sont à peu près les plus gros fabricants de cidre au Canada, pourraient aussi se former en corporation dans le Québec et contrôler la fabrication et la vente du cidre.

Pour ces raisons, je propose l'amendement suivant à l'article 4: "Retrancher dans la douzième ligne les mots "d'une corporation". " Voulez-vous avoir l'amendement, M. le Président? Ce serait l'amendement proposé à l'article 4.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Discussion sur l'amendement de l'honorable député de Sainte-Marie.

M. TOUPIN: M. le Président, je vais donner les raisons pour lesquelles nous avons inclus dans cet article le mot "corporation". Je vais lire l'article pour essayer de bien nous situer. Je pars de l'article 4, au quatrième alinéa: "Toutefois, le permis de fabricant de cidre fort et le permis de fabricant de cidre léger ne peuvent être délivrés qu'à: "a) un pomiculteur; — on revient au pomiculteur du début — ou "b) une personne physique agissant pour le compte d'une corporation — et vous, dans votre amendement, je pense que vous proposez de biffer le mot "corporation" — d'une association de pomiculteurs ou d'une société composée en majorité de pomiculteurs..."

Si nous avons cru bon mettre dans cet article le mot "corporation", c'est que nous avons fait le raisonnement suivant: Si, par exemple, six, sept, huit ou neuf pomiculteurs décidaient demain matin de se former en corporation, ils peuvent le faire en vertu de la loi. En outre, si six, sept, huit, neuf ou dix pomiculteurs veulent s'associer avec d'autres personnes qui ne sont pas des pomiculteurs en vue de développer, par exemple, une cidrerie ou un magasin, etc., si on enlève le mot "corporation", il deviendra plus difficile pour eux de le faire. Si nous avons voulu mettre le mot "corporation" dans cet article, c'était pour rendre plus facile le développement de cette nouvelle industrie qui s'implante au Québec. C'est pour cette raison.

M. DUMONT: Dans le mot "corporation", vous vouliez aussi inclure les coopératives, par exemple?

M. TOUPIN : Les coopératives se retrouvent plus dans les mots "association" et "société".

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, si le ministre me permet.

Lorsqu'on dit: "Une personne physique agis- sant pour le compte d'une corporation," ensuite "d'une association de pomiculteurs, d'une société en majorité de pomiculteurs". Si vous enlevez "une corporation", tous les pomiculteurs qui veulent se regrouper afin de fabriquer et de vendre du cidre, peuvent le faire par une association de pomiculteurs ou d'une société composée en majorité de pomiculteurs. A mon sens, si vous enlevez les mots "d'une corporation", vous ne nuisez pas du tout aux pomiculteurs qui voudraient s'associer pour ces fins. Mais si vous l'enlevez, vous empêchez des gens qui ne sont pas des pomiculteurs à investir de l'argent, à former une corporation et à s'emparer du contrôle du cidre au Québec. C'est dans ce but-là que j'apporte l'amendement.

Maintenant, cela ne les empêche pas de former une société ou une association de pomiculteurs pour fabriquer du cidre. Je ne vois pas comment le mot "association" protège les pomiculteurs.

M. TOUPIN: Le député de Sainte-Marie croit qu'il y a danger, en laissant le mot "corporation", que, par exemple, une grande corporation présentement existante puisse demander un permis et s'emparer de la fabrication du cidre au Québec. Il est bien sûr qu'il peut exister des dangers. Nous en sommes conscients. Mais nous avons voulu quand même mettre à la disposition des pomiculteurs toutes les options possibles. Un pomiculteur peut le faire, une société de pomiculteurs qui n'est pas une corporation, peut le faire, une coopérative de producteurs peut le faire par la voie d'associations et aussi une corporation. Nous n'avons pas voulu, au fond, fermer le champ d'une option possible, pour ne pas risquer de brimer le développement de cette industrie. C'est l'esprit qui nous a animés.

Je comprends vos appréhensions. Nous avons eu les mêmes au moment où nous avons discuté la question et nous en sommes arrivés finalement à la conclusion qu'il était préférable d'ouvrir l'éventail des options. Ainsi nous allons donner aux pomiculteurs l'occasion d'être un peu plus effectifs et de voir à contrôler eux-mêmes l'ensemble de cette production qui leur appartient. La loi, en réalité, est très généreuse vis-à-vis des producteurs, beaucoup plus que vis-à-vis des autres corporations.

M. VEILLEUX: J'aurais une question à poser à l'honorable député de Sainte-Marie. Si en enlevant le mot "corporation", dans votre esprit, advenant le cas où il y aurait trois pomiculteurs qui voudraient former une cidrerie, et qu'ils manquent de fonds. Ils vont demander à deux personnes qui n'ont jamais fait de pomiculture de leur vie, de s'associer à eux afin de fournir des fonds. Est-ce qu'en enlevant le mot "corporation" on pourra empêcher alors les pomiculteurs d'agir?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Le député de Saint-Jean m'a posé une question. Elles pourraient toujours se planter un pommier et devenir pomiculteurs, mais... C'est une blague, nous allons redevenir sérieux.

Si quelques pomiculteurs veulent s'associer à quelqu'un qui n'est pas pomiculteur mais qui a de l'argent pour former une corporation, très bien. Si vous enlevez le mot "corporation" vous leur enlevez ce moyen-là. Mais par contre, si vous laissez le mot "corporation"... Il s'agit de choisir. Est-ce plus dangereux de le laisser ou est-ce plus dangereux pour les pomiculteurs de l'enlever?

M. TOUPIN: C'est ça.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si vous le laissez, vous avez des compagnies qui contrôlent la fabrication du cidre au Canada; Beauchatel, Chipman Apple, etc. Ce ne sont pas des pomiculteurs. Ils peuvent venir au Québec, former une corporation, acheter toutes les pommes du Québec et s'emparer du marché québécois de la fabrication et de la vente du cidre. C'est ce que nous ne voulons pas. Si vous me prouvez que le mot "corporation" n'encourage pas les monopoles dans ce sens-là, très bien. Mais si c'est le seul moyen de se protéger, j'aime mieux l'enlever, quitte à ce que les pomiculteurs puissent se former tout simplement en société ou en association.

M. VEILLEUX: D'accord. M. le député de Sainte-Marie. Nous pouvons cependant fort bien, par réglementation interne —parce qu'attachée à une loi, il y a quand même une réglementation — nous pouvons quand même, dis-je, à l'intérieur d'une réglementation, voir à ce qu'une compagnie ne prenne pas le monopole du cidre au Québec. Ce sera au gouvernement à ce moment-là à prendre ses responsabilités et à empêcher qu'une compagnie prenne le monopole, comme le gouvernement empêche à l'heure actuelle les compagnies de prendre le monopole des journaux, le monopole de la télévision, le monopole du transport au Québec, les monopoles, etc. Le gouvernement peut faire exactement la même chose, par régie interne, pour ce qui touche la cidrerie. A ce moment-là, nous n'empêcherions pas d'agir les pomiculteurs qui n'ont pas le moyen d'investir et qui pourraient aller chercher deux ou trois associés qui ne sont pas pomiculteurs, nous n'empêcherions pas à ce moment-là ces associés de faire ce que vous avez suggéré tout à l'heure, de planter un ou deux pommiers pour porter le nom de pomiculteur.

A ce moment-là, ils contournent la loi. C'est aussi bien de laisser le mot "corporation" pour laisser toute la latitude possible aux pomiculteurs de s'associer avec d'autres personnes, et le gouvernement prendra ses responsabilités en empêchant le monopole dans ce domaine-là.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui, mais,...

M. PILOTE: Un instant, s'il vous plaît. Je voudrais rappeler au député de Sainte-Marie que la loi veut protéger non pas une personne à l'exclusion des pomiculteurs mais trois ou plusieurs pomiculteurs peuvent se réunir et former une compagnie pour protéger leur bien personnel comme celui qui se lance dans une entreprise de commerce — peu importe le commerce dans lequel il se lance — veut protéger son bien personnel. Je pense que la loi et l'article sont dans ce sens-là, tout simplement, de ne pas fermer une porte aux pomiculteurs eux-mêmes qui voudraient former une compagnie. Une compgnie, ce sont trois ou plusieurs personnes qui s'unissent, qui investissent des capitaux dans un même commerce et qui veulent protéger leurs capitaux, leurs biens personnels. Je pense que c'est le sens de la loi. Il ne faudrait pas l'enlever, et je crois que ce serait injuste envers les pomiculteurs que de l'enlever ou de le modifier.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, le député de Saint-Jean nous disait tantôt qu'il était mieux de laisser le mot "corporation" — le député du Lac Saint-Jean ou de Roberval...

M. PILOTE: Du Lac Saint-Jean. Il y a le lac entre lui et moi.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je suis natif du même endroit. Le député du Lac Saint-Jean disait la même chose. Mon but n'est pas de retarder les discussions. Je suis de bonne foi en proposant cet amendement parce que je vois un danger.

Le député de Saint-Jean nous dit que le gouvernement prévoira des mécanismes ou verra à ce que ça ne soient pas de grosses corporations ou de gros monopoles qui s'emparent du marché du cidre dans le Québec, très bien.

Mais le passé nous prouve que ces surveillances n'ont pas toujours réussi parce que, dans d'autres domaines, il y a des monopoles au Québec dont on ne peut même plus se défaire. C'est souvent à notre détriment. Vous le voyez dans l'industrie laitière et à peu près dans toutes les sphères de la société, dans tous les groupes de production, que ce soit la production forestière, agricole ou autre. Il y a des monopoles qui contrôlent certains commerces, dont on ne peut à peu près pas se défaire. Je veux tout simplement que le contrôle de la fabrication et de la vente du cidre reste aux pomiculteurs du Québec.

Mon but n'est pas de critiquer le projet de loi ou de "faire de la broue"; tout simplement, je ne voudrais pas que ce commerce, encore une fois, tombe dans des mains étrangères, sous le contrôle de corporations formées d'étrangers, de gens qui ne sont pas du Québec, mais qui

viennent investir de l'argent tout simplement pour s'emparer d'un marché — je ne suis pas contre les investissements — au détriment des producteurs de pommes du Québec. C'est dans ce seul but que je propose cet amendement.

Maintenant, si on me promet de faire une surveillance adéquate pour empêcher qu'un monopole ne s'établisse dans ce domaine, tant mieux, je suis d'accord.

M. DUMONT: M. le Président, on ne peut pas empêcher la libre entreprise d'aller de l'avant. Je crois qu'en enlevant "corporation" on empêcherait des individus de se former en compagnie pour exploiter ou vendre du cidre. On empêcherait l'entreprise privée d'aller de l'avant. Là où le député de Sainte-Marie pourra être rejoint, c'est encore dans la reconnaissance professionnelle du pomiculteur. Cet organisme édictera des règlements pour empêcher la formation de monopoles, comme il le prétend. S'il s'en forme, ils pourront être réglementés par la reconnaissance professionnelle du "pomiculteur".

M. LE PRESIDENT (Brown): L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. TOUPIN: Je ne sais pas, mais je pense, M. le Président, que le député de Sainte-Marie.

M. HARVEY (Jonquière): Je voudrais demander au député de Sainte-Marie si, quand il a affirmé, il y a quelques minutes, qu'il y avait un monopole dans le domaine de l'exploitation forestière au Québec, il a voulu dire dans les pâtes et papier ou pour la coupe du bois sur les terrains de la couronne, par voie de permis spéciaux ou par voie de concessions forestières. Je voudrais qu'il précise.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je ne veux pas m'étendre là-dessus; c'est en dehors du sujet. Je peux lui répondre les deux;

M. HARVEY (Jonquière): Très bien, je vous remercie de votre réponse.

M. LE PRESIDENT (Brown): L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. TOUPIN: M. le Président, le député de Sainte-Marie va convenir avec moi que, si on enlevait le mot "corporation" — à moins que mes informations ne soient de source douteuse, mais je crois que c'est sûr, mes conseillers me l'ont affirmé — la coopérative Montérégienne ne pourrait plus se procurer de permis de fabrication de cidre, parce qu'au sens de la loi, une coopérative, c'est une corporation.

M. VINCENT: C'est une association de pomiculteurs ou une société de pomiculteurs?

M. TOUPIN: Cela peut être une association, mais on me dit que c'est une corporation.

M. LEVESQUE: Adopté.

M. TOUPIN: Evidemment, cela empêcherait précisément la coopérative ou, du moins, cela créerait un certain imbroglio.

M. LE PRESIDENT (Brown): L'amendement est-il adopté?

M. VINCENT: M. le Président, l'amendement étant rejeté, il y a également, à l'article 5, un paragraphe qui mentionne: "Pourvu que le fabricant s'engage à utiliser, pour la préparation du cidre qu'il fabrique, des pommes récoltées au Québec, dans une proportion d'au moins 90 p. c."

Je n'en fais pas, M. le Président, une question de principe, c'est très louable d'inscrire dans le projet de loi cette proportion d'au moins 90 p. c. D'ailleurs — le ministre a peut-être eu l'occasion de lire les rapports — il aurait été préférable que ceci soit inclus dans les règlements, au lieu d'être inclus dans la loi. Là-dessus, j'aimerais bien que les députés ministériels emploient les mêmes arguments qu'ils ont employés lorsque nous avons défini le mot "pomiculteur", pour enlever cette partie où on marque "dans une proportion d'au moins 90 p. c" Pourquoi?

Je voudrais, encore une fois, dire que le but poursuivi est louable, mais il aurait été préférable, à mon sens, que ceci soit fait par règlement au lieu que par une loi. Pourquoi? Prenons une année comme cette année, où il y a une sous-production de pommes de 17 p. c. comparativement à la production de l'an passé. Supposons qu'une cidrerie soit installée à un endroit donné de la province; le propriétaire, pour pouvoir faire marcher son organisation, serait obligé d'importer 15 p. c. ou 12 p. c. ou 11 p. c. de ses pommes de l'Ontario, de la Colombie-Britannique ou des Etats-Unis. Automatiquement, il irait à l'encontre de la loi et pourrait perdre son permis de fabricant de cidre.

Egalement, une autre chose peut se produire. Vous avez un fabricant de cidre fort qui voudrait se spécialiser dans une catégorie de cidre particulier. Et, dans cette catégorie de cidre particulier, il doit entrer 15 p. c. ou 20 p. c. d'une pomme qui n'est pas produite au Québec à cause du sol, à cause du climat; cette pomme-là, il doit la faire venir d'une autre province ou d'une autre région. Automatiquement, il perd son permis de fabricant de cidre. C'est pour ça que, dans l'ancien texte de loi, nous avions convenu que, par une réglementation efficace, nous pourrions arriver à exiger des pourcentages de pommes cultivées au Québec, dans la fabrication du cidre, mais, par réglementation également, avec des exceptions

pour des cas particuliers ou des exceptions pour des années particulières. Si le gouvernement maintient qu'il est préférable que ce soit dans la loi, je suis convaincu à l'avance que, dès l'an prochain, des problèmes se poseront. Au lieu que le ministre fasse une demande pour proposer un changement à un arrêté en conseil, il sera obligé de venir devant la Législature et soumettre un amendement à une loi.

Egalement, une autre objection — et le ministre va me comprendre — qui venait de prime abord, c'est que, quand nous incluons dans une loi 90 p. c. des pommes provenant du Québec, nous ne sommes pas encore — et j'espère que jamais nous ne le serons — un Etat séparé.

Nous n'avons pas de douanes, nous n'avons pas d'officiers douaniers, comment pouvoir être en mesure de contrôler, d'être certain qu'à un endroit donné, dans une fabrique donnée, 90 p. c. des pommes qui sont utilisées proviennent du Québec? Comment surveiller ces usines, lorsqu'on sait toutes les difficultés qu'on a rencontrées avec la margarine qui provenait de l'Ontario par camions au cours de la nuit? Cela peut être la même chose avec les pommes, et on incite justement des fabricants de cidre de bonne foi, lorsque l'occasion va se présenter, à aller chercher 12 p. c. de leurs pommes en Ontario ou dans les autres provinces, on les oblige à devenir larrons vis-à-vis la loi.

Si le gouvernement actuel maintient qu'il est préférable que ceci demeure dans la loi, je n'ai pas d'objection, mais je tiens tout de suite à informer le ministre et le gouvernement actuel qu'ils auront à faire face à des problèmes, tant au point de vue policier qu'au point de vue de la surveillance. Et s'il arrive des années difficiles, ils seront obligés de faire amender la loi pour ne pas être dans l'obligation, en vertu de la loi, d'enlever des permis de fabrication à un, deux, trois fabricants parce que, dans une année donnée, ils ont été dans l'obligation d'aller chercher 15 p. c. de leur produit à l'extérieur. A ce moment-là, automatiquement la Régie des alcools sera obligée de se prononcer en vertu de la loi c'est 90 p. c, vos registres indiquent que vous en avez employé seulement 85 p. c, vous perdez votre permis. Cela, c'est dangereux.

M. TOUPIN: M. le Président, je pense que les inquiétudes du député de Nicolet sont fondées, et elles nous ont effleuré l'esprit à plusieurs reprises. Néanmoins, avant de placer les 90 p. c, nous avons réfléchi un peu aussi. Par exemple, en vertu de l'article 123 de la Loi de la Régie des alcools, paragraphe a), inspecteurs: "Dans l'exercice de leurs fonctions, les inspecteurs et enquêteurs de la régie peuvent, pendant les heures ordinaires de travail, pénétrer dans les établissements, etc, etc." Et cela, elle le fait en vertu d'un règlement qu'elle peut se donner à l'article 123, paragraphe d): "Obliger les détenteurs de permis de fabricant de cidre fort, de fabricant de cidre léger à tenir des registres, des écritures et fournir à la régie des rapports et renseignements sur leur opération et sur tout ce qui s'y rapporte et se prêter à l'examen de leurs livres et documents, etc."

Alors, on croit qu'en vertu de ça, on peut exercer ce droit de contrôle sans faire appel à ce que vous disiez tantôt, à cette armée de policiers. On va se servir, au fond, de l'équipement régulier de la régie.

Le deuxième point que vous apportez et celui qui nous inquiète aussi le plus, c'est qu'advenant le cas où une récolte de pommes est faible, cela va placer, bien sûr, la régie dans une situation assez difficile parce que les détenteurs de permis voudront bien avoir des pommes pour fabriquer leur cidre. Ils seront portés à aller les acheter à l'extérieur. Vu qu'il n'existera pas de barrière entre les provinces, le détenteur de permis pourra aller acheter des pommes à l'extérieur. Je ne pense pas que la régie soit tenue de lui enlever son permis. Je pense qu'elle peut lui enlever son permis. Je ne pense pas que ce soit automatique. C'est sous peine de perdre son permis. Mais encore là, évidemment, la régie peut comprendre la situation et faire en sorte que le problème se règle de cette manière-là.

M. VINCENT: M. le Président, justement, ce n'est pas la régie qui est placée dans une situation difficile, c'est le fabricant. La loi se lit comme ceci: "Toutefois, le permis de fabricant de cidre fort et le permis de fabricant de cidre léger ne peuvent être délivrés qu'à: a) un pomiculteur; ou b) une personne physique... pourvu que le fabricant s'engage à utiliser, pour la préparation du cidre qu'il fabrique, des pommes récoltées au Québec, dans une proportion d'au moins 90 p. c. ".

Cela peut devenir difficile à un moment donné pas pour la régie, mais pour le fabricant...

M. TOUPIN: Oui.

M. VINCENT: ... qui peut être placé devant une situation désastreuse. A ce moment-là le fabricant écrira au ministre de l'Agriculture, rencontrera le ministre de l'Industrie et du Commerce et lui dira: Voici...

M. LEVESQUE: Le ministre de l'Industrie et du Commerce vient de se renseigner auprès de certaines personnes qui sont très près des fabricants, des pomiculteurs, etc. Elles disent que ce n'est jamais arrivé. Il y a toujours eu 90 p. c. et plus de pommes...

M. VINCENT: Oui.

M. LEVESQUE: ... de disponibles. Donc, je suis moins inquiet.

M. LE PRESIDENT (Brown): L'honorable député de Rouville.

M. OSTIGUY: Je voudrais...

M. VINCENT: Je n'ai pas plus d'objection que ça.

M. OSTIGUY: ... faire remarquer au député de Nicolet, M. le Président, qu'après avoir discuté à maintes reprises avec les fabricants de cidre qui existent déjà dans la province et les pomiculteurs...

M. PAUL: Est-ce que l'honorable député veut dire qu'il y a du cidre qui se fabrique actuellement?

M. OSTIGUY: Bien, je ne sais pas... DES VOIX: Ah! Ah!

M. OSTIGUY: On me dit qu'on est en train de le faire préparer.

M. PAUL: Ah!

M. OSTIGUY: II est en préparation.

M. PAUL: En fermentation.

M. OSTIGUY: En fermentation. On m'a dit que la possibilité d'aller chercher 1 p. c. , 2 p. c. ou 3 p. c. de pommes de l'extérieur est suffisante pour changer le goût et la qualité du cidre. Tantôt le député de Nicolet mentionnait que peut-être on aurait besoin de 11 p. c. , 12 p. c. ou 13 p. c. . D'après les pomiculteurs et ceux qui sont en train de faire des prévisions, des études sur le cidre une proportion de 1 p. c. , 2 p. c. ou 3 p. c. est suffisante.

M. VINCENT: M. le Président, les 90 p. c. , je suis d'accord avec ça. Le seul endroit où, après discussion, nous avions prévu placer ce pourcentage, c'était au lieu de la législation, dans les règlements pour éviter des culs-de-sac au cours d'une année difficile, une année exceptionnelle. Il est plus facile en effet d'amender un règlement que d'amender une législation.

M. LEVESQUE: En général, en général, c'est...

M. VINCENT: C'est simplement pour ça. Si le gouvernement l'accepte dans la loi, je n'ai pas d'objection.

M. LEVESQUE: Adopté.

M. LE PRESIDENT (Brown): Adopté. L'article 4 devenu l'article 5. Adopté.

M. VINCENT: L'article 5 devient l'article 6.

M. LE PRESIDENT (Brown): L'article 5 devenu l'article 6. Adopté.

M. LEVESQUE: C'est ça.

M. VINCENT: En ce qui me concerne, M. le Président, si le député de Sainte-Marie n'a pas d'autre discussion ni le député de Mégantic...

M. DUMONT: Non.

M. VINCENT: M. le Président, en ce qui nous concerne, nous pourrions adopter tout le reste avec les amendements en y insérant une seule question. Nous avions trois questions à discuter. La première, nous l'avons fait avec beaucoup de difficulté. La deuxième était simplement une suggestion. A la troisième, nous avons réservé l'article 2. Les seuls commentaires ou les seules questions que nous voulions poser étaient à l'article 2, nous l'avions réservé tout à l'heure. Je ne sais pas si je me suis mal exprimé mais, en quelque sorte, est-ce l'intention du gouvernement de faire une réglementation à l'effet de permettre la vente du cidre léger et du cidre fort dans des kiosques ou des grands centres d'alimentation? Est-ce que le gouvernement vise cet objectif?

M. TOUPIN: M. le Président, la politique du gouvernement n'est pas encore établie. Si elle l'avait été, nous l'aurions probablement située quelque part. La politique n'est pas établie. Pour le moment, on doit tenir pour acquis que les cidres seront vendus dans les épiceries qui sont détentrices de permis de vente de bière. Le cidre léger ira en plus dans les tavernes. Partons avec cela.

Quant au reste, aux kiosques et aux autres questions que vous m'avez posées tantôt, nous pourrons peut-être y répondre un peu plus tard, au moment où nous préparerons les règlements. Je pense que votre question sera pertinente à ce moment-là, et il nous fera plaisir d'y répondre.

Je voudrais simplement ajouter, si vous me le permettez, qu'un autre amendement a été apporté — cela a été un oubli — à l'article 8. L'article 75 de la loi, c'est simplement un amendement de concordance. Ce n'est rien d'important, ça ne change rien à l'affaire.

M. VINCENT: A l'article 8?

M. TOUPIN: L'article 8 est devenu 9.

M. PAUL: II est devenu 9.

M. TOUPIN: Oui. On dit: "L'article 75 de ladite loi, modifié par l'article 28 du chapitre 19 des lois de 1965 (Ire session), par l'article 6 du chapitre 21 des lois de 1966/1967 et par l'article 4 du chapitre 22 des lois de 1968, est de nouveau modifié, en insérant dans la troisième ligne du paragraphe n), après le mot "fort",

les mots "d'un permis de vendeur de cidre". C'est simplement un amendement de concordance: "En retranchant dans la huitième ligne du paragraphe p) le mot "léger". C'est pour laisser le sens large du mot "cidre" pour qu'on puisse, évidemment...

On peut lire l'article, la partie p) de l'article 75 de la loi, la section p) des heures de vente: "Pour l'exploitation d'un permis d'épicerie, les jours non fériés, de huit heures du matin à onze heures du soir. Cependant, ceux qui exploitent un permis d'épicerie dans une municipalité où un règlement de fermeture des magasins est en vigueur ne peuvent, en vertu de ce permis, vendre de la bière et du cidre léger". On enlève le mot "léger" parce que et le cidre fort et le cidre léger sont permis dans la vente au niveau des épiceries. Cela va?

M. VINCENT: Avant d'adopter l'article 2, je regrette très sincèrement que le ministre actuel de l'Agriculture, après avoir eu le temps, comme il nous l'a dit, de préparer ce projet de loi, de l'étudier et de l'analyser, ne soit pas en mesure aujourd'hui de nous dire quelles sont les intentions du gouvernement en ce qui concerne les kiosques et les grands centres d'alimentation.

Le député de Rouville, qui a certainement passé beaucoup de temps sur cet important projet de loi, va accepter ou même applaudir aux propos que je vais tenir. Les intentions du gouvernement précédent ou de celui qui vous parle, alors qu'il était ministre de l'Agriculture et de la Colonisation, étaient justement d'en arriver à faire un règlement pour qu'un permis de vente de cidre soit délivré à un propirétaire de kiosque qui se spécialisait dans la vente de produits et de sous-produits de la pomme, comme ça se fait sur la route de Rougement. On en voit plusieurs sur cette route, qui, à l'heure actuelle, vendent du cidre alcoolisé. Ces gens-là, demain, vont se croire légalement capables de le vendre. Il faudra que ce soit défini le plus tôt possible.

Egalement, je demande au ministre de l'Agriculture, en vue de faire encore plus de promotion au cidre léger et au cidre fort, d'avoir une réglementation qui ferait en sorte que les grands centres d'alimentation, tels que Steinberg, IGA, même s'ils n'obtiennent pas de permis d'épicerie, puissent obtenir un permis de vendeur de cidre léger et de cidre fort. Ainsi, la ménagère qui voudra se procurer du bon cidre, qu'il provienne de la région de Rougemont, de la région de Saint-Joseph-du-Lac ou de l'île d'Orléans, pourra...

M. TOUPIN: Si le député de Nicolet me le permet?

M. VINCENT: Non, je demande juste un instant. ... se procurer le cidre léger ou le cidre fort à son centre d'alimentation ou encore chez l'épicier du coin qui possède un permis d'épicerie de la Régie des alcools. Ce sont mes suggestions. J'aurais aimé que le ministre fût en mesure de nous répondre aujourd'hui, mais nous voyons qu'il n'est pas encore prêt. Malgré tout ce qu'il nous a dit...

M. PAUL: Cela, c'est vrai.

M. VINCENT: ... il n'est pas encore prêt. Dans combien de temps la réglementation sera-t-elle prête? Est-ce que le ministre peut nous dire avec certitude cet après-midi à quelle date le premier permis de fabricant sera délivré?

M. TOUPIN: Le 32 décembre. Je vais répondre aux questions. Il est vrai que les règlements ne sont pas prêts, mais aussitôt le projet de loi...

M. VINCENT: Ils sont préparés, ils sont rédigés, et tout.

M. TOUPIN: C'est un peu comme la loi; elle était rédigée aussi.

M. VINCENT: Je vais vous les envoyer, les règlements.

M. TOUPIN: Si vous voulez, tout de suite après, un comité se met au travail et les règlements seront rédigés. Nous partirons, bien sûr, du travail qui a été fait; nous n'ignorons pas les efforts qui ont été faits avant les nôtres, c'est bien sûr. En ce qui a trait au désir que l'on exprime concernant les kiosques, les autres épiceries et les chaînes de magasin qui n'ont pas de permis, dans l'immédiat, il n'en est pas question. Une fois que les règlements seront rédigés, le gouvernement établira sa politique et la fera connaître, mais, pour le moment, il n'en est pas question.

M. VINCENT: A quel moment le ministre prévoit-il que le premier permis de fabrication du cidre sera délivré?

M. LEVESQUE: C'est la régie.

M. TOUPIN: Cette question se poserait mieux à la régie.

M. VINCENT: Puis-je poser une autre question au ministre? Une personne qui recevra un permis de la Régie des alcools pour fabriquer du cidre sera-t-elle dans l'obligation d'obtenir également un permis d'Ottawa? Le ministre a dû s'informer de cela.

M. TOUPIN: Je pense que non. M. VINCENT: Pardon?

M. TOUPIN: Je pense que non, d'après les informations que j'ai prises jusqu'à maintenant.

M. VINCENT: Les fabricants de cidre de la province de Québec devront, comme tout autre distillateur, se munir d'un permis du gouvernement fédéral à un prix très minime, conformément à la Loi d'accise, Statuts refondus, 1952, chapitre 99, articles 158 et suivants.

M. VEZINA: M. le Président.

M. VINCENT: Des approches ont-elles été faites auprès du gouvernement fédéral?

M. VEZINA: Si l'honorable député me le permet, l'opinion qu'il vient de donner peut facilement et très facilement être contestée. C'est une école absolument conservatrice qui émet une telle opinion. A mon avis, le Québec a toute la juridiction requise pour autoriser l'émission de tels permis sans obliger les citoyens du Québec à obtenir un permis du fédéral.

M. VINCENT: M. le Président, le député de Montmorency vient encore une fois de faire une erreur, pas judiciaire, cependant.

M. le Président, simplement pour permettre au ministre d'informer tout de suite ses officiers. Dans tout le dossier du cidre, en vertu d'une opinion émise par le ministère de la Justice, il faut faire en sorte d'informer nos fabricants de cidre de la province, avant d'émettre des permis, qu'ils devront se munir...

M. PINARD: Le député me permet-il une question?

M. VINCENT: ... d'un permis du gouvernement fédéral.

M. PINARD: Le député me permet-il une question?

M. VINCENT: Oui.

M. PINARD: Comment se fait-il que cette information que donne l'ancien ministre de l'Agriculture n'est pas au dossier du ministère de l'Agriculture, qu'il a laissé.

Si cela vient du ministère de la Justice, ça ne doit être un secret pour personne, ni pour les fonctionnaires du ministère de l'Agriculture.

M. VINCENT: Le ministre de la Voirie, par cette intervention, voudrait-il signifier que le ministre actuel de l'Agriculture n'a pas eu l'occasion de montrer le dossier au conseil des ministres? Le dossier est complet au ministère.

M. PINARD: M. le Président, ma question est à l'effet de savoir si le député de Nicolet, ancien ministre de l'Agriculture, qui avait fait préparer un avant-projet de loi pour la légalisation de la vente du cidre et qui, dit-il, avait demandé une opinion du ministère de la Justice pour savoir si le gouvernement du Québec devait d'abord demander un permis fédéral pour la fabrication et la vente et peut-être l'exportation du cidre, aurait dû laisser cet avis juridique au dossier.

M. VINCENT: Et c'est là au ministère de l'Agriculture.

M. PINARD: Est-ce que c'était réellement une opinion qui a été jugée valable ou si elle a été contestée et retirée, à un moment donné.

M. PAUL: M. le Président, je m'inscris en faux. Une question de privilège. Pour l'ancien ministre et surtout pour toutes les compétences et tous les juristes qui forment le cabinet immédiat du ministre de la Justice, je suis sûr que le député de Drummond regrettera les termes qu'il vient d'employer à l'endroit de ses confrères de la docte profession.

M. PINARD: II a été très intéressant d'avoir cette opinion juridique dont parle le député de Nicolet.

M. VINCENT: M. le Président, il serait intéressant d'avoir le document juridique. Pour-rais-je demander au ministre de l'Agriculture de faire parvenir une copie du dossier sur le cidre qu'il a à son ministère, une copie également à la Régie des marchés agricoles du Québec et au contentieux de la Régie des alcools...

M. LEVESQUE: Et aussi à l'ancien ministre.

M. VINCENT: Egalement une copie de tout le dossier au comité parlementaire du parti ministériel, qui était formé de René Bernatchez, Alfred Croisetière, etc. Le député d'Iberville a la copie complète de tout le dossier qu'il discutait au comité ministériel.

M. LEVESQUE: Adopté.

M. DUMONT: M. le Président, je voulais, à cet article 2, concernant l'article 25 de la Régie des alcools, mentionner que, si nous permettions aux supermarchés de vendre le cidre de pomme, le pomiculteur qui est au bord des routes ou celui qui a organisé un kiosque de vente, disparaîtraient par le fait même.

UNE VOIX: Non, non.

M. DUMONT: Parce qu'eux-mêmes s'empareraient complètement du marché. Deuxièmement, il y aurait, à mon sens, un danger très grave à empêcher nos bonnes ménagères d'aller à l'épicerie du coin alors que, grâce à notre bon cidre québécois, au moins nos petites épiceries pourront continuer à vendre du cidre avec un revenu qui leur permettra de survivre.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Prési-

dent, j'aurais une information à demander au ministre. A votre avis, sommes-nous toujours à l'article 2?

M. TOUPIN: Oui, oui.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'était tout simplement une information générale.

M. TOUPIN: Je n'y vois pas d'inconvénient.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'était une information d'ordre général. Il n'y a plus de question à poser.

MR. BROWN (président du comité plénier): Mr. Speaker, I have the honour to report to you that an Act respecting the production and sale of cider was passed with amendment.

Troisième lecture

M. LAVOIE (président): Est-ce que ces résolutions sont acceptées?

Accepté.

Y a-t-il consentement unanime pour la troisième lecture?

M. VINCENT: Oui, M. le Président, mais j'aurais un mot à dire sur la troisième lecture.

Très brièvement, voici, l'Opposition officielle a été heureuse de collaborer, mais il y a une chose, quand même, qu'il faudrait faire remarquer, car nous sommes justement à étudier une loi qui touche le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation.

Il ne faudrait pas que le gouvernement actuel prenne l'habitude d'arriver avec des projets de loi comme ceux-ci à la dernière minute d'une session ou encore le vendredi soir afin d'éviter que le ministre de l'Agriculture s'en aille.

M. LACROIX: A vous entendre parler, c'est vous qui avez préparé ce projet de loi-là?

UNE VOIX: M. Paul a dit que c'était le ministre actuel.

M. VINCENT: Etant à la troisième lecture du projet, je voudrais à nouveau féliciter tous ceux qui ont participé à l'élaboration du projet, et demander plus spécialement au député de Rouville d'apporter à son prédécesseur les salutations de tous les membres de cette Assemblée nationale, et le remercier du travail si efficace qu'il a fait et qui a également été continué par le député actuel.

M. LEDUC: Oui, mais ça aboutit aussi. M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Adopté. M. LEDUC: Cela donne des résultats.

M. PAUL: On ne dit pas un mot, profitez-en, M. le Président. Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, avant de proposer l'ajournement des travaux de la Chambre, je voudrais aviser nos collègues qu'il y aura sanction de cette loi ainsi que d'autres qui ont été adoptées ici depuis hier, je crois. Cette sanction sera peut-être, je l'espère, de nature à aider les pomiculteurs, maintenant que le produit est légalisé grâce au travail des collègues. Nous nous rendrons chez le lieutenant-gouverneur dans quelques instants.

M. le Président, je propose l'ajournement...

M. TOUPIN: Vous me permettez, M. le Président, je voudrais aussi profiter de l'occasion pour remercier ceux qui y ont participé et remercier...

M. VINCENT: Fini, là.

M. TOUPIN: Oui, une minute...

M. LEVESQUE: Du consentement unanime.

M. TOUPIN: ... en dépit des prises de bec,... M. VINCENT: C'est un pas de...

M. TOUPIN: ... on est parvenu à bâtir quelque chose.

C'est ceux qui sont partis qui en ont fait.

M. LEVESQUE: II est entendu que nous reprendrons le projet de loi à la prochaine séance de la commission des Institutions financières.

Je propose que la Chambre ajourne ses travaux à mardi après-midi, trois heures, tenant compte qu'à dix heures du matin nous aurons la commission des bills privés et des bills publics pour terminer le travail déjà commencé.

Merci.

M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne ses travaux à mardi, trois heures.

(Fin de la séance 17 h 21)

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