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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le jeudi 2 décembre 1971 - Vol. 11 N° 98

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

(Quinze heures huit minutes)

M. LAVOIE (président); Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Présentation de pétitions.

Lecture et réception de pétitions.

Présentation de rapports de commissions élues.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de bills privés.

Présentation de bills publics.

M. LEVESQUE: Article f).

Projet de loi no 257 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable leader parlementaire du gouvernement, pour le Solliciteur général, propose la première lecture du projet de loi modifiant la Loi des médecins vétérinaires.

M. LEVESQUE: M. le Président...

UNE VOIX: Il n'est pas ici?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LEVESQUE: Il est ici... il s'agit d'un autre projet de loi qui fait partie de cette série de lois sur les professions. On retrouvera, dans les notes explicatives, à moins qu'on ne veuille que j'en fasse la lecture, tous les détails se rapportant au projet.

M. PAUL: On va connaître les secrets de vos médecins.

M. LEVESQUE: Ce projet a pour principal objet de modifier la Loi des médecins vétérinaires de façon qu'elle concorde avec les dispositions du code des professions. Les vétérinaires du Québec constitueront une corporation désignée à l'avenir sous le nom de Corporation professionnelle des médecins vétérinaires du Québec.

On verra, dans les notes explicatives, toutes les dispositions qui se rapporteront à cette profession.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Il y aura déférence, tout à l'heure.

M. LEVESQUE: Oui, à la fin. Article h).

Projet de loi no 259 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable Solliciteur général propose la première lecture du projet de loi modifiant la Loi des architectes.

DES VOIX: Ah!

M. FOURNIER: Ce projet de loi...

M. DEMERS: Cela a plus de charpente.

M. LE PRESIDENT: Dispensé?

M. FOURNIER: C'est la même chose, c'est pour déférer.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT : Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LEVESQUE: Article k), M. le Président.

Projet de loi no 262 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable Solliciteur général propose la première lecture de la Loi modifiant la loi des ingénieurs forestiers.

UNE VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté?

M, LE SECRETAIRE-ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LEVESQUE: On s'est plaint de l'absence du Solliciteur général, il y a deux instants, et lorsqu'il vient pour parler on ne le laisse pas faire. Qu'est-ce que c'est, ça?

M. DEMERS: Ce n'est pas de l'entendre parler, c'est de le voir.

M. PAUL: Nous voulons l'entendre sur le projet de loi no 86.

UNE VOIX: Nous ne voulons pas qu'il soit mal commenté par les journalistes.

M. LEVESQUE: Article 1).

Projet de loi no 263 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable Solliciteur général propose la première lecture de la Loi modifiant la loi des chimistes professionnels.

M. PAUL: Explications.

M. FOURNIER: Il s'agit de rendre conforme au code des professions, déposé sous le no 250, la Loi des chimistes professionnels.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE-ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LEVESQUE: Article p).

Projet de loi no 269 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la première lecture de la Loi sur la chiropraxie.

M. CASTONGUAY: Ce projet a pour principal objet de constituer la Corporation professionnelle des chiropraticiens du Québec et d'établir des règles concernant l'exercice de la chiropraxie au Québec en tenant compte des dispositions du projet de code des professions.

Je vais passer certaines notes explicatives, mais je pense qu'il serait intéressant de lire celles qui touchent l'exercice de la chiropraxie. A la section IV, on décrit l'exercice de la chiropraxie comme tout acte qui a pour objet de pratiquer des corrections de la colonne vertébrale, des os du bassin ou des autres articulations du corps humain à l'aide des mains seulement. On prévoit en outre...

M. PAUL: On peut toucher.

M. CASTONGUAY: ...que le chiroprati-cien...

UNE VOIX: ...les pieds...

M. CASTONGUAY: Là, ce sont les podia-tres, le bill suivant.

M. DEMERS: Les deux pieds dans la même bottine.

M. CASTONGUAY: On prévoit en outre que le chiropraticien pourra déterminer l'indication du traitement chiropratique au moyen d'un examen clinique ou radiologique, mais qu'il devra détenir un permis de radiologie délivré conformément au code des professions pour faire un examen radiologique. On réserve, par ailleurs, au chiropraticien le droit de poser ces actes. Les autres notes sont de la même nature que celles que nous retrouvons dans les projets de loi que j'ai déposés hier.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LE SECRETAIRE-ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LEVESQUE: Article r), M. le Président.

Projet de loi no 271 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la première lecture du projet de loi intitulé Loi sur la podiatrie.

M. CASTONGUAY: M. le Président, il s'agit du même type de projet. Je pourrais peut-être lire une partie de la section IV, où on décrit l'exercice de la podiatrie comme tout acte qui a pour objet de traiter les affections locales des pieds qui ne sont pas des maladies du système. On prévoit, dans le projet, que le podiatre pourra déterminer l'indication du traitement podiatrique au moyen d'un examen clinique ou radiologique, mais qu'il devra détenir un permis de radiologie délivré conformément au code des professions, pour faire un examen radiologique.

Quant au reste, c'est le même type de notes.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

M. LE SECRETAIRE-ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LEVESQUE: Article t).

Projet de loi no 278 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education propose la première lecture de la Loi du Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, ce projet a pour objet principal de constituer au ministère de l'Education, sous la direction d'un sous-ministre adjoint, un organisme désigné sous le nom de Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports. Il en précise les fonctions à l'égard des domaines de la jeunesse, des sports, des activités de plein air et des loisirs en général.

Ce projet permet au lieutenant-gouverneur en conseil de nommer un conseil consultatif constitué pour donner des avis sur toute question relative à l'élaboration et à l'exécution d'une politique de loisirs. Ce projet attribue au haut-commissariat une compétence particulière

à l'égard des camps de vacances, des auberges de jeunesse, des plages et piscines publiques et des établissements commerciaux de conditionnement ou d'entraînement physique.

Pour les fins de ce projet, le ministre peut confier à une institution d'enseignement et à un organisme ou une association qui oeuvre dans les domaines qui relèvent de la compétence du haut-commissariat le mandat d'assurer la formation d'administrateurs, de moniteurs, d'animateurs ou d'arbitres nécessaires au développement des domaines de la jeunesse, des sports, des activités de plein air ou des loisirs en général.

Le haut-commissariat approuve les programmes de formation, détermine les catégories de certificat qui sont donnés aux personnes qui ont subi avec succès un stage de formation et décerne les certificats.

M. PAUL: M. le Président, une question à l'honorable ministre. Est-ce que j'ai bien compris que c'est la loi abolissant la loi des pouvoirs actuels du Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports?

DES VOIX: Modifiant.

UNE VOIX: Vous n'aimez pas mieux nommer un ministre?

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. PAUL: Bien, il ne m'a pas répondu.

M. LOUBIER: C'est une farce monumentale!

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LE SECRETAIRE-ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a déférence de ce bill?

M. LEVESQUE: M. le Président, je ferai une motion après pour couvrir toutes les lois.

M. LE PRESIDENT: Il n'y a pas de déférence.

M. LEVESQUE: Non.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. LEVESQUE: Exactement. Article u).

Projet de loi no 93 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chauveau propose la première lecture du projet de loi concernant le Bureau d'assainissement des eaux du Québec métropolitain.

M. HARVEY (Chauveau): M. le Président, ce projet de loi a pour objet de maintenir en existence le Bureau d'assainissement des eaux du Québec métropolitain jusqu'au 1er janvier 1975 ou toute autre date antérieure fixée par le gouvernement à la demande de la Communauté urbaine de Québec.

Par suite de certaines dispositions législatives actuellement en vigueur, le Bureau d'assainissement des eaux du Québec métropolitain cesserait d'exister le 31 décembre 1971, c'est-à-dire à la fin de l'année courante.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. CARDINAL: M. le Président, pour bien se comprendre, est-ce que c'est un bill privé ou un bill public? C'est un député qui l'a présenté.

M. LEVESQUE: Vous le savez.

M. CARDINAL: Alors, pourquoi n'est-ce pas un ministre qui l'a présenté?

M. LEVESQUE: C'est un bill public.

M. PAUL: Le rapport nous est fourni par le ministre.

M. LEVESQUE: Un bill de député.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Déférence à la commission parlementaire des professions

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que les projets de loi qui viennent de franchir l'étape de la première lecture, apparaissant aux articles f, h, k, 1, p et r, soient déférés à la commission parlementaire des professions.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

Déclarations ministérielles. Dépôt de documents. Questions des députés.

Questions et réponses Jeux d'hiver du Québec

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Maurice.

M. DEMERS: Ma question, M. le Président, s'adresse au ministre de l'Education. Je voudrais savoir si le ministre de l'Education a décidé de l'endroit où se tiendront les jeux d'hiver, et dans l'affirmative, le montant de $50,000 qui sera versé par le fédéral a-t-il été accepté par la province pour faire des jeux d'hiver à Shawinigan?

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, ce n'est pas le ministre de l'Education qui décide de l'endroit où seront tenus les jeux d'hiver. C'est une corporation autonome. Cela a été répété, ici, en Chambre, à plusieurs reprises. Alors, c'est elle qui doit assumer la responsabilité de choisir. Elle a choisi la ville de Shawinigan.

En ce qui touche la contribution possible du gouvernement fédéral, je pense qu'il y a eu, au cours des derniers jours, effectivement, des tentatives pour résoudre les problèmes qui avaient été soulevés quant à l'aide financière possible. Nous avons exploité les programmes d'ARDA et les programmes de zones spéciales. Je pense qu'au cours des derniers jours, on a tenté, par le biais des nouveaux programmes du gouvernement fédéral, de trouver une somme de $50,000 qui pourrait permettre, semble-t-il, à la ville de Shawinigan de faire face aux responsabilités qu'elles a contractées il y a déjà quelques mois.

Mais je laisse au gouvernement fédéral d'annoncer si, oui ou non, il acceptera.

M. DEMERS: Une question additionnelle, M. le Président. Le ministre pourrait-il me dire par quel ministère du gouvernement fédéral ces sommes seront versées?

M. SAINT-PIERRE: Je pense que cela revient au gouvernement fédéral. Il faut lui poser la question.

M. DEMERS: M. le Président, nous ne pouvons pas les questionner, nous autres. Nous ne sommes pas parents avec eux.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, mais je ne comprends pas. Que dites-vous?

M. DEMERS: Nous avons un peu de difficulté à questionner le gouvernement fédéral. Nous ne sommes pas parents.

M. SAINT-PIERRE: En vertu des règlements de cette Chambre, je ne peux répondre à des questions qui ne relèvent pas de la juridiction provinciale.

M. LOUBIER: Une question additionnelle, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. LOUBIER: M. le Président, pourrais-je demander au ministre de l'Education s'il accepte ce principe d'intrusion sans aucune consultation avec le gouvernement du Québec? On donne des subventions dans les domaines des loisirs et des sports, sans aucune consultation préalable, directement à des organismes ou à des institutions. Le ministre de l'Education accepte-t-il ce principe? Deuxièmement, peut-il nier la nouvelle lancée par M. Chrétien et le ministre Marchand à l'effet que cette somme a bel et bien été accordée?

M. SAINT-PIERRE: A la première question, M. le Président, je pense bien qu'il n'est pas question d'une somme de $50,000 pour une intrusion dans le domaine des sports. La ville de Shawinigan a certaines difficultés sur le plan des immobilisations. C'est le même type de programmes qu'elle n'a pu avoir autrement; si elle peut obtenir des sommes équivalentes pour des programmes qui correspondent aux données du gouvernement fédéral, je ne vois pas pour quelle raison nous pourrions nous y opposer.

Deuxièmement, à savoir si on peut confirmer cela ou non, je ne saurais le dire. Je sais qu'au cours des deux ou trois derniers jours il y a eu des démarches de faites par de hauts fonctionnaires qui ont tenté, en collaboration avec les gens de Shawinigan, de voir les possibilités d'obtenir une aide financière quelconque qui permettrait la réalisation des Jeux du Québec à Shawinigan. Est-ce qu'effectivement la somme a été octroyée? Ce n'est pas sous la responsabilité directe du gouvernement provincial, si ceci est dans le cadre d'un programme qui ne relève pas d'un programme conjoint. Si cela relève d'un programme conjoint, en temps et lieu, dès que la décision sera prise, je pense que le ministre des Affaires municipales ou le responsable des programmes d'initiatives locales pourra annoncer la nouvelle.

M. LOUBIER: Le ministre admet qu'il n'y a eu aucune consultation.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Portneuf.

M. DROLET: Question supplémentaire. Concernant toujours ces mêmes Jeux d'hiver, le maire de Shawinigan a laissé entendre qu'il avait demandé au premier ministre lui-même d'intervenir.

M. LE PRESIDENT: Question.

M. DROLET: Est-ce que le premier ministre a reçu effectivement une lettre du maire de Shawinigan, et est-ce qu'il lui a répondu?

M. BOURASSA: J'ai reçu une lettre, j'en ai discuté avec le ministre de l'Education et une réponse est partie aujourd'hui.

M. CARDINAL: Question additionnelle, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.

M. CARDINAL: Devant la réponse du ministre de l'Education, qui réfère au ministre des Affaires municipales, je comprends qu'il ne s'agit pas d'une intrusion dans le domaine de l'éducation. Par contre, est-ce qu'un des ministres ou le premier ministre peut répondre à la question suivante: Est-ce qu'il s'agit d'une intrusion dans le domaine municipal, qui dépend aussi du provincial?

M. CHARRON: Question additionnelle, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Sur le même sujet, mais au ministre des Affaires municipales. Le ministre était-il au courant que la ville de Shawinigan avait fait une telle demande auprès du ministère de l'Expansion régionale à Ottawa?

M. TESSIER: Aucunement.

M. CHARRON: Aucunement. Vous surveillez bien vos affaires!

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce. A l'ordre, s'il vous plaît!

M. TESSIER: Je ne suis pas le chien de garde des municipalités du Québec.

M. CHARRON: Vous êtes mandaté par l'Assemblée nationale pour vous occuper des affaires municipales et il n'y a aucune raison pour vous d'y échapper.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Beauce.

Exemption de la taxe de vente

M. ROY (Beauce): J'aurais une question à poser à l'honorable ministre des Finances. Est-ce qu'il pourrait nous dire s'il a reçu une demande de l'Association des consommateurs du Canada, section Québec, pour que le gouvernement étudie la possibilité d'accorder une exemption de la taxe de vente sur tous vêtements et chaussures destinés aux enfants de moins de 18 ans? Si oui, quelles sont les intentions du ministère des Finances? Va-t-il accéder à cette demande et, si oui, quand?

M. GARNEAU: Je n'ai pas reçu de telle lettre, à moins qu'elle ne soit entrée aujourd'hui et qu'elle ne m'ait pas encore été remise. Je n'ai pas vu de telle correspondance à ce jour.

M. ROY (Beauce): Pour l'information du ministre, j'ai ici une copie de la lettre qui a été adressée à l'honorable ministre des Finances, en date du 27 octobre 1971.

M. LE PRESIDENT: Question.

M. GARNEAU: Pourquoi me posez-vous la question?

M. ROY (Beauce): Pour savoir justement les intentions du gouvernement et si vous avez l'intention d'y donner suite. Je vais faire parvenir une copie de cette question à l'honorable ministre des Finances qui pourra me répondre à une séance ultérieure.

M. GARNEAU: Quand j'aurai pris connaissance de la lettre et de certains détails, je pourrai voir de quoi il s'agit. Pour le moment, je n'ai pas pris connaissance de cette lettre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Bourget.

Vente de la Prévoyance

M. LAURIN: Ma question s'adresse au premier ministre. A-t-il obtenu l'assurance que La Prévoyance ne serait pas vendue à des intérêts américains, avant que le gouvernement ne soit prêt à intervenir et à prendre une décision dans le meilleur intérêt du Québec?

Deuxième question, est-ce que le premier ministre a étudié la possibilité soit d'une mutua-lisation, soit d'une réglementation en vertu de la loi, amendée, des valeurs mobilières afin de garder au Québec cette compagnie?

M. BOURASSA: M. le Président, à la première question, on doit dire que l'offre n'a pas encore été reçue, selon toutes les informations qui nous sont fournies. Aucune offre n'a été reçue à ce jour, même s'il peut y avoir eu des discussions ou des négociations. Mais la compagnie La Prévoyance n'a pas encore reçu d'offre formelle de la compagnie.

Quant à la deuxième question, tout ce que je peux dire est que le cabinet, hier, a examiné différentes hypothèses y compris les précédents qui ont pu survenir dans le passé, dans des cas particuliers, et nous sommes à examiner actuellement les implications pratiques de toutes ces hypothèses.

M. LAURIN: Une question additionnelle, M. le Président. Si l'offre n'a pas encore été reçue, est-ce que le premier ministre entend obtenir l'assurance que cette compagnie ne sera pas vendue avant que le gouvernement soit prêt à intervenir?

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai dit hier qu'il n'était pas dans l'intérêt public — les actions se transigent aujourd'hui — que toutes les déclarations que je peux faire sur cette question peuvent affecter le cours normal des

transactions. Je pense que j'ai répondu tantôt que le gouvernement a examiné toutes les hypothèses et les implications pratiques et que le gouvernement possède tout un éventail de moyens d'intervention.

M. PAUL: Une question additionnelle, M. le Président. Quand le gouvernement va-t-il choisir le meilleur moyen pour résoudre le problème?

M. BOURASSA: Au meilleur temps possible.

M. LOUBIER: M. le Président, une question additionnelle au premier ministre. Est-ce que le premier ministre pourrait nous faire connaître, dans un avenir rapproché, quelle est la politique économique du gouvernement, quelle est sa planification pour les années à venir, pour qu'on puisse éviter que chaque cas particulier devienne l'occasion d'éteindre des feux quand le feu est pris et justement à cause de l'absence de politique économique du gouvernement. Alors quand le premier ministre dira-t-il...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LOUBIER: ...aux Québécois quelle est sa véritable politique économique à court terme et à long terme?

M. BOURASSA: M. le Président, on sait que le chef de l'Opposition s'est fixé comme objectif de créer 60,000 nouveaux emplois par année, ça c'est l'objectif d'Unité-Québec.

M. LOUBIER: Je m'excuse, M. le Président, j'ai tout simplement dit que pour créer 62,000 nouveaux emplois par année, ça exigeait un investissement annuel de $5,700 millions, peu importe le gouvernement en place et peu importe le premier ministre. C'est dans ce sens-là que je l'ai dit, mais l'objectif que je voudrais atteindre, c'est d'éviter qu'il y ait 250,000 chômeurs au Québec.

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai toutes les citations, mais évidemment, c'est une période de questions, ce n'est pas un débat. Je pourrais citer abondamment le chef de l'Opposition qui disait qu'au cours des cinq prochaines années, on doit créer, par année, 62,000 nouveaux emplois.

Or, on est sur le point pour 1971 —c'est tout proche — de créer ou d'atteindre cet objectif. J'ai eu l'occasion d'énoncer la politique du gouvernement — je ne pense pas que ce soit le moment ici — que ce soit à moyen terme ou à long terme, notamment pour ce qui a trait au renforcement de la structure industrielle dans le secteur manufacturier et des nécessités de tenir compte du court terme. Quand on a un taux de chômage comme celui que nous avons actuellement, il est clair que les politiques gouvernementales doivent viser à l'abaisser à un niveau tolérable.

Je crois que j'ai eu l'occasion de le faire à de multiples reprises et je ne vois pas en quoi cela ferait avancer le débat d'énumérer tous les actes législatifs et administratifs qu'a posés le gouvernement sur le plan économique.

M. LOUBIER: Dans des secteurs extrêmement importants de notre économie, par exemple, dans les secteurs des pâtes et papier, du textile, etc., quelle est la politique, les structures que veut mettre en place...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! Je ne peux pas permettre cette question parce qu'il ne s'agit pas, en somme, d'une question additionnelle à la question principale portant sur le cas de la Prévoyance.

M. LOUBIER: Au sens large.

M. LE PRESIDENT: Cela donne une latitude, comme le dit d'ailleurs le chef de l'Opposition, un peu plus large même que la Chambre.

L'honorable député de Gaspé-Nord.

Disparition du comté de Gaspé-Nord?

M. GAGNON: Une question au premier ministre, M. le Président. Suite aux informations des media d'information de la fin de semaine, le premier ministre pourrait-il nous dire s'il est exact que le comté de Gaspé-Nord serait appelé à disparaître très prochainement du district électoral...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! Je me demande si je dois justement admettre cette question alors qu'une commission d'étude, qui a un mandat de la Chambre en vertu d'une loi, étudie actuellement cette nouvelle distribution de la carte électorale.

M. GAGNON: Je vais formuler de nouveau ma question, M. le Président. Je voulais d'ailleurs en venir là. Avant qu'il y ait redistribution de la carte électorale, est-ce que le premier ministre pourrait nous dire si c'est une nouvelle fondée que le comté de Gaspé-Nord serait appelé à disparaître, de même que d'autres comtés de la Gaspésie?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BOURASSA: M. le Président, je ne suis pas censé le faire, mais je vais répondre à cette question suicide. Le député devrait savoir qu'il y a une commission, la commission de la réforme électorale, qui siège actuellement. Je ne puis rien lui dire, parce que je ne crois pas que ce soit dans l'ordre des choses que les hommes politiques soient informés des moindres détails des travaux de cette commission. Cette commission travaille d'une façon complètement objective, sans interférence des hommes politiques impliqués.

Lorsqu'elle aura terminé son travail, elle le soumettra à l'Assemblée nationale.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Portneuf.

Remboursement d'impôt

M. DROLET: M. le Président, j'aurais une question à poser à l'honorable ministre du Revenu. Le ministre peut-il nous assurer que les citoyens du Québec recevront leur remboursement d'impôt avant la période des Fêtes? Il semblerait que la plupart ont reçu celui du fédéral mais attendent celui du Québec.

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, pour répondre au député de Portneuf, tous les citoyens du Québec qui avaient dûment et convenablement rempli leur rapport d'impôt et qui avaient droit à un remboursement l'ont reçu depuis déjà plusieurs mois.

DES VOIX: Ah!

M. HARVEY (Jonquière): Un instant! Sur 2,243,818 rapports soumis au ministère, il y en a encore 14,397 qu'on appelle communément des "snags", c'est-à-dire des rapports qui nécessitent de la correspondance entre celui qui l'a fait et le ministère.

Dès que le contribuable répond aux informations demandées par le fonctionnaire concerné, le chèque est fait de façon manuelle pour accélérer le remboursement. Si le député de Portneuf a un cas précis à soumettre, qu'il fasse comme la majorité des membres de cette Chambre, qu'il soumette son cas, soit au sous-ministre du Revenu ou à moi-même et, dans les jours qui suivront, ce contribuable verra que son député a bien fait son travail.

M. DROLET: C'est ce que disent les contribuables, que leur député fait toujours bien son travail.

M. LE PRESIDENT: Question supplémentaire?

M. ROY (Beauce): Question supplémentaire au ministre du Revenu également. Le ministre est-il au courant qu'il y a justement des cas qui ne nécessitent pas de correspondance et que ces cas se trouvent par centaines et même par milliers?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. ROY (Beauce): Je demande au ministre s'il est au courant.

M. LE PRESIDENT: Ce sont des affirmations qui ne sont pas permises. Je demanderais à l'honorable député de poser sa question.

M. ROY (Beauce): M. le Président, le ministre pourrait-il nous dire si, pour tous les cas qui ne nécessitent pas de correspondance il donnera des instructions aux officiers de son ministère pour qu'ils postent les chèques au cours des prochains jours?

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, pour répondre au député de Beauce, il se peut que des contribuables, dans des cas d'exception, n'aient pas reçu un remboursement. Ceci peut être dû à la perte du rapport dans le courrier. Tout le monde sait que, depuis l'opération des gars de Lapalme, certaines boites à lettres dans le secteur de Montréal et d'autres en province ont été saccagées. Dans d'autres cas, le courrier a été endommagé. Certains contribuables, quelques centaines, ont dû nous envoyer des photocopies de leur rapport et de leur TP-4 pour nous permettre de leur expédier leur remboursement.

Si le député de Beauce a des cas précis de gens qui auraient transmis leur formulaire d'impôt et qui n'auraient pas reçu leur remboursement, il n'a qu'à soumettre les cas et, comme aux autres qui les soumettent au ministère, nous verrons à faire ces remboursements le plus rapidement possible — le député de Beauce devrait le savoir; c'est lui qui était le critique officiel de son parti lors de l'adoption des lois du revenu — nous sommes dans l'obligation de payer 6 p.c. d'intérêt depuis la date de l'adoption de la loi, ceci a modifié nos obligations envers ce contribuable à qui nous négligerions de donner son remboursement.

M. ROY (Beauce): Je voudrais poser une question supplémentaire au ministre. Le ministre du Revenu ne pourrait-il pas émettre un communiqué de presse pour informer la population de ce qu'il vient de nous dire en Chambre de façon que les gens ne soient pas dans l'obligation de communiquer avec leur député, ce qui nous oblige à faire de la correspondance additionnelle?

M. HARVEY (Chauveau): Les journalistes sont là; ils vont le couvrir.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

Subventions aux CEGEP

M. CHARRON: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Education. Le ministre a-t-il l'intention de répondre favorablement aux étudiants membres de conseils d'administration de CEGEP, qui ont demandé une subvention ou une aide quelconque du ministère pour être capables de se réunir, de se rencontrer, de prendre des décisions ensemble, comme il est permis de le faire aux directeurs-généraux de CEGEP, aux directeurs de services pédagogiques, etc.?

M. SAINT-PIERRE: Le ministre de l'Education a déjà donné, il y a quelques jours, à cette requête qui nous avait été formulée, une réponse favorable, de telle sorte qu'au cours des prochaines semaines, tout au plus, à la mi-janvier, il devrait y avoir une réunion de tous les représentants étudiants qui siègent aux conseils d'administration de CEGEP pour leur permettre un échange d'information, ici même à Québec.

M. CHARRON: Merci.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Est-ce une question? Rapport de la commission de l'agriculture

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Non, en vertu de l'article 114, je voudrais poser une question au leader parlementaire. Pourrait-il nous dire quand il a l'intention d'étudier en cette Chambre l'article 15 du feuilleton? Il s'agit du deuxième rapport de la commission parlementaire de l'Agriculture et de la Colonisation.

M. LEVESQUE: Est-ce que vous avez terminé?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui.

M. LEVESQUE: M. le Président, je crois bien que cette question aurait pu venir en son temps, lors de l'appel des affaires du jour, en vertu de l'article 114, mais il me fait plaisir, cependant...

M. LE PRESIDENT: C'est ça. Ce sont les affaires du jour.

M. LEVESQUE: Ah! vous êtes rendu là? M. LE PRESIDENT: Oui.

M. LEVESQUE: Alors, la période des questions est terminée?

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. LEVESQUE: Alors, je m'excuse auprès du député et je tiens à le rassurer. Dès que le calendrier nous le permettra, nous arriverons à cet article.

UNE VOIX: C'est précis. M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.

Ordre des travaux de la Chambre

M. LEVESQUE: M. le Président, je veux, afin que tous les députés de cette Chambre soient bien au courant de l'ordre des travaux de la Chambre, faire motion pour que demain, vendredi, la Chambre siège de 10 h 30 de la matinée à 1 h 30 de l'après-midi sans interruption, et que nous ajournions à 1 h 30 demain après-midi. Il est probable que ce sera jusqu'à lundi, 15 heures.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion pour l'horaire des travaux de demain est adoptée?

M. BURNS: M. le Président, nous n'avons pas d'objection de principe à ce que le leader du gouvernement vient de proposer, sauf que je pense qu'il serait très utile que, dès la fin de la séance d'aujourd'hui, nous sachions exactement quel ordre les travaux vont suivre. Etant donné que la fin de la session se rapproche davantage et qu'il n'y a pas ce jour du lundi comme intermission, je pense qu'il est essentiel pour les députés de l'Opposition de savoir exactement quel ordre les travaux suivront.

M. LEVESQUE: Nous entreprendrons dans quelques minutes l'étude du projet de loi no 28. S'il était adopté cet après-midi, nous pourrions entreprendre l'étude du projet de loi au nom du ministre des Richesses naturelles, et peut-être le projet de loi au nom du Solliciteur général pour terminer le projet de loi sur les Corporations religieuses.

Mais, comme il est possible que nous n'ayons pas à procéder ainsi sujourd'hui, nous attendrons donc la fin de la journée pour annoncer les travaux de demain. Demain, nous annoncerons — enfin nous tenterons d'annoncer, plutôt — l'ordre des travaux de la semaine prochaine. Nous remettrons à chacun des leaders, comme nous le faisons chaque semaine, une idée approximative de ce que nous entendons faire la semaine prochaine.

M. DUMONT: M. le Président, nous aurions tout de même préféré continuer les travaux un peu plus tard vendredi pour nous permettre, lundi, de demeurer dans nos comtés afin de nous occuper de nos électeurs, et ne siéger qu'à deux heures, mardi. Nous espérons qu'il y aura une possibilité d'entente pour quelques heures de plus vendredi, et ne revenir que mardi à deux heures.

M. LEVESQUE: M. le Président, je sais que les électeurs de l'honorable député de Mégantic voudront bien le voir pour lui souhaiter la bonne année...

M. DUMONT: Les gens de toute la province. Toute la province.

M. LEVESQUE: Si on veut que le député de Mégantic soit dans son comté pour les voeux de bonne année, il est important de siéger le lundi et même le vendredi plus longuement, si l'on veut arriver à Noël...

M. DUMONT: On aurait dû siéger un certain mardi au lieu de voter.

M. LEVESQUE: ... et faire les travaux qui s'imposent. Je comprends très bien les remarques de l'honorable député et rien ne ferait plus plaisir à chacun d'entre nous de pouvoir faire du bureau dans notre comté ou encore aux membres du cabinet, qui doivent souvent contremander des rendez-vous extrêmement importants.

Mais que voulez-vous? Nous sommes présentement au début de décembre et il ne reste que quelques "shopping days before Christmas"!

M. DUMONT: ...mardi.

M.PAUL: M. le Président, est-ce que le leader du gouvernement serait en mesure de nous donner la liste des travaux parlementaires, par ordre de priorité, d'ici à la prorogation?

M. LEVESQUE: J'ai l'intention, M. le Président, de convoquer les leaders parlementaires des partis d'Opposition la semaine prochaine afin de faire une revue de la situation. Je n'ai aucun doute qu'ils m'accorderont leur plus grande coopération.

M. PAUL: En autant, M. le Président, que ce seront des lois importantes et non pas insignifiantes comme le bill 90.

UNE VOIX: Il faut bien marcher avec l'Opposition.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Est-ce que cette motion, concernant les heures de séance de demain, est adoptée?

M. DUMONT: Adopté.

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, au salon rouge, la commission des Affaires sociales siégera à partir de seize heures, ou même immédiatement si possible.

Article 9).

M.CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, selon l'ordre des travaux de la Chambre, le leader parlementaire vient de dire que la commission parlementaire des Affaires sociales siège au salon rouge. Nous avons reçu un avis nous disant que c'était à la salle 81-A. Quel avis devons-nous prendre?

M. LEVESQUE: Des changements d'ordre technique m'ont peut-être échappé mais, si nous nous référons à l'appendice du feuilleton, nous voyons que le jeudi 2 décembre, à quatre heures, cela se passe au salon rouge.

M. CLOUTIER (Montmagny): Nous allons y aller et nous verrons.

M. LEVESQUE: On me confirme que c'est au salon rouge. Alors, il y a peut-être eu une erreur de dactylographie.

Projet de loi no 28 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education propose... Est-ce bien l'article 9?

M. LEVESQUE: Oui, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: ...la deuxième lecture du projet de loi no 28, Loi concernant la restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal.

M. Guy Saint-Pierre

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, le lieutenant gouverneur a pris connaissance du projet de loi et en recommande l'approbation à cette Chambre.

Le 6 juillet dernier, je présentais devant cette Assemblée...

M. CHARRON: Vous le saluerez pour moi!

M. SAINT-PIERRE: ...en première lecture, le projet de loi no 28 établissant de nouvelles structures scolaires sur l'île de Montréal. Depuis, en plus de 50 heures de commission parlementaire, les points de vue d'une soixantaine d'organismes ont été exprimés quant à la teneur de ce projet de loi et ont été analysés par le gouvernement en vue d'apporter des améliorations à ce texte de première lecture.

Qu'il me soit permis aujourd'hui, en cette Chambre, au moment d'aborder la seconde lecture du projet, de tenter de décrire les objectifs qu'il poursuit, la nature des interrogations qu'il suscite et les moyens que le gouvernement entend prendre pour réaliser les objectifs décrits.

Je crois personnellement que nous avons répondu à beaucoup de ces interrogations, mais je voudrais tenter ici de donner à tous les députés de cette Chambre un tour d'horizon des points de vue émis par le gouvernement pour la défense de certains aspects de ce projet.

Ces points de vue ne constituent nullement une plaidoirie mais la trame logique qui sous-tend l'action du gouvernement dans le processus de modification des structures scolaires de l'île de Montréal.

Il y a plusieurs années, je le rappelle, que des commissions d'enquête diverses soulignent la nécessité d'une révision complète et systématique du système administratif de Montréal au plan scolaire. La première fois qu'il a été

question sérieusement d'une telle réforme, nous nous trouvions au coeur de la "révolution tranquille", en 1964, alors que le volume IV du rapport de la commission d'enquête sur l'enseignement, communément appelé le rapport Parent, donnait et proposait les lignes d'une réforme administrative sur l'île de Montréal.

Je cite ce volume IV de la commission Parent : "Nous croyons que pour insuffler un nouveau dynamisme au système d'éducation, les services pédagogiques et administratifs doivent être partout égaux et semblables autant que possible. Nous souhaitons que toutes les écoles et toutes les administrations puissent bénéficier de leur expérience réciproque, et nous croyons que cette collaboration, cet enrichissement mutuel, cet échange d'idées et de services, cette communication peuvent être possibles dans de nouvelles structures identiques à l'échelle de la province".

La commission Parent recommandait, bien sûr, l'instauration d'un conseil scolaire de même que sept commissions scolaires unifiées ou uniques au niveau de l'ensemble de l'île de Montréal.

Quelque temps après, le gouvernement précédent créait la commission Pagé, chargée elle aussi de regarder en plus grand détail ce problème de restructuration scolaire sur l'île de Montréal. Le rapport Pagé venait confirmer en plusieurs points les suggestions émises par le rapport Parent et, dans un rapport minoritaire, on voyait déjà percer la complexité du problème que pouvait soulever la restructuration scolaire sur l'île de Montréal.

Pourtant, nous retrouvions dans les recommandations, chapitre V du rapport Pagé: "C'est à la lumière de principes et d'objectifs mentionnés plus tôt que nous avons conçu la réforme des structures scolaires de l'île de Montréal. Nous avons pu constater que le système actuel n'est pas satisfaisant puisqu'il n'offre pas à tous, jeunes ou adultes, les mêmes possibilités d'épanouissement et de culture. D'autre part, il faut offrir aux parents les moyens d'exercer leur liberté efficacement. Ces objectifs essentiels pourront être atteints, d'une part, grâce à la centralisation de certaines ressources et, d'autre part, au moyen de la décentralisation pédagogique obtenue grâce à la participation active et réelle des parents au niveau de l'école".

Ce qui était recommandé comme une mesure urgente dans le rapport Parent serait-il possible et réalisable en 1972, 1973 et 1975? M. le Président, le gouvernement considère fermement que le problème de la restructuration scolaire à Montréal est un problème urgent, qui ne demande pas d'études supplémentaires. Nous avons suffisamment étudié le fond du problème pour maintenant assumer nos responsabilités, passer de l'étape recherche à l'étape action, à l'étape de poser des gestes précis. C'est le sens du projet de loi no 28, avec les objectifs qu'il sous-entend.

Car, M. le Président, je pense que dans l'analyse des mémoires sur le projet de loi no 28, il y a au moins un point où l'on retrouve une véritable unanimité parmi tous les groupes qui sont venus devant la commission parlementaire, que ces groupes représentent des milieux anglophones, des milieux francophones, des milieux catholiques ou des milieux protestants, des milieux neutres, des milieux syndicaux, des milieux de parents. C'est cette Unanimité derrière ce thème que le problème est réel, que le gouvernement doit faire quelque chose et qu'en particulier le statu quo que nous avons est inadmissible.

Car quel est exactement ce statu quo? Ce statu quo, M. le Président, c'est un déséquilibre énorme entre, d'une part, une commission scolaire très grande, qui est la plus grande commission scolaire d'Amérique du Nord, la Commission des écoles catholiques de Montréal et, d'autre part, du côté catholique, une foule d'autres petites commissions scolaires, les unes ayant certaines difficultés à donner, en 1971, un leadership digne de nos structures scolaires décentralisées sur le plan pédagogique et sur le plan de l'administration.

Ce statu quo, M. le Président, c'est également l'injustice par le fait qu'il y a absence de péréquation au niveau de l'ensemble de l'île de Montréal, que certaines commissions scolaires peuvent se permettre d'offrir plus à des élèves que d'autres qui proviennent d'un milieu moins fortuné. Ce statu quo, M. le Président, c'est l'absence de démocratisation, de démocratie réelle que nous retrouvons au niveau de nos commissions scolaires de l'île de Montréal, en particulier compte tenu du fait qu'à la CECM des commissaires sont nommés soit par le gouvernement, soit par l'archevêque.

Ce statu quo, c'est l'absence d'un respect pour le pluralisme religieux à une époque où, à l'intérieur de notre population, nous sentons un désir peut-être pas majoritaire, mais réel d'avoir des écoles qui ne sont pas nécessairement confessionnelles, tout en respectant, bien entendu, le désir de ceux que je considère personnellement comme encore une majorité, qui veulent une école confessionnelle, tant sur le plan catholique que religieux.

Le statu quo, c'est aussi cette difficulté de planification qui fait que, face à des mouvements de population, nous nous retrouvons dans des situations absurdes où certaines commissions scolaires ont des surplus de places-élèves, alors que d'autres doivent entasser des élèves devant l'absence de constructions.

Pour toutes ces raisons et bien d'autres, le problème est réel et le statu quo inadmissible. Le gouvernement, dans le projet de loi no 28, donne les principes qui ont guidé son action pour effectuer une réforme nécessaire.

Les contraintes étaient cependant vastes pour le gouvernement actuel et, je crois que tous les partis d'Opposition en conviendront, elles le demeurent. Nous avons accepté de mettre en oeuvre rapidement les principes

énoncés il y a longtemps et discutés abondamment avant et après le projet de loi no 28. Nous nous sommes inspirés des critiques qui avaient pu être formulées sur le projet de loi no 62, déposé par le précédent gouvernement. Nous avons tenté dans la mesure du possible, humainement et tenant compte également des points de vue exprimés lors des séances de la commission parlementaire sur le projet de loi no 28, d'apporter à ce projet de loi plusieurs amendements dont le gouvernement a fait état hier et qui tentent de parfaire le projet de loi, d'en faire un instrument susceptible d'apporter à l'ensemble de l'île de Montréal de nouvelles structures administratives qui favorisent, d'une part, la démocratie réelle au niveau de l'île de Montréal et, d'autre part, un équilibre entre les collectivités. Finalement, il y a des objectifs de péréquation complète pour assurer à tous, peu importent leur religion, leur race et leur langue, des services de même qualité permettant même dans certaines régions d'avoir une véritable politique de rattrapage.

Nous avons accepté de mettre en oeuvre rapidement les principes énoncés il y a longtemps et c'est le sens du projet de loi no 28. Nous nous trouvons en face d'un problème véritable et crucial auquel une solution immédiate s'impose.

Tous s'entendent pour reconnaître des défauts majeurs au système scolaire actuel de l'île de Montréal. Nous nous apprêtons à légiférer pour corriger les principaux de ces défauts.

A la recherche d'une solution équitable, nous ne devons ni brimer des minorités au nom d'une attitude raciste et aveugle, ni mettre la majorité dans une situation de sujétion et de faiblesse à un moment où elle a le droit et le devoir urgent d'exprimer ses dynamismes propres comme jamais auparavant elle ne l'a fait.

Ce sont là les possibilités que chacun des groupes a tenté de faire ressortir et dont, je crois, nous avons une image claire.

Tout au long de ce débat, j'ai porté beaucoup d'attention aux anglophones de Montréal. Je leur ai répété et expliqué les garanties majeures que leur offre la loi actuelle. Nous avons procédé avec prudence envers le groupe anglophone, non par crainte, mais parce que nous étions conscients que les anglophones de Montréal étaient effectivement le groupe dont les craintes étaient les plus justifiées face à un système qui met fin à certains privilèges enracinés pendant plus d'un siècle.

Mais, les droits essentiels étant saufs, nous sommes convaincus que les anglophones de Montréal pourraient profiter de l'occasion pour modifier leur comportement et leur rôle au Québec, comme beaucoup d'entre eux ont déjà entrepris de le faire, d'autres ayant, de tout temps, agi conformément au bien-être de l'ensemble des Québécois.

Quant aux francophones, s'ils n'acquièrent pas de nouveaux droits ou privilèges linguistiques, ils trouveront avantage à la démocra- tisation des structures scolaires que propose le projet de loi no 28. J'en demeure convaincu après tout ce que j'ai entendu.

Nous n'entendons pas, je le répète, intégrer au projet de loi no 28 des dispositions linguistiques qui, à mon avis, seraient partielles. Je crois en toute bonne foi qu'on ne peut facilement prouver que ce projet aura une influence déterminante sur la question linguistique dans l'île de Montréal.

D'ailleurs, comme nous l'avons mentionné à la commission parlementaire, il me paraît à la fois juste et cohérent que nous terminions une étape de recherche avant d'analyser les solutions qui pourraient s'offrir au gouvernement pour aborder l'ensemble de la question linguistique et offrir des solutions globales à ce problème. Or, cette étape de recherche, c'est justement cette commission Gendron, créée par le gouvernement précédent, où, pour la première fois, nous avons investi plusieurs millions de dollars pour nous pencher sur le problème de la langue, qui la fera.

Il me parait incohérent et illogique de tenter d'offrir des éléments de solution, qui, dans le système scolaire, demeureraient forcément partiels et fragmentaires, avant même que nous ayons pu bénéficier de cette étape de recherche et des recommandations d'une commission qui s'est penchée sur le problème de la langue.

Si le gouvernement veut légiférer sur la langue, il le fera globalement et en dehors du projet de loi no 28.

D'ailleurs, compte tenu des amendements mentionnés hier dans lesquels nous voyons que les nouvelles commissions scolaires pourraient voir jour uniquement en 1975, on se rend bien compte que le gouvernement a amplement de temps d'apporter sur l'ensemble de la question linguistique les modifications qu'il pourrait juger à propos et qui pourraient influencer le comportement des nouvelles commissions scolaires.

Je crois que ce serait faire fi de tout le système démocratique que de supposer avant la lettre que les mécanismes du projet de loi no 28 donneront des résultats désastreux.

Ce projet prévoit remplir trois objectifs majeurs: 1) Il se veut avant tout une rationalisation administrative. Dans ce sens, il tend à créer à Montréal des structures équilibrées, non trop grandes, car l'expérience nous apprend que la surcentralisation donne des résultats aussi piètres que le morcellement, ni trop petites, car la disparité flagrante en certains organismes scolaires confère à certaines commissions scolaires, notamment, un rôle ingrat et parfois dangereux pour la qualité des services offerts à la population étudiante.

En 1975, selon les prévisions démographiques, chaque commission scolaire actuellement définie par le projet de loi no 28 comptera environ 30,000 élèves. Nous avons actuellement, à l'échelle provinciale, plusieurs commissions scolaires de 2,000 élèves. Il suffit de se

rappeler les débats qui ont entouré l'adoption du projet de loi no 27 pour se rappeler que ce chiffre de 2,000 élèves semblait, à plusieurs coins de la province, une norme qui était beaucoup trop grande et qu'on aurait préféré, dans certains milieux, conserver les commissions scolaires beaucoup trop petites.

On comprend mal lorsque nous avons un chiffre moyen de 30,000 élèves, ce qui est déjà quinze fois plus grand, que des gens nous reprochent d'avoir trop de commissions scolaires ou d'avoir des commissions scolaires trop petites. Pourtant, avec les amendements apportés hier, nous allons confier au conseil provisoire le soin de se pencher sur le problème de la carte scolaire tout en maintenant deux contraintes, c'est-à-dire ne pas avoir moins de sept commissions scolaires et ne pas en avoir plus de onze. Ces normes, ces critères nous paraissent permettre une grande flexibilité au conseil scolaire de revoir avec la population le problème de la carte, le problème de l'agencement des différentes collectivités et soumettre au gouvernement un plan qui pourrait être supérieur à celui que nous avons dans le projet de loi no 28.

Et cette période de six mois, je pense, ne sera pas un temps perdu. Elle permettra à plusieurs groupes de faire valoir des plans intéressants sur le plan du regroupement des minorités, sur le plan de regroupement des lignes de conduite.

M. CHARRON: Est-ce que le ministre me permettrait une petite question sur ce qu'il vient de dire? Est-ce que les recommandations du conseil provisoire — c'est ce que j'ai mal entendu peut-être dans les amendements annoncés hier — qui devraient être faites avant le 15 novembre 1972, je pense, seraient décidées par la suite par arrêté ministériel tout simplement ou si, par une façon ou une autre, tous les députés de la Chambre seraient impliqués? Cette décision-là peut avoir un effet assez important sur l'unification des commissions scolaires.

M. SAINT-PIERRE: L'intention était qu'avant le 15 novembre, le conseil provisoire soumette au gouvernement un plan d'intégration avec une nouvelle carte scolaire. Compte tenu de l'aspect fort technique de ceci, c'est notre intention que ce soit simplement une ratification de la proposition du conseil scolaire, une approbation qui serait donnée par le lieutenant-gouverneur en conseil et qui pourrait être rendue publique au moment de la commission parlementaire.

Mais je pense que, dans l'esprit du gouvernement, en donnant ce mandat au conseil scolaire, nous reconnaissons d'une part qu'il peut y avoir possibilité d'améliorer la carte scolaire et que nous confIlons au conseil scolaire le soin de se pencher sur ce problème avec un mandat de six mois. L'intention est qu'après six mois, si le conseil scolaire n'a pas formulé de recommandations de plans différents, celui qui est décrit dans le projet no 28 sera alors en vigueur.

Mais je pense qu'en donnant l'amendement on peut réellement apporter des modifications.

M. CHARRON: Merci.

M. SAINT-PIERRE: Pour des raisons bien claires, M. le Président, les milieux urbains ne répondent pas aux mêmes normes que les milieux ruraux. Nous avons donc choisi pour Montréal le chiffre approximatif de 30,000 élèves, tout en admettant un accroissement ou une diminution de ce nombre. Sur ce plan, cependant, la position du gouvernement n'est pas fermée, comme vous le savez. Le nombre de commissions scolaires, de même que leurs limites, sera précisé. Le conseil provisoire proposera au gouvernement, avant le 15 novembre 1972, une répartition définitive des territoires des commissions scolaires, tout en respectant, comme je l'ai mentionné, un nombre minimum de sept et un nombre maximum de onze commissions scolaires et en visant le meilleur équilibre démographique possible.

Il remplace 34 commissions scolaires dont les plus petites parviennent difficilement à offrir des services complets et dont les plus grosses sont forcément gigantesques dans une certaine mesure, selon les commentaires de gens et d'organismes divers très près de la chose scolaire à Montréal.

Deuxième objectif du projet de loi no 28. Le projet no 28 prétend démocratiser les structures scolaires de l'ile de Montréal.

Si, d'une part, il permet le suffrage universel et l'élection des commissaires par l'ensemble de la population, il crée également des comités confessionnels, des comités de parents et des comités d'école à des paliers différents.

Il stipule enfin que tous les commissaires seront élus, dans chaque nouvelle commission scolaire, sur la base des quartiers.

Je pense qu'il faut faire confiance à la démocratie. De nouvelles générations de commissaires sortiront certainement de ces élections; le nouveau commissaire devra représenter, sans doute, le désir et les aspirations de l'ensemble de la population.

Même ceux qui mettent en doute les principes démocratiques sur le plan politique pourront difficilement nier que le fait qu'il s'agisse du secteur scolaire, du secteur de l'éducation, où malgré le libre jeu de la démocratie, ceux des parents qui s'intéressent le plus à la chose scolaire ou possèdent des compétences en ce domaine seront plus facilement choisis au poste de commissaire, ce qui m'apparaît une justice...

Troisièmement, enfin, le projet de loi no 28 veut créer un mécanisme de distribution des richesses, des chances, un mécanisme d'équilibre qui complète ce qui s'appelle une "subvention d'équilibre budgétaire" au niveau de l'ensemble de la province et qui est donnée par le

ministère de l'Education. Certaines théories veulent que tous les enfants aient le même potentiel à la naissance et que seules les conditions qu'offre la société à leur développement créent ensuite la disparité qui les marque pour la vie et les range d'emblée dans une classe ou une autre, ce qui contribue sûrement à provoquer des tensions au sein de notre société.

Si nous voulons éliminer la disparité entre les classes sociales, ce qui est l'un des objectifs de la démocratie, nous devons tenter de saper les inégalités à la racine. Dans ce but, un organisme doit veiller particulièrement sur les populations défavorisées de Montréal où les différences de revenu sont en coexistence permanente, où la richesse hautaine peut se pencher pour observer, dans son ombre même, la plus criante pauvreté. La réalité urbaine a de ces contrastes et appelle une action. Si le Conseil scolaire de l'île de Montréal est un outil de redressement, il ne faudrait surtout pas attendre de lui des miracles ou le voir comme une véritable panacée à tous les problèmes.

Il ne faut pas s'attarder à rêver à ce que pourrait créer un tel conseil s'il disposait de pleins pouvoirs et avait seul la tâche de relever le niveau de vie et d'instruction des enfants des zones grises. La réalité est tout autre. Le Conseil de l'île est un élément important de répartition des richesses dans l'île de Montréal mais il existe déjà des mécanismes d'équilibre qui assurent le minimum de revenu à toutes les commissions scolaires et le minimum de services à chaque élève. Chaque année de nouveaux services sont offerts aux enfants des zones grises. Chaque année, de nouvelles polyvalentes ouvrent leurs portes dans certaines de ces zones grises. Aussi, il n'appartiendra pas au Conseil de l'île de commencer à zéro. Il n'aura pas le privilège, et ne le rechercherait certainement pas, de transporter les élèves de Montréal-Est dans une école de Westmount.

La répartition n'est pas une vengeance. La justice doit se faire, mais certainement pas au détriment d'un minimum de logique administrative. Il faut prévoir que tout en construisant de nouveaux équipements scolaires à l'intérieur de l'île de Montréal, le gouvernement du Québec ne recherche pas un jeu d'échange d'écoles. Dans certains cas, les échanges peuvent être facilités par la restructuration, là en particulier où la mauvaise foi manifeste d'édiles municipaux ou scolaires peut, à l'occasion, empêcher une juste répartition des équipements à l'intérieur d'un secteur homogène sur le plan géographique.

Quant au Conseil scolaire de l'île, il devra se faire le porte-parole de la communauté montréalaise auprès du gouvernement du Québec. Il décrétera les taux de taxation scolaire et distribuera les excédents et subventions spéciales en fonction des besoins particuliers de certaines zones. Il disposera de fonds assez importants à cet effet qui pourront lui parvenir soit du ministère de l'Education directement soit par le biais d'une taxe supplémentaire.

Le projet de loi no 28 répond à trois critères que je viens d'énumérer. Il permet la rationalisation, la démocratisation et la répartition équitable entre les couches de notre société. Selon nous, il offre, en plus de ces éléments nouveaux et indispensables, des garanties qui permettent à tous d'espérer recevoir au moins l'équivalent des services actuels, les moins défavorisés devant recevoir passablement plus. Nous avons vu le débat glisser à certains moments sur des questions majeures mais, selon nous, étrangères aux fonctions essentielles que veut remplir la loi no 28.

On disait, encore récemment en cette Chambre, qu'il est nécessaire de faire des lois claires...

M. PAUL: M. le Président, sur un rappel au règlement. Même si c'est un important projet de loi qui devrait intéresser tous les députés de Montréal, je constate que nous n'avons pas quorum.

M. SAINT-PIERRE: On disait encore récemment en cette Chambre qu'il est nécessaire de faire des lois claires qui ne s'encombrent pas inutilement de principes particuliers et multiples et de détails techniques qui peuvent devenir gênants advenant une évolution. Je crois que le projet de loi no 28, indépendamment de toute considération politique, est une loi ample mais également souple et réaliste. Elle tend à respecter, dans les faits, les droits des anglophones et des francophones, des catholiques et des protestants mais elle offre également des droits nouveaux à ceux qui ne pratiquent aucune de ces deux religions et qui désirent un enseignement non confessionnel.

D'ailleurs ce respect du pluralisme religieux rejoint même des recommandations formulées à la fois par le Conseil supérieur de l'éducation et le Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation, de même que par l'avis rendu public par l'archevêque de Montréal.

Nous nous sommes donc attardés longtemps à définir l'enseignement catholique et l'enseignement protestant. Aujourd'hui, il nous faut mettre un accent nouveau sur un enseignement de type neutre. Il existe un important contingent de Québécois montréalais qui désirent un enseignement neutre pour leurs enfants. C'est là un besoin du vingtième siècle et qu'il nous appartient de satisfaire en toute justice.

Quant aux catholiques et aux protestants, ils constituent toujours un groupe fort important qui continuera d'être desservi par un système scolaire, avec toutes les garanties qui se trouvent actuellement dans ce système. D'ailleurs il est à prévoir qu'encore pour plusieurs décennies ce groupe catholique et protestant formera la très grande majorité de notre population scolaire à Montréal.

Mais, s'il n'y a pas de gouvernement catholique ou protestant, ni au Québec, ni à Montréal, ni sur le plan municipal, ni sur le plan d'une multitude d'organismes administratifs, il nous semble logique de retenir la multiconfessionna-

lité comme principe pour les structures administratives des commissions scolaires unifiées. Dans plus d'un de ces secteurs, la commission scolaire ne peut avoir une option catholique ou une option protestante.

Nous nous sommes attardés au niveau de plusieurs mécanismes nouveaux, comités de parents, comités confessionnels, à donner de véritables garanties aux groupes linguistiques et à donner au niveau des structures administratives un concept nouveau de structures qui, en ce sens, rejoint les préoccupations mêmes du ministère de l'Education. De la même façon qu'il eût été tragique d'avoir un ministère de l'Education catholique, un ministère de l'Education protestant, de la même façon qu'il est inconcevable d'avoir dans différents milieux des structures administratives qui se veulent confessionnelles, je pense qu'il était révolu, en 1971, d'avoir des structures administratives qui ne sont ni catholiques ni protestantes mais qui tentent de respecter, dans les faits, le pluralisme d'une société montréalaise tant sur le plan linguistique que sur le plan confessionnel.

Dans les faits, cette concentration de la confessionnalité au niveau de l'école, doublée de l'influence considérable qui revient aux responsables de l'enseignement catholique et protestant dans les commissions scolaires, de même qu'aux comités confessionnels qui ont été mis sur pied, ainsi qu'aux vastes pouvoirs de réglementation que possède le Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation, nous parait offrir un champ d'action très vaste aux représentants confessionnels.

Nous avons constaté que la question confessionnelle soulevait un certain nombre d'interrogations. A notre avis, de nouvelles écoles confessionnelles assureront une homogénéité plus grande à leur population, car demain choisir l'école confessionnelle pour les parents, c'est faire un véritable choix qui implique pour l'élève des différences entre l'école confessionnelle et l'école neutre.

Aussi, je pense qu'il est approprié de dire que l'école confessionnelle de demain, dans un système administratif neutre, a des chances de respecter davantage l'esprit et la philosophie de l'école catholique que ceux que nous pourrions retrouver aujourd'hui dans une école dite confessionnelle, avec des structures dites confessionnelles ou catholiques, mais dans laquelle, puisque nous n'offrons pas un secteur d'écoles neutres, un nombre considérable d'élèves s'abstiennent des cours de religion et, peut-être, introduisent à l'intérieur de l'école catholique une influence neutre qui, je pense, diminue la qualité de l'atmosphère à l'intérieur de l'école catholique.

Ces écoles catholiques devront réunir des catholiques ou des protestants par choix et non plus par entraînement. Un caractère confessionnel ainsi assumé nous paraît correspondre à la maturité de la population. Dans l'étude du projet de loi no 28, nous avons étudié un nombre important de principes, nous avons envisagé la possibilité de maintenir trois secteurs indépendants à Montréal. Cette possibilité que plusieurs nous ont suggérée nous a semblé coûteuse au regard des dispositions du présent projet de loi.

La proposition visant, par exemple, au maintien de structures séparées, du moins durant un certain temps, tout en procédant à un regroupement basé sur la confessionnalité ou la langue, nous semblent difficilement réalisables si l'on songe aux mécanismes transitoires que sont les commissions scolaires provisoires et les conseils provisoires et aux difficultés qu'une telle période de transition pourrait impliquer sur le plan des relations de travail, de l'intégration du personnel de cadre et des modifications à apporter à la direction pédagogique des écoles. Il nous a semblé — c'est l'esprit de nos amendements d'hier — préférable de prolonger la période de transition que de n'avoir qu'un seul changement entre le statu quo actuel, qui, comme je le répétais au début, est inadmissible pour tous, et les structures que plusieurs nous ont suggérées comme étant un type et un modèle appropriés pour un système scolaire montréalais.

D'ailleurs, si, dans le secteur de l'éducation, nous pouvons, comme parlementaires, nous fier à un groupe, c'est bien, il me semble, au Conseil supérieur de l'éducation qui occupe, en matière de consultation vis-à-vis du gouvernement dans sa politique d'éducation, une place particulière. Or, le conseil supérieur, dans son avis du 9 novembre 1971, a émis plusieurs principes qui rejoignent exactement ceux mis de l'avant par le projet de loi no 28. Ces principes que le Conseil supérieur de l'éducation fait siens, dans la recommandation de la mise en place d'une nouvelle structure à trois paliers démocratiques et adaptée aux besoins, sont, "premièrement, l'institution de commissions scolaires uniques." C'est le principe même du projet de loi: la mise sur place de commissions scolaires uniques ou uniIlées, chargées d'offrir l'enseignement catholique, protestant ou autre aux enfants de leur territoire et ce, en langue anglaise et en langue française. "Deuxièmement, la création d'un conseil scolaire chargé de planifier et de coordonner les activités des commissions scolaires de son territoire. "Troisièmement, l'instauration de comités d'écoles comme mécanisme de participation des parents."

Je continue. "Le Conseil supérieur de l'éducation réitère son accord de principe avec ce modèle d'organisation scolaire et considère que son application peut satisfaire à la fois les besoins multiples d'une clientèle scolaire pluraliste et les exigences d'une administration rationnelle."

Un peu plus loin, une nouvelle citation. "La commission scolaire unique semble au conseil une formule valable à divers points de vue et, en

particulier, propice au rapprochement des divers groupes composant la société montréalaise, sans compter la mise en commun des ressources, favorisant leur utilisation plus rationnelle."

Le regroupement progressif, selon des lignes confessionnelles ou linguistiques, entraînerait une véritable jungle dans la préparation de plans d'intégration des personnels, déjà passablement complexes dans les dispositions actuelles de la loi. Dans le cas où ces structures seraient mises en place par étapes très lentes, nous avons cru que l'instabilité ainsi créée serait susceptible de maintenir le débat ouvert à perpétuité, tout en donnant des répecusssions politiques à un geste d'abord administratif.

Puisque la majorité est d'accord sur le fond, aussi bien procéder avec autant de célérité que possible, selon nous. Les seules étapes fixées à la mise en place des structures du projet de loi no 28 sont destinées à rendre la loi praticable. Elles répondent à des demandes purement techniques formulées par des groupes spécialisés et logiques dont les recommandations ont été faites sans passion, mais avec un souci de la réalité et du bien commun qui nous semble convaincant.

Sur le plan de la confessionnalité, il faut bien observer que la responsabilité de l'enseignement religieux revient aux comités catholique et protestant du Conseil supérieur de l'éducation, qui possèdent au Québec des droits clairs et précis à cet effet et qui possèdent une réglementation tant sur le plan de la formation des maîtres que sur le plan de tout ce qui peut toucher l'atmosphère de l'école catholique dont on ne saurait minimiser l'importance.

Au niveau de chaque commission scolaire, se retrouvent des responsables jouissant de pouvoirs qui découlent directement des pouvoirs des comités catholique et protestant. Cependant, je crois que la décentralisation des tâches religieuses, les prérogatives laissées aux comités d'écoles quant au choix des principaux d'écoles confessionnelles, un droit de regard permanent des membres des comités confessionnels sur les activités religieuses de l'école offrent des garanties suffisantes qui améliorent grandement la situation actuelle. D'ailleurs, si on examine l'avis du comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation, on se rend compte que les amendements et le texte original du projet de loi no 28 rencontrent dans une très large mesure les recommandations que nous a formulées ce groupe particulier chargé de veiller au développement et à l'épanouissement de l'école catholique comme institution au Québec.

A notre avis, le projet de loi no 28 offre des garanties confessionnelles nouvelles dans des structures dont le Conseil supérieur de l'éducation a agréé l'uniformité.

Dans les faits, le contrôle des membres de certains groupes confessionnels sur leurs écoles deviendra plus fort avec ce projet de loi qu'on pouvait le retrouver dans les structures actuelles, compte tenu, en particulier, que les com- missaires étaient non pas élus par la population, mais désignés à la fois par la hiérarchie catholique et par le gouvernement.

Enfin, sur le plan linguistique, le gouvernement actuel ne peut pas inclure des clauses particulières qui ne correspondent pas à l'esprit de la loi ou qui, par leur caractère excessif, vont contre des droits fondamentaux. Le projet de loi no 28 doit amener tous les Québécois de Montréal à mettre en commun leur dynamisme. Il offre des garanties de progrès et de conservation dans un partage qui nous semble réaliste. Il maintient des droits confessionnels et linguistiques et crée de nouveaux mécanismes de répartition des richesses et d'élection.

J'ose espérer que nous aurons collectivement le courage et la lucidité de nous donner rapidement les instruments que crée le projet de loi no 28. L'avenir permettra à tous nos électeurs de nous juger. Entre-temps, nous resterons ouverts aux suggestions de chaque parti en cette Chambre. Je souhaiterais que, de part et d'autre, le changement ne nous effraie pas, que ce choc du futur ne soit pas une raison pour ne pas avancer, pour se satisfaire d'un statu quo que tous les groupes qui sont venus devant la commission parlementaire ont condamné, qu'il s'agisse de mettre sa foi à l'épreuve dans un monde pluraliste ou de partager des structures communes où la majorité est entendue aussi bien que la minorité.

En plusieurs endroits, on a eu peur que, forçant par le principe de la commission scolaire unifiée différents groupes à se retrouver autour d'une même table commune, la majorité aille écraser la minorité et on pense qu'il était préférable de garder des groupes séparés dans des endroits différents.

Je reprendrai les propos tenus par mon collègue, le député de D'Arcy-McGee, en disant qu'en 1971, dans notre société pluraliste, il est beaucoup plus dangereux que les groupes n'aient pas l'occasion de se rencontrer autour de la même table, que les francophones soient dans une chambré séparée des anglophones, que les protestants et les catholiques ne puissent aborder de front plusieurs des problèmes auxquels ils font face tant comme collectivité religieuse que comme groupe préoccupé par le bien de l'éducation de leurs enfants. Au contraire, le projet de loi no 28 nous donnera des mécanismes qui permettront à tous ces groupes de se retrouver autour de la même table. Je pense que cet effort de concertation, cette possibilité de dialogue, cette possibilité de communication permettra énormément de réduire les tensions que nous pouvons retrouver dans le monde scolaire au niveau de l'île de Montréal.

Ce que je souhaite également, c'est qu'en entreprenant de rapprocher les Québécois de Montréal à la même table en leur suggérant des mécanismes communs et démocratiques, nous parvenions à une harmonie plus grande entre les composantes de ce peuple du Québec pour qui

nous voulons travailler comme gouvernants sans tenir compte des états de religion, de langue, de fortune ou de parti de chacun. C'est pour cette raison que j'ai la conviction profonde que le projet de loi no 28 signifie une action directe, une action positive du gouvernement pour poser un geste dans une situation que je reconnais fort complexe mais qui m'apparaît, à plusieurs égards, comme devant régler un problème qui trame en longueur depuis plusieurs années.

Lorsqu'on examine la législation scolaire au Québec, on se rend compte que par tradition, par difficulté de faire face à des changements sur le plan sociologique ou autres, on a peut-être toléré des structures archaïques, des structures dépassées qui ont fait un tort considérable non seulement à la majorité francophone mais également à toutes les minorités qui se sont retrouvées complètement séparées et isolées alors qu'on était prêt, dans plusieurs des cas, à coopérer avec tous pour améliorer notre système scolaire québécois. Je pense que l'objectif même du projet de loi no 28, la commission scolaire unifiée, par les mécanismes qui y sont prévus, ses garanties linguistiques nombreuses, ses garanties sur le plan de la confessionnalité qui correspondent à un nombre considérable de recommandations du comité catholique, incluant la démocratisation des structures permettant d'institutionnaliser la participation des parents... Je mentionnais que nos projets de loi nos 27 et 28 sont, à mon point de vue — nous avons fait quelques recherches dans ce secteur — les législations les plus d'avant-garde de l'Occident, non pas de l'Amérique du Nord, non pas du Canada, mais de l'Occident. Dans aucun autre pays on retrouve ce type de participation des parents au niveau de l'école, au niveau de la commission scolaire. C'est un geste que certains ont qualifié de modeste, mais c'est un geste qui est plus que consultatif. C'est un geste qui peut réellement influencer la vie même de l'école.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, je prétends que le projet de loi no 28 correspond à un désir profond, qu'il corrige une situation que plusieurs ont décriée et qu'il me parait, dans les circonstances, la structure, le type de législation le plus apte à corriger des inégalités, des difficultés que nous avons eues dans le passé et permettre un souffle nouveau, un dynamisme nouveau dans les structures scolaires de l'île de Montréal. Merci.

M. LE PRESIDENT (Blank): Le député de Bagot.

M. LEVESQUE: C'est un solo! M. CARDINAL: Merci.

M. PAUL: Ce n'est pas commandé et orchestré comme l'autre bord.

M. BOURASSA: S'il n'était pas de l'autre bord, nous applaudirions, nous aussi.

M. PAUL: Pardon?

M. BOURASSA: S'il n'était pas de l'autre côté, nous applaudirions.

M. PAUL: Soyez sans inquiétude, il n'ira jamais vous rejoindre. J'en suis convaincu. Il est trop puissant pour cela.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! M. Jean-Guy Cardinal

M. CARDINAL: M. le Président,-avant d'entrer dans le vif du sujet, même si la circonscription que je représente n'est pas sur l'île de Montréal, on me permettra — vous me rappellerez à l'ordre si j'enfreins le règlement — de saluer dans les galeries des gens du comté de Bagot.

Ceci étant dit, M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention et d'intérêt le ministre de l'Education nous parler du projet de loi no 28, qui s'intitule Loi concernant la restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal. Il y a déjà un premier défaut dans le titre de la loi parce que, comme je l'ai dit hier en réponse à une déclaration ministérielle, on devrait dire: Sur l'île de Montréal, avec annexes, puisqu'on inclut au moins l'île Bizard et, comme nous ne connaissons pas encore tout à fait le projet de loi no 28, peut-être des parties de Vaudreuil ou de Dorion. Nous n'en savons rien au moment où la deuxième lecture de ce projet de loi débute.

Le ministre, dans son exposé, a dit en particulier ceci: Je souhaiterais que, de part et d'autre, le changement ne nous effraie pas, qu'il s'agisse de mettre sa foi à l'épreuve dans un monde pluraliste ou de partager des structures communes où la majorité est entendue aussi bien que la minorité.

Sur ce point, M. le Président, nous ne pouvons être qu'entièrement d'accord avec le ministre. Mais ce qui nous inquiète, c'est ce qui s'est passé hier et aujourd'hui. J'ai dit que j'avais écouté avec attention le ministre, tant hier qu'aujourd'hui. J'ai fait un bref commentaire à la suite de sa déclaration ministérielle d'hier. Hier, le ministre, dans sa déclaration ministérielle qui précédait son discours de deuxième lecture, nous disait que déjà le projet de loi qui est devant nous n'était plus le projet de loi que nous étudions. Il nous a mentionné, en effet, que des amendements toucheront six aspects — il l'a dit lui-même — importants de la législation proposée, à savoir les étapes de la mise en oeuvre de la loi, les pouvoirs des commissions scolaires et du conseil scolaire, les interventions du ministre de l'Education et du lieutenant-gouverneur en conseil, le système électoral, les comités confessionnels, la composition des comités de parents.

Hier, si nous nous sommes réjouis, nous de l'Opposition officielle, de cette déclaration ministérielle, nous sommes aujourd'hui — je dois

l'avouer avec tout le respect et l'estime que j'ai envers mon cher ami, le député de Verchères et ministre de l'Education — un peu déçus qu'il ne soit pas revenu sur ces sujets pour les éclairer davantage.

La question que je pose, au début de cette période illimitée qui m'est accordée, M. le Président, de par les règlements de cette Assemblée nationale, est la suivante: Qu'est-ce que le projet de loi no 28? Je comprends qu'un principe semble demeurer inchangé, irréfragable, immuable, soit le principe de l'unicité des commissions scolaires. Cela me parait tel, à la suite de ce qu'a dit le ministre. Mais si le ministre a suivi ce qui s'est passé, par exemple, à la radio et à la télévision, à la suite de sa déclaration d'hier, les commentateurs ont dit: Le ministre a proposé six groupes d'amendements mais il n'a pas parlé de la notion même de commission scolaire. C'est que, pour les commentateurs de l'extérieur, ceci demeurait dans l'ombre. Le ministre ne nous a pas plus éclairés aujourd'hui.

M. le Président, lorsqu'on parle du projet de loi no 28, on peut faire comme le ministre —c'est mon intention — un bref historique de ce projet, en étudier les objectifs, en faire ressortir les principes pour tenter d'établir nos positions vis-à-vis de ce projet de loi.

Le projet de loi no 28 — comme le ministre l'a indiqué — est l'héritier d'une histoire assez longue qui a duré environ sept ans. Il y a d'abord — comme il l'a mentionné lui-même — les recommandations qui apparaissent dans le volume IV du rapport Parent, publié en 1964.

Il a sauté une petite étape qui a été le comité de coordination qui a été établi en 1967 et qui était dirigé par Me Jacques Viau. Il a rappelé le rapport Pagé de 1969, ainsi que le rapport minoritaire qui l'accompagnait. Il a rappelé — mais bien brièvement — le projet de loi no 62 déposé au tout début de novembre 1969 et au sujet duquel il y a eu des commissions parlementaires qui ont commencé le 27 novembre 1969 pour se poursuivre jusqu'au 11 mars 1970 et nous donner environ 1,000 pages de texte.

Ce n'est donc pas le gouvernement actuel qui crée quelque chose, c'était déjà sous l'ancien gouvernement et sous l'ancien ancien gouvernement. C'est donc à un héritier que nous faisons face, un héritier appauvri parce qu'on n'en connaît pas entièrement les richesses, le ministre ayant encore refusé de dévoiler son texte définitif. C'est quand même dans le texte définitif d'une loi que l'on peut reconnaître les principes.

Quelqu'un avait suggéré qu'il y ait un préambule à ce texte de loi. A la commission parlementaire j'avais souligné que les préambules ne permettent pas d'interpréter des lois, qu'ils ne sont, suivant les Statuts refondus de 1964, chapitre 1, article 40, que partie de la loi et que ça n'en fait qu'expliquer l'objet et la portée, c'est-à-dire les objectifs. C'est donc une addition ou un appendice qui serait utile et qui ne nous apporterait rien.

Là-dessus, je suis d'accord avec le ministre que ce n'est pas nécessaire d'apporter une telle addition. Cependant, ce projet de loi no 28 que j'ai appelé tantôt un héritier appauvri, est ralenti aussi. Le ministre a cité lui-même des extraits du rapport Parent où l'on employait déjà en 1964 les mots urgent et immédiat. Le ministre lui-même dans son texte disait ceci: "L'usage des mots urgent et immédiat est abondant dans cette section du rapport Parent".

Le ministre va me répondre: Pourquoi n'êtes-vous pas allé plus rapidement vous-même? Ce n'est pas ça. Il y a quand même plus de 18 mois que le gouvernement qui est en face de nous est là, et nous en sommes aujourd'hui, à plus de deux ans après le dépôt du projet de loi no 62, à discuter de la restructuration scolaire du Montréal métropolitain.

Ce projet de loi no 28 prétend toujours poursuivre trois objectifs fondamentaux. Le ministre pourra me corriger dans sa réplique, si je me trompe et si j'erre: 1- donner aux structures scolaires de l'île de Montréal une plus grande efficacité administrative; 2- réaliser une meilleure répartition des ressources scolaires entre tous les enfants de Montréal; 3- favoriser la démocratisation et la participation plus active des citoyens, en particulier des parents — ceci a été débattu d'ailleurs en commission parlementaire — des maîtres et des étudiants à la gestion, au sens très vaste du terme, des écoles, au sens déjà défini dans le projet de loi no 27, devenu loi depuis juillet dernier.

Tous les mémoires entendus jusqu'à maintenant au cours des auditions sur le projet de loi no 28, en plus des auditions sur le projet de loi no 62, me permettent de croire que ces gens devant la commission parlementaire souscrivent volontiers à l'énoncé théorique de ces trois objectifs généraux. Tout le monde est pour la vertu, on le sait.

Pourtant tous ces mémoires s'insurgent contre l'une ou l'autre des dispositions de ce projet de loi — et là je ne suis pas entièrement d'accord sur l'affirmation du ministre sur l'unanimité des conclusions de ces mémoires — tant anglophones que francophones, tant protestants que catholiques ou autre, au sens de la loi, du Conseil supérieur de l'éducation ou du projet de loi no 28, enfin, si c'est encore le même, c'est-à-dire neutre ou multiconfessionnel.

Tous ces mémoires s'y attaquent avec une force telle dans certains cas qu'à moins d'amendements majeurs ce projet de loi paraît à ceux qui ont comparu devant nous — pour des raisons fort diverses et, le ministre le sait, parfois contraires ou contradictoires — tout à fait inacceptable. Je le dis parce que ce sont les conclusions auxquelles j'en suis venu après avoir écouté tous les groupes qui se sont présentés devant nous.

Si nous analysons le projet de loi no 28 en

regard des trois objectifs généraux que le ministre a mentionnés et que j'ai rappelés, nous nous apercevons rapidement que ce n'est pas au plan des objectifs que les divisions s'établissent, mais que les motifs de discussions, d'attaques, de contradictions, de mécontentement, d'affrontement même — on sait ce qui s'est passé certains matins ou certains après-midis à la commission parlementaire — des divers groupes se situent au plan des modalités.

Or, justement, quelles sont ces modalités? Il y en a dans ce projet de loi no 28, M. le Président. Le ministre, hier, nous a dit que, sur six aspects importants de la législation proposée, le gouvernement avait changé d'idée, probablement à la suite du caucus du 25 novembre et du conseil des ministres du même jour. Je rappelle au sujet des objectifs, M. le Président, que, lorsque le projet de loi no 62 fut déposé, le 4 novembre 1969, et lorsqu'il fut présenté devant la commission parlementaire permanente de l'Education, le 27 novembre 1969, celui qui occupait le poste qu'occupe aujourd'hui le député de Verchères avait mentionné quatre objectifs.

Est-ce qu'on en a perdu un en chemin? Ces quatre objectifs étaient les suivants: premièrement, "égalité des services sur tout le territoire", c'est-à-dire — là, je suis d'accord avec le ministre — toute cette question des commissions scolaires situées sur les territoires défavorisés ou même des commissions scolaires situées sur des territoires très favorisés et où il n'y a pas de services adéquats. Je n'en donnerai que deux exemples, M. le Président, qui d'ailleurs sont venus devant la commission parlementaire. D'abord, que l'on songe à Outremont. J'aurais aimé que le ministre de la Justice soit ici, comme député de Montréal, pour écouter le discours de son collègue, le ministre de l'Education. A Outremont, qui n'est certainement pas un centre défavorisé, où il y a à peu près un ministre aux 100 pieds carrés, il n'y a pas d'école secondaire pour les jeunes filles.

Que l'on songe à la ville de Mont-Royal. Ce n'est certainement pas un secteur défavorisé, mais il n'y a pas d'école secondaire pour les garçons. Des inepties semblables — je m'excuse de l'expression; elle est certainement parlementaire parce qu'elle n'attaque personne en cette Chambre, pour ceux qui comprennent le terme; ah! ils sont en train de lire —M. le Président, démontrent l'utilité du projet de loi no 28, pourvu qu'on en connaisse les principes exacts et l'essence substantielle.

Donc, le premier objectif poursuivi, en 1969, était "l'égalité des services sur tout le territoire". Simplement sur ce sujet, l'on pourrait faire un long développement pour souligner que, dans un endroit comme Montréal, il y avait, à ce moment-là, 42 commissions scolaires. Le ministre a dit qu'il y en avait 34, je pense, aujourd'hui, parce que, quand même, à Outremont, il y en a deux qui se sont réunies, puis, il y a eu la ville de Mont-Royal aussi qui a fait des ententes, etc. Il y a encore des commissions scolaires qui ont posé des problèmes énormes. Rappelons le cas de Saint-Léonard, parce qu'il faut faire face aux problèmes qui se présentent.

Le gouvernement n'est pas là pour éviter des problèmes, mais pour les résoudre. Rappelons les deux cas que je viens de souligner, d'Outremont et de la ville de Mont-Royal. Rappelons la situation privilégiée du Protestant School Board of Greater Montreal qui n'a jamais eu besoin de subventions de l'Etat, contrairement à la CECM, la Commission des écoles catholiques de Montréal, qui en a eu besoin pour combler ses déficits.

Songeons à tous ces anciens édifices, dans les secteurs défavorisés, alors qu'en certains endroits nous avons des polyvalentes luxueuses. Le ministre a lui-même mentionné que, chaque année, il s'est construit de nouvelles écoles beaucoup mieux équipées et beaucoup plus modernes.

Le deuxième objectif poursuivi en 1969, comme aujourd'hui en 1971, était la démocratisation de l'administration. Là aussi, tout le monde est d'accord. On sait — le ministre ne nous apprenait rien en le mentionnant — qu'à la CECM une partie des commissaires était nommée par l'archevêque de Montréal et un autre groupe par le lieutenant- gouverneur en conseil, c'est-à-dire par le gouvernement, par le cabinet, le ministre. On sait qu'au Protestant School Board of Greater Montreal il n'y a pas plus de démocratie et que le statut des autres commissions scolaires, même s'il apparaît démocratique, joue plus ou moins. D'ailleurs, ces commissions scolaires ont encore un statut de commission commune avec le droit à la dissidence comme au temps où Montréal était, je ne dirais pas Ville-Marie, mais une région où il y avait un centre-ville entouré d'une campagne.

Le troisième but poursuivi en 1969, c'était la participation des parents. Sur ce point, les amendements que semble nous présenter le ministre au sujet de la composition des comités de parents nous réjouissent, comme le mentionnait un député hier, et nous paraissent être une ouverture vers une amélioration du projet de loi. Quels seront exactement les textes? On sait quelles ont été, à la commission parlementaire, les discussions sur la participation efficace, réelle et dynamique des parents. Quels seront leurs droits, que l'on augmente ou non leur nombre, que l'on nomme un comité exécutif ou non? Ceci n'est que question de structures; il n'est pas question de participation, celle-ci n'étant pas une question d'organisation, de structuration mais de dynamique de groupe à la suite d'un leadership permis ou poursuivi ou développé par une législation adéquate.

Le quatrième objectif, qui s'infère peut-être des autres mais qui est disparu dans la nature, était à ce moment-là le respect du pluralisme religieux. Je n'insisterai pas sur le fait que nous sommes passés de quatre à trois objectifs; on peut quand même le sous-entendre d'après les

conclusions du discours de deuxième lecture du ministre de l'Education. Nous retenons de ce discours que les commissions scolaires seront uniques. Sur ce point, je ne sais pas si te ministre a affirmé que tout le monde de la commission parlementaire était d'accord. Nous sommes certainement d'accord, nous, parce que le projet de loi no 62 le proposait déjà. Il est évident que ce ne sera pas facile de faire cette unification. La période d'environ deux ans proposée par le ministre, non pas dans son discours de deuxième lecture mais dans sa déclaration d'hier, permettra peut-être aux gens de finir par accepter vraiment la démocratie, accepter vraiment d'être majorité ou minorité.

Il faut souligner qu'au Québec nous sommes tous un peu traumatisés par le fait que nous sommes tous partie de la minorité. Les francophones, comme on les appelle maintenant, sont en minorité dans ce pays qui s'appelle le Canada et ils ont été habitués à se sentir minoritaires. Les anglophones sont minoritaires au Québec; à Montréal, ils sont certainement minoritaires même s'ils n'ont pas été habitués à se sentir minoritaires. Il faut comprendre leur attitude dans ce cas. Les Juifs ont toujours été minoritaires et on sait que, par des dispositions administratives qui ne sont peut-être pas constitutionnelles, au Protestant School Board of Greater Montreal on a fini, après plusieurs années, par admettre des commissaires de cette foi ou de cette nationalité.

Tous les autres groupes, qu'ils soient orthodoxes, arméniens, agnostiques, etc., sont aussi minoritaires.

Dès que l'on touche aux questions de confes-sionnalité ou aux questions linguistiques, l'émotion l'emporte sur la raison et sur la cohérence. On a vu sur le plan canadien, avec le multiculturalisme — j'espère que le premier ministre continuera à ne pas l'accepter — que l'on peut facilement s'enferrer dans une situation pire que la situation présente.

L'une des craintes profondes de l'Opposition vis-à-vis du projet de loi no 28 tel qu'il est rédigé présentement ou même avec certains amendements que nous ne connaissons pas encore — et, entre parenthèses, j'en appelle toujours au ministre pour qu'il se presse de nous les remettre afin que nous puissions discuter du véritable projet de loi et connaître les principes qui émaneront de ces textes — c'est que même si le ministre nous dit que la commission Gendron n'a pas présenté de rapport définitif sur la question globale des langues au Québec, cela ne me satisfait pas, parce que la commission Parent, qu'il a citée, n'a pas soumis son rapport définitif en 1964, quand le ministère de l'Education a été créé, et on l'a quand même créé. Cette crainte, c'est que le projet de loi no 28 n'établisse dans l'ordre du droit, dans l'ordre juridique, de jure des situations de fait qui...

M. SAINT-PIERRE: Le député me permettrait-il une question?

M. CARDINAL: Avec un plaisir remarquable.

M. SAINT-PIERRE: Le député de Bagot est-il cependant d'accord que, dans le cas de la commission Parent, les gouvernements d'alors n'ont jamais pris de décision, n'ont jamais mis de l'avant des réformes avant au moins d'avoir un premier volume qui justement recommandait certaines choses? Dans le cas de la commission Gendron, il n'y a même pas eu un premier rapport de présenté même partiel. Si nous nous reportons à la commission Parent, je suis d'accord avec le député que le ministère de l'Education a été créé avant que nous recevions tous les volumes de la commission Parent, mais je pense que chaque élément de réforme adopté par le gouvernement Lesage, le gouvernement Johnson ou le gouvernement Bertrand donnait suite quand même à une recommandation précise de la commission Parent. Le ministère de l'Education n'a été créé qu'après une recommandation de la commission Parent qui avait analysé le problème des structures au niveau provincial. C'est pour cette raison que je dis que tant que nous n'avons pas au moins un premier volume contenant quelques recommandations de la commission Gendron sur le problème de la langue, il me semble que c'est une démarche intellectuelle fausse de proposer des solutions avant même d'avoir terminé l'étape de la recherche.

M. CARDINAL: M. le Président, j'aurais deux réponses à cette question, si question il y a. La première, c'est que si celui qui est maintenant premier ministre du Québec n'avait pas fait des promesses pendant la dernière campagne électorale pour dire qu'à brève échéance et tout de suite il y aurait une politique globale de la langue et que la langue française deviendrait langue de travail et langue d'enseignement, je n'aurais peut-être pas fait ce reproche déguisé non paa au ministre individuellement, mais au gouvernement. La deuxième réponse est que justement son argument est à double tranchant en ce sens que si l'on crée par le projet de loi no 28 une situation juridique donnée — que nous ne connaissons pas tout à fait d'ailleurs, parce que le ministre a dit ou a laissé entendre qu'il pourrait même être amendé avant 1975, c'est-à-dire avant même que la loi elle-même ne soit complètement en vigueur —l'on aura en 1975 ou en 1980 des gens qui, lorsque le gouvernement de ce temps voudra amender le projet de loi no 28 devenu loi, viendront nous dire: Nous avons des droits acquis — nous l'avons entendu souvent — et non des privilèges; par conséquent, qu'il y ait un rapport complet de la commission Gendron ou pas, ces droits étant acquis, vous ne pouvez plus modifier le projet de loi no 28 devenu loi.

D'ailleurs, pour revenir à cette question, dans "Québec au travail", programme 1970, Parti libéral, on disait: "Le français langue de travail. Un effort total et collectif sera entrepris

afin d'établir une véritable politique linguistique correspondant aux aspirations des Québécois. L'objectif du prochain gouvernement libéral sera de rendre le français prioritaire au Québec et d'en faire la langue d'usage et de travail. "A cet effet, un programme dynamique et énergique sera élaboré par tous les ministères concernés, y compris donc le ministère de l'Education, tels que les ministères du Travail et de la Main-d'Oeuvre, de l'Immigration, de l'Industrie et du Commerce, des Affaires culturelles, de l'Education, en collaboration avec les entreprises publiques et privées, les syndicats et les corps intermédiaires. Les milieux des affaires devront accepter cette réalité, car il y va non seulement de l'épanouissement culturel des Québécois mais aussi de l'originalité de l'ensemble fédéral canadien." Cela pour que le ministre se rappelle ses promesses ou cette partie du programme.

C'est pourquoi je ne puis pas faire autrement que de m'inquiéter de cette situation, si vous voulez, de bilinguisme que l'on établit juridiquement. Je sais qu'elle existe de fait. Je la reconnais. Je suis allé, comme le ministre lui-même, dans les milieux anglophones — entre parenthèses, terme qui n'existe pas dans le dictionnaire Robert, j'ai encore vérifié hier. C'est probablement un anglicisme qu'on a créé au Québec pour ne pas employer d'autres termes qui blessent de chastes oreilles — et dans les milieux francophones. J'ai entendu les craintes des gens de chacun de ces milieux. D'un côté comme de l'autre, qu'est-ce que l'on craint? L'on craint que ce projet n'établisse un carcan qui emprisonne une majorité ou une minorité de l'une quelconque des régions, sept ou onze, ou entre les deux qui vont être établies, et qui fasse qu'on ne puisse plus, par la suite, le modifier.

Evidemment, tout le monde sait qu'en dehors des actes, des statuts qui font partie de la constitution, l'on peut toujours abroger, modifier, amender, refaire une loi ou un projet de loi. On peut même la ou le retirer. C'est justement ce qui inquiète les Québécois, tant d'une langue que de l'autre. Je ne dirai pas tant d'une religion que de l'autre. Encore là, il faut regarder les faits en face. Les protestants sont venus devant nous et jamais comme protestants, mais toujours comme anglophones. Les catholiques sont venus devant nous, parfois comme catholiques, parfois comme catholiques anglophones, parfois comme catholiques francophones. Certains sont venus devant nous uniquement comme francophones en dehors de la question confessionnelle.

C'est pourquoi, dans une question aussi difficile, surtout à Montréal, qui a valeur d'exemple pour le reste du Québec, où se situent la plupart des industries, la plus grande puissance du marché du travail, le projet de loi no 28 devenu loi va établir un état de droit au lieu d'un état de fait et même si le gouverne- ment peut amender, il verra les difficultés qu'il aura à surmonter.

Le gouvernement je ne dirais pas a reculé en établissant des étapes pour le projet de loi no 28. C'était déjà l'intention de l'ancien gouvernement. Je référerais le ministre, s'il veut bien le lire — je ne prendrai pas le temps de lire tout ça aujourd'hui — au journal des Débats, au sujet du projet de loi no 62. Ceci, je pense, aurait été utile au ministre pour bâtir un héritier qui ne soit pas taré, héritier du projet de loi no 62 et du rapport Pagé. Je dis taré, non pas parce qu'en soi ce projet de loi ait des vices — on dirait, en droit: ou apparents ou cachés — mais parce qu'on ne sait pas ce qu'est le projet de loi no 28. En plus de la crainte que je viens de mentionner quant à cette situation de droit qui remplacerait une situation de fait et qui créerait même une nouvelle situation de fait constatée par statut, par loi, on ne saura probablement pas avant le comité plénier ou avant la troisième lecture, on ne le saura certainement pas avant ma réponse au ministre, ce qu'il y a dans le projet de loi.

J'espère qu'un de mes collègues d'Unité-Québec aura la chance de parler sur le vrai projet de loi no 28 et non pas sur celui qui est devant nous et qui, déjà, d'après la déclaration du ministre, hier, n'est plus le projet de loi no 28.

Rappelons, M. le Président, s'il m'est permis de le faire par le règlement, le projet de loi no 27 où le ministre et l'Opposition ont collaboré ensemble, jour et nuit, on s'en rappelle, durant le mois de juillet, pour partir d'un projet rempli d'erreurs et revenir à une doctrine plus orthodoxe qui étaient les régions déjà déterminées au moment de la création du ministère de l'Education.

Grâce à l'aide de l'Opposition et grâce à la collaboration du ministre qui a bien voulu nous soumettre le texte des amendements et non pas les principes des amendements, nous avons pu quand même, en assez peu de temps et à la surprise même du gouvernement, adopter ce projet de loi et nous prononcer sur le principe, sur le texte et sur les amendements.

Aujourd'hui, nous sommes très mal placés. Malgré qu'il y ait eu le rapport Parent en 1964, le comité de coordination en 1967, le rapport Pagé en 1969, le projet de loi no 62 en novembre 1969, la commission parlementaire de novembre 1969 à mars 1970 et six semaines de commission parlementaire avec une cinquantaine d'institutions ou d'individus qui sont venus devant nous, nous sommes encore avec ce que j'appelle un document de travail qui, de l'aveu même du ministre dans sa déclaration d'hier, sera profondément modifié.

Quels sont donc les principes du projet de loi no 28? Je dis les principes, M. le Président. Devant un projet de loi aussi complexe, qui change aussi radicalement les structures scolaires dans un endroit aussi important que ce que j'appelle le grand Montréal, on ne peut pas se

permettre de tirer des principes d'articles dont certains vont être entièrement remplacés. Les étapes de mise en oeuvre de la loi, cela nous le comprenons et le ministre a été suffisamment clair à ce sujet, M. le Président. Mais, quand il est question des pouvoirs des commissions scolaires et du conseil scolaire, question fort débattue pendant l'étude du projet de loi no 62 et du projet de loi no 28, nous ne savons pas, par des textes, quels sont ces pouvoirs et ces devoirs. Cela, ce ne sont pas des principes généraux; c'est des textes mêmes que ressortent les principes d'autonomie de chacun de ces deux niveaux que sont le conseil de l'île d'une part et les commissions scolaires, d'autre part.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permettrait une question?

M. CARDINAL: Toujours, avec plaisir.

M. SAINT-PIERRE: Merci. Je remarque, depuis hier — d'ailleurs, sa réaction a été la même aujourd'hui — que le député est en difficulté de se prononcer sur les principes. Il me semblait que c'est ce qui avait été convenu, c'est-à-dire que le gouvernement, avant le débat de deuxième lecture, donnerait, dans un texte suffisamment précis, l'étendue des amendements, les types d'amendements envisagés. Il avait également été convenu qu'avant le comité plénier le gouvernement apporterait, par le biais des...

M. PAUL: De papillons.

M. SAINT-PIERRE:...papillons — merci au député de Maskinongé —...

M. PAUL: De rien.

M. SAINT-PIERRE: ...le texte précis des amendements. Je ne sais pas si je pourrais aider, mais il me semble que la déclaration ministérielle d'hier était suffisamment claire quant aux types d'amendements envisagés, aux étapes et à tous les pouvoirs. Par exemple, si on reprend quant aux pouvoirs scolaires le texte mentionné par le député, je pense qu'on dit très clairement ici que nous allons ajouter, dans le texte du projet de loi, au mandat du conseil scolaire les quatre articles mentionnés à la page 4 de la déclaration ministérielle: l'utilisation des équipements scolaires, le rattrapage des milieux défavorisés et un pouvoir de réglementation pour le conseil scolaire. J'essaie de comprendre et je reconnais que, pour le texte même, nous pourrons, peut-être, en comité, discuter à savoir s'il correspond très bien. Mais, le plus honnêtement possible, ce sont les intentions du gouvernement quant aux types d'amendements proposés.

M. PAUL: Est-ce que l'honorable ministre me permet une question?

M. SAINT-PIERRE: Nous allons continuer.

M.PAUL: Est-ce que le ministre peut nous dire si le texte des amendements a été arrêté, finalisé?

M. SAINT-PIERRE: Non, nous sommes à le préparer. Tel que convenu à la commission parlementaire, j'entendais le présenter. Dès qu'il sera prêt, je vais le faire. Nous sommes à l'arrêter. Mais, tel que convenu, avant le comité plénier, nous allons, par le biais des papillons, donner un texte d'amendements, comme nous l'avons fait pour le projet de loi no 27. J'avais reconnu l'objection du député de Bagot. Il me semblait que, compte tenu des modifications que nous pouvions apporter, il était difficile de parler en deuxième lecture et d'objecter, peut-être, que les délais d'implantation étaient insuffisants, que c'était trop de changements en peu de temps, sans savoir si le gouvernement entendait augmenter d'un an, deux ans ou trois ans les délais d'implantation.

C'est pour cette raison qu'après en avoir discuté avec les partis d'Opposition nous avions, hier, donné un texte qui, très honnêtement, se veut le reflet des amendements qui ont été approuvés par le conseil des ministres et par le caucus et que des légistes, dans le moment, tentent de préciser dans un texte de loi qui, le plus rapidement possible, pourrait être donné aux membres, comme je m'étais engagé à le faire avant le comité plénier.

M. CARDINAL: M. le Président, je retiens un certain nombre de choses des affirmations que vient de faire le ministre. La première, c'est que je ne visais en rien le ministre personnellement. D'ailleurs, c'est fort galamment et poliment qu'il vient de m'interpeler.

Il est vrai qu'à la commission parlementaire, lorsque nous avons siégé in camera, nous avions accepté — le mot convenu me parait un peu fort — qu'il y ait une déclaration d'intention à défaut d'avoir les amendements. Si on se référait au journal des Débats, on verrait que ce jour-là j'ai pressé, pressé et pressé le ministre, non pas de nous donner des intentions, mais de nous soumettre des amendements.

Le ministre, c'est exact, a fait aussi référence à des conversations privées d'hier...

M. PAUL: M . le Président, je m'excuse auprès de mon collègue pour vous signaler qu'il n'y a pas quorum et, même plus, pas un député du Parti québécois de présent.

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Si les députés veulent bien reprendre leurs sièges, nous avons maintenant quorum.

Je donne la parole au député de Bagot.

M. CARDINAL: Merci, M. le Président.

Je répondais donc à une intervention du ministre de l'Education, rappelant qu'à la commission parlementaire, à la suite des pressants appels que je lui avais faits de déposer les

amendements, il a consenti — je m'en suis réjoui non en mon nom personnel mais au nom d'Unité-Québec, avec d'ailleurs les deux autres représentants de l'Opposition — à prendre position sur les six aspects importants de modification au projet de loi no 28. Je lui en sais gré.

D'autre part, il est exact que le ministre a eu la gracieuseté de me prévenir de cette déclaration, de m'envoyer, ainsi qu'à deux autres députés, le texte auparavant, après des conversations qui avaient eu lieu hier matin, de toute urgence d'ailleurs.

Il est vrai qu'il y a eu cette déclaration hier, mais ce qui concrétiserait ma déception aujourd'hui, c'est que le texte du ministre — qui a peut-être été préparé avant ou après, je ne sais quand et je ne veux pas faire d'attaque contre un individu, membre de cette Assemblée nationale — ne reflète pas justement ce qui a été dit hier. J'aurais aimé qu'aujourd'hui dans son discours de deuxième lecture — qui est un discours important pour un projet de loi que nous reconnaissons extrêmement important — le ministre récidive et revienne avec plus de détails sur sa déclaration d'hier. D'après notre règlement, M. le Président, une déclaration ministérielle ne peut quand même pas être aussi longue qu'un discours de deuxième lecture. Le temps en est limité, elle doit être claire, précise et concise et elle n'appelle que de brefs commentaires de la part du ou des partis de l'Opposition.

C'est dans ce sens que j'ai fait un certain nombre de motions tout à l'heure et qu'à plusieurs reprises j'ai souligné le fait que je me demandais exactement — quand je dis exactement, je veux dire dans la concrétude du libellé de chacun des articles... Je vois que le député de Notre-Dame-de-Grâce, ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives a relevé les yeux. Son sens juridique ne peut pas faire autrement que se manifester devant un texte qui n'est pas parfait. Pas parfait au sens qu'il soit imparfait, mais au sens qu'il ne soit pas complété dans sa forme et dans son fond pour nous donner les principes qui en émaneraient et qui permettraient d'éclairer tous les membres de cette Assemblée sur ce que sera le véritable projet de loi no 28.

Je ne sais pas si j'ai bien répondu au ministre, mais c'est le sens de mon intervention, et je pense qu'il ne peut pas me reprocher — je ne lui impute pas d'ailleurs de tel sentiment — d'agir dans un esprit d'une part de collaboration avec le gouvernement, et d'autre part d'information de la population.

Et ici le ministre me permet d'entrer dans un autre sujet. Je ne ferai certainement pas reproche au ministre d'avoir, comme je l'ai fait en 1969 et 1970, parcouru la route no 20 ou à vol d'oiseau la distance entre Montréal et Québec, jour après jour pour rencontrer une quarantaine de groupes, pour essayer de les rassurer, de les assurer, de les convaincre et de les informer, de n'avoir pas fait suffisamment d'information.

Mais l'expérience, lors du projet de loi no 62 comme lors du projet de loi no 28... Encore tout récemment, la semaine dernière, j'étais —je vais indiquer à quel endroit — à un poste —et ce n'est pas une annonce commerciale que je fais comme souvent le gouvernement fait — qui s'appelle CFOX et qui comprend par conséquent le... c'est-à-dire tout le "west island" de Montréal...

M. CHARRON: Le poste CFOX.

M. CARDINAL: ...oui, c'est ça, CFOX comme dit le député de Saint-Jacques. Qui comprend entre autres une commission scolaire qui déborde les limites de l'île de Montréal, que j'ai senti pendant deux heures les inquiétudes de ces gens à la suite de déclarations du premier ministre sur le projet de loi no 63 — déclarations qui paraissaient dans la Gazette de ce jour-là — et des déclarations du ministre. Et je lui rappelais en commission parlementaire —quand il a dit qu'on pouvait peut-être même pendant la période de mise en application encore apporter des amendements — qu'il ne rassurait pas la population, qu'au contraire, il la plaçait dans un état d'insécurité.

Qu'est-ce qu'on cherche aujourd'hui au Québec? On cherche une sécurité qu'on a perdue sur tous les plans. Je ne dis pas que le gouvernement et le ministre vont trop rapidement, ça irait contre tout ce que j'ai dit au début. Mais je voudrais que le gouvernement se déclare, se compromette, qu'il donne des précisions et non seulement des assurances générales, des idées générales.

Je sais que d'autres en cette Chambre sur la question fondamentale dont je discutais au moment où j'ai été interrompu, la question linguistique, vont faire reproche au gouvernement, tant d'un côté que de l'autre, sur le vague et l'imprécision, mais sur le cadre qu'établit le projet de loi no 28 quant à la question de la langue, vis-à-vis tant de la majorité que de la minorité.

Je disais donc que les étapes de la mise en place de la loi nous paraissent claires. Les pouvoirs des commissions scolaires et du conseil scolaire — c'est là que le ministre m'a interrompu — lui paraissent clairs mais nous paraissent moins clairs. Les interventions du ministre de l'Education, du lieutenant-gouverneur en conseil, autre question importante, peuvent paraf-tre claires au ministre dans son intention, intention fort louable et qui part d'un excellent naturel et qu'on reconnaît au ministre député de Verchères.

Mais les intentions du gouvernement, le député de Maskinongé vient de dire qu'il ne les connaît pas, puisque le cabinet ne s'est pas prononcé sur ces amendements.

Devant un semblable aveu, je reconnais bien les bonnes intentions du ministre et ses assurances, mais quel est le projet de loi no 28? C'est un peu comme la loi d'hier sur les pétroles. C'est une loi dans laquelle il n'y a pas de

substance, parce qu'on ne connaît pas la réglementation. Je ne dis pas que le projet de loi no 28 est aussi vide que le projet de loi no 90 mais il est bien plus explosif, avec ou sans jeu de mots, et on l'a vu à la commission parlementaire. On l'a vu même au sein de la députation ministérielle.

Quant au système électoral, là on est d'accord, cela parait suffisamment clair, bien que l'on puisse s'interroger. Dans les débats, pendant les auditions à la commission parlementaire, le ministre a subitement changé d'avis sur la nomination non démocratique de deux personnes en plus des élus du peuple, un peu comme les anciens comtés protégés.

D'ailleurs, à ce moment, j'ai fait une intervention, parce que cela me surprenait qu'un gouvernement qui quelques mois auparavant avait aboli les comtés protégés vienne créer des commissions scolaires protégées où le gouvernement intervient parce qu'il n'a pas confiance au jeu de la démocratie. Le jeu de la démocratie, M. le Président — et là je veux que le ministre soit bien attentif — nous le subissons, nous, comme minorité au Canada. Il va falloir que tous les groupes au Québec le subissent aussi, le jeu de la majorité. Nous l'avons subi, nous, aux dernières élections, le jeu de la démocratie. Pourquoi le jeu de la démocratie, à Montréal, ne jouerait-il pas dans le système scolaire où on établit le suffrage universel? Le ministre rend un jugement de Salomon, coupe l'enfant en deux et nous présente des observateurs. Cela va faire quoi, des observateurs, dans une commission scolaire? Cela va observer au nom de qui, faire rapport à qui, suivant quel texte qu'on ne connaît pas?

Il y aura donc des commissaires qui vont délibérer avec les observateurs. Les observateurs vont ensuite se croiser les bras et vont les observer voter. Cela sera presque un Conseil législatif des commissions scolaires, M. le Président, et je parle d'expérience. Alors, j'aimerais bien connaître le texte qui va donner les pouvoirs d'observation, envers je ne sais qui, à ces observateurs.

Les comités confessionnels, là c'est plus clair. On sait qu'ils passent de tant à tant, puis qu'ils auront plus de pouvoirs. D'accord. D'ailleurs, personne ne s'était levé en commission sur la question des comités confessionnels, si ce n'est pour faire préciser davantage la position du gouvernement. Et c'est alors, comme le cite un journal de ce matin, que le député de Saint-Jacques a frappé son chemin de Damas a vu la lumière fulgurante L'éclairer et qu'il nous a fait une conversion soudaine.

M. CHARRON: M. le Président, sur une question de privilège. Je n'ai pas eu de chemin de Damas. J'ai simplement fait ce que n'importe quel parti politique aurait pu faire, c'est-à-dire que je suis allé rencontrer la population et vérifier ses désirs et, comme n'importe quel parti démocratique pourrait le faire, j'ai ajusté mes positions selon les demandes de la population. C'est exactement ce que j'ai fait.

M. CARDINAL: M. le Président, je félicite le député de Saint-Jacques d'imiter l'Unité-Québec qui, avec ses sept points de contact, fait ça continuellement depuis trois mois.

M. CHARRON: Cela fait trois mois, puis ils ont 36 ans, M. le Président.

M. CARDINAL: Ah! je ne soulèverai pas une question de privilège, M. le Président, j'ai la parole...

M. PAUL: Cela vient d'un enfant, continuez.

M. CARDINAL: Quant à la composition des comités de parents, là encore j'ai beaucoup d'hésitation. Qu'est-ce qu'un comité exécutif, un comité consultatif dont on ne connait pas exactement les pouvoirs, parce que qu'on n'a pas le texte, vient ajouter? Est-ce que cela aide à la participation ou si cela la détruit? Je m'interroge, M. le Président, je ne réponds pas.

J'ai connu le milieu des affaires pendant sept ans, où il y avait des comités exécutifs. Les gens du grand conseil ou du comité non exécutif avaient délégué un certain nombre de leurs pouvoirs, parce qu'il faut quand même qu'un exécutif ait des pouvoirs délégués, ce qui suppose que le comité de parents ait déjà des pouvoirs. Je le souligne simplement. Qu'est-ce qui va arriver? Il va arriver comme dans le milieu des affaires. Le comité exécutif sera celui qui se réunira et le grand comité, qui aura délégué les pouvoirs qu'il n'a pas, ne se réunira plus et il n'y aura pas de participation.

C'est une interrogation, M. le Président, et j'en appelle à la prudence, à la sagesse du ministre de l'Education. Qu'il se fasse conseiller, par les députés absents de Montréal, sur la situation à Montréal pour voir quelle sera la participation des parents avec la création de ce comité exécutif; l'absence de texte ne nous permet pas de juger de l'efficacité de son rôle et de la portée de cet amendement un peu surprenant.

Hier, M. le Président, il ne m'était pas possible de faire ces commentaires parce que la présidence m'aurait rappelé à l'ordre, me disant que j'étais déjà rendu en deuxième lecture à la suite d'une déclaration ministérielle. Mais j'ai repassé chacun de ces six aspects importants de la législation proposés à titre d'amendement au défunt projet de loi no 28, devenu instrument de travail, et dont nous discutons sans savoir quelle sera la prochaine forme.

M. DEMERS: Il n'y aura pas de deuxième lecture.

M. CARDINAL: Il va peut-être falloir quatre lectures, à moins que Saint-Pierre et Cardinal ne décident, comme on dit dans le langage liturgique, de biner et que, par une extravagance au règlement de cette Chambre, on repermette au

ministre de se lever pour faire une réplique aux discours que nous ferons de ce côté-ci et qu'on nous repermette de nous relever pour rerépondre au deuxième discours de deuxième lecture du ministre de l'Education sur le deuxième projet de loi 28.

C'est pourquoi nous sommes obligés, malgré notre désir véritable de vouloir la restructuration scolaire de Montréal, malgré notre désir véritable d'avoir des commissions scolaires unifiées, malgré notre désir véritable de vouloir l'égalité des services sur tout le territoire, du rattrapage pour les régions défavorisées, malgré notre désir de démocratisation de l'administration scolaire dans Montréal, malgré notre désir d'une participation effective et efficace des parents, malgré notre désir du respect du pluralisme religieux et linguistique à Montréal, nous sommes obligés, à ce stade, à ce jour — et non pas comme le dit toujours l'honorable premier ministre: à ce stage et à date, ainsi que son collègue le ministre des Finances — de nous réserver sur les positions définitives que nous devrons prendre.

C'est un peu la même position que j'avais dû, en tant que représentant de l'Opposition officielle, tenir au moment où on a commencé les débats sur le projet de loi no 27. Nous sommes donc dans la même situation qu'en juillet dernier vis-à-vis de cet autre projet de loi devenu maintenant loi.

Je désire souligner une autre question, en dehors des problèmes linguistiques, carcans de droits établis à partir de la mise en vigueur de cette législation, en dehors des problèmes de manque de texte pour certains sujets que j'ai soulignés. C'est une question qui est laissée sous silence dans la déclaration ministérielle, dans le discours de deuxième lecture et dans les réponses à la commission parlementaire. C'est toute la question des relations syndicales concernant les enseignants de Montréal.

S'il est un vice juridique fréquent qu'il faut éviter, c'est la législation par référence.

Chaque fois que, dans une loi, on dit que pour telle fin, les articles de telle autre loi s'appliqueront, l'on en vient à une série de lois qui doivent sans cesse être toutes amendées, parce que si l'on n'en amende qu'une partie et qu'on en oublie d'autres, on ne sait plus où on en est.

L'on a vu, lors de la création des communautés urbaines, la référence, je cite par coeur, à l'article 36 du code du travail devoir ou ne pas devoir s'appliquer parce qu'on ne savait pas, on n'était pas dans une situation prévue par l'économie générale et les dispositions particulières du code du travail.

Or, d'autant plus qu'il y a ces étapes de mise en oeuvre de la loi, la situation sera plus grave parce qu'on ne peut plus, à ce moment-là, légiférer par référence parce que ce ne seront pas des fusions qu'il y aura, ce seront des extinctions, des regroupements, ce ne seront même pas des regroupements, nous ne savons pas s'il y aura 7, 8, 9, 10 ou 11 territoires. Non seulement, quand je parle de relations syndicales, je parle de la question de salaires, de la question de classement, de la question de relations de travail, de la question de charge d'enseignement, mais je parle de questions aussi précises que cette fondation, au sens français et juridique du terme, qui existe à la Commission des écoles catholiques de Montréal. Où est-ce que ça ira?

Le comité provisoire va décider de ça, par l'inspiration du Saint-Esprit ou par réglementation ministérielle, je ne le sais pas mais j'interroge le ministre, voulant par là l'aider parce qu'il se fera interroger ou il aura des problèmes, et nous retomberons dans des problèmes comme ceux des projets de loi no 25, 30, 38 ou enfin tous ces projets de loi adoptés en période de crise et qui laissent toujours des plaies béantes lentes à cicatriser et difficiles à guérir.

Enfin, M. le Président, autre inquiétude, cette possibilité qu'avant la mise en oeuvre totale de la loi d'autres projets de loi nous soient présentés en cette Assemblée nationale pour venir modifier ce qui est devant nous, sujet d'inquiétude et d'insécurité pour les élèves, les parents, les enseignants, les cadres, les administrateurs en matière scolaire dans le Montréal métropolitain.

Si j'ai rappelé les quatre objectifs du projet de loi 62, si je les ai analysés en comparaison de ceux du projet de loi 28, si je refais un bref historique depuis 1964 des tentatives de réorganisation ou de restructuration scolaire sur l'île de Montréal ou sur le territoire des commissions scolaires du Montréal métropolitain, si j'ai mentionné plusieurs sujets d'inquiétude d'après le texte que nous avons là ou d'après la déclaration ministérielle d'hier, si j'ai insisté sur le fait qu'il est urgent que les membres de cette Assemblée aient en leur possession le texte précis et définitif des amendements dont le ministre nous a donné hier un texte sous forme d'ouverture — le député de Chicoutimi dirait ouverture d'opéra, comme probablement le ministre des Affaires culturelles — opéra prenons le au sens latin du terme, au sens de l'acte de l'opération que le ministre ou le gouvernement entend faire, c'est pour savoir où nous en sommes, où le gouvernement en est. Mais comme il ne le sait pas lui-même, nous n'en savons évidemment rien.

Ces remarques ne valent rien, je ne veux pas attaquer l'intégrité du ministre de l'Education qui a écouté, avec les membres de l'Opposition, pendant de nombreuses heures, ceux qui sont venus devant nous, mais elles veulent être un caveat au gouvernement de se décider, de se brancher, de nous dire si justement les ministres et les députés s'entendent sur un certain projet de loi qui s'appellera 28 ou 29 pour qu'on ne fasse pas comme on a fait pour d'autres projets; les déposer, les retirer, les amender, les mélanger, etc.

C'est la première fois que je vois une façon semblable de légiférer.

M. le Président, c'est donc au gouvernement

que mes inquiétudes sont exprimées, que mes interrogations sont adressées et que mes remarques sont faites. C'est dans un désir, justement, de nous situer, comme membres de l'Assemblée nationale, et de rassurer la population de Montréal sur ce que sera, en 1972, en 1973, en 1975 — ce sont là des étapes que le ministre nous a indiquées hier — la situation scolaire à Montréal.

On a connu, par l'Opération 55, par la création des collèges d'enseignement général et professionnel, par la création de l'Université du Québec, des problèmes qu'on appelle d'implantation. Mais ces problèmes n'ont rien de commun avec ceux que l'on connaîtra à Montréal avec la mise en oeuvre, par étapes, de la loi no 28, si l'on ne sait pas ce qu'est exactement cette loi avant d'arriver au comité plénier.

H ne faut pas se faire d'illusions. La population, le comité plénier, elle n'a pas cela comme livre de chevet. Comme nous sommes déjà engagés dans un débat de deuxième lecture, les membres de cette Assemblée, sauf quelques brèves apparitions à la télévision ou à la radio, doivent s'en tenir au débat et se déclarer les uns aux autres quelles sont leurs positions, leurs intentions, leurs décisions et leurs suggestions.

Quand nous aurons ces amendements, nous pourrons, à notre tour, suggérer des amendements. Nous avions, à la première séance de la commission parlementaire permanente de l'Education, en réponse à une déclaration du ministre que nous avions alors appréciée, souligné certaines de ces inquiétudes que j'ai relevées encore une fois aujourd'hui. Nous avons quand même eu toutes ces séances, la déclaration ministérielle d'hier, le discours du ministre en deuxième lecture aujourd'hui et, malgré l'ouverture d'esprit manifestée hier — je me dois de le souligner et de l'admettre — nous en sommes encore un peu, pas mal, beaucoup dans la même situation vis-à-vis d'un projet de loi héritier d'un autre qui, tous deux, ont fait couler beaucoup d'encre et fait beaucoup parler.

Comme ils ont fait déjà beaucoup parler et que le temps avance, je ne veux pas être trop long. Je voudrais conclure, sans référer à tous ces documents qui sont devant moi — selon le règlement, j'ai parlé avec des notes; j'ai appris cela dans un petit livre à l'article 285, premièrement — que je n'ai peut-être pas pu établir d'une façon parfaitement synthétique et parfaitement analytique toutes les inquiétudes de l'Opposition officielle et son désir qu'il y ait restructuration scolaire de l'île de Montréal, mais, à la fois aussi que l'on connaisse exactement, tant ici qu'à l'extérieur, quelle est la position précise, exacte, concrète du gouvernement libéral.

M. le Président, je vous remercie de m'avoir permis d'aider ainsi le ministre de l'Education. Je termine en le pressant encore davantage de se hâter de nous produire son véritable projet de loi no 28. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. BROCHU: M. le Président, on a, à maintes reprises, souligné les objectifs du projet de loi no 28 qui sont les suivants, au dire même du ministre: 1) assurer l'équilibre administratif entre les diverses corporations scolaires de l'île; 2) voir à une répartition équitable des ressources en fonction de la communauté de l'ensemble du territoire de l'île de Montréal sans distinction de religion, de race ou de fortune; 3) compléter un plan de rationalisation administrative amenant une décentralisation des services du ministère de l'Education; 4) doter l'île de Montréal d'un système scolaire où jouent harmonieusement les mécanismes démocratiques; 5 ) favoriser les échanges de cours, de services et d'enseignants entre les divers groupes qui forment la population de l'île de Montréal.

Le projet de loi en question n'est pas simple au point de vue des principes puisqu'il en contient plus d'un, c'est-à-dire qu'il comprend, en plus de l'aspect administratif comme tel, un aspect linguistique, un aspect confessionnel, un aspect se rapportant à la démocratie ainsi que le besoin dans les faits d'une approche qui tienne compte de la réalité. Ce bill touchant la restructuration scolaire de l'île de Montréal revêt une importance de tout premier ordre qui n'est pas, je pense, à démontrer ici puisque le nombre de personnes venues à la commission parlementaire, la quantité comme la qualité des mémoires soumis et surtout l'intérêt que le projet de loi a créé dans la population en général sont amplement éloquents à cet effet.

D'ailleurs, le projet de loi comme tel n'est pas nouveau puisqu'il émane du tombeau même du bill no 62 et de l'Union Nationale.

UNE VOIX: Ah ! les vraies tombes!

M. BROCHU: C'est une autre repousse, semblable à la première, alimentée d'on ne sait où, peut-être de la main même des fabricants de sarcophages politiques. Quoi qu'il en soit, le bill no 28 est là et les opinions à son sujet sont fort diverses et controversées. Un fait demeure, cependant. C'est que l'impact qu'il crée est d'une envergure considérable et que la vague de fond qu'il soulève actuellement est loin d'être négligeable.

Nous vivons, au Québec, dans une société pluraliste. C'est un fait et ce serait faire le jeu de l'autruche que de ne point reconnaître cette réalité. Cependant, tout en veillant à ce que les droits de la majorité ne soient pas compromis, les minorités ont droit également au respect du législateur.

Le pluralisme, dans une société moderne,

loin d'être un fait négatif, peut devenir un facteur de dynamisme pour toute une collectivité. D n'y a, je pense, que très peu de chances de se tromper en disant ici que la réorganisation du système scolaire sur l'île de Montréal est de nature à réjouir tous et chacun puisqu'il existe certains problèmes à ce niveau et qu'un tel objectif peut, en principe, établir un meilleur système.

Le bill no 28 veut donc établir de nouvelles structures scolaires, et même si les principaux objectifs, tracés par le ministre lui-même, sont d'ordre administratif, il faudra quand même que ces structures jouent un rôle subordonné par rapport aux valeurs qui sont en cause dans le bill. Qu'on accepte ou qu'on refuse cet énoncé en disant que les structures conditionnent le contenu, que ce soit sur les plans juridique, confessionnel, démocratique ou autres, par ce projet de loi no 28 l'Etat démontre nettement que, par-dessus tout, l'aspect administratif doit primer sur tout le reste et qu'à cet aspect on doit sacrifier le principal, les valeurs de fonds qui doivent faire de l'enfant un homme intégral. Au fond, pour l'Etat, l'éducation est avant tout de l'administration.

Tant il est vrai que lorsqu'un Etat se mêle de vouloir être un Etat éducateur à la place des parents, aussitôt les qualités de fond de l'enseignement et l'intérêt propre des enfants sont sacrifiés à ce que l'Etat juge être des intérêts de finance et de facilité de gestion.

De plus, la logique la plus simple est celle qui veut s'appuyer sur la réalité des faits. L'expérience administrative comme pédagogique nous commande de procéder à une restructuration scolaire réellement progressive, tel que le demande Mgr Grégoire dans son mémoire: "Nous pensons qu'au lieu de mettre en oeuvre en un seul temps une réforme globale il convient de procéder à une restructuration scolaire progressive. C'est ainsi que, pour répondre à des besoins d'ailleurs nettement ressentis, on devrait s'appliquer d'abord à mettre en place — ce qui est généralement souhaité — un conseil scolaire au niveau de l'île et des comités d'écoles au niveau local. Cette opération se compléterait par un regroupement ou une redivision des commissions scolaires actuelles en commissions scolaires catholiques, protestantes et autres. Une fois cette expérience vécue, on pourrait mettre au point le type de commissions scolaires qu'un sain réalisme commandera".

Ici, je pense qu'avec la connaissance d'une expérience comme telle, réellement progressive, on pourrait arriver, dans le sens que suggère Mgr Grégoire, à établir véritablement un système qui réponde à une réalité qui est là, sur l'île de Montréal.

Je continue la citation: "Cette façon de faire, en plus d'obéir à une loi externe d'efficacité et de rendement des structures, respecterait aussi la loi interne de croissance des mentalités." Je pense que cette loi interne de croissan- ce des mentalités dont parle Mgr Grégoire dans son mémoire est d'une importance capitale puisqu'elle met en cause, quand même, l'évolution de toute une société qui existe, en comprenant un pluralisme aux différents paliers mêmes de son existence.

Par une telle progression, on tiendrait compte du pluralisme et on éviterait des heurts à ce niveau également. C'est déjà loin, je pense, de ce que le ministre a proposé hier, en disant qu'il y aurait progression par le simple fait qu'on remettait à plus tard l'application de la loi. Ce n'est donc pas une application progressive qui existe dans le projet de loi, mais une remise à plus tard, purement et simplement.

A mon sens, une telle tactique est inacceptable, puisqu'elle deviendrait électorale par le fait que le ministre reporte l'application globale de la loi après les prochaines élections, en caressant peut-être, dans le noir, l'espoir que l'impact du bill 28 sera également ressenti plus tard. Cela ne touche pas du tout à la chaloupe. On peut continuer à la "booster" par en dedans, mais on n'y touche pas.

M. LEDUC: Seigneur! C'est un comédien né, ce monsieur!

M. BROCHU: M. le Président, la population montréalaise croit encore malgré tout — il faudrait écrire "malgré tout" en majuscules — à la démocratie. Si le bill 28 est accepté comme tel, avec les amendements de mots proposés, mais qui ne changent rien aux principes primordiaux en cause, le cercueil dont j'ai parlé au début pour le bill 62 ne pourra pas servir pour le bill 28 puisqu'il sera accepté. Alors, pour qui, M. le Président, servira-t-il?

M. LEDUC: C'est pour vous, ce cercueil.

M. BROCHU: D'autre part, M. le Président, lorsqu'on jette...

M. DROLET: Cruches vides!

M. BROCHU: ... d'un coup d'oeil général l'organigramme du projet de loi no 28 en partant du sommet, le conseil scolaire de l'île, jusqu'au bas de l'échelle où nous rencontrons les comités de parents, nous constatons que tous les fonctionnaires, pour ce qui regarde l'administration proprement dite à l'intérieur de ce projet de loi — depuis les fonctionnaires qui sont dans le conseil scolaire de l'île, ceux des commissions scolaires, le directeur général pour atteindre ensuite leurs adjudants, qui sont les sous-directeurs francophones et anglophones des services de l'enseignement, des étudiants et du personnel — tous ces fonctionnaires de l'Etat représentent l'Etat neutre comme tel et agissent comme fonctionnaires neutres avec des pouvoirs exécutifs en main.

D'autre part, les fonctionnaires qui ont affaire aux groupements d'élèves catholiques, protestants et autres et les membres des comités de parents au niveau confessionnel sont unique-

ment consultatifs, quoi que disent et quoi que fassent les soi-disant amendements qui ont été déposés à ce sujet hier.

Excepté que j'entrevois une autre possibilité. Parce que, depuis que je travaille avec le ministre de l'Education, j'ai pu entrevoir son envergure d'esprit. H pourrait même travailler dans une certaine banque puisqu'il a l'esprit ouvert.

M. PERREAULT: La Banque du Canada.

M. BROCHU: Je pense que le ministre a peut-être voulu, dans son intelligence, garder quand même une petite boîte à surprises...

M. LEDUC: Quoi, à surprises?

M. BROCHU: ... dans laquelle il y aurait possibilité de changer l'amendement ou non, tellement il a été vaguement présenté hier. J'ose espérer, connaissant l'intelligence, le sens de la démocratie...

M. SAMSON: N'en mets pas trop.

M. BROCHU: ... du ministre, connaissant ses grandes qualités, qu'il s'est volontairement conservé cette possibilité afin de voir et ce que les partis de l'Opposition penseraient et ce que la population continuerait de lui manifester, parce que je pense qu'il continue d'affluer chez le ministre un certain nombre de lettres et de représentations à ce sujet.

On ne trouve aucun soutien juridique véritable qui puisse donner des garanties suffisantes du côté confessionnel. On a des voeux pieux, on a une espèce d'amendement poétique qui couvre un peu tous les aspects de la confessionnalité, sans cependant en toucher profondément aucun.

M. LEDUC: Ainsi soit-il.

M. BROCHU: Le comité confessionnel est réduit...

M. DROLET: Il y en a un qui est bien malade de l'autre côté, il n'y a pas un médecin quelque part ici?

M. BROCHU: ... à un rôle de vigilance. Et le responsable des questions religieuses, lui, c'est un simple conseiller. Je ne parle pas d'un conseiller avec des pouvoirs comme Paul Desrochers. Je parle d'un simple conseiller qu'on ne sait pas trop sur quelle tablette mettre, parce qu'il faut le mettre dans la loi, les gens en veulent; d'un autre côté, il ne faut pas lui donner trop de pouvoirs, parce qu'il serait fatigant. On cherche la tablette pour le mettre. On présente un amendement assez vague pour dire qu'il va exister, sans dire qui il va être; on ne dira pas ce qu'il va faire, ni quelles responsabilités ni quels pouvoirs il aura.

Au fond, le projet de loi no 28 nous apparaît comme un immense cheval de Troie. H s'avance vers nous avec — on pourrait peut-être le concéder — certains principes généraux qui s'accordent avec nos théories.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permet une question?

M. BROCHU: Certainement.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député est en accord ou non sur les trois recommandations formulées par le comité catholique — et j'ai beaucoup de respect pour le comité catholique — du Conseil supérieur de l'éducation touchant le responsable des questions religieuses?

M. BROCHU : Je pense que le ministre est à même de voir quel genre d'attitude j'ai prise à la suite de l'étude de ces mémoires et la décision nous l'avons prise nous-mêmes en caucus.

M. SAINT-PIERRE: C'est une question fort intéressante que vous soulevez, le responsable des questions religieuses. Je cite ici, en page 10, le mémoire du comité catholique, du 12 novembre 1971, touchant le responsable des questions religieuses. Ce comité fait trois recommandations.

D'une part, il dit: "Pour fins d'autorité et d'efficacité, le responsable des questions religieuses devrait faire partie de la direction générale". Donc, ça veut dire ne pas être un vulgaire commis.

Or, quel est l'essence des amendements proposés hier? On dit, c'est un conseiller auprès du directeur général des écoles. Est-ce que ça n'a pas donné à ce dernier, justement, de donner suite aux recommandations du comité catholique? Deuxième recommandation du comité catholique: vu l'importance des fonctions, le choix de celui-ci devrait se faire après consultation du comité catholique des parents. Qu'est-ce qu'on retrouve dans les amendements d'hier? Le conseil doit consulter le comité catholique avant de nommer cette personne. Troisièmement, la tâche du responsable des questions religieuses devrait être définie par une recommandation, édictée ou approuvée par le comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation qu'on a fait nôtre dans nos amendements d'hier.

Alors, sur ce point précis, et d'ailleurs sur toutes les autres recommandations du comité catholique, j'aimerais savoir si, oui ou non, le député est d'accord puisqu'il invoque tellement cet argument de constitutionnalité. J'ai beaucoup de respect pour lui, mais en matière de constitutionnalité, mon conseiller, c'est le comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation et je pense qu'on a inclus à peu près 95 p.c. de ses recommandations dans nos amendements mentionnés hier.

M. BROCHU: Je trouve très bon que le ministre mentionne ça, cependant ce n'est pas sur l'aspect constitutionnalité quand on parle toujours de nos peurs inconscientes.

M. SAINT-PIERRE: Confessionnalité. Moi je parle de la confessionnalité. Le comité catholique ne peut pas parler de la constitutionnalité. Il y en a d'autres qui m'en ont parlé, mais...

M. BROCHU: Non, c'est parce que vous avez mentionné ça tout à l'heure. Je ne voudrais pas que vous fassiez part à la Chambre de peurs inconscientes, par un lapsus. Mais je pense que le ministre quand même a assez, comme je l'ai mentionné' tout à l'heure, de qualités, d'envergure et d'intelligence, pour pouvoir quand même, donner réponse à ce qu'il a dit aux recommandations du mémoire qui lui a été soumis. Pour notre part, nous restons libres quand même de prendre les positions que nous voulons et nous demandons qu'une certaine autorité soit donnée à ces représentants-là.

Alors, M. le Président, pour revenir à ce que je mentionnais tout à l'heure, le projet de loi no 28, c'est un petit peu comme un immense cheval de Troie qui s'avance vers nous. Et comme j'ai mentionné, on pourrait le concéder avec certains principes généraux qui s'accordent avec nos théories chrétiennes mais qui, dans ses modalités et ses plans d'exécution, expriment une nette tendance à négliger l'aspect religieux, et à faire passer le rouleau-compresseur de la conception de neutralité pour parvenir à l'établissement d'une école pour tout le monde au service d'une société globale.

Nous en sommes là et à mon sens c'est humiliant, et c'est dégradant pour la démocratie aussi. Et c'est surtout décevant pour tout un peuple à grande majorité confessionnelle, pour tout un peuple où il n'y a même pas 1 p.c. d'incroyants réels, de constater que le serviteur de ce peuple se dit non confessionnel, s'organise une administration immense non confessionnelle et entend dialoguer avec le peuple, peuple chrétien, avec un langage non-confessionnel, quitte à tolérer qu'il soit question de confession religieuse au bas de l'échelle mais au niveau purement consultatif.

On se croirait dans le climat éducatif de la France, au temps où Jules Ferry, ministre de l'Education, a tout fait pour installer l'Etat éducateur et le neutralisme en France. On se croirait dans la société de la ligue d'enseignement de France. On se croirait en pleine compagnie de notre bon ami M. John Dewey, aux Etats-Unis, avec sa conception matérialiste et neutre des écoles publiques, conception d'éducation qui est d'ailleurs maintenant désavouée, dépassée, ainsi que son précurseur.

Nous ne pouvons croire à la thèse de la neutralité ou de l'impartialité des corps administratifs lorsqu'il s'agit d'école et d'éducation. C'est la commission scolaire qui a la responsabilité d'engager les maîtres pour les clientèles scolaires catholiques. Elle ne peut ni ne doit être neutre à l'égard des valeurs propres à cette école. C'est la commission scolaire qui a la responsabilité de réclamer, auprès des universités et du ministère, des institutions capables de donner une formation chrétienne aux candidats à l'enseignement. Nous préférons que ces responsables, légalement mandatés, soient des corporations scolaires catholiques pour les clientèles catholiques et, dans l'autre cas, l'inverse.

J'aimerais faire remarquer au ministre qu'il serait fort imprudent, même s'il juge cela — comme il le disait dernièrement au Canadian Club — économiquement impossible d'aller contre la majorité confessionnelle catholique et protestante qui s'est prononcée contre les commissions scolaires unifiées. S'il veut être démocrate, pourquoi n'adopte-t-il pas au moins la thèse d'un regroupement progressif des commissions scolaires à Montréal? Qu'est-ce que c'est, pour lui, la démocratie? Il a tant parlé de démocratisation; veut-il établir une démocratisation en sacrifiant sur son autel ce qui est proprement la démocratie et le vrai pluralisme?

Il est toujours temps de défaire une loi adoptée, si elle est injuste. Ce serait grand dommage pour le peuple et pour la culture canadienne-française, en ce qui nous concerne de même que pour l'aspect confessionnel, que le bill soit adopté tel quel. Dans une province où le peuple est en majorité confessionnel et chrétien, tout le système administratif se veut et se déclare neutre. L'aspect religieux, qui, pour nous, même en éducation est fondamental, apparaît ici dans l'organigramme du projet de loi no 28 comme simplement marginal. Les parents, qui ont ou devrais-je dire qui devraient avoir la première voix en éducation, qui sont les premiers intéressés, ceux qui, par nature, sont les plus responsables puisqu'il s'agit de l'éducation de leurs propres enfants, sont considérés ici comme partie négligeable que l'Etat voudra bien, par tolérance, consulter. Que signifie et que vaut cette consultation?

De plus, le ministre a mentionné tout à l'heure, dans l'exposé qu'il a fait, que la confessionnalité ne devait pas faire partie de la structure — en somme, ne pas être garantie par le soutien juridique — puisqu'il s'agissait d'une question personnelle. Son raisonnement me fait un peu sourire, parce qu'il s'approche peu à peu, à pas de loup, dans ce secteur, de la position qu'avait prise le Parti québécois à la commission parlementaire. C'est un raisonnement qui est comme une arme à deux tranchants. Il faut bien en mesurer toute la portée. En effet, si on pousse le raisonnement du ministre jusqu'au bout, pourquoi dépense-t-on autant d'argent pour la prétendue commission Gendron alors que la question linguistique devrait être une question personnelle? Ce n'est pas moi qui le dis; je pousse votre raisonnement au bout.

Je pense que, simplement au niveau de cette argumentation, nous pouvons nous poser de

sérieuses questions sur l'orientation du projet de loi dans ces deux matières, et linguistique et confessionnelle. Puisque, pour le moment, j'en suis à la question confessionnelle, je dis — c'est la position de mon parti — que les soutiens juridiques doivent maintenir la confessionnalité.

De toute façon, il s'est fait un certain cheminement avant que le bill 28 soit déposé. Les leçons d'un passé pas très lointain devraient nous servir pour l'avenir que nous sommes à construire aujourd'hui ou, plus précisément, que le bill 28 dessine dans son essence en matière d'éducation. Qu'il nous suffise ici, M. le Président, de mentionner le cheminement effectué par le MLF, Mouvement laïque de langue française, qui, tout bénin qu'il pouvait paraître au point de départ, a su mener à bonne fin son idéologie, le tout avec la bénédiction des Paul Gérin-Lajoie, Lesage, Paul Desrochers et compagnie.

Ainsi, en 1967, un présumé membre du MLF publia dans certains journaux, dont le Soleil, un article intitulé "Fumez vos pipes," qui était une attaque dirigée contre toute autorité, particulièrement dans le domaine ecclésiastique.

Soulignant que son mouvement n'était pas étranger à l'élaboration du rapport Parent — d'ailleurs, je me demande encore ce que c'est, le rapport Parent; j'ai hâte qu'il soit proposé, que l'on sorte les quelque 400 mémoires qu'il y avait — on pourrait peut-être l'appeler aussi rapport Desrochers, Arthur Tremblay ou quelque chose du genre — ce monsieur avouait modestement: "L'intrusion habile et subtile des agnostiques dans le domaine de l'éducation est notre trait de génie — et les nôtres sont tellement nombreux — je pense que, comme le disent les Anglais, "it may ring a bell" pour le ministre, s'il a fait le tour de son ministère — au ministère de l'Education qu'ils ont établi une muraille autour des ministres en charge.

Nous avons tellement bien joué notre jeu que ce ne sont plus eux qui dirigent les destinées de l'éducation, mais nos fonctionnaires, nos technocrates, si vous aimez mieux. Cet article qui a paru dans plusieurs journaux est singé: Alain Dousy, de Montréal.

Le mouvement en question, d'ailleurs, vient d'être dissout puisque ses objectifs sont maintenant atteints. L'on constate que ceux-ci seraient fort bien servis encore par l'actuel bill 28 quant à la non-confessionnalité.

Je voyais sourire le ministre, tout à l'heure, lorsque je lui ai mentionné l'implantation de ce noeud à l'intérieur de son ministère. Je ne sais point interpréter pour le moment la nature de ce sourire, si cela en est un de satisfaction ou d'appréhension devant quelque chose qui nous pèse et dont nous ne voulons pas montrer le poids à ceux qui nous entourent. A présent, je pense que le ministre est conscient qu'à l'intérieur de son ministère les mots ordre, efficacité, organisation ne sont pas écrits en trop grosses lettres sur les murs et que les centres de décision n'appartiennent peut-être pas aux élus du peuple mais qu'il s'en fait peut-être simplement le porte-voix. Ici, je ne parle pas du ministre tel quel, à l'heure actuelle, comme de tous ceux qui se sont succédé à ce digne siège de l'éducation depuis quelques années.

Les porte-voix ont bien fonctionné et on a vu, malgré les changements de partis, les mêmes bills revenir sous les mêmes formes parce que l'idée de ceux qui les avaient décidés n'avait point été satisfaite.

Suite à tout cela, le bill 28 a-t-il une visée étatique ou s'il est la volonté d'un peuple qui croit encore à ses valeurs de fond qui ont construit notre nation québécoise? Il s'agit bel et bien en tout cas d'un retour en arrière d'une loi archaïque sur bien des points. Si je reviens simplement au niveau confessionnel, non content de ne pas respecter la majorité québécoise, qui est confessionnelle, qu'elle soit protestante ou catholique ou autres, non seulement content de ne pas les respecter, on en fait, comme disaient jadis les textes grecs, un "metling pot".

On dit, après cela: A l'intérieur de ces nouvelles structures que nous avons la générosité de vous donner — mais on ne mentionne pas qu'on n'a pas pensé et rien de cela — vous allez devoir manifester, messieurs, votre foi sous prétexte, comme le disait tout à l'heure le ministre dans son exposé, que certains étudiants peuvent, peut-être, à l'intérieur d'une école confessionnelle, être dissidents et ne pas assister aux cours de religion. A cause de cette majorité, qui est au nombre de combien, on dit: Il ne faut pas brimer le climat religieux confessionnel qui existe dans une école. Alors, pour ne pas brimer ce climat, on va enlever toute confessionnalité. Là, on l'a réglé, le problème! Là, on l'a réglé, on l'a tranché de A à Z, de haut en bas. Je connais des fonctionnaires qui vont être contents. Il y en a qui vont être fiers.

M. SAINT-PIERRE: Ridicule, ridicule. M. BROCHU: Je prends certaines...

M. SAINT-PIERRE: C'est une vieille rengaine que vous nous donnez constamment. Changez de phonographe parce que nous aimerions entendre autre chose sur le bill 28.

M. SAMSON: L'aiguille commence à vous piquer !

M. SAINT-PIERRE: Pardon?

M. SAMSON: L'aiguille du phonographe commence à vous piquer !

M. SAINT-PIERRE: Absolument pas. Mais l'absence de propos sur le bill 28 m'irrite.

M. BROCHU: C'est que malgré...

M. SAINT-PIERRE: L'absence de propos intelligents sur le bill 28, cela m'irrite.

M. SAMSON: Ah! si vous parlez de votre côté, parlez pour vous, d'accord, nous acceptons ce que vous dites...

M. BROCHU: Pour continuer dans les propos...

M. SAINT-PIERRE: Nous allons écouter.

M. BROCHU: ... soi-disant non intelligents dont le ministre parlait...

DES VOIX: Ah!

M. BROCHU: ... c'est qu'ayant remarqué le quotient intellectuel du ministre, du moins ayant soupçonné son quotient intellectuel, j'ai été surpris qu'il ne comprenne pas plus vite les appréhensions et les faits que, depuis quelque temps, nous lui soulignons en cette Chambre. Je pense qu'avant de répliquer de la façon dont il vient de le faire, le ministre aurait peut-être intérêt, sans en parler à personne, à aller à l'intérieur de son ministère et à prendre les décisions qui s'imposent. Que ce soit lui qui prenne les décisions. J'ai le regret, M. le Président, aujourd'hui, de ne pouvoir dialoguer avec le centre de décisions du ministère de l'Education, puisqu'il ne s'agit simplement que du porte-parole !

M. LEDUC: Qu'est-ce que cela a à faire avec le principe...

M. BROCHU: Le jour...

M. LEDUC: ... du projet de loi no 28?

M. BROCHU: M. le Président, si le député en question veut parler, qu'il aille donc à son siège.

M. LEDUC: J'aime vraiment mieux vous regarder de face !

M. BROCHU: A part cela, je voudrais faire remarquer au député qui vient de parler que je n'attaque pas le Parti libéral. Ce n'est pas la question. C'est que nous réalisons que dans la structure actuelle du ministère de l'Education, cela ne va pas.

M. LEDUC: Ah! Ah! Ah!

UNE VOIX: Il rit comme le père Noël!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permet une question?

M. BROCHU: Allez donc!

M. SAINT-PIERRE: C'est que vous soulevez cette question des fonctionnaires. Cette rengaine nous l'avons entendue durant les débats, mais, habituellement, cela dure trois minutes et, ensuite, on passe à des choses plus sérieuses et on tente d'avancer.

Je vous signale simplement que vos propos laissent supposer que le projet de loi no 28, tente de tuer l'école catholique. Je ne suis pas capable d'admettre cela. Vous avez cité des exemples de la France et de l'Angleterre. Je m'excuse! Regardez le projet de loi no 28, avec des comités confessionnels, avec le droit des parents à l'école confessionnelle, qui est identifiée à l'école catholique. Vos propos tendent plutôt à ridiculiser ceux qui ont véritablement un attachement profond pour l'école catholique.

Je vous invite simplement à regarder ce que l'archevêque de Montréal disait. Je le respecte plus que je ne vous respecte, sur le plan de la confessionnalité, malgré tout le respect que je vous porte comme individu. L'archevêque disait: "Nous reconnaissons à tous nos concitoyens, quelle que soit leur position religieuse, le droit à des services adéquats et nous appuierons leurs demandes dans ce sens. Dans une société pluraliste, les minorités ont droit à la reconnaissance".

Il me semble que ce pluralisme, il faut le respecter. Ce n'est pas parce que nous permettons l'école neutre que nous abolirons l'école catholique. C'est tout le contraire. Je l'ai dit dans mon discours de deuxième lecture: J'ai la ferme conviction que la très grande majorité des parents continuera à choisir l'école catholique. Plus que cela, j'ai la conviction que l'école catholique sera améliorée parce que, justement, ceux qui ne voudront pas de l'école catholique ne seront pas, comme aujourd'hui, à l'intérieur de structures dites confessionnelles.

Au niveau administratif, je vous repose la question, c'est une question pertinente: Est-ce que, dans votre localité, à Richmond, au niveau des loisirs, il faut avoir des loisirs catholiques et des loisirs protestants? Au niveau des patinoires, faut-il avoir une patinoire catholique et une patinoire protestante? On parle d'une structure administrative. On donne des garanties à des gens au niveau de l'école. La confessionnalité, on la place au niveau de l'école. Je vous invite à regarder le pouvoir de réglementation du comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation pour voir qu'il y a là des éléments qui sont plus pertinents que ceux que vous avez soulevés.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques, sur une question de règlement.

M. CHARRON: M. le Président, ce n'est pas sur les propos du ministre de l'Education, mais simplement pour vous signaler qu'il est six heures.

M. BROCHU: Je demande la suspension du débat, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Cette motion de suspension est-elle adoptée?

Adopté.

La Chambre suspend ses travaux jusqu'à huit heures quinze.

(Suspension de la séance à 18 h 1 )

Reprise de la séance à 20 h 17

M. HARDY (Président): A l'ordre messieurs!

Je dois faire remarquer à l'honorable député de Richmond avant qu'il reprenne son droit de parole que le temps qui lui est alloué est pratiquement terminé, même en tenant compte des interruptions qui ont pu se produire au cours de son discours.

M. SAMSON: M. le Président, en vertu de l'article 87, s'il vous plaît, nous n'avons pas le quorum.

M. LE PRESIDENT: Je dois constater, à l'instar du député de Rouyn-Noranda, qui semble de plus en plus connaître son règlement, que nous n'avons pas quorum. De ce fait, je demande que l'on appelle les députés. A l'ordre!

M. BROCHU: M. le Président, si vous permettez, j'aimerais répondre brièvement aux quelques points qu'a soulignés le ministre, avant que nous remettions les débats à ce soir, huit heures et quinze.

Le ministre a mentionné tout à l'heure qu'il trouvait curieux — pour employer un terme généreux — que je revienne souvent à la charge au sujet du ministère de l'Education et du soi-disant manque d'ordre ou encore que je trouve anormal que ce ne soit pas le ministre élu qui soit en mesure de prendre des décisions en matière d'éducation, mais que ce soit plutôt les hauts fonctionnaires et les technocrates. J'aimerais simplement mentionner que je reviendrai sur ce point tant et aussi longtemps que le ministre n'aura pas, dans les faits, pris une initiative qui me confirme le contraire ou qu'on ne m'ait pas démontré clairement que ce n'est pas la situation qui prévaut à l'heure actuelle au ministère de l'Education.

A ce fait, M. le Président, j'aimerais ajouter — puisqu'on semblait douter un peu de ma parole en ce qui a trait au ministère de l'Education et au rapport Parent, ou au rapport Guy Rocher - Arthur Tremblay qui était la même chose que le rapport Parent — les déclarations d'un ex-membre de la commission Parent au sujet des réformes en matière d'éducation, depuis les années 1960; il s'agit de M. Gérard Filion.

Le 31 juillet dernier, M. Filion, président de Marine Industrie et ex-membre de la célèbre commission Parent, était interrogé à la radio d'Etat dans le cadre d'une série d'émissions sur le Québec d'une décennie, où il a été longuement question de la marche de l'éducation depuis 1960 à aujourd'hui au Québec.

M. Filion, qu'on ne peut accuser d'incompétence en ce qui concerne le rapport Parent, n'y est pas allé par quatre chemins. Avec la franchise non influençable qu'on lui connaît, il a avoué, entre autres choses, que de la manière dont on a conduit et poussé la réforme scolaire on avait sacrifié une génération. Il ajoutait de plus que la Belle province était allé beaucoup trop vite en chambardant le système d'éducation, par l'improvisation.

On à, ponctuait-il, procédé au regroupement des commissions scolaires, créé des écoles polyvalentes et des CEGEP, sans parallèlement repenser le système et préparer les cadres susceptibles de s'y adapter.

M. Filion faisait encore la réflexion que cela n'a pas prouvé, jusqu'à présent, que les élèves soient mieux partagés qu'autrefois lorsqu 'arrive l'heure grave d'une option à prendre qui soit apte à les orienter efficacement dans leur vie.

A partir d'une telle déclaration — ce n'est pas le député de Richmond qui l'a faite, c'est M. Gérard Filion — on peut réellement se poser de sérieuses questions sur le ministère de l'Education, sur les centres de décisions qu'il devrait prévoir et sur la mise en application de certaines politiques ou tout au moins sur la pensée fondamentale philosophique qui les oriente.

Les amendements qui nous ont été soumis hier, comme je l'ai mentionné, n'offrent aucune garantie, n'offrent aucun soutien juridique dans la loi quant à la confessionnalité au niveau de l'île de Montréal. Je pense que ceci est clair. Nous ne défendons personne sinon la majorité, et c'est notre prise de position. Nous n'avons pas appuyé le Conseil supérieur de l'éducation, mais si certaines choses se regroupent, c'est possible que ce soit normal. D'ailleurs, je ne défie pas le ministre puisque le règlement ne le permet pas mais je peux faire quelque chose qui y ressemble en lui demandant de me prouver si le Conseil supérieur de l'éducation n'a pas donné un avis approuvant la commission scolaire unifiée mais recommandant certaines étapes dans la mise en application, de sorte qu'il y ait une gradation dans les faits.

Quant au Conseil supérieur de l'éducation, qui se divise en deux secteurs, catholique et protestant, le secteur catholique a dernièrement donné un avis ne recommandant pas la commission scolaire unifiée mais une expérience-pilote, dans une zone donnée. Ceci revient encore à ce que je mentionnais tout à l'heure, soit de faire l'expérience progressive au lieu d'implanter une structure globale dont on n'est aucunement certain.

Deuxièmement, le Conseil supérieur de l'éducation, section protestante, a donné aussi un avis pour que la mise en application du projet de loi se fasse de façon graduelle, de sorte qu'on ne mette pas en place certains organismes qui soient de nature à chambarder l'harmonie qui peut exister sur l'île de Montréal. Je pense que notre position à ce sujet-là est passablement claire. Nous défendons certains principes qui sont les nôtres et nous entendons les défendre jusqu'au bout.

En terminant, je regrette énormément que le

ministre, à ce sujet-là, n'ait pas déposé les amendements précis qu'il entend apporter au projet de loi puisque à l'heure actuelle, en deuxième lecture, nous vivons une situation complètement anormale parce que nous discutons, à certains points de vue, encore sur des hypothèses. Les amendements qui nous ont été soumis hier dans certains secteurs restent trop flous.

Ils sont simplement l'émission de certains voeux ou la présentation d'une suite de mots qui ne reflètent aucunement dans les faits ce qu'ils veulent laisser entendre.

Je regrette également qu'il n'y ait pas eu une autre forme de consultation sur un projet de loi aussi important. Un certain cheminement s'est poursuivi à travers une prétendue commission pour un prétendu rapport Parent. Ensuite, il y a eu la commission parlementaire.

J'aimerais citer, au niveau de la commission parlementaire, un communiqué émis par le comité protestant du Conseil supérieur de l'Education qui dit ceci: "Un gouvernement pourrait-il croire qu'il satisfait aux principes de la démocratie par le seul truchement d'un comité parlementaire qui donnerait l'occasion à tous les groupes de venir s'exprimer. Notre réponse est non. Le comité parlementaire peut-être aussi bien un paravent de dictature qu'une garantie authentique de démocratie. Dans les mémoires présentés, se retrouve l'éventail de toutes les opinions et le gouvernement peut toujours justifier les décisions qu'il prend face à cette diversité. Rien ne prouve cependant que la volonté et les droits des groupes auront été respectés."

Sur cet aspect, nous croyons donc qu'il vaudrait mieux faire une consultation plus adéquate, si elle n'a pas été faite ou, tout au moins, nous appuyer sur certains principes qui sont à la base de notre démocratie et qui veulent que le gouvernement représente la majorité qui est, jusqu'à avis contraire, confessionnelle sur l'île de Montréal.

Encore sur l'aspect de la confessionnalité, j'aimerais attirer l'attention du ministre sur un point qui pourrait le justifier de s'arrêter davantage afin, comme disent encore les Grecs, qu'il se "gear" d'une autre façon au besoin, parce que nous avons remarqué dernièrement, à la fin des séances de la commission parlementaire, que le Parti québécois même avait fait volte-face sur cette question.

M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement. Il ne s'agissait pas d'une volte-face; il s'agissait d'amplifier une position qui était déjà prise, que nous avions endossée et que le ministre a lui-même reprise dans ses propres amendements.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il est évident que le point de règlement soulevé par le député de Saint-Jacques n'en est pas un. Il pourra très bien, au cours de son discours sur la motion de deuxième lecture, rétablir les faits, mais il ne s'agit pas, pour le moment, d'un point de règlement.

Maintenant, puisque je suis debout, je dois rappeler au député de Richmond qu'il dépasse de plus en plus le temps qui lui est alloué et je suis obligé de demander le consentement unanime de la Chambre pour lui permettre de continuer.

M. BURNS: M. le Président, vous n'avez pas le consentement unanime de la Chambre.

M. BROCHU: M. le Président, il y a eu de nombreuses interruptions.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Il faut le consentement unanime, et l'honorable député de Maisonneuve le refuse. Je suis obligé d'enregistrer le fait qu'il n'y a pas consentement unanime de la Chambre.

M. DROLET: Si c'était pour défendre Char-trand, peut-être qu'il serait d'accord.

M. BURNS: M. le Président, peut-être un rétablissement des faits. Je m'excuse de l'expression — le leader du gouvernement n'est pas là, je m'en réfère au leader adjoint — il y a un "gentlemen agreement" à l'effet que le représentant même des deux partis reconnus, malgré le règlement sessionnel, a une tolérance jusqu'à une heure. Je crois que c'était le cas pour le député de Richmond. S'il n'est pas rendu à cette période d'une heure, évidemment, je retire mon refus de consentement.

M. LE PRESIDENT: Il est évident que le président ne peut pas appliquer des ententes tacites; c'est la raison pour laquelle je demande s'il y a consentement unanime. La Chambre demeure toujours absolument libre de consentir ce qu'elle veut. Dans le moment, le député de Richmond, en vertu des règlements, a une demi-heure. Il l'a actuellement dépassée et c'est pourquoi je demande s'il y a consentement unanime pour qu'il puisse poursuivre.

M. BURNS: M. le Président, je m'excuse, je croyais que cela faisait une heure que le député de Richmond parlait.

M. LEDUC: Cela nous a paru long à nous aussi.

M. BURNS: Comme il ne s'agit pas d'un discours d'une heure, vous avez mon consentement; à moins que quelqu'un d'autre ne s'y oppose, vous avec le consentement unanime de la Chambre, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.

M. BROCHU: M. le Président, j'en étais

rendu, de toute façon, au niveau d'une conclusion. Je ne veux pas étirer le débat. J'ai voulu synthétiser l'exposé que j'avais à faire...

M. DROLET: Retournez donc au Café vous autres!

M. BROCHU: Voici le père Noël du Parti libéral qui se met à applaudir. Je vois que c'est bon signe quand même. C'est parce qu'il se sent un peu "gorlot" probablement. C'est le temps des Fêtes.

M. ROY (Lévis): Ah! il se sent un peu "gorlot".

M. BROCHU: M. le Président, je demandais simplement l'attention du ministre sur l'importance que des pouvoirs décisionnels soient accordés en matière de confessionnalité, tel que demandé par le Parti québécois et tel que nous l'avions d'abord demandé.

J'ai simplement souligné le fait que si le Parti québécois avait changé subitement d'attitude, dernièrement, c'est qu'il s'était rendu compte que la population de Montréal désirait vraiment que certains pouvoirs décisionnels soient accordés en matière de confessionnalité.

Je pense ne pas tromper les faits en attirant l'attention du ministre sur un fait aussi important que celui-là.

M. le Président, je voudrais terminer en mentionnant qu'on ne peut pas, par un projet de loi, aussi bien intentionné soit-il, rejeter du revers de la main ou d'une Législature certaines valeurs fondamentales qui ont mené une société à être ce qu'elle est. C'est justement le chanoine Lionel Groulx qui écrivait: "Les peuples commencent de mourir le jour où ils changent leur expression humaine dans l'histoire. Il faudra bien que nous soyons de chez nous et de notre passé si nous voulons continuer quelque chose". Je pense que simplement sur cet avertissement du chanoine Groulx, nous devons prendre en considération les principes fondamentaux qui sont en cause dans le projet de loi no 28. Je demande au ministre, encore une fois, de reconsidérer sérieusement les questions que nous lui avons posées sur la mise en place progressive des mécanismes au niveau de la réalité et non pas simplement en termes de temps et de reconsidérer aussi la question de pouvoirs décisionnels accordés au niveau de la confessionnalité.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, nous sommes rendus à l'étape cruciale de ce projet de loi no 28, celle de l'adoption de son principe. Je pense que tous les membres, à tout le moins ceux de la commission parlementaire de l'Edu- cation, doivent éprouver aujourd'hui, plus précisément ce soir, une certaine satisfaction à savoir que depuis son dépôt le 6 juillet dernier, jusqu'à ce soir, à tout le moins, le débat qui a entouré l'étude de ce très important projet de loi a été d'une nature élevée et d'une qualité, d'après mon expérience parlementaire, sans précédent. J'espère que, jusqu'à la toute fin soit de son adoption ou de son rejet en troisième lecture, le projet de loi connaîtra des débats d'une pareille qualité.

Il est bien entendu que je ne veux pas profiter de cette période pour reprendre des positions moult fois répétées au moins au cours des dix séances de la commission sur chacun des articles ou chacune des modalités prévues au projet de loi puisque de toute façon également l'ordre des travaux parlementaires nous permettra de le faire en comité plénier comme en troisième lecture.

Mais il s'agit de reprendre une dernière fois, et une première fois aussi, avant le comité plénier, aux yeux du ministre, les principes généraux qui sous-tendent notre appui au principe du bill et qui soutiendront plus tard chacun des amendements que nous proposerons au projet de loi.

La première remarque, M. le Président, sera à l'effet que l'importance de la loi ne peut quand même pas faire oublier son retard. Je pense qu'on aurait tort de voir, dans cette remarque, si vous voulez, la remarque traditionnelle d'un parti de l'Opposition sur les lenteurs et l'inefficacité aussi traditionnelle d'un gouvernement. Je pense que cela va beaucoup plus loin que cela. Je prendrai les prochaines minutes pour expliquer pourquoi j'ai dit que l'importance de la loi ne peut faire oublier son retard.

Il s'agit, en fait, de porter à l'attention de nos concitoyens un décalage marquant entre le geste actuel du gouvernement qu'est le projet de loi no 28 et l'évolution de notre système scolaire.

Le projet de loi no 28, c'est, en fin de compte - les orateurs précédents l'auront rappelé — l'achèvement de l'opération 55, opération menée il y a maintenant plusieurs années par le premier ministre de l'Education et plusieurs fonctionnaires de son ministère. L'opération 55, vous rappellerais-je, M. le Président, était le premier effort de régionalisation des services scolaires, en province, axé principalement sur le désir d'accessibilité générale à l'enseignement secondaire, que les commissions scolaires étaient tenues d'offrir à partir d'une loi adoptée en 1961.

Pour une raison ou pour une autre, dont une serait le fait qu'il était moins urgent qu'ailleurs d'effectuer la régionalisation puisque l'enseignement secondaire public y était organisé depuis longtemps, le gouvernement de l'époque décida de différer la restructuration scolaire de la complexe et compliquée île de Montréal. Ce n'est que six ou sept ans plus tard que Montréal connaît enfin son tour.

Or, M. le Président, six ou sept ans plus tard, le contexte a changé. Le projet de loi le reconnaît lui-même. Il est clair qu'un pareil geste gouvernemental eut été de nature différente il y a quelques années. Peut-être, M. le Président, n'aurait-il même pas intégré l'élémentaire et le secondaire, comme la loi 27 vient récemment de se refuser à le faire pour le reste de la province.

Mais il me semble que, à tort ou à raison, le ministère garde la mentalité de l'opération 55. Il n'a pas tort quand il s'appuie sur l'importance des structures scolaires dans la vie de l'éducation.

Mais le malaise actuel — si vous me permettez cette expression modérée — du monde de l'éducation, en même temps que le temps qu'il a mis à légiférer, aura sans doute appris au gouvernement qu'un débat sur le contenant ne fait que retarder celui sur le contenu.

Par contenant, j'entends les structures du système scolaire québécois, les institutions, neuves ou replâtrées, qu'il s'est données, les règlements qui s'appliquent à leurs rapports ou à leur vie interne.

Le contenu, c'est ce à quoi on veut les faire servir, les valeurs qu'il protège ou qu'il crée, les défis qu'il relève ou qu'il se refuse à relever. Et ce n'est pas découvrir le Pérou que de dire qu'en 1971 c'est le contenu de cet immense appareil qui est devenu l'objet discutable et discuté.

Notre système d'éducation repose sur des valeurs désormais contestées. L'efficacité économique qu'il devait assurer se trouve maintenant démentie de façon quotidienne par les chômeurs instruits, aussi bien que par les commis d'industrie, version pour société industrielle de notre antique "cheap labour"

On sait désormais — et à Montréal peut-être plus qu'ailleurs — qu'on ne renverse pas une infériorité économique simplement par une structure scolaire. La fameuse vie meilleure, l'ouverture aux changements que devaient signifier les bouleversements de l'éducation deviennent une mythologie assez douloureuse pour les milliers de "dropouts" que la ville de Montréal abrite et qui représentent — tout le monde le sait — un procès vivant à notre société et au système d'éducation qu'elle maintient.

Je sais bien, M. le Président, que vous seriez tenté de me dire que je m'éloigne du sujet. Un projet de restructuration scolaire, ce n'est quand même pas un remède pour tous les maux de la société, j'en conviens. Mais on aurait tort et en tout cas nous refuserons de faire du débat sur le projet de loi no 28 un débat théorique ou, si vous voulez, une querelle d'organigrammes autour d'une structure administrative, alors que chacun des membres de la Chambre sait très bien qu'elle intervient dans un milieu bien précis, qui est considéré désormais à peu près comme une poudrière, celui de l'île de Montréal.

Une structure, aussi structurelle soit-elle — si vous me permettez le pléonasme — sert quand même à quelque chose et nous devons savoir à quoi. Et ceux qui doutent du fait que le retard qu'on a mis à faire la restructuration scolaire de Montréal ait eu un effet sur la qualité du contenu ne pourront quand même pas ignorer la vérité latente d'un des derniers avis du Conseil supérieur de l'éducation sur l'école en milieux défavorisés.

La lenteur de la réforme de structure à Montréal a retenu plusieurs milliers de jeunes citoyens de ce qui est encore à leurs yeux les rêves du rapport Parent. La faiblesse économique de certains secteurs de la CECM, par exemple, a chez nous réduit la grande réforme pédagogique à sa plus simple expression. Et ceux qui se faufilaient jusqu'aux CEGEP se trouvaient désincarnés d'un milieu qui garde l'impression pénible d'avoir fait les frais de la nouvelle structure sans en avoir eu tellement les fruits.

M. le Président, je ne fais que mentionner, pour ne pas envenimer le débat, le fait qu'à Montréal l'infériorité socio-économique des francophones ne reste pas à la porte de l'école et que l'urgence du correctif pour la majorité s'impose chez nous à chaque coin de rue.

Cette remarque, je pense, M. le Président, s'imposait pour que l'on comprenne bien la position que le Parti québécois prendra sur les différentes modalités du projet de loi. Il n'y a qu'un seul moyen, selon nous, de reprendre le temps perdu, sinon de ne plus en perdre, c'est dans la profondeur de la réforme. Les institutions que l'on établira par ce projet de loi auront, chez nous à Montréal, une contrainte particulière, celle de désormais faire face au débat sur le contenu et il est déjà prévisible que ces structures fonctionneront avec des limites de résistance qu'aucune garantie superficielle ne pourrait maintenir.

Au contraire, le délai qu'on a mis à faire cette réforme nous aura seulement permis d'apprendre que chez nous la réforme doit être radicale. M. le Président, quand je dis que le projet de loi doit faire face à des obligations différentes en 1971 que s'il eût été présenté en 1966-1967, je n'en prends comme seul exemple que la démocratisation du système scolaire. Si on avait procédé à cette réforme scolaire en 1964-1965, peut-être que la commission parlementaire qui a siégé n'aurait pas entendu du tout des mémoires du type de ceux que nous avons entendus, par exemple, sur le chapitre de la démocratisation.

Le fait qu'on ait attendu, a permis à Montréal d'évoluer, à certaines idées d'apparaître, de grandir, de croître, de gagner un plus grand nombre de citoyens. Alors que la structure actuelle du projet de loi no 28 aurait peut-être été parfaitement acceptable en 1964-1965, les citoyens, eux, ont évolué. Ils en demandent plus et exigent des garanties et des pouvoirs adaptés au degré de politisation, au degré d'évolution que la société québécoise, en

particulier la société montréalaise, à atteint depuis quelques années.

Donc, je dis que le retard qu'on à mis — je n'en blâme pas le ministre actuel: cela s'applique à tous les gouvernements — à apporter cette réforme fait qu'elle doit répondre à des obligations particulières. Mais, M. le Président, il faut se demander pourquoi une pareille réforme, dont tout le monde à peu près a clamé la nécessité, l'urgence, a mis autant de temps à paraître. Comment se fait-il — je le demande à tous les membres de la Chambre — qu'alors qu'on n'hésitait pas à bousculer les structures scolaires d'un coin à l'autre de la province, à chambarder l'antique système d'éducation du Québec, il se soit trouvé qu'une charpente scolaire touchant presque la moitié des jeunes Québécois résiste, non sans craquer, aux vents de démocratisation et aux marées de renouveau?

Comment se fait-il que cette structure-là ait résisté jusqu'à la toute fin? Peut-être que l'adoption du projet de loi en deuxième lecture marquera la fin d'une étape de démocratisation et de changement de structures.

On se l'est demandé. Je crois que l'explication ne peut tenir à la nature de ces structures, au contraire. Le ministre l'a mentionné lui-même dans son discours et à peu près chacun des témoins que nous avons entendus à ces intéressantes séances de la commission parlementaire est venu nous décrire, avec des exemples plus abracadabrants les uns que les autres, l'archaïsme des structures scolaires de Montréal, qui est indéfendable sur tous ses plans. On ne peut plus défendre, sur le strict plan administratif par exemple, la structure actuelle des dizaines de commissions scolaires, non plus que le mode de nomination des commissaires.

Croiriez-vous encore, M. le Président, si je vous l'apprenais ce soir — mais je sais que vous le savez déjà — que, des sept commissaires de la Commission des écoles catholiques de Montréal, quatre sont nommés par le gouvernement et trois par l'archevêque de Montréal, encore en 1971? C'est aussi vieux, aussi vétusté, aussi dépassé et aussi ridicule que la constitution du pays dans lequel on vit encore. Puisqu'on s'attaque désormais à toutes ces vieilles structures, c'est à se demander comment on peut trouver encore des gens pour défendre cette vieille structure. Le système de taxation à Montréal est une injustice flagrante dénoncée depuis des années; pourtant, il a résisté à tous les assauts. Ce n'est que ce soir, ce n'est que par cette loi 28, après une dizaine d'années d'efforts dans le domaine de l'éducation, qu'on commence à l'atteindre un peu profondément.

Sur le seul plan administratif, le parallélisme des structures confessionnelles et linguistiques constitue un gaspillage aussi incroyable que dénoncé depuis plusieurs années. Les iniquités, dans la répartition des ressources et de l'équipement — le ministre en a fait mention et les collègues de l'Opposition aussi — sont visibles à tous ceux qui veulent les voir sur l'île de Montréal. L'écart, le fossé qui existe entre anglophones et francophones, entre zones riches et zones qu'on appelle modestement et pudiquement défavorisées, est devenu provoquant pour chaque Montréalais. C'est à se demander comment il se fait que ces structures aient pu résister pendant aussi longtemps.

Les structures ont résisté parce qu'elles couvrent des privilèges, et des privilèges ça se défend. Me permettriez-vous ce pléonasme, M. le Président? Les privilégiés sont mieux placés que n'importe qui pour défendre leurs privilèges. Sans crainte, on peut dire que l'histoire socio-économique de la métropole fourmille d'incidents qui viennent nous rappeler l'inégalité des rapports de force à Montréal et la pénible, la cruelle "minorisation" d'une majorité. Les privilèges indescriptibles dont les anglophones ont su entourer leur droit à un enseignement dans leur foi, l'habileté qu'ils ont eue à confondre les deux dans l'esprit de la population, la discrétion qu'ils ont mise à s'échafauder un système parallèle, sinon complètement contradictoire, à certaines dispositions de nos lois, l'ignorance qu'ils ont eue et qu'ils ont entretenue de l'autre groupe, le privilège légitime qu'on leur a consacré, en droit, d'assimiler les immigrants à un rythme destructeur pour la majorité et les fameuses "entrées" politico-financières' que leur puissance leur a values sur toutes les scènes de notre vie, tout cela est reconnu.

Plus personne, j'espère, aux lendemains des séances de la commission parlementaire, n'est dupe de la confusion richement et savamment entretenue entre le confessionnel et le linguistique. La loi 63 a consacré le droit à l'enseignement dans la langue anglaise. Il serait inutile, peut-être même malhonnête, je crois malhonnête, de recourir à l'article 93 de cette antique constitution comme l'unique argument contre l'unification des commissions scolaires. L'enseignement dans la langue anglaise est un droit. Les structures scolaires propres à une minorité, c'est une privilège, et aucune facétie de "constitutionnalite" aiguë ne réussira à masquer cette défense de privilèges.

Aujourd'hui, consacrer deux systèmes séparés selon la langue, ou encore permettre à une confessionnalité particulière de coiffer un système scolaire, c'est privilégier un groupe au détriment d'un autre, et là-dessus le gouvernement n'a pas à craindre d'être radical.

Intervenant donc avec un retard qui lui vaut des contraintes particulières et dans un contexte où l'injustice s'est, chez nous à Montréal, érigée en système, la Loi concernant la restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal doit désormais répondre à des objectifs essentiels. Le premier est évidemment celui de rétablir chez nous les droits de la majorité francophone. On ne le fait pas, je le disais tantôt, par une simple restructuration scolaire,

mais une restructuration scolaire peut y contribuer. L'unification des commissions scolaires sous un conseil scolaire fort, principe de la loi 28, est un pas en ce sens, et c'est pourquoi nous allons voter en faveur de cette loi en deuxième lecture.

Nous ne sommes pas sans connaître les réticences et les tiraillements que ce geste va poser chez nous. On n'intervient pas après 100 ans de laisser-aller sans déranger du monde, mais nous croyons sincèrement, sans vouloir ignorer ces dérangements, sans vouloir ignorer ces tiraillements, que le jeu en vaut la chandelle, que les conséquences et les impératifs socio-culturels en valent la peine, sans compter la nécessaire intégration que tout le monde, je pense, en cette Chambre est prêt à accepter.

La démocratisation du système scolaire reçoit dans ce projet de loi un droit d'entrée sur l'île de Montréal. La porte s'est même encore plus largement entrouverte hier par les amendements que le parti gouvernemental a accepté d'apporter à son propre projet de loi. Certains reprenaient presque mot à mot des suggestions que nous avions faites depuis la première séance de la commission parlementaire. Le ministre le sait, d'ailleurs, qui a accepté bien sincèrement cette contribution que nous avons pu fournir à édifier un meilleur projet de loi.

Il restera quand même au Parti québécois, à travers une porte désormais entrouverte, à en augmenter la portée prévue à chaque palier de la nouvelle structure, et nous soumettrons une série d'amendements en ce sens, et le ministre les connaît à peu près complètement à l'avance, lors de l'étape du comité plénier.

Donc, le projet de loi no 28 doit répondre à des objectifs essentiels. On ne peut pas manquer le bateau. On a mis 100 ans — j'ai failli vous citer Charlebois, mais je ne le ferai pas: C'est long 100 ans — avant d'intervenir, et si on calcule la fréquence de nos interventions dans les structures scolaires à Montréal, il ne faudrait pas attendre un autre 100 ans avant de modifier ou d'améliorer une structure scolaire. On ne doit pas faire les choses à moitié. D'abord parce qu'on ne changera pas une structure scolaire à tous les cinq ans.

Donc, celle que nous édifions doit non seulement corriger les injustices passées, non seulement répondre aux besoins présents, mais également prévoir les besoins futurs. C'est un défi. C'est un défi pour n'importe quelle décision gouvernementale. Nous sommes prêts, en ce sens, étant d'accord sur le principe de la loi, à épauler le gouvernement pour que dans chacune de ses dispositions, dans chacun de ses articles, la loi puisse relever ce triple défi.

Nous ne pouvons pas faire les choses à moitié et nous devons là-dessus analyser profondément chacune des conséquences de nos décisions. Nous ne pouvons pas accepter une structure trouée ou, comme je le disais en réponse à la déclaration ministérielle du député de Verchères hier après-midi, nous ne pouvons pas accepter une incohérence de principe à travers ce projet de loi qui risquerait d'affecter, sur le plan des faits, sur le plan de la réalisation, le principe heureux qu'il contient, celui de l'unification des commissions scolaires et celui de la création d'un conseil scolaire.

Quels sont donc, M. le Président, les impératifs auxquels une restructuration doit répondre et, comme je viens de le dire, doit répondre complètement? Le premier, celui qui me saute aux yeux, est celui qui est à la base de la position du Parti québécois sur cette question, c'est celui de répondre à un besoin de justice sociale.

H s'agit en fait de convertir en réalité un droit reconnu, répété, affiché, publié; de faire en sorte que ce prétendu droit, cette accessibilité générale à l'éducation devienne une réalité. Le droit est inscrit dans les règles et dans les décisions de cette Chambre depuis plusieurs années. Il faut désormais que cette Chambre se penche sur les possibilités d'exercice de ce droit.

Nous aurions pu, si nous avions disposé d'un matériel audio-visuel, informer les membres de cette Chambre de certains graphiques que nous ont fournis les autorités de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Je suis convaincu que plusieurs députés, en particulier peut-être, et je ne les en blâme pas, les députés de l'extérieur de Montréal auraient été étonnés de voir le fruit de certaines études menées par la Commission des écoles catholiques de Montréal quant au résultat de ces étudiants.

Je dis, pour l'information de mes collègues qui ne sont peut-être pas familiers avec les choses scolaires, comme j'ai dû le devenir dans ce métier, que la Commission des écoles catholiques de Montréal fonctionne maintenant en cinq régions administratives. Une, en particulier, qui s'appelle la région no 2, couvre ce qu'on pourrait appeler une région défavorisée, c'est-à-dire, en gros, le comté de Saint-Jacques et le comté de Sainte-Marie, pour se situer dans une géographie que l'on connaît beaucoup mieux.

On a analysé les résultats scolaires d'enfants allant à l'école dans cette région no 2, donc issus de milieu défavorisé, et les résultats scolaires d'enfants allant dans la région no 5, celle du nord de Montréal, le quartier d'Ahunt-sic, le quartier de Montréal-Nord, etc. Dans toutes les disciplines on voit effectivement, quand on analyse la courbe, une supériorité dans les résultats pour les enfants issus des zones riches par rapport à ceux qui sont issus des zones pauvres.

Je ne crois pas et je n'espère pas qu'un seul membre de cette Chambre croie que ces résultats sont dus au fait que les enfants des zones pauvres seraient moins intelligents que les enfants des zones riches. Ils sont tout simplement moins équipés. Ils ont tout simplement moins de chances au départ. Ils sont tout simplement issus d'un milieu qui doit continuellement

penser au rattrapage plutôt que de penser à avancer.

Ces statistiques que nous pourrions fournir et que nous avons, de toute façon, entendues à la commission parlementaire, ne deviennent qu'un instrument de plus pour nous dire que l'impératif de justice sociale auquel le projet de loi no 28 doit répondre, doit figurer comme une de ses priorités. C'est pourquoi le ministre n'en a pas été étonné, je crois bien. Il nous a vus insister. Nous le savions disponible. Nous savions comment il s'est senti mal à l'aise quand le Conseil supérieur de l'éducation a émis son dernier avis sur l'école en milieux défavorisés et qu'il n'avait alors à annoncer, comme mesure de son gouvernement, qu'un mince budget de $1 million, sur $1,400 millions, consacré à l'école en milieux défavorisés.

Nous connaissons la disponibilité du ministre, mais il ne nous en voudra pas d'exiger plus qu'une disponibilité morale d'un ministre qui ne peut être que passager — je ne le souhaite pas — au poste qu'il occupe. Les gens de ces quartiers, les habitants de ces milieux défavorisés ne se contentent plus de garanties morales ou de tapes dans le dos ou de "je pense à vous le soir en me couchant". Ils exigent désormais des décisions concrètes. Ils ne croient plus qu'en des décisions concrètes. Ils veulent les voir figurer non seulement dans les discours devant les chambres de commerce ou les clubs Canadian, mais dans des articles précis et dans des obligations précises émises à des structures scolaires qu'on édifie.

C'est pourquoi nous avons insisté, Nous ne doutions pas encore une fois, de la disponibilité du ministre sur cette question, mais nous voulions que cette disponibilité morale se transposât concrètement dans le projet de loi. M. le Président, s'il est un amendement annoncé par le gouvernement que nous avons accueilli, pour le moment, très favorablement, c'est celui où, hier, à la demande répétée de certains organismes et du Parti québécois, il acceptait de parler de rattrapage des milieux défavorisés quand il indiquait les fonctions précises que le Conseil scolaire de l'île de Montréal aurait à remplir. Je disais, tout à l'heure, que nous n'édifions pas une structure sans savoir à quoi elle allait servir. Il est bon, quand les membres de la Chambre édifient une structure, que nous leur disions aussi, puisque c'est notre devoir, à quoi elle doit servir.

Or, si cet amendement, dont je ne connais pas encore la rédaction juridique, correspond à ces intérêts et à ces désirs que nous avons, maintes fois, formulés à la commission parlementaire, le ministre est sûr d'avoir, sur ce point, l'appui entier des députés du Parti québécois dont quatre représentants, par exemple, ont été élus dans ces régions dites défavorisées.

M. le Président, on ne peut pas nous blâmer, non plus, de ne pas avoir accepté le coeur large et l'esprit large dont a voulu faire montre, à la commission parlementaire, la minorité anglophone ou enfin les représentants qu'elle déléguait. Pouvons-nous blâmer les gens de ces milieux de ne plus faire confiance aveuglément aux dames patronnesses de Westmount ou au "bon ententisme" qu'on essaie de nous démontrer quand, au fond, on essaie de venir défendre des privilèges?

Nous demandons une disposition dans la loi, bien sûr qu'il nous restera à la faire fonctionner, la structure, mais nous saurons au moins qu'elle est née avec ce mandat précis. Ce sera aux Montréalais, par l'élection des. commissaires, par ceux qu'ils délégueront au Conseil scolaire de l'île de Montréal et par leur participation au niveau des écoles, de rappeler constamment à cette structure qu'elle est née avec d'abord une mission, celle d'établir une politique de rattrapage pour les milieux défavorisés, celle de répondre à l'impératif premier de justice sociale.

L'amendement présenté par le gouvernement est bon, mais est-il suffisant? Je pense que le premier à dire non, ce sera le ministre de l'Education. Il faudra — ce sera notre tâche à nous, ici à l'Assemblée nationale — veiller à ce que le gouvernement, dans son budget, dans les décisions du ministère de l'Education, continue à épauler la structure qu'il aura ainsi mandatée.

M. le Président, sans vouloir présager les prochains mois que nous passerons en cette Chambre, soyez sûr que les députés du Parti québécois seront ici constamment pour le rappeler au ministre.

Mais, M. le Président, si nous confions donc une responsabilité aussi grande au conseil scolaire, celle de répondre à l'impératif de justice sociale, encore faudrait-il ne pas le limiter, encore faudrait-il donner toutes les chances, dans sa structure, de répondre à ce mandat.

C'est pourquoi il nous semblerait tout à fait logique, si nous lui confions cette responsabilité, que dans le même esprit il ait la propriété des équipements scolaires à Montréal. Pourquoi, après lui avoir confié ce mandat, l'obligerait-on désormais pour réaliser cette politique, à négocier avec onze partenaires qui, c'est facilement prévisible, seront jalousement propriétaires de leur équipement? Pourquoi, après lui avoir confié un mandat — le gouvernement l'accepte de lui-même par l'amendement qu'il a présenté hier— mettrait-on dans les roues du conseil scolaire autant de bâtons, celui, par exemple, de la propriété des équipements aux commissions scolaires ou celui que chaque commission scolaire sera l'employeur de ses propres syndiqués? Je crois, M. le Président, qu'en toute logique, pour épauler le conseil scolaire dans le mandat que nous lui donnerons, il faut le rendre propriétaire des équipements, en faire l'unique employeur sur l'île de Montréal et aussi faire disparaître de la loi cette mention qui veut que les commissions scolaires soient les donataires de tout legs ou don qui pourrait entraver l'action de planification, l'action de justice

sociale que nous attendons légitimement du conseil scolaire de l'île de Montréal.

Le deuxième impératif, M. le Président, est celui d'une démocratie politique. Je n'entrerai pas dans les définitions qui parsèment les bibliothèques mais pour moi, en gros et rudement, si vous voulez, c'est de rendre la décision et le centre de décision accessible à chacun. Là-dessus, ce qui vaut notre adhésion également, le projet de loi no 28 est une réforme profonde concernant le système actuel.

Je vous décrivais tantôt la nomination des commissaires à la CECM; vous reteniez à peine votre rire, M. le Président, quand je vous décrivais comment étaient nommés les commissaires actuellement. Eh bien le projet de loi no 28 institue le suffrage universel au niveau de chacune des commissions scolaires. Enfin, une mesure qui ne peut plus être rejetée par personne, je crois bien, en 1971.

Le nouvel amendement fait même disparaître cette fameuse élection par rotation, cette dilatation de démocratie que contenait le projet de loi original. Nous rendons grâce au ministre d'avoir apporté cet amendement.

Mais alors, si vraiment on veut installer une démocratie politique sur l'île de Montréal, dans le domaine scolaire, pourquoi s'entêter à nommer deux observateurs qui viendraient, aux côtés des gens élus par la population, jouer le rôle de chiens de garde, jouer le rôle d'embêteurs, si vous voulez, de ceux qui auront été mandatés par la population? Aucun des membres de la Chambre n'accepterait qu'aux côtés des élus du peuple, par exemple, M. le Président, il y eût une rangée d'observateurs, à l'arrière, dont le rôle serait de représenter ceux que l'élection générale du Québec n'a pas amenés à l'Assemblée nationale.

M. PAUL: Les patroneux!

M. CHARRON: Le député de Maskinongé, qui est méchant, me suggère les patroneux. Je n'entrerai pas dans ce sujet, M. le Président.

M. VEZINA: Il est le seul qui connaisse cela.

M. CHARRON: Je dis qu'il pourrait y avoir, si par exemple l'élection n'avait pas amené de représentants de la minorité italienne à l'Assemblée nationale, des dispositions qui diraient que, sans qu'il ait le droit de vote, mais avec tous les autres privilèges des députés, il y aurait un représentant de la minorité italienne, assis au bout de la table, qui pourrait participer à nos discussions, s'abstenant au moment de voter. Personne ne peut accepter le principe du suffrage universel pour ensuite lui mettre des entraves inacceptables après qu'on a énoncé avec emphase qu'enfin la démocratie politique entrait à Montréal.

Une fois qu'on a accepté aussi le principe du suffrage universel, ce qui veut dire en d'autres termes la responsabilité par des gens élus par la population et devant lesquels ils doivent répondre, pourquoi, sur le plan administratif, s'appliquer à fausser la réalisation de l'unification des commissions scolaires en maintenant un réseau parallèle d'administrateurs membres de la minorité locale de chacune des commissions scolaires?

Pourquoi risquer que, sur le plan administratif, par un dédoublement de fonctions dont on ne nous a pas prouvé l'utilité, loin de là, se trouve posé le risque — et pour ceux qui ont l'expérience de la CECM c'est un risque prévisible — qu'on se retrouve tôt ou tard, demain matin, avec, en fait, 22 commissions scolaires sur l'île de Montréal, pendant que sur papier pour les journalistes, pour la population et pour les discours devant le club Richelieu, on se vantera d'avoir fait l'unification des commissions scolaires sur l'île de Montréal?

Pourquoi — si on est si intéressé à instaurer la démocratie politique sur l'île de Montréal — permet-on encore le droit de vote censitaire du XIXe siècle? Pourquoi permettre aux propriétaires d'avoir un plus grand nombre de votes, selon les propriétés qu'ils occupent, alors qu'on vante partout le fait qu'on installe le suffrage universel à 18 ans? Si vraiment on accorde un. droit d'entrée à la démocratie politique sur l'île de Montréal dans le monde scolaire, je dis: Faisons-le jusqu'au bout et faisons disparaître cette clause d'une démocratie du XIXe siècle.

Je pense que le ministre sera d'accord, c'est un amendement qu'il a oublié d'apporter...

M. SAINT-PIERRE: Mineur.

M. CHARRON: C'est un amendement mineur qu'il apportera plus tard. Je n'insiste pas, vous voyez je viens de marquer un autre point.

M. SAINT-PIERRE: Le point avait été marqué par d'autres avant, et j'avais été convaincu.

M. CHARRON: Oui, je le sais très bien, mais...

M. BURNS: Il avait une assistance.

M. CHARRON: Si vous voulez j'ai poussé dans le fond du filet.

UNE VOIX: Dans votre petit club.

M. CHARRON: Pourquoi si vraiment on donne un droit d'entrée à la démocratie politique sur l'île de Montréal, maintenir les nominations gouvernementales à ce conseil scolaire de l'île? Pourquoi, après avoir affirmé qu'on faisait confiance à la maturité de la population pour se choisir elle-même les commissaires qu'elle voudrait s'appliquer à restreindre ce droit par la suite en disant qu'on nommera quatre conseillers sur quinze au conseil scolaire de l'île? Si on fait confiance au suffrage universel et à ses fruits, — et nous sommes mal

placés pour ne pas croire en l'intelligence de la population lorsqu'elle se prononce par élection, à moins de faire preuve d'une humilité très grande— pourquoi ne pas permettre que ces élus du peuple — qui sont censés être des gens intelligents — puissent choisir entre eux tous les membres du conseil scolaire de l'île de Montréal?

Et surtout pourquoi limiter leur action par l'intervention constante, anodine, bénigne et vraiment superflue du ministère dans un nombre incalculable de décisions que cette structure scolaire-là aura à prendre? Le ministre a déjà annoncé des amendements en ce sens-là, dont nous ne connaissons pas exactement la teneur, mais il sait déjà, depuis le début de la séance de la commission, que là-dessus nous désirons le minimum d'interventions possibles du ministère dans cette structure, reconnaissant bien sûr que l'autorité suprême en matière d'éducation au Québec demeure le ministère de l'Education nationale, ou si vous voulez, en termes de responsabilités, celui qui occupe le fauteuil du ministre de l'Education actuellement.

Pourquoi aussi, si on se targue de démocratie politique, ne l'amplifions-nous pas plus au niveau de l'école, pilier de la structure scolaire? Je disais tantôt que le retard qu'on a mis à présenter la loi apportait des défis particuliers à la loi. Un de ceux-là est certainement la participation des parents.

En 1964 la structure actuelle et les pouvoirs prévus par le projet de loi aux comités d'école auraient peut-être — je ne sais pas, je n'étais pas en âge à ce moment-là d'analyser la société —...

UNE VOIX: Comment à ce moment-là?

M. CHARRON: ...été satisfaisants à ce moment-là. Mais le ministre sait très bien que la demande de participation des parents, bien qu'elle soit encore faible — bien trop faible à mon avis — est croissante et que c'est le rôle d'un gouvernement démocratique de l'encourager. C'est pourquoi le comité d'école doit avoir des impératifs précis, des pouvoirs précis, beaucoup plus larges, en fin de compte, en teneur que ceux anodins que lui suggère le projet de loi actuel.

On a parlé de la participation des parents au niveau pédagogique. Nous avons modifié notre position la semaine dernière en demandant des garanties plus amples quant à la participation des parents sur le plan confessionnel. Je retiens dans les amendements du ministre de l'Education à ce chapitre, comme l'a signalé le député de Bagot hier, une suggestion que nous lui avions formulée, non pas après mon chemin de Damas, M. le Président, mais après avoir assisté, comme n'importe quel membre de la Chambre, à chacune des séances de la commission parlementaire et après avoir fait une quinzaine ou une vingtaine d'assemblées publiques sur l'île de Montréal à ce sujet. Je me suis alors aperçu que c'était un besoin auquel il fallait répondre, non pas comme les catholiques du XIX siècle voudraient nous le faire dire, non pas dans des termes ultramontains et ultraromains, non pas, mais je me suis aperçu qu'il existait — contrairement à ce que certains membres de la Chambre avaient pu me donner comme impression — autre chose que des catholiques réactionnaires, qu'il existait à Montréal des catholiques progressistes qui entendent avoir droit à leurs écoles confessionnelles. Je ne surprendrai pas les membres de la Chambre en leur disant que ce n'est pas là la position personnelle du député de Saint-Jacques, mais c'est mon devoir en tant qu'homme politique, je pense, comme porte-parole en matière d'éducation pour mon parti, de laisser de côté mes idées personnelles à certains moments pour plutôt répondre aux besoins de la population.

Aux commissions scolaires, comme à l'école, il faut encourager les mesures incitatrices à la participation des parents, que ce soit sur le plan pédagogique ou sur le plan confessionnel, et là-dessus nous aurons aussi des amendements à proposer au ministre.

M. le Président, avant que mon temps ne se termine, vous me permettrez de signaler un troisième objectif auquel la loi doit répondre: celui d'une égalité économique. C'est celui que nous devons viser. La loi là-dessus fait un pas considérable quand elle dit que la folie furieuse qui s'appelait taxe catholique, taxe protestante, taxe neutre disparaît. C'est incroyable, M. le Président, qu'en 1971 on vive encore avec ça. Mais la véritable recherche d'une égalité économique, la véritable démocratie économique aurait été plus que d'abolir la confession religieuse autour de la taxe foncière, elle aurait été d'abolir la taxe foncière elle-même.

Plusieurs témoins sont venus nous dire à la commission parlementaire de faire reposer essentiellement le financement de l'éducation sur un impôt progressif sur le revenu plutôt que de le faire reposer sur une taxe foncière sur lequel des milliers d'études ont été faites à plusieurs reprises et qui nous expliquent que finalement ceux qui la payent sont les plus petits.

Chacun sait le vieux truc qu'on emploie quand une taxe foncière augmente. On l'a vécu à Montréal quand le malade qui nous sert de maire actuellement, à un moment donné, a décidé d'augmenter la taxe d'eau. M. le Président, qu'est-ce qui s'est passé? Les propriétaires fonciers se sont repris sur les locataires. On augmentait la taxe d'eau, supposons, de $12; alors, un propriétaire qui avait six locataires a augmenté de $3 le loyer de chacun, ce qui a fait $18. Il a payé sa taxe foncière et il a gardé $6 pour frais d'administration, probablement.

C'est presque toujours les locataires, c'est presque toujours les plus petits qui font les frais d'une taxe foncière qui est foncièrement — si je peux faire un autre pléonasme — injuste. Nous aurons aussi une discussion intéressante sur ce chapitre lorsque nous l'atteindrons, M. le Président.

Quatrième objectif auquel doit répondre la loi: celui — l'expression peut paraître farfelue — d'une sécurité culturelle. Et, aussi curieux que cela puisse paraître, M. le Président, à Montréal, c'est la majorité qui a le plus besoin d'une sécurité culturelle. Nous sommes, nous les majoritaires francophones de Montréal, dans une position assez curieuse, si curieuse qu'on ne peut pas reconnaître un droit à la minorité sans qu'en même temps nous nous mettions à encourir des craintes pour les nôtres.

Nous reconnaissons le droit à la minorité anglophone d'avoir un enseignement dans sa langue — je suis prêt à me battre sur cette question — mais nous ne pouvons pas accepter une pareille disposition sans qu'en même temps, surtout quand vous connaissez les conséquences de la loi no 63, nous ayons à craindre une anglicisation massive des immigrants et de certains parents colonisés qui inscrivent leurs enfants à l'école anglaise.

Vous voyez, M. le Président, nous ne pouvons pas souhaiter l'unification des commissions scolaires sans, en même temps, nous mettre à craindre le fait que nous sommes à créer chez nous le premier district bilingue scolaire à Montréal. S'il est un point sur lequel le ministre a été loin d'éclairer la commission, c'est bien sur cette crainte. Nous sommes en mesure de croire, ce soir, que l'adoption telle quelle du projet de loi no 28, sans précision sur la langue de travail et sur la langue de communication dans cette structure, équivaut à la création d'un district scolaire bilingue à Montréal.

Il faudra que le ministre, dans son droit de réplique ou au niveau du comité plénier, renouvelle les preuves qu'il a voulu nous donner du contraire à la commission, parce qu'au fur et à mesure que le ministre précisait sa pensée là-dessus il nous semblait confirmer notre crainte. Je parlais de sécurité culturelle. Il y a des francophones, membres des quatre commissions scolaires à majorité anglaise que la carte actuelle, si elle n'est pas modifiée, prévoit, qui sont venus nous dire qu'ils craignaient de se retrouver, à Montréal, dans une espèce de Manitoba où ils devraient, à chaque minute, se battre pour leurs droits. Ont-ils tort, ont-ils raison? La commission ne nous a pas éclairés là-dessus. Le simple fait que cette crainte existe m'oblige à demander au gouvernement, et au ministre en particulier, des précisions sur cette question-là.

Quand je parlais de sécurité culturelle, je voulais mentionner ce fait. Devant le retard qu'on veut mettre à l'implantantion de cette nouvelle structure — on la reporte à quatre ans, mais c'est long, quatre ans — quand on connaît déjà les résultats de l'infâme loi 63, nous nous disons que la majorité francophone de Montréal, qui espère se resaisir autour d'une structure scolaire et qui la voit retardée à quatre ans, est en mesure de craindre pour sa sécurité culturelle.

Si la loi 28 vise à assurer aux deux groupes de Montréal, aux Québécois anglophones comme aux Québécois francophones, cette sécurité culturelle qui semble leur manquer depuis plusieurs années, il faut alors la compléter par un retrait ou par un amendement considérable à la loi 63. A la commission parlementaire, on a décrit souvent la loi 28 comme étant la réponse administrative à cette loi qui a taché l'histoire du Québec. C'est le temps pour tous les membres de cette Chambre de faire amende honorable. La loi 28 est une occasion considérable, en même temps que nécessaire, d'amender la loi 63 dans le sens que les immigrants, comme chez n'importe quel peuple normal au monde, se trouveraient appelés par la loi à participer à la vie scolaire du groupe francophone et que les parents francophones se verraient obligés, comme dans n'importe quel pays normal également, de participer à la vie de leur collectivité, dans la langue de la majorité.

En fin de compte, M. le Président, si vous me permettez de terminer ainsi, tout au long des débats qui ont entouré le projet de loi no 28, de ces très intéressantes séances de la commission parlementaire, des très intéressantes assemblées publiques que j'ai eues d'un coin à l'autre de l'île de Montréal, des nombreuses rencontres que j'ai eu l'occasion de faire avec des parents, avec des enseignants de l'île de Montréal, je me suis aperçu que, finalement, cette loi-là était l'occasion, pour à peu près tout l'ensemble de la collectivité montréalaise, de se redéfinir, de regarder où elle était rendue et d'apporter à la collectivité montréalaise le fruit de ses réflexions.

C'est une occasion admirable pour le gouvernement de procéder à une réponse aux objectifs qui sont inscrits dans le coeur de tous les montréalais. C'est une occasion admirable pour l'Assemblée nationale de toucher le fond du problème québécois. Ce sera une occasion fantastique pour, par exemple, les catholiques de Montréal de prouver qu'ils sont autre chose que la caricature qu'on a voulu faire d'eux, qu'ils peuvent être un élément dynamique de la société, qu'ils ne sont pas nécessairement des gens qui mettent des entraves à tout projet de loi qui veut répondre à des impératifs de justice sociale ou d'égalité économique, qu'ils sont des gens actifs et qu'ils apportent en ce sens le message de l'Evangile dans le rôle qu'ils ont à jouer dans la collectivité québécoise.

C'est une occasion pour les protestants montréalais de retrouver l'esprit qui devait les animer dès le départ et de participer à la collectivité montréalaise. C'est là une occasion pour les anglophones de Montréal, et j'ai eu l'occasion de le leur dire; bien sûr, je ne me leurre pas, je ne les atteint pas comme si j'étais membre du parti gouvernemental. Mais je me dis quand même que les anglophones ont l'occasion de découvrir qu'ils sont membres d'une minorité importante et reconnue au Québec, qu'ils ont l'occasion de découvrir qu'aucun des partis de la Chambre ne leur

reproche ou ne veut leur retirer ce droit fondamental qu'ils ont à un enseignement dans leur langue mais qu'ils ont simplement à suivre l'évolution du Québec, qu'ils auraient tort de s'en tenir à côté parce qu'au fond ils se nuisent beaucoup à eux. Faut-il leur apprendre? Je pense que oui. Mais aussi ils nuisent beaucoup à l'ensemble du Québec en nous empêchant d'avoir des projets de loi qui peuvent, sur certains plans, créer une justice sociale et une égalité économique. Enfin de compte, lorsqu'ils s'acharnent à défendre des privilèges comme si c'étaient des droits, ils créent eux-mêmes des extrémistes francophones qui tôt ou tard, selon leur propre modèle, vont épouser la même conviction et, en s'attaquant à leurs privilèges, s'attaqueront à leurs droits. Eux, ils défendent leurs privilèges comme si c'étaient des droits; demain matin, on attaquera leurs droits comme si c'étaient des privilèges.

Au fond, ils se trouvent à amplifier l'insécurité dans laquelle ils vivent par le fait même qu'ils veulent se tenir à part de l'évolution du Québec.

Dans une émission de télévision, dernièrement, j'avais l'occasion de leur dire dans leur langue qu'ils devaient réfléchir sur le fait que c'est un parti dans lequel ils se sont massivement lancés en avril 1970 et probablement un parti qui ne serait pas au pouvoir, n'eût été de leur appui. Je leur demandais de réfléchir sur ce fait que c'est leur propre parti qui aujourd'hui présente le projet de loi 28. Je leur disais: Réfléchissez là-dessus, même le Parti libéral, qui est devenu le ghetto dans lequel vous vous enfermez consciemment ou non, même lui est obligé de répondre, peut-être pas comme nous le voudrions, mais obligé de répondre à une évolution politique et sociale nécessaire au Québec.

Même un ministre libéral de l'Education est obligé de faire une restructuration scolaire à Montréal. Je leur disais: Est-ce que c'est assez clair pour comprendre que vous n'avez plus d'autres moyens? "Join the band wagon" de l'évolution du Québec; il n'y a plus d'autres moyens pour vous de stopper une évolution à laquelle votre propre parti est obligé de se plier.

C'est une occasion, finalement, fantastique pour les francophones de Montréal d'apprendre à se comporter comme une majorité. Nous avons chez nous, c'est incroyable d'être colonisés de cette façon-là, un comportement de minorité. Nous avons peur comme si nous n'étions pas chez nous; où pouvons-nous être si ce n'est pas ici? Et pourtant, à Montréal, il existe cette crainte chez les francophones quant à leur avenir. Nous leur disons: C'est une occasion de prouver chez vous que vous êtes une majorité respectable, respectée et en même temps une majorité respectueuse de sa minorité.

Voilà, au fond, peut-être pas contenu dans le projet de loi, mais qui sera contenu quand le projet de loi sera une loi et quand la structure sera réelle, un défi qui sera posé à tous les groupes qui composent le pluralisme montréa- lais actuellement. Chacun des groupes montréalais y trouve, en même temps qu'une réponse, un défi. Au fond, ce sont tous les citoyens montréalais qui sont appelés, par cette réforme en profondeur de la structure scolaire de Montréal, à relever un défi, celui de leurs propres responsabilités.

M. le Président, s'il est un projet de loi sur lequel il me fera plaisir de donner mon appui de principe, c'est bien celui de la restructuration scolaire de Montréal, parce qu'il est non seulement porteur d'un correctif important dans un endroit où l'injustice est règle, mais il est en même temps un défi pour tout le monde, et à commencer par celui qui vous parle, à apprendre à être, chez lui, membre d'une majorité responsable, d'une majorité respectable et en même temps d'une majorité respectueuse.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Henri.

M. Gérard Shanks

M. SHANKS: M. le Président, le projet de loi no 28 vise à simplifier et à mieux ordonner l'organisation scolaire de l'île de Montréal. Le régime actuel est fait de 18 commissions scolaires catholiques et de quinze commissions scolaires protestantes regroupées en deux commissions scolaires régionales, les unes et les autres établies par des lois et possédant des prérogatives différentes.

Le projet de loi cherche à instaurer un régime qui soit plus équitable, grâce à une meilleure répartition du produit de la taxe scolaire en fonction des besoins variables des divers milieux. Le projet de loi veut favoriser davantage la participation démocratique de la population à la chose scolaire, d'une part en établissant que tous les postes de commissaires seront désormais soumis à une élection, ce qui n'est pas toujours le cas actuellement, d'autre part en accentuant la participation des parents à la vie de l'école.

Le projet de loi entend respecter les diverses options religieuses de la société montréalaise en créant, en plus des écoles catholiques et des écoles protestantes, des écoles autres que catholiques ou protestantes.

La pensée de Mgr Paul Grégoire sur ce projet de loi est celle d'une attitude ouverte, nuancée, réaliste, positive. Je cite quelques extraits de l'avis de l'archevêque catholique de Montréal sur la restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal. "Le projet de loi no 28 traduit l'intention du gouvernement de mener à terme les efforts déjà entrepris pour réorganiser le système scolaire de l'île de Montréal. L'égalité des services sur tout le territoire, une participation plus large de la population, notamment des parents, à la chose scolaire, le respect du pluralisme religieux sont autant d'objectifs à favoriser l'instauration d'un meilleur régime scolaire. "A cause de ces aspects religieux et culturels,

cette question concerne tous les Montréalais. L'intervention que nous voulons faire aujourd'hui, au nom de la population catholique, se fonde principalement sur les considérations suivantes: l'importance, dans l'édification de la société, de valeurs telles que la dimension spirituelle de l'homme, la paix sociale, le respect des autres, le rôle subordonné mais nécessaire des structures par rapport à ces valeurs. "A ces fins, le projet de loi propose de supprimer les commissions scolaires actuelles et, en leurs lieu et place, de créer au niveau de l'île un conseil scolaire ayant le devoir de pourvoir au financement, à la planification du fonctionnement et du développement des commissions scolaires et à l'organisation des services pouvant bénéficier à toutes les commissions scolaires; instaurer au niveau de chaque école un comité consultatif ayant pour tâche d'encourager les parents à collaborer à l'amélioration des services scolaires et de faire, à la direction de l'école, toute recommandation qu'il juge pertinente relativement à l'éducation, à la qualité de l'enseignement et à la vie scolaire."

Dans une déclaration ministérielle du 1er décembre, M. Guy Saint-Pierre, ministre de l'Education, affirmait: "Ayant étudié toutes les suggestions et recommandations sur le sujet, le gouvernement est disposé à présenter certains amendements au projet de loi no 28". Un de ces amendements touche les comités confessionnels. En cela, il rejoint l'avis de monseigneur l'archevêque catholique que je cite: "Plus que jamais l'école catholique constitue un riche support à notre société par le rappel et la promotion qu'elle fait des valeurs spirituelles. Une telle institution est, à nos yeux, un lieu privilégié de formation pour le jeune qui y poursuit son développement personnel, avec la possibilité d'éclairer par la foi la connaissance graduelle qu'il acquiert du monde, de la vie, de l'homme. "La réforme de notre système d'éducation doit se réaliser dans la paix. Cette paix est le climat obligé de l'éducation des jeunes et du progrès de notre société. Il faut éviter les conflits scolaires susceptibles de compromettre, au départ, la restructuration désirée. Nous reconnaissons à tous nos concitoyens, quelle que soit leur opposition religieuse, le droit à des services adéquats et nous appuierons leur demande en ce sens. Dans une société pluralisme, les minorités ont droit à la reconnaissance et au respect sans que soient compromis, pour autant, les droits de la majorité. Les meilleures structures ne suppléeront jamais à l'engagement des personnes. Mais il faut se garder de sous-estimer les réalités juridiques sous prétexte que, dans le passé, on a pu parfois leur accorder plus d'importance qu'aux dynamismes vivants de la communauté. "Les soutiens juridiques et les cadres institutionnels sont toujours indispensables pour assurer à des projets collectifs une stabilité et une continuité que les seuls efforts individuels, si intense soient-ils, ne sauraient obtenir. La philosophie et les objectifs de l'éducation catholique ne peuvent se concrétiser sans un réseau de décisions et d'autorité qui les assume pleinement".

Dans l'amendement proposé par M. Guy Saint-Pierre, ministre de l'Education, on relève les mots suivants: "Le nombre de membres des comités confessionnels au niveau de la commission scolaire sera porté de trois à sept. Ces comités devront, de plus, veiller à la promotion de l'éducation catholique ou protestante, selon le cas. Le responsable des questions religieuses, catholiques ou protestantes, aura la responsabilité de l'orientation et de l'animation religieuses des écoles reconnues comme catholiques ou protestantes, selon le cas, dans le cadre, évidemment, des règlements des comités catholiques et protestants du Conseil supérieur de l'éducation. Ce responsable sera, à ce titre conseiller auprès du directeur général, sous l'autorité de la commission scolaire. Il sera, de plus, membre du comité confessionnel qui le concerne. Enfin, il ne pourra être nommé par la commission scolaire sans que celle-ci obtienne, préalablement, un avis du comité confessionnel intéressé".

Dans son avis adressé à la commission parlementaire de l'Education de l'Assemblée nationale du Québec, Mgr Paul Grégoire poursuit: "Nous pensons qu'au lieu de mettre en oeuvre en un temps une réforme globale il convient de procéder à une restructuration scolaire progressive. C'est ainsi que, pour répondre à des besoins d'ailleurs nettement ressentis, on devrait s'appliquer d'abord à mettre en place ce qui est généralement souhaité, à savoir un conseil scolaire au niveau de l'île et des comités d'écoles au niveau local. "Cette opération se compléterait par un regroupement ou une redivision des commissions scolaires actuelles en commissions scolaires catholiques, protestantes et autres. Une fois cette expérience vécue, on pourrait mettre au point le type de commissions scolaires qu'un sain réalisme commandera. Cette façon de faire, en plus d'obéir à une loi externe d'efficacité et de rendement des structures, respecterait aussi la loi interne de croissance des mentalités. De plus, cette proposition aurait l'avantage de s'harmoniser avec la loi récemment adoptée concernant le regroupement et la gestion des commissions scolaires pour l'ensemble de la province. On éviterait ainsi de créer, dans une même région métropolitaine, celle du grand Montréal, des organismes scolaires dissemblables pour des milieux socio-culturels pratiquement identiques. "Une restructuration progressive tient compte, selon nous, du bien commun d'une société qui se veut respectueuse des justes aspirations de ses diverses communautés. Elle ne s'oppose en rien aux objectifs généreux poursuivis par le projet de loi".

Toujours en répondant aux désirs de l'archevêque de Montréal, le ministre de l'Education apporte un amendement substantiel au projet de loi concernant les étapes de la mise en oeuvre de la loi. Je cite M. Guy Saint-Pierre dans sa déclaration ministérielle du 1er décembre: "Nous nous proposons de reporter du 1er juillet 1973 au 1er juillet 1975 l'application intégrale de la Loi, les commissions scolaires nouvelles et le conseil scolaire exerçant, à partir de cette dernière date, les devoirs et pouvoirs prévus. Entre-temps, le conseil provisoire, dont la formation devrait être complétée avant le 15 février 1972, aurait, en plus des devoirs qui lui sont dévolus dans le projet de loi no 28 tel que présenté en première lecture, les responsabilités suivantes: "Proposer au lieutenant-gouverneur, avant le 15 novembre 1972, une répartition définitive du territoire des commissions scolaires, tout en respectant un nombre minimum de sept et un nombre maximum de onze commissions scolaires, et en visant le meilleur équilibre démographique possible. "Former, dès l'approbation des territoires des nouvelles commissions scolaires par le lieutenant-gouverneur en conseil, un comité d'implantation sur chaque territoire des futures commissions scolaires, permettant aux responsables de préparer concrètement l'implantation des nouvelles commissions scolaires au 1er juillet 1975. "Appliquer, à partir du 1er juillet 1973, les sections de la loi portant sur la taxation et le financement."

Un autre amendement apporté par le ministre de l'Education, lors de sa récente déclaration ministérielle sur le bill 28, est la composition des comités de parents à l'échelon des commissions scolaires:

Etant donné le grand nombre d'école qui seront sous la juridiction de chaque commission scolaire, nous prévoirons la formation d'un conseil exécutif élu par le comité de parents, pour assurer une liaison plus réaliste entre ce comité de parents et la commission scolaire".

Le projet de loi tel qu'amendé satisfait donc, dans son essence, aux objectifs que s'était fixés l'archevêque de Montréal. Dans sa pensée, il reconnaît que la création d'un conseil scolaire de l'île est de nature à favoriser une meilleure coordination du régime scolaire montréalais et une répartition plus équitable du produit de la taxe scolaire.

Il reconnaît que la création de comités consultatifs d'écoles pourra susciter l'intérêt des parents et accentuer leur collaboration au travail des maîtres.

Le projet de loi tel qu'amendé accepte la proposition concrète de Mgr Grégoire, considérant qu'une unification trop rapide des commissions scolaires peut engendrer des tensions et des querelles stériles entre les divers groupes culturels et religieux du milieu montréalais.

La proposition de l'archevêque de Montréal d'une réforme progressive a entraîné des amendements substantiels au projet de loi mais ne va pas dans le sens d'un rejet de celui-ci. Au contraire, elle facilite la réalisation des objectifs poursuivis. Elle répond à son intention d'instaurer un régime scolaire qui soit plus équitable, de favoriser davantage la participation démocratique à la chose scolaire, de respecter les diverses options religieuses de la société montréalaise.

La réflexion de Mgr Grégoire ne porte pas sur certains aspects sans doute importants mais qui ne sont pas de son ressort et qu'il appartient au pouvoir politique de déterminer: mode d'élection, taxation, pouvoirs et prérogatives des diverses instances, cartes scolaires. Elle ne traite pas non plus expressément, et pour les mêmes raisons, de la question linguistique. Mais on aura observé que la solution qu'elle propose ne va pas à l'encontre ni ne préjuge d'une éventuelle et juste politique de la langue au Québec.

Cette question vitale, comme le montrent les débats actuels, ne saurait être réglée d'une façon satisfaisante par une loi concernant le seul domaine scolaire. A ce propos sur les dires de Mgr. Grégoire, je cite M. Joseph Bourdon, dans un éditorial de Montréal-Matin, en date du 25 novembre: "Nous comprenons mal que Michel Chartrand s'insurge contre le fait que Mgr Grégoire prenne la liberté de dire ce qu'il pense. L'archevêque de Montréal est le porte-parole d'au moins autant de gens que le président du Conseil central de la CSN et il défend son point de vue sans blesser qui que ce soit."

Sur ce, trêve de commentaires. Même si la réflexion de Mgr Grégoire ne porte pas sur des aspects qui sont aussi importants, le ministre de l'Education a bien voulu apporter au projet de loi no 28 des modifications profondes qui le rendent plus sain et plus acceptable. Ces amendements toucheront aux pouvoirs des commissions scolaires et du conseil scolaire.

Dans le cadre de ses pouvoirs de réglementation relativement au financement, à la planification du fonctionnement et du développement des commissions scolaires et à l'organisation de services pouvant bénéficier à toutes les commissions scolaires, le conseil devra en priorité mettre au point, par voie de règlement, des mesures propres à assurer une utilisation des équipements scolaires à la fois rationnelle et juste du point de vue des diverses clientèles à desservir; le rattrapage des milieux défavorisés en matière d'éducation; le développement de l'éducation de l'enfance inadaptée et de l'éducation des adultes; des ententes entre les commissions scolaires, les municipalités ou tout autre organisme aux fins de favoriser le développement des services communautaires.

De plus, étant donné la responsabilité du conseil scolaire de voir à une répartition juste des fonds des commissions scolaires, compte tenu notamment de certains milieux défavori-

sés, il ne pourra pas, sans l'accord de la commission scolaire concernée, ne pas lui permettre de recevoir au moins le minimum de revenus correspondant à l'application des règles régissant les dépenses normalisées des commissions scolaires de la province.

Ces amendements toucheront également aux interventions du ministre de l'Education et du lieutenant-gouverneur en conseil. A ce sujet, nous proposerons que la nomination du président et du vice-président du conseil scolaire par le lieutenant-gouverneur en conseil ne s'applique qu'aux premières nominations.

De plus, nous voulons que les sept membres du conseil provisoire qui doivent être recrutés parmi les commissaires de la CECM et de la PSBGM soient choisis parmi et par ces commissaires. Les deux personnes susceptibles d'être nommées lorsqu'une minorité linguistique n'est pas représentée à la suite d'une élection deviennent des observateurs avec tous les droits et pouvoirs des commissaires, sauf le droit de vote. Une révision attentive du projet de loi se poursuit en vue de diminuer le nombre d'interventions du ministre ou du conseil des ministres sans mettre en cause la cohérence nécessaire de l'ensemble du système d'éducation.

Ces amendements toucheront enfin au système électoral. Nous proposerons l'élection en bloc des commissaires tous les quatre ans, plutôt qu'un système de rotation, ainsi qu'un mandat de même durée pour tous les membres du conseil scolaire.

Je dois féliciter le ministre de l'Education pour la totalité de ces amendements. Quand on sait le sérieux avec lequel l'Office de l'éducation de l'archevêché de Montréal a fait tenir des séances d'information dans les quelque 200 paroisses de l'île de Montréal; quand on connaît le nombre impressionnant de fidèles catholiques qui ont assisté à ces mêmes séances, je vous dis que nous ne faisons pas fausse route.

Je veux également remercier en cette Chambre le juge Maurice Perron, député d'Etat de l'ordre des chevaliers de Colomb qui, au nom des 65,000 membres de l'ordre, m'a fait parvenir un télégramme dont j'ai tiré copie à l'intention de mes 107 collègues de l'Assemblée nationale, télégramme qui appuyait sans réserve la position prise par l'archevêque de Montréal.

Je m'en voudrais de ne pas signaler le magnifique travail fait par le chapitre métropolitain de Montréal de l'Ordre des chevaliers de Colomb pour sensibiliser tous ses membres à ce problème d'envergure.

Quant à moi, n'eût été de ces amendements majeurs apportés au bill 28, il m'eût été impossible de voter pour un tel projet de loi, mais avec de tels amendements, à titre de député de Saint-Henri, comté comptant onze paroisses catholiques, à titre de catholique pratiquant et convaincu et à titre de député de district de l'Ordre des chevaliers de Colomb, je voterai pour le bill no 28, considérant qu'il s'agit d'une formule qui permet l'évolution graduelle vers une unité organique et non pas artificielle du régime scolaire montréalais. M. le Président, je vous remercie.

M. DEMERS: Il y avait longtemps que nous n'en avions pas entendu de bon comme ça.

M. DUMONT: Bon cours de religion.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, c'est avec plaisir que nous avons applaudi l'orateur qui m'a précédé; c'est une très bonne tradition en cette Chambre que d'applaudir même un adversaire lorsqu'il se lève pour la première fois. C'est avec plaisir que nous l'avons applaudi et nous espérons pouvoir applaudir beaucoup de ses collègues qui n'ont pas encore eu l'occasion de se lever depuis qu'ils sont ici, soit un an et demi.

M. le Président, ce projet de loi no 28, suivant les paroles d'un orateur qui m'a précédé, devrait intéresser davantage les députés de la région métropolitaine de Montréal. Alors, j'espère qu'ils trouveront le moyen de nous rejoindre d'ici la fin de ces débats puisque, si ça doit les intéresser davantage, ils devraient aussi être présents, nous ne sommes pas tellement nombreux. Evidemment, il y a des commissions parlementaires, nous comprenons la situation, mais je les invite, parce que, des députés qui représentent la région de Montréal, le parti ministériel doit reconnaître qu'une grosse majorité siège à votre droite, M. le Président.

La restructuration scolaire, telle que préconisée par le bill no 28, ce n'est rien de nouveau. Cela ne nous est pas arrivé aujourd'hui; on en parle depuis longtemps. On en a parlé sous le gouvernement précédent, sous l'autre gouvernement qui a précédé et on sent que, depuis une bonne dizaine d'années, ça mijotait dans les têtes de certains fonctionnaires ou technocrates. On savait qu'un jour ou l'autre ça déboucherait à l'Assemblée nationale et que ces fonctionnaires ou technocrates trouveraient un ministre pour les endosser.

Je regrette que ce soit le présent ministre de l'Education qui soit obligé de défendre les positions qui ne sont probablement pas les siennes. Mais ces gens qui ont tout intérêt à faire adopter de telles lois ont pris toutes les précautions pour l'en convaincre sûrement depuis quelques mois. C'est évidemment au nom de l'efficacité administrative, au nom de cette efficacité dont le gouvernement s'est gargarisé depuis longtemps qu'on profite de l'occasion du bill 28 pour mettre en cause les structures confessionnelles, pour mettre en cause, également, les droits des parents et leurs responsabilités en matière d'éducation; pour mettre en cause aussi le droit à la dissidence pour les

minorités qui est garanti en vertu de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Donc, on met également en cause les droits acquis dans le passé, et ce depuis de nombreuses années. M. le Président, quant à ce qui concerne le droit à la dissidence, c'est inscrit assez clairement, à l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique: "La Législature aura le droit exclusif de légiférer sur l'enseignement dans les limites et pour la population de la province, sous la réserve et en conformité des dispositions suivantes: 1 ) Ses lois ne devront aucunement porter préjudice aux droits ou avantages que la loi, au moment de l'Union, conférera à une classe particulière de personnes relativement aux écoles confessionnelles. 2 ) Tous les pouvoirs, tous les droits et tous les devoirs que la loi, au moment de l'union, conférera ou imposera dans le Haut-Canada aux écoles séparées et aux administrateurs des écoles des sujets catholiques romains de la reine seront et sont par la présente loi étendus aux écoles dissidentes des sujets protestants et des sujets catholiques romains de Sa Majestée dans la province de Québec. 3 ) Quand, dans une province, un système d'écoles séparées ou dissidentes existera au moment de l'union en vertu de la loi ou sera subséquemment établi par la Législature, il y aura appel au gouverneur général en conseil de toute loi ou de toute décision d'une autorité provinciale qui portera atteinte à quelque droit ou à quelque avantage de la minorité protestante ou catholique romaine de la reine relativement à l'enseignement."

C'est à se demander...

M. CARDINAL: Est-ce que le député de Rouyn-Noranda me permettrait une question?

M. SAMSON : Je regrette, mais, si vous voulez, je vais continuer à faire mon discours. Cet après-midi, je vous ai laissé faire votre discours et j'ai l'intention de faire le mien sans obstruction ni de la part du député de Bagot, ni de la part du ministre, ni de la part de n'importe quel autre membre de cette Chambre. C'est mon droit de parole et j'ai l'intention de l'exercer jusqu'au bout.

M. CARDINAL: D'accord, M. le Président.

M. SAMSON: M. le Président, quand on voit...

M. CARDINAL: Les gens ont peur.

M. SAMSON : Le règlement s'applique à vous comme aux autres. Je ne vous ai pas donné la permission de poser une question et vous n'en poserez pas.

M. CARDINAL: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. SAMSON: Il n'y a pas de règlement...

M. CARDINAL: J'ai le droit d'invoquer le règlement...

M. SAMSON: ... il m'a posé une question.

M. CARDINAL: ... je regrette. M. le Président, on vient de faire des affirmations qui ne sont pas conformes aux faits qui se sont passés cet après-midi. Cet après-midi, j'ai permis des questions à n'importe quel député pendant mon intervention, qui a duré une heure et quart. Il n'est donc pas exact de dire qu'on ne m'a pas interrompu.

Le ministre m'a posé des questions, le député de Maskinongé m'a posé des questions et j'ai eu le courage de répondre aux questions qui m'ont été posées.

M. SAMSON: M. le Président, je pose la question de privilège. Le député de Bagot a mentionné qu'il avait donné le privilège de poser des questions et qu'il rétablissait, les faits. Ce n'est pas cela. Je n'ai jamais dit qu'il n'avait pas donné le privilège de poser des questions; j'ai dit que je ne lui en avais pas posées et que je n'ai pas l'intention qu'il m'en pose non plus. C'est aussi claire que cela; c'est mon droit, et je vais le maintenir.

M. le Président, dans cet article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, il y a des droits. Aujourd'hui, et surtout à la suite de différents témoignages entendus devant les commissions parlementaires, c'est à se demander si ceux qui ont préparé ces lois... Cela vient rejoindre, à ce moment-ci, les projets de loi 35, 36 et 37 qui, eux aussi, ont des incidences constitutionnelles.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demanderais à l'honorable député de Rouyn-Noranda de ne pas discuter d'autres lois qui ont été déjà discutées devant cette Chambre.

M. SAMSON: Je regrette, M. le Président, mais j'ai le droit de les citer en exemple, parce que cela vient rejoindre exactement l'esprit des projets de loi 35, 36 et 37 quant à leur consistance en matière constitutionnelle.

Il y a des possibilités que ces lois soient attaquées constitutionnellement. Cela, le gouvernement le sait. Le ministre le sait très bien et c'est, d'ailleurs, lui-même qui a dit, lors des séances de la commission parlementaire, qu'il était possible qu'il demande un avis juridique sur la question. Or, si aujourd'hui, avec le bill 28, nous pouvons voir relancer un débat constitutionnel et que nous venons de voir, la semaine dernière encore, les mêmes possibilités avec d'autres lois qui ont été adoptées en deuxième lecture, M. le Président, c'est à se demander si, dans le gouvernement, il n'y a pas de l'infiltration de personnes séparatistes intéressées à relancer le débat constitutionnel sur la place publique.

C'est à se demander si le gouvernement, à ce

moment-ci, ne fait pas le jeu de séparatistes qui se sont infiltrés dans ces ministères. D'ailleurs, plusieurs ministres se sont plaints, occasionnellement, du fait que dans des ministères il y a de l'infiltration séparatiste. Je dirai, comme c'est mon habitude d'appeler les choses par leur nom, que des militants du Parti québécois, dans différents ministères, auraient tout intérêt à relancer publiquement le débat sur la question constitutionnelle. Cela ferait la propagande du Parti québécois; Ce serait une propagande qui ne coûterait pas cher à ce parti, mais dont le gouvernement ferait les frais. Ce sont les questions qu'on se pose et ce sont les questions qu'on est en droit de se poser.

Je pense que c'est surtout du côté confessionnel que nous devons faire comprendre au ministre de l'Education qu'actuellement il est à nous amener, au point de vue de l'éducation, sur une voie dont il sera probablement le premier à reconnaître qu'il devra revenir un jour, mais, alors, il ne sera probablement pas capable de le faire.

Au point de vue confessionnel, nous avons le mémoire d'un groupe de parents qui nous disent, dès le début: Nous reconnaissons la nécessité d'une restructuration scolaire...

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, j'invoque le règlement. On nous parle de mémoire, peut-on nous citer le nom de l'organisme? On parle et nous ne savons pas...

M. SAMSON: Je viens de le dire, M. le Président.

M. SAINT-PIERRE: D'un groupe de parents mais...

M. SAMSON: D'aileurs, je n'ai pas permis au ministre de poser des questions plus qu'aux autres.

M. LEDUC: D'un groupe de parents, mais ils sont d'où, ces parents-là? Des parents de combien d'enfants, combien de garçons, combien de filles?

M. SAMSON: Mais je peux lui dire, que s'il avait voulu comprendre, s'il s'ouvrait les deux oreilles quand c'est le temps, il aurait su que c'est un mémoire provenant d'un groupe de personnes, un groupe de parents.

M. LEDUC: Des parents d'où?

M. SAMSON: Il les a sûrement vus, le ministre, s'il était à la commission parlementaire.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'invoque le règlement. Il y a un article du règlement qui prévaut et qui dit que lorsqu'un député veut adresser la parole il doit se lever de son siège. Alors, je veux tout simplement souligner que les députés du Lac-Saint-Jean et de Taillon ne sont pas à leur siège et ne se sont pas levés pour adresser la parole,

M. LEDUC: Cela n'a pas été enregistré au journal des Débats.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Le député de Rouyn-Noranda désire-t-il que je rende une décision sur le rappel au règlement du député de Beauce?

M. ROY (Beauce): Oui.

M. LE PRESIDENT: Je dois déclarer que le rappel au règlement du député de Beauce est fondé.

M. SAMSON: Sur le point de règlement, M. le Président, on dit aussi que, pour obtenir le droit de parole, il faut s'adresser au président, demander la parole, être debout et ne pas porter de coiffure, si je me rappelle bien. Alors je vous demanderais aussi de rappeler au député du Lac-Saint-Jean qu'il doit être à son siège et qu'il aurait pu vous demander la parole.

Ce mémoire des parents dit ceci: "Nous reconnaissons la nécessité d'une restructuration scolaire dans la région de Montréal, nous faisons nôtres les objectifs que cette entreprise s'est donnés publiquement sous le gouvernement actuel comme sous le précédent. Comme vous pouvez le voir, sur certains objectifs, il y a quand même entente, de ce côté-là nous ne sommes pas prêts à dire que l'ensemble du bill 28 est mauvais, nous sommes d'accord sur certains principes, c'est-à-dire qu'il faut remanier certaines choses. Mais là où nous ne sommes pas d'accord c'est de détruire les structures confessionnelles".

Alors, promotion de l'école catholique, voici ce que disent les parents et c'est important: "Ce qui de plus nous unit, nous distingue et motive notre intervention comme front commun — c'est un front commun des parents — face au projet de loi no 28, c'est notre libre choix de l'école catholique de préférence à des écoles que l'on pourrait appeler multiconfessionnelles ou non confessionnelles, et en cela nous envisageons le bien de nos enfants, le bien commun de la région métropolitaine et de la société québécoise. Nous croyons qu'un système catholique est non seulement conciliable avec le bien commun de la société globale mais est nécessaire au bien commun social et que ce type d'écoles et d'éducation doit demeurer comme service public offert à tous les parents catholiques et non catholiques partout où les clientèles scolaires qui ont ces mêmes préférences sont en nombre suffisant pour organiser des écoles".

Evidemment on pourrait citer plusieurs passages de ce même mémoire, on pourrait aussi parler de Mgr Grégoire puisque le député qui m'a précédé en a largement parlé. Mgr Grégoire nous disait, c'est rapporté dans l'Action du 21

juillet 1971, dans l'allocution qu'il prononçait à la clôture de la session pastorale en milieux d'éducation, le 10 juin 1971. Mgr Grégoire, archevêque de Montréal, s'est adressé aux agents responsables, etc... mais voici ce qu'il dit: "Certains voudraient, au nom d'une ouverture généreuse mais irréaliste, que l'école renonce à ses visées idéologiques, qu'elle se contente d'être le milieu de transmission du seul savoir devant l'émergence de groupes qui ne se sentent plus à l'aise dans l'école catholique. Et dans un souci de simplification administrative sans doute louable, on voudrait ainsi une école pour tous qui laisserait tomber toute caractéristique trop particularisante. "L'expérience suffit à prouver cependant qu'il y a des particularités auxquelles on ne renonce pas. Je n'en veux comme exemple que la caractéristique de la langue qui est tout de même le moyen d'expression premier d'une culture et que l'on a le juste souci de respecter. Il y a surtout le trait déterminant des buts qu'on poursuit et de l'intention avec laquelle on oeuvre. Une élémentaire philosophie nous apprend que tout agent agit pour une fin, et une quotidienne observation nous révèle que nul n'opère dans le vide idéologique. Supprimez une foi, un objectif, une orientation, vous verrez naître une autre foi, un autre objectif, une autre orientation. "La neutralité, particulièrement en milieu d'éducation, est une illusion". C'est ce que Mgr Grégoire disait. C'est ce qui a été rapporté dans l'Action du 21 juillet 1971. Nous avons raison, M. le Président, de parler contre la neutralité que le ministre de l'Education, par son bill no 28, veut instaurer sur l'île de Montréal. Si on veut se baser sur les déclarations de Mgr Grégoire, je pense que celle-là est importante et même très importante. Mgr Grégoire, lorsqu'il dit que la neutralité...

M. SAINT-PIERRE: ... dans les écoles...

M. SAMSON: ... est illusoire, il a raison de le dire... Attendez, j'y arrive plus loin et vous allez comprendre ce que je veux dire. Egalement, dans un petit feuillet qui a été distribué, je pense, dans les églises, on voit un certain passage qui dit ceci: "En somme, le projet de loi vise à l'unification et prend comme critère d'organisation le territoire en n'accordant dans les structures supérieures qu'une place secondaire ou marginale à l'option religieuse ou linguistique de la population. La question fondamentale qui se pose alors à la grande majorité des catholiques montréalais qui tiennent à avoir des écoles catholiques est la suivante : De telles structures sont-elles aptes à assurer le maintien et le développement d'écoles catholiques à la base? " Cela aussi a été écrit par l'archevêque de Montréal et cela a été publié le 23 octobre 1971. Cela est aussi assez récent. Mgr Grégoire se pose aussi des questions à savoir... Il est vrai que le ministre de l'Education a souligné tantôt que c'est au niveau scolaire, mais Mgr Grégoire dit que c'est au niveau des structures qu'on doit donner les garanties.

D y a aussi M. Raymond Dumas qui écrivait une lettre...

M. SAINT-PIERRE: Sur un point de règlement, M. le Président. J'ai trop de restect pour Mgr Grégoire pour qu'on lui fasse dire des choses qui sont fausses. J'ai devant moi l'avis du conseil supérieur et on vient de dire que Mgr Grégoire a dit que c'était les structures qui étaient importantes. Or, Mgr Grégoire dit dans son avis: "Les meilleures structures ne suppléeront jamais à l'engagement des personnes". Ce n'est pas la même chose que ce que vous venez de dire.

M. SAMSON: J'ai vu, que vous n'avez pas cru bon, M. le Président, de prendre de décision sur le rappel au règlement, parce que vous avez sûrement convenu, comme moi, qu'il ne s'agissait pas d'un rappel au règlement de la part du ministre de l'Education.

Alors, je continue. Voici une lettre écrite dans le journal en provenance de M. Raymond Dumas, d'Outremont. Je cite des passages parce que si je devais lire tout ce qui est écrit à ce sujet, le ministre de l'Education n'adopterait pas son bill avant 1975, donc on serait au moins certain qu'il ne s'appliquerait pas avant 1975...

M. SAINT-PIERRE: Vous ne serez pas élu dans ce temps-là.

M. SAMSON: M. le Président, il y est dit ceci: "La majorité des membres de plusieurs associations qui se sont prononcées en faveur des bills nos 27 et 28 sont plus intéressés à l'aspect intellectuel et physique de l'éducation. Ils se préoccupent plutôt d'activités sociales et parfois même de gains personnels." C'est un témoignage qui a été écrit dans le journal. Plus loin: "L'effort des mouvements..."

Je vous passerai certains passages, mais il y a quelque chose qui va intéresser particulièrement le ministre ici: "Le mouvement laïc a même été dissout l'an dernier pour la simple raison que ses membres ne voyaient plus de raison d'être, notre système ayant été laïcisé au-delà de leurs espoirs..."

M. SAINT-PIERRE: Il est encore confessionnel.

M. SAMSON: "... et si tout continue au rythme actuel, leur objectif, tout faire pour détacher la Nouvelle-France de l'Eglise par la laïcisation complète de notre système d'éducation deviendrait une réalité d'ici quinze à vingt ans."

Vous voyez, même sans que le ministre ait voulu que cela aille aussi loin, on a des témoignages à l'effet que les espoirs du mouvement laïc sont dépassés tellement le système d'éducation est allé loin.

Il y a aussi cette lettre ouverte à M. Robert Bourassa, premier ministre du Québec et M. Guy Saint-Pierre, ministre de l'Education, en provenance de Verdun, le 8 octobre 1971, signée par M. Maurice Frenette : "Premièrement, le bill no 28 donne aux catholiques autant de garanties que les lois actuelles..."

Ce sont des affirmations faites par le ministre. Il donne ses commentaires suivant ces affirmations. Les lois actuelles garantissent et une commission scolaire pour la majorité et le droit de dissidence pour la minorité, soit catholique, soit protestante. Le bill no 28, par l'article 595, ne fait que prévoir, au niveau d'une commission scolaire, les comités catholiques et protestants qui doivent veiller à l'application des règlements des comités respectifs du Conseil supérieur de l'Education. Ces comités créés par l'article 595 ne sont pas et ne peuvent pas être dans la ligne d'autorité et n'ont aucun pouvoir d'exécution. Où est donc la garantie? Où est donc la sauvegarde de la religion dans les écoles? De plus, quelle garantie donnez-vous aux neutres?

M. le Président, on croit, on nous laisse croire, du moins, qu'on donne des garanties aux catholiques, qu'on donne des garanties aux protestants et on ne voit pas de garantie pour les neutres. C'est probablement parce qu'eux, les seuls qui sont la vraie minorité, les seuls qui représentent environ un demi de un pour cent de la population, n'ont pas besoin de garantie parce qu'ils ont tout ce qu'ils veulent. Ils s'attendent que le bill no 28 va justement combler leurs désirs sans même qu'ils demandent aucune garantie, alors que les catholiques qui sont la grande majorité, à Montréal et au Québec, sont obligés de demander des garanties. Les neutres ne croient même pas bon de faire cela parce qu'ils savent, et ils s'attendent, à l'avance, qu'ils auront toute satisfaction dans le système préconisé par le bill no 28.

Un peu plus loin, il dit: "Il n'y a qu'une façon de résoudre efficacement le problème scolaire: établir des commissions scolaires confessionnelles, catholiques et protestantes, qui auront chacune l'obligation de donner à l'enfant une formation dans les deux langues officielles du pays et, si nécessaire créer une commission scolaire neutre pour les besoins de l'infime minorité. En créant cette dernière commission scolaire, vous éliminerez les autres structures, les éléments de contradiction et vous empêcherez une détérioration des valeurs religieuses qui doivent demeurer."

M. le Président, évidemment, on peut continuer aussi en nous en prenant à l'organigramme du bill no 28. Selon l'organigramme du bill no 28, tel que paru dans le journal Plein Jour de septembre 1971, le conseil scolaire de l'île — cela s'est la tête, c'est cela qu'il y a en haut — sera neutre. Les commissions scolaires seront aussi neutres. Le directeur général sera également neutre. Là, cela se subdivise en deux sections: une francophone et l'autre anglophone. Or, le sous-directeur francophone, c'est encore un neutre. En dessous de cela, vous avez le service de l'enseignement dont un en français et un en anglais; encore là, le service de l'enseignement est neutre. Le service des étudiants, un en français et l'autre en anglais; le service des étudiants est aussi un service neutre. Le service du personnel, un en français, l'autre en anglais; c'est encore un service du personnel neutre. Ce n'est qu'en bas de tout cela, au cinquième palier, que nous retrouvons un principal d'un groupement d'élèves catholiques, un principal d'un groupement d'élèves protestants et un principal d'un groupement d'élèves qu'on appelle les autres.

Vous avez les comités d'écoles, en dessous de cela, avec des présidents. Là, évidemment, il y a catholique, protestant et les autres. En dessous de tout cela, vous avez le comité consultatif des parents. C'est ce fameux comité consultatif qui a fait l'objet, paraît-il, d'une déclaration ministérielle, hier, nous disant qu'on porterait le nombre de trois à sept. Il paraît que cela a été suffisant pour permettre à certains députés, qui se sentaient obligés, en conscience, de voter contre le bill no 28, de changer d'avis.

Or, si on a changé de trois à sept les membres du comité consultatif, cela ne change pas grand-chose parce que ce sont ceux que nous retrouvons dans l'organigramme du bill no 28 comme étant au bas de l'échelle.

M. le Président, à moins que je ne me trompe, généralement ce n'est pas par les pieds qu'on prend les meilleures décisions mais c'est la tête qui mène. Or, la tête, le ministre et le ministère ont voulu qu'elle soit neutre jusqu'au cinquième palier. Quand la tête est neutre, on appelle cela nous donner des garanties de confessionnalité. Tout ce qu'on a donné comme garanties confessionnelles, on l'a donné par les pieds. M. le Président, ce gouvernement...

M. SAINT-PIERRE: Une question de privilège, M. le Président.

M. SAMSON: Privilège de quoi?

M, SAINT-PIERRE: Assoyez-vous. J'ai demandé le droit de parole, une question de privilège.

M. le Président, je refuse qu'on décrive la tête du système d'éducation comme étant neutre. C'est contraire aux faits. Je voudrais bien que le député de Rouyn-Noranda corrige cela pour dire que la tête du système d'éducation, qui est le ministre de l'Education, est un catholique pratiquant.

M. SAMSON: M. le Président, je n'ai rien à retirer et je ne retirerai rien. Je dis que la tête de l'organigramme du bill 28 est neutre. A ce moment-ci, si le ministre veut faire une question de privilège pour changer les faits, s'il veut que ce soit confessionnel à la tête, je suis bien

d'accord. Alors, M. le Président, non seulement je serais obligé de continuer mon discours mais j'applaudirais le ministre, s'il voulait changer son opinion et s'il voulait que réellement, à la tête de cet organigramme, ce soit confessionnel.

Mais non, à la tête, c'est neutre. Je maintiens donc ce que j'ai dit. Dans votre organigramme du bill 28, vous avez la tête qui est neutre et ce sont seulement les pieds qui sont confessionnels. M. le Président, ce n'est pas par les pieds qu'on prend des décisions. Si c'est comme cela, au ministère de l'Education, qu'on croit qu'on peut administrer une province, il n'est pas surprenant que ce gouvernement ait eu aussi peu de résultats depuis qu'il a été élu, s'il administre par les pieds au lieu de se servir de la tête.

M. le Président, l'Association des parents catholiques mentionne, concernant le bill 28, qu'il y aurait des possibilités de l'amender pour le rendre acceptable par la population. A ce moment-ci, je répondrai à certaines argumentations qui disent que les députés qui ne représente pas l'île de Montréal ne connaissent pas le problème autant que les autres. M. le Président, que nous soyons représentants de l'île de Montréal ou non importe peu. Cela regarde tout le monde, tous les députés de cette province. Autant cela regarde les députés qui représentent des sections rurales de s'occuper du bill 28 qui sera mis en application sur l'île de Montréal, autant cela regarde les députés de l'île de Montréal de s'occuper des questions agricoles quand c'est le temps de s'en occuper, même si chez eux leurs terres ne sont pas aussi grandes que les terres que nous avons dans nos belles paroisses, à travers la province de Québec.

Nous ne pouvons laisser adopter le bill 28 sans dire un mot. M. le Président, ce qui nous inquiète également, c'est qu'il y a dans la province, actuellement, l'application d'un autre bill, le bill 27, qui, déjà, a fait assez de dégâts. Même si, avant même l'adoption de ce bill, nous avons mis le ministre en garde, il n'a pas voulu prendre nos avis, n'a pas voulu prendre nos conseils. Mais aujourd'hui, dans l'application, on s'aperçoit — même les députés libéraux qui sont obligés d'applaudir le ministre quand il parle — que dans les comtés l'application n'est pas exactement comme c'est prévu, en théorie, dans le bill 27.

M. GIASSON: Cela va mieux! Cela va mieux avec cela !

M. SAMSON: Nous pouvons donc prévoir et dire à la population du Québec que le bill 28, par voie d'extension, pourrait un jour s'appliquer à l'ensemble du Québec, du moins en ce qui concerne la question confessionnelle.

C'est pour ces raisons, M. le Président, que nous nous devons absolument d'alerter la population de Montréal, ainsi que celle du reste de la province de Québec. Cette population doit savoir exactement ce à quoi elle doit s'attendre avec un gouvernement qui n'a pas fait autre chose, en matière d'éducation, que de ramener des projets de loi qui ont été préparés par son prédécesseur. Cela se ressemble, M. le Président. Il n'y a rien qui est plus pareil, en matière de projets de loi, que les projets de loi de l'Education.

Ce qu'on nous présente aujourd'hui a été préparé par l'ancien gouvernement et commencé à être préparé par le gouvernement précédent, de sorte qu'on peut sérieusement se demander s'il y a eu réellement changement de gouvernement le 29 avril 1970. Je ne crois pas qu'il y ait eu changement de gouvernement. Il y a eu changement d'hommes, de représentants qui siègent à l'Assemblée nationale. Il y a eu changement de couleur, mais nous sommes portés à croire — je pense que nous ne nous trompons pas — que, plus ça change entre les vieux partis, plus c'est pareil. Plus ça change, plus on se retrouve avec la même chose, parce que, derrière les ministres, ceux qui réellement ont le pouvoir et ceux qui le détiennent réellement sont toujours les mêmes.

Les ministres et les députés sont obligés de se faire élire, ils sont obligés de retourner devant le peuple, par conséquent, ils représentent le peuple et ont des comptes à rendre à la population, alors que ceux qui prennent les vraies décisions, qui orientent les politiques, ceux qui ont préparé tout ce gâchis dans l'éducation sont des gens qui ont leur permanence, des gens qui étaient là avant le ministre, qui seront là après que le ministre sera battu aux prochaines élections et qui seront encore là probablement si c'est encore un des deux vieux partis qui a le pouvoir.

Mais, grâce à Dieu, ça va changer, parce que le régime des vieux partis, la population en a assez. Je suis persuadé que nous serons appelés à remplacer le gouvernement après les prochaines élections et c'est à ce moment-là que nous aurons le devoir de rappeler le bill 28, comme le gouvernement actuel a parlé, lui, de rappeler l'ancien bill 63, adopté par le gouvernement qui le précédait.

M. SAINT-PIERRE: Revenez sur la terre; vous êtes au ciel.

M. BIENVENUE: Le député me permettrait-il une question?

M. SAMSON: Pas plus à vous qu'à d'autres. J'ai dit: à personne au commencement...

M. BIENVENUE: Même une courte?

M. SAMSON: ... et je regrette, même si je reconnais que le député de Matane est un bon diable, un gars qui veut comprendre. Je suis persuadé qu'il aurait tout intérêt à étudier le bill 28 et à dire à son ministre de l'Education jusqu'à quel point il est dans l'erreur.

Je sais que le député de Matane est un

député qui, au point de vue de la ligne de pensée, rejoint les idées que je suis en train d'émettre. La question qu'il voulait me poser, c'était sûrement pour me demander si j'accepterais qu'il dise la même chose que moi. Il n'a pas besoin de me poser la question; il peut dire la même chose que moi. Qu'il dise donc ce qu'il pense, qu'il le dise donc, comme les autres députés qui, en cette Chambre, sont contre le bill 28, comme les autres du parti ministériel qui, en conscience, voudraient voter contre le bill 28, mais qui, par la discipline de parti sont obligés de voter avec le gouvernement, comme des "suiveux" malheureusement. Que voulez-vous, il faut appeler les choses par leur nom.

M. SAINT-PIERRE: La démagogie.

M. SAMSON: Ils sont obligés de suivre. Mon bon ami, le député de Saint-Henri, avait l'intention de voter contre ce bill. Il n'a pas changé tellement d'idée, mais, pourtant ils ont su trouver tout ce qu'il fallait pour envelopper son magnifique discours. C'est un magistral discours, d'ailleurs, que nous a présenté le député de Saint-Henri, mais un discours qui lui permettait de faire volte-face honorablement. Je suis certain qu'il n'est pas encore convaincu qu'il doit voter pour le bill 28 et qu'il reprendra conscience avant même la fin des débats et qu'il votera, selon sa conscience, contre ce bill 28 au risque de voter contre son gouvernement. Mais, au moins, il voterait suivant sa ligne de pensée à lui.

Dans le journal Plein Jour du mois de février 1971, quand on parle de confessionnalité, qu'on parle de système neutre, on voit un magnifique exposé qui dit, concernant le système neutre que veulent nous imposer les technocrates au Québec: L'Association des parents catholiques. Nous rejetons le système scolaire neutre. Le système scolaire neutre pourrait devenir très rapidement celui de l'école neutre pour tous, au mépris de la conscience chrétienne d'une majorité de parents.

Que désire la population? Il suffit de connaître les mémoires qui ont été soumis à la commission Parent, les sondages et les requêtes organisés par l'Association des parents catholiques du Québec, les résultats de la consultation faite par l'archevêque de Montréal en 1970 pour savoir que la majorité des parents dans le secteur catholique juge que la corporation scolaire catholique est le cadre juridique et le moyen normal pratiquement nécessaire pour maintenir de vraies écoles catholiques.

Pour les villes de Montréal et de Québec, c'est un droit garanti par l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Une loi provinciale qui supprimerait ce droit pourrait être attaquée devant les tribunaux comme inconstitutionnelle. Ni le gouvernement actuel, ni aucun autre avant lui, n'ont jamais été mandatés par l'électorat pour supprimer ce droit, c'est-à-dire remplacer les commissions scolaires confessionnelles par des corporations neutres. A propos du système confessionnel, on nous dit que le système confessionnel, c'est la justice et la liberté.

Il n'est pas question de créer dans la loi dix sortes de commissions scolaires ou dix religions ou églises qui n'ont pas ou presque pas de fidèles dans la province. Il est question de droits acquis de la majorité catholique, seul groupe qui peut, à cause de son nombre, organiser son système d'école dans toutes les régions de la province, y compris l'île de Montréal. Un système confessionnel n'interdit pas un secteur d'écoles neutres ou non confessionnelles.

Voici quelques principes qui devraient être respectées dans la restructuration scolaire de l'île de Montréal. 1 ) Les écoles catholiques doivent être sous le contrôle de corporations scolaires catholiques. Sous le contrôle de corporations scolaires catholiques, cela ne veut pas dire un petit comité qu'on va laisser de côté ou qu'on pourrait laisser de côté à n'importe quel moment. 2 ) Les commissaires doivent être élus par la communauté catholique, parents et contribuables, et être responsables devant leurs électeurs. 3 ) Les commissions scolaires et les écoles ne doivent pas être trop grosses ni trop petites; la population concernée mérite d'être consultée sur la carte scolaire des écoles catholiques de l'île. 4 ) Les fonds publics doivent être répartis en justice distributive selon un per capita entre toutes les commissions scolaires. 5 ) Toutes les écoles catholiques devraient être ouvertes et accueillantes pour les familles catholiques et non-catholiques de leur milieu. 6) Les commissions scolaires doivent jouir des pouvoirs prévus dans la Loi de l'instruction publique. 7 ) Les commissions scolaires de l'île de Montréal pourraient déléguer des membres à un conseil de l'île qui serait chargé d'établir un système adéquat de taxation pour fins scolaires.

Si c'est ce que le gouvernement recherche, la taxation, la planification des moyens de taxation, de pouvoir chercher davantage des revenus, il n'est pas besoin de détruire les commissions scolaires confessionnelles, il n'est pas besoin de détruire les structures confessionnelles pour atteindre cette fin, si c'est la fin pour laquelle le gouvernement nous a présenté le bill no 28.

Les écoles protestantes. Les protestants ont, comme les catholiques, des droits acquis à des corporations scolaires protestantes, droits qui sont garantis par la constitution canadienne. Il leur appartient de décider s'ils veulent les conserver ou les abandonner pour se fusionner dans un autre secteur d'école: autre, non confessionnelle ou commune. Les auteurs de ce message ne préjugent pas de la volonté des non-catholiques.

Les écoles dites autres. Il faut amender la

Loi de l'instruction publique afin que tous les parents qui désirent des écoles non confessionnelles, neutres ou multiconfessionnelles puissent créer des corporations scolaires autonomes et organiser leurs écoles selon leur conception de l'éducation. C'est le principe du droit de dissidence qui est appliqué dans la loi actuelle pour les catholiques et les protestants.

En ce qui concerne la liberté de choix, la loi scolaire doit assurer à tous les parents, quelle que soit leur religion, un choix libre entre les secteurs catholique, protestant ou autres. Ainsi les parents et les maîtres qui opteront pour l'école catholique le feront librement. Ils n'y seront pas forcés par le système.

Ils la voudront authentique et différente d'une école neutre. Quelle est la différence? L'école neutre place la religion en dehors ou en marge de l'éducation. L'école catholique place la religion et la foi à l'intérieur de l'éducation, de la culture et de la vie. Le Parti libéral de l'Ontario a voté le maintien d'un système de corporations scolaires confessionnelles catholiques, il s'agit des Separate Schools Boards.

Le système neutre est l'uniformité imposée d'en haut. C'est justement ce que je viens de mentionner au ministre. C'est cela, le système neutre imposé par la tête. J'ai appelé cela la tête et ils appellent cela en haut, ici. Si vous préférez, je vais changer le mot tête par en haut puisqu'il est possible qu'après avoir voté le bill 28 on soit obligé d'appeler les têtes en haut.

M. SAINT-PIERRE: Parlez au niveau des pieds, on se comprend mieux.

M. SAMSON: Le système neutre, c'est l'uniformité imposée d'en haut. Le système confessionnel, c'est la diversité qui naît d'une liberté fondamentale, la liberté de conscience des parents. C'est justement au nom du modernisme, au nom de ce développement ou encore de cette grande efficacité administrative dont se gargarise si facilement le gouvernement du Québec qu'on rejette, par le bill 28, la confessionnalité, ce qui nous éloigne en même temps de notre foi, de nos principes moraux, voire même d'une de nos meilleures et de nos plus belles traditions; c'est renier nos antécédents pour les remplacer par quoi? C'est la force des choses qui va nous amener vers ce remplacement.

On remplacera la foi, nos principes moraux, nos bonnes moeurs, nos traditions, par ce qui se fait déjà aujourd'hui dans plusieurs de nos écoles du Québec, par le matérialisme, par l'athéisme, dans certains endroits, par la drogue. Le ministre sait, lorsqu'on parle de drogue, ce qu'on veut dire. Dans plusieurs écoles du Québec, il y a déjà un très bon marché pour ce genre de choses. Déjà, il y a des consommateurs qui devraient être protégés par le bill sur la protection du consommateur, au moins.

M. SAINT-PIERRE: Cela, ça arrive dans les systèmes confessionnels.

M. SAMSON: Il y a déjà, dans plusieurs de nos écoles du Québec, des commerces.

M. SAINT-PIERRE: Cela arrive dans un système confessionnel.

M. SAMSON : Justement parce que vous êtes en train de détruire le système confessionnel; justement parce que vous êtes là, vous avez déjà commencé à détruire le système confessionnel; justement par le gouvernement qui vous a précédés, qui vous a ouvert le chemin pour détruire le système confessionnel.

Si on avait laissé le système confessionnel avec toutes les garanties dont nous avons besoin, on ne verrait pas ces choses-là, on ne verrait pas ce qu'on voit aujourd'hui. On pourrait au moins s'attendre que le système d'éducation fasse de nos enfants des personnes aptes à prendre la relève, à devenir des citoyens honorables et honnêtes. Mais non. Qu'est-ce qu'on fait actuellement avec le système, alors que les parents sont quand même les premiers responsables en éducation, qu'est-ce qu'on en fait?

Le ministre de l'Education, qui a sûrement des responsabilités familiales, le sait lui aussi. Dans la plupart des écoles du Québec, les enfants partent de bonne heure le matin de la maison pour ne revenir que le soir. Après le souper, ce sont les devoirs et tout cela, de sorte que ceux qui ont réellement la responsabilité des enfants, c'est-à-dire les parents, ne l'ont plus. Les enfants passent plus de temps à l'école, dans votre système scolaire actuel, qu'ils en passent à la maison, alors que c'est encore à la maison qu'on est capable de donner la meilleure éducation aux enfants.

A l'école, c'est l'instruction, je l'accorde au ministre. Qu'on aille à l'école pour l'instruction et qu'on donne tout ce qui est possible pour l'instruction de nos enfants mais qu'on respecte au moins ce que nous connaissons, c'est-à-dire ces principes moraux, ces principes religieux que nous connaissons et qui nous ont été inculqués, et le ministre est un de ceux-là qui ont été formés par l'ancien système ou le soi-disant ancien système scolaire confessionnel. Je suis certain que le ministre est l'un des premiers à reconnaître que ce système a formé des hommes qui savent prendre des responsabilités. Pour quelle raison, aujourd'hui, est-on prêt à tout faire sauter par-dessus bord pour remplacer cela par un système neutre, un système qui ne reconnaîtra pas les aspirations légitimes de toutes les religions du Québec et du moins de celle de la majorité?

M. SAINT-PIERRE: La seule chose que j'ai apprise c'est...

M. SAMSON: On est à remplacer tout ça par l'incitation au manque de respect envers l'autorité. Les enfants qui sortent de l'école, les jeunes gens, les jeunes filles à l'âge de 18 ou 19 ans aujourd'hui, vous les retrouvez facilement

dans la rue à faire des manifestations, et toutes les raisons sont bonnes pour que ces jeunes descendent dans la rue. Pourquoi? Parce que c'est à l'intérieur même de votre système scolaire qu'ils apprennent à devenir des gens qui ne respectent pas l'autorité. C'est à l'intérieur de votre système actuel que ça arrive...

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. SAMSON: ... et je vous dis que lorsque vous aurez changé ce système, quand vous aurez un système neutre, ce sera encore pire.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education invoque le règlement.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, pourriez-vous rappeler au député de Rouyn-Noranda que nous sommes ici pour discuter le projet de loi no 28 et qu'il n'est nullement question de toucher à tous les problèmes qui peuvent toucher cette province.

En passant, puisque j'ai la parole, je vais lui dire une chose que l'ancien système m'a appris, c'est que l'engagement des personnes et le dynamisme des individus c'est beaucoup plus important que la nature des structures.

M. SAMSON: M. le Président, je n'ai sûrement pas de leçon de dynamisme à recevoir du ministre de l'Education, je peux vous dire ça.

M. SAINT-PIERRE: Non, surtout pas dans les jeux de pieds.

M. SAMSON: D'ailleurs, mes opinions ne changeront pas, parce que ce que je dis là entre dans les données du bill no 28, parce que c'est ce que vous apportera le bill no 28, c'est exactement ce que vous risquez parce que vous l'avez déjà, et le bill no 28 n'est même pas appliqué.

C'est un manque de respect, on va changer nos valeurs réelles, on va changer cette confessionnalité, pourquoi? Pour le manque de respect des valeurs réelles et aussi pour le laisser-aller général dont nous a parlé tantôt le député de Saint-Jacques, peut-être pas dans les mêmes termes mais il a parlé lui aussi d'un laisser-aller général. Alors, c'est pour ça que nous allons changer nos principes moraux...

M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. SAMSON: ... que nous allons changer notre loi...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques invoque le règlement.

M. CHARRON: En aucune circonstance je ne veux être mêlé à ce que vient de dire le député de Rouyn-Noranda. Quand j'ai parlé de laisser-aller général, je disais que l'actuel...

M. DUMONT: ... un rappel au règlement...

M. CHARRON: Je voudrais rétablir les faits, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je dois reconnaître que le député de Mégantic a entièrement raison. Si l'honorable député de Saint-Jacques a des raisons de rétablir les faits, il devra le faire lorsque l'honorable député de Rouyn-Noranda aura terminé son discours.

M. PAUL: M. le Président, puis-je vous demander une directive? Que vient faire l'article 200 de notre règlement dans les circonstances?

M. LE PRESIDENT: Et l'article 270? Alors, en continuant d'écouter l'honorable député de Rouyn-Noranda, je vais délibérer.

M. SAMSON: Merci, M. le Président, je remercie également l'honorable député de Saint-Jacques qui, par son rappel au règlement, m'a permis de respirer un peu, et je l'encourage à continuer à intervenir encore assez souvent, parce que j'en ai encore à vous dire.

M. le Président, je parlais de ce laisser-aller général et qui forme les esprits révolutionnaires au Québec. Ce que nous avons vu dernièrement dans les rues, se forme au sein même de certaines de nos écoles. On s'en prend facilement à des Chartrand, à des Lemieux et compagnie mais, c'est le système qui leur permet d'aller visiter nos étudiants. On l'a dit, c'est l'honorable député de Richmond qui l'a dit dernièrement lorsqu'il posait une question au ministre de l'Education à savoir ce qui se passait, pour quelle raison on invitait les Chartrand, les Lemieux et compagnie à aller visiter nos étudiants et leur faire des conférences. Je ne me rappelle pas trop ce qu'a répondu le ministre mais je sais que le député de Richmond a suggéré qu'ils étaient intégrés au système. Et c'est probablement ce qui arrive, on les a intégrés au système de sorte qu'on n'a même pas besoin de les inviter, ils sont là régulièrement et ils donneront à nos étudiants de bonnes leçons...

M. SAINT-PIERRE: Ils viennent d'en intégrer un autre qui s'appelle Caouette.

M. SAMSON: ... ils leurs donneront de la bonne préparation pour qu'ils puissent continuer à faire ce qui se fait ou ce qui se fera parce que...

M. BOIS: Le ministre ne peut même plus y aller.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai terminé mes délibérations. Je voudrais rendre ma déci-

sion sur le point de règlement soulevé par le député de Saint-Jacques et par l'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je n'ai pas soulevé un point de règlement. Je vous ai demandé une directive.

M. LE PRESIDENT: Une directive, oui. Alors, je dois dire qu'en donnant la directive au député de Maskinongé je suis obligé de considérer que ma décision était fondée, puisque l'article 270, deuxièmement, dit bien que l'on ne doit rétablir les faits que lorsque l'opinant a terminé. L'article 200, lui, parle d'une violation de règlement. Ce que le député de Saint-Jacques invoquait tantôt, ce n'était pas une violation de règlement. Il voulait rétablir les faits. Bien sûr, si le député de Saint-Jacques avait voulu démontrer que le député de Rouyn-Noranda violait le règlement, l'article 200 se serait appliqué et la chose aurait pu se faire instantanément. Mais, comme le député de Saint-Jacques voulait rétablir les faits, c'est l'article 270 qui s'applique. Donc, ma décision était fondée.

L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Loin de moi l'idée de violer qui que ce soit en cette Chambre, et surtout pas le député de Saint-Jacques.

UNE VOIX: Il n'est pas violable!

UNE VOIX: C'est comme Jean-Noël Tremblay, ça.

M. SAMSON: Je disais que, justement, le système neutre est celui qui permet le plus ces choses-là. Si nous tenons mordicus au système confessionnel, c'est qu'il a fait ses preuves et que la majorité doit encore être respectée. Aujourd'hui, c'est devenu une mode dans notre province d'écouter la minorité, parce que la minorité est tapageuse et fait du bruit. A la radio, à la télévision ou dans les journaux, lorsqu'il se fait beaucoup de bruit, bien, on pense que c'est ça que la population pense. Ce n'est malheureusement pas toujours cela.

Il faut aller voir la population, comme le député de Saint-Jacques dit l'avoir fait dernièrement. C'est ce qui l'a fait changer d'idée, d'ailleurs, sur certains points. Imaginez-vous donc, il a consulté! Il aurait dû en faire depuis longtemps, de la consultation et le gouvernement aurait avantage à en faire aussi, de la consultation, à descendre un peu de son piédestal, à se rendre voir les gens et les rencontrer chez eux.

Cela se fait encore par les députés du Ralliement créditiste. Nous nous rendons dans les maisons, nous consultons les gens et nous parlons avec eux. Lorsque vous les consulterez, vous verrez que la majorité n'est pas celle qui se fait entendre par la voix souvent des media d'information. Ce n'est pas le tapage qui est la majorité. Ce sont encore ceux qui parlent le moins souvent, ceux qui crient le moins fort qui sont la majorité. Ce sont eux que nous devons respecter en tant que gouvernement, en tant que députés. Nous avons été élus par la population du Québec, qui que nous soyons et, à ce niveau-là, tous nous avons les mêmes privilèges parce que nous avons été élus de la même façon et tous, nous représentons dans notre coin, la majorité.

Or, M. le Président, le gouvernement en tant que tel et l'Assemblée nationale en tant que telle se doivent de respecter les voeux de la majorité.

En ce qui concerne la conf essionnalité, en ce qui concerne la destruction de nos structures confessionnelles, la majorité n'est pas d'accord sur cela, tellement qu'il y a eu certaines levées de boucliers. Il y a eu les Chevaliers de Colomb, il y en a eu d'autres. Il y a aussi cette population qui ne parle pas fort mais qui pense. Et cette population...

M. SAINT-PIERRE: Vous, vous parlez fort!

M. SAMSON: ... est attachée à ses principes. Quoi qu'en pense le ministre de l'Education ou certains autres députés, il y a encore beaucoup plus de monde qui fréquentent nos églises le dimanche qu'il y en a qui se rendent à des assemblées politiques, surtout lorsqu'elles sont faites par le Parti libéral. M. le Président, c'est cela la majorité. C'est cela la population et c'est cela que la population pense sur l'île de Montréal. La population est en majorité catholique et la majorité catholique a des droits. La majorité catholique a le droit d'être respectée. C'est cette majorité-là que nous voulons défendre en cette Chambre et j'espère que d'autres partis viendront nous appuyer. J'espère que dans la population les gens se lèveront pour nous appuyer. J'espère aussi que le ministre, avant la fin de ce débat, changera ses intentions et se décidera de respecter la majorité parce que s'il continue avec les intentions qu'il a là et s'il continue avec son bill de la façon actuelle, le ministre s'en va vers un fiasco monumental dont il sera le responsable parce que c'est quand même lui qui est le ministre, même si ce sont des hauts fonctionnaires ou des conseillers ou d'autres personnes qui sont responsables de ce bill. C'est quand même le ministre qui en supportera l'odieux après son application.

M. le Président, le gouvernement veut nous laisser croire à la garantie de la confessionnalité. Pourtant, tout ce qu'on nous propose, tout ce qu'on nous suggère, ce sont des comités consultatifs confessionnels, quand on parle de confessionnalité. Le ministre vient justement de me dire qu'il ne changera pas ses intentions, qu'il ne changera pas ses idées. C'est donc dire que le ministre a changé ses idées depuis qu'il siège en cette Chambre parce que lorsqu'il est arrivé, il

avait des idées neuves, des idées qui respectaient l'ensemble de la population du Québec, probablement. Mais aujourd'hui il vient de me dire, en me faisant un signe de la tête, qu'il n'est pas prêt à changer ses intentions, c'est-à-dire la structure qui nous est proposée par le bill no 28, soit la tête neutre et les pieds confessionnels. Pourtant, voici ce que le ministre nous disait et qui est rapporté dans le Soleil du 18 novembre 1970, alors même qu'il était encore, avec ses idées neuves, dans l'euphorie de la prise du pouvoir...

M. BOIS: Un vrai enfant!

M. SAMSON: Il avait des idées différentes. Voici ce qui est rapporté: "De l'avis du ministre, la réduction du nombre des commissions scolaires se place en tête des priorités. Vient ensuite la nécessité d'une décentralisation des structures administratives." En terminant, le journaliste dit ceci: "Dans son discours, le ministre Saint-Pierre a dit que l'école confessionnelle était, à l'heure actuelle, la meilleure pour le Québec."

Or, M. le Président, il fait signe qu'il a dit cela. Si c'est vrai qu'il l'a dit, c'est encore vrai. Et il me dira qu'il respecte ce qu'il a dit là parce qu'il veut des écoles confessionnelles.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que vous me permettez...

M. SAMSON: Il me le dira et je le comprendrai. Mais pourtant, ce n'est pas cela qu'il fait.

Ce n'est pas cela qui se passe dans les faits, M. le Président, parce que le bill 28, même si des voeux pieux sont émis, en disant qu'on respectera la confessionnalité, dit, en bas: Oui, nous permettrons des écoles confessionnelles. Mais la structure, les patrons, ceux qui seront le centre des décisions, la machine ordinatrice seront neutres.

M. le Président, comment voulez-vous que nous puissions croire le ministre lorsqu'il nous parle de garanties confessionnelles? Comment voulez-vous que nous puissions le croire puisqu'il est impossible, M. le Président, de reconnaître des garanties d'écoles confessionnelles si la tête, c'est-à-dire les patrons, ceux qui prennent les décisions, ceux qui sont les responsables, est neutre? Si nous voulons une école confessionnelle respectée, cela nous prendra des professeurs qui seront aussi d'accord sur cela. Pour avoir des professeurs qui seront d'accord sur cela, cela nous prendra des responsables qui seront d'accord sur cela. Cela nous prendra aussi, à tous les niveaux, des gens qui sont d'accord sur la confessionnalité. Sinon, c'est un fiasco à la base. Sinon, M. le Président, c'est tout simplement courir vers la faillite monumentale du système d'éducation au Québec.

Evidemment, nous reconnaissons que nous avons besoin de certaines modifications sur l'île de Montréal. Tout au plus un bill 27 modifié aurait été acceptable sur l'île de Montréal, avec certaines modifications, remarquons bien. Le bill 27, quand même, permet une structure catholique et une structure protestante. Evidemment, il y a des améliorations possibles, à savoir que les commissaires qui devront siéger aux commissions scolaires catholiques soient tous des catholiques au lieu d'être soit catholiques ou protestants, ou vice versa. Avec certaines modifications, le bill 27 aurait peut-être pu s'appliquer sur l'île de Montréal.

M. SAINT-PIERRE: ...contre le bill 27?

M. SAMSON: Mais le bill 28, lui, c'est une autre chose. Le bill 28 a des dents plus longues que le bill 27. Cela mordra plus fort pour les gens de Montréal.

M. le Président, les députés du Québec verront — c'est ce que je vous ai dit tantôt — l'extension du bill 28 en territoire du Québec. Et là, l'expérience est mauvaise. Si on veut comparer avec l'application du bill 27 en province, nous verrons qu'avec les meilleures intentions du monde — parce que, quand même, je reconnais que le ministre a sûrement de très bonnes intentions — dans certaines régions, des enfants qui doivent se rendre à la maternelle doivent faire 50 milles par jour d'autobus scolaire. Alors cela est totalement inacceptable.

Le système est fait comme cela. Les structures prévoient que cela sera comme cela. Même si c'est inhumain et inacceptable, comme les structures sont faites comme cela, les gens qui les appliquent, eux, les appliquent à la lettre parce qu'il y a des normes d'établies. Au ministère de l'Education, Dieu sait si les normes sont des choses qu'on respecte beaucoup plus qu'on peut respecter n'importe quoi. Alors quand les normes sont établies, c'est bien simple. C'est dommage pour tout le monde mais, même si c'est inhumain, on les applique quand même.

Comme résultat, les enfants en bas âge sont obligés de passer une bonne partie de leur vie en autobus scolaire et l'autre partie, avec la boîte à lunch sous le bras pour manger des sandwichs. Alors que, dans le système actuel, on veut faire des efforts pour être plus humain et qu'on reconnaît que même les ouvriers ne doivent pas manger de repas froids à l'usine, pourtant, on oblige les enfants de cinq, six ou sept ans à manger des repas froids parce qu'ils ne sont pas à la maison à l'heure du diner.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Rouyn-Noranda, chef parlementaire du Ralliement créditiste, a maintenant épuisé le temps qui lui était alloué.

L'honorable député de D'Arcy-McGee.

M. GOLDBLOOM: M. le Président...

M. SAMSON: M. le Président n'a pas cru bon de demander l'unanimité pour me permettre de terminer.

M. LE PRESIDENT: J'ai vu l'honorable député de D'Arcy-McGee se lever, ce qui impliquait qu'il n'accordait pas son consentement.

M. SAMSON: Si on ne me le permet pas, nous nous arrangerons pour ne pas le permettre aux autres, non plus.

M. GOLDBLOOM: Si le député de Rouyn-Noranda peut terminer dans l'espace de deux ou trois minutes, je n'ai aucune objection à lui céder la parole.

M. SAINT-PIERRE: C'est pourtant beaucoup de pollution.

DES VOIX: Allez-y!

M. SAMSON: Merci, M. le Président. Merci à ceux qui nous permettent l'unanimité.

En terminant, je pense que ce gouvernement n'a pas été élu avec un mandat pour détruire les structures confessionnelles. Parce qu'il n'a pas de mandat pour les détruire, la population saura sûrement le juger en temps et lieu. Quant à nous, à moins que ce bill ne soit amendé, en garantissant de façon claire, nette, précise le respect des structures confessionnelles, et ce de façon complète sur l'île de Montréal, nous voterons contre ce bill. Nous nous verrons dans l'obligation — et ce sera notre devoir — de lutter contre aussi longtemps qu'il ne sera pas appliqué et même après son application, parce qu'un jour on changera ce gouvernement-là et nous nous arrangerons pour rappeler le bill en temps et lieu.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de

D'Arcy-McGee, ministre responsable de l'Environnement.

M. Victor Goldbloom

M. GOLDBLOOM: M. le Président, il est presque onze heures et j'aimerais proposer l'ajournement du débat.

M. LE PRESIDENT: Cette motion d'ajournement est-elle adoptée? Adopté.

Ajournement

M. BIENVENUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain, dix heures trente. Comme on l'a annoncé cet après-midi, nous siégerons jusqu'à une heure trente et nous étudierons le bill no 28 toujours.

M. PAUL: Est-ce que le ministre est en mesure de nous annoncer si nous siégerons lundi après-midi à trois heures?

M. BIENVENUE: Je ne suis pas en mesure de l'annoncer M. le Président, mais le leader parlementaire le fera sûrement demain matin. Je l'ignore quant à moi.

M. PAUL: Je ne suis pas sûr que le leader le fasse demain matin.

M. BIENVENUE: Ah! je suis sûr qu'il va l'annoncer demain.

M. LE PRESIDENT (Hardy): La Chambre ajourne ses travaux à demain, dix heures trente.

(Fin de la séance à 22 h 56)

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