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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le samedi 18 décembre 1971 - Vol. 11 N° 110

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

(Dix heures trente-cinq minutes)

M. LAVOIE (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Présentation de pétitions.

Lecture et réception de pétitions.

Présentation de rapports de commissions élues.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de bills privés.

Présentation de bills publics.

M. LEVESQUE: Numéro h).

Projet de loi no 292

Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce propose la première lecture du projet de loi intitulé Loi modifiant la charte de la Société générale de financement du Québec.

M. LEVESQUE: M. le Président, l'article 1 de ce projet augmente le nombre d'actions à dividende différé de la Société générale de financement du Québec réservées au gouvernement de 2,500,000 à 3 millions.

L'article 2 autorise le ministre des Finances à souscrire au nom de Sa Majesté dans le fonds social de la Société générale de financement du Québec, avant le 31 décembre 1972, une somme de $10 millions payables sur le fonds consolidé du revenu, pour 1 million d'actions à dividende différé de la société.

L'article 3 stipule que les sommes ainsi obtenues doivent être employées aux fins agréées par le gouvernement.

Il est aussi à l'effet que les actions détenues par Sa Majesté doivent être enregistrées au nom du ministre de l'Industrie et du Commerce qui, en sa qualité, exerce tous les droits que comportent ces actions. Il peut nommer un fondé de pouvoir qui ne soit pas nécessairement un actionnaire de la société et qui peut voter en levant la main, nonobstant les dispositions de la Loi des compagnies.

L'article 4 permet au gouvernement d'autoriser la société à annuler une partie de ses actions en dividendes différés détenues par le gouvernement pour un montant ne dépassant pas la dévaluation comptable dans ses livres de ses placements en actions et obligations, au 31 décembre 1971, des trois filiales suivantes de la société, Sogefor Ltée, Sogefor Ltd.; Maki Corporation, Corporation Maki et Albert Gigaire Ltée, ajoutée à la dévaluation dans ses livres des avances qu'elle a faites à ses compagnies.

L'article 5 permet aussi au gouvernement d'autoriser la société à annuler une partie de ses actions à dividende différé détenues par le gouvernement si avant la fin de l'année 1972 la société dispose de toutes ses actions dans le fonds social de sa filiale Sogefor Ltée, ou si cette compagnie dispose de tous ses actifs avant cette date.

Les actions à dividende différé de la société sont alors annulées pour un montant ne dépassant pas la valeur des placements de la société dans la compagnie, valeur qui a été déjà dévaluée en vertu de l'article 4, après déduction de l'ensemble du montant obtenu en disposant des actions ou actifs de cette compagnie et des pertes d'exploitation de cette compagnie pour l'année 1972.

L'article 6 indique la procédure que la société doit suivre pour diminuer son fonds social en vertu des articles 4 ou 5.

M. CARDINAL: M. le Président, est-ce qu'on pourrait faire une offre au leader ministériel au sujet de ce projet de loi no 292? Est-ce que le gouvernement serait prêt à procéder aux entrées de la première et deuxième lecture, comité plénier, et troisième lecture immédiatement?

M. LEVESQUE: Certainement.

M. CARDINAL: Parce que, M. le Président, si vous permettez, si on fait ceci, je ne ferai certainement pas un discours de deuxième lecture; mais, par contre, le principe du projet est d'augmenter l'investissement sous forme de capitalisation du gouvernement et de lui donner cette possibilité et un droit de regard en fonction de son investissement et de rétablir certains bilans qui existent déjà dans les sociétés filiales. A cause de ça, M. le Président, je ne vois pas de raison de faire un débat.

M. ROY (Beauce): M. le Président, nous sommes bien prêts à collaborer avec le gouvernement pour tâcher que ce bill procède avec le plus de diligence possible. Mais en ce qui nous concerne, nous ne donnons pas notre consentement pour la deuxième lecture immédiate sans avoir examiné ce projet de loi.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of the bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Projet de loi no 288 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche propose la première lecture de la Loi concernant le parc de la Mauricie et ses environs.

M. LEVESQUE: M. le Président, au nom du ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, ce projet a d'abord pour objet de permettre au gouvernement du Québec d'acquérir rapidement la propriété des terrains nécessaires à l'aménagement du parc de la Mauricie pour en transférer la propriété au gouvernement du Canada. Le ministre des Travaux publics est autorisé à acquérir ces terrains soit de gré à gré, soit en utilisant des procédures d'expropriation prévues aux fins de la Loi de la voirie. Le projet a également pour objet d'empêcher, pendant deux ans, sauf pour fins agricoles sur des terres en culture, toute construction et toute subdivision de terrain dans les municipalités mentionnées à l'article 7.

Toutefois, toute partie du territoire de ces municipalités que désignera le gouvernement pourra être exemptée de ces prohibitions.

En outre, durant cette période de deux ans, le conseil municipal, avec l'approbation du ministre des Affaires municipales, pourra accorder des permis de construction.

Par ailleurs, le projet prévoit qu'avant l'expiration des deux ans, le conseil des municipalités visé devra adopter un règlement de construction et de zonage à défaut de quoi le ministre des Affaires municipales décidera des normes de construction et de zonage.

Enfin, en vertu du projet, toute construction et toute subdivision de terrain seront prohibées dans les territoires non organisés en municipalités locales qui sont décrits à l'annexe B sans l'approbation du ministre des Affaires municipales ou d'une personne désignée par lui à cette fin.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion de première lecture est adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT : Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou une séance subséquente.

M. LEVESQUE: k).

Projet de loi no 290 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education propose la première lecture de la Loi modifiant de nouveau la loi de l'instruction publique et modifiant la loi concernant le regroupement et la gestion des commissions scolaires.

M. LEVESQUE: M. le Président, l'article 1 a pour objet d'autoriser un aveugle à voter par l'intermédiaire d'un parent ou d'un ami. L'article 2 a pour effet de faire disparaître l'article 202b) de la Loi de l'instruction publique, une disposition que couvre déjà l'article 202d) de cette loi. Les articles 3 et 4 permettent au ministre, si toutes les parties intéressées y consentent, de réduire le nombre des commissaires locaux pouvant devenir commissaires du conseil des commissaires de la commission régionale. L'article 5 prévoit que le gouvernement avait jusqu'au 15 octobre 1971 pour modifier le territoire des commissions scolaires nouvelles pour en modifier le nom et le nombre, de même que pour certaines erreurs ou omissions ayant pu se produire concernant la forme et la désignation. L'article 6 autorise le gouvernement à décréter, pour les fins des élections scolaires du 1er juin 1972, l'application de l'article 495b) de la Loi de l'instruction publique, à la demande de tout le milieu scolaire intéressé. L'application de cet article 495b) permettra soit la fusion des commissions scolaires nouvelles du territoire d'une commission régionale donnée en une seule commission scolaire, soit la fusion d'une commission scolaire nouvelle unique membre d'une commission régionale avec cette commission régionale. L'article 7 a pour but de valider, à compter de la date effective de leur mise en vigueur par la résolution qui les a approuvés ou modifiés, les régimes de retraite consentis par une corporation scolaire en faveur de ses employés réguliers non enseignants qui n'auraient pas été, en tout ou en partie, légalement approuvés conformément aux dispositions de la loi ou de leur charte alors en vigueur. Ces régimes devront toutefois être approuvés par le ministre de l'Education et par la Régie des rentes du Québec.

M. CARDINAL: M. le Président, j'aurais une question.

M. LE PRESIDENT: Avec le consentement de la Chambre?

M. PAUL: Oui.

M. CARDINAL: M. le Président, est-ce que ce projet de loi est, en fait ou en droit, une modification au projet de loi no 27 ou un moyen d'appliquer le projet de loi no 27 adopté l'été dernier?

M. LEVESQUE: Oui. C'est justement pour cela que nous le présentons.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine séance ou à une séance subséquente.

M. LEVESQUE: Article 1).

Projet de loi no 291 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de l'Islet propose la première lecture de la Loi concernant la Fédération de Québec des unions régionales des caisses populaires Desjardins.

Y a-t-il des explications ou si nous procédons à la première lecture?

M. LEVESQUE: M. le Président, cette Loi concernant la Fédération de Québec des unions régionales des caisses populaires Desjardins permet à des corporations déjà reliées à la fédération mais qui ne sont pas des fédérations de caisses d'en devenir membres et de participer au processus de décision de la fédération, laquelle est assurée d'une représentation majoritaire de ses fédérations membres, tant au conseil d'administration qu'à l'assemblée générale.

La fédération peut se choisir un président qui ne soit pas nécessairement celui du conseil d'administration. Le bill prévoit que le mandat du président ne doit pas excéder dix ans, fixe le mécanisme de son remplacement comme administrateur et établit les conditions de son emploi et de sa retraite.

Le gérant de la fédération, désigné sous le titre de directeur général, est éligible au poste de président mais ne peut cumuler les deux fonctions.

La fédération pourra acquérir les valeurs mobilières des corporations membres. A cette fin, elle pourra exercer les pouvoirs d'emprunt généralement conférés aux corporations. Les valeurs mobilières des corporations membres détenues par les caisses et les fédérations membres pourront être échangées contre des valeurs mobilières émises par la fédération.

L'article 10 du bill constitue une corporation à fonds social, sous le nom de Société d'investissement Desjardins, société ayant pour objet d'administrer un fonds d'investissement et régie par la deuxième partie de la Loi des compagnies, sous réserve des dispositions du bill, lequel prévoit la constitution du fonds social du conseil d'administration et de l'assemblée générale de la société.

Seule la fédération peut détenir les actions de contrôle de la société et la fédération et les fédérations membres peuvent acquérir une certaine quantité des valeurs émises par la société.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance.

M. LEVESQUE: M. le Président, les projets de loi appelés en première lecture ce matin sont, pour la plupart, imprimés. Il y en a un, la Loi modifiant la charte de la Société générale de financement du Québec, pour lequel je n'ai qu'une épreuve, qui sera d'ailleurs remise à chacun des chefs de parti. Dès que l'impression sera terminée, les députés recevront leur exemplaire.

M. CARDINAL: Cela permettra au député de Beauce de comprendre.

M. ROY (Beauce): Est-ce qu'on pourrait répéter la question, s'il vous plaît?

M. CARDINAL: Ce n'est pas une question, j'ai dit que cela permettra au député d'étudier le projet de loi et de le comprendre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

Déclarations ministérielles. Dépôt de documents. Questions des députés L'honorable député de Nicolet.

Questions et réponses Salaire des pages de la Chambre

M. VINCENT: M. le Président, ma question s'adresse à vous. Quelques-uns d'entre nous ce matin avons appris que les pages qui sont à notre service, ici à l'Assemblée nationale, ne recevaient qu'un salaire de $47 par semaine sans aucun temps supplémentaire. Serait-il possible de considérer toute cette question et d'en arriver peut-être à apporter des correctifs qui seraient, je crois, dans le contexte actuel, bien acceptés de la part de tous les députés de l'Assemblée nationale.

M. LE PRESIDENT: Je vais réétudier cette question.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Page par page-

M. LE PRESIDENT: Pas tout à fait. L'honorable député de Beauce.

Projet de loi fédéral C-256

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une question à poser à l'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives. A la suite de l'étude du projet de loi C-256, Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, est-ce que le ministre pourrait nous dire si son ministère a fait des représentations auprès du gouvernement fédéral de façon à faire modifier cette loi avant sa rédaction finale pour conserver les droits du Québec, pour empêcher en quelque sorte que le fédéral ne s'immisce davantage dans certains domaines, ralativement

aux enquêtes dans les services immobiliers, en ce qui a trait aux commissions payées par les personnes qui utilisent ces services, l'administration sur les prêts ainsi que les taux concernant l'évaluation technique.

M. TETLEY: M. le Président, je remercie le député de Beauce, de m'avoir donné préavis de la question. Le bill C-256 du gouvernement fédéral, qui a le titre modeste abrégé "Loi encourageant la concurrence prévoyant la réglementation du commerce et créant un tribunal des pratiques de concurrence", a été étudié par le ministère dès son dépôt. M. Basford a communiqué avec moi et il a demandé des rencontres. D'autres ministères s'y intéressent et nous aurons des rencontres bientôt. M. Basford aussi veut rencontrer les autres provinces. Nous allons protéger évidemment les droits de notre gouvernement et de notre province.

M. ROY (Beauce): Est-ce que votre ministère a préparé un mémoire, ou a rédigé certaines recommandations très précises pour M. Basford, comme le point de vue du Québec dans ce domaine en vue de rencontres ou d'échanges de vues?

M. TETLEY: Le bill de M. Basford a été retiré et je crois que nos positions sont assez fermes. Mais je n'ai aucunement l'intention de déposer, au sujet d'un bill de presque une centaine de pages, tout l'exposé de notre position, parce que nous ne voulons pas donner toutes nos idées d'avance à M. Basford. C'est clair, d'autre part, que nous allons protéger les droits du Parlement de Québec.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

Perspectives-Jeunesse

M. CHARRON: M. le Président, il y a quelques jours je posais une question sur l'avenir de Perspectives-Jeunesse, et le premier ministre me référait à la présence alors, pendant deux jours à Ottawa, de l'adjoint parlementaire du ministre de l'Education. Est-ce que je pourrais demander à l'adjoint parlementaire, si effectivement le problème de Perspectives-Jeunesse a été élaboré comme nous l'avait laissé entendre le premier ministre dans sa réponse?

Si oui, quelle position a-t-il défendue, sinon quelles autres questions ont été abordées lors de cette conférence fédérale-provinciale et peut-il en faire rapport à la Chambre?

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je pense que la confusion est venue du fait...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il est tout en peau ce matin.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce qu'il y a quelque chose?

M. PAUL: Il ne vous manque que l'épée. UNE VOIX: Le chandail du Prince Vaillant.

M. SAINT-PIERRE: J'en aurais besoin à l'occasion. M. le Président, je pense que la confusion est venue du fait que...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pour nous faire cela?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. SAINT-PIERRE: ...dans la question soulevée avant celle du député de Saint-Jacques, c'est un député de l'Unité-Québec qui avait demandé au premier ministre si M. Munro, de Perspectives-Jeunesse, allait faire des déclarations. Comme M. Munro ne s'occupe pas de Perspectives-Jeunesse, à la conférence à laquelle a assisté mon adjoint parlementaire il n'a pas abordé du tout le thème de Perspectives-Jeunesse.

Les thèmes abordés ont été la question d'une possibilité de réglementation et d'enquête touchant les abus dans le hockey amateur, particulièrement pour les jeunes des différentes provinces. Un deuxième thème abordé est l'initiative du gouvernement fédéral de Sport-Participation, société autonome créée pour sensibiliser les Canadiens à la nécessité d'activités physiques tout au long de leur vie.

M. LEGER: Question supplémentaire, M. le Président. Pourrais-je demander au ministre de l'Education ou à son adjoint parlementaire si, à l'occasion de la conférence fédérale-provinciale des loisirs, il a été question d'une entente concernant la distribution de subventions du fédéral dans le domaine des sports, des loisirs et de la jeunesse qui seraient remises au Haut-Commissariat pour être distribuées au Québec ou s'il n'en a pas été question du tout?

M. HOUDE (Fabre): Il n'en a pas été question du tout?

M. LEGER: Question supplémentaire. Est-ce que le Haut-Commissariat a l'intention d'être un agent distributeur de toutes les subventions, non seulement provinciales mais fédérales, et de prévoir une entente avec le fédéral là-dessus?

M. HOUDE (Fabre): M. le Président, je ne voudrais pas qu'il y ait de confusion. D'une façon générale, depuis environ un an et demi, il y a eu une exception, semble-t-il, qu'on peut vérifier concernant les subventions du fédéral directement à certains organismes à caractère provincial. Ce fut le cas de la subvention donnée l'hiver dernier à la ville de Laval.

Actuellement, le fédéral donne normalement ses subventions aux fédérations à caractère national.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question ad-

ditionnelle, M. le Président. Comme c'est moi qui avait posé cette question au ministre de l'Education et qu'il a ce matin sa tenue sport, je voudrais revenir à la question que je lui avais posée, à savoir, est-ce qu'au cours de la conférence à laquelle a assisté le député de Fabre, qui ne peut pas parler au nom du gouvernement, il a été question de la définition des droits des Etats membres de la fédération, y compris le Québec, en ce qui concerne le sport amateur et les loisirs? Quelles ont été les ententes qui sont intervenues, s'il y a eu ententes? Quels ont été les documents, s'il y a eu documents présentés par le Québec?

Quelles sont les conclusions précises auxquelles on en est venu? Si le ministre n'est pas en mesure d'y répondre ce matin, pourrait-il, dans les délais les plus brefs, "as soon as possible, Mr. Speaker" nous donner tous les renseignements pertinents à cette cause éminemment sportive et qu'illustre ce matin le costume du ministre?

M. BOURASSA: Ce n'est pas une conférence constitutionnelle. Si je comprends bien la question du député...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je précise qu'il s'agissait d'une conférence qui réunissait le gouvernement central et les gouvernements des divers Etats membres de la fédération canadienne. Alors, qu'on appelle ça constitutionnel ou non, c'était une conférence dite provinciale-fédérale ou fédérale-provinciale, selon l'importance que l'on donne au fédéral.

M. BOURASSA: Interfédérale ou confédérale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre peut-il me répondre?

M. SAINT-PIERRE: Je prends avis de la question; la journée de demain me permettra de retourner au bureau et de travailler à préparer votre rapport.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, question additionnelle. Est-ce qu'au cours de la journée de demain le ministre pourrait demander à ses fonctionnaires de lui préparer, en français, un beau texte qui me servira de réponse lundi?

M. CHARRON: Question additionnelle, M. le Président, à l'adjoint parlementaire. Est-il exact de penser que le gouvernement fédéral a pris l'initiative de certains programmes, sans consultation avec les niveaux provinciaux? Deuxièmement,...

M. BOURASSA: Quels programmes?

M. CHARRON: J'ai demandé à l'adjoint parlementaire de me répondre. Quand l'adjoint parlementaire du ministre de l'Education a décrit la situation du Haut-Commissariat et de la loi qui s'en vient, a-t-il provoqué les rires chez ses collègues des autres provinces?

M. HOUDE (Fabre): Avec votre permission, je vais répondre à cette question. Il est exact, en effet, que dans certains programmes, nous avons été placés devant une situation de fait. D'autre part, les délégations des autres provinces réalisent ce qui se fait au Québec, malgré les rires de certains Québécois... Je suis heureux de constater que dans la province de Québec nous avons l'organisation, malgré tous ses défauts de régie interne, la mieux structurée, celle qui fait l'envie des neuf autres provinces. Actuellement, nous sommes cités en exemple par les neuf autres provinces du Canada — encore une fois je le dis — malgré nos petits défauts. Actuellement nous avons des demandes officielles des ministres responsables des sports et des loisirs dans toutes les autres provinces pour venir ici étudier nos programmes et nos structures.

M. CHARRON: Question additionnelle.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question additionnelle.

M. le Président, le député de Fabre pourrait-il nous dire si les représentants des autres provinces ont été d'accord pour déclarer que le Québec donnait, en particulier, l'exemple du chômage le plus élevé?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Dorchester.

Code de la motoneige

M. GUAY: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports. Vous me permettrez de donner un bref préambule. Etant donné que l'an dernier la motoneige a fait près de 50 victimes et que déjà cette année il y en a eu déjà plusieurs, le ministre a-t-il l'intention de déposer dès cette session un code de la motoneige afin de prévenir la multiplication des accidents mortels qu'entrafne la pratique de ce sport?

M. PINARD: M. le Président, hier le leader parlementaire ministériel a demandé la permission aux chefs de l'Opposition de pouvoir continuer l'étude du projet de loi no 23. Il y a eu refus de la part des leaders parlementaires des partis d'opposition.

M. BOURASSA: Aux dépens des chauffeurs de taxi du député de Maisonneuve.

M. PINARD: Dans le bill no 23, nous avions des dispositions pour réglementer davantage le sport de la motoneige, pour réglementer l'industrie du taxi à Montréal et ailleurs dans la province et pour réglementer également tout le

domaine du transport artisan. Je dois en toute franchise dire ces choses ce matin pour que l'Opposition puisse revenir sur sa décision si elle croit de son devoir de permettre au gouvernement de légiférer et de réglementer dans les domaines que je viens de mentionner.

M. PAUL: Une question de privilège, M. le Président. Hier, j'ai tout simplement usé du droit que pouvait avoir tout député pour que le gouvernement suive la marche normale d'introduction et d'étude des différents projets de loi. Si le ministre des Transports prétend qu'il y aurait une situation explosive dans le domaine du taxi à Montréal, c'était au gouvernement d'agir plus vite.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Maurice.

Rapport financier de Fedco

M. DEMERS: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. Est-ce qu'il pourrait, d'ici la fin de la session, faire déposer en cette Chambre le rapport financier de Fedco ou un bilan pour savoir où en sont rendues les choses?

M. TOUPIN: Cela dépend lequel, évidemment. Tous les mois...

M. DEMERS: Je pense que Fedco ne doit pas avoir cinquante...

M. TOUPIN: ...nous recevons un rapport financier de la Fédération des producteurs d'oeufs du Québec, comme il en avait été convenu dans les ententes que nous avons eues avec elle. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire que nous les déposions tous; néanmoins, je peux vous en déposer un de temps en temps, un à peu près tous les deux ou trois mois pour que vous puissiez suivre le développement normal de cette fédération du point de vue économique. Je ne vois pas d'inconvénient à en déposer quelques-uns.

M. DEMERS: M. le Président, est-ce que je peux expliciter ma question? Pourrais-je demander au ministre qu'il nous donne les états financiers actuels, qu'il nous dise où en sont les choses présentement?

M. TOUPIN: D'accord! je peux déposer le dernier rapport financier que j'ai reçu.

M. DEMERS: Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.

Conflit à La Presse

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, j'aurais aimé poser une question au ministre du Travail. En son absence, je la poserai au premier ministre. Selon une nouvelle parue dans un quotidien de ce matin, les syndicats en lock-out à La Presse seraient prêts à reprendre les négociations. Est-ce que le premier ministre aurait des commentaires à nous faire à propos de cette rumeur?

M. BOURASSA: M. le Président, comme c'est une rumeur, je voudrais vérifier d'abord. Je n'ai pas lu de tel article dans aucun journal ce matin. Je voudrais vérifier d'abord si la rumeur est fondée, et j'en discuterai avec le ministre du Travail.

M. LE PRESIDENT: Affaire du jour. M. LEVESQUE: Article 3.

Projet de loi no 48

Troisième lecture

Amendement de M. Cardinal

M. le Président

M. LE PRESIDENT: Un instant. J'ai une courte intervention à faire. Le député de Maisonneuve m'a demandé hier une directive au sujet de laquelle je n'ai pas eu le temps de faire de très longues recherches ni de très longues études, vu les heures de séance que nous avons connues. Il se demandait comment l'article 177 trouvait son application et quelle était sa raison d'être dans notre règlement. L'article se lit comme suit. "Quand plusieurs amendements ont été annoncés, ils doivent être proposés suivant l'ordre dans lequel ils se trouvent placés, dans la motion principale, les mots qu'ils modifieraient s'ils étaient adoptés."

Beauchesne, dans l'édition de 1943, nous donne la réponse à l'article 362, page 140. C'est un très court commentaire que je vais vous lire: "When several amendments are offered at the same place in a clause, it is within the Chairman's discretion to decide which amendment will be received. An amendment proposing to omit certain words in order to insert other words is given precedence over an amendment proposing simply to omit the same words."

L'article 363 est au même effet également. Il est bien clair, à la lecture de ce commentaire, qu'il s'agit d'amendements proposés en comité plénier, parce qu'on parle d'amendement à des "clauses" et on mentionne également des "chairman's discretion". Le "chairman" est le président du comité. En somme, lorsqu'il y a un article de soumis à la considération du comité plénier et que trois ou quatre députés se lèvent pour annoncer qu'ils apporteront des amendements à l'article, c'est au président de les ordonner. C'est l'explication que je donne. Nulle part ailleurs, je ne vois aucune manière, aucune façon de pouvoir annoncer au feuilleton des amendements à une question principale

quelconque. Je n'ai rien vu nulle part dans les traités de droit parlementaire. De plus, j'en ai causé avec les officiers de la Chambre et, à leur connaissance, depuis au-delà de dix ans peut-être, à moins qu'il y ait erreur de notre part, il n'y a eu à aucun moment d'amendements d'annoncés au feuilleton. Je ne sais pas si mes explications sont précises.

M. BURNS: Très brièvement, M. le Président, est-ce à dire alors que nous serions en mesure de les annoncer verbalement au début de l'examen de tel et tel article?

M. LE PRESIDENT: Si je m'en tiens à ce que dit Beauchesne, je crois que le moment opportun de les annoncer sera lors d'une séance d'un comité plénier lorsqu'un article sera considéré.

M. BURNS: Merci, M. le Président.

M. LEVESQUE: M. le Président, simplement une correction afin qu'il n'y ait pas une erreur sur la personne. On remarquera, au bill 91, le nom de M. Giasson, qui devrait s'écrire avec un "g" et non pas avec "ch".

M. CHARRON: Motion débattable. M. LEVESQUE: Ah oui!

M. LE PRESIDENT: Quel article a été appelé?

M. LEVESQUE: Article 3.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de...

UNE VOIX: Vous avez préféré un "filibuster" là-dessus.

M. CARDINAL: De toute façon, M. le Président, je pense que ce matin j'ai offert une grande collaboration.

M. BOURASSA: Je m'adressais au député de Saint-Jacques.

M. CHARRON : Quand nous avez-vous vu faire un "filibuster"?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. Jean-Noël Tremblay

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je m'étais préparé ce matin avec beaucoup de soin à parler du projet de loi qui apparaît à l'article 3 de notre feuilleton, c'est-à-dire la Loi du syndicalisme agricole. Mais je me rends compte que le gouvernement a fait son choix et que l'anxiété qu'il manifestait hier soir s'est tout à coup éteinte en fin de semaine depuis le moment, je vous donne en exemple, où le ministre de l'Education a indiqué que les ministres avaient l'intention de faire du sport.

Mais, M. le Président, en l'absence du ministre des Affaires municipales, il nous est quand même possible, loisible — et peut-être plus facile encore — de reprendre le sujet qui faisait l'objet de notre étude hier soir, à savoir le projet de loi no 48, dans l'optique de la proposition d'amendement faite par le député de Bagot visant à remettre à trois mois l'étude de ce projet de loi.

J'ai abordé hier soir le problème en disant que même si nous reconnaissions le bien -fondé, et non pas le très-bien-non-fondé de ce projet de loi, comme le disait l'autre jour le ministre de l'Education dans son français impeccable, même si nous reconnaissons, dis-je, la nécessité d'adopter ce projet de loi, nous ne croyons pas qu'il y ait urgence et nous croyons, d'autre part, qu'il y aurait lieu, pour le gouvernement, de réfléchir davantage aux demandes, aux représentations, aux revendications qui ont été faites par les divers organismes depuis quelques jours, qui ont mis en relief des faiblesses essentielles de ce projet de loi.

A ce stade-ci de notre débat, M. le Président, je pourrais reprendre tout le projet de loi, examiner chacun des articles et vous donner les raisons pour lesquelles nous devons en différer l'adoption. Je ne veux rappeler que les articles qui intéressent particulièrement la classe agricole et les diverses municipalités du Québec qui subiront des pertes par suite de l'obstination du gouvernement à ne pas accepter les amendements qu'il s'était, semble-t-il, engagé à accepter.

M. le Président, mon collègue le député de Nicolet a expliqué longuement, hier, les raisons qui motivent l'attitude que nous avons prise, raisons qui tiennent aux exigences formulées par la classe agricole et particulièrement par ses représentants autorisés, dont l'Union catholique des cultivateurs.

Je n'ai pas l'habitude de m'en remettre à des rapports de journaux mais il semble, d'après ce que j'ai lu ce matin, que le président de l'UCC lui-même aurait déclaré que nous ne devions pas laisser adopter ce projet de loi sans obtenir les amendements et les garanties que nous avons exigés en cette Chambre et qui nous ont été suggérés et demandés par ses représentants de la classe agricole.

Je l'ai déjà dit, j'ai dans ma circonscription un secteur rural important, mais je vis dans une région qui est une région agricole en grande partie, une des excellentes régions agricoles du Québec.

M. HARVEY (Jonquière): Mais elle est mixte.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési-

dent, le député de Jonquière me dit que c'est une région mixte. Imaginez cette contribution merveilleuse au débat! Comme si je ne savais pas que notre région est...

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, j'invoque le règlement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... à la fois une région industrielle et agricole. Mais j'insiste sur son aspect agricole.

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, j'invoque le règlement. J'ai tout simplement souligné poliment au député de Chicoutimi que la région était mixte. S'il prétend le contraire, j'attendrai et je lui répondrai.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, si vous aviez un élève comme cela, vous, dans votre classe, que feriez-vous? Vous le retourneriez à la maternelle! Comme si ce n'était pas d'une évidence fulgurante, aveuglante et, pour faire un pléonasme, d'une évidence évidente qu'il y a des villes industrielles chez nous, grands dieux! Faudra-t-il que je les nomme?

M. HARVEY (Jonquière): Et on a toutes sortes d'énergumènes !

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pour faire plaisir à la vanité du député de Jonquière, commençons par Jonquière, Kénogami...

M. HARVEY (Jonquière); Saint-André-del'Epouvante.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... et Saint-André-de-1'Epouvante. C'est parfait, M. le Président. C'est le beau village où je suis né. Le ministre évoque ce nom pour essayer de jeter du discrédit sur la brave population qui a vécu là, dont mon père, ma famille, qui a permis à cette Chambre d'avoir un représentant comme celui-ci !

Alors, M. le Président, il y a donc Jonquière, Kénogami, Arvida, Chicoutimi, Bagotville, Port-Alfred, Grande-Baie, Alma, Dolbeau, Saint-Félicien, Roberval, etc.

M. HARVEY (Jonquière): Et Noëlla!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Des villes, M. le Président! Mais il y a aussi tout le secteur rural, qui est un secteur très important de notre région. Il y a tous les cultivateurs de notre région qui n'ont pas les deux pieds dans la même bottine et qui savent se défendre et faire valoir leurs droits.

Je suis personnellement fils de cultivateur. Mon frère a encore la ferme paternelle.

Les problèmes agricoles, j'en entends parler tous les jours à mon bureau de Québec, à mon bureau de Chicoutimi, par tous les organismes qui représentent les cultivateurs chez nous. C'est pourquoi je suis sensible aux demandes qui ont été faites. Et c'est pourquoi je prie le gouvernement de différer l'adoption de ce projet de loi, jusqu'à ce que l'on ait décidé de donner satisfaction à ceux qui nous ont fait savoir et comprendre les implications de certains articles du projet de loi.

Cela ne veut pas dire que le projet de loi est mauvais pour tout cela, qu'on doit le reprendre d'une ligne à l'autre, mais il y a des omissions sérieuses.

Le même problème se pose dans le cas des villes industrielles de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, des villes industrielles de la Mauricie, de la Côte-Nord, de toutes les villes industrielles du Québec. Qu'est-ce qui se passe dans ce domaine? C'est que le projet de loi ne donne pas à ces villes les garanties que le ministre aurait dû leur donner.

Le gouvernement a voulu — et je ne lui reprocherai pas cette intention, cette volonté, cette décision qu'il a prise — exempter, dans la mesure où cela est raisonnable toutefois, certaines grandes entreprises. Mais, en exemptant ces grandes entreprises par la Loi sur l'évaluation foncière, il était de son devoir d'établir un équilibre qui permette, d'accord, de promouvoir l'économie, particulièrement dans les régions où elle est défaillante, mais sans pour autant priver les villes et les municipalités des revenus qu'elles retiraient de ces entreprises.

Je l'ai dit, et je le répète, et j'y reviens, il n'est pas question dans notre esprit de nous jeter sur les entreprises, d'essayer de les étouffer et de les étrangler, mais il n'est pas non plus question dans notre esprit de laisser le gouvernement étrangler les municipalités, quelles que soient les formules d'arrangement, d'aménagement, de subventions, d'ententes, etc. dont le ministre a parlé. Quelles que soient les assurances que le ministre a données à certaines municipalités, il reste que des villes — elles nous l'ont fait savoir — vont subir des pertes considérables parce que le gouvernement n'a pas, de façon officielle, formelle, solennelle, indiqué de quelle façon il allait compenser les pertes que subiraient ces municipalités.

Peu importe que des députés viennent nous jeter une avalanche de télégrammes nous disant : M. le maire X, M. le maire Y, M. le maire de A à Z est content et nous dit qu'il est content. Ce n'est pas ça qui compte. On peut être satisfait dans l'immédiat, mais on ne pourra être satisfait de façon complète si on voit bien les implications du projet de loi et les conséquences à long terme sur la vie des municipalités, sur leur fiscalité et sur l'aménagement de leur taxation. Le gouvernement ne l'ignore pas, les municipalités qui vont subir des pertes — et elles sont en grand nombre, nous en avons donné des exemples; je pense particulièrement aux villes de la Côte-Nord, de la Mauricie, de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean — vont devoir trouver ailleurs des fonds.

Le ministre nous a donné des assurances. Nous voudrions avoir, non pas des assurances verbales, mais des documents qui nous indiquent exactement quels sont les mécanismes de compensation que le gouvernement a en tête, parce que, comme le disait hier soir mon collègue le député de Bagot, il y a une relation directe entre l'évaluation et la taxation.

Cela est tellement clair, M. le Président, qu'il n'est pas nécessaire d'insister. A partir du moment où ce régime d'évaluation sera établi, on devra penser à l'organisation de la fiscalité municipale. Cela va de soi et le jour où les municipalités découvriront qu'on les a privées des sources de revenu et qu'elles ne peuvent pas tirer d'ici ou de là les fonds qui leur manquent, elles iront trouver le gouvernement pour demander des compensations.

Et c'est au sujet de ces compensations que nous n'avons pas eu les renseignements que nous avions le droit d'avoir, pour rassurer les populations. Or me disait hier, un député de ma région, je ne me rappelle plus qui exactement: Vous savez, les autorités municipales sont des gens d'expérience. Les administrateurs municipaux sont des gens d'expérience, les évaluateurs municipaux sont des gens d'expérience, ils ont très bien compris le ministre.

M. le Président, s'ils ont très bien compris le ministre, je leur rends un hommage sans réserve, parce que ce n'est pas facile de comprendre ce ministre-là et particulièrement lorsqu'il s'est avisé en commission parlementaire de nous expliquer comment seraient compensées les pertes des municipalités. Je vous assure qu'il a fallu se livrer à une gymnastique intellectuelle assez laborieuse pour essayer de déceler, M. le Président, le fil conducteur d'une pensée qui se fait et se défait constamment au gré des événements et des humeurs du ministre.

Alors tous ces gens fort capables, fort compétents dont ont parlé mes collègues de ma région ont pu être abusés par les propos du ministre ou croire que le ministre venait de leur donner le Pérou. Mais lorsqu'ils auront à confectionner un budget et qu'ils se rendront compte qu'il y a un trou, ils vont aller trouver le ministre et ils vont dire: M. le ministre, êtes-vous prêt à respecter vos engagements, ce que nous avons compris que vous allez nous donner, nous permettre? Et c'est à ce moment-là qu'ils se rendront compte que nous avons raison de demander que soit différée l'adoption de ce projet de loi.

M. le Président, hier, le leader parlementaire de la Chambre déclarait que nous empêchions la présentation de la Loi du syndicalisme agricole en insistant comme nous le faisons sur la loi 48. Qu'est-ce qui l'a empêché ce matin d'appeler la Loi du syndicalisme agricole et qu'est-ce qu'une journée de plus ou de moins fait dans le cas de la présentation de la Loi du syndicalisme agricole, quand le gouvernement a eu deux mois, trois mois, quatre mois pour nous présenter cette loi-là? Qu'est-ce qu'une journée de plus fait?

Si la Loi du syndicalisme agricole doit être utile aux cultivateurs, il faut que cette loi de l'évaluation municipale les serve également. Et si on veut leur donner des droits, les droits de s'organiser comme une profession de travailleurs organisés, M. le Président, il faut que par ailleurs on s'occupe aussi d'organiser leur vie et qu'on n'hypothèque pas leurs biens, comme on le fait par la Loi de l'évaluation municipale. C'est ça que nous voulons faire comprendre au ministre, qu'il y a une relation entre tout ça, et que l'argument qu'utilisait mon excellent ami le député de Bonaventure — qui a retrouvé son sourire ce matin et je m'en réjouis, M. le Président, il dit non, mais il rit quand même — en me disant hier: Vous empêchez le gouvernement de présenter la Loi du syndicalisme agricole. Il n'avait qu'à le faire ce matin. Aujourd'hui puis lundi, on aurait discuté cela, mais nous en sommes à la loi 48, à la motion à la proposition d'amendement de mon collègue le député de Bagot. Je veux dire ceci, M. le Président, que je ne veux pas insister plus que de raison ce matin. La loi, nous en acceptons le principe, nous considérons que cette loi est, dans son intention, bonne — je dis bien dans son intention — bonne, mais qu'elle comporte des lacunes et des omissions telles que nous sommes justifiés de demander qu'on en diffère l'adoption.

Ce n'est pas tout de se préparer à passer un examen, d'aller en commission parlementaire, d'aller en comité plénier, de potasser sa matière, comme on dit en termes universitaires.

Ce n'est pas tout de se préparer à passer l'examen, ce n'est pas tout de passer des examens de relais, première lecture, deuxième lecture, comité plénier, commission parlementaire, etc. Ce qui compte, c'est l'examen final. L'examen final, c'est lui qui nous donne le diplôme. Le ministre des Affaires municipales en est rendu là. Il en est rendu à ce point que nous allons devoir lui donner son diplôme. Nous voulons bien le lui donner, son petit diplôme, mais nous ne voudrions pas que de ce diplôme, qui est le projet de loi, il s'en serve contre les cultivateurs, qu'il s'en serve contre les municipalités.

Nous voudrions que le ministre se lève, aujourd'hui, et explique, en long et en large, avec tous les détails, quels sont les mécanismes de compensation auxquels il a pensé en ce qui concerne les municipalités. D'autre part, quelles sont ses intentions en ce qui concerne les cultivateurs? Est-ce qu'il est prêt à amender son projet de loi pour donner satisfaction aux cultivateurs? C'est ce que nous voulons savoir du ministre, M. le Président, comme nous aurions voulu le savoir du ministre de l'Agriculture.

Nous voudrions connaître l'avis du ministre de l'Agriculture à ce sujet-là, M. le Président, parce que c'est lui qui est responsable officiellement, de par sa fonction, de la classe agricole. Qu'on ne nous dise pas: Vous auriez pu faire ci, vous auriez pu faire ça. Les gouvernements font

ce qu'ils font au temps où il faut le faire, par étapes, et selon des circonstances et des conjonctures qui évoluent et qui varient. On nous présente cette fois-ci une loi-cadre. Une loi-cadre, c'est un instrument, c'est un cadre — comme le mot le dit — à l'intérieur duquel on va bâtir des structures, on va installer des mécanismes, et à l'intérieur duquel il va nous falloir vivre. Or, si ce cadre est contraignant, s'il constitue un carcan, nous ne pouvons pas l'accepter.

Or, il arrive que dans les cas que nous avons évoqués, particulièrement pour les cultivateurs, particulièrement pour les municipalités, cette loi-cadre peut devenir un carcan. C'est pour cela que nous faisons appel à la conscience du premier ministre, à son esprit de planificateur pour qu'il descende au niveau des réalités bien concrètes et qu'il étudie, avec le ministre des Affaires municipales, les conséquences des articles dont nous avons déploré les faiblesses, la nature et la portée pour certaines classes de la population, pour certains groupes de travailleurs du Québec et pour certaines municipalités du Québec.

Nous sommes actuellement à l'ère de la planification, on planifie tout, on veut tout planifier. Disons, par hypothèse, dans l'ordre général des principes, que c'est excellent. Mais une planification ne peut se faire — comme le disait mon collègue le député de Bagot — que si on a pris la dimension exacte des choses que l'on veut planifier, que l'on veut coordonner et pour lesquelles on veut inventer des mécanismes qui permettent un fonctionnement normal, cohérent qui donne au gouvernement cette possibilité d'établir le rythme de croisière dans la croissance économique et dans le développement social.

Nos demandes sont très simples, elles ne sont que logiques, elles sont justifiées. Les citoyens, les moyens d'information et tous les gens qui communiquent avec nous ne s'expliquent pas l'obstination du gouvernement à ne pas se rendre à nos demandes.

Quant à nous, nous devrons porter un jugement sur un acte du gouvernement.

Il faudra dire au gouvernement ce que nous pensons de sa loi, le dire officiellement, par le truchement d'un vote.

Nous attendons du gouvernement qu'il nous indique ses intentions, parce que nous ne croyons pas que ce projet soit en tout point acceptable.

M. le Président, pas vous, vous n'avez pas hâte que je termine, vous aimez ça m'entendre; je vous remercie, mais, si vous me permettez, je vais terminer très rapidement.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il le consentement de la Chambre?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, nous avons fait notre travail, notre devoir, nous n'avions pas d'autre but que de faire prévaloir les intérêts des gens qui nous avaient demandé de les défendre, c'est le rôle de l'Opposition. Il reste au gouvernement à prendre maintenant ses responsabilités; il aura à porter le poids et à subir les conséquences des actes qu'il veut poser sans tenir compte d'un groupe de députés qui représentent quand même un pourcentage de population beaucoup plus élevé que celui du gouvernement.

M. HARVEY (Jonquière): Vous avez été élu par 7,000 votes sur 20,000 possibles. Vous représentez 30 p.c. des électeurs de votre comté. Moi, 49.9 p.c.

M. PAUL: M. le Président, pourriez-vous reconnaître l'honorable ministre du Revenu?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lévis.

M. J.-Aurélien Roy

M. ROY (Lévis): M. le Président, depuis lundi, nous sommes en Chambre; nous avons discuté, en commission d'abord, du bill 48 et nous sommes rendus à semedi. Même si nous avons progressé dans quelques domaines, nous ne sommes pas encore prêts à accepter le bill.

Je ne me rendrai pas non plus au point que le président me dise que mon droit de parole est écoulé. Je voudrais seulement dire quelques mots sur la motion en discussion présentement.

Nous, de notre parti, avions dit que c'était fini la "parlotte". Nous avions dit hier que nous ne discuterions plus, après avoir fait valoir toutes nos opinions, en ce qui regardait les cultivateurs. Mais, après avoir écouté religieusement le député de Chicoutimi, qui a le don de la parole, qui peut très bien s'exprimer sur une motion et sur des lois, je crois que, dans les circonstances, nous n'avons pas de raison de ne pas accepter la motion qui a été présentée parce qu'il n'y a rien qui presse pour les rôles d'évaluation futurs. Cela donnera le temps au gouvernement de rencontrer les cultivateurs qui sont intéressés, ça donnera le temps de rencontrer en commission les industriels qui sont intéressés. Je crois, M. le Président, que nous prendrons une position et que nous voterons pour la motion qui est présentée, pour les raisons que je viens de vous donner.

Nous avions, lundi, étudié en commission, nous avons fait des remarques au ministre, qui en avait tenu compte. Il avait apparemment pris des engagements avec des maires des municipalités, avec des cultivateurs qu'il avait rencontrés, mais il n'a pas tenu les engagements qu'il avait semblé prendre, d'après ce que j'ai entendu.

Je sais que le ministre, cette nuit, a probablement eu des...

M. DEMERS: Des visions.

M. ROY (Lévis): ...visions qui l'auront assagi dans sa rapidité et qu'il donnera l'occasion à tous les députés de cette Chambre, même aux députés de son parti, de rencontrer les cultivateurs, de rencontrer les gens intéressés afin de discuter de ce bill.

M. le Président, j'étais d'accord avec le ministre. Quand j'ai dit au ministre qu'il y avait des lacunes dans l'évaluation des cultivateurs, qu'il exploitait même certains avantages, le ministre était d'accord. Mais là, on est tourné du tout au tout. Plutôt que d'avoir corrigé les lacunes, on les amène avec une nouvelle évaluation, une évaluation qui permet au ministre de tout faire, qui permet au ministère d'autoriser les municipalités à tout faire. C'est justement là que c'est grave pour nos cultivateurs qui n'ont jamais été reconnus comme une classe acceptable dans la société.

Je le dirai en cette Chambre, comme je l'ai dit dans mes discours assez souvent en dehors de la Chambre: On entend parler des cultivateurs quand on va leur demander de venir voter pour nous aux élections. A part ça, jamais on en entend parler en Chambre. On commence à en entendre parler parce qu'on croit qu'il y a de l'argent à faire avec eux. On s'est aperçu qu'il y avait des cultivateurs qui...

M. LE PRESIDENT (Blank): La motion.

M. ROY (Lévis): Est-ce que j'ai le droit de donner des explications, de dire pourquoi je suis pour ou contre la motion? C'est justement, M. le Président, ce que j'essaie de faire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): You are making your point right.

M. ROY (Lévis): M. le Président, j'essaierai d'être le plus obéissant possible. Et cela me fait plaisir de mentionner en cette Chambre que je n'ai pas assisté et que je n'ai pas participé — mon groupe non plus — aux événements qui se sont passés dans la soirée d'avant-hier. Nous avons été sages et nous avons essayé d'avancer les travaux de la Chambre. Je n'ai pas de commentaire à faire contre personne, mais, si vous avez lu les journaux ce matin, ce n'est pas tellement édifiant pour la population qui nous paie $25,000, $30,000 et $35,000 par année de voir cet enfantillage. Je me rappelle toujours, M. le Président, que quand j'allais en classe, on était dissipé lorsque la maîtresse n'était pas là. Mais quand elle entrait, on était sage. Dans cette Chambre, je m'aperçois que même si le maître est là, on est quand même dissipé. Cela veut dire qu'on a perdu l'autorité, M. le Président, qu'on ne s'en tient pas à des réalités et qu'on veut faire de l'enfantillage en cette Chambre. Je suis un peu désolé d'être obligé de dire ces paroles, mais c'est ce qui arrive. Et on se fait ridiculiser dans la population que je ne blâme pas de ne pas toujours être satisfaite des délibérations.

M. le Président, je vais terminer parce que je ne voudrais pas me répéter ni répéter tout ce qui a été dit en cette Chambre sur les raisons qui nous amenaient à être pour la motion qui a été présentée. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Maurice.

M. Philippe Demers

M. DEMERS: M. le Président, au début de mes remarques, je voudrais d'abord souligner l'anniversaire du ministre des Affaires municipales et lui offrir, en cette occasion, mes meilleurs voeux. Il verra que nous avons célébré cet événement en soulignant d'abord la vigile. J'espère que nous ne ferons pas durer nos réjouissances jusqu'à la fin de l'octave.

M. le Président, pour l'information du ministre, je dirai que son saint patron, Saint-Gatien, d'après le martyrologe, est mort d'une triste façon, étouffé entre deux matelas après avoir été mordu par un chien enragé. Cela détend un peu de rappeler ces choses. Je me permets de revenir à la motion et de bien la situer dans son décor. La motion du député de Bagot demande que nos travaux soient reportés à trois mois, qu'ils soient déférés à la commission municipale et que le bill soit relu dans trois mois seulement. J'endosse cette motion et je me base, pour l'endosser, sur l'article 105. Les gens de mon coin de pays, plus particulièrement Shawi-nigan, sont lésés d'une façon toute particulière par l'application de cette loi. Lorsque le projet de loi fut déféré en Chambre, je m'étais engagé au nom de l'Opposition, avec mes collègues qui siégeaient avec moi à la commission municipale, à accepter tous les articles excepté l'article 105. Il était du privilège de la Chambre de passer outre à notre acceptation et c'est ce qui fut fait. Nous avons ramené dans cette Chambre l'étude des articles 12 et 21.

Après les avoir scrutés de nouveau, j'ai réalisé, avec tout le monde, que nous avions, non pas dérogé à notre devoir, mais mal saisi la portée de ces articles. Je m'en confesse et je m'en excuse, à ma courte honte, et je viens devant cette Chambre faire amende honorable et dire que l'article 12, par exemple, qui avait été réservé en commission, l'article sur lequel nous avions demandé des explications additionnelles...

M. LE PRESIDENT: C'est un discours sur une motion d'amendement qu'il faut faire et non pas sur la troisième lecture.

M. DEMERS: Je le sais, M. le Président, mais nous voulons reporter l'étude à un moment ultérieur à cause de ces articles. Si je ne dis pas ce qu'il y a dans ces articles, je vais passer pour un gars qui ne sait pas ce qu'il dit. Il faut toujours se baser sur quelque chose pour porter une chose à une place. Prenez donc une

brouette pour transporter une charge de briques. Vous ne pouvez dire que vous ne mettez rien dedans et que vous vous en allez et qu'il n'y a pas de briques. M. le Président, je voudrais, me basant sur ces articles, motiver le but de retarder la troisième lecture.

Les articles 12 et 21 sont deux articles capitaux pour la classe agricole et je ne fais pas de "l'agriculturalisme". Hier soir, le leader parlementaire a dit au député de Lafontaine: Parlez, tonnez, chantez, faites ce que vous voudrez, votre motion sera battue. Cela a motivé ma participation au débat. Parler pour parler, il y a quelque chose de sérieux là-dedans. Le leader parlementaire a dit: Accordez-nous le bill 48, on vous change cela pour le bill 64. C'est ce qu'on a dit...

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. DEMERS: ... aux représentants des agriculteurs.

M. LEVESQUE: ... j'invoque le règlement. Une question de privilège. On vient de m'attri-buer des choses que je n'ai jamais dites. M. le Président, on se rappellera qu'à la séance d'hier c'est le porte-parole du Ralliement créditiste qui a fait cette offre et non pas moi. Je n'ai dit que si c'est l'opinion du Ralliement créditiste, nous sommes d'accord. Est-ce que nous avons l'accord des deux autres partis? C'est tout ce que j'ai dit.

M. DEMERS : Si je me reporte aux débats et si ma mémoire est fidèle, M. le Président, parce que je n'ai pas le journal des Débats devant moi, je puis dire que le leader parlementaire a dit au député de Lafontaine: Vous vous battez et vous savez que vous allez être battus. A ce moment, j'ai décidé que nous nous battrions même si nous savions que nous serions battus.

M. LACROIX: Folie furieuse!

M. DEMERS: Bon, voilà l'écho des îles.

M. LACROIX: Folie furieuse!

M. DEMERS: Nous allons nous battre, même si nous sommes certains d'être battus. Il est difficilement acceptable pour des parlementaires, quelles que soient leurs capacités et leurs compétences, quelle que soit leur préparation, de se laisser dire par un leader parlementaire: Chantez, tonnez toute la nuit, vous êtes battus avant de commencer. C'est pour cela, M. le Président, que les représentants des agriculteurs qui nous ont demandé, à nous tous, comme ils ont demandé au gouvernement, de reconsidérer les articles 12 et 21 vont avoir de nous une oreille attentive et que nous allons les écouter. Nous allons faire tout ce que nous pourrons pour enlever de cette loi ce que, à mon insu, j'ai laissé passer, et je m'en excuse.

M. le Président, on a voulu maquillonner. On a dit aux représentants des agriculteurs: Voilà le syndicalisme agricole. Passez-nous le bill 48. Le syndicalisme agricole est une loi pour un groupe seulement. Le bill 48 est une loi pour la collectivité. On ne marchande pas comme cela. Je m'oppose à cela. C'est pourquoi je demande que la motion du député de Bagot soit acceptée. Si le gouvernement est si pressé, s'il veut absolument sa loi, que le ministre des Affaires municipales reprenne, comme il a repris à la commission parlementaire, ces articles et qu'il nous dise: Nous sommes prêts à amender l'article 12 et l'article 21. Notre débat sera alors terminé et nous n'en parlerons plus jamais.

M. le Président, c'était le sens de mon intervention et je vous remercie de m'avoir écouté.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: M. le Président, je voudrais ce matin, calmement, sereinement,...

M. CHARRON: M. le Président, est-ce que le député a le droit de parole?

M. LE PRESIDENT: Ah oui! M. CHARRON: Merci.

M. LESSARD: ... humblement, M. le Président, reprendre mon droit de parole et tenter, encore une fois, de convaincre l'honorable ministre des Affaires municipales, à l'occasion de son anniversaire du bien-fondé de la motion qui nous est présentée par le député de Bagot.

M. le Président, il faudrait bien dire au ministre des Affaires municipales que, si nous nous sommes engagés dans une forte lutte pour tenter de lui demander de remettre l'adoption de ce projet de loi, ce n'est pas parce que nous sommes contre le principe du projet de loi. Au contraire, nous avions, au cours de la deuxième lecture, appuyé le ministre dans le principe de la réforme municipale. Ce n'est pas non plus que ce projet de loi ne soit pas important. C'est justement à cause de son importance, c'est justement à cause des implications considérables que ce projet de loi peut avoir sur l'avenir des municipalités et l'avenir de certaines classes de la société que nous nous battons pour essayer de faire en sorte que le ministre des Affaires municipales, comme il l'a fait lors de la deuxième lecture, retarde encore une fois de trois mois l'adoption de ce projet de loi, à la demande non seulement des députés de cette Chambre mais de nombreux groupes du Québec qui commencent à intervenir auprès des députés de l'Opposition pour que ceux-ci continuent la lutte afin que le ministre retarde l'adoption de ce projet de loi.

M. le Président, l'importance de ce projet de loi, l'importance des articles que nous avons énumérés... Pour ma part, j'ai, au cours du comité plénier, parlé par exemple de l'article 13 où l'on voit que l'on n'applique pas du tout les mêmes principes à la taxation des grosses entreprises comme on le fait pour les petites entreprises.

M. le Président, je crois que les implications de cet article peuvent être considérables pour les municipalités de la Côte-Nord. Celles-ci ont fait valoir dernièrement, auprès du ministre, par un mémoire qu'elles ont présenté à la commission parlementaire, par un télégramme qui a été envoyé — duquel on ne discute plus maintenant — hier, au ministre et aux députés de l'Opposition, que si nous acceptons cet article tel qu'il est, les municipalités industrielles, en particulier les municipalités minières qui caractérisent ma région peuvent subir des conséquences néfastes. Ces conséquences dureront longtemps, M. le Président, parce qu'on suppose que cette réforme, que le ministre veut appliquer, il ne veut pas l'appliquer pour quelques mois, il ne veut pas l'appliquer pour un an ou deux mais il veut véritablement l'appliquer pour plusieurs années.

C'est pourquoi, M. le Président, étant donné l'importance de ce projet de loi, nous demandons encore au ministre d'attendre trois mois, d'écouter encore une fois les exigences des municipalités, de recevoir encore une fois leurs revendications, de leur permettre, pendant cette période de trois mois, de pouvoir étudier les implications financières sur leur budget municipal d'après ce projet de loi.

Comme on le soulignait déjà, les municipalités, actuellement, étant donné la courte période qu'on leur a donnée entre le dépôt du deuxième projet de loi et son étude, n'ont pas encore eu véritablement le temps de comptabiliser au point de vue fiscal toutes les pertes qu'elles peuvent subir à la suite de l'application de ce projet de loi.

Les municipalités demandent qu'on retarde l'adoption de ce projet de loi justement pour qu'elles puissent en étudier les conséquences. Cela ne veut pas dire que ces municipalités-là, après deux ou trois mois, continueront de s'opposer au projet de loi, mais elles sauront exactement quels sont les montants qui seront perdus à la suite de l'application des articles qui ont été énumérés.

Aussi, la remise à trois mois de l'application de ce projet de loi nous permettrait à nous les députés, mais surtout aux municipalités, de savoir quelle sera exactement cette réforme fiscale municipale dont nous a parlé le ministre du Revenu hier. Il me semble — et nous l'avons dit — que ce projet de loi no 48 n'aurait pas dû être présenté tel qu'il est là dans ces articles, sans d'abord qu'on puisse connaître les intentions du gouvernement en ce qui concerne la réforme fiscale.

Cette réforme fiscale municipale aurait dû être la toile de fond à l'intérieur de laquelle aurait dû s'intégrer le projet de loi no 48. Probablement que si nous avions connu cette toile de fond, cette réforme fiscale, nous ne nous serions pas opposés aussi fortement au projet de loi, parce que nous aurions su à ce moment-là si le ministre avait prévu des compensations fiscales pour les pertes considérables d'argent que devraient subir les municipalités, suite à l'application du projet de loi no 48.

Nous avons démontré hier qu'il n'y avait pas une extrême urgence à l'application' de ce projet de loi, que les municipalités pouvaient encore actuellement s'administrer sans voir l'application immédiate de ce projet de loi. Il me semble, s'il s'agit de faire une réforme valable, une réforme qui va régler les problèmes des municipalités ou bien soulever des problèmes à l'intérieur des municipalités, ou augmenter les problèmes fiscaux des municipalités, que le ministre — lui, un ancien maire de la ville de Rimouski, lui qui a connu les conséquences énormes du manque d'argent que subissent les municipalités actuellement, lui qui a même été président de l'Union des municipalités du Québec, lui qui, à maintes et maintes reprises, s'est promené à travers le Québec pour clamer qu'il allait tenter de régler les problèmes fiscaux, les problèmes monétaires des municipalités du Québec — conscient de sa puissance auprès des municipalités, conscient de ses responsabilités, devrait accepter la motion que présente le député de Bagot.

C'est là une perche que nous lui tendons, dans le but peut-être de sauver le gouvernement, pas en vue de nos intérêts, mais en vue des propres intérêts du gouvernement actuel.

Le député de Nicolet disait hier qu'il ne voulait pas voir le ministre de l'Agriculture subir ce qui lui avait subi en 1967 ou 1968 — je crois — lorsque les agriculteurs sont venus protester devant le Parlement. Je pense que le ministre de l'Agriculture devrait, comme le ministre des Richesses naturelles, comme de nombreux autres ministres du gouvernement actuel, prendre conscience qu'il y a là un projet de loi qui peut avoir des conséquences considérables non seulement sur les municipalités, mais aussi sur l'entreprise au Québec.

J'ai dit que pour ma part — que même si j'appuyais le principe du projet de loi — je ne crois pas qu'il appartienne au ministère des Affaires municipales de régler les problèmes de l'industrie forestière et de l'industrie minière.

Il me semble qu'il appartienne au ministère des Affaires municipales, si le ministre est vraiment conscient de ses responsabilités, d'essayer plutôt de régler les problèmes des municipalités.

C'est pourquoi, M. le Président, je ne peux pas pour ma part admettre un article tel que l'article 13 où on soustrait, où on exempte quantité d'immeubles qui servent à la transformation des produits à l'intérieur de l'industrie minière et de l'industrie forestière.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Parlez donc de la question, vous parlez du fond de l'article 13. Dites-moi pourquoi vous voulez que ce soit remis à trois mois. C'est ça que je veux savoir.

M. LESSARD: M. le Président, je pense que c'est là une des raisons, à cause des implications de l'article 13.

M. LE PRESIDENT: Dites-le moi!

M. LESSARD: Je vous le dis, bien humblement, à cause des implications de l'article 13, il faut absolument que le ministre accède à la demande du député de Bagot, que le ministre nous appuie dans la motion que le député de Bagot a présentée, à cause justement des implications que cet article-là peut avoir, non seulement dans les villes minières de mon comté ou dans les villes minières du comté de Duplessis et aussi dans les villes minières de toute la région de l'Abitibi, de la région du Témiscamingue, de la région du lac Saint-Jean aussi.

Alors, M. le Président, encore une fois c'est un projet, c'est peut-être l'un des premiers projets importants que le ministre des Affaires municipales nous présente, le premier projet qui a des conséquences énormes, le premier projet qui s'attaque aux problèmes mêmes des municipalités. Nous sommes d'accord avec lui, et c'est lui rendre honneur, M. le Président, que de faire la lutte que nous faisons sur le projet de loi 48. C'est lui dire combien ce projet-là est important. Ce n'est pas essayer de diminuer le ministre, c'est lui démontrer que c'est vrai qu'il a présenté un projet de loi important, mais ce projet de loi-là, étant donné son importance, étant donné ses implications énormes, on ne peut pas le passer à la vapeur. H nous apparaît qu'il faudrait à nouveau entendre les parties impliquées, entendre les gens concernés. On disait ce matin dans le Soleil que ce projet-là pouvait avoir, à cause encore de l'implication de l'article 107, quantité de conséquences sur l'industrie de la fabrication des maisons mobiles au Québec, sur l'emploi au Québec. Cela ne veut pas dire, comme on le disait hier, M. le Président, qu'il faudra satisfaire à toutes les revendications. Il faut cependant permettre à ces gens d'abord de pouvoir comptabiliser ce que leur donnera ce projet de loi, ce qu'il leur permettra ou ce qu'il leur fera perdre.

Et c'est ça actuellement M. le Président, le problème des municipalités qui communiquent avec nous. Ces municipalités ne savent pas encore exactement combien va leur coûter ce projet de loi. C'est pourquoi, M. le Président, chez nous du moins, les maires de certaines municipalités ont communiqué avec moi, en me demandant de dire au ministre: Mais que le ministre attende encore. Est-ce que le ministre veut tout simplement tellement perturber les finances municipales que ces gens-là seront obligés de revenir devant lui puis de demander des subventions?

Est-ce que ça va être encore le retour des pèlerinages? M. le Président, on s'inquiète.

Si vous aviez été à la commission des Affaires municipales, M. le Président, lorsque les municipalités venaient présenter leur mémoire, qu'elles soulevaient des problèmes et qu'elles démontraient l'implication de certains articles, le ministre disait: Ne vous cassez pas la tête, vous viendrez à mon bureau et on va régler ça. Cela, c'est dangereux.

Si on fait un projet de loi, ce n'est pas pour revenir aux bills privés, ce n'est pas pour revenir au pèlerinage des municipalités auprès du ministre, ce n'est pas pour revenir à la discrétion du ministre dans ses décisions, c'est pour tenter de mettre fin à cette situation et c'est pourquoi il est important de retarder encore de trois mois le projet de loi. Il est important qu'un projet de loi tel que celui-là, dont on nous a dit qu'il était un projet de loi-cadre qui s'appliquera pour plusieurs années, il est important que le ministre prenne bien ses précautions, pour lui-même comme pour son gouvernement, de telle façon que le problème qu'il veut régler et que les solutions qu'il veut appliquer à ces problèmes correspondent réellement à ces problèmes-là.

Si les conséquences économiques du projet de loi sur les municipalités sont importantes et si ces conséquences économiques peuvent être néfastes pour les municipalités, il faut que le ministre nous présente des moyens de compensation pour les municipalités, par exemple, de la Mauricie, de la Côte-Nord et de l'Abitibi. On ne peut pas, en l'espace de quelques mois, comme cela, transformer tout un budget municipal sans que ces gens-là soient consultés, sans que ces gens-là soient entendus. C'est vrai, il y a eu une première consultation mais avec combien de difficultés nous l'avons eue, avec combien de difficultés il a fallu l'exiger auprès du ministre!

Je me rappelle qu'il a fallu se battre, pendant des heures, pour demander au ministre de retarder à six mois ce projet de loi-là. Nous avions même — pour vous montrer l'entêtement du ministre — adopté 35 ou 39 articles en comité plénier. Pour vous démontrer l'entêtement du ministre, pour vous démontrer que le ministre n'avait pas voulu accéder aux demandes de l'Opposition officielle, du Parti québécois et aussi, je pense, du Ralliement créditiste, ce n'est que quelques jours plus tard que le ministre, sans doute soumis aux pressions de l'extérieur, a accédé à nos demandes, au cours d'une fin de semaine. Cela n'a pas été mauvais pour le ministre, le ministre a pris conscience que ce que nous demandions n'était pas par pure partisanerie politique, que ce n'était pas pour nos intérêts personnels. Au contraire, les trois Oppositions s'étaient associées ensemble. Pourquoi? Parce que c'était important.

Nous avions conscience que dans nos municipalités, ce projet de loi était important. Nous demandons la même chose au ministre. Est-ce que ce serait parce que le ministre n'a pas conscience réellement de l'importance de son

projet de loi? On peut se poser la question. Nous lui faisons encore avec insistance la même demande.

Nous saurons certainement lui donner même tout le crédit de cette lutte, s'il veut encore retarder, comme le lui demande la motion du député de Bagot, ce projet de loi afin de permettre aux municipalités du Québec de faire valoir encore leurs revendications et de le permettre à d'autres entreprises aussi, s'il y en a. Nous pourrons alors, à l'intérieur de cette période, nous, députés de l'Opposition, connaître ce que sera la réforme fiscale que prépare le ministre du Revenu, connaître ce que seront les conséquences de cette réforme sur la fiscalité des municipalités du Québec.

D'un autre côté, les municipalités auront eu le temps d'étudier plus amplement, plus profondément les implications de chacun des articles, que ce soit l'article 105 ou les articles 13, 12 ou 11, d'en étudier les implications financières sur leur budget. Peut-être que les municipalités arriveront auprès du ministre et diront: D'accord, nous nous sommes trompées, nous pensions que cela pouvait être néfaste pour nous, nous pensions que nous pouvions perdre de l'argent et nous nous apercevons qu'il y a une certaine forme de compensation.

Mais ce sera à ce moment-là une gloire pour le ministre de dire aux oppositions: Vous voyez que vous aviez des craintes inutiles, et nous dirons: Tant mieux. Mais il est important, avant d'adopter un projet de loi-cadre qui a des conséquences aussi énormes, que chacune des municipalités concernées, que les gens qui sont impliqués sachent vraiment non seulement quel est l'objectif du projet de loi — il est connu — mais quelles sont les conséquences de chacun de ses articles. On ne fait pas des budgets, en tout cas dans nos municipalités, comme ça au jour le jour, mais bien souvent sur une période de plusieurs années et non seulement sur une période d'un an.

Nous faisons aussi chez nous certaine planification que ne fait malheureusement pas le ministre parce qu'il a fait disparaître tous ses planificateurs. Mais nous voudrions que le ministre, encore une fois, se penche véritablement sur son projet de loi, l'étudie vraiment, en connaisse toutes les implications. Nous nous demandons si le ministre a vraiment conscience de ses conséquences.

C'est pourquoi, M. le Président, je termine encore une fois en suppliant le ministre des Affaires municipales de retarder le projet de loi à trois mois, d'accepter la motion que le député de Bagot lui a faite. Si le ministre ne le veut pas, si le gouvernement a décidé de faire son lit, qu'il s'y couche, mais le peuple jugera et le gouvernement devra prendre ses responsabilités non seulement devant les cultivateurs, devant la région de la Mauricie et devant la région de la Côte-Nord ou du Lac-Saint-Jean, mais devant toutes les municipalités du Québec.

Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, vous me permettrez en premier lieu d'offrir mes voeux très sincères de joyeux anniversaire au ministre des Affaires municipales.

M. BOURASSA: M. le Président, pouvons-nous faire une suggestion au leader, comme cadeau au ministre des Affaires municipales.

M. PAUL: M. le Président, je regrette, j'entends une voix, je ne reconnais pas la personne qui parle, parce qu'elle n'occupe pas son fauteuil.

M. DEMERS: C'est un étranger en Chambre. M. le Président, pourriez-vous appliquer en...

UNE VOIX: Vous aussi.

M. LE PRESIDENT: En l'occurrence je n'appliquerai rien.

M. PAUL: M. le Président, c'est sans doute en cet heureux anniversaire que le leader du gouvernement a préféré appeler ce matin l'article 3 de nos travaux plutôt que l'article 12, Loi du syndicalisme agricole, et nous comptons grandement sur le dernier appel que j'ai l'intention de faire tant au premier ministre qu'au ministre des Affaires municipales, qu'au ministre de l'Agriculture.

M. le Président, hier soir nous avons demandé au premier ministre si, dans le caucus qui s'était tenu, on avait parlé du projet de loi no 48, et c'est mon collègue le député de Nicolet qui a posé cette question. Le premier ministre nous a répondu que non. Qu'il me soit permis, M. le Président, de suggérer au premier ministre d'étendre le caucus qui s'est tenu depuis le matin dans cette Assemblée alors qu'on a délégué le député de Charlevoix pour rencontrer le président de l'UCC et qu'à son retour on s'est attablé autour du ministre des Affaires municipales; le ministre de l'Agriculture s'est joint à cette conversation. Je me permets de suggérer au premier ministre de tenir ce midi un caucus durant la suspension de nos travaux.

Il s'agit, M. le Président, d'une loi extrêmement importante. Importante d'abord à cause des implications financières tant sur le budget des municipalités que sur celui du ministère de la Justice ou du ministère des Affaires municipales, quand on considère qu'on devra payer la somme approximative de $45,000 à des avocats de Montréal qui ont été chargés de la préparation du texte de loi qui nous est soumis. Sans tenir compte, M. le Président, des services de techniciens que l'on a retenus, les experts en évaluation, pour tâcher de présenter le projet de loi no 48.

M. le Président, nous voudrions signaler au ministre des Affaires municipales certains points qui, selon nous introduisent des principes nouveaux sur l'évaluation municipale. Ainsi, à l'article 1, au paragraphe q), nous trouvons la définition de valeur marchande. Jusqu'ici, M. le Président, nous avions connu comme base d'évaluation municipale, d'un côté, la valeur économique, etc., d'un autre côté, la valeur de remplacement d'un immeuble.

Or, il arrive que l'on introduise maintenant la valeur du marché, et c'est ce qui va rendre les municipalités et surtout les contribuables qui subiront, par une telle évaluation, en vertu du prix du marché, des hausses de taxes ou des obligations municipales que la plupart seront incapables de rencontrer.

Le principe de la valeur du marché, on le retrouve dans l'expertise. Jamais, jusqu'ici, on avait introduit ce principe nouveau dans l'évaluation municipale. Quelles seront les conséquences de l'interprétation ou de l'intrusion de cette nouvelle philosophie? Je comprends, M. le Président, que ce projet de loi est extrêmement délicat et confus parce qu'il semblerait que le ministre de l'Agriculture, dès jeudi soir, s'appliquait à montrer à des journalistes, au Café du parlement, que certains articles lui semblaient particulièrement équivoques. C'est regrettable que nous n'ayons pas eu, jusqu'ici, l'opinion de l'honorable ministre de l'Agriculture et une réplique quelconque de la part du ministre des Affaires municipales.

Je dis que ce projet de loi doit être repensé. J'inviterais mon bon ami, le ministre d'Etat aux Finances, à communiquer avec le Service juridique de la ville de Montréal où il apprendra qu'un groupe d'avocats se sont réunis dans la matinée d'hier et, dans ce groupe, se trouvaient des experts en droit municipal, en évaluation d'immeubles, en expertise d'immeubles et après quatre heures de discussion, les avocats n'ont pas été capables de s'entendre sur la portée des termes que l'on retrouve aux articles 108 et suivants de ce projet de loi.

C'est tellement vrai que l'on va placer la Communauté urbaine de Montréal dans une impossibilité de préparer un rôle d'évaluation à compter du 1er janvier 1972 avec une tentative d'application de cette liberté additionnelle que l'on retrouve dans le projet de loi aux articles 108 et suivants.

Ce sont des représentations qui m'ont été faites et qui ont, également, été faites à d'autres membres de partis politiques différents du mien. M. le Président, ce seul argument devrait justifier le gouvernement de se rendre à la motion du député de Bagot.

J'ouvre ici une parenthèse, pour signaler une erreur de copiste que l'on retrouve au feuilleton du jour, où on attribue la paternité de la motion présentement à l'étude au député de Chicoutimi alors qu'on devrait y lire le nom du député de Bagot. Je n'ai aucun doute que la correction qui s'impose sera faite en conséquence au feuilleton.

M. le Président, nous ne pouvons donc pas prendre le risque, puisqu'il s'agit d'une loi-cadre, de bouleverser l'économie municipale. Je presse bien humblement le premier ministre de comprendre le bien-fondé de cette lutte que nous faisons. Le premier ministre peut rendre le témoignage à l'Opposition...

M. CHARRON: Est-ce que le député de Maskinongé me permettrait une question? Simplement, au sujet de la mention que vous venez de faire, je ne crois pas qu'il y ait une erreur de copiste. Il est bien dit: "Reprise du débat sur l'amendement de M. Cardinal". Le nom de M. Tremblay, en italique, signale simplement — je le dis au cas où le député manquerait d'expérience parlementaire — que c'était l'orateur qui parlait au moment où la Chambre a suspendu ses travaux.

M. PAUL: M. le Président, je félicite l'élève de Saint-Jacques à qui j'ai justement donné un cours sur ce point hier soir. Je retire donc l'invitation que j'ai faite aux compétents fonctionnaires de notre Assemblée, soit de voir à apporter les corrections qui s'imposaient au feuilleton.

M. le Président, je dis donc à l'honorable premier ministre que la lutte que nous menons est basée sur une analyse exhaustive de ce projet de loi. Elle nous est imposée par des pressions qui nous furent faites par l'obligation que nous avons de coopérer avec le gouvernement pour bonifier les législations. On a accusé l'Opposition de vouloir faire de l'obstruction systématique aux travaux parlementaires. Je suis sûr que le premier ministre est déjà au courant d'une déclaration qu'on a attribuée à M. Allain, qui disait: J'ai demandé aux partis de l'Opposition, sans exception, d'attirer l'attention du gouvernement sur les dispositions des articles 12 et 21 spécialement.

M. le Président, si par hasard cela embarrasse le gouvernement d'adopter une motion présentée par le député de Bagot ou qui aurait pu être présentée par n'importe quel député de l'Opposition, je dis qu'il m'est possible d'obtenir le consentement du député de Bagot pour qu'il retire sa motion, si c'est seulement cela qui gêne le gouvernement.

Que le ministre se lève cet après-midi et nous dise: M. le Président, nous aurons des consultations avec l'UCC, avec les maires de la Mauricie, avec les maires du Saguenay et de toute autre région économique du Québec. Nous allons étudier l'application possible de cette loi dans les grandes municipalités urbaines de Montréal, de Québec et de l'Outaouais.

Quant à moi, au nom de mon parti, je suis prêt à m'engager à l'avance et à donner mon consentement, lorsque nous reviendrons pour la prochaine session, à considérer le projet de loi no 48 — on pourra lui donner le même numéro — comme ayant franchi à cette session, qui sera une session nouvelle, l'étape de la première et de la deuxième lectures, du comité plénier et de la troisième lecture.

Il me semble que ce n'est pas là de l'obstruction systématique de notre part. Je sais que le ministre des Affaires municipales a été accaparé par différents projets de loi qu'il nous a présentés. Le ministre des Affaires municipales a eu le dialogue facile — et je l'en félicite — durant les séances de la commission parlementaire des Affaires municipales. Il a saisi les problèmes avec lesquels se trouveraient aux prises les différentes municipalités si le projet de loi de l'évaluation municipale était adoptée.

Mais à un moment donné, il y eut un retrait inexplicable de la part du ministre des Affaires municipales. C'est au moment le plus important, avant d'atteindre le but que le ministre aurait dû continuer ce dialogue avec les corps intermédiaires, avec les collègues de son parti et également avec ceux de l'Opposition.

Nous sommes convaincus que l'attitude que nous tenons depuis jeudi soir sur ce projet de loi nous est imposée par l'obligation que nous avons de faire notre devoir d'Opposition vigilante et d'attirer l'attention du gouvernement par tous les moyens possibles et démocratiques pour que ce projet de loi soit amendé dans le sens de l'équilibre fiscal nécessaire.

Ne vaut-il pas mieux faire une contestation à l'intérieur de notre Assemblée, plutôt que de voir le gouvernement subir cette contestation à l'extérieur de notre Assemblée?

J'ai encore confiance dans la logique du premier ministre, dans l'attitude collective de ses collègues et nous nous engageons à ne pas crier victoire, nous de l'Opposition, soit du Parti Québécois, soit du Ralliement créditiste, ou de l'Unité-Québec. Nous crierons victoire tous ensemble, parce que nous aurons travaillé de concert, avec des méthodes d'approche différentes, mais dans le but d'atteindre le bien commun des contribuables du Québec régis dans des cadres que l'on appelle les municipalités.

M. le Président, il y a dans la loi telle que rédigée un mécanisme d'obstruction et de paralysie fiscale. Je voudrais signaler à l'attention du ministre des Affaires municipales l'article 66 où il est dit, en résumé, que n'importe qui peut contester ou porter une plainte contre un rôle d'évaluation. C'est encore une notion de droit nouvelle que nous introduisons dans notre législation. Jusqu'ici, je sais que mon collègue le député de Matane a toujours reconnu lui-même — il l'a reconnu dans les avis juridiques qu'il a données à ses clients — et surtout les tribunaux ont toujours exigé l'intérêt dans la contestation d'un rôle d'évaluation ou dans la formulation d'une plainte contre un rôle d'évaluation tel que préparé.

Nous, nous risquons théoriquement, M. le Président, d'arriver à l'anarchie et à la paralysie fiscale.

Supposons qu'un groupe X, que je ne veux pas identifier, se propose, lorsque le prochain rôle d'évaluation aura été préparé dans le territoire de la Communauté urbaine de Montréal, d'envoyer 4,000 plaintes de contestation. Il n'y a plus d'intérêt nécessaire et de prérequis pour la formation d'une plainte. Qu'est-ce qui va arriver du rôle d'évaluation?

Cette situation peut se rencontrer dans la plus petite de nos corporations municipales régies soit par la Loi de cités et villes ou par le code municipal. On devrait repenser cette philosophie de droit, qu'on introduit et qui met de côté une coutume et une exigence que le législateur avait imposées, que nos tribunaux ont reconnues et qui étaient nécessaires pour empêcher, justement par un moyen déguisé, qu'un contribuable mécontent puisse paralyser une administration municipale. On s'expose, avec l'adoption de l'article 66, à vivre des situations telles que j'en décris. Je ne le souhaite pas, mais je le crains.

A ce moment-là, qu'est-ce qui arriverait? C'est pourquoi je fais appel au caucus du Parti libéral pour trouver une solution à l'impasse dans laquelle se place actuellement le gouvernement par l'adoption de son projet de loi. Il y aura également, par suite de l'adoption du projet de loi no 48, des implications fiscales et, sur ce point, j'en ai encore pour quelques courtes minutes en plus de tenter de développer un autre sujet.

Je voudrais vous signaler qu'il est midi trente et je propose la suspension de ce débat.

M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à quatorze heures trente.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

Reprise de la séance à 14 h 35

M. PAUL: Je disais donc, M. le Président, lorsque nous avons suspendu pour le déjeuner, que le gouvernement se trouverait en quelque sorte prisonnier de sa propre législation. Je soutiens que le ministre des Affaires municipales sera dans l'obligation de présenter des amendements au projet de loi no 48 dès les premiers jours de la prochaine session s'il ne veut pas reconnaître la logique et le bien-fondé de certains arguments que nous apportons au soutien de la motion du député de Bagot.

M. le Président, j'avais l'intention de dire quelques mots, très brefs, au sujet de la fiscalité. Je voudrais demander également au ministre des Affaires municipales s'il ne devrait pas envisager la possibilité d'accorder la permission à une municipalité, qui le demanderait, de prolonger certaines ententes qui peuvent être conclues par elle aux fins de taxes industrielles. Je dis, M. le Président, que cette formule de compromis, rédigée dans un texte conforme à notre économie municipale, aurait peut-être pour effet d'atténuer les conséquences économiques qui sont de l'ordre de $24 millions dans la Mauricie, par suite de l'application de ce projet de loi.

De plus, M. le Président, le ministre des Affaires municipales se rappelle certainement les justes revendications des maires et conseillers municipaux, qui lui furent présentées — en avril ou mai — lors de la conférence provinciale-municipale. Le ministre a dû constater que le véritable problème de nos conseils municipaux était un problème de financement et de sources de revenus pour permettre à ces dirigeants municipaux de faire face à toutes les obligations que leur imposent le progrès et les services nouveaux qui doivent être accordés à leurs commettants.

Il s'agit donc, pour le ministre, d'envisager une nouvelle organisation fiscale, comme le signalait si bien mon collègue, le député de Chicoutimi. Certaines municipalités n'auront pas le choix, elles seront dans l'obligation de s'adresser au ministre des Affaires municipales dans l'espoir d'obtenir des subventions dites spéciales ou additionnelles pour leur permettre d'équilibrer leur budget et, dans certains cas, leur permettre de faire face aux obligations déjà contractées sur le marché des emprunts.

M. le Président, c'est là un autre aspect de ce projet de loi qu'il ne faut pas négliger. J'ai beaucoup apprécié l'intervention de mon collègue, le député de Bagot, lorsque, hier soir, il a fait une distinction fort à point entre l'urgence d'une loi et l'attitude de ceux qui sont pressés.

Je me demande si le ministre se rend compte qu'il n'y a pas une urgence telle qu'il lui faille absolument faire adopter sa loi, ou s'il ne pourrait pas garder le statu quo pour une période de trois mois. J'ai rencontré, ce midi, quelques collègues libéraux avec lesquels j'ai discuté tout bonnement du projet de loi.

Un, entre autres, m'a dit: Vous avez raison, mais le gouvernement ne peut pas perdre la face. Il ne peut pas...

M. BIENVENUE: M. le Président, est-ce que le député me permettrait une question?

M. PAUL: Je regrette, c'est non.

M. BIENVENUE: J'aurais voulu savoir...

M. PAUL: Je regrette, c'est non. L'article 286, assoyez-vous! J'ai dit non!

M. BIENVENUE: Le député ne veut pas nous dire qui?

M. PAUL: Je regrette, assoyez-vous.

M. BIENVENUE : Alors, on ne saura pas qui.

M. PAUL: Il n'y a pas d'alors ni maintenant. Je regrette, c'est non.

M. LACROIX: Vous ne voulez pas dire qui, parce que vous savez que vous avez menti. Ce n'est pas vrai ça.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BIENVENUE: C'est comme pour les télégrammes.

M. PAUL: M. le Président, est-ce que vous pourriez inviter l'honorable député des Iles-de-la-Madeleine à retirer ses paroles?

M. BIENVENUE: Est-ce que c'est comme pour les télégrammes?

M. LACROIX: M. le Président, je vais retirer mes paroles à la demande du député de Maskinongé, mais qu'il essaie donc de parler au nom de son groupe.

Quant au nôtre, nous prendrons nos responsabilités en temps et lieu et nous n'essaierons pas de tromper la Chambre ni la population.

M. PAUL: Je remercie le député des Iles-de-la-Madeleine. Je crois que l'heure du repos ou de la suspension n'a pas été profitable à nos collègues et amis d'en face. Ce midi, j'ai bien amicalement et surtout bien calmement demandé au premier ministre de reconsidérer tout le problème de la nécessité de reporter à trois mois l'adoption de ce projet de loi. Je le répète, il y a peut-être une situation embarrassante pour le gouvernement. Rien n'empêche le ministre des Affaires municipales de se lever et de demander l'ajournement du débat. Nous pourrions passer à l'étude de la Loi du syndicalisme agricole. Sans que le ministre des Affaires municipales ne donne suite, dans une déclaration solennelle, à la demande qui lui est

formulée d'une façon légale par la motion du député de Bagot, il laisserait porter les événements et en vertu de l'article 10, le projet de loi disparaîtrait théoriquement avec la prorogation de la présente session.

Entre-temps, le ministre des Affaires municipales pourra effectuer toutes les consultations que nous lui avons suggérées et quelques-unes auxquelles nous n'avons pas pensé. Et, lors de la prochaine session, il pourra nous présenter un nouveau projet de loi no 48 qui tiendrait compte de toutes les recommandations des parties intéressées, spécialement l'Union des conseils de comtés, l'UCC et cette association circonstancielle de certains maires de régions données du Québec.

En terminant, je demande au ministre des Affaires municipales de considérer le bien-fondé de la motion du député de Bagot. Je suis sûr qu'à la suite des informations qui lui furent transmises ce midi durant l'heure du déjeuner, il pourra nous annoncer une excellente nouvelle.

Il ne fera alors que se grandir dans l'estime de la population de nos paroisses.

M. le Président, nous serions déçus si le ministre ne nous faisait pas part de ses opinions sur les arguments qui ont été soulevés dans le cours des différentes motions qui ont été présentées. J'ai bon espoir que, finalement, le ministre des Affaires municipales, le gouvernement trouvent une solution heureuse à cette issue dans laquelle nous avons été forcément placés et qui ne présentait pour nous aucune autre alternative que de combattre vigoureusement non pas un gouvernement, non pas un ministre mais une loi qui, telle que conçue, ne correspond pas, d'après nous, aux besoins de la population du Québec et qui, plus est, lui causera beaucoup plus d'ennuis que d'avantages.

DES VOIX: Vote! Vote!

M. LE PRESIDENT: Les députés sont-ils prêts à se prononcer sur l'amendement?

DES VOIX: Oui.

M. LE PRESIDENT: Vote enregistré?

M. PAUL: Oui.

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Vote sur l'amendement

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement de l'honorable député de Bagot veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Paul, Cardinal, Tremblay (Chicoutimi), Vincent, Boi- vin, Lavoie (Wolfe), Russell, Simard (Témiscouata), Roy (Beauce), Roy (Lévis), Audet, Guay, Laurin, Burns, Léger, Charron, Joron, Tremblay (Sainte-Marie), Lessard.

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Lévesque, Hardy, Castonguay, Pinard, Garneau, Tessier, Harvey (Jonquière), Quenneville, Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Saint-Pierre, Lacroix, Toupin, Massé (Arthabaska), Fournier, Goldbloom, Mailloux, Houde (Fabre), Coiteux, Bienvenue, Théberge, Perreault, Brown, Blank, Brisson, Saint-Germain, Picard, Pearson, Leduc, Fortier, Assad, Bossé, Caron, Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher, Giasson, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Larivière, Marchand, Ostiguy, Pelletier, Phaneuf, Pilote, Veilleux.

M. LE SECRETAIRE : Pour: 19 Contre: 51.

M. LE PRESIDENT: La motion est rejetée.

Reprise du débat de troisième lecture

M. LE PRESIDENT: Le député de Gouin.

M. Guy Joron

M. JORON: M. le Président, je n'ai pas l'intention, en prenant la parole en troisième lecture sur le projet de loi no 48, de faire quoi que ce soit qui puisse être qualifié de "filibuster", parce que, tel que vous nous l'avez, vous-même, signalé... Un instant, j'ai des choses intéressantes à dire, desquelles vous pourriez, je suis sûr, vous inspirer.

M. HARVEY (Chauveau): Pour une fois, vous avez des choses intéressantes à dire. C'est surprenant, par exemple, de la part du parti séparatiste.

M. JORON: Vous allez les entendre à part de ça, quel que soit le temps que ça prenne.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si vous n'êtes pas raisonnables, il va prendre une demi-heure.

M. JORON: Si c'était un "filibuster", M. le Président, qu'on voulait faire, tout ce qu'on aurait à faire serait de lire, comme vous nous en avez, vous-même, signalé la possibilité, les 134 articles les uns après les autres en les commentant. Si vous voulez qu'on le fasse, cela peut être encore bien long, mais ce n'est pas là notre intention. Je pense qu'il est important que le plus de députés possible, prennent la parole sur ce projet de loi, parce qu'il a des incidences

fiscales, parce qu'il soulève des problèmes très importants qui sont, à part de ça, exclusivement de juridiction québécoise. Il n'y a que ce Parlement qui soit habilité à en parler. Je trouverais dommage qu'on n'aille pas au fond des choses.

Je dis que ce projet a des incidences fiscales et qu'il soulève, par conséquent, des principes importants, des principes d'équité, des principes de justice, etc.. Ces principes ont des conséquences importantes sur nos problèmes sociaux, notamment, puisqu'il s'agit d'évaluation foncière, sur le problème de l'habitation qui est peut-être une des déficiences par laquelle la pauvreté s'exprime de la façon la plus éloquente et la plus crucifiante au Québec.

Quand on est rendu, dans une ville comme Montréal, à qualifier le tiers de ses habitations de taudis, on peut voir l'importance du sujet que nous débattons. Je veux donc vous dire, M. le Président, ce que ce projet de loi m'inspire tel qu'il est et, lorsque nous faisons ça, lorsque d'autres députés de l'Opposition font ça, ils ne font pas une foire de l'Assemblée nationale, comme un ministre du gouvernement l'a laissé entendre hier ou avant-hier.

Que l'étude d'un projet de loi en retarde un autre, bien, on n'y peut rien. C'est bien évident, ça ne peut pas être autrement. Qu'il y ait d'autres projets de loi importants à venir après et que l'étude de celui-ci les retarde c'est bien évident, c'est normal; ça ne peut pas être autrement que ça.

Les sujets, généralement, des projets de loi sont importants. La façon dont le gouvernement, par ses projets de loi et par ses lois, traite de ces sujets-là n'est pas toujours importante mais les sujets, en eux-mêmes, le sont. C'est pourquoi nous voulons en parler. Autrement, on se demanderait finalement à quoi le Parlement doit servir si 55 p.c. de la population, représentée de ce côté-ci de la Chambre, voire même 70 p.c. de la population française du Québec, n'avait pas l'occasion de s'exprimer sur ce sujet. On serait habilité à se demander, à ce moment-là, ce qu'on fait ici.

Le projet de loi no 48 m'inspire la chose suivante: c'est un projet de loi qui règle des petits problèmes techniques, c'est une loi qui correspond à l'image du gouvernement qui veut se donner une image d'administrateur, une espèce d'image d'efficacité, de modernité technique, si vous voulez, qui, au fond, comme la plupart de ces projets de loi, est dénué de tout principe et de toute philosophie. Dans un sens, oui, il en a une philosophie, on pourrait dire qu'il y a une philosophie libérale, c'est-à-dire une absence de philosophie; une politique de laisser-faire, de rapiéçage, au mieux.

La Loi sur l'évaluation foncière implique donc l'impôt foncier. On se serait attendu à des dispositions qui auraient participé à l'édification de ce régime fiscal plus juste, plus humain, plus équitable dont les libéraux, aussi bien à Québec qu'à Ottawa, se targuent depuis longtemps. On proclame toujours qu'on est d'accord avec les principes d'équité et de justice fiscale mais qu'est-ce qu'on fait? On ne légifère pas souvent, on fait des commissions d'enquête, commission d'enquête après commission d'enquête sur le sujet. Vous avez eu récemment, dans les dernières années, trois importantes commissions au niveau fédéral ou au niveau provincial: Carter, Bélanger et celle qui a des incidences fiscales considérables, la commission Castonguay-Nepveu.

Il semble que dès l'instant où un sujet d'importance apparaît, est en discussion dans l'opinion publique, la façon de faire pour sauver la face c'est de créer une commission d'enquête. Il n'y a probablement pas un pays au monde qui ait fait autant de commissions d'enquête que le Canada, aussi bien à Québec qu'à Ottawa. C'est devenu la technique par excellence d'escamoter les problèmes et de se donner un faux visage progressiste. Le gouvernement peut toujours dire: Nous avons créé une commission et, avec le temps, on s'inspirera de ses recommandations. Mais le temps passe et passe. On légifère et, finalement, qu'est-ce que les projets de loi traduisent des grands principes que l'on retrouve dans les trois commissions que j'ai nommées? Des miettes, des petites miettes.

Ils reprennent des semblants de l'esprit des rapports de ces commissions, mais qui ne vont jamais au fond des problèmes. Ecueil particulièrement, singulièrement important dans le cas du Québec parce qu'on sait à quel point le Québec a une marge de manoeuvre restreinte en matière de fiscalité, que ce soit pour l'impôt foncier ou l'impôt en général. Il est à la remorque des réformes que doit entreprendre, mais que n'entreprend pas souvent, ou timidement, le gouvernement fédéral.

Deux budgets du gouvernement actuel, du gouvernement présent ont escamoté, l'un après l'autre, le problème de cette prétendue réforme fiscale.

Deux budgets l'ont complètement escamotée, mais s'il faut en imputer la faute au régime fédéral, il reste un domaine, strictement québécois, sur lequel on ne peut pas invoquer les lenteurs des négociations avec le fédéral, c'est celui de l'impôt foncier. Là, qu'on ne vienne pas nous dire que c'est la faute d'Ottawa, ou qu'on est en négociation avec un ministre ou qu'on attend un rapport. Ce n'est pas vrai. C'est un domaine strictement québécois. C'est pourquoi nous nous serions attendus à quelque chose d'important, de susbtantiel dans ce projet de loi.

Après cette attente, que voyons-nous arriver sur le tapis? Une petite souris, toute minuscule. On fait des petites "réformettes", une "loisette", comme disait un député un peu plus tôt.

Il y a certaines améliorations, j'en conviens. On uniformise, jusqu'à un certain point, un manuel qui va rendre techniquement plus efficace, si vous voulez, la fonction même de l'évaluation.

On introduit la notion de valeur marchande, bien que très malhabilement et de façon mal définie, qui promet peut-être la fin de certaines disparités scandaleuses qu'on avait connues dans le passé. Mais, aussitôt, les sorties possibles, les portes pour s'en échapper.

Et, point principal, finalement la réglementation qui donnera du corps au degré d'équité de ce projet de loi, l'essentiel doit venir par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil. Nous ne sommes donc pas en mesure d'en évaluer la portée. D'autre part, il y a toute la série des exceptions. Je ne les nommerai pas toutes pour ne pas être accusé tout simplement de faire perdre du temps. On pourrait en faire une liste très longue, le projet de loi en est truffé au point tel qu'on se demande si c'est davantage une loi qui énumère une série d'exceptions qu'une loi sur l'uniformisation. Nous pourrions peut-être l'appeler la loi des exceptions à l'uniformisation de l'évaluation foncière.

Tout de même, le gouvernement étant actuellement dirigé par l'ancien secrétaire de la commission Bélanger, nous aurions pensé retrouver dans le projet de loi un esprit plus progressiste. De certaines recommandations capitales — j'y reviendrai dans un moment — de la commission Bélanger, nous ne trouvons que quelques-unes, en partie; les plus importantes et les principales, non.

Ce qu'on retrouve, c'est, comme je le disais un peu plus tôt, une espèce de modernisme, de modernité technique, une image de modernité. Mais, l'esprit progressiste qu'on pouvait lire à travers le rapport de la commission Bélanger, on le retrouve difficilement. On n'y retrouve pas non plus l'une des principales recommandations et elle était capitale; nous le répéterons encore et nous regrettons infiniment qu'elle y soit absente, la Régie de l'évaluation foncière, qui était un des pivots des recommandations du rapport Bélanger, est absente du projet de loi.

En résumé, nous pensons qu'à l'occasion d'un projet de loi semblable le moment était tout indiqué, pour introduire des principes progressistes d'évaluation, introduire dans le domaine de l'impôt foncier cette inspiration, ce désir, cette soif, tant de fois proclamés par le gouvernement, d'équité, de justice fiscale, etc., qu'il ne peut introduire dans les domaines les plus importants de l'impôt, parce qu'il est à la remorque, comme nous le disions tout à l'heure, du régime fiscal fédéral. Mais, dans celui de l'impôt foncier, on aurait aimé voir, par exemple, une recommandation qui aurait pu prendre la forme d'introduire dans l'évaluation foncière le progressisme dans l'impôt relié avec le degré de luxe des propriétés en question.

Pourquoi ne pas introduire la notion de taxation progressive, comme elle existe dans l'impôt sur le revenu? Pourquoi ne pas introduire cette notion dans l'évaluation foncière? C'est une question que nous posons.

Une autre façon d'établir plus d'équité ou plus de justice fiscale par voie de l'impôt foncier, cela aurait été, par exemple, d'introduire la notion du taux de taxation relié au nombre de personnes occupant les propriétés en question. Cela deviendrait, ni plus ni moins, une taxe par superficie occupée, une autre notion par laquelle nous aurions pu voir le résultat suivant: C'est que la famille nombreuse...

M. BOURASSA: Est-ce que le député me permettrait une question? Il discute d'un problème pratique et arrive avec des suggestions apparemment constructives. Est-ce qu'il se réfère au nombre de personnes permanentes ou à temps partiel? A première vue, tout de suite, je vois des problèmes pratiques à la suggestion qu'il propose.

M. JORON: Ah, je suis d'accord avec le premier ministre. Il y en a des problèmes pratiques. Si j'avais eu à rédiger le projet de loi, je me serais penché fort longtemps pour cerner tous ces problèmes techniques de l'idée, du principe que j'ai donné. Je suis d'accord avec lui. Ce à quoi je me référais, c'était des personnes habitant en permanence un domicile. C'est une note qu'il y aurait lieu d'étudier et d'introduire peut-être dans notre système d'impôt foncier. Si la propriété n'est plus aujourd'hui le principal signe de la richesse, il reste quand même que, collectivement, on y attribue beaucoup de ressources; beaucoup des ressources collectives y sont affectées. Le partage de ces ressources entre les individus est capital.

Les ressources sont limitées par définition, on le sait. Le problème, c'est le partage de ces ressources-là entre tout le monde. Le jeu d'un système fiscal, notamment dans l'impôt foncier, c'est d'introduire un système de taxation qui favorise le partage optimal des ressources entre les individus. C'est là la différence essentielle entre la philosophie fiscale, par exemple, des libéraux et la nôtre.

Au sujet de ce point capital du partage des ressources, le principe du libéralisme est le suivant: c'est en quelque sorte de faire oublier les écarts existant entre la population, entre les différentes couches de la population, entre les pauvres et les mieux favorisés, en entretenant l'idée d'une amélioration éventuelle du niveau de vie, la promesse de meilleurs lendemains. C'est aussi une politique fondée sur l'accroissement des richesses, j'en conviens, mais toujours reportée dans l'avenir.

Qu'est-ce qui arrive en pratique? C'est vrai que, globalement, le volume des biens et des ressources a augmenté dans la société, mais les écarts relatifs, eux, n'augmentent pas. Un de nos problèmes les plus cuisants dans la description de ce qu'est le phénomène de la pauvreté à l'heure actuelle, c'est que la pauvreté relative continue d'exister et qu'on se définit comme pauvre, en grande partie, par rapport à un critère de privation d'un niveau de vie qui est proposé par ce qu'on appelle "l'establishment"

ou le pouvoir, le gouvernement, les dirigeants économiques. Cela, la philosophie libérale, loin de l'atténuer, est toute faite pour l'accentuer.

Nous, — et je termine là-dessus — nous croyons que c'est au partage actuel des ressources qu'il faut s'attaquer. Bien entendu, il faut, en même temps et simultanément, mettre en branle tout ce qu'on peut pour accroître la masse totale des biens. Ces impératifs de productivité, d'efficacité et de croissance, nous les aurons toujours, pour autant qu'on fasse ce choix de développement quantitatif. D'autre part, en même temps, nous croyons qu'il est plus urgent, si on veut aller à la source des maux dont notre société est affligée à l'heure actuelle, de s'attaquer directement au problème du partage et de la distribution actuelle de ce qui existe, pas de ce qui est à venir.

Vous me direz que c'est là une vieille théorie socialiste. C'est vrai qu'il y a longtemps que...

M. BOURASSA: Est-ce que le député me permet une question?

M. JORON: Certainement.

M. BOURASSA: Il pose des questions qui ont trait à l'équité fiscale. Est-ce que, dans sa philosophie ou dans son approche, il tient compte du problème concurrentiel auquel doivent faire face les entreprises québécoises, notamment dans la taxation de la machinerie? Parce que le député est au courant des nécessités d'investissements au Québec, notamment pour les prochaines années.

M. JORON: Certainement. Mais le problème de la taxation foncière sur la machinerie, c'est une partie, si vous voulez, du champ global de l'impôt foncier. Il y a des contraintes que nous impose le degré d'intégration de notre économie avec celle de l'Amérique du Nord qui nous place en concurrence. C'est peut-être une situation malheureuse de laquelle nous prendrons passablement de temps à nous tirer, j'en conviens. Ce qui veut dire que, dans l'intervalle, il faut adapter et coordonner, dans ces secteurs-là, notre politique fiscale avec celle de nos voisins ambiants tant que nous n'aurons pas réussi à nous sortir de ce degré d'intégration là. Mais, pour tout le reste, dans le domaine de l'habitation et dans tout ce qui touche l'individu, la marge de manoeuvre est alors beaucoup plus grande.

Je termine en disant que les principes de la nécessité d'aborder les problèmes sous l'angle du partage des ressources et de la distribution des richesses, davantage que sur leur accroissement, peuvent être qualifiés, et c'est vrai, d'être une vieille théorie socialiste. Pour notre part, nous la croyons toujours actuelle et toujours bien posée.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.

M. Raymond Garneau

M. GARNEAU: M. le Président, j'ai voulu attendre au stade de la troisième lecture avant d'intervenir dans ce débat pour être en mesure de pouvoir parler sur l'ensemble du projet de loi, alors que, sur les motions qui ont été présentées antérieurement, il aurait fallu me restreindre à certains aspects particuliers.

Le sujet que j'aimerais aborder très rapidement à trait, justement, à l'incidence économique de cette loi. J'aborderai également, d'une façon assez rapide certains des points de vue qui ont été soulevés par le député de Gouin, de même que par certains autres députés de cette Chambre, en particulier à l'impact de la nouvelle loi d'évaluation foncière en ce qui regarde certains contribuables.

Je soumettrai tout d'abord, M. le Président, que la Loi d'évaluation foncière que nous étudions en troisième lecture aujourd'hui est peut-être l'une des lois les plus importantes que nous ayons été amenés à discuter dans cette Chambre au cours des derniers mois. Cette loi est importante parce que, d'abord, elle touche tous les citoyens du Québec, directement ou indirectement, en tant que propriétaires ou locataires. Deuxièmement, elle est le résultat d'un très long processus de consultation et de discussion, au Québec, depuis dix ou quinze ans, c'est ce qui a d'ailleurs amené le gouvernement, au début des années 60, à former une commission pour étudier l'ensemble du problème de la fiscalité, commission qui a également eu pour mission d'étudier la question de l'évaluation foncière.

Les conseils municipaux des différentes villes du Québec, l'Union des municipalités, l'Union des conseils de comté, les différents comités d'experts, tous à tour de rôle se sont prononcés en faveur d'une Loi de l'évaluation foncière ou, tout au moins, d'une législation qui uniformiserait les méthodes d'évaluation à travers le Québec.

Cette loi est importante, M. le Président, parce qu'elle est la base d'une réforme fiscale sur laquelle nous travaillons et qui, évidemment, est extrêmement difficile à faire. Je dirai que c'est le point de départ de cette réforme. Le printemps dernier, nous avons établi, avec les municipalités, un dialogue dans une structure assez particulière, soit la conférence municipale-provinciale. Lorsqu'est arrivée la question du partage fiscal entre les municipalités et les gouvernements supérieurs, cette question des méthodes d'évaluation s'est présentée clairement comme la pierre d'achoppement d'une redistribution qui soit plus équitable.

Quand on parle, par exemple, de la redistribution de la taxe de vente et qu'on tente de trouver des formules plus appropriées que celles que l'on connaît présentement, on se heurte immédiatement à une norme d'évaluation qui soit uniforme à travers la province. Lorsqu'on veut mesurer l'effort fiscal en vue d'assurer un

meilleur équilibre dans les subventions aux municipalités, encore là on se heurte à des normes précises, des normes comparables d'évaluation foncière. Lorsqu'on parle d'inclure, dans la formule de péréquation, pour assurer un meilleur partage des revenus, comme l'indiquait le député de Gouin, les impôts fonciers, scolaires ou municipaux, on se heurte encore à cette diversité qu'il y a dans les méthodes d'évaluation à travers tout le pays.

C'est donc une des lois importantes parce qu'elle est la pierre d'achoppement, le début d'une réforme que nous voulons poursuivre au cours des années. Il est évident, M. le Président, qu'on ne peut pas faire une omelette sans casser des oeufs. Il est évident que la loi, nous ne prétendons pas qu'elle est parfaite et qu'elle ne méritera pas d'être amendée au cours des prochaines années. Mais dans un sujet aussi complexe, s'il est du devoir de l'Opposition de critiquer, de soulever les points faibles de la loi, il est aussi du devoir du gouvernement, à un moment donné, de cesser les discussions et de passer à l'action, quitte à se tromper quelque peu sur certains points. Il vaut mieux corriger certaines erreurs, lorsqu'on aura vérifié exactement, d'abord, si elles existent, mesurer leur portée et les corriger ultérieurement que de tenter d'avoir une loi absolument parfaite et faire comme d'autres ont fait avant nous, c'est-à-dire ne pas agir et laisser porter les choses.

M. le Président, cette loi est également importante parce qu'elle favorisera, je crois, un meilleur équilibre dans le développement de nos municipalités, particulièrement dans le développement des entreprises qui s'établissent au Québec, et favorisera, je crois, une meilleure redistribution des industries dans les différentes municipalités.

Actuellement, l'anarchie qui existe dans les modes d'évaluation, dans les modes de taxation, fait en sorte que des entreprises hésitent avant d'aller dans certaines municipalités, parce qu'elles ne connaissent pas les règles du jeu. Elles ne savent pas exactement ce qui va leur arriver au cours des années et il devient extrêmement difficile d'évaluer avec précision les taux de rentabilité de leurs investissements.

Cette loi est importante aussi pour un des sujets qui a fait longuement l'objet de débats au cours des derniers jours: les cultivateurs. Je soulignerai que contrairement aux opinants qui m'ont précédé, cette loi est importante parce qu'elle va favoriser justement la classe agricole.

Quelle est la situation présente dans le domaine de l'évaluation foncière pour les cultivateurs? Deux lois régissent ces évaluations: le code municipal et la Loi des cités et villes. Deux poids, deux mesures. Les cultivateurs dont les fermes sont situées à l'intérieur des limites d'une ville sont nettement avantagés par rapport aux cultivateurs dont les fermes sont situées dans des paroisses dites rurales ou régies par le code municipal.

Dans les villes, qu'est-ce qui se produit? Le député de Nicolet, dans un discours, hier, nous lisait l'article 523, mais en cessait la lecture à un point extrêmement important. Qu'est-ce qu'il dit, cet article 523? "Toute terre en culture ou affermée, ou servant au pâturage des animaux, de même que toute terre non défrichée ou terre à bois dans les limites de la municipalité, est taxée à un montant n'exédant pas 1 p.c. de l'évaluation municipale, comprenant toutes les taxes, tant générales que spéciale."

Dans les cités et villes, les fermes sont taxées à un maximum de 1 p.c. de l'évaluation. Telle terre ne peut être évaluée à plus de $100 l'arpent si elle a une superficie de 15 arpents ou plus.

Qu'est-ce qu'elle comprend, cette évaluation? Elle comprend la maison qui sert à l'habitation du cultivateur et dont la valeur n'excède pas $10,000, ainsi que les granges, écuries et autres bâtiments servant à l'exploitation de ladite terre. Si la valeur de cette maison excède $10,000, elle n'est comprise dans l'évaluation de la terre que jusqu'à concurrence de cette somme et le surplus, évalué séparément, est sujet à la taxe mentionnée au premier alinéa du présent article, soit 1 p.c.

C'est donc dire qu'il y a non seulement une limite dans le taux de taxation, mais qu'il y a également un maximum qui fait qu'à toutes fins utiles les bâtiments des fermes situées à l'intérieur des villes ne sont pas évalués à cause du maximum qui est impliqué. Causez-en avec n'importe quel évaluateur professionnel, il va vous dire qu'à toutes fins utiles les bâtiments sur les fermes qui ont une certaine valeur et qui sont situés à l'intérieur des limites des villes ne sont pas taxés, contrairement à ce qui se produit dans les municipalités rurales. En effet, on peut lire dans le code municipal, aux articles 655 et 656, que tout est évalué. Et non seulement que tout est évalué, mais que la partie en bordure des routes l'est comme si les lots pouvaient servir à l'habitation ou au développement municipal.

L'article 56 dit également ceci: "La valeur réelle des biens-fonds imposables comprend la valeur du terrain et la valeur des constructions, ainsi que celle de toutes les améliorations qui y ont été faites."

On a fait grand état du fait que l'article 12 stipulait que les drains agricoles sur les fermes allaient être évalués dans la nouvelle loi. La nouvelle loi, que dit-elle? Elle dit exactement ce qu'il y avait à ce point de vue dans le code municipal. Il n'y a donc rien de changé.

Là où il y a un avantage pour les fermes qui seront régies par la nouvelle loi, c'est que tout d'abord il y aura un maximum quant à l'évaluation des bâtiments de ferme, évaluation qui sera faite à la valeur marchande, mais la taxe ne pourra pas être prise que sur 50 p.c. de la valeur de ces bâtiments. Et les fermes seront évaluées...

M. VINCENT: Est-ce que le député me permettrait une question?

M. GARNEAU: Certainement.

M. VINCENT: Dans combien de temps, 50p.c?

M. GARNEAU: Sur une période d'années, mais écoutez...

M. PAUL: Combien?

M. GARNEAU: ... ce sont ces gens-là qui nous ont fait un débat interminable, disant que nous allions trop vite dans l'extinction de la taxe sur les industries dans les municipalités, qui nous disent maintenant que ça va prendre du temps. Il faut quand même être sérieux un peu de ce côté-là.

M. VINCENT: M. le Président, où est-ce indiqué dans la loi que...

M. GARNEAU : Je ne permets pas, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. GARNEAU: Je me suis efforcé tout au long du débat, et vous ne savez pas jusqu'à quel point je me suis mordu les pouces, j'ai mordu le bout de mon crayon pour me retenir, en entendant toutes les faussetés qui ont été dites...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... votre gardénal.

M. GARNEAU: Je demanderai maintenant aux honorables députés de faire le même chose et de me laisser terminer mon intervention qui, d'ailleurs, ne sera pas tellement longue, M. le Président.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela va coûter moins cher de taxes aux contribuables.

M. GARNEAU: Plus vite la Loi de l'évaluation foncière sera approuvée, plus vite les cultivateurs paieront moins de taxes, comme vient de le dire le député de Chicoutimi. Donc, au point de vue des fermes, M. le Président, seulement 50 p.c. de la valeur marchande des bâtiments portés au rôle sera taxée. En plus, il y aura une limite sur l'évaluation des fermes, cette limite sera à $150 l'acre, alors, que tout à l'heure, dans la Loi des cités et villes on parlait de $100 mais c'était $100 l'arpent.

Il y aura donc un maximum quant à l'évaluation des fermes.

M. VINCENT: Quelle différence entre une acre et un arpent?

M. GARNEAU: Un de mes collègues vous le dira, tout à l'heure. Le député de Nicolet, lui qui est un cultivateur, dit-il, devrait savoir quelle est la différence entre une acre et un arpent. Il n'a pas l'air de le savoir. Un ancien ministre de l'Agriculture qui ne sait pas ça, ça me surprend.

M. PAUL: Est-ce que le ministre me permet une question?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est nous qui avons fait faire le changement.

M. GARNEAU: Donc le maximum est de $150 l'acre. En plus, dans la nouvelle loi de l'évaluation foncière, les fermes qui sont à l'intérieur d'une municipalité rurale régie par le code municipal auront un maximum de 1 p.c. de la valeur évaluée au point de vue des taxes. C'est donc dire qu'il y a une nette amélioration au point de vue de la situation des fermiers en milieu rural.

Je voudrais ajouter un autre point également en ce qui regarde cette évaluation. Quand nous avons travaillé sur les différentes formules qui pouvaient être utilisées quant à l'évaluation, nous avons évidemment pris des échantillons et établi quelle serait la situation si nous appliquions le bill 48 à un certain nombre de municipalités rurales, et c'est presque le hasard qui a fait que, parmi les municipalités qui ont été choisies, il y en a justement deux dans le comté de Bagot. Je disais justement au député de Bagot, hier soir, qu'il avait tort, à mon sens, de s'opposer à l'adoption de ce projet de loi, puisque les municipalités rurales de son comté étaient celles qui peut-être en profiteraient plus que d'autres.

Sainte-Hélène, comté de Bagot, si on applique la formule qui est suggérée dans le bill 28, au rôle d'évaluation, disons, d'abord que dans Sainte-Hélène les fermes comptent pour 79.3 p.c. du rôle. Si on applique la formule telle que proposée, il y aura une diminution de 15 p.c. au point de vue de l'évaluation de ces mêmes fermes-là et la baisse...

M. VINCENT: ... à part.

M. GARNEAU: Ecoutez, est-ce qu'il y a avantage ou il n'y a pas avantage. J'essaie de l'établir, justement. Si on suit la pensée du député de Nicolet, c'est à se demander ce qu'il faudrait faire pour aider les cultivateurs; lorsque le rôle d'évaluation diminue, il n'est pas d'accord et lorsque les taxes, par exemple, dans Sainte-Hélène, si on applique les mêmes taux, diminuent de 4.6 p.c, il n'est pas d'accord non plus.

Je ne comprends pas le député de Nicolet, ancien ministre de l'Agriculture, qui disait tout à l'heure à mon collègue de Champlain qu'il devrait prendre la défense des cultivateurs. Il me semble que le député de Nicolet devrait

applaudir à cette loi, devrait être le premier à l'appuyer et le député de Bagot également, parce que ses électeurs vont payer moins cher d'impôt foncier si les taux ne changent pas.

M. CARDINAL: Pardon, M. le Président, on évoque mon nom mais je vais laisser le ministre continuer.

M. GARNEAU: Si on prend une autre municipalité, Saint-Marcel-de-Richelieu, au point de vue du paiement des taxes, ce serait la même chose. A Pike River, dans le comté de Missisquoi, il y aurait une diminution dans le rôle d'évaluation de 17 p.c, et une baisse dans la taxe de 5.7 p.c. M. le Président, ce sont là les exemples de tests qui ont été faits par les fonctionnaires du ministère des Affaires municipales pour voir quel serait l'impact de la Loi de l'évaluation foncière au niveau des paroisses rurales et en partuculier chez les propriétaires de ferme.

En ce qui regarde, M. le Président les cités et villes et en particulier l'impôt que doivent payer les entreprises sur la machinerie, je soumets respectueusement que la formule qui a été mise au point, après de nombreuses consultations, par le ministre des Affaires municipales est une formule heureuse. Evidemment, comme je l'indiquais au début de mon exposé, c'est difficile de faire une omelette sans casser des oeufs, mais la période de transition qui a été déterminée, sur une base de quinze ans est certainement avantageuse pour les municipalités.

De toute façon, il restait peu de municipalités au Québec qui taxaient les machineries industrielles; il y en avait qui avaient des ententes. En tout, il y avait peut-être une trentaine de municipalités, sur les 1,500 municipalités québécoises, qui avaient soit une taxe sur les machines industrielles ou soit des ententes avec ces mêmes industries qui servaient de compensation. Sur une période de quinze ans cette taxe disparaîtra, les municipalités auront le temps de remanier leur taux de taxation et revoir leur budget de telle sorte que les entreprises connaissent les règles du jeu d'une façon précise. Les municipalités auront amplement le temps de réajuster leur budget en conséquence.

Je ne voudrais pas reprendre la guerre des télégrammes, parce qu'avec cette guerre des télégrammes on ne sait plus qui dit vrai et qui dit faux. J'aurais également des télégrammes qui pourraient indiquer que des maires de municipalités concernées étaient satisfaits. On disait qu'on favorisait indûment les entreprises. J'ai reçu des télégrammes de représentants de manufacturiers canadiens, du Conseil du patronat me demandant d'intervenir pour ramener le projet de loi tel qu'il était auparavant, de ramener la période de quinze ans à cinq ans. C'est donc dire que les municipalités ne sont pas si pénalisées que cela puisque les industriels trouvent que la période de quinze ans est trop longue.

Evidemment, il y a du pour et il y a du contre. C'est le rôle et la responsabilité du gouvernement de prendre des décisions. La décision a été prise et je soumets respectueusement que c'était la bonne. Le député de Gouin a parlé longuement de formules de redistribution de la richesse. A l'intérieur de nos responsabilités, un des instruments qui a été mis au point au cours des années antérieures est la redistribution de la taxe de vente. J'ai indiqué quelle était la difficulté d'en arriver à une formule plus équitable que les 50-40-10 que l'on connaît présentement. A la suite de la conférence provinciale-municipale nous avons formé un comité de travail, où siègent des représentants de l'Union des municipalités, de l'Union des conseils de comté, de la Fédération des commissions scolaires, des fonctionnaires du ministère des Affaires municipales et de l'Education; le ministre d'Etat aux Finances, le député de Matane, préside ce comité.

De nombreuses séances de travail ont eu lieu. Quand on arrive à la redistribution de la taxe de vente et qu'on veut trouver une formule plus équitable, comme je l'ai indiqué antérieurement, on se bute à une norme d'évaluation qui puisse être comparable. On n'est pas capable de mesurer l'effort fiscal d'une municipalité à l'autre. Encore là, on est obligé d'accepter un moindre mal, qui est la formule 50-40-10. J'espère que le comité pourra, au terme de ses études, améliorer cette formule pour qu'elle soit plus favorable, surtout à cause des développements urbains rapides que l'on connaît surtout dans les villes de banlieue, des villes comme Longueuil, par exemple, où on estime que la part que l'on reçoit de la taxe de vente n'est pas exactement ce qu'on devrait recevoir. Pour trouver une formule plus équitable, ça nous prend une Loi sur l'évaluation foncière.

Je voudrais également ajouter que je suis extrêmement favorable à ces formules de redistribution de la richesse mais le gouvernement a aussi la responsabilité d'assurer le développement de cette richesse. Pour l'assurer, le développement de cette richesse, il faut nécessairement avoir des règles du jeu qui favorisent le développement industriel, qui ne pénalisent pas ceux qui veulent mettre sur pied des entreprises, qui ne pénalisent pas non plus les entreprises qui veulent se situer dans des régions éloignées.

Je voudrais terminer mes remarques en soulignant que cette loi est extrêmement importante, redire que c'est une des réformes qui laissera certainement sa marque au point de vue de l'évolution de notre société...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On le sait.

M. GARNEAU: ...parce qu'elle permettra d'aligner...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela va laisser des cicatrices.

M. GARNEAU: Est-ce que le député de Chicoutimi a une question à poser?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, M. le Président. Est-ce que le député peut faire une distinction entre une marque et une cicatrice?

M. GARNEAU: M. le Président, la marque est l'action du gouvernement libéral et la cicatrice est celle de l'Union Nationale.

M. CARDINAL: Est-ce que le ministre me permettrait une dernière question...

M. GARNEAU: Je termine donc mes remarques en soulignant qu'il est extrêmement important de procéder à cette loi...

M. CARDINAL: ...avant qu'il ne ferme?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dans son filibuster.

M. GARNEAU: M. le Président, le genre de question qu'on m'a posée jusqu'à présent nous a orienté sur un certain débat et je préfère ne pas accepter cette question.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CARDINAL: M. le Président, je voulais simplement...

UNE VOIX: Pas de permission.

M. GARNEAU: Donc, M. le Président, je veux terminer mes remarques en soulignant que c'est une loi extrêmement importante.

J'espère qu'au terme de cette troisième lecture les députés auront compris l'importance, la nécessité de procéder à cette réforme et qu'ils appuieront le gouvernement à l'unanimité dans l'adoption de cette loi en troisième lecture.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de l'Assomption.

M. Jean Perreault

M. PERREAULT: M. le Président...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Les législations ne sont pas prêtes.

M. PERREAULT: ... il est effarant de constater comment certains membres de cette Chambre ont charrié et fait de l'électoralisme le plus pur durant les douze dernières heures de débats. Je me bornerai à rappeler certains faits aux membres de cette Chambre. Le député de Saint-Maurice a fait grand état de la grande perte de revenus et du lourd fardeau financier qui sera imposé à la ville de Shawinigan et à ses citoyens contribuables.

J'ai fait, hier, certaines recherches et effec- tué certains calculs qui pourront crever le ballon politique que les partis d'Opposition ont tenté de gonfler. D'abord, les faits. L'évaluation imposable totale de la ville de Shawinigan est de $111,084,475. Cette évaluation est répartie comme suit: premièrement, une évaluation imposable des particuliers au montant de $61,495,000;

Deuxièmement, une évaluation imposable des compagnies de $49,588,975 pour les terrains et bâtiments, excluant la machinerie. Le taux de la taxe foncière, en 1971, est de $1.35 par $100 d'évaluation.

Les revenus provenant de la taxe foncière, en 1971, s'établissent à $1,500,000. La machinerie fait l'objet d'une entente séparée et n'apparaît pas au rôle d'évaluation. L'entente entre la ville de Shawinigan et les industries de cette ville fixe un montant de $491,600 comme compensation en remplacement de la taxe foncière sur la machinerie, laquelle a été abolie en 1969.

Ces faits établis, comment et en quoi le bill 48 et l'article 105 de ce bill affectent-ils la ville de Shawinigan? En 1972, la ville de Shawinigan recevra le même montant de $491,600. En 1973, la ville de Shawinigan recevra un montant de $460,000, soit une réduction de 6 2/3 p.c. du montant de 1972 et une réduction, en dollars, de $32,800.

Que représente cette somme de $32,800 pour la ville de Shawinigan sur ses revenus de taxe foncière de $1,500,000? Une faible réduction de 1.11 p.c.

Que représente cette somme de $32,800 pour les propriétaires de Shawinigan, les particuliers, sur leur compte de taxes foncières? Cela représente, M. le Président une augmentation de $0.03 par $100 d'évaluation. Comme exemple, disons qu'un propriétaire qui occupe une maison dont l'évaluation établit une valeur marchande de $15,000 subira une hausse de taxe foncière de $4.50 sur sa propriété au cours de l'année 1973.

Ainsi, ce propriétaire d'une maison évaluée à $15,000 a dû payer, en 1971, un montant de $202.50 en taxes foncières. En 1972, ce montant pourra être le même, tandis qu'en 1973, en conservant les normes actuelles du budget, ce même propriétaire paiera une taxe foncière de $207, en comparaison à $202.50, en 1971.

Cette très légère augmentation est amplement compensée par les avantages économiques que retirera la ville de Shawinigan et les citoyens de cette ville. D'abord, cette légère augmentation sera, en pratique, annulée et surcompensée par le transfert d'une partie de la taxe foncière scolaire au profit des villes. Mais le plus important pour la ville de Shawinigan est que l'expansion industrielle de cette ville ne sera plus entravée, d'ici quelques années, par cette taxe dégressive sur la machinerie.

Selon les règles les plus élémentaires de la promotion industrielle, il eût été préférable, pour la ville de Shawinigan et une dizaine d'autres villes concernées, que ces compensa-

tions tenant lieu de taxe sur la machinerie eussent été abolies immédiatement. C'eût été l'idéal. Les industries existantes de la ville de Shawinigan et celles de la dizaine d'autres villes concernées seraient alors sur un pied d'égalité dans la concurrence avec les industries des autres villes du Québec, du Canada et des Etats-Unis.

Malheureusement, une solution peut paraître idéale à première vue et causer énormément de préjudices sur d'autres plans. Si on recherche alors la solution la plus valable, on arrive à un compromis. C'est ainsi qu'une abolition immédiate des revenus municipaux provenant de la machinerie aurait causé de graves répercussions sur les finances municipales de la ville de Shawinigan et d'une dizaine d'autres villes.

Le ministre s'est rendu compte des implications de la solution idéale et a alors recherché, de concert avec les experts de l'intérieur de son ministère et des experts-conseils de l'extérieur la solution la plus valable. Cette étude en profondeur a montré que le but visé, l'exemption totale de la machinerie, pourrait être atteint par une baisse sur une période de seize ans, sans affecter sensiblement les revenus desdites municipalités.

Je vous ai prouvé par un exemple que la ville de Shawinigan, la ville la plus affectée par ce changement, ne subissait qu'une baisse régressive de cette compensation et qu'en conséquence ses revenus totaux n'en subissaient qu'une baisse annuelle très peu sensible.

La formule préconisée par la loi-cadre de l'évaluation telle qu'elle est rédigée favorisera l'expansion des industries existantes et l'implantation de nouvelles industries dans cette ville. Car elles ne seront plus soumises à la taxe sur la machinerie ni à l'entente de compensation tenant lieu de taxe sur la machinerie.

L'Union des municipalités du Québec, dont j'ai participé pendant dix ans à l'administration, l'Union des conseils de comté, l'Association des commissaires industriels du Québec ont, de façon continue et par des mémoires répétés, préconisé cette loi-cadre de l'évaluation foncière et plus particulièrement l'abolition de la taxe foncière sur la machinerie. Depuis huit ans, tous les maires progressistes du Québec, tous les agents de la promotion industrielle ont fait valoir au gouvernement du Québec que cette réforme de l'évaluation foncière est la base de l'expansion économique du Québec.

L'industriel, qu'il soit de chez nous ou de l'extérieur, veut être traité avec justice et en a marre du fouillis administratif de l'évaluation à travers la province. Cet industriel veut être concurrentiel sur le marché domestique et sur le marché extérieur. C'est pourquoi le gouvernement a décidé de normaliser l'infrastructure de l'administration municipale.

Par le bill no 48, il a conclu la première étape et demain, il proposera la seconde étape, la réforme de la fiscalité municipale ainsi que la normalisation des actions comptables et écono- miques de toutes les municipalités de la province.

Parallèlement, le gouvernement a entrepris une réforme des structures municipales par le projet de loi du regroupement municipal et, dans une seconde étape très nécessaire, il entreprendra plus tard les structures régionales. C'est le premier gouvernement qui, reconnaissant l'importance de la réforme municipale dans toutes les sphères de son action, a le courage de passer à l'action et d'opérer cette réforme municipale tant attendue.

Le député de Nicolet s'est penché sur les problèmes des cultivateurs hier, sur les problèmes d'évaluation des cultivateurs. Il a pris à témoin le député de L'Assomption et a mentionné qu'en vertu du chapitre 193 des Statuts refondus de 1964, article 523, les villes devaient évaluer les terres en culture à un maximum de $100 l'arpent. Mais sait-il que ce montant de $100 date de 1923 et que ce montant, en tenant compte de la situation monétaire d'aujourd'hui, correspondrait à un montant de $1,000 l'arpent? De plus, sait-il que le montant mentionné dans la loi est de $150 l'acre et non l'arpent? Sait-il que l'acre est plus grand que l'arpent carré et qu'en fait le montant de $150 l'acre correspond à une somme de $140 l'arpent?

M. VINCENT: Le député de L'Assomption dit que $150 l'acre correspondrait, à peu près, à $140 l'arpent. Est-ce qu'il peut me dire combien — parce que le ministre des Finances n'a pas voulu le faire tout à l'heure — de pieds carrés il y a dans une acre et combien dans un arpent?

M. PERREAULT: 36,802. M. VINCENT: Pardon!

M. PERREAULT: 36,802 dans un arpent et 43,500 dans une acre.

M. VINCENT: Est-ce que ça fait une différence de 40?

M. PAUL: 43,500 exactement.

M. PERREAULT: C'est ça que je vous ai dit. Je vous ai dit 36,802 dans un arpent et 43,500 dans une acre.

M. VINCENT: Faites la différence. M. PERREAULT: C'est ce que j'ai dit. M. PAUL: Faites la différence.

M. PERREAULT: J'ai dit, tout à l'heure, que le montant de $150 est un maximum. Ce montant maximum ne signifie pas que, partout au Québec, les terres en culture seront évaluées à $150 l'acre. Elles le seront à leur valeur

marchande et, dans certaines régions, l'évaluation à l'acre sera de beaucoup inférieure à ce maximum de $150 l'acre.

Sait-il qu'en vertu du code municipal, et ce dans 1,300 municipalités du Québec, il n'y a présentement aucune protection pour les cultivateurs; que tout est évalué à la valeur marchande: les maisons, bâtiments, terres, suivant le code municipal, article 654, paragraphe 3; qu'il n'y a pas de 1 p.c. maximum pour la taxe foncière et qu'il n'y a pas d'exemption? En effet, dans les rôles d'évaluation rurale, tout est évalué: terres, bâtisses, y compris les clôtures, trottoirs et drains. On retrouve ceci à l'article 16, paragraphe 27 du code municipal. Sait-il que l'évaluation de ces clôtures et drains se traduit, en moyenne, par un montant de $10 l'arpent, selon l'évaluateur que j'ai consulté? Sait-il, lui qui a tant à coeur le bien-être des contribuables, que certaines terres, dans les municipalités rurales régies par le code municipal, sont évaluées non pas à $100 l'arpent, mais à $500 et même à $1,000 l'arpent? Sait-il que, sans le bill 48, des centaines de cultivateurs dans plusieurs comtés dont celui de L'Assomption et plus particulièrement dans la ville de Repentigny, sont "poignés" par l'évaluation foncière scolaire?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que le député me permettrait une question?

M. PERREAULT: Un instant, après. Je n'ai interrompu personne pendant son discours. Certains cultivateurs dans mon comté doivent aux commissions scolaires des milliers de dollars et sont acculés à la banqueroute. Comment? C'est qu'en vertu de l'article 367 du chapitre 235 des Statuts refondus du Québec, 1964, la commission scolaire, tout en prenant comme base le rôle municipal, devait modifier le rôle d'évaluation en ramenant les terres à leur valeur marchande. Sur certaines de ces terres, les biens-fonds sont évalués, dans certains cas, à $2,500 l'arpent.

Le bill 48, en modifiant cet article 367, vient protéger les cultivateurs. L'évaluation des terres de ces cultivateurs ne pourra dépasser un maximum de $150 l'acre. Pour résoudre le problème de ces cultivateurs, il faut que le projet de loi soit voté dans le plus bref délai possible, avant la nouvelle évaluation scolaire qui s'en vient.

J'ai rencontré hier, au parlement, des cultivateurs de mon comté qui m'ont rappelé ma prise de position, alors que j'étais maire, à l'effet de rendre non imposable dans l'avenir le fonds de terre en culture. J'étais et je suis encore, en principe, en faveur de la non-imposition éventuelle des terres en culture, mais cette solution est impensable et impossible à réaliser tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de réforme complète de la fiscalité municipale. Si nous nous rendions à cette demande, cela ne serait pas, comme dans le cas de la machinerie, dix municipalités, mais 1,300 municipalités rurales qui verraient leurs finances municipales profondément perturbées.

Une étude profonde de cette perturbation demandera une étude sur place de chacune des municipalités rurales et prendra aussi beaucoup de temps.

En conclusion, M. le Président, je suis convaincu que le projet de loi no 48 est très bon si on considère que, sur les 1,585 municipalités, seulement un très petit nombre, qu'on peut compter sur les doigts d'une main, s'y sont opposées. Je ne nie pas qu'avec le temps et à l'usage certains amendements devront être proposés.

Quant à moi, M. le Président, je propose qu'on en fasse un essai loyal.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, puis-je poser une question au député?

M. LEVESQUE: Il a fini.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je m'adresse au député.

M. LEVESQUE: D a fini. M. BURNS: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Etes-vous le prochain orateur?

M. BURNS: Non, M. le Président. Il a utilisé son droit de parole. Je peux peut-être vous expliquer, M. le Président, si vous me le permettez.

M. LEVESQUE: Il n'a pas le droit de parole.

M. BURNS: Non, non! Mais il a demandé tantôt au député de L'Assomption la permission de lui poser une question. Le député, de la façon que je l'ai compris, lui a dit: laissez-moi terminer. Alors, c'est pour cela que le député de Sainte-Marie revient avec la question et lui demande s'il accepte d'y répondre. S'il n'accepte pas, évidemment, la question...

M. PERREAULT: M. le Président, je suis prêt à répondre à n'importe laquelle question. Mais je ne veux pas être interrompu pendant mes discours.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Puis-je poser ma question?

M. PERREAULT: Certainement.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Le député mentionnait, tantôt, que le maximum de $100 par arpent sera de $150. Est-ce ce que vous avez dit?

M. PERREAULT: Oui, l'acre.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): D'après l'article 21, si vous l'avez très bien compris, avez-vous remarqué qu'autrefois, dans les $100, la maison et les bâtiments étaient inclus et qu'en vertu de la nouvelle loi la maison et les bâtiments sont exclus du maximum de $150, ce qui monte d'autant la taxe foncière?

M. PERREAULT: M. le Président, dans les 1,300 municipalités sous la juridiction du code municipal, tout est évalué. Il n'y a pas d'exemption et il n'y a pas de limite.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous n'avez pas compris la loi. C'est aussi simple que cela.

M. PERREAULT: Dans la Loi des cités et villes, c'est en partie vrai mais, dans les 1,300 municipalités rurales, ce n'est pas vrai.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Cela confirme ce que je pensais.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il un autre orateur?

Le ministre de l'Agriculture.

M. Normand Toupin

M. TOUPIN: M. le Président, je veux être bref parce que je sais que le temps de cette Chambre est précieux. Je ne suis pas encore intervenu depuis que nous discutons le bill 48. Je voudrais seulement, pendant quelques minutes, donner mon opinion.

Je voudrais d'abord vous dire, M. le Président, que je suis d'accord sur le projet de loi no 48, parce qu'il constitue une réforme, un effort très louable de planification dans ce secteur de l'économie dans la province de Québec. Je pense que cette seule raison motivait que ce bill soit présenté à l'Assemblée nationale et soit adopté par l'ensemble des membres de cette Chambre.

Je ne dis pas pour autant que cette loi est parfaite. D'ailleurs, le ministre des Affaires municipales l'a déjà dit lui-même dans certaines de ses interventions, je ne dis pas que cette loi apportera toutes les solutions à tous les problèmes que rencontrent les différents secteurs touchés par l'évaluation foncière. Mais elle constitue un effort certainement louable et qu'on doit accepter.

Certains soutiennent, par ailleurs, que cette loi rendra plus lourd le fardeau fiscal pour les agriculteurs. J'ai écouté hier, M. le Président, plusieurs discours qui ont porté sur cette question. A mesure que je les écoutais, je me demandais si on n'assistait pas un peu à une sorte de guerre de piquets.

On a parlé des piquets, des ponts, etc, mais je ne pense pas qu'on soit parvenu — à quelques exceptions près peut-être — à saisir le véritable fond du problème et à essayer de nous convaincre du bien-fondé de ces interventions.

Personnellement, je suis persuadé que cette loi n'apportera pas de fardeau fiscal plus lourd aux agriculteurs. Mon collègue, le ministre des Finances, en a donné quelques exemples, le ministre des Affaires municipales a fait faire certains travaux qui, eux aussi, le démontrent. Il donnera probablement tantôt, dans son discours, le contenu de ces différentes recherches.

Or, j'en arrive à la conclusion qu'il ne peut y avoir de surcharge fiscale pour les agriculteurs. Il reste que ce projet de loi no 48 introduit des nouvelles dispositions dans l'agriculture qui n'existaient pas auparavant.

Par exemple, on reconnaît dans le bill no 48 — et ça c'est une amorce aussi très importante d'une solution possible qui pourra peut-être dans le temps s'affirmer davantage — le fait que nous réduisons de 50 p.c. l'impôt sur le rôle d'évaluation des bâtiments de ferme. C'est ce que préconisait d'ailleurs la commission Bélanger, et cela est contenu dans le projet de loi no 48. D y a là un effort louable et très intéressant à constater, duquel d'ailleurs on a très peu parlé de l'autre côté.

Ce que nous apportons en outre dans le bill 48, c'est que les taxes que devra payer l'agriculteur ne devront jamais dépasser 1 p.c. du total de l'évaluation. Cela aussi c'est récent et c'est un élément neuf qui, à la lumière de l'expérience, peut nous amener à conclure qu'il y a là une voie que nous devrions explorer davantage. Mais nous avons ouvert deux voies qui peuvent nous permettre de voir plus loin et plus clair à l'expérience de l'application de cette loi.

Or, en conclusion bien sûr de ces quelques points, nous croyons, en substance, qu'il y aura amélioration chez les agriculteurs en cette matière d'imposition. Certains correctifs ont déjà été apportés dans le passé. On a déjà consenti à 35 p.c. de remise d'impôt foncier scolaire, ce qui représente $6,200,000. Cela aussi découlait d'une des recommandations de la commission Bélanger. Cela aussi entre dans les normes habituelles du règlement d'un problème comme celui de l'impôt foncier.

Le bill no 48 inclut une définition de l'agriculteur, c'est-à-dire tous ceux qui ne vendront pas pour au-delà de $2,000 par année, seront exclus des avantages que peut procurer le bill no 48. Ces $2,000 peuvent nous aider à utiliser de façon plus rationnelle les $6,200,000 et en faire une remise plus substantielle à ceux qui sont de véritables agriculteurs.

C'est là aussi une voie que nous ouvre et que nous offre le bill 48. Et c'est une voie que nous, du gouvernement, sommes prêts à explorer et très sérieusement, puisque si les agriculteurs peuvent profiter davantage de ces $6,200,000, je serai le premier à les aider à en profiter davantage. A la lumière de la définition de $2,000 inclus dans la loi, nous pourrons peut-être arriver comme ça à en exclure quelques-uns qui présentement en bénéficient et les ramener aux véritables agriculteurs.

J'ai eu une rencontre avec l'UCC tantôt...

M. VINCENT: M. le Président, avant que le ministre aille plus loin, est-ce qu'il nous annonce une nouvelle politique en ce qui concerne le remboursement de la taxe scolaire?

M. TOUPIN: Je n'annonce rien, je constate un fait et je dis que le bill no 48 nous ouvre des voies possibles pour examiner les différentes politiques qui sont présentement en place.

C'est seulement ce que je soutiens; je n'énonce pas de politique nouvelle. J'ai rencontré les représentants de l'UCC ce matin au cours du lunch, auquel a d'ailleurs participé le ministre des Affaires municipales, le ministre de l'Education et le premier ministre ainsi que le leader parlementaire et nous avons discuté avec eux de tout le problème.

Nous en sommes venus à la conclusion, quant à nous en tout cas, de nous revoir à nouveau, soit à la fin de janvier ou au début de février, à la lumière du début de l'application de la loi, à la lumière des nouvelles voies que nous ouvre cette loi pour explorer s'il n'y aurait pas lieu, avec ce qui se trouvera dans la loi et ce qui existe présentement, d'en faire bénéficier davantage les agriculteurs.

Il me semble, M. le Président, que le gouvernement...

M. VINCENT: Est-ce que le ministre pourrait répéter ce qu'il vient de dire?

M. TOUPIN: Non, vous pourrez le lire au journal des Débats, bien sûr. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous le relisiez deux ou trois fois...

M. VINCENT: Cela a été battu hier soir.

M. TOUPIN: Je n'arrive pas à comprendre pourquoi l'Opposition s'acharne tellement sur cette guerre de piquets. Il me semble, M. le Président, que le gouvernement, à venir jusqu'à maintenant, a fait en agriculture des efforts louables, très sérieux et qu'il n'a pas négligé d'affronter sérieusement les problèmes.

Et si jamais le bill no 48 pose de nouveaux problèmes aux agriculteurs, le gouvernement n'hésitera pas non plus à reviser s'il le faut la législation. Mais en toute honnêteté, M. le Président, je pense que...

M. ROY (Lévis): Est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. TOUPIN: Peut-être après, j'étais bien parti.

M. ROY (Lévis): Vous êtes bien parti, puis quand on vous arrête vous ne pouvez pas repartir. Je comprends, je m'asseois, merci.

M. TOUPIN: M. le Président, il me semble que tous les députés de cette Chambre devraient adopter ce projet de loi no 48 dans le plus bref délai. Us devraient le faire dans le plus bref délai pour que nous puissions procéder à d'autres projets de loi et pour que nous puissions dans le plus bref délai également vérifier comment, dans le concret, cette loi peut aider l'ensemble de l'économie québécoise.

M. VINCENT: Cela a coûté combien?

M. ROY (Lévis): M. le Président, est-ce que le ministre pourrait nous dire... Les cultivateurs étaient évalués à la limite de $10,000, c'est une loi...

M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas la période des questions.

Est-ce qu'il y a un autre orateur?

M. BROCHU: M. le Président, est-ce que je peux vous demander une directive à ce moment-ci? Tout à l'heure lorsque le député de Lévis s'est levé pour poser sa question, le ministre a dit, je pense: Laissez-moi terminer mon exposé, et après. Alors, comme le ministre a terminé, je pense qu'il serait normal que le député de Lévis puisse poser sa question. Je pense d'ailleurs que le ministre de l'Agriculture était prêt à répondre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce qu'il y a un autre orateur? Vote. Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, je n'avais pas l'intention d'intervenir. D'ailleurs, je m'en suis bien gardé jusqu'à maintenant, laissant à des collègues beaucoup plus compétents que moi en matière municipale,...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.

M. BURNS: ... le soin de nous éclairer. Justement, M. le Président, je considère que c'est ce qu'ils ont fait, c'est-à-dire que les collègues du côté de l'Opposition, que ce soit ceux de l'Unité-Québec, les créditistes ou mes autres collègues du Parti québécois, quand ils sont intervenus dans le débat, nous ont exposé non seulement jusqu'à quel point le projet de loi n'allait pas assez loin mais, en ce qui me concerne personnellement, m'ont convaincu qu'il y avait de graves problèmes qui seraient, à l'avenir, suscités par cette loi.

Certaines gens d'en face ont dit au député de Sainte-Marie, hier, qu'il n'avait pas à parler en faveur des cultivateurs, lui d'un comté urbain; probablement qu'on pourrait me faire la même remarque. Plus particulièrement, j'ai été surtout frappé par le fait que le projet de loi consacre, à toutes fins pratiques, le droit de taxer l'instrument de travail, si on parle de la terre que doit exploiter un agriculteur, une catégorie de la population qui, aux dires de tous qui s'y connaissent, est des moins bien servies. Ceci,

malgré ce que vient de dire, à grand renfort de publicité, le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation.

M. VINCENT: Il faut prendre sa parole.

M. BURNS: Il faut prendre sa parole. C'était son opinion mais je n'ai pas nécessairement à prendre son opinion. Là-dessus, je diffère d'opinion avec lui. Il n'est pas exact que tellement de choses ont été faites par ce présent gouvernement en faveur des cultivateurs.

Bien au contraire, nous considérons qu'il s'agit d'une catégorie de la population qui, à maints égards, est défavorisée. Par ce projet de loi, on ne fait que continuer à accentuer cette situation défavorisante, si vous me passez l'expression. J'ai été particulièrement frappé aussi par le fait qu'une quarantaine de mémoires ont été présentés aux diverses séances de la commission parlementaire. Là-dessus, je ne peux pas blâmer le ministre d'avoir consulté. Bien au contraire, je l'en félicite. Cela a toujours été notre position que dans des projets de loi majeurs comme ceux-ci la population, les groupements, que ce soit des groupes intermédiaires, des municipalités ou autres, viennent éclairer les membres de la commission.

Dans ce cas-là, je ne peux évidemment pas faire le reproche au ministre. Cependant, je pense que les amendements qu'il a apportés à son projet de loi no 48 sont très significatifs d'une mentalité de ce gouvernement. Je trouve drôle, entre autres, que les représentations faites par l'UCC au nom des cultivateurs — c'est justement une des grandes lacunes que j'ai mentionnées au sujet de ce projet de loi-là — n'aient pas, elles, été écoutées alors que tout ce qu'il y avait d'establishment, que ce soit des maires, des compagnies ou autres, dans leur cas, en grande partie, on a écouté les revendications.

Nous avons voté pour le principe. Il est évident que ça prenait une Loi sur l'évaluation foncière et une approche de principe comme celle-là. C'est pour cette raison que nous avons voté pour le principe, pensant que le gouvernement serait suffisamment ouvert d'esprit pour écouter les diverses représentations faites par les membres de l'Opposition, soit à l'occasion des deux amendements qui ont été faits. Ces amendements-là, soit dit en passant, étaient significatifs, d'abord et avant tout...

M. LEVESQUE: C'est réglé, cela.

M. BURNS: M. le Président, j'ai le droit d'y faire référence en passant.

M. LEVESQUE: La Chambre en a disposé.

M. LESSARD : Voulez-vous qu'on vous fasse une autre motion?

M. BURNS: M. le Président, je ne reprends pas le débat là-dessus, je ne dis que ces amendements-là, pour qui voulait s'ouvrir les yeux, n'étaient faits uniquement que dans l'intention d'ouvrir les yeux des gens...

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement.

La Chambre a disposé des amendements et le député revient encore, pour justifier la position qu'il a prise, sur les amendements qui ont été rejetés par la Chambre.

M. BURNS: M. le Président, j'y arrive. Le leader va très bien comprendre la référence à ces motions que je ne veux pas discuter, car le règlement m'empêche de le faire. J'y fais référence pour ce qui s'en vient.

Je disais donc que ces amendements, dans l'esprit de l'Opposition, étaient faits pour ouvrir les yeux au gouvernement. Malheureusement, nous n'avons pas réussi, à cause de l'entêtement caractéristique de ce gouvernement majoritaire, je l'avoue, qui ne veut pas, semble-t-il, accepter des arguments de fond sur des véritables problèmes.

J'ai fait référence à ces deux amendements simplement pour vous dire que c'était, pour nous, la façon qui, après avoir été en faveur du principe, nous aurait permis de voter en faveur du projet en troisième lecture.

Donc, s'il y avait la moindre manifestation d'intention du côté gouvernemental et, comme l'a dit, d'ailleurs, mon collègue, le député de Maskinongé, si jamais on nous disait qu'on a l'intention de corriger les sérieux problèmes qu'amène ce projet de loi, nous changerions très sûrement d'attitude, du moins en ce qui concerne les divers amendements.

Pour ces raisons, à cause de cet entêtement aveugle que le gouvernement a démontré dans ce débat, malheureusement, notre groupe parlementaire ne sera pas en mesure de voter en faveur de ce projet de loi.

En terminant, je veux tout simplement dire, en réponse à ce que le ministre de l'Agriculture nous a mentionné tantôt — il nous a laissé entendre qu'il avait rencontré les gens de l'UCC et que, peut-être, certaines choses s'étaient régularisées — que, malheureusement, nous, nous n'avons pas ces sources d'information et que nous ne sommes pas satisfaits. Même si le ministre de l'Agriculture nous dit...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît.

M. BURNS: ... que tout semble être dans l'ordre, nous n'avons rien, en ce qui nous concerne, qui puisse nous assurer que justement les cultivateurs ont été satisfaits par ce projet de loi.

Ce sont les quelques brèves remarques que je voulais faire pour justifier la position de notre groupe parlementaire qui votera contre ce projet de loi en troisième lecture.

M. TETLEY: Vous voterez contre? Mais il ne fallait que dire oui ou non, que vous voteriez pour ou contre!

M. BURNS: Nous voterons contre, c'est-a-dire que nous allons dire non à la motion de troisième lecture. Est-ce plus clair, M. le ministre?

M. TETLEY: Mais cela vous a pris quinze minutes pour dire non.

M. BURNS: Sauf que vous n'avez pas écouté ce que j'ai dit.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre. L'honorable député de Shefford.

M. Armand Russell

M. RUSSELL: M. le Président, je serai très bref. Je sais maintenant que le ministre des Affaires municipales va se lever pour expliquer son projet de loi. J'ai été heureux d'entendre le ministre des Finances aujourd'hui, chose qu'il aurait peut-être pu faire hier pour tâcher de clarifier certaines situations.

Mais, malgré ces interventions, je ne suis pas encore convaincu que les points soulevés hier par les membres de l'Opposition aient été clarifiés d'une façon satisfaisante, même si le ministre de l'Agriculture a pu laisser entendre qu'une entente serait intervenue entre les membres de l'UCC et le gouvernement concernant la taxation des cultivateurs.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas ce qu'il a dit?

M. TOUPIN: M. le Président, sur une question de privilège. Je ne pense pas avoir tenu de tels propos. Je pense que soutenir de tels propos...

M. PAUL: M. le Président, sur un rappel au règlement.

M. TOUPIN: ... c'est déformer beaucoup trop mes paroles. Tout ce que j'ai dit...

M. PAUL: Sur un rappel au règlement.

M. LE PRESIDENT: Question de règlement.

M. PAUL: Il m'a donné la parole. Je crois que l'honorable ministre devra se prévaloir des dispositions de l'article 270 et non pas parler sur une question de privilège.

M. LE PRESIDENT: Si j'ai bien compris, le ministre n'a pas demandé la parole pour rétablir des faits; il s'est levé sur une question de privilège.

UNE VOIX: Ce n'en est pas une.

M. LE PRESIDENT: Je dois l'entendre avant de juger si c'en est une. L'honorable ministre.

M. TOUPIN: Sur cette question de privilège, je soutiens que mes paroles sont déformées par le député qui parlait tantôt et qui soutenait qu'une entente était intervenue. Ce que j'ai dit et ce que je vais répéter, c'est que nous nous sommes entendus pour nous rencontrer en janvier ou février en vue d'explorer tout ce qui serait possible de sortir du bill 48. Ce ne sont pas des ententes autres qu'une rencontre qui peut intervenir entre les deux.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Raison de plus pour retarder...

M. RUSSELL: M. le Président, je suis encore convaincu qu'il y a eu une rencontre ce midi et qu'il y a eu une entente. Je n'ai pas dit quelles étaient les conditions de l'entente, mais il y a certainement eu une entente qui prévoit une réunion, au cours du mois de janvier, dont parle le ministre. Quelles seront les conditions? Quelles seront les révisions à faire? C'est certainement une entente conditionnelle à une réunion qui permettra de sortir ce qui n'est pas convenable du bill 48 au sujet duquel je me réjouis. Nous sommes d'accord, et c'est ce que nous avons réclamé depuis hier, que ces choses qui nous, semblent, à nous, mauvaises dans le bill 48 soient retirées, afin de nous permettre de voter favorablement en troisième lecture pour ce bill que nous reconnaissons valable, dont nous reconnaissons le principe, en somme.

Tout le monde est d'accord pour reconnaître que, dans ce domaine, il fallait légiférer. Dans ce domaine, il fallait tâcher de regrouper toutes ces évaluations qui étaient drôlement débalancées et tâcher d'arriver avec un système un peu plus uniforme. Je suis convaincu que le travail a été fait consciencieusement par les hauts fonctionnaires du ministère, et en commission par le ministre avec tous ceux qui ont présenté des mémoires et qui ont soulevé des questions, qui ont présenté assez d'amendements pour nécessiter une nouvelle impression du projet de loi. Je sais aussi que ce bill a été étudié par un groupe de légistes, d'avocats, de spécialistes, ce qui a coûté un montant assez élevé.

Mais, tout ceci n'empêche pas que nous voyons à l'intérieur de cela des articles qui laissaient des doutes que nous voulions tenter de clarifier. Nous avons demandé simplement au ministre de tâcher d'éclaircir ces questions et de s'assurer d'avance qu'elles ne créeraient aucune ambiguïté. J'écoutais, avec beaucoup d'attention, le ministre des Finances, et je le félicite pour son exposé. Il a tenté de démontrer que, d'après les études faites, les barèmes qui ont été utilisés pour l'évaluation ou pour la confection de la loi, certaines municipalités du comté de Bagot, comme Sainte-Hélène, paie-

raient moins de taxe, selon la nouvelle loi, qu'elle ne paie aujourd'hui.

S'il avait pu se servir peut-être de Saint-Dominique, il s'apercevrait que Saint-Dominique paierait beaucoup plus de taxes. Je pourrais aussi l'inviter à regarder le canton de Granby et aussi le canton de Shefford et la municipalité de Saint-Alphonse de Granby et d'autres. Je pourrais lui faire une liste de municipalités qui, par l'ancienne loi, payaient beaucoup moins de taxe qu'elles vont en payer à l'avenir avec cette nouvelle loi.

Mais, ceci ne corrige pas le problème. Il y a là certains doutes, surtout lorsque je regarde, par exemple, l'article 21, où il est mentionné qu'une étendue de terre dont le revenu brut n'atteint pas $2,000 n'est pas reconnue comme une ferme. Cela laisse chez moi un certain doute. Nous avons encore chez nous certains cultivateurs, souvent des personnes âgées qui viennent à bout de vivre avec leur pension et qui ont simplement quelques animaux, une étendue de terre qui ne font pas $2,000 de revenu brut. Donc, ces gens-là ne seront pas considérés comme des cultivateurs et seront assujettis à une taxe beaucoup plus élevée qu'elle ne l'est actuellement et qui pourraient être, par la nouvelle loi, de ceux qui seront reconnus comme cultivateurs.

Je pense qu'il y a là quelques changements qui auraient pu être apportés. Ceci aurait pu être fait dans l'harmonie en discutant d'une façon très calme avec le ministre des Affaires municipales plutôt que de s'obstiner à ne pas répondre et informer la Chambre, non pas supplier l'Opposition. Mais il aurait dû coopérer et tenter de continuer cette coopération qu'il avait si bien commencée à l'occasion de l'étude du bill à la commission des Affaires municipales.

Nous avons souligné des lacunes à l'article 12. Là aussi il y a certaines choses qui ne semblent pas claires, qui semblent laisser des doutes dans l'esprit des gens. On disait tout à l'heure qu'il y avait des normes, aujourd'hui, qui étaient mieux étalées que les anciennes lois; j'admets qu'il y avait deux poids, deux mesures, comme l'a dit le ministre des Finances tout à l'heure.

Il faut reconnaître une chose, c'est que le code municipal est appliqué plus qu'avec deux poids et deux mesures dans plusieurs municipalités parce qu'il y avait presque autant de variations dans l'évaluation qu'il y avait de municipalités en province. Je sais qu'il fallait apporter des correctifs. Mais est-ce que ces correctifs devaient aller aussi loin qu'actuellement avec l'article 12 en forçant les municipalités à venir à l'évaluation de la valeur réelle? Lorsqu'on dit que les bâtisses seront évaluées seulement à 50 p.c. de leur valeur, si je comprends bien l'article, cela veut dire qu'une grange-étable qui a une valeur de $15,000 sera évaluée à $7,500 tandis que la même grange-étable, aujourd'hui, dans la plupart des municipalités, pourra être évaluée à $1,500 indépen- demment de ce que dit la loi. Nous savons que le but que nous voulons atteindre par cette loi est de former des comités d'évaluation en vue de s'assurer que chacune des propriétés va être évaluée à la valeur marchande. C'est là le but visé. Je suis convaincu, et nous sommes d'accord avec lui, que c'est là le but que le ministre veut atteindre par cette loi.

Donc, il y a là une augmentation automatique contrairement à la pratique du passé. Ceci, j'en suis convaincu. Par les amendements que nous avons apportés, nous avons demandé de retarder le bill et nous l'avons fait sincèrement. Le ministre s'est obstiné à dire qu'on va l'appliquer cette loi. S'il veut l'appliquer malgré toutes ces lacunes qu'il y a dans la loi, c'est son privilège; il en prend la responsabilité et le gouvernement est solidaire. Nous sommes convaincus qu'il y aura là des problèmes qui seront corrigés probablement à l'occasion de la rencontre qui aura lieu au mois de janvier avec le ministre de l'Agriculture, le ministre des Affaires municipales et l'UCC en ce qui concerne le domaine agricole.

Je suppose qu'à ce moment-là le ministre de l'Agriculture et le ministre des Affaires municipales convoqueront cette commission que nous avons réclamée par un amendement pour inviter au moins à l'Opposition à siéger à l'occasion de cette rencontre et réviser ces lacunes que nous trouvons dans la loi à l'application.

Je pourrais parler du bureau de révision mais il serait inutile encore là et je pense que nous savons d'avance qu'il y aura des problèmes assez majeurs. Je ne dis pas qu'il y a moyen d'atteindre la perfection mais je sais qu'il y aura moyen de corriger certaines situations et ceci en changeant quelques façons de procéder.

Nous allons laisser le ministre prendre ses responsabilités et, encore là, nous pourrons le réviser à la suite de l'expérience qui sera vécue. En ce qui concerne l'article 105, je suis l'un de ceux qui est d'accord que l'équipement dans les manufactures ne devrait pas être évalué, que c'est un outil de travail aussi bien que je reconnais que le terrain en culture ne devrait pas non plus être évalué parce qu'il est aussi un outil de travail. On insiste pour évaluer le terrain de cultivateur et en même temps on enlève l'évaluation sur l'équipement. Je comprends qu'on le fait sur une période donnée. Le ministre, apparemment, a élargi les cadres. Il était question de 20 p.c par année, ce qui voulait dire que la totalité aurait été atteinte en cinq ans; maintenant, c'est changé à quinze ans.

Il s'agit là d'un privilège qui est donné également dans la province à toutes les industries, pour une période de quinze ans, mais qui veut dire que chaque municipalité va perdre des revenus. Ces municipalités qui allaient chercher là certains revenus les perdront. Ceci sera pris sur le dos du petit propriétaire.

M. le Président, c'est un des points que je fais remarquer au sujet de l'article 105.

M. le Président, je suis un de ceux qui

auraient aimé que nous prenions cette occasion pour abolir la taxe de locataire. Je trouve que c'est une taxe qui est très difficile d'application et très difficile de perception. On aurait peut-être pu, en même temps, abolir cette taxe de locataire, abolir la taxe sur le terrain en culture, et la taxe sur la machinerie à l'intérieur des manufactures.

M. le Président, nous avons fait nos représentations hier. Nous avons demandé au ministre d'apporter encore quelques changements au projet de loi et il a refusé. Etant donné le contexte actuel, même si nous sommes pour le principe des changements, nous avons voté pour le projet de la loi en deuxième lecture. Nous avons tenté d'apporter certains correctifs, mais je regrette de ne pouvoir voter pour cette loi en troisième lecture, étant donné l'obstination du ministre et du gouvernement à vouloir continuer dans l'erreur ou penser qu'ils ont le monopole de la vérité.

M. le Président, je serai contre le projet de loi en troisième lecture.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): M. le Président, au terme de la troisième lecture de cet important projet de loi, Loi de l'évaluation foncière, je dois faire connaître la position de notre groupe.

Loin de moi l'intention de prendre les trente prochaines minutes que le règlement me permet d'utiliser pour faire valoir nos raisons. Je me limiterai tout simplement à dire que si nous reconnaissons le principe de l'ensemble de la Loi de l'évaluation foncière, qui vise à corriger des injustices et certaines inégalités, il y a par contre, dans ce projet de loi, certaines dispositions que nous ne pouvons accepter.

M. le Président, ces dispositions concernent justement les articles qui ont fait l'objet de longs débats concernant la classe agricole, c'est-à-dire les articles 12 et 21. Pour ces considérations, comme nous n'avons pas obtenu satisfaction, comme nous n'avons pas obtenu, de la part du gouvernement, une réponse satisfaisante aux demandes répétées qui ont été faites, nous voterons contre ce projet de loi en troisième lecture.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, je n'avais pas l'intention d'exercer...

M. TETLEY: C'est le même disque.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... mon droit de parole en troisième lecture. Je veux tout simplement, M. le Président, confirmer cette intention.

UNE VOIX: On le savait d'avance.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous avez eu peur.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres membres de cette Chambre...

L'honorable ministre des Affaires municipales.

M. Maurice Tessier

M. TESSIER: M. le Président, après ce long filibuster...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oh, pardon! Ce long et intéressant débat.

M. TESSIER: ... qui, d'après moi, ne s'appliquait pas tant au bill no 48 qu'à empêcher, par une obstruction systématique, le gouvernement d'adopter...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement.

M. TESSIER: ... ou de faire adopter d'autres lois.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement. Le ministre vient de dire que tout le travail que nous avons accompli ne touchait pas au projet de loi, mais n'était qu'un moyen d'empêcher le gouvernement de procéder et qu'il s'agissait d'une manoeuvre d'obstruction systématique. Le ministre n'a pas le droit de nous prêter des intentions collectivement, puisqu'il s'attaque à tous ceux qui ont opiné en cette Chambre. Si le ministre ne veut pas "filibuster" lui-même son projet de loi, qu'il nous dise donc carrément qu'il est pour son projet de loi et qu'il s'asseye.

M. BIENVENUE: M. le Président, sur la question de règlement, je veux dire qu'il n'y a pas de question de règlement. On ne peut pas prêter d'intentions...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le président est capable de le dire.

M. LE PRESIDENT: Mon opinion, je l'ai dite. C'est ici l'endroit où on doit se dire ses quatre, six et douze vérités. C'est la place. Je préfère que ce soit ici qu'ailleurs.

Il est tout à fait normal, lorsqu'on est dans l'Opposition — j'ai siégé moi-même dans l'Opposition — d'accuser le gouvernement de procéder à la vapeur ou de "bulldozing", d'attendre à la fin de la session pour faire adopter ses lois en vitesse, avec le rouleau compresseur, si vous voulez. Je pense bien qu'il est de bonne guerre, lorsqu'on siège à la droite, de porter certaines attaques à l'Opposition, qui, quand même, ne doivent pas faire trop trop mal.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, c'était juste pour empêcher le ministre d'ouvrir des portes, comme c'est sa coutume.

M. BIENVENUE: Cela s'en vient. M. TESSIER: M. le Président...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous irons prendre un café, M. le Président.

M. TESSIER: ... je n'ai pas l'intention de faire des personnalités comme certains des membres de l'autre côté de cette Chambre, parce que je considère que cette arme est celle des faibles, de ceux qui se sentent battus, qui se sentent coulés.

Je veux simplement rectifier certains faits, plus précisément sur deux points, soit l'article 105, en ce qui concerne la machinerie, et la situation qu'apportera le bill no 48 aux cultivateurs du Québec.

Nous avons, après enquête, au ministère des Affaires municipales, trouvé que, parmi les 1,585 municipalités environ qu'il y a au Québec, 9 avaient encore un règlement de taxation sur la machinerie, que, d'autre part, 21 autres municipalités, qui avaient antérieurement imposé une taxe sur la machinerie, l'avaient abandonnée pour la remplacer par des ententes particulières entre elles et certaines industries.

Parmi ces 21 municipalités, 11 de même que les 9 qui imposent déjà une taxe sur la machinerie et qui devront l'abandonner, c'est-à-dire, en tout, 20 de ces municipalités-là sur 30 pourront récupérer, du jour au lendemain, la perte de revenus qui leur vient de la taxation sur la machinerie ou des ententes. Elles pourront, immédiatement et sans délai, récupérer cette perte de revenus, parce que, d'après les expertises qui ont été faites, dans toutes ces municipalités-là, l'évaluation de ces industries est très inférieure à leur valeur marchande — dans certains cas, elle va même jusqu'à 30 p.c. de leur valeur marchande — et qu'on n'y impose pas actuellement de taxe d'affaires.

Par conséquent, en portant les industries à leur valeur marchande au rôle d'évaluation, en imposant une taxe d'affaires, comme la loi leur permet de le faire, ces municipalités pourront, du jour au lendemain, récupérer de ces mêmes industries la perte qu'elles peuvent subir en vertu soit des ententes ou soit des taxes qu'elles perçoivent directement en imposant la machinerie.

Dix de ces municipalités, cependant, ne pourront pas récupérer entièrement cette perte. Je n'ai pas besoin de les nommer; elles ont été énunérées par mes collègues d'en face: Shawini-gan, Grand-Mère et les autres. C'est précisément à cause de cela que nous avons apporté, après consultation avec celles-ci, un amendement considérable à l'article 105, qui prévoit que, dans un espace assez court de 5 ans, la taxe sur la machinerie doit définitivement disparaître.

Nous avons considéré que ceci portait un coup beaucoup trop dur à certaines de ces municipalités, mais que, sur une période de quinze ans, il serait possible de récupérer très facilement, cette perte de revenus par l'augmentation naturelle des revenus de la municipalité, par la plus value que les immeubles, et particulièrement l'industrie prendra au cours de ces quinze années. C'est pourquoi les municipalités dans leur ensemble — quoi qu'on en dise; on a parlé de batailles, de télégrammes, hier et avant-hier — je le répète, sont satisfaites des amendements que nous avons apportés à l'article 105. Ne voulant citer que deux cas seulement, M. le Président — étant donné qu'on a déjà donné lecture de toutes sortes de télégrammes afin que ce soit porté au journal des Débats — j'aimerais donner lecture d'un télégramme daté du 17 décembre et qui se lit comme suit. Me Maurice Tessier, ministre des Affaires municipales, Assemblée nationale, Hôtel du Gouvernement, Québec. Sincères remerciements pour votre beau travail lors de l'adoption du bill 48, en particulier à l'égard des municipalités qui, comme Alma, ont des accords particuliers avec leurs compagnies. Stop. Meilleurs voeux de Noël. Le conseil de la cité d'Alma.

Un second télégramme, daté également du 17 décembre, est adressé à Maurice Tessier, ministre des Affaires municipales, Hôtel du Gouvernement, Québec. Ai pris connaissance des nouvelles dispositions du bill 48 en ce qui a trait à la taxe sur la machinerie. Stop. Je tiens à vous faire connaître mon appréciation sur article 105 du bill, qui oblige les entreprises industrielles à continuer de payer des indemnités fiscales aux municipalités pour la taxe sur la machinerie, selon le barême décroissant sur une période de quinze ans. Stop. Cela devrait nous donner le temps de trouver d'autres sources de revenus afin de nous permettre de rencontrer nos obligations. Stop. Je veux porter à votre attention le plafonnement à 15 p.c. de la taxe d'affaires, basée sur la valeur locative qui devrait, à notre avis, être majorée. Stop. Je vous prie d'accepter nos meilleurs voeux à l'occasion des Fêtes, et c'est signé, Roger Malaison, maire de Kénogami.

M. le Président — je le regrette — le député de Maskinongé a fait allusion à du chantage. Je m'en réfère à l'épreuve du journal des Débats, no R/7255, page 1, du 17 décembre 1971, à 16 h 10 où le député de Maskinongé disait, entre autres: "Et je suis sûr qu'il y aurait avantage à convoquer devant la commission parlementaire le maire de la ville de Trois-Rivières, par exemple, aux fins de connaître de lui quelles promesses de subvention il a eues ou de quelle menace de retrait de subvention il a été victime pour se désolidariser du groupe qui est allé rencontrer, etc."

Or, je tiens à affirmer sur mon honneur devant cette Chambre que jamais, en aucun moment, ni directement, ni indirectement il n'y

a eu de telles menaces ou un tel chantage d'exercé sur le maire de Trois-Rivières. Le maire de Trois-Rivières, je crois, était présent, pour autant que je m'en souvienne, devant la commission parlementaire qui a étudié l'article 105 il y a quelques jours, sur-le-champ même, à la sortie de la séance de la commission parlementaire, il s'est déclaré particulièrement heureux des avantages que lui valaient les amendements que nous avions apportés à l'article 105 du bill no 48.

Il était temps que le Québec soit sur le même pied que les autres provinces canadiennes, sur le même pied que tous les Etats de l'Amérique du Nord, afin que nous puissions favoriser de nouveaux investissements chez nous. C'est ce que nous voulons, c'est ce que le gouvernement essaie. Avec notre système d'évaluation et de taxation municipale, c'était sûrement nous nuire et empêcher chez nous de nouveaux investissements. C'est pourquoi, depuis de très nombreuses années, tout le monde faisait l'unanimité sur le fait qu'il fallait faire disparaître de notre législation cette taxe sur la machinerie, qui n'existe nulle part ailleurs.

Un mot au sujet des agriculteurs. Nous avons, au ministère des Affaires municipales, fait des expertises dans dix municipalités rurales de la province et un peu partout aux quatre coins de la province, dans le nord, dans l'est, dans l'ouest et dans le sud. Le résultat de ces enquêtes sur les rôles d'évaluation — ceux qui ont fait ces enquêtes sont précisément les mêmes évaluateurs qui ont rédigé le manuel d'évaluation; ce sont ces mêmes personnes qui verront à l'application de la nouvelle Loi sur l'évaluation foncière en se basant sur les rôles d'évaluation actuels, en tenant compte des nouvelles normes et des nouveaux critères qui seront appliqués par le bill 48 et le manuel d'évaluation qui sera publié incessamment — est que, dans la très grande majorité des cas, il y aura non pas augmentation de taxes pour les cultivateurs dans les municipalités rurales, mais il y aura, dans la majorité des cas, une réduction même.

Ceci s'explique facilement puisque actuellement ces municipalités sont régies par le code municipal. Comme mon collègue le ministre des Finances l'a expliqué tout à l'heure, en vertu du code municipal, tout est taxable. J'entendais, hier et avant hier, des députés de l'Opposition parler, jeter les hauts cris, lever les bras au ciel et dire: On va aller même jusqu'à taxer les piquets de clôture. Comme on l'a mentionné, en vertu de l'article 16, paragraphe 27, tout est taxé: les clôtures, les drains, les ponceaux, les murs de soutènement, enfin toutes les améliorations apportées aux fermes.

Il n'y a, dans le bill 48, aucun changement à ce sujet-là, c'est le statu quo. Par contre, nous ajoutons, ce qui n'existe pas actuellement dans les municipalités régies par le code municipal, un dégrèvement de 50 p.c. sur l'évaluation de tous les bâtiments qui servent à l'exploitation d'une ferme. Je comprends que les cultivateurs désireraient en avoir plus, c'est évident que chacun essaie de payer le moins de taxes possible, mais c'est tout de même un premier pas et c'est même un grand pas en faveur de la classe agricole dans les municipalités rurales. C'est déjà, vous l'admettrez M. le Président, un excellent début dans ce sens.

Comme l'a également exposé mon collègue de l'Assomption, nous avons un plafond qui n'existait pas en vertu du code municipal actuel, en vertu du système de taxation actuel dans les municipalités rurales alors qu'il y avait un traitement privilégié accordé aux cultivateurs dans les cités et villes qui ont une autre forme de taxation.

Nous avons un plafond de 1 p.c. Exemple: Si, en vertu du projet de loi 48, à l'exception de la résidence et du terrain immédiat du fermier, la terre dans son ensemble, y compris les bâtiments de ferme après dévaluation de 50 p.c, est portée au rôle à $20,000, jamais l'ensemble des comptes de taxe, que ce soit l'impôt foncier général ou les taxes de services, comme la taxe de protection contre l'incendie, la taxe d'enlèvement de la neige, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la taxe d'éclairage, la taxe de service d'égout ou d'aqueduc, l'ensemble de toutes ces taxes-là mis sur un compte de taxe envoyé au cultivateur ne pourra jamais dépasser 1 p.c. de son évaluation. Par conséquent dans le cas d'une ferme évaluée à $20,000, jamais le compte de taxe ne pourra dépasser $200.

M. RUSSEL: Le ministre...

M. TESSIER: Je m'excuse, M. le Président, mais je ne peux permettre aucune question. On a assez perdu de temps, à la Chambre.

M. HARVEY (Chauveau): Fini les folies!

M. TESSIER: ... Et nous allons, avec cette loi, faire disparaître des milliers et des milliers de cas d'injustice qui se produisent non seulement vis-à-vis du cultivateur mais qui se produisent vis-à-vis des contribuables en général, lorsque, à cause de notre législation actuelle, à cause justement des déficiences qu'il y avait dans la manière d'évaluer qui n'était pas uniforme au Québec, nous avions des commissions scolaires qui devaient normaliser les rôles.

Or, en normalisant les rôles d'évaluation municipale, des miliers et des milliers d'injustices disparaîtront parce qu'à l'avenir les commissions scolaires n'auront plus le droit — et c'est une disposition bien spécifique dans le bill 48 — de normaliser les rôles, elles n'auront pas le droit de les changer, de les modifier de quelque manière. Les rôles uniformisés, faits selon les critères et les barêmes uniformes en vertu du bill 48 et du manuel d'évaluation, feront que les commissions scolaires devront prendre les rôles faits par les municipalités tels

qu'ils sont. Par conséquent, dans bien des cas, actuellement, des contribuables payaient trop de taxes scolaires. D'autres n'en payaient peut-être pas suffisamment, ce qui est encore une injustice dans l'ensemble, mais tous ces cas d'injustice disparaîtront.

Evidemment, il faut avouer, en toute humilité, que la loi n'est pas parfaite, c'est humain, normal. Surtout avec une loi aussi technique que celle-ci. L'usage, la mise en application de la loi nous démontrera possiblement qu'il faudra y apporter des amendements, que dans son application, nous n'avons peut-être pas atteint le but que le gouvernement se propose, parce que, je le dis et je le répète, la politique du gouvernement, en ce qui concerne la classe agricole, c'est que les cultivateurs ne paient pas davantage de taxes aux municipalités qu'ils en paient actuellement. Nous voulons diminuer, si possible, le fardeau de la taxe foncière des cultivateurs mais non pas l'augmenter.

Si, dans son application, nous nous apercevions qu'à cause de certaines dispositions le gouvernement n'a pas atteint le but qu'il se proposait, le ministre des Affaires municipales serait le premier à apporter dans cette Chambre un amendement au bill 48 afin que celui-ci atteigne le but que le gouvernement poursuit.

Le député de Shefford, tout à l'heure, dans son intervention, a prétendu que, par l'augmentation du rôle d'évaluation, il y aurait augmentation de taxes. Je dis que c'est faux. Quelle que soit la proportion de la valeur au rôle...

M. RUSSELL: M. le Président, sur un point de règlement. Je pense que j'ai le droit, d'après le règlement, de rétablir les faits.

M. LE PRESIDENT: Avec la permission. Est-ce que le ministre vous accorde la permission?

M. TESSIER: Moi, je n'accorde aucune permission pour aucune question.

M. LEGER: M. le Président, est-ce que je pourrais vous demander une directive? Lorsqu'une personne ne peut pas rétablir les faits pendant le discours, ou que le discours du ministre clôt le débat, est-ce qu'elle a le droit, après, de rétablir les faits?

M. HARVEY (Chauveau): Qu'est-ce que vous venez faire là-dedans?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! Je trouve un peu bizarre peut-être qu'on demande des directives durant le discours d'un député. Je donnerai mes directives immédiatement après le discours de l'honorable ministre des Affaires municipales.

M. TESSIER: M. le Président, je disais que l'augmentation d'un rôle d'évaluation à la valeur marchande ne veut pas dire augmentation de taxes. A titre d'exemple, lorsqu'une municipalité, disons une municipalité rurale, a besoin, pour l'ensemble de ses services, le paiement de ses employés, etc., d'un revenu de $100,000, elle va déterminer son taux de taxe pour aller chercher les $100,000, sous forme d'impôts. Que le rôle d'évaluation soit à 30 p.c, à 40 p.c, à 60 p.c. à 90 p.c. ou à 100 p.c. de la valeur marchande, c'est le taux de taxation qui va varier, mais, parce que la valeur marchande sera portée à 100 p.c. au rôle, il n'y aura pas d'augmentation de taxes.

Un autre point soulevé par le député de Shefford, l'abolition de la taxe des locataires. C'est bien l'intention du gouvernement d'apporter une loi dans ce sens-là, mais je voudrais que le député de Shefford comprenne que plusieurs municipalités imposent encore la taxe de locataires. Or, avant que nous puissions la faire disparaître, il y a lieu d'adopter ce que j'ai mentionné à plusieurs reprises: la réforme de la fiscalité municipale, le nouveau système de taxation et de répartition des revenus aux municipalités. Lorsque cette réforme de la fiscalité municipale aura été apportée — ce sera pour les prochains mois, dans un avenir très rapproché — nous pourrons alors adopter une loi pour abolir la taxe des locataires. Il est probable que ce sera échelonné sur quelques années, précisément pour ne pas déséquilibrer complètement les budgets de certaines municipalités, comme nous l'avons fait, par exemple, dans le cas des municipalités où il y avait entente au sujet de la machinerie ou encore dans les cas où il existe encore une taxe sur la machinerie.

Mon collègue, le député de Laviolette, me remet à l'instant deux autres télégrammes qu'il a reçus des maires de son comté qui sont précisément dans les dix villes que j'ai mentionnées tantôt. Je n'en ai même pas pris connaissance. Je vais en prendre connaissance en même temps que vous, collègues de cette Chambre.

M. VINCENT: Vous nous en gardez la primeur.

M. TESSIER: Je ne les ai pas lus encore. J'espère qu'ils sont bons. Mais je me fie à mon collègue le député de Laviolette. Un télégramme daté du 17 décembre adressé à M. Prudent Carpentier, Hôtel du Gouvernement, Québec. "Entièrement d'accord sur les ententes discutées au comité plénier du ministère des Affaires municipales, mercredi, le 15 décembre dernier, sur le bill 48 en autant que la décroissance du surplus des taxes soit faite aux industries à raison de 6 et deux tiers pour cent, par an, pendant quinze ans et que l'Hydro-Québec demeure telle que spécifiée dans le bill, soit dix ans au statu quo et décroissant à raison de 5 p.c. sur une période de vingt ans." Et c'est signé: "Jean-Marie Lafontaine, maire de Grand'Mère."

Un second télégramme ici également daté du

17 décembre, adressé à M. Prudent Carpentier, député de Laviolette, Hôtel du Gouvernement, Québec. "Suite à votre demande au cours d'une conversation téléphonique, ce midi, re bill 48 tel que modifié par commission parlementaire Affaires municipales, mercredi, 15 décembre Stop Ville de La Tuque se déclare satisfaite par amendement apporté à la version originale du bill vu que les ententes intervenues entre notre municipalité, d'une part, et Hydro-Québec et compagnie CIT, d'autre part, seront respectées Stop. En outre, en ce qui concerne La Tuque nouvelles dispositions de la loi 48 nous permettront de percevoir autres revenus de nature à compenser les pertes que nous subirons en raison des taux décroissants." Et c'est signé: "Lucien Filion, maire de La Tuque."

M. ROY (Lévis): M. le Président, est-ce que l'honorable ministre pourrait nous dire si ce sont des maires rouges ou des maires bleus?

M. TESSIER: Je ne répondrai à aucune question. Je le répète.

UNE VOIX: Le dernier c'est un maire bleu.

M. TESSIER: M. le Président, est-ce que tout de même ces télégrammes qui portent...

UNE VOIX: Ils le savent eux autres.

M. TESSIER: ... des signatures ne sont pas mieux que les télégrammes anonymes signés les maires de la Mauricie, qui ne portaient aucune signature? M. le Président, en terminant, je voudrais ajouter simplement ceci: c'est que le bill 48 fait partie d'un programme global de planification des affaires municipales du gouvernement. J'entends les députés séparatistes, à l'autre bout de la salle, qui se plaignent qu'il n'y a pas de planification dans le ministère des Affaires municipales. Je dis que nous avons tout un programme global de planification.

M. LEGER: Cela fait un an et demi que vous dites cela et on ne l'a pas encore vu.

M. TESSIER: Nous avons fait adopter par cette Chambre, la semaine dernière, le bill 276, favorisant le regroupement municipal. Nous sommes en train actuellement d'adopter une seconde loi sur l'évaluation foncière.

Le comité qui a été formé sous la présidence de mon collègue le ministre d'Etat aux Finances fera rapport, avant la fin du présent mois, des recommandations précises au sujet de lois qui seront adoptées dès la prochaine session sur la restructuration fiscale des municipalités et tout cela, pour donner suite aux voeux et aux recommandations des municipalités, notamment lors de la conférence provinciale-municipale du printemps dernier.

M. LEGER: Où est votre politique d'habitation et où est votre politique d'urbanisme?

M. TESSIER: M. le Président, je vous demanderais de rappeler à l'ordre le député séparatiste qui m'interrompt.

M. VEILLEUX: Qu'ils avalent leur pilule.

M. TESSIER: Loi de l'urbanisme et de la planification, M. le Président, dont la rédaction s'achève et qui sera une des premières lois soumises lors de la prochaine session de cette Assemblée.

Cinquième législation, refonte totale et complète du code municipal et de la Loi des cités et villes, un comité que j'ai moi-même formé et qui, depuis près d'un an, étudie cette refonte, comité qui est très avancé — j'en informe mes collègues de cette Chambre — dans son étude et qui devrait, au cours des prochains mois, me soumettre son rapport définitif qui fera l'objet d'une nouvelle codification de toutes les lois qui ont trait à l'administration municipale. Acutellement, c'est un fouillis dans nos lois qui touchent à l'administration municipale. Nous allons mettre de l'ordre dans ce fouillis.

Sixièmement, Loi électorale...

M. PAUL: M. le Président, sur un rappel au règlement.

M. LE PRESIDENT: Le règlement.

M. PAUL: Même si c'est le jour de l'anniversaire de naissance de mon honorable ami, et en vue de ne pas perdre de temps, j'inviterais l'honorable ministre à rester dans le cadre du débat de la Loi no 48.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! Si je comprends bien, le ministre, tel que le prévoit le règlement, répond, en passant, à certaines digressions qui ont eu lieu dans des discours de députés qui ont pris la parole hier. Mais je lui demanderais peut-être de répondre un peu plus rapidement à ces digressions qui étaient plus ou moins permises d'ailleurs.

M. TESSIER: M. le Président, j'ai été accusé en cette Chambre, lors du débat sur la présente loi, par plusieurs députés séparatistes, à l'effet qu'il n'y avait pas de planification et pas de politique.

M. LEGER: Répondez par des actes, pas par des paroles.

M. TESSIER: Je ne fais, M. le Président, qu'une brève énumeration de ce que le gouvernement entend faire dans l'administration des affaires municipales, ce qu'il a déjà entrepris et ce qu'il réalisera au cours des prochains mois. Je comprends que cela leur fasse mal parce qu'à ce moment-là, ils sont obligés de ravaler leurs paroles.

Je disais, M. le Président, sixièmement, Loi électorale municipale qui est actuellement aussi

en préparation, afin d'améliorer la manière dont se font les élections dans nos municipalités.

Septièmement, Loi sur l'habitation, à laquelle nous avons déjà apporté trois ou quatre amendements majeurs. Nous en apporterons encore afin d'améliorer la Loi de l'habitation.

Huitièmement, système uniforme de comptabilité dans les municipalités. C'est une chose qui s'imposait.

M. LESSARD: Cela faisait longtemps que nous posions des questions au ministre.

M. TESSIER; Actuellement, chaque municipalité a un système de comptabilité différent. Nous aurons un système uniforme de comptabilité dans les municipalités. Voilà une brève énumération de ce qui se fait, de la planification qui existe, de la politique globale du gouvernement en Affaires municipales. Les séparatistes dans cette Chambre iront, après ça, dire qu'il n'y a pas de planification et pas de politique globale aux Affaires municipales !

Aucun gouvernement depuis la confédération n'a tant fait et ne fera autant au sujet des affaires municipales. Jamais un gouvernement ne s'est autant penché sur les problèmes municipaux. Jamais un gouvernement n'a autant dialogué avec les municipalités et jamais, également, un gouvernement n'a pris les moyens de trouver des solutions et de régler les problèmes municipaux.

Le gouvernement actuel est un gouvernement qui passe à l'action. Il ne fait pas que parler et il a une politique dynamique en affaires municipales.

M. LE PRESIDENT: Ma directive est à l'effet que l'honorable député de Shefford peut, à ce moment-ci, en vertu de l'article 270, rétablir les faits brièvement, sans apporter d'arguments nouveaux et sans soulever de débat.

M. RUSSELL: M. le Président, nous pourrions peut-être demander d'autres applaudissements, vu que c'est la fête du ministre aujourd'hui.

Je voudrais simplement apporter un correctif, vu que le ministre a avancé le fait que j'avais dit qu'il y aurait augmentation de taxes. Je veux dire que je me suis servi du tableau qu'avait le ministre des Finances pour dire que, dans deux municipalités du comté de Bagot et une du comté de Missisquoi, qui avaient appliqué tel barème, ce tableau-là indiquait qu'il y avait une baisse de taxes.

En me servant du même tableau, en l'appliquant à d'autres municipalités et en gardant le même barème, j'ai dit qu'il y aurait là une augmentation de taxes. Ce n'était pas un barème sur lequel on pouvait se fier pour appliquer cette loi, car c'était une loi qui visait simplement à tenter d'égaliser l'évaluation des municipalités. C'est tout.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que les députés sont prêts à se prononcer?

M. GARNEAU: M. le Président, en vertu du même article, je voudrais rectifier des faits. Le député de Shefford ne peut pas avoir utilisé le même tableau que moi, puisque les municipalités auxquelles il référait n'étaient pas sur le tableau que j'avais.

M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Vote de troisième lecture

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion de troisième lecture du projet de loi no 48 veuille bien se lever, s'il vous plaît.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Lévesque, Hardy, Castonguay, Pinard, Garneau, Tessier, Harvey (Jonquière), Quenneville, Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Saint-Pierre, Lacroix, Toupin, Massé (Arthabaska), Fournier, Goldbloom, Mailloux, Arsenault, Houde (Fabre), Coiteux, Bienvenue, Théberge, Perreault, Brown, Blank, Brisson, Saint-Germain, Picard, Pearson, Leduc, Fortier, Assad, Bossé, Caron, Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher, Giasson, Harvey (Chauveau), Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Larivière, Marchand, Ostiguy, Pelletier, Phaneuf, Pilote, Veilleux.

M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Paul, Vincent, Tremblay (Chicoutimi), Cardinal, Boivin, Russell, Roy (Beauce), Roy (Lévis), Brochu, Audet, Guay, Laurin, Burns, Léger, Charron, Tremblay (Sainte-Marie), Lessard.

M. LE SECRETAIRE: Pour: 52 Contre: 17

M. LE PRESIDENT: La motion est adoptée.

M. LACROIX: Il faut remarquer que les cultivateurs sont protégés par des moutons, ils se sauvent.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LEVESQUE: Article 14.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député du Lac-Saint-Jean.

Commission permanente de l'Education

Rapport proposé à l'adoption

M. PILOTE: M. le Président, je propose que le rapport de la commission permanente sur l'Education concernant le bill 28 soit reçu.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, je me suis opposé à la réception de ce rapport lorsqu'il a été présenté la première fois, le 15 décembre, sauf erreur. Je ne pouvais laisser adopter, sans aucune intervention de notre part, un rapport qui, d'abord, n'est pas exact et, deuxièmement, qui se réfère à une commission parlementaire qui a siégé, à mon avis, de façon tout à fait irrégulière.

Lorsque nous avons reçu mandat de la Chambre, sauf erreur, la motion était une motion de déférence du projet de loi no 28 pour étude en commission parlementaire de l'Education. Or, au moment de l'étude de l'article 1 de ce projet de loi et à la suite d'une annonce qui a été faite par le député de Saint-Jacques de son intention de proposer des amendements à des paragraphes de cet article 1, les deux paragraphes en l'occurence étant 586 et 587, il est arrivé que le ministre de l'Education a proposé à cette commission parlementaire non pas — j'insiste sur ce fait — de différer l'étude de ces deux paragraphes, que constituent les articles 586 et 587, mais de retourner l'étude, sans plus, au comité plénier.

A ce moment-là, nous avons argumenté en long et en large et je n'ai pas l'intention de reprendre cette argumentation.

Nous avons argumenté à l'effet qu'il était tout à fait irrégulier de procéder de cette façon puisque la commission parlementaire en question avait reçu des instructions très claires de la Chambre et qu'elle n'avait pas autorité elle-même de changer ces instructions, ces instructions — je le répète — étant d'étudier le projet de loi no 28 en commission parlementaire.

Je me suis référé, je vais le faire très brièvement encore une fois, à l'article 564 de notre règlement. C'est pourquoi j'insistais tantôt sur le fait qu'on n'avait pas différé l'étude, chose qui aurait pu être faite, selon l'opinion du comité, mais qu'on avait remis le problème, sans discuter du fond des articles 586, 587, au comité plénier.

Je me suis alors référé à cet article qui se lit: "En comité plénier, les différentes parties d'un bill public sont examinées dans l'ordre suivants... "Evidemment, M. le Président, je n'ai pas besoin d'insister sur le fait que même si nous n'étions pas en comité plénier, notre règlement dit que les règles du comité plénier s'appliquent à ces commissions.

Quel ordre mentionne l'article 564? Les articles imprimés, d'abord, puis les articles imprimés qui ont été différés. Cela, je l'ai mentionné au comité qui avait le pouvoir, la juridiction de dire: On n'étudie pas immédiate- ment tel ou tel article. Si cela avait été le cas, nous aurions dit: Cela va, mais tôt ou tard nous l'étudierons puisque les instructions étaient d'étudier non pas les articles untel, untel, moins tel sous-paragraphe ou tel autre sous-paragraphe...

M. SAINT-PIERRE: Le député me permet-il une question, simplement pour éclaircir le débat? J'ai l'impression, on pourra me corriger, que l'argumentation du député de Maisonneuve en comité plénier était tout à l'effet contraire...

M. BURNS: Pas du tout...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: Ce n'est pas la première fois que le ministre ne m'aura pas compris, d'ailleurs.

M. SAINT-PIERRE: Ce ne serait pas la première fois que vous auriez changé d'idée.

M. BURNS: La meilleure façon de comprendre, c'est d'écouter les personnes qui argumentent plutôt que de penser à ce qu'on peut leur dire après. C'est malheureusement le défaut dont fait montre le ministre régulièrement. Il l'avait fait à ce moment-là.

Nous avons dit — je ne mets pas le ministre au défi, mais je le réfère à la transcription de ce débat — si l'intention est de différer simplement l'étude, c'est possible et c'est admissible, mais remettre sans en discuter ces deux articles devant le comité plénier, à notre avis, c'était une façon d'outrepasser le mandat qui avait été confié à cette commission par la Chambre.

C'est pour ça que je me référais à l'article et le ministre m'a servi le même argument en commission parlementaire. Il m'a dit: Vous venez de lire les articles imprimés qui ont été différés. J'ai dit oui, d'accord, pour qu'on puisse les étudier en deuxième lieu, mais ils sont différés. Alors, qu'est-ce que ça veut dire différer? Différer c'est remettre à plus tard, à moins que je ne comprenne pas le mot, et si je ne le comprends pas, on m'expliquera.

Même le premier ministre a tenté, en comité plénier, de me mettre en opposition avec une attitude que j'avais prise lors de l'étude du projet de loi no 50, concernant la Société de développement de la baie James, a la suite d'une suggestion du député de Maskinongé. Le premier ministre m'a référé au texte. Je lui ai dit que, si je me trompais et si c'était le même cas, je m'en excuserais publiquement.

Malheureusement, je ne peux pas m'en excuser publiquement, parce que ce n'est pas du tout le même cas. Encore une fois, je prie le premier ministre, lui qui a une formation juridique, prétend-on , — il a quelques crédits peut-être — d'examiner de près les deux situations. Il se rendra compte que ce n'est pas du tout la même situation dans le cas du projet de loi no 28.

J'avais, au cours de l'étude en comité plénier du projet de loi no 50, appuyé la suggestion du

député de Maskinongé, qui disait: Un certain bloc d'articles — je crois que c'étaient les articles 16 à 24 — semblent poser des problèmes, etc.; la discussion est lente et ça ne progresse pas. On était, ne l'oublions pas, en comité plénier. Le député de Maskinongé a dit, devant ce fait: Différons l'étude de ce bloc d'articles. Sur cela je me suis montré entièrement d'accord et j'ai trouvé même que la suggestion était très constructive. Si on était arrêté sur un bloc d'articles, qu'on le remette à la fin et qu'on poursuive l'étude du projet de loi. Soit dit en passant, dans le cas du projet de loi no 50, il s'agissait, sauf erreur, d'un bloc d'articles concernant le financement.

Les articles 581 à 586, soit dit en passant, ne sont pas en soi des articles du projet de loi no 28, mais des paragraphes d'un article. Vous avez l'article 1 qui dit: "La Loi de l'instruction publique est modifiée en insérant, après l'article 580, ce qui suit." Là, vous avez des guillemets qui s'ouvrent et vous avez l'article 581 qui est un paragraphe, de même que les articles 582, 583, 584, 585, 586 et 587.

Si la motion avait été d'en différer l'étude à la fin, nous aurions tenu un autre type d'argumentation. C'est ça qui confond le ministre de l'Education. Je vais essayer de clarifier cela et "d'éduquer" le ministre sur ce point. Notre argumentation, de façon incidente, a voulu démontrer que même si l'étude de ces deux articles était différée, ils formaient et ils forment encore, à notre esprit, tellement le coeur de ce projet de loi qu'il devenait difficile d'étudier convenablement les articles 588 et suivants, ainsi que les autres articles du projet de loi lui-même.

J'avais annoncé au leader du gouvernement que je proposerais, un amendement à cette motion, qui est faite par le président de la commission. Dans le but de collaborer en vue d'avancer les travaux de la Chambre, j'accepterai à ce moment-ci tout simplement d'avoir, en ce qui me concerne, rétabli certains faits au niveau de la procédure et je m'abstiendrai de faire une motion qui aurait pu se lire comme suit — et que je ne fais pas, j'en avertis la Chambre —: que la motion en discussion soit amendée en remplaçant tous les mots qui suivent le mot "que" par les mots suivants "le troisième rapport de la Commission de l'éducation soit retourné devant cette commission avec instructions d'étudier à la suite tous les articles du projet de loi 28". Je ne la fais pas, M. le Président, mais je vais tout simplement mentionner que, selon nous, ç'aurait dû être fait décemment comme cela, c'est-à-dire qu'on aurait dû à cette commission —que l'Opposition n'a pas réclamée à si grands cris, on s'est montré d'accord, il y a eu des gens qui se sont montrés plus ou moins d'accord, etc., mais peu importe — on aurait dû — une fois que le gouvernement a pris l'initiative de déférer ce projet de loi à la Commission de l'éducation, en toute décence, toute chose étant normale — étudier tous et chacun de ces articles, les uns après les autres.

Encore une fois, je ne n'attarderai pas ou je n'irai pas plus au fond de ce débat, ce sont les remarques, M. le Président, que j'avais à faire. Et je répète, même si, de plus en plus, cela me semble unilatéral, l'offre de collaboration que je fais au gouvernement qui est empêtré, enchevêtré dans une lourde législation qu'il nous amène à la toute dernière minute, qu'il tente de bousculer le plus rapidement possible avant ce sacro-saint ajournement des Fêtes.

M. BOURASSA: Une prorogation.

M. BURNS: Encore une fois, — une prorogation, comme dit le Premier ministre, je m'en excuse, vous avez raison — selon nous, ces projets de loi sont d'une importance telle qu'ils doivent être étudiés avec minutie, avec tout le temps que mérite l'étude d'un projet de loi d'importance comme celui que nous avons discuté depuis quelques jours et comme le projet — et surtout le projet de loi 28 — qui s'occupe de refaire complètement la structure scolaire sur l'Ile de Montréal.

M. le Président, c'était les quelques remarques que j'avais à faire, mais évidemment, nous voterons contre la motion qui est devant nous pour la raison bien simple que nous la trouvons tout à fait irrégulière. Nous espérons surtout que jamais plus on ne nous fera pareil coup parce que les prochaines fois, nous ne montrerons peut-être pas autant de collaboration avec le gouvernement.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. BROCHU: M. le Président, je pense qu'à ce moment-ci on ne peut passer sous silence la déposition du rapport qui nous est soumis présentement parce qu'à notre sens, — et nous avons eu l'occasion de le mentionner également au niveau de la commission parlementaire — le mandat de cette même commission n'a pas été respecté pleinement, mandat qu'elle avait reçu par délégation de pouvoir de l'Assemblée nationale même.

Lorsque l'Assemblée nationale avait décrété qu'un travail devait être fait en commission parlementaire de l'Education, sur le bill 28, le mandat était, je pense, suffisamment clair et le travail qui se présentait pour nous était d'étudier globalement ce projet de loi dans une suite logique, tel qu'il nous était présenté.

Evidemment, certains incidents malheureux, à mon sens, sont survenus au cours de cette même commission parlementaire. Je pense que l'ensemble des législateurs qui sont ici sont au courant des problèmes qui furent rencontrés. Même dès le début de l'étude que nous avions à faire du projet en commission, le ministre de

l'Education a proposé une motion afin que les articles 586 et 587 soient conservés simplement pour étude en comité plénier.

M. le Président, dès ce moment, nous nous sommes posé certaines questions puisque quand même, un bill complet en soi, comprend une structure et une suite logiques. Il a été pensé — je pense que ce n'est un secret pour personne — par des légistes qui ont été engagés spécialement pour cela et qui ont présenté, à l'intérieur de leur projet de loi, une structure où, comme dans tout bon raisonnement, les prémisses précèdent les conclusions. Je pense qu'en déférant, comme le voulait la motion du ministre de l'Éducation, les deux articles que j'ai mentionnés simplement au comité plénier et en continuant le reste de l'étude du projet de loi, cela devenait une méthode de travail complètement illogique et inacceptable. D'ailleurs, à ce moment-là, nous avons eu l'occasion de faire valoir notre point de vue, sans pour autant prendre plus de temps, à mon sens, que nous ne le devions. Nous avons établi des positions claires, nettes et précises.

Lorsque, M. le Président, le ministre a déposé cette motion, tout d'abord il semblait assez silencieux sur les motifs qui l'incitaient à faire une telle proposition devant la commission parlementaire. Apparemment, c'était surtout pour éviter que le débat ait lieu deux fois, que l'on répète sur chacun des articles les mêmes arguments et que l'on repropose les mêmes amendements sur chacun des articles.

Au point de départ, cette motivation pouvait sembler acceptable. Cependant, le ministre est allé encore plus loin et, au cours de la discussion, nous a dit, comme si tout à coup la lumière s'était faite, que, s'il présentait cette motion pour déférer ces deux articles simplement pour étude en comité plénier, c'était parce qu'il avait l'intention d'apporter des amendements précis et sérieux à ces deux articles, alors même que, sur notre demande, nous n'avons eu aucun de ces amendements, ni même le thème de ces amendements. On se replaçait alors dans le même contexte de la deuxième lecture du bill 28 où nous avions à prendre position sur le principe d'un bill sans même connaître les amendements précis qui devaient être apportés à l'intérieur de cette structure législative. Alors, nous considérions à partir de là qu'il était encore plus anormal de continuer à travailler dans un tel contexte et que nous ne pouvions plus continuer de le faire.

Par la suite, le ministre est allé plus loin encore, en disant qu'une autre des motivations qui l'avaient incité à proposer cette motion de déférer les deux articles simplement pour étude en comité plénier était le fait qu'un parti de l'Opposition, en cette Chambre, avait manifesté, à l'extérieur du Parlement, son intention de présenter certains amendements et possiblement de soulever des débats au niveau de ces deux articles en question.

Voici ce qui se pose comme problème à ce niveau-ci. Si l'on tient compte de cette argumentation de base qui a motivé le ministre à apporter cette motion, le ministre crée quand même un précédent qui est fort douteux, un précédent qui peut nous amener à des méthodes de travail plutôt irrégulières, parce que, finalement, si on pose le raisonnement jusqu'à son terme, on peut dire que chaque fois qu'un parti d'Opposition manifestera à l'extérieur de la Chambre — comme c'est son droit — l'intention de présenter un amendement sur un article ou l'autre de tel ou tel projet de loi, ou encore de faire une certaine opposition ou d'élaborer un débat à l'intérieur d'un de ces articles, le ministre retirera ses propositions, proposera d'autres motions comme ça qui seront recevables, pour que nous ne discutions pas immédiatement les problèmes.

Je tiens à souligner ce fait pour que, quand même, dans cette Chambre, on puisse continuer à avoir une certaine logique dans nos travaux, et que nous sachions à quoi nous en tenir. Et que ce soit au niveau du parlementarisme au niveau de l'Assemblée nationale, que le parti ministériel décide de ses stratégies, et que ce ne soit pas le député de Richmond ou un autre député de l'Opposition en cette Chambre qui prenne position à l'extérieur de l'Assemblée nationale, ce qui, à mon sens, est complètement anormal et inacceptable, puisque c'est ici qu'est notre champ de travail, notre champ d'action.

Je souligne ce point qui est très important et je demande non pas simplement au ministre de l'Education, mais aussi aux autres ministres et à ceux qui s'occupent de la stratégie parlementaire au niveau des députés ministériels, de bien vouloir tenir compte de cette question pour que l'on sache à quoi s'en tenir et aussi par respect pour ceux qui sont élus, qui viennent siéger dans cette Chambre et qui doivent ici prendre position.

De plus, lorsque le ministre a déposé cette motion, je le regrette, mais vu son importance, nous avons dû engager un débat. Et ce débat s'est prolongé durant plus d'une journée même, tout en alléguant qu'il ne fallait pas discuter des fameux articles 586 et 587. C'est bien dommage, mais en refusant — en discutant uniquement sur cette motion — de discuter des articles, on a pris autant de temps sinon plus que de vider simplement les questions qui étaient en cause au niveau de ces deux articles-là.

Je pense que ça démontre qu'il faille au parti ministériel adopter une stratégie, la maintenir jusqu'au bout mais dans une forme de pensée logique.

Au sujet de ce débat, j'aimerais aussi mentionner la position que nous avons prise et qui m'incite à aller plus loin aujourd'hui. Devant de tels faits et devant la possibilité que la motion soit recevable aussi, presque à chaque article,... Vous me permettrez de mentionner simplement un exemple, puisque à l'article 588, on disait ceci: "En outre des pouvoirs visés par l'article

586, chaque commission scolaire peut..." Dès l'article suivant, on pouvait se rendre compte que les deux articles précédents, qu'on ne voulait pas étudier, avaient des implications immédiates et non seulement au niveau de l'article 588, mais également au niveau des suivants.

Suite à tout ce débat et aux conditions de travail inadmissibles auxquelles nous avions à faire face par la suite, j'ai eu l'occasion de présenter également une motion qui disait simplement ceci: Que la commission parlementaire de l'Education suspende immédiatement ses travaux, afin que le projet de loi no 28 soit déféré au comité plénier immédiatement, pour que nous puissions poursuivre de façon logique et complète l'étude du projet de loi en question.

Si j'ai fait cette motion, M. le Président, c'était justement dans le but d'éviter de doubler le travail puisque, ne pouvant discuter des articles 586 et 587 et connaissant les implications que ces deux articles avaient au niveau du reste de la loi, nous ne pouvions continuer sans risquer d'avoir des débats à tout moment sur ce sujet, des questions restaient en plan. Nous avons donc fait cette motion, M. le Président, dans le but de faire évoluer et de faire avancer plus rapidement les travaux de cette Chambre. Cette motion fut malheureusement répétée. Alors, devant cet illogisme j'ai quitté mon fauteuil. Cependant, mes collègues créditistes sont restés là comme observateurs, parce qu'évidemment — je n'ai pas besoin de reprendre mon argumentation à ce point de vue — on ne pouvait faire autre chose que d'être observateurs puisque les implications de deux articles aussi importants que les articles 586 et 587 n'étaient pas connues pour le reste du projet de loi.

Maintenant, nous nous orientons vers le comité plénier et je pense que c'est là, puisque la situation a été telle à la commission parlementaire de l'Education, que nous devrons faire la majeure partie de notre travail. Pour notre part, devant de tels faits et devant une telle situation, je pense que le rapport qui a été déposé par le président de la commission parlementaire devient tout à fait inacceptable, parce que le mandat de la commission parlementaire n'a pas été rempli et, plus que ça, si certains articles ont été acceptés par la suite par les deux vieux partis, ils ne sont pas acceptables pour nous, parce qu'on ne connaissait pas les prémisses qui étaient inclues au niveau des articles 586 et 587.

M. le Président, je n'ai pas l'intention de prendre davantage du temps de cette Chambre. Je voulais simplement rétablir les faits qui se sont produits, établir clairement la position que j'ai prise et que notre parti a prise devant une telle situation et mentionner que, pour notre part, nous devons voter contre cette motion à l'effet que ce rapport de la commission parlementaire, soit reçu, puisqu'il est in- complet, inacceptable et que nous considérons que le travail fait par la suite n'a pas été valable.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education.

M. Guy Saint-Pierre

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je voudrais parler en faveur de la motion puisqu'il me semble que dans les circonstances le rapport du président reflète le plus exactement possible le mandat qui avait été confié à la commission. Inutile de dire que ce n'était pas notre intention de faire adopter — je suis d'accord avec le député de Maisonneuve — cette législation fort importante sans débat ou d'imposer un bâillon à l'Opposition.

Il faut se rappeler — compte tenu que ce projet de loi a été déposé en première lecture le 6 juillet dernier, que nous avons eu plus de 50 heures de commission parlementaire et que nous avons pu recevoir des mémoires de différents groupes — qu'il a été impossible d'amorcer le débat en deuxième lecture avant le tout début de décembre. On se rappelle qu'à l'époque — je pense que les députés de l'Opposition seront d'accord avec moi — le conseil des ministres et le caucus ayant tout juste accepté les amendements, l'encre était à peine sèche lorsque je déposais les amendements que le gouvernement envisageait.

C'était donc dans un esprit de collaboration, pour tenter d'activer le débat et offrir à l'Opposition la chance d'analyser les amendements que le gouvernement proposait. Le 7 décembre, c'est-à-dire le lendemain de l'adoption en deuxième lecture, votre Chambre a donné, il est vrai, un ordre à la commission parlementaire. Elle lui a dit que le bill était adopté en deuxième lecture et renvoyé pour étude à la commission de l'Education.

Je pense que derrière les 813 articles de notre règlement il se dégage un esprit dont on doit tenir compte. Ce n'est pas mon intention de faire de la procédure mais je tiens simplement à tenter de cerner l'esprit de ce règlement. L'esprit de ce règlement est qu'après avoir permis à tous les membres de cette Chambre de s'exprimer sur le principe du projet de loi — nous avons voté favorablement sur ce principe — il faut permettre une autre étape, qu'on appelle le comité plénier, dans laquelle, article par article, les membres de cette Chambre peuvent se prononcer sur différents points mineurs ou majeurs du projet de loi, suggérer des amendements. Le gouvernement lui-même peut apporter ses amendements.

L'esprit de nos règlements est qu'entre la deuxième et la troisième lecture il n'y ait qu'une seule étape où tous les membres de cette Chambre peuvent apporter des amendements. Nous avons recours, à l'occasion et avec le consentement de la majorité de la Chambre, à des commissions parlementaires. Là, on peut se poser la question: Pourquoi?

Il s'agit de relire les Débats pour voir que la chose se fait très souvent. Le comité plénier demanderait tout le travail de la Chambre, et compte tenu du nombre de lois que nous avons, nous avons recours à la technique de la commission parlementaire, ce qui permet aux représentants des différents partis d'aller en commission parlementaire, d'analyser les différents articles du projet de loi pendant que la Chambre peut alors étudier d'autres lois importantes, et Dieu sait que nous en avions actuellement: le bill 65, le bill 48, d'autres lois, qui pouvaient retenir d'autres députés de cette Chambre.

Nous avons suivi cette procédure en plus d'un cas, nous l'avons suivie dans le secteur de l'Education tout au moins, dans une loi aussi importante que le bill 27 où, en commission parlementaire, nous avons analysé tous les articles et où le président a fait rapport ensuite au comité. A cette différence près que dans le projet de loi 27, là je ne voudrais pas blesser personne, même ceux qui étaient violemment opposés, qui avaient voté contre en deuxième lecture, et je me réfère aux membres du Ralliement créditiste, n'avaient pas indiqué l'intention manifeste qu'on voulait dédoubler les procédures, c'est-à-dire qu'on voulait engendrer un débat au niveau de la commission parlementaire qui examine le projet de loi article par article et recommencer, je n'utiliserai pas le mot spectable, l'opération en comité plénier, dédoublant, il me semble, l'esprit de nos règlements qui ne prévoit qu'une seule étape ou qu'un seul débat normalement entre la deuxième et la troisième lectures pour l'étude des documents point par point.

Dans la situation que nous avions alors, le député de Saint-Jacques, je pense, avait eu manifestement en Chambre — il semblait à l'époque exister une certaine équivoque entre la position prise par le député de Maisonneuve et le député de Saint-Jacques — une réaction peut-être impulsive, qui avait été de dire: C'est inutile, n'allez pas à la commission parlementaire, nous allons reprendre le débat en comité plénier, alors que je crois comprendre qu'entre le député de Maisonneuve et le leader du gouvernement on était d'accord pour aller en commission parlementaire faire l'examen des projets de loi.

Bien entendu le gouvernement, en allant en commission parlementaire, réalisait qu'ici même en Chambre, sur certains points particuliers, on pouvait reprendre un débat ou donner la politique d'un parti. Mais le député de Saint-Jacques l'a fait en dehors de cette Chambre, il l'a fait par l'entremise de conférences de presse. D'une façon très précise, il a indiqué son intention manifeste de non seulement faire un débat majeur sur la question linguistique en commission parlementaire mais de reprendre le tout ici en comité plénier pour reprendre cet article.

Les articles 586 et 587, et je le soumets bien humblement, ne me paraissent pas, dans l'économie générale du projet de loi, comme des articles majeurs car à aucun endroit, dans le projet de loi 28, nous retrouvons l'expression école anglaise ou école française. Il n'y a aucun article où l'on retrouve ce droit à l'école française ou ce droit à l'école anglaise.

Le seul point que l'article 586 mentionne, ce sont certaines dispositions de la Loi de l'instruction publique qui ne s'appliquent pas, par exemple, tout ce qui touche les commissions scolaires régionales. Comme nous n'en avons pas sur l'île de Montréal, nous disons, à l'article 586, que tout ce qui touche les régionales dans la Loi de l'instruction publique ne s'applique pas à l'île de Montréal.

Je suis convaincu qu'on pouvait, en commission, comme nous l'avons fait, discuter d'une façon intelligente tous les différents aspects du projet de loi no 28, sans avoir à passer les articles 586 et 587. Compte tenu de l'intention manifeste du député de Saint-Jacques de reprendre le débat, votre commission M. le Président, a jugé approprié, de voter majoritairement en faveur de déférer au comité plénier l'étude de ces deux articles.

Il est six heures, M. le Président. Je propose la suspension des débats.

M. LEVESQUE: Suspension jusqu'à vingt heures.

M. LE PRESIDENT: L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à vingt heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

Reprise de la séance à 20 h 2

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

L'honorable ministre de l'Education.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je disais donc que l'intention du gouvernement, en déférant le projet de loi no 28 à une commission parlementaire, n'était nullement de retarder les travaux de la Chambre, mais de permettre l'étude, article par article, du projet de loi, alors que la Chambre elle-même pouvait se pencher sur d'autres législations urgentes qu'il nous faut aborder.

Le député de Maisonneuve, se basant sur l'article 644, trouve que la commission aurait dû étudier tous les articles, possiblement en différant l'étude des articles 586 et 587 à la fin. Je ne suis pas de cet avis, d'autant plus que ce fut la décision majoritaire de la commission de retourner les articles 586 et 587 au comité plénier. D'ailleurs, il me semble qu'à la commission parlementaire, où les règles du comité plénier s'appliquent mutatis mutandis, tous les règlements, toutes les annexes, tous les articles d'un projet de loi doivent être étudiés. Comme je l'ai mentionné au départ, le but de la commission parlementaire était de permettre l'examen de l'article pour retourner un avis de la commission parlementaire au comité plénier.

Comme, à l'avance, au moins un des partis d'Opposition avait indiqué son désir de faire un débat linguistique majeur sur les articles 586 et 587, cela nous a semblé une perte de temps de répéter ces deux débats à la fois à la commission parlementaire et en comité plénier. Il nous a semblé que ce double débat allait à l'encontre des principes mêmes de notre règlement.

Nous sommes un peu surpris de voir que le député de Maisonneuve trouve que, somme toute, le gouvernement tente de bousculer les étapes, car, tout au contraire, si les autres partis d'Opposition, en particulier le Ralliement créditiste et le Parti québécois, avaient fait ce que l'Union Nationale a fait, nous aurions pu...

M. CARDINAL: M. le Président, j'invoque le règlement. Le ministre est dans le passé. Cela n'existe plus, il faut parler d'Unité-Québec.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, les traditions sont difficiles à oublier au Québec. Si ces deux partis d'Opposition avaient fait comme l'Unité-Québec, nous aurions pu discuter pendant plus de 54 heures, cette semaine, les différents articles du projet de loi no 28.

Nous aurions pu, alors que la Chambre aurait étudié le projet de loi no 48, prendre 54 heures de débats, en commission parlementaire, qui nous auraient permis d'analyser toutes les différentes étapes du projet de loi.

Mais évidemment, sans employer de nouveau le mot spectacle mais en disant que les deux autres partis ont décidé de retirer leur participa- tion active aux travaux de la commission, c'est 54 heures de moins de débats que nous avons eus et qui nous ont permis rapidement de passer à travers les articles mais qu'il nous faudra reprendre maintenant ici un petit peu à la veille de Noël, article par article.

M. le Président, sur le rapport du comité, puisque c'est la motion, je pense que le président a fait, dans les circonstances, un jugement de Salomon. Il n'a pas tenté de dire que le comité avait accepté le projet de loi. Compte tenu de l'absence de participation de deux partis politiques, le président n'a pas voulu aller dans les détails et dire que tel représentant de tel parti politique a fait une déclaration fracassante et a quitté la salle. Il n'a pas voulu dire toutes les péripéties de nos discussions pendant deux jours. Il a simplement dit — je le répète — que la commission avait étudié le projet de loi no 28 les 13 et 14 décembre.

M. le Président, si on regarde le mandat qui avait été donné à la commission le 7 décembre dernier par cette Chambre, ce mandat est exactement que ledit bill est renvoyé à la commission pour étude. Je pense que dans les circonstances, M. le Président, la commission a agi à l'intérieur des cadres et de l'esprit de notre règlement et qu'il nous importe maintenant d'aborder le plus rapidement et avec le plus de sérieux possible l'étude en comité plénier, article par article, les différents amendements de cette législation.

M. BROCHU: M. le Président, sur un rappel au règlement, s'il vous plaît, si le député de Bagot me le permet. J'aimerais rétablir certains faits que le ministre a mentionnés dans son exposé.

En effet, M. le Président, sur le bill 27, nous avions accepté le rapport de la commission parlementaire qui avait siégé à ce moment-là. Je reprends les paroles textuelles du ministre: "Parce que tous les articles avaient été étudiés". C'est différent dans le cas du bill présent. C'est pourquoi nous ne pouvons absolument pas accepter ce rapport, parce qu'il est incomplet, compte tenu de l'importance des deux articles en question.

M. LEVESQUE: Le député n'a pas été mal cité. C'est sur le fond.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.

M. Jean-Guy Cardinal

M. CARDINAL: M. le Président, avec autant de sérénité que le permettent les heures que nous passons en cette Chambre et avec aussi le plus de "factualité" possible — mon collègue n'aimera pas cela — en m'en tenant aux faits qui se sont produits...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est moins pire que le langage du ministre.

M. CARDINAL: ... je voudrais rappeler exactement ce qui s'est passé depuis le moment où il y a eu en cette Assemblée...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tu mettras ses fautes.

M. CARDINAL: ... une motion et en la commission parlementaire au moins deux motions.

M. le Président, je me réfère — et je pense que le règlement me le permet — au journal des Débats du 14 décembre 1972, veille du jour où a été inscrite au feuilleton cette motion concernant le rapport de la commission parlementaire de l'Education qui a tenté d'étudier le projet de loi no 28.

Dans cette journée du 14 décembre, nous avons employé toute la journée à étudier le projet de loi no 28, article par article. J'ai fait une intervention pour rappeler au ministre de l'Education dans quel cadre de discussion nous nous trouvions. Je ne voudrais pas prendre des phrases hors contexte, et tronquer la vérité, c'est pourquoi je me permettrai de citer le feuillet 638, page 1 du 14 décembre 1971, à douze heures et six minutes.

A la suite du président j'intervenais et je disais ceci: "Je comprends que le ministre est occupé" — il était occupé à ce moment-là à étudier certains articles avec ses fonctionnaires — "et je serai très bref et je vais peser chacun de mes mots sans rhétorique ni attaque de quelque sorte que ce soit. Heureusement ce matin l'armosphère est moins chargée qu'hier soir." Je ne ferai pas de commentaires sur ce qui s'était passé la veille au soir.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Grâce au président.

M. CARDINAL: "Je voudrais avoir certaines réponses, certaines assurances du ministre et je voudrais auparavant rétablir certains faits. Le premier fait, c'est que mon collègue de Chicoutimi et moi-même n'avons pas du tout changé d'idée sur ce que nous avons déclaré mercredi dernier. Le député de Maisonneuve, hier, a laissé entendre qu'il semblait, dans son esprit, que nous voterions pour la motion." Il s'agissait d'une motion du ministre de l'Education, c'est de là d'où est parti tout le débat voulant déférer au comité plénier et enlever de la commission parlementaire la discussion au sujet des articles 586 et 587 du projet de loi no 28.

J'en viens donc, M. le Président, à ma citation: "Le député de Chicoutimi lui a répondu que nous n'avions pas encore pris de décision vu la situation dans laquelle se place ce débat. Je pense, avec tout le respect que je dois aux membres de cette commission, que nous avons erré dans tous les sens et souvent sur le fond en même temps que sur la motion même. Tout ceci a commencé lorsqu'une motion assez inusitée du leader parlementaire ministériel a été proposée en Chambre voulant que nous descendions à la salle 81-A pour étudier en commission parlementaire plutôt qu'en comité plénier le projet de loi no 28. A ce moment-là, le leader parlementaire n'a pas donné de raison à l'appui de sa motion. Il ne l'a pas justifiée. Ce n'est qu'hier soir, en écoutant très attentivement le ministre, c'est-à-dire plusieurs jours après, que j'ai pu comprendre la position du gouvernement." Je répète ce que le ministre a dit en d'autres termes: "Nous avons pensé, nous du gouvernement, que pendant que d'autres travaux se poursuivaient en Chambre — et je reprends des termes et des mots que le ministre a employés ce soir — et peut-être même à d'autres commissions, nous pourrions, en commission, étudier le projet de loi 28.

Ceci était une raison suffisante — je me permets de me citer moi-même dans le journal des Débats — "permettant aux parlementaires de se diviser, pas au sens partisan, mais enfin par groupe, et d'étudier en même temps au moins trois projets de loi. J'aurais aimé qu'on le dise plutôt." Je termine ici ma citation.

C'est ce soir-là, le soir du 13, que nous avons connu la véritable raison et que nous avons, mon collègue de Chicoutimi et moi, admis qu'il était justifié que nous allions en commission parlementaire pendant que d'autres travaux se poursuivaient ici et dans une autre salle, parce que si nous avions tenu le comité plénier en cette salle, ceci aurait empêché tout autre travail. "Nous sommes donc devant la nouvelle motion du ministre, celle voulant référer les articles 586 et 587 au comité plénier." Nous sommes donc dans une situation semblable, semblable, je dirais pire, pour une raison de forme, de libellé de la motion.

Je n'ai malheureusement pas le journal des Débats d'hier soir, et pour une raison de justification de la motion, raison de libellé, dans les diverses déclarations du ministre qui se sont succédé au cours de la soirée, je parle de la soirée du 13, premièrement, il faisait sa motion pour que les articles 586 et 587 soient déférés au comité plénier; deuxièmement, il a dit que d'ici quelques jours, ce qu'il a répété le matin du 14 en récidivant, il apporterait des amendements aux articles 586 et 587. Ces paroles que je ne mets en doute d'aucune façon nous avaient incités à le suivre.

Troisièmement, il a dit que peut-être: "ces amendements seraient prêts avant même que les travaux de cette commission ne soient terminés." Je veux m'arrêter et rappeler — le ministre me corrigera si je me trompe — que le ministre a mentionné que, peut-être d'ici trois à quatre jours, ces amendements sur les articles 586 et 587 seraient prêts. Ce délai se termine à minuit ce soir.

Donc, dans cette situation, nous nous demandions, nous d'Unité-Québec, quelle était véritablement la motion du ministre de l'Education. Dans la journée du 14, cette motion s'est

précisée de deux façons. Le ministre, à ce moment-là, en répondant aux deux autres partis de l'Opposition, a vraiment affirmé qu'il n'y avait pas un triple choix, c'est-à-dire soit d'étudier, en comité plénier uniquement, les articles 586 et 587, soit d'apporter des amendements pendant que nous siégions à la commission parlementaire et alors les étudier et en faire un seul débat à cet endroit, soit l'alternative de l'un ou de l'autre. Nous ne le savions pas au soir du 13, ce n'est que le 14, dernier jour où la commission a siégé que ceci a été précisé, après référence d'ailleurs au journal des Débats.

La motion du ministre de l'Education a été mise aux voix. Nous avons voté contre cette motion avec les deux autres partis. Evidemment le parti ministériel a gagné cette première motion. Mais le deuxième point qui était rattaché à cette motion, c'est qu'en toute bonne foi, comme d'ailleurs le ministre, nous croyions que des amendements majeurs seraient présentés — j'emploie les termes que j'employais à ce moment-là — et non pas des virgules ou des points-virgules ou de petits détails seraient apportés.

Nous avons cru de bonne foi que des amendements viendraient et nous avons alors dit au ministre, mon collègue de Chicoutimi et moi: Les articles 586 et 587, même si dans l'esprit du ministre de l'Education ils ne sont pas une clef pour tout le projet de loi 28...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Je demanderais, si possible, aux députés de reprendre leur place afin d'avoir un peu plus de silence.

M. CARDINAL: ... sont cependant des articles importants, puisque certains autres articles s'y réfèrent. Je n'en prends, à titre d'exemple, que l'article 588 qui dit: A part des pouvoirs prévus à l'article 586, les pouvoirs des commissions scolaires seront tel, tel et tel.

Nous avons alors dit au ministre: Nous d'Unité-Québec, nous sommes prêts à poursuivre les travaux, à étudier le projet article par article, nous réservant, comme vous l'avez proposé vous-même, même si nous avons voté contre la motion, le droit de revenir en comité plénier sur les articles qui feront référence ou qui dépendront de la substance amendée des articles 586 et 587.

C'est dans ce contexte que se situe le débat et je pense que les membres de l'Assemblée nationale doivent bien se rendre compte que c'est exactement comme ceci que les faits se sont produits.

Je sais que, certains députés, qui évidemment, n'étaient pas à cette commission, puisqu'on siégeait et à l'Assemblée nationale et à une autre commission, ne sont pas au courant de tous ces détails et ne sont pas obligés d'avoir comme livre de chevet chaque soir le journal des Débats.

Nous avons donc, d'une part, cru à la parole du ministre qu'il nous présenterait des amendements et nous avons dit: Nous allons collaborer pour accélérer les travaux de cette Chambre sur un projet de loi important dont on parle depuis sept ans et sur le principe duquel nous avons voté d'une façon favorable, nous réservant de revenir sur ses modalités.

M. le Président, ne voulant pas aller hors des cadres du règlement, je ne parlerai pas sur le fond du projet de loi 28 ni sur ses modalités; nous aurons l'occasion d'y revenir en comité plénier, ainsi qu'en troisième lecture.

Il y a eu une deuxième motion. Si je ne me trompe pas, c'est un député du Ralliement créditiste, le député de Richmond, qui a proposé que, dans la situation où nous nous trouvions, à ce moment-là...

Si je ne me trompe pas, c'est un député du Ralliement créditiste, le député de Richmond, qui a proposé que dans la situation où nous nous trouvions, à ce moment, il valait mieux cesser les travaux de la commission parlementaire et retourner à l'Assemblée nationale pour éventuellement, au moment où le gouvernement le désirerait, reprendre le tout en comité plénier.

N'oublions pas que nous étions alors à l'article 1, section I, où il y a les articles 582, 583, 584 et 585 qui avaient été étudiés. Le président, qui a fait un excellent travail et que je n'attaque pas, n'avait pas appelé techniquement l'article 586, quand la première motion est venue, ni quand la deuxième motion aussi est arrivée. Nous avons appuyé la motion du député de Richmond. Un vote a été pris à nouveau et une fois de plus, évidement, les ministériels ont cette fois-là battu cette motion. Je ne voudrais ici attaquer aucun des partis à ma droite ou à ma gauche, les représentants de ces partis ont décidé, à ce moment-là, pour des raisons que je n'ai pas à juger, pour lesquelles je n'ai pas à donner d'imputation ni de raison, soit de se retirer, soit de se taire, en pratique, de cesser de participer au débat.

J'ai alors, en des termes que je ne chercherai pas dans le journal des Débats, parce que, quand même, tout ce débat se situe des feuillets 639 à 692, — cela serait vraiment fastidieux que de tout relire ceci et vous n'auriez peut-être pas raison de me rappeler à l'ordre mais cela serait quand même peu décent de ma part que de tout relire ce qui s'est passé cet après-midi-là et ce soir-là — nous avons décidé, dis-je, mon collègue de Chicoutimi et moi, devant le fait que nous avions été vaincus deux fois à l'occasion de motions, de prendre l'attitude suivante et je la décris.

J'ai dit: L'attitude de démission n'est pas dans notre style. Notre attitude est une attitude de participation. Ce que nous pourrons faire ce soir ou peut-être demain, jusqu'à l'heure qui nous sera impartie de par la motion présentée en Chambre, nous le ferons, nous réservant deux choses.

D'une part, si en comité plénier, l'on reprend

certains des articles, soit amendés par le ministre, soit amendés par suggestions des représentants de l'Unité-Québec et acceptés par les ministériels, ce qui s'est produit, nous devrons revenir sur ces articles.

D'autre part, nous indiquerons, au fur et à mesure que nous verrons chaque article, lorsqu'ils seront appelés selon les règlements, si nous les réservons pour la commission parlementaire ou si nous les déférons au comité plénier. A la fin, nous avons réservé quatre ou cinq articles pour la commission parlementaire dont nous avons repris l'étude en fin de journée. Nous avons renvoyé au comité plénier environ un aussi grand nombre d'articles parce qu'ils nous paraissaient se rattacher directement au fond du problème.

La commission a donc poursuivi ses travaux et nous sommes passés à travers tout le projet de loi no 28. Certains ont cru voir là un retour au bipartisme et à des amis entre eux s'amusant à régler des virgules, à ajouter des paragraphes ou à retrancher certains termes.

Telle n'était pas notre intention, M. le Président. Notre intention était purement — ici, je le répète, je ne veux attaquer personne, aucune Opposition, aucun parti, aucun individu — de tenter, dans ce projet de loi, fils dénaturé du projet de loi 62, d'apporter des suggestions, des moyens de réflexion, des moyens pour le ministre d'apporter de nouveaux amendements à ce projet de loi.

Nous sommes donc, ce soir, dans cette situation de dilemme où, d'une part, ayant participé aux travaux jusqu'à la fin, nous croyons de notre devoir de recevoir le rapport du député du Lac-Saint-Jean et, d'autre part, de constater qu'à cause des circonstances, il y a quand même un certain nombre d'articles très importants de ce projet de loi qui, de toute façon, ont été déférés, soit de par les ministériels, soit de par l'Unité-Québec, au comité plénier.

Le ministre l'a dit cet après-midi, qu'il avait cru, à la suite de certaines déclarations d'un membre de cette Chambre, à l'intérieur de cette Chambre, lors de la motion inusitée et surprenante du leader parlementaire, explicable par la suite, malheureusement, et non pas sur le champ, qu'un double débat se tiendrait. Nous sommes donc devant ce dilemme où, acceptant ou n'acceptant pas le rapport, il y aurait eu quand même double travail qui aurait été fait ou qui se fera.

Notre position vis-à-vis de la question qui est devant nous et non pas vis-à-vis du fond du projet de loi no 28 qui a été étudié en deuxième lecture, vis-à-vis de chacun de ces articles qui seront revus en comité plénier, et ceci n'est pas du tout à cause de notre action mais à cause, peut-être — soyons gentils — même pas d'une erreur de stratégie, mais d'un oubli au cours de tous ces travaux, qui a fait que nous n'avons pas perçu la stratégie qui pouvait venir d'autres partis alors que nous sommes, encore une fois, obligés de nous multiplier en trois endroits différents dans une même journée, dans une situation où nous avons un débat, non pas en comité plénier, non pas en troisième lecture, non pas sur le fond de la question mais uniquement sur une question de procédure qui a été suivie et de la procédure qui est à venir.

Nous n'avons jamais recherché ce débat, M. le Président. C'est pourquoi mon collègue et moi, comme je le disais tantôt, avons dit: Ce n'est pas une ligne de démission mais une ligne de participation active, attentive, avec beaucoup d'intérêt à chacun des articles qui nous guidera. Même si on nous critique, à l'intérieur ou à l'extérieur, pour cette façon d'agir, nous saurons toujours expliquer notre position et notre action.

M. le Président, je ne serai pas long. J'achève, d'ailleurs le temps qui m'est imparti est presque épuisé. Nous étions exactement comme en deuxième lecture. En deuxième lecture, le ministre a répété aujourd'hui: J'ai remis les amendements aux critiques officiels de chacun des partis alors que l'encre n'était pas sèche. D'accord, nous les avons eus immédiatement avant le vote, ce qui nous a permis de voter en sachant où nous allions mais ce qui nous a peut-être fait prononcer des discours un peu longs pour savoir où nous allions. Ce fut la même chose à cette commission. Comme je n'ai blâmé aucun des partis, je ne m'attaque à aucune personne non plus encore cette fois-ci, mais je regarde la situation telle qu'elle se présentait le 13 et le 14 décembre 1972. Nous disions au ministre, nous l'invitions, nous le pressions, nous le sollicitions de nous présenter sinon des amendements du moins des thèmes d'amendements de ces articles 586 et 587.

Si le ministre considère que ces articles ne sont pas une charnière, ne sont pas, comme aurait dit M. Churchill, à une autre Assemblée, "the hinge of Fate", en matière linguistique et confessionnelle, au sujet du projet de loi no 28, nous aurions volontiers consenti à ce que tout se passe beaucoup plus rapidement. Mais comme le ministre, ce soir-là, nous déclarait de bonne foi qu'il nous présenterait des amendements, nous voulions savoir quelle en serait la teneur sinon, en vertu de ces nouveaux moyens de procédure que le député de Maskinongé, avec son expérience, jugera, s'il était possible d'avoir des thèmes d'amendements.

Malgré toute cette situation que j'ai décrite, M. le Président, je pense que je m'en suis tenu aux faits et non pas à des jugements sur les intentions des partis à cette commission parlementaire permanente de l'Education sur un projet excessivement important. Nous nous trouvions donc pris dans cette situation où il fallait, nous, de bonne foi, accepter la bonne foi du ministre, attendre ses amendements en continuant les travaux, en espérant que ces amendements viendraient avant la fin des travaux.

M. le Président, je pense que j'ai donné ici le

cadre de ce qui s'est passé. Je laisserai à d'autres opinants le soin d'ajouter, de critiquer, non pas au sens négatif mais au véritable sens français du terme, cette situation.

Mais je suis obligé de conclure, avec toute l'amitié que j'ai pour tous les députés de chacun des trois partis qui nous entourent, qu'à cause du travail que nous avons fait à cette commission parlementaire nous ne pouvons faire autrement que d'accepter le rapport présenté par le député du Lac-Saint-Jean.

Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, dès l'appel de cette motion cet après-midi, mon collègue de Maisonneuve s'est levé, le premier, pour vous expliquer comment, à notre avis, certaines procédures, que je n'appellerai pas irrégulières, puisque notre règlement les prévoyait, mais tout à fait politiquement anormales, avaient entouré le travail de la commission dont nous acceptons ce soir le rapport.

Du même souffle, et après avoir fait une analyse...

M. LEVESQUE: Est-ce que j'ai bien compris? Si on accepte le rapport, je me demande pourquoi continuer le débat.

M. CHARRON: Nous recevons ce soir le rapport. Accepter, dans le sens latin de recevoir.

M. LEVESQUE: Alors, nous le recevons. Pourquoi poursuivre ce débat?

M. LAURIN: C'est une question de sémantique.

UNE VOIX: Pourquoi parler?

M. LEVESQUE: Pourquoi parler, si nous le recevons.

M. CHARRON: Nous allons le recevoir quand nous procéderons au vote, pas avant.

M. TETLEY: Encore du chantage.

M. LAURIN: Le député de Bagot vient de faire un long discours à l'appui de son acceptation du rapport. Je ne vois pas pourquoi on empêcherait le député de Saint-Jacques de dire ce qu'il a à dire sur la réception de ce rapport.

M. CARDINAL: M. le Président, moi aussi, j'invoque le règlement. Mon grand ami, ancien collègue d'université, psychiatre, leader du Parti québécois, siégeant à ma droite, vient de dire que j'ai fait un long discours à l'appui de l'acceptation du rapport. Je voudrais bien qu'il se rende compte que je n'ai que rappelé des faits et que j'ai dit qu'à cause de notre travail nous acceptions le rapport.

M. CHARRON: Le leader a fait perdre deux minutes à la Chambre.

M. LEVESQUE: Deux minutes comparativement à onze heures.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Onze heures, c'était sur une question importante.

M. COITEUX: M. le Président, lorsque le...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Vous avez une question ou quoi?

L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: Je disais donc, M. le Président, que, dès l'appel de la motion par le leader du gouvernement cet après-midi, le député de Maisonneuve avait porté à votre attention le fait que plusieurs irrégularités ou anomalies de déroulement avaient entouré le travail de la commission, que votre Assemblée avait mandatée, le 7 décembre dernier, pour étudier le projet de loi no 28.

Le député de Bagot vient d'en faire une rétrospective chronologique; le député de Maisonneuve en avait fait auparavant une étude juridique et je voudrais, quant à moi, vous décrire les travaux de cette commission sous un aspect plus proprement politique.

M. LEVESQUE: Ah!

M. CHARRON: L'argument principal — qui fait que nous sommes sur le point de recevoir un rapport incomplet où la commission s'est refusée à se pencher sur deux articles importants du projet de loi, contrairement aux instructions qu'elle avait reçues de la Chambre — du gouvernement, qui ne voulait pas que nous discutions de ce sujet, était d'éviter le double débat.

A votre intention, M. le Président, et non pas à celle du leader du gouvernement parce que c'est peine perdue, je vous rappellerai que le 6 décembre au soir, j'ai signalé, de mon siège, au député de Bonaventure qui sert de leader à ce gouvernement, qu'il était inutile d'aller à la commission, justement parce que je ne voulais pas de double débat. Je lui ai signalé le premier. Entêtement du gouvernement, mauvaise stratégie, mauvais calcul comme d'habitude on s'est ramassé en commission. Et là, par une manoeuvre tout à fait inaccoutumée, qui vaut dans ma vaste expérience parlementaire, M. le Président, pour la première fois, je voyais un gouvernement à l'appel de deux articles, avant même que la discussion ne s'engageât sur un sujet ou sur un autre, tout de suite apporter la motion-guillotine et inviter ses fidèles "back-benchers" a épouser la ligne du parti et à retirer de la discussion contrairement au mandat que nous avions reçu de cette assemblée, les articles 586 et 587.

Les trois partis d'Opposition se sont élevés contre cette manoeuvre, que je ne dis pas irrégulière, parce que nos règlements la permettent, mais que je dis inaccoutumée. Par la suite, M. le Président, pour éviter un double débat, nous avons dit au ministre de l'Education qui représentait son gouvernement, à ce moment-là: Evitons le double débat au complet et ne continuons pas plus sur 588, 589 et suivants puisque nous n'avons pas parlé de 586 et 587. Peine perdue, on voulait un double débat, M. le Président, et on l'a fait avec une collaboration mitigée — je dois le dire — de la part d'Unité-Québec, qui, sur certains points, s'apercevant que nous allions vers un double débat a préféré passer sous silence certains articles attendant avec nous de les reprendre en comité plénier.

Lequel des deux, M. le Président, voulait un double débat? Certainement pas le Parti québécois qui, par ma voix, le soir du 6 décembre, immédiatement après l'adoption en deuxième lecture, signalait au leader du gouvernement —avant qu'il s'enfonce dans l'entêtement qui nous a amenés dans le cul-de-sac que vous connaissez et qui a fait perdre des heures considérables à la Chambre et qui fait que ce soir, samedi, nous n'avons même pas encore abordé en comité plénier l'étude du projet de loi 28 — ceci: N'allez pas en commission puisque de toute façon nous le reprendrons en comité plénier. Il a voulu utiliser le rouleau compresseur de sa majorité gouvernementale, peine lui en a pris, M. le Président, puisque de toute façon il n'est guère plus avancé et nous serons encore ici le 4 ou 5 janvier en train de terminer en comité plénier l'étude du projet de loi 28.

M. le Président, pourquoi pensez-vous —entre vous et moi — que le gouvernement a utilisé cette motion? Je vous la décris, M. le Président, parce que je suis convaincu que vous ne la connaissez guère, non pas parce que votre intelligence est insuffisante, mais parce que votre expérience peut-être ne l'a jamais rencontrée.

C'est une motion qui permet à une commission de dire dès l'arrivée d'un article: Nous ne l'étudions pas, nous la déférons au comité plénier. Cela arrive quand, M. le Président? Cela arrive quand on ne veut pas discuter de la question. Or, que comporte les articles 586 et 587? Le ministre de l'Education en répondant à je ne sais quel collègue de l'Opposition disait: Ce ne sont pas les articles les plus importants du projet de loi. Je pourrais vous en faire la lecture, M. le Président, si javais l'intention d'allonger le débat, mais je vais vous les décrire. L'article 586 est celui qui sera inséré dans la Loi de l'instruction publique si nous adoptons le projet de loi 28, et il dit, en gros, ceci: "La Loi de l'instruction s'applique intégralement sur l'Ile de Montréal à l'exception de..." et on ajoute quelques articles puisqu'à cause de son caractère particulier certains articles qui touchent les commissions scolaires régionales ne toucheront pas le Montréal métropolitain.

Au sujet de l'article 587, le ministre dit: Ce n'est pas plus important qu'un autre article dans le projet de loi. Non! C'est le principe du bill! Ce n'est pas plus important que cela. C'est dans 587, que chaque commission scolaire est mandatée pour offrir selon les dispositions de l'article 203 de l'instruction publique, c'est-à-dire aux Anglais et aux Français qui en font la demande un enseignement catholique, protestant ou autres.

C'est ça le principe de l'unification des commissions scolaires, c'est ça le long débat de cinquante heures qu'a rappelé le ministre et quand ce principe se concrétise à travers un article, le ministre de l'Education dit: Ce n'est pas un article plus important que les autres.

Mais pourquoi donc croyez-vous qu'ils ont soulevé la guillotine autour de ces deux articles? C'est simple. C'est parce que le Parti québécois avait promis qu'à cette occasion, lorsque se soulèveraient ces questions à la commission parlementaire, il tiendrait alors une promesse qu'il a faite dès octobre 1969 à la population qu'à la première occasion...

M. LEVESQUE: M. le Président, question de règlement. J'ai manifesté, je crois, beaucoup de patience, de tolérance, de compréhension et je n'ai voulu en aucun cas interrompre quelque opinant que ce soit, même le député de Maisonneuve, qui fait des signes d'impatience, qui manifeste certains signes de nervosité. Je n'ai pas non plus interrompu mon honorable collègue de Bagot et je n'avais pas raison de le faire non plus.

Mais, M. le Président, je dois à ce moment-ci invoquer le règlement parce que nous n'avons devant nous à discuter qu'un rapport qui fait l'objet de la motion de l'honorable député du Lac-Saint-Jean et je ne crois pas qu'il y ait dans ce rapport quoi que ce soit qui soit de nature à toucher le fond de la question qui fait l'objet du projet de loi no 28.

Tout ce que nous avons à faire présentement, c'est, après qu'il a été lu, de recevoir le rapport de l'honorable député du Lac-Saint-Jean. C'est ça que nous avons devant la Chambre. Quant à la question du bill 28, au contenu des articles, à tout sujet ou principe qui peut s'y trouver et surtout des principes qui ne s'y trouvent pas, c'est encore pire, à ce moment-là je crois qu'on est complètement hors d'ordre lorsqu'on prend ce sentier qui n'est pas permis à ce moment-ci par nos règlements.

Je ne veux pas élaborer davantage, mais je sais que vous connaissez encore mieux que quiconque ici ces règlements qui doivent guider nos délibérations, M. le Président, et je crois que l'honorable député de Saint-Jacques va se conformer, que voulez-vous, aux prescriptions de notre règlement qui ne permettent pas à ce moment-ci un débat de fond lorsqu'il ne s'agit que d'un débat de procédure.

M. BURNS: M. le Président, malgré les rappels au règlement du leader du gouvernement, il

va falloir qu'on se rende compte d'une chose, c'est que ce que nous discutons actuellement, et c'est ce pourquoi d'ailleurs, comme je vous l'ai rappelé tantôt, nous nous sommes opposés à la réception du rapport tel que présenté, ce sont les mots suivants: La commission de l'Education a l'honneur de soumettre à votre honorable Chambre son troisième rapport. Votre commission a siégé les 13 et 14 décembre pour étudier le projet de loi no 28."

Ce dont le député de Saint-Jacques discute actuellement, c'est exactement ce qui s'est passé à cette commission et, entre autres, il répond, parce que je présume que ce que le leader vient de soulever, c'est la règle de la pertinence du débat, du moins c'est comme ça que je l'ai compris, même s'il n'a pas utilisé ces termes, ce dont le député de Saint-Jacques est en train de discuter, dis-je c'est justement des remarques que le ministre de l'Education a faites à la suite de mes remarques sur ce problème et, entre autres, lorsque le ministre de l'Education a dit que ce n'était pas le coeur du débat, les deux articles qui ne sont pas mentionnés dans le rapport. Et c'est ce pourquoi d'ailleurs j'avais dit que le rapport n'est pas exact, qu'il est incorrect.

Je ne vois pas comment on puisse invoquer contre le député de Saint-Jacques actuellement la règle de la pertinence du débat. Il parle du rapport, il parle de ce qui s'est passé à la commission, mais qui ne paraît pas dans le rapport.

C'est exactement pour ça que nous nous y sommes opposés.

M. LEVESQUE: Qu'il parle des numéros des articles.

M. BURNS: Un instant, M. le Président!

M. LEVESQUE: Nous sommes rendus en 1969.

M. BURNS: Ce n'est pas le député de Maisonneuve qui est nerveux, M. le Président; c'est le leader du gouvernement. D'ailleurs, depuis quelques jours, nous nous en rendons compte. M. le Président, ce dont nous discutons, c'est justement de l'inexactitude de ce rapport.

M. TETLEY : Vous étiez absent.

M. BURNS: Je n'étais pas absent. J'y étais presque tout le temps.

M. TETLEY: Donc, vous étiez présent Absent ou présent, c'est zéro.

M. BURNS: M. le Président, c'est bien la logique que nous connaissons très bien ou l'absence de logique du ministre des Institutions financières. De toute façon je ne veux pas entrer dans un débat là-dessus. Nous étudierons son cas en temps et lieu, parce que c'est un cas.

Sur la question de règlement. Nous discutons du rapport de la commission; donc, nous discutons de l'inexactitude de ce rapport. Ce que le député de Saint-Jacques était à vous dire, c'est jusqu'à quel point ce rapport est inexact, surtout du fait que les deux articles, 586 et 587, n'ont pas été discutés et que ceci n'apparaît pas au rapport.

Alors, je ne vois pas comment le député de Saint-Jacques ne pourrait pas discuter de ça.

M. LE PRESIDENT: Depuis que nous discutons de cette motion, j'ai permis une certaine latitude, étant donné que l'on a invoqué l'exactitude ou l'inexactitude du rapport.

Par contre, même si cette latitude existe, je peux difficilement permettre à un député d'aller au fond, au principe du bill, du fait que ce débat a eu lieu en deuxième lecture. C'est encore plus limité que ça; je peux difficilement permettre d'aller au fond de chacun des articles parce que nous aurons une autre occasion pour le faire, du moins normalement, si la Chambre le désire, lors de la formation du comité plénier. Il y aura une troisième étape où il y aura une discussion encore plus large si la Chambre le décide, c'est la troisième lecture.

J'ai permis une certaine latitude au sujet de l'inexactitude ou des irrégularités que contient le rapport. Même si j'ai permis, jusqu'ici, à tous les députés d'en parler, j'ai de forts doutes si je peux le permettre à ce stade-ci. Il y avait, peut-être, d'autres stades pour le faire. Peut-être que j'aurais eu l'occasion, si le député avait fait sa motion, de rendre une décision, mais ça ne m'a pas été demandé.

M. BURNS: M. le Président, si on continue à nous empêcher de parler, nous en ferons peut-être une motion, à ce moment-là.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Comme je prévoyais ce débat, je me suis permis d'étudier cette question à fond depuis une journée ou deux, à travers l'étude du bill 48. La même latitude que j'ai accordée au ministre de l'Education, au député de Bagot et au député de Richmond, je suis prêt à l'accorder au député de Saint-Jacques, mais, quand même, avec certaines limites. Il ne faudrait pas que nous ayons un débat de fond sur le principe ou sur tous les articles du bill.

M. CHARRON: M. le Président, nous avons à nous prononcer sur un rapport. On vous l'a décrit de part et d'autre. Même le rapport du président de la commission, le libellé que nous avons adopté, fait état du travail d'une commission de l'Education. Moi, je vous dis: Dans ce rapport-là, sur lequel j'aurai à me prononcer tout à l'heure par mon vote, il y a des choses peu coutumières. Ce n'est pas ma faute, j'ai tout fait, en commission, pour que le rapport soit coutumier. Il ne l'est pas et c'est exactement pourquoi je vais voter contre.

Je vais voter contre parce que je vous ai décrit tout à l'heure — je ne reviendrai pas là-dessus — comment on l'a rendu irrégulier en excluant deux articles de notre étude par une manoeuvre du gouvernement. Je vous dis aussi pourquoi il est irrégulier.

M. LE PRESIDENT: Je voudrais faire une remarque immédiatement sur ce point. L'économie de notre règlement dit que le président de la Chambre n'est pas censé connaître les travaux qui se passent en commission.

M. CHARRON: C'est pour ça que je vous l'explique.

M. LE PRESIDENT: Laissez-moi finir. L'économie de notre règlement couvre cela. Si le président de la commission avait jugé à propos de demander des directives au président de la Chambre, alors, je les aurais données les directives...

M. BURNS: Nous les avons demandées...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je n'ai pas à juger des actes du président de la commission. Ce n'est pas mon rôle. Par contre, tout le monde m'a dit, dans les discours, même si je ne suis pas censé connaître ce qui s'est passé là, qu'il y a eu une décision d'un président d'une commission. Je n'ai aucune juridiction sur cette décision. Je n'en ai aucune. Je n'ai pas le droit de la renverser. La coutume, l'usage a bien établi que la commission est maîtresse de ses travaux.

Ce sont peut-être des éléments de l'étude et c'est pour ça que, encore là, il faut que cela soit limité. Je me pose la question à savoir si vous avez le droit de parler de cela en Chambre, parce que c'est déjà prévu dans les règlements.

M. CHARRON: Tout le monde en a parlé...

M. LE PRESIDENT: Je vous donne cette latitude mais il ne faudrait pas que votre discours soit limité à cela.

M. BURNS: M. le Président, simplement pour éclaicir un point du règlement. Nous vous avons informé de la situation, mais, en fait, quand nous vous avons informé, c'était surtout la Chambre, par votre entremise, que nous voulions informer. Ce que le député de Saint-Jacques tente d'expliquer par cette discussion, c'est jusqu'à quel point ce rapport est inexact. Au fond, il ne peut pas vous expliquer que ce rapport est inexact sans se référer je ne dis pas au fond mais à l'existence du problème concernant les articles 586 et 587.

Maintenant, le député de Saint-Jacques, je pense, a au moins la latitude d'interpréter la raison pour laquelle le ministre de l'Education a fait cette motion. Maintenant tout le monde le sait, je pense que tous les opinants jusqu'à maintenant ont fait référence à cette motion, alors, je pense que s'il parle des articles 586, 587, il reste quand même dans l'ordre. Il ne touche pas au fond, parce qu'il ne se prononce pas nécessairement sur la valeur des articles en question.

M. LE PRESIDENT: D'accord.

M. LEVESQUE: M. le Président, sur ce point de règlement qui a été permis à l'honorable député de Maisonneuve, on me permettra simplement de rappeler à l'honorable député de Maisonneuve qu'il a eu toute la latitude, lui et ses collègues... Pardon?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Faites-en une, une motion.

M. LEVESQUE: Ah! c'est le député de Sainte-Marie qui lève le doigt et c'est lui qui donne les instructions...

M. LESSARD: On va en faire une, une motion, vous allez voir.

M. LEVESQUE: ... au whip en chef ou au leader adjoint...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! UNE VOIX: Des menaces...

M. LEVESQUE: Des menaces, des représailles, etc.. motions. On dit à un moment donné qu'on ne fait pas de motion et on en fait une, simplement...

M. CHARRON: On va en faire une. Vous allez en parler. Vous ne voulez pas parler du bill 63. Vous allez en parler. Vous allez en parler.

M. LEVESQUE: Est-ce que c'est le fait...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs !

M. LEVESQUE: Est-ce que c'est le fait que j'exerce un droit très démocratique et que je demande la parole sur un point de règlement qui a suscité tellement d'opposition et cette nouvelle attitude extrêmement nerveuse, provocante ou provocatrice de la part de nos amis d'en face? M. le Président, je reviens au point de règlement...

UNE VOIX: Un droit de bâillon.

M. BURNS: Attendez, vous allez l'avoir.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! J'inviterais le leader du gouvernement... A l'ordre! ... à ne pas faire un débat sur cette motion. Il n'a pas la parole actuellement. C'est le député de Saint-Jacques...

M. CHARRON: Très bien.

M. LE PRESIDENT: Vous avez invoqué le règlement, j'aimerais que vous établissiez votre point de règlement.

M. LEVESQUE: M. le Président, parce que vous avez donné la même occasion au député de Maisonneuve je crois que j'ai le droit d'avoir la même occasion que lui de donner des explications que, lui, a voulu fournir sur l'attitude prise par l'un des députés du Parti québécois lorsqu'il a discuté sur le fond de la question. Alors, le député de Maisonneuve dit, pour justifier cette attitude du député de Saint-Jacques: Il fallait bien qu'il parle un peu de ce qui s'est passé à la commission afin de pouvoir justifier ou non la réception de ce rapport.

Alors, M. le Président, je tiens simplement, sur ce même point, à demander ce que faisait le député de Maisonneuve, parce que lui-même a eu la même occasion que les autres membres de la commission parlementaire. S'il avait participé au débat comme l'a fait le député de Bagot, il aurait pu...

M. BURNS: M. le Président, question de privilège.

M. LEVESQUE: J'ai le droit de parole. M. BURNS: Question de privilège. M. CHARRON: Question de privilège.

M. LEVESQUE: Est-ce qu'on va m'arrêter dans un point de règlement?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: Une question de privilège, M. le Président.

M. LESSARD: ... question de privilège.

M. CHARRON: Assoyez-vous.

M. LE PRESIDENT: Le privilège a priorité.

M. LESSARD: Cela se comprend ça!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: Les règlements...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. LESSARD: ... cela s'applique.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! Je viens d'accorder la parole au député de Maisonneuve...

M. LESSARD: Qu'il s'assoie.

M. LE PRESIDENT: ... laissez-le parler.

M. BURNS: M. le Président, une question de privilège que je soulève immédiatement. Ce que le leader du gouvernement vient de dire est absolument faux et il est mal placé pour l'affirmer parce que, lui, n'y était pas à la commission alors que moi, j'y étais. C'est cela que je veux vous dire, M. le Président. On n'a qu'à regarder le journal des Débats qui rapporte cette commission, nous pourrions en soutirer de grands extraits et vous allez vous apercevoir qu'on m'a même fait le reproche, à un moment donné, d'être intervenu parce que je n'étais pas membre de cette commission. Alors si le leader veut être véritablement franc, il pourra au moins s'informer auprès de ses collègues pour savoir si j'étais là ou non.

M. LE PRESIDENT: Bon, bon. M. LEVESQUE: M. le Président... M. BURNS: J'affirme que j'étais là.

M. LE PRESIDENT: D'accord, la question de privilège est établie, la question de règlement.

M. LEVESQUE: M. le Président, j'ai moi-même, avant de revenir à la question de règlement, une question de privilège. Il est bien compréhensible que le député de Maisonneuve ait pensé que je n'étais pas là parce que lorsque j'y étais, il avait décidé de ne plus y être. Ceux qui veulent consulter le journal des Débats,...

M. BURNS: J'invoque le règlement, M. le Président.

M. LEVESQUE: ... verront que je suis intervenu.

M. BURNS: J'invoque le règlement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas exact. Le député de Maisonneuve était encore là à ce moment-là.

M. LEVESQUE: Alors, il ne s'en rappelle pas. Pourquoi dit-il qu'il est faux?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah!

M. BURNS: M. le Président...

M. LEVESQUE: M. le Président, pourquoi...

M. BURNS: M. le Président,..,

M. LEVESQUE: ... dit-il que je n'étais pas là...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE: ... que je ne suis pas intervenu?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Je pense bien que les privilèges des membres ne sont pas attaqués à ce point-là. Est-ce que je pourrais remettre la parole au député de Saint-Jacques?

M. LEVESQUE: Non, M. le Président, je n'ai pas encore établi mon point de règlement. Je demande le même droit que le député de Maisonneuve.

M. LE PRESIDENT: Faite-le! A l'ordre, s'il vous plaît! Une question de règlement.

M. LEVESQUE: M. le Président, je dirai au député de Maisonneuve que j'étais présent, d'abord, à la commission parlementaire. Je suis intervenu.

M. CHARRON: En parlant...

M. LEVESQUE: J'ai même demandé la collaboration de tous les partis et le député de Saint-Jacques, qui intervient présentement illégalement, le sait. Il était-là, lui. J'ai demandé la collaboration de tous les membres de la commission parlementaire, en commission parlementaire.

M. le Président, je disais simplement, sur mon point de règlement, ceci: C'est qu'on n'a pas le droit de prétendre et de dire qu'il faut que le député de Saint-Jacques établisse tel ou tel fait pour prouver la réception ou non de ce rapport. On n'a pas le droit de dire qu'on n'a pas eu l'occasion de le faire, de discuter des deux articles, parce que ces deux articles ont été, du consentement de la majorité de la commission parlementaire, référés comme les articles du règlement nous permettent de le faire, à la commission parlementaire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sur ce rappel au règlement, M. le Président, puis-je vous demander, respectueusement, des directives? Puisque j'aurai moi-même à prendre la parole, je voudrais savoir dans quel corridor nous pourrons nous tenir. Je comprends que la voie soit glissante et que nous devons prendre des précautions. Mais nous vivons dans un pays, contrairement à ce qui se passe dans un pays étranger, où les pneus à crampons sont encore permis.

Alors, je voudrais vous demander ceci: Nous avons devant nous une proposition. On l'appelle ici, dans le jargon, une motion qui demande qu'on agrée un rapport, le rapport d'une commission parlementaire. Est-ce qu'il nous sera permis d'expliquer pour quelles raisons nous acceptons ou nous refusons ledit rapport? Est-ce qu'il nous sera permis de faire brièvement une chronologie des événements qui se sont passés? Et est-ce qu'il nous sera permis, M. le Président, de faire quelques commentaires brefs, sereins sur l'attitude de ceux qui ont participé au débat...

M. CHARRON: Voilà.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... et qui, à un moment ou à un autre, ont décidé de participer aux travaux de la commission ou de se retirer de la commission?

C'est ce que je voudrais savoir de vous, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: J'accorderai à tous les députés qui prendront part à ce débat la même latitude que j'ai accordée premièrement au député de Maisonneuve, au ministre de l'Education, au député de Bagot, et que je consens au député de Saint-Jacques et qu'auront les autres membres qui prendront la parole.

Ce que j'ai dit tout à l'heure, je le répète en peu de mots. J'accepte de faire une chronologie pour expliquer pourquoi on est pour ou contre le rapport. J'accepte qu'on traite de ce qui s'est passé en commission sans aller au fond du projet de loi no 28, principe ou articles.

M. CHARRON: M. le Président, jusqu'à ce qu'il y ait une mouche qui pique le leader du gouvernement, je m'étais tenu dans ce corridor. Je vous disais tout simplement que vous recevez un rapport peu coutumier et je vous expliquais pourquoi.

C'est au moment où le Parti québécois avait annoncé publiquement que sur certains articles que ne contient pas le rapport que nous avons à accepter ou non ce soir, parce qu'un amendement était annoncé, M. le Président, qu'on a immédiatement retiré de la discussion ces amendements. C'est pourquoi nous avons ce type de rapport ce soir. Et c'est pourquoi le Parti québécois aurait voté contre s'il n'avait pas été forcé de présenter la motion que je présenterai à la fin de mon intervention, mais si nous avions dû continuer dans l'annonce que le député de Maisonneuve vous avait faite ce matin, en vous expliquant, M. le Président, que nous aurions bien des raisons de faire une motion pour retourner en commission et compléter notre mandat qui était d'étudier tous les articles du bill.

M. le Président, pour éviter du temps à cette Chambre, pour éviter un débat fastidieux et un débat où la stérilité partisane finira pas noyer toute discussion sereine autour d'un problème aussi important que cela, nous avions décidé, jusqu'à il y a quelques instants, de ne pas faire de motion. Mon intervention sur la motion présentement en discussion eût été, pour nous, la dernière, et nous aurions pu procéder, dans dix minutes, à l'étude du discours du budget et au comité plénier, article par article, du projet de loi no 28 et surtout aussi de l'importante loi 64 du syndicalisme agricole et terminer toujours.

Mais l'espèce de maladie nerveuse qui a pris le gouvernement, M. le Président, depuis que nous avons annoncé notre intention de propo-

ser cet amendement, et je n'ai eu qu'à vous dire octore 1969 — je n'avais rien dit d'autre — je n'ai eu qu'à dire que le Parti québécois, par un amendement, voulait remplir une promesse d'octobre 1969 que la mouche a piqué le député de Bonaventure car il sait ce que cela veut dire, octobre 1969. Il sait de quel côté il a voté, à ce moment-là, et il sait aussi que, la semaine prochaine, il sera obligé de voter à nouveau sur cette même question.

Je ne m'étais pas éloigné du corridor plus que cela, M. le Président, et ce n'est pas à coup de virgules, de parenthèses, de privilèges et de tout ce que vous voudrez qu'on m'en fera m'en éloigner. Il y a un rapport sur lequel j'ai à me prononcer ce soir. Je vous préviens que je terminerai mon intervention par une motion demandant de retourner en commission et mes collègues de l'Unité-Québec et du Ralliement créditiste aussi, s'ils le veulent bien, participeront à ce débat.

M. TETLEY : Des menaces!

M. CHARRON: Mais nous retournerons en commission, M. le Président, si...

M. TETLEY : Ce sont des menaces!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs

M. CHARRON: ... ma motion est acceptée à la fin, parce que je considère que le rapport qui est devant vous est absolument incomplet.

Il peut arriver, M. le Président, que certains articles n'aient pas été étudiés. Mais je vous décrivais, sans les nommer puisque cela fatigue le leader du gouvernement au premier signe, que les deux articles étaient le corps de la loi. C'est exactement pourquoi, dans la chronologie que vous faisait le député de Bagot, à un moment, les collègues du Ralliement créditiste et ceux du Parti québécois ont dit: Il est inutile de continuer à travailler sur ce rapport, parce que le corps de la loi avait été retiré.

Nous avons donc demandé immédiatement au gouvernement, pour ne pas allonger les débats et pour ne pas non plus faire perdre le temps de qui que ce soit, même si c'était en commission, Allons donc à la suggestion première du député de Saint-Jacques, le soir du 6 décembre, et procédons au comité plénier immédiatement. Le gouvernement s'est enfoncé immédiatement dans sa politique...

M. LEVESQUE: Le député de Saint-Jacques me permet-il une question?

M. CHARRON: Non. Le gouvernement...

M. LEVESQUE : Elle serait peut-être embêtante pour le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Non. A l'ordre, M. le Président. Je n'ai pas permis la question.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE : Lui-même veut retourner en commission parlementaire...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. CHARRON: M. le Président, nous avions l'intention de vous faire ces quelques remarques.

M. TETLEY: Cela fait une demi-heure que vous parlez.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHARRON: Comme l'a fait brillamment mon collègue de Maisonneuve, ce matin, nous voulions vous dire que nous aurions toutes sortes de raisons au monde pour ne pas accepter le rapport. Mais, parce que nous voulons en discuter et parce que ce n'est pas par n'importe quel moyen retors que la majorité gouvernementale va échapper à son devoir de se prononcer une fois de plus sur une loi précédemment votée, mais qui revient sous forme d'amendement du Parti québécois...

J'aimerais vous dire aussi que je regrette de devoir vous la présenter, car, ce soir, je voulais présenter, dans mon intervention brève, un défi à la majorité gouvernementale, à travers Votre Excellence, M. le Président. Je voulais leur signaler, comme l'avait fait le député de Maisonneuve, que nous pourrions appeler une motion longue et fastidieuse à laquelle tout le monde devrait participer pour retourner en commission parlementaire de l'Education. Ce que je voulais dire, c'était: Même si ce rapport est incomplet, même s'il a été marqué d'irrégularités partisanes, politiques, même s'il a connu des accrocs à notre règlement, que votre vigilance, M. le Président, aurait sans doute relevés au premier abord, malgré ça, parce que nous voulons aller en comité plénier immédiatement, nous nous refusons à présenter une motion. Acceptons le rapport immédiatement et procédons au discours du budget.

Ce n'est pas un mensonge que je vous fais là; ce sont les propos mêmes du député de Maisonneuve, ce matin. Mais la nervosité gouvernementale, leur espèce de crainte maladive d'avoir à revenir et à voter, encore une fois, l'affront d'où ils étaient sortis un peu comme Ponce Pilate, si vous vous le rappelez bien, en 1969, en disant: Ce n'était pas nous, nous n'étions pas complètement là... Les trois astronautes à la chefferie avaient fait de courtes apparitions, vous vous le rappelez.

M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce que, présentement, le député de Saint-Jacques est dans l'ordre?

M. LE PRESIDENT: Il y revient.

M. CHARRON: Je reviens immédiatement dans le corridor que j'ai à peine quitté.

M. TETLEY: Vous allez regretter votre "filibuster."

M. LE PRESIDENT: A l'ordre.

M. PAUL: M. le Président, je me demande si nous ne pourrions pas procéder logiquement, avec calme, sans nous invectiver de bêtises et sans prêter d'intentions, comme vient de le faire le ministre des Institutions financières.

L'honorable député de Saint-Jacques à qui vous avez donné la parole a le droit de s'exprimer, que ça fasse l'affaire des ministériels, que ça fasse notre affaire à nous de l'Unité-Québec, que ça plaise ou non aux députés du Ralliement créditiste. C'est un droit qui appartient au député de Saint-Jacques, comme à tout autre député dans cette Chambre et j'espère que, ce soir, on va essayer de finir la semaine en observant le plus scrupuleusement possible le règlement. C'est peut-être de cette seule façon que nous allons progresser.

Motion de renvoi en commission

M. CHARRON: Parce que le rapport que nous avons devant nous a été marqué d'une manoeuvre politique partisane pour éviter un débat de fond; parce que le rapport que nous avons devant nous manque de respect au mandat que cette Assemblée lui avait confié; parce que le rapport que nous avons devant nous a évité la discussion sur le fond même du projet de loi; parce que le rapport que nous avons devant nous est, en fin de compte, un anachronisme dans nos travaux parlementaires; parce que le rapport que nous avons devant nous n'aurait jamais dû venir si on avait suivi la suggestion du Parti québécois le 6 décembre dernier et procédé immédiatement au comité plénier; parce que le rapport que nous avons devant nous a été marqué d'accrocs à notre règlement, qu'il me soit donc permis, M. le Président, de faire la motion suivante, appuyé par le député de Bourget: "Que la motion en discussion soit amendée en remplaçant tous les mots qui suivent le mot "que" par les mots suivants — c'est à regret que je fais la motion, mais nous allons vider, une fois pour toutes le problème du bill 63. "que le troisième rapport de la commission de l'Education soit retourné devant cette commission avec instruction d'étudier à la suite tous les articles et paragraphes des articles du projet de loi 28".

M. LE PRESIDENT: Avec le consentement de la Chambre, est-ce qu'on pourrait suspendre la séance durant cinq minutes. Cela nous donnerait l'occasion de griller une cigarette. Suspension pour cinq minutes.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! M. BURNS: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Vous désirez parler sur la recevabilité.

M. BURNS: Bien, M. le Président, je ne sais pas. On a tout simplement proposé la motion et vous avez demandé la suspension. Peut-être vous serait-il bon d'accepter la règle de audi alteram partem, c'est-à-dire — pour ceux qui ne comprennent pas — d'entendre l'autre partie.

M. LE PRESIDENT: Oui, allez!

M. BURNS: Alors, M. le Président, la motion quant à la recevabilité se fonde sur l'article 458, paragraphe 2, en particulier, qui se lit comme suit: "les rapports d'un comité spécial — et encore une fois, M. le Président, pour vous qui connaissez la procédure, je n'ai pas besoin de vous dire que ça s'applique aux commissions permanentes — peuvent, avant d'être adoptés, être renvoyés, en tout ou en partie, avec ou sans instructions, au même comité ou à un autre comité".

En l'occurence, la motion d'amendement est faite de renvoi à la même commission et non pas à une autre commission. Egalement, cette motion s'inspire de la philosophie édictée de l'économie qui apparaît aux articles 206 à 210 concernant le renvoi, sauf que — et j'insiste en particulier sur l'article 207 — "Le renvoi à un comité ne peut être proposé, par motion secondaire, que sur une motion principale ou sur quelque amendement à une motion principale".

En l'occurence, nous sommes sur un amendement à une motion principale. Le problème de l'avis aurait pu se présenter si nous avions tenté de faire de cela une motion principale. Et revenant à l'article 458, paragraphe 2, je pense qu'il est clair, ressortant de l'ensemble de la lecture des articles 206 à 210, que l'article 458 ne s'applique sûrement pas au genre de motion de renvoi qui devrait être faite avec avis, au cas où dans votre esprit, M. le Président, ce serait l'objection que vous voudriez opposer à cela.

Je pense que la motion est parfaitement recevable, c'est une motion secondaire qui se greffe à la motion principale, qui n'a pas besoin d'être annoncée, c'est une motion également de renvoi à un comité, lequel comité nous fait rapport, ce qui est clairement l'objet de l'article 458, paragraphe 2.

Motion rejetée par M. le Président

M. LE PRESIDENT: J'ai écouté l'argumentation du député de Maisonneuve. Je pense bien qu'il faut faire un peu la chronologie. Il y a quelques jours, après la deuxième lecture du projet de loi no 28, il y a eu motion en vue de

déférer ce projet de loi pour étude à la commission parlementaire de l'Education. Cette commission a siégé, à fait rapport, le rapport a été lu il y a deux ou trois jours, a été inscrit au feuilleton pour étude, c'est l'ordre du jour qui a été appelé actuellement.

Le député du Lac-Saint-Jean m'avait consulté pour me demander quelle était la formulation de l'ordre du jour ou de sa motion. Je lui ai proposé de faire motion afin que ce rapport soit reçu; c'est sa motion. Déjà, j'ai fait une différence entre une motion pour réception d'un rapport ou adoption d'un rapport et je vous dis immédiatement pourquoi.

En vertu de l'article 458, il est fait mention de rapports qui contiennent des instructions, des recommandations. Le présent rapport ne contient aucune recommandation ou résolution du comité. Déjà, il y a une note sous l'article 458 qui dit: Note 3: "Quand un rapport ne contient pas de résolution ou de recommandation, il ne peut être proposé de l'adopter". En somme, c'est la raison pour laquelle la motion du député du Lac-Saint-Jean demande de recevoir le rapport.

On s'entend tous, je crois bien, pour interpréter l'article 562 où il est dit: "quand le bill public qui a été lu une deuxième fois est rapporté d'un comité élu avec quelques amendements ou sans amendement, il se trouve renvoyé à un comité plénier".

J'ai parcouru avec beaucoup d'intérêt, dans May les articles qui touchent ce sujet, et je voudrais, entre autres mentionner la page 485. Je suis d'accord avec le député de Maisonneuve que lorsqu'on veut faire modifier un rapport, il faut faire revivre le comité. Je voudrais lire un passage dans ce traité de lois parlementaires: "If it be expedient the Commons appoint the consideration of the report of a select Committee for a future day by a motion made on the presentation of the report". Ce qui n'a pas été fait à ce moment-là. Il aurait pu y avoir une motion d'un député demandant que le rapport soit considéré un tel jour; au lieu de ça, il est tombé comme ordre du jour, le lendemain.

Maintenant, "the report of a committee presented during..." Non, cela n'est pas trop important. "On the consideration of a report — considération d'un rapport — motion have been made expressing the agreement or the desagreement of the House therewith." Il y a l'interprétation du mot "therewith" qui veut dire "there upon" ou plutôt, immédiatement. En somme, j'inviterais le député de Maisonneuve à parcourir ces articles ou ces commentaires de May qui établissent bien clairement... j'ai la 13e édition, où même dans le passé...

M. BURNS: J'ai la 18e, elle est plus récente.

M. LE PRESIDENT: Elle est plus récente. Mais, il ne faudrait pas oublier une chose. Nos règlements, ceux que nous avons actuellement — ils datent de 1910 et la révision de 1941 — n'ont peut-être pas suivi la révision qui a eu lieu en Angleterre. Et beaucoup de commentaires, dans la 18e, ne s'appliquent pas à nos règlements parce que les nôtres ont été faits à l'époque de la 13e édition. C'est un commentaire pour voir...

M. BURNS: Ils sont encore plus vieillots.

M. LE PRESIDENT: ... la vétusté de nos règlements. L'économie, c'est lorsqu'un rapport ne contient aucune recommandation. Bourinot est de la même opinion. C'est que cela devient une formalité pratiquement plus que secondaire du fait qu'il n'y a aucune recommandation. Il y a eu même des décisions que ces rapports n'étaient même pas soumis à la Chambre. Il y a eu des décisions à cet effet du fait qu'il n'y avait aucune recommandation.

Je mentionne Bourinot ici, à la page 554. On fait une différence justement à cette page, entre: "concurrence in report and adoption of report". C'est là où on peut faire la différence où un rapport qui contient des recommandations doit être adopté alors qu'un rapport qui n'a aucune recommandation doit être "concurred", "agreed", qui est beaucoup moins fort que "adoption". Je lis ces quelques lignes: "It is the practice to move concurrence in the reports of committees in certain cases, certain only. For instance, the reports on printing are invariably agreed as they contain recommendations for the printing and distribution of documents which must be duly authorized by the House. Also, reports containing certain opinions or resolutions are frequently concurred in a motion, but, when the report does not contain any resolution or other propositions for the consideration of the House, it does not appear that any further proceeding which reference to it as a report are necessary."

On dit même ici que s'il n'y a pas de recommandation, il n'y a même pas d'autre procédure nécessaire à la Chambre.

M. LEVESQUE: Alors?

M. LE PRESIDENT: J'arrive, messieurs. Page 556 de Bourinot, également. "Sometimes, however, when one of these committees has made a special recommendation requiring the authority of the House to give it effect, the concurrence of the House will be formally asked and given."

J'avais donc certains doutes. Je me demandais même si je devais permettre le débat sur la recevabilité, parce qu'il y a des auteurs qui disent que, dès qu'il est lu, on passe immédiatement au comité plénier. Je vais continuer, je n'ai pas fini.

M. BURNS: On a un article, M. le Président, qui dit le contraire.

M. LE PRESIDENT: Justement, je n'ai pas terminé.

M. BURNS: Ah!

M. LE PRESIDENT: On ne s'entend sans doute pas sur le moment où on peut de nouveau retourner à la commission parlementaire. En vertu de la note 2 de l'article 458 — c'est l'article que le député de Maisonneuve m'a mentionné — "Dès qu'un rapport est lu, on peut proposer de le renvoyer à un comité. Aucun avis n'est nécessaire." Encore, à l'article 458, deuxième paragraphe, que le député de Maisonneuve m'a mentionné: "Les rapports d'un comité spécial peuvent, avant d'être adoptés, être renvoyés...". Je dis que ce rapport, qui ne comportait aucune recommandation, n'a pas besoin d'être adopté. Il n'a besoin que d'être reçu.

C'est pour cela que je mentionnais que j'accordais une certaine latitude aux députés qui prenaient la parole de discuter sur ce qui s'était passé, mais j'avais même des doutes sur cela, parce que c'est un rapport qui ne contient aucune recommandation.

C'est évident que c'est pour cette raison que je ne peux pas accepter la motion. Je suis bien libre et j'ai l'esprit bien clair sur cela, du fait que, par cette décision, je ne brime aucun député en cette Chambre. Cette commission, qui a siégé et qui n'a fait aucune recommandation à la Chambre, était limitée à quelques membres. Le projet de loi no 28, d'après le règlement, est déféré maintenant au comité plénier de la Chambre, où il n'y a aucune limite, où tous les députés pourront le discuter, article par article. En somme, personne n'est frustré de son droit de parole, de son opinion et c'est l'économie générale de notre droit parlementaire.

M. BURNS: Alors, nous pouvons continuer le débat sur la motion principale.

M. LE PRESIDENT: Ecoutez, je le permettrais à certains député, puisque je l'ai permis jusqu'à présent. Je ne voudrais pas priver les autres de ce droit, mais je voudrais qu'ils se limitent au débat. Cependant, je me demande foncièrement à quoi cela va servir. Ce débat est même superflu, à mon point de vue, en vertu de l'économie du droit parlementaire qui nous guide.

M. LEVESQUE: Adopté?

M. BURNS: Non.

M. LEGER: Un instant, M. le Président.

M. LEVESQUE: Reçu?

M. BURNS: Non, non, non.

M. LEGER: Un instant.

M. LEVESQUE: M. le Président, sur un point de règlement. Est-ce que j'ai bien compris votre décision? Avant que vous rendiez votre décision, il y avait eu quelques interventions. A la suite de votre décision, basée sur les auteurs, sur nos règlements, enfin, sur toute la jurisprudence qui, sans doute, supporte ces autorités, est-ce que j'ai bien compris que, dans un cas comme celui-là, il n'y a pas de débat et que la réception est pratiquement automatique?

M. LE PRESIDENT: Messieurs, j'ai déclaré, avant de rendre ma décision, que j'accorderais une certaine latitude. Je l'ai accordée à certains députés et je serais malvenu de mettre fin au débat.

Je demanderais qu'on discute de ce qui s'est passé en suivant le même corridor, comme dirait le député de Chicoutimi, que les autres députés.

M. BURNS: M. le Président, je m'excuse, mais je devrai vous demander une directive à ce moment-ci.

M. le Président, comment est-il possible à des députés qui sont en désaccord avec le rapport de la commission de le manifester, sinon ou bien en renvoyant le rapport en commission, ou bien en faisant une motion d'amendement demandant d'ajouter à la motion que la Chambre exprime son désaccord avec le rapport, auquel cas je reviens à une question d'amendement? Comment, autrement, un député peut-il manifester son désaccord, sinon en posant l'un ou l'autre de ces deux gestes?

M. LE PRESIDENT: Il peut exprimer son désaccord en votant contre la recevabilité de la motion.

M. LEVESQUE: C'est cela.

M. LE PRESIDENT: Et même, la motion telle qu'elle est rédigée ne dit pas pourquoi... Je vais vous la lire. Je l'ai peut-être même un peu corrigée parce que vous n'invoquez pas même que le rapport est inexact ou irrégulier. Vous dites uniquement: "Que la motion en discussion soit amendée en remplaçant tous les mots qui suivent le mot "que" par les mots suivants: "Le troisième rapport de la commission de l'Education soit retourné devant cette commission avec instructions d'étudier, à la suite, tous les articles du projet de loi no 28".

M. BURNS: Pas besoin, M. le Président, d'invoquer l'inexactitude du rapport.

M. LE PRESIDENT: Peut-être. D'ailleurs, je ne l'ai pas refusé.

M. BURNS: Comme vous l'avez admis, c'est la seule façon de corriger ce rapport, sinon en retournant...

M. LE PRESIDENT: Le grand principe de

droit parlementaire, c'est que personne n'est frustré, personne n'est brimé. Aucun droit de parole...

M. BURNS: Moi, je me sens frustré, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: D'ailleurs, j'ai permis le droit de parole pour donner vos commentaires, à savoir que vous n'êtes pas satisfait du rapport. Vous pouvez voter contre. Lorsque ce bill sera déféré au comité plénier qui est composé des 108 députés de la Chambre, sauf un, 107, cela vous donne une occasion absolue. C'est l'économie de notre droit parlementaire.

M. BURNS: Nous nous soumettons, M. le Président, à regret.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je ne sais pas si cela pourrait éclairer la Chambre si celui qui a proposé la motion qui voulait nous envoyer en commission, pouvait nous expliquer... C'est le député de Saint-Jacques, mais il est absent.

M. BURNS: M. le Président, sur une question de privilège.

M. le Président, je soulève une question de privilège pour ce qui vient d'être dit, d'une part, et pour ce qui a été dit en Chambre en votre absence, malheureusement.

UNE VOIX: La Chambre ne siégeait pas.

M. BURNS: Pour ce qui a été dit en votre absence, M. le Président, et je peux soulever...

M. LEVESQUE: Est-ce que la Chambre siégeait?

M. BURNS: La masse était là, M. le Président.

M. LEVESQUE: Est-ce que la Chambre siégeait, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Les travaux étaient suspendus.

M. BURNS: Pour ce qui est de la masse, je dirai: d'accord. Il n'y a pas de problème.

M. LE PRESIDENT: J'ai peut-être la même opinion que vous surtout en ce qui concerne la masse.

M. BURNS: M. le Président, d'accord, oublions la deuxième partie.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oublions la masse.

M. BURNS: Est-ce que, si on souligne l'absence du député de Saint-Jacques, on voudrait aussi souligner l'absence des députés d'Outremont, de Louis Hébert, de Marguerite-Bourgeoys...?

M. SAINT-PIERRE: Us n'ont pas proposé de motions eux.

M. BURNS: ... de Rimouski, le premier ministre...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE: Le premier ministre est ici.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous remercie, M. le Président d'une décision que vous avez rendue et qui nous indique bien que, contrairement à la suggestion qui vous en avait été faite, vous n'entendez pas appliquer la règle de deux poids, deux mesures.

M. LE PRESIDENT: Pardon?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai dit, M. le Président, que contrairement à la suggestion qui vous avait été faite de façon subtile par le leader parlementaire du gouvernement, pour le nommer, vous n'avez pas l'intention d'appliquer la règle de deux poids, deux mesures et que vous vous conduisez toujours avec la plus grande objectivité.

Ce que j'ai à dire, concernant ce rapport, ou l'obligation dans laquelle nous nous trouvons de l'accepter ou de le rejeter, se fonde sur certains faits que mon collègue, le député de Bagot, a rappelés tout à l'heure et qui ont été rappelés aussi par les autres députés qui l'avaient précédé, de même que par le ministre de l'Education.

Toute cette histoire a commencé le jour où mon excellent ami, le ministre de l'Industrie et du Commerce, et député de Bonaventure, nous a demandé, afin d'accélérer les travaux de cette Chambre, d'étudier en commission le projet de loi no 28. Il a été, dès ce moment-là, averti par un député de cette Chambre que le travail en commission ne servirait à rien puisqu'il nous faudrait le reprendre ici.

En dépit de tout cela, nous sommes allés à la salle 81-A et nous avons commencé l'examen du projet de loi no 28, article par article. Or, au moment d'aborder l'étude des articles 586 et 587, le ministre de l'Education a proposé une résolution nous demandant de surseoir à l'examen de ces deux articles.

Cela ne nous a pas paru régulier. Nous l'avons fait savoir, conformément aux règles qui régissent nos délibérations, la question a été mise aux voix et le gouvernement l'a emporté glorieusement. Des propositions analogues ont été faites par la suite, la question a été mise aux voix à au moins deux reprises et le gouvernement l'a toujours emporté très glorieusement.

C'est à ce moment-là que les porte-parole du Ralliement créditiste et du Parti québécois ont exprimé leur intention de ne pas participer aux travaux de la commission parlementaire. C'était leur droit. Ils ont agi conformément aux principes qui les guident et nous n'avons pas à passer jugement, pas plus moi, que qui que ce soit dans cette Chambre, sur l'attitude qu'ils ont prise.

En ce qui nous concerne, nous, les représentants d'Unité-Québec, le député de Bagot et moi-même avons dit au ministre que nous étions disposés à examiner l'ensemble du projet de loi article par article, nous attachant à certains de ces articles, faisant certaines propositions d'amendement que nous considérions nécessaires et qui ne présumaient pas de notre opinion en ce qui concerne les deux articles dont nous lui avions dit qu'ils étaient litigieux et qu'ils constituaient le contentieux de la loi.

Nous avons donc réservé notre jugement. Nous avons travaillé avec le ministre, ses collaborateurs; ses collègues de la commission. Nous avons réservé d'autres articles et nous avons, finalement, demandé au président de la commission, le député du Lac-Saint-Jean, de faire rapport à la Chambre. C'est ce rapport qui fait l'objet de la proposition que nous discutons actuellement.

M. le Président, pour qu'il n'y ait point d'équivoque d'aucune sorte dans l'esprit des membres de cette Chambre, non plus que dans l'esprit de ceux qui sont chargés d'informer le public, nous tenons à dire que nous avons dit et répété au gouvernement qu'il ne pourrait pas esquiver un débat sur les questions fondamentales de la langue et de la religion. Nous avons même, à plusieurs reprises — les transcriptions du journal des Débats en font foi — proposé au ministre des formules qui eussent permis à nos autres collègues de poursuivre le travail en commission avec nous. Le gouvernement, par la voix du ministre de l'Education, n'a pas accepté nos suggestions.

C'est pourquoi, M. le Président, pour que tout soit bien clair, nous entendons dire ici publiquement que nous avons l'intention formelle de nous associer à tous ceux qui veulent discuter en long et en large, avec calme, sérénité, objectivité et conformément à nos règlements, les problèmes fondamentaux de la langue et de la religion qui se rattachent aux articles que j'ai évoqués tout à l'heure, M. le Président, et dont je n'ai pas le droit de parler.

Le travail que nous avons accompli en commission, en collaboration avec le gouvernement, il faut le considérer dans son optique véritable. C'était un geste de collaboration, un geste de courtoisie et, en même temps, un geste dont l'objectif était d'essayer d'obtenir, au cours de l'examen des articles que nous avons analysés, du ministre des indices ou, tout au moins, M. le Président, des indications sur la possibilité de tirer du gouvernement des indices relatifs aux amendements dont le ministre nous avait parlé et qu'il nous avait promis de déposer. Nous n'avons rien su, rien appris; nous n'avons rien obtenu. Par conséquent, M. le Président, nous sommes bien libres de reprendre ce débat article par article, comme les règlements le permettent.

Quant à ce rapport, M. le Président, est-ce que nous devons l'adopter ou le rejeter? A mon sens, cela n'a aucune sorte d'importance, puisque, de toute façon, nous allons devoir revenir ici et étudier en comité plénier la loi 28. Quel que soit le contenu de ce rapport, quelles que soient les irrégularités qui pourraient s'y trouver, cela ne change rien à l'obligation dans laquelle nous nous trouvons de devoir réexaminer, article par article, le texte complet du projet de loi, ce qui donne à tous les députés de toutes les formations politiques l'occasion, les occasions et les moyens d'analyser à fond les questions que nous avons dit fondamentales.

Je dois rendre ici témoignage au ministre de l'Education, ce n'est pas flatterie de ma part, le ministre de l'Education me connaît, ce n'est pas parce qu'il a un beau costume aujourd'hui que je veux le flatter, je dois quand même rendre ce témoignage au ministre qu'il a déclaré lui-même avec force et énergie que son gouvernement n'avait pas l'intention d'esquiver le problème, qu'il n'avait pas l'intention de se défiler...

M. BOURASSA: C'est vrai.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... et ce soir, en donnant... est-ce que je pourrais vous demander une petite directive, est-ce que l'honorable —je n'aime pas ce mot honorable, parce que ça fait vieillot — M. le premier ministre...

M. CARDINAL: C'est japonais.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... pourrait utiliser les moyens qui sont mis à sa disposition lorsqu'il veut intervenir, lorsqu'il veut participer — rarement d'ailleurs, et fort heureusement —à nos débats et de me demander à moi, la permission de m'interrompre?

M. BOURASSA: C'est parce que le président américain vient d'annoncer le rappel de la surtaxe de 10 p.c., une dévaluation de 8 p.c. J'ai un certain problème à suivre avec attention de ce que dit le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous sommes fort heureux que le premier ministre nous transmette...

M. PAUL: Cela donne quoi au juste? M. VINCENT: Cela donne quoi au juste?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... la teneur des propos qu'il vient d'échanger avec celui qui le dirige, c'est-à-dire M. Pierre Elliot Trudeau. Toutefois en ce qui concerne cette décision...

M. LAURIN: Sur une question de règlement, M. le Président, est-ce que je pourrais me permettre de vous interrompre? Etant donné que le premier ministre vient d'interjeter une déclaration ministérielle au milieu de l'exposé du député de Chicoutimi, est-ce que je peux demander une directive au président? Est-ce qu'il nous serait permis, comme à l'habitude à la période des questions, de commenter la déclaration ministérielle du premier ministre?

M. LE PRESIDENT: Si c'est une déclaration ministérielle ou si c'est une déclaration présidentielle du président Nixon où le premier ministre a été l'agent de la United Press, je ne sais pas, mais je n'ai pas vu que ce soit une déclaration ministérielle.

M. LAURIN: Si ce n'est pas une déclaration ministérielle, comment faut-il la qualifier? Est-ce que c'est une déclaration partisane, électoraliste?

M. PINARD: Sur un point du règlement, tout le monde a bien compris que le premier ministre a expliqué pourquoi il n'était pas présent au moment où on discutait l'adoption ou la non-adoption du rapport du président de la commission parlementaire de l'Education. Le premier ministre a dit alors pourquoi il était absent, c'est pourquoi il nous a dit la nouvelle dont nous sommes très heureux.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pense qu'en toute réserve, en toute rigueur de doctrine...

M. BIENVENUE: M. le Président...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... on peut dire que le député...

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous invoquez le règlement ou quoi?

M. BIENVENUE: Non. Je voulais dire qu'on vient d'apprendre également...

M. LE PRESIDENT: Je voudrais bien qu'on termine la soirée le plus agréablement possible. L'honorable député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...

M. BIENVENUE: Je suis sûr que le député de Chicoutimi va me permettre d'annoncer cette nouvelle...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A l'ordre! M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Il n'y a pas de permission.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il n'y a pas de permission. Je dois vous dire — ça je le dis à l'intention du ministre de la Voirie — qu'il était, lorsqu'il s'est levé, sur une mauvaise piste et qu'il ne s'est pas montré un bon ambleur.

M. LE PRESIDENT: Vous vous engagez vous-même... La motion...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Après tous ces détours dans le corridor et me réjouissant, sans connaître toutefois les effets de la déclaration que nous a subrepticement glissée le premier ministre pour rendre service à Pierre-Elliot Trudeau, je dis que cela ne dérange en rien.

Cela ne nous dispense pas de l'obligation que nous avons d'examiner en long et en large le projet de loi no 28 et je tenais à rendre témoignage à un de ses collègues. J'étais à dire que le ministre de l'Education avait eu l'honnêteté de déclarer que son gouvernement n'avait pas l'intention de se défiler et qu'il allait examiner, avec nous, tout ce qu'il est possible de faire pour donner satisfaction à ceux qui demandent que ce projet de loi règle, dans la mesure où cela est possible et dans le délai le plus bref, les problèmes de la langue et de la religion, dans le cadre de la nouvelle structure scolaire de l'île de Montréal.

Ainsi donc, quel que soit le contenu du rapport, quelles qu'en soient les irrégularités, il faut l'accepter ou le rejeter, chacun se prononcera selon ses opinions, pour passer à ce stade de l'étude de la loi 28. Mais si nous acceptons ce rapport, c'est pour que le gouvernement puisse passer le plus tôt possible à ce stade de l'examen du projet de loi no 28 et nous permette de voir dans quelle mesure il va réaliser cette promesse qu'il a faite, pas celle des 100,000 emplois, ne nous trompons pas, de régler le problème de la langue au Québec tel que le premier ministre l'a promis maintes et maintes fois et tel que nous l'avons incité à le faire en lui disant que nous lui proposions, que nous étions disposés, quant à nous, à le suivre s'il voulait rappeler la loi 63 et la loi 64.

M. le Président, je reviens dans le corridor et, ceci étant dit, je déclare quant à moi que je suis prêt à accepter ce rapport, avec toutes ses infirmités s'il y en a, mais je prie le gouvernement, et vous me permettrez, M. le Président, en ce temps de Noël de faire cette prière, nous avons le même prénom, M. le Président, en ce temps de Noël, nous pouvons nous unir dans un grand esprit de foi en un gouvernement qui a sur lui, sur ses épaules, ses frêles épaules, la responsabilité de régler pour la collectivité québécoise le sort de la langue française.

DES VOIX: Vote.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, nous avons sur la table la motion d'un rapport. Doit-il être accepté ou refusé? Voilà la question.

Devons-nous le refuser ou l'accepter? Pour répondre à cette question, il faut savoir d'abord si ce rapport nous apporte les renseignements exacts qu'il y a eus dans cette. commission parlementaire. Ce rapport nous explique-t-il si on a évité le débat de fond? Si ce rapport ne mentionne pas qu'il y a eu une partie importante de ce projet de loi qui a été évitée, alors il faudrait refuser ce rapport et ne pas l'accepter.

Parmi les autres raisons qui nous font choisir l'acceptation...

M. BOURASSA: M. le Président, sur un point de règlement, si le député me permet.

M. LEGER: Est-ce un point de règlement ou si je vous permets?

M. BOURASSA: Un point de règlement...

M. LEGER: C'est parce que je ne vous permets pas, à moins d'un point de règlement.

M. BOURASSA: C'est parce que nous voudrions étudier la question du syndicalisme agricole, il y a assez des chauffeurs de taxis qui ne pourront pas voir leur sort amélioré...

M. LEGER: M. le Président, ce n'est pas une question de règlement.

M. BOURASSA: ... en raison de l'attitude du Parti québécois, nous voudrions aborder...

M. BURNS: M. le Président, les questions de petite politicaillerie ne méritent pas de réponse.

M. LEVESQUE: M. le Président, c'est une invitation, tout simplement, que fait le premier ministre...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE: Le Président a dit que la réception serait presque automatique...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE: ... ne serait pas à des travaux sérieux...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEVESQUE: ... la réception, c'était presque automatique...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! M. LEVESQUE: ... à des travaux sérieux.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît !

M. LEVESQUE: Pourquoi ne pas passer à l'étude du projet de loi du syndicalisme agricole? Immédiatement?

M. BOURASSA: Il y a des cultivateurs qui attendent depuis ce matin dans la tribune.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. BURNS: ... toute petite comme le premier ministre.

M. LEGER: M. le Président, est-ce que j'ai quand même le droit de répondre?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre ! L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, je remercie le ministre, par sa discrétion, de me permettre de lui répondre, parce qu'il m'a fait détourner de mon sujet. Quand il demande si on n'est pas mieux de parler du bill 64. Je suis d'accord. Mais le bill 64, il avait l'occasion de le présenter avant et il ne l'a pas fait.

M. BOURASSA: Le président a dit que c'était un débat superflu. C'est un débat superflu.

M. LEGER: Alors, je ne vois pas pourquoi, sur le sujet dont je parle, on m'arrive avec le projet de loi no 64.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demanderais au député de revenir à la motion qui est devant la Chambre.

M. LEGER: M. le Président,...

M. BURNS: Je m'excuse, M. le Président, mais je soulève encore une fois une question de privilège. Si le premier ministre veut continuer à faire de ses petitesses...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît...

M. BURNS: ... où il a véritablement une très grande habileté, bien, écoutez! qu'on n'exige pas de garder le débat au niveau de la motion...

M. LACROIX: Vous êtes tellement grand, vous à défendre Reggie Chartrand.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: ... parce que, constamment, le député de Lafontaine va être obligé de répondre aux petitesses du premier ministre.

M. BOURASSA: On veut parler d'agriculture...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! La motion

qui est devant la Chambre, actuellement... A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! La motion qui est devant la Chambre est la motion du député du Lac Saint-Jean. Je demanderais votre collaboration. Lorsqu'il y a des orateurs de ma droite qui adressent la parole, je demande à ceux de ma gauche de respecter leur droit de parole. Je demanderais la même collaboration des gens de la droite lorsque ceux de la gauche exercent leur droit de parole.

M. BURNS: M. le Président, vous devriez leur demander à eux d'abord de le respecter. Ce sont eux d'abord. C'est bien de valeur, mais il va falloir qu'ils se rendent compte que dans cette Chambre, il y a des gens de l'Opposition qui ont le droit de parole.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Vous venez d'intervenir vous-même dans le discours du député de Lafontaine. A l'ordre! Je demanderais au premier ministre, s'il vous plaît... A l'ordre! L'honorable député des Iles-de-la-Madeleine, s'il vous plait. A l'ordre! Si la situation se gâte davantage, je suspendrai les travaux.

M. PINARD: C'est très bien ça. Très bien.

M. LEGER: Je fais confiance aux cultivateurs qui vont écouter ce que j'ai à dire pour qu'ils se rendent compte justement jusqu'à quel point la question est importante et qu'il faut la régler.

A cause... Pardon?

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous parlez des cultivateurs?

M. LEGER: Non, mais je fais confiance aux cultivateurs pour écouter le discours que je fais afin qu'ils constatent jusqu'à quel point nous sommes intéressés à protéger autant leurs droits que les droits du projet de loi sur lequel nous discutons actuellement.

Si nous sommes obligés aujourd'hui de nous limiter dans le corridor que nous permet la directive du président de l'Assemblée nationale actuellement et que, malheureusement, nous ne pouvons pas, comme nous l'aimerions, discuter du fond du problème, si cela prend tellement de temps à régler les problèmes de technicité, cela pourrait se raccourcir très rapidement si le gouvernement osait se prononcer sur la question de fond et nous permettre d'en discuter. Mais, si cela prend tant de temps, c'est tortueux, on est prix dans un corridor. On sort du corridor. On entre dans le corridor. C'est tout simplement parce que le gouvernement ne nous permet pas de parler de la question de fond. Cela fait trois occasions qu'il manque de parler...

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement. C'est vous-même, M. le Président... on insulte la présidence et la décision que vous avez rendue. Ce n'est pas du tout le parti ministériel qui empêche de parler du fond du problème. Si on veut parler du fond du problème, qu'on passe en comité plénier. Alors, chacun des membres de cette Chambre pourra en parler.

M. PAUL: Sur un rappel au règlement, je ne vois pas pourquoi on reprocherait au député de Lafontaine d'exercer son droit de parole. Je prends à témoin le ministre de la Voirie. Je lui ai demandé, ce soir, pourquoi le leader du gouvernement avait apporté cette motion pour un débat non nécessaire et inutile. Et quand je vois le premier ministre qui nous reproche.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! Je m'excuse auprès du député de Maskinongé. S'il y a eu des conversations privées, je n'ai aucune juridiction sur cela. Je me demande même si cela doit être rapporté à la Chambre. A l'ordre, s'il vous plaît!

J'ai tenté, tout à l'heure, avec un certain succès pendant une minute ou deux, de rétablir le calme pour permettre au député de Lafontaine de s'exprimer librement. Par contre, je ne voudrais pas qu'on soit surpris d'être interrompu si on invite des adversaires politiques, en l'occurrence la droite, à faire des déclarations ou si on frôle les déclarations de fond.

Il y a eu un corridor. Les députés de Chicoutimi, de Maisonneuve, de Saint-Jacques et le ministre de l'Education l'ont respecté. Je crois que le député de Lafontaine, en tentant de sortir du corridor, suscite des interventions. Restez dans le corridor.

M. LEGER: M. le Président, je vais tenter de suivre vos directives et de demeurer dans le corridor, mais il est tellement étroit que, souvent, on se fait mal sur le bord de la bande.

M. le Président, une autre raison pour laquelle nous devons probablement refuser ce rapport, c'est que, justement, l'occasion que nous voulions avoir à la commission parlementaire pour discuter de ce sujet ne nous a pas été fournie. Ceci n'est pas mentionné dans le rapport qui nous est présenté. C'est une autre inexactitude dans ce rapport, qui nous empêche, justement, M. le Président, de l'accepter.

M. LEVESQUE: Il récidive.

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît.

M. LEGER: M. le Président, il y a, dans ce rapport qui nous est présenté, un vide qui se réflète par l'absence des deux articles, tellement importants, que nous aurions voulu discuter. Ces articles n'étant pas là, nous avons donc un rapport incomplet et inexact.

Ce rapport devait être présenté — M. le Président, vous attendez que j'aille sur le bord

de la bande — de façon à permettre à tous les autres députés de l'Assemblée d'être au courant des renseignements, des discussions, des affrontements qu'il a pu y avoir sur ces questions tellement importantes. Ce rapport est incomplet parce que, justement, j'ai pu noter, à l'occasion de rencontres avec des députés du gouvernement, qu'ils n'étaient absolument pas au courant du problème fondamental posé par ce projet de loi.

M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement. C'est du oui'-dire, cela. Discutez donc du bill 64 et soyons sérieux.

M. LEGER: M. le Président, le premier ministre me parle du bill 64 encore. Il a eu l'occasion, toute la journée, de le présenter et il ne l'a pas fait. Alors, qu'on ne vienne pas parler du bill 64 pendant que je parle de la motion concernant le rapport.

M. BOURASSA: Moins de procédure et plus d'agriculture!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement. Nous avons un livre qui s'appelle, "Règlement annoté de l'Assemblée législative", c'est-à-dire de l'Assemblée nationale maintenant. Il est dit, dans ce règlement, que tout député qui veut prendre la parole doit vous en demander la permission. Avec tout le respect que je dois à M. le premier ministre, pourriez-vous, s'il vous plaît, M. le Président, étant donné qu'il est un peu fatigué et que c'est l'heure de son coucher, le lui rappeler?

M. LE PRESIDENT: Vous l'avez fait. L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER : M. le Président, le rapport qui nous est présenté, doit-on l'accepter ou le refuser? Une autre raison majeure pour laquelle nous devons le refuser, c'est que ce rapport ne mentionne pas, justement, que, pendant l'étude du projet de loi dans son entier, il y a eu une déclaration du ministre de l'Education qui affirmait avoir des amendements aux articles 586 et 587. Or, ces amendements-là n'ont pas été présentés et, de plus, les amendements que notre parti voulait présenter n'ont pas été acceptés, puisque nous n'avons pas pu, pendant la discussion à cette commission parlementaire, nous prononcer sur ces questions.

Le rapport qui nous est présenté aujourd'hui ne fait aucunement mention de ces amendements que le ministre aurait dû nous présenter et qui nous auraient permis de l'étudier.

D'ailleurs, le ministre de l'Education aurait pu noter le comportement de son confrère, le ministre des Affaires sociales qui, lui, n'a pas craint de présenter d'avance ses amendements sur les articles controversés. La commission parlementaire s'est très bien organisée et s'est terminée plus rapidement que le travail de la commission parlementaire de l'Education.

M. le Président, je pense que le gouvernement a manqué trois belles étapes pour permettre de discuter le problème de fond. Ceci, nous le regrettons énormément parce qu'il y a quelques années, le problème qui sous-tend le projet de loi no 28 est celui qui avait eu lieu, malgré la participation de dizaines et de dizaines de milliers de personnes qui étaient venues protester devant le Parlement où les vagues de protestation se sont arrêtées sur la colline parlementaire. Malgré cela, le projet de loi a été adopté.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, le gouvernement devrait réaliser jusqu'à quel point c'est notre détermination de discuter du fond de ce problème et que, tôt ou tard, il devra y faire face. Je dis au gouvernement que plus il attend, plus il refuse cette discussion de fond, plus il aura de difficulté à avancer. Si la dernière fois, cela nous a pris un mois, pour une Opposition circonstancielle de cinq personnes pour l'arrêter, nous sommes prêts à continuer jusqu'au bout.

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement. Le député est en train de récidiver. Il est en train de parler d'Opposition circonstancielle et dit que le parti ministériel empêche un débat de fond. C'est complètement faux c'est à l'encontre de la vérité, à l'encontre des règlements que nous devons respecter et de la décision que vous avez vous-même rendue il y a quelques instants. Ce sont les règlements qui empêchent le débat de fond. Mais si le député veut passer à l'action, chose qui est une caractéristique du gouvernement actuel, passer à l'action, c'est passer en comité plénier et discuter le fond du problème, non pas faire de la procédure comme fait présentement le député au lieu de s'occuper des problèmes de fond qui sont ceux qui doivent préoccuper les députés sérieux en cette Chambre.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, je note que le député vient de contredire le premier ministre parce que ce n'est plus l'agriculture, maintenant, mais le problème de fond dont il veut discuter très bientôt.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre.

M. LEGER: Alors, je vois qu'il y a de la contradiction...

M. LEVESQUE: Nous pouvons parler d'agriculture, nous pouvons parler du bill 28, nous pouvons parler...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il y a eu une invitation.

M. LEVESQUE: ... des choses importantes. M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LEVESQUE: Cessons la procédure! M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEGER: M. le Président, avec la plus grande sérénité possible, et en regardant tous les arguments que je viens de mentionner concernant notre choix à accepter ou refuser ce rapport, je dois conclure que comme ce rapport est incomplet, inexact et qu'il ne reflète pas la réalité des discussions et des problèmes qui sont ressortis à la commission parlementaire, nous devrons voter contre ce rapport en souhaitant que le gouvernement ne craigne pas, le plus tôt possible, de s'engager dans le fond du problème, de ne pas l'escamoter...

M. BOURASSA: L'agriculture.

M. LEGER: ... et de faire face à ses responsabilités.

M. BOURASSA: Et l'agriculture?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. LEVESQUE: Encore de la procédure.

M. LAURIN: M. le Président, mon collègue de Maisonneuve a parfaitement expliqué cet après-midi l'attitude de notre parti. Il vous a expliqué les raisons pour lesquelles nous ne pouvions pas accepter le rapport de cette commission, étant donné qu'il le trouvait inexact, incomplet et irrégulier. Après en avoir énuméré les raisons, il a manifesté à l'endroit du gouvernement toute la collaboration dont nous faisons presque toujours preuve à l'endroit des projets du gouvernement.

Le premier ministre sait lui-même que cette collaboration...

M. BOURASSA: D'accord. Mais là, vous faites un filibuster contre les agriculteurs et contre les cultivateurs. C'est ce que vous faites actuellement.

M. LAURIN: Le premier ministre sait lui-même, il ne pourra pas me démentir, entre quatre yeux, que notre collaboration lui est toujours acquise d'une façon positive et constructive.

M. BOURASSA: Oui, mais ce soir...

M. LAURIN: Le leader de notre parti a expliqué ce soir, après avoir énuméré les raisons qui motivaient notre non-acceptation du rapport, les raisons pour lesquelles il était prêt à ne pas...

M. BOURASSA: L'UCC qui attend, là!

M. LAURIN: ... présenter une motion. Il l'a dit très clairement, avec toute la sincérité dont il est capable. Mais c'est le leader parlementaire lui-même qui nous a provoqués...

M. LEVESQUE : Qui a présenté la motion, non.

M. LAURIN: ... par ses remarques, ses rappels au règlement intempestifs, par ses remarques politicailleuses, qui nous a provoqués, qui nous a fait nous rendre compte que cette collaboration qu'on nous demandait, la partie ministérielle n'était pas prête, elle, de son côté, à l'accorder à l'Opposition.

Et c'est la deuxième fois au cours des trois derniers jours que nous voyons et que nous dénonçons le même comportement du côté des banquettes ministérielles. Nous l'avons vu à l'occasion du projet de loi no 48 également, où nous étions prêts — toutes les Oppositions à faire les concessions nécessaires pour que le débat se déroule dans tout le calme possible...

M. LEVESQUE : Ce n'est pas vrai.

M. LAURIN : Pour cela il aurait fallu que les députés des banquettes ministérielles...

M. LEVESQUE: Ce n'est pas vrai, qui a fait de l'obstruction?

M. LAURIN: ... donnent toute la collaboration nécessaire...

M. LEVESQUE: Voyons donc, soyez sérieux.

M. LAURIN: ... et consentent à examiner le projet de loi avec toute la lucidité, le calme et l'esprit de collaboration désirables. Mais encore une fois à cette occasion le gouvernement a provoqué l'Opposition et il a eu les résultats qu'il a eus. La manoeuvre du gouvernement est toujours la même, en l'occurence, c'est de faire porter l'odieux de la provocation par l'Opposition...

M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce que ça a un rapport avec la réception...

M. LAURIN: ... et on s'étonne ensuite que l'opposition se défende et essaie de rétablir les faits aux yeux de l'opinion publique. C'est la raison pour laquelle nous renvoyons au côté ministériel la responsabilité de ces manoeuvres, de ces subterfuges qui aboutissent au spectable que nous voyons aujourd'hui dans cette Chambre et que nous avons vu depuis trois jours.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je crois que l'honorable député de Bourget s'éloinge de la question en discussion devant la Chambre.

M. LAURIN: C'est simplement, M. le Président, et je m'en excuse pour...

M. LEVESQUE: C'est de la politicaillerie.

M. LAURIN: ... répondre aux remarques du premier ministre...

M. BOURASSA: Cela fait mal. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAURIN: ... de la province de Québec qui, parce qu'il voit des agriculteurs dans les tribunes essaie de se faire du capital politique...

M. LE PRESIDENT: A l'Ordre messieurs! La motion.

M. LAURIN: M. le Président, pour montrer encore notre collaboration, je retiens les paroles du premier ministre, celles qu'il a énoncées il y a à peine quelques minutes, et je vais lui donner l'occasion de montrer s'il est sincère dans son affirmation. Malgré toutes les raisons que nous avons de ne pas accepter ce rapport...

M. BOURASSA: Vous avez peur.

M. LAURIN: ... parce qu'il est inexact, parce qu'il est irrégulier, nous allons consentir à mettre fin à la colère...

M. BOURASSA: Cela, c'est dur.

M. LAURIN: ... bien légitime qui est la nôtre...

M. LEVESQUE : Moins de procédures.

M. LAURIN: ... et à permettre au gouvernement de procéder à l'examen de...

M. BOURASSA: C'est ça. Vous avez eu peur.

M. LAURIN: ... cette loi, à condition que le premier ministre nous dise immédiatement, que le leader gouvernemental nous dise exactement tout de suite s'il est prêt à étudier la loi no 64...

M. LEVESQUE: Oui.

M. LAURIN: ... dans les quatre minutes qui vont suivre. C'est votre décision...

M. LEVESQUE: M. le Président, le gouvernement, depuis hier, a invité les partis d'Opposition à collaborer et permettre aux députés de cette Chambre de laisser la procédure et prendre l'agriculture. C'est clair ça?

M. PAUL: M. le Président, j'invoque le règlement. Quand le leader du gouvernement nous reproche notre collaboration, à nous de l'Oppo- sition, il a eu trois occasions pour appeler le bill no 64: hier matin, ce matin et cet après-midi. Vous avez aimé mieux tromper les cultivateurs et son président, M. Allain.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Maisonneuve sur une question de règlement.

M. BURNS: M. le Président, sur le rappel au règlement. Quand on nous reproche notre manque...

M. PAUL: Des hypocrites, c'est ça qu'ils sont.

M. VINCENT: Depuis le 26 août.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre messieurs! L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, je suis d'accord avec le député de Maskinongé, ce sont des hypocrites.

M. BOURASSA: On est donc nerveux. Gardez votre calme un peu, gardez votre sang-froid.

M. BURNS: Je suis très calme, ce n'est pas moi qui m'énerve.

M. LEVESQUE: M. le Président, si on voulait faire de la procédure, on lui demanderait de retirer ses paroles.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre !

M. BURNS: M. le Président, sur le rappel au règlement du député de Maskinongé. Notre collaboration, je l'ai personnellement offerte et je suis sûr que les deux autres partis de l'Opposition étaient d'accord avec cela. J'ai même refusé de déposer une motion, quand nous avons exposé notre point de vue sur la motion qui était en discussion. J'ai également dit pourquoi, sauf que leader du gouvernement, qui nous dit: "Moins de procédure, plus d'agriculture", qui, comme l'a dit le député de Maskinongé a eu trois ou quatre occasions, depuis quelques jous, de présenter le projet de loi 64 qu'ils ont sans doute peur de présenter...

DES VOIX: Ah! Ah!

M. BURNS: Vous allez voir! On leur a dit: Présentez autre chose; on est prêt à discuter de n'importe quoi. Ce que le député de Bourget vient de dire, c'est que, si c'est sérieux ce qu'on dit là, nous sommes même prêts à suspendre, en ce qui nous concerne, le débat, à l'arrêter là — je ne parle pas pour les autres députés de l'Opposition — pour autant que nous ayons la garantie qu'immédiatement après le vote sur la motion nous nous retrouverons en discussion en deuxième lecture du projet de loi 64. Est-ce que la réponse va nous venir?

M. BOURASSA: Est-ce que vous recevez le rapport?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce qu'avec le consentement de la Chambre vous permettez que cette question soit posée, parce que je n'ai pas l'autorisation de...

DES VOIX: Non. Non.

M. BURNS: M. le Président...

M. BOURASSA: On est prêt à discuter...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. LEVESQUE: Puisque j'ai été mis en cause de façon très désagréable, chose que je ne peux pas relever, parce que je ne crois pas que ce soit opportun de le faire à ce moment-ci — j'aurai l'occasion d'y revenir; nous en avons le temps, M. le Président — je dirai que le gouvernement ne change pas d'attitude. Nous conservons la même attitude que nous avons eue dans les jours passés. M. le Président, ce n'est pas l'Oppositon, quelque valable qu'elle puisse être, qui va dicter au gouvernement sa conduite.

M. BURNS: Ce que vous venez de dire ne veut rien dire.

M. LEVESQUE: M. le Président, je n'ai pas interrompu le député de Maisonneuve dont la nervosité s'accroît avec l'heure.

M. BURNS: Ah! non! L'hypocrisie le choque.

M. LEVESQUE: M. le Président, je dis simplement ceci: J'ai eu l'occasion — et vous m'avez entendu vous-même — d'inviter...

M. BURNS: Sépulcre blanchi!

M. LEVESQUE: ... ces messieurs à mettre fin au débat de procédure. Ils veulent le faire présentement. Nous conservons la même attitude et nous avons hâte de passer à l'article 12 du feuilleton d'aujourd'hui. Qu'on nous permette de le faire le plus tôt possible, M. le Président, et qu'on cesse de faire de la procédure; faisons de l'agriculture.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. PAUL: Est-ce que le leader me permet une question? Pourquoi ne l'avez-vous pas appelé depuis deux jours? Vous avez eu trois occasions de le faire.

M. LEVESQUE: M. le Président, parce qu'il y a eu dans cette Chambre — qu'on prenne les journaux, les media, ceux qui sont les témoins de ce qui s'est passé en Chambre — un "filibuster".

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, nous nous sommes abstenus de parler ce soir, mais je me demande, à l'heure actuelle, sérieusement, si nos débats étaient télévisés, ce que le contribuable du Québec penserait de notre Assemblée nationale qui est en train de ressembler à une foire nationale.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre !

M. ROY (Beauce): Nous sommes devant un rapport qui a été présenté par le gouvernement; ce n'est pas une motion. M. le Président, vous avez permis aux représentants de chacun des partis politiques de faire connaître leur point de vue sur ce rapport. En ce qui nous concerne, par la voix du député de Richmond, nous avons refusé le rapport. Nous l'avons dit; nous n'avons pas à revenir une deuxième et une troisième fois. Notre opinion a clairement été exprimée. Nous connaissons l'opinion du parti Unité-Québec, nous connaissons l'opinion du Parti québécois. M. le Président, en ce qui nous concerne, nous tenons à nous dissocier de cette "procédurite" et de ce débat que nous jugeons inutile.

Le gouvernement a peut-être l'intention de nous présenter le projet de loi 64, ce soir.

M. BOURASSA: Oui.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je vous demande bien humblement...

M. BOURASSA: C'est ça.

M. ROY (Beauce): ... de mettre un terme immédiatement à ce débat inutile et de mettre le gouvernement à l'épreuve.

M. BROCHU: M. le Président, sur un point de règlement, s'il vous plaît.

M. LAURIN: M. le Président...

M. BROCHU: M. le Président, sur une question de règlement — le député de Bourget m'excusera — sur la question de règlement qui vient d'être soulevée par mon collègue, le député de Beauce, j'aimerais vous demander une directive afin que nos règlements soient vraiment respectés. Vous nous avez mentionné tout à l'heure, lorsque vous avez donné la directive sur le débat en cours, que le débat n'était aucunement recevable et que si vous permettiez qu'il continue, c'était simplement pour que chacun des partis puisse avoir voix. Nous avons exprimé notre point de vue une fois, l'Unité-Québec a parlé deux fois et c'est le quatrième opinant pour le Parti québécois. Je pense que personne n'a été brimé et quant à moi, je retire mon assentiment puisque je crois que ça prend l'assentiment unanime pour per-

mettre un débat qui n'est pas selon les règlements. Je retire mon assentiment et je demande que le premier ministre donne suite à ce qu'il a mentionné tout à l'heure à l'effet que nous passions à l'étude du projet de loi 64.

Si vous me permettez, que l'on puisse, dès lundi matin, en comité plénier sur l'Education, vider à fond toutes les questions une fois pour toutes mais non poursuivre un débat inutile qui fait ressembler l'Assemblée nationale à une foire dans l'opinion publique.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget. M. LEVESQUE: Encore!

M. LAURIN: Je ferai remarquer à l'orateur qui vient de me précéder que je ne suis pas le quatrième opinant puisqu'il y a trois opinants de mon parti qui se sont exprimés et j'ai justement préfacé mon intervention en disant que je n'avais pas l'intention de m'exprimer sur le sujet à certaines conditions, conditions que j'ai posées au premier ministre et au leader gouvernemental tout en leur reprochant leurs manoeuvres de ces jours-ci où ils essaient de rejeter sur des partis d'Opposition l'odieux de manoeuvres dont ils se sont rendus coupables au premier chef et qu'ils ne devaient pas se surprendre de voir l'Opposition se défendre.

M. LEVESQUE: Qu'y a-t-il devant la Chambre pour permettre de...?

M. LE PRESIDENT: Je demanderais à l'honorable député de Bourget de revenir à la motion.

M. LAURIN: Donc, nous allons encore une fois, malgré toutes les apparences du contraire, donner une chance au gouvernement de montrer la qualité de ses intentions, et si jamais le projet de loi 64 n'était pas appelé à la suite de cette chance que nous leur donnons, je pense qu'ils se condamneraient et même à jamais aux yeux de l'opinion publique pour les mensonges dont ils se seraient rendus coupables.

M. LEVESQUE: On nous prête des intentions qu'on n'a pas le droit de faire.

M. LE PRESIDENT: Le rapport est-il reçu? M. BURNS: Sur division.

M. LE PRESIDENT: Le rapport est reçu sur division.

M. LEVESQUE: Article 12. La Loi du syndicalisme agricole, tout simplement.

M. BOURASSA: On a eu peur! C'est beau.

Projet de loi no 64 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: Le ministre de l'Agriculture propose la deuxième lecture du projet de loi no 64, Loi du syndicalisme agricole.

M. Normand Toupin

M. TOUPIN: Ah bon! Je pensais qu'on avait un petit papier. Cela me fait plaisir ce soir de présenter en deuxième lecture, le bill 64 c'est-à-dire le projet de loi sur le syndicalisme agricole.

On nous a dit tantôt, M. le Président, qu'on aurait eu l'occasion au cours des dernières journées ou des dernières heures de présenter, en deuxième lecture, ce projet de loi. Mais ce qu'on oublie de dire trop souvent lorsqu'on fait de telles affirmations, c'est que ce n'est pas d'hier qu'on parle au Québec d'un syndicalisme agricole.

Aujourd'hui, bien sûr, plusieurs sont pressés de hâter le gouvernement à présenter ce projet de loi en deuxième lecture mais ceux-là même ont eu l'occasion au cours d'au moins quatre années de faire le même travail que nous avons fait.

Les premières tentatives de mise en place d'un syndicalisme agricole au Québec partent de 1965. Par la suite elles sont venues en 1968 et par la suite en 1970...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qui a demandé que ce soit retardé?

M. TOUPIN: ... donc, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Continuez s'il vous plaît.

M. TOUPIN: ... jamais deux sans trois, mais cette fois on peut dire que la troisième se réalise puisqu'aujourd'hui nous portons à l'attention de cette Assemblée nationale, en deuxième lecture, ce projet de loi tant attendu par les agriculteurs du Québec et attendu parce qu'il répond certainement à des besoins réels des agriculteurs du Québec.

Voici les principales raisons qui ont amené le gouvernement à présenter ce projet de loi. Au fond, il y en a trois qui ont retenu notre attention de façon plus particulière. La première raison qui a amené le gouvernement à présenter un tel projet de loi consistait à reconnaître un droit aux agriculteurs, duquel droit d'ailleurs jouissent déjà presque toutes les autres classes de la société ou presque toutes les autres catégories de travailleurs.

Ce droit est celui de donner aux agriculteurs les moyens de mettre en commun leurs efforts en vue de défendre leurs intérêts professionnels et économiques. C'est là la première raison qui

a amené le gouvernement à préparer ce projet de loi, à le présenter en première lecture et, ce soir, à le porter en deuxième lecture.

La deuxième raison consiste à faire en sorte que nous reconnaissions, par ce projet de loi, un fait. Effectivement, le syndicalisme agricole existe au Québec depuis 1924. Il est né difficilement et malgré les difficultés qu'il a rencontrées, il est parvenu à se structurer et à vivre pendant plusieurs dizaines d'années sans qu'il y ait à sa disposition une législation qui lui permette de fonctionner vraiment dans une sorte d'ordre légal.

Il était temps, je pense, que le gouvernement prenne cette décision de reconnaître ce fait évident qu'il existait au Québec un syndicalisme agricole depuis 1924.

Ce syndicalisme agricole auquel les agriculteurs adhéraient librement a toujours ou presque toujours eu dans ses rangs la majorité des agriculteurs.

Evidemment, ils devaient le faire sous forme de recrutement annuel. Ils devaient passer, chaque année, de paroisse en paroisse, de rang en rang, de porte en porte pour recueillir cette cotisation nécessaire en vue de faire fonctionner économiquement et démocratiquement aussi ce syndicalisme désiré par les agriculteurs.

Cette majorité d'agriculteurs ne pouvait faire autrement que de nous amener à comprendre le besoin véritable, le besoin évident de reconnaf-tre légalement, de reconnaître juridiquement ce fait. Toutes les autres formes de syndicalisme au Québec sont reconnues légalement. Ils ont des droits. Ils ont des devoirs aussi, bien sûr. Le syndicalisme agricole, lui, n'était pas reconnu.

Dans le passé, il aurait été sans doute possible que nous arrivions à leur procurer ce droit. Ils seraient parvenus, ainsi, plus rapidement et plus efficacement, les agriculteurs, à défendre et leurs intérêts professionnels et leurs intérêts économiques.

La troisième raison, c'est que ce syndicalisme de fait, ce syndicalisme historique qui a toujours vécu de lui-même, par ses propres moyens, sans aucune législation pour le protéger ou l'aider à mieux s'organiser, a toujours quand même été reconnu presque officiellement par l'ensemble des corps intermédiaires de la société agricole, tant le gouvernement provincial que le gouvernement fédéral. Les autres corps intermédiaires, qu'il s'agisse de conseils municipaux ou de tout autre organisme, reconnaissaient aussi l'existence de ce syndicalisme et lui accordaient toute l'attention qu'il méritait. Ils n'hésitaient pas à le consulter lorsqu'il s'agissait de discuter les problèmes des agriculteurs du Québec. Ce syndicalisme de fait, ce syndicalisme historique a rendu, sans aucun doute, dans le passé, de très grands services à l'ensemble des agriculteurs du Québec. Parce qu'il a rendu des services, nous croyons, nous du gouvernement actuel, qu'il peut en rendre encore. Et parce que nous croyons qu'il peut rendre encore des services à l'ensemble de la classe agricole, nous n'hésitons pas, par conséquent, à le reconnaître juridiquement, ou du moins, à lui donner une structure qui va lui permettre, à lui, de se développer et d'évoluer juridiquement.

Il existe, dans plusieurs provinces du pays, des formes de syndicalisme agricole. Il existe également dans plusieurs pays du monde des formes de syndicalisme agricole. Les unes prennent plus ou moins d'importance. Les autres jouent un rôle plus ou moins important vis-à-vis des gouvernements et des corps intermédiaires qui composent ces sociétés.

Mais, du fait que le gouvernement du Québec s'est penché sur la possibilité de reconnaître juridiquement une forme de syndicalisme agricole, il fait au pays oeuvre de pionnier. Cela, c'est évident. Il le fait aussi, sans aucun doute, sur le plan international. Nous avons l'occasion de rencontrer, de temps à autre, des délégués du secteur agricole des autres pays à des congrès tenus soit dans d'autres provinces ou au Québec, lesquels ont hâte de connaître ce que nous avons mis dans cette législation parce qu'eux aussi cherchent à structurer de façon plus rationnelle les formes de syndicalisme qui existent dans ces différents pays.

Bien sûr, la classe agricole est très souvent aux prises avec des conflits d'organisation. Souvent, dans le passé, et le syndicalisme agricole et la coopération ont eu à s'affronter sur des problèmes fondamentaux du développement de l'agriculture, mais ils sont toujours parvenus à trouver une solution qui soit acceptable à ce problème qui se posait. C'était normal que ça se pose de cette façon et ce sera encore normal que ça se pose dans l'avenir, quelle que soit la structure que prendra dans le temps le syndicalisme agricole au Québec. C'est tout à fait normal.

Donc, la forme de syndicalisme que nous proposons n'a pas pour but d'accentuer ces confrontations. Elle a surtout pour but, dans la mesure où c'est possible de le faire, de clarifier les champs d'action des uns et des autres. Je pense que c'est surtout quand nous connaissons bien nos terrains de travail, quand nous connaissons bien nos terrains d'action qu'il devient alors plus facile de trouver les solutions aux problèmes qui nous confrontent conjointement.

L'agriculteur est souvent aux prises avec lui-même. Il est presque, souvent, divisé en lui-même à cause des intérêts qu'il trouve, d'une part, dans le secteur coopératif et, d'autre part, dans le secteur syndical. Il faut donc tenter l'élaboration d'un minimum de structures pour amener précisément les dirigeants de l'ensemble de ces organismes à se rencontrer et à discuter entre eux de façon objective, de façon raisonnable, comme dans le passé nous l'avons fait et comme dans le passé, par conséquent, nous sommes parvenus à trouver des solutions qui soient valables à cet ensemble de problèmes.

M. BOURASSA: Il n'y a pas grand monde de l'autre bord!

M. TOUPIN: Se situe aussi au niveau du syndicalisme agricole ce que nous sommes convenus d'appeler ou ce que nous appelons présentement les fédérations spécialisées ou les offices de producteurs qui ont pour fonction, eux ou elles, de traiter d'un problème particulier attaché à un produit particulier. Cet ensemble de fédérations, cet ensemble d'offices qui, présentement, sont au nombre de 20 ou 25 dans la province de Québec, doivent trouver une sorte d'unité, doivent trouver au moins une sorte de voie par laquelle ils ou elles devront passer pour tenter de s'entendre sur un ensemble de problèmes. C'est malheureux, M. le Président, de constater, et trop souvent nous rencontrons le problème, que deux fédérations de producteurs qui ont des intérêts particuliers, d'une part, parce qu'elles travaillent dans des productions séparées, mais qui ont des intérêts communs, d'autre part, parce qu'elles se trouvent dans la même profession, il est malheureux de constater qu'il n'est souvent pas toujours possible de les faire s'entendre.

Il est malheureux de constater que les voies qui doivent les aider à s'entendre n'existent peut-être pas pleinement.

La forme de syndicalisme que nous proposons viendra aider ces ensembles de fédérations à l'entendre entre elles sur les problèmes de fond du développement de l'agriculture.

Je n'ai qu'à rappeler, M. le Président, les quelques problèmes que rencontrent présentement les différentes fédérations de producteurs dans les négociations avec les autres provinces. Prenons, par exemple, la Fédération des producteurs de poulets par rapport à la Fédération des producteurs de dindes. Les deux poursuivent les mêmes fins et, au niveau des négociations interprovinciales, s'il n'y a pas entente entre les deux, il devient presque impossible de trouver une solution au problème. C'est pour cela qu'il faut créer cette voie je ne dirais pas unique, mais au moins ce canal qui permettra des ententes précises et claires entre ces fédérations. Après, il deviendra facile de s'entendre sur un plan national et sur un plan interprovincial.

Je n'ai pas besoin de vous rappeler, M. le Président, qu'un des problèmes majeurs, un des problèmes fondamentaux auxquels ont à faire face l'ensemble des agriculteurs du Québec est celui d'une commercialisation organisée, oui, bien sûr, sur le plan de la province, mais aussi et surtout sur le plan national. Pour cela, il faut doter la profession agricole d'organismes et de mécanismes qui lui permettront de s'entendre clairement avec les autres provinces.

Cela, M. le Président, c'est dans l'intérêt de tous les agriculteurs du Québec. Si nous parvenons à trouver des formules à ce niveau, nous parviendrons, par conséquent, à améliorer substantiellement le revenu des agriculteurs québé- cois et nous contribueront aussi, par le fait même, au développement général de l'agriculture canadienne.

La politique du gouvernement du Québec, en cette matière, est claire. Nous cherchons, avec l'ensemble des citoyens du pays, avec l'ensemble des autres provinces, à trouver les moyens les plus efficaces pour développer l'économie agricole et l'ensemble de l'économie du Québec. Parce que nous optons, nous du ministère de l'Agriculture et, par conséquent, du gouvernement, pour cette voie, nous sommes, j'en suis convaincu, dans la bonne voie. Nous nous orientons, par le fait même, vers des solutions qui seront rentables à court, à moyen et à long termes.

Voyons maintenant, M. le Président, ce que contient dans ses grandes lignes, le projet de loi sur le syndicalisme agricole.

M. BOURASSA: Il n'y a pas grand monde!

M. PAUL: M. le Président, je désire protester contre la petitesse du premier ministre. Sur un rappel au règlement, M. le Président. Depuis tout à l'heure qu'il se désintéresse complètement des propos intéressants que le ministre prononce au sujet de l'agriculture; il s'amuse à faire venir tous ses députés derrière lui. En se levant et en quittant cette salle...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!

M. PAUL: ... je dis, M. le Président, que c'est indigne de la part d'un premier ministre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

M. ROY (Beauce): M. le Président, il y a des députés qui prennent la parole et qui ne sont pas à leur siège, ils devraient être à leur siège. Je pense qu'il y a violation de règlement.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. TOUPIN: M. le Président, je comprends difficilement les propos du député de Maskinongé.

M. PAUL: Cela m'arrive si peu souvent, je vous ai félicité.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Vous reprochez souvent ce que vous faites actuellement.

M. TOUPIN: Je n'ai pas cru bon me lever tantôt lorsqu'on nous a accusés d'hypocrisie, j'ai participé très honnêtement cet après-midi à une activité avec les représentants de l'UCC qui avaient un but unique, un seul, et très honnête, à part ça, c'était celui de faire avancer les travaux de cette Chambre d'abord et, deuxièmement, celui d'expliquer clairement nos

positions. Et je ne pense pas qu'il y ait de l'hypocrisie là-dedans.

Et je ne comprends pas les propos du député de Maskinongé.

M. PAUL: Est-ce que le ministre me permet une question?

DES VOIX: Non. M. TOUPIN: Tantôt. M. PAUL: Merci.

M. TOUPIN: Je tentais d'expliquer ce que contient, dans les grandes lignes, ce projet de loi.

La première chose, il consacre le droit à tout producteur du Québec d'adhérer à un syndicat de son choix. C'est là, à notre point de vue, un droit fondamental et un droit qui se situe dans le cadre normal d'une démocratie moderne qui veut se développer.

Deuxièmement, il donne aux syndicats locaux, régionaux, le droit de s'affilier à une fédération et à une fédération de syndicats locaux ou régionaux de se former en confédération ou en fédération, selon le cas. Dans cette perspective, nous reconnaissons définitivement la liberté aux agriculteurs, aux producteurs agricoles du Québec, de s'organiser par la base. Nous ne les organisons pas par le haut, mais par en bas, par paroisse, s'il le faut; par région ensuite, s'il le faut et sur le plan provincial par après.

C'est une structure définitivement démocratique et qui respecte le producteur à sa base, dès le début, sur sa ferme.

H donne le droit, en troisième lieu, à une association de producteurs, représentative de l'ensemble des producteurs du Québec, en terme de nombre majoritaire, association qui peut être une fédération ou une confédération, d'être accréditée. Donc, nous respectons à ce niveau les principes fondamentaux du syndicalisme en général, c'est-à-dire celui d'accréditer, de reconnaître au fond l'existence d'un syndicat ou d'une fédération, si elle représente la majorité de ceux qu'elle veut représenter.

Et à ce chapitre-là, nous ne péchons pas contre ce qui existe présentement et historiquement dans l'ensemble du syndicalisme tant au Québec qu'au Canada qu'à l'extérieur, ou moins en Amérique du Nord.

Quatrièmement, il confère à la Régie des marchés agricoles du Québec une part importante de responsabilités dans cette loi. La régie qui, présentement, a la responsabilité d'administrer la loi de la mise en marché, la régie qui, présentement, a travaillé presque tous les jours avec les organismes de producteurs, les fédérations de producteurs, les syndicats de producteurs est sans doute habilitée à jouer un rôle important, nécessaire dans l'application et le développement du syndicalisme agricole au

Québec. Bien sûr qu'elle n'a pas toutes les responsabilités, mais elle en a suffisamment pour faire en sorte que ce syndicalisme puisse se développer normalement, puisse surtout et dans l'immédiat et dans le temps atteindre les objectifs pour lesquels il fut créé historiquement et pour lesquels nous reconnaissons aujourd'hui ce fait historique en portant à votre attention un projet de loi en deuxième lecture.

Cinquièmement, il oblige la régie à tenir un référendum auprès des producteurs en vue de la retenue syndicale obligatoire. Il est normal, dans ce contexte de retenue syndicale obligatoire, que nous donnions la chance à tous les agriculteurs du Québec, sans exception, de donner là-dessus leur point de vue. Cela ne peut pas être plus juste, cela ne peut pas être plus équitable et cela ne peut pas être non plus plus démocratique.

Plusieurs autres formules ont été portées à notre attention. Si nous avons retenu celle-là c'est que nous croyons qu'elle correspond aux critères fondamentaux de la liberté d'acceptation de payer une cotisation obligatoire. Dans cette perspective, tous les agriculteurs du Québec doivent être définitivement consultés.

Je voudrais maintenant, M. le Président, pendant quelques minutes encore, vous donner les effets de l'accréditation. Qu'est-ce que va donner, qu'est-ce que va procurer à une association le fait qu'elle soit accréditée? Qu'est-ce que vient faire, tout compte fait, l'accréditation? Elle confère d'abord la responsabilité de promouvoir, de défendre, de développer les intérêts économiques, sociaux et moraux de ses membres et des producteurs, et à cette fin, agir de façon générale comme porte-parole des producteurs. C'est un des effets de l'accréditation. Même si cette association accréditée n'obtient pas l'assentiment de l'ensemble des producteurs pour une retenue syndicale obligatoire, nous reconnaissons que l'accréditation que nous lui avons conférée lui procure ces droits et ces devoirs.

Le deuxième; représenter les producteurs en général auprès des pouvoirs publics, de toute agence, régie, commission ou groupement, chaque fois qu'il est de l'intérêt général des producteurs de le faire, et coopérer avec tout organisme poursuivant des fins similaires. L'accréditation confère donc le pouvoir ou du moins le devoir à cette association accréditée de représenter l'ensemble des producteurs auprès des pouvoirs publics et de travailler — et ça c'est important je pense qu'on le dise — en collaboration avec d'autres organismes du milieu agricole qui poursuivent des fins similaires c'est-à-dire de développement économique de l'ensemble des activités agricoles au Québec. c) concilier et coordonner les activités des différentes fédérations, fédérations spécialisées, syndicats, et syndicats spécialisés affiliés ainsi que celles de leurs membres et les intérêts particuliers des producteurs avec le bien commun des producteurs en général. Ici je rejoins ce

que je disais au début de mon intervention, c'est qu'il est nécessaire que le syndicalisme agricole au Québec trouve une voie unique par l'intermédiaire de laquelle il peut trouver les solutions les plus acceptables aux problèmes avec lesquels il est aux prises très souvent.

Maintenant je le lis puisque c'est inscrit dans la loi. C'est une dimension excessivement importante, c'est une dimension très importante même des objectifs généraux que nous tentons de poursuivre par l'introduction de cette loi. d) et e) faire des recherches et des études en rapport avec la production et la mise en marché des produits agricoles et avec toute matière pouvant affecter les conditions économiques et sociales de ses membres et des producteurs en général.

M. PAUL: M. le Président.

M. VINCENT: M. le Président, est-ce que je peux demander une directive s'il vous plaît?

M. HARVEY (Jonquière): Demandez-la au député de Chicoutimi.

M. LE PRESIDENT: A ce sujet, j'ai déjà dit, hier, que je n'aimais pas donner une directive pendant un discours. Si vous voulez invoquer le règlement?

UNE VOIX: Invoquez le règlement.

M. VINCENT: C'est que le ministre, à l'heure actuelle, si vous avez bien écouté, si vous voulez prendre le bill 64 à la page 6 et à la page 7, afin de prolonger le temps de la Chambre, lit article par article, mot à mot ce qui est inscrit dans le bill. Est-ce qu'on peut le faire en deuxième lecture sur le principe de la loi?

M. LEVESQUE: J'ai expliqué d'une façon claire, précise et concise...

M. VINCENT: Il lit présentement le bill mot à mot, article par article partant de la section 5 et fait de l'accréditation.

M. LE PRESIDENT: Je pense qu'il y a une coutume qui veut que le débat en deuxième lecture sur le principe soit assez large sans aller dans les détails. Il est bien prévu à notre règlement également, qu'il est permis de référer à des articles — il y a la note 2 sous l'article 556 paragraphe 1 — voulant que l'on puisse parler d'un article lorsqu'il s'agit d'un principe important inclus dans le bill. On peut référer à des articles, à des modalités lorsque ça devient un principe important. Je pense bien que c'est très rare que je sois intervenu dans des débats de deuxième lecture à moins qu'on aille dans les technicités du projet de loi. Mais, lorsqu'on mentionne des articles où il y a un principe important dans le bill — vous mentionnez 5 et 6 — il s'agit de l'accréditation...

M. VINCENT: Articles 5, 6, 7 et 19.

M. LE PRESIDENT: Article 19, un instant. Quel est le chapitre?

Sans s'attarder sur les articles, je pense bien que le ministre pourrait parler. Je sais qu'il y a plusieurs principes dans le bill, je l'ai remarqué.

UNE VOIX: Un bon bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. TOUPIN: M. le Président, précisément si je souligne cette section du projet de loi, c'est précisément parce que je veux bien faire comprendre l'ensemble des principes qui se trouvent dans le projet de loi et surtout bien faire comprendre les principaux objectifs qu'ils poursuivent et les principaux objectifs d'ailleurs qui ont fait que nous avons convenu de présenter cette loi.

Je disais que cette association accréditée ou l'accréditation peut donner à une association des pouvoirs de recherche, de regard sur les différents problèmes, de faire des enquêtes, de faire des études économiques pour arriver à trouver les meilleures solutions s'appliquant aux problèmes de l'agriculture. C'est peut-être là aussi une des principales faiblesses de l'ensemble de l'agriculture du Québec et du pays.

Lorsque nous avons rencontré, récemment, le ministre fédéral de l'Agriculture sur l'établissement d'une politique canadienne en agriculture, nous lui avons parlé de mécanisme d'organisation de mise en marché des produits de l'agriculture. Nous avons discuté avec lui et très longtemps aussi, et le plus en profondeur possible, le problème de la recherche en agriculture, la recherche sous toutes ses formes; la recherche technique, économique, des marchés, des nouveaux débouchés pour les produits, des nouveaux produits pour les nouveaux marchés, des nouvelles formes d'entreposage des produits, des nouvelles formes de transport des produits. C'est pourquoi nous avons jugé utile, nécessaire de fixer de tels objectifs à une association qui sera accréditée.

Et l'accréditation lui donne précisément ces pouvoirs ou ces devoirs de faire de la recherche. Cette recherche d'ailleurs pourra se faire, bien sûr, par l'association qui sera accréditée mais elle pourra se faire aussi en collaboration avec l'ensemble des autres organismes agricoles au Québec qui poursuivent des fins similaires.

Donc, nous étendons ainsi le champ d'action de cette forme d'association d'agriculteurs. Nous ne la limitons pas à ses seules formes de revendication, nous lui ouvrons les portes pour qu'elle puisse vraiment aider au développement général de l'agriculture. Le syndicalisme moderne, du moins dans ce secteur, doit s'orienter définitivement vers d'autres formes d'actions que les seules formes de revendication, et c'est la raison pour laquelle nous avons prévu de tels

objectifs et que nous les avons inscrits dans la loi.

Après avoir discuté en commission parlementaire, après la première lecture, après avoir entendu plusieurs organismes qui sont venus soit verbalement ou sous forme de mémoires lus, présenter leur point de vue, après avoir réuni à nouveau la commission parlementaire pour entendre ses membres sur ce qu'ils pensaient du projet de loi no 64, sur les suggestions qu'ils avaient à nous faire concernant soit des amendements ou du moins de façon générale l'amélioration du projet de loi no 64.

Après avoir étudié attentivement chacun des mémoires, après avoir écouté également attentivement, à la commission parlementaire par la suite, ses membres, nous avons convenu d'apporter au projet de loi un certain nombre d'amendements, huit ou dix.

Evidemment, ce ne sont pas tous des amendements de fond. Il y a quelques amendements qui sont fondamentaux, mais la plupart d'entre eux sont de concordance. Je voudrais, ce soir, en donner seulement quelques grandes lignes. Partout où des représentations ont été faites, soit par les organismes à la commission parlementaire ou soit par les membres de la commission parlementaire, on a insisté beaucoup pour tenter de trouver une définition au mot "agriculteur". Ce n'est pas facile parce que, tout simplement, c'est complexe. Qui est agriculteur professionnel? Qui ne l'est pas?

Nous n'avons pas voulu définir carrément ce qu'est un agriculteur. Nous avons voulu surtout tenter d'établir un critère qui permettra et à la régie et au gouvernement et à l'association qui sera accréditée, si toutefois une est accréditée, de définir, lorsqu'il le faudra, ce qu'est un agriculteur.

Le projet de loi original disait que, dans les grandes lignes, un agriculteur était celui qui mettait en marché un produit agricole. Nous avons cru bon d'insérer dans cet article que toute personne qui mettrait en parché pour moins de $1,000 d'un produit agricole ne serait pas considérée comme un producteur au sens de la loi, c'est-à-dire qu'il est exclu des exigences que peut poser, un jour, le projet de loi, soit dans le référendum ou dans la forme de cotisation à prélever.

M. VINCENT: Est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. TOUPIN: Oui.

M. VINCENT: M. le Président, est-ce que le ministre ne pourrait pas déposer sa série d'amendements afin que nous puissions en prendre connaissance, au lieu de les lire un à un comme cela, article par article? Qu'il nous les donne afin que nous puissions les étudier au cours de la fin de semaine. Lorsque nous reviendrons, lundi matin, nous serons plus en mesure d'étudier en comité plénier les articles.

M. TOUPIN: Evidemment, l'intention que j'avais était d'expliquer ce soir, dans cette présentation de deuxième lecture, les grandes lignes des différents amendements. Aussitôt que nous commencerons à travailler en commission parlementaire ou autrement, je proposerai chacun de ces amendements,

UNE VOIX: Très bien.

M. TOUPIN: Les membres pourront alors en prendre connaissance.

M. VINCENT: Question de règlement. Vous avez, comme moi, entendu le ministre de l'Agriculture référer à un article où l'on définissait le terme "producteur". Vous l'avez également entendu nous lire l'amendement qui serait proposé. Il vient de faire cela de son siège. Est-ce que c'est d'usage et de coutume qu'en deuxième lecture, sur le principe de la loi, un tel travail se fasse ou s'il ne serait pas préférable que le ministre s'en tienne au principe du bill? S'il le désire bien — nous ne pouvons en demander plus — afin d'aider l'Opposition, il pourrait déposer ces amendements avant le comité plénier.

Cela hâterait la procédure et cela nous permettrait d'être beaucoup plus éclairés sur les intentions du ministre en ce qui concerne les articles du bill.

M. LEVESQUE: M. le Président, sur ce point de règlement, je pense que le ministre est bien libre de faire ce qu'il veut. Il peut en déposer ou non. Je ne veux pas entrer dans cela.

M. VINCENT: Je suis d'accord là-dessus. M. LEVESQUE: Je ne veux pas entrer... M. VINCENT: Je suis d'accord là-dessus.

M. LEVESQUE: ... dans cette considération-là. Tout ce que je veux dire, c'est que, normalement, règle générale, ce qui se fait, c'est que le gouvernement ou l'Opposition apporte normalement des amendements assez régulièrement en comité plénier. Cela se fait également lorsque le projet de loi est déféré à une commission parlementaire.

Présentement, le ministre annonce, dans son discours de deuxième lecture, qu'il proposera...

M. VINCENT: Qu'il les annonce tout de suite.

M. LEVESQUE: ... les amendements, soit en commission parlementaire, soit en comité plénier. Il donne présentement, pour la bonne intelligence complète du projet de loi, la substance de ces amendements. Je veux dire que cela est quelque chose de très normal et de régulier.

M. VINCENT: Pas de problème.

M. LEVESQUE : Maintenant, je sais que le ministre n'a pas d'objection, je m'imagine... Mais je ne voudrais pas laisser l'impression que le ministre fait quelque chose d'irrégulier. C'est très régulier et même c'est aller au devant de ce qu'un ministre fait normalement, puisque c'est en comité plénier que, normalement, on apporte les amendements. Mais il le fait d'avance. Cela ne veut pas dire que ce sont les seuls amendements, qu'il pourrait apporter en comité plénier. Il parle des amendements qu'il est prêt, immédiatement, dès la convocation du comité plénier, à présenter. Il en donne la substance. Nous discutons présentement, non pas article par article, mais le principe du bill. Alors, c'est justement parce que nous discutons du principe du bill que nous procédons de cette façon.

M. LE PRESIDENT: Le député de Nicolet est satisfait, mais j'aurais une remarque à ajouter.

M. VINCENT: Moi, M. le Président,... M. LE PRESIDENT: Je ne voudrais pas... M. VINCENT: ... je ne le suis pas.

M. LE PRESIDENT: Vous ne l'êtes pas. Bien, c'est peut-être régulier de mentionner les amendements qui seront apportés mais il faut quand même s'en tenir au principe.

M. LEVESQUE: C'est ça.

M. LE PRESIDENT: Il ne faudrait pas qu'on lise seulement les amendements parce que là, à moins que ce soit vraiment un principe nouveau au projet de loi, je ne pourrais pas permettre de parler seulement des amendements qui ne sont que des modalités et des détails du bill. Il faut s'en tenir au principe.

M. VINCENT: J'accepte le "filibuster".

DES VOIX: Ah!

M. VINCENT: Oui, c'est ça.

M. PAUL: C'est votre objectif de vous rendre à minuit.

M. VINCENT: Vous voulez vous rendre à minuit.

M. TOUPIN: Je ne sais pas si je vais être capable, M. le Président.

M. LEVESQUE: Nous voulons entendre le député de Nicolet.

M. VINCENT: Non, non, j'ai tout le temps qu'il faut.

M. LEVESQUE: Ah non! Ce ne serait pas complet.

M. TOUPIN: Alors, M. le Président...

M. LEVESQUE: Nous allons écouter le député de Nicolet...

M. TOUPIN: ... je suis bien d'avis...

M. LEVESQUE: ... même si nous dépassons minuit.

M. LE PRESIDENT: Ah bien cela, c'est... L'honorable ministre de l'Agriculture.

M. TOUPIN: ... et je vais essayer de m'en tenir, le plus possible, aux principes généraux sans donner l'ensemble des notes ou de la rédaction des différents articles que nous avons amendés.

Maintenant, M. le Président, je ne vois pas d'inconvénient à déposer, tantôt, après mon discours de deuxième lecture,...

M. VINCENT: D'accord, d'accord!

M. TOUPIN: ... une copie des amendements.

M. VINCENT: C'est correct.

M. TOUPIN: A ce moment-là, chacun des partis pourra en prendre connaissance et ainsi sera en mesure de travailler, cette fois-là, peut-être plus efficacement que les fois précédentes.

Je me réfère à la commission parlementaire où il avait été convenu que chacun des députés fasse ses suggestions. Après la commission, je me suis rendu compte que très peu étaient parvenus à préciser des suggestions qui soient véritablement valables et qui nous aident, dans le temps, à présenter l'ensemble des...

M.VINCENT: Nous allons revenir là-dessus!

M. TOUPIN: ... des amendements qui se tiennent un peu plus.

Un amendement assez important a été apporté concernant les référendums.

M. PAUL: L'amendement a été apporté.

M. TOUPIN: L'amendement sera suggéré en ce qui concerne les référendums. Dans le projet de loi original, nous avions prévu trois référendums. Le premier dans le but d'accréditer l'association, d'une part, et de consulter les producteurs sur la retenue syndicale, d'autre part.

C'était ce qu'on retrouvait dans le projet de loi original.

Un deuxième référendum s'appliquait à l'augmentation des cotisations.

M. VINCENT: C'est ridicule.

M. TOUPIN: Un troisième s'appliquait pour la désaccréditation de l'association s'il y avait lieu de désaccréditer l'association accréditée. L'amendement que nous proposons corrigera ces ensembles de lacunes. Ces amendements amélioreront le projet de loi.

Je regarde le député de Nicolet qui rit, M. le Président. Je trouve cela drôle moi aussi. Je vais vous dire pourquoi. C'est que lorsque nous étions en commission parlementaire, il ne nous a jamais fait de suggestions comme cela. Imaginez que nous l'avons découvert tout seul.

M. LEDUC: On est bon.

M. TOUPIN: On demandait des suggestions, à ce moment-là, mais on n'en avait pas eu. Je vous le dis parce que le député de Nicolet dit que c'était ridicule. Nous avons cru qu'il était nécessaire que nous proposions des amemdements à cet article.

Dorénavant, une association pourra être accréditée — si, toutefois, les amendements que nous suggérons sont agrée's — si cette association fait la preuve qu'elle représente majoritairement l'ensemble des agriculteurs du Québec, c'est-à-dire que si elle en fait la preuve à la Régie des marchés agricoles du Québec. La Régie prendra les moyens nécessaires et requis pour vérifier si cette preuve de représentativité correspond à une majorité de producteurs et si elle est authentique et valable. Or, c'est un des pouvoirs qui sont dévolus à la régie. Il devient plus facile, à ce moment-là, de travailler pour la construction d'un syndicalisme agricole au Québec qui soit démocratique et qui respecte l'ensemble des règles syndicales déjà connues dans la province. Faire appel au référendum sur cette question rendait difficile le choix que le producteur avait à faire.

Dans ce qui était proposé originalement, normalement, sur un bulletin de vote, on aurait dû voir deux questions. La première: Etes-vous pour une accréditation? Etes-vous pour qu'on reconnaisse une telle association comme étant celle qui vous représentera? C'était la première question. La deuxième question disait: Si vous êtes d'accord avec cette association pour qu'elle vous représente, êtes-vous maintenant d'accord pour que cette association prélève une cotisation obligatoire? C'était dans le projet de loi original.

Ce que nous suggérons comme amendement à ce chapitre, c'est que le référendum s'en tienne exclusivement à la retenue de la cotisation obligatoire. Ainsi, le producteur ne sera pas placé...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Pourrais-je demander une précision au ministre s'il vous plaît, s'il me le permet?

M. TOUPIN: Oui, bien sûr.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Lorsque vous dites que l'UCC devra donner une preuve de représentativité, c'est-à-dire 50 p.c. plus un, parlez-vous d'une carte d'adhésion ou d'un référendum pour l'accréditation?

M. TOUPIN: Je n'ai pas parlé d'une carte d'adhésion mais j'ai parlé d'un référendum. C'est qu'il ne sera pas nécessaire qu'il y ait référendum dans ce que nous proposons pour qu'une association soit accréditée. La régie recevra, de la part d'une association qui veut se faire accréditer, d'abord sa demande. Et cette association qui veut se faire accréditer devra fournir une preuve qu'elle représente la majorité des producteurs. Comment peut-elle faire cette preuve? Normalement, elle se fait de deux façons: Elle peut se faire par un registre de membres en règle de l'association qui veut se faire accréditer, et elle pourra se faire également sous forme d'une carte de membre que l'association accréditée aura remise à ses membres qui ont adhéré volontairement. Elle peut donc se faire de deux façons.

C'est la régie qui a la responsabilité de faire la preuve si ce moyen utilisé par l'association est authentique et si le nombre de cartes ou de noms que nous retrouverons sur les listes correspond à la majorité des agriculteurs de la province de Québec.

Nous avons ainsi procédé en deux étapes: d'abord, une accréditation et, ensuite, une formule Rand, c'est-à-dire une retenue obligatoire. Pour que l'association puisse se prévaloir de cette retenue lorsque la loi sera adoptée, elle devra consulter l'ensemble des agriculteurs du Québec. Tous auront l'occasion de dire si, oui ou non, ils sont d'accord pour qu'on prélève sur leur paie de vente de produits agricoles une cotisation syndicale.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'ai hâte d'en discuter.

M. TOUPIN: Vous avez hâte de discuter ça. Moi aussi, d'ailleurs.

Nous suggérons un autre amendement qui est peut-être un peu moins fondamental. Il réfère à la réunion du congrès ou de l'assemblée générale de l'association accréditée. Dans le projet de loi original, nous avions prévu que 5 p.c. des agriculteurs pourraient demander la tenue d'une assemblée générale.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense que vous allez profondément dans les détails.

M. TOUPIN: Je vais tenter de me sortir des détails, M. le Président. Je vais essayer de revenir au principe général. Je ne voudrais pas me répéter; je voudrais seulement...

M. PAUL: Il ne reste qu'un quart d'heure, envoyez.

M. TOUPIN: ... en conclusion, faire une sorte de synthèse de tout ce que contient ce projet de loi et des principaux objectifs qu'il poursuit. Nous avons voulu, en le présentant, d'abord, doter les agriculteurs d'une législation syndicale.

Nous avons voulu, par la suite, reconnaître un syndicalisme de fait et reconnaître juridiquement une histoire syndicale agricole au Québec. Nous avons voulu, par conséquent, aussi, offrir aux agriculteurs du Québec le droit de devenir membres d'un syndicat de leur choix.

Nous avons voulu aussi donner à l'ensemble des agriculteurs du Québec un mécanisme d'action juridique qui va leur permettre de travailler en collaboration avec les autres organisations agricoles du Québec, qu'il s'agisse d'organisations coopératives ou d'organisations de mise en marché des différentes fédérations spécialisées.

Je dis bien que nous voulons offrir un mécanisme qui créera une voie et des cadres qui vont rendre plus faciles les rapports entre ces différentes organisations et qui vont rendre plus faciles, par conséquent, les solutions à trouver à l'ensemble des problèmes qu'ont à rencontrer, tous les jours, et les producteurs et les associations de producteurs.

En un mot, pour terminer, nous avons voulu offrir aux agriculteurs du Québec un moyen de plus pour les aider à mieux s'organiser et pour les aider à trouver des meilleures solutions à l'ensemble de leurs problèmes et à reconnaître, dans un projet de loi, le droit à cette catégorie de travailleurs de la société de se grouper en vue de défendre et leurs intérêts particuliers et leurs intérêts collectifs tant professionnels qu'économiques. C'est au fond, M. le Président, la philosophie qui nous a guidés lorsque nous avons préparé ce projet de loi et c'est celle qui nous guidera lorsque nous le défendrons au cours des prochaines séances que nous aurons, et ce sera toujours celui qui nous guidera tant et aussi longtemps que nous aurons la responsabilité d'administrer le ministère de l'Agriculture du Québec.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.

M. Clément Vincent

M. VINCENT: M. le Président, au mois d'octobre 1970, à l'occasion du congrès général de l'UCC, le ministre de l'Agriculture donnait la promesse formelle que la loi du syndicalisme agricole serait votée en cette Chambre avant le 31 décembre 1970. Le lendemain, il faisait parvenir un télégramme pour dire qu'il s'était trompé que c'était le 31 décembre 1971.

UNE VOIX: Elle est vieille celle-là, M. Vincent.

M. VINCENT: En juillet 1971, le projet de loi sur le syndicalisme agricole fut présenté à cette Chambre. Immédiatement, à une suggestion que nous avions faite antérieurement, nous de l'Opposition officielle, le premier ministre et le gouvernement ont accepté de déférer ce projet de loi à la commission parlementaire de l'Agriculture et de la Colonisation. Vous remarquerez, M. le Président, que c'était en juillet 1971 et non pas avant-hier. Le projet de loi fut déféré à la commission parlementaire de l'Agriculture et de la Colonisation, mais cette commission parlementaire n'a siégé que le 26 août 1971. Donc, un mois et demi s'est écoulé, pour répondre au premier ministre qui se demandait pour quelle raison, on ne permettait pas d'appeler le projet de loi sur le syndicalisme agricole, un mois et demi s'est écoulé, dis-je, entre la présentation de cette importante législation et la première séance de la commission parlementaire de l'Agriculture et de la Colonisation.

Vous remarquerez également M. le Président, que lorsque tout à l'heure on a parlé de l'absence de certains députés, nous nous sommes retenus pour ne pas parler de l'absence du ministre de l'Agriculture hier soir à l'occasion d'un vote très important sur les questions agricoles. M. le Président...

M. BOURASSA: Sur les votes, il en a manqué un.

M. VINCENT: Non, non! J'ai dit qu'on s'était retenu pour ne pas parler de son absence à l'occasion d'un important vote. On s'est retenu. On n'en parlera pas.

M. BOURASSA: Une petite motion d'obstruction.

M. VINCENT: Egalement, la commission parlementaire de l'Agriculture et de la Colonisation a siégé à l'occasion de trois séances le 26 août, le 2 septembre et un peu plus tard au cours du mois de septembre. Ce n'est que plusieurs semaines plus tard qu'à la suite de questions, de réponses ambigües, de questions répétées de la part des trois Oppositions officielles nous sommes retournés devant la commission parlementaire de l'Agriculture et de la Colonisation pour ce que nous croyions entendre également du ministre de l'Agriculture sur cette importante question. Si ma mémoire m'est fidèle, car nous sommes samedi soir, ces documents sont dans mon bureau, ce n'est que vers le 14 novembre les travaux de la commission se sont terminés, et nous sommes maintenant le 18 décembre, un samedi soir, à minuit moins dix. On nous ramène le projet de loi 64, pour la deuxième lecture et on vient tout juste — et je remercie le ministre de son obligeance, de sa gentillesse — de nous remettre la copie des amendements qui seront proposés lorsque la Chambre se formera en comité plénier.

Donc, tout ceci pour vous dire comme ç'a

été long, comme ç'a été laborieux, comme ç'a été difficile pendant des semaines, des mois et des mois d'arriver devant cette Chambre et devant l'Assemblée nationale avec le projet de loi en deuxième lecture. C'est parce que probablement ça ne faisait pas l'affaire du gouvernement, parce qu'on voulait probablement attendre à la dernière minute...

M. BOURASSA: C'est un filibuster qu'on a fait?

M. VINCENT: Oui, parce que l'on voulait attendre à la dernière minute, parce que les amendements ne seront connus à la classe agricole que le lundi le 20 décembre, quelques jours avant la période des Fêtes.

M. GARNEAU: Un cadeau de Noël.

M. VINCENT: ... si les agriculteurs du Québec ne sont pas satisfaits sur les modalités, non pas sur le principe que nous acceptons, comme nous l'avons dit devant la commission parlementaire, nous aurons l'occasion d'en discuter la semaine prochaine, pour que les agriculteurs du Québec n'aient pas le temps, comme on l'a fait sur une autre loi, de s'organiser pour venir rencontrer le gouvernement ou le ministre actuel et faire des protestations officielles, car nous serons à quelques jours de la période des Fêtes et nous serons à quelques heures de l'ajournement de la session. Encore là, le gouvernement actuel, poursuivant sa politique de rouleau-compresseur, va arriver devant la classe agricole, devant les députés de cette Chambre, en disant: Votez la loi, nous sommes à seulement quelques heures de l'ajournement et nous serons dans quelques jours à la grande fête de Noël, nous voulons cette paix dans notre société québécoise. Nous voulons que le peuple québécois se réjouisse, mais se réjouisse de quoi?

Est-ce que les dirigeants de l'UCC, qui sont dans les galeries présentement, sont au courant de ces amendements qu'ils attendent depuis le 26 août 1971?

M. BOURASSA: Oui, mais on fait avancer le débat, quand même, par la deuxième lecture.

M. VINCENT: Oui, on fait avancer le débat. Cela va nous permettre d'en prendre connaissance...

M. BOURASSA: C'est toujours ça.

M. VINCENT: ... mais nous aurions pu en prendre connaissance dès le 14 novembre 1971.

M. HARVEY (Jonquière): Il y a trois ans.

M. VINCENT: Pour l'information du ministre du Revenu, j'ai tout ce qu'il faut pour parler d'il y a trois ans, d'il y a deux ans et d'il y a un an.

M. HARVEY (Jonquière): Nous avons hâte de vous entendre.

M. VINCENT: Le ministre du Revenu va constater, à ce moment-là, qu'il n'aurait pas dû avancer les propos qu'il a avancés il y a quelques instants.

M. HARVEY (Jonquière): Vous insisterez pour que le député de Chicoutimi, qui s'inquiète à l'occasion de notre absence, soit ici, lui qui est censé aimer les agriculteurs.

M. PAUL: M. le Président, je me dois de soulever une question de privilège pour mon collègue. Je crois que, s'il y a quelqu'un qui prêche l'exemple non pas par la fréquentation de la commission parlementaire du restaurant, mais par une contribution positive aux travaux de cette Chambre, c'est l'honorable député de Chicoutimi. Je sais personnellement qu'il avait, ce soir, un engagement qu'il a reporté jusqu'à très tard dans la soirée pour être capable...

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, sur une question de privilège. On n'a pas le droit de faire des insinuations ou de donner des informations qui sont fausses en cette Chambre. J'invite le député de Maskinongé à aller au café du parlement où se trouve le député de Chicoutimi actuellement, puisque je reviens d'y prendre un café.

M. PAUL: M. le Président, je soulève de nouveau ma question de privilège.

M. BOURASSA: Menteur.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, j'entends le premier ministre me traiter de menteur, mais je n'ai pas menti à la population en lui faisant miroiter de faux espoirs économiques.

M. BOURASSA: J'ai dit lenteur.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Revenez à la question de privilège.

M. PAUL: M. le Président, j'ai invoqué la question de privilège pour le député de Chicoutimi, qui a toujours prêché l'exemple par sa participation aux travaux parlementaires.

M. BIENVENUE: Il a un rendez-vous.

M. PAUL: ... qui a un rendez-vous qu'il a retardé jusqu'à tard dans la soirée...

M. BIENVENUE: Au café du parlement...

M. PAUL: ... et j'ai été informé qu'il ne pourrait malheureusement que rencontrer ces

mêmes personnes avec moi, après minuit. Je ne vais pas reprocher...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs!

M. PAUL: ... je ne puis pas reprocher à mon collègue, plutôt que d'entendre les insignifiances qui nous ont été lues par le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation, de s'être reposé en dehors de cette Chambre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je prends la parole des deux députés.

M. VINCENT: M. le Président, je disais donc, avant ces interventions, encore une fois, que le gouvernement actuel, à la dernière minute, sur un projet de loi dont nous acceptons le principe, à la dernière minute, nous apporte le projet de loi, nous fait connaître les amendements le 18 décembre, un samedi soir à minuit moins quart, à quelques jours de la période des fêtes, pour ne pas avoir à "s'enfar-ger", pour ne pas avoir à faire face, s'il y a lieu, comme nous aurons l'occasion de le vérifier en lisant les amendements, parce qu'ils ont eu peur, à faire face à ceux qui auraient des griefs à apporter. Il serait trop tard. Même plus, je tiens à faire remarquer, ce soir...

M. LACROIX: Cela en prend des peureux pour parler comme ça.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. VINCENT: Je tiens à faire remarquer ce soir que, contrairement aux coutumes établies, il est minuit moins deux minutes et le premier ministre veut présentement retarder les travaux de la Chambre en demandant l'ajournement...

M. LACROIX: Imbécile par-dessus imbécile!

M. LE PRESIDENT: Continuez. Continuez. M. VINCENT: M. le Président...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je pose la question de privilège parce qu'en mon absence, l'on a signalé que j'étais absent de la Chambre. Vous savez, M. le Président, avant que je vous donne les raisons de mon absence,...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... vous savez que s'il y a quelqu'un qui donne ici l'exemple d'assiduité, c'est celui qui vous parle. M. le premier ministre pourra me rendre cela. Je n'en veux pas du tout à mon collègue de Jonquière, qui est un bon ami, d'avoir dit cela. Il a voulu faire une blague, sans doute. Mais j'avais des rendez-vous, et je dois rencontrer... Messieurs, je ne vous donnerai pas d'adresses.

M. LE PRESIDENT: A moi!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah oui! à vous, M. le Président, mais en secret.

M. LACROIX: Réservez l'autre qui aime les hommes gras!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'avais un rendez-vous.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je dois, tout à l'heure, rencontrer un groupe de cultivateurs avec certains de mes collègues. Il y en a qui sont déjà à mon bureau. Il y en a d'autres à qui j'ai indiqué l'endroit où ils doivent me rencontrer avec d'autres collègues. Par conséquent, je ne voudrais pas que l'on profite de mon absence pour dire que je ne m'intéresse pas à la cause des cultivateurs.

M. LE PRESIDENT: Bon, il est...

M. VINCENT: Egalement, juste un mot, M. le Président,...

DES VOIX: Minuit.

M. VINCENT: Il reste encore une minute.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre A l'ordre!

M. VINCENT: Contrairement, M. le Président, à la coutume établie alors qu'on informe généralement les principaux porte-parole de l'Opposition avant d'amener un projet de loi, on a voulu... d'ailleurs le député de Lotbinière ne le savait pas, il est absent, ce soir, pour des raisons que nous connaissons et le député de Sainte-Marie aurait pu aussi bien s'absenter que moi-même, mais pour la première fois, contrairement aux coutumes établies on apporte un projet de loi. Eh bien, en ce qui me concerne, ces coutumes, nous allons les laisser établies...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. VINCENT: ... à l'avenir.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'honorable député de Nicolet demande l'ajournement du débat?

M. VINCENT: Oui, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, évidem-

ment le feuilleton contient pas mal ce que nous avons sur le menu la semaine prochaine. Mais d'autre part, je crois bien qu'il sera possible aux députés d'aborder, dès lundi matin, l'étude de deux possibilités: Le projet de loi no 28...

M. VINCENT: Le syndicalisme agricole. M. LEVESQUE: Pardon?

M. VINCENT: Le syndicalisme agricole, lundi matin à dix heures trente?

M. LEVESQUE: Ecoutez!

M. BOURASSA: C'est nous qui décidons.

M. VINCENT: Voyez-vous!

M. LEVESQUE: ... ou encore le budget supplémentaire.

M. VINCENT: Entendez-vous cela?

M. LEVESQUE : Alors, pour lundi matin, disons...

M. VINCENT: Prenez cela en note.

M. LEVESQUE: Est-ce que vous voulez savoir? Je pensais...

UNE VOIX: Nous voulons savoir.

M. BURNS: Je dis aux gens d'écouter cela comme il faut. C'est quand même fantastique comme aveu.

M. LEVESQUE: Oui! Très bien! Le projet de loi no 28, ou le budget supplémentaire, ou le syndicalisme agricole.

M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne ses travaux à lundi...

M. LEVESQUE: Dix heures trente. M. LE PRESIDENT: ... dix heures trente. (Fin de la séance à 0 h 2 )

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