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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le lundi 20 décembre 1971 - Vol. 11 N° 111

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

(Dix heures quarante minutes)

M. LAVOIE (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs !

Affaires courantes. Présentation de pétitions. Lecture et réception de pétitions. Présentation de rapports de commissions élues.

Commission des Affaires sociales

M. FORTIER: M. le Président, la commission des Affaires sociales a l'honneur de soumettre à votre honorable Chambre son deuxième rapport. Votre commission s'est réunie pour étudier le projet de loi no 65, réimprimé, Loi de l'organisation des services de santé et des services sociaux, les 15 et 17 décembre 1971.

M. LE PRESIDENT: Ce rapport est-il lu et reçu?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Agréé. M. LE PRESIDENT: Reçu.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je ne sais pas si c'est bien conforme à la procédure mais je voudrais simplement indiquer, suite à ce rapport du président de la commission, que les amendements dont il a été question au moment de la discussion du projet de loi et sur lesquels il devait y avoir vérification du texte quant à la façon exacte de les rédiger seront distribués avant la reprise des travaux à deux heures trente cet après-midi.

M. LE PRESIDENT: Présentation de motions non annoncées. Présentation de bills privés. Présentation de bills publics.

M. LEVESQUE: D.

Projet de loi no 266 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la première lecture du projet de loi intitulé Loi sur la pharmacie.

M. CASTONGUAY: Les notes explicatives sont très longues mais elles sont de même nature que les autres.

M. LE PRESIDENT: De même nature.

M. LOUBIER: Est-ce que je pourrais poser une question au ministre? Est-ce que le dépôt signifie que le délai court dès ce moment-ci pour la présentation des mémoires?

M. LEVESQUE: Non. Ce sera le dernier et il ne sera pas déposé ce matin, mais au cours de la semaine, probablement.

M. PAUL: Samedi matin.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

UNE VOIX: Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. CARDINAL: On comprend que c'est la même motion que dans les autres cas?

M. LE PRESIDENT: Excusez-moi, je retire la deuxième lecture.

M. CARDINAL: Nous sommes en train de devenir le gouvernement.

M. LEVESQUE: Je vais attendre que les deux soient appelés pour faire la motion pour les deux en même temps.

M. CARDINAL: D'accord! M. LEVESQUE: F.

Projet de loi no 273 Première lecture

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la première lecture du projet de loi des infirmières et infirmiers.

Cette motion est-elle adoptée?

M. PAUL: Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ces deux projets de loi soient maintenant déférés à la commission parlementaire spéciale sur les professions.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Agréable. M. LE PRESIDENT:

Déclarations ministérielles. Dépôt de documents. Questions des députés.

Questions et réponses

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

Achat de firmes canadiennes par des Américains

M. ROY (Beauce): M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

Est-ce que l'honorable ministre des Institutions financières pourrait nous dire s'il a pris connaissance d'une nouvelle de la Presse canadienne, en fin de semaine, à l'effet qu'une compagnie américaine s'apprêtait à acheter six maisons canadiennes, maisons oeuvrant dans le domaine des finances?

Deuxièmement...

M. TETLEY: Pardon?

M. ROY (Beauce): Est-ce que le ministre a pris connaissance d'une nouvelle à l'effet qu'une entreprise américaine, la Retail Credit Company, s'apprête à acheter six maisons de crédit canadiennes? Comme ceci aurait des répercussions sur les institutions financières du Québec, est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il a pris connaissance de cette nouvelle? Si oui, est-ce que son ministère entend faire des représentations auprès du gouvernement fédéral? Si oui, encore, quelles sont les représentations que le gouvernement entend faire?

M. TETLEY: Je prends note de la question, M. le Président. J'ai eu certaines nouvelles, mais pas exactement les mêmes que les vôtres. Je vais répondre demain.

M. ROY (Beauce): Question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que le ministère des Institutions financières a l'intention d'étudier cette question à fond et de faire les représentations qui s'imposent en vue de protéger les droits que nous avons au Québec et d'éviter qu'il y ait trop d'implications sur nos institutions financières québécoises?

M. TETLEY: J'en prends bonne note, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Frontenac.

Politique fiscale du gouvernement fédéral

M. LATULIPPE: M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable ministre du Revenu. A dix jours de l'application du bill C-259, est-ce qu'un travail sérieux se fait au ministère, surtout sur la question de la politique fiscale du Québec? Quels sont actuellement les objectifs du ministre, en regard de la nouvelle Loi C-259, qui, on le sait, va révolutionner un peu la pratique comptable en économie fiscale?

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, la politique du gouvernement du Québec en ma- tière fiscale sera annoncée par le ministre des Finances dans une déclaration ministérielle qu'il fera dans quelques jours.

M. LATULIPPE: Question additionnelle, M. le Président. Dois-je comprendre qu'elle sera annoncée avant la fin de la présente session?

M. HARVEY (Jonquière): Oui, M. le Président.

M. LATULIPPE: Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

Dévaluation du dollar américain

M. LAURIN: Ma question s'adresse au premier ministre. Lors du débat de samedi, le premier ministre a fait une minidéclaration ministérielle sur les effets, au Québec, de l'abolition de la surtaxe et de la dévaluation du dollar américain, déclaration qu'il a reprise hier sur les ondes.

Est-ce que le premier ministre pourrait reprendre, dans une déclaration plus complète, les effets possibles, sur le Québec, de la nouvelle politique américaine, d'une part, et, d'autre part, si le Québec entend prendre des mesures d'ajustement en rapport avec la nouvelle politique américaine qui a été annoncée?

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai dit, hier et avant-hier, que dans l'ensemble, je crois qu'il faudra attendre quelques jours pour voir quel sera l'état de la valeur du dollar canadien par rapport au dollar américain. La force concurrentielle du Québec pourrait être accrue, notamment vis-à-vis des pays qui ont une hausse de leur monnaie. La situation du Québec est améliorée également par l'abolition de la surtaxe.

Il reste à voir quel sera l'effet, et nous le saurons au cours des prochains jours. Il est très plausible qu'il n'y ait pas tellement de changement entre le dollar canadien et le dollar américain, étant donné que nous avons un taux flottant. Mais nous serons fixés là-dessus d'ici quelques jours.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

Adoption du projet de loi no 64

M. PAUL: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt certaines déclarations faites hier par l'honorable premier ministre qui a dit notamment, sur les ondes, qu'il espérait que la Chambre adopte avant Noël le projet de loi 65, le projet de loi 28 et le budget supplémentaire.

Est-ce que c'était intentionnel de la part du premier ministre d'écarter, du revers de la main, le projet de loi 64, car nous désirons beaucoup plus d'agriculture que de procédure?

M. BOURASSA: M. le Président, avec la collaboration des Oppositions. J'ai donné quelques exemples à l'émission Bourassa dialogue. Il y a évidemment la question de l'intégration des forces policières qu'il faut absolument adopter avant le 1er janvier. Il y a les projets de loi sur la Société générale de financement et sur les caisses populaires. Ce sont d'autres projets et, évidemment, cela dépendra de la longueur des débats, mais il paraît essentiel de les adopter.

Quant au bill 64 — j'ai été relativement modéré dans mes critiques de l'Opposition — il reste que nous aurions pu avancer beaucoup plus loin dans ce bill s'il n'y avait pas eu le long débat sur la Loi de l'évaluation foncière.

M. PAUL: M. le Président, est-ce que le premier ministre a pris connaissance d'une déclaration faite par M. Allain en fin de semaine qui demande au gouvernement de retirer le bill 48 ou de l'amender immédiatement?

M. LEVESQUE: Il est adopté.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. ROY (Beauce): M. le Président, est-il exact que c'est l'intention du gouvernement de tenir l'Opposition responsable du fait que le bill 64 ne serait pas adopté avant les Fêtes?

M. BOURASSA: La population jugera, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

Subventions aux universités

M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre de l'Education. A la suite de la parution du rapport du Conseil des universités qui blâme le gouvernement pour ne pas annoncer assez tôt ses subventions, c'est-à-dire en juillet cette année alors que les universités ont besoin que ces subventions soient annoncées en février pour pouvoir effectuer leur rationalisation budgétaire, est-ce que le ministre entend prendre des mesures ou a déjà pris des mesures pour que la politique de subventions du ministère aux universités soit annoncée à une date qui permette aux universités de rationaliser leur budget?

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, les mesures ont déjà été prises pour permettre aux universités de connaître l'état de leur budget de fonctionnement vers la mi-mars, ce qui nous semble satisfaisant compte tenu du délai requis par les universités elles-mêmes pour préparer leur état financier.

M. LAURIN: Les mesures ont-elles déjà été prises ou si elles vont être prises, et est-ce que les universités en ont été informées?

M. SAINT-PIERRE: Les mesures ont déjà été prises, M. le Président. J'ai rencontré moi-même les recteurs d'université il y a environ cinq semaines et le processus se déroule normalement entre le Conseil des universités et le ministère de l'Education pour l'établissement des critères et la révision des budgets des universités, incluant les cas particuliers.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales aimerait répondre à une question posée à une séance antérieure.

Hôpitaux à l'extérieur du Québec

M. CASTONGUAY: C'est la question qu'on m'a adressée vendredi ou samedi au sujet de la couverture de certains examens dans les hôpitaux à l'extérieur du Québec. Il s'agit des examens ou services rendus dans des cas d'urgence. Le problème se pose, non pas à cause du fait que le Québec a dans son régime d'assurance-hospitalisation une couverture plus limitée que les autres provinces, mais c'est plutôt l'inverse.

Certains services sont couverts en consultation externe dans les hôpitaux du Québec et ce n'est pas le cas dans les hôpitaux à l'extérieur du Québec. Alors, c'est de là que provient le fait qu'il y a des gens, des Québécois, qui se font traiter à l'extérieur dans des cas d'urgence. Ils sont facturés par les hôpitaux pour les services reçus, alors que, s'ils les recevaient dans les hôpitaux du Québec, ils n'auraient pas à payer ces frais.

Alors, nous avons amorcé des discussions avec le gouvernement de l'Ontario sur cette question et il semble bien que, dans un cas, ces discussions vont nous mener à une entente particulière avec un hôpital puisque la solution générale de ce problème dépend essentiellement du gouvernement des autres provinces. C'est à eux à décider s'ils couvrent ce type de service, tout comme cela a été fait au Québec déjà.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.

Projet de loi no 64

M. VINCENT: M. le Président, en l'absence du ministre de l'Agriculture et de la Colonisation, ma question s'adresse à l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce. Est-ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce et leader parlementaire du gouvernement a informé le ministre de l'Agriculture que, ce matin, le bill 64 ne serait pas appelé contrairement à ce que, nous, de l'Opposition, pensions? Car nous nous sommes préparés hier au lieu d'aller dans nos familles.

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai discuté tantôt avec les différents chefs de partis et le représentant du Ralliement créditiste. Nous

sommes pris devant une situation d'urgence pour ce qui a trait au budget supplémentaire. Il y a quand même un budget de $79 millions pour les assistés sociaux. Il doit être voté pour que les assistés sociaux puissent recevoir leur paiement. Alors, j'ai prévenu les chefs de partis et j'ai obtenu leur accord sur le fait qu'on procéderait immédiatement à l'étude du budget supplémentaire.

M. VINCENT: Question supplémentaire au premier ministre. Comme les agriculteurs deviendront bientôt des assistés sociaux à cause du bill 48...

M. LE PRESIDENT: Question! Question! M. LEVESQUE: A l'ordre!

M. VINCENT: ... et des trente-six mesures d'assistance qui sont disparues, est-ce qu'il ne serait pas urgent de revenir au bill 64 ce matin?

M. LEVESQUE: A l'ordre!

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'invoque le règlement pour rectifier les faits. Le premier ministre a dit qu'il avait consulté tout à l'heure les chefs de parti, dont le représentant du Ralliement créditiste. Alors, la seule question que j'ai posée au premier ministre, ce matin, était: Quels sont les travaux du jour, sur quels sujets allons-nous discuter en particulier? Je tiens à dire qu'on ne nous a pas demandé notre avis à savoir si on devait ou non accepter d'étudier le bill 64. Je tiens à rectifier les faits. Je n'ai pas de question à poser.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. LOUBIER: Le premier ministre a, en fait, demandé ce matin quelle était mon opinion sur l'ordre des travaux. Je dois dire qu'il est vrai que le premier ministre m'a consulté quant à l'ordre à suivre des travaux, sauf avec la petite nuance que j'ai suggéré au premier ministre de commencer par le bill 64 parce qu'il me paraissait urgent de vider cette question. Dans l'ensemble, nous sommes prêts à discuter l'article qui sera appelé par le gouvernement, mais j'ai manifesté ce regret qu'on n'appelle pas le bill 64 en premier.

M. LAURIN: Sur un point de règlement ou de privilège, M. le Président. Le premier ministre nous a informé — plutôt que consultés — ce matin de ses préférences pour tel ou tel projet de loi. Ce que nous avons dit, pour notre part, c'est que nos préférences allaient au projet de loi 64 dont la discussion, qui avait été commencée, devait, à notre avis, se poursuivre, mais que, s'il avait des raisons très probantes à nous apporter, autres que celles qu'il vient de nous donner et qui sont les mêmes que celles de l'an dernier, nous serions peut-être prêts à discuter. Par ailleurs, nous lui avons dit que nous ne sommes qu'au 20 décembre, qu'il y a encore 11 jours dans le mois de décembre et que nous sommes prêts à siéger ici continuellement afin de faire notre travail et que tous les projets de loi importants soient adoptés.

Un mort au pavillon Claude

M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. Il y aurait eu, paraît-il un mort lors du transfert des enfants du pavillon Claude à une autre institution à Aylmer. Est-ce que le ministère a fait enquête? Est-ce qu'il est maintenant prouvé que cette mort n'est pas du tout attribuable au déménagement?

M. CASTONGUAY: Il s'agit d'un cas, à mon avis, extrêmement pénible parce que l'on voit par cet exemple que l'Association des hôpitaux privés semble être prête à utiliser quoi que ce soit qui se produise pour compliquer le travail, pourtant essentiel, que le gouvernement doit faire quant à la protection de la santé publique, particulièrement dans des cas où il s'agit de déficience mentale profonde où, bien souvent, les parents ne sont pas en mesure, pour diverses raisons, d'exercer leur rôle habituel.

Dans le cas du transfert des enfants du pavillon Claude, il y a eu, quelques jours après le transfert, un décès. Il s'agissait d'une personne qui avait vécu à l'état végétatif depuis l'âge de cinq mois, qui avait atteint l'âge de 18 ans. Il y a eu enquête du coroner. Cette enquête a révélé que cette personne a passé très près de la mort à quatre ou cinq reprises au cours de son existence et que son décès n'était relié en aucune façon au transfert des enfants du pavillon Claude à Aylmer.

J'en profite pour ajouter aussi que, lorsque cette rumeur a été lancée, on a dit que des enfants se seraient blessés par le fait que, dans le nouvel établissement, sous la responsabilité du pavillon du Parc, ils n'étaient plus attachés. Il y a eu un peu d'agitation, au début, chez les enfants mais le tout est rentré normalement dans l'ordre. Déjà les enfants, selon les rapports des inspecteurs du ministère, ont un comportement beaucoup plus humain et normal qu'auparavant.

J'espère que ceci répond à la question du député. Je voulais en même temps en profiter pour dénoncer ce genre de démagogie qui me paraît extrêmement pénible puisqu'elle touche à des vies humaines.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lotbinière.

Amendements au projet de loi du syndicalisme agricole

M. BELAND: L'honorable ministre de

l'Agriculture a-t-il l'intention, dès ce matin, de déposer les amendements à la Loi du syndicalisme agricole, amendements qu'il devait déposer avant de continuer à étudier?

M. TOUPIN: M. le Président, j'ai déposé les amendements samedi soir. Je pense que chacun des partis peut présentement en prendre connaissance.

M. ROY (Beauce): M. le Président, le ministre pourrait-il faire parvenir au Ralliement créditiste une copie de ces amendements? J'ai été en Chambre jusqu'à minuit, samedi, et en aucun moment on n'est venu nous les porter.

M. LEVESQUE: M. le Président, les amendements ont été déposés sur la table du secrétaire de l'Assemblée nationale. Ces amendements sont disponibles pour chacun des membres de l'Assemblée.

Il est vrai qu'il y avait deux copies: Une est restée sur la table et l'autre a été remise entre les mains du leader parlementaire de l'Opposition officielle, qui l'a passée quelques instants plus tard au député de Nicolet.

M. PAUL: M. le Président, je m'oppose si on a voulu traiter l'Unité-Québec d'une façon préférentielle. Je crois que tous les partis d'Opposition doivent être traités équitablement et qu'on aurait dû également en donner une copie à mon honorable ami, le député de Lotbinière, et au spécialiste de l'agriculture, le député de Sainte-Marie.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.

Budget supplémentaire

M. CARDINAL: Maintenant que le ministre de l'Agriculture a fait son apparition, est-ce qu'il pourrait accepter la collaboration de l'Opposition pour étudier aujourd'hui le projet de loi no 64?

M. BOURASSA: Nous aurions préféré nous aussi continuer avec le projet de loi no 64, mais le ministre des Finances m'a laissé un S.O.S. ce matin en disant qu'il fallait absolument procéder au budget supplémentaire si nous voulons que, notamment, la classe la plus défavorisée de la société puisse recevoir les paiements auxquels elle a droit et dont elle a extrêmement besoin.

M. PAUL: Question additionnelle...

M. ROY (Beauce): Les cultivateurs ont également lancé des S.O.S.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: Est-ce que nous pourrions deman- der au ministre des Finances de retirer temporairement son S.O.S.?

M. GARNEAU: Je le ferais bien, M. le Président, mais pour les mêmes raisons que vient d'indiquer le premier ministre, d'autres personnes ne seraient peut-être pas en mesure de le faire.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lotbinière.

Demande des garagistes

M. BELAND: J'aurais une question à poser au ministre des Richesses naturelles. Est-ce que l'honorable ministre a reçu de la Fédération des garagistes une demande bien spécifique à la suite du bill no 90?

M. MASSE (Arthabaska): Je ne suis pas au courant, je prends avis de la question. Il est possible que ce matin il y ait eu de la correspondance à ce sujet.

M. BELAND: Question supplémentaire, à savoir que les garagistes demandent à être consultés avant la préparation des règlements.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le but d'une question est d'obtenir des renseignements, et non pas d'en donner.

L'honorable député de Chicoutimi.

Protestation des constructeurs d'habitations

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question au ministre des Affaires municipales? Est-ce qu'il a reçu les télégrammes de protestation de l'Association des constructeurs d'habitations concernant le projet de loi no 48 tel qu'il a été adopté?

M. TESSIER: Non, je n'ai pas reçu de tel télégramme.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question additionnelle. Est-ce que le ministre pourrait s'enquérir auprès des nombreuses personnes qui le servent pour se faire traduire ce télégramme qui était en français?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais une question à poser au premier ministre. Est-ce que j'ai bien compris tantôt quand il a dit que l'urgence du budget supplémentaire était créée par le poste de l'aide sociale?

M. BOURASSA: Le budget est de $132 millions, et l'aide sociale est de $89 millions.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que c'est la raison principale?

M. BOURASSA: C'est l'une des raisons.

M. CLOUTIER (Montmagny): Parce que j'ai fait un calcul rapide de l'aide sociale, et il y en a avec le budget actuel pour jusqu'au 15 janvier.

DES VOIX: Ah! Ah!

M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement. Le député devrait savoir que si nous ne votons pas cela — il n'y aura pas de session aux mois de janvier et février — avant le 31 décembre...

M. PAUL: On ne le sait pas.

M. BOURASSA: ... si ce n'est pas voté d'ici la fin de la session — je vois que le député veut blaguer — il va y avoir des problèmes extrêmement sérieux au mois de janvier. A moins que les députés veuillent siéger tout le mois de janvier et tout le mois de février.

M. PAUL: Nous sommes prêts.

M. BURNS: Nous avons dit à plusieurs reprises que nous étions bien d'accord pour revenir. Il n'y a pas de problème. Je ne vois pas pourquoi le premier ministre s'énerve.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous sommes payés pour ça.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. M. VINCENT: Bill no 64. M. LEVESQUE: Un instant.

M. BURNS: Le problème des taxis à Montréal, voyons donc!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Les camionneurs artisans !

M. BURNS: Qu'est-ce qu'ils vont dire, les chauffeurs de taxis de votre comté, M. le premier ministre?

M. BOURASSA: Est-ce que le député est prêt à discuter du bill 23 pour protéger les chauffeurs de taxi?

M. BURNS: Le bill 64.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Les camionneurs artisans !

M. BURNS: M. le Président, non seulement le premier ministre a trompé l'Opposition, mais il a trompé les agriculteurs qui ont probablement passé la fin de semaine ici.

M. LEVESQUE: Voyons!

M. BOURASSA: J'invoque le règlement, M. le Président.

M. BURNS: Ah non! c'est exactement ça!

M. BOURASSA: C'est absolument faux, c'est de la démagogie.

M. BURNS: Pas du tout.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement. Est-ce que le premier ministre a consulté son collègue, le ministre de la Voirie, au sujet des camionneurs artisans, particulièrement ceux de Drummondville?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai appelé les affaires du jour.

M. PINARD: Vous avez mal dormi! M. LEVESQUE: 1

Comité des subsides

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité des subsides.

Cette motion est-elle adoptée?

M. PAUL: Non, non! ne bougez pas!

M. BOURASSA: Cela va prendre du temps. Un autre filibuster.

M. Gabriel Loubier

M. LOUBIER : M. le Président, j'aurais préféré me lever ce matin pour discuter du bill 64, d'autant plus qu'on nous en avait laissé l'impression en fin de semaine.

M. le Président, le leader sait que j'ai le droit de traiter de tous les sujets, que j'ai la plus complète latitude de choisir les thèmes de mon intervention; j'ai également le temps accordé, par les règlements, pour faire un tour d'horizon, si je le veux bien, des politiques du gouvernement. Il sait fort bien également que j'ai le droit de préfacer le propos que j'entends tenir sur le budget supplémentaire proposé par le ministre des Finances. C'est pourquoi dans ma préface je voulais tout simplement dire aux ministériels, et plus particulièrement au premier ministre, que j'aurais été le député le plus heureux, ce matin, de commencer nos travaux par l'étude du projet de loi 64.

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. LOUBIER: M. le Président, est-ce que le leader a des interventions?

M. LEVESQUE: Certainement, parce qu'il y a un débat en cours, ceci paraît au feuilleton. Je ne crois pas que l'on puisse faire allusion, dans un autre débat, à un débat non pas seulement antérieur, mais en cours.

M. LOUBIER: M. le Président, disons que dans ma phrase j'enlève l'allusion au bill 64 et dis simplement que nous aurions tous souhaité ardemment, ce matin,...

UNE VOIX: Nous aussi.

M. LOUBIER: ... que les députés de cette Chambre puissent se prononcer sur l'urgence et la nécessité d'étudier en profondeur toutes les implications du syndicalisme agricole, des taxations, des programmes que l'on pourrait apporter pour aider l'agriculture. De toute façon, M. le Président, je pense que le budget supplémentaire, tel que soumis par le ministre des Finances, est le reflet le plus exact du gouvernement actuel.

Je dis ceci, M. le Président, parce que le budget principal et les budgets supplémentaires sont là pour témoigner du dynamisme d'un gouvernement, pour témoigner des priorités auxquelles un gouvernement doit s'attaquer dans la conjoncture que nous traversons. Je vous dis que ce budget manifeste, encore une fois, un geste de déception et que le gouvernement provoque, par ce budget, la stagnation, démontre son imprévoyance, son incapacité à gouverner et également vient cristalliser son état de sclérose qui devient de plus en plus alarmant au Québec.

C'est un budget tellement terne, M. le Président, un budget qui manque tellement d'audace, de détermination et de dynamisme qu'on peut dire, d'une façon très honnête, qu'il est à l'image du gouvernement, inodore et incolore.

M. le Président, un budget supplémentaire, dans son essence, est apporté pourquoi? Premièrement pour parer à des imprévus qui pourraient provenir de cas fortuits et qui obligeraient le gouvernement à manifester son souci de parer à ces imprévus.

Un budget supplémentaire peut également avoir comme motivation qu'il y a eu dépassement d'argent dans les politiques d'immobilisation ou d'investissement du gouvernement, ce qui indique, la plupart du temps, un manque de prévoyance dans les sommes à être investies ou à être immobilisées et témoigne également d'un manque de planification du gouvernement. Un budget supplémentaire peut également avoir comme raison fondamentale que des dépenses supplémentaires seraient les conséquences de lois adoptées au cours d'une session.

Le budget supplémentaire pourrait s'expliquer également parce que la conjoncture socio-économique est tellement différente depuis le début de la session et que les perturbations sont tellement momentanées que les priorités que le gouvernement aurait dû tracer sont changées et qu'un accent très fort doit être déplacé du social à l'économique ou inversement. Or, quelle est la situation actuelle qui prévaut au Québec? A quel contexte socio-économique avons-nous à faire face actuellement? Je pense que ce n'est pas faire appel à la démagogie que d'affirmer que nous traversons une période de chômage des plus dramatiques et que le taux est en train d'atteindre un sommet des plus alarmants pour le Québec.

En second lieu, nous avons à déplorer, d'une façon très sincère, un ralentissement d'investissements. Nous avons également à assister à la fermeture d'usines dans toutes et chacune de nos régions, à la fermeture de mines dans des régions comme le Nord-Ouest québécois, à un ralentissement de notre marché international et, ce qui est peut-être encore plus grave, à une fuite de capitaux qui laisse prévoir, à brève échéance, et à moyen terme, que la situation est loin d'être redressée. Il serait donc urgent et essentiel pour le gouvernement, s'il voulait montrer de l'audace et de la détermination, de l'originalité et de l'imagination, de prendre toutes les mesures requises par le budget supplémentaire pour redresser et apporter des correctifs à notre problème no 1 qui est le problème de l'économique au Québec.

En regardant très rapidement le sommaire des budgets des différents ministères, des sommes qu'on est appelé à voter pour les différents ministères, on se rend compte que sur un montant global de $132 millions, il y a grosso modo $90 millions affectés aux Affaires sociales, soit 70 p.c. du budget supplémentaire soumis à l'étude et à l'analyse des députés de cette Chambre. Dans cette conjoncture économique extrêmement perturbée, avec ce taux de chômage effarant, quelles sont les mesures qu'entend prendre le gouvernement à travers ce budget supplémentaire pour démontrer qu'il veut, avec vigueur, injecter notre économie? A peine 23 p.c. du budget actuel est consacré à des ministères à coloration ou à vocation économique, si on fait exception des $5,300,000 accordés au ministère du Tourisme, je présume, pour payer la subvention à la ville de Montréal relativement à Terre des Hommes.

Ce n'est pas mon intention de décrier les politiques sociales pour les plus défavorisés. Je veux bien, au cours de mes remarques, être bien interprété par les ministériels. Je sais que depuis une vingtaine d'années le Québec a connu un phénomène de socialisation de plus en plus accéléré sur le plan social. C'est un phénomène courant, normal et souhaitable dans toute société civilisée et dans toute société qui connaît de l'abondance ou encore un certain standard de vie plus élevé que dans 90 p.c. des pays du monde.

Et à travers la gamme de toutes les mesures sociales, depuis quinze ou vingt ans, nous avons amorcé d'abord ce phénomène par l'assurance-chômage, nous en sommes venus à l'assurance-

hospitalisation, à l'instruction prétendument gratuite, aux allocations familiales, à l'assurance-santé, etc.

Et, M. le Président, je pense que ce phénomène de socialisation sur le plan social est le propre, je le répète, d'une société civilisée qui veut avoir une distribution plus équitable des richesses et faire en sorte que ceux qui sont, pour une foule de raisons, plus défavorisés dans la société puissent bénéficier au moins d'un minimum vital et qu'ils ne soient pas traités comme des animaux. D'autre part, nous savons et nous avons conscience qu'il est extrêmement important pour le gouvernement d'hier, pour le gouvernement d'aujourd'hui, pour le gouvernement de demain, de consacrer des sommes très fortes à l'éducation, au bien-être et à la santé. Parce que, à ce moment-là, nous rejoignons les besoins et l'épanouissement du capital le plus précieux de toute société, son capital humain.

M. le Président, nous savons que, par exemple, au niveau de l'éducation, ça rejoint l'impératif économique que nous préparions notre jeunesse à faire face à ce monde extrêmement avancé sur le plan scientifique et sur le plan technologique. Nous voulons que par l'éducation, par une meilleure formation plus adéquate de notre jeunesse, nous puissions rejoindre cet impératif économique pour que nos jeunes, au Québec, puissent véritablement tenir les postes de commande dans ce monde, dans cette société de technologie et, alors, ce capital humain étant en santé, vivant dans un certain bien-être, avec une bonne formation, nous trouverons là une des clés pour que le Québec puisse non seulement traverser cette période de survivance mais véritablement atteindre son émancipation sur tous les plans.

Cependant, M. le Président, je pense que tous ces bénéfices sociaux que l'on accorde actuellement doivent fondamentalement tenir compte de trois réalités, de trois conditions, de trois subordonnés. Premièrement, il faut considérer la capacité de payer des contribuables du Québec. Je pense qu'il serait insensé pour un gouvernement de procéder et d'accélérer davantage ce phénomène de socialisation, de mettre un accent encore plus fort sur les dépenses d'immobilisation ou d'investissement en santé et bien-être si nous ne tenons pas compte de la capacité de payer des contribuables du Québec.

Deuxièmement, je pense que lorsqu'un gouvernement veut véritablement, sur le plan social, assurer une distribution équitable des richesses, il faut essentiellement et d'abord que notre société soit en état de progrès; il faut nécessairement et d'abord que la conjoncture économique permette la prospérité économique, permette toutes ces générosités ou encore tous ces privilèges, ou encore tous ces droits, selon le point de vue où on se place, qui sont accordés à ceux qui sont le plus défavorisés. Dans cette conjoncture économique, si l'on traverse une période de ralentissement ou si encore on connaît une relance dans l'économie, c'est ce mouvement vers le progrès ou vers le ralentissement qui doit dicter au gouvernement jusqu'où il peut être généreux ou jusqu'où il peut retenir ces mesures pour permettre à l'économie d'être saine.

Un troisième subordonné, pour verser dans l'accélération de la socialisation sur le plan social, il y a également, je pense, une étude des abus et des fraudes qui se commettent actuellement dans le Québec. Je dis qu'on est en train, dans le Québec, de faciliter et de créer une classe d'assistés sociaux qui sont de faux assistés sociaux. Il y a les vrais assistés sociaux qui devraient être traités avec plus de générosité, il y a ceux qui véritablement répondent à tous les critères, qui répondent véritablement à toutes les conditions et qui devraient être aidés davantage.

Mais il y a actuellement dans le Québec des milliers de faux assistés sociaux qui volent, à toutes fins pratiques, la collectivité par toutes sortes de subterfuges et pénalisent ceux qui auraient droit à en recevoir davantage. Ce qu'il y a de plus dramatique, c'est qu'ils empêchent le gouvernement — que ce soit le gouvernement d'aujourd'hui ou le gouvernement de demain — qui empêchent le gouvernement, dis-je, de drainer, de canaliser des dizaines et des dizaines de millions de dollars directement dans l'économique et faire en sorte qu'il y ait, dans différentes régions, des projets, des investissements qui permettraient de travailler à ceux qui veulent travailler et qui ont le désir de travailler, par respect pour leur personne, par respect pour leur famille et par respect pour la notion sérieuse du travail, mais qui ne peuvent pas le faire parce que le gouvernement est obligé de fermer les yeux ou de ne prendre aucune mesure pour éviter le coulage de ces dizaines et dizaines de millions de dollars qu'accaparent frauduleusement de faux assistés sociaux.

J'inciterais le gouvernement à prévoir des sanctions extrêmement sévères pour ceux qui volent littéralement la société, les contribuables et bloquent la relance économique dans certains secteurs, à cause de leur conduite extrêmement pernicieuse, à cause de leur absence du sens des responsabilités, à cause de leur manque d'honnêteté à l'endroit de ceux qui devraient en recevoir davantage.

Je pense que le gouvernement pourrait alors récupérer peut-être $50 millions, $75 millions, peut-être $100 millions — on ne le sait pas — et faire en sorte que, sur le plan social, on puisse, pour les vrais assistés sociaux, en accorder davantage et en prendre une partie imposante pour stimuler notre économie. N'y aurait-il pas lieu d'envisager même la possibilité qu'il y ait un contrôle local, ou pour le moins régional, mais un contrôle serré sur ceux qui demandent des allocations sous toutes ses formes, qu'il y ait vérification sur les lieux, de l'état de ces personnes, de leurs besoins et pour véritablement savoir par les gens qui sont sur les lieux s'ils sont méritants ou non?

Je comprends que cela serait pius difficile d'application dans la ville de Montréal ou dans le Montréal métropolitain. Mais, nous sommes, je pense, rendus à un carrefour au Québec. Il est important, avant de nous laisser entraîner dans ce tourbillon, peu importe la démagogie que pourront faire certains citoyens ou certains groupes de citoyens pour inciter davantage le gouvernement, quel qu'il soit, à accorder sans cesse des gratuités et à amonceler des gratuités dans tous les domaines avec, comme résultat net, que nous allons continuer à vivre comme des quêteux montés à cheval, que nous sommes en train de créer au Québec un climat qui va favoriser une génération nouvelle d'assistés sociaux, de gens qui vont perdre profondément le goût du travail, qui vont également s'étioler ou se prostituer dans le chloroforme des allocations sous toutes les formes.

Je voudrais revenir au début de mes remarques en disant que c'est un phénomène social normal que de faire une distribution plus équitable de nos richesses, mais je pense que c'est simplement en respectant les trois ou quatre conditions que j'ai énumérées que nous atteindrons les objectifs visés.

Ce que je trouve le plus triste, le plus déconcertant, ce que je trouve le plus frustrant dans le budget qui nous est soumis, alors que nous traversons une crise de chômage exceptionnelle, alors que les prochains six mois laissent entrevoir une situation économique qui va être de plus en plus cruelle peut-être pour les Québécois, le présent budget, à toutes fins pratiques, n'accorde que 23 p.c. aux ministères à vocation économique. On n'a rien prévu concernant une politique accélérée d'habitation. Cela aurait été l'occasion. On me dira que cela a déjà été prévu par d'autres budgets. On me dira également...

M. BOURASSA: Je m'excuse de l'interrompre parce que le député fait un discours disons intéressant. Mais je dois lui dire que de 1970 à 1971 il y a eu une augmentation de 52 p.c. dans la construction domiciliaire.

M. LOUBIER: Je répondrai au premier ministre que ce qui est, encore une fois, le plus déplorable, même avec les statistiques auxquelles il se réfère, c'est que ce n'est pas le Québec qui a eu le choix de ces priorités, c'est le fédéral qui a fait, encore une fois, le grand prince, le bon prince et qui a bien voulu à ce moment-là...

M. BOURASSA: ... accepter les représentations du Québec.

M. LOUBIER: ... permettre au gouvernement du Québec, à cette région administrative de dépenser certains millions de dollars concernant l'habitation. Cela ne répondait pas aux priorités établies par le Québec, mais ça obéissait aux priorités...

M. BOURASSA: Ce n'est pas exact.

M. LOUBIER: ... établies par le gouvernement fédéral.

M. BOURASSA: Ce n'est pas exact. M. LOUBIER: C'est tellement vrai...

M. BOURASSA: Ce n'est pas exact, tout le monde a réclamé des constructions d'habitations.

M. PAUL: Sur un rappel au règlement. Je crois que le chef de l'Opposition à qui vous avez donné la parole a le droit de faire son discours et l'honorable premier ministre ou tout autre ministre pourra utiliser son droit de parole pour répondre aux remarques du chef de l'Opposition.

M. LOUBIER: Je pense que M. le premier ministre sera de bon compte. Je lui ai dit que toutes les politiques depuis particulièrement deux ans, d'une façon plus accélérée, sont tracées, orientées, dirigées et inspirées par le gouvernement central. Je dis qu'au Québec actuellement, nous sommes véritablement devenus une région administrative et tout ce qui reste à faire c'est d'aller quémander et quêter et que nous ne pouvons pas tracer nos propres priorités. Le budget supplémentaire qui nous est soumis actuellement en est la plus belle révélation. On aurait dû justement, parce que c'est une période extrêmement perturbée, retrouver dans ces crédits budgétaires un article important pour relancer d'abord l'économie plus particulièrement dans la région de Montréal et atteindre un autre impératif d'ordre social, à savoir procurer à des citoyens qui vivent actuellement dans des taudis, des logis convenables et on aurait alors atteint deux impératifs.

Dans ce budget, quel est le pourcentage que l'on consacre à l'agriculture? Absolument insignifiant. Ce qu'il y a de plus regrettable, il y en a qui veulent ridiculiser parfois la classe agricole au Québec. Il faut peut-être être représentant d'un comté rural, et pour ceux qui ne le sont pas, il y aurait avantage à se pencher un peu plus sur l'agriculture. On est porté à exagérer l'importance de l'agriculture au Québec. Si on savait que sur chaque grappe de sept wagons de chemin de fer qui circulent dans le Québec, il y en a un qui est lié directement à l'économie agricole. Si on savait que sur huit ou dix camions — je ne me souviens plus exactement — qui circulent dans le Québec actuellement, il y en a un qui est lié directement ou indirectement à l'économie agricole. Si on savait qu'il y a environ une centaine de mille ouvriers agricoles au Québec. Si l'on se rappelait tous ces faits, peut-être que l'on ferait moins de gorges chaudes lorsque l'on parle de l'agriculture et des cultivateurs. Lorsque l'on se fait dire par

certaines personnes que c'est tout simplement de l'électoralisme, que c'est de la démagogie que l'on veut faire sur le dos de la classe agricole, regardez la situation de l'économie agricole dans le Québec. Et ceux qui veulent voir et veulent entendre, ceux qui veulent le faire — non pas de façon partisane mais de façon réaliste — se rendront compte facilement que c'est peut-être une des classes actuellement de notre société les plus ballotées par les imprévues, une des classes de la société qui actuellement manquent le plus de sécurité pour le lendemain. C'est peut-être un des secteurs de notre économie dans lesquels il n'y a aucune sécurité, ni dans le coût de production, ni dans le coût de revient et à plus forte raison, qui n'ont aucune sécurité, même à moyen terme, dans le prix de vente.

Or, M. le Président, je pense que si le gouvernement voulait véritablement, pas de façon émotive comme on l'a fait samedi soir, dire: Cessons la procédure et parlons d'agriculture, mais de façon très réaliste...

M. BOURASSA: Cela fait mal, cela fait mal!

M. LOUBIER: ... si le gouvernement voulait véritablement agir et passer à l'action dans ce domaine, au moins nous pourrions retrouver, dans ce budget, des orientations dynamiques, des correctifs apportés pour faire en sorte, par exemple, que pour le porc, pour les oeufs et différentes productions, on puisse arriver à des règlements qui seraient satisfaisants pour les cultivateurs...

M. BOURASSA: Il y a $6 millions.

M. LOUBIER: ... et qui leur permettraient non pas de produire au jour le jour, non pas de planifier leur travail et leur production à la petite journée, mais qui seraient intégrés véritablement à notre économie par le truchement de législations et par des subventions qui pourraient être accordées d'une façon peut-être plus rationnelle dans certains secteurs.

M. le Président, les cultivateurs du Québec aimeraient mille fois mieux ne pas donner l'impression aux citoyens qu'ils sont toujours en train de quêter du gouvernement pour obtenir des subventions. Ce qu'ils voudraient du gouvernement, ce seraient surtout des politiques fermes, intelligentes, à moyen et à long terme, faisant en sorte que ces gens aient un peu de sécurité dans leur travail.

M. le Président, je pense que le budget actuel révèle le manque d'imagination, l'imprévoyance, l'inertie, l'inaction, l'insignifiance du gouvernement dans le domaine agricole. Si j'avais le droit, M. le Président, de me référer à l'attitude qu'on a eue dès le début de mes remarques, je dirais qu'on aurait pu donner une autre preuve que le projet de loi no 48 pour démontrer que le gouvernement a de la considération pour cette classe. On aurait également pu essayer de dorer au moins la pilule par la présentation de la Loi du syndicalisme agricole de la façon la plus rapidement désirée par tous les membres de cette Chambre.

Mais, M. le Président, combien retrouvons-nous...

M. BOURASSA: J'ai déjà répondu, M. le Président. Le "filibuster" de vendredi nous a empêchés d'adopter le bill 64.

M. VINCENT: Pardon?

M. BOURASSA: Le débat marathon sur l'évaluation foncière nous a empêchés d'aller plus rapidement sur le bill 64, M. le Président.

M. LOUBIER: M. le Président, le débat marathon a eu comme conséquence que plusieurs députés de cette Chambre ont mesuré toutes les implications et les conséquences du projet de loi no 48. Lors du débat marathon, ce n'était pas par plaisir qu'il y a eu front commun de toutes les oppositions pour démontrer à toute la population, de façon non équivoque, que le projet de loi no 48 n'était pas du tout celui qui pouvait favoriser la classe agricole, mais celui qui pouvait le plus perfidement la matraquer sur le plan de la taxation, avec comme conséquence que le président de l'UCC, qui n'est pas...

M. LEVESQUE: M. le Président, je crois bien qu'on ne reprendra pas, sur un projet de loi qui a reçu l'approbation de tous les membres de cette Chambre, un débat antérieur. C'est absolument contre l'esprit et la lettre des règlements.

M. LOUBIER: Sur le point de règlement, M. le Président. Est-ce que le leader parlementaire ne pourrait pas, très gentiment, dire à son voisin de droite ou de gauche, suivant l'endroit où on se place, Son Excellence le premier ministre, de se signaler autrement que par des interruptions? Autrement, je suis provoqué, M. le Président, et avec la meilleure volonté du monde je me sens dans l'obligation, lorsque je suis provoqué, de répondre aux interventions qui sont faites par le premier ministre.

M. BOURASSA: Moi aussi, je suis provoqué. On peut dire que le premier ministre est également provoqué par les affirmations gratuites du chef de l'Opposition.

M. PAUL: Il répondra.

M. LOUBIER: M. le Président, le premier ministre aura pleine latitude de répondre à toutes les affirmations que je fais. Mais le premier ministre aura beaucoup de difficulté à manipuler les chiffres ou à les transformer lorsque, comme résultat net, ce budget révèle

que 70 p.c. s'en vont aux affaires sociales et que si on enlève les $5,300,000 pour payer la subvention, probablement, à la ville de Montréal pour Terre des Hommes, il n'y a que 23 p.c. au ministère à vocation économique.

Et le premier ministre sait fort bien qu'on aurait pu retrouver dans ce budget des millions — peut-être en nombre plus imposant — pour l'agriculture, pour l'habitation.

On aurait pu également retracer dans ce budget la préoccupation, verbalement formulée depuis des mois par le premier ministre, que le problème no 1 au Québec, c'était l'économie. On aurait pu retrouver à travers ce budget cette préoccupation cristallisée de façon véritable par des politiques fermes et dynamiques du gouvernement dans des secteurs à texture économique.

Par exemple, combien y a-t-il de consacré dans ce budget en travaux publics? Combien dans ce budget retrouve-t-on de sommes pour essayer de régler nos problèmes dans le domaine par exemple de l'industrie des pâtes et papier, dans le domaine du textile?

Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir retrouvé dans ce budget des sommes prévoyant des correctifs pour relancer notre économie au chapitre des pâtes et papier? Je sais qu'on me dira: Les pâtes et papier, c'est tout de même la première industrie au Québec. Actuellement, le problème se gangrène à tel point que différentes compagnies annoncent la fermeture, d'ici six mois, un an, deux ans, de leurs usines. Quelles préoccupations retrouve-t-on du gouvernement pour éviter cette catastrophe dans cette industrie première? Dans l'industrie des pâtes et papier, pourquoi le problème est-il tellement gangréné?

Actuellement le Canada et le Québec ont sur le marché concurrentiel à lutter contre la production des Etats-Unis et celle de la Suède. Si on analyse le moindrement le problème, on se rend compte que les Suédois et les Américains sont en train d'accaparer tout le marché. Pourquoi, principalement? Si l'on fait une comparaison, on se rend compte que, simplement au niveau de l'impôt direct, les industries de pâtes et papier du Canada et du Québec paient 13 p.c. de plus que les industries de pâtes et papier aux Etats-Unis et en moyenne sensiblement le même pourcentage pour les industries de pâtes et papier en Suède.

Or, si le gouvernement voulait au moins apporter un cataplasme pour le moment, s'il voulait au moins d'une façon très rapide corriger la situation, quitte par la suite à tracer une politique à moyen terme ou à long terme, soit par un rééquipement, soit par un réaménagement, soit par l'étude plus approfondie du jeu des droits de coupe, etc. Mais, pour le moment, si le gouvernement avait de l'audace, s'il avait véritablement de l'épine dorsale il pourrait momentanément, pour les six premiers mois de la prochaine année, assurer un dégrèvement fiscal qui permettrait à toutes ces compagnies de devenir au moins concurrentielles. Les compagnies s'engageraient même — s'il y avait un dégrèvement fiscal leur permettant de faire concurrence avec les producteurs américains et suédois — à embaucher annuellement, pour les cinq prochaines années, 2,500 employés dans les usines et 2,500 employés dans les forêts, ce qui ferait par année, commençant tout de suite, 5,000 emplois nouveaux par année. Cela démontrerait de la part du gouvernement beaucoup de détermination, beaucoup de lucidité et en même temps un désir véritable d'apporter des correctifs à notre situation.

Mais je sais que l'on ne peut pas demander l'impossible au gouvernement actuel. Et le gouvernement démontre son absence de politique économique globale, à court terme et à moyen terme.

M. le Président, nous avons nettement l'impression au Québec que le gouvernement continue à être ébloui par de belles planifications savantes faites par des technocrates qui sont loyaux, qui sont honnêtes et dont c'est le rôle de tracer sur papier les solutions idéales. Mais il appartient aux ministériels, à ce moment-là, d'humaniser les planifications qui sont soumises, de les rendre réalistes, de les corriger, et de ne pas croire que lorsque le problème est réglé sur papier, le peuple doit être satisfait. En effet, ça voudrait dire, à toutes fins pratiques, que nous n'aurions tout simplement qu'à confier le sort de notre économie, le sort de notre vie sociale, notre sort constitutionnel aux mains d'experts, qui, sur papier, régleraient tous les problèmes. Je pense que ce dont nous avons surtout besoin de la part du gouvernement actuel, c'est une cure de bon sens, une cure de réalisme, une cure de détermination, c'est de faire en sorte que l'on puisse passer rapidement à l'action, c'est de ne pas devenir les marionnettes de technocrates de bonne volonté ou de planificateurs qui trouvent dans les nuages toutes les plus belles solutions qui n'ont jamais de lendemain et qui continuent à semer les germes de la frustration, de l'indignation et même de la révolte au Québec, parce qu'on ne peut pas impunément, durant des mois, des mois et des mois vendre des illusions à une société. On ne peut pas des mois, des mois et des mois durant, vendre des promesses à une société, s'il n'y a pas de réalisation. Il ne faut pas être surpris que partout, aux quatre coins du Québec, la population gronde, parce que partout au Québec, ça va mal actuellement. Cela va mal sur le plan social, ça va mal en éducation, ça va mal aux affaires municipales, ça va mal dans le domaine du bien-être et de la santé, ça va mal sur le plan constitutionnel, ça va mal partout, M. le Président. Et quels sont...

M. GARNEAU: Même dans l'Unité-Québec.

M. VEILLEUX: Là ça va mal!

M. LOUBIER: M. le Président, le ministre

des Finances, je le sais trop impartial, tellement peu politisé — tellement peu politisé que je pourrais en discuter des heures de temps — je le sais tellement intellectuellement honnête, je le sais tellement serein et complètement dégagé de toute contingence de patronage et de contrôle — on y reviendra — qu'il devrait au moins avoir la décence, lorsqu'on discute de sujets sérieux, ne pas politiser, ridiculiser les sujets que l'on discute. Quelle que soit son attitude à mon endroit, je m'en fiche comme de l'an quarante, mais il devrait avoir au moins la décence, M. le Président, de dépolluer l'atmosphère qui a prévalu la semaine dernière, et faire en sorte qu'il puisse s'exprimer tout à l'heure. Je comprends que ça peut être difficile pour lui de défendre ce budget-là. Je comprends que le ministre des Finances se rend compte qu'il a manqué totalement d'originalité, que c'est un budget qui manque complètement de vie, de dynamisme. Je comprends tout ça. Mais qu'il contrôle sa nervosité, M. le Président, et tout à l'heure il pourra lancer les injures qu'il voudra, à l'endroit de qui il voudra, et ça ne me va pas aux talons, M. le Président.

Si vous me permettez de continuer, M. le Président, c'est bien évident qu'aujourd'hui, au Québec, on se rend compte que les problèmes sont gangrenés, que les problèmes sont parfois repris de façon démagogique par des gens de quelque milieu que ce soit. Je comprends, M. le Président, la jeunesse qui est aujourd'hui dans nos CEGEP ou même à l'université et qui ne trouve même pas preneurs pour ses diplômes, qui sait qu'en débouchant sur le marché du travail, un jeune ne pourra pas, suivant ses diplômes, obtenir l'emploi désiré, selon sa formation et selon son diplôme. Je comprends que cette jeunesse soit extrêmement impatiente, et, ce qu'il y a de plus malheureux, c'est que souventefois on profite de nos problèmes au Québec, parce que ce n'est pas unique au Québec le climat de violence, ce n'est pas unique au Québec, les perturbations que nous con-sons.

Il y en a qui voudraient faire croire à la population que, si nous avons de tels problèmes au Québec, c'est dû à un système en particulier ou à un autre système. Je pense qu'il faut être infiniment plus sérieux et plus juste et tenter d'aller à la racine de nos maux et non pas d'une façon émotive ou passionnelle vouloir régler le tout par un changement radical de système. Un système a la valeur, le dynamisme et l'honnêteté des hommes qui vivent à l'intérieur d'un système donné.

Je pense que l'Etat, que le gouvernement devrait actuellement aider ceux qui ont véritablement de ces problèmes alarmants, les aider d'une façon technique. Il devrait également essayer de recréer un climat de confiance au Québec, parce que c'est le climat qu'il est important de changer chez nous. Si le gouvernement continue à présenter des budgets ternes, des budgets qui déplacent l'accent de nos priorités, ce gouvernement passera dans l'histoire comme un gouvernement de pompiers qui va éteindre les feux lorsqu'il y a un appel d'urgence mais qui manque complètement de politique sur le plan économique, qui se cherche sur le plan social, qui se cherche sur le plan de l'éducation à un tel point qu'il y a des opinions contradictoires, même au sein des hauts fonctionnaires du ministère de l'Education.

Nous avons nettement l'impression que le gouvernement administre à la petite journée, qu'il se satisfait de cataplasmes et qu'il manque véritablement de leadership au Québec. Il y a un manque d'énergie, un manque d'autorité qui fait que partout il y a dégradation; dans les relations syndicales-patronales, dans les relations en éducation, dans les relations provinciales-fédérales, partout on sent l'absence d'un leadership, on sent le manque d'audace et d'agressivité au sens orthodoxe du mot. Je dirais que le budget supplémentaire est fabriqué par des rêveurs, par des poètes, par des gens qui, encore une fois, ne savent pas, dans la hiérarchie des problèmes, placer le problème no 1, celui de l'économique.

Je suis extrêmement surpris de cette attitude du gouvernement, surtout d'un gouvernement qui doit sa fortune électorale, en grande partie, à l'exploitation à fond de train de l'économique, surtout que c'est un gouvernement qui doit en grande partie sa fortune électorale à de petits trucs comme la Brinks et comme l'affaire Laferté pour démontrer que le problème no 1 était celui de l'économique. Ces crédits supplémentaires démontrent que ce n'était qu'une véritable farce monumentale que ces trémolos dans la voix, que ces pseudo-préoccupations pour le monde économique au Québec.

Qu'on le veuille ou non, l'alarme demeurera toujours la même sur le plan social. C'est dans un climat de pollution qu'auront à vivre les différentes classes de la société et plus particulièrement celle de la région de Montréal, et plus particulièrement la classe agricole. Ces gens-là sont en train de perdre totalement confiance non seulement dans le gouvernement, mais son en train de perdre confiance dans nos sytèmes, dans nos institutions et dans l'autorité, car on se rend compte qu'on s'est ri de la population, et que ce budget supplémentaire ne met aucun accent qui nous permettrait d'espérer une relance économique au Québec.

Il n'y aura jamais de paix sociale au Québec s'il n'y a pas de prospérité économique si notre taux de croissance économique ne se rétablit pas. On ne peut pas diviser la paix sociale de la prospérité économique, comme on ne pourrait pas diviser les trois concepts de la constitution, de l'économique et du social.

Cela forme un tout, ils se sous-tendent. Ce sont ces trois concepts qui vont marcher de pair et s'il y a, dans cette trinité, une activité qui est "chambranlante", qui est anémique, cela a un reflet sur les deux autres. Que nous le voulions ou non, ce qu'il y a peut-être de plus drama-

tique dans ce budget, c'est qu'encore là nous avons non plus l'impression, mais la plus complète assurance que le gouvernement actuel se satisfait d'être à la remorque du gouvernement central, que le gouvernement actuel, à quatre pattes, se soumet aux diktats d'Ottawa, aux priorités du gouvernement central. A un tel point, M. le Président, que si l'on considère les rebuffades que nous avons subies de façon assez humiliante dans tous les secteurs depuis quelques mois, si l'on se rend compte d'une façon très objective de toutes les incursions nouvelles que le gouvernement central opère actuellement avec la bénédiction du gouvernement actuel dans le domaine des sports et loisirs, un domaine qui, pourtant, relève directement de notre juridiction... Lorsque l'on veut déplacer le problème, on dit ceci: Non, les sports et loisirs, c'est un prolongement de la santé, du bien-être et, partant de là, c'est de la juridiction conjointe. Et le gouvernement actuel ne plaide même pas que les sports et loisirs font partie de l'épanouissement de la personne humaine, que c'est intimement lié à l'éducation. On ne veut même pas plaider ces principes qui avaient été reconnus à venir jusqu'à il y a quelques mois par tous les gouvernements, qu'ils soient du temps de M. Duplessis, du temps de M. Johnson, du temps de M. Lesage ou du temps de M. Pearson ou des autres qui sont passés à Ottawa. Je me souviens que sous le gouvernement de M. Bertrand nous avions obtenu que le surplus des budgets d'Ottawa, le surplus de notre argent pour fins de sports et loisirs nous soit accordé en fonction de nos priorités et suivant nos planifications. Encore là, M. le Président, aujourd'hui, non.

Or, je pense qu'actuellement, que ce soit dans le bien-être, que ce soit à la jeunesse, dans le programme Perspectives-Jeunesse, que ce soit dans les travaux d'hiver, on se rend compte que le gouvernement, par ses crédits supplémentaires, met un cataplasme et déplace complètement l'accent en s'apitoyant sur les affaires sociales avec 70 p.c. du budget et en négligeant dans cette période tourmentée de mettre un accent plus fort sur l'économique et, entre autres sur le ministère de notre honorable collègue, le ministre de l'Industrie et du Commerce. Ce ministère est complètement oublié, ignoré, dans le budget actuel. C'est pourtant le ministère qui devrait être la dynamo de l'économie au Québec. C'est de ce ministère que devraient partir les planifications à court terme. Or, nous ne retrouvons rien dans les crédits supplémentaires qui permettrait aux Québécois d'espérer que, sur le plan économique, il y aura un redressement et qu'il y a un souci important du gouvernement pour assurer ce relèvement.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Avec la permission du chef de l'Opposition, j'ai été très tolérant depuis le début de son intervention. J'ai déjà rendu une décision en cette Chambre à l'effet que j'avais un fort doute, à l'occasion de la formation de la Commission plénière des subsides, à savoir si on pouvait traiter tous les sujets. J'ai entendu le député de Bellechasse, chef de l'Opposition officielle, parler d'agriculture, d'éducation, d'industrie et de commerce, de l'économie de la province en général. Les mêmes doutes que j'avais il y a quelques mois existent toujours.

J'avais fait une distinction sur les débats, sur la formation du comité des subsides. A l'article 377 il est dit qu'on peut parler sur tout sujet d'intérêt public, au singulier, et je faisais une différence avec le discours inaugural où la latitude est beaucoup plus grande; à l'article 759, deuxièmement, où on parle de tous sujets d'intérêt public, au pluriel.

La quatrième édition française de Beauchesne dit bien — et je vais lire le paragraphe parce que c'est assez important —: "Il arrive souvent, à propos de la motion invitant l'orateur à quitter le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité des subsides, que des députés exposent des griefs sans proposer d'amendement. Un député parlera des taux de chemins de fer. Un autre de la naturalisation, etc. Cinq ou six questions différentes peuvent être alors portées à l'attention du gouvernement. Une fois le débat terminé sur une question et qu'on passe à une autre, les députés ne peuvent revenir à la première. Nul député ne peut parler plus d'une fois sur la motion. Il ne peut aborder tous les sujets qui peuvent alors être soulevés. Lorsqu'il a parlé sur l'un d'eux, il a épuisé son droit de parole sur la motion dont la Chambre est saisie, soit que l'orateur quitte maintenant le fauteuil."

Cela confirme un peu mon opinion que ce débat sur la formation du comité doit être restrictif et limité à un seul sujet. C'est une remarque que je fais en passant au chef de l'Opposition officielle.

M. PAUL: M. le Président, est-ce que je pourrais vous demander une directive? Dans les circonstances, quelle serait votre interprétation de l'article 2 du paragraphe 377, où il est dit que, "par dérogation à l'article 72, il est permis de proposer sur la même motion un amendement qui se rapporte à un ou plusieurs des sujets ci-dessus mentionnés; mais l'amendement est, quant au reste, soumis aux règles ordinaires relatives aux amendements"? Lorsque l'amendement est proposé, je crois que vous devez faire respecter la règle de la pertinence du débat. D'un autre côté, au troisième paragraphe de l'article 377 on dit ceci: "Quand un amendement a été mis en délibération, la discussion ne peut porter que sur le sujet de celui-ci." Par conséquent, pourquoi vouloir arrêter les propos d'un opinant sur un sujet déterminé? Je me permettrais de vous faire remarquer qu'en droit civil le singulier comprend également le pluriel.

Je comprends que c'est une situation très délicate, et je vous sais gré de porter à l'attention des collègues de cette Chambre cette

différence qui est établie entre le sujet, au singulier, du paragraphe 377 et les sujets, au pluriel, de l'article 759. Mais, d'un autre côté, en raison des dispositions du deuxième paragraphe de l'article 377. Je m'interroge. Je voudrais, sans vous imposer de travail, M. le Président, je le soumets bien respectueusement, que nous puissions en temps opportun ou utile, à votre convenance, obtenir certaines précisions sur l'interprétation des paragraphes 2 et 3 de l'article 377 en tenant compte de cet argument a priori que vous nous avez servi, ce matin, quant à cette distinction juridique qui devrait se poser sur l'application stricte du terme "sujet" au singulier.

M. LE PRESIDENT: Vous mentionnez le paragraphe 2 de l'article 377, où il est dit: "Par dérogation à l'article 172, il est permis de proposer sur la même motion un amendement qui se rapporte à un ou plusieurs des sujets ci-dessus mentionnés; mais l'amendement est, quant au reste, soumis aux règles ordinaires relatives aux amendements."

M. PAUL: C'est sûr. On ne répète pas "le sujet". On dit: "les sujets." Je soumets bien respectueusement que si on avait voulu garder le singulier, je crois que dans le deuxième paragraphe on aurait également dit "le sujet".

M. LE PRESIDENT: Je vais tenter d'approfondir la question à l'heure du déjeuner. Il n'y a pas d'erreur que s'il y avait un amendement sur un sujet, le débat... D'ailleurs, selon l'économie générale, on dit qu'il y a qu'un seul amendement à la motion et il est bien clair que lorsque l'amendement est fait, on ne peut traiter que de ce sujet-là. C'est déjà bloqué. On ne peut plus arriver avec un autre amendement. On ne peut plus traiter d'un autre sujet. Il y a une certaine analogie dans ça. Il ne faut pas anticiper le débat non plus. C'est un peu pour ça que je me levais lorsque l'honorable chef de l'Opposition voulait traiter de ce qu'il y avait dans le budget supplémentaire, car je me demande s'il n'y a pas anticipation du débat du fait que nous passerons en comité plénier pour analyser chacun de ces titres, ou chacun de ces postes.

M. l'honorable chef de l'Opposition.

M. LOUBIER: Je comprends très bien vos directives, M. le Président, mais d'autre part, je ne voudrais pas, à l'étude de chacun des crédits pour chacun des ministères donnés, commencer un débat...

M. LE PRESIDENT: C'est pour ça...

M. LOUBIER: C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je voulais plutôt très rapidement — ce serait peut-être long pour le ministre des Finances mais pour vous, M. le Président, je sais que c'est très court — essayer de faire une analyse sur chacun des ministères pour éviter qu'à chaque ministère donné je sois obligé de démontrer au gouvernement son manque de prévoyance, son manque de dynamisme.

M. LE PRESIDENT: J'ai une confiance énorme dans la parole du chef de l'Opposition officielle, mais je ne peux pas présumer qu'il représente tous les députés en cette Chambre.

M. PAUL: C'est un groupe important.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez raison.

M. LOUBIER: M. le Président, vous avez encore une fois blessé mon humilité. Avec votre permission, je pense que les ministériels et le gouvernement auraient peut-être intérêt à repenser, à étudier et à analyser le message très humain que l'on retrouve dans l'adage suivant: "Si tu donnes un poisson à un homme, il se nourrira une fois. Si tu lui apprends à pêcher, il se nourrira toute sa vie." Je pense que dans cet adage, nous avons le message de ce philosophe qui pourrait s'adresser directement au gouvernement actuel à la suite du budget qui nous est présenté. On se rend compte que le budget tel que soumis, tel que préparé, manque complètement de sens pratique, manque complètement de désir de la part du gouvernement de reprendre des structures, de reprendre tout ça aux fondations. On se contente de faire des brèches dans l'édifice, d'ouvrir des volets pour donner un petit plus d'espoir aux classes défavorisées mais sans s'attaquer véritablement et traduire cette détermination dans des crédits budgétaires. On ne veut pas s'attaquer d'une façon réelle à des structures et à des politiques qui nous permettraient de pouvoir espérer, au moins pour l'année qui vient devant nous, que le climat social deviendra un peu moins pollué et que nous ayons en même temps un peu plus d'espoir dans les perspectives économiques du Québec.

Je pense que le gouvernement devrait — partant de cet adage — se mettre à l'esprit qu'il est temps que l'on cesse de vivre comme des quêteux montés à cheval au Québec, que ce n'est pas tout d'avoir des richesses dans notre sous-sol, que d'avoir des richesses renouvelables ou non, que ce n'est pas tout d'avoir toutes ces richesses.

Il faut tout de même, M. le Président, les exploiter, les rendre commerciales, les rendre rentables pour l'économie du Québec. C'est cette absence totale de politique économique du gouvernement qui se traduit par l'insignifiance de ce budget.

Il est temps que l'on cesse également d'administrer à la petite journée. Je pense qu'il est temps à mon sens, et le gouvernement devrait — je voudrais le lui dire de la façon la moins insultante possible — au lieu de vouloir acheter — je dis bien acheter — la paix sociale par des

"beurrées de beurre", par de petites subventions pour étouffer la voix de la révolte, la voix de l'indignation, au lieu d'acheter à la petite journée cette paix sociale par des suçons, s'attaquer d'une façon très résolue aux racines de ces problèmes et en arriver avec des solutions réalistes qui feraient que l'on pourrait donner le coup de barre, non seulement pour demain et après demain, mais au moins pour un an ou deux.

Or, M. le Président, je termine mes remarques d'ordre général en déplorant et en réitérant ma déception devant les crédits supplémentaires qui sont soumis à l'attention et à l'analyse des députés de cette Chambre. Je dis tout simplement que l'on a oublié, dans ce budget qui nous est présenté à la veille de Noël, des classes importantes de la société; on a oublié le redressement des secteurs essentiels sur le plan économique; on a oublié dans le budget qui nous est soumis, et les centres urbains, et les centres ruraux.

On a également oublié d'essayer d'apporter ou d'injecter un petit peu plus de bien-être sur le plan économique dans les différentes régions. On a oublié également de s'attaquer à la diversité régionale sur le plan économique et sur le plan social. On a oublié, à la veille de Noël, dans ce climat de joie qui devrait prévaloir, de semer au moins une lueur d'espoir. Et, ce qui est le plus grave, je pense, ce qui est le plus dramatique, c'est que justement, dans cette période où doivent préveloir, dans le coeur de tous les citoyens civilisés, un peu plus de fraternité, un peu plus de générosité humaine, un peu plus de désir de participation à faire en sorte qu'il y ait des distributions plus équitables de nos richesses, on a oublié totalement de faire en sorte que les Québécois puissent passer des fêtes dans l'espoir et dans l'attente d'actions gouvernementales dynamiques.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): M. le Président, le gouvernement nous a présenté un minibudget supplémentaire de $132,762,000 en guise de complément à son budget initial, brut de $4,516,000,000 pour porter le tout à $4,648,000,000. Si nous faisons le calcul en tenant compte de la population du Québec, on se rend compte qu'il s'agit d'un budget qui complète ainsi $750 par habitant; $750 que le gouvernement provincial coûte à chaque citoyen, homme, femme vieillard et enfant du Québec.

C'est une somme de $750, M. le Président, pour faire quoi? Et qu'est-ce qu'on retrouve dans ce budget?

On retrouve dans ce budget tout simplement des petits cataplasmes pour permettre aux vingt différents ministères d'avoir des crédits additionnels pour pouvoir terminer la présente année financière, en tenant compte des engagements et de certaines dispositions législatives que le gouvernement a prises.

On peut se demander devant les difficultés que nous avons à envisager, devant les problèmes auxquels nous avons à faire face, de quelle façon on pourrait analyser ce budget de $132 millions, et si, dans ce budget supplémentaire, on peut réellement trouver les moyens de régler les problèmes qui nous confrontent.

C'est tout simplement un budget de dépenses additionnelles, et Dieu sait si ces dépenses additionnelles le gouvernement aurait énormément besoin d'en faire dans différents ministères. Uniquement aux Affaires culturelles, il y aurait davantage à faire, et le gouvernement s'est limité à $325,000.

Aux Affaires municipales — et nous connaissons les problèmes de nos municipalités — le gouvernement s'est limité à demander un budget supplémentaire de $124,600. Aux Affaires sociales — nous savons quels problèmes il y a dans ce domaine — la grande part du budget $89,520,000.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

Je suis intervenu tout à l'heure durant le discours du chef de l'Opposition officielle lorsqu'il a voulu aborder chaque poste du budget supplémentaire. Je crois que c'est une anticipation du débat parce qu'il y aurait débat sur la formation du comité et répétition du même débat lorsque le comité arrivera à ces postes-là.

La grande économie de ça est de relever des griefs ou faire des motions de censure ou des motions de blâme ou de relever des situations anormales dans la province. Je ne pense pas qu'on puisse faire deux fois l'étude du budget.

M. ROY (Beauce): Merci, M. le Président. Je n'avais pas l'intention de soulever de débat, j'avais tout simplement l'intention de souligner dans le préambule de mon exposé les différents montants pour en venir à un problème global qui doit être discuté à l'occasion d'un budget supplémentaire.

Pour me soumettre à votre décision, je n'énumérerai pas — comme j'avais commencé — les différents crédits attribués à chacun des ministères, mais ce que je veux dire, c'est que tous les ministères sans exception auraient besoin de crédits supplémentaires beaucoup plus élevés que ceux que le gouvernement a demandés. Pourquoi le gouvernement s'est-il limité? Parce que les revenus du Québec ne lui permettent pas d'aller davantage.

Ce n'est même pas une question de revenus, puisque le budget supplémentaire qu'on nous présente à l'heure actuelle n'est même pas financé par les sommes que le gouvernement va

percevoir au cours du présent exercice, il va être financé par des emprunts sur le marché public, sur le marché de l'épargne.

Le premier ministre s'est vanté lui-même, lorsque ce petit budget supplémentaire a été présenté, qu'il n'y aurait pas d'augmentation de taxes. Il a même fait des déclarations publiques. Pas d'augmentation de taxes, mais seulement augmentation de l'endettement public et augmentation des frais d'intérêt et autrement dit en hypothéquant la future génération. C'est de cette façon que le gouvernement nous présente ce budget supplémentaire, en hypothéquant les générations futures.

Ce budget démontre que le gouvernement est incapable malgré toutes les promesses qu'il a faites à la population, complètement incapable. Il est impuissant à trouver les solutions aux problèmes économiques du Québec, impuissant, incapable de relever l'économie de la province de Québec et de la développer. Pourquoi? Parce qu'il n'a pas de pouvoirs de décision; ils sont à New York, à Londres, à Paris et on le sait de par les récentes visites qu'il y a eues ici, au gouvernement de la province de Québec. On est obligé de se promener chez les requins de la finance internationale pour avoir la permission de mettre notre main-d'oeuvre au travail, pour avoir la permission d'avoir quelques dollars pour soulager certains problèmes, c'est-à-dire mettre des crédits à la disposition de certains postes budgétaires pour permettre au gouvernement d'administrer la province.

Le gouvernement ne veut pas y toucher à ce problème, il continue à patauger dans un système économique du XVIe ou du XVIle siècle, alors que toutes les entreprises modernes aujourd'hui ont des pouvoirs, et depuis longtemps; elles peuvent utiliser le crédit. Les banques leur servent d'agents pour ce faire et elles le font très bien pour toutes les entreprises commerciales et industrielles. Le gouvernement de la province de Québec se limite, comme au temps de la Confédération, comme au temps de la découverte du Canada, à aller emprunter des petites épargnes que les gens pourraient avoir chez eux. Lorsque ces petites épargnes n'existent pas, que les gens ne peuvent avoir l'argent chez eux, ils vont emprunter dans les institutions financières, dans les sociétés de fiducie, dans les caisses populaires. De ce fait, les caisses populaires trouvent plus avantageux, à cause des frais d'intérêts qu'il faut payer, de financer le gouvernement au lieu de prêter de l'argent à leurs membres, à leurs concitoyens, à ceux qui en ont besoin. De ce fait, ceux-ci se voient refuser leur emprunt, sont obligés d'aller chez les compagnies de finance emprunter à un taux de 18 p.c, 20 p.c, 24 p.c. et même 30 p.c. par année.

M. le Président, le problème est là, et nous le savons. Nous le disons depuis que nous sommes dans cette Chambre. Nous avons un gouvernement impuissant, un gouvernement qui justement, pour 1970-1971, nous avait annoncé un budget d'austérité, mais d'austérité productive. On a vu ce que cela a donné l'austérité productive; je ne veux pas faire l'inventaire et faire une tour d'horizon sur ce qui s'est passé en 1970-1971. Pour 1971-1972, le gouvernement ne pouvait pas donner comme excuse que le budget avait été préparé par l'ancien gouvernement et qu'il était lié par les engagements de ceux qui avaient administré la province avant lui. Le gouvernement a administré le Québec au cours de l'année 1970-1971 et il avait un an devant lui pour préparer un véritable budget, un budget de son initiative pour faire la relance économique qu'il a promise à la population et pour laquelle il s'est fait élire. C'est pourquoi les gens ont voté pour lui. On nous a présenté un beau budget de relance économique; mais où est-elle la relance économique du Québec?

On regarde, M. le Président, dans les crédits supplémentaires pour voir s'il y aurait un soupçon de relance économique.

Pour être honnête, je dois noter quand même que le ministère de la Voirie a fait un effort réel, parce qu'il y a tout de même des crédits supplémentaires qui nous permettent de doter le Québec du réseau routier dont on a tant besoin. Je déplore même que les crédits ne soient pas plus élevés, mais tout de même il y a eu un effort de fait de ce côté-là. C'est au seul endroit où il y a eu un effort de fait, pour tâcher de relancer, de bâtir l'infrastructure du Québec.

M. le Président, ce budget est tout simplement un budget de petits cataplasmes.

Il n'y a absolument rien dans ce budget pour régler les problèmes de chômage que nous avons et pas grand-chose pour la relance économique du Québec. Ceci démontre, hors de tout doute, que le gouvernement que nous avons ne sait pas où il va. Il ne sait pas où il va, mais il y va quand même. Il essaie d'y aller le plus vite possible, le plus rapidement possible. Je ne sais pas s'il a hâte d'arriver, au bout de la route, dans le précipice, mais ce serait peut-être une bonne chose pour la population du Québec. Si le gouvernement se dirige dans le précipice et qu'il accélère même pour y arriver le plus rapidement possible, cela permettra peut-être au peuple du Québec de se débarrasser d'un gouvernement qu'il ne mérite pas d'avoir, d'un gouvernement qui a trompé la population lorsqu'il s'est fait élire.

Le budget supplémentaire n'a aucune orientation. Si on compare les $132 millions aux chiffres du budget précédent, on constate que les $132 millions ne sont même pas le montant qu'a dû coûter le service de la dette au cours de l'année. Le service de la dette nous a coûté tout de même $169 millions. Si le Québec était administré de façon logique, saine, efficace, dynamique et moderne, en utilisant les possibilités qu'il y aurait dans le Québec pour mettre tous ces agents de l'économie à l'oeuvre, il resterait encore un montant de $38 millions de libre pour peut-être permettre à des inaptes au

travail, à des veuves ou à des mères nécessiteuses d'avoir un petit budget supplémentaire pour pouvoir passer les fêtes dans une province riche comme la province de Québec.

Si on regarde l'évolution de la dette du Québec depuis dix ans, alors qu'au 31 mars 1961 la dette du Québec s'élevait à $411,620,000, on constate par contre qu'au 31 mars 1971, la dette du Québec s'élève à $2,478 millions. L'intérêt de la dette est passé de $22,589,000 à $134,415,000 pour l'année dernière; la dette a augmenté de six fois au cours des dix dernières années. Au ministère des Finances il y a des fonctionnaires très compétents et très brillants, mais je demande au ministre de faire une projection pour les dix prochaines années afin de voir la tendance de l'évolution de l'endettement public de notre gouvernement. Si on maintient le même pourcentage, on en arrive aux chiffres astronomiques d'un endettement de $14 milliards pour la province de Québec alors que le service de la dette coûterait, en 1981, plus de $800 millions.

A ce rythme-là, je me demande rééllement où l'on va, au Québec, je me demande si le gouvernement s'est donné la peine de faire une projection, de regarder un peu devant lui, de regarder où il va. Il me semble que ce n'est pas trop de demander à quelqu'un où il va, de demander à nos administrateurs, ceux qui ont le mandat d'administrer et d'orienter l'économie du Québec, de nous dire où ils vont. Il me semble que ce serait une chose logique, normale et légitime.

M. GARNEAU: Dans la Beauce.

M. ROY (Beauce): Vous devriez venir dans la Beauce, M. le ministre. Je peux vous dire que dans la Beauce...

M. GARNEAU: Je vais y aller certainement!

M. ROY (Beauce): ... il y a des industries prospères, des industries dynamiques, des industries qui font honneur au Québec et qui sont encore la propriété des Québécois, qui sont la propriété des Beaucerons. C'est le comté où il y a le plus gros pourcentage de gens propriétaires de leurs industries, de leurs commerces et de leurs entreprises.

Si les 108 comtés de la province de Québec étaient comme le comté de Beauce, M. le Président, vous auriez des gens dynamiques. Les gens de la Beauce sont des gens réveillés. Cela fait longtemps qu'ils sont créditistes, les gens de la Beauce, parce que ce sont des gens qui savent compter.

M. GARNEAU: Ils n'ont pas envoyé le bon.

UNE VOIX: Ils n'ont pas envoyé le meilleur ici.

M. ROY (Beauce): M. le Président, le gouvernement finance le budget en empruntant $75 millions. J'ai de bonnes raisons de croire que nous allons apprendre, par la voix des journaux, au cours du mois de janvier ou au début de février, que le gouvernement va faire un autre emprunt. Or, le gouvernement a emprunté cette année, en tenant compte de l'émission d'obligations d'épargne qui a rapporté $144,182,000 — pour l'information du ministre, je peux dire que j'ai des chiffres assez précis — plus de $419 millions alors que le montant annoncé dans un programme de relance économique était de $350 millions. On le dépasse de $70 millions.

M. le Président, je pense qu'à la suite de tous ces faits on ne peut que constater, malheureusement, que le Québec enregistrera, au cours de la présente année financière, le plus gros déficit de son histoire alors qu'en même temps il n'y a absolument rien de réglé aux problèmes du Québec. Nous avons encore le record du chômage, nos industries et nos commerces passent aux mains des étrangers et on est obligé d'aller demander la permission à New York et à Londres pour développer notre économie.

M. le Président...

M. VEILLEUX: On peut aller à la Banque du Canada.

M. ROY (Beauce): Enfin, le député de Saint-Jean a compris. Il y en a au moins un, M. le Président, c'est tout de même consolant.

M. VEILLEUX: Si je peux faire plaisir au député de Beauce, M. le Président.

M. ROY (Beauce): Est-ce que vous avez une question à poser?

M. VEILLEUX: Non. Vous allez me donner, comme réponse, la Banque du Canada avec des prêts sans intérêts. Cela ne donne rien de poser la question.

M. ROY (Beauce): M. le Président, quant on n'a pas de question à poser, on se tait.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. ROY (Beauce): M. le Président, au cours du mois d'octobre, le gouvernement a emprunté $50 millions de la Caisse de dépôts et placement. A la suite de questions que j'ai posées en Chambre à ce moment-là, on m'a dit que le gouvernement avait emprunté à un taux de 8.40 p.c. alors que j'avais dit à l'honorable ministre des Finances que ce taux d'intérêt représentait un montant d'argent de près de 1/2 de 1 p.c. plus élevé que le taux du marché. Le même jour, dans les mêmes journaux, on pouvait voir que la ville de Longueuil avait emprunté à 8.04 p.c.

Cela fait tout de même une différence de 0.36 de 1 p.c., soit 1/3 et qu'une municipalité dans le comté de Gatineau avait emprunté à un taux de 7.89 p.c...

M. GARNEAU: Quelle échéance..?

M. VEILLEUX: Il a oublié de regarder...

M. ROY (Beauce): Dix ans et vingt ans.

M. GARNEAU: La nôtre était de vingt-cinq ans.

M. ROY (Beauce): Bien, pourquoi n'avez-vous pas emprunté sur vingt ans, si cela coûtait moins cher? C'est aussi simple que cela. Le ministre, pour ses propres entreprises, je suis certain qu'il l'aurait fait pour ses propres besoins, il l'aurait fait. Mais lorsqu'il s'agit de servir les intérêts des Québécois, on sert d'abord les intérêts de la finance et, par-dessus le marché, en empruntant de la caisse de dépôt qui nous appartient pour maintenir un taux d'intérêt le plus élevé possible. C'est ce qu'on a fait.

M. BELAND: Incompétents!

M. ROY (Beauce): M. le Président, le ministre ne nous fera pas prendre des vessies pour des lanternes sur ce point, et nous n'avons pas de leçon à recevoir de lui. N'importe quel industriel, n'importe quel homme d'affaires le moindrement intelligent, habile et administrateur ne commet pas les gaffes que le ministre des Finances commet sur ce point.

M. GARNEAU: Le député de Beauce suggère qu'on emprunte à court terme uniquement?

M. ROY (Beauce): M. le Président, je ne permets pas de question. J'ai des choses à dire et je vous demanderais de prendre des notes et d'écouter au lieu d'essayer de réfuter ce que je dis à l'heure actuelle.

M. GARNEAU: Vous ne voulez pas que je vous réfute?

M. ROY (Beauce): Nous avons eu, de plus, la conférence fédérale-provinciale. Avant de présenter ce budget, le gouvernement a assisté à Ottawa à une conférence fédérale-provinciale à laquelle a assisté le ministre des Finances et où il a été question de finances pas du financement de la province mais des programmes dont les gouvernements provinciaux pourraient bénéficier du fédéral et de la possibilité de bénéficier davantage de la péréquation. J'ai pris des notes. Après avoir demandé au premier ministre de nous faire parvenir le rapport, de nous faire connaître les vues de Québec qui avaient été exprimées au cours de cette conférence, voici tout ce que je trouve à la page 6 du rapport: "Le programme de subventions aux municipalités et aux groupes communautaires, l'accélération de prêts par la Société centrale d'hypothèques et de logement, les dépenses que le gouvernement fédéral doit consacrer à des travaux d'entretien et d'amélioration de ses équipements, le programme de prêts aux provinces ainsi que les allégements fiscaux consentis aux particuliers et aux corporations sont évidemment toutes des mesures susceptibles de favoriser l'emploi au cours de l'hiver prochain."

Ce sont de bonnes félicitations à l'ancienne mode que le gouvernement du Québec a faites à l'endroit du gouvernement fédéral. On parle plus loin, à la page 14, du projet DISC. Ce projet de loi connu sous le nom de DISC nous inquiète particulièrement.

On sait que cette législation non encore votée permettra aux compagnies américaines de constituer aux Etats-Unis des compagnies spécifiquement orientées vers l'exportation et bénéficiant d'exemptions de taxes sur les profits. L'adoption d'une telle législation risque de peser lourdement sur le développement de l'économie canadienne, nous l'admettons. Pour mettre en valeur les ressources de notre pays, nous avons besoin de l'apport financier et technique — technique, d'accord — mais de l'apport financier que peuvent nous fournir les investissements américains.

On s'en va tout bonnement dire à Ottawa: "Bien voici, nous avons besoin de l'investissement américain pour développer le Québec." Dans le rapport, je vois qu'il y a des demandes pour obtenir que le Québec bénéficie davantage de la péréquation, autrement dit qu'on taxe davantage les provinces riches, les provinces qui ont eu l'initiative, qui ont pris la responsabilité de développer leur économie pour tâcher d'avantager leurs concitoyens.

On est rendu au Québec à aller se promener à Ottawa et dire: Voulez-vous nous faire la charité, pour l'amour du bon Dieu." C'est à peu près à ça que se résument nos conférences fédérales-provinciales. On se promène à Ottawa comme des mendiants, on se promène à Ottawa pour aller quêter auprès des provinces riches.

Il est évident, que ça ne se sache pas trop, pour que ce ne soit pas public, qu'on y va en cachette. Nous ne savons rien, en tant que membre de cette Chambre, des dispositions, des mémoires, et des propositions que le gouvernement du Québec entend faire. Une fois que la conférence a lieu, on ne permet pas aux membres de la presse d'y assister et encore bien moins aux représentants des partis d'Opposition de cette Chambre. Lorsqu'on est revenu de la conférence fédérale-provinciale, on est muet ou on fait quelques petites déclarations et à ce moment-là on nous dit tout simplement ce qu'on veut bien nous dire.

En conclusion, rien n'avance. On en est toujours au même point, mais on a réussi par exemple à trouver un prétexte qui fait l'affaire

des séparatistes: Cela dépend encore d'Ottawa si nous avons des problèmes.

Comme il est midi et trente, je propose la suspension du débat.

M. LE PRESIDENT: L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à quatorze heures trente.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

Reprise de la séance à 14 h 37

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je disais donc, au moment de la suspension des travaux pour le dîner, que la province ne pouvait plus continuer longtemps à s'orienter de cette façon tenant compte des taux d'intérêt, tenant compte des emprunts nombreux que le gouvernement a dû effectuer au cours des récents mois, tenant compte aussi des besoins urgents du Québec, des besoins pour le développement économique de la province en plus de ses besoins pour s'administrer et se donner des politiques économiques et sociales appropriées et tenant compte de la possibilité physique des Québécois.

M. le Président, l'endettement que nous connaissons actuellement au Québec ne peut plus continuer. D'après M. Lesage qui déclarait, lorsqu'il a quitté la direction du Parti libéral, que n'eût été du Régime des rentes, la province aurait connu la banqueroute, c'est-à-dire que n'eût été du Régime des rentes qui a servi à alimenter la Caisse de dépôt et placement du Québec qui, elle, a servi à financer les dépenses courantes de l'administration du gouvernement provincial, la province aurait été en banqueroute.

A la suite de cette déclaration, M. le Président, on peut se demander si les emprunts ont sauvé la province de la banqueroute, de quelle façon le gouvernement prévoit se sauver de la banqueroute en remboursant les emprunts plus les intérêts. C'est la question qui se pose. J'aimerais que le ministre des Finances, qui prend des notes actuellement, le prenne en note et nous explique, lors de sa réplique tout à l'heure, comment il entend réorienter l'administration financière de la province et comment il entend réorienter l'économie du Québec parce qu'il est très bien au courant de ce qu'a pu déclarer M. Lesage, du fait qu'il était son secrétaire, je pense, du temps où M. Lesage était premier ministre.

M. le Président, dans ce budget supplémentaire de $132 millions, il y a, comme je le disais tout à l'heure, certains crédits qui sont affectés à certains ministères alors que ces ministères en auraient réclamé davantage. Mais il y a un autre point sur lequel je voudrais attirer votre attention. C'est sur le fait que les $132 millions n'auraient peut-être pas été nécessaires si le gouvernement avait mieux défini ses politiques, si l'administration du gouvernement avait été faite de façon plus économique, plus réaliste dans ses dépenses, car dans certains domaines, je les considérerais abusives.

Pour citer certains domaines, M. le Président, où je considère qu'il y a des dépenses abusives de la part du gouvernement, je m'en voudrais de ne pas mentionner le ministère de l'Education,

premièrement à cause du luxe qu'il y a dans les écoles qu'on est en train de construire à l'heure actuelle. C'est un problème que je tiens à souligner parce que toute la population du Québec en parle à l'heure actuelle. Il y a un luxe inoui', dans nos écoles neuves du Québec.

Un deuxième point, c'est qu'il y a un manque de planification dans les investissements pour les écoles. On fait des investissements beaucoup trop élevés dans certaines régions du Québec pour construire des écoles polyvalentes et des écoles neuves, alors qu'on ne tient pas compte du taux de dénatalité et des conséquences que le regroupement des commissions scolaires va avoir sur l'économie de certaines régions du Québec, ce qui forcera en quelque sorte certaines familles à aller vivre dans des centres plus gros.

Il y a, de plus, au ministère de l'Education, des projets qui sont en voie de réalisation — je tiens à le dire — qu'aucun pays au monde n'a les moyens de se donner. On organise ça de cette façon dans la province de Québec et nous vivons dans une société comme si nous étions des millionnaires.

Je pense que, dans ce domaine, le gouvernement aurait pu économiser plusieurs dizaines de millions de dollars, au cours de l'année, de sorte que le budget supplémentaire n'aurait pas été nécessaire.

Il y a aussi un autre point concernant le ministère de l'Agriculture. On sait qu'à ce ministère un montant est alloué...

M. LE PRESIDENT: Je voudrais faire remarquer ceci à l'honorable député de Beauce. Depuis le début de ce débat, on parle de la politique financière du gouvernement. Notre règlement et les traités de droit parlementaire imposent certaines restrictions. Je me suis confirmé dans l'opinion que j'avais exprimée ce matin et j'aimerais que le débat, sans être trop restrictif, respecte une certaine limite.

Je ne voudrais pas que les députés aillent au fond de l'Education, au fond de l'Agriculture, mais qu'on nous parle plutôt de la politique financière du gouvernement, quitte à donner des exemples dans certains ministères.

M. ROY (Beauce): Merci, M. le Président. Je vais faire mon possible pour suivre notre règlement. Je voulais, tout simplement, illustrer le fait que ce budget supplémentaire n'aurait pas été nécessaire s'il y avait eu une meilleure orientation des politiques à l'intérieur du gouvernement et dans la répartition des budgets dans certains ministères. On aurait peut-être dû orienter les politiques de ces mêmes ministères autrement, ce qui aurait contribué à alléger le fardeau financier de la province.

Sans mentionner de ministère en particulier, j'aimerais simplement dire que les ministères à vocation économique n'ont pas eu, au cours de l'année, les crédits qu'ils auraient dû normalement avoir, surtout si on considère que le gouvernement a voulu mettre l'accent sur l'expansion et sur le développement économique de la province.

Dans différents domaines, M. le Président, je pense qu'on se rend compte, étant donné que dans ce budget il y a tout de même certains montants qui sont attribués, que la plus grosse partie est attribuée aux politiques sociales du gouvernement et surtout à ce qui a trait à l'aide sociale... D'ailleurs j'aurai l'occasion de revenir, lorsque ce poste sera appelé de façon plus précise, lors de l'étude en comité plénier, sur ces différents montants d'argent qui nous sont réclamés, mais il y a tout de même des recommandations et des suggestions que nous entendons faire au gouvernement sur ce point.

Alors, M. le Président, il y a peut-être un autre fait à l'heure actuelle qui démontre que notre gouvernement se trouve dans des difficultés sérieuses. Il serait peut-être bon de s'interroger sérieusement, si ce n'est pas dû au fait que le gouvernement a beaucoup de lois, beaucoup trop de lois restrictives, c'est-à-dire qui empêchent, en quelque sorte, le développement et la relance de l'économie, qui empêchent, en quelque sorte, nos industriels de faire de l'investissement nouveau, parce que justement ça devient de plus en plus compliqué de satisfaire toutes les exigences et tous les rapports que le gouvernement réclame et surtout en ce qui a trait à la politique du travail et de la main-d'oeuvre.

M. le Président, nous avons, dans nos comtés et dans nos régions, à l'heure actuelle, des gens qui se font poursuivre devant les tribunaux pour oser travailler, au Québec pour oser travailler. Nous avons des gens qui, à l'heure actuelle, au Québec, ont osé engager quelqu'un pour faire des réparations à leurs bâtisses de ferme, pour faire des réparations à leur commerce, à leur édifice commercial, des gens qui ont osé faire des réparations à leur propriété. Et ces gens-là, nous en rencontrons par dizaines toutes les fins de semaine, se font poursuivre devant les tribunaux, $200 d'amende pour un travailleur, $200 d'amende pour que celui qui l'a embauché, $200 parce qu'on n'avait pas suivi les lois ici et là.

Alors, M. le Président, il y a des dizaines de milliers de travailleurs du Québec à l'heure actuelle qui ne peuvent pas exercer leur métier, ne peuvent pas exercer leur profession et, à ce moment-là, le gouvernement est pénalisé, le gouvernement se pénalise lui-même parce que ces gens-là sont dans l'obligation de faire appel au bien-être social pour pouvoir vivre, pour pouvoir manger trois maigres repas par jour, pour être capables de payer leur loyer ou encore être capables d'habiller leurs enfants, quand je dis habiller leurs enfants, je dis habiller leurs enfants avec le strict minimum.

On ne peut pas parler d'un habillement normal, surtout quand on regarde tous nos besoins et toutes les possibilités que nous aurions. Or, M. le Président, devant ces faits que

nos lois sont trop restrictives, devant ces faits que le gouvernement oriente l'économie du Québec vers un cul-de-sac économique dans lequel nous nous retrouverons tôt ou tard, nous sommes en face d'un autre fait que personne n'ignore.

Or, nous sommes en face du fait que nous assistons passivement, sans dire un mot, à la dépossession de nos Québécois. La dépossession d'abord de nos industries, tous les jours, chaque semaine. Il y a des questions qui se posent, M. le Président, en cette Chambre, par des personnes qui se plaignent, qui s'inquiètent avec raison du fait que nos industries sont mises entre les mains des étrangers, et le gouvernement déclare à chaque occasion qu'il peut le faire, qu'il a l'occasion de le faire, qu'on invite tous les industriels de tous les pays du monde, pour tâcher de venir investir au Québec, développer l'industrie du Québec avec des capitaux étrangers, au profit des étrangers, avec des gros salaires pour les étrangers.

Nous avons, du même côté, la dépossession de nos institutions. On voit nos compagnies d'assurance canadiennes-françaises qui, à cause de tout le contexte économique dans lequel nous vivons à l'heure actuelle, se trouvent dans l'obligation de songer à se vendre à des intérêts étrangers parce que nous vivons dans le Québec, à l'heure actuelle, un climat d'insécurité, un climat d'inquiétude et on se demande où on va.

Nous avons aussi la dépossession de nos commerces — on pourrait en parler longuement — la dépossession de nos richesses naturelles. M. le Président, on fait appel à de grosses entreprises multinationales et internationales pour les inviter à venir exploiter nos forêts, nos mines, nos puits de pétrole au Québec, faire le développement pétrolier. Et non content de les inviter à venir développer nos richesses naturelles chez nous, on en est rendu à leur donner nos richesses naturelles. Et non seulement nous sommes encore contents, mais on leur donne des subventions, on leur donne des privilèges qu'on n'a jamais voulu accorder à nos industriels et à nos entreprises québécoises.

M. le Président, il est évident que ce n'est pas encore assez. Il y a une autre forme de dépossession qui a pris naissance il y a quelques années et qui s'accélère chaque semaine et chaque mois. C'est la dépossession du salaire de nos travailleurs. J'ai ici un exemple que je me permets de souligner, celui d'une personne qui, à l'âge de 51 ans, reçoit un salaire de $148.60 par semaine. Voici de quelle façon elle est rémunérée pour son travail. On commence par lui garder $1.60 d'assurance-chômage; $2.46 pour la Régie des rentes du Québec; $1.20 à l'assurance-santé; $5.65 d'impôt fédéral; $10.95 d'impôt provincial; $11 de vacances; $2 pour le syndicat; $2.67 pour 1/2 de 1 p.c. de salaire minimum et $7.20 de .sécurité sociale. Avec la conclusion que pour $148.60 gagnés, le travailleur reçoit $92.87. Mais son employeur est obligé de payer sa part d'assurance-chômage, sa part de la Régie des rentes, sa part d'assurance-santé. Il lui en coûte 20 p.c, soit environ $30, pour une personne qui a gagné un salaire de $148.60. Cela veut dire que, M. le Président, pour une personne qui est obligée de payer $180 de salaire à une personne qui a exécuté un travail pour elle, par l'entremise d'un entrepreneur ou d'un employeur, le même travailleur qui a fait le travail, reçoit 50 p.c. du salaire que celui qui fait faire le travail est obligé de payer, c'est-à-dire $92.87.

M. le Président, je dis que ce système est archaïque, qu'il n'est pas capable de s'adapter à l'économie moderne. C'est un système que je pourrais qualifier de préhistorique ou d'historique à peu près semblable à celui qui existait du temps de Robin des Bois.

M. le Président, je n'ai pas l'intention de parler plus longtemps, mais je voudrais, avant de terminer, demander au gouvernement de quelle façon il entend s'en sortir. Je voudrais demander au premier ministre ou à l'Unité-Québec, par exemple, s'ils ont des solutions. J'ai écouté attentivement, tout à l'heure, le discours du chef d'Unité-Québec. J'ai cru, à un moment donné, qu'il présenterait des solutions. Evidemment, il est venu très près de présenter des solutions; j'écoutais, j'avais l'espérance même qu'il en présente. Il a constaté, comme nous d'ailleurs — il a très bien fait — tous les problèmes, tous les malaises auxquels nous avons à faire face. Mais, lorsqu'arrive le temps de proposer des solutions.c'est plus difficile.

Tout à l'heure, nous aurons l'occasion d'entendre les représentants du Parti québécois. Je me propose moi aussi, de les écouter religieusement pour voir quelle solution ils vont préconiser face à ces problèmes.

M. le Président, le gouvernement propose toutes sortes de réformes: une grande réforme fiscale. On en parle tellement; il faut réformer la fiscalité. Tout le monde manque de fonds. Les municipalités et les commissions scolaires en manquent, le fédéral et le provincial aussi. Alors, on fait des réformes fiscales. On fait des réformes sociales également; il en faut, des réformes sociales. On fait des réformes municipales. Dieu sait tous les projets de loi qui ont été présentés devant cette Chambre concernant la réforme municipale! On fait des réformes scolaires. On a fait une "réformette" administrative. On fait des réformes de la justice, des réformes aux Terres et Forêts. On parle même de faire une réforme électorale.

Mais, M. le Président, la réforme financière, quand va-t-on s'y attaquer? Parce que ce n'est pas autre chose qu'un problème financier que nous avons. Mais, la réforme financière, on ne veut pas en parler. Pourquoi? Parce que, justement, ça pourrait peut-être déranger les intérêts de certains financiers internationaux ou certaines personnes qui ont peut-être de grands intérêts à maintenir, par exemple, nos vieux partis politiques au pouvoir, parce qu'elles sont

très bien servies. M. le Président, on peut se demander, du fait qu'on ne fait pas la réforme financière, de quelle façon le gouvernement songe actuellement à donner une nouvelle orientation, si on veut, à l'administration financière. On a vu que le ministre des Finances a déclaré, il n'y a pas tellement longtemps, à Sainte-Adèle, que le gouvernement serait peut-être dans l'obligation d'avoir recours à l'épargne obligatoire. On a déclaré ça à Sainte-Adèle, M. le Président.

Il faudra se souvenir d'un plan d'épargne forcée dont M. Garneau a parlé, sans en faire une certitude, ni une possibilité. Le jour n'est peut-être pas loin où le gouvernement devra en venir là, si d'autres sources de financement lui deviennent inaccessibles.

C'est là qu'on voit tous les dangers qui nous guettent, tous les dangers qui nous courent. Evidemment, imposer des taxes n'est pas populaire. Augmenter les impôts n'est pas populaire. On va changer les taxes de nom, on va changer les impôts de nom et on va dire tout simplement: Faisons de l'épargne obligatoire. Vous allez épargner sur vos salaires. Vous allez être obligés d'épargner pour que le gouvernement puisse être en mesure de s'administrer.

Or, la réforme financière, la réforme économique s'impose. Le pouvoir économique doit appartenir au gouvernement. M. le Président, je termine. J'en ai à peu près pour encore cinq minutes. Est-ce qu'on permet encore au maximum, cinq minutes?

Le pouvoir économique, comme je le disais ce matin, n'est pas à Québec. Le pouvoir économique n'est même pas à Ottawa. Le pouvoir économique est à Londres, à Paris ou à New York. Ce pouvoir économique, il va falloir le reprendre. Il va falloir prendre nos responsabilités. Je sais que le gouvernement est capable de le faire.

M. le Président, si on se reporte à l'esprit même qui a présidé à la Constitution canadienne, la constitution des provinces en 1867, on se souviendra, à l'article 91, que les provinces, d'un commun accord, ont laissé au gouvernement fédéral le pouvoir de légiférer sur le cours de la monnaie, le pouvoir de légiférer sur les banques, le pouvoir de légiférer sur l'impression de la monnaie, le pouvoir de légiférer sur l'émission et l'emprunt des deniers sur les crédits du Canada. Par contre, le gouvernement fédéral et les provinces ont réservé une exclusivité à l'article 92 qui stipule que la province a l'exclusivité de pouvoir disposer de son propre crédit en empruntant elle-même et directement ses deniers.

Justement sur ce point, la province a la responsabilité et l'exclusivité de disposer d'elle-même de son crédit. La province a la responsabilité et non seulement la responsabilité mais le devoir envers les Québécois de se donner une institution qui verra à monnayer le crédit du Québec directement. Elle a le devoir de prendre nos responsabilités dans ce domaine et faire en sorte que, ce crédit réel du Québec, basé sur la capacité physique de notre population, basé sur nos richesses, basé sur les ressources que nous avons, nous soyons capables de le monnayer, ce crédit, et de le mettre à la disposition de notre gouvernement pour que celui-ci soit en mesure d'administrer la province et d'élaborer de véritables politiques de relance économique qui permettront à tous les québécois de partager à part entière les bénéfices, les richesses nationales que nous avons.

Comme le gouvernement n'a pas pris ses responsabilités, il est à blâmer. Je blâme le gouvernement. Je blâme le ministre des Finances d'être au service des intérêts privés, d'être au service de la finance et d'exploiter des citoyens de la province en leur soutirant de force, contre leur gré des taxes et des impôts pour payer les rentes au système financier.

M. le Président, nul ne peut servir deux maîtres, cela nous le savons.

UNE VOIX: ... Samson.

M. ROY (Beauce): Il reste au gouvernement à faire...

M. GARNEAU: De Caouette à Samson.

M. ROY (Beauce): ... à faire son choix, ou servir le peuple du Québec ou servir les intérêts de la finance.

M. le Président, me prévalant de l'article 377, comme nous sommes à étudier les crédits supplémentaires, il y a lieu, à cette occasion, de présenter une motion de blâme à l'endroit du gouvernement.

Mais, comme il y a des cultivateurs, ici aujourd'hui, comme également il y avait des cultivateurs la semaine dernière, qui réclament, de toute urgence, l'adoption de la Loi du syndicalisme agricole, le projet de loi no 64, je vais m'abstenir volontairement de présenter une motion de blâme au gouvernement uniquement pour permettre au gouvernement de passer, au plus vite, à l'étude des crédits supplémentaires, tout en permettant aux députés des différents partis d'Opposition d'exprimer leur point de vue, et pour examiner le projet de loi no 64, Loi du syndicalisme agricole, que nos cultivateurs réclament.

M. le Président, j'étais tenté, et c'était notre privilège et nous pourrions profiter des circonstances, de présenter une motion de blâme au gouvernement. Le gouvernement mérite la motion de blâme. Mais par considération pour la classe agricole, je ne me prévaudrai pas de ce privilège. Je terminerai mes observations sur ceci: Pensez-y deux fois, vous avez deux ans et demi pour choisir, ou administrer en fonction de l'intérêt des Québécois ou administrer en fonction de l'intérêt de la finance internationale.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. Guy Joron

M. JORON: M. le Président, l'étude des crédits supplémentaires nous amène à discuter de l'ensemble de la politique financière et économique du gouvernement. C'est, dans un sens, sans joie et avec beaucoup de tristesse que je souligne, en commençant, que nous allons bientôt fêter un anniversaire. C'est l'expiration d'un délai, d'une promesse, d'un engagement, d'un objectif de créer 100,000 emplois au Québec. Les jours sont comptés. Il reste douze jours dans le mois de décembre et nous allons devoir, à la fin de cette période, constater l'échec cuisant et retentissant du gouvernement dans sa promesse la plus importante, celle sur laquelle il avait fait reposer son appel au peuple, le message qu'il adressait aux électeurs québécois en 1970. Je dis que c'est avec tristesse que nous le faisons, mais vous comprendrez que nous aurions pu nous réjouir que le gouvernement ne remplisse pas sa promesse parce qu'électoralement, c'est bon ces choses-là. Mais pas du tout.

Cela ne fait plaisir à personne de constater qu'au Québec on n'arrive pas à cerner, à régler une fois pour toutes le problème du chômage et de constater que plus ça va, plus ça reste pareil et que plus' le temps passe, plus les choses demeurent les mêmes.

Depuis longtemps, le Québec a toujours connu un taux de chômage plus élevé que sa voisine immédiate, l'Ontario. Historiquement, notre taux de chômage a toujours été voisin du double de celui de l'Ontario. On s'aperçoit que les mêmes politiques économiques que l'on continue d'appliquer, sans à peu près jamais les modifier, aboutissent évidemment à nous laisser dans la même situation.

C'est un horizon un peu triste que celui du Québec en cette fin d'année 1971. Ce n'est pas seulement à cause des 200,000 chômeurs et de ce nouvel hiver de chômage libéral qui se prépare, mais on s'aperçoit que, dans d'autres domaines, la confusion, le brouillard blanc en quelque sorte sur le Québec, la confusion la plus totale s'empare de nous collectivement, comme société. Nous sommes désespérément à la recherche d'une voie. Nous constatons que pendant que cela dure, c'est dur et pénible, que les conflits ouvriers deviennent plus nombreux et plus cuisants, plus raides et plus durs et que d'autre part, de son côté, le pouvoir, que ce soit le gouvernement ou les employeurs, se raidissent, deviennent eux aussi également plus durs. La confusion et l'insécurité s'installent. D'un côté, les centrales syndicales se radicalisent, cherchent désespérément une voie nouvelle. De l'autre côté, le pouvoir se radicalise aussi et devient de plus en plus conservateur.

On se demande, M. le Président, si tout cela n'est pas en train de nous mener à une espèce d'affrontement, si tout cela n'est pas en train d'annoncer une espèce de période anarchique de confusion, de conflits durs à travers lesquels nous devrons passer. Plus que jamais, j'ai l'impression que partout, au Québec, on est à la recherche d'une solution, d'une voie. On attend le message qui permettra une mobilisation, un ralliement des Québécois qui fera enfin que ce brouillard se lève et que le soleil de l'avenir commence à luire.

Pour traiter ce cancer économique qu'est la situation de notre économie, le ministre des Finances, par voie des crédits supplémentaires, nous propose d'avaler de l'aspirine. On ne traite pas un cancer avec de l'aspirine. Il faudra s'interroger sur des solutions beaucoup plus radicales et beaucoup plus fondamentales que celles qui ont tenu lieu de débats dans cette Assemblée depuis un an et demi en tout cas que j'y siège.

Ainsi donc, M. le Président, c'est après un long silence que le Parlement du Québec est appelé à se pencher à nouveau sur ces problèmes fondamentaux que sont ceux de la politique financière et économique. On n'a pas eu l'occasion d'en parler depuis le mois de juillet environ.

Pendant que la situation se détériore, le Parlement, lui, reste silencieux. C'est la première occasion — il faut le souligner, M. le Président — que nous avons de traiter de ces problèmes qui sont les plus importants depuis le rapel du 26 octobre.

Il est grand temps que nous abordions ces questions-là, si nous ne voulons pas que le Parlement de Québec perde le peu de crédibilité qui lui reste encore face à l'opinion publique. Et pourtant c'est important, parce que malgré tout l'Assemblée nationale du Québec reste le seul lien direct — plus ou moins peut-être, je devrais peut-être dire indirect — le seul canal par lequel la majorité des Québécois conserve encore un lien avec ce qu'on appelle le Pouvoir, parce que les autres endroits dans notre système où le pouvoir est situé échappent complètement à la grande majorité des Québécois.

D'une part, parce que le système fédéral dans lequel on vit, les principales attributions de l'Etat, en matière économique, appartiennent non pas à ce Parlement-ci, mais au Parlement central d'Ottawa. Les grands instruments d'action sur l'économie ne relèvent pas de la juridiction de Québec, mais d'un Parlement où les Québécois ne constituent que 28 p.c. de la représentation, celui d'Ottawa.

C'est donc un lien très lointain, un site du pouvoir très lointain et auquel les Québécois ne se sont jamais — de leur histoire — identifiés, pour cause, et aussi parce que, dans ce Parlement central, nous sommes voués à tout jamais à être minoritaires. Ce n'est donc pas pour nous un moyen, un canal de communications par où on puisse accéder au pouvoir. En voilà un d'éliminé.

D'autre part, les autres principaux sites du pouvoir — et principalement du pouvoir économique — dans notre société se trouvent dans des sièges sociaux étrangers, puisque nous sa-

vons que dans cette partie de notre économie qui est une des plus importantes, puisque c'est le moteur finalement de l'activité économique, je veux parler du secteur industriel.

Nous savons que ce secteur est dominé au Québec par tout au plus une cinquantaine d'entreprises, de très grandes entreprises, de grosses compagnies et que plus des trois quarts de celles-là sont des filiales de compagnies américaines. Il y a loin du peuple du Québec au siège social de la General Motors, à Détroit, ou de celui de Dupont de Nemours à Wilmington, Delaware, ou à celui de Standard Oil of New Jersey, à New York, ou de toutes ces grosses corporations dont les filiales représentent au Québec l'essentiel de notre ossature industrielle.

Pour celles qui ne sont pas étrangères, nous savons qu'elles sont, à ce moment-là, anglo-canadiennes, anglo-canadiennes originaires du Québec, à l'occasion — il y en a quelques-unes comme ça — mais, même si elles sont anglo-québécoises, quelle distance il y a entre le Québécois, le gars bien ordinaire, comme le dirait Yvon Deschamps, et puis les sièges sociaux de ces compagnies-là, les propriétaires de ces grandes compagnies anglo-québécoises, qui se sont réfugiés dans leur ghetto de Westmount, du St. James Club, et ainsi de suite! Quelle distance à l'intérieur même d'une même société.

Tout ceci, pour dire: Finalement, que reste-t-il comme possibilité pour le gars ordinaire au Québec d'atteindre un lieu où il peut avoir une influence directe sur son avenir, sur son destin? Il n'en reste qu'un: c'est l'Assemblée nationale du Québec, parce que, là, il contrôle, là, il peut élire des gars, puis, là, il peut avoir une influence directe. Il peut élire à cette Assemblée nationale un gouvernement qui pourrait faire quelque chose.

C'est le seul lien qui reste. De là l'importance d'avoir ici un débat de fond sur ces questions-là. Cela est capital, parce que, si on ne l'a pas et si, de Québec, ne se dégage pas un certain leadership, bien les Québécois auront de plus en plus le sentiment d'être laissés pour compte, d'être délaissés. Ils auront de plus en plus le sentiment qu'ils ne peuvent rien faire pour modifier leur avenir, pour modifier leur destin. Qu'arrive-t-il dans une situation semblable? Bien, ils vont rentrer chez eux. Les plus jeunes rentreront dans leur cave pour fumer du"pot"; les plus vieux rentreront dans leur désespoir, puis, finalement, on va aboutir à quoi? A une société qui ne sera peut-être plus gouvernable du tout parce que ça n'intéressera plus personne de la gouverner, et parce que la preuve aura été faite aux yeux de tous qu'ils ne peuvent pas la gouverner, que ce n'est pas leur affaire. Ils s'en détacheront et on verra une longue période de dépolitisation.

Dieu sait ce qui peut nous tomber sur la tête par la suite. Cela peut être l'anarchie, ça peut être la dictature. Dès l'instant où les citoyens ont perdu confiance dans leur principale insti- tution, la porte à n'importe quoi est ouverte. C'est ce que nous voulons éviter; c'est pourquoi nous voulons faire ici un débat de fond sur les politiques économiques.

On voudrait que le gouvernement du Québec devienne ce leader qui va permettre à cette brume, à ce brouillard dont je parlais plus tôt, de se lever tranquillement. Nous voulons qu'il devienne ce fort, cet inspirateur d'une stratégie de développement qui va nous permettre d'aller quelque part, puis qui va décider en disant: Voici, on a telle et telle chose, tel bobo à guérir. On veut vous amener là, voici comment on veut vous y amener. Etes-vous d'accord ou ne l'êtes-vous pas?

C'est là le rôle de leadership d'un Parlement ou d'un gouvernement.

Si on veut, en conséquence, tracer les grandes lignes de cette action, il faut bien entendu faire la revue de la politique actuelle du gouvernement. Que nous a-t-il proposé depuis vingt mois pour répondre à ce problème capital et crucial? Quel a été le fondement de sa politique de développement? Ce n'est pas qu'une politique économique, ce n'est pas qu'une question de créer plus ou moins d'emplois, de faire une conférence de presse ou un communiqué de presse pour annoncer un investissement de tant qui va créer 23 ou 42 "jobs" ici et là, ce n'est pas de la comptabilité, une politique économique. Ce sont des choix importants et c'est toute une série de mesures, ensuite, pour s'y rendre. Mais on n'a jamais posé ces choix-là.

Jusqu'à ce jour, qu'est-ce que le gouvernement nous a offert? Il a dit une chose: qu'il voulait créer de l'emploi. Je reviendrai sur ce choix si on peut le qualifier comme tel, parce que ce n'est pas ça une politique de développement. On ne peut pas dire aux gens: Tout ce qu'on vous propose, c'est de créer de l'emploi. Il s'agit de savoir où, pourquoi, à qui ça va bénéficier, qu'est-ce que ça va donner, où est-ce que ça nous conduit? Ce sont là les questions auxquelles il faut répondre. Ce n'est pas tout d'additionner comme un comptable de bureau la liste des emplois à créer ou de les créer. Cela aurait peut-être été difficile, ç'aurait été une tâche plus lourde l'additionner les fermetures depuis vingt mois au Québec que la véritable création d'emplois. Mais enfin! ...

La politique du gouvernement, qu'est-ce qu'elle a été? Elle a été fondée sur une foi aveugle, totale, complète dans l'entreprise privée et dans l'entreprise privée principalement étrangère. Un rappel à pied levé au capital étranger. C'est le fondement principal de la politique, si on peut la qualifier ainsi, que nous a proposé le gouvernement à ce jour. Je voudrais en faire la critique.

Est-ce une voie, est-ce une solution d'avenir que de faire reposer, que de faire dépendre l'essentiel de notre développement sur l'appel au capital étranger? Il y a trois séries de questions que je veux poser à ce sujet. Et je vous dis en

partant que je n'y crois pas à cette formule, pas du tout. C'est même — et c'est ce que je veux démontrer en trois points — la méthode la plus sûre de nous conduire à un sous-développement plus tard, plus grave encore que celui que nous connaissons dans le moment. Et voici comment: Quand on dit qu'un investissement étranger vient se réaliser au Québec, parce que la compagnie XYZ de New York, de Tombouctou, ou d'où vous voudrez, vient construire une usine de $10 millions dans tel ou tel endroit dans le Québec, ou que la filiale québécoise d'une entreprise étrangère annonce tel ou tel investissement, on a l'illusion qu'il entre au Québec de l'argent nouveau. Or, à 90 p.c. du temps, ce n'est pas le cas parce qu'en Amérique du Nord, les investissements industriels se financent pour plus des trois quarts par les bénéfices et les amortissements accumulés par les entreprises. Cela veut dire quoi? Cela veut dire que quand, à titre d'exemple, Coca-Cola annonce un investissement de X millions de dollars à tel endroit pour y faire une nouvelle usine — Coca-Cola est une filiale à 100 p.c. d'une compagnie américaine — pour bien des gens, l'image première qui saute aux yeux est la suivante: c'est de voir $5 ou $10 millions passer la frontière, ou un chèque de $5 millions posté de New York qui, à un moment donné, va venir tomber comme la manne sur le Québec. On ignore que des entreprises déjà installées depuis longtemps, comme l'exemple que je mentionne, accumulent au Québec des profits depuis fort longtemps. Profits qui viennent d'où?

Ils viennent forcément d'un pourcentage dans leurs ventes, qui sont faites à qui? Aux consommateurs québécois.

C'est ainsi que les fonds qu'accumulent les entreprises, soit en réserves d'amortissement ou en profits retenus, en profits accumulés, proviennent essentiellement des consommateurs, ce sont les Québécois qui financent ces investissements-là, en achetant les produits des entreprises.

Deuxièmement, il y a une deuxième façon pour laquelle ce sont les Québécois qui financent les investissements étrangers. C'est lorsque nos banques locales prêtent à des entreprises étrangères des fonds sous forme, par exemple, d'une ligne de crédit, ouvrent un crédit de $10 millions, $15 millions ou $20 millions, dans le cas d'une grande entreprise, un fonds de roulement. Ces fonds que ces banques locales prêtent à ces entreprises sous forme de crédit à court terme, c'est de l'épargne qui a été déposée par les gens de la place dans les banques.

C'est l'épargne des Québécois qui sert à financer cette partie-là aussi des fonds qui sont donnés aux entreprises dites étrangères.

Troisièmement, lorsque ces entreprises empruntent pour agrandir leurs usines ou pour en construire des nouvelles, en émettant des obligations, en empruntant de l'argent sur les marchés financiers, par voie d'émission d'une obligation, c'est-à-dire d'une dette qui devient remboursable dans tant de temps, dans vingt ans, dans vingt-cinq ans ou peu importe, qui sont les acheteurs de ces obligations? Ce sont principalement les institutions financières, ce sont nos caisses populaires, nos banques, les compagnies d'assurance-vie, les caisses de retraite — publiques ou privées — ce sont les sociétés de fiducie, ce sont parfois les fonds mutuels, toutes des institutions qui s'alimentent à partir de l'épargne locale, encore là par l'intermédiaire d'institutions financières que nous ne contrôlons pas malgré que ce soit notre argent qui y soit déposé; — je dirai un mot là-dessus tout à l'heure — par voie de ces institutions financières, c'est une autre méthode, un autre canal à travers lequel les Québécois financent l'entreprise étrangère. Et pour ajouter la cerise sur le gâteau, si vous voulez, le gouvernement, avec les taxes perçues chez les contribuables, vient rajouter encore à ce pourcentage de financement québécois, en donnant des subventions aux entreprises, ou en prêtant de l'argent aux entreprises sous forme de prêts remboursables à faible taux d'intérêt ou en prêtant de la machinerie gratuitement comme Rexfor le fait à ITT sur la Côte Nord, et ainsi de suite.

Du total des investissements étrangers réalisés au Canada, c'est près de 90 p.c. qui est financé par l'épargne locale.

Je l'ai dit il y a déjà 18 mois en Chambre ici. A ce moment-là, ça n'a pas semblé faire dresser l'oreille du gouvernement. On aurait même dit que c'était quelque chose que le premier ministre ignorait. Mais depuis, les témoignages se sont accumulés sur ce sujet. Outre les témoignages les plus anciens, par exemple de Walter Gordon, ancien ministre fédéral des Finances ce sont les témoignages du département du Commerce des Etats-Unis lui-même qui, dans un bulletin statistique, montrait comment les entreprises américaines à l'étranger se finançaient à 90 p.c. par de l'épargne puisée là où ils allaient s'installer. Ce sont ceux qui viennent investir ici qui nous le disent eux-mêmes.

Depuis, évidemment, il y avait eu le rapport Porter de la commission d'enquête fédérale sur nos institutions financières au début des années soixante et tout récemment finalement le rapport Grey, dont une fuite a permis au public de prendre connaissance d'un des rapports les mieux faits qui décrit ce phénomène et le pose enfin une fois pour toutes devant l'opinion publique, aussi bien canadienne que québécoise.

L'illusion qu'un investissement étranger signifie un nouvel apport d'argent, ce n'est pas vrai.

Un investissement étranger veut dire un contrôle étranger supplémentaire sur une partie de notre économie mais n'implique pas l'arrivée d'argent frais, d'argent nouveau. Cela, ce n'est pas vrai. Il y a pire que cela. L'effet à long terme de cette politique, est que ces gens ne viennent pas s'installer ici, évidemment, pour perdre de l'argent ou pour faire des cadeaux

aux Québécois, c'est bien évident, mais dans une optique de rentabilité. C'est pour faire des profits. Des profits, il faut, un jour, pour les toucher, les rapatrier sous forme de dividendes versés aux actionnaires ou sous forme d'intérêts.

L'on constate qu'en moyenne cela prend huit à dix ans pour ressortir le peu d'argent qu'on est venu investir dans un pays étranger. En ayant financé l'essentiel par une dette locale et la balance, cette petite partie qui aurait été financée par une participation directe, par les actions que les étrangers détiennent dans l'entreprise qu'ils viennent de créer, cela se rembourse en moins de dix ans par les dividendes que la compagnie verse, quand elle commence à réaliser des profits, à ses actionnaires étrangers.

C'est ainsi que, accentuer cette politique de dépendance sur le capital étranger se traduit à long terme et inévitablement par une sortie nette de capitaux. De là, l'illusion de faire dépendre notre destin ou notre développement économique, la dangereuse illusion de la faire dépendre de l'apport de capitaux étrangers, de l'entrée nette de capitaux étrangers. Un tel contrôle que l'on permet, à long terme, — évidemment, cela ne sera pas visible — enfin les effets de cette politique se feront sentir bien longtemps après la défaite du gouvernement Bourassa. C'est pour ça que cela ne les préoccupe pas, d'ailleurs. Ils sont intéressés aux prochaines élections et pas davantage. Mais le taux de sortie des capitaux du Québec, en 1980, cela ne les préoccupe pas.

Il y a une deuxième illusion majeure dans cette politique de capital étranger. C'est l'illusion aussi d'un apport technologique. On dit: Québec est un petit pays. Il n'y a pas suffisamment de savants, de chercheurs, etc., pour inventer, surtout dans des domaines dits de pointe. C'est évident qu'on ne peut pas penser qu'on va se mettre à faire, plus rapidement que les Américains, les ordinatrices IBM ou des grands calculateurs électroniques et des choses semblables.

A partir, donc, de cette constatation, on se dit que l'arrivée de ces grandes corporations étrangères, technologiquement avancées, est donc une façon pour le Québec d'importer de la technologie. Qu'est-ce qui se passe dans les faits, quand une entreprise semblable vient s'installer au Québec ou, éventuellement, fait l'acquisition ici d'autres entreprises locales? Est-ce que cela se traduit par une augmentation de la recherche qui est effectuée localement? Est-ce que cela se traduit par l'augmentation du nombre de chercheurs?

Pour répondre à cette question, il faudrait se placer dans la peau de l'entreprise étrangère elle-même et voir quel est son intérêt. Quel est son intérêt? Vous êtes une compagnie américaine, par exemple. Votre souci premier est de faire, chez vous, la maximum possible de ces recherches. Alors, pour étendre la dimension de sa recherche, il faut étendre les marchés. Il faut donc, autant que possible, aller capturer des marchés à l'étranger pour pouvoir réduire les coûts, les frais d'opération à la maison, par exemple, à la compagnie mère et non pas à l'étranger. Dans cette politique, pourquoi une compagnie étrangère aurait-elle intérêt à multiplier ses centres de décision et à faire faire de la recherche sur une petite échelle non rentable, à gauche, à droite, au Québec, en Ontario, au Basutoland ou dans n'importe quel pays.

L'intérêt premier, c'est d'empêcher, justement, qu'une technologie locale ne se développe qui pourrait, peut-être, même devenir concurrentielle avec la compagnie mère, éventuellement, à plus long terme. La raison même de cette soif, de cet appétit de dévorer les concurrents étrangers ou de venir tout de suite occuper une place sur un marché étranger, c'est précisément d'empêcher la naissance d'un concurrent éventuel. Cette politique ne peut jamais se traduire par un apport technologique pour le Québec. Bien entendu, si on vient faire ici quelque chose qui ne se faisait pas avant, vous me direz que c'est une technologie nouvelle.

Mais qui vient la faire? Une entreprise étrangère vient construire quelque chose qui ne se faisait pas ici. Elle fait venir des ingénieurs, ses ingénieurs forcément, pour monter une nouvelle chaîne de production qui implique des façons de procéder nouvelles et ainsi de suite, pour qu'une fois l'installation en place la filiale joue le rôle que la compagnie mère lui aura assigné. Toi, fais-nous telle pièce. Soit parce que la main-d'oeuvre est meilleur marché au Québec ou soit parce que nous avons besoin d'une ressource naturelle qui s'y trouve, c'est pour nous la façon la plus économique de tirer la composition, si vous voulez, de l'ensemble du produit que nous voulons faire.

Dans une perspective semblable, il est également illusoire de s'attendre que, par une domination étrangère sans cesse croissante sur notre économie, nous puissions atteindre le développement technologique auquel nous aspirons. C'est une fausse voie.

Il y a un troisième point très grave, c'est qu'il faut bien comprendre que les entreprises étrangères viennent installer des filiales ici dans un souci de développement à l'intérieur de leur propre logique, pas nécessairement dans un souci d'équilibre de l'économie québécoise ou dans le cadre d'un plan de développement québécois. Cela ne les intéresse évidemment pas. C'est leur propre plan de développement qui les motive fondamentalement à venir ou à ne pas venir s'installer ici.

Ce faisant, ces compagnies ont depuis longtemps, dans leur stratégie de développement à elles parce qu'elles en ont une stratégie de développement, attribué au Québec le rôle qu'elles veulent lui voir jouer dans ce système-là. Ce rôle-là, c'est celui de fournisseur de matières premières ou cela avait été et ce l'est encore celui de fournisseur de main-d'oeuvre à bon marché dans ce type d'industries qui

emploient du "cheap labour", comme le textile, le cuir, le vêtement et ainsi de suite, industries où l'on s'est spécialisé dans le passé.

C'est pour ces deux raisons-là. Comment, à partir de ce système-là, peut-on s'attendre que se développent ici les autres industries dont nous avons besoin, celles justement qui croissent plus rapidement et qui permettraient d'atténuer ce déséquilibre de notre structure économique dont notre revenu national, plus faible que celui de l'Ontario, est la principale cause? Comment peut-on s'attendre que notre déséquilibre interne soit corrigé par ceux-là même qui ont intérêt à l'entretenir, par ceux-là même qui l'ont créé? Tant que nous laisserons les centres ou les pouvoirs de décision à l'étranger, nous continuerons d'avoir une économie de plus en plus déséquilibrée, de plus en plus dépendante des marchés étrangers.

Par exemple, ils continueront, dans la mesure où ils en ont besoin, à développer des industries de papier au Québec, jusqu'au jour où ils n'auront plus besoin de papier. Qu'est-ce que c'est pour eux de les fermer, à ce moment-là, et de les laisser tomber? Pour eux, c'est dans leur logique. Pour les 25 prochaines années, on a besoin de papier, on va aller en chercher là où il y en a. Après, si notre structure industrielle à nous, qui serons encore là dans 25 ans, est toute fondée sur une industrie qui fabrique un produit dont plus personne n'a besoin, que fera-t-on avec des usines de pâtes et papier?

Peut-on faire des téléviseurs avec cela? Peut-on faire des chaussures avec cela? Bien entendu, il y aura une machine industrielle d'installée sur place, ici, mais pour laquelle il n'y aura plus de marché et qui ne nous servira pas.

Nous disons que puisque c'est nous qui finançons ce développement industriel essentiellement, il est aussi capital de contrôler la décision d'investissement de façon que ce ne soit pas ce type d'industrie qui continue à se développer ici et à élargir le déséquilibre déjà existant.

Cela, M. le Président, c'est toute l'illusion terrible et dangereuse qu'il y a derrière une politique de développement, une politique économique fondée sur la dépendance vis-à-vis du capital étranger. A cela, le gouvernement ajoute bien entendu... Je passerai plus brièvement là-dessus parce que nous avons eu l'occasion, au moment de la présentation du projet de loi créant la Société de développement industriel, de démystifier du mieux que nous pouvions cette politique de père Noël économique, de Saint-Vincent de Paul économique que le gouvernement établissait à l'égard de l'entreprise privée, utilisant les deniers du contribuable pour ajouter une part publique dans le financement des entreprises mais qui ne se tranduisait pas par une partie équivalente de propriétés publiques.

Je ne vois pas pourquoi on continuerait à encourager des étrangers qui construisent chez nous une structure industrielle qui, à long terme, nous conduit directement à la catastrophe avec, en plus de cela, les deniers du gouvernement. Il y a bien d'autres façons — je les décrivais tout à l'heure — par lesquelles ces entreprises sucent l'épargne locale ici, dans le territoire du Québec, sans que par-dessus le gâteau, le gouvernement vienne rajouter les deniers publics comme source ultime de financement.

On est même rendu, dans ce secteur, à un point tel qu'on se demande si l'entreprise privée a encore quelque justification que ce soit. Historiquement, quelle était la justification de l'entrepreneur privé? Il disait: J'ai le droit d'avoir le contrôle, de continuer à gérer mon affaire, être le seul à prendre les décisions parce que c'est mon argent que j'ai risqué là-dedans. Donc, si ça va chez le diable, c'est moi qui le perdrai et si ça marche, c'est moi qui encaisserai les profits. C'est le raisonnement primaire. Mais quand l'entrepreneur conserve 100 p.c. du contrôle mais que, finalement, il ne met pas plus que 5 p.c. ou 10 p.c. de l'argent dedans, par exemple, où est la justification du système? C'est à ce point qu'est rendu le régime de l'entreprise privée tel qu'on le pratique au Québec et tel que le gouvernement actuel, en plus de cela, l'encourage et l'accentue.

Le gouvernement, enfin, en faisant porter sur l'entreprise privée et sur le capital étranger, l'essentiel de sa politique de développement économique, s'écartait, ce faisant, d'une ligne de conduite qu'avait tracée timidement, j'en conviens, le gouvernement libéral précédent, celui de Jean Lesage au début des années soixante. J'ai l'impression, aujourd'hui, qu'on avait un peu compris alors les problèmes auxquels nous faisions face à l'époque et qu'on avait vu l'illusion à long terme de cette philosophie de dépendance sur le capital étranger et sur l'entreprise privée. Le gouvernement avait donc tenté, timidement j'en conviens, de commencer à même les fonds québécois, à donner les premiers instruments de développement sur lesquels nous pouvions nous-mêmes compter pour assurer la quantité et la qualité de développement que nous voulions. Cela a été l'Hydro, la Caisse de dépôt et placement, la SGF, Sidbec et ainsi de suite.

La politique actuelle du gouvernement n'est pas une marche arrière par rapport à ce qui avait été dessiné au début des années soixante. C'est un renversement total, une trahison, une négation de la politique du précédent gouvernement libéral. C'est la voie absolument diamétralement opposée.

En guise de témoignage, M. le Président, je rappelle ce que deux des ministres, qui se font une vocation économique dans le gouvernement, m'ont répondu à l'occasion de l'étude des crédits de leurs différents ministères.

M. LEVESQUE: Le député de Gouin en a-t-il pour longtemps?

M. JORON: Me prévalant du droit de parole du chef parlementaire du Parti québécois, je...

M. LEVESQUE: Non, non, M. le Président.

Si on veut s'en tenir strictement au règlement, ça ne s'applique pas au présent débat, du moins de la façon que j'interprète le règlement. Cela s'applique lorsqu'on répond au ministre des Finances au discours du budget.

Si on veut être procédurier, encore une fois, je suis obligé de l'être. J'ai simplement demandé poliment au député de Gouin s'il s'apprêtait à terminer.

M. BURNS: M. le Président, si le député de Gouin vous avise qu'il sera, à la fin de son intervention, disposé à déposer une motion de blâme contre le gouvernement, je crois que notre règlement sessionnel lui permet de parler une heure.

M. LEVESQUE: Il ne s'agit pas d'une motion de fond.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que je pourrais demander à l'honorable député s'il désire terminer son intervention par un vote de blâme ou de censure visant le gouvernement?

M. BURNS: Oui, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Vous avez le droit.

M. JORON: Merci, M. le Président.

Je n'insisterai pas davantage, je m'aperçois d'ailleurs que je l'ai fait trop longuement sur ce qu'a été et sur ce qu'est le semblant de politique de développement économique que le gouvernement libéral nous a proposé jusqu'alors. Il est beaucoup plus important de parler de ce qu'on devrait faire.

A ce sujet-là, je voudrais dire la chose suivante. Tout d'abord, le gouvernement a, d'après nous, fort mal posé le problème en faisant de la création d'emplois et en situant autout du problème du chômage toute la question en limitant la question de notre développement global à cette seule et unique question.

Pour nous, le problème n'est pas le chômage. Pour nous, le problème, c'est la pauvreté. Le chômage est un canal qui conduit à la pauvreté. Mais le problème le plus global au Québec est celui de la pauvreté.

Or, ce n'est pas uniquement un problème de créer des emplois pour faire moins de chômeurs. Cela ne règle pas du tout le problème qui fait qu'un tiers des Québécois francophones vit dans ce que les statisticiens et les différents ministères appellent vivre en bas de ce qu'on appelle le seuil de la pauvreté, le seuil d'un niveau de vie minimum décent.

C'est ça pour nous qui est le premier choix à faire, choix fondamental que le gouvernement n'a jamais fait. Il faut d'abord et avant tout faire ce choix-là. C'est la chose première. A quoi est-ce qu'on s'attaque? Ce à quoi nous croyons devoir nous attaquer en premier lieu, c'est le problème de la pauvreté.

A partir de ce moment-là, ce n'est pas du tout uniquement une question de créer des emplois. A ce sujet-là, j'aimerais rappeler les pages fort pertinentes que l'on retrouve dans le tome IIl de la commission Castonguay-Nepveu. On y lit que ces droits — les objectifs immédiats du développement social — seraient le droit au travail, au repos et au loisir, à la santé, à l'éducation, aux services sociaux, au logement et à la sécurité du revenu.

Lisons, si vous voulez, ce qui suit, en en pesant bien les mots. "La réalisation des objectifs immédiats suppose que tous les citoyens ont une chance égale de se procurer les biens et les services nécessaires à leur épanouissement personnel.

Cette égalité de chance ne doit pas être uniquement une égalité théorique, mais doit se traduire par une égalité réelle. Celle-ci entraînera obligatoirement la disparition de la catégorie sociale d'assistés. Cette proposition dépassait de loin le système actuel de la sécurité sociale de l'assistance sociale.

Moi, j'en ai soupé de l'assistance sociale. Je décris ce phénomène-là, ce système-là comme l'amende que paye le système pour avoir placé des gens dans cette condition d'indigence-là. Ce n'est pas un cadeau qu'on fait aux assistés sociaux, c'est l'amende qu'on paye pour les avoir placés dans une situation telle qu'ils ne peuvent subvenir à leurs besoins. C'est une dette, et une partie seulement, que la société leur rembourse. C'est pourquoi nous proposerions, en remplacement du système actuel d'assistance sociale, un système fondé sur le revenu minimum garanti.

Et je poursuis la lecture de la citation que je faisais du rapport Castonguay-Nepveu: "Dans cette optique, toutes les mesures qui restreignent la distribution des biens et des services à des catégories particulières d'individus ou de familles défavorisés doivent disparaître." Ils étaient clairvoyants les gens de la commission, regardez comme les mots qui suivent sont presque adressés au gouvernement actuel: "Il faut s'attendre à ce qu'une telle conception du bien-être aussi intimement liée à la notion de développement et aux exigences qui en découlent ne soit pas spontanément et favorablement accueillie par tous — c'est le moins que l'on puisse dire — car elle implique de nombreux changements. "Le conservatisme naturel des uns, la recherche de la sécurité chez les autres, la part de l'innovation et les habitudes de facilité du plus grand nombre — on jurerait que jusqu'à maintenant on a fait le tour de toute l'équipe ministérielle — engendrent la méfiance qui constitue un puissant facteur d'opposition et même de résistance aux changements non seulement dans l'ordre des idées mais aussi dans l'ordre des

faits. Et on avertit. Quoi qu'il en soit, l'évolution sociale actuelle rend inévitable l'acceptation du nouveau concept de bien-être lequel devra, le plus tôt possible, inspirer une politique, se traduire par des programmes, entraîner une modification des attitudes et provoquer des changements importants dans le caractère et la structure des institutions, sous peine, pour les sociétés qui refusent ou sont incapables de se conformer à ces exigences, de se retrouver rapidement dans une situation de retrogression."

Cela ç'a été écrit il y a plusieurs années, mais quelle inspiration prophétique. On jurerait que ça s'adressait à l'état actuel de la situation au Québec et à l'équipe qui le dirige. Nous croyons donc que ce choix premier implique de choisir, comme tâche immédiate, qu'on s'attache à instaurer un système qui vise à mieux distribuer les revenus et les richesses actuelles existantes au moment où on se parle là, dans la société, ou si on vise à un système qui promet de les augmenter plus tard, mais qui ne s'attaque jamais aujourd'hui aux différences et aux écarts scandaleux qui existent dans notre société.

Pour nous, le choix est clair. D'ailleurs, j'aimerais lire ce que disait à ce propos-là un ancien ministre du gouvernement libéral, qui a été aussi pendant un certain temps ministre à Ottawa, Eric Kierans. M. Kierans disait ceci dans une conférence, récemment: "Le concept de la croissance est une carotte visant à cacher au peuple les inégalités actuelles dans la distribution de la richesse." Cela ne peut pas être plus clair. Toute la politique des 100,000 emplois à venir, des grands développements futurs: une carotte pour cacher les inégalités actuelles dans la distribution des richesses. Cela s'adresse carrément à la politique que poursuit le gouvernement. Il écrit un peu plus loin: "Si l'on s'attaquait au problème de la répartition égale des richesses, la croissance bénéficierait à tous également, sinon l'écart entre les classes ne peut aller qu'en s'élargissant et l'injustice sera encore plus profonde.

Le premier choix qu'une politique de développement doit faire, M. le Président, est donc celui de s'attaquer à distribuer le plus équitablement possible, par une réforme fiscale complète, par un régime de revenu minimum garanti, les actuelles richesses, avant de se demander comment on va s'organiser pour en créer d'autres dans l'avenir. Bien entendu, on ne rejette pas comme telle l'idée de la croissance, mais, avant de décider comment et pourquoi on va croître, il faut s'attaquer d'abord à partager ce qui existe déjà.

Cela m'amène à mon deuxième point qui est justement l'organisation de la croissance. Juste avant de poser ce problème, je voudrais rappeler ceci pour resituer le choix ou l'absence de choix qu'a fait le gouvernement quant au problème premier que je posais tout à l'heure. D'un côté — c'est là qu'est toute la question — la production nationale brute augmente. Au point de vue des statistiques, c'est vrai. Le revenu national augmente; c'est vrai, per capita aussi, c'est-à-dire par habitant, qu'en chiffres absolus ça augmente. Comment se fait-il, alors qu'en même temps augmente aussi le nombre des chômeurs, le nombre des assistés sociaux et surtout le nombre de ceux qui se sentent de plus en plus inquiets, qui ne savent pas quand arrivera le moment où ils vont tomber dans ces catégories? Cette contradiction peut-elle survivre longtemps? Combien de temps va-t-elle durer avant qu'on s'aperçoive qu'il y a un non-sens dans le fait que, globalement, la production augmente et qu'en même temps il y a de moins en moins de gens qui en profitent?

Il est clair que les écarts que soulignaient aussi bien la commission Castonguay qu'Eric Kierans dans le texte que je citais tout à l'heure sont en train de s'élargir. C'est pourquoi il faut s'attaquer d'abord à ça.

Une fois que cela est fait, il faut avoir une stratégie de développement. Il faut se demander ce qu'on va développer et comment on va le développer. Il y a un choix entre la croissance de la quantité ou la croissance de la qualité à faire en premier lieu, à ce moment-là. Il faut se demander si on va continuer d'avoir un système économique dont la croissance va être calculée au rythme de la caisse enregistreuse et de la capacité d'absorption de nos poubelles. Parce que c'est ça que le système actuel nous donne: un système qui est organisé pour faire consommer les gens de plus en plus rapidement, pour que les ventes augmentent et pour qu'on "sacre" ses affaires au panier le plus rapidement possible.

Il va falloir se demander si on veut des brosses à dents électriques ou bien des chaussures; si on veut des motoneiges ou si on veut des logements pour le tiers des gens qui habitent des taudis à Montréal. Ce sont des choix économiques fondamentaux: le choix de la qualité de la vie par rapport à la quantité des biens utiles qui vont à la poubelle le plus rapidement possible auquel le système économique, tel qu'il est pratiqué actuellement, nous a livrés.

Je voudrais rappeler les propos extraordinaires qu'écrivait Gérard Leach dans un article du Nouvel Observateur. Lisons bien: "Ce n'est toutefois pas notre technologie qui pourra venir à bout de la crise écologique. Au contraire, la situation de cette crise suppose un bouleversement radical d'à peu près toutes nos options industrielles, économiques, sociales et politiques. En particulier, il nous faudra abandonner l'idée de ce qui importe par-dessus tout, c'est la consommation, c'est-à-dire la rotation accélérée des marchandises constamment renouvelées et dont l'innovation et l'usure rapides gonflent artificiellement le produit national. En réalité, disait-il, il est beaucoup plus important de conserver aussi longtemps que possible."

Un peu plus loin, la meilleure solution consiste à allonger la durée de vie de tous les

produits. Si vous voulez la doubler, par exemple, vous pouvez doubler la prospérité matérielle sans accroître la consommation de ressources et la production de déchets. C'est ce qu'il faut comprendre, c'est que la qualité de la vie peut s'améliorer autrement que par une production quantitative.

Aujourd'hui, disait-il — et nous voyons à quel point ce message est adressé aux gens qui siègent à cette assemblée — tous les hommes politiques prétendent vouloir combattre la pauvreté, le chômage et d'autres plaies sociales par une expansion quantitative de la production plutôt que par la vieille exigence socialiste d'une redistribution des richesses. En fait, la croissance quantitative n'a guère atténué la pauvreté relative qui, à la différence de la misère physique, est le sentiment que la société vous prive du niveau de vie normal et à mesure que la crise de l'environnement s'aggrave, il n'est pas difficile de prévoir qui en souffrira le plus, les masses pauvres des villes, les chômeurs, ceux qui ne peuvent pas fuir la pollution et les cages de béton. Peut-être les débats politiques de l'avenir opposeront-ils les partisans de la croissance quantitative aux partisans de l'amélioration qualitative exigeant d'autres priorités et un autre système économique.

Ceci m'amène, en conclusion, M. le Président, à vous dire que les moyens, après avoir posé ces choix, d'y arriver impliquent un autre système économique. A ce sujet, je ne veux, pour l'instant, qu'en présenter deux avant-coureuses, si vous voulez, de l'un. Si l'on veut que les entreprises produisant aujourd'hui des biens appelés à devenir rapidement des déchets, des biens qui ne correspondent pas nécessairement aux priorités, aux besoins tels que formulés par la population elle-même, il n'y a pas de doute — et nous n'y échapperons pas — qu'il faudra modifier notre régime juridique de façon à prendre le contrôle des entreprises ou du moins d'un certain nombre, principalement celles qui produisent pour les consommateurs.

Ce mouvement est déjà amorcé aux Etats-Unis, peut-être par suite des actions de Ralph Nader par exemple dans le domaine de la consommation, mais je vois le jour où les consommateurs seront majoritaires au conseil d'administration de General Motors. Cela s'en vient aux Etats-Unis, il faudrait peut-être que nous y pensions ici.

H faudra donc...

M. TETLEY: M. le Président,...

M. JORON: Je suis bien heureux de voir que le ministre des Institutions financières m'approuve...

M. TETLEY: J'approuve cette partie du discours.

M. JORON: ... j'ai dans deux minutes une grande surprise pour lui d'ailleurs qui fera du ministre des Institutions financières, nul doute, le personnage le plus important du gouvernement, vous le verrez dans un instant.

Un régime, dis-je, juridique différent qui enlève à l'actionnaire le droit exclusif de voter des représentants au conseil d'administration des entreprises. Il faudra évidemment faire des distinctions considérables selon les secteurs, selon qu'il s'agit d'industries vouées exclusivement à l'exportation, selon que ce sont des industries dont les biens sont des biens de consommation par opposition à d'autres qui produisent de l'acier. Par exemple, on ne peut pas imaginer faire siéger les consommateurs d'acier, les individus comme tels n'achètent pas d'acier. Toutes ces distinctions évidemment devront être introduites. Il faut s'attaquer à un changement substantiel de notre régime juridique qui va restreindre le choix des administrateurs, c'est-à-dire qui va enlever l'exclusivité que possèdent aujourd'hui les actionnaires au droit de décider dans les entreprises et dans certains cas, il faudra aller plus loin.

Dans certains cas, il faudra carrément que la propriété ne puisse être autre que collective, dans des cas, par exemple, qui sont une illustration extraordinaire du système que provoque la domination étrangère de notre économie. Prenons le domaine de l'appareillage électrique. Vous avez au Québec la filiale de RCA Victor, la filiale de General Electric, la filiale de Westinghouse, toutes des morceaux qui reproduisent au Québec la même concurrence que se livrent ces géants américains sur le marché national. Avec quels résultats? Quatre ou cinq petites chaînes de montage, dont aucune n'est véritablement rentable, efficace.

Ce sont les lois antitrust américaines qui les empêchent de se fusionner dans le territoire du Québec.

Une industrie, dans ce domaine et je l'ai fait à titre d'exemple, n'a d'avenir que dans la mesure où elle est fusionnée, qu'elle est une et intégrée. C'est un type de production qui demande des chaînes de montage tellement longues qu'on ne peut pas, sur une petite échelle, répéter quatre ou cinq fois la même chose dans un marché aussi petit que celui qui est destiné au Québec, surtout, si on a quelque prétention que ce soit à vouloir exporter sur les marchés internationaux. Qu'est-ce qu'il faut faire?

Si le système actuel empêche littéralement cette rationalisation économique de se faire, il n'y a pas d'autre choix que de nationaliser. Il faudrait, dans des cas semblables — et je l'indique seulement à titre d'exemple — nationaliser les entreprises pour faire la fusion, les intégrer et les soustraire aux lois qui les régissent actuellement, qui sont les lois du pays d'origine des compagnies mères. C'est un exemple dans le domaine des entreprises.

Mais le domaine où il va falloir être le plus radical, c'est celui des institutions financières. Pourquoi? Parce que les institutions finan-

cières, aujourd'hui, au moment où l'on se parle, représentent au Québec une masse d'épargne de $20 milliards. Quelle est la principale source de financement de notre développement public, privé, etc., dans tous les domaines? Que cette masse d'épargne soit constituée exclusivement d'épargne locale. Il faut donc être sûr que l'utilisation de cette épargne corresponde aux investissements dont nous avons besoin. A l'heure actuelle, le système qui permet la propriété privée des institutions financières fait que le pouvoir de décider de l'utilisation qui sera faite de la masse de l'épargne des Québécois est prise par un tout petit nombre. Ce privilège doit disparaître. Nous croyons qu'au chapitre des institutions financières, la propriété privée doit être carrément exclue. Il faudrait remplacer plutôt ce système, s'inspirant possiblement d'une de nos institutions qui représente le plus fidèlement le type d'organisation propre aux Québécois, le genre d'organisation qui correspond à notre mentalité et je veux parler du mouvement coopératif. C'est vers un système financier, globalement "coopérativé", si vous voulez, ou "communautarisé" qu'il faut s'en aller et exclure la propriété privée de ce domaine. Parce qu'il s'agit de l'épargne collective et nous faisons la traduction que seule, la collectivité, doit avoir le droit de décider comment son épargne doit être utilisée, si nous voulons nous assurer qu'elle le sera en tenant compte de nos décisions, de nos besoins et de notre volonté de développement.

M. le Président, je termine, parce que, déjà, je vois que le temps achève. J'aurais aimé parler plus longuement, en troisième lieu, du rôle que l'Etat doit jouer comme agent entrepreneur dans l'économie. Si nous avons dit, dans un premier temps, qu'il faut reprendre le contrôle collectif sur la masse de l'épargne et qui est la source principale de financement, si nous avons dit que, dans un deuxième temps, il faut revoir le régime qui s'applique à l'entreprise privée, à l'entreprise étrangère surtout, dans lequel cas plusieurs nationalisations devront être considérées, nous disons, troisièmement, que l'essentiel, évidemment, du développement devrait venir via la création d'industries nouvelles. Il faut se demander quels sont les agents économiques qui sont en mesure, qui ont la taille, qui ont la possibilité, qui ont la compétence, qui ont les sources financières pour pouvoir réaliser ces implantations.

Or, quelle est la situation des entreprises au Québec? Si vous me permettez de les catégoriser de la façon la plus simple, je dirai qu'il y a les petites, les moyennes et les grandes. Jusque-là, c'est insignifiant.

Dans le domaine des petites qui naissent et disparaissent par dizaines de milliers presque à chaque année, qu'est-ce que l'on trouve? Là, on trouve une initiative généralement locale, l'entreprise privée, proprement québécoise, souvent familiale. A l'autre bout, qu'est-ce qu'on trouve? A l'autre bout, on trouve cette cin- quantaine de très grosses compagnies dont 48 ne sont pas québécoises, deux seules, parmi les 50, sont contrôlées par des intérêts québécois. Il y a la SGF, Marine Industries et Dosco ainsi que Bombardier. En faisant, si vous voulez, de la SGF, Marine Industries, Sidbec-Dosco, qui sont des entreprises que l'Etat québécois a mises sur pied, une unité, il reste, à côté, une seule autre entreprise, parmi cette catégorie des cinquante grandes entreprises directement contrôlées dans le secteur industriel par des Québécois, c'est Bombardier. Il y en a deux sur 50. Les 48 autres entreprises, c'est une kyrielle de très grandes entreprises étrangères, principalement, ou filiales de compagnies étrangères et qui sont responsables, c'est cela qu'il faut retenir, de 75 p.c. environ de la production industrielle au Québec. Les 50 grosses, à un bout, occupent les trois quarts de la place. Les milliers de petites et les quelques moyennes, cela il n'y en a pas beaucoup, entre les deux, occupent le reste. Qu'est-ce...

M. LEVESQUE: ...cela fait une heure.

M. JORON: ...qui arrive, M. le Président, quand une petite entreprise s'avise de devenir...

M. LEVESQUE: Cela fait une heure. M.. JORON: ...une moyenne entreprise?

M. LEVESQUE: Il n'y a pas de consentement unanime.

M. BURNS: Nous n'avons pas besoin du consentement unanime. Sur la question de règlement, vous n'avez pas besoin de consentement unanime. Sauf erreur, je pense que le député de Gouin, ayant annoncé qu'il a une motion de blâme à faire, son temps est illimité.

M. LEVESQUE: Non, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Oui...

M. LEVESQUE: C'est lui-même qui a déclaré qu'il parlerait pendant une heure.

M. LE PRESIDENT: ...en se basant...

M. BURNS: Oui, il parle depuis une heure. C'est un fait.

M. LE PRESIDENT: ...sur les règlements ses-sionnels adoptés au début de la présente session, le député de Gouin ayant annoncé qu'il présentait une motion n'a pas de limite de temps.

M. LEVESQUE: Parlez éternellement et continuez l'obstruction.

M. BURNS: ...aux règlements sessionnels.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Il va être obligé de suivre des cours de procédure.

M. JORON: M. le Président...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Prends ton temps!

M. JORON: ...je disais que lorsque quelques-unes de ces petites entreprises privées, locales et québécoises parviennent aux qualificatifs de moyennes entreprises, qu'est-ce qu'il leur arrive la plupart du temps? A moins que quelques-unes de ces entreprises moyennes puissent avoir un tel degré de complémentarité, plus la volonté, plus l'occasion de se fusionner pour entrer dans les ligues majeures, si vous voulez, plus généralement, ce qui arrive très rapidement, c'est plutôt l'une des très grandes entreprises qui vient la happer. Les grandes entreprises étant, en elles-mêmes, en concurrence pour accroître leurs parts du marché, il est évident que là...

M. LE PRESIDENT: Juste une remarque, si le député de Gouin voulait bien me la permettre. Nous avons établi, au début, un thème de ce débat qui était la politique financière du gouvernement. Je voudrais bien quand même, même s'il y a beaucoup de latitude, que cela se concentre vers ce thème.

M. JORON: Merci, M. le Président. C'est peut-être parce que vous avez été absent pendant un certain moment que le fil conducteur de la discussion et de mes propos vous a échappé. Mais c'est justement dans le cadre de ce que devrait être la politique financière, telle qu'elle émane du budget du gouvernement et de ses implications sur son action dans le domaine économique, que je parlais en essayant de voir quel est le rôle que le gouvernement pourrait jouer comme entrepreneur dans notre économique, dans notre secteur industriel. J'étais, au moment où vous m'avez rappelé à l'ordre, à décrire justement comment, dans ce secteur industriel, il y avait moyen de s'insérer. Vous comprendrez qu'il m'était difficile de le faire sans décrire à quel endroit, justement, j'appelais les pouvoirs publics à s'insérer dans ce système industriel.

J'y arrivais, pour dire que justement, il n'y a pas moyen de sortir de l'actuel cul-de-sac, tournage en rond, comme un chat qui se court après la queue, dans lequel nous sommes plongés au point de vue économique. Il n'y a pas moyen de faire autrement que d'aller directement à la création d'entreprises d'Etat, mais au niveau des grandes entreprises.

Cela, M. le Président, nous le faisons non pas à partir d'un choix doctrinaire ou idéologique, nous le faisons parce que c'est la nécessité et que c'est la condition même de l'économie québécoise qui impose ce choix. Il n'y en a pas d'autre. Si on veut entrer dans les ligues majeures, c'est comme cela qu'il nous faudra procéder. Si on veut y entrer, nous, pas les autres à notre place.

Je décrivais tout à l'heure ce qui arrivait, justement, quand c'était les autres qui y entraient et qu'on aboutissait à une structure industrielle qui ne correspondait plus du tout aux faits et qui ne procurait plus du tout, non plus, les biens dont nous avons besoin et qui nous sont prioritaires.

Il est important de faire remarquer l'effet qu'aurait cette politique de création de grandes entreprises d'Etat dans le secteur industriel au niveau de la très grande entreprise dans ces secteurs où, de toute façon, on ne peut pas se permettre d'être petit, autrement on n'y entre pas du tout. Je pense à la pétrochimie, je pense à la sidérurgie. On est en train, bien entendu, de faire des efforts dans ce domaine à l'heure actuelle et dans des domaines semblables qui nécessitent, par définition, une taille presque gigantesque dès le départ.

Je pensais donc à l'effet d'un tel système sur les petites entreprises québécoises, sur toutes ces petites entreprises privées qui apparaissent et disparaissent tellement rapidement, au Québec, et qui sont prises dans ce tourbillon qu'est l'actuelle situation de notre développement économique. Si nous avions de grandes entreprises publiques québécoises qui, par une politique de sous-traitance de fabrication, si vous voulez, de morceaux ou de sous-traitance au niveau des services, enfin de contrats de sous-traitance à la petite entreprise, on pourrait peut-être arriver à une situation où la petite entreprise pourrait vivre, se développer parce qu'il y aurait, au départ, un régime économique dans lequel sa place serait définie au commencement.

Si on attribuait comme rôle à ces grandes entreprises publiques d'adopter une politique de sous-traitance, peut-être verrions-nous un peu moins de disparitions, quelque chose comme, combien, 2,000 faillites par année aa Québec... Peut-être que le ministre de la Justice pourrait me répondre.

M. CHOQUETTE: Pardon?

M. JORON: Combien y a-t-il de faillites commerciales et industrielles par année, au Québec?

M. CHOQUETTE: Il y en a 4,000, je crois. M. JORON: Il y en a 4,000.

M. CHOQUETTE: Je ne suis pas sûr de mon chiffre. Mais je pense que c'est cela.

M. JORON: Disons quelques milliers de faillites annuellement. Peut-être que là, on arriverait à voir ce chiffre disparaître. Peut-être verrions-nous de petites entreprises capables de passer au stade de la moyenne entreprise, sans

nécessairement se faire bouffer par une grosse entreprise. Peut-être que, dans notre système économique, il y aurait une place pour une moyenne entreprise.

Tout ce problème ne se réglera pas, la place, l'avenir, la survie possible de la petite entreprise ne seront jamais réglés tant que le Québec n'aura pas le contrôle de l'autre bout du bâton, de la partie où le jeu est déterminé par les grandes entreprises. Là, on n'a pas le choix. Il faut y aller à même des capitaux considérables. Il faut, dans certains cas, nationaliser carrément. Il y a des secteurs qui doivent être complètement soustraits à la domination étrangère parce qu'elle se traduit par une sclérose du secteur même dans lequel ils sont engagés.

C'est ainsi, tout à l'heure, que je décrivais le secteur, par exemple, des produits électriques. Il y en a bien d'autres pour lesquels on pourrait faire le même raisonnement. On pourrait faire le même raisonnement pour la pétrochimie. On aurait donc pu, à ce moment-là, si on avait procédé au regroupement massif des industries chimiques par voie d'intervention de l'Etat, au Québec, faire en sorte qu'on n'assiste pas à la mise à pied de 700 ou 800 employés de la Gulf Chemical à Shawinigan.

Vu que les entreprises de cette taille-là répètent, à échelle plus restreinte sur notre terrain, la concurrence que les compagnies mères se livrent sur le grand marché américain, cela est ruineux, inefficace et économiquement non rentable à long terme. Continuer ce système-là, c'est annoncer à l'avance la fermeture de l'industrie chimique au Québec.

Il n'y a pas d'autre moyen de procéder que d'intervenir globalement, au niveau de l'Etat, pour la reprendre en main complètement et y exclure la propriété étrangère pour que ne se répète pas sur le territoire du Québec la concurrence que se livrent les compagnies mères sur leur terrain national. Cela, ce n'est pas un choix doctrinaire, ce n'est pas un choix idéologique; c'est une nécessité, c'est une étude froide et rationnelle du fonctionnement de l'économie qui nous l'impose. Il va bien falloir s'en rendre compte un bon jour et cesser à tout propos, dès l'instant où l'on appelle l'Etat à intervenir d'une façon quelconque dans l'économie, de lancer des qualificatifs ou des épithètes et de coller des étiquettes à ces gens-là, sans se rendre compte que ce raisonnement procède d'une analyse pragmatique, rationelle de la situation même de notre économie. Ce n'est pas un choix idéologique, ça.

Je dirai un dernier mot, en terminant pour répondre à la question que d'aucuns se posent, évidemment: Ces grandes entreprises publiques dont nous réclamons la création par l'Etat, comment peuvent-elles se financer? Elles vont se financer exactement de la même façon que les entreprises qui naissent aujourd'hui se financent. Avec pas plus et pas moins d'argent, et avec de l'argent qui vient de la même place, c'est-à-dire de l'épargne locale. Cela va venir de nos institutions financières.

C'est pourquoi, au chapitre des institutions financières, nous réclamions que l'ensemble du système financier tombe désormais sous un régime public et que la propriété privée soit exclue de ce système-là, de façon que l'allocation des ressources que font les institutions financières soit déterminée, d'une part, par la collectivité, par un système communautaire à la façon des caisses populaires, et, d'autre part, plus largement par l'Etat au nom de la collectivité. Parce qu'il y a des types de décisions qui ne peuvent se prendre au niveau local, que l'autre partie des décisions de l'allocation des ressources soit prise par l'Etat.

Je voudrais illustrer cela par un exemple. Les caisses de retraite, tous les régimes de retraite, les régimes de rente ne sont pas objets d'appropriations privées; ce sont, par nature, des institutions financières qui représentent un fonds mutuel. C'est l'épargne des retraités ou des futurs retraités eux-mêmes qui s'accumule.

Par la loi, nous devrions interdire que la gérance de ces fonds — qui sont collectifs, qui sont communautaires de par leur nature même — puisse être donnée à des institutions privées, que ce soit le Royal Trust ou le Montreal Trust ou quelque compagnie d'assurance-vie privée et dire qu'à cause de la nature même de cette sorte d'épargne, ces fonds doivent obligatoirement être canalisés vers la Caisse de dépôt qui déjà administre le régime de rentes public. Nous proposons que les régimes privés supplémentaires — mais qui sont constitués de réservoirs d'épargne collective dans leur nature — soient également ajoutés aux fonds administrés par la Caisse de dépôt.

Nous irions plus loin et nous appliquerions le même raisonnement dans le cas de l'assurance-vie. Déjà, à l'heure actuelle, un peu plus de la moitié des compagnies d'assurance-vie fonctionnant sur le territoire du Québec sont des mutuelles. Par définition, ce sont des compagnies qui ne sont pas contrôlées par des actionnaires, mais qui sont contrôlées par leurs assurés.

Ce sont donc, si vous voulez, théoriquement — parce qu'évidemment, en pratique, c'est tout autre chose — des compagnies qui sont une manière de coopérative, qui n'appartiennent à personne, sauf aux gens qui y contribuent, c'est-à-dire aux assurés.

Le problème, c'est que dans une compagnie comme la Metropolitan ou la Sun Life, qui n'opère pas et n'a pas l'obligation d'encadrer ses opérations par un chapeau juridique, par une filiale proprement québécoise, mais qui peut fonctionner simplement avec un permis ou à l'échelle fédérale, il arrive évidemment que, dans la masse totale des assurés de la Sun Life par exemple, les Québécois ne redeviennent que 5 p.c, 10 p.c. ou 15 p.c. du total des assurés.

Evidemment, on ne peut pas prétendre à un contrôle à ce moment-là. Nous disons que l'assurance vit de par sa nature même et d'une opération collective. En effet, qu'est-ce que c'est que l'assurance? C'est de faire partager les

risques par le plus grand nombre, par la collectivité. De par sa nature même, nous croyons donc que l'assurance-vie fait partie du domaine collectif, qu'en conséquence les agents privés dans ce domaine-là devraient être également exclus. Ainsi, on aboutirait à quoi? On aboutirait à un système d'assurance-vie unique, si vous voulez, unifié, et unique à l'échelle du Québec, de la même façon par exemple — et tout cela dépend du concept que l'on se fait de la fonction d'assurance — de la même façon qu'on est abouti, parce qu'on a fait de l'idée d'éducation, de l'idée de santé ou de l'idée d'électricité, une notion de service public.

A partir de cet instant-là, c'est bien évident que c'est un monopole. C'est bien évident aussi que les agents étrangers ne peuvent venir opérer sur le territoire national. C'est de cette manière par exemple que, bien entendu, une compagnie faisant de l'électricité à l'étranger, la Consolidated Edison, de l'Etat de New York, pour prendre un territoire voisin du Québec, ne peut pas venir vendre de l'électricité au Québec, établir des réseaux de distribution, rattacher votre compteur à la maison. C'est par définition un monopole, parce qu'on a fait de cette notion-là un service public.

Nous appliquerions le même raisonnement et le même principe à celui de l'assurance-vie. On aboutirait à quoi à ce moment-là? On aboutirait à un système qui réunirait dans le cas de l'assurance-vie par moins de $4 milliards d'épargne — au Québec ça, la part québécoise — et qui pourrait à nouveau être confiée à ce réservoir collectif, géré au nom de la collectivité par l'Etat qui représente la collectivité — je parle encore de la Caisse de dépôt —. Nous aboutirions ainsi à un réservoir qui, demain matin, si ces principes étaient appliqués, aurait à son actif quelque chose comme $8 milliards à $8.5 milliards de dollars, par l'application de ce régime nouveau dans le secteur financier.

Dès cet instant,...

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permet une question?

M. JORON: Certainement.

M. SAINT-PIERRE: Lorsqu'il expose ces notions de vie économique applicable au Québec, est-ce que le député donne ses opinions personnelles ou si c'est la position officielle du parti qu'il représente?

M. JORON: Je suis donc content de la question que pose le ministre! J'allais presque oublier de mentionner la chose suivante: Je donne à ce moment-ci mon opinion personnelle et j'ajoute qu'à l'heure actuelle, à l'intérieur du Parti québécois, nous sommes en profonde période de réflexion justement sur le sujet des instruments économiques et des politiques économiques nouvelles qu'il faut appliquer pour sortir le Québec de ce brouillard que je décrivais tout à l'heure.

M. HARVEY (Jonquière): Le droit à la dissidence!

M. JORON: Ce n'est pas du tout une dissidence, c'est quelque chose que j'ajoute à ce qui est implicite entre les lignes dans le programme actuel du Parti québécois et qui ne contredit en rien ce qu'on trouve au chapitre économique du programme du PQ, mais qui le complémente et qui l'oriente. C'est une opinion personnelle, parce que chez nous, la raison pour laquelle, contrairement à un député ministériel, qui ne pourrait pas le faire, la raison, dis-je, pour laquelle moi je peux le faire, c'est qu'à l'intérieur du PQ, la politique étant établie par ses membres et la discussion étant ouverte, on peut de cette façon-là lancer ses idées, on peut soumettre à la réflexion de l'ensemble des membres toutes les opinions que tous et chacun peuvent avoir sur ces problèmes économiques. C'est un congrès éventuellement qui fera un programme et qui en décidera.

Alors, si vous voulez, simplement à titre de personne qui a des choses à dire à ce sujet, je tiens à les dire. C'est tout, afin d'alimenter cette réflexion à l'intérieur du parti.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permet une autre question? J'ai fort apprécié ses savants propos, mais est-ce qu'il avoue que, s'il est obligé d'émettre des opinions personnelles, c'est que son parti n'a pas de politique? Vous venez de le dire, vous êtes en période de réflexion et au même moment, vous formulez un vote de blâme à l'endroit du gouvernement?

M. JORON: Vous ne devriez pas me poser des questions, parce que ce n'est pas à votre avantage. Je peux répondre plus longuement si vous posez des questions. Vous me faites penser à des choses que j'avais oubliées.

C'est avec plaisir que je vais dire la chose suivante: Le programme du Parti québécois qui a été amendé lors des derniers congrès mais dont l'essentiel, au chapitre économique...

M. SAINT-PIERRE: Amendé ou abandonné?

M. JORON: ... amendé aux derniers congrès mais dont l'essentiel date d'il y a environ trois ou quatre ans, nous croyons, nous, — et là je parle à titre collectif, l'aile parlementaire, l'exécutif national du parti et l'ensemble des membres tel qu'ils l'ont exprimé au dernier conseil national — que ça date et qu'il faut que ça change. Je n'ai pas peur de le dire du tout. Le programme que nous avions il y a trois ou quatre ans était un programme pour l'époque où les problèmes étaient différents, où on pensait qu'il était encore possible de parachever la révolution tranquille que l'actuel gouvernement a complètement sabotée. C'est justement parce que vous l'avez sabotée et que vous nous avez mis dans le trou économique qu'il faut maintenant s'interroger pour trouver des solu-

tions autres. C'est ce que nous faisons et j'en suis fier.

M. CHOQUETTE: Faites attention parce qu'il va vous arriver la même chose qu'au député de Maisonneuve. Votre chef va vous dire que vous êtes sorti de l'orthodoxie.

M. BURNS: Une question de privilège.

M. CHOQUETTE: Et puis que vous enfreignez le code de discipline.

M. BURNS: Je soulève une question de privilège, M. le Président. Ce que le député de Gouin est en train de dire n'a rien à faire avec les événements récents et que, de toute façon, pas plus le ministre de la Justice que quelque député ministériel ne pourrait comprendre parce que le genre de démocratie qui existe chez nous, à l'intérieur, n'existe pas chez les libéraux, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. BURNS: Vous ne comprenez rien à cela, c'est bien normal.

UNE VOIX- Ce n'est pas compréhensible, non plus.

M. LACROIX: On ne ramasse pas les bandits, ce n'est pas notre spécialité.

M. JORON: Vous les avez déjà tous! M. LE PRESIDENT: Messieurs!

UNE VOIX: C'est tellement intéressant, laissez-les parler.

M. JORON: M. le Président, je vais résumer, pour terminer, en disant que les grandes options sur lesquelles une politique de développement globale, et qui corresponde aux aspirations des Québécois, devrait se fonder, je le rappelle, s'établit sur les points suivants: D'abord, pour l'immédiat, décider si on s'attaque au chômage ou à la création d'emplois spécifiquement ou si on s'attaque au problème plus large de la pauvreté. Ce qui veut dire qu'il faut établir dès aujourd'hui et en priorité des politiques visant à la distribution la plus équitable des richesses, ce qui implique forcément le revenu minimum garanti et un système fiscal autre que celui que nous connaissons dans le moment. C'est un premier choix et ça peut être fait assez rapidement.

Le deuxième choix, quand on s'interroge à savoir quelle sorte de croissance on veut avoir maintenant pour l'avenir, il faut se demander si on choisit la quantité ou la qualité, ou quel mariage des deux. C'est un autre choix qu'on a à faire dans nos grandes décisions économiques à prendre. Une fois ce choix posé, si on a choisi d'attaquer le problème de la qualité de la vie et, joint à cette option, un accroissement de la quantité de certains biens spécifiés et plus particulièrement ceux qui manquent ou ceux dont les déficients sont les plus cuisants à l'heure actuelle dans la société, il faut ensuite arriver aux instruments.

C'est pourquoi je disais que, dans le régime actuel non seulement de dépendance sur le capital étranger mais dans le régime où nos institutions financières drainent notre épargne pour la reprêter ensuite à quelqu'un d'autre, à des entrepreneurs, à des agents économiques, je disais aussi que même l'entreprise privée locale, tout ça est à revoir parce que le problème central c'est de décider, la masse d'argent étant limitée, la masse d'épargne étant limitée, la masse de l'épargne étant de toute façon la nôtre, qui va investir où, comment et pourquoi?

Le système économique actuel ne nous permet pas de prendre cette décision parce que les institutions financières sont contrôlées en majorité, et surtout les banques, par des intérêts privés. C'est pourquoi nous excluons la propriété privée, ou du moins j'exclurais, moi, la propriété privée du domaine financier globalement.

Deuxièmement, la notion de gérance des entreprises, qui a le droit de décider, dans une entreprise? Moi, personnellement, je ne pense pas non plus qu'on puisse laisser, comme le régime actuel le permet, aux seuls actionnaires le droit de décider parce qu'ils sont ceux qui déterminent l'utilisation qui sera faite de nos épargnes, et je ne pense pas que le système actuel permette l'allocation des ressources en fonction des véritables besoins.

Pourquoi? Je vais l'illustrer par un petit exemple. Pourquoi, dans un quartier de Montréal comme Saint-Henri, trouve-t-on des taudis — il ne faut pas avoir peur de le dire — et trouve-t-on aussi, aux coins de rues, par exemple, des stations-service toutes rutilantes et resplendissantes de modernité, de chrome, de verre, et le reste? Qui, dans la société, a décidé que l'allocation des ressources devait aller de façon plus prioritaire à une station-service somptuaire pour remplir la fonction de mettre de l'essence dans sa voiture, alors que tout à côté le besoin primaire du logement n'est même pas rempli?

Si le système de l'entreprise privée ne permet pas d'allouer les ressources de la façon dont elles doivent l'être, il faudra modifier ou rem placer le régime de la propriété privée. Ce n'est pas plus compliqué que ça.

C'est ainsi que nous pensons que la décision à l'intérieur d'une entreprise ne doit pas être prise seulement par les actionnaires. Si on n'élimine pas du coup la propriété privée, elle devra être prise aussi par les travailleurs de l'entreprise. C'est pourquoi nous introduirions le système de la cogestion.

M. BOURASSA: M. le Président,..

M. JORON: ... à l'ensemble des entreprises et dans certains types...

M. BOURASSA: Le député veut-il proposer ce qui avait été proposé par le gouvernement français en 1946 ou en 1945, l'espèce de cogestion qui avait abouti, selon l'aveu même de ceux qui l'avaient proposé, à un échec lamentable?

M. DEMERS: Quelque chose comme ça.

M. JORON: Si le premier ministre aime faire de l'humour avec des expériences qui ont été tentées, non poursuivies par contre, qui n'étaient pas accompagnées d'une réorganisation globale du système économique, il peut évidemment s'amuser à dire: On a déjà tenté quelque chose, qui ressemble à ce que vous dites, au Basutoland en 1833, et ça été un échec lamentable...

M. BOURASSA: C'est le gouvernement français, M. le Président.

M. JORON: ... cela n'a aucun intérêt ce que vous dites là.

M. BOURASSA: C'est le général de Gaulle qui avait proposé ça lui-même, et il a admis que ce n'était pas applicable.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. JORON: Ce genre d'argumentation n'a aucun intérêt. Acceptez donc de répondre aux questions principales, de dire par exemple, comment vous aboutirez à avoir un système qui permette l'allocation des ressources selon les aspirations de la population, vous qui quêtez des capitaux à travers le monde entier? Chaque fois que vous le faites, vous aliénez davantage...

M. BOURASSA: C'est pour les travailleurs du Québec, pour les travailleurs du comté du député de Gouin que je le fais.

M. JORON: ... le destin, l'avenir économique des Québécois.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): A l'ordre, le député de Mercier!

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. JORON: Je disais, M. le Président, qu'après avoir réorganisé l'ensemble, après avoir revu les politiques qu'il faut appliquer aux institutions financières, il faut revoir aussi quel est le régime variable, suivant les cas, ça j'en conviens, de la propriété privée, selon les secteurs, selon que ce sont des entreprises étrangères, selon que ce sont des petites, des moyennes ou des grandes, selon que ce soient des entreprises de produits de consommation ou non, selon toutes ces distinctions, le régime sera évidemment fort variable.

Dans certains cas, ce sera plus radical; dans d'autres, cela le serait moins. Il y a tout cet éventail de situations qui fait que, forcément, les solutions vont être variées et différentes d'un secteur à un autre et d'un type d'entreprise à l'autre.

Le troisième point sur lequel devrait se fonder la politique, c'est, comme je l'exprimais un peu plus tôt, de faire de l'Etat, maintenant qu'il aurait acquis, par la "communautarisation", si vous voulez, du système financier, des sources de financement suffisantes pour jouer le rôle d'entrepreneur, le véhicule qui va nous permettre d'entrer dans les ligues majeures de l'industrie au Québec.

Ce dernier point est justement tout le contraire de la politique actuelle du gouvernement qui est fort embarrassé de son prédécesseur, le gouvernement Lesage qui, lui, timidement, avait commencé à nous donner de tels instruments. Dans certains cas, ces instruments ont évolué plus ou moins bien, par exemple, dans le cas de la SGF — on aura l'occasion d'en reparler lors de l'étude d'un projet de loi qui viendra bientôt — dans d'autres cas, ils ont évolué assez bien. Ces instruments qu'on a vus, dans certains cas, grossir en embarrassent considérablement le gouvernement d'aujourd'hui, comme il aimerait s'en débarrasser, s'il le pouvait.

On a vu, justement, comment il y a presque réussi dans un cas, en contournant l'Hydro-Québec pour aller faire une Hydro- James et en en détachant le plus de morceaux possible continuellement. Cette politique que nous proposons de la mise en place du plus grand nombre d'instruments de développement possible dans le domaine industriel, va tout à fait à l'encontre de ce que fait le gouvernement. C'est précisément dans ce secteur que la trahison la plus grave, la plus éloquente de l'actuel gouvernement, par rapport à ses prédécesseurs libéraux du début des années soixante, est la plus éclatante. Mais ça, c'est leur problème.

En terminant, je veux dire ceci...

M. BOURASSA: Cela fait plusieurs fois que le député se propose de terminer. Nous sommes prêts à l'écouter.

M. JORON: Réjouissez-vous, ça y est, parce que je commence à être asséché.

M. BOURASSA: Il faudrait apporter un verre d'eau au député.

M. JORON: Je termine en disant qu'au niveau des politiques économiques le gouver-

nement nous a ramenés loin en arrière de ce que des gouvernements précédents avaient commencé à tenter de faire au début de ce qu'on a appelé la révolution tranquille ou des années soixante. Est-ce qu'il nous a ramené l'équivalent de ce qui existait au temps de Tachereau ou était-ce Sir Lomer Gouin ou s'il faut reculer encore plus loin? Je ne le sais pas. Peu importe.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. JORON: Constatant, après vingt mois de gouvernement libéral, cet échec relatif; constatant cette situation de "tournage en rond" où nous sommes, cette inquiétude qui s'installe de plus en plus, cette acuité sans cesse croissante des problèmes et des oppositions dans la société québécoise, cette nécessité d'arriver à redéfinir un grand projet collectif qui va mobiliser tout le monde, qui va nous empêcher de nous en aller vers une forme ou une autre d'anarchie, mais qui va ramener un consensus minimum chez les Québécois, qui va faire qu'ils font pouvoir se redonner la main et marcher vers un objectif clairement défini, nous pensons que le gouvernement est incapable de nous y conduire. Il n'a pas eu la volonté de procéder à ces interrogations capitales dans le domaine économique. Evidemment, à cause de ses origines économiques, des intérêts qui le lient à toutes sortes de milieux, il n'a pas la possibilité, il n'a pas les mains libres pour pouvoir faire ces choix capitaux, dans certains cas, radicaux, j'en conviens, qu'il faut faire pour remettre le Québec sur la voie du progrès et le sortir de l'espèce de "merry-go-round" où nous nous sommes engagés.

Motion de blâme de M. Joron

M. JORON: En conséquence, je propose, appuyé par le député de Maisonneuve, que la motion en discussion soit amendée en en remplaçant tous les mots après le mot "que" par les suivants: "La Chambre, tout en étant disposée à voter à Sa Majesté les subsides qu'elle a demandés, est d'avis que le gouvernement a manqué à son devoir et à ses promesses en appliquant une politique économique insuffisante eu égard aux besoins du Québec."

M. BOURASSA: Cela a pris du temps à plaider.

M. CHARRON: ... tellement impressionné. C'est la première fois qu'on entend parler sérieusement de l'économie en Chambre.

M. GARNEAU: Vous appelez cela de l'économie, vous?

M. TETLEY: Vous ne faites donc rien comme tout le monde.

M. GARNEAU: Vous appelez cela de l'économie?

M. CHARRON: Je tiens à dire, à part cela, M. le Président, que l'opinion personnelle du député de Gouin, c'est aussi mon opinion personnelle.

M. BOURASSA: Bon, il y en a deux! M. GARNEAU: Il y en a deux!

M. CHARRON: Le président pourrait-il demander le silence?

M. GARNEAU: Est-ce que les cinq autres sont d'accord?

M. BOURASSA: Est-ce que le député de Sainte-Marie est d'accord?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui. UNE VOIX: Fermez les micros.

M. LE PRESIDENT: Nous allons suspendre pour quelques minutes.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

Motion jugée non recevable par le Président

M. LE PRESIDENT: Je serais prêt à rendre ma décision sur la recevabilité de la motion.

M. BURNS: M. le Président, avant que vous ne rendiez votre décision, sans vouloir présumer des arguments que vous voudrez peut-être nous soumettre, je ne sais d'ailleurs pas de quelle nature sera votre décision, mais pour le cas où votre décision devrait se référer à une motion qui a déjà pu être entendue au cours de la même session, je vous souligne entre autres que la fin de la motion se réfère aux besoins du Québec et que la référence aux termes économiques ou à la politique économique du gouvernement est tout autre, étant donné sa qualification, à la fin, "eu égard aux besoins du Québec", donc beaucoup plus large qu'une certaine motion qui a déjà été soumise devant la Chambre.

C'est la seule remarque, M. le Président, que j'avais à faire parce que, dans les notes qui apparaissent sous l'article 377, je présume que sur le plan de la recevabilité, ce n'est que la fin de la motion du député de Gouin qui pourrait mettre en doute sa recevabilité puisque le début de sa motion est tout à fait conforme à la formule qu'on aperçoit en regard de la formule no 43. Elle est identique. Donc, ce n'est sûrement pas sur le plan du fond, cela pourrait si c'est là la question que vous vous posez, être la question de forme.

Je signale donc, avant que M. le Président ne rende sa décision, que la fin de la motion, même si elle fait référence à la politique économique du gouvernement, la qualifie différemment à mon humble avis de celle qui a déjà

été faite, de l'insuffisance de la politique économique du gouvernement en disant: "Eu égard aux besoins du Québec".

M. LE PRESIDENT: Ma décision ne sera pas rendue sur la forme, mais sur le fond.

Tout le monde se rappelle qu'au début de la session — je crois que c'est le 25 février — l'honorable Jean-Jacques Bertrand, au discours inaugural, avait fait la motion d'amendement suivante: "Que la motion en discussion soit amendée en y ajoutant les mots suivants: "Nous soumettons respectueusement que le gouvernement a manqué à son devoir et à ses promesses en omettant d'élaborer et d'appliquer, de concert avec les divers agents de l'économie, une politique propre à stimuler la croissance économique du Québec et à combattre le chômage."

A la lecture de cet amendement, il semble y avoir deux éléments de base, problème économique du Québec, problème du chômage.

Je lis maintenant la motion de l'honorable député de Gouin: "La Chambre, tout en étant disposée à voter à sa Majesté les subsides qu'elle a demandés, est d'avis que le gouvernement a manqué à son devoir et à ses promesses en appliquant une politique économique insuffisante, eu égard aux besoins du Québec."

La motion de l'honorable M. Bertrand était même plus large. Et j'en conclus que la motion du député de Gouin est comprise et incluse dans celle de l'honorable Bertrand. Si j'en viens à cette conclusion, je vous lis maintenant l'article 151 de notre règlement qui dit: "Nulle motion ne doit soulever une question qui soit au fond identique à une question dont la Chambre a décidé pendant la session en cours." Qu'il n'y ait pas deux décisions de la Chambre sur une même question durant la même session.

Pour ces raisons, je ne peux accepter et je n'accepte pas la motion du député de Gouin.

M. BURNS: Cela veut dire, M. le Président, qu'on ne peut pas soulever, par voie de motion de blâme, deux fois au cours...

M. LEVESQUE: Votre décision est rendue. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: C'est une directive, M. le Président, en vertu de l'article 667. Cela veut dire qu'au cours d'une même session, on ne pourrait pas soulever à deux reprises les questions de blâme envers le gouvernement pour sa politique économique, aussi vaste que le problème puisse paraître.

M. LE PRESIDENT: Et j'ajoute la note 1 sur l'article 151 — et on sait que les notes ont été établies par la coutume, par les décisions, par la jurisprudence, par l'usage — qui couvre cette objection du député de Maisonneuve: "Cette règle est applicable même si les circonstances ont changé."

M. BURNS: Alors, la politique économique du gouvernement, c'est une fois, c'est ça?

M. LE PRESIDENT: Une fois par année, une fois par session.

M. BURNS: Merci, M. le Président. M. GARNEAU: M. le Président...

M. LEVESQUE: M. le Président, je m'excuse auprès du ministre des Finances, mais j'avais une directive à vous demander. A deux reprises, je suis intervenu lors du discours du député de Gouin, après une demi-heure et après une heure. Et dans les deux cas on a laissé entendre à la Chambre que nos règlements sessionnels permettaient au député de Gouin de poursuivre son discours, et cela sans limite.

M. le Président, je conçois que si on a une motion recevable, malgré que je n'approuve pas ce règlement mais j'y suis soumis, d'autre part, je ne crois pas qu'on puisse donner la parole d'une façon illimitée à quelqu'un qui n'a pas de motion, parce qu'une motion irrecevable, d'après moi, ce n'est pas une motion.

Dans les circonstances, je me demande si — c'est la directive que je vous demande — on ne devrait pas demander à l'opinant de déposer sa motion.

Il me semble qu'on pourrait ainsi savoir de quoi il s'agit, déterminer si la motion est recevable et, à ce moment-là, lui donner le droit de parole. D'ailleurs, j'ajoute simplement que je n'ai pas eu le bonheur d'avoir une copie de cette motion. On a jugé à propos de ne pas nous en faire parvenir une copie, mais ceci est un aparté. Ce que je vous demande, M. le Président, c'est une directive pour l'avenir.

M. BURNS: Simplement sur le point, M. le Président, que je n'ai pas...

M. LEVESQUE: Ce n'est pas un point de règlement, M. le Président; c'est une directive que j'ai demandée.

M. BURNS: Je veux tout simplement...

M. LE PRESIDENT: De toute façon, écoutez, je ne suis pas prêt à donner ma directive immédiatement, avec la permission du leader. Laissez-moi y penser. C'est décision par-dessus décision, c'est directive par-dessus directive. J'ai eu le temps d'en considérer une durant l'heure du déjeuner; donnez-moi l'occasion d'en considérer une autre durant l'heure du dîner.

M. BURNS: Est-ce que je peux, avec la permission du leader du gouvernement, lui poser une question sur ce qu'il vient de dire? Est-ce qu'il me permet de lui poser une question sur ce qu'il vient de dire?

M. LEVESQUE: J'ai toujours manifesté un grand esprit de collaboration.

M. BOURASSA: Avec plaisir, M. le Président.

M. LEVESQUE: Grand esprit de collaboration comme toujours.

M. BURNS: Comme nous, d'ailleurs. Est-ce qu'il me blâme de ne pas lui avoir remis une copie de la motion du député de Gouin? Est-ce cela que je dois comprendre?

M. LEVESQUE: Quoi?

M. BURNS: Dans ce que le leader a dit, devrais-je déceler qu'il me blâme de ne pas lui avoir remis une copie de la motion du député de Gouin?

M. LEVESQUE: Non, mais, ordinairement, celui qui propose une motion — ça s'est fait régulièrement dans cette Chambre, depuis que je me le rappelle — a toujours la gentillesse, la courtoisie d'en faire parvenir une copie à chacun des partis.

M. BURNS: M. le Président, il est arrivé aussi, récemment, qu'on a reproché au chef de l'Opposition, d'avoir déposé une motion manuscrite. C'est arrivé aussi au député de Bagot. Je ne voulais choquer personne; c'est pour ça que je n'en ai pas remis de copie, parce qu'il y avait une toute petite rature, M. le Président.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'avais fait cinq copies manuscrites authentiques.

M. BURNS: Je m'en excuse, mais je ne veux pas blesser les susceptibilités de l'autre côté de la Chambre.

M. BOURASSA: On vous pardonne.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Le ministre des Finances.

M. Raymond Garneau

M. GARNEAU: M. le Président, en faisant mes remarques sur la motion actuellement en discussion, vous me permettrez de...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): In making my remarks; ça commence par un anglicisme.

M. GARNEAU: Est-ce que le député de Chicoutimi a une question à poser?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voulais simplement signaler que le ministre commence en faisant un anglicisme: "by making my remarks".

M. GARNEAU: M. le Président, je comprends que le député de Chicoutimi n'a pas l'habitude d'intervenir sur les questions écono- miques, mais lui qui faisait des reproches, depuis deux ou trois jours, aux gens qui parlaient assis, je voudrais lui faire remarquer que je me suis assis pour lui permettre de se lever, parce qu'il avait parlé de son fauteuil.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement. Le ministre des Finances n'a pas le droit de dire ce qu'il vient de dire, parce qu'il a eu l'honneur et le plaisir de m'entendre sur de multiples sujets, depuis qu'il est assis à ce fauteuil.

M. GARNEAU: Bon, j'espère qu'on va me laisser continuer, M. le Président. Je n'ai pas l'intention d'être long; j'ai droit seulement à une demi-heure. Alors, je commencerai mes remarques en...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Go on with your remarks.

M. LE PRESIDENT: Je voudrais vous faire remarquer que le droit de parole du ministre est illimité, en vertu du règlement.

M. PAUL: M. le Président, je désire avoir une directive. A moins qu'il ne s'oppose à ce que vous ne quittiez le fauteuil, quelle serait la procédure qu'il pourrait employer à ce moment-là? Si le ministre des Finances s'opposait à ce que la motion principale soit reçue, quelle serait la motion qu'il devrait faire pour qu'il en soit ainsi?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pour étudier le syndicalisme agricole.

M. LE PRESIDENT: De toute façon, s'il désire que je quitte le fauteuil, je peux le quitter immédiatement, et le comité pourra se former immédiatement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, non! on veut vous garder, M. le Président.

M. GARNEAU: S'il y avait consentement unanime, M. le Président, pour accélérer les travaux de la Chambre, je serais prêt à ne pas faire de remarques pour passer immédiatement en comité plénier.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le comité est formé?

M. CHARRON: Vous n'avez pas le consentement unanime, M. le Président.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Go on with your remarks, Sir.

M. GARNEAU: Je pourrais peut-être transmettre une copie traduite en anglais au député de Chicoutimi immédiatement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tout de suite, ce sera certainement meilleur qu'en français.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. GARNEAU: M. le Président, participant à l'étude de cette motion, je voudrais commencer mes remarques par...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez toute la liste.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): I will do that, Sir.

M. HARVEY (Jonquière): O.K. You are a gentleman.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On my own behalf, but not on behalf of this House.

M. HARVEY (Jonquière): Your name should be John Christmas Shaker.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): That is right. Go on, Sir, go on with your remarks.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.

M. GARNEAU: Je voudrais d'abord reprendre quelques-unes des observations faites par le député de Gouin; je commenterai quelques instants celles faites par le député de Beauce et le chef de l'Opposition officielle pour faire quelques observations ensuite sur les crédits tels que déposés.

M. le Président, en écoutant parler le député de Gouin tout à l'heure, ça me rappelait un bout de film...

M. PAUL: M. le Président, je fais appel au règlement.

Vu que l'honorable chef de l'Opposition a fait son grief, le ministre n'aurait-il pas été dans l'obligation d'intervenir immédiatement? Après que le député de Beauce eut présenté son grief, est-ce que le ministre des Finances n'aurait pas dû intervenir immédiatement. Lorsque le ministre des Finances intervient après le discours du député de Gouin, ses remarques ne doivent-elles pas être exclusivement en regard ou au sujet du discours présenté par le député de Gouin? Il me semble que ce fut une directive que vous nous avez donnée dans ce sens au mois de juillet dernier.

M. LE PRESIDENT: Ce que j'ai mentionné au mois de juillet — et je pense bien que j'ai eu assez de suite dans les idées pour l'expliciter davantage aujourd'hui — c'est que lorsqu'un premier grief est établi, il y a un lit de fait. Et aujourd'hui, j'ai considéré que les discours du chef de l'Opposition officielle, du député de

Beauce et du député de Gouin étaient sur la politique financière du gouvernement. C'est une question qu'on doit vider et avec la plus ou moins grande latitude que nous avons eue jusqu'à maintenant, le ministre des Finances peut répondre ou traiter des politiques financières du gouvernement.

M. GARNEAU: Le lit est donc fait, M. le Président. J'ai écouté tout à l'heure parler le député de Gouin. Evidemment, nous avons eu des travaux parlementaires assez intenses depuis ces derniers jours mais hier, durant les quelques heures d'ajournement, je me suis permis de regarder la télévision. Or, hier soir, il y avait une émission qui s'appelait "L'homme à la valise". L'histoire de cette émission de télévision, était celle d'un fils à papa qui avait hérité d'une très grande fortune mais qui ne voulait pas l'utiliser personnellement parce que, disait-il, ça le répugnait d'utiliser des fonds qui étaient le résultat d'une société capitaliste embourgeoisée, etc. Mais ce même bonhomme qui ne voulait pas prendre l'héritage de son père, s'empressait quand même de dilapider les biens et de faire envoyer la facture à son frère qui, lui, payait la note.

Les propos du député de Gouin, en fait, par analogie, se rapportent très bien à cette histoire de la télévision, peut-être pour des raisons personnelles et d'autant plus qu'il a fait de ses propos non pas une question supportée par son parti mais une question d'opinion individuelle, qu'il présentait en son nom et non pas au nom du Parti québécois. En fait, c'est bien l'histoire de l'homme à la valise que nous a présentée le député de Gouin puisque sa valise, dans son cas, en est une remplie d'illusions, d'illusions qui ont été semées au cours des années par différents économistes, sociologues, philosophes, et qui ont été reprises au cours des siècles par des successeurs avec une plus ou moins grande intensité.

En écoutant le député de Gouin, je pensais, par exemple, à ce fameux système monétaire, ce système bancaire que Proudhon avait déjà suggéré, ces organisations communautaires où les gens partageraient entièrement, à l'intérieur de phalanges ou je ne sais pas l'organisation précise qu'avait suggérée Fourastier et combien d'autre théoriciens de l'économie, à partir...

M. LAURIN: Est-ce que je pourrais poser une question au ministre? Je pense que le ministre vient de faire erreur en appelant les organismes prônés par Proudhon des phalanges Il s'agit de phalanstères.

M. GARNEAU: M. le Président, je n'ai pas relié du tout les phalanges à Proudhon parce que ce que j'ai dit de Proudhon, c'est qu'il avait suggéré un système monétaire, un système de billets de banque relié à des institutions financières, et que ça me faisait penser un peu à ce que proposait tout à l'heure le député de Gouin. Dans l'organisation communautaire, je n'ai pas relié

ça à Proudhon mais plutôt à un autre théoricien qui a fait évidemment des suggestions dans ce domaine.

Mais toutes ces théories reprises au cours des siècles...

M. CHARRON: Le ministre des Finances me permet-il une question?

M. GARNEAU: Non, M. le Président, parce qu'autrement nous allons assurer... J'ai évité de poser des questions...

M. CHARRON: Ce n'est pas Fourastier, celui dont vous parlez, c'est Fourier, 1848,...

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre!

M. CHARRON: Fourastier est un sociologue français contemporain.

M. GARNEAU: M. le Président, si le député de Saint-Jacques veut intervenir, il pourra le faire tout à l'heure.

M. CHARRON: Je veux seulement établir les faits historiques que vous citez.

M. GARNEAU: Evidemment, cette valise d'illusions du député de Gouin a été déjà utilisée à plusieurs reprises. Certains Etats ont tenté d'utiliser, de mettre en application ces théories, et jamais une réussite n'a pu être constatée. La seule chose qu'on a pu réussir, M. le Président, c'est en poussant à l'extrême les théories du député de Gouin, les appliquant, et ç'a été là, je pense l'exemple qui a été donné par la mise sur pied de certaines sociétés de type communiste qui ont poussé à l'extrême ces idées et qui, pour réussir ce choix fait par l'Etat des productions, de la répartition des richesses entre les brosses à dents et les canons, ont dû imposer un contrôle complet des activités humaines, des activités des différents groupes de la société, fermé les frontières et fait entrer l'armée pour qu'elle domine en reine et maîtresse de telle sorte que l'on puisse appliquer à fond ces théories qui veulent que l'Etat domine tout, s'occupe de tout, soit en quelque sorte le gardien non seulement de la distribution de la richesse mais également de la production de la richesse.

Le député de Gouin a également soutenu que le gouvernement actuel avait failli à sa tâche et a blâmé le gouvernement de ne pas avoir mis de l'avant des politiques, dans le domaine des institutions financières en particulier.

Il nous a reproché d'avoir mis de côté certains instruments de développement économique que je reconnais nécessaires comme, par exemple, la Société générale de financement, le développement hydro-électrique Sidbec, etc.

S'il y a des domaines à l'intérieur desquels le gouvernement a oeuvré, ce sont bien les exem- ples mal choisis du député de Gouin, puisque, dans le domaine de Sidbec, en 18 mois d'activités, le gouvernement libéral actuel a proposé une augmentation de la capitalisation de $36 millions plus une garantie de $30 millions de prêts effectués par la Caisse de dépôt, ce qui veut dire $66 millions, ce qui est plus que le capital initial qui mettait sur pied la société Sidbec.

Je me demande comment on peut accuser le gouvernement libéral d'aujourd'hui d'avoir abandonné certains de ces instruments. Si on regarde maintenant du côté des institutions de développement d'é n e r g i e électrique, la mise sur pied de la Société de développement de la baie James, je pense que c'est la preuve irréfutable que le gouvernement du Québec n'a pas reculé dans ce secteur-là. Si on regarde du côté de la Société générale de financement, malgré les erreurs — et là je ne suis pas contre les tentatives qui ont été faites par la Société générale de financement — c'est quand même je pense, l'expérience que nous venons de vivre qui nous oblige à être prudents lorsque l'on parle de l'intervention de l'Etat dans les moyens de production — si l'on regarde, dis-je les difficultés qu'a connues la SGF et malgré ça, nous déposons ces jours-ci un projet de loi qui prévoit d'accorder une somme de $10 millions additionnelle à la SGF comme participation gouvernementale, ce qui veut dire 50 p.c. de la participation que nous avions déjà dans cette société?

Evidemment il y a d'autres gestes qui ont été posés. Je pense par exemple à la formation de la Société de développement industriel, qui est un instrument mis à la disposition du ministre de l'Industrie et du Commerce et du ministre du Revenu pour aider le développement de notre économie.

Toute la discussion du député de Gouin relativement à cette socialisation à outrance m'apparaît porter à faux dans le débat d'aujourd'hui, d'autant plus qu'il en a fait une question personnelle. Lorsque nous discutons en Chambre, nous représentons nos vues personnelles, mais elles s'inscrivent généralement dans la ligne de pensée d'un parti. Lorsque je vois par exemple, le député de Gouin suggérer que l'Etat se porte directement dans l'action du développement économique et qu'il assure lui-même le partage des biens à produire et que je songe en même temps au fait que le député de Lafontaine proposait récemment dans un débat la nationalisation de Bell Canada, je me demande comment on pourrait régler ce problème en appliquant les suggestions contenues dans le programme du Parti québécois de diminuer les impôts de $1 milliard. Il y a toujours des limites à vouloir leurrer la population.

D'un côté, on dit au gouvernement: Interviens, tu en as le droit, tu as l'obligation d'intervenir, non seulement dans le domaine de la redistribution de la richesse mais de la production de la richesse. D'un autre côté, on

lui demande d'augmenter ses dépenses du côté social et on l'oblige, en quelque sorte, à investir des milliards ou on lui suggère d'investir des milliards dans le rachat de compagnies existantes, ce qui ne créerait aucune richesse additionnelle, surtout dans un domaine de services qui n'est pas essentiel au développement de l'économie.

M. le Président, les remarques du député de Gouin, concernant les marchés de capitaux et particulièrement en ce qui regarde l'entrée des capitaux étrangers au Québec, m'apparaissent également venir d'un bon esprit mais qui, à mon sens, sont complètement en dehors de la réalité.

Ce qu'on nous demande de faire, aujourd'hui, au Québec, en refusant l'entrée de capitaux étrangers, qu'ils soient européens ou américains, c'est en quelque sorte se mettre dans une camisole de force. S'il y a un moment où le Québec a besoin de capitaux pour développer son économie, c'est bien au cours des années que nous traversons actuellement, au moment où une affluence considérable de jeunes arrivent sur le marché du travail, des jeunes qui sont de mieux en mieux préparés à faire face aux demandes de l'industrie, des jeunes dont l'éducation a coûté de plus en plus cher à la population du Québec et aux contribuables québécois. Ce que le député de Gouin propose et ce que le Parti québécois, s'il l'appuie, propose, c'est en quelque sorte de fermer les portes au développement économique québécois et de forcer nos jeunes à s'exporter, eux, sur les marchés du travail de l'extérieur du Québec.

M. le Président, l'entrée de capitaux étrangers au Québec est absolument nécessaire. Si nous suivions la voie qui nous est suggérée par le député de Gouin, la camisole de force dont je parlais tout à l'heure serait justement celle de faire le jeu de Bay Street, de refuser l'entrée des capitaux, parce que, eux, du côté anglophone au Canada, ils les ont acceptés ces capitaux en temps opportun. Eux, ont développé l'industrie manufacturière. Maintenant que le développement ontarien, que le développement dans les provinces les plus prospères au Canada est assuré, on voudrait fermer la porte à l'entrée des capitaux au Québec, ce qui serait évidemment aller à l'encontre des intérêts économiques et surtout des intérêts véritables de la jeune population qui arrivera sur le marché du travail au cours des prochaines années. Cette évolution que l'on connaît aujourd'hui n'est pas nouvelle. La plupart des pays qui se sont industrialisés ont connu ces périodes. Il y a eu, au départ, un déficit considérable dans les capitaux, dans la technologie on a importé des capitaux étrangers, on a importé de la technologie et où dans un premier temps, on a exporté énormément de richesses naturelles. Dans un deuxième temps, il y a eu, petit à petit, ces investissements qui ont fait en sorte que l'entreprise manufacturière a pu s'établir, ce qui a augmenté évidemment leur capacité d'exporta- tion et diminué, en quelque sorte, le déficit des balances de paiement.

Quand j'entendais le député de Gouin dire qu'au cours des années 80, le Québec exporterait des capitaux, si on continuait. Bien moi, je dis tant mieux. Si on exporte des capitaux, cela veut dire qu'on va être dans une position concurrentielle favorable, cela veut dire que nos exportations vont avoir atteint un palier tel qu'il y aura des devises suffisamment importantes chez nous pour qu'on puisse exporter de ces capitaux.

Moi, j'aspire à cette période de l'histoire du Québec où nous serons en mesure d'exporter des capitaux, parce que nous aurons atteint un stade de développement qui sera la preuve, évidemment, que nous avons passé à travers la période d'enfance et d'adolescence pour arriver, sur le plan économique, à une maturité.

M. AUDET: Un retour en enfance.

M. GARNEAU: En ce qui concerne les propos du député de Beauce, je voudrais uniquement reprendre ces affirmations concernant, en particulier, l'endettement du Québec. J'ai déjà eu l'occasion de souligner, à quelques reprises, le fait que, au Québec, la dette per capita faisait que nous étions la sixième province, dans l'ensemble du Canada, au point de vue de la dette per capita. J'ai déjà eu l'occasion de souligner que les provinces qui ont appliqué, qui ont été élues sur des théories créditistes ont des dettes per capita plus élevées que la nôtre, la Colombie-Britannique en particulier.

Lorsque ensuite, on prend l'exemple de l'Alberta pour dire que, dans le développement des richesses naturelles, on a su en profiter, alors qu'au Québec on n'a pas su, il faut, je pense, considérer la différence qu'il y a entre les richesses qui étaient exploitables et la facilité qu'il y avait de les exploiter et, évidemment, le marché de consommation qui était très grand en ce qui regarde le pétrole.

Lorsque le député de Beauce, dans un même souffle, nous dit, par exemple, qu'il faut augmenter les crédits des ministères pour que le Québec puisse jouer un plus grand rôle et que, du même coup, il nous dit qu'il faut couper les taxes et diminuer les emprunts, évidemment je ne sais pas à quelle théorie économique...

M. CARDINAL: Le député de Beauce.

M. GARNEAU: ... il se réfère et comment il peut accrocher une telle théorie à la réalité. Mais si jamais, je pense que la situation ne se présentera pas, il devait accéder à ce côté-ci de la Chambre et occuper le fauteuil que j'occupe, avec les mêmes responsabilités, je serais extrêmement heureux de voir comment il pourrait boucler la boucle.

Concernant les propos du chef de l'Opposition officielle, je voudrais seulement dire quant aux crédits supplémentaires que nous

proposons aujourd'hui, ce n'est pas là un budget dans le sens véritable du terme parce que si cela avait été un budget, il aurait été précédé par un exposé de politique économique.

Actuellement, les crédits supplémentaires que nous demandons touchent deux aspects: Dans un premier temps, ils touchent les estimations qui ont été plus ou moins précises de certains ministères; c'est le cas de la plupart des demandes que nous formulons comme, par exemple, dans le cas des ministères des Affaires culturelles, des Affaires municipales, des Communications, des Terres et Forêts, etc.

L'autre aspect des crédits touche les ministères des Affaires sociales, de l'Agriculture, de la Voirie et des Travaux publics. Dans cette deuxième série de demandes, je crois qu'il s'agit là de mesures qui ont des effets économiques. Même si le fardeau des allocations sociales est lourd à porter, je crois devoir dire que c'est là quand même une mesure de soutien du revenu qui est extrêmement importante dans l'état actuel de notre économie. Je dirais même que c'est une politique absolument nécessaire à un développement économique harmonieux. Sans cette politique de redistribution du revenu, il serait impossible de passer à travers les périodes difficiles que l'on connaît, non seulement sur le plan familial et individuel, mais également sur le plan économique. Plusieurs auteurs soumettent que si au cours des années trente il y avait eu des politiques sociales aussi bien élaborées que celles que l'on connaît aujourd'hui, la dépression économique des années trente n'aurait peut-être pas existée ou si elle avait existé, elle aurait été beaucoup moins grande.

Donc, dans la deuxième section, ce sont des crédits que nous demandons pour soutenir le revenu. C'est le cas également de la plupart des demandes que nous faisons du côté de l'Agriculture où le principal montant a pour but de verser des subventions à des agriculteurs, à des producteurs d'oeufs, de grosses dindes, de porcs qui, évidemment, ont connu des difficultés...

M. LOUBIER: M. le Président, sur un point d'ordre. Je ne voudrais pas être désagréable pour le ministre mais la présidence a, à quelques reprises, invité les opinants à ne pas plonger dans un poste budgétaire en particulier ou à ne pas expliciter sa pensée ou son appréciation à quelque poste budgétaire que ce soit des ministères. Et, on nous a invités, M. le Président, à nous en tenir à des généralités pour éviter, justement, de soulever un débat, ce qui sera permis lors de la discussion des crédits budgétaires de chacun des ministères.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Pour assurer la continuité dans les décisions, j'inviterais les membres à s'en tenir à la décision qui a déjà été rendue.

M. GARNEAU: M. le Président, je suis d'ac- cord avec le chef de l'Opposition officielle. Mais comme les opinants qui m'ont précédé, j'ai voulu donner quelques exemples seulement pour répondre au chef de l'Opposition qui disait qu'il n'y avait pas de politique, qu'il n'y avait aucune orientation dans ce budget supplémentaire. J'ai voulu prendre les quelques exemples pour souligner que, d'un côté, il y avait des demandes de crédits pour des erreurs d'appréciation ou des politiques qui n'étaient pas formulées au moment de la présentation du budget et indiquer que, de l'autre côté, c'était le désir du gouvernement de traduire ces crédits additionnels dans une politique de soutien du revenu et de développement de l'économie puisque c'est là l'essentiel des demandes qui viennent de deux ministères, en particulier, la Voirie et les Travaux publics. Ds demandent des crédits qui s'incorporent dans une politique de développement économique où, en collaboration avec les autorités fédérales, nous allons lancer, avec ces crédits, un programme de construction de voirie de l'ordre de $120 millions, dont $63 millions seront dépensés d'ici la fin de l'année budgétaire 72/73.

M. le Président, l'essence de l'orientation de la politique économique du gouvernement a été donnée lors de la présentation du budget principal.

Je voudrais référer, peut-être seulement quelques instants, pour rappeler quelles étaient les orientations de cette politique économique, aux notes explicatives du discours du budget. Si on s'y reporte, on verra que les quatre objectifs étaient les suivants: "1- Assurer une participation active des dépenses de l'Etat à la reprise de l'activité économique par l'accroissement des dépenses d'immobilisation. "2- Limiter le plus possible le taux de croissance des dépenses courantes sauf pour les programmes ayant une incidence plus immédiate sur le soutien de l'activité économique. "3- Assurer une partie du rattrapage des sommes dues aux commissions scolaires dans le domaine de l'éducation. "4- Faire coïncider le niveau des dépenses apparaissant au budget avec le niveau réel des dépenses dans le secteur des Affaires sociales, compte tenu des nouvelles politiques de gestion proposées dans ce secteur."

Au sujet du quatrième article, M. le Président, je dois reconnaître que nous avons failli à la tâche, puisque nous n'avons pas réussi, je pense, à atteindre l'objectif que nous soumettions dès le début de l'année financière, mais pour des raisons que le ministre des Affaires sociales pourra expliquer, je pense, en détail.

D'abord, il y avait la difficulté de mesurer précisément quels seraient les coûts de l'application de la loi no 26 puisque nous n'avions que quelques mois d'expérience lorsque nous avons préparé les crédits, la loi no 26 n'ayant été mise en application qu'au cours du mois de novembre 1970. H y a donc eu cette difficulté.

Il y a aussi eu le fait qu'un plus grand nombre de bureaux ont été ouverts à travers la province, des services complets ont été offerts à la population, ce qui a évidemment amené un taux de croissance, dans les dépenses, plus élevé que nous ne l'estimions au début. Mais je voudrais laisser au ministre des Affaires sociales le soin d'entrer dans les détails puisque les limites qui avaient été acceptées ne nous permettent pas d'aller plus loin.

M. le Président, dans le cadre des 3 autres points, je pense que la politique du gouvernement a été bien établie et qu'elle a été suivie. Même les crédits additionnels que nous demandons aujourd'hui s'inscrivent dans la même direction, surtout en ce qui regarde les dépenses d'immobilisation.

Nous avions dit, lors de la présentation du budget, que le gouvernement voulait mettre l'accent sur les dépenses d'immobilisation parce que ces dépenses étaient créatrices d'emplois. Au mois de mars ou d'avril, quand nous avons présenté les crédits, nous avons suggéré des dépenses brutes d'immobilisation de $438 millions. Les crédits additionnels que nous demandons à la Chambre aujourd'hui porteront ces dépenses en immobilisation, avec les mandats spéciaux qui ont été approuvés, à près de $470 millions, ce qui donnera, dans le domaine des immobilisations, un taux de croissance de près de 40 p.c. comparativement à l'année précédente.

Je voudrais souligner que cette politique économique du gouvernement a donné des résultats qui ne sont pas aussi frappants, aussi flamboyants que nous l'aurions aimé mais je crois quand même qu'il y a eu des résultats assez avantageux.

Sur le plan de la création de l'emploi, par exemple, nous avons pu constater que sur une moyenne de onze mois, au-delà de 50,000 nouveaux emplois ont été créés, cela au cours des onze premiers mois. C'est clair que ce n'est pas l'objectif qui avait été établi mais quand même, si on tient compte des difficultés à travers lesquelles nous avons passé, au Québec, au cours des derniers mois, nous avons quand même réussi à atteindre cet objectif que suggérait le chef de l'Opposition lui-même, lorsqu'il...

M. LOUBIER: M. le Président, je regrette.

M. GARNEAU: ... traçait les grandes lignes d'une politique économique au Québec.

M. LOUBIER: M. le Président, je suis obligé, parce que la vérité a tout de même certains droits encore dans cette Chambre...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'inviterais l'honorable chef de l'Opposition...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Laissez-lui le temps de parler avant...

M. LE PRESIDENT: J'inviterais l'honorable chef de l'Opposition, s'il a des...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... parce qu'on va vous inviter à quitter le fauteuil, cela ne sera pas long.

M. LE PRESIDENT: Si l'honorable chef de l'Opposition considère que les propos du ministre des Finances sont inexacts, il aura, à la fin du discours du ministre des Finances, le droit de rétablir les faits. Je suis convaincu que là-dessus, l'honorable député de Maskinongé me donnera raison. Quand on a des faits à rétablir, au cours du discours d'un opinant, c'est à la fin de ce discours qu'on doit le faire, non pas pendant le discours.

M. LOUBIER: Le ministre me permettrait-il de corriger des faits, de lui poser une question?

M. GARNEAU: M. le Président, je ne pourrais pas permettre, par mon acquiescement, que les règlements de cette Chambre ne soient pas suivis. Il me fera plaisir de laisser au chef de l'Opposition, au terme de mon exposé, le temps de rectifier les faits, s'il y a des faits à rectifier.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Faites-vous donner de bonnes directives.

M. LOUBIER: En vertu de l'article 286, comme mon conseiller spécial vient de me le souffler à l'oreille, pourrais-je poser une question au ministre des Finances?

M. GARNEAU: Certainement.

M. LOUBIER: Je remercie le ministre des Finances de me permettre cette question.

Où a-t-il pris ses renseignements indiquant que j'avais soumis comme objectif 50,000 nouveaux emplois?

M. GARNEAU : Dans le journal qui appartient au chef de l'Opposition, Montréal-Matin...

M. LOUBIER: A quelle date, dans quelle édition et dans quel contexte?

M. GARNEAU: Je transmettrai au chef de l'Opposition une copie de ce document que je n'ai pas devant moi.

M. LOUBIER: Et le ministre des Finances à ce moment-là se ravisera — je connais sa gentil-hommerie — pour se rendre compte que c'est absolument faux.

M. GARNEAU: Si ce n'est pas dans le journal de Montréal, mais dans un autre journal, je me rectifierai certainement.

M. LOUBIER: Et le ministre se rendra compte que c'est complètement faux.

M. GARNEAU: Or, avec tout près de 52,000 nouveaux emplois, nous ne sommes donc pas tellement loin des objectifs que certains membres de cette Chambre proposaient comme politique de développement économique. Et j'oserais dire que n'eût été du développement assez particulier que nous avons constaté dans les secteurs de la main-d'oeuvre, en particulier en ce qui regarde le taux de croissance de la main-d'oeuvre féminine, le rendement des investissements de la politique économique que nous avons mis de l'avant aurait été plus visible, plus frappant encore.

Quand on regarde les chiffres du taux de croissance de la main-d'oeuvre...

M. LOUBIER: Cela aura donné un meilleur rendement.

M. GARNEAU: ... par exemple, au Québec, il y a eu une augmentation de seulement 1,000 au point de vue de la main-d'oeuvre masculine entre novembre 1970 et novembre 1971. Alors que chez les femmes, 31,000 de plus sont présentées sur le marché du travail, si on compare le mois de novembre 1970 au mois de novembre 1971.

M. LOUBIER: Elles étaient très en demande.

M. GARNEAU: C'est donc dire que des décisions prises par des agents de l'économie, des citoyennes de se présenter sur le marché du travail alors qu'elles ne l'étaient pas antérieurement, ont fait en sorte que sur le plan économique le besoin de nouveaux emplois s'est manifesté de façon encore plus grande.

Si l'on regarde les autres indicateurs de l'économie, du côté des expéditions manufacturières, de la vente au détail, les taux de croissance en 1971 sur l'année précédente sont quand même assez encourageants. Du côté des expéditions manufacturières, il y a un taux de croissance de 3.2 p.c. du côté des ventes au détail, de 7 p.c, si on compare les six premiers mois de 1971, par rapport aux six premiers mois de 1970.

Il faut également reconnaître que, du côté du revenu personnel des citoyens, il y a eu également une augmentation considérable dans les prévisions mêmes que nous avions faites au cours du mois de mars dernier. Si on regarde le revenu personnel des individus, il y a un taux de croissance de 9.8 p.c. par rapport à un taux de croissance de 6.9 p.c. pour l'année antérieure.

J'ai déjà indiqué que les ventes au détail avaient augmenté au rythme de 7 p.c. Si l'on regarde les prévisions d'investissement qui ont été faites à la mi-année 1971, on constate un taux de croissance de 14 p.c. par rapport à ce qui était constaté au milieu de l'année 1970.

C'est donc dire que les politiques mises de l'avant par le gouvernement du Québec, tant du côté de sa politique budgétaire que de ses autres lois et autres mesures qui sont appliquées par le ministère de l'Industrie et du Commerce ont fait en sorte qu'on peut constater maintenant chez nous une reprise de l'activité économique qui s'est fait sentir dans la création de l'emploi, dans l'augmentation des ventes au détail, dans l'augmentation des expéditions manufacturières et également dans l'augmentation des recettes de l'Etat, puisque du côté des recettes fiscales, cette augmentation du revenu personnel s'est traduite par une augmentation de revenus que nous estimons actuellement à environ $50 millions comparativement aux prévisions que nous avions faites au mois de mars dernier.

Si on regarde parmi les autres indicateurs économiques qui nous semblent manifester et traduire cette reprise de l'activité économique, il y a le taux de croissance du côté des profits des institutions financières, des compagnies qui connaissent un taux de croissance de 8 p.c. alors qu'au cours des années passées, ce taux de croissance était beaucoup plus faible et dans certains cas était même négatif.

Le chef de l'Opposition nous a également blâmés de n'avoir rien fait du côté des industries forestières, du côté du ministère des Terres et Forêts. Je voudrais rappeler à cette Chambre que nous avons pris une mesure, justement il nous blâmait de ne pas avoir mis au point des mesures à court terme et c'est ce que nous avons fait dans ce secteur assez vital de notre économie, puisque le gouvernement du Québec a consacré une somme de $8 millions pour faciliter le développement des industries de pâtes et papier.

Ces dépenses additionnelles de l'Etat, qui se traduisent par une baisse de revenu du côté des perceptions dans les concessions forestières et les droits de coupe, pourront bénéficier aux entreprises puisque les sommes ainsi prêtées aux entreprises ne seront pas remboursables si elles sont affectées à des dépenses pour la lutte contre la pollution en particulier.

M. le Président, nous avons pensé également que des coupures du côté fiscal auraient pu apporter certains avantages, comme le mentionnait le chef de l'Opposition ce matin, mais ce type d'entreprises connaît des difficultés considérables sur le plan économique, ces entreprises ne font pas de revenus actuellement. Leur taux de rentabilité est extrêmement bas, ce qui veut dire que des coupures d'impôt n'auraient pas d'impact puisque, pour payer de l'impôt, il faut faire des profits. Si nous coupons de l'impôt au moment où il n'y a pas de profits suffisamment volumineux qui se font, évidemment des coupures fiscales ne donnent aucun avantage particulier pour le développement de ces entreprises, du moins à court terme.

En ce qui regarde le moyen terme, il y aura peut-être des avantages à analyser plus à fond cette suggestion, mais encore faudrait-il que cette collaboration se fasse entre les provinces et également avec le gouvernement central, puisqu'il est difficile de mettre au point une

politique qui se tienne, qui soit véritablement efficace, si elle n'est pas coordonnée avec ce qui pourrait se faire en Ontario et au Nouveau-Brunswick en particulier, qui sont les deux provinces voisines et également avec ce qui pourrait se faire du côté fédéral, compte tenu du fait que, dans le domaine fiscal, dans le domaine de la taxation des entreprises, la part la plus importante de l'impôt est versée au gouvernement central.

Je voudrais donner quelques indications additionnelles sur l'état des revenus et dépenses qui peuvent être faits à la suite de la présentation de ce crédit additionnel. Je ne sais pas si c'est le meilleur moment de le faire ou s'il y aurait d'autres moments, lors de la motion des voies et moyens; si je peux l'indiquer maintenant, ça éviterait le débat à ce moment-là peut-être. Je veux donc déposer, il y a donc devant la Chambre une analyse de crédits additionnels de $132 millions.

On se souviendra que dans le discours du budget, le 25 mars 1971, je proposais des crédits de $4,151 millions et je prévoyais des revenus de $3,880 millions, ce qui laissait un déficit de $271 millions. Les déboursés extrabudgétaires étaient évalués à $195 millions, ce qui aurait donné un montant de $466 millions à financer.

J'indiquais cependant qu'une partie des crédits votés ne serait pas utilisée et servirait à compenser l'accroissement des comptes à recevoir et une partie des besoins financiers. En conséquence, j'estimais qu'il nous fallait emprunter $415 millions. De cette somme, je prévoyais que $65 millions proviendraient de prêts du gouvernement fédéral et que nous irions sur les marchés ordinaires pour environ $300 millions, après avoir fait appel aux obligations d'épargne.

Je voudrais maintenant faire part de nos nouvelles prévisions, compte tenu des dépenses des six premiers mois, des demandes de crédits supplémentaires ainsi que des variations dans les revenus. En ce qui concerne les dépenses, il faut ajouter aux crédits initiaux de $4,151 millions des mandats spéciaux de $28 millions et le budget supplémentaire de $132 millions déposé il y a quelques jours et que nous analysons aujourd'hui, ce qui donne un total de $4,312 millions pour l'année financière 1971/72.

A ceci, cependant, il faut ajouter les dépenses encourues en vertu d'une nouvelle législation qui prévoit que ces dépenses seront prises à même le fonds consolidé. Il s'agit cette année d'une somme d'environ $11.3 millions. H faut également ajouter des dépassements aux articles statutaires, — ceux-ci seront de $9.9 millions — principalement pour tenir compte de l'augmentation de près de $7 millions de la remise d'une partie de la taxe de vente aux municipalités, par suite — comme je l'ai indiqué tout à l'heure et je le mentionnerai dans mes remarques au cours des minutes qui vont suivre — de l'augmentation des ventes au détail, ce qui a donné une recette plus grande, qui doit être partagée avec les municipalités. Avec quelques autres sommes dont il nous faut prévoir le paiement et les mauvaises créances dont il faut également tenir compte, c'est une somme d'environ $25.2 millions qui s'ajoute aux crédits et mandats pour un total de $4,337 millions.

Toutefois, l'expérience des années passées nous indique que, pour obtenir les dépenses probables, on doit tenir compte des crédits périmés, c'est-à-dire des sommes autorisées, mais qui, pour diverses raisons, ne peuvent être dépensées à chacun des articles et sous-articles du budget. Ce résidu était d'un peu plus de 3 p.c. l'an dernier. Pour plus de sécurité, je l'estime à $100 millions, soit environ 2.3 p.c. du total des crédits originaux, des mandats spéciaux et des crédits supplémentaires. Les dépenses probables pour l'année 71/72 seraient donc de l'ordre de $4,237 millions.

Du côté des revenus, maintenant. Les revenus font également montre de changements significatifs. Alors qu'au mois de mars je prévoyais des revenus de $3,880 millions la prévision est maintenant de $3,930 millions, pour une augmentation de près de $50 millions. L'augmentation des revenus fiscaux réflète les facteurs favorables de la conjoncture depuis le début de l'année. L'augmentation de la production et de la demande globale ont atteint ou dépassé les prévisions. Alors qu'au moment où les prévisions de revenus ont été faites, avant le discours du budget, on estimait le taux de croissance du revenu personnel à 9 p.c, il a été de 9.8 p.c. au premier semestre de la présente année financière.

Pour le revenu personnel disponible, la prévision était basée sur un taux de 8.2 p.c, alors que la réalisation du premier semestre de 1971 a été de 9.1 p.c. On estimait que les ventes au détail augmenteraient de 5.5 p.c; la croissance constatée, au cours des six premiers mois de l'année financière, donne un taux de 7 p.c. Cette évolution de la conjoncture s'est réflétée dans les revenus perçus pour les six premiers mois de l'année financière 71/72. C'est sur la base de ces perceptions réelles que l'on a révisé la prévision pour l'ensemble de l'année.

Du côté des revenus fiscaux — là, je fais le détail des $50 millions que j'ai mentionnés tout à l'heure — on constate une augmentation de $34.8 millions. L'impôt sur le revenu des particuliers rapportera $11.5 millions de plus que la prévision originale. La taxe de vente rapportera $27 millions de plus que la prévision originale. Certaines autres taxes donneront aussi des revenus un peu plus élevés, mais il y a certaines diminutions de revenus, principalement à l'impôt sur les successions. Les revenus provenant de privilèges, honoraires et permis diminueront de $6.1 millions par rapport à la prévision initiale, dont $5 millions aux Transports. La raison principale, c'est que nous avions prévu l'établissement d'une série de balances pour contrôler la pesée des camions.

Pour différentes raisons techniques, le programme n'a pas été mis en application de façon aussi rapide que prévu, ce qui explique la diminution des revenus dans ce secteur des permis, honoraires et privilèges.

En ce qui concerne les revenus provenant du gouvernement fédéral, divers ajustements dans les prévisions concernant les arrangements fiscaux de 1967 indiquent des revenus de $699.8 millions plutôt que de $723.3 millions. Par contre, les arrangements provisoires sur les programmes établis devraient rapporter $304 millions, plutôt que $265 millions par suite, en particulier, de l'augmentation des dépenses pour l'aide sociale. Au total, les revenus provenant du gouvernement fédéral seraient de l'ordre de $1,050, millions.

Avec des dépenses probables de $4,237 millions et des revenus de $3,930 millions on en arrive donc à une prévision de déficit aux comptes budgétaires de $307 millions. Le déficit est donc augmenté de $36 millions par rapport à la prévision du mois de mars et, évidemment...

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je ne voudrais pas engager un débat avec le ministre, mais il y a une question qui me vient à l'idée. Dans tout ce qu'il vient de dire comme ajustement de chiffres — s'il me permet la question — il n'y a rien de prévu pour les négociations. Il avait dit antérieurement que les crédits périmés pourraient servir à défrayer le coût de l'augmentation des nouveaux contrats de travail, mais il n'y a rien de prévu dans ce qu'il vient de dire. Si les conventions étaient signées avant le 31 mars, comment pourrait-t-il les financer?

M. GARNEAU: M. le Président, j'ai eu une longue discussion avec mes conseillers sur cette question. Je dois conclure qu'à la lumière des renseignements qu'on m'a donnés et compte tenu de l'évolution de la dépense du côté des traitements qui avaient été indiqués aux différents postes du budget, si les conventions collectives — et je l'espère — étaient signées avant le 31 mars, il y aurait suffisamment de crédits pour payer la très grande partie de la croissance des taux de salaire à l'intérieur de la politique salariale établie par le gouvernement.

S'il y avait une nécessité de crédits additionnels, ce serait une demande extrêmement marginale par rapport à l'ensemble des dépenses. C'est donc dire que si les conventions collectives n'étaient pas signées, cela changerait la situation en ce qui regarde les crédits périmés qui seraient supérieurs aux prévisions que nous avons présentement et diminuerait d'autant les besoins à financer, ce qui voudrait dire que toute chose étant égale, et croisant les doigts pour les prévisions qui ont été faites au niveau de chaque poste budgétaire, je dirais qu'à l'article où je suis rendu à l'effet que le déficit au compte budgétaire passe de $271 millions à $307 millions, nous serions beaucoup plus près des prévisions du début de l'année que celles que je fais présentement. Mais tout ça est hypothétique, et je ne peux pas répondre avec précision au député de Montmagny.

Evidemment, j'aimerais beaucoup mieux que ces conventions soient signées cette année puisqu'il nous faudra prévoir dans le budget 72/73 le paiement non pas d'une seule année budgétaire mais de deux années budgétaires parce qu'avec les arrérages, si les conventions sont signées rétroactivement à la fin du contrat...

M. CLOUTIER (Montmagny): L'année 72/73.

M. GARNEAU: ... en 72/73, il faudrait prévoir pour 71/72.

Donc, l'augmentation des dépenses résultant des mandats des crédits supplémentaires de la nouvelle législation et des dépenses non statutaires est couverte pour une bonne part par l'augmentation des revenus et pour une autre part par les crédits périmés.

On se souviendra que, lors du discours du budget, nous ne faisions pas d'estimations des crédits périmés pour établir le déficit, mais nous en tenions compte pour un montant de $50 millions lorsque nous établissions nos montants à financer. La variation des comptes à recevoir était déduite du montant des crédits périmés retenus, ce que j'ai corrigé tout à l'heure lorsque j'ai fait mention du montant de $25 millions dont il fallait tenir compte pour en arriver au total de la dépense probable. L'accroissement des comptes à recevoir ou plutôt la variation entre les revenus non encaissés et les dépenses non déboursées sera de l'ordre de $75,600,000. Quant aux déboursés extrabudgétaires, nous prévoyons maintenant qu'ils seront de l'ordre de $185,200,000.

Les sommes totales à financer sont donc de $508 millions. Au moment du discours du budget je les ai estimés à $415 millions. Le programme d'emprunts a donc été augmenté d'autant. Ce programme est déjà réalisé avec l'emprunt de $75 millions que j'annonçais il y a quelques jours, et les prêts spéciaux à venir du gouvernement fédéral, en vertu du programme de prêts pour les travaux d'hiver à l'intérieur du programme de cette caisse d'aide conjoncturelle dont une partie sert à financer les crédits que nous demandons pour la Voirie et les Travaux publics en particulier.

Enfin, il faut se rappeler que l'émission d'obligations d'épargne que nous avons faite au début de l'année a rapporté $144 millions, alors qu'au mois de mars nous n'avions retenu qu'un chiffre approximatif de $50 millions à cette fin.

En conséquence, notre programme d'emprunts sur les marchés ordinaires, qui était de l'ordre de $300 millions lorsque j'ai présenté le discours du budget le 25 mars dernier, ne sera pas dépassé et n'est pas dépassé malgré l'aug-

mentation des sommes à financer que je viens d'indiquer.

Evidemment le député de Beauce, dans ses remarques, faisait part du fait qu'il ne serait pas surpris qu'il y ait d'autres emprunts d'ici la fin de l'année. Ce que le député de Beauce a indiqué n'est pas nouveau, je l'ai dit moi-même en réponse à des questions, soit de journalistes ou de députés en cette Chambre. Notre programme d'emprunt pour l'année 71/72 est complété.

Ce qui pourrait nous inciter à revenir sur les marchés financiers au cours de la fin de l'exercice, ce seraient, évidemment, des changements draconiens du côté des programmes de dépenses qu'il nous faudrait mettre au point ou encore — et c'est là l'optique, je pense, qui pourra peut-être se réaliser le plus possiblement — c'est le fait que si les marchés financiers étaient très avantageux pour le Québec, il se pourrait que nous prenions de l'avance pour le programme d'emprunt de l'an prochain et venir sur les marchés vers la mi-mars, début d'avril, de telle sorte que nous pourrions commencer l'année financière sur un bon pied et faciliter d'autant le financement des programmes d'investissement qui seront certainement contenus dans le prochain discours du budget.

M. le Président, je pense que si on regarde ce qui s'est passé au cours des années antérieures, relativement aux crédits supplémentaires et qu'on compare les chiffres de demandes de crédits que nous faisons maintenant à celles qui ont été formulées par les gouvernements antérieurs, qu'il soit de 1966 à 1970 ou qu'il soit de 1960 à 1966, toute proportion gardée, je dirai que les crédits additionnels que nous demandons sont inférieurs à certaines demandes de crédits additionnels qui avaient été formulées au cours des années passées.

Je ne crois pas que ce soit un critère absolument certain de bonne ou de mauvaise gestion que de demander des crédits additionnels, mais plutôt lorsque ces crédits s'inscrivent dans une politique qui est bien rodée, dans une politique qui a été bien expliquée par le gouvernement, je pense que ces demandes de crédits traduisent plutôt une situation économique, une situation où le gouvernement doit intervenir pour favoriser encore davantage, dans le cas présent, le soutien du revenu du côté des Affaires sociales et de l'Agriculture en particulier et du développement économique en ce qui regarde les ministères de la Voirie et des Travaux publics. Ceci s'inscrit parfaitement dans le cadre de l'orientation budgétaire que nous avions donnée au début de la présente année fiscale. J'espère et je crois bien que d'ici le 31 mars 1971, à moins d'événements imprévus, nous pourrons terminer l'année et constater que les résultats que nous espérions, en mettant de l'avant cette politique budgétaire, auront été atteints, du moins dans une très large mesure.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. Jean-Noël Tremblay

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, la présentation de ces crédits supplémentaires m'oblige, sous forme de grief, à examiner avec le gouvernement le dossier des relations du gouvernement du Québec avec le gouvernement central.

Ce matin, le chef de l'Opposition et ceux qui l'ont suivi, ont parlé des problèmes économiques. Je veux, ce soir, avant que de mettre à la disposition de Sa Majesté des fonds dont elle a besoin, faire un examen rapide d'un dossier qui, à notre sens, manifeste, de la part du gouvernement, non seulement de la négligence, des hésitations mais une faiblesse qui risque non seulement de compromettre notre situation économique mais d'aggraver encore le climat de tension qui prévaut à l'heure actuelle dans le Québec et qui font que tous les citoyens s'interrogent sur l'avenir de ce territoire et de ce gouvernement qui sont en voie de devenir "une municipalité" du gouvernement d'Ottawa.

Ce dossier, M. le Président,...

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse de vous interrompre. Si je comprends bien, votre grief vise les relations fédérales-provinciales.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est bien ça!

M. le Président, comme le disait le général de Gaulle, je vous remercie de m'avoir compris.

M. CHOQUETTE: Vous n'avez pas la même prestance.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon?

M. CHOQUETTE: Vous n'avez pas la même prestance.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je n'ai certainement pas...

M. CHOQUETTE: Mais l'assurance, oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... la prestance, M. le Président, ni l'intelligence, ni les talents, ni les mérites du général de Gaulle, mais je déplore qu'il ne s'en trouve point dans le gouvernement qui ait cette prestance et cette envergure.

M. le Président, ceci étant dit, et le ministre de la Justice...

M. CHOQUETTE: ... d'après ce que je vois!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... m'ayant compris, je voudrais examiner avec vous le dossier des relations fédérales-provinciales pour faire comprendre au gouvernement que la mis-

sion qui lui avait été confiée par le peuple, c'est-à-dire celle d'apaiser les citoyens, de les rassurer et d'engager l'avenir du Québec sur des voies sûres, cette mission n'a pas été accomplie mais, bien au contraire, le gouvernement s'en est désintéressé à un point tel qu'il donne raison à ceux qui, au Québec, s'autorisent de sa faiblesse pour proposer des solutions irréalistes, pour provoquer l'agitation et pour entretenir un climat qui n'est certes pas favorable à la paix sociale.

M. le Président, ce dossier, on peut le caractériser de la façon suivante: D'abord, servage, hésitations, faiblesse et démission.

Servage: Parce que le gouvernement actuel n'est au fond que le porte-parole et l'exécuteur d'un autre gouvernement qui n'est pas ici et qui se trouve au-delà des rives de l'Outaouais.

Servage: Parce que ce gouvernement n'est pas libre de ses actions, parce qu'il n'a pas été capable de se faire élire lui-même et que, devant rendre des comptes, il les rend en manifestant sa faiblesse, en manifestant ses hésitations et, dans bien des domaines, en démissionnant.

Servage, donc, M. le Président.

Deuxièmement, hésitation. Pris entre deux feux, pris entre deux devoirs, tiraillé par deux exigences; celle de servir les citoyens et l'Etat du Québec et celle de payer une dette électorale, le gouvernement hésite. Sa politique est une politique de tergiversations et une politique d'atermoiements. Certes, il y a de grandes déclarations, des déclarations solennelles, des professions de foi, mais les gestes que pose ce gouvernement démontrent à l'envi que sa façon de négocier est marquée au sceau de la faiblesse.

Faiblesse, M. le Président, pourquoi? Parce que, d'abord, le gouvernement n'a pas la force de prendre lui-même les initiatives; parce qu'il n'a pas la force, lorsqu'il se trouve devant un fait accompli, de dire non. Faiblesse, parce que le gouvernement est impuissant à dénouer les liens qui l'attachent à un gouvernement dont il n'est, en réalité, qu'un enfant chétif et maladroit.

Servage, hésitation et faiblesse, M. le Président. Tout cela se résume en ceci: démission. Quand on est asservi, M. le Président, quand on hésite lorsqu'on doit agir, quand on manifeste une faiblesse inqualifiable, il n'y a pas d'autre ressource, il n'y a pas d'autre expédient que celui de démissionner. C'est ce que le gouvernement a fait en face du gouvernement central. Il a démissionné.

Certes, pour recréer, pour refaire son image devant le public, il donne l'impression qu'il agit, mais son action se résume à colmater des brèches. On ne voit pas encore quelle peut être la pierre d'angle de la politique qu'il nous avait annoncée en matière de relations fédérales-provinciales.

On le voit, dans l'action du gouvernement, ou plutôt, dans l'absence d'action du gouvernement qui se caractérise par la lenteur des négociations dans le domaine précis de la réforme constitutionnelle.

On se rappelle que sous l'administration de M. Johnson, sous l'administration de M. Bertrand, le gouvernement central avait accepté d'entreprendre avec le gouvernement du Québec, et avec tous les autres gouvernements des Etats membres de la fédération, des négociations dans le but d'en arriver à une réforme constitutionnelle globale, qui allait consister à remettre en cause les assises du régime constitutionnel sous lequel nous vivons depuis 1867.

Où en sommes-nous à ce jour, le 20 décembre dans le travail de la réforme constitutionnelle? Quelles étapes avons-nous marquées? Quels progrès avons-nous enregistrés? Aucun. La réforme se trame. Et elle se traîne, parce que deux gouvernements sont d'accord pour la laisser tramer sans égard aux conséquences que cela peut entraîner dans la population qui de plus en plus s'inquiète et s'agite. Et le gouvernement se trouve ainsi à donner des armes à ceux qui voudraient que l'on instaure ici un Etat qui serait complètement affranchi de la tutelle du gouvernement central et qui, à toutes fins utiles, se trouvera en dehors du contexte naturel qui est le nôtre, le contexte canadien et le contexte nord-américain.

Donc, à ce premier chapitre du dossier, on est obligé de faire un constat, celui de la lenteur du gouvernement. Et que le gouvernement n'aille point s'étonner après cela que les citoyens s'agitent, que les citoyens descendent dans la rue et que naissent partout des mouvements dont le seul but est de décider le gouvernement à mettre enfin en marche un processus de négociations qui ne soit pas un processus secret mais qui se manifeste de la même façon qu'on l'a déjà fait lorsque s'est tenue à Toronto la grande conférence constitutionnelle, intitulée: Confederation of tomorrow.

M. le Président, on pourra vous dire qu'il y a eu depuis ce temps-là des conférences, qu'il y a eu, il n'y a pas encore très longtemps, la conférence de Victoria.

M. CHOQUETTE: La Confederation of today est plus difficile.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, est-ce que le ministre de la Justice voudrait poser des questions, faire une intervention?

M. CHOQUETTE: Non, je voulais vous interrompre en vous disant que c'était la Confederation of today qui était plus difficile à régler.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, le ministre a raison. Il a parfaitement raison. Le problème le plus difficile à régler, c'est le problème de la Confederation of Today, Today's Confederation. The Minister is right.

Mais le problème le plus difficile...

M. CHOQUETTE: Je prends acte.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... pour que soit réglé le problème de la Confédération d'aujourd'hui, c'est de régler le problème de la confédération des ministériels. Il sont fédérés, confédérés les ministériels.

M. CHOQUETTE: Ce n'est pas parlementaire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais ils ne sont pas convaincus, par exemple, que le problème de la lenteur des négociations en matière constitutionnelle fait que ce gouvernement est responsable de l'agitation, de la contestation qu'il provoque par sa lenteur, sa faiblesse, ce servage et la démission qui le caractérisent dans un domaine aussi capital.

M. le Président, le ministre de la Justice sait — et il le sait depuis longtemps — que toute intervention des ministériels, non seulement ne me dérange pas mais me stimule.

Je dis donc que, à ce chapitre de la réforme constitutionnelle, le gouvernement a manifesté qu'il était dans un état de servage, il a manifesté son hésitation, sa faiblesse, et que tout cela se traduit par une démission du gouvernement libéral en face du gouvernement central.

C'est sur cette note, M. le Président, que je vous signale qu'il est six heures et que je demande la suspension du débat.

M. LE PRESIDENT: Vingt heures? M. LEVESQUE: Vingt heures quinze.

M. LE PRESIDENT: L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.

(Suspension de la séance à 18 h 1) Reprise de la séance à 20 h 23

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs !

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai l'intention de reprendre les thèmes que j'avais abordés avant que vous ne suspendiez le débat pour le dîner.

Je voudrais bien, toutefois, substituer à ces thèmes, pourtant fort intéressants et capitaux, un autre thème de discussion, celui de l'Agriculture, de la Loi du syndicalisme agricole, par exemple. Malheureusement, le gouvernement, ce matin, n'a pas voulu appeler cette loi et nous a demandé d'étudier les crédits supplémentaires. Je me demande si je ne pourrais pas vous suggérer et suggérer au leader du gouvernement, le député de Matane, d'accepter une proposition d'ajournement de ce débat pour étudier immédiatement la Loi du syndicalisme agricole.

Nous serions prêts à passer tout de suite à l'étude de cette loi, étant donné que le ministre de l'Agriculture est là. Est-ce que le leader du gouvernement accepterait ma proposition? J'imagine que bien des députés seraient d'accord pour étudier cette Loi du syndicalisme agricole, si le gouvernement voulait suspendre ou ajourner le débat. Il ne semble point que cette demande éveille d'échos dans l'esprit de celui qui est leader parlementaire à la place du ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. BIENVENUE: Dois-je comprendre que le député de Chicoutimi est prêt, au nom de toutes les Oppositions, à adopter le budget supplémentaire?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, M. le Président. Je dis, tout simplement, que nous serions prêts à ajourner ce débat pour étudier la Loi du syndicalisme agricole, quitte à le reprendre ensuite, un autre jour, afin d'accélérer les travaux d'étude de cette loi dans le but d'aider les cultivateurs et de corriger la lenteur que le gouvernement a apportée à nous proposer cette loi, alors qu'il eût dû le faire ce matin, tel qu'entendu samedi soir.

M. LACROIX: C'est un piège à ours.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le gouvernement, je m'en rends compte, ne veut pas activer l'étude de cette loi. Je continue donc ce que je vous disais.

Dans le domaine des relations fédérales-provinciales il y a servage, hésitation, faiblesse et démission cela, dans tous les secteurs, notamment celui de la réforme constitutionnelle; démission du gouvernement dans le domaine de l'aménagement régional et des affaires municipales, ce qui permet au gouvernement central d'entrer dans des secteurs d'activité réservés exclusivement aux gouvernements des Etats membres de la fédération, c'est-à-dire aux gouvernements provinciaux.

Le même malaise se manifeste dans les affaires sociales, et l'on sait quelles sont les difficultés et les avatars des négociations que poursuit le ministre des Affaires sociales qui voudrait bien activer son gouvernement, lui donner plus de force et de vigueur, mais il semble qu'il ne reçoive pas en tous points l'appui qu'il devrait avoir, que nous lui avons donné et que nous sommes toujours prêts à lui accorder.

M. le Président, même servage, même faiblesse, même hésitation, même démission dans le domaine de l'économie, des richesses naturelles où l'on se rend compte que c'est encore une fois le gouvernement central qui va prendre le leadership et qui vient de le prendre en créant sa propre société de développement industriel qui va contrecarrer la planification établie par notre propre ministère de l'Industrie et du Commerce.

Même situation dans le domaine de l'éducation où, là, c'est vraiment la ruée. Ruée dans l'éducation comme telle, ruée dans le domaine des sports et loisirs, ruée dans le domaine de la formation des athlètes, du sport amateur, etc, toutes ces questions que nous avons déjà étudiées, le recyclage des adultes, enfin l'ensemble des secteurs couverts par la réalité de l'éducation sont devenus à toutes fins utiles sous la surveillance et le contrôle du gouvernement central.

Même situation dans le domaine du travail où l'on se rend compte que l'assurance-chômage, par exemple, sera soumise aux diktats du gouvernement d'Ottawa. Même situation dans le domaine du tourisme où, par le truchement des parcs et par tous autres moyens, le gouvernement central veut régenter un domaine qui nous appartient et pénétrer dans un territoire qui est le nôtre en créant des enclaves qui constituent des fiefs fédéraux à l'intérieur du territoire du Québec.

On ne se soucie même pas, dans ce domaine du tourisme et des parcs, de l'intégrité du territoire.

Même situation de servage, de démission dans le domaine de la culture, et là, il y aurait un long chapitre à écrire sur les hésitations, les faiblesses du ministre des Affaires culturelles qui n'a même pas poursuivi les négociations que j'avais entreprises et qui avaient déjà aboutie, puisque les seuls gestes dont puisse se targuer le ministre des Affaires culturelles proviennent des ententes que j'avais réussi de peine et de misère à conclure avec le secrétaire d'Etat, M. Pelletier. Même situation dans le domaine de la langue et de la culture en raison de l'application sournoise de la politique de multiculturalisme présentée et défendue par le premier ministre du Canada, M. Trudeau.

Et que dire du domaine des communications? Nous avons étudié trois projets de loi qui ne pourront pas être mis en application tant et aussi longtemps que le ministre des Communications n'aura pas reçu l'imprimatur du gouvernement central, c'est-à-dire la permission d'utiliser les ondes même à des fins d'éducation et de culture, qui sont pourtant des domaines réservés exclusivement à la compétence législative des Etats membres de la fédération.

Que dire du domaine de l'immigration où le ministre de l'Immigration a consenti à signer une entente honteuse et humiliante avec le gouvernement central qui fait qu'il se trouve actuellement dans les bureaux d'immigration du gouvernement central à l'étranger des serviteurs du gouvernement central qui ont un nom assez pompeux d'agents d'information, qui n'ont même pas le titre d'agents recruteurs.

Même situation dans le domaine des relations internationales où l'on n'a absolument marqué aucun progrès depuis le moment où, grâce au travail de MM. Johnson et Bertrand, nous avions réussi à conclure avec la France et les autres pays francophones des ententes qui allaient permettre d'assurer la souveraineté du Québec et de prolonger sa compétence dans le domaine international, particulièrement dans les champs de la culture, de l'éducation, de la technique, des communications, des satellites, y compris la santé, enfin toutes ces matières qui se trouvent inscrites dans les documents qui ont été signés par nos gouvernements et dans ceux qui avaient été signés par le gouvernement qui nous avait précédé.

M. le Président, même situation en matière de planification. Prenez, comme exemple, le cas de Perspectives-Jeunesse. Nous essayons de travailler dans les domaines de la santé, du sport, du travail pour les jeunes. Nous essayons de préparer des plans, des programmes d'action. Mais tout cela est soumis à la volonté du gouvernement central où tout cela est devancé, dérangé ou démantelé par des initiatives du gouvernement central qui a, lui, cet avantage d'avoir l'argent. La situation est la suivante: C'est que nous qui vivons près des citoyens, qui sommes le gouvernement près des citoyens nous avons les problèmes, mais nous n'avons pas l'argent. Celui qui détient le pouvoir d'argent a, évidemment, toute la puissance. Et quelle que soit la planification dont nous parle le premier ministre, quelle que soit la planification dont nous parle le gouvernement, quelles que soient les grandes théories que peut développer le ministre des Finances, il sait très bien que cela restera lettre morte tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas les moyens financiers d'appliquer les politiques que nous élaborons et que nous préparons pour le mieux-être du Québec.

M. le Président, nous avons les problèmes mais nous n'avons pas l'instrument qui est l'argent, le pouvoir de taxation et ce que les anglais appellent le "spending power". Nous n'avons pas les moyens de payer les réalisations que comporteraient cette planification dont nous parle, à tout moment, le gouvernement. Il se passe ceci: Dans le domaine des relations avec le gouvernement central, avec le gouvernement qui disait qu'il avait un dossier extrêmement bien préparé, qu'il avait une nouvelle

technique de négociation, il se passe que nous sommes encore à attendre des rapports, des documents, le dépôt de certaines ententes dont on nous dit qu'elles ont été signées ou qu'elles vont être signées. Nous prions donc le gouvernement — c'est là l'objet de mon grief — de nous convoquer en commission parlementaire le plus tôt possible, de déposer le dossier des relations fédérales-provinciales dans tous les domaines que j'ai évoqués. Le ministre de la Justice fait signe que ce dossier est épais.

Je comprends qu'il se prenne comme point de comparaison, mais si épais que soit ce dossier, il est important que nous l'ayons entre les mains, que nous puissions l'examiner et qu'en commission parlementaire nous puissions faire au gouvernement des recommandations afin de lui indiquer quelles sont les techniques de négociation, comment préparer un dossier et comment amener le gouvernement central à comprendre que nous avons la responsabilité d'un Etat qui doit atteindre ce niveau d'autorité qui lui permette de se dire souverain.

M. le Président, on va me dire...

M. CASTONGUAY: Vous avez eu tellement de succès.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon?

M. CASTONGUAY: Vous avez eu tellement de succès dans ce domaine-là.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah! M. le Président, pour la première fois que j'entends le ministre des Affaires sociales m'interrompre, je pense qu'il a bien mal choisi son moment. Quel succès avez-vous eu dans les allocations familiales?

M. CASTONGUAY: Pas plus mais... Je n'ai pas dit qu'on en avait eu.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qui de votre gouvernement vous a appuyé, M. le Président? Quelles sont les assurances que le ministre des Affaires sociales peut nous donner ce soir? Combien d'argent le gouvernement central lui a-t-il donné?

UNE VOIX: Deux cent millions.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Où en est-il le ministre avec ses $200 millions? Quel est le montant d'argent, M. le Président que le ministre des Affaires sociales a perçu, a recueilli...

M. BIENVENUE: Laissez-le répondre.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): ... de ce fonds perçu injustement par le gouvernement central? J'attends la réponse du ministre.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CASTONGUAY: Quel est l'objet de cette énumération, si vous n'avez pas eu plus de résultat...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre me demande, imaginez, le ministre me demande ceci...

J'aurais bien voulu que ces applaudissements, M. le Président, saluassent l'annonce de l'étude du projet de loi du syndicalisme agricole. Mais c'est le ministre qui les a provoqués. Le ministre me dit: Quel est l'objet de cette énumération?

M. CASTONGUAY: Bien oui!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais c'est pour amener le ministre des Affaires sociales à se rendre compte que tout actuaire qu'il soit, que tout respectable qu'il soit, que tout brillant qu'il soit, le ministre n'a pas avancé d'un pouce dans le domaine des affaires sociales, au contraire il se butte à la résistance tenace d'un gouvernement à qui il doit lui aussi son élection. Le ministre des Affaires sociales est un homme que je respecte, M. le Président. Je connais très bien ses idées. Je sais, M. le Président, je connais les théories du ministre des Affaires sociales, je connais ses intentions socialisantes dans le domaine des affaires sociales, mais pour réaliser sa politique, ça va lui prendre de l'argent et il y a un monsieur là-bas qui s'appelle Pierre Elliott-Trudeau, qui attend un enfant, mais qui n'a pas besoin d'attendre un enfant, il en a vu un devant lui bien avant.

Il est là, M. le Président, ce grand enfant, animé d'excellentes intentions qui réclamait à cor et à cri, cet enfant tout élevé, qui s'en allait là-bas avec ses livres sous le bras, le dossier des négociations.

Qu'est-ce que nous en avons retiré, M. le Président? Rien.

M. CASTONGUAY: Vous?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon?

M. CASTONGUAY: Votre gouvernement, qu'est-ce qu'il en a retiré?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah! Un instant, M. le Président. On va le lui dire! Dans le domaine des sports et des loisirs, des relations internationales, M. le Président. Dans le domaine de la récupération des points d'impôts, M. le Président. Le ministre n'a pas l'air de se souvenir de cela. Quand nous avons négocié, au sujet d'une loi que le ministre a présentée et qui était notre loi, dans le domaine de l'assurance-maladie, qui avait préparé le dossier qui a permis au ministre d'aller, par tout le Québec, se vanter de ses réalisations?

M. CASTONGUAY: Non.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le gouvernement qui était alors dirigé par M. Bertrand et qui avait été dirigé par M. Johnson. Le ministre des Affaires sociales ne sait pas encore ce que c'est que la Chambre. Quand il pose des questions, qu'il soit prudent.

M. GIASSON: Zéro, l'Union Nationale.

M. CASTONGUAY: Qui a fait adopter la Loi de l'assurance-maladie? Est-ce votre gouvernement ou si ce n'est pas, plutôt, votre gouvernement qui a déposé la loi et qui, le lendemain, annonçait l'élection?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, voilà la question que j'attendais. Oui, nous avons préparé tout cela, nous avons négocié tout cela pour que le gouvernement fédéral consente, et le ministre en a eu le mérite.

M. GARNEAU: Avec les médecins aussi, vous avez négocié.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais sa Loi de l'assurance-maladie, qui l'avait préparée? Le député de Montmagny. Qui l'a améliorée, qui l'a corrigée, qui l'a refaite, comme la loi 65 qu'on va nous proposer bientôt? Le député de Montmagny. Vous récoltez les fruits d'une négociation qui a été faite par le seul parti véritablement québécois et nationaliste au Québec. Allez-y tant et plus.

M. LACROIX: La Loi du syndicalisme agricole, est-ce vous qui l'avez apportée?

M. CHOQUETTE: Comment se fait-il que vos efforts n'aient pas été appréciés à leur juste valeur par l'électorat?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, le ministre de la Justice devrait savoir, lui qui s'occupe de la justice, ce que c'est qu'une escroquerie. Il doit savoir qu'il y en a eu une faite par le Parti libéral: l'affaire de la Brinks. Cela, c'est une escroquerie dont le ministre de la Justice devrait s'occuper.

C'est la première demande que M. Bertrand a faite au nouveau gouvernement, de faire une enquête sur l'affaire de la Brinks. Vous n'avez pas eu le courage de la faire, parce que vous aviez des capitalistes à protéger, ceux qui vous aident à Ottawa...

M. GARNEAU: La Brinks n'a rien à voir là-dedans.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre de la Justice est bien mal avisé.

M. CHOQUETTE: Parlez-nous donc de la mafia au congrès de l'Union Nationale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, les gens que j'ai dénoncés,...

M. PAUL: Pardon! Qu'est-ce que vous voulez "zoune"?

M. HARVEY (Jonquière): ... prenez celle de votre voisin, il aime ça. Celle de votre voisin, il ne hait pas ça, la mienne est pour femmes.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... là, au congrès de l'Union Nationale, c'étaient des gens qui ressemblaient à ceux de la Brinks et qu'on a sortis de notre parti, nous autres.

M. HARVEY (Jonquière): La mienne est pour les femmes.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): La Brinks, ça va vous coller au dos, comme une honte, un déshonneur,...

M. GARNEAU: Comme le bill 63 sous l'Union Nationale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... d'un gouvernement qui plie tous les jours devant Pierre Elliott Trudeau parce qu'il lui doit son élection, par la Brinks, par l'affaire Lafferty, par tout le reste.

M. CHOQUETTE: Je pense que le député admettra qu'on ne peut quand même pas accabler quelqu'un qui est dans les affres de la paternité.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne savais pas que le ministre de la Justice était dans cet état et qu'un homme pouvait avoir un enfant. Alors, M. le Président, je ne veux pas accabler le ministre de la Justice...

M. LE PRESIDENT: Excusez-moi, je voudrais mentionner au député de Chicoutimi que j'ai permis ce court échange et que son temps est expiré depuis déjà près de cinq minutes.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous avez compté les interruptions, M. le Président? Les applaudissements?

M. LE PRESIDENT: Premièrement, il n'y a rien dans les règlements qui me permet de déduire les interruptions. Deuxièmement, il y a certaines interruptions que j'ai permis que vous fassiez, il y eut un court échange. Vous avez vous-même posé des questions...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On m'a posé des questions.

M. LE PRESIDENT: ... au ministre des Affaires sociales...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il n'était pas obligé de me répondre. Je lui demandais simplement de sourire.

M. LE PRESIDENT: De toute façon, ce temps est expiré, à moins qu'il y ait consentement de la Chambre.

DES VOIX: Oui. DES VOIX: Non.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je termine, de toute façon, M. le Président, c'était ma péroraison. J'allais vous dire, M. le Président, que je demande au gouvernement, dans les plus brefs délais, de convoquer la commission parlementaire et d'apporter le dossier des négociations avec le gouvernement central afin qu'on fasse la preuve péremptoire qu'il a failli à sa tâche, dans ce domaine comme en bien d'autres, que nous n'avons marqué aucun progrès, qu'au contraire, on a accru ce sentiment et cette conviction qu'a le peuple que dans ce domaine des relations fédérales-provinciales c'est le servage, l'hésitation, la faiblesse et la démission.

Je termine là-dessus. Je sais que le gouvernement souhaiterait que nous proposions l'ajournement de ce débat pour étudier la Loi du syndicalisme agricole parce que des cultivateurs sont venus ici pour entendre le gouvernement discuter sa loi.

M. LACROIX: Vous n'avez rien fait, dans votre temps.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Abitibi-Ouest.

Aurèle Audet

M. AUDET: M. le Président... M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. AUDET: ... à l'occasion de la présentation de ce budget supplémentaire, vous me permettrez d'apporter quelques brefs commentaires. Comme la part du lion de ce budget supplémentaire est livrée aux Affaires sociales, nous nous devons de considérer sérieusement la façon dont sont dépensées ces sommes au niveau du ministère des Affaires sociales.

J'entendais le chef de l'Opposition officielle prêcher cet après-midi la mise en place de contrôles adéquats dans ce domaine pour empêcher les abus flagrants, les vols, les détournements de fonds par le fonctionnarisme qui en est rendu à coûter à la province beaucoup plus que la somme servant effectivement à aider les personnes dans le besoin. Voilà les coûts exorbitants qu'entraînent les contrôles et les conditions apportées pour régir les politiques des Affaires sociales et ce, en plus de toutes les tristes conséquences qui découlent de ces contrôles, de ces conditions qui viennent avilir la personne humaine dans sa fierté la plus profonde et la plus intime, qui viennent inviter les personnes à s'éloigner du travail.

Ceci est ni plus ni moins qu'inviter les gens à accepter de devenir des zéros en tuant l'initiative, l'enthousiasme, la fierté, la responsabilité, qui sont des qualités absolument nécessaires à une vie normale et heureuse, et on vient nous demander d'ajouter d'autres contrôles M. le Président.

UNE VOIX: Ne me regardez pas !

M. AUDET: N'a-t-on pas la preuve des effets néfastes et destructeurs de ces contrôles et de ces conditions? H faut être aveugle pour ne pas voir dans ces contrôles et conditionnements à la vie la plus grande partie de nos problèmes.

Tout à l'heure, j'entendais le chef de l'Opposition officielle reconnaître tous ces problèmes cruciaux que nous vivons. Il voyait tous ces problèmes comme quelque chose d'abominable, d'impensable, comme une chose quasi incontrôlable. Pourtant, il vient nous offrir d'ajouter de l'essence à cette addition de contrôle. On dirait qu'on veut attiser le feu...

M. DEMERS: Cela va aller plus vite! M. LOUBIER: M. le Président...

M. AUDET: ... en mettant plus de contrôles...

M. LOUBIER: ... le député d'Abitibi-Ouest devient explosif dans ses propos.

M. AUDET: M. le Président, c'est exactement le contraire que nous devrions faire. C'est en éliminant les contrôles et les conditions que nous parviendrons à atténuer ce malaise épouvantable que subit une trop grande proportion de nos familles québécoises.

Je crois qu'il faudrait ici s'arrêter et étudier sérieusement une formule positive pour rendre possible une politique sociale accordant un revenu minimum garanti universel.

Abandonnons cette formule négative de la sélectivité qui apporte tous ces contrôles et cette multiplicité de formes d'aide aux individus.

Pourquoi ne pas en venir à concentrer dans un même fonds toutes les sommes nécessaires à toutes les formes d'aide sociale existantes. Cela réduirait le coût exorbitant du fonctionarisme et de la bureaucratie nécessaire pour exercer les contrôles, si on accordait ce revenu minimum garanti universel, à tous, indépendamment des revenus.

En attendant que notre bon gouvernement libéral reconnaisse qu'il est nécessaire de faire une réforme monétaire, comme nous le préconisions, qu'on impose donc ce revenu minimum garanti universel.

M. CHOQUETTE: Puis-je poser une question au député?

M. AUDET: Par la fiscalité, reviendrait dans ce fonds...

M. CHOQUETTE: L'honorable député me permettrait-il de poser une question?

UNE VOIX: Il n'a rien entendu.

M. AUDET: ... pour le financement...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, à l'ordre!

M. AUDET: Je disais que, par le truchement de cette fiscalité sur le revenu minimum garanti, reviendrait dans ce même fonds le financement nécessaire pour couvrir les dépenses de ce revenu minimum garanti.

Avec la mise en application de cette pratique du revenu minimum garanti universel, nous libérerons la personne, les familles de cet esclavage nuancé du bien-être social conditionné et, avec la réforme économique qui devrait suivre, nous accorderions à toutes les personnes...

DES VOIX: Adopté.

M. AUDET: ... ce qu'elles ont droit d'obtenir. J'ai perdu ma feuille.

M. LOUBIER: M. le Président, le député vient de mentionner qu'il a perdu la feuille. Est-ce seulement la feuille qu'il a perdue?

M. AUDET: M. le Président, c'est parce qu'on ne peut pas financièrement le faire avec le système actuel. Pour le faire, il faudrait faire la réforme économique. Le député de Gouin, cet après-midi, semblait tellement d'accord pour reconnaître les mêmes problèmes que nous reconnaissons nous-mêmes.

Le député de Gouin disait que c'était par la nationalisation des grosses compagnies et de l'entreprise privée qu'on viendrait à bout de mater cette finance et d'assainir l'économie dans notre province. Je dis au député de Gouin que pour réaliser ce que le ministre des Affaires sociales a participé à avancer lui-même par ce rapport de la commission Castonguay-Nepveu, ce ne sera pas la nationalisation des entreprises privées mais bien la nationalisation de l'argent et du crédit. C'est ce qu'il faut nationaliser et ramener au Québec entre les mains du gouvernement.

M. SAINT-PIERRE: Vous avez sauté une feuille.

M. HOUDE (Fabre): Arrêtez de passer d'une langue à l'autre.

M. AUDET: Le député de Gouin prétendait aussi tout à l'heure que la faillite disparaîtrait si on étatisait les grosses industries du Québec.

Je dirai au député de Gouin que ces faillites — 400,000 cette année, comme nous le déclarait le ministre de Justice, 4,000 — ces faillites...

M. ROY (Beauce): J'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT: La parole est à l'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): J'invoque le règlement. On a permis aux autres députés de cette Chambre de s'exprimer. J'aimerais, M. le Président, vous demander d'intervenir pour tâcher qu'on permette au député d'Abitibi-Ouest de prononcer son discours, même si certains députés de cette Chambre ont été trop longtemps au restaurant ce soir.

M. LOUBIER: Sur un point du règlement, en vertu de l'article 273, il faut tout de même que les propos tenus par l'opinant soient pertinents.

M. CHOQUETTE: J'invoque le règlement. Le député d'Abitibi-Ouest m'a mal cité. Je n'ai jamais dit 400,000 faillites au Québec, j'ai dit au plus 4,000.

M. LE PRESIDENT: J'étais justement sur le point d'intervenir pour une autre raison. Je suis bien prêt à demander à tous les députés de cette Chambre d'accorder la collaboration voulue au député d'Abitibi-Ouest pour qu'il puisse terminer son intervention. Par contre, je voudrais également mentionner au député d'Abitibi-Ouest qu'on peut faire un grief à ce stade-ci du débat, mais il faut que ce soit un grief précis, comme j'ai mentionné au début. Le chef de l'Opposition officielle, le député de Gouin, le député de Beauce avaient traité de la question des politiques financières du gouvernement. On a épuisé cette question. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au député de Chicoutimi son thème qui était les relations fédérales-provinciales. J'avais considéré comme grief du député d'Abitibi-Ouest la distribution de l'aide sociale. Ce n'est pas l'occasion de répondre aux avancés du député de Gouin, il aurait fallu qu'il prenne la parole à ce moment-là alors que nous traitions des politiques financières du gouvernement. Il peut faire une courte digression, mais le thème qu'il a adopté, la distribution de l'aide sociale c'est lui-même qui a établi son propre corridor. Je voudrais bien qu'il le respecte.

M. AUDET: C'est vrai qu'au début, je m'en suis surtout tenu à parler des affaires sociales quoique j'aie remarqué cet après-midi que plusieurs opinants se sont passablement éloignés du sujet principal sur lequel ils avaient débuté. C'est pour cette raison que je me plaisais à faire

quelques remarques sur les avancés du député de Gouin.

Cependant, si vous me permettez, je n'en ai que pour quelques minutes. Maintenant, je m'excuse auprès du ministre de la Justice au sujet des 400,000 faillites, mais, c'est 4,000 faillites dont il a parlé cet après-midi.

M. LOUBIER: Retirez-en 336,000.

M. AUDET: Mais c'est déjà beaucoup, et beaucoup trop.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. DEMERS: Retirez-en 300,000 et cela va régler le cas.

M. AUDET: M. le Président, je dirai au député de Gouin que ces faillites sont un mal nécessaire et indispensable à la survie du système financier actuel.

UNE VOIX: Remettez-en à la Banque du Canada.

M. AUDET: De plus, elles sont inévitables car l'ensemble de la société ne peut rembourser un intérêt qui n'a jamais été créé.

DES VOIX: Ah!

M. AUDET: On crée le capital mais l'intérêt on ne le crée jamais. Comment peut-on rembourser un intérêt qui n'a jamais été mis en circulation? Cet intérêt n'ayant jamais été créé...

UNE VOIX: Elle est de passage.

M. AUDET: ... la société doit rembourser...

UNE VOIX: La théorie du député de Bellechasse.

M. AUDET: ... cet intérêt par des richesses réelles et par des faillites. Donc, c'est par la réforme monétaire...

UNE VOIX: La théorie du député de Bellechasse.

M. VEILLEUX: M. le Président, est-ce que le député d'Abitibi-Ouest me permettrait une question?

M. AUDET: Non.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! L'honorable député d'Abitibi-Ouest, s'il vous plaît. A l'ordre, messieurs!

M. AUDET: Donc, c'est par la réforme monétaire...

M. CHOQUETTE: Est-ce que je pourrais poser une question au député?

M. AUDET: Je viens d'en refuser une au député de Saint-Jean.

M. CHOQUETTE: Non, mais j'ai une bonne question pour le député. Est-ce que le député considère que le règlement de la question monétaire auquel a participé le président Nixon va aider la situation qui prévaut au Québec, à l'heure actuelle?

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'invoque le règlement. Est-ce que la parole est au député d'Abitibi-Ouest ou non?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député d'Abitibi-Ouest.

M. ROY (Beauce): Si l'honorable ministre veut discuter de la question monétaire, nous pourrons y revenir sur un autre sujet en une autre occasion, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! L'honorable député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: Donc, c'est par la réforme monétaire que nous nous verrions la presque totalité des faillites disparaître. Il serait à espérer que le Parti québécois, dans cette période de réflexion dont on nous dit qu'elle est en train au sujet des remèdes à appliquer à l'économie, s'arrêtera quelque peu sur l'étude du non-sens du système monétaire actuel et de la meilleure façon de le changer. Nous pourrions efficacement et facilement, de cette façon, unir nos forces pour faire le balayage qui s'impose dans la politique et ensuite le grand ménage dans le système financier, l'unique responsable des problèmes graves que nous vivons pour réprouver ses méfaits. Je vous remercie, M. le Président.

M. VEILLEUX: M. le Président, est-ce que le député d'Abitibi-Ouest me permettrait une question sur ce qu'il vient de dire?

M. TETRAULT: M. le Président, j'invoque le règlement. Le député d'Abitibi-Ouest a employé son temps de parole. Je ne pense pas qu'il ait le droit de répondre aux autres questions...

M. VEILLEUX: Non!

M. TETRAULT: ... selon nos règlements.

M. VEILLEUX: M. le Président, le député d'Abitibi-Ouest me l'a permis.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous permettez la question?

M. AUDET: Oui.

M. LE PRESIDENT: Bon!

M. VEILLEUX: Est-il vrai, qu'hier soir, le président Nixon a demandé le député de Beauce à titre de consultant pour baisser la surtaxe de 10 p.c. et d'évaluer le dollar américain?

M. LE PRESIDENT: Bon. L'honorable... M. AUDET: Il n'est pas cher.

M. BOIS: M. le Président, il y a quelqu'un qui manque de lumière.

M. LE PRESIDENT: La question est refusée, d'ailleurs. L'honorable député de...

M. ROY (Beauce): Le député de Saint-Jean.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. LAURIN: Plutôt que de parler sur le budget supplémentaire...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! messieurs. M. Camille Laurin

M. LAURIN: Plutôt que de parler sur le budget supplémentaire, j'aurais, moi aussi, préféré, comme le premier ministre, solennellement, samedi, parler sur le syndicalisme agricole, mais comme le chef du gouvernement est le maître des articles qu'il doit appeler et qu'il a manqué à sa parole, il me fait plaisir d'ajouter mes remarques sur ce budget supplémentaire.

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement. Il y a toujours un bout à se faire dire des choses comme celles-là, qu'on a manqué à notre parole. Si on se rappelle le débat de samedi soir, ça n'a été aucunement le cas. Nous avons tenu parole, nous avons répondu à l'invitation d'un parti de l'Opposition, alors que d'autres partis de l'Opposition, spécialement celui que dirige, ici en Chambre, celui qui vient d'avoir la parole, n'a donné aucune collaboration. Et ce matin, le premier ministre a expliqué, pourquoi nous avons commencé l'étude du budget supplémentaire. S'il n'y avait pas eu cette obstruction systématique qui se continue présentement, nous aurions pu régler cette question du budget supplémentaire et passer déjà à la loi du syndicalisme agricole. Qu'on cesse de faire cela et on passera immédiatement aux débats de deuxième lecture sur le syndicalisme agricole.

M. LAURIN: M. le Président, sur ce point de règlement, ce sont des arguments unilatéraux auxquels le leader du gouvernement ne croit pas lui-même et qu'il serait bien en peine de justifier.

M. LEVESQUE: Ça ne sert à rien.

M. LAURIN: De toute façon, M. le Président, par ce qu'il contient et surtout qu'il ne contient pas, ce budget supplémentaire nous fait mesurer l'immense écart qui s'est creusé entre les objectifs que se fixait le premier ministre, dans son discours inaugural du mardi 23 février, et les maigres réalisations économiques et administratives...

M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LAURIN: ... dont aujourd'hui peut faire état ce piètre gouvernement.

M. CARDINAL: Quel numéro?

M. BOURASSA: M. le Président, c'est parce qu'on me dit que le député de Bourget vient de dire que j'ai manqué à ma parole pour ce qui a trait au bill 64.

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. L'article 270, si le premier ministre veut faire une correction, le lui permettra, mais après que le député de Bourget aura énoncé ce qu'il a à énoncer.

M. BOURASSA: M. le Président, je peux invoquer une question de privilège. Référez-vous aux propos du leader, samedi soir, qui disait...

M. BURNS: Ce n'est pas une question de privilège, M. le Président, il veut rectifier des faits.

UNE VOIX: Certainement, il a été accusé de manquer à sa parole, c'est une question de privilège.

M. LE PRESIDENT: Un instant, un instant. Est-ce que vous pourriez expliquer, s'il vous plaît, votre question de privilège?

M. BOURASSA: M. le Président, on vient de me dire que le député de Bourget avait dit que j'avais manqué à ma parole. J'ai dit ce matin qu'il fallait absolument adopter le budget supplémentaire avant la fin de décembre, pour des raisons que le ministre des Finances a expliquées. Et, samedi soir, le leader a dit qu'il y avait trois sujets qui pouvaient être débattus aujourd'hui: le syndicalisme agricole, le bill 28, ou bien le budget supplémentaire. Si on avait voté le budget supplémentaire plus rapidement, on était prêts à passer immédiatement au bill 64.

M. BURNS: En ce qui me concerne, les farces du premier ministre, j'en ai soupé, M. le Président. J'en ai soupé, et ce sont exactement des farces. Ce que le premier ministre fait depuis samedi soir ce sont des farces. Il nous dit: Cessez la procédure, et occupons-nous de l'agriculture, indiquant par là les cultivateurs

qui étaient venus ici en délégation qui ont fort probablement, comme je l'ai dit ce matin...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! messieurs. M. BURNS: Je m'excuse, M. le Président. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: M. le Président, heureusement que le fou rire m'a pris parce que j'allais m'emporter, alors je ne m'emporterai pas.

UNE VOIX: Un peu de sérieux!

M. BURNS: Mais, j'allais dire tout simplement que...

M. CHOQUETTE: ... un verre d'eau.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: Comme je l'ai dit ce matin, M. le Président, nous vous avons demandé dès samedi soir de discuter du syndicalisme agricole. J'ai répété que nous pensions qu'un certain nombre de gens intéressés à ce projet de loi avaient passé la fin de semaine ici, et de façon tout à fait subreptice, inattendue, on nous présentait autre chose ce matin alors qu'on nous avait convaincus qu'on appellerait ce projet de loi.

Qu'on ne nous accuse pas, ni le leader, ni le premier ministre de faire de l'obstruction. Ce n'est pas du tout ça. Je répète peut-être pour la xième fois que nous allons discuter tous les projets de loi à leur valeur, tous les budgets à leur valeur, examiner les choses comme elles doivent être examinées. Et je pense que personne n'a de leçon à nous donner, de l'autre côté de la Chambre, sur ce point-là, M. le Président.

M. LOUBIER: M. le Président, sur une question de privilège également. Je ne voudrais pas que le débat dégénère en foire générale, sauf qu'il y a une rumeur qui court actuellement à l'effet que ce sont les partis de l'Opposition qui, par une sorte d'obstruction, empêchent l'adoption, l'étude et l'analyse du projet de loi no 64. Or, je dois vous dire, M. le Président, que le leader parlementaire ministériel n'a qu'à demander l'unanimité de la Chambre et qu'il l'aura des trois partis de l'Opposition pour suspendre le débat en cours et procéder immédiatement à l'étude du bill 64. Je pense, je réponds aussi aux voeux qui ont été exprimés par le député de Beauce au nom du Ralliement créditiste, — et le député de Beauce me fait signe de la tête que oui — et par le leader parlementaire. Nous sommes unanimement disposés à différer l'étude du budget supplémentaire et à procéder illico — comme dirait le député de Chicoutimi — à l'étude du projet de loi 64.

Il y aura unanimité dans cette Chambre.

M. LEVESQUE: M. le Président, nous som- mes réunis dans cette Chambre depuis 10 h 30 ce matin. Quel progrès ont permis d'y réaliser les partis de l'Opposition dans l'étude des crédits supplémentaires? Quels crédits ont été adoptés dans toute la journée d'aujourd'hui? Zéro cents. Il y a dans le budget supplémentaire de l'argent pour payer les agriculteurs justement, $5 millions. Il' y en a pour payer les assistés sociaux, $80 et quelques millions. Qu'est-ce que l'Opposition a adopté aujourd'hui en crédits? Qu'est-ce que c'est? Zéro. C'est simplement la motion que j'ai faite pour que le président quitte le fauteuil et pour qu'on puisse se réunir ici pour étudier ces subsides. L'Opposition ne nous a pas permis d'étudier un seul cents de subsides sur les $130 millions que nous demandons à la Chambre. Est-ce raisonnable? Tout ce que nous demandons présentement, c'est qu'on adopte les subsides et qu'ensuite on puisse procéder positivement. Mais ces subsides sont requis par toute la population du Québec. Toutes les classes de la société se retrouvent dans ces besoins que l'on veut combler en votant ces $132 millions de budget supplémentaire. Et on a une obstruction systématique de certains partis de l'Opposition. Je dois dire qu'il y a eu certaines manifestations de bonne volonté ici et là mais, dans son ensemble, nous n'avons pas reçu de l'Opposition la collaboration nécessaire à la bonne marche des travaux de la Chambre.

M. BURNS: Parlons de la collaboration. Parlons-en.

M. LOUBIER: M. le Président, je pense que le leader parlementaire vient justement de se démasquer. Nous avons adopté d'autres projets de loi et nous ne sentions pas l'urgence, il y a à peine quelques jours, d'appeler les crédits budgétaires supplémentaires. On n'en sentait pas l'urgence et on a étudié le bill 48.

Et aujourd'hui, le leader ministériel nous arrive, en disant, sous forme de chantage: Si vous voulez que l'on procède à l'étude du bill 64, commencez par adopter à la vapeur $132 millions de crédits supplémentaires. Mettez-vous à genoux et, après, on verra. On n'est même pas sûr si on aura l'étude du bill 64.

M. le Président, nous offrons au leader parlementaire l'unanimité de toutes les Oppositions pour surseoir à l'étude des crédits supplémentaires et aller directement et spontanément, tous les députés...

M. LEVESQUE: Pour recommencer tous les débats.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, messieurs.

A l'ordre, s'il vous plaît. Bon, j'ai permis cet aparté au député de Bellechasse. J'ai donné l'occasion de s'exprimer au leader parlementaire du gouvernement, au premier ministre, au leader parlementaire du Parti québécois et au

chef de l'Opposition officielle. Je pense bien, là, qu'on va mettre fin à cet aparté, du fait qu'il n'y a pas entente d'un côté ou de l'autre sur quoi que ce soit et je remets la parole au député de Bourget.

M. LAURIN: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'aimerais, au tout début, que vous m'indiquiez quel est le thème de votre grief.

M. LAURIN: Bien, c'est toute la politique économique du gouvernement et son administration. Il me semble que c'est une chose à laquelle se sont livrés les chefs des autres partis.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Depuis le matin que je donne des directives et que j'interprète le règlement suivant la jurisprudence, la coutume. Dès ce matin, en vertu du règlement, j'ai donné une latitude normale au débat. J'ai fouillé les auteurs quant à l'article 377. J'ai cité Beauchesne et d'autres auteurs de droit parlementaire. J'ai établi qu'on pouvait amener, lors du débat sur la motion visant à la formation du comité des subsides, des griefs.

Je cite encore rapidement ce sur quoi s'est appuyée ma décision au cours de la journée: "Il arrive souvent, à propos de la motion invitant l'orateur à quitter le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité des subsides, que des députés exposent des griefs, sans proposer d'amendement. Un député parlera des taux de chemin de fer, un autre de la naturalisation et ainsi de suite. Cinq ou six questions différentes peuvent alors être portées à l'attention du gouvernement." Les deux lignes suivantes sont très importantes: "Une fois le débat terminé sur une question et qu'on passe à une autre, les députés ne peuvent revenir à la première. Nul député ne peut parler plus d'une fois sur la motion."

C'est la raison pour laquelle j'ai répété à plusieurs reprises que les trois ou quatre premiers orateurs ont traité de la politique financière du gouvernement en général et même que la motion de blâme du député de Gouin couvrait l'économie de la province et les politiques financières du gouvernement.

Lorsque l'honorable député de Chicoutimi s'est levé, il m'a donné son thème qui était les relations fédérales-provinciales. Lorsqu'un autre député a demandé la parole, le député d'Abitibi-Ouest, je lui ai bien demandé s'il voulait traiter de la distribution de l'aide sociale. Ecoutez, à moins que je ne me trompe dans l'interprétation, est-ce que ça veut dire que, chaque fois qu'on va former le comité des subsides — dans une session normale, on est appelé à voter des crédits tous les jours dans les 25 ministères qu'il y a — il y aura un discours inaugural où tous les sujets peuvent être abordés par tous les députés?

Si c'est ça l'économie de notre règlement, je pense qu'il est plus que temps d'y voir. Si on concluait à ça, chaque jour de session, pour la formation du comité des subsides, il y aurait des griefs ou des motions de blâme qui pourraient durer toute la séance. Raison de plus, c'est qu'en vertu de nos règlements le droit de parole de celui qui fait une motion de blâme est illimité.

A lui seul, un député de l'Opposition en Chambre — un seul — pourrait tous les jours parler trois, quatre ou cinq heures et conclure par une motion. Cela meurt avec la fin de la séance. Le lendemain, le même député se lèverait, sur la même motion pour former le comité des subsides, et il pourrait encore parler trois ou quatre heures. La séance s'épuiserait et le gouvernement — je parle peut-être de l'extrême — serait dans la position de ne jamais voter de crédits durant toute une session.

D'ailleurs, un auteur — je crois que c'est Beauchesne — mentionne que déjà dans les années 1900 il y avait des abus à Westminster sur le sujet, même en 1900. On a mis une certaine limite à ce droit; déjà au début de ce siècle-ci on a mis des restrictions à Londres à l'effet que les lundi, mardi et mercredi, ou au moins trois jours par semaine, lorsque le comité des subsides se formait, le président quittait la Chambre sans consulter l'Assemblée. Cela veut dire que pendant au moins trois jours — je peux vous citer les jours — par semaine, il n'était pas permis de faire des griefs. Cela a été décidé à Westminster et je peux vous donner exactement l'année, si vous le voulez, au début du siècle.

Sur cette question, si on semble douter de mon interprétation, du fait que la Chambre est souveraine, je demanderai des directives à la Chambre. J'en reviens au député de Bourget. Je suis bien prêt à lui accorder son droit de parole pour qu'il expose son grief mais je ne voudrais pas qu'il revienne sur les politiques financières ou l'économie, ce qui a été traité déjà par trois ou quatre députés de cette Chambre.

M. BURNS: M. le Président, sur la question de règlement. Il est évident que, quand les crédits supplémentaires sont déposés devant la Chambre, neuf fois sur dix tout grief qui peut être fait en vertu de l'article 377 le sera en matière économique. Nous n'avons qu'à examiner les interventions du député de Bellechasse, celle du député de Beauce, celle du député de Gouin, celle du ministre des Finances; jusqu'à maintenant, ces quatre interventions, pour n'en prendre que quatre, étaient sur des problèmes économiques.

A moins de ne pas avoir entendu ce qui s'est passé...

UNE VOIX: Vous me négligez complètement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): La mienne était indirectement aussi sur les problèmes économiques.

M. BURNS: Le député de Chicoutimi, j'allais l'ajouter, a parlé indirectement sur les problèmes économiques mais avec une relation différente à l'égard du problème des doubles juridictions.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une question de cents.

M. BURNS: M. le Président, avec tout le respect que je vous dois, je pense qu'il ne faut pas examiner de façon trop restrictive la question de la discussion en disant: Les affaires économiques c'est un sujet. Sans présumer, mais le sachant, puisque j'ai parlé au député de Bourget, de ce qu'il va nous dire, il va peut-être nous parler d'un aspect différent des problèmes économiques.

Il arrive que, dans les crédits supplémentaire qui nous sont produits, vous avez: les Affaires culturelles, les Affaires municipales, les Affaires sociales, l'Agriculture, l'Assemblée nationale, les Communications, le Conseil exécutif, l'Education, les Finances, la Justice, les Richesses naturelles, Terres et Forêts, Tourisme, Chasse et Pêche, Travaux publics, Voirie. Ce sont tous des aspects différents des problèmes économiques où peut-être, les députés de l'Opposition considèrent que le gouvernement n'a pas rempli exactement son rôle. J'irais même plus loin. Il pourrait même être question des ministères qui n'ont pas de crédits supplémentaires à être votés.

Si on veut écouter le député de Bourget, je pense, M. le Président, que vous allez comprendre qu'il s'agit justement d'un ministère très important, qui n'a pas de crédits visés par les crédits supplémentaires. Je pense que c'est ce dont on va nous entretenir.

Avec tout le respect que j'ai pour vous, M. le Président, je pense que c'est une interprétation étroite de notre règlement que de dire qu'il n'est plus possible de parler de problèmes économiques si le député de Beauce, le député de Bellechasse, le député de Jean-Talon et le député de Gouin en ont déjà parlé, et qu'on refuse de donner un aspect des problèmes économiques à discuter au député de Bourget. C'est ce que nous vous soumettons, M. le Président, avec tout le respect que nous avons pour vous, mais je pense que l'aspect sous lequel les problèmes économiques vont être discutés par le député de Bourget est assez nouveau et n'a pas été abordé comme tel, sinon, peut-être, par le député de Chicoutimi, de façon indirecte.

M. le Président, je vous soumets qu'il faudrait peut-être écouter dans quel sens s'oriente l'argumentation du député de Bourget avant de lui dire qu'il est hors d'ordre parce qu'il nous dit qu'il va nous parler des problèmes économiques.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget pourrait-il m'indiquer... on a parlé d'un ministère... d'ailleurs, pour compléter l'opinion que je désire donner à la Chambre, même si plusieurs ministères sont mentionnés dans le budget supplémentaire, il est bien reconnu en vertu de l'économie du règlement et de la jurisprudence, qu'il n'est pas permis, justement, de parler des postes budgétaires. C'est reconnu bien clairement.

Je préfère même qu'on me parle d'un ministère où il n'y a pas de crédits parce que le terme grief n'a rien à voir avec les crédits soumis à la Chambre. Il s'agit de juger la politique du gouvernement — un problème de juridiction provinciale — mais j'aimerais que le député de Bourget m'indique quel est le grief précis qu'il entend soulever.

M. LAURIN: M. le Président, j'ai donné tout à l'heure une réponse un peu à l'emporte-pièce à votre question. En réalité, si j'avais été plus spécifique, je vous aurais dit que je voulais parler des omissions que contient le budget, particulièrement en ce qui concerne un ministère très important au Québec et dont la mission principale est de créer des emplois. Je veux dire par là le ministère de l'Industrie et du Commerce. Il y a aussi un autre ministère qui a une relation assez directe avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, en ce sens qu'il met en relation le ministère de l'Industrie et du Commerce d'un gouvernement avec ceux d'autres gouvernements, c'est-à-dire le ministère des Affaires intergouvernementales.

C'est sur la politique telle qu'on peut la voir en filigrane dans ce budget supplémentaire, c'est sur cette politique des deux ministères que porte l'essentiel de mes remarques.

M. BURNS: Ce qui n'a pas été discuté, M. le Président, jusqu'à maintenant.

M. LEVESQUE: M. le Président, le député de Bourget me permettrait peut-être de lui poser une question qui serait de nature à aider à nos débats, parce qu'elle éviterait peut-être de les prolonger.

Le député de Bourget n'est-il pas d'avis que le projet de loi no 20 donne des crédits au ministère de l'Industrie et du Commerce, crédits limités seulement par la faculté de payer du gouvernement? Donc, il n'y a pas un ministère qui ait autant de crédits que le ministère de l'Industrie et du Commerce. Alors, pourquoi faire un débat là-dessus?

M. LAURIN: M. le Président, il y a tellement d'autres projets de loi que le gouvernement aurait pu présenter que le projet de loi no 20 de la SDI. Il y en aurait eu tellement d'autres, dont l'absence précisément se fait sentir au niveau de ce budget supplémentaire, qui est précisément une conséquence de cette omission ou de cette absence de politique. Je peux répondre au leader parlementaire que c'est précisément un des aspects...

M. LEVESQUE: Ce n'est pas un grief, cela, M. le Président.

M. LAURIN: ... dont je voulais traiter. Oh! c'est un grief très important.

M. LEVESQUE: Cela fait partie d'un discours...

M. LE PRESIDENT: Parlez-moi, si vous voulez, quoi, du manque de dynamisme.

M. LAURIN: C'est ça, le manque de dynamisme du ministère de l'Industrie et du Commerce qui, pour moi, est un des ministères clés du gouvernement, dont je voudrais particulièrement parler...

M. LEVESQUE: Il ne connaît rien dans le ministère de l'Industrie et du Commerce.

M. LESSARD: Vous avez bien peur d'être jugés tels que vous êtes, un gouvernement incompétent, inefficace.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAURIN: Justement, au départ, je voulais comparer, mesurer cette absence de politique au niveau du ministère de l'Industrie et du Commerce tel qu'il paraît à travers le budget qui nous est présenté, au programme que nous traçait le premier ministre du Québec, précisément lorsqu'au mois de février, au départ même de cette session, il mettait l'accent précisément sur la lutte contre le chômage, sur la promotion d'emplois dont justement le ministère de l'Industrie et du Commerce est le principal responsable. D'autant plus que c'est le ministre lui-même qui vient nous apporter tous les mois des statistiques sur l'état de la main-d'oeuvre, sur l'état de l'emploi, sur l'état du chômage, surtout lorsqu'il s'agit du mois d'août, lorsqu'il y a des travailleurs occasionnels en très grand nombre et qu'on puisse arguer, en utilisant une méthode de calcul, que je récuse pour ma part, arguer de la création de 90,000 emplois, alors qu'en d'autres moison ne peut faire état que de la création de 12,000 ou de 13,000 emplois.

C'est justement pour rétablir cette situation, pour l'envisager sur toute une année que je voudrais mesurer cette politique ou cette absence de politique par rapport aux objectifs que le premier ministre nous fixait il y a déjà dix mois, par rapport aux objectifs qui ont fait presque le programme essentiel qu'il s'est fixé en tant que gouvernement. Ici, je voudrais, pour mieux mesurer la largeur et la profondeur de ce fossé, pour mieux apprécier la distance toujours plus considérable qui sépare les lèvres de la coupe à laquelle on voulait boire, je voudrais rappeler au gouvernement qu'il importe pour lui de se souvenir, pour l'édification de toute la population, de se souvenir de quelques-unes des déclarations par lesquelles cette session était inaugurée.

Par exemple — et là, je cite le premier ministre — il nous disait le 23 février: "Nous concentrons nos efforts sur le développement économique et sur les problèmes particulièrement aigus du chômage et du sous-emploi de nos ressources". En même temps, il voulait dire probablement sur les investissements dont, encore une fois, le ministère de l'Industrie et du Commerce est particulièrement responsable au premier chef. Le premier ministre continuait: "C'est précisément parce que nous voulons dépasser le court terme que nous avons inscrit ce développement économique au titre de nos objectifs. Nous mettrons de l'avant de nouveaux programmes visant à ranimer le développement industriel — le ministère de l'Industrie et du Commerce — le développement commercial et surtout à réactiver l'emploi". Encore une responsabilité particulière du ministère de l'Industrie et du Commerce. Il continuait: "De nouveaux programmes d'aide à certains types d'entreprises viseront à modifier la structure industrielle québécoise".

Un peu plus loin, le chef du gouvernement nous parlait de sa conception d'un fédéralisme qui devait l'aider justement à procurer au Québec des investissements plus nombreux, des investissements plus considérables et surtout des emplois qui devaient le rapprocher de la promesse qu'il nous avait faite ainsi qu'à toute la population du Québec de créer 100,000 emplois. Il disait alors: "Le gouvernement du Québec fera en sorte que sa politique fiscale, tarifaire, monétaire, économique, industrielle du gouvernement du Québec soit conjugée à celle des autres gouvernements et en particulier à celle du gouvernement central". Il disait: "Nous insistons pour que celle-ci tienne compte des caractères particuliers de la structure industrielle québécoise, de la vulnérabilité de certains de nos secteurs comme des possibilités d'expansion de certains autres". Il ajoutait encore: "Affirmation culturelle, c'est-à-dire maîtrise par le Québec et des moyens financiers et des compétences constitutionnelles qui lui permettront de promouvoir l'avenir culturel des Québécois". Il disait enfin: "Malgré les difficultés inhérentes au processus de révision constitutionnelle que demande l'avenir, la promotion industrielle du Québec, je suis convaincu qu'il est possible d'harmoniser les politiques indispensables au bien-être des collectivités dont les hommes de bonne volonté ne sont que les serviteurs".

Le chef du gouvernement terminait enfin son discours par cette belle envolée: "Prolongeant, disait-il, l'élan amorcé au début des années soixante, le développement économique ajoute aux valeurs de notre époque et participe à la relève du défi posé par la science et la technique.

Il constitue, à la limite, la condition essentielle du respect véritable de la dignité et de la liberté de l'homme moderne. L'année dernière, j'affirmais que le Québec pourrait être une partie de la jeunesse du monde. J'en ai de plus

en plus la conviction, compte tenu des exigences d'une société qui a la légitime et double ambition de participer pleinement aux fruits de la prospérité économique, tout en accentuant ces caractéristiques culturelles".

Même si l'on admet que l'enfer gouvernemental est pavé de bonnes intentions, il suffit d'appliquer ces affirmations ronflantes et euphoriques à la désastreuse conjoncture constitutionnelle, économique et culturelle actuelle pour se rendre compte de leur caractère à la fois dépassé, saugrenu, irréaliste, ridicule et pitoyable.

Le ministre des Finances, tout à l'heure, voulait nous faire oublier la promesse formelle des 100,000 emplois et le marasme économique dans lequel se débat notre collectivité en nous faisant miroiter quelques autres miroirs aux alouettes. Accordant une foi de charbonnier à quelques indicatifs mineurs, il voulait nous faire croire que la relance industrielle était désormais bien amorcée et, surtout, que son gouvernement y était pour quelque chose. Par exemple, disait-il, le revenu personnel et les ventes au détail auraient augmenté à un rythme et à un taux supérieurs à ceux que l'on prévoyait, c'est-à-dire de 9 p.c. à 9.8 p.c, dans le premier cas, et de 5.5 p.c. à 7.2 p.c, dans le deuxième cas, ce qui aurait amené des revenus d'environ $35 millions dans les coffres du Québec.

Par ailleurs, les investissements industriels auraient augmenté de 14 p.c. par rapport à l'an dernier. Disons tout de suite, à ce dernier sujet, qu'il n'était pas difficile de faire mieux que l'an dernier qui avait été une année creuse, une année de stagnation par excellence, alors que ces investissements n'avaient augmenté que de 0.4 p.c. par rapport à 1969. L'équipe gouvernementale était quand même au pouvoir depuis le mois de mai.

Quant aux augmentations au chapitre du revenu personnel et des ventes au détail, elles peuvent tout aussi bien signifier le succès qu'ont obtenu les syndicats dans leurs revendications salariales et l'efficacité des campagnes de publicité destinées aux consommateurs qu'un début de reprise économique dont le Québec n'assume qu'une très mince responsabilité, quand on sait que la politique du gouvernement n'a rien changé à son état de dépendance quasi complète à l'endroit des économies canadienne et surtout américaine.

Non, M. le Président, la situation économique et industrielle du Québec n'est guère plus brillante que celle de l'an dernier. Il faut rappeler ici au gouvernement d'autres indicateurs que le ministre des Finances s'est bien gardé de mentionner, car ils auraient desservi sa cause. Ces autres indicateurs montrent que la situation parait encore des plus difficile à redresser. Ces indicateurs essentiels restent encore pour nous le taux du chômage, tel que nous le révèle, chaque mois, le Bureau de la statistique du Canada, le nombre des mises à pied et le rythme des investissements. C'est là-dessus, M. le Président, que je voudrais faire porter maintenant mes propos.

Parlons donc, d'abord, du chômage. Parlons donc de cette fameuse, de cette belle promesse des 100,000 emplois, qui a d'abord constitué, en avril 1970, un engagement formel et qui, au fil des mois, est devenue bientôt un engagement moins formel et, ensuite, un engagement pur et simple et, enfin, surtout un objectif, au fur et à mesure précisément qu'on s'éloignait de cet objectif.

Justement, M. le Président, devant l'impuissance où s'est trouvé le gouvernement de créer ces emplois, il a commencé à changer sa terminologie et aussi, pour se trouver des excuses, il a commencé à chercher et a trouvé des boucs émissaires qu'il n'avait pas trouvés, cependant, en avril ou en mars 1970. Ces boucs émissaires, vous les connaissez aussi bien que moi. On en a entendu parler souventefois à la période des questions.

M. GARNEAU: M. le Président, j'invoque le règlement. Le président, tout à l'heure, a rendu une décision concernant une motion que voulait présenter le député de Gouin.

Ayant cité un certain nombre d'articles de notre règlement, il a conclu en disant que, comme cette question avait déjà été débattue antérieurement, elle ne pouvait faire l'objet d'un autre débat. Je me demande comment le député de Bourget peut actuellement s'attaquer au même sujet qui a été refusé tout à l'heure par le président de l'Assemblée nationale.

M. BURNS: M. le Président, je m'excuse, vous n'étiez pas président au moment où la décision a été rendue, mais vous étiez probablement là. Vous n'étiez pas là, M. le Président. Alors, il faudrait peut-être faire revenir le président.

M. LE PRESIDENT (Blank): Je pense qu'il serait mieux, dans ce cas-ci, de faire revenir le président pour rendre le jugement. Je n'étais pas ici quand il a rendu le jugement ce matin.

M. GARNEAU: Le député de Bourget se lance, depuis quelques minutes déjà, sur la question qui faisait l'objet de la motion du député de Gouin, à savoir la situation économique et le chômage. Vous avez déjà rendu une décision, tout à l'heure, sur l'irrecevabilité de la motion du député de Gouin. Je ne vois pas comment on peut faire un débat sur le même sujet dont traitait la motion, puisque la motion a été déclarée irrecevable.

M. BURNS: M. le Président, il n'est plus question de la motion du député de Gouin. La motion du député de Gouin a été jugée irrecevable par vous et nous nous sommes soumis. Il n'est plus question de cette motion-là. Il est question de dire tout simplement, comme je l'ai mentionné tantôt, que certains aspects écono-

miques vont être développés par le député de Bourget. Je pense que, si on l'écoute, on va s'apercevoir que cela n'a pas nécessairement — c'est dans le même sens, évidemment, puisqu'on parle des problèmes économiques — ou exactement la même teneur, la même couleur quant aux problèmes envisagés. Je ne vois vraiment pas pourquoi le ministre des Finances s'énerverait d'entendre des vérités que nous voulons dire au gouvernement. C'est le moment de les lui dire.

M. GARNEAU: M. le Président, il ne s'agit pas de s'énerver. Il s'agit de la pertinence du débat; on a refusé cela tout à l'heure.

M. BURNS: Il n'est pas question de pertinence du débat; il est question de faire un grief. Regardez l'article 377, vous allez voir. On est actuellement au stade où l'on peut faire des reproches au gouvernement. C'est exactement ce que le député de Bourget est à faire, sur un aspect particulier. Si le ministre des Finances s'énerve, ce n'est pas notre faute. Je ne le blâme pas d'être nerveux. Qu'on écoute le député de Bourget, et on verra.

M. GARNEAU: Il est à relire le discours qu'il a fait pour appuyer la motion du député de Gouin.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît. Il est vrai que la motion du député de Gouin a été écartée. Ce qui a été écarté, c'est le thème des politiques financières du gouvernement. J'ai pris la parole du député de Bourget, au début de son intervention, à l'effet que son thème était le ministère de l'Industrie et du Commerce. J'aimerais qu'il se limite, parce que, quand même, j'ai donné une latitude absolue au député de Gouin qui a pu parler, je crois, au-delà d'une heure, près de deux heures, à ce qu'on m'informe.

M. LAURIN: M. le Président, j'étais précisément en train de parler de la situation de l'emploi, du chômage, de la main-d'oeuvre, des mises à pied, des investissements toutes responsabilités directement rattachées au ministère de l'Industrie et du Commerce, puisque c'est ce ministre qui, toutes les fois qu'il a des bonnes nouvelles à nous annoncer...

M. GARNEAU: C'est de l'obstruction systématique. C'est un "filibuster".

M. LAURIN: ... profite de toutes les occasions pour nous en faire part. Je ne vois pas pourquoi, lorsque nous avons des choses un peu plus dures ou désagréables à dire au gouvernement, on voudrait, au nom de la règle de la pertinence du débat, nous empêcher de dire des vérités qui choquent, qui blessent...

M. GARNEAU: On est habitué. Chaque fois que le Parti québécois parle c'est la même affaire.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!

M. LAURIN: ... qui s'incrustent sous la peau comme des échardes. Donc, je continue. Je parlais précisément de cette promesse formelle qui était devenue un engagement moins formel, pour, ensuite, se transformer en objectif au fur et à mesure qu'il devenait plus difficile de le réaliser.

J'étais en train de parler des raisons qu'on avait données pour justifier cette impossibilité d'atteindre les 100,000 emplois: par exemple, l'augmentation accélérée de la main-d'oeuvre, ou encore le terrorisme, ou encore la crise d'octobre 1970, qui faisait fuir les investisseurs, ou encore la politique anti-inflationniste du gouvernement central, ou encore l'absence de sélectivité des programmes d'aide fédérale dont précisément le ministre des Finances a parlé un jour à Sainte-Adèle, ou encore l'absence de politique sélective de certains organismes fédéraux, comme celui de la Banque d'expansion industrielle, ou encore la politique américaine à cause de la surtaxe et du programme qu'on a appelé DISC, qui favoriserait la production des entreprises américaines autochtones.

Je parlais de tous ces boucs émissaires, M. le Président, simplement pour signaler que le gouvernement s'était voilé sous ces excuses, sous ces rationalisations pour essayer de faire oublier, à nous de l'Opposition et à la population du Québec, la réalité de cette promesse formelle qu'il avait faite en ce qui concerne la création d'emplois.

D'ailleurs, il faut peut-être remarquer ici que la disparition, précisément, de cette surtaxe que le premier ministre nous annonçait il y a à peine deux jours ainsi que la dévaluation du dollar américain font aujourd'hui soupirer d'aise ce gouvernement, soupirer d'aise ce premier ministre depuis justement que nous lui avons dit que la politique du fédéral de maintenir flottant le dollar canadien entraînerait une dévaluation correspondante de celui-ci, ce qui améliorera nos positions sur le marché européen, et que la surévaluation du yen protégera notre industrie autochtone, particulièrement dans le domaine du textile et de la chaussure, domaine qui intéresse particulièrement, encore une fois, le ministre de l'Industrie et du Commerce, protégera donc notre industrie autochtone et rendra nos entreprises, les mêmes et les autres, plus concurrentielles sur le marché étranger.

Cela prouve incidemment deux choses. Premièrement, que la dévaluation de notre dollar peut avoir de bons effets, contrairement à ce que les coryphées libéraux disséminaient dans leurs campagnes contre la souveraineté du Québec lors de la bataille électorale d'avril 1970, et surtout que notre politique économique et industrielle actuelle est presque totalement à la remorque de la politique américaine,

ce qui fait de notre premier ministre un spectateur ou un dilettante qui regarde passer les trains.

Mais voyons d'un peu plus près, M. le Président, ce que nous révèlent ces statistiques sur le chômage. Il est vrai, comme l'a dit en cette Chambre, comme l'a dit le ministre de l'Industrie et du Commerce, qu'il faut tenir compte ici de trois facteurs, par exemple la main-d'oeuvre, l'emploi et le chômage. Et nous avons nous-mêmes trop le respect de l'objectivité et de la vérité pour n'en pas en tenir compte et ne pas tenter de les relier.

Le gouvernement estime, et c'est son droit, qu'environ 53,000 emplois auront été créés à la fin de 1971, et il a raison, M. le Président. Avec cette réserve, cependant, que ce n'est pas lui d'abord et avant tout qui les aura créés ces emplois, mais les divers agents de la vie économique dont il ne contrôle qu'une faible partie. Voyons d'abord ces chiffres corrélatifs de la main-d'oeuvre, de l'emploi et du chômage.

Nous avons compilé un tableau qui en montre exactement la situation. Par exemple, en janvier 1971, il y avait 2,341,000 Québécois au travail alors qu'en janvier 1970 il y en avait 2,232,000, ce qui fait une différence de 109,000. Et au point de vue de l'emploi, le même mois, janvier 1971, il y avait 2,107,000 personnes au travail alors qu'en janvier 1970 il y en avait 2,054,000. Ce qui montre en effet que 53,000 emplois ont été créés en janvier 1971 par rapport à janvier 1970, ce qui n'empêchait quand même pas, M. le Président, de constater qu'il y avait 234,000 chômeurs, c'est-à-dire 10 p.c. de toute la main-d'oeuvre.

Et nous pourrions continuer ainsi pour tous les mois; montrer par exemple qu'en février il y avait 2,342,000 personnes aptes à la main-d'oeuvre, montrer qu'il y avait 2,098,000 personnes au travail et continuer à faire cette différence pour en arriver au taux de chômage que nous avons connu et que je vous répète, M. le Président. Janvier 1971: 234,000; février 1971: 244,000; mars 1971: 236,000; avril 1971: 234,000; mai 1971: 196,000; juin 1971: 191,000; juillet 1971: 184,000; août 1971: 166,000; septembre 1971: 161,000; octobre 1971: 162,000, et enfin, en novembre 1971, 175,000.

Durant ce temps-là, la main-d'oeuvre continuait elle aussi de connaître des fluctuations. Par exemple, le nombre total de la main-d'oeuvre, de 2,341,000 qu'il était en janvier 1971 était passé, en novembre 1971, à 2,388,000, c'est-à-dire une différence de 47,000 de plus, alors que le chômage, lui, était passé de 10 p.c. en janvier 1971 à 7.3 p.c. en novembre 1971...

M. CHOQUETTE: M. le Président, j'invoque le règlement. Je pense que l'orateur parle depuis plus d'une demi-heure et qu'il est évident qu'il doit cesser.

M. LAURIN: J'ai été interrompu tellement de fois, M. le Président, que je suis sûr de ne pas avoir épuisé mon temps de parole.

M. CHOQUETTE: Il n'y a presque pas eu d'interruption.

M. LAURIN: De toute façon, M. le Président...

M. PINARD: Parlez jusqu'au jour de l'An, si vous voulez.

M. LAURIN: D'accord, on est capable.

M. BURNS: Tout le long de la route jusqu'au Rond-Point.

M. PINARD : Oui, oui, on va vous en reparler de ça.

M. BURNS: Jusqu'au Rond-Point à la station-service.

M. PINARD: Oui c'est ça, on va vous en reparler.

M. BURNS: A la station-service on va arrêter.

M. LESSARD: On va en parler à la commission vous allez voir. Du patronage, on va en parler. Les amis du régime, puis les frères, puis les cousins puis la famille.

M. PINARD: Vous allez prendre un coup chez McDonald.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, Messieurs. A l'ordre.

M. BURNS: Est-ce que le problème est éclairci, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: Il semble que la demi-heure n'est pas tout à fait expirée.

M. LAURIN : Ceci pour dire, M. le Président, que nous acceptons la méthode dont a parlé le ministre de l'industrie et du Commerce pour le calcul des emplois, car la méthode utilisée pour ce calcul des 53,400 emplois ou environ est celle utilisée dans toutes les déclarations qui ont été faites par le gouvernement, aussi bien celles du ministre des Finances, par exemple, le 26 octobre 1971, que celle de M. Bourassa, le 3 décembre 1971, et de M. Lévesque, ministre de l'Industrie et du Commerce, à toutes les fois qu'il nous en a parlé en Chambre.

Ce chiffre de 53,400 nous paraît correspondre à la moyenne des augmentations mensuelles du nombre d'emplois selon les données fournies le 15 de chaque mois par Statistiques Canada. Ainsi il y avait au Québec 53,000 emplois de plus en janvier 1971 qu'en janvier 1970, 50,000 emplois de plus en février 1971 qu'en février 1970...

M. CHOQUETTE: M. le Président, j'invoque le règlement, le député de Bourget fait un exposé de la situation de l'emploi et du chômage au Québec. Cette question a été discutée à la présente session et, en vertu de décisions que vous avez rendues aujourd'hui même, M. le Président, je prétends que le député de Bourget n'a pas le droit de continuer et qu'il est en dehors du thème du grief qu'il s'était lui-même fixé.

M. BURNS: M. le Président, si on veut dire que, parce qu'on a parlé de chômage en cette Chambre depuis le début, on ne puisse plus en parler, bien là c'est la fin des fins, M. le Président. C'est aussi simple que ça. Il faudrait nous dire que c'est ça, et on va tout simplement ne plus perdre notre temps ici, si c'est ça, tout simplement ça. Si ce qu'on veut, c'est un Parlement en dehors de la Chambre, qu'on nous le dise, on en fera un en dehors de la Chambre. Mais pour le moment il y a des choses qui doivent être dites et elles seront dites ici.

Maintenant, quand viendra le temps de juger de la recevabilité d'une motion, là on parlera d'une motion. Cela, c'est bien différent. Mais pour le moment, à toutes fins pratiques, si on avait posé un problème de chômage au cours d'une période de questions et qu'on suive le raisonnement du ministre de la Justice, c'est fini on ne peut plus parler de chômage d'ici la fin de la session. Mais c'est très différent et je pense que le ministre de la Justice devrait réviser son règlement selon lequel on peut quand même, en dehors d'un amendement, parler de certaines choses. Autrement, qu'est-ce que vous voulez, il n'y a plus rien à faire ici. Qu'on nous le dise.

M. CHOQUETTE: Je ne prétends pas être un grand expert dans le règlement, mais j'ai au moins appris quelque chose durant la période où j'ai été député dans l'Opposition de 1966 à 1970. C'est qu'un grief ne peut pas porter sur l'ensemble de la politique gouvernementale ou même sur une politique gouvernementale. Un grief c'est quelque chose qui est dirigé contre un événement isolé. C'est une circonstance de fait qu'il est d'intérêt public de soulever à la Chambre à ce moment-là, et c'est la raison pour laquelle, M. le Président, je vous dirai, en toute humilité que je ne partage pas votre largeur de vues sur l'interprétation du mot "grief".

A travers ce mot "grief" vous pouvez, comme vous l'avez indiqué tout à l'heure lors d'une décision que vous avez rendue, laisser n'importe quel député de la Chambre se lever et s'exprimer sur n'importe quelle politique gouvernementale à l'occasion d'une motion pour aller en subsides.

Je pense que ce n'est pas le sens du règlement. J'admets que les députés peuvent parler sur la motion pour aller en comité des subsides, qu'ils peuvent faire des motions de blâme, toutes les motions qui sont habituelle- ment reconnues à cette période de la procédure, mais je ne conçois pas que le mot "grief" soit une manière de procédure qui permette de parler sur n'importe quoi au moment où on a cette motion devant la Chambre. C'est la raison pour laquelle, en toute humilité, je le répète, M. le Président, je pense que vous avez donné une interprétation beaucoup trop large au mot "grief"...

M. BURNS: J'invoque le règlement.

M. CHOQUETTE: ... et ceci n'en déplaise au député de Maisonneuve alors que je suis debout.

M. BURNS: J'invoque le règlement.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Sur le point de règlement, j'ai permis au ministre de la Justice de donner son point de vue et je vous en donnerai l'occasion, si vous voulez avoir le droit de parler sur le règlement. Jusqu'à présent, c'est une opinion du ministre de la Justice. Ce sera à moi de décider.

M. BURNS: M. le Président, on va en appel de l'une de vos décisions, actuellement, par l'argumentation du ministre de la Justice. C'est quelque chose que je n'aurais même pas le temps de faire pendant deux ou trois secondes. Tout de suite des pions se seraient levés de l'autre côté pour me le dire.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je ne vois pas pourquoi...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. PAUL: ... le ministre de la Justice veut vous attribuer un jugement erroné ou une interprétation fausse de nos règlements. Je sais que vous les vivez, les règlements. Vous n'êtes pas de passage dans cette Chambre, vous êtes constamment rivé à tous les débats qui se déroulent dans cette Assemblée.

Cet après-midi, lorsque vous avez émis des directives, je crois que tous les députés s'y sont conformés. Ce soir, le député de Bourget, dans son argumentation, expose des points précis sur un ministère bien déterminé de l'administration gouvernementale, le ministère de l'Industrie et du Commerce. Les statistiques, il a le droit de les analyser, elles viennent du ministère de l'Industrie et du Commerce. Il a le droit de prétendre qu'elles ne sont pas exactes; il a le droit de prétendre qu'elles pourraient être meilleures si une politique plus dynamique était mise en application au ministère de l'Industrie et du Commerce.

Je ne vois pas pourquoi on soulève des points de règlement dans le but de bâillonner le

député de Bourget qui nous sert une argumentation très serrée, très logique, très étoffée et qui nous montre davantage la faiblesse administrative du présent gouvernement.

M. LE PRESIDENT: L'argumentation du député de Maskinongé allait très bien jusqu'à la dernière phrase.

M. PAUL: Je l'ai échappée.

M. LE PRESIDENT: Sur l'interprétation du règlement, j'ai déjà eu l'occasion, au mois de juin, je pense, de donner une directive à ce sujet. J'avais alors donné un sens restrictif sur un sujet particulier. C'était une des premières directives que je donnais,c'était la première fois que j'allais au fond de la question.

L'article 377, premier paragraphe parle de "tout sujet d'intérêt public rentrant dans le cadre des attributions de la Législature ou du gouvernement de la province. Qu'est-ce que veut dire "sujet d'intérêt public"? J'ai tenté de limiter ce débat à un sujet assez précis. Où commence et où finit exactement un sujet précis? Dieu le sait. C'est la raison pour laquelle je voudrais —j'ai déjà prévenu le député de Bourget de ne pas répéter les mêmes argumentations ou aborder, dans le fond, les mêmes propos que le député de Gouin avait abordés lui-même dans le courant du débat — que le député se limite le plus possible au thème qu'il a choisi.

Quant à parler de chômage, même s'il y a eu un débat sur le chômage pendant le discours inaugural où il y a eu une motion de censure qui a été débattue et vidée par la Chambre et sur laquelle il y eut vote de la Chambre. Je ne vois rien dans le règlement qui me permet d'empêcher un député de traiter de ce sujet. Il n'y a rien, dans les vingt paragraphes de l'article 285 qui m'autorise à limiter le débat sur cette question.

La décision que j'ai rendue aujourd'hui même sur l'article 151, c'est lorsqu'il s'agit d'une motion et non pas de propos ou d'un discours de député. "Nulle motion ne doit soulever une question qui soit, au fond, identique à une question dont la Chambre a décidé pendant la session en cours." C'était la base de mon argumentation lorsque j'ai refusé la motion cet après-midi.

Mais rien ne me permet de défendre à un député de traiter, dans le cours des débats, d'une question d'intérêt public, comme le chômage. Je demanderais à tout député qui n'est pas de mon opinion de m'invoquer d'autres articles ou d'autres autorités qui m'autoriseraient à empêcher quelqu'un de parler d'un sujet comme celui-ci.

Maintenant, je demanderais au député de Bourget de revenir au problème de l'Industrie et du Commerce. J'aimerais peut-être, du fait que j'interviens à ce moment-ci, lui demander s'il a l'intention de terminer son intervention par une motion.

M. LAURIN: Oui, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Auriez-vous objection à m'en donner avis?

M. LAURIN: Pas du tout.

UNE VOIX: Vous continuez vote "filibuster".

M. BURNS: Il y a des gens qui ont appris un seul mot, M. le Président, en procédure parlementaire, c'est "filibuster". Ils ne savent pas autre chose.

M. LAURIN: M. le Président, je parlais de statistiques dont le ministère, d'ailleurs, de l'Industrie et du Commerce est particulièrement friand, puisqu'il en débite à longueur de mois. Je disais qu'il y avait, au Québec, 53,000 emplois de plus en janvier 1971 qu'en janvier 1970; 50,000 emplois de plus en février 1971 qu'en février 1970: 63,000 emplois de plus en mars 1971 qu'en mars 1970; 30,000 emplois de plus en avril 1971 qu'en avril 1970; 56,000 emplois de plus en mai 1971 qu'en mai 1970; 31,000 seulement emplois de plus en juin 1971 qu'en juin 1970. Tout à coup, 82,000 emplois de plus en juillet 1971 qu'en juillet 1970, et, le sommet 90,000 emplois de plus en août 1971 qu'en août 1970. Puis, tout à coup, dégringolade, 28,000 emplois de plus en septembre 1971 qu'en septembre 1970; remontée, 69,000 emplois de plus en octobre 1971 qu'en octobre 1970 et, enfin, dégringolade pour le mois des morts, 35,000 emplois de plus en novembre 1971 qu'en novembre 1970. D'où une augmentation moyenne de 53,363 emplois, observée pour les onze premiers mois de l'année 1971.

Il arrive, cependant, quelquefois qu'on utilise une augmentation observée pour un mois donné comme indice du nombre d'emplois créés pour des raisons de fluctuations saisonnières. L'utilisation de ce chiffre est abusive et n'a aucun sens, même si le ministre de l'Industrie et du Commerce nous a servi cette médecine à deux reprises. Car, ce genre d'exercice qui a été pratiqué ici lorsqu'on disait avoir créé 90,000 emplois, sans dire qu'il s'agissait d'un accident saisonnier ne nous paraît conforme ni à la vérité, ni surtout à la meilleure méthode qu'utilise habituellement et le premier ministre et le ministre des Finances quand ils veulent nous parler de la situation de l'emploi.

Que doit-on conclure de ces statistiques? C'est que, si la tendance observée au cours des onze premiers mois de 1971 se maintient, à peu près 53,400 emplois auront été créés en 1971 au Québec. Parallèlement, en ce qui concerne la main-d'oeuvre, puisqu'il faut toujours relier ces deux facteurs, l'augmentation de la main-d'oeuvre prévisible pour l'année 1971, compte tenu de l'évolution observée pour les onze premiers mois, se chiffre par 68,400.

Pour la cinquième année consécutive, donc, le nombre d'emplois créés sera inférieur à

l'augmentation des emplois, le déficit prévisible pour l'année 1971 est donc de 15,000 emplois. Pour mieux faire apprécier la valeur de la statistique dont je viens de vous faire part, il faut peut-être faire un retour en arrière et parler de la situation qui a eu cours durant les cinq années précédentes. Par exemple, nous voyons qu'en 1965 il s'est créé 85,000 emplois; en 1966, 104,000 emplois — c'était l'année qui a précédé l'Expo, comme vous le savez — en 1967, 64,000 emplois; en 1968, seulement 3,000 emplois; en 1969, 50,000 emplois; en 1970, 14,000 emplois; et en 1971, 53,400 emplois. Ce qui fait un total cumulatif de 373,400 emplois, Si on compare ça maintenant avec l'augmentation de la main-d'oeuvre, on voit que durant la même période, c'est-à-dire de 1965 à 1970, la main-d'oeuvre a augmenté de 444,000 personnes, ce qui fait un déficit, pour cette période de cinq ans, de 71,800 emplois. C'est là qu'est la véritable nature du problème. Même si on vient nous dire qu'on a créé 53,400 emplois, on se rend compte que c'est loin d'être suffisant puisque l'on ne peut même pas absorber le déficit de plus en plus grand entre la main-d'oeuvre et les emplois créés.

La conclusion c'est que non seulement la promesse des 100,000 emplois n'aura été réalisée qu'à moitié — ce que nous savions depuis longtemps— mais c'est que l'année 1971 sera déficitaire. Ceci est particulièrement inquiétant parce qu'il s'agit d'une cinquième année, depuis 1967, consécutive où le nombre d'emplois créés est inférieur à l'augmentation de la main-d'oeuvre, ce qui est un signe capital d'une maladie de notre économie, maladie que le ministère de l'Industrie et du Commerce non seulement n'a pas corrigée mais qu'il n'a même pas analysée puisque jamais le ministre ne nous en a fait part, puisque jamais le ministre des Finances ne nous en a fait part, puisque jamais le premier ministre ne nous en a fait part. C'est là le diagnostic qu'il faut porter sur l'état aussi bien de notre économie que de ce ministère. C'est la raison pour laquelle nous le dénonçons tellement souvent au point de vue de son organisation, de sa planification quand on voit les résultats auxquels on aboutit. Ce qui veut dire que le Québec n'a pas créé, encore une fois, plus d'emplois au cours de l'année 1971 qu'il ne l'avait fait au cours des années précédentes.

Et si on conjugue les constatations dont je viens de vous faire part avec un autre élément morbide de notre structure industrielle c'est-à-dire les mises-à-pied, on se rend compte encore davantage à quel point notre structure industrielle est malade. Je ne veux pas vous faire le décompte des mises-à-pied qui se sont effectuées au Québec au cours de l'année. J'en ai une très longue liste. Nous l'avons compilée. Par exemple, du 1er novembre 1970 au 14 avril 1971, en utilisant les statistiques du Bureau fédéral de la statistique — parce qu'ensuite ces données ne nous étaient pas disponibles — nous avons étudié systématiquement toutes les mi- ses-à-pied qu'annonçaient les journaux du 15 mai 1970 au 1er novembre 1971. Nous avons additionné ces chiffres. Nous arrivons à ces totaux effarants. Par exemple, dans le secteur primaire, du 1er novembre 1970 au 14 mai 1971, il y a eu 581 mises-à-pied; du 15 mai 1971 au 1er novembre 1971, 570 mises-à-pied, pour un grand total de 1,151. Dans le secteur secondaire pour la même période du 1er novembre 1970 au 14 mai 1971, il y a eu 11,308 mises à pied; dans la période qui a suivi, du 15 mai 1971 au 1er novembre 1971, il y en a eu 3,000, pour un grand total de 14,308 mises à pied. Enfin, dans le secteur tertiaire, il y en a eu, pour la même période, c'est-à-dire du 1er novembre 1970 au 1er novembre 1971, un total de 1,634.

Ce qui fait, si on additionne tous ces totaux dans les secteurs primaire, secondaire et tertiaire, un grand total de 17,093 mises à pied. Encore une fois, nous avons utilisé pour ces compilations aussi bien les documents de Statistiques Canada, les documents du ministère du Travail — qui, en vertu de l'article 45 de la Loi sur la formation et la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre, reçoit les avis de mises à pied des compagnies — que les périodiques financiers ou les journaux ordinaires. Pour rendre mes statistiques plus complètes, on peut aussi ajouter que de ce total de 17,093 mises à pied, 10,603 l'ont été de façon permanente et 6,490 l'ont été de façon temporaire ou de façon espérée temporaire.

Il y a quelques remarques de plus à ajouter, M. le Président. C'est que le relevé du ministère exclut les licenciements concernant moins de dix employés, de même que ceux qui font suite à des événements imprévisibles puisque l'obligation de donner des avis de deux, trois ou quatre mois n'existe pas dans pareil cas. Donc, le chiffre de 13,000 n'est pas exhaustif.

Deuxièmement, le relevé extrait des journaux nous paraît très incomplet puisqu'ils ne rapportent que les licenciements majeurs. Parmi les raisons invoquées lors des mises à pied, quelques-unes reviennent plus souvent et indiquent, elles aussi, le genre de maladie dont souffre notre structure industrielle, par exemple, les changements technologiques, la désuétude des équipements, le vieillissement des administrateurs et l'ouverture de nouveaux établissements à l'extérieur du Québec.

En conclusion, M. le Président, de cette brève étude sur les mises à pied on peut dire que compte tenu du fait que nous ne possédons pas de relevés exhaustifs des licenciements pour la période du 15 mai au 1er novembre 1971, le résultat de 17,000 mises à pied, dont 10,600 permanentes, entre le 1er novembre 1970 et le 1er novembre 1971, constitue un strict minimum. Un chiffre plus réaliste serait de l'ordre de 25,000 mises à pied au Québec au cours des douze mois écoulés entre le 1er novembre 1970 et le 1er novembre 1971.

Si nous passons maintenant à un autre grand

indicateur économique, celui des investissements, il y a aussi des vérités extrêmement intéressantes et importantes à recueillir. Je ne voudrais pas, bien sûr, toutes les citer. Ce serait vraiment trop long. Mais je me limiterai aux plus importantes.

Par exemple, nous savons que les investissements totaux au Canada, en 1970-1971, ont été de $19,321,000,000. Sur ce grand total, l'Ontario en compte $7,462,000,000 alors que le Québec, dont la population n'est pas tellement différente de celle de l'Ontario, ne prend, pour sa part, que $3,833,000,000. Si, maintenant, on aborde ces statistiques sous un autre angle, par exemple en étudiant la part respective de l'Ontario et du Québec dans ces investissements totaux, nous arrivons aux chiffres suivants. Peut-être que là aussi il est important de remonter en arrière pour montrer la croissance de notre maladie qui devient de plus en plus sérieuse.

Par exemple, en 1964, la part totale de l'Ontario dans les investissements totaux au Canada était de 34.2 p.c; en 1965, elle était de 34p.c; en 1969, de 37.3 p.c; en 1970, de 38.9 p.c et en 1971, de 38.7 p.c. Au Québec, pour à peu près les mêmes périodes, les pourcentages étaient les suivants: en 1960, 24.2 p.c; en 1964, 26 p.c; en 1965, 25 p.c; en 1969, 19.9 p.c; en 1970, 19.2 p.c. et en 1971, 19.3 p.c. Ceci montre bien cette dégringolade progressive du Québec quand on compare sa situation à celle de notre voisine.

Si nous détaillons maintenant un peu mieux ces statistiques, nous voyons que, dans les secteurs manufacturiers, la situation est absolument identique. Par exemple, en 1970-1971, dans le secteur manufacturier, il s'est investi au Canada $2,984,000,000 alors que la part de l'Ontario était de $1,504,000,000 et celle du Québec uniquement de $584 millions. Là aussi, répartie sur un certain nombre d'années, on voit la même courbe dont je parlais tout à l'heure.

Par exemple, la part du Québec dans les investissements du secteur manufacturier était en 1964 de 25.7; en 1965, de 22.6; en 1969, de 23.8; en 1970, de 19.4 et en 1971 de 19.7. Dans un secteur particulièrement névralgique de notre économie, celui de l'habitation, que nous connaissons bien, dont nous parlons très souvent, nous voyons aussi le même écart. Par exemple, en 1971 il s'est investi, dans le domaine de l'habitation au Québec, $830 millions alors qu'en Ontario il s'est investi $1,529,000,000, ce qui veut dire que la part du Québec, dans les investissements totaux au Canada, en ce qui concerne l'habitation, a été de 21.8 p.c. alors que la part de l'Ontario était de 40 p.c.

Si l'on passe maintenant à un autre aspect de la question, c'est-à-dire l'étude des secteurs générateurs d'emplois ou encore des investissements différentiels que l'on peut considérer comme nécessaires pour la création d'emplois, on se rend compte là aussi que nous sommes en retard, non seulement par rapport aux provinces voisines, mais également que notre ministère n'a pas fait les choix adéquats, n'a pas fait les choix rationnels qui auraient pu donner un coup de pouce à notre économie.

Par exemple, nous savons que, dans le domaine de la construction, il faut un investissement de $8,854 pour créer un emploi; dans le commerce, l'investissement doit monter à $14,051; dans le secteur manufacturier, $51,486 et dans le secteur primaire, c'est-à-dire les mines, $104,000. Nous savons très bien, M. le Président, que dans le Québec c'est surtout dans ce secteur primaire qu'on nous annonce constamment des investissements. C'est le domaine d'investissements où il faut dépenser le plus cher pour générer des emplois. Il n'est donc pas étonnant qu'on retrouve l'effet de cette carence, au point de vue de l'analyse et au point de vue du choix, dans les résultats dont parlent et que révèlent les statistiques. Ce n'est donc pas étonnant que dans un pays comme le Québec, où l'accent est mis sur le développement du secteur primaire, d'une façon privilégiée, on se retrouve avec des écarts au point de vue du produit national brut, au point de vue des investissements, au point de vue du niveau des salaires, au point de vue du niveau de vie quand on compare la situation du Québec avec celle de l'Ontario.

D'ailleurs, M. le Président, cette critique n'est pas faite seulement par nous, elle est faite par des économistes bien plus éminents que je le suis. Mon collègue parlait aujourd'hui de la critique que fait contre cette conception un ancien ministre libéral, Eric Kierans, qui dit que, aussi longtemps que nous investirons d'une façon privilégiée dans le secteur primaire, nous ferons de très grosses mises de fonds sans créer énormément d'emplois, en même temps que nous dilapidons nos ressources naturelles au profit des étrangers. Selon lui, il faudrait bien davantage mettre l'accent, en ce qui concerne les investissements, sur le développement du secteur secondaire et du secteur tertiaire, puisque ça prend moins d'argent pour créer des emplois, et ces emplois sont beaucoup plus stables. On finirait ainsi par créer au Québec une structure industrielle solide qui génère des emplois nombreux, des salaires élevés et qui pourraient enfin donner à notre économie une santé qu'elle ne possède malheureusement pas à l'heure actuelle.

Ceci est encore plus grave quand on sait que ces investissements dont je parle, dans le secteur primaire, sont plutôt faits à l'avantage de sociétés multinationales étrangères dont le procès rigoureux commence à se faire avec une sorte de rancoeur, justement quand on constate les effets néfastes, nocifs auxquels cette politique, que les gouvernements ont laissé se poursuivre, a donné lieu dans le Canada tout entier, mais particulièrement dans le Québec.

On sait en effet, maintenant que le rapport Gray a paru, quelles sont les conséquences,

pour une économie particulièrement provinciale comme la nôtre, de cette sujétion, de cet assujetissement aux sociétés multinationales qui investissent beaucoup au Québec. Je pense à ITT, je pense à Falconbridge et à tant d'autres qu'on nous a annoncées ici.

Qu'est-ce qui arrive, M. le Président, en plus des inconvénients dont je parlais tout à l'heure et qui ont été signalés par l'ex-ministre Kierans? Il y en a d'autres. Nous savons que les filiales deviennent des débouchés pour les compagnies mères, qui profitent de leurs filiales pour leur exporter leurs produits, alors que toute la technologie, toute la recherche ou du moins une partie très importante se fait dans les sociétés mères, ce qui réduit les filiales à une sorte de rôle passif, ce qui en fait des créatures des sociétés mères, ce qui leur enlève leur dynamisme et ce qui les condamne malheureusement trop souvent à la stagnation, à la sclérose.

Nous savons aussi que ces filiales servent à nous débarrasser, à nous priver de capitaux dont nous aurions besoin par l'exportation de profits et de dividendes qui, au lieu d'être réinvestis dans le pays, vont enrichir les actionnaires américains ou donner lieu à la création d'autres entreprises dans ces pays ou encore à des emprunts que nos chefs de gouvernement vont quêter lorsque le marasme économique atteint chez nous des proportions trop élevées ou qu'on a besoin de ces emprunts pour des relances économiques.

En somme, ces inconvénients dont je parle, M. le Président, et qui sont maintenant bien connus parce qu'ils ont été analysés, non seulement par mon collègue de Gouin, Kierans, Gray mais beaucoup d'autres économistes très sérieux, ces inconvénients sont tellement nombreux, tellement graves, tellement profonds qu'ils sont loin d'être compensés par ce que disait ce soir le ministre des Finances lorsqu'il déclarait qu'à force d'implanter chez nous des capitalistes qui vont développer notre secteur primaire ils vont finir par créer dans notre pays des usines de transformation. Car, M. le Président, ces usines de transformation sont encore très peu nombreuses, surtout quand on compare notre situation à celle de l'Ontario. Et surtout ces usines de transformation, un peu comme pour la sidérurgie, ne transforment qu'un produit premier en un produit semi-fini, alors que les véritables usines de transformation, celles qui produisent des produits finis, vont plutôt s'implanter en Ontario ou aux Etats-Unis.

Il prendra donc beaucoup de temps avant que la prédiction que nous faisait le ministre des Finances ce soir se réalise et que nous puissions, grâce à l'aide prétendument généreuse des capitalistes étrangers, particulièrement américains, voir se développer chez nous un grand nombre de ces industries de transformation qui pourraient venir consolider notre secteur primaire.

Et, M. le Président, cette situation triste, malencontreuse que je viens de vous décrire possède malheureusement des relations avec un autre ministère dont j'ai dit que je parlerais, puisqu'une façon de compenser pour cette faiblesse dans notre structure industrielle serait précisément de négocier avec d'autres gouvernements, avec nos voisins ou avec le gouvernement central des accords qui, au moins, pourraient nous aider à rattraper le terrain perdu.

Ils pourraient nous donner les fonds dont nous avons besoin pour créer chez nous ces usines de transformation, qui créent beaucoup plus d'emplois et des emplois beaucoup mieux rémunérés.

Nous comptons — je n'ai pas besoin de vous le dire, M. le Président — sur la politique du ministère de l'Expansion régionale, en plus de compter, bien sûr, sur la politique tarifaire, sur la politique commerciale, sur la politique douanière du gouvernement central. Cependant, nous ne nous faisons pas beaucoup d'illusions, car le ministre des Finances et le premier ministre ont parlé surtout, ces temps derniers, d'un fédéralisme de plus en plus ingrat où toutes les demandes de consultation de la part du premier ministre et du ministre des Finances se heurtaient à un mur de silence obstiné qui amenait même l'ami québécois du gouvernement central actuel à montrer un peu les griffes et à laisser entendre qu'il ne tolérerait pas trop longtemps cette situation, étant donné qu'elle nuisait d'une façon par trop marquée aux intérêts du Québec. Cette politique tarifaire, douanière, commerciale, ce manque de consultation du gouvernement du Québec dans l'établissement de ces politiques a nui beaucoup plus qu'on ne saurait le dire, M. le Président, à notre économie, à notre structure industrielle, en ce sens qu'elle n'a pas permis, justement, de conjuguer les politiques, comme le gouvernement s'y était engagé.

Elle n'a pas permis d'harmoniser les politiques. Elle n'a pas permis de drainer, du côté du Québec, des ressources dont on aurait eu besoin pour compenser les lacunes, les insuffisances dont nous avons parlé. D'une façon plus spécifique, M. le Président, c'est le ministère de l'Expansion régionale qui, par sa politique, qui devait être conjuguée avec celle du ministère de l'Industrie et du Commerce, n'a pas apporté à notre économie les fruits qu'on en escomptait.

Je me rappelle, par exemple, que, quand le ministre de l'Industrie et du Commerce dénonçait les effets de la loi 23 et de la loi 24 pour les remplacer par sa fameuse loi 20, qui devait créer la Société de développement industriel, c'est précisément un des arguments qu'ils invoquait, M. le Président: Qu'on ne pouvait pas conjuguer la politique telle qu'énoncée dans les lois 23 et 24 avec la politique du ministère de l'Expansion régionale.

Est-ce qu'on en est arrivé à de meilleurs résultats avec la SDI? Je ne le crois pas. D'après les rapports qui nous ont été donnés et que j'ai

ici, M. le Président, il ne semble pas qu'avec les dix millions de dollars que la Société de développement industriel a dépensés au cours de ses six premiers mois d'opération — ce qui est un anglicisme, mais que je cite, parce que c'est paru dans le journal — la SDI ait fait beaucoup mieux que l'ancien gouvernement avec la loi 23 et la loi 24. En effet, le gouvernement actuel s'est heurté aux mêmes difficultés que l'autre.

Il est impossible ou il parait impossible, M. le Président, de coordonner des politiques industrielles, des politiques commerciales, tarifaires avec ce gouvernement. Il parait impossible d'articuler des besoins, de faire des analyses qui se rejoignent, d'établir des priorités qui permettraient au Québec de développer ses aspects particuliers, de développer ses structures qui correspondent à des besoins. Il semble que cela est absolument impossible. Le premier ministre actuel s'y est cassé les dents, comme les autres premiers ministres s'y sont cassé les dents également, parce que la politique du ministère de l'Expansion régionale, actuellement, ne réussit pas à éliminer ces disparités régionales, alors que justement, ce devait être l'un de ses buts.

La critique de cette politique du ministère de l'Expansion régionale, nous la connaissons très bien, M. le Président. C'est que les subventions du ministère fédéral, que ce soit avec ou sans les avis ou la participation du ministère de l'Industrie et du Commerce, ont plutôt favorisé les régions qui déjà connaissaient un certain potentiel de développement, en laissant de côté celles qui étaient les plus négligées.

Citons, par exemple, la Gaspésie, l'Abitibi et le Lac Saint-Jean qui n'ont reçu, d'octobre 1969 à la fin d'avril 1971, que 14 p.c. des subventions totales et seulement 11 p.c. des emplois que l'on a pu créer avec ces subventions, alors que les régions les plus développées, elles, par exemple, Montréal, Québec et Trois-Rivières, ont reçu 81 p.c. des subventions et ont ainsi pu créer 88 p.c des emplois que l'on a créés grâce à ces programmes, ce qui montre bien qu'il n'y a aucune orientation dans cette politique qui devait être conjuguée, qui devait être harmonisée. Ceci perpétue le problème des inégalités.

Nous voyons également que cette politique de subventions, des deux côtés, que ce soit celle de la SDI ou que ce soit celle du ministère de l'Expansion régionale, n'a abouti et n'aboutira qu'à maintenir et à accentuer la centralisation que nous connaissons puisque maintenant nous savons que le Québec est une région désignée et que probablement Québec, Trois-Rivières, Montréal vont continuer d'engloutir la très grande majorité des subventions, ce qui va amener un développement économique de plus en plus centralisé.

Je pourrais ajouter beaucoup d'autres objections à la politique actuelle, aussi bien celle du ministère de l'Industrie et du Commerce que celle de son homologue fédéral, par exemple, en disant que ces ministères donnent plus aux gros et pas assez aux petits, qu'ils se révèlent impuissants à corriger les vices du système étant donné que les subventions ne sont pas accordées en raison d'une analyse, en raison d'un plan, en raison de priorités que l'on établit, mais uniquement en raison des choix des compagnies, en raison de l'analyse des demandes, en raison des pressions de toutes sortes, que je ne veux pas qualifier et qui accompagnent ces demandes.

La conséquence est que l'on voit que des subventions sont données à des compagnies qui, bien souvent, se concurrencent mutuellement, alors même que le gouvernement ne l'apprend que des mois ou des années même après, à des compagnies qui se concurrencent, qui se nuisent, qui se détruisent parfois à nos frais, c'est-à-dire avec et malgré les subventions que nous leur avons données. De cette façon, nous voyons notre économie tomber de plus en plus dans une situation morbide, dans une situation maladive dont il deviendra de plus en plus difficile de la tirer.

Lorsque nous voyons qu'à ces causes profondes de nos maladies économiques s'ajoute cette conception d'un fédéralisme qui n'arrive pas à lever de terre, qui n'arrive pas à nous apporter les profits économiques que cela devrait nous rapporter, comment pouvez-vous nous blâmer, M. le Président, d'être pessimistes quand nous savons, par exemple, que les accords fiscaux, qui devaient être négociés de 1972 à 1977, ne nous apporteront rien de plus que ce que nous avons déjà, ne nous apporteront aucun point d'impôt nouveau, ne nous apporteront pas de somme nouvelle quant à la péréquation; quand nous savons qu'on ne s'est même pas entendu sur une nouvelle méthode?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAURIN: De toute façon, M. le Président, j'allais terminer cet aspect de la question. C'est simplement pour vous dire qu'aux raisons qui touchent particulièrement le ministère de l'Industrie et du Commerce, particulièrement au Québec et aussi partiellement son homologue fédéral, particulièrement à toutes les raisons qui touchent le contentieux fédéral-provincial dans quelque domaine que ce soit et en particulier dans les domaines tarifaire, commercial, industriel et fiscal, nous nous rendons compte que le Québec est dans une situation de plus en plus pénible, de plus en plus difficile avec ce vieillissement de nos structures industrielles, avec cet écart croissant qui le sépare de son voisin l'Ontario, aussi bien en ce qui concerne le niveau des investissements, le produit national brut, le niveau des salaires, en ce qui concerne l'exploitation irrationnelle de nos ressources, en ce qui concerne le niveau très élevé de la pauvreté.

Ce n'est pas moi qui ai dit que le tiers des

Québécois vivait actuellement en de ça du seuil de la pauvreté. En ce qui concerne le nombre de plus en plus élevé de chômeurs chroniques qui semblent condamnés à une dépendance sociale définitive, en ce qui concerne surtour et davantage cette impossibilité que nous voyons d'une politique axée non plus seulement sur la création d'emploi mais sur le véritable développement de la personne humaine, ainsi qu'en parlait l'un des volumes signés par Gérald Fortin, de la commission Castonguay-Nepveu. Comment pouvez-vous nous blâmer, M. le Président, de nous sentir inquiets, de nous sentir pessimistes quant à l'avenir du Québec? C'est bien la raison pour laquelle on voit surgir de plus en plus, dans le Québec, des crises, non seulement en ville mais à la campagne, non seulement dans le secteur ouvrier mais également dans le secteur rural. C'est bien la raison également pour laquelle un redressement s'impose. C'est pourquoi je ne surprendrai personne en établissant ici un diagnostic de dépression profonde sur l'état moral de notre société québécoise.

Cet état de choses découle de tous les facteurs que j'ai mentionnés et en particulier de la détérioration de notre économie, une détérioration qui est le résultat, en grande partie, de la faillite de la politique d'emploi et de relance économique du gouvernement, de l'échec de la course aux investissements étrangers, du dépérissement du secteur public de l'entreprise, et aussi le corollaire du vieillissement de nos structures industrielles et de l'exploitation irrationnelle de nos ressources naturelles. L'espoir de renouveau qu'on a suscité en avril 1970 et le 23 février 1971, marqué au coin du fédéralisme rentable, ne s'est pas matérialisé. Le maigre résultat des conférences fédérales-provinciales, l'échec de Victoria, l'impuissance du gouvernement, la multiplication des crises économico-socio-politiques à l'échelle du Québec nous donnent de plus en plus l'impression, au contraire, d'une dangereuse carence du pouvoir. Ces échecs successifs ont pris pour le Québec une signification plus grave parce qu'ils survenaient dans un climat social fait de tensions, de luttes, de violence qu'ils ne faisaient d'ailleurs qu'aiguiser. Ils ont engendré ce pessimisme, cette dépression morale qui caractérisent notre société. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous sentons qu'il nous faut blâmer sévèrement le gouvernement pour n'avoir pas été à la hauteur de la situation et pour exiger qu'un redressement véritable s'effectue enfin au Québec.

Motion de blâme de M. Laurin

M. LAURIN: Je propose donc, appuyé par le député de Maisonneuve, que la motion en discussion soit amendée en remplaçant tous les mots après le mot "que" par les mots suivants: "la Chambre, tout en étant disposée à voter à Sa Majesté les subsides qu'elle a demandés, est d'avis que le gouvernement a manqué à son devoir en ne réalisant pas sa promesse d'un fédéralisme rentable pour le Québec et ses citoyens."

Motion jugée non recevable par le Président

M. LE PRESIDENT: Je remercie le député de Bourget de m'avoir donné avis de sa motion. J'ai peut-être un léger reproche à faire au député de Bourget. Lorsque je lui ai demandé, au début de son intervention, le thème du grief qu'il entendait soumettre à l'Assemblée, il m'a bien déterminé qu'il entendait exprimer un grief en ce qui concerne le ministère de l'Industrie et du Commerce.

Je dirais que son débat, en grande partie, était dans l'ordre. Il a réussi assez bien à s'en tenir à cette question, à ce ministère de l'Industrie et du Commerce. Par contre, sa motion ne fait pas mention du ministère de l'Industrie et du Commerce mais plutôt d'un fédéralisme rentable. Je me pose des doutes à ce moment-là. Il n'y avait pas tellement de problèmes sur la pertinence du débat, parce que lui-même avait établi le thème de son intervention. Je me demande s'il y a autant de pertinence dans la motion. C'est la question que je me pose, lorsqu'on dit "en ne réalisant pas sa promesse d'un fédéralisme rentable." Depuis quelques heures, j'ai donné des directives, des instructions et des décisions sur la manière dont j'interprétais l'article 377. Quel devait être l'objet des débats sur la formation du comité des subsides?

Si la motion, à la suite des directives que j'avais donné assez clair, je crois, à plusieurs reprises, à l'effet qu'on déterminait un grief ou un thème et qu'on le vidait. Je ne voudrais pas me répéter inutilement. Le premier thème, on le sait, avait été développé par deux, trois ou quatre députés au début. Un deuxième thème bien précis avait été déterminé par le député de Chicoutimi quand je lui ai posé la question des relations fédérales-provinciales. Je me suis également levé pour que les choses soient bien claires lorsque le député d'Abitibi-Ouest s'est levé, je lui ai demandé s'il voulait traiter la distribution de l'aide sociale. Il m'a dit oui. Lorsque le député de Bourget s'est levé, au début, j'ai mis une certaine restriction à son débat, une certaine limite. Lui-même m'a répondu qu'il voulait traiter d'un point particulier du ministère de l'Industrie et du Commerce. Lorsqu'une question de règlement a été invoquée par le ministre de la Justice, j'ai donné raison au député de Bourget pour qu'il puisse continuer dans son intervention.

On a oublié de mentionner peut-être que déjà dans le passé cette situation s'était présentée lors de la motion pour la formation du comité des subsides il y a quelques années; je crois que ce fauteuil était occupé par le député de Maskinongé. Dans la même journée, il y avait eu quatre griefs. Si me rappelle bien, Lesage, le chef de l'Opposition du temps, avait traité de

l'économie; M. Gérin-Lajoie, le député de Vaudreuil-Soulanges de l'époque, avait traité un grief sur l'éducation, un point précis; M. Wagner, le député de Verdun de l'époque, avait traité un grief dans la même séance sur les problèmes de justice. Je crois que M. Laporte, si je me rappelle bien, avait développé les problèmes des affaires municipales, un point précis.

Pour toutes ces raisons — et ma décision est la suivante, je l'ai bien pesée — je dis que si la motion du député de Bourget avait été faite immédiatement à la suite du grief du député de Chicoutimi, s'il n'y avait pas eu cette intervention entre ces deux discours — le député d'Abitibi-Ouest avait traité d'un autre sujet — si la motion avait conclu à une expression de blâme ou de défiance envers le ministère de l'Industrie et du Commerce, je l'aurais acceptée. Mais dans le but, je pense bien, de ne pas créer un précédent qui pourrait être dangereux et être invoqué à l'avenir, dans le but également d'accorder un certain respect et une certaine autorité aux directives, décisions, interprétations de la présidence, je me vois dans l'obligation, pour toutes les raisons que j'invoque, de ne pas accepter la motion.

M. LEVESQUE : Est-ce que cela implique que nous n'avons pas le droit de répondre à ce tissu de faussetés qu'on vient d'entendre?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît.

M. BURNS: Je serais bien d'accord que le leader réponde à ce soi-disant tissu de faussetés. C'est d'ailleurs pour ça que nous insistions pour que ces choses-là soient recevables dans la saine démocratie parce que nous, nous ne voulons pas bâillonner le gouvernement. Nous aimerions bien qu'il nous réponde. Je n'ai pas d'objection s'il veut nous répondre là-dessus. Je n'objecterai même pas la pertinence du débat en ce qui concerne le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. PAUL: Je pense bien que votre décision est bien justifiée. Mais, d'un autre côté, la Chambre est toujours maître de ses travaux et de sa procédure. Devant le désir assoiffé du leader du gouvernement, s'il y avait consentement unanime, nous serions d'accord à ce moment-là. Nous respectons quand même votre décision mais vous vous soumettez, en grand démocrate que vous êtes, au désir unanime de la Chambre de discuter de ce problème...

M. LEVESQUE: Devant ce concert de collaboration et ce consensus qui me semble bien donné, je suis très heureux de prendre quelques instants, parce que loin de moi l'idée...

M. BURNS: M. le Président...

M. LEVESQUE: Non, non, j'ai la parole, on me l'a donnée, qu'on n'essaie pas de me la retirer maintenant.

M. BURNS: Je veux simplement savoir si c'est du consentement unanime que cette motion va être reçue...

M. LE PRESIDENT: J'ai posé la question il y a quelques instants: Est-ce qu'il y a consentement unanime? Je pense bien que c'est enregistré aux épreuves du journal des Débats. Je n'ai eu aucune opposition.

M. BURNS: Alors, merci, M. le Président. M. ROY (Beauce): M. le Président... M. BURNS: Donc, elle est reçue.

M. ROY (Beauce): ... j'invoque le règlement parce que nous aimerions savoir où nous allons.

M. le Président, nous n'avons pas voulu, en ce qui nous concerne, abuser de notre droit de parole. Celui qui m'a précédé cet après-midi, le député de Gouin, a parlé pendant une heure trente minutes, en disant qu'il allait présenter une motion. Il a fait toute la préface de sa motion. Il l'a expliquée en entier. Une fois qu'il a eu fini de parler, vous avez rendu votre décision à l'effet que sa motion n'était pas acceptable.

Or, nous n'avons pas pu, en ce qui nous concerne, réfuter certains faits ou encore apporter notre point de vue sur la motion qu'avait présentée l'honorable député de Gouin. Il se produit encore exactement la même chose avec le député de Bourget. M. le Président, je pense qu'il y a tout de même une chose, si nous voulons être logiques: ou les motions sont acceptées et on les discute, ou elles sont refusées et eux ne parlent pas plus que les autres. Je pense qu'il y a, tout de même, une question d'honnêteté, une question d'équilibre et de justice pour tous les membres de cette Chambre.

M. le Président, je pense que, devant ces faits, il va falloir que vous précisiez davantage. Une fois que l'honorable député aura eu le droit de parler pendant une demi-heure, trois quarts d'heure et même une heure sur la motion qu'il a l'intention de présenter, qu'on permette aux autres représentants des autres partis politiques de dire ce qu'ils pensent de ces motions.

M. LOUBIER: M. le Président, sur le point soulevé par le député de Beauce, je pense qu'il n'a pas saisi ce que le président venait de dire.

M. ROY (Beauce): Je ne veux pas, M. le Président, mettre votre décision en cause. Je l'accepte.

M. LOUBIER: Non, mais laissez-moi finir. Je suis en train non pas de soulever un débat, mais tout simplement, d'attirer l'attention du député

de Beauce sur le fait qu'étant donné qu'il y a eu unanimité pour permettre un débat sur la motion du député de Bourget, à ce moment-là, le député de Beauce et ses collègues pourront opiner dans le sens de la motion, avec la latitude que leur permettent les règlements de la Chambre.

M. LE PRESIDENT: Un instant, je voudrais établir et réviser ma position, peut-être, après une journée comme nous en avons eu une aujourd'hui et les multiples décisions et directives que j'ai dû donner. A ce stade-ci, j'ai reconnu l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce. Je n'ai même pas besoin du consentement unanime de la Chambre pour la raison bien simple que, même si la motion est rejetée, c'est la motion que je n'ai pas trouvée dans l'ordre. Je l'ai trouvée non pertinente, dans un sens, parce que, M. le député de Bourget, le thème que vous avez traité et que j'ai reconnu, c'est une motion de blâme vis-à-vis du ministère de l'Industrie et du Commerce.

Ce débat demeure sur le même grief, même si la motion est écartée. Quel est le thème que nous traitons actuellement? C'est le grief de l'honorable député de Bourget sur l'administration du ministère de l'Industrie et du Commerce. C'est le thème qui est devant la Chambre. Il conclut par une motion que je n'accepte pas parce qu'on y parle du fédéralisme. Je reviens au thème premier qui est devant la Chambre; le grief contre l'administration du ministère de l'Industrie et du Commerce. J'ai reconnu l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. LEVESQUE: M. le Président, lorsque le député de Bourget a commencé ses remarques, j'ai lancé une phrase que je reprends à l'instant même: C'est que je me surprenais qu'il parle de ce sujet-là: le ministère de l'Industrie et du Commerce. J'ai dit que c'était un sujet qu'il ne connaissait pas. Nous avons été témoins d'un discours qui prouve exactement ce que j'avais dit, au tout début des remarques du député de Bourget.

Il est vrai...

M. PAUL: Je m'excuse auprès de mon...

M. LEVESQUE: Est-ce que je peux continuer, s'il vous plait?

M. PAUL: Sur un rappel au règlement.

M. LEVESQUE: Il est vrai, M. le Président...

M. PAUL: Sur un rappel au règlement.

M. LEVESQUE: D est vrai, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Une question de règlement.

M. PAUL: M. le Président, tout à l'heure, après que l'honorable député de Bourget eut présenté sa motion, vous l'avez mise de côté. Je me suis levé pour ne pas brimer le droit de parole de l'honorable député et vous avez demandé: Est-ce que le consentement unanime est accordé?

M. LE PRESIDENT: J'ai retiré... M. PAUL: Votre question?

M. LE PRESIDENT: Oui, lorsque je me suis levé après l'honorable chef de l'Opposition officielle, après avoir éclairci un peu mes idées, j'ai pensé que cette question n'était pas nécessaire.

M. LEVESQUE: ... qui a offert son consentement; est-ce qu'il veut le retirer?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai retiré cette question et cette nécessité de consentement unanime.

M. LOUBIER: Si je comprends bien, M. le Président, actuellement, la motion — cela va permettre au député de Bonaventure de reprendre son sourire — à toutes fins pratico-pratiques, est écartée?

M. LE PRESIDENT: Elle est rejetée.

M. LOUBIER: Elle est rejetée, même s'il avait eu un simulacre d'entente que s'il y avait consentement unanime... et même avec le consentement unanime elle est rejetée, elle est écartée.

M. LE PRESIDENT: Le consentement unanime avait été donné pour accorder la parole à l'honorable ministre de l'Industrie et Commerce, sur cette motion. C'est cela.

M. LOUBIER: Oui.

M. LE PRESIDENT: J'en reviens à ma décision que je rejette la motion, et que j'accorde le droit de parole au ministre de l'Industrie et du Commerce sur le thème établi...

M. LOUBIER: Par le grief?

M. LE PRESIDENT: ... par le grief par le député de Bourget qui était une censure contre le ministère de l'Industrie et du Commerce.

M. LEVESQUE: M. le Président, y aurait-il un autre député dans ces éminentes, insignes formations qui voudrait poser une autre question au président, demander des directives, accorder ou retirer un consentement? Bon merci.

M. le Président, lorsque...

M. CHARRON: M. le Président, est-ce que je peux vous demander une directive, s'il vous plaît?

M. LE PRESIDENT: Je vous la donne la directive — j'espère que ce sera pour la dernière fois — que je n'ai pas l'intention de donner des directives pendant un discours. Je donnerai les directives après qu'un discours aura été prononcé.

A l'ordre, s'il vous plaît!

Cela fait déjà deux ou trois fois que j'ai établi cette politique.

M. LEVESQUE: M. le Président, je disais donc, et je reprends le discours là même où je l'ai laissé — c'est vrai que je n'ai même pas commencé encore — je disais...

M. BURNS: C'est le plus loin qu'il va aller.

M. LEVESQUE: ... je disais, au tout début des remarques du député de Bourget, qu'il s'aventurait sur un terrain qu'il ne connaissait pas. Le discours qu'il a prononcé en est le meilleur témoignage. Le député de Bourget, lorsque vous lui avez demandé le thème de son allocution, a dit: Le ministère de l'Industrie et du Commerce; j'ai un grief contre le ministère de l'Industrie et du Commerce.

M. le Président, avez-vous entendu parler du ministère de l'Industrie et du Commerce durant son allocution? Vous avez entendu parler d'économie en général, vous avez entendu parler de chômage, d'emploi. Mais avez-vous entendu parler de l'action du ministère de l'Industrie et du Commerce? Des structures du ministère de l'Industrie et du Commerce? Des fonctionnaires du ministère de l'Industrie et du Commerce? Des politiques du ministère de l'Industrie et du Commerce? Rien. Le député de Bourget s'est contenté de lire un discours de recherchiste sur l'ensemble des choses économiques à gauche et à droite. Il a mentionné le bill 20, il a mentionné la Société de développement industriel, mais a-t-il parlé des structures de la Société de développement industriel? A-t-il parlé des règlements de la Société de développement industriel? A-t-il parlé de son fonctionnement? A-t-il apporté quelques suggestions positives pour améliorer l'action du ministère de l'Industrie et du Commerce et de la Société de développement industriel? A-t-il parlé du Centre de recherche industrielle? A-t-il parlé de la Société de développement du centre du Québec à Bécancour? A-t-il parlé du conseil général de l'industrie? A-t-il parlé de toutes ces structures du ministère de l'Industrie? Y a-t-il quelque chose dans l'action du ministère de l'Industrie qu'il a pu toucher? Non, M. le Président, tout ce que voulait faire le député de Bourget, c'était une lecture plate et ennuyante d'un vieux texte déjà complètement dépassé.

M. le Président, prenons-en quelques unes, parce que je n'ai pas l'intention de retarder la législation gouvernementale, ce n'est pas moi qui vais retarder les gens qui attendent des lois importantes ici. Je n'ai pas l'intention de continuer ou d'encourager cette obstruction qui dure depuis des jours et des jours.

M. le Président, je ferai simplement une remarque au député de Bourget, je prends ce qu'il a lui-même dit. Qu'a-t-il dit le député de Bourget? Il a dit: C'est vrai qu'il y a 53,000 nouveaux emplois en moyenne dans les onze ou douze mois de 1971. Oui, M. le Président, je sais comment ça marche, vous savez. Prenez janvier, la main-d'oeuvre: 2,343,239 ou à peu près. Maintenant, regardez dans l'autre colonne, il y a les emplois. Soustrayez ça et vous arrivez à ça. Cela, c'est janvier.

Maintenant février, M. le Président, prenons le nombre de la main-d'oeuvre. En 1971, 2,342,000 comparativement à février 1970, 2,243,000. Maintenant, M. le Président, dans la colonne de l'emploi et ainsi de suite, pour arriver, après une demi-heure de ces chiffres qui sont disponibles à tout le monde, à tous les citoyens canadiens, à dire: Oui, mais c'est vrai. Quand on fait la moyenne de tout ça, on arrive à 53,000 nouveaux emplois.

M. le Président, ça c'est une grande partie du discours, et maintenant, on arrive aux mises à pied. M. le Président, voici les mises à pied. Mises à pied dans le secteur primaire. Et là, M. le Président, de telle date à telle date, il y a tant de mises à pied. Et mes gens en haut qui font des calculs disent que si on additionne les mises à pied de telle date à telle date avec les mises à pied de telle date à telle date, ça fait tant de mises à pied.

Et voilà M. le Président, voilà le grief que voulait apporter le député de Bourget. Mais le député de Bourget a-t-il voulu éclairer la population? Ce qui était important de dire, c'était qu'il y avait 53,000 emplois nouveaux net et que, quelles que soient les mises à pied, malgré ces mises à pied, voilà quelque chose de positif, et plus le nombre des mises à pied était élevé, plus les 53,000 sont éloquents parce que ce sont 53,000 emplois net créés par le gouvernement actuel.

M. le Président, s'il avait voulu être honnête, il aurait dit: Félicitations au gouvernement. Dans une conjoncture difficile comme jamais nous n'en avons connue en Amérique du nord, dans une situation difficile par certains événements, revenons un instant aux événements d'octobre qu'il a lui-même soulignés, les mesures de M. Nixon, la surtaxe, toutes ces circonstances font que le résultat obtenu de 53,000 emplois nouveaux devrait être l'objet de félicitations d'un homme qui doit avoir à coeur les intérêts économiques de sa province, mais qui semble avoir plus à coeur les intérêts d'un parti moribond.

M. le Président...

M. CHOQUETTE: Tous ses députés l'ont laissé tout seul.

M. LEVESQUE: M. le Président, si le député avait voulu être honnête, il n'aurait pas fait ce qu'il a fait. Vous avez entendu lorsqu'il a parlé des nouveaux emplois, lorsqu'il a parlé des 53,000 nouveaux emplois, chose qu'il ne peut

pas nier, il a dit: Mais il ne faut pas dire que c'est grâce au gouvernement du Québec. Non, ça, c'est grâce à tous les autres agents économiques. Il a parlé du fédéral, il a parlé de tout le monde, il a parlé des industriels, c'est grâce, presque pas au gouvernement du Québec.

Il a même mentionné que c'était, juste pour une petite fraction, grâce au gouvernement du Québec, mais, quand il est arrivé aux mises à pied, il s'est levé avec un bras vengeur: Voilà la responsabilité du gouvernement du Québec ! M. le Président, pensez-vous que nous avons là le reflet d'un parti qui se dit jeune? Non, je dis que c'est un vieux parti, déjà moribond, lorsque son chef parlementaire utilise de tels procédés. Or, M. le Président, 53,000 nouveaux emplois, dit-il, mielleusement, ça, c'est grâce aux agents économiques; le gouvernement du Québec n'a pas tellement une grande responsabilité dans ça, infime, dit-il. Mais les mises à pied, M. le Président, c'est la faute du premier ministre, c'est la faute du ministre de l'Industrie et du Commerce, du ministre des Finances. Tout le monde est responsable de ce côté-ci de la Chambre. Soyons donc sérieux !

M. le Président, lorsque je regarde encore, pour quelques instants, ce qu'il a dit dans ce discours, je vois, par exemple, qu'il a voulu faire un petit tour d'horizon et vivement j'ai pris quelques notes, parce que, devant un discours comme celui-là, je n'ai pas eu l'occasion de tout noter. Ce que je voudrais dire — et j'ai bien dit que je ne m'étendrais pas — c'est qu'il avait si peu de choses à dire contre le ministère de l'Industrie et du Commerce qu'après s'être perdu dans ce discours de recherchiste — ce dont je le félicite, parce qu'il y avait certains secteurs que l'on retrouve dans les anciens discours du budget du gouvernement, etc., toutes sortes de choses ressassées — il n'a même pas pu conclure par une motion de blâme contre le ministère de l'Industrie et du Commerce.

Il n'a pas pu être logique jusqu'à la fin et, là, comme c'est une préoccupation qui devient presque une idée fixe, il s'est tourné soudainement vers le fédéral et a conclu par une motion contre le fédéralisme rentable. Voilà, M. le Président, la logique que nous avons dans le discours que nous venons d'entendre du député de Bourget !

M. le Président, le député de Bourget, s'il avait voulu être logique, s'il avait voulu être franc, mais surtout s'il avait connu quelque chose du ministère de l'Industrie et du Commerce — il n'en connaît rien et il l'a prouvé — aurait pu, à ce moment-là, nous parler soit du manque de réalisations au ministère de l'Industrie et du Commerce! Comme il ne peut pas le faire il aurait pu parler, au moins, des réalisations.

Il a dit que le ministère de l'Industrie et du Commerce faisait des communiqués, annonçait continuellement des nouvelles implantations, etc. Mais, M. le Président, s'il était au ministère, il verrait le nombre de lettres qui nous viennent d'industriels. Il a parlé des grands industriels, en disant qu'on oubliait les petits et les moyens. Jamais, il n'y a eu tant de petits et de moyens industriels, de petites et moyennes entreprises qui se disent heureuses de l'action du ministère, dans l'assistance technique, l'assistance financière, l'assistance par la recherche, l'assistance par les paiements d'études de rentabilité pour les petites et les moyennes entreprises, en particulier pour les aider dans leurs périodes les plus difficiles.

Jamais a-t-on vu des hommes s'arracher le coeur comme les fonctionnaires de l'Industrie et du Commerce, à travers la province, qu'il s'agisse des délégués régionaux ou des conseillers industriels. Les gens qui sont dans les secteurs manufacturiers, ceux qui connaissent quelque chose de l'industrie, les députés qu'il y a ici, qui s'intéressent particulièrement aux choses industrielles, qui sont près des petites et des moyennes entreprises, savent, eux, ce que ne savait pas le député de Bourget. Ce qu'il a lu ne correspondait pas à un grief contre le ministère de l'Industrie et du Commerce. Ce soir et demain, lorsque les fonctionnaires du ministère de l'Industrie et du Commerce liront des propos si peu fondés, si peu sérieux, évidemment ils jugeront, eux, ce que ce dit le Parti québécois. Quelle politique pourrions-nous attendre de ce parti et de celui qui en est le leader en Chambre?

M. le Président, on ne sait pas ce qui se passe dans les comtés. Que le chef parlementaire du PQ aille à Montmagny, dans le comté de mon ami d'en face. Qu'il aille dans le comté de Kamouraska.

Qu'il aille demander à la population de Saint-Pascal si on ne se penche pas sur les petites et les moyennes entreprises. Qu'il aille dans la ville de Saint-Laurent pour voir la compangie Abex, qui fermait ses portes, et qui, à cause de l'action du ministère de l'Industrie et du Commerce, a empêché 600 mises à pied et a créé 800 nouveaux emplois simplement par l'action dynamique de gens du ministère de l'Industrie et du Commerce qui ne passent pas leur temps à faire des discours d'obstruction en Chambre mais qui sont à l'action.

Je parlais de Montmagny, de Chemcell qui devait fermer ses portes; aujourd'hui, nous avons, grâce au ministère de l'Industrie et du Commerce, grâce à ses fonctionnaires et grâce à la collaboration qu'ils ont su aller chercher, tant du côté du secteur privé que du secteur public, réussi à faire que Montmagny va pouvoir vivre et progresser. Pourquoi? A cause de l'action des gens du ministère de l'Industrie et du Commerce. Même chose pour l'industrie Boucher, à Saint-Pascal. Qu'on aille aussi dans les petites industries, comme l'usine de couture de Bonaventure, une petite usine qui était fermée mais qui est ouverte aujourd'hui. Qu'on regarde

dans le domaine des pêcheries. Partout, les gens du ministère de l'Industrie et du Commerce, dans tout l'Est du Québec, sont présents et aident les pêcheurs soit financièrement, soit par une aide technique. Ces gens-là sont continuellement à l'oeuvre et seraient écoeurés ce soir, s'ils étaient présents, d'avoir entendu un discours aussi négatif que celui qu'a fait le député de Bourget.

De la Société de développement industriel, est-ce qu'on en a parlé? A peine six mois à l'oeuvre et déjà il y a deux fois plus de valeurs de prêts consentis que dans un période semblable précédente. On ne fait que commencer, on ne fait que mettre en place les structures. Il y a au-delà de $70 millions de projets à l'étude à la SDI. Il ne le sait pas, il ne connaît rien là-dedans. Tout ce qu'il a pris, c'est le petit papier qu'on lui a remis. Il est temps qu'on redevienne sérieux. Avant de porter des attaques comme celle portée par le député de Bourget, on devrait au moins avoir un intérêt dans la chose économique et cesser de rêver en couleurs comme cela a été traduit par un discours qui n'était que le reflet d'un penseur théoricien ou simplement d'un lecteur.

Les nombreuses lettres, les nombreux télégrammes, les nombreux témoignages que nous recevons quotidiennement au ministère de l'Industrie et du Commerce de ceux que nous sommes appelés à aider sont beaucoup plus réconfortants pour notre équipe, au ministère, que ce genre de discours. Je suis heureux que ça ne se termine pas par une motion parce que je n'aurais pas voulu avoir six autres acolytes venir dire de pareilles bêtises.

M. le Président, j'ai dit que je ne serais pas long, je sais qu'il y en a d'autres qui attendent que l'on passe à l'action. J'aurai l'occasion de revenir, et ce au tout début de l'année 1972, et je serai alors en mesure de donner, d'une façon beaucoup plus complète, la situation économique et l'action du ministère de l'Industrie et du Commerce de même que des autres ministères à vocation économique.

Dans l'intervalle, je demanderais au député de Bourget de repenser à ce qu'il a dit et à ce qu'il aurait dû dire, à l'attitude complètement négative qu'il a jugé bon d'utiliser dans un filibuster qui n'est certainement pas à son honneur ni à celui de son parti. J'espère que, dans un grand sentiment de prise de conscience collective, on cessera ces débats stériles et qu'on passera à l'action pour le bénéfice des citoyens du Québec.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne me lève pas pour prendre la parole. Simplement, j'observais le député de Terrebonne applaudir le gouvernement, lui qui est vice-président de cette Chambre.

M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, j'avais demandé la parole lorsque vous l'avez donnée.

M. LEVESQUE: C'est adopté.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, j'avais demandé la parole...

DES VOIX: Trop tard!

M. LEVESQUE: Trop tard!

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... lorsque vous l'avez accordée au leader parlementaire. J'ai entendu l'observation du leader parlementaire, et j'ai...

M. LEVESQUE: C'est assez! Le président est parti.

UNE VOIX: C'est un appel au règlement.

M. LEVESQUE: Il ne peut pas revenir pour tout le monde.

M. LESSARD: Cela vous fatigue de faire juger le gouvernement pour ce qu'il est?

M. JORON: Quelle sorte de démocratie est-ce?

M. TETLEY: Faites-en, des bêtises. M. SHANKS: Le fils à papa. Etude des crédits

M. HARDY (président du comité des subsides): Affaires culturelles, article 6.

M. PAUL: M. le Président, je voudrais tout simplement vous poser une question. J'ai suivi votre comportement pendant le discours qu'a prononcé le leader du gouvernement, et je me demande si vous êtes conditionné à présider nos délibérations d'une façon tout à fait objective et indépendante.

M. LE PRESIDENT: Je demanderais que l'on attende au moins de voir ce que je ferai pour juger mon comportement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... prêter des jugements.

M. LOUBIER: M. le Président, je sais que c'est un peu disgracieux, je sais que c'est pénible pour vous que de vous faire poser ce genre de question mais, étant donné les débats

antérieurs, l'attitude que vous avez eue à l'endroit des députés des différentes Oppositions, je pense que la question du député de Maskinongé est plus que bienvenue. M. le Président, pour éviter que la fin de ce débat dégénère de nouveau en invectives, en injures de toutes parts, pour assurer la pleine sérénité de l'étude des crédits budgétaires, je vous demanderais, M. le Président, de réviser votre décision et de permettre à votre adjoint de prendre votre place.

M. BOURASSA: M. le Président, si je peux demander la collaboration des Oppositions, je crois que le vice-président a dit tantôt qu'il serait normal que l'on fasse un essai. Nous sommes à discuter de questions relativement techniques, je ne vois pas pourquoi, dès le départ, on l'accuserait de partialité avant même qu'il n'ait eu la chance d'exprimer son point de vue.

M. LAFONTAINE: C'est sa nature même.

M. LOUBIER: Si le premier ministre avait assisté aux séances antérieures, il se serait rendu compte qu'à tous les débats que nous avons eus depuis quelques jours en Chambre il a fallu que le vice-président donne sa place au président pour rétablir l'ordre et le décorum en cette Chambre. Je dis qu'à la fin de cette séance c'est de nature à polluer grandement les débats et à faire en sorte que l'efficacité des travaux de cette Chambre soit particulièrement atteinte.

M. BOURASSA: M. le Président, disons que la majorité des députés en Chambre fait confiance au vice-président et souhaite qu'il reste à son poste.

M. LOUBIER: M. le Président, vous savez fort bien — et le premier ministre le sait — que la présidence est là pour protéger les droits et les privilèges de l'Opposition. La présidence est là pour permettre aux membres de l'Opposition de pouvoir exprimer leur point de vue avec au moins l'assurance que la présidence représente pour eux une sorte de paratonnerre.

Or, M. le Président, on me force — et je trouve ça aussi pénible que disgracieux — à vous dire qu'actuellement, vous n'avez pas la confiance de la grande majorité et presque totalité des députés de l'Opposition. Il s'avère extrêmement difficile pour nous, à ce moment-là, de pouvoir discuter avec l'assurance que les droits de la minorité seront protégés. Je pense que ce n'est pas desservir les intérêts des débats de cette Chambre et que le premier ministre ne devrait pas tenter désespérément de sauver la tête de la présidence. C'est pourquoi je réitère mon invitation que vous quittiez le fauteuil et que votre adjoint prenne votre place.

M. ROY (Beauce): M. le Président...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): Est-ce qu'on a fini cette discussion? Est-ce qu'on procède...

M. LE PRESIDENT: J'accorde le droit de parole à l'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): Je voulais tout simplement dire, avant de discuter de l'article l, qu'à la suite des propos qui ont été tenus, nous ne voulons pas nous associer à ce débat. C'est tout simplement ce que je voulais dire.

M. LE PRESIDENT: Article 6.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, un instant...

M. LOUBIER: Si le député, le frère du grand frère, veut porter des accusations ou faire son fin-fin, qu'il prenne donc son siège et qu'il participe donc au débat au lieu de s'en aller dans le coin et assez niaisement prendre je ne sais quoi de liquide et venir insulter ceux qui veulent prendre part au débat.

M. LE PRESIDENT: Article 6.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président — je devrais dire M. le député de Terrebonne — je n'aperçois pas le ministre des Affaires culturelles qui est responsable d'un ministère qui, aux yeux de bien des citoyens, n'a peut-être pas la dimension économique qui en réalité est la sienne. Il y a, en effet..,

M. BOURASSA : Il va être ici dans quelques minutes.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, on peut l'attendre. On peut réserver et on peut l'attendre.

M. BOURASSA: A moins qu'on commence les Affaires sociales ou un autre poste.

M. GARNEAU: Les Affaires municipales? M. BOURASSA : Les Affaires municipales.

M. GARNEAU: Du moment que j'ai vu que la motion allait être adoptée, j'ai demandé à un de mes adjoints d'aller chercher le Dr Cloutier, le ministre des Affaires culturelles. J'imagine qu'il sera ici dans quelques instants. Peut-être qu'on pourrait passer aux Affaires municipales. M. le ministre des Affaires municipales est ici.

M. LE PRESIDENT: Est-ce le désir des membres du comité de passer à un autre ministère? Les Affaires sociales?

M. GARNEAU: Les Affaires municipales.

M. LE PRESIDENT: Dans l'ordre du budget, le comité est libre de choisir le ministère qu'il désire.

M. GARNEAU: Les Affaires municipales.

M. PAUL: Est-ce que le ministre des Affaires municipales pourrait nous donner la ventilation du montant de $69,000 et plus précisément nous donner certaines précisions à l'article "honoraires et commissions" au montant de $25,000? Est-ce que dans ce montant sont compris les honoraires des avocats qui ont été chargés de préparer la rédaction du bill 48 et est-ce que ce montant de $25,000 comprend également certains frais spéciaux qu'on a dû payer à des évaluateurs pour guider le ministre dans la préparation de son projet de loi 48?

M. TESSIER: Pas du tout. Cela n'a aucun rapport avec le bill 48 ni de près ni de loin. Le montant de $25,000 est le coût du comité d'étude sur le transport en commun de la ville de Laval. Pour le détailler, trois personnes ont été engagées pour mener à bien cette étude sur le transport en commun. Ce sont M. Raymond Lacasse, qui avait déjà fait des études préalablement en ce qui concerne le transport en commun sur la rive-sud de Montréal de même que pour la Communauté urbaine de Québec, à qui nous avons payé des honoraires au montant de $7,012.20. Le deuxième membre de cette" commission d'étude était M. Robert Filiatreault qui a produit un compte d'honoraires de $9,303.68 et, enfin, le troisième membre de cette commission d'étude était Me Adolphe Prévost qui a produit un compte d'honoraires de $9,000, pour un grand total de $25,315.88.

M. ROY (Beauce): M. le Président, au ministère des Affaires municipales, ici, il y a un montant à la Commission municipale de Québec. Est-ce que vous êtes au poste 1 ou au poste 13, M. le Président?

M. LE PRESIDENT: Nous sommes encore au poste 1.

M. ROY (Beauce): Vous êtes encore au poste 1.

Alors, j'aurais une question d'ordre général à poser parce qu'elle revient dans la plupart des ministères. Lorsqu'il s'agit d'administration, honoraires et commissions, est-ce qu'il s'agit de personnel additionnel ou s'il s'agit d'augmentations de salaire, par exemple, qui auraient été accordées aux employés au cours de l'année?

M. TESSIER: Non.

M. ROY (Beauce): Cela revient.

M. TESSIER: Je viens de donner toutes les explications. Il s'agit de trois personnes qui ont été engagées à titre temporaire pour étudier toute la question du transport en commun dans la ville de Laval. Elles ont soumis leur mémoire, leurs recommandations, ce qui a donné lieu, par la suite, à l'adoption d'une loi spéciale, si le député s'en souvient, qui a formé une commission du transport en commun à Laval.

Pour compléter, peut-être la réponse au député de Maskinongé, puisqu'il m'a demandé, au poste 1 en général, de donner des détails sur le montant de $69,600, le deuxième montant de $4,200 était pour les frais de bureau ayant trait à la conférence provinciale-municipale à Québec, les 27 et 28 mai 1971. Le montant de $44,400 est également des dépenses qui ont été encourues pour la conférence provinciale-municipale qui, en somme, a coûté en tout la somme de $44,600. Le montant a été avancé par le ministère des Finances à la suite des minutes du Conseil du trésor. Il s'agit maintenant de rembourser le ministère des Finances pour autant.

M. LOUBIER : En quoi consistaient principalement ces dépenses? Est-ce que c'était pour la location de salles?

M. TESSIER : Oui, il y a eu la location de la salle du Colisée.

M. LOUBIER: Est-ce que le ministre a le détail, rapidement?

M. TESSIER: Oui, j'ai tout le détail. Voici, cela comprend la location de la salle de l'Exposition provinciale, $2,600. Il y avait des étudiants qui ont été engagés et qui nous avaient été envoyés par le ministère de l'Industrie et du Commerce; ils avaient été engagés pour Terre des hommes; ils venaient de Montréal; il y en avait 20 environ; cela a coûté, pour les salaires, repas, taxis, etc., $1,400; il a fallu les loger à Québec et cela a coûte $518.66;...

M. LOUBIER : En plus de la somme de $1,400.

M. TESSIER: Oui, en plus de la somme de $1,400. ... le transport par train de Montréal à Québec, aller et retour, $142.50. Ensuite, une réception a été donnée aux maires, c'est-à-dire, que nous leur avons payé un repas — ce n'est pas une réception mais un repas que nous leur avons payé un midi — et cela a coût $1,200. Le ministre des Affaires municipales a reçu, à cette occasion-là, au Cercle universitaire, les maires de Montréal et de Québec, les présidents des deux communautés urbaines, le ministre des Affaires municipales du Nouveau-Brunswick ainsi que quelques autres fonctionnaires qui les accompagnaient et cela a coût $88.22. Tantôt, j'ai mentionné la location de la salle à l'Exposition provinciale à la ville de Québec, $2,600, cela a été le gros montant. Location de haut-

parleurs pour la conférence, $50. Il y avait également des officiers de sécurité qui étaient là pour diriger les gens, maintenir l'ordre et les renseigner, cela c'était la Sécurité Canadiana Incorporée, $429.75.

M. LOUBIER: Si le ministre me permet, M. le Président, je ne voudrais pas être ennuyeux mais ce que je décèle de tout cela, pourquoi avoir fait venir 20 étudiants de Montréal alors qu'au mois d'avril, je ne sache pas que Terre des Hommes soit ouverte?

M. TESSIER: Non.

Deuxièmement, pourquoi avoir payé pour eux environ $700 de plus que si on avait pris des étudiants de la région de Québec?

M. TESSIER: C'est que ce sont des étudiants qui avaient travaillé au pavillon du Québec à Terre des Hommes l'année précédente. Par conséquent, ils avaient acquis de l'expérience et le ministère de l'Industrie et du Commerce s'étant informé où on pouvait trouver des hôtes et des hôtesses — il y avait les deux, des jeunes gens et des jeunes filles — vu leur expérience, nous les avons engagés.

M. LOUBIER: Il y a des étudiants et des hôtesses ici à Québec aussi.

M. TESSIER: Oui, d'accord, mais peut-être qu'ils n'avaient pas autant d'expérience que ceux-là, étant donné qu'ils avaient travaillé, durant la saison précédente à Terre des Hommes au pavillon du Québec. Vu leur expérience et le fait qu'ils avaient déjà leur costume aussi, en plus — c'était déjà quelque chose — nous les avons pris. Nous aurions pu en prendre à Québec, bien entendu, mais ils n'auraient peut-être pas eu autant d'expérience.

M. LE PRESIDENT: Maintenant...

M. TESSIER: On me dit également, M. le Président, qu'on avait demandé des soumissions pour cela et que les soumissions qui nous ont été données par certains organismes de Québec étaient sensiblement plus élevées.

M. LOUBIER: Est-ce qu'il y a une nouvelle politique adoptée par le gouvernement et plus spécifiquement tolérée ou acceptée par le ministre des Finances à l'effet que les ministre aient un compte de dépenses, c'est-à-dire qu'en plus du compte de dépenses fixe qui est alloué aux ministre ils peuvent, par surcroît, faire des réceptions et en faire payer les frais par le gouvernement? Je pense que c'est une politique tout à fait nouvelle.

M. TESSIER: M. le Président, à ma connaissance, c'est une chose qui a toujours existé, à ce qu'on me dit, lorsqu'il y a des congrès...

M. GARNEAU: Cela a à ce point existé, M. le Président qu'après mon assermentation, dès les premières réunions que j'ai présidées au Conseil du trésor, j'ai eu des comptes de ministres de l'ancien gouvernement, ce qui était tout à fait normal et je n'en ai pas fait un blâme. Nous avons payé les réceptions. Dans le cadre de ses responsabilités je ne conçois pas qu'un ministre qui reçoit à déjeuner les maires des villes de Montréal et de Québec, des communautés urbaines, un ministre du Nouveau-Brunswick et certains hauts fonctionnaires de son ministère, à l'occasion d'un congrès, soit obligé de payer de sa poche. C'est tout simplement normal, c'est dans le cadre de ses activités et cela s'est toujours fait ainsi.

M. TESSIER: Et je crois qu'on le fait exclusivement à l'occasion de congrès ou de manifestations spéciales, comme la conférence provinciale-municipale. Evidemment, il n'est pas question pour un ministre de le faire lorsqu'il reçoit même un collègue d'une autre province en dehors d'une manifestation quelconque.

M. LOUBIER: Sauf dans les événements officiels?

M. TESSIER: Oui.

M. LOUBIER: D'accord.

M. TESSIER: C'est toujours ainsi que je l'ai compris et c'est uniquement dans ces circonstances, d'ailleurs, que les réceptions ont été payées.

M. LE PRESIDENT (Carpentier): Article 1, adopté.

M. BURNS: M. le Président, simplement une question. Il a été fait référence, il y a quelques instants, par le ministre à des conférences provinciales-municipales. Est-ce que le ministre a l'intention d'institutionnaliser ces conférences?

M. TESSIER: Je l'espère bien.

M. BURNS: Vous l'espérez bien, mais est-ce qu'il y a moyen d'avoir un petit peu plus de détails. Est-ce que vous avez, entre autres...?

M. TESSIER: Tout ce que je peux dire, c'est qu'il n'y a pas encore eu de décision définitive de prise pour une prochaine conférence provinciale-municipale. Je crois que le résultat ayant tellement été bon, cette année, il y aurait lieu de continuer cette coutume.

M. BURNS: Est-ce que le ministre a discuté, entre autres, avec l'Union des municipalités à ce sujet?

M. TESSIER: Bien évidemment, on a discuté quant à...

M. BURNS: Au sujet de l'institutionnalisation dans...

M. TESSIER: On n'en a pas reparlé depuis ce temps.

M. BURNS: Depuis la conférence... M. TESSIER: Non.

M. BURNS: ... provinciale-municipale, il n'y a pas eu d'autre...

M. TESSIER: Non, le sujet n'est jamais revenu sur le tapis. Mais, évidemment, avec le début de la prochaine année, il faudra commencer à y songer.

M. BURNS: Mais cela figure dans les plans du ministre?

M. TESSIER: Oui.

M. LE PRESIDENT: Article 1, adopté. Article 13?

M. ROY (Beauce): A l'article 13, M. le Président, honoraires et commissions, je vous demanderais des détails se rapportant au paragraphe 1, mais surtout au paragraphe 3. En quoi consistent ces honoraires et ces commissions?

M. TESSIER: A l'article 13? M. ROY (Beauce): C'est ça.

M. TESSIER: Un instant. L'article 13-3), $43,000, concerne l'enquête de la Commission municipale à Saint-Léonard. Cela comprend l'engagement de deux procureurs, de même que la transcription des notes sténographiques.

M. BOIS: Il y a eu combien de temps de travail là-dessus, M. le ministre?

M. TESSIER: L'enquête a commencé au mois de septembre et elle se poursuit encore à raison, en moyenne, de deux journées d'enquête par semaine.

M. LESSARD: M. le Président, on nous dit que l'enquête se poursuit. Est-ce qu'on a déterminé une limite à cette enquête-là ou si on va continuer éternellement de demander les montants additionnels sans jamais recevoir de rapport? Est-ce que le ministre a fixé une limite?

M. TESSIER: Il n'y a pas de limite, mais la Commission municipale est censée terminer son enquête en dedans de six mois. Elle ne doit pas dépasser ce délai. Maintenant, c'est à la Com- mission municipale elle-même de juger lorsqu'elle aura suffisamment de preuves et qu'elle aura enquêté sur suffisamment de points pour être en mesure de présenter son rapport.

M. LESSARD: Cette enquête est faite par la Commission municipale?

M. TESSIER: C'est bien ça.

M. DEMERS: Est-ce qu'on peut avoir les noms des procureurs?

M. TESSIER: Oui, avec plaisir. La Commission municipale a demandé deux procureurs et j'ai communiqué avec mon collègue, le ministre de la Justice. Ce n'est pas le ministère des Affaires municipales qui les a nommés; c'est le ministre de la Justice. Il s'agit de Me Marc-E. Cordeau et de Me Jacques Richard, tous deux du Barreau de Montréal.

M. LESSARD: Il ne s'agit pas du tout de fonctionnaires de la Commission municipale?

M. TESSIER: Non.

M. LESSARD: Ce sont deux procureurs complètement indépendants de la Commission municipale.

M. TESSIER: Le ministère des Affaires municipales n'a pas de fonctionnaires membres du Barreau. Le service juridique au ministère des Affaires municipales est constitué d'avocats qui sont prêtés par le ministère de la Justice.

M. LOUBIER: Quel est le nom de l'étude?

M. TESSIER: Me Cordeau fait partie de l'étude Desjardins, Ducharme, Cordeau et Tellier, 620 Dorchester Ouest. Quant à Me Jacques Richard, il semble pratiquer seul au 827 Décarie, à ville Saint-Laurent.

M. DEMERS: C'est l'ancienne étude de Choquette?

M. TESSIER: Je ne puis dire.

M. BURNS: Oui, c'est ça. Desjardins, Ducharme Choquette, Cordeau.

UNE VOIX: Est-ce que ça s'améliore?

M. VINCENT: Le ministre vient de mentionner que le ministère n'a pas de fonctionnaires qui sont membres du Barreau. Est-ce que j'ai bien compris?

M. TESSIER: C'est-à-dire que le service juridique au ministère des Affaires municipales est composé d'avocats qui sont payés par le ministère, mais qui appartiennent au ministère de la Justice. C'est ce que j'ai dit tout à l'heure.

M. LE PRESIDENT: Adopté?

DES VOIX: Adopté.

M. PAUL: On ne vous reconnaît plus.

M. LOUBIER: Vous collaborez, c'est merveilleux.

M. LE PRESIDENT: Affaires sociales, article 2?

DES VOIX: Adopté.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, j'aurais une couple de questions à poser au ministre avant qu'on l'adopte, parce que j'ai entendu crier adopté. Je voudrais d'abord demander au ministre si les crédits demandés à honoraires et commissions s'appliquent à la Commission Castonguay-Nepveu, étant donné qu'il nous avait dit, lors de l'étude des prévisions budgétaires au mois de juin ou juillet, que ses fonctionnaires avaient oublié d'inscrire aux prévisions budgétaires les sommes nécessaires pour l'année en cours.

Est-ce que le ministre voudrait nous donner des détails sur les travaux de la commission, sur les échéanciers, sur les différentes étapes qui restent à parcourir, avant la remise du rapport final?

M. CASTONGUAY: C'est exact, M. le Président. Au moment de l'étude des crédits, la commission d'enquête devait terminer ses travaux pour le 31 décembre et aucune prévision n'a été inscrite dans les crédits du ministère. Comme vous le savez, nous avons regroupé d'une façon différente les postes, et c'est probablement la raison de cet oubli. Depuis, la commission a demandé une extension de son mandat, extension qui lui a été accordée jusqu'au 31 mars 1972 et c'est la raison pour laquelle, dans ce poste 2, article 1, sous-article 3: $245,000, un montant est prévu pour honoraires et commissions, pour les travaux de la commission d'enquête. Maintenant, comme l'ancien ministre le sait, ces travaux ou ces contrats d'étude sont décidés par la commission et nous n'exerçons aucun contrôle spécifique, nous n'avons pas refusé ou accepté les études demandées, une par une, mais plutôt transmis au Conseil du trésor les demandes de la commission.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre pense que ce sera définitivement le dernier délai, le 31 mars 1972, ou s'il y en aura d'autres qui seront demandés?

M. CASTONGUAY: La dernière fois que j'ai parlé avec le président de la commission, il y a environ un mois, je dirais, le président m'a dit que, normalement, à moins de quelque chose de tout à fait imprévu à ce moment-là, et il ne semble pas croire qu'un tel imprévu pouvait se produire, les travaux seraient terminés pour le 31 mars.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'on est à rédiger la dernière tranche du rapport, les services sociaux?

M. CASTONGUAY: Il m'a dit, justement, être à la phase de rédaction, d'intégration des diverses études.

M. LE PRESIDENT: Le poste 2, adopté? M. CLOUTIER (Montmagny): Non, non!

M. BOIS: J'aurais justement une question, M. le Président. La question du rapport Nep-veu-Castonguay, alors, M. le député de Montmagny l'a posée. Maintenant, dans la question des frais de bureau, à l'article 1, sous-article 4, est-ce que ce sont des frais supplémentaires pour l'administration générale des bureaux des Affaires sociales? A quoi est-ce que cela s'applique exactement?

M. CASTONGUAY: Ici, les frais supplémentaires de $130,000 au sous-article 4, sont pour le ministère. Comme vous le savez, au cours de l'année, nous avons procédé à l'intégration des deux ministères. Dans certains cas, ceci a occasionné des dépenses moins élevées, dans d'autres cas, des dépenses plus élevées. Un tel regroupement rendait les prévisions plus difficiles et ici, nous avons estimé à $130,000 les frais de bureau et c'est la seule et unique raison de cette demande de crédits qui provient d'une situation temporaire, où les prévisions s'avéraient plus difficiles.

M. CLOUTIER (Montmagny): Au sous-article 5, de quoi s'agit-il: $90,000 pour les communications?

M. CASTONGUAY: Pour les communications, il s'agit ici d'un sous-article: Nous envoyons maintenant à tous les bénéficiaires de l'aide sociale — d'ailleurs, cela a déjà été mentionné ici en Chambre, je crois, tous les bénéficiaires qui sont considérés comme étant aptes au travail — une formule AS-7, avec une enveloppe affranchie, et nous demandons aux bénéficiaires de nous retourner cette enveloppe. Il s'agit, ici, d'un contrôle qui s'avère nécessaire, croyons-nous, pour déterminer si les gens sont toujours admissibles à l'aide sociale. Et comme l'enveloppe doit être préparée, affranchie, cela représente les frais de cette opération de contrôle.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que c'est retourné au central, au ministère ou dans les bureaux locaux du ministère?

M. CASTONGUAY: La formule est retournée au ministère.

M. CLOUTIER (Montmagny): Au ministère. Est-ce que le ministre pourrait nous donner des détails sur les services contractuels au montant de $255,000?

M. CASTONGUAY: Au sous-article 11, services contractuels, vous avez $134,000 de dépenses à la commission d'enquête. Comme vous le savez, dans un bon nombre de cas, la commission d'enquête a ses propres dépenses de fonctionnement, de location, etc. Il s'agit des dépenses de la commission d'enquête pour son exercice.

Les $121,000 additionnels concernent le travail qui est en voie d'être effectué au plan de l'informatique de telle sorte que le système de l'administration de l'aide sociale, au cours des mois de janvier ou février 1972, soit transféré et effectué sur un ordinateur au ministère même. Il s'agit de travaux d'informatique liés à l'administration de l'aide sociale.

M. BOIS: Est-ce que l'article 1, sous-article 11, par exemple, devient quasiment un addendum à l'article 1, sous-article 3?

M. CASTONGUAY: Il y en a une partie dans l'article 1, sous-article 3, et une autre dans l'article 1, sous-article 11, qui se rapportent à la commission d'enquête. Une partie est honoraires et commissions; l'autre, les services contractuels pour le fonctionnement de la commission.

M. BOIS: La différence, M. le ministre, s'applique à quoi?

M. CASTONGUAY: Dans le cas de l'article 1, sous-article 11, cela s'applique au service d'informatique du ministère.

M. ROY (Beauce): Est-ce que le miristre pourrait nous dire quel est le montant précis, dans les sous-articles 3 et 11, qui est appliqué à la commission d'enquête?

M. CASTONGUAY: Dans le cas de l'article 1, sous-article 3, le montant appliqué à la commission d'enquête est de $133,300 et, pour les besoins additionnels d'usage général du ministère, de $111,000.

M. ROY (Beauce): Au sous-article 11, quel est le montant pour la commission d'enquête?

M. CASTONGUAY: Au sous-article 11, le montant est de $134,000 pour la commission d'enquête et de $121,000 pour les services d'informatique.

M. ROY (Beauce): En somme, il s'agit de $267,300 pour la commission d'enquête?

M. CASTONGUAY: C'est cela.

M. LE PRESIDENT (Hardy): Est-ce que le poste 2 est adopté? Adopté.

DES VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Poste 3.

M. CLOUTIER (Montmagny): Au poste 3, M. le Président, il s'agit d'un poste important de $800,000. Est-ce que le ministre peut nous décrire le mécanisme qui a été utilisé pour engager 250 employés occasionnels aux postes des bureaux régionaux et locaux pour ensuite les intégrer dans la fonction publique?

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais d'abord donner la justification de l'opération. Comme vous le savez, nous avons mis la loi en vigueur le 1er novembre dernier. Le nombre de bureaux qui étaient en activité à ce moment-là était de l'ordre d'environ 89. Ils se sont avérés, au cours de l'année ou dans les quelques mois qui ont suivi la mise en vigueur de la Loi de l'aide sociale, plus ou moins adéquats, dans un certain nombre de cas, pour répondre à la demande, avec le résultat que nous avons scindé un certain nombre de bureaux, l'expérience ayant été que les bureaux où le nombre de cas était de l'ordre de 5,000 ou 6,000 s'avéraient très difficile à administrer. C'est dans ces bureaux que nous avons eu le plus de problèmes.

Il y a eu une division de bureaux dans tous ces cas où le nombre s'avérait trop élevé, ce qui a nécessité, dans un premier temps, une certaine augmentation du personnel. Deuxièmement, la répartition des dossiers dans les bureaux ne se fait pas d'une façon purement mathématique. Il y a des facteurs de distance dont on doit tenir compte, aussi de la nature de ces cas.

Dans le regroupement des dossiers par bureau, il n'est pas toujours possible de maintenir exactement la norme. En plus, nous avons procédé au cours de l'hiver à la révision des dossiers, ce qui a apporté des changements. Il y a eu également le supplément du revenu garanti qui a été augmenté, ce qui a occasionné un certain nombre de changements dans la composition des bénéficiaires avec le résultat que pendant une bonne partie de l'année le nombre de bénéficiaires dans les bureaux a été sujet à variation.

Nous avions de plus, l'automne dernier, intégré, sur une base d'essai, un nombre assez considérable de professeurs des anciennes écoles techniques qui n'étaient pas retournés à l'enseignement; nous les avons mis à l'essai dans les bureaux d'aide sociale. Alors, c'est un autre facteur qui est venu s'ajouter dans ce cas-ci. Le résultat fut que, pour faire face à la demande, avec tous ces facteurs, toutes ces variations, le fait aussi qu'il y avait une partie de fonctionnaires qui étaient plus ou moins aptes à rester de

façon permanente — je pense aux enseignants — nous avons fait une première demande au Conseil du trésor pour un nombre de postes à titre d'occasionnels en attendant que la situation se stabilise.

Après ça, le ministère de la Fonction publique et le Conseil du trésor ont fait une analyse détaillée de la situation et ont approuvé, sur une base permanente, 245 postes de fonctionnaires réguliers, soit 111 agents de sécurité sociale et 134 agents de bureau.

On a fait aussi une étude du travail dans les bureaux et il s'est avéré qu'il serait utile, nécessaire d'engager un plus grand nombre d'agents de bureaux pour les tâches purement administratives afin de libérer des agents de sécurité sociale, leur permettre de faire leur travail auprès des personnes qui demandent de l'aide sociale, faire les visites qui s'imposent à domicile, etc.

C'est de cette façon que nous avons procédé vis-à-vis du ministère de la Fonction publique et le Conseil du trésor. Celui-ci et le ministère de la Fonction publique ont approuvé les postes, je ne me souviens pas exactement à quel moment, mais ça s'est fait au cours des dernières semaines.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais poser des questions au ministre afin que ce soit un peu plus précis. Il nous a donné, dans les grandes lignes, le mécanisme. Il nous a dit pourquoi il était nécessaire d'avoir recours à du personnel occasionnel. Vous admettrez que 250 employés ça commence à être un nombre important dans le fonctionnarisme.

Le ministre nous a dit qu'une partie de ces employés provenait du ministère de l'Education, c'étaient des enseignants des écoles techniques autrefois qui n'avaient pu être reclassés ailleurs dans la fonction publique et dont les services ont été requis comme employés occasionnels.

Combien y en a-t-il, sur les 245 postes permanents, qui ont été remplis par des enseignants de ce type qui étaient dans le réservoir et qui ont été intégrés? Est-ce que le ministre a des chiffres?

M. CASTONGUAY: Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question présentement.

M. LOUBIER: Le ministre nous disait, tout à l'heure, qu'il y avait, je pense, 111 agents de bureau.

M. CASTONGUAY: Cent onze agents de sécurité sociale et 134 agents de bureau.

M. LOUBIER: A l'intérieur de ce nombre-là, il n'y a pas d'enseignants?

M. CASTONGUAY: Quand j'ai parlé des enseignants, j'ai parlé des facteurs qui rendaient difficile la détermination du nombre de postes à créer pour les agents de sécrutié sociale et les agents de bureau. Un des facteurs que j'ai mentionnés, outre ceux de la révision des dossiers, de la multiplication des bureaux et de la répartition des dossiers entre les bureaux, c'est que nous avions un certain nombre d'enseignants et qu'il n'était pas possible de déterminer combien demeureraient en fonction. Nous les avons mis à l'essai, au départ. Dans certains cas, cela s'est avéré un succès; dans d'autres cas, cela ne s'est pas avéré un succès. Il nous a fallu alors aller recruter d'autres personnes pour les remplacer.

M. LOUBIER: Il y avait 111 agents de bureau. Combien y avait-il d'agents de sécurité?

M. CASTONGUAY: Il y avait 134 agents de bureau et 111 agents de sécurité sociale dans les 245 postes de fonctionnaires réguliers.

M. LOUBIER: Est-ce que les professeurs dont vous parliez tout à l'heure, qui avaient le statut de techniciens, sont inclus dans ce nombre de 245?

M. CASTONGUAY: Est-ce qu'ils sont inclus là-dedans?

M. GARNEAU: Si je peux répondre sommairement, c'est qu'à la suite de la fermeture ou de l'intégration des écoles techniques au ministère de l'Education il y a eu toute une série de professeurs qui étaient en disponibilité. Qu'est-ce que vous voulez que je réponde?

M. LOUBIER: Quel est le nombre? On veut le savoir, tout simplement.

M. GARNEAU: Je ne peux pas dire le nombre précis.

M. LOUBIER: Est-ce dans l'ordre de 10, de 20, de 30 ou de 40?

M. GARNEAU: De mémoire, il y en a eu à peu près 190, au départ, qui ont été référés. Ce sont des gens qui étaient déjà payés par le gouvernement et qui étaient à ne rien faire chez eux. Ces gens-là ont eu des choix, à un moment donné, de retourner dans les commissions scolaires.

M. PAUL: Ils avaient jusqu'au 30 août 1970.

M. GARNEAU: Cela dépend du moment où ils sont entrés où ils sont redevenus disponibles au ministère de la Fonction publique. Il y en avait qui étaient là depuis six mois et d'autres, depuis un an. Il y en a même, parce ces gens-là, qui, une fois qu'ils ont reçu une affectation, ont démissionné parce qu'ils étaient à ne rien faire, qu'ils avaient accepté d'autres fonctions ou qu'ils attendaient que le gouvernement leur

dise: Voici, vous devez vous présenter à tel endroit à tel moment. Il y en a un certain nombre qui ont démissionné. De mémoire, c'est à peu près 130 professeurs qui sont restés au ministère des Affaires sociales et les autres, ce sont des gens qui ont été recrutés.

M. LOUBIER: Pour couper au plus court, est-ce que l'on pourrait avoir le dépôt de la liste de ces 245 fonctionnaires qui sont engagés sur une base permanente? Est-ce que l'on pourrait déposer la liste demain?

M. CASTONGUAY: J'imagine qu'elle n'est pas dressée dans cette forme-là. De toute façon, je peux, avec grand plaisir la faire préparer.

M. PAUL: Le ministre peut-il nous dire...

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay me demande, depuis fort longtemps, la parole, je l'avais donnée à l'honorable député de Montmagny. Je reconnais l'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: A la réponse que faisait, tout à l'heure le ministre à la question du député de Montmagny me satisfait plus ou moins. Je voudrais savoir, premièrement, quelles sont les normes et les critères d'engagement; quelles sont les qualifications requises pour devenir agent de bureau; le nombre d'années d'études et l'expérience requises. De quelle façon est fait l'engagement?

Est-ce par le directeur du bureau local, par le directeur régional ou est-ce qu'il y a eu publicité et annonces dans les journaux régionaux? Et est-ce qu'il y a des concours pour ces postes? Pour ma part, je ne suis pas particulièrement impressionné par certains fonctionnaires à l'intérieur de ces bureaux. J'aimerais bien, M. le Président, qu'on me donne des réponses précises à ce sujet.

M. CASTONGUAY: M. le Président, comme vous le savez, la plupart de ces questions relèvent de mon collègue, le ministre de la Fonction publique. Les normes d'engagement, les procédures de concours et d'émission de listes, etc., sont sous le contrôle de mon collègue. Il n'est pas ici ce soir, mais de mémoire, je ne suis pas en mesure de vous dire quelles sont ces normes pour un agent de sécurité sociale ou pour un agent de bureau, etc.

M. LESSARD: Je n'ai pas eu connaissance qu'il y ait eu des annonces, de la part du ministère de la Fonction publique. De toute façon, est-ce qu'il pourrait y avoir dépôt des listes à ce sujet? Est-ce qu'il pourrait y avoir aussi annonces, c'est-à-dire copies des annonces qui auraient été publiées dans les journaux régionaux de façon qu'on sache exactement... A l'intérieur de ces annonces, il doit y avoir normalement des critères. Qu'est-ce qu'un agent de bureau? Nous voulons savoir cela. Actuellement, je suis obligé d'aller souvent dans les bureaux du ministère, de voir quels sont les critères qu'on prend et je me pose encore des questions. Alors, M. le Président, je me rallie à la demande qui vient d'être faite: dépôt des listes avec copies d'annonces, s'il y a lieu, contenant les critères, les normes, les concours, etc.

M. CASTONGUAY: Très bien, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Sauveur.

M. BOIS: M. le Président, le ministre a mentionné tout à l'heure que, dans les bureaux des Affaires sociales, vous en aviez 89, et que vous aviez scindé certains bureaux. Est-ce que ce nombre a été augmenté de beaucoup? Est-ce que vous avez la quantité des bureaux qui ont dû être ajoutés pour des fins d'administration?

M. CASTONGUAY: Le nombre, présentement, est, à peu près, de 126 ou 127 bureaux. Nous en avons ouvert, au cours des dernières semaines, un certain nombre. Je ne suis pas capable de vous le donner à l'unité près. Mais nous sommes rendus à 126 ou 127 bureaux.

M. BOIS: Alors, M. le Président, là-dedans, il y a une bonne partie des traitements qui sont inclus dans l'article que vous déposez ici.

M. CASTONGUAY: Dans le sous-article 3, ce sont exclusivement des traitements pour ce personnel.

M. BOIS: D'accord.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, sur cette question des employés dits occasionnels, on a demandé tout à l'heure des dépôts de listes. Je voudrais que nous nous entendions bien. Je voudrais que soient déposés: d'abord la liste complète des 245 nouveaux postes permanents, les noms, les comtés, les bureaux où sont envoyés ces gens-là, à quel moment ces gens-là sont-ils devenus employés occasionnels, à quel moment sont-ils devenus employés permanents, quelles ont été les qualifications requises, et est-ce qu'on peut fournir copie des listes d'éligibilité émises par la Fonction publique dans chacun des cas avec les dates très précises des engagements pour chacun des comtés et chacun des cas.

M. PINARD: Marié, célibataire, catholique ou protestant!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, la question que je pose est sérieuse, et je

sais que le ministre va y répondre sérieusement. Donc, M. le Président, je résume: copie, d'abord, de la liste complète, comportant tous les noms des 245 postes dont il s'agit, leur répartition par comté, les bureaux où ils se trouvent affectés, à quel moment ils ont été engagés comme employés dits occasionnels. A quel titre, d'ailleurs, selon quels critères, compétence et qualifications. A quel moment ils ont été déclarés employés permanents. A quel moment se sont tenus les concours. Et est-ce qu'on peut en même temps joindre copie de la liste d'éligibilité pour chacun de ces fonctionnaires? Quelquefois, il s'agit de listes qui comportent un certain nombre de noms. La question est bien précise, là.

M. CASTONGUAY: Je puis déposer tous ces documents, mais je ne suis pas convaincu qu'il est possible de colliger tous ces documents dans quelques heures, par contre. Mais je vais les déposer.

M. VINCENT: Tous ces documents devaient certainement accompagner la demande à la Trésorerie.

M. CASTONGUAY: D'accord. J'ai dit que je vais les déposer...

M. PINARD: On va vous donner un examen médical.

M. CASTONGUAY: Je vais les déposer, mais je dis que je ne suis pas convaincu que le tout puisse être colligé dans quelques heures. Je vais les déposer, ces documents.

M. VINCENT: M. le Président, le ministre de la Voirie a dit quelque chose?

M. le Président, je pourrais peut-être dire au ministre des Affaires sociales que, pour que ces employés occasionnels soint payés à titre permanent, il fallait nécessairement que le Conseil de la Trésorerie ait une liste d'éligibilité. Il fallait nécessairement que le Conseil de la Trésorerie ait également, de la part du ministre, un C.T. donnant tous les noms, dates d'entrée en fonction. Donc tous ces documents sont déjà prêts, parce que le ministre des Finances, comme responsable de la Trésorerie...

M. CASTONGUAY: Est-ce que je pourrais faire remarquer juste une chose? Ils n'ont pas été engagés dans un bloc. Cela s'est fait au cours du temps. Je vais les obtenir mais la seule remarque que j'ai faite est que je n'étais pas assuré que tout ceci pouvait être colligé dans quelques heures. C'est tout ce que j'ai dit.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord.

M. DEMERS: On a le temps, on n'est pas pressé.

M. PAUL: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait également nous dire combien de ces employés ont été l'objet d'une mutation? Le ministre a parlé d'un certain nombre de fonctionnaires venant du ministère de l'Education. Est-ce que le ministre pourrait nous donner le nombre de mutations? Et ensuite, nous dire combien seraient entrés sans passer par la Commission de la fonction publique?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre nous a dit tantôt qu'il avait ajouté presque 40 bureaux. Il part de 89 et il est rendu à 126 ou 127.

Il n'y a rien dans les crédits supplémentaires pour l'ouverture de ces 40 bureaux; évidemment, je comprends qu'il y a du personnel mais il y a aussi d'autres frais qui suivent. Est-ce qu'il est capable — avec les crédits déjà votés au début de l'année — sans que nous ayons des crédits additionnels, de faire fonctionner ces bureaux jusqu'au 31 mars sans demander à la Chambre d'autres crédits?

M. CASTONGUAY: M. le Président, dans les montants aux autres postes, pour l'administration, il y a peut-être eu virement de crédits mais il n'est pas demandé de montants pour la location de ces bureaux ou encore des frais de téléphone ou autres, spécifiquement pour ces bureaux.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre pourrait aussi nous préparer la liste, même si nous ne l'avions pas tout de suite, de ces nouveaux bureaux ouverts, les 40 postes de service?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. LAURIN: Pour revenir sur les qualifications de ces agents de sécurité et agents de bureau, le ministre nous a dit tout à l'heure que les critères relevaient du ministère de la Fonction publique; mais, étant donné que ces agents doivent quand même accomplir des fonctions qui regardent les Affaires sociales, est-ce que le ministère a quand même émis ses propres normes quant au type de personnel qu'il voulait avoir, le genre de formation que devaient posséder ces gens-là? Deuxièmement, une fois que ces gens-là sont acceptés, sont au travail, est-ce qu'il y a une formation en cours d'emploi?

M. CASTONGUAY: Quant à la première question, M. le Président, les premières normes

ont dû être faites par la Fonction publique sous l'ancien gouvernement. Depuis, avec l'expérience d'une année d'administration de l'aide sociale, au cours de l'été et de l'automne, en association avec les étudiants en maîtrise de la faculté des sciences de l'administration de l'université Laval, nous avons étudié les fonctions spécifiques de ces agents pour réviser les normes d'engagement. Et ce travail est, à toutes fins pratiques, terminé. Nous allons le transmettre à la Commission de la Fonction publique de telle sorte que certains changements soient apportés aux normes. C'est de cette façon que nous nous sommes associés, depuis que je suis dans ce ministère, à la révision des normes de qualification des agents.

M. LAURIN: L'essentiel, est-ce que vous pouvez nous dire que les normes seront beaucoup plus élevées ou plus spécifiques qu'auparavant?

M. CASTONGUAY: Je n'ai pas pris connaissance du rapport, M. le Président. Quant à la deuxième question, nous avons élaboré un programme de formation et, justement, dans ce programme de formation nous avons voulu associer d'abord les agents, les directeurs de bureau et nous leur avons adressé, dans un premier temps, un questionnaire qui visait à déterminer ou à déceler quels étaient les aspects ou quels sont les aspects de la loi avec lesquels les agents ont le plus de difficultés, les types de renseignements qui leur sont demandés qui leur donnent le plus de difficultés, parce que les renseignements ne sont pas toujours spécifiquement reliés directement à la loi.

Nous avons fait de même avec les agents de bureau et avec les directeurs de bureau, et au cours des rencontres périodiques que les directeurs régionaux ou les coordonateurs régionaux auront avec les officiers du ministère, un programme de formation a été élaboré. Dans ce programme de formation, nous voulons mettre les agents au travail, par la méthode active, dans toute la mesure du possible, et les directeurs de bureau en leur faisant analyser des cas, en leur faisant passer des examens pratiques, en les soumettant à des séances de discussion. Et les premières séances de formation, ou ce programme, en fait, débutent au cours du mois de janvier 1972, les directives ont été envoyées à cet effet.

UNE VOIX: H est minuit, Dr Schweitzer.

M. LE PRESIDENT (Hardy): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a adopté les résolutions et demande la permission de siéger à nouveau.

M. LE PRESIDENT: Ces résolutions sont-elles agréées? Agréé. Quand siégera-t-il? A la prochaine séance.

M. PAUL: A quelle heure?

M. PINARD: Huit heures et demie.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain dix heures trente.

M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne ses travaux à demain dix heures trente.

(Fin de la séance: 0 heure)

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