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Version finale

30e législature, 1re session
(22 novembre 1973 au 22 décembre 1973)

Le jeudi 20 décembre 1973 - Vol. 14 N° 15

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes

Dépôt de rapports de commissions élues.

L'honorable député de Lévis.

Rapport sur le projet de loi no 170

M. CHAGNON: M. le Président, conformément aux articles 123 et 161 du règlement de l'Assemblée nationale, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission permanente des affaires municipales chargée de l'étude du projet de loi privée no 170, Loi modifiant la loi refondant la charte de la Commission des écoles catholiques de Québec.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Frontenac.

Rapport sur le projet de loi no 111

M. LECOURS: M. le Président, pour le député de Maskinongé, conformément aux articles 123 et 161 du règlement de l'Assemblée nationale, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission permanente des institutions financières, compagnies et coopératives, chargée de l'étude du projet de loi privé no 111. Loi fusionnant Prêt et Revenu Ltée et Fiducie, Prêt et Revenu.

LE PRESIDENT:

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

M. LEVESQUE: Article a).

Projet de loi no 24 Première lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives propose la première lecture du projet de loi intitulé Loi modifiant la loi de l'assurance-dépôts du Québec.

M. TETLEY: M. le Président, ce projet de loi no 24 précise à l'article 1 que non seulement les économies que les caisses d'épargne et de crédit reçoivent de leurs membres dans le but de les faire fructifier et de leur consentir des prêts sont réputées être des dépôts d'argent, mais également les sommes versées sur ses parts sociales par un membre d'une caisse. L'article précise, de plus, que ni une caisse d'épargne et de crédit qui sollicite des souscriptions de parts sociales par l'intermédiaire de personnes qu'elle rémunère, ni ces personnes ne sont soustraites aux dispositions de la Loi des valeurs mobilières et des règlements adoptés en vertu de cette loi. Merci.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire des institutions financières, compagnies et coopératives.

LE PRESIDENT: Avec les mêmes modalités et les règles de pratique et tout pour entendre les témoins...

M. LEVESQUE: Avec avis dans la Gazette officielle, etc. Présentation de mémoires, s'il y a lieu.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEVESQUE: Article b).

Projet de loi no 23 Première lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives propose la première lecture de la Loi des caisses d'entraide économique.

M. TETLEY: M. le Président, il y a trois pages de notes explicatives et je me demande...

LE PRESIDENT: Un court résumé.

M. TETLEY: Un court résumé. C'est une très bonne loi. C'est une autre réussite du gouvernement Bourassa.

LE PRESIDENT: Ce n'est pas suivant le règlement.

M. TETLEY: Et c'est la loi...

LE PRESIDENT: Je suis sûr que ce n'est pas un résumé des notes explicatives.

M. TETLEY: Non, pas exactement. On ne mentionne pas le mot Bourassa ici. C'est en effet la loi jumelle de la loi précédente que j'ai présentée. C'est une loi qui va modifier le statut des caisses d'entraide économique et leur donner certains grands droits et responsabilités.

LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle adoptée?

M. LEVESQUE: Adopté. LE PRESIDENT: Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

LE PRESIDENT: Déférence...

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: Même déférence, M. le Président.

LE PRESIDENT: Cette motion de déférence est-elle adoptée? Adopté.

M. MAILLOUX: M. le Président...

LE PRESIDENT: Je vais la mettre aux voix.

Projet de loi no 27 Première lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Transports propose la première lecture de la Loi modifiant la loi de la Société de développement immobilier du Québec.

M. MAILLOUX: M. le Président, ce projet a pour objet de permettre à La Société de développement immobilier du Québec de garantir le parachèvement des travaux à la Place Desjardins et de garantir le remboursement et l'exécution des autres obligations de Place Desjardins Inc. Il permet aussi au ministère des Finances de verser à la société une somme n'excédant pas $20 millions en plus de la somme de $10 millions qu'il est déjà autorisé à verser à la société.

LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente. C'est tout?

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

Questions orales des députés.

M. LEVESQUE: M. le Président, en ce qui concerne "dépôt de documents", j'aimerais avoir le consentement pour y revenir, s'il y a lieu, un peu plus tard durant la séance.

QUESTIONS DES DEPUTES

LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

Transport d'énergie électrique

M. MORIN: M. le Président, permettez-moi d'adresser une question au premier ministre. L'Hydro-Québec a pris, tout récemment, la décision de réviser ses plans concernant le transport d'énergie électrique en provenance de la baie James. Selon M. Boyd, la Société d'énergie de la baie James a opté pour des lignes que l'on peut considérer maintenant comme étant traditionnelles, de 735,000 volts plutôt que le projet initial qui allait être 1,200,000 volts.

Le premier ministre peut-il nous informer, compte tenu, d'une part, de l'importance du transport de l'électricité dans l'ensemble du projet — ces coûts avaient été évalués à environ $1 milliard — et compte tenu, en d'autre part, du fait que les plans originaux misaient sur des économies d'échelle de l'ordre de 30 p.c. à 50 p.c. par la mise en place des lignes à haut voltage, des répercussions de cette décision de l'Hydro-Québec sur la hausse du coût des immobilisations, ainsi que l'effet que peut représenter une telle décision sur le prix du kWh de l'électricité en provenance de la baie James, livrée à Montréal?

M. BOURASSA: M. le Président, régulièrement, je demande à l'Hydro-Québec de me dire s'il doit y avoir des révisions à la hausse dans les coûts. Pour ce qui a déjà été annoncé, on sait qu'à cause de l'inflation ce sont des questions qui paraissent pertinentes. Je n'ai pas encore été avisé, par l'Hydro-Québec, que les estimations, qui avaient été rendues publiques avec certaines prévisions sur les taux d'intérêt et sur les augmentations de salaire, devaient être révisées à la hausse. Ceci ne change pas le problème écologique. J'ai eu l'occasion de le dire au chef de l'Opposition que la solution de rechange pour la baie James, ce serait 18 centrales nucléaires sur le bord du Saint-Laurent avec des coûts supérieurs et avec des problèmes écologi-

ques évidents considérables, immenses pour la population québécoise.

Alors, je pense qu'il reste encore évident, il reste encore absolument clair que le projet de la baie James, avec ses retombées économiques beaucoup plus importantes que dans le cas des centrales nucléaires ou des centrales thermiques... Evidemment, il y a des problèmes d'écologie, mais nous faisons le maximum. Il y a le problème de la négociation avec les Indiens. Encore là, nous avons fait des propositions, il y a deux ou trois semaines. Nous attendons encore une réponse à ces propositions que nous avons faites aux Indiens, eux qui nous ont accusés de ne pas vouloir négocier. Nous avons, il y a plus de deux semaines, fait des propositions. Nous attendons des réponses de leur part.

Je pense donc que la position du gouvernement, dans toute cette question, est inattaquable.

M. MORIN: M. le Président, en question additionnelle, je ne sais pas si le premier ministre a compris ma question. Je ne lui ai pas parlé des Indiens et de l'écologie. Cela peut venir à un autre moment. Je lui ai parlé du coût du transport de l'électricité de la baie James à Montréal.

Je le vois qui sourit. Il est très content d'être passé à côté de la question. Est-ce que je dois la poser à nouveau?

M. BOURASSA: Non, ce n'est pas cela qui me fait sourire, M. le Président. C'est la performance du chef de l'Opposition.

M. MORIN: M. le Président, je ne sais pas si c'est la peine de poser une question supplémentaire, étant donné que je n'ai pas eu de réponse à ma première question.

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai répondu que, régulièrement, je demande au président de l'Hydro-Québec s'il y a des révisions à la hausse dans les coûts. Je ne lui demande pas le détail par rapport, disons, aux constructions de barrages, au transport d'électricité. Régulièrement — on connaît ma préoccupation pour la question des coûts — je lui demande s'il y a des révisions à la hausse.

Encore il y a deux semaines, je lui ai posé cette question et je n'ai pas encore été avisé. Je ne dis pas que c'est impossible, car, s'il y en a pour cela, il y en a pour toutes les entreprises de construction. Qu'on pense, par exemple, à l'augmentation du prix de l'acier. Je ne dis pas que c'est impossible, mais on a essayé, lorsque les chiffres ont été préparés — et tout cela a été discuté à la commission parlementaire durant des jours — de faire les prévisions les plus réalistes possible pour sept, huit, dix ou douze ans et je n'ai pas encore été avisé.

Je peux m'informer sur le cas particulier qu'a soulevé ce matin le chef de l'Opposition. Je peux m'informer cet après-midi. Je pourrai donc lui répondre ce soir, à moins qu'on n'ait prorogé d'ici ce moment, avec la collaboration de l'Opposition. Je peux m'informer aujourd'hui et je lui donnerai la réponse sur le cas précis. Mais, globalement, je n'ai pas encore été avisé d'une hausse de coûts. Cela ne m'empêche pas de mettre en relief les avantages du projet de la baie James, comme plusieurs l'ont fait, étant donné qu'on traverse une crise de l'énergie.

M. MORIN: Bien, question additionnelle. Est-ce que le premier ministre peut s'engager à convoquer périodiquement la commission permanente des richesses naturelles de façon que les membres de cette Assemblée — y compris ceux de l'Opposition — puissent suivre l'évolution du dossier, le déroulement du projet mené par la Société de développement de la baie James?

M. BOURASSA: De toute manière, il y a une convocation annuelle de la commission des richesses naturelles et à chaque année — peut-être une ou deux fois par annéev— on a à discuter de cette question. Je n'ai pas d'objection à m'engager à ce qu'annuellement la commission des richesses naturelles soit convoquée pour étudier cette question, et plus souvent si ça parait utile.

M. MORIN: Ce n'est pas un gros engagement.

M. BOURASSA: Bien, je veux dire... M. MORIN: Annuellement, dit-il.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

Stocks d'avoine

M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. On sait que les stocks d'avoine sont actuellement à un niveau très bas et que l'Union des producteurs agricoles a estimé que ces niveaux correspondaient à peu près à dix jours de consommation, alors que normalement c'est de quatre à six mois.

Est-ce que le ministre de l'Agriculture a pris des mesures pour empêcher que les producteurs agricoles — plus directement dans l'industrie laitière — ne soient pas pénalisés ou durement touchés par une telle pénurie?

M. TOUPIN: Le problème se dessine déjà depuis quelque quatre ou cinq mois, attribuable à différentes grèves dans les provinces de l'Ouest qui n'ont pas permis le transport, des provinces à Thunder Bay pour qu'on puisse transporter les grains de là en direction de l'Est.

Disons que j'ai abordé le problème à plu-

sieurs reprises avec mon collègue fédéral, M. Whelan, et je lui ai fait voir très souvent ce danger qui guettait les producteurs québécois. On a tenté, me dit-on, de le corriger, mais on ne l'a pas corrigé à la satisfaction des agriculteurs puisque les stocks de grain au Québec sont décidément trop bas par rapport aux besoins généraux de la province.

Seulement quelques statistiques: ça prend à peu près 17 millions de boisseaux pour hiverner, au Québec, c'est-à-dire de la fermeture de la navigation à l'ouverture de la navigation. Actuellement, il y en a à peu près 9 millions d'entreposés et la navigation ferme aujourd'hui.

A ce jour, dans les entrepôts du Québec, il y a huit fois moins d'avoine qu'il y en avait l'an dernier.

Il y a quatre fois moins d'orge qu'il y en avait l'an dernier à la même date et il y a deux fois moins de blé qu'il y en avait l'an dernier à la même date.

M. LESSARD: C'est consolant, votre affaire !

M. TOUPIN: Ouais, est-ce que c'est possible de corriger la situation? Oui, probablement, ce serait que la Commission canadienne du blé, qui est responsable des approvisionnements de l'Est, et l'Office canadien des provendes, qui, lui aussi, est responsable des approvisionnements de l'Est et qui a les pouvoirs d'acheter en plus...

M. MORIN: L'indépendance!

M. TOUPIN: Ils nous ont assuré — on va terminer — que des trains-blocs seraient mis en place dans le plus bref délai pour que nous puissions remplir les besoins du Québec et de l'Ontario. Le Québec n'est pas le seul à avoir ce problème, l'Ontario a aussi une partie de ce problème. Les provinces de l'Est, les Maritimes, ont aussi une partie de ce problème.

Alors, si la Commission canadienne du blé ou l'Office canadien des provendes ne décide pas de mettre en place le plus rapidement possible ces trains blocs, on risque de voir des pénuries encore plus grandes de provendes au Québec. Ce qui nous paraît encore plus dangereux, c'est que le peu qui se trouve dans les entrepôts peut voir ses prix augmenter très rapidement. J'espère que ceux qui sont propriétaires de ces entrepôts actuellement ne profiteront pas de l'occasion pour faire payer la note aux agriculteurs québécois, je l'espère bien.

Quant à nous, le travail continue à se faire avec la Commission canadienne du blé, avec le gouvernement fédéral pour que ces trains-blocs se mettent en place dans le plus bref délai et que nous puissions donner aux agriculteurs québécois les approvisionnements auxquels ils ont droit et dont ils ont d'ailleurs besoin pour passer l'hiver. Et non seulement dans la production laitière, dans tous les types de production.

M. LESSARD: Question additionnelle, M. le Président. Etant donné ce manque de planification de la Commission...

UNE VOIX: Question!

M. LESSARD: ... canadienne du blé et de l'Office canadien des provendes, est-ce que le ministre a l'intention de créer un office québécois d'approvisionnement en grains de provende? Il en a parlé à plusieurs reprises. On est bloqué encore, on est encore dépendant du gouvernement fédéral, surtout lorsque les prix augmentent. Les prix mondiaux augmentent considérablement et le gouvernement canadien cherche à l'étranger plutôt qu'à conserver au pays, un peu comme c'est le cas pour le pétrole.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: Est-ce que — d'accord, M. le Président — le ministre a l'intention de créer un office québécois d'approvisionnement en grains de provende pour un peu mieux planifier et assurer aux producteurs québécois une sécurité d'approvisionnement?

M. TOUPIN: Une chose est sûre, en tout cas, c'est qu'il existe pour l'Est ce qu'on appelle l'Office des provendes dont la responsabilité essentielle est de voir à l'approvisionnement des provinces de l'Est et notamment du Québec.

Or, il semblerait que cet organisme n'aurait pas tous les pouvoirs requis pour pouvoir acheter le grain de la Commission canadienne du blé et après le revendre au Québec pour l'entreposage, s'occuper de l'entreposage, etc. Il me paraît évident, quant à moi — et là je parle très ouvertement — que si de telles situations devaient se répéter trop souvent, nous n'aurions pas d'autre choix que de nous doter d'un organisme quelconque dont la responsabilité pourrait précisément être celle de l'actuel Office canadien des provendes, c'est-à-dire de racheter les grains, de les entreposer pour assurer, dis-je, les agriculteurs québécois des approvisionnements auxquels ils ont droit et dont ils ont besoin.

M. LESSARD: ... moins vous.

LE PRESIDENT: Le député de Beauce-Sud.

Sidbec-Dosco

M. ROY: J'aurais une question à poser au premier ministre. Est-ce que le premier ministre a pris connaissance d'une nouvelle voulant que la sidérurgie SIDBEC-DOSCO connaisse cet année un nouveau déficit de l'ordre de $10 millions et que de ce fait cette société se trouverait dans le rouge pour $33 millions? Est-ce que le premier ministre pourrait nous faire des commentaires à ce sujet?

M. BOURASSA: M. le Président, j'ai pris connaissance de la nouvelle. Il y avait plusieurs inexactitudes dans la nouvelle et comme d'habitude on essaie de relier cela à la parenté de ma femme, que ce soit des troisièmes, quatrièmes ou deuxièmes cousins. On essaie d'impliquer ça.

M. LESSARD: La famille des Simard est très grande.

M. BOURASSA: J'ai communiqué avec le journaliste en question, au lieu de le critiquer publiquement, pour lui demander de faire des corrections, et je verrai dans le journal d'aujourd'hui si cela a été fait. Pour ce qui a trait au déficit de SIDBEC, je crois que le ministre de l'Industrie et du Commerce avait donné les informations là-dessus. Il y a eu un déficit, c'est vrai, mais c'est dû à plusieurs raisons, notamment à la grève qui a eu lieu à SIDBEC. Dans l'ensemble, la situation de SIDBEC est très acceptable.

M. ROY: M. le Président, est-ce que le premier ministre pourrait nous dire s'il prévoit une réforme administrative, puisqu'on a parlé à plusieurs occasions d'incompétence chez les administrateurs? Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire s'il a l'intention de demander à la Chambre de nouveaux crédits pour des projets de relance de cette sidérurgie, ou de réorganisation, de restructuration ou de réforme administrative?

M. BOURASSA: J'ai parlé tantôt, en réponse à une question du chef de l'Opposition, de la hausse du prix de l'acier. On connaît l'importance de l'acier comme matériel de construction et on sait jusqu'où il peut contribuer à favoriser l'expansion économique. On connaît également le rôle d'une aciérie pour la force de la structure industrielle du Québec. Or, je pense que ce sont des facteurs dont nous devons tenir compte. La construction de SIDBEC a fourni aux Québécois des avantages économiques considérables, ne serait-ce qu'en augmentant la concurrence qui pouvait exister pour le prix de l'acier pour les entreprises québécoises.

On accuse, évidemment, les administrateurs d'incompétence. Je ne sais pas si c'est ce que le député de Beauce veut laisser entendre. Je pense bien que personne n'a été capable de prouver quoi que ce soit sur l'incompétence des administrateurs de SIDBEC.

Le gouvernement actuellement examine une proposition d'expansion de SIDBEC, qui nous parait tout à fait justifiée. Le genre d'article qui a paru dans les journaux hier n'est pas pour favoriser le succès d'une telle expansion. Ce genre d'article, avec tout le respect que je dois aux journalistes, se trouve à aider les concurrents de SIDBEC, les autres aciéries québécoises ou canadiennes, et à nuire à une entreprise proprement québécoise.

Je respecte totalement la liberté de la presse. Je pense que, dans des questions comme celle- là, vu qu'elles impliquent des individus en particulier, on doit être très prudent. Au moins, on doit vérifier les renseignements qui nous sont donnés. Comme je l'avais dit à la fin du mois d'août, au colloque du Mont-Orford, nous respectons le rôle de la presse et nous considérons que la vigilance de la presse est absolument essentielle. Cependant, lorsqu'il y a des informations sérieuses et qu'on les publie en première page avec force publicité, le moins qu'on puisse demander, c'est qu'on vérifie des informations comme celle-là, étant donné le tort que cela peut causer à une entreprise comme SIDBEC, l'une des rares entreprises québécoises dirigées majoritairement par des francophones. Je pense que, dans ce cas, on a été très injuste vis-à-vis de SIDBEC et très injuste vis-à-vis de la communauté québécoise, en conséquence.

M. ROY: Comme le premier ministre a fait allusion à sa parenté, tout à l'heure, j'aimerais lui demander s'il peut nous assurer ce matin qu'il n'y a pas d'autres "mon oncles" ou "ma tantes" à placer à des postes administratifs, à des postes de direction dans le cadre de la nouvelle expansion ou de la nouvelle organisation de SIDBEC.

M. BOURASSA: J'ai dit tantôt que ce qui avait été affirmé était faux. M. Pontbriand n'est pas l'oncle de ma femme. Il est peut-être le deuxième ou le troisième cousin. Je trouve assez injuste qu'on fasse de telles affirmations. On l'avait fait dans le cas de M. Cyrille Simard et, dans ce cas, il n'y avait aucune parenté avec ma femme. On l'a fait à plusieurs reprises. Je trouve que ce sont des affirmations assez injustes. Quand je pense qu'on implique la plus haute autorité politique au Québec, le moins qu'on puisse demander, c'est qu'on fasse des vérifications élémentaires avant d'impliquer directement ou indirectement l'intégrité du chef du gouvernement.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

Combat de boxe

M. LEGER: Je voudrais poser ma question — changer d'arène— à un autre ministre que nous n'avons pas encore dérangé souvent depuis le début de la nouvelle Législature, et c'est le ministre d'Etat responsable de la Jeunesse, des Loisirs et des Sports. Le 14 décembre dernier, les amateurs de boxe de Montréal ont été témoins d'un triste spectacle lors d'un combat opposant un certain Walter Raley qui s'est couché sans pratiquement avoir été touché par un boxeur montréalais, Jean-Claude Leclair. Ma question est la suivante : Suite à ces événements qui cachent des choses, est-ce que le ministre a l'intention — c'est de la boxe provinciale; ce n'est pas de la boxe ici — de reprendre le projet de création...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEGER: II y en a qui ont des instincts de boxeurs à l'Assemblée nationale. Le ministre a-t-il l'intention de reprendre le projet de création d'une régie provinciale qui aurait les pouvoirs nécessaires pour remettre de l'ordre dans le domaine de la boxe ce qui semble être un grand besoin actuellement?

M. PHANEUF: M. le Président, je suis bien au courant du problème. Je ne pourrai jamais faire un projet de loi, de toute façon, pour empêcher un boxeur de se coucher, mais je puis assurer cette Chambre que j'ai l'intention, justement, de présenter un projet de loi pour créer une commission athlétique provinciale.

M. LEGER: Une question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que cette commission, cette régie pourra s'occuper autant du domaine de la boxe, de la lutte, etc., premièrement? Deuxièmement, est-ce que le ministre donnera un mandat pour vérifier les questions qu'on pose ici, dans l'immédiat au sujet du contrôle de la boxe? On pose les questions suivantes: Comment se fait-il qu'à Montréal, un gérant des boxeurs, Roger Larrivée, puisse être associé à un promoteur, Régis Lévesque? Comment se fait-il qu'à Québec...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LEGER: ... un gérant, Fernand Marcotte Sr, puisse être copromoteur, en compagnie de Bernard Proulx? Et finalement, comment se fait-il qu'un promoteur, Régis Lévesque, puisse obtenir l'exclusivité d'un boxeur comme Jean-Claude Leclair? Trois questions. Quand le ministre a-t-il l'intention de créer cette régie; deuxièmement, de régler ces problèmes que dénotent un ensemble de situations inacceptables au Québec?

M. PHANEUF: M. le Président, pour ce qui est du projet de loi, je suis certain que, même avec une loi et même avec une commission athlétique provinciale — les faits que le député de Lafontaine mentionnent se sont passés à Montréal, où il existe une commission athlétique — et malgré la commission athlétique, cela n'empêche pas qu'il puisse y avoir des problèmes.

J'ai dit et je le répète, c'est mon intention d'avoir une commission athlétique provinciale pour couvrir l'ensemble du territoire de la province. Ce projet de loi, je l'espère, sera présenté au printemps, mais j'ai l'intention auparavant de terminer le travail du comité qui est en train de terminer l'enquête au niveau provincial. Lorsque j'aurai ce rapport, je suis certain que le projet de loi sera déposé en Chambre.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Papineau.

Spéculation sur les terrains

M. ASSAD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires municipales. Est-ce qu'il y a possibilité que le ministère des Affaires municipales étudie la formation d'un organisme qui pourrait geler la vente de certains terrains, pour empêcher la spéculation des terrains, dans le domaine de la construction des maisons unifamiliales? Disons que c'est un organisme semblable à celui de l'Ontario Land Bank.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, effectivement c'est une préoccupation actuelle du gouvernement et plusieurs ministères, chacun dans le champ de son intérêt, se penchent sur les façons de réserver, pour des fins particulières, des banques de terrains. Le gouvernement fédéral, avec des modifications à la Loi nationale sur l'habitation, a créé un mécanisme qui aide au financement de cette activité, qui est présentement l'obstacle majeur. Il va sans dire que l'avant-projet de loi de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire constitue l'instrument possible par excellence, avec les autres lois présentées par chaque ministère dans le domaine de sa compétence, pour assurer la protection des terrains qui doivent être réservés et protégés contre la spéculation, pour que la collectivité puisse s'en servir de façon utile et à long terme.

M. LEGER: Une question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que le ministre, à la suite de sa réponse concernant la Loi nationale sur l'habitation et l'aménagement du territoire, a l'intention de donner suite à ce qu'il a promis, au mois de novembre, soit de doter le Québec, d'un code du bâtiment?

M. GOLDBLOOM: Oui, M. le Président. M. LEGER: Oui, mais quand?

M. LESSARD: Dans quel délai, M. le Président?

LE PRESIDENT: L'honorable député...

M. LESSARD: Pas de détail. Dans quelle année?

LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

Subventions aux garderies

M. BEDARD (Chicoutimi): Ma question s'adresse au ministre d'Etat au ministère des Affaires sociales. Nous savons que le Québec a exercé son droit de veto pour empêcher le gouvernement fédéral d'octroyer des subventions aux garderies populaires de Montréal via le Programme d'initiatives locales.

Ma question serait la suivante: Je voudrais

savoir pourquoi — la raison profonde — le Québec a exercé ce droit de veto alors qu'il devait savoir qu'il n'avait pas les capacités financières d'assurer la relève dans ce domaine.

MME BACON: M. le Président, j'ai l'impression d'avoir déjà répondu à cette question il y a quelques jours. Je pense que le député de Chicoutimi sait très bien qu'aucun droit de veto n'a été donné par le Québec. Des avis ont été donnés, mais aucun droit de veto n'a été donné par le Québec.

Je pense que c'est la seule réponse que l'on peut donner aujourd'hui.

M. BEDARD (Chicoutimi): Question supplémentaire, M. le Président. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi le gouvernement fédéral a cessé? Est-ce à la suite d'une action posée par le Québec que le gouvernement fédéral a cessé ses subventions aux garderies populaires?

Question supplémentaire, M. le Président. L'honorable ministre d'Etat au ministère des Affaires sociales nous a déjà donné une réponse. Ma question de ce matin est une suite logique à la réponse qu'on nous a donnée où il était spécifié que le Québec, au niveau du financement, n'avait pas le $1,500,000 nécessaire pour continuer le programme et que le ministère des Affaires sociales, n'avait pas les $30 millions nécessaires pour l'établissement d'un système de garderies. Alors, ma question est une suite à la réponse que me donnait, il y a quelques jours, l'honorable ministre des Affaires sociales sur le financement. Si le gouvernement savait ou devait savoir qu'il n'avait pas les possibilités financières, pourquoi avoir arrêté le gouvernement fédéral de subventionner les garderies populaires? Si ce n'est pas le cas, est-ce qu'il y a eu une action du Québec vis-à-vis du gouvernement fédéral face à la situation de l'arrêt des subventions aux garderies populaires?

MME BACON: Ce que je dois encore répéter, M. le Président, c'est qu'il n'y a aucun veto qui a été exercé par le Québec. Le député de Chicoutimi a l'air d'avoir une bonne mémoire. S'il se rappelle tous les chiffres qui ont été cités, il devrait se rappeler, en même temps, que j'ai dit qu'il y avait des avis qui avaient été donnés par le ministère des Affaires sociales.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je suis d'accord... M. le Président, question supplémentaire. Peut-être que je m'exprime mal. Que ce soit un droit de veto qui ait été exercé par le Québec, ou que ce soit un avis, peu importe, là n'est pas le fond de la question. Le fond de la question, à laquelle je veux une réponse ce matin, c'est pourquoi soit un droit de veto ou un avis a pu être exercé par le Québec vis-à-vis du gouvernement fédéral; pourquoi une action générale du Québec, quelle qu'elle soit, vis-à-vis du gouvernement fédéral a été posée dans le sens d'arrêter les subventions...

UNE VOIX: Cela fait trois fois que vous posez la question.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je peux poser la question dix fois, c'est une réponse que je veux. Comprenez donc. On ne l'a pas la réponse.

UNE VOIX: Wo! Wo!

M. BEDARD (Chicoutimi): Je sais que cela leur passe par-dessus la tête, les garderies populaires.

M. LESSARD: Ils ont le moyen de se payer des gardiennes, eux.

M. BEDARD (Chicoutimi): Peut-être que cela ne passe pas par-dessus la tête, par exemple...

M. LESSARD: Ils ont le moyen de se payer des gardiennes, eux.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... d'autres personnes moins favorisées. Alors, ma question...

M. CHOQUETTE: Allez, on vous attend.

M. LESSARD: C'est justement. Cela fait trois fois...

M. BEDARD (Chicoutimi): Arrêtez de crier...

M. LESSARD: ... qu'il la pose.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... et on va poser la question.

M. CHOQUETTE: Procédez. Renseignez-vous.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je pense bien que pour procéder je n'attendrai pas les ordres de l'honorable ministre de la Justice....

M. CHOQUETTE: C'était une suggestion.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... mais ceux de l'honorable président de la Chambre.

M. CHOQUETTE: Procédez.

M. BEDARD (Chicoutimi): A moins que le pouvoir, dans cette Chambre, ait changé de place.

M. CHOQUETTE: Procédez.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, que ce soit un avis, quelle que soit l'action qui ait été faite par le gouvernement du Québec vis-à-vis du fédéral, je repose ma question à laquelle je crois ne pas avoir eu de réponse:

Pourquoi le Québec a-t-il exercé soit un droit de veto, soit un avis, comme le dit l'honorable ministre des Affaires sociales, vis-à-vis du programme de subventions du fédéral face aux garderies populaires si le gouvernement savait ou devait savoir qu'il n'avait pas les possibilités financières d'assurer la relève dans ce domaine? C'est au niveau de la finance.

MME BACON: M. le Président, j'essaie de comprendre une question dans ce que vient de dire le député de Chicoutimi.

UNE VOIX: C'est bien simple, pourtant.

MME BACON: Je répète ce que j'ai déjà dit. Je peux le référer à la déclaration que j'avais faite au moment où il a posé sa première question, il y a quelque temps. Je répète que des avis ont été donnés, quant aux normes, par le ministère des Affaires sociales. Je sais très bien que le ministère des Affaires sociales est vraiment sensibilisé au problème des garderies. Nous tentons de préparer un programme préliminaire — cela peut peut-être devancer d'autres questions que le député de Chicoutimi aurait à poser — et nous ferons des consultations dans les premiers mois de 1974.

UNE VOIX: Sans argent.

UNE VOIX: Très bien, très bien.

M. BEDARD (Chicoutimi): Une question supplémentaire, M. le Président.

LE PRESIDENT: La dernière, je crois, parce que l'honorable chef...

M. BEDARD (Chicoutimi): Je suis très heureux de voir que le ministère des Affaires sociales prépare un programme préliminaire. Ma question est la suivante: Durant la préparation de ce programme préliminaire, pourquoi avoir arrêté les subventions que le fédéral donnait aux garderies populaires?

M. HARDY: Tiens, tiens, tiens: Les séparatistes!

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, non! Ne ramenez pas la question sur un problème fédéral-provincial !

LE PRESIDENT: Dernière question: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

Chômage d'hiver

M. MORIN: Cette fois, M. le Président, ma question est destinée au ministre des Finances. A l'automne 1972, le ministre des Finances annonçait son intention d'utiliser la quasi-totalité des fonds mis à la disposition du Québec par le gouvernement fédéral — je crois qu'il s'agissait d'une somme d'environ $100 millions — dans le cadre de son programme de lutte au chômage d'hiver. Il avait annoncé que ces sommes seraient utilisées, non pas en 1972/73, mais en 1973/74.

M. le Président, compte tenu du fait que les dernières statistiques estiment à 171,000 le nombre des chômeurs québécois, à l'heure actuelle, et qu'on peut prévoir qu'au cours de l'hiver, de janvier à mars en particulier, ce nombre risque d'atteindre le chiffre de 200,000, le ministre a-t-il prévu un programme de travaux publics susceptible de stimuler l'embauche au cours de l'hiver?

M. GARNEAU: M. le Président, le programme qui a été mis en marche l'an dernier, à la suite des discussions avec le gouvernement fédéral, se poursuit.

J'avais annoncé que la partie concernant les municipalités allait être effectuée au cours de l'hiver 1973/74, ce qui se produit suivant les procédures établies et mises en application par le ministère des Affaires municipales. Les municipalités ont fait parvenir, au cours du printemps dernier et de l'été, des projets qui ont été analysés par le ministère des Affaires municipales et acceptés pour le montant disponible à l'intérieur du programme, qui était d'une trentaine de millions de dollars.

Pour ce qui est du reste des sommes mises à la disposition du Québec, une liste de projets avait été discutée et acceptée par le fédéral et par le Conseil du trésor du Québec. Ces projets vont se poursuivre. Je n'ai pas le rapport devant moi, évidemment, mais les projets qui ont commencé au cours de l'hiver 1972/73 vont se poursuivre durant la période de 1973/74. Je n'aurais pas d'objection à déposer — d'ailleurs, je crois l'avoir déjà fait ici — la liste de ces projets auxquels les sommes avaient été appliquées.

M. MORIN: Question supplémentaire, la dernière. Est-ce que le ministre prévoit dépenser tous les fonds qui ont été mis à sa dispostion?

M. GARNEAU: Pour ce qui est du gouvernement du Québec, je répondrai oui. Pour ce qui est des municipalités, contrairement aux programmes des années antérieures, elles ont été avisées suffisamment d'avance pour qu'elles puissent réaliser les projets pour lesquels elles ont demandé des fonds.

Mais, si, au cours des prochains mois, des municipalités changeaient d'avis, ralentissaient le rythme des travaux ou mettaient de côté pour des raisons diverses des projets qui avaient été acceptés, je ne peux pas garantir que la totalité des $30 millions seraient ou ne seraient pas dépensés, parce que ce n'est pas le gouvernement du Québec qui est maître d'oeuvre dans ce cas-là.

LE PRESIDENT: Avant de passer aux affaires du jour...

M. LEVESQUE: Dépôt de documents. LE PRESIDENT: Dépôt de documents.

DEPOT DE DOCUMENTS Commission des accidents du travail

M. CHOQUETTE: Je voudrais déposer deux exemplaires du rapport de la Commission des accidents du travail de Québec relativement à l'administration de la Loi de l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

Commission des services juridiques

M. CHOQUETTE: Je voudrais également déposer deux exemplaires du rapport de la Commission des services juridiques. Egalement je dépose deux rapports du Conseil consultatif de la justice.

Conseil de la politique scientifique du Québec

M. SAINT-PIERRE: II me fait plaisir de déposer le premier rapport annuel du Conseil de la politique scientifique du Québec.

Décision de M. le Président sur la demande d'un débat d'urgence

LE PRESIDENT: Avant de passer aux affaires du jour, j'avais remis à ce jour une décision sur une demande de l'honorable député de Maisonneuve pour la tenue d'un débat d'urgence relativement à l'existence, au sein du Conseil exécutif, d'un Centre d'analyse et de documentation, dont la création et le maintien n'auraient pas été autorisés par l'Assemblée nationale.

J'ai considéré cette question, et j'en ai même discuté avec le leader parlementaire de l'Opposition. Disons que je considère actuellement que nous avons déjà non seulement des débats d'urgence, mais des débats privilégiés en quantité au feuilleton. Il y en a un en route et deux sont annoncés, dont l'un doit se tenir aujourd'hui et l'autre, samedi.

Je dois ajouter également que sa demande écrite et verbale d'avant-hier ne m'a pas encore tout à fait convaincu que l'existence d'un tel organisme causait une crise soudaine, qui est un des éléments, entre autres, pour l'octroi d'un tel débat. Egalement, je ne me suis pas convaincu que l'étude d'une telle question s'impose.

Egalement, je dois remarquer que, dans les crédits supplémentaires que la Chambre étudie ou étudiera très prochainement, il y a un programme qui relève du Conseil exécutif. Comme ce Centre d'analyse et de documentation semble relever du Conseil exécutif, je suis convaincu que le leader parlementaire de l'Opposition pourra en discuter à ce moment.

De toute façon, je ne ferme pas totalement la porte. Si éventuellement, soit avant les Fêtes ou après les Fêtes, l'existence d'un tel organisme peut soulever certains points d'interrogation, le leader parlementaire de l'Opposition pourra toujours renouveler sa demande.

M. BURNS: Merci, M. le Président.

Questions inscrites au feuilleton

M. LEVESQUE: M. le Président, en réponse à des questions posées au feuilleton du mercredi 19 décembre, article 9, question de M. Roy, réponse de M. Massé.

M. MASSE: Lu et répondu. (Voir Annexe)

M. LEVESQUE: Article 16, question de M. Roy, réponse de M. Massé.

M. MASSE: Lu et répondu. (Voir Annexe)

M. LEVESQUE: Article 22, question de M. Roy, réponse de M. Tetley. Pour M. Tetley, lu et répondu. (Voir Annexe)

LE PRESIDENT: Article numéro...

M. LEVESQUE: Je suis entre vos mains.

Motion de censure de M. Morin

LE PRESIDENT: Messieurs, en ce qui concerne le débat restreint que nous avons ce matin en vertu de l'article 24 de notre règlement, la motion de censure proposée par l'honorable chef de l'Opposition officielle, il nous reste environ 125 à 130 minutes avant la suspension des travaux à 13 heures. Nous allons prendre, si vous voulez, la même base que pour un débat récent. L'Opposition officielle aura entre 55 et 60 minutes, le Parti créditiste, 15 minutes et le parti ministériel, 55 minutes, y compris, dans le droit de parole du Parti québécois, le droit de réplique. La mise aux voix sera demandée quelques minutes avant 13 heures.

L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. Jacques-Yvan Morin

M. MORIN: M. le Président, l'Opposition a inscrit au feuilleton de l'Assemblée nationale une motion privilégiée de censure à l'encontre de la politique ou plutôt, je devrais dire, de l'absence de politique linguistique, du gouverne-

ment. Cette motion se lit comme suit: "Que cette Assemblée blâme le gouvernement d'avoir négligé de prendre les mesures requises pour faire du français au Québec la seule langue officielle, la langue de travail et la langue d'enseignement pour les immigrants."

Dans une première partie, M. le Président, je voudrais analyser la situation actuelle du français au Québec.

Deux mouvements sont perceptibles à l'heure actuelle, à la lumière des plus récentes études statistiques, surtout celles qui sont issues du recensement de 1971, dont l'analyse n'est malheureusement pas tout à fait terminée, pas assez poussée, pas aussi poussée en tout cas qu'elle le pourrait être. Mais cette analyse permet toutefois de dégager deux tendances générales et qui me paraissent convergentes.

J'analyserai maintenant ces deux tendances; je tenterai de montrer dans quelle mesure elles se conjuguent pour créer un problème linguistique aigu au Québec. Le premier phénomène, M. le Président, c'est la perte de vitesse évidente, c'est-à-dire l'assimilation de plus en plus prononcée des francophones au Canada, à l'extérieur du Québec.

Je sais bien que le ministre me dira qu'il n'est pas responsable de l'assimilation des nôtres à l'extérieur du Québec, mais c'est un phénomène qui, lorsqu'il se conjugue avec la tendance à l'assimilation que nous observons maintenant à l'intérieur du Québec, donne à l'ensemble du problème des proportions considérables. Cet aspect n'est pas le coeur de mon propos et je ne ferai que l'illustrer d'une seule série de statistiques qui démontrent clairement que le français au Canada est en régression constante, je dirais même dramatique. Nous verrons tout à l'heure d'ailleurs, comme je l'ai indiqué, que le français est également en régression au Québec même.

Malgré la régression du français au Québec, les Québécois comptent pour une proportion croissante de tous les francophones du Canada. Ainsi, alors qu'en 1941, 81 p.c. des francophones du Canada résidaient au Québec, ce pourcentage passe successivement à 82 p.c. en 1951, à 83 p.c. en 1961 et à 84 p.c. en 1971. C'est donc un phénomène lent, mais inexorable.

Ce n'est pas dire, évidemment, que le pourcentage des francophones augmente à l'intérieur du Québec même. C'est dire que, malgré le recul au Québec, la proportion de francophones à l'intérieur du Québec augmente par rapport à la proportion dans l'ensemble du Canada. Nous sommes maintenant à 84 p.c. Il est donc de plus en plus clair, M. le Président, que les francophones de l'extérieur du Québec sont en voie, hélas! d'assimilation, sauf quelques noyaux qui persistent encore. On doit reconnaître que dans le cas du Nouveau-Brunswick, les Acadiens se réveillent depuis quelque temps; mais, même là, même en Acadie, les chiffres et les statistiques du dernier recensement sont très troublants. J'inviterais donc les tenants du "bilingualism from coast to coast" à méditer ces chiffres qui me paraissent extrêmement troublants.

Pourquoi en est-il ainsi, M. le Président? Ce n'est pas bien compliqué. C'est tout simplement, si je puis me permettre un rappel historique, que le français a été battu en brèche dans toutes les provinces, sauf le Québec, depuis la confédération, depuis 1867. Dois-je rappeler, dois-je vous rappeler, M. le Président, que dès 1870, les Acadiens se sont vus privés de leurs écoles publiques francophones? Dois-je vous rappeler qu'en 1890, le français a été aboli comme langue officielle au Manitoba, alors que les écoles publiques francophones avaient également dû être fermées puisqu'on forçait les Manitobains francophones, non seulement à payer leurs taxes comme tout le monde pour l'entretien des écoles publiques qui devenaient des écoles anglaises, mais à financer en outre de leurs propres deniers les écoles privées francophones?

Dois-je vous rappeler qu'en 1905, la Saskatchewan et 1'Alberta ont refusé de reconnaître le moindre statut au français, même s'il y avait dans ces provinces, nouvellement créées à l'époque, des minorités francophones importantes? Dois-je vous rappeler qu'en 1912, le français a été aboli comme langue officielle dans les Territoires du Nord-Ouest? Dois-je vous rappeler qu'en 1912 également, le règlement 17 a voulu abolir le français dans les écoles de l'Ontario?

Tous ces faits qui sont l'histoire même du Canada, ces faits, qui se traduisent par une érosion implacable des droits du français dans ce pays, ont fait que dans les cinquante premières années de la Confédération, un demi-siècle ne s'était pas encore écoulé, M. le Président, déjà le français n'avait plus de statut qu'au Québec. Le Québec, pour célébrer son premier cinquantenaire, pouvait déjà constater qu'il était devenu le seul bastion francophone au Canada.

Parlons maintenant justement de ce bastion. C'est la deuxième tendance que je voudrais vous décrire. L'assimilation maintenant amorcée des francophones au Québec même est un phénomène qui doit nous préoccuper, je pense, et qui sûrement, M. le Président, vous préoccupe au plus haut point, tel que je vous connais. Alors que nous étions tout à l'heure...

M. CHOQUETTE: C'est une assimilation en sens inverse.

M. MORIN: ... alors que...

M. CHOQUETTE: Je disais que dans le cas du président, ou celui qui occupe le fauteuil, c'est une assimilation en sens inverse.

M. MORIN: Et c'est pourquoi, M. le Président, étant donné que vous êtes maintenant francophone, vous ne pouvez pas vous désintéresser de ce problème.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): ... pour le moment.

M. MORIN: Très bien. Alors que nous étions tout à l'heure devant un phénomène évident depuis déjà plusieurs générations, un phénomène qui avait déjà fait ses ravages en 1917, après 50 ans de confédération, nous sommes maintenant en face d'un phénomène qui a commencé avec le deuxième demi-siècle de la confédération. C'est avec l'industrialisation, l'urbanisation, tous ces phénomènes sociologiques qui ont heurté notre peuple de front depuis une cinquantaine d'années, voire depuis 75 ans. A vrai dire, nous sommes maintenant devant un problème d'assimilation des francophones du Québec, phénomène encore lent mais qu'on ne peut nier, qui est même perceptible statistiquement. Et, pour illustrer mon propos, je me permettrai de citer largement une étude extrêmement intéressante...

M. LESSARD: Je m'excuse auprès de mon chef parlementaire mais je constate qu'il n'y a pas quorum, M. le Président. Etant donné l'importance de cette motion, on demanderait au moins aux quelques libéraux qui restent à la suite des vacances qu'ils ont décidé de prendre d'être présents à l'Assemblée nationale.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Qu'on appelle les députés !

M. MORIN: Pour illustrer mon propos, je me permettrai de citer largement une étude extrêmement intéressante, l'une des premières d'ailleurs à être faites depuis la publication des chiffres du recensement de 1971. Il s'agit d'une étude du professeur Charles Castonguay, du département de mathématiques de l'Université d'Ottawa. Je sais que le député de Rimouski va me dire que cela ne vaut rien puisque c'est encore un professeur, mais j'estime que ces chiffres sont tout de même importants.

Je sais que ces problèmes lui passent largement par-dessus la tête.

M. SAINT-HILAIRE: Question de privilège. On vient de m'accuser de dire que cela ne vaut rien. Je considère trop ma langue française pour dire que cela ne vaut rien. Je peux discuter longuement des propos de l'honorable ministre de l'Opposition, qui nous fait perdre notre temps alors que nous avons d'autres projets de loi beaucoup plus importants à l'heure actuelle à discuter. Je m'excuse... de l'honorable chef de l'Opposition.

C'est parce qu'il aimerait tellement ça se faire appeler ministre qu'au moins, je peux lui rendre cet hommage, ce matin. Il parle comme s'il se regardait dans un miroir.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît ! Le député de Sauvé.

M. MORIN: M. le premier ministre...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): M. le Président.

M. MORIN: M. le Président, ça viendra certainement si nous laissons l'assimilation continuer son oeuvre destructrice, M. le Président. Je ne doute pas que vous feriez un excellent premier ministre.

Je reprends donc cette étude de M. Castonguay. En comparant les chiffres de 1961 avec ceux de 1971, de même que les statistiques concernant la langue maternelle avec celles qui portent sur la langue d'usage dont nous disposons, en 1971, je le signale, pour la première fois, on peut croire qu'à la surface, le français se porte bien au Québec, puisqu'il réalise semble-t-il, un gain net de 3,000 ou, plus précisément, de 2,850 nouveaux usagers. Mais ce qui est frappant c'est que l'anglais se porte encore bien mieux puisqu'il gagne 99,000 nouveaux usagers. Cela semble indiquer que le problème du français réside uniquement dans son faible attrait pour les Néo-Québécois. Mais, si l'on gratte un peu la statistique, on constate que sous la surface, on ne peut pas en conclure qu'il faille jeter tout le blâme sur l'immigrant. En effet, je me permets de tirer de tous ces chiffres trois constatations.

La première, c'est qu'au niveau de 74 divisions de recensement qui couvrent tout le Québec, on constate que dans 28 de ces subdivisions, il y a assimilation nette de francophones par le groupe anglophone, et que dans 22 autres, l'anglais attire vers lui des nouveaux usagers plus fortement que le français, tenant compte évidemment de l'importance numérique relative des deux groupes. Ces 50 divisions regroupent plus de 75 p.c. de la population québécoise. Le chiffre net de pertes, le chiffre net de francophones assimilés est de 7,135. Pour combler cette perte, 7,135 nouveaux usagers se sont donc joints aux 3,000 net au niveau du Québec. Ces 7,135 se répartissent entre 2,350 de langue maternelle anglaise et quelque 5,000 de langues maternelles autres que l'anglais ou le français. Le professeur Castonguay conclut que l'ampleur insoupçonnée à l'assimilation des francophones diminue donc sensiblement le taux d'attraction net du français. C'est un premier phénomène.

Le second est celui-ci. Si, au niveau d'une division de recensement, il ne paraît pas y avoir assimilation d'un groupe par l'autre, il se peut qu'en examinant ses composantes internes, un même phénomène d'assimilation se révèle, comme nous l'avons vu plus haut.

Prenons par exemple — et cela intéressera sûrement le ministre de l'Education — l'île de Montréal, le français y réalise un gain net de 1,000 individus, tandis que l'anglais réalise un gain de 72,000. Mais, dans 20 des 30 municipalités de l'île de Montréal, il y a assimilation des francophones par le groupe anglophone, avec

un résultat net de 7,250 personnes assimilées. Les 10 autres municipalités comblent donc cette perte avec 8,250 nouveaux usagers du français, presque tous gagnés dans Montréal même, dans Montréal-Nord, que j'ai l'honneur de représenter dans cette Assemblée et dans Saint-Léonard, et dont une centaine seulement proviennent du groupe de langue maternelle anglaise. Donc, l'attraction du français à Montréal n'est pas si faible qu'il parait.

Par contre, l'assimilation des francophones compromet les gains réalisés par cette attraction.

M. CHOQUETTE: Est-ce que le chef de l'Opposition me permet une question, M. le Président?

M. MORIN: Tout à l'heure, M. le Président. J'ai un exposé beaucoup plus long que le temps qui m'est alloué. Je le regrette.

M. SAINT-HILAIRE: Extrêmement savant!

M. MORIN: Donc, si maintenant on additionne 7,135 personnes avec 7,250, on obtient 14,385 francophones assimilés. Donc, 14,385 transferts linguistiques nets du français, langue maternelle, à l'anglais, langue d'usage. Evidemment, ce n'est pas tout le phénomène des transferts linguistiques; ce n'en est qu'un aspect. Je ne parle que des transferts du groupe francophone à la langue d'usage anglaise.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! Messieurs, un peu de décorum, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. MORIN: Alors, quel est le chiffre brut des transferts linguistiques au Québec? Bien, nous attendrons, pour le savoir d'une manière précise, une publication prochaine de Statistique-Canada qui doit paraître en 1974, au mois de janvier. Notons, cependant, que cette perte de 14,385 individus s'inscrit aussi comme gain pour le groupe anglophone, ce qui cause en réalité — tous les gens qui ont fait des élections, je pense, comprendront cela — un écart de 28,770 entre les deux groupes linguistiques majeurs.

L'ampleur de cette assimilation n'est donc pas négligeable, nous dit M. Castonguay, et l'assimilation prend place à côté de la dénatalité, à côté de l'immigration et de l'émigration — dont je dirai un mot tout à l'heure — à côté aussi de l'assimilation des immigrants au groupe anglophone, parmi les principaux facteurs influençant la situation linguistique du Québec.

Au-delà de cette assimilation, il y a la baisse du taux de natalité, la saignée alarmante du groupe francophone par les migrations, ce qui est un phénomène dont on ne tient pas suffisamment compte quand on sait maintenant que, de 1961 à 1971, se sont transportés hors du Québec 112,000 Québécois d'origine ethni- que française. Là-dessus, je pourrais renvoyer à plusieurs études qui sont toutes concurrentes, qui ont toutes les mêmes conclusions sur ce phénomène dont nous ne tenons pas suffisamment compte et qui est encouragé, faut-il le souligner au passage, par les politiques de déplacement de la main-d'oeuvre du gouvernement fédéral.

M. CHOQUETTE: Ah! Ah! Ah! M. MORIN: Oui, oui, certainement. M. CHOQUETTE: Vous ne pensez pas... M. MORIN: C'est difficile à chiffrer... M. CHOQUETTE: Ah!

M. MORIN: ... mais je crois que cela va dans le même sens. Alors...

UNE VOIX: C'est ça, des supositions!

M. MORIN: ... est-ce que ce ne serait pas...

M. CHOQUETTE: Vous ne pensez pas que c'est occasionné principalement par le fait qu'on manquait d'emplois ici?

M. MORIN: ... tout simplement à cause, M. le Président, de la situation économique des francophones du Québec et du statut peu reluisant du français au Québec? Est-ce que ce ne seraient pas là les principales causes de cette émigration? Ne serait-ce pas aussi...

M. CHOQUETTE: M. le Président...

M. MORIN: ... pour reprendre une question...

M. CHOQUETTE: ... je vais poser une question.

M. MORIN: Non. Ecoutez, M. le Président,...

M. CHOQUETTE: Je vais poser une question.

M. MORIN: ... le ministre me dérange...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A moins que vous ayez le consentement.

M. CHOQUETTE: Non, non, mais je voudrais...

M. MORIN: ... depuis tout à l'heure.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! ...

M. CHOQUETTE: Je voudrais m'instruire au contact du chef de l'Opposition.

M. LESSARD: Le règlement, M. le Président.

M. MORIN: M. le Président,...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! ... A moins qu'il y ait consentement de l'opinant, vous n'avez pas le droit de poser une question.

M. MORIN: ... le ministre...

M. SAINT-HILAIRE: II refuse de donner son consentement!

M. MORIN: M. le Président, le ministre est intéressé; je vois que ces questions l'intéressent, je m'en réjouis. Il aura tout le loisir de faire un grand discours tout à l'heure.

M. LESSARD: ... sa police, lui.

M. MORIN: Peut-être qu'il pourra ajouter son grain de sel à ce que dira le ministre de l'Education.

M. LESSARD: Le crime organisé, occupez-vous de ça.

M. HARDY: Vous n'acceptez pas les nouvelles méthodes pédagogiques.

M. MORIN: Je me réjouis de l'intérêt...

M. LESSARD: La police et l'enquête sur le crime organisé.

M. MORIN: ... du ministre, mais je voudrais qu'il cesse de m'interrompre.

M. CHOQUETTE: Faites attention à vous, vous allez être convoqué!

M. LESSARD: Ah! Je vais me faire "bobiner"!

M. MORIN: Ne serait-ce pas comme le constate le professeur Castonguay, que l'anglais serait en passe de devenir, au Québec, la langue de la promotion sociale, la langue de la promotion économique et, pour tout dire, la langue de la réussite? C'est un phénomène qui, me semble-t-il, est de plus en plus perceptible.

Alors, ce double phénomène que je viens de décrire, à l'extérieur du Québec, d'une part, à l'intérieur, de l'autre, ces deux tendances sont extrêmement graves pour l'avenir du fait français au Canada, bien sûr, mais, d'abord et avant tout, au Québec.

Nous constatons, d'une part, que le sort des minorités à l'extérieur du Québec est gravement compromis, s'il n'est pas, à toutes fins pratiques, réglé historiquement. En tout cas, ces minorités ne pèsent plus dans la balance. Nous constatons que la zone de compénétration linguistique, cette zone de bilinguisme, qui, en réalité, est une zone d'assimilation, s'est déplacée. Alors qu'autrefois, et cela jusqu'à, peut-être, ces vingt dernières années, cette zone de compénétration se situait au Manitoba, dans certaines régions de l'Ontario, alors qu'elle se situait dans l'Ouest, loin du Québec, aujourd'hui cette zone de compénétration linguistique est rendue au Québec. Evidemment, elle est aussi installée au Nouveau-Brunswick et dans tout ce qu'on pourrait appeler les marches culturelles du Québec; j'entends le nord de l'Ontario, la région circonvoisine de Montréal, qui se situe pour une large mesure dans l'Ontario, la Vallée de l'Outaouais, Montréal, bien sûr, cela va de soi, mais même, M. le Président, la Gaspésie n'échappe pas, d'après les statistiques, à cette zone de bilinguisation à sens unique.

Donc — c'est ma conclusion pour cette première partie — le bastion culturel québécois lui-même, le bastion linguistique lui-même est aujourd'hui assiégé. Autrefois, nous pouvions nous bercer d'illusions. Nous pouvions parler des problèmes des minorités à l'extérieur du Québec. Désormais, ce problème se pose dans le sein même du Québec. C'est comme si le cancer, autrefois périphérique, s'attaquait maintenant aux organes vitaux. C'est comme si le bastion culturel, qui n'était menacé autrefois que par des escarmouches dans la plaine, était maintenant assiégé au pied même du glacis québécois. Cette situation me paraît très grave et je ne vois pas ce qui pourrait permettre de la redresser.

Je vais, quand même, dans une seconde partie, examiner les signes qui pourraient nous permettre de voir, dans un avenir prochain, une amélioration ou —ce qui est plus probable étant donné l'absence de politique gouvernementale, étant donné que la politique gouvernementale, si tant est qu'il y en ait une, n'a été, à toutes fins utiles, jusqu'ici, qu'une série de petites mesures plus ou moins efficaces — ne s'agirait-il pas plutôt non pas d'une amélioration, mais d'une accélération du mouvement que je viens de décrire et qui est déjà non seulement perceptible à l'oeil nu, mais très nette?

Lorsqu'on examine le phénomène des transferts linguistiques, celui qui nous intéresse actuellement, il faut en rechercher les causes pour voir si le phénomène va se poursuivre et également pour savoir où le gouvernement doit agir et par quelles mesures, pour que son action porte des fruits et pour que cette "souveraineté culturelle" ne soit pas qu'un slogan vide de sens, comme le laissait entendre le mémoire du ministère de l'Education. Ce mémoire dont la paternité demeure, semble-t-il, douteuse, contenait des observations fort justes à l'occasion.

J'espère que le ministre de l'Education nous apprendra qu'il en est effectivement le père ou en tout cas qu'il en endosse la paternité.

Lorsque je parle d'une action qui pourrait porter des fruits, je prends pour acquis que le

gouvernement a l'intention d'agir. Je prends pour acquis — et le ministre, quelquefois, a des velléités qui pourraient nous porter à croire qu'il a l'intention de faire quelque chose — que le ministre ou le gouvernement, puisque le ministre, j'imagine, fait son possible, n'est pas prisonnier de ces 20 p.c. d'anglophones qui en toute bonne foi, certainement, lui accordent leur vote.

Il est possible de dégager pour les fins de cette analyse, qui n'a pas de prétentions scientifiques cette fois, mais qui pourrait nous aider à voir où le gouvernement a péché par omission dans sa politique linguistique, trois facteurs d'assimilation ou de transfert linguistique.

Avant d'aborder cette partie, M. le Président, puis-je demander combien de temps il me reste?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Vous avez 60 minutes pour votre parti. Vous avez dépassé 30 minutes, mais vous pouvez parler comme vous voulez.

M. MORIN: J'ai déjà parlé une demi-heure?

Je vais analyser successivement trois facteurs de transfert linguistique. D'abord l'école, ensuite le travail et ensuite les mass media. Enfin, je vais essayer de faire le tour de tout ce qui constitue l'environnement culturel d'un être québécois.

Dans ces trois secteurs, nous pouvons déceler aujourd'hui des éléments qui nous permettent d'affirmer, je crois sans l'ombre d'un doute, qu'au train où vont les choses, non seulement le mouvement de transfert linguistique en faveur de l'anglais ne se résorbera point, mais qu'au contraire nous allons être témoins, au cours des années qui viennent, d'un phénomène d'accélération.

Je me contenterai sur ce sujet de rappeler les chiffres dramatiques sur l'assimilation des francophones, chiffres contenus dans un rapport préparé par le démographe Louis Duchesne pour la Direction générale de la planification du ministère de l'Education. Je me dois d'ailleurs de souligner que la population québécoise doit la publication de ces chiffres à une fuite providentielle, au quotidien La Presse. Et je crois que nous pouvons en remercier ce journal.

Le ministre nous a dit que c'étaient des chiffres préliminaires. Mais je lui demanderais quand est-ce que des chiffres cessent d'être préliminaires? Quand ils auront doublé? Je parle de ce document Duchesne dont vous nous avez dit qu'il est provisoire, préliminaire, et je ne sais trop encore quelle épithète vous avez pu utiliser.

Et vous voudrez peut-être tout à l'heure nous dire quand un document comme celui-là cesse d'être préliminaire. Va-t-on attendre pour le publier officiellement que les chiffres se soient aggravés? Pourquoi, au fond, cacher aux Québécois leur véritable situation? C'est un autre élément qui intervient dans cette motion de censure.

Toujours le jeu de cache-cache, impossible de savoir exactement où nous en sommes. Il faut attendre fuite sur fuite, sur fuite pour que les Québécois soient renseignés. M. le ministre, quand vous lasserez-vous de ces fuites et pren-drez-vous la bonne habitude de rendre les chiffres publics?

Qu'avez-vous à perdre, M. le ministre, à ce que les Québécois connaissent la situation réelle de leur langue?

Qu'avez-vous à perdre à sensibiliser les Québécois? M. le ministre, je ne sache pas que vous ayez cessé d'être francophone. Je ne sache pas que le ministre de l'Education ait oublié la culture à laquelle il se rattache. Je ne sache pas, non plus, qu'il soit devenu insensible aux responsabilités qu'il porte non seulement en tant que ministre de l'Education, mais en tant que responsable de ce qu'on appelle la "politique linguistique" du gouvernement québécois.

Nous savions déjà que la très grande majorité des immigrants fréquentait l'école anglaise-, cette proportion est supérieure à 90 p.c. à Montréal. Nous reparlerons de ce phénomène peut-être en parlant du bill 63. Ce que nous savons aujourd'hui, c'est qu'un nombre croissant de francophones fréquentent maintenant l'école anglaise. Ce chiffre, nous le savons maintenant, est supérieur à 25,000 pour l'année dernière. Ce phénomène est curieux, comme l'a noté d'ailleurs la journaliste de la Presse, qui, la première, a porté ce document à la connaissance du public dans un article du 8 décembre. J'en profite, d'ailleurs, pour signaler que le rapport avait été remis au ministère dès le mois d'octobre, n'est-ce pas?

M. CLOUTIER: Au ministère, pas au ministre.

M. MORIN: On me permettra de citer deux passages de cet article du 8 décembre: "C'est curieusement dans les régions les plus françaises du Québec que les écoles anglaises reçoivent la plus grande proportion d'élèves francophones. Ainsi, au Saguenay, les francophones forment 43 p.c. de la clientèle des écoles anglaises". Eh oui! A Québec, dans notre bonne ville de Québec, M. le Président, que j'ai toujours à coeur puisque j'en suis natif, 33 p.c! "A Trois-Rivières, les francophones constituent plus de la moitié de la population des écoles anglaises". Je l'ai signalé au ministre la semaine dernière: n'était la présence des francophones dans certaines de ces écoles, elles devraient fermer leurs portes. Ce sont des francophones qui font tenir ouvertes ces écoles.

M. BACON: ...

M. MORIN: M. le Président, autrement dit, les francophones sont plus nombreux à Trois-Rivières que les anglophones dans les écoles

anglaises; ils y sont 54 p.c. "Au Saguenay et à Trois-Rivières, ce phénomène s'est accentué de 1971 à 1972. En un an, continue l'article, la proportion d'élèves français qui étudient en anglais s'est haussée de 11 p.c. dans le premier cas et de 13 p.c. dans le second cas. Pendant que, en dehors de Montréal, les francophones fournissent 17 p.c. de la clientèle des écoles anglaises, 10 p.c. dans la région de Montréal, une analyse démographique montre que le pouvoir d'attraction de l'anglais comme langue d'enseignement augmente partout au Québec". Oui, "la voix" commence à me manquer.

Comme ça fait plusieurs fois que je fais ce vilain jeu de mots, M. le Président, vous voudrez bien m'en excuser.

M. BACON: On a quasiment peur d'une autre motion.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! ... A l'ordre!

M. MORIN: M. le Président, puis-je continuer? Eh bien, nous savons que les transferts linguistiques permanents ne s'effectuent pas dès l'école; ça, il y a plusieurs psychologues qui nous l'ont appris. Mais nous savons également que l'école prépare les transferts linguistiques permanents, lesquels se produisent en général, nous dit-on, vers l'âge de la maturité, c'est-à-dire entre 20 et 25 ans, à l'âge où l'écolier, désormais devant ses responsabilités, doit prendre une profession, à l'âge où il va se marier.

C'est à ce moment-là que les choix linguistiques interviennent. Autrement dit, au moment où l'individu s'insère de façon autonome dans la société en travaillant et en se mariant.

M. le Président, je pourrais m'étendre encore longuement sur ces phénomènes. Je mentionnerai peut-être, en passant, le travail, qui est peut-être finalement le plus important. Je devrai cependant abréger, car je ne voudrais pas monopoliser à moi seul tout le temps que vous avez alloué à l'Opposition au cours de ce débat.

Le travail est un facteur de transfert au moins aussi important que l'école, même si les instruments qui permettraient de mesurer le phénomène sont évidemment beaucoup moins raffinés et, pour tout dire, font presque complètement défaut. Je ne citerai à ce chapitre que quelques chiffres tirés des études de la commission Gendron, commission à laquelle le gouvernement nous a dit, à plusieurs reprises qu'il accordait beaucoup de crédit. La langue de travail, est-il nécessaire de le rappeler, cela touche la réalité quotidienne. Cela touche la rentabilité économique de notre langue.

Une langue n'est pas et ne peut être, à moins de vouloir en faire un résidu folklorique du passé plutôt qu'un moyen de communiquer, autre chose qu'un moyen de travailler, un moyen de vivre. Autour de la langue se greffent non pas seulement des moyens de communiquer d'homme à homme, mais le ministre de l'Education en sa qualité de psychiatre sait fort bien tous les phénomènes inconscients, tous les réseaux mentaux qui sont reliés au phénomène de la langue et qui font qu'une langue, ce n'est donc pas seulement un moyen de communication mais une manière de vivre. C'est une manière d'être. Il ressort clairement de l'observation de notre société que toute la pression économique constitue un facteur d'attrait pour l'anglais.

Cela est si vrai que 30 p.c. seulement des résidants québécois gagnant plus de $15,000 par année sont francophones. Et à Montréal, 15 p.c. seulement des cadres supérieurs des sièges sociaux gagnant plus de $22,000 en général sont francophones. Et quand je dis que seulement 30 p.c. des résidants québécois gagnant plus de $15,000 par année sont francophones, j'inclus là-dedans tous les députés de cette Assemblée qui doivent en fournir un certain contingent. Et j'inclus aussi les juges dont le ministre de la Justice nous entretiendra sans doute encore au cours des heures qui viennent.

M. le Président, peut-être est-il temps que j'en vienne à quelques conclusions — j'aurai sans doute l'occasion de le faire au cours de la prochaine session — encore qu'on pourrait s'étendre presque indéfiniment sur les dangers que court le bastion culturel québécois à l'heure actuelle.

De plus en plus, les mass media anglophones envahissent le Québec, et comme nous ne sommes pas maîtres des décisions de créer telle station de radio ou de télévision, nous sommes dans des situations, dans certains coins du Québec, où il y a autant, sinon davantage, d'ondes anglophones que d'ondes francophones. C'est une situation que le ministre connaît bien, j'imagine.

Eh bien, dans ce contexte que je viens de décrire de manière incomplète, dans ce contexte, quelle est la portée de ce slogan publicitaire, de ce slogan "savonnesque" de la souveraineté culturelle?

Est-ce que le gouvernement va se donner, enfin, une politique culturelle? Est-ce qu'il va passer au-delà des décors comme celui de cette souveraineté culturelle, dont on a bien vu depuis quelque temps qu'elle est totalement vide de sens? Et j'invoque là-dessus l'autorité du ministère de l'Education.

De cette analyse trop brève, analyse à reprendre amplement au cours de la prochaine session avec la coopération du ministre de l'Education — qui, dans l'entre-temps, aura peut-être eu l'occasion de rendre publics les autres rapports qu'il possède ou des rapports plus complets qu'il possède sur cette situation — il ressort trois points essentiels, et je vais terminer là-dessus. Trois points qui motivent la motion de censure, la motion privilégiée de ce matin. Premièrement, que l'assimilation des francophones est à toutes fins pratiques en bonne marche, sinon même, dans la plupart des

cas, consommée hors du Québec et qu'elle est désormais largement amorcée et même, dans certains coins, avancée au Québec même.

Deuxièmement, que ce dernier phénomène risque de s'accentuer, de s'accélérer plutôt que de s'atténuer puisque, tant à l'école qu'au travail que dans l'environnement culturel les forces de l'assimilation vont croissant. Il y a là un phénomène d'accélération historique auquel aucun Québécois digne de ce nom ne peut demeurer indifférent.

Et enfin, troisièmement, il en ressort que le gouvernement du Québec doit être blâmé pour son inaction, je dirais même sa démission, devant les difficultés que lui posent ces problèmes aigus de transfert linguistique.

Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT: L'honorable député d'Anjou

M. Yves Tardif

M. TARDIF: Tout d'abord, je veux que cela soit bien clair que je n'interviens pas comme représentant officiel du gouvernement; à ce titre, je pense que j'ai un droit de parole limité à dix minutes.

Dans le discours du...

LE PRESIDENT: Le côté ministériel a droit a 55 minutes, que vous pouvez vous partager.

M. LESSARD: Je ne veux pas empêcher mon collègue de parler mais, étant donné que ses paroles seront probablement très importantes, je constate que, malgré que nous ayons 102 députés libéraux, nous n'avons pas quorum.

M. HARDY: C'est votre chef qui les a fait fuir.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

L'honorable député d'Anjou.

M. TARDIF: M. le Président, en entendant le discours du chef de l'Opposition, il est évident que celui-ci n'a pas tenu compte des mesures que le gouvernement a prises, au cours des dernières années. Mesures qui vont sans doute être expliquées plus longuement, pour le bénéfice des six membres du Parti québécois, par un autre orateur que moi, tout à l'heure.

Toutefois, j'ai remarqué que le chef de l'Opposition avait traité de certains sujets, dont la question de l'immigration. Ce n'est un secret pour personne —je l'ai déjà dit à plus d'une reprise— que, quant à moi, je suis tout à fait d'accord sur le principe que les nouveaux arrivants éventuels devraient être intégrés au système scolaire de langue française, à tout le moins pour les niveaux primaire et secondaire. Je l'ai dit à plus d'une reprise. Je l'ai dit en dehors de la Chambre, il y a quelques années, et je pense que l'Opposition admettra que je l'ai dit lors du discours en réponse au message inaugural.

M. MORIN: C'est vrai.

M. TARDIF: Or, lorsque j'ai entendu les représentants du Parti québécois, à plus d'une reprise, se prononcer sur cette question, ils en ont toujours fait un principe et un dogme absolu. Us n'ont jamais posé certaines conditions qui doivent exister préalablement. Dans le discours que je prononçais au tout début de cette session, j'avais mentionné cinq conditions qui, à mon avis, doivent exister avant qu'on en arrive à intégrer les nouveaux arrivants éventuels au système scolaire de langue française aux niveaux primaire et secondaire. Je n'ai certainement pas l'intention de détailler ces cinq conditions. Qu'on me permette brièvement de les mentionner, à savoir: premièrement, que la religion ne doit pas être un facteur, lors de l'inscription à l'école; deuxièmement, que l'on doit améliorer l'enseignement de l'anglais, comme langue seconde, au secteur français; troisièmement, qu'on devra avertir les nouveaux arrivants éventuels de ces nouvelles dispositions; quatrièmement, qu'on devra améliorer la qualité du français qui est enseigné à l'école primaire, secondaire et au niveau collégial; et, finalement, peut-être ce qui est le plus important, c'est qu'il va falloir modifier la mentalité de certains Québécois vis-à-vis des immigrants.

Je pense que ce cinquième point est important, important à un point tel que lorsque le ministre de l'Immigration a parlé sur cette question, le 5 décembre 1973, il a dit ce qui suit: "Encore faut-il que soit rempli un certain nombre de conditions; une attitude non équivoque d'accueil et d'ouverture des Canadiens français envers les nouveaux venus, une attitude coopérative et non ambiguë de ceux qui ont quitté leur patrie et qui ont choisi de devenir des Canadiens vivant au Québec, une collaboration harmonieuse des paliers de gouvernement, pour que le Québec ait réellement les possibilités de créer cette infrastructure que suggérait le premier ministre Trudeau, qui fera que les gens voudront être francophones".

Je pense qu'on ne peut pas espérer de façon réaliste intégrer les nouveaux arrivants si on ne remplit pas certaines conditions préliminaires que j'ai mentionnées et d'autres qui pourraient être ajoutées. En effet, je ne pense pas que les conditions que j'ai mentionnées soient des conditions exclusives; sans doute, d'autres personnes pourront apporter des conditions qui devraient exister avant qu'on puisse passer à cette étape.

Je pense qu'il va falloir éventuellement en arriver à intégrer les nouveaux arrivants au secteur scolaire francophone aux niveaux primaire et secondaire, mais il ne faudrait tout de même pas oublier — et le ministre de l'Educa-

tion l'a dit, au début de la session, ainsi que le ministre de l'Immigration — qu'avant de pouvoir faire cela, il fallait implanter certaines structures de façon à favoriser le but qu'on recherche. C'est bien beau de demander à ces gens de s'intégrer ou de les forcer à s'intégrer au système français, mais si on en arrive au résultat que le nombre des nouveaux arrivants va continuer à décroître, je pense que, considérant le fait que la natalité, également, décroît au Québec, on va arriver au but contraire à celui qu'on recherche.

Je pense que ce n'est pas tout à fait honnête, de la part du Parti québécois, de toujours prôner cette intégration sans mentionner certaines conditions. Ces conditions n'étaient pas des conditions qui pouvaient se concrétiser du jour au lendemain. Les structures qu'il fallait mettre en place, on n'a pas pu les mettre en place du jour au lendemain.

Nous sommes arrivés au pouvoir en 1970, après quatre ans dans l'Opposition, et on ne pouvait pas tout faire du jour au lendemain.

Je suis convaincu que, d'ici peu, le gouvernement va prendre des mesures, que je ne connais pas parce que je ne fais pas partie du cabinet, destinées à favoriser de façon concrète, de façon tangible, de façon convenable l'intégration des immigrants au secteur scolaire, aux niveaux primaire et secondaire.

J'endendais le chef de l'Opposition parler de transferts linguistiques. Il a mentionné le chiffre de 25,000, chiffre qu'il aurait pris dans le journal La Presse d'il y a environ deux semaines. Il y a une chose qui me surprend toujours de la part du Parti québécois, c'est que, nécessairement, on semble vouloir faire une équation entre les gens de langue française qui fréquentent le secteur anglais à l'école et les gens qui vont devenir nécessairement des personnes assimilées.

Le chef de l'Opposition me fait signe que non, mais il ne semble pas avoir expliqué suffisamment cette question. Il y a d'autres facteurs, tels que les mariages mixtes — qui n'a pas été un facteur retenu par le chef de l'Opposition et que le ministre de l'Education a déjà mentionné lors d'un discours au début de cette session — qui constituent, eux, un facteur d'assimilation peut-être plus grand.

Ce n'est pas parce qu'une personne fréquente une école de langue anglaise, alors qu'elle est elle-même canadienne-française, qu'elle va devenir nécessairement une anglophone. Je pense qu'on en a certains exemples en cette Chambre. Même le chef de l'Opposition a fréquenté des établissements scolaires de langue anglaise. Est-ce que c'est une personne qui a été anglicisée? Je ne le sais pas. C'est à lui de répondre à cette question. Il y en a d'autres également en cette Chambre qui ont été à McGilI. Je pense que, la semaine dernière, il y avait justement une espèce de rencontre des anciens de McGill ici. Il y avait un bon nombre de Canadiens français là-dedans. Est-ce que l'on peut prétendre que ce sont des personnes qui sont assimilées? Je ne le pense pas. En effet, je connais ces personnes, il y en a qui sont ici, et il n'y a aucun doute sur le fait que ces personnes sont demeurées des francophones.

Il y a peut-être toutefois, et je l'admets, une distinction à faire — distinction que n'a pas faite le chef de l'Opposition — entre les Canadiens français qui sont ici et les nouveaux arrivants. Pour les Canadiens français qui sont ici, aller à l'école anglaise constitue un facteur secondaire d'assimilation parce que, lorsqu'ils retournent chez eux, ils vivent sans doute en français. Les media écrits ou parlés qu'ils lisent ou écoutent sont souvent en langue française. A ce moment-là, ils réussissent, néanmoins, à baigner dans un climat où le français est prédominant. La question est peut-être différente, toutefois, en ce qui concerne les nouveaux immigrants qui n'ont pas le français ou l'anglais comme langue première, parce que ces gens-là, s'ils parlent une troisième langue, doivent nécessairement choisir soit l'anglais ou le français quand ils arrivent ici.

C'est pour cette raison que je pense que le Parti québécois, qui propose que les francophones fréquentent obligatoirement l'école française aux niveaux primaire et secondaire et, sans doute, au niveau collégial, fait fausse route. Le but qu'il recherche ne sera certainement pas atteint de cette façon. Des personnes m'ont dit qu'étant donné qu'elles voulaient que leurs enfants apprennent, de façon convenable, l'anglais, elles seraient presque forcées, pour ainsi dire, si cette loi que le Parti québécois voudrait proposer était adoptée, d'envoyer leurs enfants en Ontario ou aux Etats-Unis pour que ceux-ci apprennent l'anglais.

Pour conclure, j'ai l'impression que toute cette question, on va avoir l'occasion d'en discuter au cours des prochains mois — encore là, je ne suis pas dans le secret du cabinet, je l'admets — avec sobriété et pondération. Je donne le crédit au chef de l'Opposition d'avoir utilisé un ton sobre, un ton pondéré, un ton réservé. Mais il y a tout de même certaines personnes dans son parti qui font appel, bien souvent, à des sentiments. Je n'ai pas besoin de les nommer, mais j'ai déjà vu le député de Saint-Jacques, qui parle souvent de cette question, sur un ton chargé de sentiments et d'émotivité. Je ne pense pas que sur une telle question on doive discuter avec émotion ou avec des sentiments qui sont trop aigus, sinon on va dresser l'un contre l'autre deux grands secteurs de la population; un secteur qui représente tout de même 20 p.c. de la population et qui a des droits, c'est indéniable — nous, du Parti libéral, nous reconnaissons ces droits aux 20 p.c. de gens qui ne sont pas francophones — et l'autre secteur formé de Canadiens français à 80 p.c.

Pour cette raison, M. le Président, considérant ce qui a été fait durant ces trois dernières années et demie, considérant les structures, les

centres d'accueil qui ont été mis en place, je prétends que la motion du chef de l'Opposition est mal fondée et qu'elle doit être rejetée.

LE PRESIDENT: Vote? DES VOIX: Vote!

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, une entrée en matière trop répandue en cette Assemblée voudrait que je vous dise d'abord à quel point il s'agit d'un thème délicat qu'on doit aborder avec une circonspection débordante de nuance et de sobriété. J'ai même entendu, depuis que je suis en Chambre, certains pleutres nationaux dissimuler leur propre inconsistance et aller jusqu'à prétendre qu'aucun parti, en cette Assemblée, n'avait de position claire et précise sur cette question, qu'il est de bonne rhétorique, d'ailleurs, de qualifier d'épineuse. D'autres nous ont laissé entendre qu'il est presque impossible de trancher et de choisir. C'est à croire, M. le Président, que la langue et que la culture échapperaient à la politique.

En effet, la lâcheté de plusieurs d'entre nous a d'abord voulu dissimuler la question. Il n'y a pas de problème linguistique au Québec, a-t-on souvent entendu dire, et s'il y en a un, nous sommes impuissants à intervenir. Lorsque le gouvernement fédéral, par la commission Lau-rendeau-Dunton, a établi le caractère politique de ce sujet et l'a rangé parmi les champs d'intervention possible de l'Etat, il est bien clair que cette dissimulation devenait impossible. Politiques que nous sommes, nous acquérons malgré nous, dans plusieurs cas, le droit d'en parler.

Le second pas de l'hypocrisie a voulu que nous n'ayons cependant pas le droit d'agir. Politiciens, nous pouvons parler de la langue, parlementaires, nous pouvons parler de la langue, mais parlementaires aussi, nous ne pouvons pas et nous ne devons pas intervenir. Si nous en parlons, c'est pour nous dire constamment que ce que nous avons fait est déjà amplement suffisant et qu'il faut être très circonspect dans ce qu'il nous reste à faire.

En effet, selon ces tenants de cette opinion, la langue ne serait pas une matière où on intervient avec des lois. Cette devise de l'impuissance est encore servie avec régularité sur toutes les tribunes, y compris celle que vous présidez, M. le Président, depuis que ce gouvernement est à votre droite. Et pourtant, la ferme démission et la solide négligence du laisser-faire s'est trouvée, depuis quelque temps, des paravents bien meilleurs.

Comment prétendre que la langue n'est pas un objet de législation ou, plus subtilement, que la législation est inopérante en ces matières alors qu'on se refuse à modifier la législation existante, constitutionnelle ou statutaire, accordant ainsi à certains groupes les garanties légales qu'on refuse à d'autres? Les minorités ont bien senti, elles, M. le Président, tout ce qu'une loi pouvait leur apporter. C'est pourquoi elles ont insisté auprès des deux vieux partis politiques traditionnels, dont un est maintenant mort, M. le Président, pour qu'une loi vienne garantir leurs droits.

Comment prétendre alors qu'une loi ne pourrait pas, à son tour, garantir les droits de la majorité? Comment prétendre qu'une loi joue si peu, alors qu'on se gargarise, à tort et à travers, en adoptant des lois très partielles, comme le bill 64 sur l'immigration, il y a déjà quelque temps, ou le bill 71, qui n'a fait qu'un simulacre de réforme de structures sur l'île de Montréal, dans le domaine scolaire, ou de la législation déléguée, par exemple, comme à travers le règlement no 6 du ministère de l'Education? Comment dire qu'une loi n'ait pas d'importance? Comment dire qu'une loi n'est pas la condition sine qua non d'une action positive dans ce domaine et, en même temps, se gargariser de n'importe quelle petite loi que ce gouvernement a frauduleusement adoptée, à un moment ou à un autre, comme étant l'étiquette d'une véritable politique linguistique?

Un des paravents dont s'est servi ce gouvernement que nous blâmons ce matin a été l'enquête et l'expertise, M. le Président. Le problème de la langue existe, admettait-on à ce moment-là, mais sa solution n'est pas politique. On doit la chercher avec la rigueur scientifique comme les données d'une question nouvelle et méconnue.

Aussitôt qu'on abordait le problème c'était pour se dire qu'il fallait poser des conditions, ajouter des nuances, élargir les fossés, retrouver toujours, fois après fois, des raisons qui justifieraient l'impuissance dans laquelle on s'était ancré et qu'il était impossible de remettre en question.

On doit la chercher avec une rigueur scientifique, disait-on, comme les données d'une question qui serait absolument nouvelle et méconnue, faisant appel à des mécanismes institutionnels complexes ou à des techniques novatrices. Dans cette technique de stérilisation du problème, on a été jusqu'à dire — et combien de fois— qu'il fallait, je l'ai encore entendu ce matin, dépolitiser la question.

Si une ultime pudeur n'avait pas résisté à la veulerie, on serait peut-être allé jusqu'à dire que le gouvernement était étranger au problème et devait rester étranger à sa solution.

Mais qu'est-ce donc que le champ de la politique, que l'objet du choix politique qui préoccupe normalement les travaux de cette Assemblée, s'il ne porte pas d'abord et avant tout sur un élément aussi essentiel à la cohésion de la société que nous représentons ici, aussi essentiel à sa qualité de vie que cet Etat donne à une société?

Ce débat sur la langue de notre peuple a

toujours été, dans notre histoire, au coeur du débat politique. Et puisque le plus souvent il a été nourri par des hommes qui refusaient la question à l'avance, en refusant à l'avance une partie des réponses possibles, ce débat a réussi à fausser, en grande partie, le reste de notre vie politique.

Mais c'est d'abord sur ce terrain de l'affirmation culturelle et ethnique que l'on mesure au Québec les partis et les groupes qui font les propositions de vie à notre collectivité. Et, pourtant, on vient encore nous dire ce matin qu'il nous faut éviter de politiser le débat, de ne pas politiser la chose, comme on nous a dit d'attendre pendant trois ans qu'un groupe d'hommes choisis non seulement connaissent, mais aussi décident pour nous de la question linguistique, comme si le trait qui nous unit et qui — comme le signalait le chef de l'Opposition — par un paradoxe inimaginable, nous sépare en même temps, pouvait être la préoccupation exclusive de cinq seulement de nos concitoyens.

Je crois, quant à nous, que nous savons ce que c'est qu'être Québécois. Nous nous sentons tels et nous voulons nous le dire, nous l'imaginer, nous donner le spectacle d'une collectivité encore capable de se reconnaître. Et c'est pourquoi, tout en endossant cette motion de blâme présentée par le chef de l'Opposition, j'ai aussi la fierté d'appartenir au seul groupe politique qui, dans la vie politique des Québécois, a accepté à l'intérieur de ses structures un débat fondamental sur cette question fondamentale. C'est le seul également, en dehors des paravents officiels et officieux que se sont donnés tour à tour les manipulateurs du dossier linguistique dans ce gouvernement, ceux qui ont été chargés tour à tour, par le soubresaut de leur vocabulaire ou par des techniques plus disparates, de noyer le poisson dans des formules comme celle du séparatisme culturel que véhicule le chef de ce gouvernement — le seul sur cette question qui ait un programme clair, net et cohérent, et que nous sommes en mesure de présenter aux Québécois.

Si une élection ou une consultation populaire sur cette seule et unique question, si une élection générale ne devait pas en même temps donner lieu à plusieurs jugements de plusieurs façons et sur plusieurs côtés de médailles que peut avoir la gestion politique d'une société, si pour une fois une seule consultation devait porter sur l'entendement que les Québécois ont de la protection de la langue, de ce lien qu'ils ont entre eux, nul doute que ce gouvernement n'aurait en aucun temps l'appui populaire dont il peut se targuer maintenant d'avoir.

Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy M. ROY: M. le Président, pendant les quinze minutes qu'on a mis à ma disposition, je vais tenter de faire part de mon point de vue et du point de vue de notre groupement politique sur ce problème de la langue française au Québec.

Devant un problème aussi complexe et aussi important, et devant la situation que nous devons envisager, situation aussi lourde de conséquences, malheureusement je n'aurai pas le temps de faire le tour d'horizon que j'aurais aimé faire autour de cette question.

M. le Président, pendant ces quinze minutes...

UNE VOIX: Vous pourriez parler plus vite.

M. ROY: M. le Président, est-ce que j'ai droit de parole, oui ou non?

LE PRESIDENT: Messieurs, étant donné que c'est un débat très restreint et limité dans le temps, j'aimerais qu'on donne toute la latitude voulue au député qui a la parole.

M. ROY: M. le Président, la motion de blâme présentée par le Parti québécois comporte quand même trois volets et je la cite: "Que cette Assemblée blâme le gouvernement d'avoir négligé de prendre les mesures requises pour faire du français, au Québec, la seule langue officielle..." C'est une question. Il y a une deuxième question: "la langue de travail"; il y a également une troisième question "... et la langue d'enseignement pour les immigrants." M. le Président, en ce qui a trait à la langue d'enseignement pour les immigrants, je ne surprendrai personne et je n'apprendrai rien de nouveau ici à l'Assemblée nationale en disant que c'est une mesure que nous avons réclamée et que nous continuons de réclamer. Que le gouvernement prenne les mesures qui s'imposent pour faire en sorte que les immigrants qui viennent s'établir au Québec doivent s'inscrire dans les écoles françaises et que ces immigrants le sachent avant de partir de chez eux, qu'ils sachent très bien ce à quoi ils «'engagent, ce à quoi ils devront se soumettre en arrivant dans la province de Québec.

M. le Président, il fut un temps, et un temps qui n'est pas encore tellement éloigné, où les giands centres urbains, les grands centres métropolitains augmentaient leur population par une immigration qui arrivait des milieux ruraux du Québec, des milieux typiquement canadiens-français, typiquement québécois. A cause du taux de dénatalité que nous connaissons, cette croissance démographique de nos grandes métropoles, de nos grands centres urbains doit être faite en partie — et une partie de plus en plus grande — en recourant à l'immigration. C'est justement là un danger très grand que nous courons si le gouvernement ne prend pas ses responsabilités dans ce domaine pour faire en sorte que les immigrants qui arrivent au Québec soient tenus de s'inscrire dans les écoles françaises.

M. le Président, si nous avions à émigrer en

Allemagne ou en Italie, il est évident que ce n'est pas parce que nous arriverions du Québec qu'on nous donnerait des écoles françaises. Nous devrions nous inscrire dans des écoles italiennes en Italie, dans des écoles allemandes en Allemagne. Ce serait tout simplement normal et naturel. Alors, qu'on fasse donc la même chose dans la province de Québec. Je pense qu'il est important que le gouvernement prenne ses responsabilités dans ce domaine et qu'il agisse dans les plus brefs délais. Parce que, si le gouvernement continue à patiner, s'il continue à hésiter, le temps, à l'heure actuelle, joue contre nous dans ce domaine. Nous allons être très bientôt à une croisée des chemins où nous devrons nous demander: Est-ce que nous capitulons de façon définitive ou si nous sommes encore prêts à faire quelque chose pour garder notre culture et notre langue dans la province de Québec?

Sur ce point, le gouvernement est à blâmer et j'appuierai la motion de blâme du Parti québécois parce que le gouvernement n'a rien fait dans ce domaine. Les quelques petites tentatives qu'il a cru faire — je dis bien qu'il a cru faire — n'ont été que des mesures qui n'ont eu pour conséquence ou pour effet que de retarder le problème et de retarder le débat.

M. le Président, en ce qui a trait à la langue de travail, il est inconcevable qu'on oblige des travailleurs au Québec, dans leur province, dans leur patrie, lorsqu'il s'agit de travaux manuels, de travaux d'ouvriers dans des chaînes d'assemblage, à apprendre la langue anglaise pour être capables de gagner leur vie dans leur province, alors que la langue de la majorité est bien la langue française. Sur ce point, il est temps que le gouvernement prenne ses responsabilités, que le gouvernement adopte des mesures énergiques de façon à s'assurer que les droits de la majorité, les droits des francophones du Québec soient respectés. Je me souviens trop, il y a 25 ans, alors que j'étais à l'emploi de certaines compagnies papetières au Québec, que nous devions travailler en anglais...

M. BACON: Nommez-les!

M. ROY: Je pourrais les nommer, mais je n'ai pas besoin de les nommer, parce que le député connaft très bien ces compagnies papetières. Nous devions donc utiliser la langue anglaise en pleine province de Québec, dans des entreprises et dans des compagnies qui avaient reçu du Québec les droits exclusifs d'exploiter les richesses naturelles, les forêts du Québec.

M. le Président, nous avons vécu cela et il n'y a pas tellement longtemps, c'est une chose qui existait encore. Heureusement, de ce côté-là, il y a des compagnies qui ont quand même, je le dis bien, il y a des compagnies qui ont quand même apporté quelques réformes, quelques modifications, de façon à corriger la situation. Lorsqu'on voulait être comptable ou être commis, pour une compagnie forestière dans la province de Québec, alors que ces compagnies détenaient les droits de coupe de notre patrimoine national, si on n'était pas bilingue, on n'était pas capable de travailler dans la comptabilité.

On n'était pas capable de travailler dans une petite job de commis. C'était la situation où nous nous trouvions dans la province de Québec, oui, dans la province de Québec, non pas dans la province de l'Ontario; alors, il commence à être temps que le gouvernement se réveille de ce côté-là et, lorsqu'on accorde des concessions, que ce soit des concessions forestières, des concessions minières, pétrolières ou autres, à même le patrimoine national, à même les richesses de la province de Québec, que le gouvernement ait donc le courage de mettre certaines clauses de façon à protéger les travailleurs de la province de Québec, de façon à protéger les citoyens de la province de Québec, afin qu'ils puissent gagner leur vie dans leur langue, dans leur patrie, surtout lorsque les entreprises internationales, les entreprises multinationales, américaines ou anglaises, viennent chez nous pour exploiter nos richesses naturelles, alors qu'on sait très bien que leur objectif premier n'est pas de créer des emplois au Québec, mais bien de faire des profits à nos dépens.

Or, sur ce point également, le gouvernement est à blâmer de ne pas avoir pris des mesures, le gouvernement est à blâmer de ne pas avoir agi et de ne pas agir, et surtout lorsqu'on regarde la politique économique du gouvernement libéral actuel que nous avons au Québec, alors qu'il rampe à New York, aux Etats-Unis, qu'il rampe un peu partout, pour tâcher de solliciter, d'inviter les entreprises multinationales à venir s'établir dans la province de Québec, à n'importe quel prix, même avec des subventions, des exemptions d'impôts, des exemptions de taxes, toutes sortes de privilèges, M. le Président, on a le droit d'être inquiet et de se poser des questions.

Alors, sur ce point, M. le Président, le gouvernement est à blâmer, mais je mets une réserve. Il faudrait quand même aussi, et c'est pour ça que je dis, dans le peu de minutes que j'ai à ma disposition, que c'est très difficile de faire le tour de ce sujet important, il faudrait que, dans certaines entreprises secondaires que nous avons au Québec, j'en ai dans mon comté, des entreprises qui sont la propriété des gens de chez nous, qui sont possédées et dirigées par les nôtres, administrées par les nôtres, mais qui quand même font un chiffre d'affaires important et qui exportent leurs produits dans la proportion de 90 p.c. et de 95 p.c. aux Etats-Unis, il faudrait, M. le Président, dis-je, faire quand même certaines distinctions de façon à ne pas limiter les entreprises du Québec au seul marché québécois.

A ce moment-là, ce serait une perte, ce serait un désavantage terrible et lourd de conséquences vis-à-vis des Québécois. C'est pourquoi je dis

qu'il y a des distinctions à faire et c'est pourquoi sur ce point je tiens quand même à apporter une certaine réserve. Il y a des points où telles mesures s'appliquent, dans d'autres domaines, il y a d'autres mesures qui s'appliquent. D va falloir quand même que le gouvernement fasse certaines distinctions, qu'il voie à adopter les politiques nécessaires face aux situations qui se présentent en tenant compte de leurs particularités, en tenant compte de la région où ils se trouvent, en tenant compte du contexte économique et social du milieu.

M. le Président, on pourrait parler également des politiques du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre et je suis assez bien placé pour en parler. Le gouvernement provincial refuse à des travailleurs de mon comté, de ma région, le droit de travailler dans la province de Québec et ces gens-là sont obligés de s'expatrier et d'aller travailler aux Etats-Unis, parce que le ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre a émis les fameux permis de travail contre lesquels nous avons lutté, et nous continuerons de lutter contre ce droit abusif...

M. BACON: La pertinence du débat.

M. ROY: ... à l'endroit des travailleurs; ce droit de travailler dans sa province, c'est le gouvernement provincial qui le refuse et on oblige les gens de mon comté et de ma région à s'expatrier aux Etats-Unis. Cela est un autre point, quand on parle de la langue officielle...

M. BACON: La pertinence du débat.

M. ROY: ... la langue de travail. On devrait, sur ce point particulier, par un ensemble de politiques non seulement au sein du ministère du Travail, non seulement au sein du ministère de l'Education, du ministère de l'Immigration, du ministère des Affaires culturelles, mais par un ensemble de politiques gouvernementales, faire en sorte que les Québécois d'expression française puissent continuer à être chez eux dans la province de Québec.

Ils devraient être capables d'exploiter une petite entreprise dans la province de Québec, être en mesure d'être propriétaires dans la province de Québec, être en mesure de travailler dans la province de Québec. M. le Président, je déplore et je le dis, nous déplorons qu'à l'heure actuelle, le gouvernement du Québec ne se penche pas suffisamment sur ces questions et on est en train, par toutes sortes de mesures, parce qu'on regarde trop haut, parce qu'on est monté trop haut dans les nuages, de regarder les grandes politiques, les grands investissements, les grands emplois, les grandes entreprises, pendant le temps qu'on travaille à ce palier, on assiste à la dépossession du sol, la dépossession de nos petites entreprises, la dépossession de nos propriétés. Les Québécois ont à faire face à cette dépossession parce que de plus en plus, un nombre de plus en plus grand de Québécois sont de moins en moins propriétaires et doivent céder leurs propriétés.

J'ai ici dans les mains un extrait du rapport Parent, tome II, page 621, qui a paru en 1962, et je le cite à l'intention de l'honorable ministre de l'Education et de l'honorable ministre des Affaires culturelles également.

Voici ce que l'on dit: "Le gouvernement du Québec, tout entier, doit, tout en veillant à ne pas isoler le Québec en un ghetto, adopter des mesures très fermes pour protéger le français non seulement dans les écoles et universités, mais dans toute la vie publique." Et c'est sur ce point que nous insistons. Et on ajoute: "C'est particulièrement urgent à Montréal..." Et le ministre le sait et les députés de la région de Montréal le savent également, toute la population le sait. "L'administration provinciale et les services publics, la vie industrielle et commerciale, l'affichage doit témoigner de ce respect de la langue de la majorité québécoise. Il y a là une question de justice et d'honneur. Aucun écolier ne prendra le français au sérieux à l'école si à Montréal, particulièrement, les ouvriers, administrateurs et hommes d'affaires sont obligés de parler anglais dans leur travail quotidien ou pour obtenir une promotion. Dans le Québec, une excellente connaissance du français devrait être tout aussi nécessaire pour réussir en affaires. Cette motivation socio-économique doit être le point d'appui de la réforme que nous proposons pour l'enseignement de la langue maternelle de la majorité."

Et j'ajoute sur ce point que la majorité au Québec a des droits et parmi les droits que nous avons au Québec, si nous voulons justement que la présence française puisse continuer à survivre en Amérique, il faudra que nous ayons un gouvernement qui cesse d'être à la remorque des autres et de ramper devant les entreprises multinationales et les entreprises commerciales. Il est urgent qu'on travaille de ce côté, qu'on agisse en ce sens.

Et c'est pourquoi sur les deux premiers points, je dis que j'appuierai la motion du Parti québécois pour blâmer le gouvernement parce qu'il est à blâmer de ne pas avoir pris les mesures nécessaires de façon à améliorer la situation.

En ce qui a trait à la seule langue officielle, sur ce troisième point, j'ai des réserves. On sait que la langue officielle est une chose automatique lorsque les deux autres questions sont réglées. Et je me demande à ce moment si on pense réellement à la présence française en Amérique, si on pense également à nos cousins du Nouveau-Brunswick, de l'Alberta et du Manitoba parce que nous avons quand même des populations qui proviennent du Québec dans ces régions et comme nous faisons partie de la Confédération canadienne, nous avons des droits à la grandeur du Canada. Si à ce moment, on faisait preuve d'intolérance de façon aussi radicale sur ce point, je dis que j'ai des réserves. J'aimerais avoir beaucoup plus de temps pour

pouvoir parler plus longuement et discuter de cette question. J'ai des réserves à ce stade-ci et sur ce point, je tiens à les exprimer.

Si on décidait demain matin d'être intransigeant sur cette question, et je pose la question à mes honorables collègues du Parti québécois: Est-ce qu'à ce moment, vous n'ouvrez pas la porte et que vous ne justifiez pas certaines Législatures provinciales et le gouvernement fédéral à être aussi radicaux vis-à-vis de la minorité française.

On sait qu'il y a un parti souverainiste, un parti séparatiste qu'on appelle le Parti acadien au Nouveau-Brunswick, qui est en quelque sorte le cousin ou le frère siamois du Parti québécois dans la province de Québec, et qui travaille également au Nouveau-Brunswick pour tâcher de permettre aux Acadiens, de permettre aux francophones de cette région d'avoir des droits au moins égaux comme point de départ à ce sujet.

M. le Président, je demanderais, au terme de mon exposé, qu'on prenne trois votes différents sur la motion du Parti québécois, étant donné qu'il y a trois questions complètement différentes, qui requièrent des observations nuancées. On ne peut pas faire, je le pense sincèrement, un genre de "package deal" dans ce domaine.

M. le Président, je soumets respectueusement cette suggestion. Je demanderais aux gens du Parti québécois de l'examiner avec toute l'attention possible, de façon que lors du vote, on permette aux différentes formations politiques de l'Assemblée nationale du Québec de faire connaître leur point de vue sur chacun de ces sujets.

J'aimerais voir le gouvernement se prononcer uniquement sur la question de la langue des immigrants, j'aimerais voir le gouvernement se prononcer uniquement sur cette question. Le gouvernement peut inventer d'autres raisons pour ne pas voter, mais j'aimerais quand même savoir ce que le gouvernement pense uniquement sur cette question. J'aimerais également savoir ce que le gouvernement pense sur la question du français langue de travail au Québec.

M. le Président, je termine là-dessus mes observations et je demande encore une fois qu'il y ait trois votes différents sur cette question.

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education. Vous pouvez parler jusqu'à une heure moins dix.

M. François Cloutier

M. CLOUTIER: Je vous remercie, M. le Président. La motion de blâme de l'Opposition officielle se présente singulièrement comme une motion dilatoire.

Nous avons eu, récemment, un débat sur cette très importante question de la langue au Québec. Je trouve que le fait d'y revenir aussi rapidement laisse planer des doutes sur la sincérité du Parti québécois en cette matière. Je n'hésite pas à le dire, d'autant plus que la motion s'inscrit dans le cadre d'un "filibuster", "filibuster" qui a été traité par un éditorialiste, récemment, de vaudeville et de grand guignol. De toute façon, le débat, jusqu'ici, si j'excepte, bien sûr, l'intervention du député d'Anjou, a été d'une faiblesse insigne et certainement très au-dessous de l'importance du sujet.

Je crois que le problème du français au Québec a une importance telle, qu'il faut l'aborder avec sérénité, mais également dans un cadre qui se prête à des discussions de fond. C'est une discussion de fond que j'ai l'intention d'entreprendre aujourd'hui.

M. le Président, rapidement, je voudrais disposer de l'argumentation qui a été présentée par les trois membres de l'Opposition qui sont intervenus. Le chef de l'Opposition qui semblait, à certains moments, confondre l'Assemblée nationale avec une salle de cours, nous a présenté...

M. LESSARD: Noyez le poisson dans le verbiage.

M. CLOUTIER: ... dans son style habituel, un exposé statistique...

M. LESSARD: Noyez le poisson dans le verbiage.

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. CLOUTIER: ... non dépourvu d'intérêt. Il sera peut-être étonné de savoir que j'accepte d'emblée toutes les statistiques qu'il a citées, à l'exception de l'article de la Presse qui était tendancieux et qui ne se fondait peut-être pas sur des chiffres absolument précis et bien interprétés.

C'est donc dire que, pour moi, tout ce qu'a dit le chef de l'Opposition est déjà acquis. Le gouvernement a, depuis le début de son mandat, clairement indiqué que le problème linguistique se posait et qu'il avait l'intention d'intervenir d'une façon rigoureuse. Si le chef du Parti québécois veut s'acharner à prouver ce qui est déjà acquis, libre à lui, mais je n'ai certainement pas l'intention de me laisser entraîner sur ce terrain. D'ailleurs, en cours de route, j'aurai probablement la possibilité de revenir sur certaines autres de ses affirmations, parce qu'il reste que le discours qu'il a fait, malgré ses limites, comporte tout de même un certain nombre d'idées qui méritent d'être retenues.

Quant au député de Saint-Jacques, j'ai été assez étonné, M. le Président, pour ne rien vous cacher, de le voir lire un texte. C'est la première fois, je crois, depuis qu'il a l'honneur de siéger dans cette Assemblée. Ceci l'a d'ailleurs privé, semble-t-il, de ses moyens habituels. Il a été beaucoup moins éloquent qu'il ne l'est en général. Serait-ce, M. le Président, qu'on a décidé de le mettre au pas et qu'on a préféré lui donner un texte pour l'empêcher d'aborder sur

un ton trop démagogique cette question de la langue?

M. MORIN: Venons-en au problème.

M. CLOUTIER: Si tel est le cas, j'en félicite le chef de l'Opposition.

M. MORIN: Venons-en au problème.

M. CLOUTIER: C'est, en effet, la première fois que j'entends le député de Saint-Jacques...

M. LESSARD: ... d'un ministre qui ne prend pas ses responsabilités.

M. CLOUTIER: ... parler intelligemment du problème linguistique.

M. LESSARD: ... d'un ministre qui ne prend pas ses responsabilités.

M. CLOUTIER: C'est la première fois que je ne le vois pas tenter de stimuler les passions et le fanatisme. Peut-être sommes-nous à l'orée d'un nouveau débat qui se ferait enfin en tenant compte de la réalité québécoise et non des aspirations ou des rêves de petits groupes.

UNE VOIX: C'est vrai.

M. LESSARD: Noyez le poisson, comme d'habitude.

M. CLOUTIER: Enfin, M. le Président... M. LESSARD: Noyons le poisson.

M. CLOUTIER: ... le député de Beauce-Sud, le député indépendant de Beauce-Sud...

M. ROY: M. le Président, je tiens à rectifier l'honorable ministre de l'Education, et j'invoque une question de règlement. Pour l'information du ministre, qui ne semble pas au courant des nouvelles, nous nous sommes présentés sous l'étiquette du Parti créditiste et c'est comme tel que nous avons été élus...

M. BACON: Non, non, non !

M. ROY: ... et c'est comme cela que nous allons siéger...

DES VOIX: Dupuis!

M. ROY: à l'Assemblée nationale, que cela plaise...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs!

M. ROY: ... ou non au gouvernement ou au ministre de l'Education.

M. CLOUTIER: Je m'excuse, M. le Prési- dent, le député indépendant rattaché au Parti créditiste a voulu mêler sa voix au débat. Il l'a fait d'une façon intéressante, je crois, bien que je n'aie pas toujours pu saisir exactement le cheminement de sa pensée. Je me suis demandé, à certains moments, s'il ne ferait pas mieux de s'inspirer de son ex-chef et de nous parler de la personne humaine. Je dois dire, d'ailleurs, que je regrette de ne plus entendre parler de la personne humaine, depuis quelque temps, sur ce ton un peu curieux qu'adoptait l'ancien chef... ou est-ce le chef présent du Parti créditiste? J'avoue qu'on se mélange un peu dans tous ces avatars.

M. MORIN: Au point, au point, s'il vous plaît!

M. CLOUTIER: Je ferai remarquer au chef de l'Opposition, qui m'interrompt en me demandant d'en arriver au point, que je suis ici pour faire de la politique et non pour donner des cours.

M. LESSARD: ... des cours.

M. CLOUTIER: De la politique, cela ne se fait pas nécessairement...

M. LESSARD: Il serait peut-être mieux de donner des cours, M. le Président...

M. CLOUTIER: ... avec des statistiques, cela se fait également...

M. LESSARD: ... que faire des choses comme ça.

M. CLOUTIER: ... avec des...

DES VOIX: A l'ordre!

M. LESSARD: Faites-en, de la politique.

M. CLOUTIER: ... prises de position...

M. LESSARD: Prenez vos responsabilités.

M. BEDARD (Chicoutimi): Arrêtez de faire de la politique avec la langue.

M. CLOUTIER: ... pour mettre en évidence, l'action gouvernementale.

M. MORIN: De la vraie politique, pas de la petite politique.

M. VEILLEUX: M. le Président, question de règlement. Je m'excuse auprès du ministre de l'Education. Pourriez-vous demander au député de Saguenay d'arrêter de croasser en arrière?

M. LESSARD: Allez donner des cours, cela va être bien plus utile.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît! ...

M. VEILLEUX: Le "backbencher" du parti séparatiste !

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre!

M. VEILLEUX: M. le Président, une question de règlement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): J'ai entendu votre question...

M. VEILLEUX: Pour une fois qu'on entend un discours qui a de l'allure, demandez donc au député de Saguenay de se taire.

M. CLOUTIER: M. le Président, maintenant que j'ai disposé des interventions de l'Opposition, maintenant que j'ai pu mettre en évidence leur insuffisance dans un débat d'une telle importance...

M. LESSARD: C'est ridicule.

M. CLOUTIER: ... je voudrais, dans une optique que je souhaite la plus positive possible, vous parler de ce qu'a fait le gouvernement.

Je serai amené à répéter...

M. LESSARD: Un homme vous écoute.

M. CLOUTIER: ... un certain nombre de choses que j'ai dites. Mais il est nécessaire de le faire pour bien manifester que cette volonté d'intervention a été clairement indiquée dès le début de notre premier mandat.

Une politique linguistique — ai-je besoin d'y revenir? — ne peut être conçue dans l'abstrait. Elle doit tenir compte d'un certain nombre de dimensions. Nous avons toujours voulu politiser, au meilleur sens du terme, le débat linguistique mais non pas en faire le lieu de rencontre de l'intolérance et de la discrimination. C'est la raison pour laquelle nous avons tenu compte d'un certain nombre de contraintes...

M. LESSARD: Ne rien faire.

M. CLOUTIER: ... que tout gouvernement responsable doit respecter s'il veut arriver avec des politiques qui collent à la réalité, qui tiennent compte de la réalité et qui, également, permettent de faire évoluer cette réalité.

La première de ces contraintes, c'est le fait que le Québec est situé au Canada et en Amérique du Nord. Je m'excuse de ce truisme, mais j'ai parfois l'impression que certains membres du Parti québécois n'en sont pas conscients, que certains membres du Parti québécois s'imaginent...

M.MORIN: Hélas!

M. CLOUTIER: ... que le Québec est une île...

M. MORIN: Hélas!

M. CLOUTIER: ... complètement isolée. C'est un ghetto que vous voulez? C'est un ghetto que vous nous préparez?

M. MORIN: Allons donc!

M. BIENVENUE: M. le Président, j'invoque le règlement. Nous avons assez d'endurer le caquetage du député complexé de Saguenay lorsqu'il est assis à son siège, voulez-vous lui demander ou d'aller à son siège pour se faire entendre, suivant le règlement, ou de se taire lorsqu'il fume derrière votre fauteuil? Et gardez-le à l'oeil!

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je suggérerais au député de Saguenay de transmettre ses remarques au député de Sauvé, qui aura un droit de réplique d'au moins cinq minutes. Il pourra dire ce qu'il veut, à ce moment-là.

M. CLOUTIER: M. le Président, je reviens donc à cette première contrainte, qu'on peut ne pas aimer, mais qui existe pour tout esprit qui se donne la peine de réfléchir. Cette contrainte veut que le Québec, participant au réseau d'échanges économiques nord-américain, n'a pas la latitude d'intervenir comme le ferait un pays homogène sur le plan linguistique et isolé de ses voisins sur le plan économique.

La deuxième contrainte, c'est que la population québécoise n'est pas — contrairement à ce que certains semblent croire — une population monolithique. J'emploie parfois des grands mots mais c'est pour donner le change au chef de l'Opposition. C'est pour montrer que nous aussi, à l'occasion, nous pouvons utiliser ce vocabulaire.

M. MORIN: Je ne doute pas qu'un psychiatre connaisse des mots encore plus complexes.

M. CLOUTIER: Mais, comme nous préférons être compris par la population, nous n'avons pas peur de parler simplement.

Cette population québécoise est devenue une mosaïque. Il est possible qu'aux premiers temps de l'implantation de la Nouvelle-France — vous voyez qu'à l'occasion je peux aussi faire des rappels historiques — nous nous soyons trouvés en présence d'une population beaucoup plus homogène. Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui et le Québec est composé d'une majorité de parlants français, mais d'une très importante minorité de parlants anglais, laquelle se rattache d'ailleurs à une majorité dans l'ensemble canadien.

Parmi ces parlants anglais, il y a un bon nombre de citoyens du Québec, qui sont venus enrichir notre culture et qui appartiennent à

divers groupes ethniques. Soit dit en passant, c'est une erreur de s'imaginer que ceux que l'on appelle les Néo-Québécois... Personnellement, je n'aime pas cette expression, parce que, pour moi, aussitôt que quelqu'un est venu au Québec, il est Québécois. Il n'y a pas de Néo-Québécois. Qu'ils soient ici depuis dix ans, vingt ans, trente ans ou deux siècles, il s'agit de citoyens d'une même province qui veulent construire l'avenir ensemble.

Par conséquent, on ne peut concevoir une politique linguistique qui ne tiendrait pas compte, précisément, de cette structure démographique. On ne peut imaginer une politique linguistique qui serait destinée uniquement à une fraction de la population, serait-ce une fraction majoritaire. Je dirais qu'il n'y a pas là seulement une question de justice, M. le Président, une question d'équité élémentaire, mais une simple question de bon sens et d'efficacité.

L'expérience de bien d'autres pays, car il n'y a pas que le Canada à connaître des problèmes d'ordre linguistique, démontre que, pour qu'une politique dans une telle matière puisse être applicable, il faut qu'elle tienne compte de façon extrêmement étroite des différents groupes qui composent la population.

Par conséquent, c'est la perspective dont il faut s'inspirer dans la définition de toute politique. Qu'a été, M. le Président, le cheminement du gouvernement? Le gouvernement a agi à deux niveaux. A un premier niveau, il a, chaque fois que l'occasion s'en présentait, inscrit dans des textes législatifs ou dans des réglementations une priorité réelle donnée au français. Est-il besoin de revenir sur ces nombreuses mesures? Il y en a une dizaine. Le député de Saint-Jacques a cité la loi 64, qui concernait les professionnels immigrants. C'est, en effet, la première loi, loi du ministère de l'Immigration, qui inscrivait cette priorité dont je viens de vous parler et c'est très certainement une loi historique de ce point de vue.

Je pourrais ajouter tout un ensemble de mesures législatives ou réglementaires qui vont de simples directives administratives en matière de communications entre l'Etat et les citoyens jusqu'à certaines mesures concernant le contenu français à donner à des programmations, concernant la façon dont les contrats doivent être rédigés, etc.

Le gouvernement n'a jamais prétendu que ces mesures ponctuelles constituaient une politique linguistique en soi. Et je vous défie de trouver la moindre déclaration à cet effet. Il est clair que des mesures ponctuelles, toutes utiles qu'elles puissent être, toutes nécessaires qu'elles puissent être, toutes efficaces qu'elles puissent être, ne constituent pas en soi une approche suffisante pour apporter des solutions valables au problème à long terme qu'est le problème linguistique.

Cependant, pourquoi aurions-nous refusé d'agir? Aurait-il été plus expéditif d'attendre le rapport de la commission Gendron? On nous a accusés à maintes reprises de nous en servir comme d'un paravent. Mais, bien au contraire, nous avons agi de façon empirique auparavant, précisément parce que nous ne voulions pas que la collectivité québécoise ait trois ou quatre ans de retard, les gouvernements précédents n'ayant rien fait en matière linguistique.

A ces mesures ponctuelles, le gouvernement a voulu ajouter l'infrastructure même d'une politique linguistique globale. Les mesures ponctuelles présentaient tout de même un avantage, celui de faire évoluer les mentalités. Et ceux qui connaissent le milieu québécois, plus particulièrement le milieu montréalais, où se vivent, où s'exacerbent la plupart des problèmes linguistiques, savent fort bien qu'il y a une ouverture de toutes les fractions de la population qui n'existait pas il y a cinq, dix ou vingt ans.

Il y a une évolution nettement favorable. Et il est maintenant possible d'en arriver à des solutions qui n'iront pas diviser une société, qui peut-être ne permettront pas de l'unir plus étroitement, mais qui au moins ne seront pas payées par un prix exorbitant, par un prix hors de proportion sur le plan de la paix sociale et sur le plan de la croissance économique; ce sont là des dimensions indissociables, que nous n'avons pas le droit de négliger.

Cette infrastructure a été mise en place sur deux plans: le plan du français langue de travail et le plan de la langue d'enseignement. Le français langue de travail, programme que le gouvernement avait inscrit dans son manifeste avant même l'élection de 1970.

En mai, le mois suivant cette élection, le gouvernement a restructuré l'Office de la langue française, organisme qui se présentait comme une espèce d'académie, qui avait surtout pour fonction de veiller à la qualité de la langue, organisme qui n'avait pas de véritable programme. Pourquoi? Parce qu'il n'avait pas encore eu le leadership politique — sous l'ancien gouvernement de l'Union Nationale — essentiel pour qu'il puisse véritablement se révéler à lui-même.

Cet organisme a été restructuré, son budget a été triplé, ses effectifs ont été triplés. Il s'est vu scindé en deux parties, dont une a été implantée à Montréal en plein coeur du quartier des affaires, dans un immeuble commercial, pour que les fonctionnaires sortent un peu des bureaux habituels et puissent être en contact quotidien avec l'industrie et avec les hommes d'affaires.

C'est là qu'existe le problème linguistique, ce n'est pas dans les bureaux de la tour...

M. MORIN: En contact avec la langue anglaise.

M. CLOUTIER: Une équipe a été mise sur pied qui comprenait des représentants de quelques ministères, mais aussi des représentants du patronat, des syndicats. Et cette équipe refusant, à cause des directives qu'elle avait reçues,

d'attendre le rapport de la commission Gen-dron, qui était peut-être susceptible de lui indiquer des solutions ou des méthodes de travail, a entrepris la très difficile tâche de se définir sa propre méthodologie.

Mais comment peut-on croire sérieusement qu'il suffit de dire à une industrie qui emploie des milliers d'employés, qui fait appel à une technologie qui est une technologie surtout américaine qu'il suffit de se refranciser pour qu'elle se refrancise? Encore faut-il lui fournir les vocabulaires, les cheminements nécessaires, lui proposer des stratégies. C'est ça qu'il fallait faire et c'est par là qu'il fallait commencer.

Le gouvernement n'a pas un instant perdu de vue cet objectif. Qu'on ne vienne pas me dire qu'il ne s'est rien fait; qu'on ne vienne pas me dire qu'il ne s'est rien fait! Oh! je sais que l'Opposition n'est pas là pour approuver le gouvernement; ce serait pour le moins curieux. Je n'ai donc pas la prétention de vouloir la convaincre, mais je veux, cependant informer l'opinion publique qui n'a pas toujours été très bien éclairée sur ce que faisait le gouvernement en matière linguistique. A cause précisément de cette tendance à la distorsion de l'information qui existe dans notre milieu et qui devrait être corrigée et faire l'objet peut-être d'un code d'éthique de la presse, l'opinion publique n'a jamais été suffisamment éclairée. N'allez pas vous leurrer, le discours que je fais aujourd'hui va probablement passer inaperçu comme les dix, quinze, vingt ou trente discours et conférences de presse que j'ai faits sur ce sujet même, apportant des chiffres, des statistiques, des faits, des démonstrations.

Cet office, M. le Président, a travaillé dans plusieurs secteurs industriels. Il a mis au point cette méthode dont je vous parlais, méthode extrêmement complexe qui consiste à analyser les communications au sein d'une entreprise, communications internes, communications externes, à déterminer où sont les points d'impact, les points d'intervention, à mobiliser les bonnes volontés et à créer des comités du milieu même, visant à la refrancisation. Je dois dire que la collaboration dans la trentaine d'entreprises où nous avons travaillé a été excellente. Une de ces entreprises, c'est précisément l'Aigle d'Or, que le chef de l'Opposition, dans ses interventions sur la politique énergétique, lorsqu'il questionnait le ministre des Richesses naturelles, appelait la Golden Eagle, alors que cette compagnie a accepté...

M. LESSARD: Pour mieux tromper les Québécois.

M. CLOUTIER: Vous n'avez qu'à voyager au Québec et vous verrez que cette compagnie a accepté de s'appeler Aigle d'Or dans tous ses centres de distribution.

M. LESSARD: Pour mieux tromperies Québécois.

UNE VOIX: A l'ordre! Voulez-vous le garder à l'oeil, M. le Président?

M. CLOUTIER: Bien sûr, M. le Président, je ne prétends pas et je n'ai jamais prétendu que cette démarche était suffisante. Je n'ai jamais cru qu'il suffisait de mettre en place cette structure pour régler tous les problèmes. En revanche, ce que j'ai toujours pensé, c'est qu'il était indispensable de commencer par cette structure; ce que j'ai toujours pensé, c'est qu'on ne règle pas un problème par une législation. Même si une législation peut faire évoluer une situation, encore faut-il qu'elle arrive au moment opportun, au moment propice. C'est ma conception politique à moi; j'y ai droit et j'ai l'intention de la conserver. Je ne suis pas de ceux qui s'imaginent qu'avec une loi-matraque on règle un problème. Je ne suis pas de ceux qui croient qu'il suffit de faire une législation pour, ensuite, s'imaginer que tout est réglé, que nous avons agi. C'est peut-être une tentation que nos vieux nationalistes — que représente si bien le chef de l'Opposition — ont eue dans le passé, ici dans notre société. Mettons-nous au travail, ayons un peu plus le sens de la discipline, ayons aussi une ambition bien orientée et je suis convaincu que beaucoup de problèmes disparaî tront. En effet, un aspect du problème linguistique, que l'on a tendance à passer sous silence, c'est précisément la structure du pouvoir économique, le peu de pénétration des francophones au sein des centres de décision. Qu'on n'aille pas croire que ceci va se régler par des lois. Nous ne sommes quand même pas — et soyez convaincus que, personnellement, je n'y tiendrais pas — dans un pays totalitaire. Il ne peut être question de se mettre à contingenter, dans une économie libérale, dans une économie de libre échange, à peu près tout, y compris le personnel de telle entreprise.

En revanche, je crois qu'il y a là un défi que nous n'avons pas toujours su relever. Ce défi, c'est celui d'être le plus présents dans les industries. Je dirais, d'ailleurs, qu'un francophone bien placé dans une entreprise vaut peut-être tout un programme à lui seul, parce qu'il y a des effets d'entraînement qui se créent. Cela nous impose une réflexion pertinente sur nos orientations fondamentales, et j'irais même jusqu'à dire sur notre système d'éducation. Comme je voudrais parfois que le Parti québécois, qui dit avoir une certaine influence chez nos francophones, au lieu de dramatiser le problème linguistique, essaie de faire comprendre aux nôtres qu'ils ont le devoir de participer à la société qui est la leur. Voilà peut-être la véritable influence que ce parti devrait avoir. Comme je souhaiterais, par exemple, qu'on puisse faire comprendre aux enseignents qu'ils ne sont pas là pour véhiculer des idéologies, qu'ils ne sont pas là pour transformer les interrogations de philosophie, en leçons politiques orientées vers un parti mais qu'ils sont là pour former des élèves, qu'ils sont là pour les

former en fonction d'un pays qui existe et qui est celui qu'a choisi la majorité des Québécois, avec sa structure économique et sa structure politique.

Voilà une chose qu'on ne peut quand même pas oublier. Il y a une question de loyauté qui se pose chez les serviteurs de l'Etat, qu'il s'agisse du secteur public ou du secteur parapublic et je ne vous cache pas que j'entretiens les plus grands doutes sur cette loyauté dans ces deux secteurs. Certains exemples récents me poussent à croire qu'il y a là un manque de compréhension et un manque d'éthique qui est certainement un signe de dégradation qu'il faudrait contrer le plus rapidement possible.

Le chef de l'Opposition a fait une analyse de ce qu'il a appelé: le bastion linguistique. Il est bien évident qu'une des causes qui a permis la survie de la collectivité canadienne-française au cours des âges, sa survie avec sa langue a été précisément le fait qu'il s'agissait d'une société refermée sur elle-même, repliée sur elle-même, d'une société à structure rurale. Le véritable facteur qui est venu bouleverser cette donnée fondamentale a été l'industrialisation, l'urbanisation; le fait que cette société était devenue non viable si elle ne s'ouvrait pas vers l'extérieur. Et je me demande, à certains moments, si ce que recherche le Parti québécois ce n'est pas précisément d'en revenir au passé, de recréer le ghetto antérieur. Et moi je vous dis que si ceci se produisait, la collectivité canadienne-française serait condamnée du point de vue de sa survie. Quels que soient les risques de l'ouverture qui est la nôtre, quels que soient ces risques, il faut les assumer, et il faut les assumer non pas en s'imaginant que tous les problèmes vont se régler par magie ou par miracle parce que telle législation symbolique aura été votée, mais parce que nous aurons su prendre nos responsabilités dans un contexte qu'on aura bien compris.

Assez de contestations, assez de révoltes stériles. Tentons de canaliser toutes nos énergies, de créer quelque chose de véritablement politique. Je souhaite que nous en finissions avec le débat séparatiste. Je souhaite que nous en finissions non pas avec le débat linguistique, parce que ce cheminement n'a pas encore débouché sur toutes les solutions que le gouvernement a l'intention d'apporter, mais que nous en finissions avec l'utilisation de ce débat linguistique à des fins uniquement de basse politique, pour que nous puissions enfin nous occuper des véritables défis de notre société.

A certains moments, M. le Président, dans cette Assemblée, je me demande si nous ne répétons pas les discours qui ont été prononcés il y a 50 ans ou il y a 75 ans. C'est souvent le même style, ce sont les mêmes problèmes, ce sont exactement les mêmes interprétations...

M. LESSARD: C'est ce que vous faites exactement.

M. CLOUTIER: ... et pendant ce temps, M. le Président, les éléments les plus actifs de notre population que font-ils?

M. LESSARD: Cela fait 75 ans que l'on parle de la langue comme ça.

M. CLOUTIER: Les éléments les plus actifs de notre population tiennent compte de la structure économique, de ce que doit être le Québec. Nous avons connu de grands mythes au cours de notre histoire. Je pense aux mythes de la colonisation, par exemple, alors qu'on a envoyé toute une génération cultiver des pommes de terre qui poussaient gelées, alors, M. le Président, qu'il y en avait d'autres plus astucieux, mieux formés, mieux avertis qui creusaient le sol et trouvaient les véritables richesses du Québec.

Dans le domaine de la langue d'enseignement, nous avons suivi exactement le même cheminement, cheminement qui a consisté à mettre en place des structures qui auraient dû l'être auparavant mais qui ne l'ont pas été. Allons-nous blâmer le gouvernement d'avoir agi? Le député d'Anjou, dans son exposé, a indiqué quelles étaient à son sens les conditions pour que les immigrants puissent être intégrés au secteur francophone. Ce sont précisément ces conditions que le plan de développement des langues tente de rencontrer. Ce plan de développement des langues qui est très contesté par les éléments les plus douteux de notre population, ce plan de développement des langues vise à donner, à promouvoir l'enseignement du français, langue maternelle, à promouvoir l'enseignement de l'anglais et du français, langues secondes, et à mettre en place des structures d'accueil pour les immigrants.

M. le Président, comment voulez-vous retenir ces immigrants même par loi dans le système francophone si vous ne leur apprenez pas l'anglais? Comment voulez-vous munir les Québécois de cet instrument essentiel partout au monde, autant en Europe qu'ici, que constitue l'apprentissage d'une langue seconde et bien sûr, ici, la langue seconde naturelle en Amérique n'est pas le chinois ou le grec, c'est bel et bien l'anglais, qu'on le veuille ou non?

Il y a là quelque chose de très sérieux. Je suis convaincu, pour ma part, que si ce plan de développement des langues n'avait pas été mis en place, il y a un an, par le gouvernement le plus responsable en matière linguistique qui ait jamais existé ici au Québec, nous courrions vers une véritable impasse culturelle. Quelle est-elle, cette impasse culturelle? Nous nous serions trouvés en présence du paradoxe suivant, à savoir que nos anglophones, dans le secteur anglophone, auraient été tous bilingues d'ici quelques années alors que nos francophones, dans le secteur francophone, n'auraient pas parlé anglais dans une proportion de plus de 10 p.c. Est-ce que vous vous rendez compte qu'il y a là tous les éléments d'une véritable catastrophe nationale? C'est par là qu'il fallait commencer, non pas par des lois susceptibles de

brimer les citoyens du Québec, parce qu'il faut bien réfléchir à cette question de l'immigration. Il est facile de dire: Nous allons imposer aux nouveaux immigrants de fréquenter le secteur francophone. J'ai à maintes reprises dit que j'étais loin de m'y opposer. Il m'apparaît normal que les nouveaux immigrants qui ne sont pas encore des citoyens de plein droit, fréquentent le secteur de la majorité à la condition qu'ils soient informés avant de partir, ce qui est maintenant possible, grâce à une entente signée par le ministère de l'Immigration québécois et le ministère de l'Immigration fédéral il y a quelques années, entente qui avait été, bien sûr, dénoncée par l'Opposition; de plus, qu'on puisse leur enseigner l'anglais, ce qui est désormais possible par le plan d'enseignement des langues et enfin, qu'on tienne compte des problèmes pédagogiques spéciaux, comme l'a toujours fait d'ailleurs le secteur anglophone, des problèmes pédagogiques spéciaux que posent les enfants qui ne parlent ni le français, ni l'anglais.

Il est extrêmement important de s'interroger sur l'immigration, car celle-ci a beaucoup diminué depuis quelques années et elle sera appelée à diminuer encore parce qu'on n'immigre pas pour des raisons culturelles, très rarement. On immigre pour des raisons économiques, parfois pour des raisons politiques; et l'évolution, à moins qu'il y ait des changements toujours possibles, est telle que nous ne pouvons plus compter sur une immigration importante.

De plus, jamais la source d'immigration francophone n'a été véritablement significative. Il n'y a jamais eu, au Canada, plus que quelques miliers de francophones qui ont immigré, et tous ne restaient pas au Québec, bon nombre allaient dans les autres provinces canadiennes.

Actuellement, je ne crois pas qu'on puisse parler de plus de 2,000 ou 3,000 francophones qui immigrent chaque année. Or ceci, c'est pour bien se rendre compte que nous n'avons pas le droit ou même la possibilité d'utiliser l'argument de l'immigration pour tenter de corriger nos insuffisances démographiques. Il y a là un mythe qu'il convient de dénoncer. Le seul moyen de corriger nos insuffisances démographiques, messieurs, madame, c'est de faire des enfants.

M. LESSARD: Combien en avez-vous, M. le ministre?

M. CLOUTIER: Et d'en faire beaucoup, cela a marché pendant deux siècles.

M. le Président, je crois que si nous...

M. LESSARD: La revanche des berceaux.

M. CLOUTIER: ... n'abordons pas la question de l'immigration avec infiniment de précautions et d'intelligence — c'est un mot que je n'ai pas peur d'utiliser à l'occasion, le mot "intelligence"..

M. LESSARD: Cela ne paraît pas.

M. CLOUTIER: ... nous risquons de nous trouver avec une difficulté encore plus grande, dirigeant nos immigrants vers des provinces qui leur paraîtront, à tort ou à raison — nous ne sommes pas là pour faire des jugements de valeur, nous sommes là pour constater des faits— plus accueillantes. La Colombie-Britannique reçoit actuellement deux fois plus d'immigrants que le Québec. L'Ontario en a reçu trois fois plus et la population de l'Ontario atteindra les 8 millions très bientôt. C'est la province la plus prospère et sa prospérité est liée à cette immigration. Je ne dis pas qu'il faut favoriser une immigration à sens unique qui renforcerait les positions anglophones, mais ce que je dis en revanche, c'est qu'il ne faut pas prendre des méthodes qui augmenteront encore le danger de minorisation. Parce que c'est là le véritable problème. Ce n'est pas un problème d'immigration, ce n'est pas un problème d'écoles françaises ou d'écoles anglaises, c'est un problème de population. Nous sommes une minorité au Canada et une minorité en Amérique, et il est faux de croire que l'immigration à elle seule viendra corriger ce risque de minorisation. N'allez pas me faire dire que je ne compte pas agir au nom du gouvernement; les structures mises en place constituent la première étape d'une action extrêmement bien articulée. Et celles-ci pourraient être coiffées d'une législation, le cas échéant, mais d'une législation qui devrait tenir compte de toutes les dimensions que je viens d'évoquer.

M. le Président, je crois en avoir dit suffisamment pour sensibiliser cette Assemblée, d'une part, au fait que cette motion dilatoire...

M. LESSARD: Cela se résume à pas grand-chose.

M. CLOUTIER: Cette motion a été présentée dans un contexte qui, moi, m'attriste, c'est-à-dire le contexte d'un filibuster, alors que précisément il faudrait en discuter dans un débat de fond. Je suis un peu déçu, M. le Président, que le Parti québécois, qui a fait de la langue son cheval de bataille — c'est à peu près le seul qui me paraisse...

M. LESSARD: Et que dire de nous?

M. CLOUTIER: ...rester— ait choisi d'utiliser si mal ses droits démocratiques. Mais, enfin, je ne suis quand même pas là pour donner des conseils, je m'en garderai bien. Mais ce que je veux dire, par exemple, c'est...

M. LESSARD: Donnez-vous des conseils, cela va être mieux.

M. CLOUTIER: ... que le problème est d'une telle importance que le gouvernement a agi, dès le début, et que le gouvernement continuera

d'agir en tenant compte des intérêts de tous les Québécois...

M. LESSARD: On peut vous aider, si ça va mal.

M. CLOUTIER: ... et également de l'avenir de la collectivité.

LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle dans sa réplique.

M. Jacques-Yvan Morin M. MORIN: M. le Président,...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît !

M. LESSARD: La gélatine, le troupeau.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

M. MORIN: ... ce n'est pas sans intérêt que j'ai constaté que le ministre responsable de la politique linguistique a accepté, en gros, sauf peut-être l'exception de l'article paru dans la Presse, les chiffres que je lui ai proposés.

S'il en est ainsi, je m'étonne d'autant plus de constater que, depuis 1970, nous sommes témoins de tactiques dilatoires, d'une impuissance à régler ce problème. Bien sûr, on pose des gestes ici et là pour donner le change, pour donner l'impression qu'on va faire quelque chose. Mais je pense que les chiffres que j'ai mentionnés et le caractère de plus en plus grave de cette situation démontrent que l'efficacité des mesures gouvernementales a été pour ainsi dire nulle.

Le ministre, avec raison, déclare qu'il entend politiser cette question. Encore, s'il le faisait dans le sens le plus haut et le plus noble du mot, mais ce n'est pas de cela que nous avons été témoins.

Le ministre, malheureusement, aurait pu en parler avec sérénité, avec chaleur même. Je crois qu'il l'a fait plutôt — sans doute le climat de l'Assemblée déteint-il sur lui à cette occasion — avec agitation. Il nous disait qu'il avait l'impression, par moments, d'entendre des discours vieux de 50 ans. Jamais n'ai-je eu cette impression aussi fortement qu'en l'écoutant nous rappeler des histoires aussi vieillottes et aussi peu adaptées au contexte industriel et sociologique du Québec d'aujourd'hui que la revanche des berceaux.

M. LESSARD: Incroyable!

M. MORIN: Le ministre disait que les Néo-Québécois, cela n'existe pas. Les Néo-Canadiens, semble-t-il, il y en a, mais pas de Néo-Québécois. L'autre jour, ne nous disait-il pas que les comtés anglophones, cela n'existe pas?

M. CLOUTIER: Cela n'existe pas.

M. MORIN: Je l'ai entendu dire et je commence à comprendre qu'avec cette appréciation si fine de la réalité québécoise, le ministre soit incapable de nous doter d'une politique linguistique. S'il n'y a pas de Néo-Québécois, s'il n'y a pas de comtés anglophones, eh bien oui, en effet, il n'y. a aucune raison de se donner une politique linguistique le moindrement cohérente. Quand on nie la réalité, forcément, par la suite, on n'arrive pas à mettre au point les correctifs qui s'imposent.

M. LESSARD: Dans les nuées.

M. MORIN: M. le Président, nous persistons à croire, dans l'Opposition, qu'il est grand temps d'agir, non pas seulement de s'occuper de mettre en place des offices, tout bien intentionnés qu'ils soient. C'est sur les lieux du travail, c'est dans les faits concrets, quotidiens, qu'il faut agir et malheureusement, sur ce plan, le gouvernement a été totalement inefficace.

J'ai écouté avec intérêt le député d'Anjou. Il nous a dit: Il y a un problème au niveau de l'accueil des immigrants. Est-ce que le député d'Anjou s'est interrogé sur les conditions qui font que beaucoup de Québécois, hélas, sont tiè-des, quand ce n'est pas hostiles, envers l'immigration? Est-ce qu'il ne s'est pas demandé s'il n'y avait pas là un cercle vicieux? Est-ce que ce n'est pas précisément parce que la langue des Québécois est menacée qu'ils se montrent hostiles aux immigrants? J'aimerais bien en discuter un jour, peut-être dans un climat moins survol-té, avec le député d'Anjou.

C'est parce qu'ils sont dépossédés, M. le Président, de leur langue comme de leur territoire, c'est parce qu'ils sont en passe de devenir des locataires, dans tout le sens du mot, dans leur propre pays, que les Québécois se montrent — il faut l'avouer — quelquefois hostiles à l'immigration. Alors corrigeons, non pas en essayant de leur mettre des immigrants de force dans la tête, corrigeons la situation en leur donnant la sécurité linguistique, la sécurité culturelle, et on verra que les problèmes disparaîtront d'eux-mêmes.

M. le Président, j'espère que le député d'Anjou représente l'opinion majoritaire au sein de son parti. Je me permets d'en douter. Mais si tel était le cas, il peut être sûr qu'il aura notre appui en tout temps et en tout lieu.

J'ai constaté que, malheureusement, s'il analyse correctement la situation par moments, lorsque vient le temps de passer à l'action, d'avoir des politiques définies, à ce moment, le député se montre plutôt enclin à disculper son collègue, le ministre de l'Education, à disculper le gouvernement de son inaction, alors qu'il devrait être le premier, parmi les jeunes dépu-

tés, parmi ceux qui s'intéressent à ces questions et qui sont conscients de ce qui se passe dans les jeunes générations, à pousser le plus fort sur le cabinet pour qu'enfin se posent des gestes concrets.

Je conclus. Je pense que nous arrivons à l'heure du vote. L'Opposition, en conclusion, persiste à croire que le gouvernement n'a pas fait ce qu'il fallait faire. Ce débat linguistique, le ministre souhaitait qu'il prenne fin. Eh bien, nous aussi, nous souhaitons qu'il prenne fin le plus tôt possible. Mais, au train où vont les choses, il va durer longtemps. Nous y reviendrons tant qu'il le faudra et, la prochaine fois, souhaitons-le, dans une ambiance qui ne sera pas celle d'un "filibuster".

Je termine en disant qu'au train où vont les choses le gouvernement n'est pas parti pour régler ce problème. Je me demande même s'il a l'intention de le régler. J'ai l'impression qu'il ne se réglera que le jour de l'Indépendance, M. le Président. Merci.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Est-ce qu'il y a lieu d'avoir un vote enregistré?

M. BURNS: Oui.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Vote sur la motion de censure de M. Morin

LE PRESIDENT: Messieurs, que ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable chef de l'Opposition officielle veuillent bien se lever, s'il vous plaît !

LE SECRETAIRE-ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Roy.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Que celle et ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît !

LE SECRETAIRE-ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Saint-Pierre, Choquette, Garneau, Cloutier, Phaneuf, Berthiaume, Goldbloom, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Bienvenue, Forget, Massé, Harvey (Jonquière), Arsenault, Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Perreault, Brown, Kennedy, Bacon, Blank, Veilleux, Saint-Hilaire, Brisson, Séguin, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Fraser, Picard, Gratton, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Marchand, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Springate, Pepin, Bérard, Boudreault, Boutin (Abitibi-Ouest), Chagnon, Ca-ron, Côté, Denis, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Verreault.

LE SECRETAIRE: Pour: 7. Contre: 68.

LE PRESIDENT: La motion est rejetée.

M. MORIN: Je le crains, ce sera pour une autre fois, M. le Président.

UNE VOIX: La minorité a gagné.

UNE VOIX: Pardonnez-leur car ils ne savent...

M. LEVESQUE: Suspension à 15 heures.

LE PRESIDENT: L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 7)

Reprise de la séance à 15 h 6

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Le député de Maisonneuve.

Motion de M. Burns portant sur

la conduite du président de la commission

étudiant le projet de loi no 8 (suite)

Motion d'amendement de M. Léger (suite) M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, hier soir, nous en étions, lorsque la Chambre a ajourné ses travaux, à discuter de l'amendement d'un de mes collègues qui voulait substituer le mot "regrette" au mot "réprouve". Avant même de continuer ou de faire le lien avec ce que je disais hier, je sais que vous réprouvez également ce genre de remarques de la part des députés en Chambre, mais je pense que vous allez admettre que c'est peut-être une bonne chose que ce soit un député de l'Opposition, qui a pris certaines attitudes à l'égard du projet de loi visant à augmenter le salaire des juges, qui signale la présence dans nos galeries de deux de ces honorables juges, M. le juge Guy Guérin et M. le juge Robitaille, qui sont là. Je tiens à souligner leur présence.

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député me permettrait une interruption?

M. BURNS: Oui.

M. CHOQUETTE: Si vous saviez tout le mal qu'ils pensent de vous, vous ne le signaleriez pas.

M. BURNS: M. le Président, je suis sûr qu'avec le temps, s'ils pensent du mal de nous — ce dont je ne suis pas certain; même si je crois le ministre de la Justice, je ne prends pas à la lettre ce qu'il vient de me dire — ils vont sûrement comprendre, si ce n'est pas déjà fait, que c'est dans les plus hauts intérêts de l'administration de la justice que cette objection ou cette obstruction de notre part est faite.

M. le Président, je reviens à mon propos d'hier. En résumé, après vous avoir cité des extraits du dictionnaire Robert et autres, je vous avais dit que cette espèce de dilution de la motion principale, en changeant le mot "réprouve" par le mot "regrette", m'agréait parce que je me disais que c'était, sur le plan parlementaire, quelque chose qui était aussi fort, comme reproche mais peut-être moins fort sur le plan de l'attitude que nous tenons à l'égard du député de Roberval.

Cependant, et c'est là-dessus que je terminerai mon intervention, puisqu'il ne me restait seulement qu'une minute ou deux, je crois que si on regrette l'attitude du député de Roberval, et comme je voterai en faveur de l'amendement proposé par mon collègue, et si on accepte de diminuer le caractère verbal, l'attaque verbale que comporte ma motion, je suis d'accord. Mais d'autre part, il faut aussi qu'il y ait des mesures précises qui soient prises d'ici peu et au moins jusqu'à la fin de la présente session. Je suggère que le député de Roberval, eu égard à ce manque de crédibilité — en ce qui nous concerne — en matière de présidence de la commission de la justice, eu égard à ce manque de crédibilité que nous exprimions notre opinion, il n'ait pas à présider cette commission, du moins pour la session en cours.

Motion d'amendement de M. Burns

M.BURNS: Et c'est pourquoi je propose comme sous-amendement ce qui suit: "Que la motion d'amendement en discussion soit sous-amendée en ajoutant à la fin les mots: ... et souhaite que d'ici la fin de la présente session, il ne préside plus ladite commission".

Nous avons, depuis le début, relié les reproches que nous avons à faire au député de Roberval au geste qu'il a posé en tant que président de la commission parlementaire de la justice.

Nous ne voulons pas l'exposer outre mesure à de nouvelles critiques. Nous croyons même que vous tenterez de ne pas l'exposer à nouveau à ce genre de critiques et nous croyons même...

M. TETLEY: Votre temps est terminé. Too bad! Just too bad!

M. BURNS: ... que vous jugerez qu'il est très sage de notre part de limiter encore une fois le corridor de cette motion. Nous l'avons d'abord limité, M. le Président... Permettez-moi deux secondes...

LE PRESIDENT: Elle est faite, votre motion.

M. BURNS: II y en a d'autres qui l'expliqueront, M. le Président.

M. TETLEY: It is too late, Mr Speaker.

LE PRESIDENT: Nous allons suspendre pour cinq minutes.

Décision de M. le Président

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

Après de nouvelles consultations, nous avons considéré ce sous-amendement, qui ajoute à la motion amendée les mots "et souhaite que d'ici la fin de la présente session, il ne préside plus ladite commission". Nous nous sommes guidés sur Beauchesne, encore une fois, page 173, la quatrième édition, où il est dit, au milieu de la

page, un texte que j'ai cité d'ailleurs, hier: "L'objet d'un sous-amendement étant de modifier un amendement — il le modifie effectivement — il ne devrait pas élargir la portée de l'amendement".

Dans le moment, l'effet de ce sous-amendement élargit, selon mon opinion, énormément le regret exprimé. Le regret est une impression, une espèce de déplaisir que l'on ressent. On ajoute à ça une punition, qui serait de ne plus siéger d'ici la fin de la présente session. Egalement, notre règlement actuel, à l'article 70, dit: "Un amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion proposée et ne peut avoir que les objets suivants: retrancher, ajouter des mots ou les remplacer par d'autres. Il est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale sur laquelle il a été proposé..." Il faut bien se rappeler que sur la question principale, actuellement, étant donné qu'il en est de même d'un sous-amendement, par rapport à un amendement, il est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale. La question principale est la motion telle qu'amendée, c'est le regret, en somme. Suivant mon impression — ce n'est peut-être pas subtil — je crois qu'en ajoutant une condamnation, on écarte indirectement l'amendement qui n'est qu'un regret. Je trouve que ce sous-amendement aurait été beaucoup plus recevable s'il avait été accroché à la question principale non amendée, qui était une condamnation.

Lorsque l'on réprouve quelqu'un, on peut faire suivre par une condamnation. Mais du fait qu'on est parti de plus fort pour aller à moins fort et qu'on revient encore à plus fort, pour toutes ces raisons, je crois que ce sous-amendement ne serait pas recevable.

M. BURNS: Une simple question, M. le Président. Est-ce que je dois comprendre de votre décision — vous l'avez indiqué, remarquez, mais j'aimerais vous l'entendre clairement me le dire afin d'éviter des débats de procédure futurs — que si ce sous-amendement avait été proposé comme amendement, il deviendrait recevable? C'est la question que je vous pose.

LE PRESIDENT: J'ai dit "plus recevable". M. BURNS: Bien, justement...

LE PRESIDENT: Bien ce que vous me dites est hypothétique.

M. BURNS: Bien, M. le Président, c'est une directive que je vous demande.

LE PRESIDENT: Bien oui, mais...

M. BURNS: Vous êtes la haute autorité de cette Chambre...

LE PRESIDENT: Oui.

M. BURNS: ... et je me fie à votre décision.

LE PRESIDENT: Oui.

M. BURNS: Vous êtes notre guide, M. le Président.

LE PRESIDENT: Ecoutez, avec ce que je vous disais également hier: Prudence! Prudence! C'est ici qu'on l'apprend. Je n'aime pas beaucoup donner de directives, encore une fois, immédiatement après une décision et surtout sur une question hypothétique.

M. BURNS: M. le Président, cela va être plus qu'hypothétique. La directive que je vous demande est à l'effet de savoir si un des députés, qui a actuellement encore le droit de parole sur la motion principale — et il y en a deux — pourra proposer, de façon acceptable...

LE PRESIDENT: Bon.

M. BURNS: ... à votre interprétation du règlement, cette motion d'amendement. J'ai entendu et j'ai bien noté qu'elle serait plus recevable, et j'ai vu cette nuance que vous mettiez, M. le Président. Mais je voudrais être certain que je ne perdrai pas le temps de cette Chambre...

LE PRESIDENT: En deux mots, c'est sur la...

M. BURNS: ... en proposant un nouvel amendement.

LE PRESIDENT: ... motion principale non amendée. Si on revient à la réprobation, on réprouve... Je regarde un des vice-présidents... Vous comprenez que lorsqu'on étudie une question dans un cas assez délicat, on se limite à la question même.

M. BIENVENUE: On pourrait peut-être revenir à la réprobation !

LE PRESIDENT: Ecoutez, je n'aimerais pas suspendre encore. J'aimerais y penser quelques minutes. Pour le moment, je vous dis que ce sous-amendement n'est pas accepté.

M. BURNS: Pendant que vous y pensez, M. le Président, je vous demande de penser également au fait que tous nos amendements ont eu une tendance bien précise depuis le début.

M. VEILLEUX: ... c'est en arrière.

M. BURNS: C'était de plus en plus de limiter le corridor, de dire de plus en plus, véritablement, ce que la motion principale devait dire.

LE PRESIDENT: Bon. Le prochain...

UNE VOIX: Le sort en est jeté!

LE PRESIDENT: Nous revenons, je crois...

UNE VOIX: II faudrait disposer de...

LE PRESIDENT: Oui, oui! Vote, oui! Est-ce qu'il y a d'autres opinants sur la motion telle qu'amendée?

M. LEGER: Est-ce qu'il y a un droit de réplique sur l'amendement?

M. BEDARD (Chicoutimi): II y a le vote, là. Il y a un vote sur l'amendement?

LE PRESIDENT: II n'y a pas de droit de réplique sur cela. Je crois que l'honorable député de Chicoutimi a parlé sur cela.

M. BURNS: M. le Président, il y avait deux opinants. J'étais le dernier sur la motion d'amendement. Alors, je demande le vote, avec mes collègues.

M. SAINT-PIERRE: II y en a deux debout, là. On en a assez d'un!

M. BEDARD (Chicoutimi): Ce n'est quand même pas le ministre de l'Industrie et du Commerce qui va me donner des ordres. Je les attends du président de la Chambre.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés ou...

M. BURNS: Oui, M. le Président.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

A l'ordre,messieurs!

Vote sur la motion d'amendement de M. Léger

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable député de Lafontaine à l'effet que la motion en discussion, qui est la motion du député de Maisonneuve et qui se lit comme suit: "Que cette Assemblée réprouve la conduite de son vice-président, le député de Roberval, lors de l'étude en commission permanente de la justice du projet de loi no 8" soit amendée en y remplaçant dans la première ligne le mot "réprouve" par le mot "regrette", veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE-ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi).

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Leves- que, Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Garneau, Lachapelle, Berthiaume, Mme Bacon, MM. Tetley, Drummond, Bienvenue, Forget, Massé, Harvey (Jonquière), Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Perreault, Brown, Kennedy, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Séguin, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Ostiguy, Picard, Gratton, Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Springate, Bellemare, Bérard, Bonnier, Boudreault, Boutin (Johnson), Boutin (Abitibi-Ouest), Chagnon, Caron, Côté, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Verreault.

Deux abstentions: MM. Roy et Samson.

LE SECRETAIRE: Pour: 6

Contre: 63

Abstentions: 2

LE PRESIDENT: La motion est rejetée. L'honorable député de Chicoutimi.

Reprise du débat sur la motion principale M. Marc-André Bédard

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, parlant sur la motion principale, on a tout à l'heure souligné...

M. TETLEY: C'est très intelligent!

LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît!

M. BEDARD (Chicoutimi): Que des députés interviennent, invectivent les députés de l'Opposition, ça se comprend, mais pas les ministres, voyons !

M. TETLEY: Vous ne serez jamais ministre, vous.

M. BEDARD (Chicoutimi): Qu'est-ce qu'il dit?

M. CHARRON: Il dit: Vous ne serez jamais ministre.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TETLEY: Qu'est-ce que dit votre "coach", votre petit...

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! ...A l'ordre! Ecoutez, à l'ordre! ...A l'ordre! ... A l'ordre, messieurs! ... Ecoutez, s'il y en a à qui cette procédure parlementaire qui se déroule actuellement, qu'on appelle communément un "filibuster" — à l'ordre, s'il vous plaît — ne fait pas plaisir, je ne voudrais pas qu'ils devien-

nent quand même partisans d'une chose qu'ils condamnent. Il reste que leurs interruptions, je devrai les prendre en considération dans le temps des députés qui ont la parole.

M. BEDARD (Chicoutimi): Surtout, M. le Président, que, jusqu'ici, j'ai bien l'impression que l'Opposition a agi — et c'est ce qui est important — en respectant les règlements et dans la complète légalité. Les invectives qu'on peut faire à l'Opposition à ce stade-ci, en fait, vont simplement contre le respect des règlements et le respect des décisions de l'honorable président de la Chambre. Je vois certains députés qui nous accusent de faire perdre du temps. Il me semble que, si on se reporte aux discours qui ont été prononcés en réponse au message inaugural, nous avons assisté à ce moment-là, sans faire de réprobation, à une sorte de "filibuster" de la part du gouvernement sans que ça amène grand-chose dans l'évolution des travaux de la Chambre; au contraire, ça les a retardés. Cela nous a amenés à entendre des discours de la part —très bien, c'était leur droit à ce moment-là — de 25 ou 30 députés du gouvernement qui, dans le fond, disaient sensiblement la même chose. Je tiens à faire cette mise au point parce qu'en termes de perte de temps, si on ne l'avait pas perdu au début de la session, peut-être qu'on aurait fini la session, M. le Président; il y a d'autres lois importantes qui seraient adoptées et que nous attendons pour les voter.

M. le Président, on a souligné, tout à l'heure, la présence dans les galeries d'honorables juges; je crois qu'on pourrait en profiter à ce moment-ci, puisque nous sommes dans le domaine de la légalité, pour faire une sorte de rétrospective du débat et peut-être leur permettre de juger, comme vous, M. le Président de l'Assemblée, de la légalité et du bon sens de la motion que nous avons faite.

Nous avons présenté une motion à l'effet de réprouver la conduite du vice-président de la Chambre, le député de Roberval, lors de l'étude en commission permanente de la justice du projet de loi 8.

D'abord, nous avons très bien établi au départ que par ce geste nous ne réprouvions en aucune façon l'ensemble de la conduite du député de Roberval. A un moment donné, le leader de l'Opposition a parlé de sa compétence, de son objectivité, de son intégrité, et moi-même aussi. Je ne faisais qu'entériner à ce moment-là les propos qui avaient été tenus par le leader de l'Opposition dans cette Chambre. Nous n'avons pas non plus accusé en aucune façon — et ce n'était pas notre intention — le député de Roberval de mauvaise foi dans la manière d'exercer les responsabilités qu'il avait à exercer en étant président de la commission. Au contraire, et nous tenons à situer le débat très bien, nous avons simplement dit qu'il avait fait une erreur de jugement, erreur qui est humaine, erreur qui est une chose compréhensible et qui peut être faite par n'importe qui, que ce soit un député de l'Opposition ou un député du gouvernement. Je crois que c'est humain.

Nous avons même essayé de diminuer la portée de notre motion où nous employions à ce moment-là le mot "réprouver". Nous avons tenté d'en diminuer la portée en apportant un amendement pour changer le mot "réprouver" par "regretter". Nous voulions très bien spécifier à ce moment-là qu'en aucune façon nous ne voulions remettre en question l'ensemble de la conduite du député de Roberval. Au contraire, en amenant cet amendement à l'effet de regretter plutôt que de réprouver, on consacrait le fait que nous acceptions que c'était tout simplement une erreur qui avait pu être faite par le député de Roberval.

Ceci étant dit, nous avons basé notre motion sur trois points. Premièrement sur — et ça c'est strictement la légalité — la légalité des décisions qui ont été prises par le président de la commission parlementaire de la justice qui siégeait. Nous avons tout simplement, à ce moment-là, réprouvé ou regretté certaines décisions qui à notre sens n'étaient pas correctes et n'étaient pas dans le sens des règlements de cette Assemblée nationale.

Nous avons basé notre argumentation et nous n'en sommes pas sortis. Nous l'avons dit: il y a une erreur qui a été commise. Pour être logique, M. le Président, il n'a jamais été question de rebrousser chemin ou d'essayer, de la part de l'Opposition, de retraiter. Nous sommes tout simplement convaincus qu'une erreur a été commise, erreur humaine, erreur d'appréciation de règlement commise par le vice-président de la Chambre, qui siégeait à ce moment-là comme président de la commission parlementaire.

Les trois points sur lesquels nous nous sommes basés sont les suivants: Premièrement, on a dit que le président, l'honorable député de Roberval qui présidait la commission parlementaire, n'avait pas respecté un précédent déjà établi dans cette Chambre à l'occasion de cette session, n'avait pas respecté des précédents déjà établis en ne permettant pas à l'honorable député de Saint-Jacques et à l'honorable député de Saguenay de s'exprimer lors de la tenue de la commission parlementaire.

Il est évident que lorsque nous apportions cet argument, nous nous basions sur un article du règlement que vous nous avez fait parvenir, l'article 3 qui dit, entre autres, que la procédure de l'Assemblée nationale du Québec est réglée, d'une part, par les lois, par les règlements, par les règlements adoptés pour la durée d'une session, par des ordres spéciaux adoptés par l'Assemblée et dont l'effet est limité aux matières pour lesquelles ils sont votés; quatrièmement, par des ordres spéciaux adoptés par l'Assemblée et dont l'effet est limité aux matières pour lesquelles ils sont votés, et cinquièmement, par des précédents établis par suite de l'interprétation des lois et des règlements.

Et justement, nous avons dit alors que le

président de la commission aurait dû permettre à l'honorable député de Saint-Jacques et à l'honorable député de Saguenay de se faire entendre. Nous avons apporté comme argument qu'il y avait des précédents, entre autres, une commission parlementaire à laquelle j'ai siégé, à savoir celle des affaires sociales où, à un certain moment, il y avait plusieurs représentants du gouvernement et deux représentants de l'Opposition, en l'occurrence l'honorable député de Maisonneuve et moi-même. Après avoir commencé les travaux de cette commission, à un certain moment, l'honorable premier ministre du Québec est arrivé, et même s'il n'était pas délégué officiellement à la commission, il a demandé le droit de parole et tout le monde le lui a accordé et le président lui a donné ce droit de parole.

Egalement, le chef de l'Opposition est arrivé et lui aussi, même s'il n'était pas délégué officiel, au sens légal du mot, du parti de l'Opposition, a demandé le droit de parole et la commission le lui a accordé à ce moment.

Alors, pourquoi ce droit, ce précédent qui a été établi au niveau de l'honorable premier ministre et au niveau de l'honorable chef de l'Opposition, pourquoi ce précédent n'a-t-il pas été respecté, M. le Président, au moment de la tenue de la commission parlementaire de la justice? Est-ce qu'il y aurait une inégalité entre l'honorable chef de l'Opposition et les députés, entre l'honorable premier ministre et les députés?

Je pense qu'en cette Chambre, dans les règlements concernant le droit de parole... Heureusement que c'est cela parce que je me demande jusqu'à quel point on pourrait se faire entendre lorsqu'on a plus ou moins d'expérience...

M. MERCIER: Parlez intelligemment.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... par rapport à des gens qui ont acquis de l'expérience. Je me demande jusqu'à quel point on pourrait se faire entendre et faire valoir nos droits, ceux de nos comtés ou encore les représentations des électeurs que nous avons à représenter, si nous n'avions pas comme sauvegarde justement ces règlements qui établissent d'une façon très claire — et on voit que c'est démocratique, au moins de ce côté — que les députés comme l'honorable premier ministre, comme l'honorable chef de l'Opposition, peuvent se faire entendre sur quelque projet de loi que ce soit en autant qu'ils respectent les règlements.

Egalement, nous nous sommes basés sur un deuxième point, et celui-là, à mon sens, est clair et on ne peut pas le réfuter. Nous nous sommes basés sur le fait que l'honorable président de la commission parlementaire de la justice avait commis une faute à ce moment, en ajournant la commission parlementaire sans permettre une motion d'ajournement, motion d'ajournement, en fait, si on se réfère à l'article 163, qui établit que les règles relatifs à l'Assemblée prévalent en commission, mutatis mutandis, en faisant la relation avec l'article 148 — je m'excuse, M. le Président l'article 147, paragraphe 2, qui établit d'une façon très claire qu'à la fin d'une séance, il doit y avoir une motion d'ajournement et que cette motion donne le droit à chacun des représentants des partis d'être entendu.

M. LEGER: M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue, mais nous n'avons pas quorum. Est-ce que vour pourriez appeler les députés pour qu'on puisse écouter les savantes expressions du député de Chicoutimi?

UNE VOIX: On l'a maintenant.

M. LEGER: ... votre quorum, M. le député de Saint-Jean.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Est-ce que je pourrais inviter les honorables députés à prendre leur siège? Nous aurons alors quorum.

Le député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): J'imagine que le temps où vous appelez le quorum ne compte pas dans mon intervention.

Pour en revenir à la motion, pour montrer notre logique — à un moment donné, il faut faire la rétrospective des règlements que nous avons à invoquer — cela a été purement le respect des règlements que nous avons demandé, jusqu'ici. Je reviens au geste qui a été posé et qui est, à notre sens, une violation du règlement par l'honorable député de Roberval, le président de la commission parlementaire, qui n'a pas permis la motion d'ajournement, laquelle est un droit. Ce n'est pas un droit pour le chef de l'Opposition, ce n'est pas un droit pour l'honorable premier ministre; c'est un droit pour tous les députés de s'exprimer lorsqu'ils sont les représentants de leur parti à l'intérieur d'une commission, de pouvoir, autrement dit, dans l'espace de dix minutes, résumer d'une façon aussi complète que possible, les positions de leur parti, les arguments sur lesquels ils se basent, sur lesquels ils font porter le plus fort de leurs discussions ou de leur récriminations concernant le projet de loi qu'ils ont à étudier en commission. C'est un point qui est très clair, où il y a eu violation des règlements. A ce moment, on a continué à être logique, on a présenté un amendement disant que nous croyons que le rapport de cette commission — et nous continuons à le croire — a été fait illégalement. Lorsqu'il a été déposé en Chambre, il a été déposé illégalement, parce qu'une commission qui siège illégalement, encore une fois, ne pouvait amener comme résultat qu'un rapport illégal. Et un rapport illégal n'a pas sa place ici en Chambre. Le fait d'en accepter le dépôt ici en Chambre aurait tout simplement été, pour nous l'équivalent de

sanctionner quelque chose que nous croyons illégal. C'est cette suite logique qui a tout amené, M. le Président, tout: la motion, les amendements, les sous-amendements. Je crois qu'au cours de toute la discussion que nous avons eue concernant amendements, motion principale et sous-amendements, nous nous sommes toujours tenus dans le corridor de la légalité. Qu'on ne vienne pas nous dire qu'on fait perdre du temps à l'Assemblée, encore une fois. Comment en a-t-on perdu à entendre, lors du débat sur le discours inaugural, 25 ou 26 discours qui n'ont absolument rien apporté, beaucoup moins que ce qu'apporte, à l'heure actuelle, le respect des procédures. Je les ai respectées, moi, et en aucune façon je n'ai exprimé de désapprobation lorsque les 25 députés du gouvernement se sont fait entendre lors du discours inaugural. On a pris seulement quelques heures, alors que le gouvernement — c'était son droit et il a bien fait — a pris le reste du temps pour se faire entendre. Chaque député a pris le temps pour se faire entendre de son comté, c'est normal. Pourquoi, M. le Président...

M. SAINT-PIERRE: La pertinence du débat.

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, ce n'est pas cela, ne vous inquiétez pas. C'est parce qu'on s'aperçoit...

M. VEILLEUX: C'est mauvais pour le coeur.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... jusqu'à quel point le processus qu'on a suivi est légal. On s'est toujours exprimé dans la légalité et l'Opposition peut être fière, tout simplement, d'avoir toujours respecté les décisions de l'honorable président de la Chambre, et d'avoir tout simplement exercé les droits qu'il est de son devoir d'exercer. Effectivement, autant le gouvernement a été élu pour faire la législation, essayer de la rendre la plus rentable possible, la plus équitable et la plus profitable possible pour tous les citoyens du Québec, autant l'Opposition a été élue pour essayer d'apporter des remarques suggestives ou encore des amendements suggestifs...

M. MARCHAND: Il commence à faire...

M. BEDARD (Chicoutimi): ... concernant toutes ces lois qui sont apportées dans cette Assemblée nationale ou qui sont déférées en commission parlementaire.

Alors, on me dit qu'il ne me reste pas tellement de temps. Si je me suis permis de faire cette rétrospective, c'est parce que, d'une part, je l'ai dit et je sais bien que, pour tous les honorables députés de la Chambre, cela fait quand même assez longtemps qu'on en discute pour savoir jusqu'à quel point nous évoluons...

M. MARCHAND: ... pas conscient...

M. BEDARD (Chicoutimi): ... dans la légalité...

M. MARCHAND: ... inconscient...

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est du fait qu'il y avait la présence d'honorables juges ici et cela leur permettait de voir...

M. SAINT-PIERRE: J'invoque le règlement, M. le Président. Vu qu'il reste à l'honorable député à peine une minute, peut-être que vous pourriez l'inviter...

M. BEDARD (Chicoutimi): Trois minutes.

M. SAINT-PIERRE: ... peut-être que vous pourriez l'inviter...

M. LEGER: J'invoque le règlement, M. le Président.

M. SAINT-PIERRE: J'ai invoqué une question de règlement, je m'excuse.

M. MARCHAND: Pas deux à la fois.

M. LEGER: J'invoque le règlement sur ce qu'il vient de dire.

M. SAINT-PIERRE: Sur le règlement, M. le Président.

M. LEGER: J'ai vérifié...

LE PRESIDENT: Sur quoi? En vertu de quoi?

M. LEGER: ... M. le Président, auprès... Le député est en train...

M. SAINT-PIERRE: Non. LE PRESIDENT: II lui restait trois minutes. M. SAINT-PIERRE: En vertu de quoi? M. LESSARD: M. le Président...

M. LEGER: C'est ça, il reste trois minutes et il dit une minute.

LE PRESIDENT: Ce n'est pas une question de règlement... Allez, allez.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je sais qu'il reste au député quelques minutes à parler. Pourriez-vous l'inviter à la pertinence du débat et à nous donner au moins une phrase dans laquelle il pourra parler sur l'amendement qui est devant la Chambre dans le moment et non tenter...

UNE VOIX: Mais je pense que c'est impossible.

M. SAINT-PIERRE: ... de justifier le "filibuster" que le Parti québécois nous fait subir?

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, je trouve cette remarque...

M. SAINT-PIERRE: Vous ne parlez pas. Parlez sur la motion, ne nous dites pas pourquoi vous faites ça.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, en quoi cette remarque peut-elle être pertinente? Je pense avoir parlé dans la légalité. La meilleure preuve que j'ai parlé dans la légalité, c'est que je n'ai eu aucune interruption de l'honorable président de cette Chambre. Qui est le gardien de la légalité ici, sinon l'honorable président de cette Chambre?

M. SAINT-PIERRE: Une phrase, une phrase.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, je vais terminer...

M. MARCHAND: ... prends une déblayeuse.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... parce que les remarques du ministre de l'Industrie et du Commerce montrent qu'en termes de légalité il s'y connaft très peu. Alors, je vais tout simplement terminer en apportant un amendement à la motion principale qui se lirait comme suit: ...

M. MARCHAND: On commence!

M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce celle-là? Sur la décision?

UNE VOIX: Ah! Ah!

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est parce qu'il en a plusieurs! Alors, que la motion en discussion...

LE PRESIDENT: Est-ce que l'honorable député de Maisonneuve...

M. BURNS: J'étais dans l'allée, M. le Président, je me dirigeais vers mon siège.

M. LESSARD: Est-ce que l'on pourrait demander, M. le Président — c'est une question de règlement — au député de Laurier de respecter l'article 26 et de reprendre son siège?

M. BEDARD (Chicoutimi): Alors, M. le Président...

M. LESSARD: Je vous le demande, M. le Président.

M. VEILLEUX: M. le Président, en vertu de l'article 92, demandez donc au député de Saguenay de se tenir debout.

M. LESSARD: C'est la troisième fois, M. le Président...

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs!

M. LESSARD: ... regardez l'intelligence du député de Saint-Jean.

LE PRESIDENT: Un peu de sérieux, un peu de sérieux.

UNE VOIX: C'est difficile de l'être avec eux, M. le Président.

M. BEDARD (Chicoutimi): Alors...

M. VEILLEUX: Ils ne perdent rien pour attendre. On va les...

Motion d'amendement de M. Bédard

M. BEDARD (Chicoutimi): Je termine, M. le Président, en proposant que la motion en discussion soit amendée en remplaçant les mots "conduite de son vice-président" par les mots "décision d'ajournement du 14 au 15 décembre 1973", de façon que la motion principale se lise comme suit: Que cette Assemblée regrette —là, c'est réprouve, cela a été battu — donc réprouve la décision d'ajournement du 14 au 15 décembre 1973, rendue par le vice-président, le député de Roberval, lors de l'étude en commission permanente de la justice du projet de loi 8. Autrement dit, à l'intérieur, nous apportons l'amendement suivant: Au lieu de "conduite", qui est dans la motion principale,...

UNE VOIX: ...

M. BEDARD (Chicoutimi): Arrêtez donc d'intervenir, on va se comprendre.

M. SAINT-PIERRE: C'est terrible!

M. BEDARD (Chicoutimi): Dans la motion principale, nous remplaçons le mot "conduite" par "décision rendue". Je vais expliquer pourquoi.

C'est parce...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. SAINT-PIERRE: En 1978, on va être 110.

M. LESSARD: A la suite de vos explications,...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! M. LESSARD: ... de vos interventions.

M.BURNS: Continuez, c'est parfait. Continuez de croire à cela, cela va être parfait.

UNE VOIX: A l'ordre!

M. BURNS: Vous agissez d'ailleurs de la façon...

M. SAINT-PIERRE: Non, et vous autres, vous faites perdre du temps au Québec.

M. BURNS: ... absolument inverse.

M. LEGER: On vous laisse dans vos illusions.

M. SAINT-PIERRE: Vous faites perdre du temps au Québec.

M. LEGER: On vous laisse dans vos illusions.

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs! ...

M. BACON: On vous a battus et on va vous battre encore.

LE PRESIDENT: A l'ordre! ... A l'ordre! Messieurs! ... Bon!

L'honorable député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Très succinctement, M. le Président, d'une part, on avait apporté un amendement à la motion principale, limitant dans le temps les actes posés par l'honorable député de Roberval, en ajoutant: Lors de la séance tenue les 14 et 15 décembre 1973. C'était là une limitation dans le temps. A l'heure actuelle, nous croyons que "condui-te"est un terme trop général qui a été donné dans la résolution et nous voulons limiter l'acte qui a été posé par l'honorable député de Roberval, autrement dit, limiter de manière qu'on n'exploite pas le mot "conduite" d'une façon démagogique et injuste envers l'honorable député de Roberval. Nous voulons limiter son acte, très bien circonscrire l'acte qui a été posé en changeant le mot "conduite" par le mot "décision".

LE PRESIDENT: Donnez-moi la copie.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je pense que ce serait plus juste envers l'honorable député de Roberval.

M. BURNS: M. le Président, désirez-vous m'entendre là-dessus ou si vous préférez...

UNE VOIX: Non!

LE PRESIDENT: Dans quelques minutes. Vous me dérangez trop, je préfère suspendre pour cinq minutes.

M. BURNS: M. le Président, je veux tout simplement vous référer à deux décisions qui, à mon avis, sont assez importantes à l'égard de la recevabilité de l'amendement qui vous est soumis actuellement. Ce que nous tentons, par l'amendement qui a été proposé par le député de Chicoutimi, c'est de vous préciser l'occasion exacte à laquelle nous aurions aimé regretter, mais nous réprouvons la conduite du député de Roberval.

C'est quelque chose qui a été accepté dans d'autres Parlements qui suivent les mêmes règles. Je vais plutôt commencer par vous citer une réponse du président de la Chambre des communes de Londres le 26 juillet 1901, que vous connaissez sans doute. Justement, il s'agit d'un problème tout à fait analogue qui vous donne raison, M. le Président, entièrement sur l'attitude que vous avez tenue, il y a deux jours, lorsque je me suis plaint du retour du rapport en Chambre, et qui dit tout simplement que vous n'aviez pas à intervenir. Je le dis publiquement: Je suis entièrement d'accord sur cette attitude que vous avez maintenue, parce que j'ai eu connaissance de cette décision postérieurement.

Mais un certain député du nom de Swift MacNeil, ce 26 juillet 1901, se plaignait de décisions qui avaient été prises en comité par le président. Il pose une question au président, que vous me permettrez de vous citer. Evidemment, ça va être en anglais, car ça se passait à Londres. Cela ne vous choquera pas? "I desire to put a question to you, Mr Speaker, as bearing upon the protection of the rights and privileges of Members. I am aware that you are uanble to take cognizance of what takes place in committee of supply. But will you say if there is any method of challenging a ruling of the deputy-chairman given last night, and which appears to have been contrary to practice and calculated to unduly shield ministers from criticism. Could such a ruling be challenged in any other way thanby a motion? "Mr Speaker: I am not aware of any other method".

Et le député MacNeil continue: "Then I beg, Mr. Speaker, to give notice of a motion in the following terms: —et on cite— "That this House disagrees with the ruling of Mr Stewart Worthly as deputy chairman on Thursday, that criticism of the manner and method of response by the Secretary of State forward to questions addressed to him in reference to matters in his Department are out of order in discussion in committee of supply on a motion for the reduction of the Secretary of State's salary inasmuch as it is subversive, off free discussion, contrary to practice, and a grave infringement on the rights of its members".

M. le Président, ce que j'essaie de vous démontrer en vous citant cette décision ou cette motion qui, d'ailleurs, est apportée dans "The Parliamentary Debates, fourth series, volume 98" du 25 juillet 1901 au 7 août 1901.

LE PRESIDENT: C'est "fourth...

M. BURNS: "The Parliamentary Debates",

de la Chambre de Londres. C'est la "fourth series", la quatrième série, M. le Président.

LE PRESIDENT: "Fourth".

M. BURNS: C'est "fourth series, second session of the 27th Parliament of the United Kingdom of Great Britain and Ireland". I am very happy, Mr Speaker, that Ireland be mentioned in this.

M. le Président...

LE PRESIDENT: It was included at that time.

M. BURNS: Now, at that time...

LE PRESIDENT: Included in the United Kingdom.

M. BURNS: ... they had not separated, yet!

M. le Président, le deuxième cas que je veux vous citer est beaucoup plus près de nous, il est à quelque 200 milles de l'endroit où je vous parle, c'est-à-dire à Ottawa et, au point de vue du temps, il est assez rapproché aussi. Il s'agit d'un problème qui a été soulevé le 27 mars 1962 et que je tire de "Parliamentary Debates, Commons"... je m'excuse. M. le Président, c'est encore une décision britannique; je m'aperçois qu'il s'agit...

LE PRESIDENT: En 1962.

M. BURNS: Oui, encore une décision britannique, je m'excuse de la mauvaise référence, c'est parce que j'ai vu "Parliamentary Debates, Commons"; c'est une série qui nous vient du Royaume de Grande-Bretagne. M. le Président, à la page 1026 de ce recueil que je vous cite, "Parliamentary Debates, Commons", 1961-1962, volume 656 qui vaut pour les jours compris entre le 19 mars et le 30 mars et c'est la cinquième série, "fifth series", on voit encore une fois une même attitude.

Elle est posée par le député, Sydney Silver-man, lorsqu'il fait la motion suivante qui a été jugée régulière encore une fois. "That this House respectfully dissents from the rulings given by the Chairman of Ways and Means, whereby the only amendment called for a reduction of the navy estimates was not moved, considered or decided, and declares that the right and, in appropriate circumstances, the duty of the Committee of Supply to reduce any proposed grant of money to the Crown cannot and ought not be frustrated, abrogated and diminished in any manner by the Chair".

Ce que nous voulons faire, M. le Président, dans le fond, par l'amendement proposé par le député de Chicoutimi, c'est justement — en réunissant, je ne dirais pas ces deux décisions, mais ces deux attitudes, parce que cela n'a pas été contesté à ces deux occasions; on a jugé recevable la motion — utiliser le seul moyen — tout à fait en accord avec votre décision, l'autre jour — de ramener devant la Chambre un geste précis auquel, soyons clairs, nous nous opposons et que nous voulons, à toutes fins pratiques, porter devant la Chambre. C'est la seule et unique façon, M. le Président, vous référant à ces deux décisions-là, que nous ayons pour porter ça devant la Chambre.

Nous n'avons aucun autre moyen, sinon par une motion très précise, de dire dans quelles circonstances et à quel moment nous en "appelons" de la décision du président de la commission, qui, en l'occurrence, est vice-président de l'Assemblée nationale. C'est sûr que ce n'est pas un appel, parce que nous n'avons pas droit d'appel. C'est sûr aussi, conformément à votre décision d'il y a deux jours, que vous ne devez pas être en appel. Nous faisons appel à la Chambre. Pour que la Chambre puisse éventuellement décider, il est important qu'elle sache, entre autres, que c'est la décision d'ajournement du 14 au 15 décembre 1973, rendue par le vice-président de l'Assemblée nationale, que nous contestons.

Si elle défait notre motion ainsi amendée, je considère que notre appel aura été, selon le seul moyen que nous ayons à notre disposition, mis de côté et la procédure suivra son cours tout simplement.

Décision de M. le Président

LE PRESIDENT: J'ai écouté l'argumentation du député de Maisonneuve autant sur ce qui se passe à Westminster en 1901 que sur ce qui s'y passe en 1962. Je crois que c'est plutôt rare que nous puissions nous référer à des décisions, que j'appellerais assez récentes, de Westminster. En effet, si on se le rappelle bien, au début, notre droit parlementaire, souvent, n'était pas écrit. Je crois que, lorsqu'on a fait le premier règlement de 1910 ou de 1915, il était dit qu'on référait d'abord à ce qui se passait à Ottawa et qu'à défaut de règle précise ou devant une zone grise, on allait à Westminster. Les décisions récentes de Westminster, en 1962, entre autres, ne m'ébranlent pas tellement, parce que, depuis ce temps-là, nous avons un nouveau règlement soit Geoffrion et celui que nous avons actuellement. C'est uniquement dans des cas de grand doute qu'on peut je crois, y référer: Cela ne m'impressionne pas tellement d'aller à Westminster en 1962.

Nous avons considéré cette question. Nous avons considéré plusieurs aspects, mais il y a surtout une raison, en particulier, qui nous a retenus, c'est la suivante. La motion qui est en discussion, en somme — c'est très important — se lit comme suit: "Que cette Assemblée réprouve la conduite de son vice-président, le député de Roberval, lors de l'étude en commission permanente de la justice, du projet de loi no 8". Si on acceptait la recevabilité de l'amendement, la motion se lirait maintenant

comme suit — excusez-moi si j'insiste, mais je crois que c'est très important — "Que cette Assemblée réprouve la décision d'ajournement du 14 au 15 décembre 1973 rendue par le vice-président, le député de Roberval, lors de l'étude en commission permanente de la justice du projet de loi 8".

Je crois que nous changeons tout à fait d'objet. Il ne faut pas oublier que notre motion initiale s'attache et s'accroche et est faite en vertu de l'article 68, qui est une motion vraiment spéciale, distincte, qui est placée dans notre règlement dans un paragraphe, seule à ce paragraphe ou à ce chapitre ou à cette section, qui est la page 24, section 3, avec un titre: Motion portant sur la conduite du lieutenant-gouverneur ou des membres de l'Assemblée. Et on lit l'article 68: "Une motion de fond annoncée est nécessaire pour mettre en question la conduite du lieutenant-gouverneur, du président et d'un vice-président de l'Assemblée, des présidents des commissions ou d'un membre de l'Assemblée". — Et quelque statut particulier qu'on lui donne — "Cette motion est privilégiée."

Vraiment, c'est une motion, je dirais, qui sort de l'ordinaire à cause de son importance. On réprouve et on met en question la conduite d'un personnage en titre, en fonction, lieutenant-gouverneur, président de la Chambre, vice-président, président des commissions ou d'un membre. Je pense qu'on change énormément d'objet dans votre amendement, parce que vous faites par votre amendement — et vous avez dit que ce l'était — un appel d'une décision d'un président. Cela n'est plus sa conduite qui est mise en cause, ce n'est plus sa conduite en tant que vice-président, c'est une décision qu'il a prise et c'est un appel indirect...

M. BURNS: M. le Président, qui peut plus peut moins. C'est cela, l'idée. Si nous réprouvons la conduite...

LE PRESIDENT: Laissez-moi terminer. DES VOIX: A l'ordre!

LE PRESIDENT: Une raison de plus que si votre motion telle qu'amendée était présentée comme motion principale, elle ne serait pas recevable. Si votre motion telle qu'amendée était présentée comme motion principale, elle ne serait pas acceptée comme motion privilégiée.

M. BURNS: Parce que...

LE PRESIDENT: C'est une décision, cela n'est pas la conduite. Messieurs, ma décision est que cette motion n'est pas recevable.

M. BURNS: M. le Président, permettez-moi de vous dire que c'est d'être d'un grand formalisme à l'occasion d'un débat qui se veut une discussion franche, honnête et directe de la conduite et en particulier, à l'occasion de la décision qui a été rendue par le député de Roberval et je suis sûr que mes collègues du côté ministériel se rendent compte jusqu'à...

UNE VOIX: La décision est rendue.

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît !

L'honorable député de Saint-Jacques.

Reprise du débat sur la motion principale M. Claude Charron

M. CHARRON: Je vous avertis immédiatement, M. le Président, que j'ai l'intention de terminer avec un amendement. J'interviens sur la motion présentée par mon collègue, le député de Maisonneuve et qui vise directement la conduite du député de Roberval, votre vice-président, M. le Président, lors de l'étude en commission du projet de loi no 8 qui vise à augmenter de $5,000 par année des salariés qui en font déjà $28,000, soit une augmentation de $100 par semaine.

DES VOIX: A l'ordre!

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. CHARRON: Depuis le début de ce débat, avec tous les moyens que nous avons pu utiliser et que nous permet notre règlement, nous avons soumis à votre attention et à ceux de vos collègues qui vous guident dans vos décision — et c'est parfaitement votre droit de consulter — nous avons tenté, inutilement et malheureusement, puisque l'ensemble de vos décisions ne s'y est pas prêté, de préciser le but que nous visions dans cette motion de blâme sur la conduite de votre vice-président alors qu'il dirigeait les travaux de la commission parlementaire de la justice.

Le seul amendement que nous ayons réussi à faire adopter a été pour préciser. Il est maintenant ajouté à la fin de la motion principale sur laquelle j'interviens à ce moment-ci. On y dit: Lors de l'étude en commission parlementaire du projet de loi qui augmente le salaire des juges. Le dernier amendement, vous venez de le refuser, je me garde quand même le droit d'intervenir dans la motion principale en le mentionnant. Parce que nous visions un but bien net. Nous ne visons pas la personne du député de Roberval. La motion du député de Maisonneuve ne vise pas l'ensemble de sa conduite, contrairement à ce que la motion que nous sommes présentement à discuter peut malheureusement laisser entendre.

Je m'en voudrais, moi, que le député de Roberval ait à subir dans son propre comté et devant les électeurs qu'il représente ici le fait

qu'on dit partout que c'est sa conduite en général qui ait été blâmée. J'interviens donc sur la motion principale, mais dans l'esprit de l'amendement que vous venez de rejeter, parce que voici ce que je conteste. Je vais vous le dire en faisant la narration des événements que je conteste. Je prierais le député de Roberval de ne tenir grief du grief que je lui porte que sur les deux domaines où j'insisterai plus particulièrement, ce que nous avons toujours voulu faire par l'amendement.

Le premier endroit où il y a grief apporté dans la conduite du vice-président de l'Assemblée nationale, c'est quand il a interdit à un membre en titre de la commission de présenter une motion parfaitement reconnue dans notre règlement, M. le Président. Cela pourrait être acceptable pour un nouveau député de cette Chambre qui n'a pas encore pris connaissance du règlement, ça pourrait être acceptable pour même un vétéran de cette Chambre, mais qui n'aurait jamais eu une connaissance sérieuse de ce règlement. C'est inacceptable quand c'est un vice-président de l'Assemblée nationale qui refuse à un membre de la commission parlementaire de présenter une motion et d'avoir un vote normal sur une motion de la commission.

De quoi suis-je en train de parler, M. le Président? Je vais vous le dire. J'ai essayé à un moment donné, à la commission parlementaire, d'intervenir. Je savais parfaitement que l'article 148 me l'interdisait à moins que je n'aie le consentement de la commission. Mais pour susciter le consentement de la commission, ou pour subir sa désapprobation, il fallait toujours bien que je le demande. La commission elle-même ne pouvait pas deviner que j'avais envie d'intervenir dans le débat, même si elle savait que les électeurs que je représente en ont contre le fait qu'une catégorie qui gagne $28,000 se voit augmenter de $5,000 comme ça, la veille de Noël. Mais elle ne pouvait pas, la commission, le deviner avant que j'en fasse la demande. J'en ai fait la demande, M. le Président. Et d'une manière irrégulière, suite au tonitruant ministre de la Justice, qui avant même que le député de Roberval ait un mot à dire — et cela l'excuse en partie — s'est empressé d'intervenir et de dire: M. le Président, je refuse et vous ne pouvez pas accepter. Soit, j'en conviens, M. le Président et j'en prenais mon parti. Mais ce qui était inacceptable, c'est de refuser à un membre en règle, comme l'est le chef de l'Opposition et comme l'est le leader de l'Opposition, de présenter une motion pour que mon collègue de Saguenay et moi-même puissions intervenir là-dedans.

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député...

M. CHARRON: II m'avait pas le droit de refuser une motion.

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député... M. CHARRON: Trouvez-moi à quel endroit,

M. le Président, dans le règlement actuel qui préside à nos travaux...

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député me permet une question?

M. CHARRON: ... à quel endroit on peut refuser une motion.

LE PRESIDENT: C'est refusé.

M. CHARRON: ... quand un membre en règle de la commission le propose. J'ai beau chercher partout, dans tous les vides que comporte notre règlement et malheureusement on s'en rend compte actuellement.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je sollicite...

M. CHARRON: ... ou remonter dans toutes les traditions parlementaires par la suite...

M. CHOQUETTE: M. le Président, je sollicite...

LE PRESIDENT: Pas de question. Non accordé.

M. CHARRON: ... je puis dire qu'il n'y avait aucune raison de refuser cette motion. Mais malheureusement le député de Maisonneuve s'est fait illégalement refuser cette motion. Et c'est ainsi, M. le Président, que non seulement j'ai été privé d'un droit de parole que la tradition me reconnaît habituellement dans les travaux parlementaires, mais le député de Maisonneuve s'est vu privé d'un droit. Et c'est là-dessus qu'un vice-président de l'Assemblée nationale est blâmable.

Il est blâmable où, aussi, M. le Président? Il est blâmable dans ce que nous avons essayé d'amener sur le tapis par l'amendement que vous venez de juger irrecevable. Lorsque les travaux de la commission se sont terminés, à minuit, le ministre de la Justice venait de se réveiller. Il avait oublié, parce qu'il ne connaît pas le règlement de l'Assemblée nationale...

M. CHOQUETTE: J'invoque le règlement.

M . CHARRON: ... parce qu'il est absolument...

M. CHOQUETTE: J'invoque le règlement. LE PRESIDENT: Une question de privilège?

M. CHOQUETTE: Une question de privilège, ah oui !

LE PRESIDENT: De règlement ou de privilège? C'est à votre goût.

M. CHOQUETTE: De privilège, plutôt.

LE PRESIDENT: De privilège.

M. CHOQUETTE: Je n'ai jamais dormi à cette commission parlementaire. C'est vrai que j'ai fermé les yeux, mais j'écoutais tout ce qui se passait. J'écoutais tout ce qui se passait.

LE PRESIDENT: Bon, c'est...

M. CHOQUETTE: Est-ce que ceci corrige l'affirmation du député?

M. CHARRON: Bien, M. le Président. C'est encore pire s'il ne dormait pas parce que le ministre de la Justice aurait dû savoir s'il était attentif aux travaux de la commission, que minuit approchait et que le règlement lui disait que si minuit approchait, il devait intervenir plus rapidement qu'il ne l'a fait pour présenter une motion d'ajournement parce que notre règlement présuppose, à l'article 77, qu'un représentant d'un parti reconnu, c'est-à-dire l'Opposition officielle, a droit à dix minutes d'intervention sur ce débat. C'était un droit, c'était plus qu'un droit, c'était l'intention d'utiliser ce droit qu'avait le député de Maisonneuve à l'époque.

Mais le ministre de la Justice — on sait que ce ne sont pas les règlements et l'esprit des lois qui l'étouffent — s'en est foutu. Il a pensé que sa grosse majorité confortable et que son gros poids à la commission allaient suffire pour faire plier la commission d'un seul coup et d'un seul bond. C'était mal connaître l'Opposition officielle. C'était surtout sous-estimer, ou alors serait-ce estimer justement, ce que le député de Roberval allait faire. Quand il a présenté sa motion d'ajournement, il était à peine minuit moins cinq minutes. La transcription du journal des Débats vous précisera le moment exact.

Donc, le député de Maisonneuve s'est prévalu de son droit d'intervenir selon l'article 77 de notre règlement. Mais il était passé minuit lorsqu'il a terminé son intervention. Cette commission n'avait plus le droit de se prononcer. Elle n'avait plus le droit de prendre un vote sur la motion d'ajournement. C'est donc dire que la commission a mis fins à ses travaux sans que nous ne l'ayons décidé par un vote de la commission sur une motion présentée par celui qui, du mieux qu'il pouvait — c'était le plus qualifié qu'ils avaient trouvé — représentait le gouvernement, c'est-à-dire le ministre de la Justice, alentour de cette table. Rien de cela. Nous nous trouvions donc, selon la tradition parlementaire et toutes les règles qui prévalent aux séances des commissions, à ajourner sine die, et nous avions à attendre un ordre de la Chambre avant de nous réunir à nouveau.

Or, le député de Roberval, vice-président de la Chambre, dans un mépris et une méconnaissance du règlement, s'est proclamé empereur à la fin de la commission et a décrété réunion d'un caucus libéral qui tiendrait lieu de commission parlementaire pour le lendemain matin, à dix heures. A dix heures, le député de Maisonneuve est allé rappeler à ces honorables messieurs, qui s'apprêtaient à augmenter les salaires des juges de $5,000 par année, alors qu'ils en font déjà $28,000, et qui allaient adopter, dans l'unanimité la plus douloureuse, un projet de loi aussi contestable et contesté par la population, est allé rappeler, dis-je, au vice-président de la Chambre lui-même qu'il se dégradait et qu'il dégradait le poste que vous occupez et qu'il occupe de par sa fonction en se prêtant aussi bassement au jeu d'un caucus libéral. C'était porter atteinte à la réputation que vous, M. le Président, avez maintenue à la présidence de cette Assemblée et que votre vice-président se devait de maintenir aussi dans toutes ses décisions et dans toute sa conduite, puisque tel est l'objet de la motion qui nous occupe.

Tels sont donc les événements qui ont marqué les débats en commission parlementaire d'un projet de loi aussi dégoûtant que celui que parraine le député d'Outremont, actuellement. C'est donc à partir de cela... Il a fait plus, en cautionnant une réunion de députés libéraux par un beau samedi matin. H s'est trouvé à permettre qu'un de ces nouveaux venus de la dernière portée libérale du 29 octobre se voie gratifié, d'un seul coup, du nom de rapporteur officiel d'une commission qui n'avait jamais existé, qui n'avait jamais siégé légalement autrement que le vendredi soir, 14 décembre dernier.

C'est ce même petit rapporteur qui mardi dernier, M. le Président, est venu déposer sur la table de cette Assemblée un rapport illégal, d'une réunion illégale, présidée illégalement par un vice-président de l'Assemblée nationale.

M. MALOUIN: C'est ton opinion, ça!

M. CHARRON: C'est alors, M. le Président, que figure depuis ce temps au feuilleton un rapport que nous aurons l'occasion de commenter si le leader du gouvernement se met en frais de l'appeler.

M. le Président, ce sont donc là des griefs bien précis que nous avons voulu, d'ailleurs, identifier bien clairement dans des amendements que vous nous avez refusés, mais je persiste à dire, puisque je dois parler sur la conduite en général du député de Roberval — tel est l'objet de la motion — que je m'oppose à parler de sa conduite générale. Je me suis efforcé, au cours de cette intervention, de bien indiquer, comme normalement auraient dû permettre de le faire des amendements à cette motion, trois endroits précis où votre vice-président, M. le Président, a été pris en faute.

Je dis en terminant, M. le Président, que nous aurions voulu atténuer également l'accusation. C'est pourquoi, tout à l'heure ou hier, je ne me rappelle plus, le député de Lafontaine a présenté un amendement qui disait, parce que nous ne voulons pas porter atteinte à la réputation du député de Roberval, non pas "réprouver" mais "regretter". Nous étions prêts

à bien identifier d'abord les trois endroits où nous n'approuvons pas la conduite du député de Roberval et à dire que nous ne la réprouvons pas, parce que ce serait lui porter atteinte, mais nous la regrettons.

Nous avons fait ce pas pour bien identifier l'accusation que nous faisons porter sur le député de Roberval. Qu'est-ce qui est arrivé de notre amendement, M. le Président? Le Parti libéral l'a défait. Le Parti libéral aime mieux réprouver la conduite. Ce n'est pas l'intention de l'Opposition officielle. C'est ainsi, M. le Président, que j'interviens à la demande du Parti libéral, parce que j'aurais aimé bien mieux intervenir sur une motion qui aurait comporté le mot "regrette". Ils m'ont invité à réprouver la conduite du député de Roberval puisqu'ils ont défait notre amendement.

Devant cette attitude du parti ministériel et suite à l'intervention que vous avez faite vous-même, tout à l'heure, M. le Président, en vous prononçant sur la recevabilité du sous-amendement présenté par le député de Maisonneuve et en le refusant, ce que vous étiez parfaitement en droit de faire, vous nous avez dit alors que si la motion demeurait telle quelle, c'est-à-dire une réprobation de la conduite du député de Roberval, il était admissible alors que ceux qui présentent cette motion y joignent une sanction puisque, selon l'avis même du parti ministériel, il ne s'agit pas de simplement regretter — ils ont défait notre amendement — il s'agit de réprouver. S'il s'agit de réprouver, je me sens parfaitement en droit, à ce moment-ci de nos travaux, de vous présenter un amendement qui identifierait physiquement la réprobation que cette Chambre éprouve, selon l'appel du parti ministériel à l'égard du député de Roberval.

J'admets, M. le Président, que si cette Chambre avait dit qu'il faut regretter la conduite du député de Roberval, nous nous serions trouvés en peine de sanctionner un regret. Je pense que l'avis de la Chambre était en soi un avis suffisamment sérieux au député de Roberval, l'avis du regret de la Chambre, pour qu'il en prenne note. Mais puisque le Parti libéral nous invite à réprouver la conduite du vice-président de la Chambre, j'en prends bonne note, mais une réprobation, M. le Président, implique que quand on est sérieux dans une réprobation, il y a au bout de la ligne une sanction. D'accord, elle peut Être d'une sévérité différente, j'en conviens.

Nous aurions pu, le règlement nous aurait permis d'aller jusqu'à la destitution du vice-président de la Chambre. Ce n'est pas le cas parce que ce n'est pas sa conduite en général, encore une fois, c'est une, deux, trois décisions bien précises...

M. MALOUIN: Vous avez essayé quand même!

M. CHARRON: ... mais qui ont malheureusement attaqué sérieusement les droits de dépu- tés qui s'opposaient à un projet de loi aussi dégueulasse que le projet de loi no 8.

Je propose donc, à la suite de l'appel que vient de lancer le Parti ministériel pour que nous réprouvions la conduite du député de Roberval, cet amendement, M. le Président, qui porte en lui-même une sanction à l'égard du député de Roberval.

J'aurais également pu demander que, selon toutes les traditions parlementaires, différentes sanctions soient imaginées à l'égard du député de Roberval. Je crois, M. le Président, que j'ai choisi, dans ma motion d'amendement, que je vous prierai tout à l'heure de greffer à la motion principale présentement en discussion, la plus souple et la moins aiguë des sanctions.

Puisque les députés libéraux sont d'accord pour réprouver la conduite du député de Roberval, plutôt que de la regretter, probablement que je recevrai aussi, sur cette motion d'amendement, le même consentement qu'ils ont émis à réprouver sa conduite.

J'ai choisi, je crois, la sanction la plus mince, et je l'explique dans les dernières minutes qui me restent. Cette session qui prendra fin en janvier aura l'occation d'étudier d'autres projets de loi, bien sûr. Vous savez vous-même, M. le Président, que nos travaux, avant d'être abandonnés pour cette motion privilégiée, en étaient rendus à l'étude des projets de loi nos 2 et 3 qui visent — malheureusement, c'est une réforme amoindrie — une réforme des loyers, qui est toujours parrainée par le même député d'Outremont, ministre de la Justice.

Il est bien probable que ces deux projets de loi, d'ici la fin de la session en janvier, connaf-tront l'approbation de la Chambre en deuxième lecture, même si c'est à corps défendant que nous devons nous contenter d'une aussi ridicule réforme après avoir attendu mieux.

Peu importe, il est donc loisible de penser que ces mêmes projets de loi contestés et contestables seront déférés à la commission parlementaire de la justice, puisque c'est le ministre lui-même qui les parraine. Il serait, à notre avis, regrettable que le vice-président de la Chambre qui, à cette même commission parlementaire de la justice, a fait preuve d'une méconnaissance du règlement et des droits qu'ont les membres de cette Assemblée, en particulier ceux de l'Opposition, à intervenir, soit appelé à présider nos travaux dans une période aussi critique. Nous ne savons toujours pas si le projet de loi no 8 sera même adopté encore, à l'époque où nous étudierons en commission les projets de loi nos 2 et 3. Il serait donc regrettable — et j'invite la Chambre à le signaler en adoptant la motion d'amendement que je présente — que ce soit le même homme, c'est-à-dire le député de Roberval, votre vice-président, qui ait à siéger et à présider les travaux de la commission parlementaire de la justice, lorsque nous étudierons ces deux projets de loi.

Je crois que le vice-président de l'Assemblée

nationale, le député de Roberval, à la fin de cette motion privilégiée — que cette Chambre accorde ou non la réprobation qu'elle indique à sa conduite, peu importe — a suffisamment pris avis, au cours de ce débat, du fait que l'Opposition officielle allait être vigilante dans sa conduite comme dans celle de tous les présidents de commissions et de tous ceux qui sont chargés du respect du règlement dans cette Chambre.

Je crois que la leçon, en soi, est déjà prise. Ne poussons pas trop loin et évitons à l'avenir les conflits. Pour améliorer et finir dans le calme nos travaux, tant que cette session qui s'achèvera en janvier 1974 ne sera pas terminée, qu'il me soit permis de faire la motion suivante:

Motion d'amendement de M. Charron

M. CHARRON: Que la motion en discussion —celle parrainée par le député de Maisonneuve — soit amendée en ajoutant à la fin — et c'est la plus souple sanction que j'ai pu imaginer à la réprobation que l'ensemble de la Chambre éprouve — "et souhaite qu'il ne préside plus ladite commission." Voilà.

Pour le reste, nous n'avons pas d'objection à ce que le vice-président vous remplace, à l'occasion, au poste que vous occupez en cette Chambre. Le député de Roberval est un des plus sympathiques parmi les membres de la députation ministérielle. A l'exception des endroits bien précis où nous l'avons pris en faute —malheureusement, c'était dans un débat aussi contesté que ça — il a toujours été un éminent député, respectueux du règlement. Il nous a aidés à le faire respecter, à le faire évoluer, à l'interpréter. Il n'est aucunement question que le vice-président de l'Assemblée nationale soit destitué ou même mis au rancart, comme certains fonctionnaires le sont lorsqu'ils vont un peu plus vite que le ministre.

Non, ce n'est pas ce que nous demandons. Ce que nous demandons, tout simplement, c'est pour éviter le pire et pour que la session se termine dans le calme. Puisque nous savons également que nous aurons encore à subir le ministre de la Justice dans des commissions parlementaires, nous voulons éviter le terrible fardeau qu'a sur ses épaules le député de Roberval d'avoir à ses côtés le député d'Outremont, qui lui dicte constamment sa conduite tout le long des commissions parlementaires, comme il l'a fait lors de cette séance fort contestée du 14 décembre dernier.

M. SAINT-PIERRE: C'est terrible de faire perdre du temps à la province de même.

M. CHARRON: Ma motion vise à donner un temps de repos au député de Roberval, à lui permettre de tirer leçon des événements qui ont marqué les travaux de cette fin de session et à lui permettre de devenir, une fois de plus, l'éminent vice-président respecté à la fois par le parti ministériel et — je vous prie de me croire — par le parti de l'Opposition officielle. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT: Suspension de quelques minutes.

Décision de M. le Président

LE PRESIDENT: A l'ordre! Après la nième consultation, nous en sommes venus à la conclusion, après avoir étudié le règlement actuel et l'ancien règlement, ainsi que les auteurs, que cette motion est acceptée.

M. Jacques-Yvan Morin

M. MORIN: M. le Président, je me permettrai brièvement...

M. TETLEY: Brièvement?

M. MORIN: Oui, je n'ai que dix minutes si je ne m'abuse, M. le Président.

M. TETLEY: Ce n'est pas très bref ça. M. MORIN: C'est très court pour...

M. TETLEY: Donnez-nous cinq minutes au lieu de dix. Faites-nous plaisir.

UNE VOIX: Le travail à la chaîne.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît!

M. MORIN: J'ai bien la parole? LE PRESIDENT: Oui.

M. MORIN: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir, une fois de plus, mais peut-être de manière plus précise, plus détaillée, à l'article dont l'interprétation a causé tant d'embarras à la commission de la justice. Et je voudrais...

LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que vous me permettriez de vous rappeler...

M. MORIN: Oui.

LE PRESIDENT: ... que la question qui est devant la Chambre actuellement se lit comme suit: "Et souhaite qu'il ne préside plus ladite commission."

M. MORIN: Oui.

LE PRESIDENT: Ce doit être limité à ça.

M. MORIN: Oui, c'est bien ce que j'ai dans l'idée, M. le Président.

LE PRESIDENT: Ne me rappelez pas le passé et ce qui s'est passé la semaine dernière.

M. MORIN: II faut tout de même que je puisse expliquer, nous en discuterons en même temps.

M. BURNS: Sur la question de règlement, M. le Président, simplement une chose par précaution. Si nous souhaitons qu'il ne soit pas appelé à présider la commission de la justice à l'avenir, je pense qu'il nous faut expliquer le sens de cette motion, et comment ne pas relier ça aux séances qui ont eu lieu? Je vous le soumets bien respectueusement, on ne peut pas argumenter dans le vague, on ne peut pas argumenter dans l'absolu, M. le Président.

LE PRESIDENT: Ne pourriez-vous pas dire pour les raisons déjà invoquées?

M. BURNS: Remarquez, M. le Président, que ça ferait peut-être plaisir au gouvernement que ce soit plus court, etc. peut-être à vous aussi, M. le Président. Mais une chose est bien claire; le chef de l'Opposition, lorsqu'il explique l'amendement ou l'appui qu'il va donner à l'amendement qui est recevable et qui est actuellement en discussion, en délibération, n'a aucune possibilité d'expliquer autrement son appui que par l'entremise des séances de la commission dont nous nous sommes plaints, M. le Président.

Je suis d'accord cependant qu'il n'a pas à entrer dans tous les détails que nous avons discutés, tant sur la motion principale que sur les amendements, et c'est là que je comprends votre indication de nous garder dans la limite de cet amendement. Mais si nous souhaitons qu'il ne siège pas comme président de cette commission, il faut quand même faire le lien avec la commission. Or, le lien se retrouve aux séances des 14 et 15 décembre.

LE PRESIDENT: Oui mais si je comprends bien et si je me rappelle bien, l'honorable chef de l'Opposition officielle a déjà parlé sur la question principale.

M. BURNS: Oui.

LE PRESIDENT: De quoi nous a-t-il entretenus sur la question principale? A ce moment-là, il a respecté la pertinence du débat sur la question principale, qui était: "Que cette Assemblée réprouve — on disait regrette à certains moments — la conduite de son vice-président lors de l'étude, en commission permanente de la justice, du projet de loi no 8. Justement, en respectant la pertinence du débat à ce moment-là, il a eu tout le temps voulu pour le faire et il a eu d'autres étapes également. Je pense bien que les répétitions en droit parlementaire ne sont pas trop permises.

M. BURNS: M. le Président, sur les répétitions, vous vous souvenez très bien...

LE PRESIDENT: Non, non, très bien! Cela n'existe pas dans notre règlement.

M. BURNS: ... que c'était un projet dans le règlement, mais...

LE PRESIDENT: D'accord.

M. BURNS: ... que cela a été exclu.

LE PRESIDENT: Oui, mais est-ce que vous convenez avec moi qu'on ne doit pas avoir trois ou quatre débats sur la même question?

M. MORIN: Non, mais, M. le Président...

LE PRESIDENT: Rattachez-vous le plus possible à la question qui est devant la Chambre, avec des courtes références, si vous voulez. Que la matière de votre intervention soit votre souhait qu'il ne préside plus ladite commission.

M. MORIN: Je vais tenter de m'en tenir à la "substantifique moëlle", M. le Président. Nous souhaitons donc que le vice-président ne préside plus les séances de ladite commission. La raison pour laquelle nous le faisons, c'est pour éviter qu'il n'y ait répétition d'un certain nombre d'actes que nous avons déplorés. C'est aussi, je le dirai tout à l'heure, parce que sa crédibilité, au moins pour l'instant, nous paraft légèrement entachée, quoique nous lui conservions notre estime, à ce point que nous avons proposé — ai-je besoin de vous le rappeler — de remplacer le mot "réprouver" par le mot "regretter".

M. MALOUIN: II a déjà dit ça.

M. MORIN: M. le Président, nous voudrions éviter qu'au cours des séances prochaines, si par hasard nous invoquions cet article 157, la même interprétation ne lui soit donnée à nouveau. Je vous rappelle que la dernière phrase de l'alinéa premier dit qu"'en commission élue, un député peut proposer que la commission ajourne ses travaux". Dans une future séance — et nous ne manquerons pas d'avoir des séances sur ce point, puisque, comme on l'a rappelé tout à l'heure, les projets de loi 2 et 3 vont être discutés devant cette même commission, le ministre de la Justice étant de nouveau présent — nous ne voudrions pas que l'expérience de cette dernière séance de la commission, vendredi dernier, cette avant-dernière séance de la commission puisque les ministériels prétendent que celle de samedi était également valide, se répète au moment de l'ajournement.

M. le Président, pour l'avenir toujours, puis-

que nous parlons de l'avenir, il y aurait deux moyens d'ajourner: soit une motion comme celle qui a été faite par le ministre de la Justice l'autre soir, motion en bonne et due forme, ou encore un consentement. Or, il ne faudrait pas qu'à nouveau — je vous le dis à vous, mais à l'intention du ministre de la Justice — il attende, comme il l'a fait l'autre soir, le dernier moment et qu'il soit déjà minuit pour faire sa proposition, sa motion.

Il ne faudrait pas non plus que le ministre dorme au moment opportun...

LE PRESIDENT: A l'ordre! Ce n'est pas la conduite du ministre de la Justice qui est mise en cause actuellement.

M. MORIN: Au fond, quand je revois en esprit cette séance de vendredi soir et que je me dis qu'il faudrait éviter la répétition de semblables choses, j'ai l'impression qu'il faudrait atténuer quelque peu la sanction qui jusqu'ici serait appliquée à toutes les séances de ladite commission.

UNE VOIX: Vous avez déjà dit cela.

M. MORIN: Cela nous paraîtrait peut-être trop sévère. Après tout, il y avait de la tension dans l'air, et il ne manquera pas d'y en avoir non plus aux prochaines séances. Il y avait également de la fatigue, c'est un fait et le vice-président qui présidait à ce moment la commission ne pouvait pas se permettre, comme le ministre de la Justice, de dormir. Nous comprenons donc que, la fatigue aidant, il ait pu s'écarter, peut-être même sans le vouloir, du règlement.

M. CHOQUETTE: Question de privilège, M. le Président. Cela fait plusieurs fois que le député de Sauvé affirme que je dormais à cette séance de la commission. Je ne dormais pas. Je m'étais fermé les yeux, mais j'écoutais ce qui se passait et j'ai entendu toutes les sottises qui ont été prononcées par le chef de l'Opposition et son acolyte...

M. MORIN: C'est sans doute pour cette raison qu'à deux ou trois reprises, le ministre de la Justice a semblé sortir des bras de Morphée, les yeux tout bouffis. Il ne dormait certainement pas, mais je reviens...

M. CHOQUETTE: M. le Président, question de privilège. Je considère qu'il est injurieux de dire à un collègue qu'il dort lorsqu'il ne dort pas et je demande au chef de l'Opposition de retirer ses paroles à mon égard.

M. LESSARD: Sur la question de règlement, M. le Président, nous sommes prêts à dire que le ministre ne dormait pas, il sommeillait.

LE PRESIDENT: Ecoutez, je pense bien que vous devez respecter et prendre pour vrai la parole et la déclaration de l'honorable ministre de la Justice.

M. MORIN: Je suis disposé à la prendre pour vraie à la condition qu'il prenne la mienne pour vraie également. Merci. Toutefois, considérons cet incident comme clos...

M. CHOQUETTE: Toujours sur une question de privilège. Je considère, M. le Président, que le député de Sauvé, chef de l'Opposition, n'est pas suffisamment franc dans sa façon de retirer ses accusations à mon égard.

M. LESSARD: M. le Président, sur le point de règlement. M. le Président, l'article 99. Sur le point de règlement, l'article 99 dit ceci...

DES VOIX: L'article 92. DES VOIX: Debout!

M. LESSARD: Je dis bien l'article 99. On vient de découvrir l'article 92 parmi les députés libéraux, mais cela ne s'applique pas pour le moment. Est-ce qu'on voudrait que je me lève debout sur mon siège?

DES VOIX: Oui.

M. LESSARD: M. le Président, je suis trop respectueux de cette Assemblée nationale pour faire des bouffonneries comme voudraient le faire les libéraux.

M. le Président, sur le point de règlement.

M. MERCIER: C'est vous qui êtes les bouffons, six bouffons.

M. LESSARD: M. le Président, sur le point de règlement. L'article 99 est très clair et se lit comme suit : II est interdit à un député qui a la parole...

LE PRESIDENT: A l'ordre! Je suis prêt à rendre ma décision.

M. LESSARD: M. le Président, je veux tout simplement...

LE PRESIDENT: Je suis prêt à rendre ma décision. Je suis prêt à rendre ma décision.

M. LESSARD: ...

LE PRESIDENT: Je vous rappelle à l'ordre pour la deuxième fois. Je suis prêt à rendre ma décision. D'ailleurs, ce n'est pas l'article 99 qui s'applique, c'est l'article 45.

Le président peut interdire la parole à un député pour le reste de la séance si, lorsqu'il s'est servi d'expressions que ne permet pas le règlement, après en avoir été requis par le président, il ne les retire pas sans commentaires.

Je donne la parole à l'honorable chef de l'Opposition officielle. Je considère que ce n'est pas antiparlementaire ce que vous avez dit, ce n'est pas contre le règlement mais ne revenez pas sur la question, parce que vous devez prendre la parole du ministre.

M. MORIN: M. le Président, puisque vous me le demandez, je le fais bien volontiers.

Je disais donc qu'il convenait d'atténuer quelque peu la sanction qui serait imposée, si cet amendement était adopté et si la proposition principale était adoptée, à l'honorable député de Roberval. En effet, si sa crédibilité peut être entachée pendant quelque temps, si une certaine gêne risque de s'établir dans nos contacts au sein de cette commission pendant quelque temps, je pense que sa crédibilité n'est pas entachée pour l'avenir à moyen ou à long termes. Je pense même qu'on peut affirmer que sa crédibilité sera rétablie assez rapidement surtout à la suite des votes qui ne manqueront pas d'avoir lieu, d'ici quelques jours, sur cette motion privilégiée. Mais au cours d'une session subséquente, M. le Président, il aura passé de l'eau dans le Saint-Laurent.

M. MERCIER: Sur le sujet!

M. MORIN: Sans doute la mémoire, qui est plus la faculté d'oublier que la faculté de se souvenir, aura fait son oeuvre et nous aurons tôt fait d'oublier les avatars de cette commission, les incartades — car ce n'est guère finalement plus qu'une incartade — du député de Roberval.

Motion d'amendement de M. Jacques-Yvan Morin

M. MORIN: C'est pourquoi je proposerais que la motion d'amendement dont nous discutons soit sous-amendée de la façon suivante: En remplaçant le mot "qu"' par les mots "que d'ici l'ajournement des Fêtes" et l'amendement continuerait son cours.

UNE VOIX: Bébé!

M. MORIN: J'estime que c'est peut-être plus juste d'agir de cette façon avec le député de Roberval et, en ce qui me concerne, après l'ajournement des Fêtes, je serais tout à fait disposé à siéger de nouveau dans une commission dont la présidence aurait été confiée au député de Roberval, vice-président de cette Chambre.

Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez une copie, s'il vous plait?

M. MORIN: Oui, une copie.

M. MALOUIN: N'ajustez pas votre appareil!

Décision de M. le Président

LE PRESIDENT: Accepté.

M. Marcel Léger

M. LEGER: M. le Président, il est bien entendu que ce sous-amendement nous amène une continuité dans cette proposition principale amendée et sous-amendée. La proposition principale nous disait que l'Assemblée réprouve la conduite de son vice-président, et par la suite elle souhaite — parce qu'il fallait une sanction — qu'il ne préside plus ladite commission. C'était peut-être, M. le Président, une sanction un peu trop pénible, qui aurait dépassé, nous le pensons, par la qualité ou l'intensité de la sanction, le geste posé pendant une commission parlementaire ou deux, si on accepte qu'une des commissions était légale et l'autre illégale.

C'est donc la raison pour laquelle je dois appuyer le sous-amendement présenté par le chef de l'Opposition, qui est en même temps notre député de Sauvé, atténuant cette sanction contre un personnage que nous voyons, depuis quelques jours, de plus en plus peiné de cette situation, des conséquences de ce geste qu'il a posé durant une commission, alors qu'il avait été tellement à la hauteur de sa tâche pendant d'autres commissions. Il fallait l'atténuer. Nous voyons que le vice-président de la Chambre, depuis quelques jours, est des plus malheureux de cette situation.

Nous avons voulu, réellement, lui faire réaliser, en atténuant cette sanction, jusqu'à quel point nous savons qu'il est capable, dans d'autres circonstances, d'agir comme un président objectif et que les quelques jours de pénitence qu'il a dû subir par nos motions principales, motions d'amendement, motions de sous-amendement, par le fait d'avoir été sur la sellette pendant plusieurs jours, l'auront fait réfléchir. Ainsi pour les autres commissions qu'il aura à présider, il fera réellement attention pour éviter ce qui s'est passé dans les autres commissions. En atténuant la sanction en une période qui se terminerait... Cela dépend quel est le thème des Fêtes. Il y en a pour qui, les Fêtes, ça peut durer longtemps.

Il y en a pour qui les Fêtes commencent à Noël et pour d'autres, au Jour de l'An. Il y en a d'autres pour qui les Fêtes continuent tous les samedis et dimanches du mois de janvier. On ne sait pas à quel moment exact l'ajournement des Fêtes se fera. Il est question même qu'on continue pendant toutes les Fêtes ou après. La date exacte, on ne la sait pas.

Mais durant toute cette période où on sera encore, non pas dans un ajournement, mais dans la période qui précède les Fêtes, qui peuvent être longues parce que j'ai remarqué qu'il y en a qui ont même commencé les Fêtes et que cette période est déjà commencée, on se demande si ça n'a pas déjà été ajourné...

Comme de raison, nous allons atténuer par

ce sous-amendement la portée que nous voulons donner. C'est sûr que nous ne pouvions pas, à l'occasion de la motion principale — et vous nous voyez venir — ne pas apporter une sanction. Et l'amendement a été une sanction peut-être un peu trop sévère puisque le député de Roberval avait réellement agi dans d'autres circonstances avec beaucoup d'objectivité, avec un sens des responsabilités et avec une justesse qui nous le rendait des plus sympathiques.

Et moi-même, j'avais déjà proposé d'atténuer cette motion principale en connaissant la sympathie de la personne, et en voulant mettre un regret plutôt qu'une réprobation, mais on ne l'a pas voulu.

Alors, M. le Président, si on est obligé d'apporter une réprobation, il faut une sanction. Doit-elle être sévère, doit-elle être atténuée? Voilà la question que je dois méditer pendant la période de suspension, parce qu'il est six heures, et je propose la suspension du débat.

LE PRESIDENT: Vous n'avez rien à proposer, ce n'est même pas nécessaire. L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 20 h 15.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

Reprise de la séance à 20 h 22

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Le député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, quand nous avons suspendu la séance, j'étais en train de dire que ce sous-amendement proposé par le chef de l'Opposition avait justement comme but de limiter l'étendue de cette sanction, que nous ne pouvions faire autrement que de demander comme conséquence d'une motion principale. Mais cette sanction, pour nous, si elle était jugée permanente, dépassait de beaucoup en ampleur le geste que nous voulons réprouver qui s'est limité dans le temps à une commission parlementaire qui a siégé le 14 décembre légalement et, selon nous, qui aurait siégé illégalement le 15 décembre.

M. le Président, c'est sûr qu'en faire une sanction permanente était disproportionné. En effet, nous connaissons notre collègue de l'Assemblée nationale, vice-président de la Chambre, qui a présidé malheureusement cette malheureuse commission et qui a dû, aujourd'hui, hier et avant-hier, subir les foudres, indirectement, de l'Opposition. Nous avons vu, pendant trois jours, qu'il a été réellement malheureux de cette situation et nous, de même, l'avons été de voir qu'il soit un peu le bouc émissaire. Comme nous savons qu'il possède, quand même, toutes les qualifications voulues pour présider les différentes autres commissions pour lesquelles il pourrait être appelé à agir, il faut dire que même si, d'ici les Fêtes, si le sous-amendement était accepté, on lui refusait le droit, par sanction, de présider les séances de ladite commission — on ne sait pas le temps — c'est quand même assez court, comme je le disais tantôt. En effet, nos travaux peuvent s'ajourner à la fin de janvier.

On revient après les Fêtes et c'est encore dans la période des Fêtes. L'ajournement des Fêtes n'aura pas lieu puisque cela pourra arriver qu'on siège, je ne sais pas, peut-être les 6, 7, 8 et tout le mois de janvier. Mais d'ici à ce que l'ajournement ait lieu, nous croyons que c'est une occasion d'atténuer cette sanction, qui est symbolique du geste que nous réprouvons. Ceci permettra à ceux qui suivent nos débats de constater, même si la sanction est atténuée et mineure, jusqu'à quel point il est important pour les députés, pour tous ceux qui auront à présider les commissions de cette Chambre d'être le plus objectif possible, le plus impartial possible parce que l'Opposition a été vigilante et qu'elle a réclamé justement, pour la bonne conduite des différentes commissions, comme à l'Assemblée nationale, que les règlements soient observés durant les quatre prochaines années et qu'une Opposition, qu'elle comprenne 6 ou 8 députés ou qu'elle en ait 40 ou 50, devra dorénavant être respectée. Le jeu du parlementarisme au Québec, d'ici la prochaine élection, sera protégé grâce à cette sanction que nous

avons voulu inclure dans l'amendement, que nous avons atténuée dans le sous-amendement parce que nous ne voulons pas faire du député de Roberval un bouc-émissaire qui subirait les foudres d'un exemple qu'on voulait donner à ce nouveau Parlement, cette 30e Législature, que nous sommes appelés à vivre ensemble et de façon que les citoyens du Québec sachent maintenant qu'à l'Assemblée nationale du Québec, il y aura un parti au gouvernement et un parti d'Opposition qui fonctionneront dans un parlementarisme équilibré. C'est-à-dire qu'il y a une impartialité, une suite, un respect des règlements puisque ce n'est pas le nombre qui compte dans une Opposition, mais la qualité, la détermination et les idéaux que cette Opposition veut défendre. Je pense que le sous-amendement, en terminant, M. le Président, est une occasion idéale de le démontrer.

LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: Je suis l'auteur de l'amendement que le chef de l'Opposition a bien voulu sous-amender.

J'ai présenté cette motion d'amendement, je vous l'ai largement expliquée au moment où je vous l'ai présentée, car je croyais qu'après le vote indicatif que venait de nous donner la majorité ministérielle sur le fait qu'elle refusait de remplacer le mot "réprouve" par le mot "regrette", je me sentais justifié de présenter une sanction.

Le sous-amendement du chef de l'Opposition atténue la sanction que j'ai moi-même présentée. Pourtant, M. le Président, en vous la présentant, je vous avais signalé moi-même que je la considérais mineure. Je la considérais dans sa forme la plus limitée que nous puissions avoir pour, une fois de plus, bien marquer notre détermination, comme vient de le signaler le député de Lafontaine, que le député de Roberval ne devienne pas le bouc émissaire de toutes les choses, de toutes les conduites que nous pourrions lui reprocher. Nous voulons très clairement et très nettement faire entendre notre point. A ce que nous lui reprochons dans sa conduite, à la commission parlementaire du 14 décembre dernier, et de sa conduite illégale du lendemain matin, à ce que nous lui reprochons au cours de ses décisions, une sanction la plus minime possible devrait suffire, après le sérieux avertissement que la majorité ministérielle même vient de lui donner en lui rappelant qu'elle ne se contente pas de regretter mais qu'elle réprouve son action.

Le chef de l'Opposition propose que la durée de son absence, comme président de la commission parlementaire de la justice, se limite jusqu'à l'ajournement des Fêtes qui devrait normalement venir samedi soir minuit, M. le Président. J'avais, moi, présenté dans l'amendement précédent, que ce soit pour le temps de la session. C'est donc dire qu'à compter du 7 janvier prochain, lorsque nous reprendrons nos travaux, on ne sera pas obligé de tenir des séances de la commission de la justice sous le gouvernail qu'imposerait le député de Roberval. J'accepte, comme parrain de l'amendement, le sous-amendement présenté par le chef de l'Opposition, parce que je crois que le but visé par mon amendement est quand même atteint dans le sous-amendement. La leçon aura porté, je crois, même d'ici samedi soir à minuit.

Au fond, ce que je voulais éviter, je vous l'ai rappelé, M. le Président, lorsque j'ai présenté l'amendement, c'est que ce même homme, qui a fait montre d'inconduite lors de la dernière séance de la commission parlementaire de la justice, qui a cédé aux pressions et au poids que faisait peser sur lui le ministre de la Justice, qui n'a pas fait appliquer les règlements, ait à diriger encore les séances de la commission parlementaire de la justice qui sera appelée très bientôt, lorsque nous aurons disposé des autres articles que le leader du gouvernement voudra bien appeler, lorsque nous étudierons en commission le projet de loi no 2, qui est la Loi concernant le louage de choses, et le projet de loi no 3, qui est la continuation de la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires.

Or, je suis rassuré à cet effet, même avec le sous-amendement du député de Sauvé, parce que je suis maintenant convaincu que nous n'étudierons pas, en commission parlementaire de la justice, le bill 2 et le bill 3 avant la reprise des travaux en janvier. Donc, ma crainte de voir le député de Roberval présider la commission parlementaire de la justice pour ces lois très contentieuses et très discutées se trouve, par le fait même, écartée. Je puis donc accepter le sous-amendement présenté par le chef de l'Opposition.

En effet, quand le chef de l'Opposition dit que nous devons limiter l'application de cette sanction jusqu'à samedi soir, minuit, c'est au cas où une séance de la commission parlementaire de la justice devrait avoir lieu. Je ne vois pas comment, dans ce feuilleton, à moins que nous reprenions en commission parlementaire le projet de loi qui augmente de $5,000 et de façon rétroactive le salaire de ceux qui font déjà $28,000, je ne vois éminemment pas de danger que l'intérêt que je visais par la présentation de mon amendement se trouve contrecarré par le sous-amendement présenté par le chef de l'Opposition.

D'ailleurs, le fait que vous ayez reconnu comme recevable ce sous-amendement du chef de l'Opposition indique que vous-même, dans votre entendement de notre règlement, n'avez pas jugé que ce sous-amendement, dût-il être accepté par cette Assemblée, serait entré en contradiction avec le but visé par mon amendement.

Vous avez eu parfaitement raison de reconnaître la recevabilité de cet amendement.

J'interviens à ce moment-ci de nos débats sur le sous-amendement pour justement signaler aux honorables membres de la Chambre que, s'ils s'apprêtaient à appuyer mon amendement ou s'ils avaient l'intention de voter mon amendement après avoir voté la réprobation de la conduite du député de Roberval, malgré notre appel à l'atténuer en une forme de regret... Peu importe, ils ont pris leur décision. Puisqu'ils réprouvent, donc, comme ils l'ont indiqué par leur vote, la conduite du député de Roberval...

UNE VOIX: C'est faux.

M. CHARRON: ... et puisqu'ils se sont donc dits d'accord pour qu'il y ait une sanction, je leur dis...

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le privilège des membres de cette Chambre. Libre au député de Saint-Jacques de faire les interprétations qu'il voudra, mais, lorsqu'il touche justement aux intentions qu'il veut nous prêter, je crois qu'il agit illégalement et contre les dispositions de notre règlement.

Au contraire, M. le Président, nous n'avons pas l'intention d'appuyer, d'aucune façon, la prise de position du Parti québécois vis-à-vis du vice-président de la Chambre et nous aurons l'occasion de le prouver amplement.

M. CHARRON: Peu importe, M. le Président. Je n'ai pas à soupeser les légères intentions que peut avoir ce gouvernement. Je dis, moi, que nous avions présenté une motion pour remplacer le mot "réprouve" par le mot "regrette" et qu'ils ont refusé "regrette". Nous fonctionnons donc avec le mot qu'ils nous ont appelés à utiliser, celui de "réprouver".

M. LEVESQUE: M. le Président, sur une question de privilège.

M. CHARRON: C'est encore le mot, M. le Président, qui figure au feuilleton. C'est simple.

M. LEVESQUE: M. le Président, une question de privilège.

UNE VOIX: A l'ordre!

UNE VOIX: Assis, je jeune!

LE PRESIDENT: Une question de privilège.

M. LEVESQUE: Une question de privilège, M. le Président. Si le député de Saint-Jacques veut une définition des termes quand il parle de réprouver et de regretter, pour qu'il comprenne bien, je vais lui donner un exemple.

M. MARCHAND: Il a encore ses culottes courtes; il ne peut pas comprendre!

M. LEVESQUE: Je vais lui donner un exemple et il va comprendre: La province de Québec, la population du Québec a réprouvé le Parti québécois, mais ne le regrette pas.

M. LEGER: Mais elle regrette le Parti libéral!

M. CHARRON: M. le Président...

LE PRESIDENT: A l'ordre! Je n'aurais qu'un mot à ajouter sur la question de règlement. Si je comprends bien, quand la majorité de cette Chambre a voté, à un certain moment, contre un amendement, ce n'est pas sur le fond de la question que le vote a été exprimé, mais sur une question de procédure. Il faut que ce soit rattaché à la question principale qui n'est pas encore mise aux voix. Je ne voudrais pas que vous y reveniez. Cela fait deux ou trois fois que vous le faites.

M. CHARRON: Je le sais, M. le Président, mais l'indication pourtant claire que vous aviez donnée... Et je m'exprime à mon tour, sur le point de règlement soulevé par le député de Bonaventure, avant de revenir à mon droit de parole sur le sous-amendement.

L'indication pourtant claire que vous aviez donnée, il n'y a que les sourds qui ne pouvaient pas la comprendre. Vous aviez dit: Si la majorité décide de remplacer le mot "réprouve" par le mot "regrette", il ne sera pas possible de parler de sanction.

Par une maladresse du leader du gouvernement, qui a refusé de remplacer le mot "réprouve" par le mot "regrette", vous nous avez donc permis de poursuivre ce qu'ils appellent notre "filibuster" et ce qui est un "filibuster" de présenter de nouveaux amendements. S'il avait été le moindrement habile, le vétéran parlementaire, pas besoin d'être ici depuis 35 ans pour connaître la motion...

LE PRESIDENT: La motion. M. CHARRON: Très bien.

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Ce n'est déjà pas assez facile de présider cette Assemblée, je demanderais votre collaboration.

M. CHARRON: Merci, M. le Président. Je dis donc que si nous nous en tenons à retenir cette sanction jusqu'à l'ajournement des Fêtes, comme nous l'invite à le faire la motion de sous-amendement du député de Sauvé, chef de l'Opposition, il me semble que la leçon aura porté.

Toutes les tergiversations qui ont marqué les débats alentour de ce projet de loi no 8, cette augmentation de salaire des juges que réprouve la population et qu'elle ne fait pas que regretter...

LE PRESIDENT: A l'ordre! Je vous indique que votre droit de parole est expiré.

M. CHARRON: Merci, M. le Président.

M. Lucien Lessard

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, je n'avais vraiment pas l'intention de parler sur cette motion.

M. LEVESQUE: II est bien peigné ce soir, oh!

M. LESSARD: C'est la tempête.

Bien honnêtement, je vous dis que je n'avais pas l'intention de parler sur cette motion. Je n'avais pas l'intention du tout...

M. VEILLEUX: Question de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT: Article 92?

M. VEILLEUX: Oui. Pour parler, un député doit se lever.

LE PRESIDENT: Al'ordre! L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: Franchement, l'intelligence du député de Saint-Jean est vraiment faible.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: II a trouvé un article du règlement qu'il peut quand même utiliser.

LE PRESIDENT: La motion.

M. LESSARD: Oui, pour autant que je ne suis pas dérangé par ces sénateurs libéraux qui attendent bien assis leur pension. Le néophyte d'Anjou n'est pas encore rendu à sa pension.

Je disais que, bien honnêtement... Je vous parle, M. le Président, je m'adresse à vous, parce que c'est vous qui êtes la haute autorité en cette Chambre, en espérant par exemple, comme je sais que vous le ferez, que vous appliquerez l'article 26 du règlement.

LE PRESIDENT: Oui, mais n'empirez pas les interruptions comme vous le faites assez fréquemment.

M. LESSARD: Et ça, M. le Président, je suis assuré...

LE PRESIDENT: Regardez-moi, ne regardez pas de ce côté.

M. LESSARD: M. le Président, je suis bien d'accord à le faire mais pour autant que je ne serai pas écoeuré par ceux, justement, qui tentent de m'écoeurer.

LE PRESIDENT: Regardez-moi.

M. LESSARD: D'accord. Je vous aime bien d'ailleurs, M. le Président, mais il reste que j'ai quand même deux oreilles, une oreille gauche et une oreille droite. Le député de Saint-Jean ne me dérange pas du tout. . LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Messieurs, messieurs!

UNE VOIX: Cela diminue la qualité de l'Assemblée nationale.

M. LESSARD: Je suis bien d'accord, M. le Président, et c'est justement, suite à ces interventions qui diminuent véritablement la qualité de l'Assemblée nationale, que j'ai décidé de parler parce que vraiment je trouvais cette motion claire. M. le Président, je suis intervenu au cours du souper auprès de mes collègues du Parti québécois, je leur ai dit: Pourquoi devrais-je intervenir sur cette motion? Il me semble que c'est une motion que les députés libéraux devraient facilement accepter. C'est une motion qui est normale, il s'agit de limiter cette motion et justement c'est pour vous convaincre. M. le Président; j'ai tenté de convaincre mes collègues en leur disant: Ecoutez, je suis fatigué, c'est une motion qui est claire, c'est une motion...

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LESSARD: C'est une motion que nos collègues libéraux devraient accepter. Mais, M. le Président, on m'a convaincu d'intervenir en me disant: Tu sais, les députés libéraux sont difficiles, ils ont de la difficulté à comprendre, ce sont des sourds. Les députés libéraux n'ont même pas compris la simple petite motion qui nous paraissait normale, la motion que nous avons présentée sur la motion principale, lorsque nous avons demandé, par exemple, de remplacer le terme "réprouve" par le terme "regrette".

Il me semble que c'était une chose normale, cette motion. Oui, M. le Président, en vertu de l'article 120...

LE PRESIDENT: A l'ordre! C'est une décision de la Chambre et vous n'avez pas le droit de revenir sur une décision de la Chambre.

M. LESSARD: D'accord, M. le Président, mais une décision votée par des députés libéraux. En tout cas... C'est justement quand je regarde le député de Saint-Jean. C'est à la suite de ça que j'ai été convaincu de l'obligation de parler, dans l'espoir de leur faire comprendre qu'il ne s'agit pas de réprouver de façon continue la conduite du député de Roberval. Il s'agit de faire ça dans un temps limité. Et, justement, je voudrais en appeler de l'intransigeance des députés libéraux qui, peut-être — en particulier des jeunes députés qui sont ici pour la première fois — ont vu le vice-président de

l'Assemblée nationale diriger les travaux de la commission parlementaire. Ces jeunes députés ont pu eux-mêmes constater quelle erreur le député de Roberval a faite en ce qui concerne les délibérations de cette commission. Mais je comprends qu'un certain nombre de députés libéraux — peut-être le député d'Anjou — soient véritablement eux-mêmes choqués de l'attitude du vice-président de l'Assemblée nationale. Et ils nous l'ont prouvé lors du dernier vote, que nous avons eu tout à l'heure.

Mais je fais appel à leur bonne volonté et je leur dis: C'est vrai que le député de Roberval est un collègue; c'est vrai que le député de Roberval nous a prouvé depuis trois ans et demi sa gentillesse; c'est vrai, M. le Président, que le député de Roberval — c'est pour ça que nous faisons cette motion — pendant un certain temps, quand il a présidé un certain nombre de commissions parlementaires, a respecté les règlements de l'Assemblée nationale; c'est vrai que le député de Roberval a permis généralement — et je voudrais en informer les députés libéraux — aux députés de l'Opposition de s'exprimer de façon normale en autant qu'ils respectaient les règlements, et c'est ça que je voudrais que les députés comprennent. Je ne voudrais pas que les députés libéraux soient tellement intransigeants qu'ils votent contre notre motion. Je voudrais leur dire qu'il faut absolument accepter la motion qui vous est présentée, la motion d'amendement qui dit: "d'ici l'ajournement des Fêtes". D'ailleurs, cette motion est importante justement à cause des qualités que nous avons pu constater chez le député de Roberval.

M. VEILLEUX: II n'y aura pas d'ajournement...

M. LESSARD: On ira à l'ajournement, ce pourra aussi bien être à Noël, qu'à Pâques, M. le Président, on ira. Je voudrais, encore une fois, les inviter à voter pour cette motion. Je voudrais leur dire qu'il est important que le député de Roberval continue d'être vice-président de l'Assemblée nationale. Il est important que le député de Roberval continue de présider des commissions parlementaires, mais pas n'importe quelle commission parlementaire.

Je vois que mon collègue et ami, le député de Louis-Hébert, qui a même été mon conseiller juridique, qui a même été mon employé pendant un certain temps au niveau d'un organisme national, M. le Président, était lui-même véritablement intéressé à entendre, au cours de toute cette discussion, nos doléances contre le député de Roberval.

Mais je voudrais justement lui dire que lui, peut-être, ferait un bon président, il ferait un bon vice-président. Mais je regarde parmi les autres députés libéraux...

LE PRESIDENT: La motion.

M. LESSARD: Oui, M. le Président, et je parle sur la motion. Je parle de la motion et je vous explique pourquoi notre motion doit être limitée à la période des Fêtes, parce que comme président de commission parlementaire, nous n'avons pas le choix. Etant donné que nous sommes six, nous ne pouvons quand même pas accepter d'être président de commission parlementaire. Ce n'est pas facile à trouver des présidents de commission parlementaire parmi les députés libéraux que je vois autour de moi. Il est certain que le député de Saint-Jean ne ferait pas un bon président de commission parlementaire. Ah! peut-être mon collègue... parce que ce n'est pas facile, comme on le disait, d'être président de commission parlementaire, d'être impartial dans une commission parlementaire et il y a peu de députés dans cette Chambre qui sont véritablement "impartials"...

DES VOIX: Impartiaux.

M. LESSARD: ... impartiaux. Merci, M. le Président. Il y a peu de députés qui sont véritablement impartiaux et même... Quand on fait des fautes de grammaire, cela n'est pas pire, mais quand on fait des fautes en politique, c'est grave.

UNE VOIX: Des fautes de syntaxe.

M. VEILLEUX: En vous regardant, on voit que la langue, c'est une langue de travail.

M. LESSARD: Ce qui est grave, c'est que les députés libéraux... Je continuerai une autre fois pour... Merci. Vous ne nous impressionnez pas du tout, vous savez.

LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi. UNE VOIX: Vous autres non plus.

M. Marc-André Bédard

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, je suis d'accord sur le sous-amendement qui a été apporté à l'amendement présenté par un de mes collègues de l'Opposition, premièrement, parce que je crois que cet amendement adoucit la sanction qui était prévue au niveau de l'amendement — on va plus lentement — si cet amendement était voté. Je pense que le sous-amendement, en fait, qui restreint justement la portée de la sanction énoncée à l'amendement reflète un peu plus le caractère normal d'une sanction pas trop sévère concernant l'erreur — je dis bien l'erreur, parce que l'erreur peut-être commise de bonne foi — que nous croyons toujours avoir été commise par l'honorable député de Roberval.

Il agissait comme président de la commission parlementaire de la justice lorsqu'il a rendu certaines des décisions sur lesquelles l'Opposition a cru bon de faire la motion privilégiée que

nous avons devant nous depuis presque deux jours. Je suis d'autant plus d'accord que je crois d'abord qu'il y a des motifs qui sont rattachés à la personne même du député, qui militent en faveur du fait que je sois d'accord dans le sens qu'on rétrécisse ou qu'on adoucisse la sanction prévue à l'amendement, des motifs qui sont rattachés à la personne même de l'honorable député de Roberval, en raison de son caractère sympathique. C'est évident que plusieurs de mes collègues qui sont ici, tant de l'Opposition que du gouvernement, ont eu l'occasion de vivre ici en cette Chambre avec lui beaucoup plus longtemps et je m'aperçois qu'effectivement, du point de vue du caractère, du point de vue de l'intégrité en fait, du point de vue du dévouement du député de Roberval, tout le monde est d'accord et moi de même. J'ai eu peut-être moins l'occasion de le connaître dans cette Chambre qu'en dehors, mais j'ai été à même de constater aussi qu'on ne pouvait pas mettre en doute ses qualités de vice-président de la Chambre.

D'une part, je suis d'accord sur le sous-amendement qui adoucit la sanction, en raison de son caractère sympathique, parce qu'encore une fois, on ne peut pas dire qu'il y a eu une question de partialité dans la manière de procéder de l'honorable député de Roberval, qu'il y a eu des motifs de partialité. Cela a pu être très bien commis de bonne foi et je pense que c'est le cas. De la même manière, il n'est pas question d'incompétence d'une façon générale, au niveau des actes posés par l'honorable député de Roberval, parce qu'encore une fois, je crois que l'erreur qu'il a commise en est une qu'on aurait pu commettre, que n'importe qui de nous aurait pu commettre.

Je suis d'autant plus d'accord, M. le Président, sur ce sous-amendement, et je pense que c'est normal qu'on veuille atténuer la sanction, parce que, dans le fond, ce n'est quand même pas facile de voir la portée, d'évaluer toutes les interprétations qu'on peut donner à des règlements. Je suis d'autant plus d'accord qu'on adoucisse la sanction que ces règlements sont le fruit quand même de dix ans de travaux, tel que c'est dit dans le préambule du livre des règlements, et ils ont quand même...

M. VEILLEUX: Ce n'est pas...

M. BEDARD (Chicoutimi): Lisez-le. Est-ce que le député de Saint-Jean est dans l'erreur?

LE PRESIDENT: Continuez sur la motion.

M. VEILLEUX: M. le Président, vous devriez quand même éclairer la Chambre, ce n'est certainement pas dix ans de travaux.

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous devriez lire vos règlements, c'est commode.

Le nouveau règlement est l'aboutissement de près de dix ans de travaux qui se sont poursuivis sous la direction des présidents. Lisez-le, vous allez voir. Ce n'est pas dix mois, dix ans.

M. VEILLEUX: C'est une erreur.

M. BEDARD (Chicoutimi): Ah! c'est une erreur de temps.

UNE VOIX: Le président n'est pas si vieux que ça, voyons!

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous le ferez corriger.

Alors, on est d'autant plus d'accord qu'on s'aperçoit qu'après dix ans d'exercice du règlement, l'interprétation en est toujours difficile. Etant donné qu'on a affaire à de nouveaux règlements qui, pour la plupart du temps, n'ont pas subi l'épreuve du temps en ce qui regarde les précédents, en ce qui regarde tous les cas spéciaux qui peuvent se présenter lors de l'application de chacun de ces articles, comme l'a dit l'honorable président de la Chambre — d'ailleurs, il en a fait la preuve — à bien des reprises, on est obligé non pas de se fier seulement à ces règlements, mais d'aller dans les anciens règlements, en termes de jurisprudence, pour pouvoir mieux comprendre la vraie portée de ce règlement. Il faut même se référer, de temps en temps, comme je l'ai vu faire par l'honorable président, non seulement à des anciens règlements de la Chambre, mais à d'autres règlements qui sont en vigueur dans d'autres Législatures, comme la Législature fédérale.

Alors, quand on voit jusqu'à quel point c'est difficile de se retrouver, tout en étant de bonne foi, à travers un tel dédale de règlements, on peut comprendre que ce n'est quand même pas facile d'en faire une interprétation qui soit toujours correcte, autrement dit qu'il n'est pas toujours facile d'en faire une interprétation qui soit sans reproche.

C'est justement en raison de toutes ces circonstances difficiles concernant l'application de ce nouveau règlement que nous croyons qu'effectivement, de bonne foi, tout en jouant son rôle au meilleur de sa connaissance... D'ailleurs, l'honorable député de Roberval, en plus d'avoir toutes les qualités que j'ai énumérées tantôt, en a une autre, à mon sens, qui est importante, celle d'être originaire de la belle région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

M. MERCIER: Sur le sujet, M. le Président, s'il vous plaft.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est en dehors du sujet, je pense.

UNE VOIX: Oui, c'est sûr.

M. BEDARD (Chicoutimi): Cela n'empêche pas que c'est beau, quand même.

UNE VOIX: Oui, c'est sûr.

M. BEDARD (Chicoutimi): D'accord. Alors, on va laisser la belle région du Saguenay-Lac-Saint-Jean pour retourner au règlement. Je com-

prends que c'est pas mal plus aride, pas mal plus froid, pas mal moins vivant. Je suis d'accord pour que l'on atténue par le sous-amendement la sanction prévue à l'amendement qu'on avait déjà présenté parce qu'effectivement je pense que le dévouement de l'honorable vice-président de la Chambre, le député de Roberval, ne fait aucun doute. Lui, il a compris que les règlements — malheureusement, ce ne sont pas tous ses collègues qui le comprennent — ce n'est pas seulement — je suis convaincu que c'est son idée — un amoncellement de délais, de dates, de procédures ou d'avocasseries. Pour l'honorable vice-président de la Chambre le député de Roberval, les règlements, c'est l'aboutissement d'un processus normal démocratique, dans ce sens que ce sont des gens responsables qui se sont donnés des règles de procédure qui régissent leurs discussions d'une façon qui soit la plus démocratique possible.

C'est donc à cause des qualités de démocrate, que je reconnais quand même à l'honorable député de Roberval, malgré l'erreur commise de bonne foi, que je suis toujours en faveur de ce sous-amendement qui, à mon sens, respecte la réalité, dans le sens qu'il dit ceci: Une erreur a été commise. D'un autre côté, tenant compte des circonstances dans lesquelles elle a été commise et de la bonne foi de celui qui l'a commise, eh bien, à ce moment-là, il est normal qu'on adoucisse cette sanction. Elle est tellement adoucie que, comme l'a fait remarquer tout à l'heure l'honorable député de Saint-Jacques, il est peut-être à prévoir que la commission ne siégera pas, cela veut dire que cette sanction demeurera tout simplement symbolique. Je vous remercie M. le Président.

M. VEILLEUX: Vote. DES VOIX: Vote.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, ma première intention était de ne pas intervenir sur cette motion mais, M. le Président, j'ai révisé cette intention à la suite des interventions faites par, entre autres, le député de Saguenay, le député de Saint-Jacques, le député de Chicoutimi et le député de Lafontaine.

Je me suis senti une obligation d'intervenir sur cette motion, obligation presque à caractère moral, parce que je suis — et je l'ai mentionné quand je l'ai fait — à regret, la personne d'où vient la motion principale qui est actuellement en délibération.

Je me suis dit, M. le Président, sur le coup du moment, lorsque j'ai rédigé la motion qui est apparue au feuilleton, puisqu'il s'agit d'une motion qui doit être annoncée, donc écrite et inscrite au feuilleton, que peut-être — et vous remarquerez que tout au long de ce débat cela a été un peu l'attitude que nous avons tenue — nous avions été un petit peu durs à l'égard du vice-président de l'Assemblée nationale. Pas que nous regrettions, M. le Président, d'avoir fait la motion principale, pas du tout. Mais ce que nous avons tenté de faire depuis que ce débat est commencé, c'est de limiter constamment la portée de notre motion qui, vous l'admettrez, M. le Président, au tout départ, était très large.

Elle était d'un énoncé large au point où même le président de l'Assemblée nationale nous a mentionné qu'on aurait même pu vouloir parler de la vie privée du député de Roberval, ce qui n'était pas du tout notre intention.

La motion originale s'est lentement rétrécie au point de vue du corridor, rétrécissement, M. le Président, vous allez me le concéder, qui ne nous est pas favorable au point de vue du droit de parole, c'est-à-dire que, plus une motion en couvre large, plus une motion en emporte, M. le Président, selon le terme consacré, plus, évidemment, le droit de parole est large lui-même.

Mais c'est délibérément, que tout au long de ce débat nous avons décidé de rétrécir le débat. Et sans revenir sur une décision qui a déjà été prise par l'Assemblée nationale, qu'elle avait parfaitement le droit de prendre, lorsque nous avons, par exemple — je vous le cite uniquement à titre d'exemple et non pas dans l'intention de revenir sur un débat qui a déjà été tranché — dit qu'au lieu de réprouver la conduite du député de Roberval nous regrettions sa conduite, c'était déjà une indication. Encore une fois, je ne me prononce pas là-dessus. L'Assemblée, elle, a tranché. L'Assemblée est souveraine, M. le Président, et, là-dessus, je respecte sa décision, même si j'ai le droit de ne pas être d'accord avec elle.

Par la suite, nous avons simplement tenté de réduire encore davantage. Même si l'Assemblée refusait d'atténuer la force du verbe réprouver, nous avons pris sur nous...

UNE VOIX: A l'ordre!

M. BURNS: Qu'est-ce qu'il y a, à l'ordre, M. le Président?

UNE VOIX: Sur le sujet!

M. BURNS: Je parle de la motion. Si les honorables députés qui sont à ma gauche, à ma droite et tout autour de moi, en face et en arrière, comprenaient, ils verraient que je suis en train de faire un peu l'historique du sous-amendement que nous avons devant nous actuellement.

M. le Président, c'est uniquement dans ce sens. Je vous prie de me rappeler à l'ordre si je sors de ce corridor, que je m'imposerai, M. le Président, soyez-en certain.

Donc, à la suite de cette première tentative de notre part, nous sommes revenus avec ce que j'appellerais un "atténuement", encore, de notre motion en situant exactement — ce n'est pas un "atermoiement", c'est un "atténuement"...

M. MORIN: Une atténuation.

M. BURNS: Une atténuation, si vous préférez. Dans le cas du ministre de la Justice, ça pourrait être un éternuement, remarquez, mais ce n'est pas ça.

De toute façon, le ministre de la Justice et moi, je pense qu'on a bien d'autres discussions à avoir ensemble que des discussions de mots. Je pense bien que le ministre voudra à certaines occasions...

M. MERCIER: Sur le sujet, M. le Président.

M. BURNS: ... avoir des discussions de fond avec moi, et je serai d'accord pour les avoir avec lui. D'ailleurs, c'est une personne que je respecte suffisamment pour le tenir à une hauteur que lui et moi considérons très élevée, je suis sûr.

Je disais donc que, dans un premier temps, nous avons tenté de limiter notre motion. Et, je ne reviens pas — je vous le dis d'avance — sur des motions d'amendement que nous avons tenté de faire et que la présidence a décidé de trouver ou de juger irrecevables. Mais je vous le mentionne simplement, pour vous indiquer le sens de notre attitude tout au cours de ce débat, c'est-à-dire, ce sens de tenter de cerner le plus précisément possible ce reproche, disons-le, au député de Roberval, et ce, non pas, comme je l'ai mentionné déjà, en tant que député, non pas en tant qu'individu que nous connaissons, que nous respectons, que nous aimons bien, non pas en tant que ce bon notaire du Lac-Saint-Jean, gai, aimant la vie... Je l'ai dit, hier, et je ne le répéterai jamais assez parce que ce député qui a toute notre estime se doit véritablement de comprendre le sens véritable de cette motion et même de l'ensemble de tout ce débat. Je ne le dirai pas suffisamment, parce que je crois que le député de Roberval se doit d'être fier de plusieurs choses qu'il a faites en tant que vice-président de l'Assemblée nationale, et même dans le temps où je l'ai connu quand il a fait ses premières armes comme président de commission.

Et c'est d'ailleurs ses attitudes, son esprit ouvert, cette espèce de sens inné de la démocratie qui, je pense, lui ont permis d'accéder à cette fonction importante qui est celle de vice-président de l'Assemblée nationale.

M. CHOQUETTE: Voulez-vous en faire une motion de félicitations?

M. BURNS: II n'est pas question de faire un vote de félicitations à l'endroit du député de Roberval, comme le suggère le ministre de la Justice, il est question de rétrécir — c'est là le sens du sous-amendement — exactement à son niveau précis le reproche que nous dirigeons au député de Roberval, vice-président de l'Assemblée nationale, et surtout lorsqu'il a siégé les 14 et 15 décembre derniers comme président de la commission parlementaire de la justice.

Donc, une fois que nous avions fait toutes ces tentatives, même si l'Assemblée nationale n'a pas accepté nos amendements, même si certains de nos amendements ou sous-amendements ont été jugés irrecevables — ce que je ne conteste pas — par la présidence, nous avons quand même, je pense, je vous le soumets bien respectueusement, réussi à dire au moins dans quel cadre et avec quelle force ou avec quel degré de force nous posions ce reproche à l'endroit du député de Roberval.

M. le Président, ce cadre de reproches — si je peux l'appeler ainsi — que l'on place une fois qu'on a réussi à mettre devant l'Assemblée nationale cette espèce d'éventail de reproches. Quand je dis éventail, j'utilise un mot qui en dit peut-être encore plus que je ne veux dire parce qu'il ne s'agit pas de très nombreux reproches. Il s'agit de certaines attitudes et, en particulier, de trois attitudes précises que nous avons reprochées au député de Roberval au moment des séances de la commission parlementaire, le 14 décembre et le lendemain, en permettant à la commission de siéger et, finalement, en permettant — et cet amendement, l'Assemblée nationale en a disposé — que le rapport vienne devant cette Chambre.

Ce sont, dans le fond, ces reproches que nous faisons. Ils se résument, en fait, à quatre, c'est-à-dire, d'une part, d'avoir refusé à votre humble serviteur le droit de faire sa motion pour faire siéger les députés de Saguenay et de Saint-Jacques; deuxièmement, d'avoir prononcé, toujours à notre avis, irrégulièrement l'ajournement, le soir du 14 décembre ou, si on peut dire, dans la nuit du 14 au 15 décembre à quatre minutes après minuit; d'avoir fait siéger la commission le lendemain, encore une fois selon notre opinion, de façon irrégulière à 10 heures et d'avoir, en dernier lieu, permis que le rapport vienne devant l'Assemblée nationale, irrégulièrement toujours puisqu'il s'agit d'un accessoire d'un acte irrégulier.

M. le Président, quand je me référerai à l'éventail des reproches adressés au député de Roberval, il s'agit de ces quatre prises de position ou ces quatre attitudes maintenues par le député de Roberval.

Je continue en vous expliquant le cheminement de cette motion. Une fois que nous avons tenté de rétrécir le plus possible — de rétrécir, j'insiste sur cet aspect de notre attitude — le blâme que nous avons adressé — disons-le, M. le Président, le blâme — au député de Roberval, malgré que certaines des motions que nous avons faites aient été refusées soit par l'Assemblée nationale, soit pas la présidence, nous avons dit: le lit est fait. Nous savons que c'est dans ce sens-là que les gens de l'Assemblée

nationale, que nos collègues comprennent nos reproches.

Et c'est là, M. le Président, que le député de Saint-Jacques a eu la brillante idée d'ajouter, aux reproches que nous faisions, l'aspect de la sanction. Je vous avoue, M. le Président, que nous y avons pensé à cette sanction; nous y avons songé longtemps parce que, tant du point de vue du député qui soulevait le problème qu'à l'égard du député qui se faisait faire des reproches, ce geste comportait un certain nombre de conséquences. Ces conséquences, je n'ai pas besoin de les décrire, sont nombreuses, que ce soit le fait d'entacher la réputation du député de Roberval, que ce soit le fait de lui causer des traumatismes psychologiques pour l'avenir, nous y avons pensé, remarquez; que ce soit, M. le Président, pour le député qui aurait proposé une sanction excessive, le fait d'être obligé par la suite de subir les foudres de l'Assemblée nationale, parce que si je regarde le nombre de députés, si je regarde le nombre de députés qui siègent de l'autre côté de la Chambre, je sais fort bien de quel côté se serait dirigé le blâme à l'égard du député qui proposait la sanction.

La sanction, pour nous, était de caractère, il le fallait, très pratique, encore une fois, tant pour le député concerné qui faisait la proposition, en l'occurrence le député Saint-Jacques, que pour le député à l'égard de qui la sanction était faite ou, si vous voulez, contre qui la proposition de sanction était faite. C'est bien sûr que nous aurions pu proposer — je pense que certains de mes collègues l'ont mentionné — la destitution du député de Roberval comme vice-président de l'Assemblée nationale. Vous vous demandez sans doute pourquoi on ne n'a pas fait cette motion. Je vois, M. le Président, dans vos yeux, ce point d'interrogation qui se soulève.

M. MERCIER: Pertinence des débats.

M. BURNS: Vraiment, M. le Président, les députés qui me parlent de pertinence ne suivent pas mon intervention depuis le début. Je connais le sens très élevé du ministre de la Justice du respect des règlements, que ce soit dans cette Chambre ou ailleurs et, jamais depuis le début de mon intervention, le ministre de la Justice ne m'a interrompu. C'est la preuve qu'il comprend que vous-même, M. le Président, vous auriez été le premier, j'en suis sûr, à me rappeler à l'ordre. Je prierais les députés qui me crient, pertinence, pertinence...

M. LEGER: D'arrêter leur impertinence.

M. BURNS: Je vous demanderais, M. le Président, s'ils veulent soulever une question de règlement, qu'ils le fassent selon les formes, qu'ils se lèvent en vertu de l'article 26, tout simplement, parce qu'actuellement c'est moi qui ai la parole. Je vous demande tout simplement, de leur rappeler le fait que c'est moi qui ai la parole, c'est moi qui suis debout et avec votre autorisation. Je me sens fort de votre autorisation et soyez certain qu'avec votre appui je ne laisserai pas ces députés ministériels me bousculer. Et je vous prie d'avance de m'accorder cet appui relativement à l'application des règlements.

Je disais donc — et les députés qui m'ont fait reproche de la pertinence du débat vont comprendre, ça s'en vient, c'est très pertinent tout ce que j'ai dit depuis le début...

M. VEILLEUX: Par chance qu'il a une demi-heure.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): ... parce que vous allez manquer de temps.

M. BURNS: M. le Président, comme je suis l'auteur de la motion, je pense, sauf erreur, que j'ai droit à une demi-heure sur cet amendement.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): II vous reste treize minutes.

M. BURNS: Alors, il me reste treize minutes. Je vous remercie, M. le Président. Je vais aller directement au point, M. le Président, parce que j'ai peur que le nombre d'arguments que j'ai à soumettre à l'Assemblée ne me permette pas de donner l'ensemble. Je vous remercie de m'avoir rappelé qu'il ne me restait que treize minutes.

Je disais donc qu'il fallait en arriver à ce que le reproche que nous faisions à l'endroit du député de Roberval se concrétise par une sanction et c'est là que le député de Saint-Jacques, dans sa sagesse, a soumis à l'Assemblée nationale un amendement amenant cette sanction devant la Chambre. Je tiens à dire tout de suite que cette sanction n'était pas forte, elle n'est pas forte, même dans la version originale que le député de Saint-Jacques a soumise à l'Assemblée nationale. La sanction est réaliste et elle devient, c'est ça la pertinence, encore plus réaliste par le sous-amendement qui a été formulé par le chef de l'Opposition cet après-midi. Je ne peux pas m'empêcher, je vous le dis d'avance, de toucher et à l'amendement et au sous-amendement parce que ce n'est que par la présence de cet amendement que je puis justifier la valeur de la proposition de sous-amendement du chef de l'Opposition. Une fois cette sanction décidée et, encore une fois, probablement en vertu de la même réaction qui avait motivé la motion de base, réaction, je dois le dire, un peu sur le coup du moment, nous avons dit: Est-il normal d'empêcher le vice-président de l'Assemblée nationale de siéger comme président de toute commission?

Au départ, le député de Saint-Jacques a dit: Non, seulement celle de la justice. Et seulement celle de la justice, pourquoi? Pour une raison bien simple, c'est qu'il y a, au moins, à cette commission de la justice, quatre députés qui se sont sentis lésés dans leurs droits. Le député de Sauvé, l'honorable chef de l'Opposition en est

un. Il est un des premiers qui s'est senti lésé dans ses droits à cette commission de la justice, les 14 et 15 décembre.

Le député de Saint-Jacques est un autre député qui s'est senti lésé dans ses droits, lorsqu'il a demandé le droit de parole et qu'on ne lui a même pas permis de se faire entendre. Moi aussi, je me sens lésé, parce qu'on ne m'a pas permis de déposer une motion pour protéger les droits du député de Saint-Jacques. Le député de Saguenay qui, lui aussi, voulait parler, lorsqu'on l'en a empêché par le fait qu'on a mis de côté même mon droit de produire une motion, s'est senti lésé également.

Et le député de Lafontaine, qui ne faisait pas partie de ma motion, lui aussi se sentait lésé. Il se sentait lésé parce que, si le précédent avait été établi pour les députés de Saint-Jacques et de Saguenay, je suis convaincu que le député de Lafontaine aurait fait la même demande et je suis convaincu que le député de Chicoutimi aurait fait la même demande.

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député me permettrait une question?

M. BURNS: Oui. Le ministre de la Justice veut me poser une question?

M. CHOQUETTE: Je voudrais demander...

M. BURNS: Vous voulez me poser une question et non pas intervenir dans mon débat?

M. CHOQUETTE: Non. Une question. M. BURNS: D'accord.

M. CHOQUETTE: Je voudrais demander sérieusement au député de Maisonneuve s'il considère que, suivant le règlement, les députés de Saint-Jacques et de Saguenay avaient raison de se sentir lésés devant la décision du président de la commission, M. Lamontagne, de mettre leur demande de participer au débat aux voix à la commission, ainsi que cela a été fait. Est-ce qu'ils avaient raison de se sentir lésés de cet acte très démocratique du président de soumettre cette demande de leur part au vote des membres de la commission? Seulement de ce geste.

M. LESSARD: Du refus de leur demande comme députés représentants un comté.

M. BURNS: Le ministre de la Justice est probablement le dernier des membres de cette Chambre qui devrait me poser cette question. Non seulement ces deux députés, mais tous les députés de l'Opposition, y compris le député du Parti créditiste qui n'est pas membre de la commission de la justice devraient se sentir lésés par l'attitude d'abord déclenchée — et je dirais même enclanchée — par le ministre de la Justice. Ils devraient se sentir lésés par cette attitude du ministre de la Justice qui a rejeté un usage qui a été défendu à l'origine — je prie le ministre de la Justice de le vérifier — par d'autres personnes que des membres de l'Opposition, entre autres par le député de Taillon, M. Leduc, à plusieurs reprises.

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député me permet une autre question? Est-ce que, d'après le règlement, j'avais le droit de m'opposer?

M. BURNS: Je l'ai admis hier. Je l'ai dit et je suis prêt à le redire? Le ministre de la Justice, théoriquement — je dis, théoriquement — et même, en vertu du règlement, avait tout à fait le droit de faire cela, mais il n'aurait pas dû le faire, comme ministre de la Justice. Si cela avait été le ministre des Richesses naturelles, je n'aurais pas dit la même chose; si cela avait été le ministre des Affaires municipales, je n'aurais pas dit la même chose; si cela avait été le ministre du Revenu qui, lui, est habitué à trancher des affaires rapidement et à charrier du monde à gauche et à droite, je n'aurais pas dit la même chose, mais le ministre de la Justice, le protecteur de la société, cet être généreux que doit être le ministre de la Justice, qui lui fasse cela, je ne le comprends pas.

M. CHOQUETTE: Devant mon opposition ou mon objection, est-ce qu'il n'était pas du devoir du président de mettre aux voix, comme il l'a fait, cette demande de participer au débat?

M. LESSARD: En motion. M. BURNS: En motion.

M. CHOQUETTE: Non, non, parce qu'il n'y a pas eu même vote auquel vous avez participé.

M. BURNS: Là, j'ai parlé de l'attitude du ministre de la Justice et je l'écarte, elle est derrière. Le premier blâme était, évidemment, adressé au ministre de la Justice. Mais le deuxième et c'est alors qu'a commencé la situation, était à l'endroit du député de Roberval, non pas pour ne pas avoir consulté la commission, il l'a consultée, je l'ai dit M. le Président — je ne sais pas si le ministre était là quand j'ai fait cette rectification hier, c'est sûr que le député de Roberval a consulté la commission — il l'a consultée. Seulement, — je l'ai bien mentionné, hier — il l'a consultée en me privant, moi, et en privant le député de Sauvé, le chef de l'Opposition, d'un de nos droits fondamentaux, c'est-à-dire de faire une motion de demander à une commission de s'exprimer sur un sujet. Il l'a fait par un tour de table: Qui est pour? Qui est contre? C'est ce que le député de Roberval a fait et le ministre de la Justice...

M. CHOQUETTE: Mais est-ce que le député...

M. BURNS: ... connaisssant sa franchise ne pourra pas nier ce fait-là. Il sait fort bien que cela a été tout simplement en faisant un tour de table.

M. CHOQUETTE: ... qui a été un vote.

M. BURNS: II n'a même pas eu de vote enregistré...

M. CHOQUETTE: Certainement, bien oui!

M. BURNS: ... M. le Président, parce qu'un vote enregistré, c'est bien simple; un vote enregistré en commission, ça se fait en levant la main, en demandant à chaque député ce qu'il pense.

M. CHOQUETTE: C'est ce qui s'est produit.

M. BURNS: M. le Président, même si on a fait ça, ce n'est pas un vote.

M. CHOQUETTE: Certainement.

M. BURNS: Comment voulez-vous qu'on puisse voter quand il n'y a pas de motion sur la table? M. le Président, vous seriez le premier à me dire, à moi, député de Maisonneuve: Qu'est-ce que vous faites-là? De quoi me parlez-vous actuellement, s'il n'y a pas de motion sur la table? Vous seriez le premier et vous auriez parfaitement raison de me le dire. Vous diriez: Vous n'avez pas d'affaire à me parler, je ne vous entends même pas! Et vous auriez parfaitement raison. Il y a certains endroits, dans la procédure où je pourrais intervenir sans qu'il y ait motion. Le ministre de la Justice devrait apprendre son règlement, à savoir...

M. CHOQUETTE: C'est un des cas.

M. BURNS: ... qu'entre autres il l'utilise à plusieurs reprises d'ailleurs cette méthode. Entre autres, il peut se servir de la question de privilège, voilà un des cas où on intervient sans qu'il y ait de motion. Il peut se servir de l'article 34 pour poser au leader de la Chambre un certain nombre de questions sur les travaux. Il peut soulever une question de règlement, sans qu'il y ait quoi que ce soit devant la Chambre, sans qu'il y ait de motion. Et comme les règles des commissions sont, à toutes fins pratiques, pigées à l'intérieur de l'ensemble des règlements de la Chambre mutatis mutandis, c'est évident que ça s'appliquait à une commission. C'est là que nous blâmons le député de Roberval.

Je m'aperçois, M. le Président que mon temps s'écoule, alors je m'excuse auprès du ministre de la Justice, mais je ne lui permettrai plus d'interventions. S'il veut intervenir, il pourra toujours le faire sur la motion comme député et comme membre qui n'a pas utilisé son droit de parole sur le sous-amendement.

Tout cela pour dire, M. le Président, qu'une fois revenu à la sanction, parce que c'est ce dont on parle actuellement, une fois qu'on a décidé de quelle sanction il s'agissait, on s'est dit de plus en plus: Ça commence à nous paraître comme une chose immédiatement possible. On s'est dit: II va y avoir un ajournement aux Fêtes, d'habitude on ne siège pas à Noël, d'habitude on ne siège pas au Jour de l'An. On ne le sait pas, on ne le sait pas. De toute façon, en ce qui me concerne, je n'en ai pas connaissance. N'en ayant pas connaissance, je me suis dit qu'à cause du traumatisme, d'une part, que notre motion pouvait causer à l'égard du député de Roberval, qu'à cause également de la proximité des faits que nous lui reprochons, que possiblement, l'esprit des Fêtes aidant, les vacances aidant, parce que le député de Roberval, on est prêt à l'admettre, lui aussi, était fatiqué, vendredi soir, lui aussi, il est humain et nous aussi, même comme vice-président et avec toutes les responsabilités qui lui pèsent sur les épaules, il avait le droit de faire une erreur. Seulement, quant à nous, députés de l'Opposition, sa crédibilité, du moins, tant et aussi longtemps que ces faits resteront frais à notre mémoire, est entachée à nos yeux.

C'est dans ce sens, vous voyez la pertinence du débat, que nous avons demandé que le rétrécissement se fasse. Nous avons demandé une sanction que nous avions choisie, c'est-à-dire celle de ne plus présider la commission de la justice. Nous voulons que ce soit juste pour un temps très limité, tant pour protéger le député de Roberval, tant à l'égard de ceux qui peuvent écouter ce débat, que certains qualifient de toutes sortes d'adjectifs et d'épithètes, mais qui, à mon avis, est salutaire pour cette Assemblée, et tant à l'égard des membres de l'Opposition qui auront peut-être l'occasion de siéger à cette commission de la justice. Entre autres, je vous cite un cas qui est possible dans les heures qui vont venir: Nous avons actuellement trois projets de loi qui sont parrainés par le ministre de la Justice, les trois projets de loi étant le projet de loi no 2, le projet de loi no 3, concernant les loyers, et vous avez le projet de loi concernant l'enregistrement des actes civils. C'est possible que dans les heures qui viennent nous ayons à siéger à la commission de la justice. Ce que nous voulons, c'est que cette Chambre exprime clairement son désir de ne pas avoir, du moins pour les jours qui viennent jusqu'à l'ajournement des Fêtes, le député de Roberval comme président de cette commission. C'est cela le sens de notre sous-amendement.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres députés qui aimeraient prendre la parole? Vote?

M. BURNS: Vote, M. le Président. LE PRESIDENT: Enregistré? M. BURNS: Enregistré.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Vote sur la motion d'amendement de M. Morin

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

Que ceux qui sont en faveur de la motion de sous-amendement de l'honorable chef de l'Opposition officielle, veuillent bien se lever s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi).

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever s'il vous plaît.

Y a-t-il des abstentions? Abstentions.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Parent, Mailloux, Choquette, Berthiaume, Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Bienvenue, Massé, Harvey (Jonquière), Houde (Abitibi-Est), Desjardins...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! ... A l'ordre, messieurs!

LE SECRETAIRE ADJOINT: ... Giasson, Perreault, Brown, Bacon, Veilleux, Brisson, Séguin, Cornellier, Houde (Limoilou), Pilote, Picard, Gratton, Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Pelletier, Springate, Boudreault, Boutin (Johnson), Boutin (Abitibi-Ouest), Chagnon, Caron, Côté, Denis, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Verreault.

LE PRESIDENT: Abstention?

M. ROY: Abstention, M. le Président.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Samson et Roy.

LE SECRETAIRE: Pour: 6

Contre: 0

Abstentions: 59

LE PRESIDENT: Est-ce que vous parlez sur...

M. BIENVENUE: Non. M. le Président, comme le permet la coutume, je voudrais expliquer l'abstention du gouvernement.

Le gouvernement ayant décidé de s'abstenir de participer à certaines manoeuvres de l'Opposition, il a en conséquence décidé de s'abstenir de participer au vote sur ce type de sous-amen- dement, qui, comme plusieurs autres, est à l'image de tout ce "filibuster", c'est-à-dire c'est le mot qu'avait employé le ministre des Institutions financières.

M. BURNS: J'espère qu'on s'abstiendra à tous les autres votes qui vont venir.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

M. Marcel Léger

M. LEGER: Pour clarifier la situation, nous sommes maintenant rendus à discuter dans le corridor que nous permet la motion principale amendée et en même temps sous-amendée puisqu'elle a été acceptée. Nous voilà donc maintenant à discuter de cet amendement qui dit que l'Assemblée nationale réprouve la conduite de son vice-président, le député de Roberval, et souhaite qu'il ne préside plus ladite commission d'ici l'ajournement des Fêtes. C'est là-dessus clairement que nous pouvons parler.

LE PRESIDENT: Pas tout ce que vous avez lu, je crois. La pertinence du débat s'applique à la dernière partie, qui se lit comme suit: "et souhaite que d'ici l'ajournement des Fêtes il ne préside plus ladite commission".

M. LEGER: Je suis dans les souhaits des Fêtes. Ce sont des souhaits jusqu'à la période des Fêtes. Je ne peux pas parler du tout du vice-président...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEGER: ... d'après ce que vous me dites? Je demande une directive. Si je ne peux pas parler de la portion où on réprouve la conduite du vice-président, il ne me reste qu'à dire qu'on souhaite — ce sont de merveilleux souhaits — qu'il ne préside plus d'ici la période des Fêtes.

Là maintenant je suis rendu aux souhaits des Fêtes. Nous aurions bien aimé avoir d'autres souhaits à faire au député de Roberval que ce simple souhait qu'il ne préside plus d'ici la période des Fêtes. Nous aurions eu beaucoup d'autres souhaits à faire au vice-président de l'Assemblée nationale, qui est en même temps le président de la commission parlementaire. Nous aurions pu lui souhaiter de partir en vacances plus tôt, parce que je suis limité au souhait qu'il ne préside plus.

Alors, M. le Président, est-ce que nous sommes maintenant d'accord exactement sur ce souhait tel qu'il est formulé? Va-t-il nous falloir l'amender maintenant? Est-ce que, maintenant, un sous-amendement qui est maintenant inclus dans un amendement n'existe plus? C'est devenu un amendement à ce moment-là puisqu'il est incorporé à l'intérieur de l'amende-

ment. S'il a été adopté, il n'y a plus de sous-amendement, il n'y a qu'un amendement. Alors c'est un amendement que je pourrais peut-être à la fin de mon intervention, amender puisque, selon l'article 74 du règlement, il est permis d'amender par un sous-amendement un amendement qui est devant nous.

M. le Président, je ne suis pas sûr de souhaiter au député de Roberval, vice-président de l'Assemblée nationale et responsable d'avoir présidé la commission parlementaire, exactement ce qu'on devrait lui souhaiter pour les Fêtes. Je ne suis pas sûr qu'on ne doive pas apporter un certain amendement à ce nouvel amendement qui comprend la partie où nous avons été les seuls, le Parti québécois, à nous prononcer. Je ne suis pas sûr que nous souhaitions uniquement qu'il ne préside plus ladite commission d'ici l'ajournement des Fêtes. Moi, je ne connais pas la date de l'ajournement des Fêtes. Est-ce que ce sera une période très longue? Est-ce que la sanction est déjà trop forte ou est-ce qu'elle n'est pas assez forte? Est-ce qu'on ajourne ce soir ou à la fin de décembre, ou à la fin de janvier?

M. le Président, je ne connais pas, jusqu'à maintenant, la portée de cet amendement et je suis, tout en discutant, en train de me demander s'il ne faudrait pas lui apporter un sous-amendement pour clarifier cette période que nous avons donnée au vice-président de l'Assemblée nationale et que nous nous sentions obligés de lui donner comme sanction. La motion principale telle que présentée nous obligeait à présenter une motion, mais la motion présentée est-elle trop forte, est-elle trop longue, est-ce qu'il va falloir demander l'avis de certains députés comme le député de Saint-Jean qui semble avoir beaucoup de suggestions à m'apporter? Je connaîtrais beaucoup d'amendements actuellement si le député de Saint-Jean pouvait se servir de l'article 26 du règlement qui dit justement qu'un député, une fois élu, doit demeurer à son siège — je le connais par coeur — s'asseoir silencieusement, écouter religieusement ce qui se passe autour de lui et de n'intervenir que s'il a quelque chose à dire, en se levant et en demandant la permission au président et, à ce moment-là, je serai heureux d'écouter les suggestions du député de Saint-Jean qui me parle de l'article 92 mais qui n'est pas du tout pertinent au débat, M. le Président, puisque je suis debout. Je suis déjà plus haut qu'une personne assise. Je suis debout, alors l'article 92 ne s'applique pas.

M. le Président, j'aurais besoin de solutions brillantes venant du député de Saint-Jean ou du député d'Anjou qui est un des rares qui sont intervenus en se levant et en posant des questions sur la pertinence du débat.

M. BIENVENUE: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LEGER: M. le Président...

M. BIENVENUE: Un instant, j'ai invoqué le règlement. Vous avez des propos qui sont à l'inverse de la pertinence, qui sont absolument impertinents de la part du député de Lafontaine; je comprends que vous étiez occupé avec le député de Maisonneuve, mais je voudrais que vous rameniez à l'ordre le député de Lafontaine qui s'égare davantage.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît!

M. LESSARD: Je suis d'accord, M. le Président, sur certains propos, l'appel au règlement du député de Crémazie, mais je vous inviterais aussi à demander aux autres députés d'appliquer les articles 100 et 26.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, au moment où j'ai été interrompu, j'étais en train de me demander si l'amendement que nous avons devant nous ne devait pas être sous-amendé et, comme vous étiez un peu préoccupé, vous n'avez pas vu que des solutions m'étaient proposées par le député de Saint-Jean et peut-être le député d'Anjou. C'est la raison pour laquelle on m'a rappelé à l'ordre parce que je n'ai pas pu saisir la valeur et la qualité des sous-amendements que j'aurais pu apporter grâce aux brillantes interventions des députés que j'ai mentionnés.

M. le Président, le député de Roberval va subir actuellement dans notre amendement, une sanction que nous sommes obligés d'apporter parce qu'il ne pouvait pas, selon nous, y avoir une réprobation sans une sanction. L'amendement que nous avons devant nous est une sanction qui pour nous est peut-être un peu plus sévère, mais comme on n'en sait pas la portée en longueur. On voudrait quand même que, dans cette sanction — puisqu'on est pris devant un dilemme — que soit proposé un sous-amendement pour limiter l'impact de cet amendement. On voudrait tout simplement faire comprendre au député de Roberval que nous sommes liés avec un amendement qui a été comprimé par les députés ministériels et qu'en ce qui nous concerne, nous n'avons aucune objection à ce qu'il puisse présider d'autres commissions parlementaires d'ici la période d'ajournement des Fêtes. C'est seulement ladite commission qui pourrait siéger, comme vous le savez fort bien, pour le projet du code des loyers, pour les projets de loi nos 2 et 3; c'est seulement à ces deux occasions. A moins que le ministre de la Justice apporte d'autres projets de loi qui obligeraient la commission parlementaire de la justice à siéger à nouveau et à ce moment-là, le député de Roberval, d'après l'amendement sur lequel nous discutons, se verrait dans l'obligation, si elle est adoptée nécessairement, de ne pas pouvoir présider.

Comme de raison, si cet amendement n'est pas sous-amendé, si le gouvernement actuellement, M. le Président, continue de s'abstenir, cela voudra dire que le député de Roberval ne pourra plus réellement siéger pour les autres séances de la commission de la justice.

Vous voyez le dilemme dans lequel nous nous trouvons. Du fait que le gouvernement pourrait s'abstenir de voter, est-ce que nous, nous serons les grands responsables de cette sanction sévère à moins de l'amender? Alors... Je pensais que j'étais en dehors du corridor.

LE PRESIDENT: A l'ordre! Là, vous allez être en dehors du corridor de votre droit de parole, parce que votre temps est écoulé. Très bien. Merci.

L'honorable député de Chicoutimi.

M. Marc-André Bédard M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président...

UNE VOIX: Parlez donc pour qu'on vous comprenne.

LE PRESIDENT: A l'ordre !

M. BEDARD (Chicoutimi): ... si je comprends bien, nous sommes sur l'amendement qui a été accepté six à zéro à l'effet que nous souhaitions que la sanction qui soit exercée contre l'honorable... J'ai de la difficulté à parler; il y a deux conversations. Je ne demanderai pas qu'on rappelle à l'ordre l'honorable député de Saint-Jacques. Je dois dire que je suis très heureux que le gouvernement, par son abstention lors de ce vote, ait accepté que soit adoucie la sanction qui était proposée par la motion principale contre l'honorable député de Roberval, suite à l'erreur commise alors que la commission parlementaire de la justice a siégé les 14 et 15 décembre 1973.

Si je comprends bien, je crois qu'on peut souhaiter maintenant, puisque cette période se terminera aux Fêtes, que l'honorable député de Roberval, avec la compétence qu'on lui connaît, pourra continuer de siéger comme président après les Fêtes. C'est une décision dont je suis heureux parce qu'à mon sens il y a maintenant une sorte d'équivalence entre, d'une part, l'erreur commise par l'honorable député de Roberval et, d'autre part, la sanction qui est demandée par l'Opposition. Cette sanction, en soi, est symbolique, puisque, nous le savons, il y a de fortes possibilités que la commission parlementaire de la justice ne siège plus d'ici les Fêtes. Il reste que, même si cette sanction n'est que symbolique, elle est quand même nécessaire. Nous y tenons en ce qui concerne l'Opposition parce que nous tenons à ne pas être complices dans le fait de sanctionnner une erreur même commise de bonne foi par un président de commission qui, à ce moment, représentait l'honorable président de cette Chambre.

Je comprends que l'erreur était facile à faire, parce que c'est toujours difficile, quand même, d'interpréter les règlements. J'essaie de me placer dans la position de l'honorable député de Roberval et il est fort possible que j'eusse pu commettre exactement la même erreur.

Mais, à ce moment-là, j'aurais accepté un vote, non pas de blâme, mais un vote qui aurait sanctionné d'une certaine façon, d'une manière symbolique, le geste posé, à savoir une erreur mais commise de bonne foi.

D'ailleurs, je trouve que cette sanction est suffisante, parce qu'après tout, dans un premier temps, qu'est-ce qu'on a reproché à l'honorable député de Roberval? C'est de ne pas avoir respecté un précédent qui permet en commission parlementaire que d'autres représentants que les représentants officiels des partis désignés soient entendus, à l'occasion.

Je comprends que l'honorable député de Roberval, qui voulait peut-être, à cette période, en finir au plus vite, ait pu être d'une certaine façon influencé. Ainsi un vote étant pris, sans qu'une motion ait été faite — ce qui était illégal — ladite décision équivalait à priver du droit de parole l'honorable député de Saguenay ainsi que l'honorable député de Saint-Jacques. Egalement, je crois que cette décision, cette réprimande symbolique est suffisante, parce qu'après tout on a accusé, à juste titre à mon sens, l'honorable député de Roberval d'avoir violé le règlement 157. Celui-ci, comme on le sait, stipule que, pour qu'il y ait ajournement d'une commission parlementaire, il faut nécessairement qu'il y ait une motion et que cette motion soit débattable. De plus, une période de dix minutes doit être allouée à chacun des représentants des partis reconnus pour pouvoir exprimer leur dernier point de vue, s'il y en a un, concernant le projet de loi qui est déposé, en l'occurence le projet de loi no 8 sur la justice.

Il est évident que lorsqu'on lit ce règlement, et c'est pour ça que l'Opposition officielle ne pouvait pas reculer, qui dit carrément ceci, au deuxième paragraphe: Ces motions sont mises aux voix, sans amendement...

LE PRESIDENT: A l'ordre! Vous êtes sorti du corridor.

M. BEDARD (Chicoutimi): Dans quel sens, M. le Président?

LE PRESIDENT: Parlez-moi du souhait. Ne me parlez pas de ce qui s'est passé en bas, ni au salon rouge. Parlez-moi uniquement sur l'amendement, qui est: Et souhaite que d'ici l'ajournement des Fêtes il ne préside plus ladite commission.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je ne cite pas l'article, M. le Président, dans le sens de montrer qu'il y avait une illégalité; je cite l'article dans le sens suivant: C'est qu'il est quand même difficile d'interprétation, qu'il était

normal que, de bonne foi, on puisse se tromper sur son interprétation. A ce moment-là étant donné les difficultés d'interprétation, il est normal que l'amendement soit à l'effet qu'on ait rétréci, encore une fois, la sanction. Autrement dit, on étudie l'article dans une autre optique. En ce sens que, les conditions d'interprétation étant difficiles, il est normal, que faisant preuve de compréhension, l'Opposition ait apporté cet adoucissement à la sanction qui a été votée tout à l'heure.

LE PRESIDENT: C'était la motion précédente, ça. L'adoucissement a été voté déjà.

M. LESSARD: II faut qu'il l'explique. M. BEDARD (Chicoutimi): C'est ça.

LE PRESIDENT: II a été voté l'adoucissement. Continuez, continuez. A l'ordre, messieurs !

M. BEDARD (Chicoutimi): Ils ne peuvent pas se mêler eux autres, pour le temps qu'ils parlent dans cette Chambre, à part de se mêler dans leurs invectives et à part de se mêler dans leur manière de ne pas respecter le règlement.

Le règlement leur interdit d'intervenir alors qu'un député a la parole, à moins que je ne me trompe sur le sens des règlements de la Chambre. Je comprends qu'on n'a pas de leçon de démocratie à leur donner à ces honorables députés d'en face. Mais leur comportement prouve que leur sens de la démocratie est à la hauteur.

LE PRESIDENT: Même le député de Saguenay vous ramène à la motion. Félicitation! Merci.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est parce qu'il est près de moi.

Alors, je soumets que je ne peux faire autrement que de souscrire à ce qui a été voté, à savoir qu'on souhaite que, d'ici la période des Fêtes, l'honorable député de Roberval ne préside plus et qu'effectivement, la sanction qui est prévue dans ce que je viens d'énoncer, ne soit pas plus difficile ou plus sévère que l'acte qui a été posé par l'honorable député de Roberval.

Encore une fois, il est normal que cette sanction ne soit pas plus sévère, parce que l'acte posé par l'honorable député de Roberval, dont on a reconnu quand même l'intégrité, dont on a reconnu en fait la non-partialité, ne subisse pas une sanction qui soit plus forte que les actes qui ont été posés par l'honorable député de Roberval.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: M. le Président, en vertu de l'article 92, je me lève. Je ne sais même pas de quel comté il est député, je ne peux même pas en parler...

Si j'interviens sur cette motion d'amendement et sur les souhaits de Noël en faveur du député de Roberval, c'est d'abord pour féliciter le député de Saint-Jacques qui nous a prouvé, grâce à la motion qu'il nous a présentée, son intelligence; qui nous a prouvé sa souplesse vis-à-vis des erreurs humaines. Et il y en a eu des erreurs humaines au cours de cette discussion.

M. CHOQUETTE: Une question de privilège, M. le Président, si le député de Saguenay me le permet. Un député infirme ou malade, comme le député de Saguenay, a le droit...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHOQUETTE: ... de parler assis.

LE PRESIDENT: A l'ordre! ...

M. LESSARD: Sur la question de privilège, M. le Président, j'affirme que je ne suis pas malade.

Je disais que si j'intervenais sur cette motion, c'est d'abord pour demander au Parti libéral, en votant en faveur de cette motion, de reconnaf-tre enfin l'intelligence du député de Saint-Jacques, de reconnaître la perspicacité du député de Saint-Jacques lorsqu'il nous propose cette motion, de reconnaître — je suis assuré, M. le Président, que vous l'avez vous-même reconnu depuis les quatre années que le député de Saint-Jacques siège à l'intérieur de cette Chambre — ses connaissances profondes du règlement, de reconnaître la subtilité du député de Saint-Jacques lorsqu'il nous propose cette motion.

Pourquoi est-ce que le député de Saint-Jacques... Je pense qu'il est extrêmement — je vous précède, M. le Président — difficile de parler abstraitement d'une motion comme celle-là.

Il faut expliciter pourquoi on fait ces souhaits à l'occasion, justement, des Fêtes qui viennent, au député de Roberval. On ne peut pas, justement, expliciter aux députés libéraux, afin de les amener à voter avec nous autres cette motion, pourquoi nous avons proposé cette motion si on ne peut pas expliquer les raisons pour lesquelles on l'a proposée.

M. le Président, pourquoi souhaite-t-on, nous, du Parti québécois, que d'ici l'ajournement des Fêtes, le député de Roberval ne préside plus ladite commission? C'est d'abord justement pour respecter la démocratie. C'est là que le député de Saint-Jacques a été perspicace, a été intelligent, lorsqu'il propose à l'Assemblée nationale de voter cette motion.

Oui, M. le Président, respect de la démocratie. Pourquoi? Parce que vous conviendrez — et nous vous l'avons prouvé à plusieurs reprises — vous serez convaincu qu'il n'est plus possible au député de Roberval de présider cette commission parlementaire d'ici la période des Fêtes,

parce que nous jugeons que le député de Roberval a démontré une certaine partialité lors de la discussion en commission parlementaire, que le député de Roberval a démontré une méconnaissance des règlements qui sont là comme un outil pour permettre à la minorité de se faire respecter.

Or, M. le Président, comment voulez-vous que nous, les six députés du Parti québécois, puissions accepter que le vice-président actuel de l'Assemblée nationale, le député de Roberval, puisse présider nos délibérations lorsque, comme le président lui-même le disait, je pense, il y a quelques jours, lors d'une question de privilège, nous ne sommes pas convaincus de son impartialité, lorsque nous ne sommes pas convaincus de sa connaissance des règlements?

Il faut justement que l'Opposition, le groupe des six députés, soit véritablement assuré de se faire respecter à l'intérieur de ces commissions, soit véritablement assuré de pouvoir s'exprimer. Cela n'a pas été le cas lors de cette commission parlementaire. Comment voulez-vous que nous acceptions, d'ici l'ajournement de Noël, d'ici les Fêtes, que le député de Roberval puisse présider les délibérations de la commission quand, justement, il nous a démontré, au moins à trois reprises, lors des délibérations de la commission parlementaire de la justice, lors de l'étude du projet de loi no 8, qu'il ne voulait pas permettre aux députés de l'Opposition de se faire entendre.

C'est dans ce sens, M. le Président, que nous proposons cette motion, parce qu'il est extrêmement important pour le respect de la démocratie que les députés de l'Opposition soient assurés de pouvoir se faire entendre à l'intérieur de cette commission.

M. le Président, c'est là encore l'intelligence et la perspicacité que je reconnais, et que les députés libéraux devraient reconnaître au député de Saint-Jacques. En effet, il ne s'agit pas, dans cette motion, de destituer le vice-président de l'Assemblée nationale. Il ne s'agit pas, dans cette motion, d'empêcher jusqu'au prochain Parlement le député de Roberval de présider les séances de la commission parlementaire, même les séances de la commission parlementaire de la justice. Non, M. le Président. Nous reconnaissons que se tromper, c'est humain. C'est là que je fais appel à l'intransigeance des libéraux. Nous reconnaissons que la leçon que nous avons donnée aujourd'hui au député de Roberval peut être efficace et, comme je le connais, lui, si gentilhomme, je suis assuré — et lui aussi, M. le Président, si intelligent — que cette leçon a porté fruit.

Mais, M. le Président, en même temps, pendant les quelques jours que nous aurons à nous reposer, étant donné que le député de Saint-Jean nous annonçait tout à l'heure...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre!

M. LESSARD: ... que nous devrions revenir après Noël. Quant à nous, nous n'avons aucune opposition à cela; d'ailleurs, c'est ce que nous avons demandé à maintes et maintes reprises. Quand on s'est opposé à la motion du leader parlementaire du gouvernement, qui voulait nous faire siéger de dix heures à minuit, nous avons justement dit — et je reviens, mais je réponds à des questions qui me sont posées — que, quant à nous, étant donné que notre travail, c'était de légiférer, nous étions prêts à revenir après la période des Fêtes.

Mais, lorsque nous reviendrons après les quelques jours de repos que ce gouvernement devra accepter de nous donner, puisque, de toute façon, nous ne pouvons pas siéger le dimanche, le député de Roberval aura probablement reconnu que les interventions des différents députés du Parti québécois étaient valables. Il aura reconnu qu'il était normal qu'on le blâme dans l'attitude qu'il avait démontrée en présidant les séances des commissions parlementaires.

Le député de Roberval — comme je le connais d'ailleurs— probablement aura fait amende honorable pendant cette période.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! Le député de Maisonneuve.

M. LESSARD: J'ai été dérangé. Je continuerai après.

M. Robert Burns

M.BURNS: Au moment où s'écoulent les derniers instants où nous avons droit de parole, c'est un peu avec la larme à l'oeil que je prends la parole. Je parle du droit de parole de l'Opposition. Je sais fort bien que les honorables membres du parti ministériel auront sûrement un tas de choses à nous dire sur cette motion. Ils ont attendu à la toute dernière minute pour nous épuiser littéralement et pour nous donner le coup de Jarnac lorsque nous sentirons que nos possibilités de droit de parole se sont épuisées.

Sur l'amendement principal, tel que modifié par l'entremise du sous-amendement, je m'en voudrais, dans ces derniers moments — en tout cas, en ce qui concerne l'Opposition — de nos interventions, de ne pas insister sur le fait qu'à notre humble avis, sur cette motion, il est absolument nécessaire — et je pèse bien mes mots — que notre réprobation à l'endroit du député de Roberval soit précisée. Et c'est ça l'objet de l'amendement. Si je le lis bien, il dit: "et souhaite qu'il ne préside plus d'ici l'ajournement des Fêtes ladite commission," c'est-à-dire la commission parlementaire de la justice.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous aurions pu penser à une sanction beaucoup plus draconienne, faite avec beaucoup moins d'élégan-

ce. Vous allez nous accorder ça. Elle comporte une certaine élégance, cette sanction. Nous savons — nous sommes d'accord également — que, tôt ou tard, on devra revoir comme président de commission le député de Roberval, et comme président de l'Assemblée nationale en tant que vice-président, comme vous, M. le Président.

On est assez réalistes pour savoir que ce député de Roberval, qui a, depuis le début de cette Législature comme au cours de la Législature précédente, reçu la confiance et des députés ministériels et des députés de l'Opposition —je ne crains pas de le dire — aura à siéger à nouveau.

On est assez réaliste, M. le Président, pour savoir qu'il aura à siéger à nouveau, qu'il aura de nombreuses occasions de se retrouver comme, si vous voulez, l'appel ultime à l'application des règlements, que ce soit en commission ou à l'Assemblée nationale. Si nous avons fait cet amendement, c'est, comme je le mentionnais tantôt, dans l'intérêt du député de Roberval lui-même d'abord et dans l'intérêt des députés de l'Opposition en second lieu. Je m'explique, M. le Président. Comment un souhait exprimé dans notre motion, un souhait que le député de Roberval ne préside plus d'ici l'ajournement des Fêtes la commission de la justice, comme cela —je vous vois vous poser la question — peut-il être exprimé dans l'intérêt du député de Roberval? Je vais vous l'expliquer, M. le Président.

Ce souhait que nous exprimons de ne pas voir d'ici la fin des travaux qui seront ajournés sans doute ou qui seront prorogés, je ne le sais pas, M. le Président, à l'occasion des Fêtes — le député de Saint-Jean n'a pas compris ce que j'ai dit; il dit: Non, non. Je dis tout simplement qu'ils seront ajournés à l'occasion des Fêtes ou prorogés, je ne le sais pas.

M. VEILLEUX: Ajournés.

M. BURNS: Ce n'est pas, c'est ça, exactement. Le député de Saint-Jean, je vous suggère de lire la motion que votre leader a fait adopter relativement aux travaux de la Chambre. Vous lirez cela et après vous comprendrez peut-être ce que je suis en train de dire.

M. le Président, j'étais en train de parler, lorsque j'ai été de façon impolie, je pense, et même irrégulière interrompu par le député de Saint-Jean mais, que voulez-vous? c'est rendu qu'on s'y habitue; en tout cas on s'y fait. Il semble, M. le Président, que le député de Saint-Jean n'a plus, comme façon d'intervenir, que de lancer des invectives. Il semble vouloir remplacer le député des Iles-de-la-Madeleine, qui. lui, s'est calmé depuis le début de cette assemblée. Il semble que le député de Saint-Jean veuille avoir cet honneur douteux d'être l'invectiveur en chef des députés ministériels.

Quoi qu'il en soit, M. le Président, je vais mettre de côté ces insultes et ces impolitesses qui me sont adressées par le député de Saint-

Jean parce que je suis pleinement conscient que lui n'est pas conscient de ce qu'il fait.

Alors, M. le Président, je disais donc que, si nous avons voulu compléter notre motion par ce souhait de ne pas voir d'ici l'ajournement des Fêtes le député de Roberval présider une commission parlementaire de la justice, c'est d'abord et avant tout — c'est la première raison — dans son propre intérêt. Et je m'explique, M. le Président. Le député de Roberval ne peut pas être insensible d'abord aux reproches que nous lui avons faits en commission. Le député de Roberval ne peut pas être insensible aux reproches que nous lui avons adressés en Chambre, au moment du dépôt du rapport de la commission. Même si, à aucun moment — et je vous prie de le reconnaître, M. le Président, comme j'espère que les députés ministériels le reconnaîtront — nos attaques n'ont été dirigées de façon personnelle contre le député de Roberval mais plutôt à l'endroit de cette personne en tant que personne désignée à une fonction, le député de Roberval ne peut pas être insensible à nos critiques. Je connais la sensibilité du député de Roberval, comme je connais la proximité immédiate des événements qui peuvent, je l'admets, l'avoir ébranlé.

C'est d'abord et avant tout dans l'intérêt du député de Roberval que nous lui demandons, que nous souhaitons que cette Chambre s'exprime sur le fait que ce député n'ait pas — dans le fond ce serait un fardeau qu'on lui imposerait, ce serait une tâche difficile — à présider des travaux de la commission parlementaire de la justice d'ici à l'ajournement des Fêtes. Il ne pourrait pas, parce qu'il est profondément humain, être insensible au fait que nous avons critiqué un certain nombre de ses attitudes et, à ce moment-là, au lieu de corriger la situation, je me demande jusqu'à quel point nous ne l'aurions pas empirée, si le député de Roberval acceptait de siéger à la commission parlementaire de la justice d'ici à l'ajournement des Fêtes. Il ne peut pas — si jamais on l'appelle à présider des séances de la commission parlementaire qui, comme je le mentionnais tantôt, peuvent très bien se présenter à l'occasion d'un autre projet de loi — oublier qu'un certain nombre de députés de l'Opposition ont critiqué son attitude. Non pas son attitude, encore une fois, en tant qu'individu, mais son attitude en tant que détenant un poste important, on l'a admis, poste que vous détenez vous-même, M. le Président. Et vous en savez l'importance, vous connaissez toutes les difficultés de cette fonction, difficultés particulières, comme je l'ai mentionné et comme mes collègues l'ont mentionné à plusieurs reprises, d'avoir cette espèce de neutralité au-dessus de la partisanerie politique. Or, non seulement, on demande au président de l'Assemblée nationale, aux vice-présidents de l'Assemblée nationale d'avoir cette neutralité, mais nous demandons actuellement en particulier au député de Roberval de la garder. Et en vue de l'aider à garder cette

neutralité "above and beyond" toute partisane-rie...

M. le Président, j'invoque le règlement. On vient juste de dire : "Speak white". Je n'accepte pas ça de la part d'un Québécois francophone. Je viens d'entendre un député que je ne nommerai pas, pour ne pas gâter sa réputation, lorsque j'ai parlé anglais, me dire: "Speak white". Je n'ai pas de tendance fasciste à ce point et vous le savez. J'espère que le député ne reviendra pas sur ça, parce qu'on pourra avoir un débat acrimonieux.

Je disais qu'il faut absolument que le député de Roberval laisse décanter pendant une période plus ou moins longue cette espèce de choc —je pense, le connaissant, que je peux dire un choc — qu'il a subi par la motion principale que j'ai formulée. C'est ça qui explique notre souhait dans l'intérêt du député de Roberval, qu'il ait le temps de s'en remettre pour revenir —et c'est mon plus grand souhait, c'est d'ailleurs une des choses dans lesquelles je crois le plus — absolument détendu, libéré du choc que lui cause une telle motion. A n'en pas douter, si c'était moi qui étais visé par une telle motion, je vous avoue que ça me dérangerait, tout au moins, temporairement. Dans l'intérêt du député de Roberval, je demande à cette Chambre de ne pas lui imposer un fardeau plus lourd pour lui permettre d'oublier ces événements, pour lui permettre de refaire le plein de neutralité, ppur refaire le plein à l'égard des députés d'Opposition. Non seulement c'est un souhait, mais c'est une conviction que j'exprime. Je souhaite qu'il n'ait pas à siéger à nouveau, pour lui-même et je suis convaincu que s'il n'a pas à siéger à la commission parlementaire durant quelques jours, quelques semaines, après que ces débats auront vraiment pris le chemin de l'histoire par l'entremise du journal des Débats, le député de Roberval aura refait son plein de neutralité.

Qu'il puisse siéger à une autre commission comme président, je n'ai aucune espèce de doute à ce sujet. Qu'il puisse présider les travaux d'une autre commission qui n'a pas connu le genre de débats que nous avons soumis à la commission de la justice, je n'ai aucun doute qu'il soit capable de le faire. Mais à la commission de la justice, la proximité de ces événements causerait, à mon avis, cette espèce de traumatisme dont je parlais un peu plus tôt.

Donc, dans un premier temps, le souhait que nous exprimons est un souhait d'abord et avant tout dans l'intérêt du député de Roberval. Dans un deuxième temps, ce souhait est aussi dans l'intérêt de l'Opposition. Quand je dis de l'Opposition cela veut dire, dans mon esprit, les députés du Parti créditiste comme les députés du Parti québécois, les uns et les autres.

Pourquoi est-ce que j'exprime ce désir relativement aux membres de l'Opposition? C'est bien simple. Nous aussi, nous sommes sous le coup du choc d'une attitude que je ne veux pas qualifier de partiale parce que cela n'a pas fait l'objet de dispositions dans la motion mais qui nous laisse croire justement que, dans certaines de ces attitudes, le député de Roberval n'a peut-être pas manifesté toute la neutralité dont on aurait pu s'attendre de la part d'une personne qui détient une si haute fonction. Et encore là, je suis prêt à admettre que c'est physiquement et mentalement difficile, surtout au sortir d'une campagne électorale. Je sais que le député de Roberval a participé d'une façon très active à cette campagne électorale. J'étais dans son comté au cours de la campagne électorale et il parlait, lui, à un autre endroit que le mien... M. le Président, il y a d'autres comtés où j'ai parlé et où le candidat libéral n'a pas gagné, alors...

UNE VOIX: II n'y en a pas beaucoup.

M. BURNS: Dans Maisonneuve, dans Saguenay, dans Saint-Jacques, dans Chicoutimi. Je n'ai malheureusement pas contribué à l'élection de l'honorable chef de l'Opposition, mais la prochaine fois, je suis sûr que j'irai lui donner un coup de main. Ce n'est pas parce que je n'ai pas voulu, c'est parce que lui comme moi étions pris â d'autres choses et nous n'avons pas réussi à nous rencontrer.

Je suis bien prêt à réduire mon intervention le plus possible si les députés ministériels veulent bien cesser de m'interrompre. Je suis bien prêt à ne pas utiliser tout le temps qui est mis à ma disposition. Je suis là pour dire un certain nombre de choses. J'ai l'intention de les dire; j'ai l'intention de prendre, cependant, tout le temps nécessaire pour les dire si on m'empêche de faire passer mon message, ceci dit sans aucune prétention.

Je disais donc que nous aussi, de l'Opposition, avons besoin de ce délai qui est exprimé dans la deuxième partie de notre proposition, exprimé par le souhait de ne pas voir pour un temps très court le député de Roberval siéger à la commission parlementaire de la justice.

Nous aurions, dans les jours qui viennent, à cause du présent débat, d'une part, à cause également des diverses attitudes que nous avons reprochées au député de Roberval, nous aurions certaines difficultés, dans notre esprit en tout cas, quant à la crédibilité du député de Roberval en commission parlementaire de la justice.

Je passe rapidement là-dessus, M. le Président, comme vous me le suggérez par votre geste de la main, mais je ne peux pas m'empêcher de mentionner ça. C'est justement parce que nous croyons le député de Roberval capable d'une neutralité, d'une impartialité bien au-dessus de la partisanerie politique, parce que nous croyons le député de Roberval capable de faire abstraction du fait qu'il a été élu sous une bannière politique et que nous l'avons été sous une autre...

M. le Président, je pense que notre ancien règlement prévoyait que, s'il y avait des députés malades, ils pouvaient parler assis de leur siège, mais il faudrait qu'il y ait une motion à cet effet. M. le Président, lorsqu'on invoquera le

règlement dans ce sens, je me rassoirai. Dans le moment, je ne vois pas de député debout, sauf d'autres députés qui ne m'interrompent pas actuellement, quoique debout, et qui sont bien gentils à mon égard.

Quoi qu'il en soit, M. le Président, en terminant, je dis simplement ceci: II n'est pas pensable, dans notre esprit — c'est ça le sens de notre amendement — d'imposer — et les circonstances peuvent l'imposer — au député de Roberval d'aller à nouveau dans les jours qui viennent présider des séances de la commission parlementaire de la justice.

Je crois que c'est même une chose que l'ensemble de l'Assemblée nationale devrait accepter. Si le vote qui s'en vient — je ne peux pas présumer du résultat de ce vote — est semblable à celui qui a été adopté sur le sous-amendement, c'est-à-dire une abstention totale du côté ministériel et un vote en faveur du côté de l'Opposition officielle, nous serons bien heureux de voir qu'au moins le gouvernement reconnaît une chose, soit qu'il est absolument impossible de demander au député de Roberval, dans les circonstances actuelles et dans les jours qui viennent, de présider les séances de la commission parlementaire de la justice, encore une fois, dans son intérêt et dans l'intérêt de sa crédibilité auprès des membres de l'Opposition. C'est dans ce sens, M. le Président, que le député de Saint-Jacques a eu la sagesse de faire cette motion. C'est dans ce sens que le député de Saint-Jacques a osé poser le problème. Encore une fois, ce problème est délicat. Cela choque peut-être un certain nombre d'oreilles de nous entendre parler de ces choses-là, mais nous pensons un peu plus qu'à court terme par notre motion. Nous espérons, tant sur la motion principale que par notre amendement, qu'un certain nombre de choses seront comprises, qu'entre autres les gens qui détiennent des fonctions comme la vôtre, aussi importantes que la vôtre, qui sont appelés à vous remplacer quand vous êtes absent, que ce soit des présidents de commissions ou que ce soit encore des vice-présidents de l'Assemblée nationale, tels que le député de Saint-Louis et celui de Roberval, sauront que c'est beaucoup plus qu'un volet de "filibuster" que nous avons soulevé par notre motion, que c'est beaucoup plus qu'une obstruction, dans le fond, apportée à un projet de loi contre lequel nous en avons, que nous faisons actuellement par l'entremise de notre motion. C'est, dans le fond, une motion qui pose le problème suivant au président de l'Assemblée nationale, aux vice-présidents et aux présidents de commissions et, à toutes fins pratiques, à l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale.

Ce problème, il pourrait se lire comme suit: Qu'est-ce que l'on fait, à l'avenir, du parlementarisme québécois? Qu'est-ce que l'on fait, à l'avenir, avec cette situation où un gouvernement est numériquement très fort, où un gouvernement fait face à une Opposition numé- riquement faible? C'est cela, dans le fond, la question que posent et l'amendement qui est devant nous et la motion sur la question principale. Et si nous la posons en termes de délais, si nous souhaitons, par exemple, que le député de Roberval s'abstienne, pendant un bout de temps, de présider les séances de la commission parlementaire de la justice, c'est dans un but bien précis. C'est, entre autres, pour faire réfléchir nos honorables collègues sur ce que je viens de dire, quant à la durée que nous imposons, que nous nous imposons dans le fond parce qu'on aime bien voir le député de Roberval présider des commissions. On connaît sa bonhomie, on connaît également sa façon humaine d'approcher les problèmes.

Qu'on ait pu lui faire un reproche ou des reproches à l'égard de certaines de ces attitudes à une occasion, j'espère que le député de Roberval nous le pardonnera. Mais, pour nous, cela posait l'ensemble de la question. Et, ce délai, que nous inscrivons dans la motion d'amendement du député de Saint-Jacques, c'est un peu pour nous un délai que nous nous fixons en disant tout simplement: Pendant au moins cette période où nous demandons, nous souhaitons que le député de Roberval ne siège pas à la commission parlementaire de la justice, si cette période est endossée par l'Assemblée nationale, il y aura peut-être un certain nombre de réflexions qui se feront à travers les discussions qui auront sûrement lieu entre députés ministériels et les députés de l'Opposition. Ils diront peut-être: C'est vrai que, si on s'engage dans cette voie pour quatre ans, c'est peut-être une condamnation à mort du parlementarisme québécois que nous sommes en train de faire. C'est peut-être une espèce d'attitude qui peut facilement, je l'avoue, être soutenue par un gouvernement numériquement majoritaire et si numériquement majoritaire qu'il l'est.

C'est quelque chose qui est possible dans les faits. Mais nous ne pouvons pas manquer cette occasion de laisser, d'ici au moins l'ajournement des Fêtes, que nous ignorons au point de vue date, un certain nombre de gens de cette Assemblée nationale, ceux qui pensent encore et qui siègent ici... Il y en a encore quelques-uns — je l'admets — du côté ministériel qui pensent, qui font autre chose que de s'imaginer que l'Opposition ce sont des trouble-fête qui viennent gâter leur petit "party". Je sais qu'il y en a qui pensent encore cela. Voulez-vous que je les nomme? D'habitude, on me dit: Nommez-les. Mais je les nommerai pas. Le député de NDG ne veut pas que je les nomme sûrement. Je dis qu'au moins chez ces personnes, même du côté ministériel, qui pensent encore que c'est utile une institution comme la nôtre, il est possible que durant ce délai, d'ici à l'ajournement des Fêtes et jusqu'au moment où nous reviendrons, on se mette à penser à ça, pas pour l'immédiat, pas pour le fait qu'un projet de loi, contre lequel on en a sérieusement, soit adopté par la force numérique. Ce n'est pas ça, M. le Prési-

dent. A la fin de tout ceci, on pourra nous dire: Vous avez perdu la guerre, la bataille, etc. Moi, je pense que non. Je pense que nous aurons perdu une bataille parce que c'est sûr qu'avec cette force numérique le gouvernement aura sûrement l'occasion de faire adopter son projet de loi, contentieux à nos yeux. Mais nous espérons simplement une chose: C'est qu'à la fin de ce débat, il y a un certain nombre de rouages qui seront mis en marche dans l'esprit d'un certain nombre de gens à cette Assemblée nationale.

Nous espérons, en particulier, qu'on aura tiré des leçons, à cause de cette première session, quant à de futures fins de session. C'est le sens de l'amendement et c'est aussi le sens de la motion principale, M. le Président.

LE PRESIDENT: Nous allons procéder à la mise aux voix sur la motion d'amendement. Qu'on appelle les députés!

Vote sur la motion d'amendement de M. Charron

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement de l'honorable député de Saint-Jacques veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi).

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Berthiaume, Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Bienvenue, Massé, Harvey (Jonquière), Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Perreault, Brown, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Séguin, Cornellier, Houde (Limoilou), Pilote, Fraser, Picard, Gratton, Carpentier, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Pelletier, Springate, Boudreault, Boutin (Johnson), Boutin (Abitibi-Ouest), Chagnon, Caron, Côté, Denis, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Verreault.

LE SECRETAIRE: Pour: 5 Contre: 58

LE PRESIDENT: Voulez-vous enregistrer les deux abstentions au journal des Débats?

LE SECRETAIRE ADJOINT: Abstentions: MM. Samson et Roy.

LE PRESIDENT: Est-ce que nous allons procéder à la mise aux voix de la question principale?

M. BURNS: Si quelqu'un veut exercer son droit de parole sur la motion...

LE PRESIDENT: Vous avez un droit de réplique.

M. BURNS: J'ai un droit de réplique; alors j'avertis qui de droit que je veux l'exercer.

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, au moment de me lever, vous comprendrez facilement que mon intention en intervenant dans ce débat n'est sûrement pas de contribuer au "filibuster" auquel nous a exposés le Parti québécois. Mon intention n'est pas d'ajouter à ce flot de paroles, à ce flot d'accusations, à ce flot d'insinuations auquel on a exposé un de nos collègues estimés dans cette Chambre, le député de Roberval.

M. le Président, il est regrettable que le Parti qui forme l'Opposition officielle ait laissé percer sa rancoeur devant sa situation minoritaire en cette Chambre pour s'attaquer injustement, profondément injustement, à la conduite du député de Roberval alors qu'il avait présidé cette commission parlementaire de la justice. Car, si l'on examine les débats de cette commission parlementaire, si l'on examine la façon avec laquelle le député de Roberval a dirigé les discussions ce soir-là — ce soir du 14 décembre dont on nous a entretenus malheureusement trop longuement — et le lendemain, on se rend compte que le député de Roberval a non seulement agi dans la plus stricte légalité, mais en plus de cela, a agi avec la bonne foi, avec la meilleure foi du monde de façon à permettre à l'Opposition de s'exprimer.

On ne vous a pas dit encore messieurs, que sur la première question contentieuse qui est venue devant cette commission de la justice, à savoir le choix d'un rapporteur alors que, comme dirigeant du projet de loi devant cette commission, comme responsable en tant que ministre de la Justice, je proposais le député de Portneuf et je prenais la position qu'on devait mettre ma proposition aux voix immédiatement, que le député de Roberval, à ce moment-là, a contredit la position prise par le ministre de la Justice et qu'il a, au contraire, autorisé le député de Maisonneuve et le député de Sauvé à faire chacun une motion, chacun proposant des députés différents en l'occurence, si je me souviens bien, le député de Sainte-Anne tout d'abord et le député de Nicolet-Yamaska. Un débat s'en est suivi alors que nos honorables collègues — je devrais retirer le mot "honora-

ble" parce que je ne peux pas considérer que dans tout cela leur conduite a été parfaitement honorable — ont alors fait une série de...

M. BURNS: M. le Président, j'invoque une question de privilège. Si le ministre de la Justice tient à mettre en doute notre conduite parce que dès qu'il parle de "nos honorables collègues" et que, par la suite, il retire le mot "honorable" en reliant ce retrait à notre conduite, vous le savez comme moi, vous avez même donné des directives, vous avez donné un avertissement d'ailleurs au député de Lafontaine là-dessus et nous avons pris en sérieuse considération...

LE PRESIDENT: Lafontaine ou Saint-Jacques?

M. BURNS: Le député de Lafontaine, M. le Président, à la suite d'interventions de la fin de semaine dernière.

LE PRESIDENT: Voulez-vous me rappeler l'occasion?

M. BURNS: Vous avez mentionné au député de Lafontaine qu'il n'avait pas à critiquer les décisions à l'extérieur de la Chambre, la partialité et la conduite du président. Or, M. le Président...

UNE VOIX: A l'intérieur de la Chambre.

M. BURNS: ... pour l'information du ministre de la Justice, l'article 68 que nous avons utilisé à l'endroit du député de Roberval et que vous nous avez suggéré d'utiliser si jamais on voulait mettre en doute votre partialité ou votre conduite, s'applique également, non seulement au lieutenant-gouverneur, au président et aux vice-présidents, mais à tous les membres de l'Assemblée nationale.

Si le ministre de la Justice veut mettre en doute notre conduite, il peut très bien le faire par voix de motion qu'il inscrira lui-même au feuilleton, mais je le prie de cesser de faire des insinuations relativement à notre conduite tant qu'il n'utilisera pas les moyens que nous avons eu la franchise d'utiliser.

LE PRESIDENT: Question de règlement. M. LEVESQUE: Le ministre de la Justice...

M. BURNS: C'était une question de privilège que je soulevais et c'était sur l'attitude que le ministre de la Justice, sans le vouloir, a développée à notre égard.

M. LEVESQUE: J'invoque le règlement. Parce que, M. le Président, les paroles du ministre de la Justice, à mon sens, ne touchent en rien, ne constituent aucune infraction à notre règlement. Il est clair qu'il n'est pas honorable de faire ce qu'a fait chacun des membres, ou particulièrement certains membres du Parti québécois, mais le ministre de la Justice a parfaitement le droit de juger des gestes posés par nos honorables amis d'en face en disant qu'il n'est pas honorable de faire ça. Cela n'attaque pas personnellement et dans l'esprit du règlement, c'est permis, M. le Président. Je serais prêt à dire, comme le ministre de la Justice, que ce n'était pas honorable du tout.

LE PRESIDENT: Pas de débat, s'il vous plaît. Ecoutez, je pense qu'il faut faire une distinction. Lorsqu'il s'est adressé, c'était à un groupe de parlementaires. Il n'a pas visé un député en particulier. Une fois, j'ai ramené le député de Saint-Jacques à l'ordre alors qu'il traitait ses collègues: Vous savez, je ne voudrais pas répéter les mots, c'était plutôt une mise en garde. Mais en l'occurence ici, il a dit, les collègues comme ensemble. Je pense bien... Ecoutez, je ne sais si c'est blessant à ce point. D'ailleurs, je ne verrais pas dans une motion de fond... Vous lui suggérez une motion de fond pour qu'on attaque la conduite de six ou sept députés en même temps.

M. BURNS: M. le Président, si vous me permettez, simplement pour expliquer le sens de cette question de privilège, c'est que j'ai dit, dès le début des paroles du ministre de la Justice, que s'il se dirigeait vers une condamnation de notre conduite, il y a un moment, qu'il l'utilise. Qu'il l'utilise et on aura sans doute un débat très intéressant à ce sujet si vous voulez l'utiliser.

M. CHOQUETTE: M. le Président, de toutes façons, ce soir-là, je disais que la première question controversée qui était venue devant la commission, était la question du choix du rapporteur. J'avais fait une proposition et à la suite de cette proposition, j'avais soumis au président, le député de Roberval, qu'il devait mettre ma proposition aux voix pour le choix du rapporteur. Or, à ce moment, nos collègues d'en face représentés à la commission par le député de Sauvé et le député de Maisonneuve ont commencé à faire des propositions contradictoires. On n'a qu'à lire le journal des Débats et j'en appelle au ministre du Revenu qui est ici présent et qui a assisté à une bonne partie de cette séance qui a été d'un grotesque, d'un loufoque extraordinaire. Parce qu'à un moment donné, nos collègues de l'Opposition proposaient un député et puis l'autre collègue prenait la relève pour suggérer un autre député et on s'est trouvé... un instant...

M. BURNS: Vous n'avez pas été grotesque et loufoque en vous proposant vous-même.

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! M. BURNS: Le plus loufoque que j'ai vu,

c'est le ministre de la Justice qui s'est proposé comme rapporteur.

LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre, à l'ordre ! Question de privilège.

M. MORIN: Sur un point de privilège, et pour rectifier les faits.

LE PRESIDENT: Un instant.

M. MORIN: Le premier à se proposer comme rapporteur lui-même, ç'a été le ministre de la Justice.

LE PRESIDENT: A l'ordre! Il n'y a pas de privilège dans ça. A l'ordre, messieurs! Ecoutez, il y a un débat qui dure depuis près de deux jours. Je pense que d'un certain côté, il y a eu des attaques assez acerbes sur tout ce qui s'est passé en commission. Il y a peut-être eu certaines interventions ou interruptions plus ou moins légales.

Mais je pense bien qu'en général les opinants du parti de l'Opposition officielle ont eu quand même l'occasion de faire une trentaine de discours et je pense bien qu'ils ont eu l'occasion de s'exprimer... Oui, mais laissez le ministre de la Justice...

A l'ordre! A l'ordre!

M. CHOQUETTE: Quoi qu'il en soit, M. le Président, mon désir n'est pas d'envenimer le débat au moment de prendre la parole mais plutôt de rétablir les faits, de rétablir la vérité et de rétablir la réputation du député de Roberval comme président de la commission.

Il s'est ensuivi une scène que l'on peut retrouver au journal des Débats, où nous nous sommes trouvés devant les propositions les plus contradictoires, soutenues par les arguments les plus farfelus à tel point qu'un homme normalement sérieux comme le chef de l'Opposition a commencé à se demander si le député de Portneuf, que j'avais proposé comme rapporteur, connaissait assez la langue anglaise, alors que c'est un ancien professeur d'anglais. Il demandait s'il serait capable de comprendre ce qu'était le California Plan et toute une série d'expressions comme le Court Bar System of Judicional Nomination et toute une série d'arguments et d'arguties qui vont véritablement laisser leur marque dans notre parlementarisme.

Le chef de l'Opposition a quand même une excuse. Il est nouveau et peut-être qu'il s'imaginait qu'il faisait bien à ce moment. Le député de Maisonneuve en a moins, à mon sens. Le député de Maisonneuve ne s'est pas comporté ce soir-là avec le plus de sérieux, d'autant plus que nous abordions, de notre côté, la discussion de ce projet de loi sans aucune intention de brusquer de façon indue l'Opposition officielle, qui avait le droit de discuter des articles qui se trouvaient dans ce projet de loi.

Par conséquent, nous avons été pris dans ce débat, un véritable débat de fous — si on me permet de le qualifier ainsi — un dialogue qui n'avait aucun sens, ni queue, ni tête. Nos collègues, plus tard, rougiront de ce qu'ils ont dit ce soir-là lorsqu'ils verront jusqu'à quel point ils se sont rendus ridicules. Le président était là, le député de Roberval présidait d'une façon impassible la commission. Il a attendu que tous les députés, membres de la commission, aient fait des propositions pour la nomination d'un rapporteur et, finalement, il a mis aux voix la nomination du rapporteur. En appliquant un des articles du règlement, ma proposition a été soumise la première et c'est ainsi que le député de Portneuf fut nommé rapporteur.

Mais, il faut noter qu'au cours de ce débat qui a occupé la plus grande partie de la soirée, c'est-à-dire ce débat sur la nomination du rapporteur, nos collègues ont, non seulement et malgré mes objections parlé à loisir, mais qu'ils ont amplement dépassé les limites de temps qui normalement leur étaient allouées sur une question particulière, c'est-à-dire la question qui se posait à ce moment, à savoir la nomination d'un rapporteur. Et le président, le député de Roberval, a pris une attitude d'une telle largeur de vue, d'une telle générosité qu'à mon sens j'aurais pu adresser des reproches si je n'avais pas été aussi respectueux de la présidence que je le suis.

Mais j'ai accepté que le président de la commission fasse son devoir comme il l'entendait et qu'il donne l'occasion à nos collègues de se faire entendre comme il l'entendait au cours des minutes et des minutes qui se sont écoulées et qui ont dépassé amplement le temps véritablement raisonnable alloué par notre règlement. Ainsi, à un certain moment, le président a fait venir des chronomètres pour être en mesure de chronométrer les interventions parce que tout le monde se rendait compte, à l'examen de l'horloge qui nous sert ordinairement de guide, que nos collègues dépassaient le temps alloué.

M. le Président, je dis que, dans cette façon d'agir, cette façon initiale qu'a adoptée le président de la commission, il était évident que le président de la commission n'avait aucune intention partiale à l'égard de l'Opposition, que le président de la commission avait l'intention de jouer sa fonction, de jouer son rôle de la façon la plus droite et la plus impartiale possible.

C'est la raison pour laquelle, lorsque j'ai vu cette motion au feuilleton, quelques jours après, j'ai été scandalisé que le Parti québécois véritablement fasse ou cherche un bouc émissaire en la personne du député de Roberval, à qui faire supporter certaines amertumes qu'ils ont de la difficulté à contenir. Mais malheureusement, M. le Président, cette stratégie est hautement répréhensible, parce qu'elle attaque, après tout, un membre de cette Chambre, un membre respecté de cette Chambre, un vice-président de cette Chambre qui n'a jamais fait d'accroc volontaire aux règlements.

Je ne dis pas, à ce point de vue, que le député de Roberval a nécessairement et constamment toujours raison dans ses décisions, mais son attitude, sa bonne foi, n'en était pas une qui cherchait à humilier, intimider ou brimer les droits de l'Opposition. C'est la raison pour laquelle, je pense, de ce côté de la Chambre, on aurait dû, devant le problème humain que posait la question de faire une attaque aussi personnelle qui est contenue à cette motion, se retenir, revenir à un sentiment d'un peu plus grande objectivité et se dire qu'on n'était peut-être pas d'accord sur toutes les décisions que le président avait rendues ce soir, mais que ce n'était pas une raison d'attaquer sa bonne foi comme on l'a laissé entendre dans la motion originale de l'Opposition.

M. le Président, plus tard dans cette soirée, je peux donner d'autres exemples où le président de la commission a été véritablement utile au débat. Je me souviens que quand il s'est agi de nommer le député de Yamaska rapporteur — et on connaît jusqu'à quel point le député de Yamaska n'est pas l'homme le plus volubile et le plus loquace de cette Chambre et que, souvent, il a plutôt l'attitude d'un sphinx — et ne sachant pas si le député de Yamaska avait acquiescé à sa nomination ou s'il avait refusé, le président, d'une façon parfaitement objective et parfaitement intelligente, à mon sens, l'a redemandé au député de Yamaska, à la suite d'une intervention du chef de l'Opposition, assez subtile, où le chef de l'Opposition nous expliquait que, dans certains pays, quand on fait ça, ça veut dire non, et quand on fait ça, ça veut dire oui, parce que nous avons eu le plaisir d'entendre le chef de l'Opposition sur les différentes façons de s'exprimer par des gestes, suivant les pays où l'on se trouve. Je sais maintenant qu'en Grèce et en Chine, faites ceci, ça veut dire non, et que ceci veut dire oui. Le président, étant fort embarrassé par la position prise par le chef de l'Opposition et, d'un autre côté, par l'attitude très réservée adoptée par le député de Yamaska, a de nouveau soulevé le problème de façon que la commission soit parfaitement éclairée et puisse procéder.

M. le Président, lorsqu'est arrivée cette fameuse question de la demande du droit de parole des députés de Saint-Jacques et de Saguenay, il était devenu parfaitement évident que nous faisions face à un "filibuster" en bonne et due forme, que, du côté de l'Opposition, on avait décidé de faire une moquerie de cette commission de la justice, de perdre du temps délibérément et d'employer n'importe quel argument, qu'il soit bon, faux ou moyen, d'employer n'importe quel argument pour perpétuer les travaux de cette commission.

Il me semble que, en vertu du règlement, j'avais droit, comme tout autre député appliquant le règlement, de m'opposer à cette demande de prendre la parole de ces deux députés qui ne faisaient pas partie de la commission. Et c'est ce que j'ai fait. Devant cette objection de ma part, qu'est-ce que le président de la commission a fait? Il a fait une chose parfaitement objective, à mon sens. Il a soumis la demande des deux députés de l'Opposition aux voix de la commission. H n'a pas pris la décision lui-même de leur interdire la parole, étant donné que moi, ministre de la Justice, je m'y opposais. Il a dit: II s'agit d'une matière sur laquelle la commission doit se prononcer.

Et, de là, s'est déroulé un vote en bonne et due forme, vote auquel ont pris part nos honorables collègues, membres de la commission, le député de Maisonneuve et le chef de l'Opposition. On pourra revoir dans le journal des Débats comment ils ont voté. Le député de Maisonneuve a exprimé son accord à ce que ses collègues parlent et le chef de l'Opposition a donné un accord dans le même sens, mais ils étaient minoritaires.

De là, le député de Maisonneuve a fait une motion pour rouvrir la question. Il n'était pas satisfait de la décision prise par la commission et, là, il a dit: Je fais maintenant une motion. Mais, là, le président était pris avec le dilemme suivant: devait-il remettre aux voix une chose qui avait déjà été décidée par la commission? A mon sens, il ne le devait pas, parce que la question avait déjà fait l'objet d'une décision. Je pense qu'il est de jurisprudence constante dans cette Chambre que, lorsqu'une matière a été légalement décidée à la suite du déroulement d'un vote, on ne peut pas la resoulever immédiatement, surtout au cours de la même séance.

J'ajouterais, sans que je sois tellement en cause dans le débat actuel, que j'ai dit que je m'opposais, pour ma part, à ce que les honorables collègues de l'autre côté de la Chambre, qui n'étaient pas membres de la commission, parlent. J'ai dit que cela s'appliquait à cette séance-là seulement, étant donné cette attitude de "filibuster", et que notre attitude pouvait être modifiée ultérieurement si nous étions en mesure de constater la bonne foi de l'autre côté, chez nos collègues.

Alors, ce n'était pas une position irrémédiable. Je n'avais pas l'intention de créer un précédent ou une tradition à l'effet qu'on interdirait, à l'avenir, dans toute commission, le droit aux députés de venir s'exprimer. En effet, on sait que c'est une chose que l'on fait couramment et on le fait — vous le savez comme moi — sans aucun formalisme. Cette question, elle n'est jamais soulevée en pratique, excepté dans ces périodes de conflit ou de "filibuster", comme celle que nous faisait vivre le Parti québécois. Moi, ne voulant pas contribuer à ce "filibuster" en admettant deux députés qui n'avaient pas automatiquement et légalement le droit de parole, je pense que je faisais mon devoir vis-à-vis du règlement, en interdisant à des députés étrangers de venir contribuer à allonger les débats.

Mais le président n'avait peut-être pas les mêmes responsabilités que moi. Il en avait

d'autres, c'est-à-dire de diriger impartialement les travaux de la commission. Le président, qu'est-ce qu'il a fait? Il ne l'a pas décidé lui-même, comme je l'ai dit tout à l'heure. Il a mis la question aux voix et il y a eu un vote. C'est la raison pour laquelle, quand la motion du député de Maisonneuve pour rouvrir la question sur le même point a été présentée, je pense que le député de Roberval a fort bien décidé, parce que la question venait d'être décidée.

C'est à ce moment-là que le député de Maisonneuve a fait une motion pour forcer le président de la commission à vous faire un rapport comme président de l'Assemblée nationale. Il a dit que la question avait une grande importance. Il a fait une longue argumentation, en disant que ceci créait un précédent, étant donné que le président ne voulait pas remettre la question aux voix.

Là, je suis intervenu dans un esprit conciliant. Même le député de Maisonneuve l'a reconnu. J'ai dit au député de Maisonneuve que je ne connaissais pas dans le règlement d'article qui obligeait un président de commission à faire rapport au président de la Chambre, que cette procédure parlementaire, qui avait peut-être existé dans d'anciens règlements, ne s'appliquait plus. Mais, étant donné l'importance de la question, je proposais, de bonne foi, que le président, le député de Roberval, à la prochaine occasion, s'entretienne avec vous de la question pour se faire éclairer. J'ai même dit que, si le député de Roberval avait raison, eh bien, il pourrait persister dans cette attitude mais que si vous, comme président, lui indiquiez, dans votre sagesse et votre connaissance immense du règlement, des arguments suivant lesquels il s'était trompé, je n'aurais, pour ma part, aucune espèce d'objection à ce qu'il révise sa position à la prochaine séance. Ma proposition était tellement faite de bonne foi que le député de Maisonneuve l'a agréée sur-le-champ, avec le concours du président qui, lui-même, ne voulant pas faire d'entorse au règlement, a acquiescé. Il avait, d'après ce qu'il nous a dit, l'intention de vous voir justement pour vérifier s'il avait été dans la bonne voie en n'acceptant pas la motion du député de Maisonneuve qui voulait rouvrir une question déjà décidée précédemment.

Est-ce que c'est l'attitude, M. le Président, d'un président de commission qui est partial, comme on l'a dit parmi les députés de l'Opposition? A mon sens, cela n'indique aucune partialité. Au contraire, cela n'indique que la bonne foi du président.

C'est la raison pour laquelle, même si, de l'autre côté de la Chambre, on devait être en désaccord sur certaines décisions du président, je n'admets pas — et c'est la principale raison pour laquelle je me suis levé, à cette heure tardive et au moment où nous subissons un tel "filibuster" — que l'on mette en doute la bonne foi d'un collègue, alors qu'il y a de nombreux indices que ce collègue a voulu agir de bonne foi. Je ne l'admets pas, M. le Président. Je pense que le Parti québécois s'est laissé emporter véritablement, peut-être par la déception, peut-être pour d'autres motifs. Je ne veux pas discuter des motifs du Parti québécois, parce que je n'en aurais pas le droit. Mais je voudrais dire simplement ceci: Après s'en être pris à un collègue qui a fait ses preuves dans cette Chambre et que tout le monde estime, est-ce qu'aujourd'hui on ne ressent pas une certaine petitesse de l'autre côté de la Chambre d'avoir cherché à jeter le blâme et la faute sur un président qui, dans deux circonstances au moins, ce soir-là, a démontré qu'il agissait en toute bonne foi, même si, de l'autre côté de la Chambre, on a des idées différentes sur l'application du règlement?

Finalement, M. le Président, je termine sur la question du reproche sur l'ajournement de la séance. Sur la question de l'ajournement de la séance, le chef de l'Opposition me dit: "Ah voilà! ", comme si c'est tout ce qui restait que l'on pourrait reprocher au président. Si, M. le Président, il fallait utiliser cette arme très considérable qu'est l'article 68 de notre règlement chaque fois qu'un président rend une décision d'ajournement sur laquelle on n'est pas d'accord, cette Chambre deviendrait un véritable enfer. En effet, M. le Président, on mettrait en doute constamment la raison d'être ou la bonne foi des présidents des commissions et la vôtre même, M. le Président.

Je dis donc que le Parti québécois a employé une arme terrible à l'égard d'un individu, alors qu'aujourd'hui on laisse entendre, d'après les réactions que je lis de l'autre côté de la Chambre, qu'au fond on n'en voulait qu'à sa décision sur l'ajournement. Or, M. le Président, sur la décision de l'ajournement, l'article 163 du règlement dit ceci: "A moins de dispositions contraires, les règles relatives à l'Assemblée s'appliquent aux commissions".

Comme l'a expliqué le leader parlementaire du gouvernement avec tellement de clarté et de bons sens, hier soir, il a fait adopter une motion pour que nous siégions de dix heures le matin à minuit. C'est la raison pour laquelle, quand je me suis levé, à minuit, et que j'ai dit: II est minuit, je propose que nous ajournions nos travaux au lendemain, mon intention n'était pas —je le dis en toute candeur et en ne me considérant pas comme un grand expert dans le règlement — de faire une motion, mais de constater que l'heure de l'arrêt des travaux était arrivée et qu'il fallait que la commission s'ajourne.

Comme le leader avait dit, l'après-midi même, au cours du débat et des motions qu'il avait présentées, que la commission continuerait ses travaux le samedi à dix heures jusqu'à minuit et possiblement le lundi, de dix heures à minuit, nous restions tout à fait, M. le Président, dans le cadre du règlement de la Chambre. La commission de la justice, qui siégeait au salon rouge, ne

dérogeait en aucune façon au cadre général établi par la motion du leader, qui a été acceptée par cette Chambre.

Par conséquent, il ne s'agissait pas pour moi de faire une motion à minuit, mais de constater que, minuit étant arrivé, la commission devait s'ajourner et arrêter ses travaux.

On n'a qu'à lire aussi, à l'appui de cette thèse sur le plan juridique et d'interprétation du règlement, l'article 38.-1. du règlement, qui dit: "A l'heure fixée pour l'ajournement d'une séance, le président, à moins qu'un vote ne soit en cours — et il n'y avait pas de vote en cours, à ce moment-là — se lève, rappelle l'Assemblée à l'ordre et prononce l'ajournement de l'affaire en cours et celui de l'Assemblée". Etant donné que la commission suivait les règles de l'Assemblée nationale, je constatais qu'il était minuit et le président a dit : Nous arrêtons nos travaux et nous les reprendrons demain.

La situation n'aurait peut-être pas été la même si j'avais proposé qu'on ajourne, par exemple, au samedi après-midi, à une heure ou deux heures de l'après-midi.

Là, nous aurions dérogé à la règle générale qui a été fixée pour la Chambre, j'aurais en somme demandé une exception, une modification dans l'évolution des travaux de la commission, alors que là il s'agissait tout simplement de nous en tenir au règlement général.

Par conséquent, il n'y avait pas de vote à prendre pour la commission. A nos yeux, la question était simplement de dire: L'heure est arrivée de terminer nos travaux. Alors le président le constatait, se levait et ajournait les travaux au lendemain à dix heures, soit à l'heure fixée par le règlement.

Je dis donc ceci: à mon sens, le président a bien appliqué le règlement, et il n'y avait pas lieu de prendre une motion ce soir-là. Mais, pour reprendre ce qu'a dit le député de Saguenay, s'il y avait en cette matière un doute... et on sait que notre règlement qui est nouveau n'est pas clair sur tous les sujets, nous n'en avons pas encore fait tout le tour de ce règlement, il est encore à la période d'expérimentation, nous l'apprenons encore, et même les plus experts, comme le député de Maisonneuve et le leader du gouvernement ne connaissent pas d'une façon absolue les réponses à toutes les questions qui surgissent, et la preuve en est que vous-même n'êtes pas capable de nous donner toutes les réponses aux questions qui surgissent dans cette Chambre de façon instantanée chaque fois qu'un problème se présente, il arrive souvent que vous devez ajourner pour délibérer...

M. BURNS: J'invoque le règlement, M. le Président. Je n'accepterai pas que le ministre de la Justice vous attaque si bassement.

M. TETLEY: Vierge offensée! M. CHOQUETTE: Je dis donc...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHOQUETTE: ... que personne dans cette Chambre ne peut avoir la prétention de dire qu'il connaît ce règlement tellement à fond qu'il est capable de l'appliquer à toutes les circonstances qui peuvent se produire dans notre vie parlementaire. Personne ne peut dire qu'il ne peut pas y avoir de divergences et même parfois de divergences importantes sur des questions de règlement.

En troisième lieu, personne ne peut me dire que ce règlement est parfait et a prévu toutes les situations. Et c'est la raison pour laquelle j'ai aimé, d'une certaine façon, la candeur du député de Saguenay lorsqu'il nous a dit au cours du débat, cet après-midi, que la question n'était pas claire.

Quand la question n'est pas claire et qu'un président à l'égard duquel on n'a aucune indication de mauvaise foi prend une décision, on ne l'accuse pas le lendemain d'avoir agi de mauvaise foi.

Je me résume. Au cours de cette soirée, des décisions furent prises qui ont été favorables à l'Opposition. Il y a d'autres décisions sur lesquelles l'Opposition était en désaccord, mais dans tout cela, je n'ai noté, en aucune façon, une attitude partiale de la part du député de Roberval. Et pour autant que je suis concerné, et pour autant que s ous sommes concernés, le député de Roberval a la pleine confiance de la Chambre.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve désire, je crois, exercer son droit de réplique qui mettra fin au débat sur cette motion. L'honorable député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, c'est d'abord avec beaucoup d'étonnement, un étonnement que je peux difficilement qualifier...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: ... que j'ai entendu le ministre de la Justice répondre à notre motion. Je peux difficilement le qualifier pour une raison bien simple, je ne peux pas trouver de superlatif pour rendre ma pensée relativement à l'étonnement qui s'est emparé de moi en écoutant le ministre de la Justice.

M. le Président, il y a une chose qui ressort de cette intervention que nous venons d'entendre; c'est que le ministre de la Justice a donc le scandale facile à des endroits où vraiment il ne devrait pas se scandaliser. Si je compare un certain nombre de ses réactions dans les semaines précédentes, dans les années précédentes, dans les mois précédents, je trouve qu'il a beaucoup plus le scandale facile relativement à un problème comme celui qui nous occupe...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: ... qu'à l'égard d'autres problèmes où il devrait se scandaliser davantage, les tables d'écoute, par exemple, M. le Président.

DES VOIX: La motion! LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS : Aussi le fait que des preuves ne vont pas devant la commission...

LE PRESIDENT: A l'ordre! ... A l'ordre! ... J'ai laissé aller quelques moments l'honorable député de Maisonneuve, croyant qu'il voulait rapporter peut-être les agissements ou les propos de l'honorable ministre de la Justice lors de l'étude de la commission. Mais, lorsqu'il s'aventure sur sa qualité de ministre de la Justice, je crois que c'est hors d'ordre.

M. BURNS: Je voulais tout simplement, M. le Président, en guise d'introduction, vous mentionner quel était le sens de l'étonnement...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: ... qui s'était emparé de moi à écouter le ministre de la Justice...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: ... venir faire son intervention. Et, comme c'est un droit de réplique, c'est sûrement au sujet, entre autres, de son intervention que je vais exercer mon droit de réplique parce que je pense...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît! D reste 35 minutes, la paix! Allez!

M. BURNS: Je disais, M. le Président, et c'est comme ça que j'exprimais mon étonnement, que c'est un scandale facile que je n'ai pas vu à d'autres endroits au cours de la discussion qui a eu lieu sur le projet de loi 8 en commission parlementaire de la justice. Le problème que nous discutons est, dans le fond, tout simplement une conséquence. Actuellement, nous discutons des conséquences de cette séance ou de ces séances de la commission parlementaire de la justice. Je n'ai pas vu le ministre de la Justice se scandaliser au cours de la séance où il s'est proposé lui-même, M. le Président. Lui, le parrain du projet de loi, il s'est proposé comme rapporteur. Je n'ai pas vu le ministre de la Justice dire: Je m'excuse auprès de mes collègues, je n'aurais pas dû faire ça. Et là, ce soir, il s'étonne.

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BURNS: Le ministre des Affaires culturelles aurait dû peut-être être l'objet, dans le temps qu'il était vice-président, d'une telle motion. On se rend compte de la partialité avec laquelle il rendait des décisions dans le temps, on le voit actuellement. Il n'est même pas capable d'écouter des critiques.

LE PRESIDENT: S'il vous plaît!

M. BURNS: II n'est même pas capable.

LE PRESIDENT: S'il vous plaît, messieurs, s'il vous plaît !

M. BURNS: Vous voyez, M. le Président, je regrette de ne pas l'avoir utilisé dans le temps que c'était votre vice-président, le ministre des Affaires culturelles ; je le regrette.

LE PRESIDENT: A l'ordre! ... A l'ordre, messieurs!

M. CHARRON: Je regrette qu'il soit ministre des Affaires culturelles.

M. BURNS: Je regrette aussi qu'il soit ministre des Affaires culturelles, M. le Président; ça, c'est le problème du gouvernement actuel, c'est la pénurie, M. le Président, du gouvernement actuel quand il s'agit de trouver des ministres. On voit où on va les repêcher. M. le Président, en tout cas, je reviens à la motion.

Ce qui m'étonne, de plus, M. le Président, c'est que ce ministre — qui se scandalise si facilement dans des occasions où il ne devrait pas et qui ne se scandalise pas dans d'autres que je ne qualifierai pas et où il devrait se scandaliser — n'a véritablement pas compris, et le sens de l'objection dont son projet de loi a été l'objet en commission parlementaire, le 14 décembre, et le sens de la présente motion, M. le Président. Cela m'étonne qu'un ministre de la Justice ne comprenne pas cela. Cela me permet de comprendre un certain nombre de choses cependant. Cela me permet de comprendre qu'un ministre de la Justice qui veut rentrer de gré ou de force dans la gorge de l'Opposition un projet de loi dont il sait qu'il fera l'objet d'un "filibuster" s'étonne et appelle des choses contrairement à ce qu'elles sont.

Cela me surprend énormément, M. le Président, d'entendre le ministre de la Justice — j'en ai pris note — parler d'un flot d'accusations et d'un flot d'insinuations de notre part.

M. le Président, je pense être en mesure d'affirmer à la fin de ce débat, tant en mon nom personnel qu'au nom de tous mes collègues de l'Opposition qui se sont exprimés, tant sur la motion principale que sur les amendements et que sur les sous-amendements, qu'à chaque occasion, nous avons fait véritablement tous les efforts requis pour que les gens comprennent le sens de nos interventions. Donc, qu'il n'y ait aucune accusation et aucune insinuation à l'égard de l'individu que je ne peux pas nommer parce que les règles de la

Chambre m'en empêchent, mais de l'individu que représente le député de Roberval, nommément Robert Lamontagne. Il n'y a eu aucune insinuation et aucune accusation à l'endroit de la personne. Il y a eu, je l'admets, des accusations d'ordre technique et d'ordre aussi psychologique, si je peux utiliser l'expression à l'endroit du député de Roberval.

Quand j'entends le ministre de la Justice nous parler de la rancoeur de l'Opposition, quand j'entends le ministre de la Justice utiliser de telles expressions, c'est qu'il a manqué complètement le bateau; il ne sait pas du tout ce qui s'est passé ici depuis une semaine. Mais, à aucun moment nous n'avons caché notre intention de bloquer son projet de loi qu'il voulait nous faire avaler de force. A aucun moment l'avons-nous caché, je pense que je l'ai dit peut-être dix fois depuis une semaine, et tous mes collègues sont revenus là-dessus, on a dit qu'on "flibustait", si on veut franciser le mot, son projet de loi.

Je ne vois pas pourquoi le ministre vient s'en étonner aujourd'hui. C'est une technique parlementaire, au cas où le ministre ne le saurait pas, qui est parfaitement acceptable dans des institutions qui respectent régulièrement et constamment l'Opposition, telles que The House of Commons of Westminster, M. le Président. C'est de là que vient la technique du "filibuster". Il n'y a aucun problème là-dessus, et on ne s'en est pas caché. Pas question de rancoeur à ce moment-là, pas question d'accusation ni d'insinuation. Mais si on a fait cette motion à l'endroit du député de Roberval — je vous ai cité aujourd'hui des autorités venant de cette House of Commons, de Westminster, un cas de 1901 et un cas de 1962— c'était pour des raisons bien simples, pour essayer de faire comprendre à des gens, comme le ministre de la Justice, qui ne veulent pas nous croire quand on dit que, fondamentalement, le sens d'une telle motion c'est une technique parlementaire, vous le savez, parfaitement acceptable, que c'est le seul et unique moyen de ramener devant la Chambre — et votre décision récente m'a confirmé dans ma conviction à cet effet — un geste d'un président de commission qui a été posé en votre absence. Des textes que je vous ai cités cet après-midi, parlent de non-connaissance du président des gestes qui se passent en commission, et c'est bien que ça se passe comme ça. C'est une bonne chose, à moins que le règlement prévoie qu'il y a appel au président. Or, le règlement ne le prévoit pas.

Comment une opposition consciente de son rôle, une opposition qui a l'intention, et je le dis au ministre, de jouer pleinement ce rôle, peut-elle le faire? Je ne le dis pas de façon à nous vanter, nous allons le faire avec modestie, nous allons le faire avec humilité, nous allons jouer ce rôle malgré ce qu'en dit le député de Notre-Dame-de-Grâces qui nous prouve, encore une fois, combien la députation libérale est pauvre qu'il se retrouve au cabinet.

Notre rôle, M. le Président, nous allons le jouer avec humilité et modestie, sans aucun doute. Cette modestie et cette humilité, le ministre de la Justice a eu à plusieurs reprises l'occasion de les vérifier dans le passé et il aura l'occasion, dans l'avenir — je l'espère — de les vérifier à nouveau.

Pour une Opposition, le fait de se lever sur un projet de loi gouvernemental et de dire: Nous sommes d'accord avec votre projet de loi; votre projet de loi est une bonne mesure et nous vous appuyons — le ministre de la Justice, particulièrement, sait que nous sommes capables de ce genre de geste — cela, c'est de l'humilité et de la modestie, et nous sommes prêts à le faire encore.

Cependant, je n'accepterai pas qu'on vienne nous reprocher de nous battre avec nos dernières énergies contre un projet de loi que nous considérons comme inacceptable dans sa forme actuelle, et le projet de loi no 8 est un de ceux-là.

Nous n'accepterons pas cela et j'avertis tous les membres de la Chambre: Qu'on tente d'interpréter nos gestes comme on le voudra, on s'en balance. Nous allons jouer notre rôle et nous le jouerons pleinement. C'est cela que nous essayons de vous prouver, que nous essayons de prouver au ministre de la Justice. Quand le ministre de la Justice se rendra compte que c'est véritablement ainsi, dans certaines autres occasions, que nous jouons notre rôle, il sera bien fier. Il sera bien fier, comme il l'a été à quelques reprises, d'avoir comme bouclier l'Opposition, parce que cela sert à cela aussi, M. le ministre. Vous savez fort bien que, dans le cas de l'aide juridique, si vous n'aviez pas eu l'appui positif de l'Opposition, les pressions dont vous étiez l'objet et auxquelles vous avez résisté — et on vous en a félicité — vous auriez peut-être eu plus de difficultés à y résister.

C'est le sens, en ce qui nous concerne, de cette motion. H n'y a pas de rancoeur. Il n'y a pas d'insinuation. H n'y a pas d'accusation à l'endroit du député de Roberval. Il y a une technique parlementaire que nous sommes en droit d'utiliser, que nous avons utilisée et, pour l'information de nos collègues, que nous utiliserons à nouveau toutes les fois que nous jugerons que cela sera nécessaire. M. le Président, je pense que vous ne nous donnerez peut-être pas l'occasion de l'utiliser à votre endroit: vous connaissant, je sais qu'à ce moment nous aurions de la difficulté à l'utiliser contre vous, mais nous l'utiliserons, si nécessaire, à nouveau à l'égard de vice-présidents de la Chambre, à l'égard de présidents de commissions. Je tiens à assurer nos collègues que nous ne nous sentirons pas du tout gênés de l'utiliser, à aucun moment, quand nous croirons que c'est justifié.

Nous croyions et nous croyons encore que c'était justifié de l'utiliser à cette occasion, parce que je suis prêt à admettre une chose, une chose, et je vais terminer là-dessus, car je pense

que mon temps achève. Cela résume l'opinion de mes collègues de l'Opposition qui ont parlé là-dessus. Pour vous prouver jusqu'à quel point il n'est pas question d'accusation, ni d'insinuation dans la motion que nous avons faite, nous sommes prêts à admettre — et je l'admets au nom de mon groupe — que le député de Roberval a agi de bonne foi. Est-ce drôle cela? Est-ce drôle que nous soyons capables de dire cela? C'est parce que justement nous n'avons fait aucune insinuation, ni accusation malveillante à l'endroit de la personne qui s'appelle le député de Roberval.

En écoutant le ministre de la Justice, je me demandais, si, dans le fond, cela n'était pas contre le ministre de la Justice qu'il aurait fallu faire notre motion. Je me demandais si ce n'était pas à son endroit que nous aurions dû la faire, lui qui avait la responsabilité de piloter ce projet de loi, lui qui a été l'instigateur des irrégularités. Je maintiens encore qu'il y a eu des irrégularités à cette commission. Elles ont été commises de bonne foi, d'accord, mais, justement, à cause de cette pression indue ou de cette attitude du ministre de la Justice qui, à trois reprises, se reprend pour tenter de nous vendre son projet de loi en fin de session, c'est peut-être à lui que nous aurions dû adresser notre motion.

Je tiens, en terminant, à assurer le député de Roberval de notre collaboration. Cela va peut-être en faire sourire; je le savais.

Le député de Notre-Dame-de-Grâce ne comprend pas ça, il ne comprend pas, ce n'est pas sa faute, je lui pardonne. Je fais comme si je ne l'avais même pas entendu.

Mais à l'endroit du député de Roberval, c'est à lui que j'adresse ces derniers mots, au nom de mon groupe parlementaire, au nom de l'Opposition, je lui dis tout simplement, M. le Président, que nous continuerons à tout faire pour travailler avec lui, lorsqu'il présidera des commissions. Je n'ai pas de doute sur le sort de notre motion, mais dans un esprit de collaboration ou dans un esprit surtout, j'espère que nos collègues y réfléchiront...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: ... dans un esprit du maintien d'un régime parlementaire dans lequel nous croyons, bien qu'on tentera de nous faire croire et de faire porter sur nos épaules un tas de choses, je tiens à dire que nous faisons...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: ... nous posons ce geste-là dans l'intérêt du maintien de l'institution parlementaire. Je suis sûr que ce que je viens de dire m'attirera des critiques de la part de certaines personnes, dans l'avenir. Mais, j'y crois sincèrement.

LE PRESIDENT: Un instant, je m'excuse.

Je voudrais expliquer pourquoi j'ai accordé de bonne foi, moi également, cinq minutes supplémentaires au député de Maisonneuve, c'est parce qu'il m'avait demandé une directive avant de prendre la parole. Tel que le ministre de la Justice l'avait dit, on peut se permettre certaines erreurs et j'avais l'impression que le droit de réplique du député de Maisonneuve était de vingt minutes. C'était mon erreur. C'est pour ça que je n'ai pas voulu l'interrompre et que je lui ai accordé, je crois, dix minutes. C'est une motion de député...

De toute façon, écoutez, on pourra étudier la question.

Nous allons procéder à la mise aux voix de la motion principale.

M. BURNS: M. le Président, je demande qu'on appelle les députés.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Vote sur la motion de M. Burns

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

Que ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable député de Maisonneuve veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi).

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Bienvenue, Massé, Harvey (Jonquière), Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Perreault, Brown, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Séguin, Cornellier, Houde (Limoilou), Pilote, Fraser, Picard, Gratton, Carpentier, Faucher, Marchand, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Springate, Boudreault, Boutin (Johnson), Boutin (Abitibi-Ouest), Caron, Côté, Denis, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Verreault.

Deux abstentions: MM. Samson et Roy.

LE SECRETAIRE: Pour: 5

Contre: 59

Abstentions: 2

LE PRESIDENT: La motion est rejetée. M. LEVESQUE: Article 20.

Rapport de la commission sur le projet de loi no 8

LE PRESIDENT: Article 20: Prise en considération du rapport de la commission permanente de la justice sur l'étude du projet de loi no 8, Loi modifiant de nouveau la loi des tribunaux judiciaires.

M. BURNS: Simplement une directive, M. le Président, que je vous demande au tout début. Est-ce que lorsque vous appelez l'article 20 et que vous mentionnez "prise en considération du rapport de la commission permanente", cela veut dire qu'il y a devant nous une motion? Si oui, quelle en est la forme? De quelle façon se verbalise-t-elle?

LE PRESIDENT: La coutume que nous avons depuis que cette modalité existe, depuis que cette procédure existe dans notre règlement, c'est que le rapporteur, l'ordre du jour est au nom du député de Portneuf... le débat se termine par l'adoption du rapport. Le débat se termine par l'adoption du rapport, ce que nous avons fait dans la dernière session.

M. BURNS: Donc, si je comprends bien, il y a devant la Chambre une motion du député de Portneuf de proposer l'adoption du rapport.

LE PRESIDENT: Le débat se termine par l'adoption d'un rapport.

M. BURNS: En tout cas, M. le Président, quitte à ce que vous ne me donniez pas une réponse immédiatement, est-ce que je peux vous demander cette directive, sur le plan technique, à savoir qu'est-ce que nous considérons comme motion? Je sais que c'est une motion du genre de celles que nous adoptons habituellement et je sais également que cette question n'a peut-être jamais été soulevée. Mais je demande tout simplement : Est-ce qu'il s'agit d'une motion disant: Je propose l'adoption du rapport?

LE PRESIDENT: Ce que nous avons fait à la dernière Législature et dans le dernier Parlement, c'est que lorsqu'il y avait des amendements de proposés, on prenait les votes sur les amendements et on terminait par l'adoption du rapport.

M. BURNS: D'accord, M. le Président. Merci.

M. BOURASSA: Adopté.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, ce sera peut-être la première occasion, mais je vais déplorer la disparition de l'ancien règlement de l'Assemblée nationale.

En effet, M. le Président, vous vous souviendrez avec moi, peut-être que cela a échappé à l'attention de certains membres de la Chambre et cela, je l'admets volontiers parce que je les connais bien, que dans l'ancien règlement de la Chambre, il y avait un article qui permettait à un membre de cette Assemblée de proposer une modification à l'ordre du jour des travaux de la Chambre. Il est malheureusement disparu de notre nouveau règlement mais je dois vous dire que s'il figurait encore à notre règlement, j'aurais envie de l'utiliser ce soir.

Car, je trouve absolument incroyable qu'au moment où figure dans le feuilleton du gouvernement un nombre considérable de projets de loi — notamment sous la même étiquette que le projet de loi no 8 parrainé par le même homme, ce projet de loi no 8 dont nous avons à étudier la considération du rapport ce soir — figurent les projets de loi nos 2 et 3, qui touchent 80 p.c. des Québécois et qui risquent de mourir au feuilleton avec la prorogation de la session. On risque de retarder cette réforme, même si le mot réforme est large pour définir ce qui en reste.

C'est incroyable qu'au moment où il reste cinq ou six minutes de séance, parmi tous les problèmes qui demeurent au feuilleton de l'Assemblée nationale, les ouvriers de la construction qui attendent une ratification de leur rétroactivité...

M. BIENVENUE: M. le Président, j'invoque le règlement. Le député est totalement hors d'ordre.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je n'ai pas entendu, je ne sais pas.

M. CHARRON: Merci, M. le Président, laissez-le faire.

M. BIENVENUE: Mais moi, je ne vous laisserai pas faire.

M. CHARRON: Le rapport de la commission parlementaire de la justice qui a étudié le projet de loi qui augmente de $5,000 par année des gens qui en font déjà $28,000 et qui figurent parmi les 3 p.c. de la population à ce niveau de salaire, imaginez donc que ce projet de loi et le rapport de ce projet de loi viennent d'être choisis par le leader du gouvernement comme étant la priorité de ce gouvernement avant l'ajournement des Fêtes.

M. BIENVENUE: M. le Président, j'invoque à nouveau le règlement. Avec toute la déférence que je vous dois, je vous invite à écouter...

LE PRESIDENT: Ecoutez, vous vous êtes rendu compte...

M. BIENVENUE: Actuellement le député,

comme il l'a fait précédemment, discute de l'ordre de priorité du sujet de l'article qui a été choisi par le leader du gouvernement. Il le fait et, chaque fois que vous parlez, il continue de le faire.

Gardez-le à l'oeil et à l'oreille.

M. CHARRON: Sur le même point de règlement, parce que j'avais quand même...

M. LEVESQUE: M. le Président, question de privilège.

LE PRESIDENT: Une question de privilège a priorité sur une question de règlement.

M. LEVESQUE: Je tiens simplement à demander au député de Saint-Jacques d'être un peu plus prudent car, avant d'appeler cet article, je l'ai fait après consultation avec son leader parlementaire.

M. CHARRON: M. le Président, ça c'est vraiment recourir au plus bas commun dénominateur... J'étais informé...

M. LEVESQUE: Vous parlez mal de votre leader.

M. CHARRON: M. le Président, sur le même point de règlement sans que ce soit pris sur mon temps d'intervention, au nom de mon parti, sur ce rapport.

LE PRESIDENT: A l'ordre! ... A l'ordre! ... M. CHARRON: M. le Président...

LE PRESIDENT: A l'ordre! ... Allez, allez, allez ! Je ne me suis pas levé, allez.

M. CHARRON: Non, mais eux autres parlent.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHARRON: M. le Président...

LE PRESIDENT: A l'ordre! Ecoutez, en prenant votre siège, vous savez que si j'appliquais le règlement...

M. CHARRON: M. le Président, je ne parlerai pas pendant qu'ils vont parler, d'accord? C'est clair.

LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense qu'il n'y aurait pas de discours en Chambre si on suivait votre directive, si personne ne parlait lorsque les autres ne parlent pas, ça arrive assez fréquemment, je crois. Bon, allez ! Allez !

M. CHARRON: M. le Président, j'ai été informé par mon leader parlementaire du fait que le leader du gouvernement l'avait informé que la priorité du gouvernement devenait l'augmentation de salaire des juges et que s'il y avait une seule loi qui devait être adoptée avant la fin de l'ajournement, ça devait être celle-là. J'ai donc le droit — et je le dis à l'intention de l'immigré de Crémazie — M. le Président, de dire ici ce soir, de m'étonner en prenant parole sur le rapport de la commission parlementaire de la justice qui a étudié le projet de loi no 8, de dire comme première remarque que je trouve fort singulier de la part de ce grotesque gouvernement d'avoir choisi un moment où nos travaux achèvent, un moment où figurent au feuilleton...

LE PRESIDENT: A l'ordre! ... A l'ordre!

M. CHARRON: ... un nombre considérable d'autres motions...

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. CHARRON: ... que l'Opposition officielle aurait été prête à étudier avec beaucoup plus d'attention que n'importe quel projet comme celui-là, que ce soit celui-là que le leader du gouvernement ait choisi de nous amener ce soir, M. le Président. Parce que le projet de loi no 8 dont nous avons à étudier le rapport, aujourd'hui, est un rapport qui est irrégulier et j'aurai l'occasion, lorsque je reprendrai la parole à la poursuite de ce débat, de vous expliquer comment ce projet de loi a été irrégulier et dans son étude et dans sa forme et dans le rapport qu'a soumis illégalement le député de Portneuf.

Je vous dirai également, pour votre satisfaction de vététan parlementaire en cette Chambre, comment il est incroyable qu'un projet de loi aussi scandaleux que celui-là, qui augmente de $100 par semaine, les revenus de gens qui en font déjà $28,000, au moment où l'ensemble des contribuables québécois à cette date de l'année, sont en train de mesurer la faiblesse de leurs revenus par rapport à la hausse du coût de la vie, quatre jours avant Noël, au moment où on vient de sortir d'une motion aussi importante que celle dont nous venons de disposer, soit la première motion que ce gouvernement ait l'audace d'apporter sur la table.

Je vous raconterai ça lorsque le leader aura la même audace de rappeler le même rapport en considération de la Chambre.

LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 0 h 1)

ANNEXE Référer à la version PDF page 814 - 815 ET 816

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