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Version finale

30e législature, 1re session
(22 novembre 1973 au 22 décembre 1973)

Le vendredi 21 décembre 1973 - Vol. 14 N° 16

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs.

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

Questions orales des députés.

QUESTIONS DES DEPUTES

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

Cartonnerie de Cabano

M. LESSARD: On devrait appeler les ministres ce matin, M. le Président. J'en ai un, très bien. Ma question va s'adresser au ministre de l'Industrie et du Commerce. En date du 29 novembre 1973, je lui posais une question concernant la cartonnerie de Cabano sur laquelle je lui demandais de faire le point et le ministre me confirmait qu'il y avait eu modification au projet, mais que la participation populaire devrait continuer d'exister dans le nouveau projet. Est-ce que le ministre pourrait faire le point ce matin? Est-ce que le ministre pourrait nous dire si, dans le nouveau projet, dont on parle, en tout cas, même s'il n'est pas annoncé officiellement, la participation populaire continuera d'exister et que le contrôle de ce nouveau projet appartiendra à la population?

M. SAINT-PIERRE : II y a plusieurs projets dans la région, qui sont examinés actuellement et M. Saulnier continue son mandat. Il a rencontré la population. Dans l'intérêt public et compte tenu des ententes que nous avons eues avec la population à l'effet de respecter une certaine confidentialité sur des aspects du projet, je ne me sens pas en mesure, ce matin, de donner tous les détails connus. Qu'il me suffise de mentionner qu'une nouvelle cartonnerie, qui est envisagée pour la région, implique bien une participation majoritaire de la population et des gouvernements, mais qu'il y a plus d'un projet à l'étude. J'espère que, dans les premiers jours de l'année 1974, nous serons en mesure de dévoiler et de rendre publiques la nature des projets eux-mêmes, de même que que les modalités de participation de la population et du gouvernement dans chacun de ces projets.

M. LESSARD: Simplement une question additionnelle. Je comprends la réponse du ministre, mais le ministre peut-il nous assurer que cette participation populaire qui était impliquée dans les anciens projets sera sauvegardée dans les nouveaux projets?

M. SAINT-PIERRE: Un des projets envisagés implique une cartonnerie et, dans cette cartonnerie, comme je l'ai mentionné, le gouvernement et la population se retrouveront au capital-actions majoritaires.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

Vente des Iles Anticosti et Mingan

M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre qui est en train de régler les problèmes de l'agriculture, non? Est-ce que le premier ministre pourrait répondre aux questions suivantes : Quels actes ont été posés par son gouvernement, depuis l'annonce de la mise en vente de l'île d'Anticosti et de la grande île de Mingan? Est-il exact que le gouvernement d'Ottawa, par l'entremise de Parcs-Canada, a fait une offre d'achat de ces îles, premièrement? Deuxièmement, si oui, quelle est la réponse des compagnies Hudson Bay et la Consolidated Bathurst à ce sujet? Troisièmement, est-ce que le premier ministre du Québec considère que la vente de l'utilisation de ces territoires, grands comme la Suisse, devrait faire l'objet d'un débat public et d'études en particulier de la part de l'OPDQ?

M. BOURASSA: M. le Président, je n'ai pas été informé, j'ai entendu des rumeurs qu'il pouvait avoir des discussions entre le gouvernement fédéral et certaines compagnies propriétaires de terrains sur l'île d'Anticosti. Je n'ai pas été informé qu'il y avait des négociations formelles, mais je dois, au nom du gouvernement... Le ministre des Terres et Forêts, justement, doit me faire signer une lettre, qu'on va faire parvenir aux entreprises pour commencer la discussion ou la négociation sur le transfert de propriétés, si c'est à l'avantage du Québec.

M. LEGER: Une question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que dans cette lettre ou dans une politique prochaine, le gouvernement envisage de se porter acquéreur de l'île d'Anticosti? Deuxièmement, envisage-t-il d'étudier avec l'OPDQ l'usage de ces gigantesques territoires, dans une nouvelle politique?

M. BOURASSA: M. le Président, il est prématuré pour moi d'en dire plus. J'en ai discuté brièvement avec le ministre des Terres et Forêts, il y a quelques jours. Je dois le rencontrer, ce matin, là-dessus, pour établir la stratégie du gouvernement et je pourrai répon-

dre au député, au cours de la journée ou demain.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

Nouveaux bénéficiaires de l'aide sociale

M. LESSARD: M. le Président, je m'excuse, mais je soulève quand même la question au ministre des Affaires sociales, dans l'espoir qu'il en sera informé. Cela fait deux jours que j'ai annoncé au ministre des Affaires sociales que je soulèverais cette question. Je comprends qu'il ne soit pas ici, ce matin. Ma question est celle-ci, M. le Président: Est-ce que le ministre des Affaires sociales et le gouvernement, en particulier, vont prendre les mesures nécessaires pour débloquer l'émission des chèques aux nouveaux bénéficiaires de l'aide sociale qui s'inscrivent depuis le 1er décembre? Cette question, je l'ai soulevée, il y a deux semaines; le ministre m'avait répondu qu'il y avait possibilité de faire des chèques à la main. Toutes les informations que j'ai me prouvent que ce n'est pas le cas. Alors, M. le Président, le ministre arrive. Est-ce que le ministre va prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les nouveaux bénéficiaires de l'aide sociale, en particulier depuis le 1er décembre, puissent obtenir leur chèque d'aide sociale avant Noël?

Cela n'est pas seulement dans mon comté. C'est généralisé dans tout le Québec.

Vous êtes contents, les libéraux, que je pose cette question. Vous êtes poignés avec cette question vous aussi.

M. FORGET: M. le Président, je suis extrêment sensible aux préoccupations qu'exprime l'honorable député de Saguenay relativement aux problèmes que peuvent causer certaines mesures administratives pour les assistés sociaux, particulièrement ceux qui s'inscrivent pour la première fois comme bénéficiaires du régime.

J'ai entrepris de corriger, dans toute la mesure du possible, cette situation. Malheureusement, les conditions climatiques ont fait que toutes les communications nécessaires et les échanges de vues nécessaires pour mettre en place certaines modifications n'on pu avoir lieu au moment où je parle.

Cependant, au fur et à mesure des disponibilités à cet égard, nous pourrons aviser. J'aimerais toutefois donner quelques éléments de contexte aux collègues relativement à cette question de l'introduction de mesures administratives.

Le but de ces mesures a été d'assurer un contrôle plus adéquat sur une somme très considérable déboursée au titre de l'aide sociale dont l'importance peut s'évaluer à environ $100 millions, qui était, jusqu'à tout récemment, déboursée selon des procédures manuelles et sans l'intervention des autorités centrales de l'aide sociale.

Il en résultait une absence presque totale de contrôle sur une somme qui se chiffre, encore une fois, par environ 25 p.c. des déboursés totaux de l'aide sociale. Ces nouveaux mécanismes administratifs ont leurs aspects désagréables que nous essaierons de minimiser, mais j'aimerais également que l'on prenne note du fait que, grâce à ces contrôles, il a été possible, durant les derniers mois, de diminuer les déboursés de l'aide sociale en diminuant les cas de double emploi de bénéficiaires inscrits à plus d'un bureau local. L'ordre de grandeur de ces diminutions, à cause d'une meilleure administration, est de l'ordre de 3 p.c. à 4 p.c. de déboursés totaux qui, comme on le sait, se chiffrent par environ $400 millions.

Donc, la valeur, sur un plan strictement administratif, de ces nouvelles mesures a déjà été démontrée. Il demeure que nous sommes très conscients des difficultés qu'elles peuvent susciter pour certains individus et nous essaierons de les minimiser dans toute la mesure du possible.

M. LESSARD: Une question additionnelle, M. le Président. Malgré les informations que me donne le ministre, je voudrais savoir si le ministre a l'intention, avant d'adopter complètement ce système, en tout cas d'ici l'adoption de ce nouveau système, de permettre aux bureaux locaux du ministère des Affaires sociales d'émettre des chèques selon, justement, des procédures manuelles afin de permettre aux nouveaux bénéficiaires sociaux d'avoir leur chèque avant Noël?

M. FORGET: M. le Président, j'ai déjà répondu partiellement à cette question au moins en indiquant que toutes les mesures nécessaires pour diminuer l'impact négatif sur certains bénéficiaires de nouvelles mesures administratives seront employées. Il demeure que l'émission de chèques par des procédures manuelles, dans chaque bureau d'aide sociale, constitue précisément la difficulté que nous avons voulu corriger. Il s'agissait d'un montant de $100 millions par année qui était émis de cette façon et parfois aux mêmes bénéficiaires, dans plus d'un bureau.

Il est donc nécessaire que, si l'on revient à la procédure d'émission manuelle, cela ne peut se faire que pour un délai extrêmement limité dans le temps et qu'il faut s'attendre aussi à des doubles paiements dans certains cas.

M. LESSARD: Une question additionnelle et dernière question, M. le Président. Etant donné les procédures qui ont été appliquées par le ministère des Affaires sociales, est-ce que le ministre peut nous assurer et assurer aux députés de cette Chambre, qui doivent recevoir des appels téléphoniques, que les nouveaux

bénéficiaires sociaux ou certaines catégories de bénéficiaires sociaux recevront leur chèque avant le 25 décembre?

M. FORGET: M. le Président, je ne peux pas donner d'assurance à cet effet. Tout ce qu'il est possible de faire pour obtenir ce résultat sera fait mais il est évident que, dans les conditions actuelles et à quelques jours seulement de Noël, il est impossible d'assurer que tous les bénéficiaires nouveaux recevront leur chèque avant le 25.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

Projet de garderies populaires

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, ma question s'adresserait à l'honorable ministre des Affaires sociales. Je voudrais lui demander comment il peut concilier la réponse que m'a donnée hier le ministre d'Etat aux Affaires sociales au sujet des garderies, à l'effet que le Québec n'avait exercé aucun droit de veto, et la déclaration formelle faite à la Chambre des communes mardi dernier, par le ministre fédéral de la Santé, M. Lalonde, a l'effet, premièrement, qu'il y avait eu un arrangement de pris entre les deux gouvernements concernant les garderies d'enfants.

D'une part, qu'il y avait eu un arrangement, deuxièmement, que cet arrangement était à l'effet —je cite le ministre de la Santé, M. Lalonde pour être très clair — que le gouvernement fédéral n'approuverait pas des projets d'initiatives locales touchant aux garderies, à moins qu'il n'ait obtenu une garantie quelconque que ces projets seraient financés par l'administration provinciale à l'expiration du financement du programme d'initiatives locales.

Alors, la déclaration de l'honorable ministre de la Santé au fédéral indique clairement, d'une part, qu'il y a eu arrangement et qu'il y avait un droit de veto qui avait été exercé — la formule "à moins que" — par le Québec. Alors, comment concilier cette déclaration de l'honorable ministre de la Santé, M. Lalonde et la déclaration de l'honorable ministre d'Etat aux Affaires sociales, hier, que le Québec n'avait pas exercé son droit de veto concernant les garderies populaires?

M. FORGET: M. le Président, pour ce qui est de la réponse donnée hier, je ne crois pas qu'il faille discourir longuement. Il n'y a pas eu, au début de ce programme d'initiatives locales de droit de veto accordé aux provinces quant à l'initiative de ces projets et ce droit de veto n'existe pas non plus maintenant quant à leur continuation. Il est bien entendu que l'administration fédérale peut choisir d'interpréter un avis sur l'envergure d'un projet comme la liant, mais c'est une interprétation qu'elle choisit d'adopter librement et cela ne représente pas un pouvoir effectif de notre ministère ou du gouvernement du Québec quant à ces projets et quant à leur renouvellement. Ce qui s'est passé relativement aux garderies populaires a été précisément un échange de vues sur l'envergure des projets sur les effectifs engagés dans ces projets, mais non pas une indication imperative à l'administration fédérale d'en réduire l'envergure tout de suite ou encore moins d'en cesser le financement.

Pour ce qui est de l'entente à laquelle vous faites allusion, il y a une entente de faite quant à l'inscription de nouveaux projets.

Pour ce, qui est de la continuation des projets existants, la situation est telle que je l'ai indiqué dans ma première réponse.

M. BEDARD (Chicoutimi): Question supplémentaire. Est-ce que je dois déduire de la réponse de l'honorable ministre des Affaires sociales qu'il y a eu une erreur, en fait, d'expression de la part de l'honorable ministre de la Santé au niveau national concernant sa manière d'interpréter les arrangements ou les ententes ou les avis qu'il y aurait eu entre le fédéral et le provincial?

M. FORGET: M. le Président, à moins de prendre connaissance de la déclaration qui a été citée, je ne sais s'il s'agit d'une erreur d'interprétation du ministre Lalonde ou s'il s'agit d'une erreur d'interprétation de l'honorable député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je vous prêterai le texte avec plaisir.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

Avortement libre

M. SAMSON: M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable premier ministre. Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire s'il aurait reçu de l'Association des parents catholiques du Québec un mémoire faisant suite à une prise de position de cette association, accompagné d'une prise de position de 38 associations différentes qui regroupent 420,000 membres, à l'effet que ce groupe demande au gouvernement du Québec de prendre une position concernant la question de l'avortement libre? Est-ce que le premier ministre peut nous dire s'il a reçu cette lettre, s'il y a donné suite. Est-ce que le premier ministre peut informer cette Chambre de la position que le gouvernement prend ou prendra concernant cette question?

M. BOURASSA: M. le Président, je me souviens d'avoir reçu des représentations durant la campagne électorale sur cette question. Si ma mémoire est bonne, ma réponse avait été que,

d'abord, l'ancien ministre des Affaires sociales avait déjà exprimé le point de vue du gouvernement sur cette question et que, deuxièmement, c'était de juridiction fédérale.

M. SAMSON: M. le Président, est-ce que...

M. BOURASSA: Quant à l'association en question, il faudrait que je vérifie; je me souviens d'avoir, durant la campagne électorale, reçu des représentations et c'était, je crois, le sens de ma réponse ou, si ce n'est pas le sens, je vous le donne ce matin.

M. SAMSON: Oui, M. le Président, pour l'information du premier ministre, c'est le même groupe qui a communiqué avec vous pendant la campagne électorale et qui l'a fait de nouveau en décembre dernier. Puisqu'il vient de faire allusion à une prise de position de l'ancien ministre des Affaires sociales, le premier ministre peut-il assurer cette Chambre que la position du gouvernement est exactement la même que celle énoncée précédemment par l'ancien ministre des Affaires sociales, c'est-à-dire que le gouvernement est contre l'avortement libre au Québec?

En même temps, est-ce que le premier ministre ou peut-être le ministre des Affaires sociales pourrait nous dire, s'il est vrai que la Régie de l'assurance-maladie continuerait toujours de payer pour des frais d'avortement à l'extérieur du Québec, c'est-à-dire dans l'Etat de New York?

M. BOURASSA: M. le Président, à la première question, à ce moment-là, l'ancien ministre parlait au nom du gouvernement et la position n'est pas changée; quant à la deuxième question, j'aimerais vérifier, M. le Président.

M. SAMSON: M. le Président, le ministre des Affaires sociales pourrait nous donner peut-être la réponse là-dessus?

M. FORGET: Tous les résidants du Québec sont assurés, relativement aux services hospitaliers qu'ils reçoivent à l'extérieur du Québec, du remboursement, dans les cas électifs, d'un maximum de $25 par jour. Cette réglementation n'a pas été changée. Pour ce qui est des services médicaux reçus à l'extérieur du Québec, comme on le sait, la régie fait dans tous les cas, où, évidemment, la légalité de la procédure ne peut pas être mise en doute à sa face même, le remboursement, aux taux versés aux médecins du Québec, des procédures effectuées ou dont a bénéficié un résidant du Québec à l'extérieur du pays.

M. SAMSON: Une question supplémentaire, M. le Président, est-ce que le ministre ne pourrait pas être un peu plus clair dans sa réponse et nous dire si la régie de l'assurance-maladie rembourse effectivement les frais pour avortement à l'extérieur du Québec, c'est-à-dire dans l'Etat de New York? Si oui, puisque l'ancien ministre nous avait déjà dit que ça ne se faisait pas, et si ça se fait présentement, est-ce que le ministre peut nous dire s'il entend proposer des changements à cette réglementation, pour qu'à l'avenir ça ne se fasse plus?

M. FORGET: Je prends avis de la question du député de Rouyn-Noranda, M. le Président.

LE PRESIDENT: Le chef de l'Opposition officielle.

Exploitation de la mine Home

M. MORIN: M. le Président, permettez-moi de poser une question au ministre des Richesses naturelles. Le vice-président de la Société No-randa Mines, M. Brissenden, déclarait le 10 décembre dernier, lors de l'assemblée annuelle de la Corporation des ingénieurs du Nord-Ouest, que la durée à venir de l'exploitation de la mine de cuivre Horne se mesurait maintenant "en termes de mois". Je crois également qu'il a ajouté que, d'après les prévisions, il ne resterait en septembre 1974 qu'un tonnage minime de minerai à faible teneur dans cette mine. Le ministre peut-il nous dire quelles sont les mesures envisagées par son ministère en vue de temporiser au maximum ou d'atténuer au maximum les effets sur la population locale de l'arrêt de l'exportation d'un des plus importants gisements du Nord-Ouest québécois?

M. MASSE: En effet, depuis quelque temps, les autorités de la mine Noranda ont l'intention, parce que la teneur du minerai n'est plus assez élevée et que les réserves s'épuisent, de mettre fin à l'exploitation de la mine Horne. En tant que ministre des Richesses naturelles, évidemment, je suis concerné et, lorsqu'arrive l'annonce de fermetures semblables, les moyens à mettre en place pour remédier à cette situation sont à peu près inexistants. Les gisements qui sont commercialement exploitables le sont lors de leur découverte et nous n'avons pas de banque de gîtes minéraux qui pourraient être exploités en remplacement. Je dois souligner qu'actuellement, dans les mines du Nord-Ouest et de la Côte-Nord, il manque énormément de main-d'oeuvre et cela se chiffre par plusieurs centaines de mille mineurs qu'on recherche actuellement pour répondre à la demande.

M. SAMSON: Supplémentaire, M. le Président.

M.MORIN: Une question supplémentaire, s'il vous pi art.

LE PRESIDENT: Oui.

M. MORIN: Puisqu'il en est ainsi, est-ce que

le ministre prévoit l'établissement d'un programme, aussi vaste que nécessaire, de recyclage, par exemple, pour les mineurs et de primes à la mobilité aussi? Je veux bien croire qu'il existe une demande, mais cela n'est pas toujours le même genre de mine et cela n'est pas toujours, non plus, au même endroit. Est-ce que le ministère a prévu, peut-être, aussi des indemnités spéciales pour les mineurs de la Noranda?

M. MASSE: Sur ces questions, nous avons à travailler avec le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre et, comme dans les cas de fermetures survenus depuis 1970, nous avons l'intention de ne rien négliger pour tenter d'assurer le remplacement et aussi pour éviter les tracas que cela peut causer à ces travaillants.

M. MORIN: Une question supplémentaire encore, M. le Président.

M. SAMSON: Une question additionnelle.

LE PRESIDENT: Oui. L'honorable chef de l'Opposition et...

M. MORIN: Je sais que cela intéresse fortement mon collègue.

LE PRESIDENT: ... après, le député de Rouyn-Noranda.

M.MORIN: Je pourrai revenir par la suite, parce que c'est un problème humain assez complexe. Est-ce que le ministre entend prendre, avec quelques-uns de ses collègues ou seul, des mesures particulières en vue de s'assurer que les 950 travailleurs de l'usine de "smeltage" — je ne parle pas de la mine; je parle de l'usine de "smeltage" de la compagnie — puissent conserver leur emploi? Le ministre sait peut-être que d'autres mines font effectuer le traitement primaire du cuivre à l'usine de Rouyn.

M. MASSE: Selon mes informations, il n'est pas du tout question de réduire les activités de cette usine parce que le minerai traité provient de l'extérieur de l'Ontario surtout.

M. SAMSON: Est-ce que le ministre pourrait nous dire si, quant à ce sujet, il a eu des discussions avec les autorités de la Noranda Mines et s'il n'aurait pas eu dans ces discussions une communication à l'effet que, lorsque ces réserves seront épuisées, la fonderie qui est actuellement en construction pourra donner des emplois pour compenser pour ceux qui seront perdus, quand les réserves seront épuisées et que cette fonderie sera en activité très bientôt? Est-ce que le ministre peut nous dire s'il n'aurait pas reçu aussi des informations à l'effet que Noranda Mines pourrait exploiter des gisements qui lui appartiennent et qui sont situés à proximité de Noranda? Sinon, est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il accepterait d'en discuter avec les autorités de Noranda Mines aux fins de leur demander d'envisager l'exploitation, à une courte échéance, des gisements qui sont là, existants, à proximité et qui appartiennent effectivement à Noranda Mines?

M. MASSE: M. le Président, je pense que le député de Rouyn-Noranda a déjà soulevé cette question en Chambre, dans l'ancien Parlement. J'ai la même réponse. Selon nos informations, nos statistiques, il n'existerait pas d'autres gîtes commercialement exploitables actuellement. Maintenant, je prends avis de la question, quitte à voir, depuis le temps que la question avait été posée, s'il y a eu des développements dans ce sens. Quant aux travailleurs de la mine qui pourraient être employés à la nouvelle raffinerie, il semble que ce soit possible, mais pour une petite quantité des mineurs actuels.

M. MORIN: Une question supplémentaire, M. le Président. Le ministre nous dit qu'il a des renseignements, à l'effet qu'il n'y a pas de minerai autour de cette mine qui va fermer. Enfin, c'est ce que j'ai cru comprendre. J'aimerais savoir si le ministre tient ces renseignements de la société minière ou bien s'il a ses propres sources de renseignements autonomes. Tout le monde sait que ça fait plusieurs années, d'année en année, que la compagnie annonce qu'elle va fermer ses portes; cela rend beaucoup plus facile la négociation des conventions collectives avec les pauvres mineurs.

M. MASSE: M. le Président, quant aux informations que nous avons, ce sont nos moyens, nos propres sources qui me permettent de donner la réponse au député de Rouyn-Noranda. Le député de Rouyn-Noranda faisait mention que cette compagnie Noranda Mines posséderait un territoire qui serait commercialement rentable. C'est le sens de la question du député de Rouyn-Noranda. Je lui ai dit que selon nos informations cette compagnie ne posséderait pas de terrains qui soient prometteurs en termes de rentabilité.

M. BURNS: M. le Président, une question additionnelle. C'est la dernière quant à moi.

M. SAMSON: Est-ce que le ministre pourrait nous dire...

M. BURNS: Oui, je vais le laisser aller...

M. SAMSON: Est-ce que le ministre pourrait nous dire si, selon ces mêmes informations, il n'y aurait pas de compagnies filiales de la Noranda qui posséderaient des territoires commercialement rentables, à proximité de l'exploitation de Home?

M. MASSE : M. le Président, je prends avis de la question, quitte à répondre, si possible, demain.

M. BURNS: Dernière question supplémentaire, M. le Président. Pendant qu'on est sur le sujet, est-ce que le ministre serait en mesure de rapporter à la Chambre où en est rendu le projet de fonds miniers qui semblent avoir été réclamés à grands cris par les gens de la région d'Abitibi?

M. MASSE: M. le Président, c'est une question, évidemment, qui relève davantage de mon collègue du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Je prends également avis de la question. Je ne sais pas si le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre a poursuivi, depuis un an, les discussions ou les travaux sur cette question.

LE PRESIDENT: Deux courtes questions, l'honorable député de Lafontaine et l'honorable député de Beauce-Sud.

Limites de comtés

M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports. Le ministre pourrait-il nous dire quand son ministère a l'intention de changer les panneaux routiers indiquant les limites de comtés et les faire correspondre aux nouveaux comtés? Je ne parle pas des conseils de comté mais des comtés électoraux. Egalement, pourquoi le ministre n'a-t-il pas entrepris ce changement au mois d'août, ce qui aurait permis aux électeurs de se familiariser davantage avec les nouveaux comtés?

Finalement, est-ce que le ministre, pour accomplir tout ensemble le travail, a l'intention de disposer ces panneaux indicateurs également dans les. grandes municipalités où il y a plusieurs comtés, comme Laval, Montréal, Québec, Sherbrooke?

M. MAILLOUX: M. le Président, comme il y a plusieurs ministères d'impliqués dans la question que pose l'honorable député de Lafontaine, je voudrais prendre toutes les informations pertinentes pour ne pas mal informer la Chambre. Mais depuis la nouvelle carte électorale et depuis le phénomène où nous avons rattaché des comtés à plusieurs divisions, l'étude est en train d'être complétée. Je pense que dans les jours prochains, si ce n'est pas en Chambre, nous pourrons informer valablement le public du moment où il sera possible de donner suite à la question que pose le député de Lafontaine.

Quant à la deuxième partie de sa question, je ne l'ai pas entendue.

M. LEGER: La deuxième partie, c'est simplement ceci : Dans les villes, où il y a plusieurs comtés, comme Laval, Montréal, Québec, Sherbrooke, est-ce que vous avez l'intention d'établir des panneaux pour que les citoyens sachent dans quel comté ils sont? Il y a plusieurs citoyens qui ne savent pas dans quel comté ils se trouvent.

M. MAILLOUX: J'informerai le député dans le même laps de temps.

LE PRESIDENT: Dernière question, l'honorable député de Beauce-Sud.

Exportations de bois

M. ROY: Ma question s'adresse à l'honorable ministre des Terres et Forêts. Est-ce que l'honorable ministre des Terres et Forêts pourrait nous dire s'il a reçu des informations de l'Etat du Maine voulant que cet Etat s'apprêterait à contingenter les exportations de bois pour alimenter les usines du Québec, sises près de la frontière américaine, à cause de la crise de l'énergie? Est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il a reçu des informations à ce sujet?

M. DRUMMOND: Je n'ai reçu aucune information à cet égard, M. le Président.

M. ROY: M. le Président, devant l'inquiétude des industriels, sis près de la frontière américaine, est-ce que le ministre pourrait se renseigner, vérifier les faits de façon à pouvoir donner des informations demain, en Chambre, en vue de rassurer nos industriels sur ces rumeurs, qui sont peut-être vraies ou peut-être fausses? Quand même, il faut faire le point de la situation de façon que l'on puisse informer ces gens de la meilleure façon possible.

M. DRUMMOND: M. le Président, je vais m'informer de cette situation.

LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. LEVESQUE: Dépôt de documents, M. le Président, de consentement.

LE PRESIDENT: Dépôt de documents.

DEPOT DE DOCUMENTS

Régie de l'électricité et du gaz

M. MASSE: Merci M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel de la Régie de l'électricité du gaz pour l'exercice financier 1972/73.

M. LEVESQUE: M. le Président, article 19).

Etude du rapport de la commission sur le projet de loi no 8 (suite)

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: Merci, M. le Président. Lorsque nous avons ajourné nos travaux, hier soir, j'étais à vous signaler, parfaitement régulièrement...

M. ROY: M. le Président, sur une question de règlement, j'aurais une directive à vous demander.

En vertu de notre règlement, l'année dernière et l'année qui a précédé, la première année où nous avons expérimenté notre règlement, il avait été entendu que lors du dépôt du rapport, nous aurions un certain temps pour apporter des amendements au rapport et qu'il y aurait un débat, par la suite, concernant les amendements qui seraient soumis.

Je ne veux pas du tout brimer les droits de l'honorable député de Saint-Jacques, mais j'aimerais savoir si la décision qui a été prise sera définitive et si elle pourra s'appliquer à d'autres lois. Est-ce que, par la suite, on pourra discuter sur le rapport pendant tout le temps que le règlement le permettra, même s'il n'y a pas eu d'amendement d'apporté aux différents articles de la loi?

Je pense, M. le Président, que nous nous étions toujours limités à discuter des amendements qui étaient apportés par différents partis politiques et il y a une disposition, dans le règlement, qui veut qu'il y ait une réunion des leaders et qu'on informe, en quelque sorte, pour qu'il y ait un certain partage du temps.

J'aimerais, M. le Président, que si on procède d'une façon devant l'étude de ce projet de loi et devant l'étude de ce rapport, que les mêmes dispositions, la même procédure, la même jurisprudence puissent s'appliquer à d'autres projets de loi.

LE PRESIDENT: Je crois qu'en aucune façon nous n'avons dérogé à l'usage et à la coutume qui a été établie depuis l'adoption du nouveau règlement.

Ce que le règlement dit, à l'article 123, c'est que le jour du dépôt du rapport, il y a un délai jusqu'à 22 heures, je crois, pour les députés qui désirent apporter des amendements aux articles ou au rapport. En somme, je pense bien que le projet de loi fait partie du rapport.

Mon opinion, c'est qu'il y ait amendement ou non, il y a débat. Quelle est la pertinence du débat à ce stade de la procédure? Je crois que c'est sur le rapport lui-même, sur le travail qui a été exécuté en commission et également sur les articles du projet de loi. Etant donné que c'est une motion de forme, c'est le droit de parole qui s'applique : 30 minutes pour un chef de parti et un droit de parole de dix minutes par député sur le rapport global.

Cela a toujours été la directive que j'ai donnée, je crois.

M. ROY: Si je me réfère au sous-article 4 de l'article 123, on y lit: "Le président décide de la recevabilité des amendements et les choisit pour en éviter la répétition. Us sont ensuite ajoutés en annexe au rapport, suivant l'ordre fixé par le président et le secrétaire en transmet sans délai une copie à chacun des leaders parlementaires des partis reconnus".

Au sous-article 5 de l'article 123, on dit: "Avant la prise en considération du rapport, le président peut convoquer — il n'est pas obligé — les leaders parlementaires des partis reconnus pour les consulter sur l'organisation du débat et la mise aux voix des amendements".

Il est toujours question des amendements, M. le Président. Et si je me réfère aux discussions qui ont prévalu lorsqu'il a été question de ce rapport, c'était toujours en fonction des amendements qui pouvaient être apportés par les différents partis politiques. Il n'en avait jamais été question et je pense que c'est la première fois que nous discutons d'un rapport comme tel alors qu'il n'y a pas d'amendement de proposé. Il n'y a pas eu de précédent de créé à ce sujet depuis que le nouveau règlement est adopté, à l'Assemblée nationale.

LE PRESIDENT: Pour répondre à votre deuxième intervention, on voit, au sous-article 4 que "Le président décide de la recevabilité des amendements et les choisit pour en éviter la répétition". C'est dans le cas où effectivement il y a des amendements. Il peut y avoir quatre ou cinq amendements présentés par des membres différents et qui peuvent, dans l'étude qu'on en fait, porter sur le même sujet. C'est là que le président intervient pour les grouper ou pour en éliminer trois pour en garder un, au lieu d'avoir quatre amendements identiques au rapport, qui viennent de quatre députés différents. C'est en ce qui concerne le sous-article 4.

Actuellement, je n'ai pas eu à choisir ou à décider de la recevabilité, car il n'y a pas d'amendement. Nécessairement, je n'en ai pas transmis de copie au leader parlementaire, n'en ayant pas.

Cinquièmement, il peut y avoir, à un certain moment, sur des projets de loi très importants peut-être quarante ou cinquante amendements. C'est arrivé, en l'occurrence, sur le projet de loi de la division territoriale. Lorsqu'il y a une masse d'amendements, c'est là que le président intervient pour organiser le débat dans un sens, pour convenir avec les leaders parlementaires, s'il y a lieu, comment se déroulera le débat, quels députés interviendront, et dans quel ordre, et à quel moment le ministre désire répondre à un bloc d'amendements, parce que le ministre peut intervenir plus d'une fois dans le débat. Personnellement, tout me parait assez clair. Je ne me rappelle pas, en dernière partie, s'il y a déjà eu un débat sur un rapport où il n'y a pas eu d'amendement. Je ne m'en souviens pas, mais je ne pense pas que cela élimine le débat, de toute façon.

M. SAMSON: M. le Président, pour bien vous comprendre — parce qu'évidemment on veut le savoir pour l'avenir aussi — nous comprenons qu'aujourd'hui, sur cette question, il n'y a pas d'amendement de déposé.

LE PRESIDENT: II n'y a pas d'amendement.

M. SAMSON: Cela veut dire que le débat que nous pourrions avoir sur ce sujet donne le droit de parole à tous les membres de cette Chambre, comme si c'était une motion ordinaire, une motion de fond.

LE PRESIDENT: C'est sur une motion de forme.

M. SAMSON: Une motion de forme.

LE PRESIDENT: Chaque député a droit à 10 minutes, sauf ceux qui ont des droits de parole plus longs. Règle générale, pour ceux qui ont des droits de parole d'une heure, ce droit est réduit à une demi-heure. Pour les députés qui normalement ont un droit de parole de 20 minutes il est réduit à 10 minutes sur une motion de forme, sauf que, si le député de Saint-Jacques parle au nom de son parti, il a droit à une demi-heure.

M. SAMSON: Cela voudrait dire...

M. LEVESQUE: Est-ce qu'on peut changer de représentant du parti dans un même projet de loi?

LE PRESIDENT: On en a discuté hier. Sans établir de précédent, je sais qu'hier on en a discuté avec les officiers de la Chambre. C'est une étape différente, mais je ne voudrais pas établir un précédent.

M. BURNS: M. le Président, il est arrivé dans le passé que vous ayez accepté que le représentant du parti en deuxième lecture ne soit pas le même en troisième lecture. Je peux vous citer, entre autres, le projet de loi en matière de travail où je parlais au nom du chef en deuxième lecture et je me rappelle que l'ex-député de Gouin, M. Guy Joron, avait parlé au nom du parti en troisième lecture. Je vous cite en particulier le cas du projet de loi no 19, forçant le retour au travail des employés de la fonction publique.

LE PRESIDENT: Je vais vérifier les exemples que vous mentionnez. Voulez-vous en prendre note, s'il vous plaît?

M. SAMSON: Je m'excuse, peut-être que je n'ai pas compris complètement le fond de votre pensée. Cela voudrait dire que tout rapport qui nous est présenté, après une commission, peut amener un débat, peut nous amener à faire des griefs et, ensuite, qu'il y a la troisième lecture.

Autrement dit, ce sont deux débats à la suite de la deuxième lecture qui sont possibles en vertu de la décision dont vous nous faites part ce matin.

LE PRESIDENT: Ce sont deux étapes. La Chambre ici, lors de la considération du rapport, homologue ou ratifie ou modifie ce qu'un démembrement de l'Assemblée a fait, ce qui s'appelle une commission. C'est dans le sens que la commission n'a pas un pouvoir terminal, ça doit être homologué, ratifié par la Chambre à l'étape de l'étude en commission, ce qui se fait actuellement, et, après, en troisième lecture. L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, j'espère que ces innombrales questions de règlement ne comptent pas sur le temps de parole que j'avais. Il me reste quelque chose comme 25 minutes depuis hier soir. Dans les cinq premières minutes de cette intervention hier soir, j'avais à peine eu le temps d'exprimer à la Chambre la surprise que l'Opposition officielle, et par là la population du Québec, peut certainement avoir de voir ce gouvernement, au moment où nous revenons, après avoir abandonné une motion privilégiée longtemps débattue, sur les travaux réguliers de la Chambre, de voir le leader du gouvernement préférer, parmi tous les projets de loi qui sont au feuilleton, le plus contesté de tous, le plus réprouvé de tous, le plus regretté de tous, le projet de loi 8.

J'ai le droit de dire — et je le signale immédiatement à l'intention du député de Bonaventure qui pourrait essayer de m'interrompre — au cours de cette intervention comment je trouve anormal et indécent que ce rapport de la commission sur lequel nous discutons ait été appelé à ce moment-ci de nos travaux. Cela peut être la première remarque...

M. LEVESQUE : J'invoque le privilège.

M. CHARRON: ... que j'ai à faire sur le rapport de cette commission.

M. LEVESQUE: Question de privilège. LE PRESIDENT: Question de privilège.

M. LEVESQUE: M. le Président, notre règlement prévoit que le leader du gouvernement peut appeler les articles qu'il a à l'ordre du jour dans l'ordre qu'il choisit de le faire. M. le Président, il n'y a rien dans cet ordre du jour qui soit illégitime, illégal, odieux, honteux ou quoi que ce soit. Il s'agit là de législation qui sera "the law of the land" dans quelques minutes ou dans quelques heures et je ne crois pas que ma conduite ainsi qualifiée soit de nature à vous inciter à dire qu'il s'agit là de quelque chose que l'on peut réprouver. Je ne crois pas, autrement dit, M. le Président, que le choix que je fais des articles à l'ordre du jour puisse permettre au député de Saint-Jacques de m'en faire un reproche, ou de dire que je posais un geste que l'on qualifie comme on vient de le faire. Il s'agit là d'un droit que j'exerce d'autant plus que j'ai eu la précaution et la courtoisie habituelle d'en discuter avec mon homologue, le leader parlementaire de l'Opposition officielle. J'ai même offert au leader parlementaire de

l'Opposition officielle de déterminer avec moi l'ordre des travaux pour aujourd'hui, je lui ai même offert cela. Non pas ah! oui, M. le Président. Je l'ai invité à le faire et à indiquer ses préférences afin justement...

M. LESSARD: Une question de privilège, M. le Président.

M. LEVESQUE: ... d'accommoder l'Opposition. Je trouve absolument injuste... Et pendant que je parle, le député, même s'il est assis, ne devrait pas parler...

M. LESSARD: M. le Président, une question de règlement.

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. LESSARD: M. le Président, question de règlement.

LE PRESIDENT: Question de règlement.

M. LESSARD: Question de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT: Question de règlement.

M. LESSARD: Sur la question de règlement, M. le Président. D'abord, la question de privilège est terminée. Deuxième chose, M. le Président, on sait...

LE PRESIDENT: Non, pas nécessairement.

M. LEVESQUE: Est-ce qu'il...

M. LESSARD: Bien, en tout cas...

LE PRESIDENT: C'est moi qui dois décider.

M. LESSARD: D'accord, M. le Président, mais ce qu'il dit, ce n'est plus une question de privilège.

LE PRESIDENT: Bon!

M. LESSARD: Deuxièmement, M. le Président, on reconnaît qu'il appartient au leader du gouvernement de décider quel projet de loi sera appelé puisque c'est lui qui a l'initiative parlementaire. Mais, par exemple, ceci permet aussi au député de Saint-Jacques de se scandaliser devant le fait d'apporter un projet de loi comme celui-là, extrêmement contesté. Vas-y.

Le PRESIDENT: Allez-y.

M. CHARRON: M. le Président, je crois que la nervosité du leader du gouvernement vient de me donner une raison. Je n'aurai pas besoin d'insister plus longuement là-dessus. On est même prêt du côté du gouvernement à faire des pirouettes de règlement et de privilège, pour couvrir une fois de plus le geste qui a été fait, lorsque le leader du gouvernement vous a demandé d'appeler l'étude du rapport de la commission sur le projet de loi no 8.

Parce qu'ils ont raison d'être nerveux. Qu'est ce rapport de la commission qui a étudié le projet de loi no 8 qui est préféré à tous les autres articles au feuilleton et sur lequel j'ai à intervenir ce matin? Je vais vous le dire, M. le Président. C'est d'abord un rapport illégal, depuis le début jusqu'à la fin. Il est porteur d'une fausse unanimité d'une commission qui n'a eu qu'un début de séance et qui n'a jamais été achevée régulièrement.

Qu'est-ce que ce rapport? C'est le consensus honteux d'une commission parlementaire unanime, et j'aurai l'occasion de vous le décrire tout à l'heure, sur un projet de loi dont l'objectif principal et le résultat principal seront, s'il est adopté par la Chambre, de gratifier une catégorie de privilégiés dans la société québécoise, de gens qui déjà du poste qu'ils occupent, peuvent bénéficier d'un revenu annuel garanti de $28,000 par année. Et l'objet du projet de loi que nous avons en discussion présentement et dont nous étudions le rapport des travaux de la commission est d'ajouter à ce revenu $5,000 par année, soit $100 d'augmentation par semaine, M. le Président.

Je dis que ce rapport est irrégulier, parce que la commission parlementaire n'avait reçu ordre de siéger que le 14 décembre dernier et il y a eu effectivement séance de la commission parlementaire de la justice le 14 décembre dernier, selon les ordres de la Chambre, jusqu'à minuit le soir. Où en étaient les travaux, M. le Président, lorsqu'à minuit on s'est arrêté? La commission n'avait même pas pu s'entendre sur l'adoption de l'article de ce projet de loi, au moment où le travail régulier de la commission a pris fin sous le coup de minuit.

On avait eu toute la difficulté du monde, et le rapport n'en fait aucunement mention, à trouver un rapporteur qui soit le minimum qualifié, pour informer la Chambre sur le contenu qui s'annonçait déjà comme houleux des discussions qui devaient avoir lieu au sujet de ce projet de loi. Parce que vous le saviez, depuis la discussion en deuxième lecture, l'Opposition officielle s'était engagée ici, mandatée qu'elle était par le congrès de son parti, à faire flèche de tout bois contre un projet de loi aussi indécent qui nous arrive à un moment où le ministre des Affaires sociales nous parle d'un rajustement des barèmes de l'aide sociale, suite à une augmentation des allocations familiales.

Nous avions le droit ici et nous avions exprimé notre intention, il n'était aucunement question que le rapport soit aussi unanime que celui qui vous a été faussement présenté mardi dernier, M. le Président. Nous avions l'intention de mener une bataille ardue et c'est exactement pourquoi nous avons fait énormément attention lors de l'étude de ce projet de loi en commission, à ce que le rapporteur qui allait informer

la Chambre des travaux de la commission, le fasse le plus fidèlement possible. Il ne fallait pas que la Chambre soit informée d'une fausse unanimité.

Or, c'est le cas, M. le Président. Le rapport que le jeune député de Portneuf a déposé sur la table de cette Assemblée mardi dernier porte en lui une fausse unanimité. Laissez-moi vous informer où en étaient nos travaux lorsque les heures régulières de la commission se sont terminées. Nous venions à peine de nous entendre, parce que là, nous avions choisi le rapporteur dans les formes, c'est-à-dire suite à une motion.

Nous avions voté sur une motion présentée par le ministre de la Justice. Quand je dis nous, M. le Président, je parle au nom de l'Opposition officielle, puisque je n'en étais pas membre en règle et qu'on m'avait bien exclu des travaux de la commission, mais je dis, le député de Maisonneuve et le chef de l'Opposition, député de Sauvé venaient de voter contre une motion du ministre de la Justice, présentant un député d'arrière-ban comme rapporteur de cette commission et la motion avait été adoptée.

C'est tout ce qu'il y a de régulier dans la commission. En fait, ce que le rapporteur aurait dû vous rapporter, c'est que la commission avait mis énormément de temps à s'entendre sur les qualités de ce rapporteur, sur sa compétence et sur sa qualification pour être celui qui devait informer la Chambre d'un débat aussi houleux que celui-là.

Mais lorsque la séance a pris fin, sans qu'une motion d'ajournement n'ait été adoptée et en attendant qu'un ordre de la Chambre nous convoque à nouveau pour nous pencher sur l'article 1 de ce projet de loi, qui n'avait fait en aucun temps l'objet de discussions en commission, il y a eu dans l'intervalle, entre la fin des travaux de la commission et ce rapport qu'a déposé un député sur cette table mardi dernier, un caucus libéral qui en a été l'équivalent et qui a justifié comme étant une réunion régulière la réunion de la commission parlementaire de la justice dont nous étudions maintenant ce rapport.

Laissez-moi vous dire comment il faut informer la population d'un projet de loi, aussi discuté et discutable, qui augmente de $5,000 par année le salaire d'une catégorie de professionnels qui en font $28,000. Cela, M. le Président, au moment où un journal de ce matin nous informe, par exemple, de ces statistiques, que tous les députés libéraux auront à expliquer dans leur comté au cours de l'ajournement des Fêtes, voulant que parmi la catégorie de population qui gagne $15,000 et plus au Québec — et il faut là-dessus compter les honorables membres de cette Chambre — parmi les gens qui gagnent $15,000 et plus par année au Québec, dis-je, on ne compte que 15 p.c. de francophones. C'est la situation actuelle de l'échelle des revenus et de l'échelle des salaires.

Ce projet de loi qui vise à favoriser davantage des gens qui sont déjà au sein des privilégiés, savez-vous comment il a été adopté? Savez-vous quelles discussions intelligentes, quelles questions sérieuses se sont posées les membres de la commission parlementaire réunis illégalement samedi dernier? Savez-vous combien les députés libéraux ont mis de temps à s'interroger sur le bien-fondé d'une nouvelle augmentation de salaire pour des gens aussi privilégiés que le sont les juges dans l'échelle des revenus? Savez-vous quel a été le degré de préoccupation sociale des honorables membres de cette commission samedi dernier? Savez-vous pendant combien de temps les députés libéraux se sont posé des questions sur le mandat que leur avait donné leurs électeurs d'augmenter de $5,000 le salaire des juges qui en faisaient déjà $28,000? Savez-vous combien de questions se sont posées ces membres de la commission quand il s'agissait d'ajouter $100 d'augmentation alors que ce même parti l'avait refusé comme salaire à des employés des secteurs public et parapublic en 1972? Savez-vous quel a été le degré d'interrogation dans cette commission, alors qu'en 1969, sur un projet de loi présenté par l'Union Nationale, le ministre roseau du cabinet, le député d'Arcy-McGee, avait exprimé ses craintes, le député de Fabre avait exprimé ses craintes, mon excellent ami, le député de Huntingdon, avait voté contre l'augmentation du salaire des juges, disant qu'à $23,000, c'était déjà suffisant en 1969? Eh bien, toutes ces tergiversations qui avaient au moins marqué un peu d'hésitation dans un caucus qui n'avait quand même pas le poids, la taille et l'énormité de celui qui nous entoure, savez-vous jusqu'à quel degré elles sont réapparues au moment où ces honorables membres réunis illégalement samedi dernier avaient à se pencher sur le projet de loi no 8?

Je vais vous dire, M. le Président, le degré de conscience sociale, le degré d'interrogation qui existent chez les députés libéraux en vous faisant, à la lettre, lecture de la transcription du caucus libéral de samedi dernier, qui a tenu lieu de commission parlementaire de la justice et dont un député d'arrière-ban vous a fait rapport et sur lequel j'interviens présentement.

Le président, qui est le vice-président de la Chambre, M. Lamontagne, dit: L'honorable ministre de la Justice. Et, immédiatement, le ministre de la Justice prend la parole et dit: M. le Président, je propose qu'on passe à l'étude de tous les articles du bill, projet de loi no 8, Loi modifiant de nouveau la Loi des tribunaux judiciaires. C'est le titre, mais en fait pour les citoyens c'est loi augmentant le salaire des juges — qui est déjà de $28,0000— de $5,000 par année. Et il dit du même souffle, le ministre de la Justice, député d'Outremont: Article 1. Et la transcription nous dit: Des voix — ça c'est le coeur des "backbenchers" — on appelle ça des voix au journal des Débats. Des voix disent: Adopté. Le président, M. Lamontagne: Article

2. Des voix: Adopté. Le président, M. Lamonta-gne: Article 3. Des voix: Adopté — toujours les mêmes voix. Le président, M. Lamontagne: Article 4. M. Choquette répond au nom du caucus: Adopté. Il faut voir que l'article 4 a été adopté par M. Choquette. Le président, M. Lamontagne, dit: Article 5. Des voix disent: Adopté. Le président, M. Lamontagne, appelle l'article 6. M. Choquette, lui, adopte l'article 6. Le président, M. Lamontagne, dit: Article 7. C'est M. Choquette qui l'adopte. Le président, M. Lamontagne, dit: Article 8. Cette fois, ce sont les "backbenchers", des voix qui disent: Adopté. Le président, M. Lamontagne, appelle l'article 9. M. Choquette adopte l'article 9. Le président, M. Lamontagne, dit: Article 10, et c'est encore M. Choquette qui dit: Adopté. Et immédiatement il enchaîne: "Ceci termine l'essentiel des travaux de la commission. Je voudrais féliciter ici les députés présents pour leur sens de la coopération et pour leur esprit de collaboration dans l'étude de ce projet de loi. Je suis sûr..."

J'admets, M. le Président, que les députés d'arrière-ban réagissent, ce matin, parce que cette scène vaut vraiment le prix du Grand Théâtre à la fin. Je crois bien que le ministre des Affaires culturelles pourra désormais mettre comme candidat sur sa liste de prix littéraires le député d'Outremont.

Et il termine, M. le Président: "Je suis sûr que notre rapporteur, le député de Portneuf, fera un rapport tout à fait approprié quant aux..."

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre!

M. CHARRON: Oui.

M. HARDY: Je veux rectifier. S'il y avait un prix à créer dans le sens que le député de Saint-Jacques vient de le dire, ce serait le prix du courage politique.

M. CHARRON: M. le Président, après avoir entendu le "backbencher" de Terrebonne, je reviens. "Je suis sûr, disait le député d'Outremont, que notre rapporteur, le député de Portneuf, fera un rapport tout à fait approprié quant aux travaux de la commission. M. le Président, est-ce qu'il faut faire une motion quelconque. Disait-il, faisant encore preuve de son ignorance crasse du règlement, après avoir manipulé le président de la commission, tout au long des travaux. "Est-ce qu'il faut maintenant faire une motion quelconque pour proposer que vous fassiez rapport à la commission"? Le président a dit: "Oui". Alors le ministre a dit: "Je fais une telle motion, M. le Président. Est-elle adopté"? Des voix: "Adopté".

Dans ce caucus libéral, c'est ça le degré de conscience sociale, c'est ça le degré d'interrogations que se sont posées les députés libéraux, lorsqu'il s'agissait d'augmenter le salaire des juges de $5,000 par année. Mais vous, M. le Président, sans en faire partie, vous êtes quand même au courant de ce qui s'est passé dans ce même caucus libéral, où on a discuté, où on a épluché une réforme aussi importante que celle qui concerne 80 p.c. des Québécois, celle des locataires, et que nous a présentée le ministre de la Justice. Dans les rapports sur ces projets de loi, ne trouvez-vous pas, M. le Président, qu'il existe une indécente différence entre les deux? Avez-vous vu comment ce parti est ridiculement unanime, lorsqu'il s'agit de protéger des privilégiés? Avez-vous vu comment ce parti est grotesque et ridicule, lorsqu'il s'agit de favoriser des gens qui l'ont déjà été par ce régime, de récompenser les gens qui, dans notre échelle sociale, se trouvent déjà parmi la catégorie qui bénéficie le plus de facilités.

Mais avez-vous vu, lorsqu'il s'agit de penser à la majorité des Québécois, qui, aujourd'hui, j'en suis convaincu, sont derrière l'Opposition officielle contre un projet de loi aussi dégoûtant, présenté quatre jours avant Noël, comment disparaît automatiquement cette unanimité lorsqu'il s'agit de protéger l'ensemble des Québécois et comment, à l'intérieur d'un aussi grotesque caucus, les divisions, les tiraillements commencent à apparaître et comment on réussit, automatiquement, à faire diviser et à faire reculer le ministre de la Justice sur des projets de réforme?

C'est cela le rapport que nous avons à étudier ce matin. Cette commission, à cause de l'absence de l'Opposition officielle lors d'un caucus libéral — il n'y a aucune raison pour que nous assistions à ces caucus — qui vous fait rapport de travaux qui sont disproportionnés et indécents, il n'y a pas un électeur, y compris, je dirais, un électeur libéral du comté de Saint-Jacques, de ceux qui restent du Parti libéral dans le comté de Saint-Jacques, qui accepterait qu'un projet de loi aussi débattable... Tenons-nous en là. Vous admettrez avec moi qu'un projet de loi, qui arrive à une époque aussi difficile de l'année, pour augmenter de $100 par semaine le salaire des consommateurs québécois qui en font déjà $28,000 et qui sont ainsi déjà fort bien équipés pour faire face à la hausse du coût de la vie... Même un électeur libéral le plus réactionnaire s'interrogerait sur l'utilisation et l'utilité de son vote du 29 octobre dernier lorsqu'il verrait que les élus, qu'il a envoyés nombreux au Parlement pour appuyer la politique d'un gouvernement, ont eu autant de conscience sociale, ont eu autant de degré de préoccupation que cette scène ridicule qui tient en deux feuillets des travaux de la commission et dont je vous ai fait lecture maintenant.

Je suis convaincu, au moment où je vous parle, que je ne parle pas seulement au nom des 52 p.c. de la population de Saint-Jacques qui

m'ont appuyé et qui ont appuyé le Parti québécois et qui ont appuyé l'Opposition que j'allais faire à ce projet de loi. Je l'ai défendu sur toutes les tribunes politiques dans le comté de Saint-Jacques au cours de la campagne électorale, parce que je représente ici également des électeurs libéraux du comté de Saint-Jacques, parce que je suis convaincu que tous ces gens, chez nous, dont le revenu minimum annuel n'atteint même pas $4,000 en moyenne, ne sauraient aucunement comprendre, ce matin, comment il se fait qu'un projet de loi, qui, au minimum, était à tout le moins discutable et où devrait exister un minimum de conscience sociale chez des gens qui venaient d'être élus et auraient voulu au moins demander au ministre de la Justice, sans nécessairement être à l'encontre du projet de loi, comme l'était l'Opposition officielle, mais un minimum de décence sociale aurait fait qu'au moins un des douze "backbenchers", qui se trouvaient à cette commission, aurait pu dire au ministre de la Justice: Croyez-vous vraiment, dans tout le respect que j'ai pour vous et pour le parti auquel j'appartiens — c'est leur droit d'appartenir à ce parti— qu'il est vraiment important, à cette époque de l'année, parmi les priorités que le gouvernement a devant lui, d'augmenter de $5,000 par année le salaire de gens qui en font déjà $28,000? Peut-être que le ministre de la Justice l'aurait convaincu. Peut-être que le député aurait été alors convaincu. Mais il n'a même pas posé une question. "Adopté", qu'on disait à chaque fois. "Adopté". Est-ce que tout le monde, ici, est convaincu que tous les électeurs libéraux favorisent l'augmentation de salaire des juges? Est-ce que tout le monde a cette conviction? Si tel est le cas, c'est une ignorance crasse de ce que la politique réserve au Québec.

C'est une ignorance intolérable et un mépris des citoyens québécois, parce que je suis convaincu qu'il ne se trouve plus, dans cette majorité, hélas, M. le Président, un seul homme qui ait un minimum de préoccupation, comme le roseau du cabinet en a au moins eu en 1969. Au sein d'une aussi grosse députation, il ne s'est pas trouvé, dans le caucus, un seul député sur 101 pour demander au ministre de la Justice: Croyez-vous? Non! Adopté! Des voix: Adopté! Des voix: Adopté! C'est comme cela, M. le Président, que ce rapport vous est parvenu. Aucune discussion. Aucun député libéral n'a posé la question au ministre de la Justice: M. le ministre, n'est-il pas vrai que, parmi tous les juges de juridiction provinciale, dans le Canada, les nôtres sont déjà les plus payés? M. le Président, aucune de ces questions n'a été posée aux travaux de la commission.

C'est pourquoi je vous dis, comme mes collègues auront l'occasion de vous le dire, que nous ne devons pas accepter le rapport d'une commission comme celle-là. Merci M. le Président.

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, le discours du député de Saint-Jacques, vous voyez jusqu'à quel point il nous éclaire sur la question que pose ce projet de loi et jusqu'à quel point il serait utile d'entretenir un débat sur les questions de fond qui justifient le projet de loi et l'augmentation proposée.

M. le Président, depuis une demi-heure que le député de Saint-Jacques parle, tout ce que nous avons entendu de lui, ce sont des injures à l'adresse des députés libéraux qui siégeaient à cette commission parlementaire, c'est une attaque incessante qui se résume à faire état de cette augmentation de salaire comme si elle était scandaleuse, indéfendable. En fait, M. le Président, son intervention ne s'appuie sur aucune espèce d'argumentation concrète et réelle.

Cependant, M. le Président, je n'ai pas l'intention de suivre le député de Saint-Jacques sur le terrain qu'il a choisi ce matin, parce qu'en fait le vide de sa pensée se cache derrière un déluge de paroles et de mots. Je n'ai pas l'intention de prendre le débat sur ce ton. Je crois que les deux jours de débat que nous avons eus sur la motion faite par le Parti québécois à l'adresse du député de Roberval devraient quand même avoir permis aux députés du Parti québécois de s'être défrustrés. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il est temps que l'on délaisse le ton de la polémique, de l'attaque et des injures pour, peut-être, prendre certains aspects réels qui justifient la proposition gouvernementale.

M. le Président, étant donné que j'ai exposé, en d'autres circonstances, à cette Chambre, à savoir au mois de juillet 1973, lors de la présentation du même projet de loi, tous les arguments statistiques, tous les arguments de fait, tous les principes en cause à l'occasion de la présentation d'un tel projet de loi, je n'ai pas cru nécessaire, au moment où je suis revenu en deuxième lecture, lors de la présentation du même projet de loi à la session actuelle, de revenir dans le moindre détail sur toute la justification que j'avais de présenter le projet de loi.

Cependant, j'ai quand même résumé l'ensemble de l'argumentation que j'avais faite précédemment, en juillet. J'ai exposé les grands principes. Les députés libéraux, qui sont des gens intelligents, sans préjugés, et qui ne partent pas d'un point de vue démagogique lorsque le ministre de la Justice propose une augmentation de salaire aux juges, se sont rendus à mon argumentation et ils ont vu clair, parce qu'ils voulaient voir clair. Ils n'étaient pas, comme le député de Saint-Jacques, obnubilés par le problème d'une augmentation à l'égard d'une catégorie limitée d'individus.

Us ont cru que le temps était venu de faire justice aux juges même si ceux-ci n'ont que peu d'appui, en fait, dans l'opinion publique, même si ceux-ci ne peuvent pas se réclamer de groupes

de pression considérables, même si ceux-ci ne peuvent que difficilement chercher des appuis dans la presse. C'est la raison pour laquelle la députation libérale a agi en toute objectivité, et se situant au-delà des passions et des conflits de classe et se situant au-delà de ces raisonnements dont nous entretient le Parti québécois et en particulier le député de Saint-Jacques, ces raisonnements qui partent de comparaisons mesquines et basses entre des salaires qui sont payés à des gens qui n'ont pas les mêmes fonctions que celles des juges.

Donc, M. le Président, ceci étant dit, je voudrais quand même en profiter ce matin pour répondre à une comparaison qui est faite dans un communiqué émis par le Parti québécois et qui a été remis à la presse il y a quelques jours. Je me réfère en particulier à la page h) de ce communiqué où l'on lit ceci: Dépenses fédérales et provinciales pour le salaire des juges en 1973. Dans cette page, on fait la comparaison entre le coût des salaires des juges en Ontario et au Québec en cumulant les budgets fédéraux et provinciaux. Alors, dans le tableau produit par le Parti québécois, je lis qu'en Ontario les dépenses fédérales pour les juges seraient de $4,353,000, et les dépenses provinciales pour les juges de $500,000, pour former un total de $4,853,000. Dans la colonne "Québec" je lis que les dépenses fédérales pour les juges seraient de $4,108,000, et les dépenses provinciales pour les juges, de $5,600,000, pour un total de $9,708,000. Par conséquent, le tableau cherche à illustrer en quoi le salaire des juges au Québec représenterait des montants beaucoup plus considérables, donc un poids fiscal beaucoup plus important pour les citoyens québécois.

De là, on continue et on dit, par exemple, que la population de l'Ontario est de 7,703,106 habitants, celle du Québec de 6,027,764 et on dit: Dépenses per capita pour les salaires des juges, en Ontario $0.63 per capita et au Québec $1.61 per capita. Alors, voilà la comparaison que le Parti québécois veut établir entre les coûts des salaires de juges au Québec et en Ontario.

Tout d'abord, M. le Président, je voudrais signaler que nous avons étudié la question du nombre de juges que nous avons au Québec comparativement au nombre de juges que nous avons en Ontario. La comparaison n'est pas nécessairement aisée à faire parce que le système judiciaire est un peu différent au Québec et en Ontario. Mais, je vais donner les chiffres suivants qui permettent quand même de faire une comparaison. Au Québec, nous avons à la cour d'Appel, c'est-à-dire le tribunal suprême au niveau provincial, 15 juges; nous avons à la cour Supérieure 93 juges; et nous avons à la cour Provinciale, agissant comme juges et non pas comme présidents ou membres de commissions, 104 juges, pour un total de 212 juges administrant la justice civile, criminelle, pénale. Donc 212 juges.

Evidemment, je ne dis pas, M. le Président, qu'il n'y a pas, en plus de ces 212 juges, une trentaine d'autres juges qui sont présidents qui de la Commission de police, qui de la Commission de contrôle des permis d'alcool et de diverses autres commissions. Mais je ne compte pas les salaires de ces juges-là étant donné que ces juges-là font plutôt un travail administratif ou quasi judiciaire et qu'en Ontario, il n'y a pas de tels postes de juge. Ceci ne veut pas dire que je ne me rallie pas à l'idée de créer une magistrature administrative justement pour que ces juges, soit de la cour Provinciale ou des Sessions de la paix soient éventuellement membres d'une magistrature administrative, mais je pense que lorsque l'on fait la comparaison entre le Québec et l'Ontario au point de vue de l'administration de la justice, on doit écarter les gens qui occupent ces postes dans des commissions administratives ou quasi judiciaires parce que leurs équivalents, qui existent en Ontario, ne sont pas compris dans les chiffres cités par le Parti québécois puisqu'ils n'ont pas le titre de juge.

M. LESSARD: Question de règlement, M. le Président. Pour vous démontrer combien ça peut intéresser les libéraux, la question du salaire des juges, je dois vous dire que nous n'avons pas quorum.

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: M. le Président, j'établissais donc le nombre de juges actifs au Québec au chiffre de 212. Je regarde maintenant les chiffres du côté de l'Ontario; à la cour d'Appel, il y a dix juges; dans la "High Court", il y a 33 juges; dans les "County Courts", il y a 105 juges et dans les "Provincial Courts", il y a 150 juges. Evidemment, M. le Président, il ne faut pas comparer d'une façon absolue les deux systèmes judiciaires parce qu'ils sont un peu différents. Evidemment, la cour Supérieure au Québec se rapproche plus de la "High Court" si on doit la comparer à la juridiction d'une cour ontarienne. Par contre, nos juges de la cour Provinciale se rapprochent en large partie des juges des "County Courts", les 105 juges, et peut-être en partie aussi des "Provincial Court Judges" qui sont au nombre de...

M. MORIN: Est-ce que le ministre de la Justice, M. le Président, me permettrait une question?

M. CHOQUETTE: Non, non, là, je ne permets pas de questions. Vous me les poserez à la fin de mon exposé, ça me fera plaisir d'y répondre.

M. MORIN: C'est parce que c'est fort intéressant, ça m'intéresserait de bien comprendre les chiffres.

M. CHOQUETTE: A la fin de mon cours, vous pourrez me poser des questions.

M. le Président, je répète donc les chiffres que je donnais. En Appel, en Ontario, dix juges; "High Court", 33 juges; "County Courts", 105 juges; "Provincial Courts", 150 juges; pour un total de 298 juges en Ontario, comparativement à 212 au Québec. Dans le tableau publié par le Parti québécois, on a fait une erreur monumentale, on a oublié de calculer le coût des 150 "Provincial Court Judges"; les 150 juges, ils les ont oubliés tout simplement. Or, ces 150 personnes représentent un coût, en fin d'année dernière, je pense, ou cette année, de $4,201,300. Bon! $4,201,300. Tout ce que le Parti québécois a pris en considération, c'est les "allowances" que la province d'Ontario paie aux juges de la "Supreme Court" et à d'autres juges des "County Courts", parce que l'on sait que le système de paiement de salaire est différent en Ontario de celui du Québec. Ici, au Québec, le fédéral paie intégralement les salaires des juges de la cour d'Appel et de la cour Supérieure et nous, nous payons — du provincial — intégralement les salaires des juges de nos cours Provinciales. Tandis qu'en Ontario, le fédéral paie une partie des salaires des juges de la "High Court" et des "County Courts" et le provincial paie une "allowance", un montant extra qui représente, d'après les "Public Accounts" de la province d'Ontario que j'ai ici, environ $500,000 qui viennent s'ajouter à ce que le fédéral paie.

Par conséquent, quand, dans le tableau du Parti québécois, on dit pour l'Ontario : dépenses provinciales, $500,000, tout ce que ça représente, ce sont les "allowances" extra. Mais on a oublié les 150 juges provinciaux qui représentent un coût de $4,201,300, ce qui change... Mais je ne dirais pas qu'ils mentent délibérément, M. le Président, je voudrais que le débat retombe, je voudrais aujourd'hui faire un effort pour faciliter les travaux de la Chambre et ne pas attaquer nos adversaires quand je n'ai pas la preuve de leur mauvaise foi.

Je dis donc, M. le Président, qu'ils ont fait un oubli, mais c'est un oubli grave lorsqu'on émet dans le public et qu'on combat un projet de loi à partir d'arguments, à partir de faits aussi tronqués que cela. On a oublié un montant de $4,201,300. Pour montrer jusqu'à quel point je suis parfaitement de bonne foi et ouvert dans cette discussion-là, ces chiffres me proviennent d'un M. Russell, du Department of Justice de l'Ontario. Si les recherchistes du Parti québécois veulent lui téléphoner, libre à eux. Qu'on prenne le téléphone immédiatement pour vérifier si le ministre de la Justice dit la vérité.

Par conséquent, quand on ajoute les $4,201,300 qui manquent, en fait, on arrive à des coûts à peu près similaires ou comparables entre les salaires totaux des juges au Québec et les salaires totaux des juges en Ontario.

M. le Président, maintenant, je voudrais faire une autre comparaison, parce que je ne l'ai pas soulevée dans mon discours de deuxième lectu- re. D faut comparer, quand même, les salaires de nos juges du Québec avec les salaires des juges ayant une juridiction semblable ou équivalente ailleurs.

Je soumets, M. le Président, qu'une comparaison qui peut être faite avec avantage, c'est de comparer la fonction des juges de nos cours provinciales à celle des juges des "County Courts" ontariens. Or, dans les "County Courts" ontariens, les juges, à l'heure actuelle, gagnent un salaire de $33,500. En fait, le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter ferait simplement que nos juges auraient un salaire de $33,000, ce qui est de $500 inférieur au salaire des juges des "County Courts" en Ontario.

Evidemment, j'admets que, dans ce domaine-là, toute comparaison est boiteuse, à cause des différences de compétence et de juridiction, à cause du fait que la juridiction des juges dans les "County Courts" peut être plus étendue à certains points de vue, mais moins étendue à d'autres points de vue. C'est la raison pour laquelle toute comparaison nécessairement n'est pas absolue dans ce domaine-là. Mais, si on devait chercher une catégorie de juges auxquels on pourrait comparer nos propres juges provinciaux, je dirais que les "County Courts Judges" seraient sûrement une catégorie que l'on peut comparer avec avantage.

D'autre part, M. le Président, pour les "Provincial Court Judges" en Ontario, qui ont une juridiction en large partie inférieure à celle de nos propres juges de nos cours Provinciales, les salaires s'établissent à environ $28,000 à $30,000, d'après ce que l'on me dit. Mais la juridiction est nettement inférieure dans les "Provincial Courts", parce que les "County Court Judges" jouent un rôle très important en Ontario.

Alors, M. le Président, à tout considérer, je pense que, lorsqu'il soumet un salaire de $33,000, qui, comme je l'ai expliqué en deuxième lecture est de $5,000 inférieur à celui de nos juges de la cour Supérieure — ce qui est la différence historique établie entre les juges de la cour Supérieure et les juges des cours Provinciales, ici au Québec — le gouvernement actuel, en fait, suit la tradition. Il se fonde sur des façons d'agir qui se sont établies historiquement sur une période de peut-être un quart de siècle, sinon plus. Il se situe dans la bonne voie au point de vue d'une comparaison avec les salaires des juges payés en Ontario.

Le ministre de la Justice est obligé de tenir compte des salaires que gagnent les avocats qu'il peut recruter pour sa magistrature. Ce ne sont pas les pires avocats ou les moins compétents que l'on veuille que le gouvernement désigne à la magistrature. On a voulu justement, M. le Président, depuis des années, élever la qualité de la magistrature au Québec. S'il y a des milieux où on a fait cette revendication, est-ce que ce n'est pas souvent dans les milieux représentés par le Parti québécois qu'on est tellement exigeant pour les magistrats lorsqu'ils sont sur

le banc, lorsqu'ils sont obligés de faire face à des difficultés et à trancher des décisions? C'est peut-être dans ces milieux intellectuels qu'on est le plus critique à l'égard des magistrats.

Mais il faut encore donner les moyens au gouvernement de recruter la qualité de juges, justement pour éviter ces critiques. Alors, moi je le sais, je connais les problèmes concrets du recrutement, ce que ne connaissent pas le député de Maisonneuve et le député de Sauvé.

Je les connais, parce que c'est moi qui prends l'appareil pour téléphoner à un avocat et lui offrir: Veux-tu être nommé à telle ou telle cour? Comment voulez-vous que cela se passe?

M. le Président, il ne faut quand même pas être faux jeton, hypocrite et sépulcre blanchi au point de venir nous faire des observations de ce genre. Il est évident, avant de téléphoner à un avocat, que je regarde d'abord dans la région où sont les avocats disponibles et combien ils ont d'années de pratique. Il se fait que j'ai pratiqué le droit pendant 20 ou 25 ans. Je connais pas mal d'avocats dans la province de Québec. J'ai plaidé dans toutes les régions et quand on me parle d'un tel, à tel endroit, j'ai souvent son pedigree. Je n'ai pas besoin d'avoir des dessins pour savoir de qui il s'agit et quel est son calibre. Un instant. Je dis que j'ai la plupart du temps une assez bonne connaissance du Barreau. Si, par exemple, je regarde la liste, là je vois des candidats qui ont l'air d'être valables. Je réfère évidemment au Barreau à un certain moment quand je pense à mon choix et le Barreau me dit : Oui ce candidat serait acceptable, mais il y a tel autre candidat qui est très valable, ou autrement. Je discute et je prends ma décision. Mais quand je suis mûr et que je prends le téléphone, si j'appelle un avocat qui gagne $45,000, $50,000 ou $60,000 par année et que je lui offre un salaire de $28,000 pour venir remplir un poste à la cour Provinciale, est-ce que je vais être capable de recruter cet avocat, ce magistrat, ce juge dont on exige tellement dans les milieux représentés par le Parti québécois?

C'est la quadrature du cercle, si on veut enfermer la magistrature dans une échelle de salaires qui ne correspond pas à la réalité. Et le député de Maisonneuve qui a de l'expérience en relations de travail, qui a de l'expérience, parce qu'il a représenté des syndicats à de nombreuses occasions, sait qu'il n'y a rien de plus déterminant dans ce domaine que le marché. Vous pouvez élaborer toutes les théories du monde, si dnas une société vous ne pouvez pas donner à vos employés des salaires qui se comparent avantageusement aux emplois qu'ils peuvent obtenir ailleurs, vous ne retiendrez pas ces bons employés que vous voulez embaucher. C'est déterminant. C'est une loi économique. Que voulez-vous que j'y fasse? Et c'est moi qui les vis les problèmes du recrutement de la magistrature au Québec et je vous dis, aujourd'hui, qu'il faut être en mesure de payer le salaire proposé par le gouvernement si nous voulons recruter des magistrats qui aient la qualité qu'on est en droit d'exiger d'eux.

Et je vais même rendre mon argument un peu plus concret pour le bénéfice du député de Maisonneuve. Je faisais allusion à l'expérience du député de Maisonneuve en relations de travail. Il sait que la création du tribunal du travail a été un progrès par rapport à l'ancienne commission des relations ouvrières. Je crois que c'est admis autant du côté patronal qu'ouvrier. Or — et ceci est à l'actif de l'ancien gouvernement, je le dis sans hésitation — quand on a créé le tribunal du travail, on a dit: II faut aller chercher des avocats compétents pour ce tribunal du travail. Et je dois dire que l'ancien gouvernement a fait un excellent recrutement.

Il est bien connu que l'ancien ministre du Travail, qui avait à coeur de faire cette réforme du tribunal du travail, n'y a pas été avec mesquinerie et avec étroitesse lorsqu'il a dit à ces nouveaux juges: Ecoutez, vous êtes parmi les meilleurs avocats en relations de travail. Nous voulons vous avoir. Nous allons vous payer des salaires convenables. Et on m'a même dit — je ne l'affirme pas sous serment, je n'étais pas présent— qu'il avait dit: Ecoutez, le principe de la parité avec la cour Supérieure est établi. Et c'est ainsi qu'il a recruté des juges qui ont reçu l'approbation depuis qu'ils sont sur le banc pour la majorité d'entre eux autant de la partie patronale que des syndicats.

Et j'ai peu de plaintes, je dois l'avouer, autant de la FTQ, de la CSN, de la CSD et de tous les organismes syndicaux que des organismes patronaux sur le travail de ces magistrats au tribunal du travail. On a voulu avoir une bonne magistrature dans un secteur.

Je ne dis pas que le même raisonnement ne s'applique pas aux autres — parce qu'un effort a vraiment été fait, partout, pour obtenir la qualité de magistrats qu'il nous fallait. Je donne l'exemple du tribunal du travail, parce qu'il est de création relativement récente. Je dis au Parti québécois: Vous voulez nous aider à avoir la paix sociale, vous voulez nous aider pour que, dans le domaine des relations de travail en particulier, la société soit en mesure de rendre des décisions impartiales pour les parties, autant patronales que syndicales? C'est ça que vous voulez avec nous? Permettez-nous de payer des salaires convenables aux juges qui vont occuper ces postes. C'est évident.

M. le Président, cela saute tellement aux yeux, cette obstruction du Parti québécois, vraiment, que je me demande si elle ne vient d'un parti pris au départ, qui, malheureusement, l'empêche d'exercer pleinement son jugement. En effet, s'il occupait la même position que nous, du gouvernement, si l'un des membres du Parti québécois était ministre de la Justice, il serait obligé moralement de présenter ce projet de loi, aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, s'il avait nos responsabilités de voir à ce que la société fonctionne... Dieu sait si le pouvoir judiciaire

— j'hésite, je n'emploie pas beaucoup le mot "pouvoir", je n'aime pas beaucoup ce mot — si la fonction judiciaire est importante dans une société! C'est l'assise de la paix sociale, c'est la base de la confiance des citoyens dans la société. Est-ce qu'on va se mettre à lésiner ou mesquiner sur une institution aussi fondamentale et sur le salaire de ceux qui la servent? Je dis non, M. le Président, nous ne pouvons pas faire ça. Le gouvernement doit faire adopter ce projet de loi. C'est simplement faire justice aux magistrats et aux juges que je considère le mériter, à l'heure actuelle.

J'ajouterais quelque chose. J'ai plus d'âge que les honorables députés d'en face. J'ai commencé à exercer ma profession vers 1951 à Montréal et je vous dirai qu'à cette époque, la cour Provinciale — je ne veux pas décrier le type de cour que c'était à cette époque, en 1951 — faisait pitié, faisait pitié au point de vue de la qualité. Il y avait sans doute, parmi les magistrats qui existaient, dans ce temps, de bons et sincères juges. Je ne dis pas le contraire, mais disons que la qualité n'y était pas. Ce que le Québec a accompli, depuis 30 ans, à travers différents régimes politiques — ce n'est pas strictement le Parti libéral qui l'a fait ou l'Union nationale — fait que la qualité des juges, dans les cours Provinciales, n'a cessé d'augmenter.

Ceci est particulièrement vrai, comme je l'ai dit tout à l'heure, au tribunal du travail. Ceci est également vrai à la cour Provinciale où les nominations récentes parmi la magistrature, au cours des dix ou quinze dernières années, ont été triés sur le volet, et on a des avocats respectés. A la cour des Sessions de la Paix, c'est la même chose. J'entends fort peu de critiques de la part du Barreau, sur les nominations que j'ai faites et, depuis quatre ans que je suis ministre de la Justice, je commence à en avoir un certain nombre à mon actif. Je peux dire franchement, quand je rencontre des avocats —et je ne dis pas ça pour faire mon éloge — que j'ai maintenu la qualité, que j'ai augmenté la qualité de la magistrature. Aujourd'hui, est-ce que je vais aller détruire tout ça, par une espèce de vote de non-confiance â l'égard de cette magistrature en ne lui donnant pas la justice qu'elle mérite sur le plan du traitement? Je ne le ferai pas. C'est mon devoir de présenter ce projet de loi.

Il ne fait pas preuve de générosité excessive. Il ne déborde pas d'un faux sentiment de reconnaissance à l'égard de la magistrature ou d'une espèce de désir d'être excessif dans l'octroi de traitements ou de salaires. Au contraire, M. le Président, je crois qu'il est plutôt pondéré. Mais, malgré tout, il manifeste de ma part ma reconnaissance pour le travail que font les juges pour la justice au Québec et pour le travail qu'ils ont fait récemment.

Je donnerai un exemple auquel le député de Maisonneuve va être particulièrement sensible, parce qu'il a fait allusion, hier soir, au cours de son intervention, à la collaboration qu'il m'avait donnée à l'occasion de l'adoption de certaines lois, et je lui en sais gré, M. le Président. Justement, si on parle de la loi de l'aide juridique, celle-ci augmente le travail des juges, parce qu'aujourd'hui tout devient sujet de contestation devant nos tribunaux. Tout est contesté — je veux dire, de la bonne façon — tout est sujet à litige.

Naturellement, l'augmentation du travail judiciaire s'accroît. J'ajouterais, dans la même veine, la Loi favorisant l'accès à la justice, qui a amené de 70,000 à 80,000 causes au cours de la première année d'activité de cette cour, où les cas se sont régies, en moyenne, avec un délai de 43 jours, ce qui est un record. Est-ce que l'on pense que ces causes se jugent sans juge? Mais les juges sont obligés de faire le circuit et d'aller dans tous les endroits qu'on a établis et d'entendre les causes. Evidemment, c'est leur devoir, ils le font, ils l'ont accepté. Mais il faut quand même admettre que, si le système fonctionne, c'est grâce à la collaboration des juges.

Quand, justement, j'ai fait appel au juge Cliche, qui est devenu le juge en chef adjoint de la cour Provinciale et qui s'occupe du district de Québec, je voulais amener une figure qui pourrait être un peu symbolique de ce nouveau mouvement, de cette démocratisation de la justice. Le juge Cliche m'a donné, avec ses juges et les autres juges du Québec, une collaboration extraordinaire dans la réalisation de ce projet de loi.

Alors, je dis à nos collègues: Ils veulent la paix sociale? Sans doute, ils ont le droit d'avoir des idées différentes de nous sur la façon de la réaliser. Il peut y avoir des divergences sur la politique qui devrait être mise en place par le gouvernement. Mais je suis sûr qu'ils veulent que les institutions essentielles soient sauvegardées, soient bien assises, que la magistrature soit respectée. Eh bien, prenons les moyens et offrons à nos magistrats des salaires convenables et décents.

Alors, je conclus ces observations, qui ont peut-être été un peu longues mais, étant donné que nous n'avions pas peut-être pu aborder certains aspects du projet de loi en toute sérénité, j'ai cru que c'était une bonne occasion, au moment du dépôt de ce rapport, de faire ces observations. Merci.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, on nous demande, ce matin, d'adopter le rapport de la commission de la justice qui a étudié le projet de loi no 8. Je l'ai devant moi ce rapport. Un projet de loi de cette nature-ci, il me semble, aurait pu commander un rapport plus important que celui-ci. Je ne vous le citerai pas au long mais je

vais vous dire, tout simplement au départ, que ce rapport contient six paragraphes. Cela m'a frappé quand j'ai vu cela: Une page, 8 1/2 x 14. Au début, dans le premier paragraphe, on nous dit que c'est l'honorable député de Roberval qui a présidé. Au deuxième paragraphe, on nous dit qui sont les membres de cette commission: Les députés Bienvenue, Boutin, Burns, Ciaccia, Choquette, Desjardins, Harvey, Levesque, Morin, Pagé, Samson, Springate et Sylvain. Cela est le deuxième paragraphe. Au troisième paragraphe, on nous dit que la commission a tenu deux séances, soit les 14 et 15 décembre, et que le député de Portneuf a été nommé rapporteur. Je n'ai pas besoin de revenir sur ces faits. Nous les avons discutés longuement à l'occasion de la motion que nous avons faite avant-hier réprouvant la conduite du député de Roberval à ce sujet. Je passe au quatrième paragraphe, encore une phrase: Au début de chacune des séances, les changements parmi les membres de la commission furent annoncés par le président. Je n'ai pas vu de substance encore dans ce rapport. Ce sont des paragraphes préparatoires. C'est ça le rapport qu'on nous demande d'adopter ce matin.

Le cinquième paragraphe: Les buts de ce projet de loi sont de prévoir l'augmentation du traitement des juges des cours Provinciales. Finalement, le sixième: La commission a adopté tous les articles du projet de loi sans amendement et a ajourné ses travaux sine die.

C'est cela qu'on nous demande d'adopter ce matin et cela ne reflète pas du tout, à mon avis, le fond d'une discussion importante qui aurait pu avoir lieu à cette commission.

M. le Président, je ne reviendrai pas sur le fait de la légalité ou de l'illégalité de l'ajournement qui a eu lieu le 14 décembre. Je pense que cette Chambre s'est prononcée sur cette légalité en rejetant, si vous voulez, la motion que nous avons formulée hier. Je pense que cette Chambre a bien compris que c'était le seul moyen pour nous d'en appeler de la légalité de la séance qui a été tenue le 15 décembre au matin. Je n'ai pas l'intention d'y revenir.

Cependant, M. le Président, je profite de l'occasion — qu'on ait eu tort ou qu'on ait eu raison de ne pas être là le 15 au matin, je le mets de côté, je ne le discute même pas — ce matin, de la considération de ce rapport, pour vous dire que ce projet de loi, qui a été adopté en quelque 30 ou 40 secondes, mériterait une considération beaucoup plus importante qu'il n'a eue.

Je ne reviendrai pas sur ce fait, M. le Président. Le député de Saint-Jacques a été assez clair là-dessus. Il vous a même lu la transcription qui a rapporté l'appel des articles, les uns après les autres, à la suite duquel on entendait: Adopté. J'ai été moi-même étonné, M. le Président, de voir que même aucun député libéral présent à cette commission n'a pensé à poser des questions sur certains articles. C'était leur droit. Ce n'est pas parce que le ministre de la Justice proposait ce projet de loi et que le ministre de la Justice s'adonnait à être du même parti que lui que le député libéral présent à cette commission n'avait pas le droit de poser des questions.

Cela m'a étonné, M. le Président. De sorte que je vais terminer, tantôt — je vous en avise tout de suite— mon intervention par une motion. Mais avant d'y arriver — évidemment ce sont les remarques que je viens de faire qui vont justifier ma motion — étant donné que vous avez permis au ministre de la Justice de parler de statistiques, je pense que vous allez me laisser également cette possibilité. Il y a une de ces statistiques qui n'a pas encore été donnée dans le présent débat et que j'aimerais bien soumettre à l'appréciation du ministre de la Justice et de nos collègues libéraux avant qu'ils en viennent à adopter ce rapport, qui est une étape de l'adoption du projet de loi.

J'ai entendu le ministre de la Justice dire tantôt — et cela semble être la base de son argument — que pour avoir des juges compétents, il faut quand même que ces juges compétents aient des salaires au moins semblables et aussi avantageux par rapport à ce que gagne un avocat en pratique privée. Or, M. le Président, il y a des statistiques qui valent bien la peine d'être examinées, eu égard à la constance de la fonction, si vous voulez, ou au maintien du salaire de la fonction du juge, une fois nommé, jusqu'à l'âge de sa retraite. Je m'explique, M. le Président.

Selon les statistiques fiscales, les groupes professionnels où on puise, entre autres, chez les avocats, pour nommer des juges, ont un salaire décroissant au fur et à mesure que leurs années d'âge augmentent. Simplement pour vous en citer quelques-unes, M. le Président, selon ces statistiques, en 1971 — et je vais me référer tout le temps à 1971, je pourrais vous parler de 1970, 1969, 1968 et 1967, je me bornerai tout simplement à 1971, c'est-à-dire les dernières statistiques à ce sujet qui sont disponibles — les professionnels, de 45 à 49 ans avaient un revenu moyen de $31,646 par année. Ceux de 50 à 54 ans, pour la même année 1971, avaient un revenu de $31,105. On voit déjà une diminution et c'est toujours pour la même année. Pour ceux de 55 à 59 ans, cela descend à $29,756 par année.

M. HARDY: M. le Président, est-ce que le député de Maisonneuve me permet une question?

M. BURNS: Certainement.

M. HARDY: Ne reconnaît-il pas justement, en fonction des statistiques qu'il énumère, que, de plus en plus, on tend à nommer des juges dans la force de l'âge, des juges plus jeunes, justement pour améliorer la qualité de la magistrature?

Cette tendance précisément contredit la thèse qu'il semble élaborer actuellement.

M. BURNS: Laissez-moi terminer mon raisonnement et, après cela, vous pourrez me poser cette question à nouveau.

Je disais donc, M. le Président, que dans les âges de 55 à 59 ans, les professionnels canadiens ont un revenu moyen de $29,756. De 60 à 64 ans, on voit une baisse extraordinaire de ce montant qui va descendre, en 1971 toujours, à la somme de $25,547 par année. Ce sont ceux de 60 ans à 64 ans.

M. LACROIX: Les revenus officiels ou officieux?

M. BURNS: C'est censé être officiel; c'est tiré des statistiques fiscales.

M. LACROIX: II y en a peut-être un peu de cachés.

M. BURNS: Je l'ignore. Ce n'est pas censé.

M. LACROIX: Les avocats sont forts là-dessus.

M. BURNS: Est-ce que c'est le comptable qui parle ou si c'est celui qui a fait déjà des rapports d'impôt?

M. le Président, c'est assez intéressant que l'on ait cette espèce d'évolution des revenus des professionnels. Ceux de 65 à 69 ans — ne vous inquiétez pas, je n'irai pas plus loin — reçoivent $22,929 par année, toujours selon ces statistiques fiscales de 1971. Ce que je dis, M. le Président, c'est qu'au fond il ne faut pas se leurrer, vous savez. Le ministre de la Justice tente de nous faire un peu pleurer sur le salaire de ces pauvres avocats qui deviennent juges, mais ces mêmes avocats, en les nommant juges, même à $28,000 actuellement, on leur donne une préférence.

C'est pourqoui, en terminant, comme je vous l'ai annoncé tantôt, je propose que la motion, qui est devant nous en considération, soit amendée de la façon suivante :

Motion d'amendement de M. Burns

M. BURNS: Que les mots "maintenant adopté" soient remplacés par les suivants "retourné à ladite commission afin qu'elle poursuive l'examen dudit projet de loi". C'est, entre autres, une discussion sur ces chiffres-là, M. le Président, que nous aimerions bien avoir. J'en ai des copies pour vous M. le Président.

Le leader adjoint me demande de la relire; alors, je le fais. Je propose que la motion qui est en discussion actuellement soit amendée de la façon suivante: Que les mots "maintenant adopté" soient remplacés par les suivants "retourné à ladite commission afin qu'elle poursuive l'examen dudit projet de loi". J'en ai des copies, M. le Président.

Je suis prêt à argumenter sur la recevabilité de cette motion, si vous le désirez.

LE PRESIDENT: Brièvement, oui.

M. BURNS: Est-ce que cela se pose comme question ou si vous n'êtes pas sûr de la recevabilité?

LE PRESIDENT: Non. J'ai pas mal une opinion de faite, mais si vous voulez argumenter.

M. BURNS: D'accord. M. le Président, vous vous souviendrez qu'hier soir, avant l'ajournement de nos travaux, je vous ai demandé si, lors de la considération d'un rapport de cette nature-ci, nous avions affaire à une motion. Vous m'avez indiqué que oui. En fait, je n'aurais même pas dû vous poser cette question-là, M. le Président; j'aurais dû tout simplement me référer au feuilleton de la Chambre. Au feuilleton, on lit actuellement, à l'article 19), ce qui suit: "Reprise du débat sur la motion de M. Pagé — le député de Portneuf, qui a proposé le rapport — proposant que le rapport de la commission permanente de la justice, qui a étudié le projet de loi no 8, Loi modifiant de nouveau la loi des tribunaux judiciaires, soit maintenant adopté". Donc, M. le Président, c'est assez clair, de par le feuilleton des travaux de la Chambre, que nous sommes en présence d'une motion.

Si nous sommes en présence d'une motion et que nous ne voulons pas que cette motion soit adoptée, il y a évidemment un premier geste que l'on peut faire, c'est de voter contre la motion. Mais, si nous ne voulons pas tout à fait que la motion soit rejetée, il y a une autre méthode, mais je ne la trouve pas, sauf dans les définitions générales de notre règlement actuel qui dit ce qu'une motion d'amendement peut être, comment elle peut être faite, quand elle peut être faite.

Mais le cas précis auquel je m'attache actuellement, je ne le retrouve pas dans notre règlement. A ce moment-là je suis obligé encore une fois de me référer à l'article 4 de notre règlement, qui nous dit que, dans un cas non prévu par les règles de procédures, le président devra tenir compte des précédents de cette Assemblée depuis son origine.

Or, M. le Président, parmi ces précédents il y a le fameux article 458 de notre ancien règlement, qui dit ceci: "Les recommandations d'un comité spécial — et on sait que dans notre ancien règlement les règles des comités spéciaux s'appliquaient à tous les comités, comités élus et même à certaines occasions, mutatis mutandis, à ce qu'on appelait le comité plénier. Je cite donc ce premier paragraphe de l'article 458: "Les recommandations d'un comité spécial de même que les résolutions ou écrits qu'un comité spécial présente avec son rapport peuvent être agréés, rejetés ou agréés avec des amendements". C'est ça, M. le Président, que je

vous suggère qu'on fasse; qu'on accepte ce rapport mais avec amendements. Et un des amendements qui peuvent être faits est le suivant; on le lit au paragraphe 2 de cet article 458: "Les rapports d'un comité spécial peuvent, avant d'être adoptés, être renvoyés, en tout ou en partie et avec ou sans instructions, au même comité ou à un autre comité".

Je dis tout simplement, M. le Président, qu'il n'y a rien dans le règlement actuel qui me défend de faire une telle motion. Par contre, si je veux faire passer le message que j'ai mentionné tantôt, je n'ai qu'une seule façon de le faire, c'est de demander le retour en commission de ce rapport pour qu'on puisse en discuter en commission. Je n'ai pas à argumenter longuement sur le fait, je vous ai lu le rapport qui a six paragraphes, qu'il soit pauvre à un tel point qu'on se demande si c'est un rapport de commission, surtout lorsqu'il s'agit d'un projet de loi de l'importance de celui-ci.

Alors, le seul moyen que j'ai, M. le Président, c'est celui de demander que le rapport ne soit pas adopté immédiatement mais qu'il soit retourné en commission pour que cette commission poursuive l'examen du projet de loi. Pour toutes ces raisons, le fait que je n'aie pas d'autre moyen de le faire, le fait que notre règlement ne le défende pas, la motion que je vous soumets actuellement, amendant la motion du député de Portneuf qui nous demande l'adoption de son rapport, je pense qu'elle est parfaitement recevable, parfaitement acceptable, M. le Président. Pour ces raisons, je vous demande bien respectueusement de la juger comme telle, c'est-à-dire recevable.

M. BIENVENUE: Sur la...

M. BURNS: Juste une dernière phrase. J'ajoute à mon argument qu'il s'agit bien d'une motion de forme, que la motion que le député de Portneuf nous soumet et qui paraît au feuilleton, comme je l'ai mentionné tantôt à l'article 19, c'est évidemment, et vous l'avez admis vous-même ce matin, une motion de forme. Or, la mienne aussi, M. le Président, est une motion de forme. Donc, je ne vois pas comment une motion de forme en amendement ne pourrait pas se greffer à une motion de forme. On fait progresser le projet de loi dans un sens ou dans l'autre. Dans le moment le député de Portneuf veut le faire progresser vers la troisième lecture. C'est sûr que c'est l'avant-dernière étape du projet de loi. J'ai aussi le droit d'essayer de le faire progresser vers l'endroit d'où il nous vient, M. le Président. C'est uniquement une question de forme de part et d'autre; le député de Portneuf nous propose l'adoption de son rapport et moi, je vous propose en amendement qu'on n'adopte pas ce rapport tout de suite mais qu'on retourne à la commission, avec instructions d'examiner à nouveau le projet de loi.

M. BIENVENUE: Sur la recevabilité et très brièvement, M. le Président, je vous suggère qu'en vertu des dispositions de l'article 125, soit directement, soit par analogie seulement, la motion que fait le député de Maisonneuve ne peut pas être reçue.

M. BURNS: En vertu de l'article 125?

Décision de M. le Président

LE PRESIDENT: Ecoutez, la décision que je vais rendre — d'ailleurs, on a eu l'occasion d'en discuter brièvement — c'est une décision que je vais rendre, si vous voulez, dans l'économie générale de la procédure, au chapitre du processus législatif qui a été rédigé dans des textes nouveaux parce qu'il y a énormément d'éléments nouveaux dans notre règlement.

Je le disais encore, même si on a gardé les principes de base du droit parlementaire anglais, il y a énormément de droit nouveau. Nous vivons notre règlement de plus en plus et surtout depuis quelques jours, et sans aucun doute que déjà à peu près sur tous les articles j'ai des notes en vue de la préparation d'une troisième édition et je pense que c'est tout à fait normal...

UNE VOIX: J'espère que vous ne ferez pas disparaître...

LE PRESIDENT: Non, non, tout de même.

Surtout, lorsqu'on considère que ç'a été une grande aventure, un peu notre affaire qu'on a vécue depuis un an ou deux, et surtout lorsqu'on rédige un code parlementaire nouveau, attaché sur des traditions de 600 ans pratiquement; on a été, je crois, un peu aventurier. Au moins dans la conception que j'en ai, et lors des discussions de ceux qui ont procédé à la codification de ce règlement, il a été dit entre autres, et il est stipulé au 7e paragraphe qu'aucun sous-amendement ne peut être proposé, et je comprends facilement que ce sont des sous-amendements aux amendements qui seraient proposés.

Je crois bien...

M. BURNS: Juste avant, je vois dans quel sens vous vous dirigez, M. le Président, si vous vous référez à l'article 123, avec tout le respect que je puis avoir, je veux tout simplement vous dire que ma motion d'amendement n'est pas un amendement comme ceux qui sont visés à l'article 123, auquel cas j'aurais été obligé de vous donner l'avis, etc.

Ma motion ne vise pas à amender le rapport, mais à amender la motion qui nous amène le rapport.

LE PRESIDENT: Je comprends tout à fait bien.

M. BURNS: D'accord?

LE PRESIDENT: Je me rappelle également

que lorsque nous avons étudié lors de nos séances la rédaction du règlement, on se plaignait souvent de ces motions qui pouvaient se faire dans l'ancien règlement, à certaines étapes, entre autres, lorsqu'un projet de loi était étudié en commission plénière. Les motions pouvaient se greffer à la troisième lecture, pour que tous les députés, puissent intervenir. Car on a assisté à un certain moment à 53 ou 55 discours en troisième lecture, pour que le projet de loi soit déféré à la commission plénière pour y apporter des amendements.

Je pense bien que le but justement que nous visions dans la rédaction du nouveau règlement était, comme il est dit dans la préface entre autres, de faciliter dans un certain cas à la majorité de passer sa pièce de législation tout en respectant un droit de parole le plus généreux possible pour les partis d'Opposition. Encore là, où ça se faisait anciennement, en général, c'était au moment de la troisième lecture, parce qu'on sait que, dans tous les cas, si on retourne à sept ou huit ans en arrière, tous les projets de loi étaient étudiés en commission plénière à ce moment-là, et les commissions permanentes se sont mises à étudier les projets de loi uniquement depuis quelques années.

La règle générale, c'est que cette motion-là se faisait en troisième lecture, pour que le projet de loi retourne en commission plénière pour y apporter des amendements et justement par l'éclairage que m'apporte le ministre de l'Immigration à l'article 125, on a éliminé les motions d'amendement en troisième lecture, pour prohiber, pour empêcher ces retours. Même si je reconnais que peut-être notre rédaction de l'article 123 n'est pas parfaite, je pense bien que, l'économie générale, dans l'esprit qui a animé ceux qui ont rédigé ce projet de loi-là, dans tout le processus législatif, lorsqu'on part, on commence au début de l'étude d'un projet de loi, première lecture, débat de fond, de principe en deuxième lecture avec droit de parole pour tout le monde, une motion d'amendement, déférence à la commission où, sauf dans des circonstances comme celles que nous avons vécues cette semaine, il y a une latitude très large en général pour l'étude d'un projet de loi.

On a bien dit ici que l'étude du rapport était une étape nécessaire. Je pense bien que plusieurs l'ont dit, d'ailleurs. L'ancien député de Maskinongé se demandait pourquoi cette étape existait. Si je me le rappelle bien, il trouvait que c'était même une étape de trop, celle de la ratification ou de l'adoption du rapport. Moi, j'y ai soutenu dans l'opinion que j'avais que, justement, une commission ne peut pas parachever un projet de loi, qu'un démembrement de l'Assemblée n'avait que des pouvoirs limités et qu'il fallait que cela soit homologué ou ratifié par la Chambre. C'est cette étape ici qui, en général, est assez rapide, justement. Pourquoi? Parce que nous n'avions prévu aucun amendement et seulement des droits de parole applicables aux motions de forme, cela veut dire des droits de parole très limités. C'est uniquement une étape de ratification et, après cela, c'est la troisième lecture où il y a un discours par parti.

Selon toute économie, je ne voudrais pas accepter cet amendement.

L'honorable député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: M. le Président, je voudrais ajouter quelques mots à ceux que tenait tout à l'heure le député de Saint-Jacques pour m'opposer, moi aussi, à la prise en considération du rapport du député de Portneuf dont l'objet était justement le projet de loi no 8, projet de loi qui augmente le salaire des juges de $100 par semaine, ou de $5,000 par année.

Je constate ce matin, comme nous l'avons constaté depuis quelques jours, que ce gouvernement est prêt à tout pour voter l'augmentation des salaires des juges. Quant à nous, nous sommes aussi prêts à tout pour nous opposer à l'augmentation des salaires des juges.

Nous sommes prêts parce que nous avons, d'abord, un mandat précis. Personnellement — et je voudrais bien que les députés libéraux fassent la même chose que moi, j'ai faite dans le comté — j'ai consulté des électeurs du comté et j'ai eu un mandat des électeurs de mon comté, un mandat que je vais remplir jusqu'au bout, c'est-à-dire de m'opposer à l'augmentation des salaires des juges.

Nous avons aussi un mandat des membres, parce que les membres dans le Parti québécois représentent quelque chose. Les membres du Parti québécois ont des choses à dire à l'intérieur du parti. Nous avons eu un mandat, lors d'un dernier congrès du Parti québécois, de nous opposer jusqu'à la dernière énergie à l'augmentation des salaires des juges.

Non seulement avons-nous ce mandat, mais encore nous déplorons aussi le temps que ce gouvernement a choisi pour essayer de nous faire avaler un projet de loi comme celui-là. Ce n'est pas la première fois que nous avons à goûter à ce système parlementaire. Ce n'est pas la première fois que nous avons à discuter de l'augmentation des salaires des juges. C'est la troisième fois que ce gouvernement tente de nous faire avaler ce projet de loi. C'est la troisième fois que le Parti québécois continue de façon systématique à s'opposer à ce projet de loi et nous avons l'intention de nous y opposer, en particulier, dans ces circonstances des Fêtes, où on se prépare à donner un cadeau de $100 par semaine d'augmentation à des gens qui sont déjà fortement favorisés. On se prépare à donner un cadeau à des gens qui sont parmi le groupe des 3 p.c. les plus favorisés au Québec. Et quel moment a-t-on choisi?

On a choisi justement le moment où les Québécois sont actuellement dans des difficultés financières.

M. le Président, des libéraux il y en a qui

nous ont parlé depuis quelques jours, eh oui! Le "fair play" m'empêche de les nommer. Mais il y en a...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LESSARD: II y a des députés libéraux qui ne sont pas prêts à défendre ce projet de loi. Il y a même des députés qui ont décidé de "sacrer leur camp" pour ne pas voter sur ce projet de loi. Oui.

M. le Président, cela a été donné à titre confidentiel. Demandez donc... Il y en a des députés libéraux qui nous disent: Ne lâchez pas les gars! Et regardez donc votre ministre des Affaires municipales, quelle face il nous présente actuellement, lui qui, en 1969, a eu au moins un peu plus de courage que vous avez, parce qu'il s'était opposé à l'augmentation du salaire des juges.

M. le Président, c'est au début d'un mandat, au moment de la période des Fêtes, au moment où les gens sont occupés ailleurs, au moment où les gens ne peuvent plus suivre la politique. C'est le moment qu'on choisit, parce qu'on n'a pas le courage de choisir un moment où les gens peuvent suivre la politique. Et c'est toujours ces moments qu'on a choisis pour faire passer le salaire des juges.

Mais, M. le Président, encore... Je regarderai où je voudrai, ce n'est pas vos troubles, bande d'écoeurants.

M. BIENVENUE: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! A l'ordre!

M.LESSARD: D'accord, M. le Président. Avant que le député le demande, d'accord, je retire mes paroles.

M. BIENVENUE: J'invoque le règlement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): II a retiré le mot.

M. LESSARD: Je le retire, M. le Président, mais qu'on arrête de m'écoeurer. D'accord. Les libéraux nous disent : Nos électeurs vont oublier ça, nos électeurs vont oublier ça, on a quatre ans pour leur faire avaler ça. On a quatre ans pour leur faire oublier ça. Nous autres, on vous dit que vos électeurs vont savoir que vous avez permis l'augmentation du salaire des juges. Où est-il, M. le Président, ce gouvernement si avare des deniers publics quand il s'agit de demander des augmentations pour les bénéficiaires sociaux? Où est-il? Oui, je dis que nous nous opposons à la considération de ce rapport, parce qu'il y a d'autres priorités au Québec que de favoriser scandaleusement une minorité qui est déjà amplement favorisée. Où est-il ce gouvernement si avare des deniers publics quand il s'agit de négocier avec les fonctionnaires du gouvernement, avec des fonctionnaires de l'Etat, à qui on a refusé un salaire moyen, pas une augmentation de salaire, un revenu minimum de $100 par semaine? Où est-il ce gouvernement si avare des deniers publics — le député de Saint-Jean le sait, lui qui a goûté aussi au bill 25 qui écrasait les enseignants — où est-il ce gouvernement si avare des deniers publics?

M. VEILLEUX: M. le Président, une question de privilège.

Je tiens à signaler au député de Saguenay que le bill 25 c'est l'Union Nationale qui a voté ça, ce n'est pas le Parti libéral.

M. LESSARD: M. le Président, j'ai dit lui qui a goûté à ce projet de loi matraque qu'était le bill 25 ; je n'ai pas dit que c'était le Parti libéral. Avec la complicité du Parti libéral, oui, par exemple, mais je n'ai pas dit que c'était le Parti libéral. Je me rappelle, M. le Président,...

M. HARDY: M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs!

M. HARDY: Le député de Saguenay me permet-il une question?

Comment le député de Saguenay peut-il... pas de questions?

M. LESSARD: M. le Président, le problème fondamental dans tout ça, si le ministre veut qu'on en parle, c'est toujours la question qui revient chaque fois qu'on a à négocier avec le gouvernement.

Quelle est la capacité de payer des contribuables québécois? C'est ça le problème de fond. C'est cela le problème fondamental. Est-ce que les contribuables québécois sont prêts à accepter qu'un petit groupe privilégié de la société québécoise s'écarte de plus en plus du revenu moyen des contribuables québécois? C'est cela le problème.

Chaque fois que les fonctionnaires, chaque fois que les employés de l'Etat ont eu à négocier avec ce gouvernement ou avec d'autres gouvernements, la même question revenait continuellement. On ne peut pas payer les enseignants plus cher que les enseignants de l'Ontario; on ne peut pas payer les fonctionnaires plus cher que les fonctionnaires de l'Ontario; mais, nous, par exemple, on peut se permettre de payer les juges plus cher que les juges de l'Ontario.

Nous disons qu'il y a d'autres priorités au Québec que l'augmentation du salaire des juges. Nous avons des projets de loi passablement plus importants que celui qu'on nous apporte actuellement. Nous avons le code des loyers que nous devons adopter et que le ministre...

M. BIENVENUE: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LESSARD: ... sur lequel le ministre... M. BIENVENUE: Voulez-vous garder... M. LESSARD: ... a plié...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! ...

M. BIENVENUE: Ce n'est pas pour rien, M. le Président, que je vous ai invité, à plusieurs reprises, à garder à l'oeil et à l'oreille le député de Saguenay qui, à nouveau, viole le règlement.

M. LESSARD: M. le Président, je...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! ...

M. LESSARD: ... regrette...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! A l'ordre! J'ai jeté un coup d'oeil à l'horloge et votre temps est terminé. Cela ne change rien. Sur la question de règlement.

M. LESSARD: Sur le point de règlement, M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît! C'est une question de règlement.

M. LESSARD: Je pense que tout député, qui devra intervenir et qui interviendra par la suite, a le droit d'expliquer, même malgré ce que peut en penser l'émigré de Crémazie, le député émigré...

M. BIENVENUE: M. le Président...

M. LESSARD: ... d'expliquer pourquoi...

M. BIENVENUE: ... je soulève une question de privilège.

M. LESSARD: ... il s'oppose...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! ... A l'ordre! ...

M. BIENVENUE: M. le Président, je soulève une question de privilège. On m'a qualifié, c'est la deuxième fois d'ailleurs, d'émigré de Crémazie. Je vais être bref. Après avoir battu le PQ dans Matane et l'avoir battu dans Crémazie, je demande au député de Saguenay d'être prudent. Je pourrais m'aviser de retourner dans l'Est mais dans Saguenay, cette fois!

M. LEGER: M. le Président, si le député de Crémazie s'en va dans le Saguenay, il va devenir l'émigré du Parlement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, j'aimerais répondre, à l'occasion de la prise en considération de ce rapport, à certaines questions que le ministre de la Justice nous a posées tantôt et qui demandent réponse.

Le ministre, tantôt, nous a dit: Le Parti québécois, est-ce que vous voulez la paix sociale? Est-ce que vous allez vous opposer au salaire des juges qui peut ramener la paix sociale au Québec? Je veux répondre à cette question. Le Parti québécois veut la paix sociale. Et les moyens qu'il a pris depuis trois ou quatre jours vont peut-être ramener la paix sociale que le juge, que le ministre — c'était trop tôt — veut obtenir uniquement par sa loi des juges, et pour trois raisons.

Aujourd'hui, par la prise en considération de ce rapport, par le "filibuster" que nous avons mené depuis trois ou quatre jours, nous voulions atteindre trois objectifs.

Les objectifs concilient l'objectif que le ministre veut atteindre avec un moyen que nous qualifions d'absolument inadéquat pour ces mêmes objectifs.

Premièrement, il est important, pour la paix sociale, que les citoyens du Québec croient encore au parlementarisme. Le parlementarisme, le mot le dit bien — ils ont parlementé — cela veut dire qu'on a parlé longtemps et qu'on a discuté avant de prendre une décision. Or, le parlemantarisme, M. le Président, est une chose dont les gens doutaient, avec une majorité de 102 députés contre 6, se demandant: Est-il encore possible qu'il y ait du parlementarisme au Québec? Nous avons prouvé, pendant ces quelques jours, qu'en manquant de quantité, nous avions la qualité, la détermination et un idéal derrière cette détermination permettant de jouer notre rôle quand c'est le temps. C'est le premier objectif pour permettre de garder cette paix sociale au Québec.

Deuxième objectif pour cette paix sociale: c'est que, justement, on veut que le gouvernement prenne l'habitude de corriger ce qu'il fait depuis déjà quatre ans, c'est-à-dire de présenter à la toute fin d'une session des projets de loi controversés pendant que d'autres projets de loi, moins controversés mais plus importants, comme le code des loyers, etc., pourraient être adoptés facilement, sans obliger les partis de l'Opposition d'user d'un "filibuster" à la fin d'une session sur des projets controversés. S'ils sont controversés, M. le Président, le parlementarisme dit: Si on veut en parlementer, qu'on ait tout le temps voulu, qu'on les présente au début d'une session et non pas à la fin.

Le troisième objectif, M. le Président, c'est le contenu même du projet de loi dont nous discutons actuellement. M. le Président, pour le projet de loi d'augmentation du salaire des juges, en ce qui nous concerne, nous sommes rendus à l'étape de la considération de ce rapport. Nous considérons que ce rapport n'est

pas acceptable, parce qu'il ne contient pas toute la qualité et la substance d'une commission parlementaire qui aurait siégé d'une façon régulière, qui aurait permis, pendant le temps où elle siégeait, à tous les députés, autant du côté de l'Opposition que du gouvernement, de poser les vraies questions lors de l'adoption des différents articles de ce projet de loi.

Entre autres, M. le Président, est-ce que, pendant les 40 secondes où on a adopté les huit articles, comme le disait le député de Saint-Jacques, rapidement, sans poser une seule question, les neuf députés libéraux membres de cette commission ont eu l'occasion, n'étant l'objet d'aucune obstruction par une Opposition qui, elle, s'en allait dans une direction différente, de poser des questions pertinentes pour éclairer la commission et éclairer aussi l'Assemblée nationale, qui est aujourd'hui saisie de la considération de ce rapport?

Si tel avait été le cas, M. le Président, nous aurions eu aujourd'hui un rapport qui aurait peut-être apporté non seulement des articles adoptés d'un coup et six paragraphes, mais peut-être des amendements majeurs. Les députés qui assistaient à cette commission illégale auraient peut-être pu demander au ministre de la Justice: Est-ce qu'en augmentant le salaire des juges, on va augmenter le niveau de la qualité de l'administration de la justice? Est-ce qu'il n'y a pas autre chose que seulement l'augmentation du salaire des juges qui peut amener une augmentation de la qualité du niveau de l'administration de la justice?

M. CHOQUETTE : Est-ce que le député veut que je lui donne une réponse?

M. LEGER: Oui.

M. CHOQUETTE: II n'y a pas seulement l'augmentation du salaire des juges. H y a d'autres aspects aussi. Je le reconnais facilement.

M. LEGER: M. le Président, ce sont des questions qui auraient pu être apportées lors de cette commission parlementaire.

La deuxième question que les députés libéraux auraient pu poser et que nous aurions vue, dans la considération de ce rapport, aurait été justement: Jusqu'à quelle somme l'État peut-il se permettre de consacrer pour la partie de sa responsabilité qui est celle du salaire des juges? Est-ce que cela correspond à un certain équilibre dans la société? Est-ce que les sommes qu'on affecte au salaire des juges correspondent à peu près d'une façon équilibrée aux autres sommes que l'on octroie à d'autres groupes de la société? Ce sont des questions qui auraient pu être posées par des députés libéraux, qui n'avaient plus dans leurs jambes les députés de l'Opposition qui s'en allaient dans une direction différente.

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député veut une réponse à cela? Le salaire des juges, dans le budget total du gouvernement, ne représente pas un dixième de 1 p.c.

M. LEGER: M. le Président, une somme de $9 millions, c'est quand même un montant assez important.

Vous l'appellerez en français et à ce moment-là cela vient quand même de la même poche des Québécois puisqu'on a prouvé que le fédéralisme n'était pas rentable, qu'on en recevait moins qu'on en donnait.

De toute façon, M. le Président, les députés libéraux auraient pu, à cette occasion4à, poser d'autres questions au ministre entre autres lui demandant: Est-ce que réellement l'augmentation du salaire des juges va permettre d'atteindre cette indépendance de la magistrature? Le député de Maisonneuve tantôt, lors de sa répartie, a prouvé que les avocats qui étaient appelés à devenir des juges avaient un choix à faire. Le député de Terrebonne, lui, disait: Oui, mais on prend des juges plus jeunes maintenant. C'est vrai mais les juges plus jeunes vont vieillir aussi. Les avocats, en vieillissant, voient leur revenu diminuer et ils voient aussi qu'ils n'ont pas cette sécurité que leur permettent le salaire et la fonction de juge; ils sont très intéressés à être nommé juges. Ce n'est pas parce qu'ils ont de plus gros salaires à un moment donné de leur vie qu'ils doivent accepter qu'ils vont toujours avoir ces salaires-là, qu'ils auront cette sécurité-là, qu'ils auront ce prestige-là.

M. CHOQUETTE: Le député pose la question de l'indépendance de la magistrature. Je crois qu'il met le doigt sur un facteur très important dans l'analyse d'une situation comme celle-là. Il est incontestable qu'un des grands principes c'est justement d'assurer l'indépendance de la magistrature en général et l'indépendance des magistrats en particulier. Il faut que le magistrat ait un salaire convenable pour être indépendant. Alors, c'est fondamental. Je trouve que le député touche du doigt un principe très important qui est sous-jacent à ce projet de loi. Je peux lui répondre que cela favorise l'indépendance de la magistrature.

M. LEGER: Alors, M. le Président, je continue. Le ministre a dit tantôt: Quand un avocat se fait $45,000 et $50,000 par année, est-ce qu'il peut accepter un salaire de juge de $28,000? Je me dis: II n'est pas plus intéressé à gagner $33,000 que $28,000 puisqu'il est déjà à $50,000. L'argumentation du ministre de la Justice est quand même un peu fausse; cela aide $5,000 de plus, d'accord, mais cela ne règle pas le problème de celui qui gagne $50,000. La vraie question que les députés libéraux auraient dû poser au ministre de la justice pendant la commission parlementaire, c'était: M. le ministre de la Justice, pour assurer cette indépendance, cette sérénité qu'on veut avoir chez les juges, ce recrutement plus facile chez les juges, cette qualité de l'administration de la justice, plutôt

que de nous amener une série d'articles qui ne fait que toucher l'aspect pécuniaire de la situation, surtout à la suite de deux échecs successifs d'un projet de loi qui ne touchait qu'à l'aspect pécuniaire —j'achève M. le Président — du rôle du juge, est-ce que cela n'aurait pas été préférable d'amener une loi de révision complète de la Loi des tribunaux judiciaires, incluant l'aspect de l'augmentation du salaire des juges? Je termine en répétant ce que le juge Guérin disait hier: Nous ne pouvons pas nous défendre, mais nous dirons plus tard ce que nous pensons de la loi du Parti libéral, en ce sens peut-être que les juges auraient préféré avoir d'autres avantages qui ne sont pas pécuniaires plutôt que d'être limités à passer devant l'opinion publique pour des gens qui reçoivent de l'argent alors qu'ils auraient besoin d'autres choses.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! Je ne peux pas vous permettre une question parce que son temps est fini. Demandez cela à l'autre député.

M. CHOQUETTE: Je trouve que c'est le seul intervenant intelligent, ce matin, de l'autre côté et je regrette qu'il ne soit pas plus souvent à la commission de la Justice. Je trouve que le député de Lafontaine pose des questions intéressantes et auxquelles j'aimerais répondre.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce qu'il y a d'autres opinants? Le député de Chicoutimi.

M. Marc-André Bédard

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, il est clair que la question de l'augmentation du salaire des juges est une question importante.

D'ailleurs, l'opposition que le Parti québécois a faite concernant ce projet est au moins l'illustration, en fait, que, pour notre parti, pour l'Opposition, ce projet est d'une importance capitale, non pas en raison des sommes qui devront être déboursées — quoique, encore là, on ait certaines réserves, et j'y reviendrai tout à l'heure — mais surtout en raison de l'illustration de certaines priorités que se donne le gouvernement par rapport à ce besoin au niveau de la Justice et à d'autres besoins, en fait, qui sont sentis au niveau de la population. Une chose sur laquelle, je crois, on ne peut qu'être d'accord, c'est qu'au niveau de la commission parlementaire on peut dire non seulement qu'il n'y a pas eu — d'ailleurs, le député de Saint-Jacques en a parlé tout à l'heure; je ne crois pas que ce soit de la démagogie de ce côté, c'est tout simplement la triste réalité — de discussion de fond, mais qu'il n'y a pas eu de discussion du tout, en ce sens qu'on a adopté, sans aucune remarque, tous les articles concernant ce projet de loi.

Il est évident que, dans un premier temps, on pourrait peut-être se dire: Tous les juges qui sont nommés par le fédéral gagnent de très gros salaires, des salaires supérieurs à ceux du Québec; au moins ceux qui sont nommés par le provincial devraient gagner le même salaire que ceux qui sont payés par le fédéral. Il est évident qu'il n'y a pas que cet argument qu'on doit envisager. Refuser une augmentation aux juges — j'espère, à moins que je ne comprenne mal le débat — ce n'est pas contester, d'une part, l'intégrité, d'autre part, le travail que ces hommes ont à accomplir pour remplir leurs fonctions. Ce n'est pas, non plus, minimiser les capacités et je dirais aussi l'intégrité que ces hommes doivent avoir et le travail qu'ils doivent faire pour accomplir correctement leurs fonctions.

Refuser une augmentation, ce n'est pas du tout contester cela, M. le Président. De même refuser à un groupe de travailleurs — souvent — des augmentations, que ce soit de la part des employeurs ou de la part du gouvernement, ce n'est pas, à ce moment-là, contester en fait la nécessité de ces groupes au niveau de la société. J'étais très heureux tout à l'heure, lorsque l'honorable ministre de la Justice a commencé son intervention en disant qu'il fallait laisser le ton de la polémique là-dedans et éviter les comparaisons basses ou mesquines. Je me disais: Nous aurons un exposé qui sera dénué de toute partisanerie. Mais du même souffle, l'honorable ministre de la Justice, qui disait qu'il fallait laisser le ton de la polémique, dans la même intervention, se permettait d'affirmer: Si le Parti québécois veut la paix sociale, qu'il vote ce projet.

M. le Président, je trouve qu'il n'y a rien de plus démagogique que cela. Je vous le dis bien honnêtement: II n'y a rien de plus démagogique que cela. En effet, on pourrait bien dire, même si l'augmentation des salaires des juges ne représente que $4 millions à $5 millions, pour répondre à l'honorable ministre de la Justice: Si le gouvernement veut la paix sociale, qu'il vote donc l'argent qui est nécessaire pour les garderies d'enfants et les garderies populaires de Montréal qui ne représentent qu'un déboursé de $1 millions ou $1.5 million. Je suis très dans l'ordre, M. le Président. On pourrait bien dire, si on voulait continuer à être démagogique: Si le gouvernement veut la paix sociale, comment se fait-il qu'en même temps qu'on annonçait une hausse d'allocations familiales ce même gouvernement se soit permis de diminuer les barèmes ou les tables d'aide sociale, de manière à pénaliser, à ce moment-là, ceux qui sont les plus défavorisés dans notre société? Si on avait voulu continuer sur un ton de polémique, on aurait bien pu dire: II y a peut-être d'autres priorités. Ce matin, par exemple, on disait qu'il était nécessaire que les chèques parviennent au plus vite aux assistés sociaux.

J'imagine que les mêmes problèmes ne se poseront pas en fait concernant les hausses, soit

les chèques qui seront expédiés à la suite des hausses que le gouvernement s'apprête à voter. Ce ne sont pas de gros montants, $5 millions, que représente la hausse dont on nous parle concernant les salaires des juges.

M. CHOQUETTE: Le député me permettrait-il une interruption?

M. BEDARD (Chicoutimi): Bien, si ça ne compte pas sur mon temps.

M. CHOQUETTE: La hausse ne représente pas $5 millions.

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous venez de le dire, entre $4 millions et $5 millions.

M. CHOQUETTE: Le total.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est ça.

M. CHOQUETTE: Mais non.

M. BEDARD (Chicoutimi): Mais oui, c'est ça. Mais écoutez, il ne faut quand même pas tomber dans les détails. C'est évident que c'est l'ensemble de la hausse dont on parle qui représente $4 millions à $5 millions. Vous l'avez dit vous-même.

La hausse, c'est ça. Arrêtez donc! Cela représente... Alors, si on voulait continuer de cette manière démagogique, je pense qu'on pourrait aller très loin et ne régler absolument pas le problème. C'est bien beau de dire, de prendre des airs d'objectivité comme l'a fait le ministre de la Justice et en même temps se permettre, autrement dit, d'affirmer que si le Parti québécois veut la paix sociale, qu'il vote un projet comme celui-là. Je considère que c'est se contredire dans très peu de temps.

Il y a des choses dont le ministre de la Justice a parlé et qui ont attiré mon attention. Il a parlé beaucoup — et je pense, avec raison, à part de ça — du problème du recrutement des juges. Mais il a situé tout le problème, tout ce problème du recrutement des juges, en fonction des salaires à être accordés à ces juges-là.

M. le Président, le problème du recrutement des juges, ce n'est peut-être pas seulement la question du salaire. C'est peut-être le système. C'est une question qu'on peut se poser. Il n'en a pas été question. Je suis convaincu que le ministre de la Justice va accepter qu'on puisse se poser non seulement le problème, la question du salaire des juges, quand on parle de recrutement, mais qu'on peut se poser très honnêtement la question de savoir si le système de recrutement des juges est adéquat. Nous aurons à voter une augmentation du salaire des juges. Est-ce que les juges qui sont déjà nommés et qui verront leur salaire augmenter ne seront pas plus compétents parce que leur salaire a augmenté? Leur compétence n'aura pas diminué, n'aura pas changé. Ce qui veut dire que le raisonnement qui veut évaluer la compétence ou la qualité de l'avocat, ou la compétence ou la qualité des juges en fonction d'un salaire à donner, à mon sens, est démagogique aussi; puis, c'est une fausse manière de regarder le problème. On a mentionné que de plus en plus la tendance du ministère était de nommer des avocats jeunes, comme juges.

Nous savons que les très hauts salaires, au niveau des avocats, sont surtout gagnés par des avocats qui ont beaucoup d'expérience, propriétaires de grands bureaux. On ne leur en veut pas qu'ils les gagnent ces salaires-là, d'accord — quoiqu'on pourrait en discuter — mais cette politique justement du ministère permet, à mon sens, à l'heure actuelle, d'aller recruter, tout en y retrouvant la compétence, tout y en retrouvant la qualité, dans des sphères, ou chez des avocats qui sont capables d'accepter le salaire qui est donné à l'heure actuelle.

Avant d'avoir à voter là-dessus, je me suis posé honnêtement la question suivante: s'il y avait en même temps dans cette Chambre un projet de loi pour voter l'augmentation de salaire des députés, même si cette augmentation pouvait être justifiée, je voterais contre, parce qu'en ce moment, quand il y a tellement de classes défavorisées qui ont besoin, elles aussi, d'être mieux traitées, je voterais contre le projet de loi.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable chef de l'Opposition.

M. Jacques-Yvan Morin

M. MORIN : Le ministre de la Justice, tout à l'heure dans son discours, a aligné des chiffres très intéressants que je me propose de commenter, des chiffres même aussi intéressants quoique moins complets que ceux que nous désirions apporter au débat, soit dit en passant. Son intervention, qui était excellente à plusieurs points de vue, a démontré la nécessité qu'il y aurait eu à s'enquérir à fond, de part et d'autre, de tous les chiffres pertinents, de comparer nos chiffres avec ceux du gouvernement, comme il eut été utile que nous procédions ensemble, en commission, à une étude exhaustive, à une étude complète de toute cette question une fois pour toutes, alors que nous avons été témoins d'une tentative de nous passer ce bill au rouleau compresseur sur le corps, en fin de session.

Je pense que si le ministre avait voulu faire preuve d'un peu de bonne volonté, nous aurions pu, une fois pour toutes, régler la question. Nous aurions pu, notamment, obtenir qu'il dépose devant la commission un certain nombre de documents car j'imagine qu'en plus de ceux qu'il a mentionnés tout à l'heure, il en existe peut-être d'autres dans ses dossiers qui peut-être viendraient appuyer encore davantage sa thèse, par exemple, une comparaison avec toutes les provinces canadiennes pour les juges de niveau analogue.

Nous aurions aimé que soit déposée devant

la commission copie, par exemple, de toutes les études, travaux, recherches entrepris par les fonctionnaires du ministère de la Justice ou même par d'autres personnes, à la demande du ministre relativement à l'objet du projet de loi no 8.

Nous aurions aimé que soit déposée devant cette commission, pour être vraiment éclairés — parce que le gouvernement a quelquefois des sources de renseignement plus complètes, je n'en disconviens pas — la correspondance échangée, par exemple, entre le ministre et le juge en chef de la cour Provinciale, le juge en chef de la Cour des Sessions de la Paix, la cour du Bien-être social ou de tout autre juge de ces cours en ce qui a trait à leur traitement, à l'insuffisance dont on fait état dans ces traitements.

Nous aurions aimé que soit déposé également devant la commission, rapport des rencontres, des communications qu'il aurait pu y avoir entre les personnes que je viens de mentionner sur le même sujet.

Enfin, est-ce que nous n'aurions pas également pu demander au ministre, comme minimum, qu'il convoque devant la commission le président du Conseil consultatif de la justice? C'étaient là des demandes raisonnables que nous aurions aimé faire, mais il était bien clair et il reste clair aujourd'hui qu'il n'entre pas dans les intentions du ministre de nous éclairer pleinement sur la question.

Tout à l'heure, il a apporté certains chiffres. Prenons par exemple, le coût total des salaires des juges en Ontario et au Québec. Le ministre a affirmé, si j'ai bonne mémoire, qu'en Ontario il se dépense $4,201,300 environ pour le salaire des juges des "Provincial Courts". C'est bien ça, je crois. Je dois lui dire bien franchement que la chose n'apparaît pas de façon explicite dans les comptes publics de l'Ontario. Il pourra chercher, j'ai le document ici. C'est bien clair.

M. CHOQUETTE: C'est à "allowances".

M. MORIN: Oui, il y a "allowances", c'est ça, mais je me demande où vous les prenez dans les comptes publics; ils n'y sont pas.

J'aimerais bien savoir où. Voilà ce que vous auriez pu nous dire en commission, M. le ministre, et ce que vous n'avez pas fait.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! à l'ordre!

M. MORIN: M. le Président, vous tiendrez compte de l'interruption, dans le temps...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Quinze secondes.

M. MORIN: ... qui m'est alloué.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Quinze secondes de plus.

M. MORIN: Vingt, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Vingt, d'accord.

M. MORIN: Merci. M. le Président, voici un autre point que j'ai relevé dans les observations du ministre. Selon lui, le salaire des juges des "County Courts" serait de $33,500. Or, nous avons vérifié; nous avions les chiffres là-dessus. Il est bien clair que le fédéral verse $28,000, mais je crois que les autres chiffres du ministre, le supplément provincial... Non, il a été diminué. Il a été diminué. J'ai la loi ici, la plus récente. C'est ce qui vous trompe. Quand le ministère fédéral a augmenté les salaires de ses juges, "l'allowance", le supplément provincial a été diminué lui par une loi de 1971, le 17 décembre. J'ai la loi ici.

Vous allez me dire: Je suis pris de court, etc. Oui, bien, c'est ça dont on aurait pu parler en commission. M. le Président, la loi ici prouve bien que les $5,500 dont a parlé le ministre ne s'appliquent qu'aux juges en chef. Les juges, eux, n'ont que $2,000 de supplément provincial, ce qui leur fait un total, non pas de $33,500, mais de $30,000 pour les "County Courts" en Ontario. Où avez-vous pris la différence?

M. CHOQUETTE: Un de mes fonctionnaires a appelé à Toronto, ce matin.

M. MORIN: Vos chiffres sont erronés, parce qu'ils ne sont pas conformes à la loi.

En tout cas, M. le Président, voilà ce que nous aurions pu étudier en commission. Voilà pourquoi nous pensions qu'il fallait prendre le temps d'aller au fond des choses au lieu de se lancer des chiffres comme ça à la tête et sans pouvoir les comparer méthodiquement. Nous n'avons pas été méthodiques et ce n'est certainement pas la faute de l'Opposition.

Etant donné ce que je viens de dire, j'estime, pour ma part, que ce projet de loi demeure prématuré. Tout à l'heure, vous avez refusé une motion qui tendait à renvoyer l'affaire devant la commission pour que nous puissions l'étudier en bonne et due forme, prendre tout le temps requis.

Motion d'amendement de M. Morin

M. MORIN: Eh bien, puisqu'il en est ainsi, je voudrais proposer maintenant que la motion, dont nous discutons, soit amendée en retranchant le mot "maintenant" et en ajoutant à la fin les mots "dans six mois". J'ai une copie ici.

LE PRESIDENT: Page.

M. MORIN: Je pense que le leader de l'Opposition fait un très joli page !

LE PRESIDENT: Au lieu de les prendre page par page, il faudrait sauter des pages!

M. MORIN: M. le Président, je ne suis pas en mesure, comme modeste chef de l'Opposition, de commenter votre humour ce matin.

Mais je me permettrais donc de vous lire la motion telle qu'elle se lirait: Que le rapport de la commission permanente de la justice, qui a étudié le projet de loi no 8, etc., soit adopté dans six mois. Le but de cette motion est carrément dilatoire. Qu'on ne vienne pas nous crier à la tête que c'est dilatoire, cela l'est. C'est de prendre le temps d'étudier les chiffres que le ministre de la Justice nous a apportés ce matin dans un discours dont je dis qu'il était excellent, à bien des égards, mais il n'était pas complet. Il ne suffit pas de comparer l'Ontario et le Québec. Allons voir ce qui se fait dans les autres provinces. Prenons le temps de réfléchir.

Pour le cas où l'on croirait que les honorables juges seraient pénalisés par notre attitude, qu'on maintienne dans le projet de loi les dispositions rétroactives. Le premier ministre disait, hier, que la rétroactivité est un mauvais principe. Bien sûr, lorsque la rétroactivité tend à pénaliser un citoyen. Mais, comme dans ce cas-ci, elle tend, au contraire, à les avantager, nous n'avons aucune objection à ce que le projet de loi demeure rétroactif.

Donc, si nous attendons six mois, qu'est-ce que ces honorables juges auront perdu? Est-ce qu'avec $28,000, ils n'ont pas de quoi faire leurs emplettes de Noël, M. le Président? Je vous soumets bien humblement qu'ils ne sont pas parmi les plus défavorisés. C'est pourquoi je vous soumets cette motion.

M. BIENVENUE: M. le Président, je serai aussi bref que tout à l'heure. J'invoque l'article 125, directement ou par analogie.

M. BURNS: Sur la question d'analogie, M. le Président, c'est une motion qui peut retrouver une autre analogie. C'est cette analogie que nous retrouvons à la motion à l'amendement que nous pouvons faire à l'encontre de la motion traditionnelle de deuxième lecture, motion de forme elle aussi, M. le Président, mais qui pour les fins de notre règlement, est considérée comme une motion de fond, uniquement quant au temps de parole.

Or, cette motion de deuxième lecture est traditionnelle. Elle se fait régulièrement. D'ailleurs, nous l'avons faite, même, sur ce projet de loi quant au principe. Et je fais bien la distinction. C'était le principe de la loi que nous demandions de reporter à six mois ou l'adoption du principe.

Maintenant, M. le Président, ce n'est pas l'adoption du principe que nous demandons de reporter à six mois, puisqu'il a déjà été adopté. Nous demandons que dans le fond, le détail du projet de loi, lui, soit reporté à six mois, de sorte que, si mon bon ami, le député de

Crémazie, nous parle d'analogie par rapport à l'article 125, je peux lui parler aussi d'analogie par rapport à la motion traditionnelle de deuxième lecture, qui elle est permise.

Je vous prie de remarquer, M. le Président, que la forme dans laquelle cette motion-ci est faite, est absolument identique à la forme que nous utilisons pour faire la motion de reporter à six mois l'étude du principe d'un projet de loi. J'insiste, à part l'argument d'analogie, sur l'argument suivant: II n'y a rien, M. le Président, qui nous empêche de faire cette motion dans le règlement, même pas l'esprit de notre règlement.

Si on nous soumet une motion, si on doit nous soumettre une motion pour faire adopter le rapport de la commission et si on ne nous prive pas de notre droit d'amender spécifiquement cette motion, je vous soumets que nous pouvons l'amender. Ceci est basé sur un grand principe d'interprétation que vous connaissez beaucoup mieux que moi, M. le Président, j'en suis certain. C'est celui que, lorsqu'il y a privation de droits, il faut que la mesure restrictive des droits soit clairement et spécifiquement mentionnée.

Je ne le dis pas de façon péjorative. C'est peut-être un trou dans notre règlement, c'est possible. Vous avez d'ailleurs fait remarquer vous-même, M. le Président, à plusieurs occasions, que ce règlement est, à toutes fins pratiques, de la nouvelle législation. Comme pour toute nouvelle législation, il est possible que, de bonne foi, le législateur y ait laissé des trous béants. La législation en question se trouve être notre nouveau règlement, auquel j'ai travaillé moi aussi, comme le député de Beauce-Sud et comme le député de Bonaventure, comme l'ancien député de Maskinongé et vous-même, M. le Président. Peut-être avons-nous, quand nous avons eu les séances de préparation de ce nouveau règlement, oublié — je le dis en toute humilité puisque j'ai participé à ces travaux — un certain nombre de trous, et c'en est un, je pense. Si ce n'était pas l'intention du législateur de le faire, il aurait dû l'écrire, parce que cela devient restrictif des droits, et dès que cela devient restrictif, dès qu'on diminue des droits — en l'occurrence ce sont ceux des députés de l'Opposition — je trouve qu'il faut l'écrire directement pour qu'on puisse dire qu'il est absolument irrecevable de faire la motion que l'honorable chef de l'Opposition vient de faire.

Décision de M. le Président

LE PRESIDENT: Mes remarques vont être très brèves. Je crois que je suis lié par la continuité de mes remarques et la décision un peu plus élaborée que j'ai rendue sur la motion précédente de l'honorable député de Maisonneuve. C'est la même raison que j'ai invoquée tout à l'heure. Pour l'économie générale de

notre droit nouveau, périlleux, je dois refuser cette motion.

M. BURNS: II est une heure, M. le Président. UNE VOIX: Moins deux.

M. BURNS: Si vous appelez les députés, M. le Président, on va voter après une heure. J'ai peur que ce soit illégal. M. le Président, il y a eu assez d'illégalités dans cette affaire.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Vote sur le rapport concernant le projet de loi no 8

LE PRESIDENT: A la demande du député de Beauce-Sud, voici la motion qui est devant l'Assemblée. C'est la motion de l'honorable député de Portneuf, proposant que le rapport de la commission permanente de la justice qui a étudié le projet de loi 8, Loi modifiant de nouveau la loi des tribunaux judiciaires, soit maintenant adopté.

Que ceux qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît !

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Choquette Garneau, Phaneuf, Lachapelle, Berthiaume, Goldbloom, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Massé, Harvey (Jonquière), Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Per-reault, Brown, Kennedy, Bacon, Blank, Veilleux, Séguin, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Ostiguy, Carpentier, Dionne, Faucher, Marchand, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Shanks, Springate, Pépin, Beauregard, Bérard, Bonnier, Boudreault, Boutin (Johnson), Chagnon, Caron, Denis, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Samson, Roy.

LE PRESIDENT: II n'est pas permis de manifester durant un vote.

Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît !

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi ).

LE SECRETAIRE: Pour: 67.

Contre: 6.

LE PRESIDENT: La motion est adoptée. L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 7)

Reprise de la séance à 15 h 5

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, article 5.

LE PRESIDENT: Article 5, d'accord. Le député de Saguenay.

Projet de loi no 2 Deuxième lecture (suite)

M. BURNS: M. le Président, il y a quelques jours, je vais regarder mon feuilleton...

LE PRESIDENT: Ce que m'indique le feuilleton.

M. BURNS: II y a quelques jours. Non, il n'est pas loin, je viens juste de le quitter au bord de la Chambre, M. le Président.

M. LEVESQUE: Est-ce que vous parlez pour lui donner une chance d'arriver?

M. BURNS: Non, non, je veux simplement, vous allez admettre, M. le Président, que, depuis la discussion du projet de loi no 2 en deuxième lecture, il y a quand même eu un certain nombre de choses, c'est dans ce sens-là que je dis... C'est ça qui est important, c'est pour ça que je pose la question. Est-ce qu'il avait commencé? S'il n'a pas commencé, il ne fait que perdre sa priorité...

LE PRESIDENT: Perdre sa priorité.

M. BURNS: ... alors que s'il a commencé à parler.

M. LEVESQUE: On verra ce qu'il a perdu ou non.

M. BURNS: Bien, je pense bien que c'est la solution, M. le Président, je ne veux pas retarder les travaux de la Chambre.

LE PRESIDENT: Est-ce que le député de Maisonneuve a déjà parlé sur ce projet de loi? D'accord.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: M. le Président, après avoir discuté d'un projet de loi fort contentieux, nous voici maintenant avec un projet de loi qui est plutôt une reformette.

Ce projet de loi est le quatrième que nous propose le ministre de la Justice concernant la réforme des loyers.

Nous avons eu, d'abord, un projet de loi sur lequel les membres du Parti québécois étaient d'accord, projet de loi no 59. Par la suite, le ministre de la Justice, encore une fois, contrairement à ce qu'il fait justement sur le projet de loi no 8, a reculé. Le ministre de la Justice, qui pour une fois, nous présentait un projet de loi valable et qui, pour une fois, nous présentait un projet de loi qui nous proposait une véritable réforme des loyers, le ministre de la Justice, soumis à ses backbenchers libéraux ou à d'autres interventions beaucoup plus occultes, a décidé de reculer et de nous présenter cette fois un autre projet de loi, le projet de loi no 2.

Un certain nombre de députés se posaient certaines questions, en particulier, le député d'Anjou, qui nous disait: Oui, mais en quoi ce projet de loi no 2 est-il différent du premier projet de loi qui nous avait été présenté par le ministre de la Justice? Et c'est là justement le fond du problème. Et c'est là qu'a été le fond de la discussion. C'est là qu'il y a eu une opposition entre 80 p.c. de la population québécoise et les quelques organismes très limités qui financent le Parti libéral. Le député de Maisonneuve et le député de Lafontaine ont prouvé, à partir d'articles de journaux, quelles influences étaient intervenues, soit des Chambres de commerce, des organisations de propriétaires, auprès du ministre de la Justice soit encore probablement des députés libéraux qui eux aussi sont propriétaires et peut-être propriétaires de maisons d'appartements.

Quelle différence y a-t-il entre ce projet de loi et le premier projet de loi qui nous avait été présenté par le ministre de la Justice, le projet de loi no 59? D'abord, il faut dire que le ministre de la Justice nous avait, en 1970, au moment de la campagne électorale, promis une grande réforme concernant le code des loyers.

Il est vrai, M. le Président, que le projet de loi 59 n'apportait pas une véritable réforme en ce qui concernait toute la politique d'habitation au Québec, mais encore, M. le Président, il restait qu'au moins, il y avait une réforme, une protection des locataires, parce qu'une fois pour toutes, il faut quand même se le mettre dans la tête et des députés libéraux qui ont adopté, qui ont accepté ou qui se préparent à accepter l'augmentation du salaire des juges, devraient justement, une fois qu'ils auront accepté l'augmentation du salaire des juges, au moins se dire qu'il y a des gens qui n'ont pas les salaires des juges. Il y a des gens qui sont poignes, qui sont obligés de grever leur revenu, de plus en plus, pour payer leur logement et qui n'ont aucune protection. C'est justement, je parle de la motion.

Or, cette protection elle était accordée dans le premier projet de loi qui nous a été soumis par le ministre de la Justice. D'abord, il y avait cette augmentation, cette norme de 5 p.c, augmentation maximale de 5 p.c. du prix des loyers, afin de protéger le locataire, mais cela ne voulait pas dire que le propriétaire ne pouvait pas augmenter plus, il y avait certaines conditions précises qui étaient déterminées dans le projet de loi. Donc, il y avait cette norme. Où est-elle, cette norme, dans le nouveau projet de loi qu'on nous soumet? Où est-elle, cette protection nécessaire, obligatoire même pour 80 p.c. des citoyens du Québec? On accepte, et je vois le ministre des Affaires sociales. Je suis assuré que les chèques pour les juges vont être faits probablement avant le 25 décembre, j'espère au moins qu'on pourra le faire aussi pour les assistés sociaux. Cette norme, on ne la retrouve plus dans le nouveau projet de loi qui nous est soumis. Les locataires sont encore laissés mains et poings liés entre les mains de quelques privilégiés, encore, comme cela a été le cas pour les juges, de quelques privilégiés de la société. '

LE PRESIDENT: La pertinence du débat dans ce cas-ci est assez facile, parce que nous avons pratiquement trois projets de loi greffés à cela. De grâce, n'allez pas dans un quatrième. Il y en a déjà trois.

M. LESSARD: D'accord, M. le Président, mais j'ai simplement fait une relation, comme cela a été le cas. Les locataires donc, 80 p.c. de la population du Québec sont encore laissés mains et poings liés à la merci de quelques privilégiés de la société québécoise.

Les locataires ne demandaient pas des choses absolument anormales lorsqu'ils sont venus soumettre leur mémoire à la commission parlementaire. Ils demandaient tout simplement certaines choses qui nous paraissent, pour nous du Parti québécois, normales. Ils demandaient, d'abord, que l'on puisse empêcher une hausse abusive des loyers. Ils demandaient que l'on fasse disparaître cette incertitude dans les relations entre locataires et propriétaires. Justement, le bill 59 leur donnait cette assurance. Quand on a vu les financiers de la caisse électorale du Parti libéral venir faire des pressions à la commission parlementaire, présenter leur mémoire, devant ces exigences normales, qu'est-ce qu'on a apporté?

On a parlé du socialisme. C'était du socialisme d'imposer une loi comme celle-là. C'était intervenir dans la liberté de contracter entre locataires et propriétaires. Quelle est la liberté d'un gars qui est obligé de donner 25 p.c. à 30 p.c. de son revenu pour être locataire? Comme le disait justement le député de Rouyn-Noranda, quelle liberté a-t-il, ce gars, lorsqu'il va signer un bail avec son propriétaire, lui qui n'est pas capable de se payer un avocat alors que le propriétaire est capable de se payer un avocat?

Atteinte à la liberté humaine, atteinte à la liberté des gros, atteinte à la liberté des propriétaires dont, peut-être, un certain nombre de députés libéraux. C'est pourquoi le ministre, probablement, a reculé devant ses "backbenchers" libéraux. Atteinte à la liberté, attein-

te à la propriété privée. Mais il n'y avait aucune atteinte à la propriété privée. Il était même dit, dans l'ex-projet de loi... C'est justement pourquoi nous allons, encore une fois, comme nous nous sommes battus contre un projet de loi que vous connaissez, nous battre pour faire en sorte que ce projet de loi soit amélioré.

Non, M. le Président, il n'y avait aucune atteinte à la liberté de contracter, il n'y avait aucune atteinte à la liberté de propriété puisqu'il était prévu, dans le projet de loi, que le propriétaire pouvait augmenter le prix de son logement. C'était même prévu dans le projet de loi. Mais, cependant, le locataire avait la possibilité d'en appeler à un tribunal.

Il fallait, M. le Président, que le propriétaire prouve devant le tribunal que, suite à l'augmentation, par exemple, des taxes, suite à l'augmentation du coût de la construction, suite à toutes ces augmentations que nous donne, depuis 1970, le gouvernement Bourassa, il devait augmenter son loyer.

Mais, M. le Président, c'était justice à la fois, dans ce premier projet de loi, et pour le propriétaire et pour le locataire. Il fallait que le propriétaire justifie sa décision. Non, M. le Président. C'était encore une mesure exagérée pour le ministre de la Justice, encore intervenir dans la liberté de contracter. Mais on intervient continuellement, M. le Président, dans cette liberté de contracter, par exemple le ministre responsable de l'exploitation du consommateur — non, je m'excuse, M. le Président, de la protection du consommateur. On aurait dû intervenir et accepter cette norme, réimprimer, en tout cas, dans le projet de loi cet article qui imposait cette norme d'une augmentation maximum de 5 p.c. Il y avait donc la possibilité, pour le propriétaire, d'augmenter mais il y avait aussi une possibilité pour le locataire de contester.

A quelle place le trouve-t-on, dans le projet de loi no 2, ce tribunal administratif siégeant en première instance, la Commission des loyers? Est-ce qu'on le retrouve, M. le Président? Non. Et, justement, le député d'Anjou nous demandait: Mais en quoi ce projet de loi no 2 est-il différent du premier projet qui nous a été présenté? La différence, c'est que dans le premier projet on avait quelque chose. Dans le premier projet, on avait une réforme. Mais là, malheureusement, on n'a absolument rien.

Et pour vous le prouver, M. le Président, ce n'est pas le député de Saguenay qui va vous le dire, je vais vous lire les notes explicatives du projet de loi, si je peux les trouver, où on dit que ce projet de loi n'est pas une grande réforme. C'est simplement quelques innovations qu'on présente. C'est simplement une question de concordance. Et c'est dans les notes explicatives. Je regrette, je ne les trouve plus, M. le Président.

M. BIENVENUE: M. le Président...

LE PRESIDENT: Une question de règlement?

M. LESSARD: C'est simplement une question de concordance. On dit justement...

M. BIENVENUE: M. le Président...

LE PRESIDENT: Question de règlement?

M. LESSARD: Aux forces ou aux financiers...

M. BIENVENUE: M. le Président, question... M. LESSARD: ... du Parti libéral...

LE PRESIDENT: Un instant, question de règlement.

M. BIENVENUE: Enfin, règlement plus ou moins, mais c'est pour venir en aide au député de Saguenay. On pourrait peut-être suspendre quelques minutes pour qu'il trouve la référence qu'il cherche, si la Chambre...

M. LESSARD: Je suis prêt. Je ne l'appellerai même pas l'immigré, je remercie l'ex-député de Matane de m'avoir permis cette possibilité et en même temps de m'avoir permis de souffler, vous comprendrez qu'après le repas, j'ai été obligé de monter.

Et voici, je vous donne les notes explicatives que l'amabilité du député actuel de Crémazie et du député de Chicoutimi vont me permettre de faire. "Le proiet — lit-on — contient dans une première section des dispositions applicables à toutes les catégories de baux, civils, commerciaux, industriels, mobiliers, immobiliers." "Cette section — le ministre de la Justice pourrait peut-être écouter — contient quelques innovations." Ce n'est pas une grande réforme, ce sont quelques innovations. "... et en outre aligne les dispositions du code civil sur les décisions des tribunaux qui sont parues avec le temps conformes aux nécessités du louage des choses." C'est strictement une question de concordance, l'ajustement avec la jurisprudence, quand on sait que les lois sont très en retard sur la réalité québécoise, bien souvent sur la réalité d'une société.

Ce n'est donc pas nous qui critiquons ce projet de loi, c'est le ministre lui-même qui nous a ouvert la porte en disant dans ses notes explicatives: Ce n'est pas une grande réforme le projet de loi qu'on vous soumet, ce n'est pas une grande transformation et justement pour tranquilliser ces "backbenchers" libéraux probablement propriétaires de maisons d'appartements et tranquilliser les influences occultes qui agissent auprès de ce gouvernement, on leur dit: Ce sont quelques innovations, ce n'est pas grand-chose.

Encore un projet de loi de dix pages, M. le

Président. Le principe à l'Assemblée nationale, depuis 1970, ce n'est pas de présenter des projets de loi importants, ce n'est pas de présenter des réformes. Le principe, c'est de multiplier les projets de loi, c'est de présenter quantité de projets de loi pour être capable de dire, comme le député d'Anjou, au moment de la campagne électorale: Figurez-vous que nous avons réussi au cours de quatre ans de mandat à présenter 400 projets de loi. Mais quels projets de loi? Des projets de loi insignifiante. Des projets de loi qui nous amènent à perdre notre temps à l'intérieur de l'Assemblée nationale. Quand on pense que c'est la troisième fois que nous avons à discuter à l'Assemblée nationale du code des loyers. Chaque fois que nous avons eu à en discuter, il fallu constater un recul constant du ministre de la Justice. Pourtant il n'a pas reculé sur le projet de loi no 8, pourtant il n'a pas reculé lorsqu'il a décidé d'augmenter le salaire des juges de $5,000, soit $100 par semaine, M. le Président.

Les petits, même si cela représente 80 p.c. de la population québécoise, on ne s'en occupe pas dans ce parti. Les petits, M. le Président, ce n'est pas une préoccupation importante pour les députés libéraux, c'est l'image qui est importante. Présenter quelquefois des projets de loi épais, des projets de loi qui ressemblent justement à cette majorité grotesque dont parle souvent le député de Saint-Jacques, majorité épaisse. C'est cela qui est malheureux. Quant à nous du Parti québécois, nous sommes prêts, comme nous l'avons dit à maintes reprises, à étudier des projets de loi, mais des projets de loi qui sont sérieux, surtout quand il s'agit de la réforme du code des loyers. C'est là un des éléments essentiels dans notre société parce que, justement, 80 p.c. de la population sont des locataires. Vous serez jugés comme les gouvernements précédents l'ont été. Parce qu'à 102 députés, M. le Président, il y a une chose dont on est sûr, vous ne pouvez pas augmenter et nous, nous ne pouvons pas diminuer.

Alors, M. le Président, les petits, les 80 p.c. ne sont pas représentés dans ce gouvernement.

Parce que le ministre de la Justice, parce que ce gouvernement-là n'a jamais été capable de présenter une véritable réforme de l'habitation familiale, parce que le ministre des Affaires municipales, comme l'a dit le député de Saint-Jacques, ce roseau du gouvernement actuel, n'a jamais été capable d'appliquer une véritable réforme. C'est pour ça que les Québécois sont des locataires comme ils seront des locataires à l'intérieur de leur propre pays, parce que ce gouvernement est un gouvernement de soumission, de capitulation tranquille. Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron M. CHARRON: M. le Président, les collègues du Parti québécois qui sont intervenus avant moi vous ont signalé comment il nous apparaît aberrant de voir le ministre de la Justice successivement diminuer une réforme qu'on est venu bien près d'adopter, mais que des pressions en coulisse, à l'extérieur des travaux normaux de l'Assemblée nationale, ont, par deux fois déjà, paralysée pour aboutir finalement à ce trognon de réforme qu'est le projet de loi no 2 et éventuellement le projet de loi no 3 sur lequel j'interviendrai tout à l'heure également.

M. le Président, j'espère que parmi les députés libéraux du caucus, parmi cette majorité du caucus libéral qui a poussé le ministre à laisser tomber une réforme que 80 p.c. des Québécois attendaient, il s'en trouvera seulement un qui, d'une façon claire, précise et exacte, au nom de la majorité du Parti libéral, prendra la parole au cours du débat sur le projet de loi no 2 et nous dira pourquoi, non seulement à nous, pas simplement à l'Opposition officielle, mais aux Québécois, pourquoi il s'est trouvé une majorité d'élus, anciens et nouveaux, du 29 octobre dernier, qui ont fait reculer le ministre de la Justice sur un projet de loi que tout le monde attendait.

A moins que ce ne soit complètement qu'une masse qui n'agit que dans le secret et dans les coulisses, comme le financement de leur parti, à moins que ce ne soient que de gens qui n'agissent que pour des intérêts qu'ils ont honte de révéler à la population, à moins que ce ne soient que des députés marionnettes, M. le Président, et qui ne dépendent que de pressions que l'on fait jouer sur eux dans leur comté ou à l'intérieur même de cette enceinte, j'espère que, dans ce groupe anonyme et atrocement amorphe de 101 députés libéraux qui nous entourent, il s'en trouvera au moins un qui, sans être un félin, sans être absolument un grand courageux, mais en étant simplement un homme qui respecte le mandat qu'il a reçu de la population et qui n'a pas honte de ses opinions, se lèvera au cours de ce débat. Il viendra sauver la face du ministre de la Justice qui nous a présenté le projet de loi no 2 d'une manière tellement ridicule qu'elle lançait elle-même appel à l'aide à un ou deux ou trois de ces innombrables "backbenchers" pour qu'il y en ait un au moins qui vienne justifier la reculade du ministre de la Justice.

Je me souviens très bien de la fierté qu'avait le ministre de la Justice, c'était le même à l'époque, lorsqu'en commission parlementaire on étudiait le projet de loi 59. Il était fier de la réforme qu'il avançait. Il l'avait soumis au Parlement en première lecture.

Il l'avait déjà, l'appui des trois autres partis de l'Opposition à l'époque. Il avait l'appui de tous ces groupes qui représentent les locataires québécois. Où était passée cette fierté, lorsque mardi soir dernier, à la sauvette, en cachette, avec des excuses qui ne tiennent pas debout, avec des bouts de ficelle d'explications, il a été obligé de nous dire que cette Chambre va

maintenant se contenter d'une version aussi réduite que ne l'est le projet de loi no 2 sur la réforme des loyers?

En attendant, il se trouve que cette majorité n'est bonne qu'à ne lancer des invectives aux députés qui prennent la parole. Les connaissant assez, je peux très bien identifier parmi ce groupe les plus réactionnaires, les plus tenants et probablement ceux qui ont fait le plus de pressions auprès du ministre de la Justice pour qu'il recule. Ce sont souvent aussi ceux qui ont la plus mauvaise conduite à l'intérieur de cette Assemblée. J'espère que se prévalant de leur droit que nous sommes prêts à leur reconnaître — quitte à allonger un débat, peu importe, je suis intéressé et les citoyens de mon comté aussi, parce que ce sont des locataires qui attendaient depuis longtemps cette réforme — ils expliqueront pourquoi il s'est trouvé dans ce groupe une majorité de gens qui ont saccagé cette réforme que nous attendions...

Je vous faisais mention tout à l'heure que lors des projets de loi précédents, 59 et la version édulcorée 78 et 79 et finalement jusqu'au trognon qu'est le bill 2, il s'est trouvé des groupes dont l'oeuvre essentielle depuis quelques années a été — et ils ont souvent reçu l'hommage du ministre responsable de la protection du consommateur, soit dit en passant — d'organiser des associations de locataires pour défendre leurs droits. Chez nous, dans le bas de la ville de Montréal, ils ont fait un travail extraordinaire. L'ensemble des taudis qui s'allongent entre la rue Saint-Denis jusqu'à Delori-mier, entre la rue Ontario jusqu'à la Place Radio-Canada, tout le monde le sait, appartiennent la plupart du temps au Royal Trust, au Montreal Trust, aux sociétés de fiducie qui se sacrent comme de l'an quarante des locataires qui sont dans ces maisons, excepté pour augmenter les loyers chaque année, qui attendent simplement qu'un projet d'expropriation, genre autoroute est-ouest arrive et leur permette de spéculer sur la valeur des terrains sur lesquels reposent ces taudis et où doivent vivre des familles qui dépendent de l'aide sociale que vient de réduire le ministre des Affaires sociales. C'est le cas, M. le Président, pour ces gens et il s'est trouvé de ces citoyens, non pas comme on aime souvent les décrire à l'intérieur de la majorité libérale, non pas des anarchistes et des agitateurs — c'est beaucoup trop facile — mais des locataires, eux-mêmes pères de famille ou mères de famille, qui ont pris sur eux-mêmes de corriger leurs problèmes et qui se sont regroupés dans des associations de locataires.

Ils se sont trouvés tellement nombreux à un certain moment qu'ils ont voulu, face au pouvoir énorme qu'ont les propriétaires, ces sociétés de fiducie et toutes les entrées en coulisse qu'ils ont auprès du gouvernement, au point de le faire reculer, la preuve en est là, qu'ils ont senti le besoin de se structurer dans une fédération des associations de locataires, et le ministre de la Justice s'en souvient. Ces groupes sont venus nous rencontrer au moment où nous étudiions l'intéressante réforme qu'était le projet de loi 59 et je retrouve dans le témoignage d'un de ces citoyens qui était venu s'adresser à la commission, une clairvoyance que je voudrais soumettre à la Chambre aujourd'hui. Vous savez, ces citoyens qui ont l'habitude de grignoter chacun de leurs droits, de se battre pour le respect du minimum vital qu'un gouvernement se refuse toujours à leur donner, que cela soit dans le revenu ou dans leur protection comme consommateurs, ces citoyens ne sont pas fous. Ils savent voir venir les choses, et je me souviens très bien que lorsqu'ils sont venus témoigner lors de l'étude du projet de loi 59, il se trouvait des citoyens du comté que je représente ici et qui m'ont dit en parlant du projet de loi 59: Cela n'est pas possible. On a des amendements à suggérer, mais la loi est carrément très bonne. Et ils ont dit: Cela n'est pas possible, M. Choquette va reculer à un certain moment.

Et je lis la fin d'un témoignage alors qu'ils soulignent à bon droit que la loi était encore amendable, mais qu'ils l'appuyaient de façon non équivoque.

Je termine. C'était le 29 novembre 1972, ils disaient: "Mais on est loin de cette solution. Non seulement le projet de loi 59 est-il menacé, mais il y a même un risque que tout le travail de sensibilisation que les associations de locataires ont effectué, partout en province et dans les grandes villes du Québec, ne serve à la fin qu'à de la désillusion chez une population qui croyait que le gouvernmeent envisageait enfin de légiférer pour le vrai monde."

Ils étaient légitimés de le croire, on travaillait à un projet de loi qui avait reçu la sanction du cabinet, qui était parrainé par le ministre de la Justice et qui occupait les travaux de la commission parlementaire. Jusque-là, ils avaient tellement de doute sur ces gouvernements que même cette étape franchie, ils ont dit: Tant qu'elle ne sera pas sanctionnée, on ne le croira pas. Et comme ils avaient raison, aujourd'hui, M. le Président, quand on se penche sur ce ridicule projet de loi no 2!

Je poursuis. C'est un locataire qui parle: "II y a peu de lois à chaque session qui touchent toute la population directement ou qui concernent des aspects majeurs et vitaux pour la vie collective. Il y a peu de lois surtout qui suscitent une attention suivie, comme c'est le cas pour le bill 59. Les députés qui la voteront représentent d'abord une population de locataires et ce phénomène est surtout marqué par ceux qui sont élus par les populations urbaines. Au lieu de composer avec les intérêts économiques de ceux qui contrôlent la ville, ne doivent-ils pas, ces députés, avant tout, assurer la possibilité, pour les citoyens urbains du Québec, d'améliorer cette qualité de vie dont on parle dans les journaux, dans les écrits de sociologues et dans les programmes politiques, mais dont on retrouve souvent peu d'écho dans les textes de loi. Ce sera à M. le ministre Choquette et aux autres députés de présenter

leurs choix et leur options clairement au public."

C'est le président de la Fédération des associations de locataires qui nous adressait son opinion le 23 novembre 1972.

Je reprends à mon compte, de mon siège, au nom de la population que je représente ici, cet appel dans les trois dernières lignes de leur mémoire: "Ce sera à M. le Ministre Choquette et aux autres députés de présenter leurs choix et leurs options clairement au public." Dites-nous clairement, maintenant, pourquoi vous avez saccagé le projet de loi 59. Dites-nous clairement, dites-le au président, si vous voulez, si vous avez peur de nous regarder en face, dites clairement à la population, aux locataires que vous représentez, pourquoi vous avez demandé qu'on retire du projet de loi une première protection qui arrivait finalement chez les locataires, pourquoi vous avez refusé les conditions, le plafond qu'on mettait à l'augmentation de salaire. Il y avait même des dispositions, je l'ai dit, lors des travaux de la commission, dans ce projet de loi, des dispositions telles que moi-même, je me disais: Ce n'est pas possible, Choquette va "scrapper" ça à un moment donné ou à un autre. Et cela s'est produit, M. le Président.

M. BIENVENUE: M. le Président, j'invoque le règlement.

De plus en plus, de façon insidieuse mais voulue, on prend l'habitude chez les députés d'en face d'appeler les honorables députés de cette Chambre par leur nom. Tout à l'heure, c'était le ministre Choquette et là, on en est rendu à Choquette, ça va être Jérôme bientôt, M. le Président, puis vous pourrez aller siéger à l'extérieur et on fera le débat entre nous. Je vous demande de rappeler le député à l'observance du règlement sur ce point.

Je n'ai pas terminé.

Ou alors changeons le règlement.

M. CHARRON: M. le Président, sur le point de règlement soulevé par l'ancien député de Matane, je dois dire que j'avais à la tête le mot Choquette parce que je venais de faire référence à un texte qui disait exactement ceci: "Ce sera à M. le ministre Choquette — les locataires l'appelaient M. le ministre Choquette — et aux autres députés de présenter leurs choix et leurs options clairement au public." Mais je suis prêt à revenir et à appeler le député d'Outremont, le député d'Outremont, le ministre de la Justice. Je ne crois pas que nous arrivions jamais à nous appeler plus intimement que ça, M. le Président.

Mais, puisque le député des Iles-de-la-Madeleine vient de m'y inviter en participant, de façon irrégulière, au débat, comme c'est sa marque de commerce, et en faisant référence aux tavernes de mon comté, comme il dit, exactement comme vient de le faire le député des Iles-de-la-Madeleine, effectivement, au cours de l'ajournement des fêtes, j'irai dans les taver- nes de mon comté, comme c'est mon droit, et j'aurai l'occasion de discuter, avec mes concitoyens, de ce que j'ai vécu ici depuis quatre semaines. Je leur expliquerai, du mieux que je peux, comment un gouvernement a préféré augmenter le salaires des juges plutôt que d'apporter une protection au consommateur. Et je leur dirai aussi, à ce moment-là, qu'ils ont eu parfaitement raison, le 29 octobre dernier, d'augmenter la majorité que le Parti québécois avait déjà dans ce territoire depuis 1970.

Je leur parlerai également des références, aussi bien inédites qu'intéressantes, que m'invite à faire le député des Iles-de-la-Madeleine; je rapporterai exactement et fidèlement toutes les raisons que m'auront données, au cours de ce débat en deuxième lecture, les députés libéraux. J'attends du député des Iles-de-la-Madeleine, puisqu'il est, comme tout le monde le sait, le roi des "backbenchers", qu'il intervienne dans le débat sur le projet de loi no 2. J'attends de lui qu'il vienne nous l'expliquer. Si les autres n'en ont pas le courage, s'il est à ce point le "boss" qui est capable de les faire taire même quand ils voudraient intervenir, alors qu'il intervienne et qu'il nous dise pourquoi le caucus libéral a saccagé le bill 59 jusqu'à le réduire aux bills 78 et 79. Et puis, le tout nouveau caucus libéral — dont il est le maître incontesté, tout le monde en conviendra — pourquoi avez-vous, encore une fois, fait reculer le ministre de la Justice sur le feuilleton? J'espère, M. le Président, qu'au lieu d'intervenir comme un "fafouin" comme il le fait actuellement et en dehors du règlement, au lieu d'intervenir comme un imbécile en Chambre...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! ... A l'ordre!

M. CHARRON: ... qu'il se lèvera à un moment donné et qu'il nous dira exactement pourquoi. Depuis que je suis en Chambre, j'attends de lui une intervention régulière, je ne dis pas intelligente, j'ai déjà démissionné dans mon espoir sur ce plan-là mais simplement une intervention régulière; je lui demanderais cette fois-ci, non seulement régulière mais franche. Dites-nous franchement pourquoi il s'est trouvé, dans le caucus libéral, une majorité qui a forcé le ministre de la Justice à avoir l'air aussi ridicule qu'il avait l'autre soir lorsqu'il a dû parrainer le projet de loi no 2, et nous demander à nous pourquoi on arrivait.

Je vous rappelle, M. le Président, que ce député qui intervient à tort et à travers n'a jamais ici en cette Chambre — et j'aimerais bien l'entendre — voulu protéger les locataires du Québec. Je ne l'ai jamais entendu intervenir et défendre le projet de loi 59, probablement parce qu'il se tenait parmi ceux qui s'apprêtaient à le saccager. Il a laissé le ministre de la Justice annoncer sa réforme, et par la suite, en coulisse, en montant ses gars et en contrôlant son caucus, après que le ministre eut fait un

pitre de lui et annoncé qu'il irait jusqu'au bout avec cette réforme, il s'est arrangé, en coulisse — c'est sa façon de travailler — pour saccager le projet de loi.

Le ministre est revenu avec les projets de loi 78, 79. Cette fois, il s'attendait bien que la réforme était arrivée. Il est arrivé que cela ne s'est pas produit quand même. Le chef des "backbenchers" libéraux, le roi, le valet du gouvernement s'est soumis encore une fois au même appel, à la même volonté et, encore une fois, a réprimandé ceux qui, parmi ses députés, voulaient probablement s'exprimer, parce qu'il s'en trouve, parmi les députés libéraux, de ces gens qui représentent largement une majorité de locataires.

C'est le choix que nous avons, au cours de ce débat. Ce sont les locataires eux-mêmes, comme je vous le rappelais, M. le Président, dans le texte que j'ai déposé tout à l'heure, ce sont les locataires eux-mêmes qui, même lorsque nous étudiions le projet de loi 59, qui était parrainé par un ministre du gouvernement libéral, nous disaient: Cela ne se peut pas, il va se produire quelque chose ou bien on ne comprend plus rien à la politique.

Ils comprennent beaucoup à la politique, ils savent qu'il ne suffit pas qu'un ministre dépose une projet de loi. En effet, le fait de déposer un projet de loi est souvent le début d'une bataille et non pas la fin. C'est alors que tous les intérêts économiques qui grenouillent en coulisse, tous ceux qui ont leurs entrées directes via la caisse électorale du parti, toutes ces pressions qui peuvent se faire, c'est alors qu'elles se mettent à jouer, et nous en avons aujourd'hui le triste résultat.

Nous devons nous contenter d'une réforme qui ne fait que mettre à jour ce que la jurisprudence, dans la plupart des cas du code civil, avait déjà reconnu, M. le Président. C'est une mise à jour des droits du locataire que les forces politiques et l'organisation des citoyens avaient simplement fait gagner au cours des années. Mais, en aucun temps, il ne faut considérer le projet de loi no 2 comme une véritable réforme et une loi assurant la protection des locataires québécois. Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, à l'ordre!

Le chef de l'Opposition.

M. Jacques-Yvan Morin

M. MORIN: M. le Président, je voudrais commencer cette intervention par une sorte de revue des événements depuis 1970, alors que fut présenté la projet, alors que, du moins, le ministre de la Justice avait promis une réforme dans le domaine de la loi sur les loyers.

En 1972, sans doute, de la part du ministre, dans une perspective de volonté d'enfin doter les Québécois d'un véritable code des loyers, sans doute aussi à la suite de très longs travaux de fonctionnaires honnêtes et compétents, nous étions témoins, en 1972, de la première lecture du bill 59, qu'on appelait communément le code des loyers.

Ce bill — nous avons dit à l'époque et nous avons redit à quelques reprises, au cours de ce débat — à quel point nous étions disposés à l'appuyer, à quel point il comportait des éléments novateurs par rapport au laisser-faire économique et social qui caractérisait le droit antérieur.

Ce bill prévoyait, si je puis me permettre un bref résumé et un bref rappel de ses principales dispositions, d'abord un tribunal administratif siégeant en première instance et, venant chapeauter ce tribunal administratif comme juridiction d'appel, un tribunal des loyers qui, si ma mémoire est bonne, se trouvait rattaché à la cour Provinciale.

On avait donc, sur le plan institutionnel, créé deux tribunaux, dont l'un était rattaché à la cour Provinciale et dont le premier — celui de première instance — était un tribunal de type administratif, où la procédure est évidemment beaucoup plus expéditive et où on peut obtenir des résultats beaucoup plus tangibles dans la protection des locataires, notamment, mais peut-être aussi des locateurs lorsqu'il s'agissait de protéger des droits qui leur étaient également reconnus par ce bill 59.

En second lieu, il convient de souligner l'applicabilité universelle de la loi d'un point de vue territorial. Le code des loyers avait cet immense avantage qu'il ne comportait pas des énumérations sur lesquelles on pouvait toujours revenir, qui pouvaient éventuellement entraîner toutes sortes de suppressions par rapport à la liste. Il était d'application uniforme et universelle, sauf évidemment pour une ou deux exceptions, comme par exemple les logements de moins de deux ans ou encore les municipalités où moins de 50 locataires étaient concernés.

La troisième caractéristique importante de ce bill — et je ne les mentionne surtout que pour montrer les carences, par la suite, du projet actuel par rapport à cet excellent code qui nous était donné à l'époque — qui était peut-être la principale, était qu'on nous proposait un contrôle des loyers.

Pour arriver à ce contrôle des loyers, dispositions qui, pour la première fois, allaient à l'encontre du laisser-faire traditionnel, de ce qu'on appelait euphémistiquement la liberté contractuelle. Pour la première fois, on voyait apparaître un certain nombre de moyens de contrôle qui n'ont jamais existé auparavant ou qui existaient sous des formes beaucoup moins détaillées, beaucoup moins précises.

Par exemple, la création d'un registre des loyers et de leur coût, tenu par la commission. Deuxièmement, l'augmentation maximum de 5 p.c. du prix des loyers. Une entente d'augmentation pouvait intervenir évidemment entre les parties, si elle était de moins de 5 p.c.

Dans le cas, dis-je, d'une augmentation impé-

rieuse, le locateur pouvait obtenir une décision de la commission, sinon le locataire pouvait toujours contester l'augmentation. Une autre...

M. LESSARD: M. le Président, encore pour vous démontrer que les libéraux s'occupent énormément de ce projet de loi, la Loi des locataires, je vous invite à vérifier si nous avons quorum.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Qu'on appelle les députés ! Le député de Sauvé.

M. MORIN: M. le Président, je suis prêt à m'excuser auprès des collègues de l'Assemblée du caractère un peu technique de toute cette rétrospective. J'admets que ce n'est pas ce qu'il y a de plus passionnant. Moi-même, j'ai dû faire un effort pour m'astreindre à passer au travers de ce dossier, et ce n'est pas le plus intéressant que j'aie eu entre les mains.

Et forcément, ce n'est pas la loi la plus stimulante que nous ayons eue devant nous. Seulement, il convient de l'analyser de très près.

La quatrième caractéristique de ce projet, de ce code des loyers, auquel — est-il besoin de le rappeler au ministre — nous avons apporté tout notre appui à l'époque, c'était la date uniforme de cessation des baux le 30 juin, ce qui constituait une innovation extrêmement utile, surtout dans les grandes villes.

Cinquièmement, nous allions être dotés à compter de ce moment de normes d'évaluation de la valeur locative, chose qui, vous le savez, fait grandement défaut, chose qui entraîne des abus flagrants. Enfin, nous étions aussi dotés de normes de maintien dans les lieux et de prolongation judiciaire du bail dans certaines conditions.

Nous étions également pourvus d'une possibilité pour un nouveau locataire de faire réduire le montant du loyer. Evidemment, il faut interpréter cette disposition par rapport aux autres dont j'ai parlé, notamment les normes d'évaluation de la valeur locative.

Egalement, on prévoyait des conditions particulières à la reprise de possession du local par le locateur, les rares cas de reprise de possession étaient fixés par la loi.

Le cas de résiliation du bail et d'expulsion du locataire était également fixé par la loi. Et enfin, soulignons la dernière caractéristique importante. Je laisse de côté toutes les autres caractéristiques moins essentielles.

Il y avait dans ce projet des dispositions d'ordre public qui concernaient le prix fixé par la commission, le refus de louer en raison de la race, de la couleur, de la religion, le refus de louer en raison du nombre d'enfants, toutes dispositions d'une très grande portée sociale. Or, que s'est-il passé à la suite de ce code des loyers dont on peut voir, par le résumé que j'en ai fait, qu'il constituait — et il fallait en rendre hommage au ministère de la Justice et à l'auteur du projet de loi — une mesure vraiment progressiste par rapport au droit des loyers que nous avons tous appris sur les bancs de l'école, sur les bancs des facultés?

Il s'est produit qu'à l'étape de l'étude en commission, les locataires, eux, se sont dit satisfaits, même fort satisfaits du projet de loi et ont présenté quelques suggestions mais qui n'allaient pas au coeur du projet de loi, des suggestions portant sur des améliorations de détail. Tandis que les propriétaires ont comparu devant la commission, les propriétaires, mais aussi les courtiers, les constructeurs, et ils l'ont fait pour s'élever avec — j'allais dire avec violence, je pense que c'est exact, on en a assez parlé à l'époque — violence contre le projet et en particulier contre un certain nombre de dispositions qu'ils interprétaient comme étant contraires à leurs droits les plus traditionnels, les plus stricts, comme étant des atteintes aux principes soi-disant sacro-saints de la liberté contractuelle. Ils s'élevaient en particulier contre le contrôle du jeu de l'offre et de la demande qui, enfin, se trouvait réglementé. Ils s'élevaient contre les limitations imposées au locateur quant au choix des locataires. Ils s'élevaient contre la limite maximum de l'augmentation de 5 p.c. du prix des loyers et, naturellement, ils ont fait valoir que ce projet constituait ou entraînait une brèche — et, reconnaissons-le, c'était vraiment le cas, c'était le but même du projet — une brèche dans le principe que j'estime, pour ma part, désuet sur le plan de la location, le principe de la liberté contractuelle.

Devant ces protestations qui ne venaient pas, encore une fois, des locataires mais surtout des locateurs, des propriétaires, et de tous ceux qui sont intéressés et de tous ceux qui grenouillent autour de la construction, le gouvernement a décidé de retirer ce projet de loi 59. Cela a été le commencement de la reculade, le commencement de la glissade qui nous mène aux deux projets qui sont devant nous aujourd'hui.

Seconde étape, — je m'excuse, combien de temps me reste-t-il, je voudrais être sûr d'avoir le temps.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Sept minutes.

M. MORIN: Sept minutes! Quand on parle, le temps passe vite, M. le Président, c'est une chose que je commence à apprendre dans cette Chambre. Plus vite que quand on doit écouter.

En décembre 1972, nous nous sommes trouvés devant deux nouveaux projets de loi, les projets de loi 78 et 79 qui, comme je viens de le souligner, constituaient par rapport au projet antérieur, par rapport au projet de loi 59 un recul considérable, sur plusieurs points. Tout d'abord, on créait, bien sûr, une chambre des loyers à la cour Provinciale, mais on abandonnait ce dispositif administratif dont je parlais tout à l'heure, beaucoup plus expéditif, qui

permettait d'ouvrir et de fermer un plus grand nombre de dossiers. On abandonnait — je m'excuse, tout à l'heure, il me reste sept minutes, vous aurez l'occasion de me reprendre si j'ai mal interprété vos projets, M. le ministre, j'espère que vous le ferez, parce que je ne demande qu'à être éclairé — et on était témoin également de l'abandon de plusieurs mesures prévues dans le projet de loi 59, notamment le seuil maximum d'augmentation de 5 p.c.

Donc sur ce point, on donnait raison aux pressions du lobby de la construction et du lobby des propriétaires. 2) Les maisons de moins de cinq ans n'étaient plus couvertes, encore une reculade. 3) La Commission des loyers n'avait plus à tenir les registres des loyers et des prix, comme c'était le cas antérieurement dans le projet 59. 4) On voyait disparaître la date du 30 juin comme date de cessation uniforme des baux.

On le voit bien, quand on regarde les projets de près, M. le Président, ça saute aux yeux. A moins d'être vraiment complètement aveugle ou d'être de mauvaise foi, je ne vois pas comment on peut interpréter autrement qu'un recul devant les pressions ces modifications apportées au projet. Evidemment, lors de l'étude en deuxième lecture, il ne faut pas s'étonner que les locataires aient affiché leur déception, comme ils l'affichent encore devant les bills 2 et 3 qui nous sont soumis à cette session, tandis que les propriétaires eux n'étaient pas encore satisfaits. Ce bill édulcoré contenait encore trop de restrictions par rapport au laisser-faire traditionnel.

Je voudrais dire deux mots de la réimpression des bills 78 et 79. On y voyait apparaître un bail type, disposition contre laquelle je n'ai personnellement rien, à condition que le bail type contienne des dispositions qui sont vraiment favorables aux locataires. On y apportait aussi certaines précisions à quelques articles et puis aussi l'introduction de mesures d'ordre public.

Mais, j'en viens rapidement aux bills 2 et 3 qui sont devant nous et surtout, évidemment, en insistant sur le bill 2. Le ministre de la Justice nous a annoncé la formation d'un groupe de recherche, mais on peut se demander quel sera l'objet de la recherche. J'aimerais bien que le ministre nous offre quelques précisions là-dessus. Quels sont les facteurs nouveaux qui n'existaient pas lors des recherches qui ont mené au bill 59? Je me permets de noter au passage ici une chose qui m'a frappée.

Comment se fait-il que le sous-ministre, M. Alary, ait déclaré aux locataires avoir appris le retrait du bill 79 par la voie des journaux? Cela est une chose qui m'a beaucoup frappé en feuilletant le dossier. C'est une chose qui m'a mis la puce à l'oreille. Peut-être le ministre pourra-t-il me renseigner là-dessus.

Il existe une différence considérable de contenu entre la réimpression du bill 78 et l'actuel bill no 2. Certains articles ont été enlevés en conséquence du retrait du projet de loi 79 et se retrouvent dans le projet de loi no 3, qu'on nous dit temporaire. Cependant, M. le Président, on a profité de l'occasion pour soustraire à notre attention certains éléments qui avaient été apportés par la réforme proposée et qui étaient à mon avis parfaitement justifiables, même dans l'optique de ce retour en arrière que constitue le bill no 2.

En premier lieu, on a omis de reprendre l'article 1664 1), si ma mémoire est bonne c'est bien le numéro, qui fixait les normes de détermination de la valeur locative d'un local d'habitation. Ces normes n'existent pas actuellement. Elles n'existent ni dans le code civil, ni dans la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires.

Deuxième caractéristique. On a omis de reprendre l'article 1664 du bill 78, version réimprimée, qui donnait à un nouveau locataire la possibilité de s'adresser au tribunal pour faire réduire le prix du loyer si celui-ci est établi.

La loi de la Commission des loyers prévoit aux articles 29 b), c) et d) qu'un nouveau locataire peut faire une demande de révision du prix seulement dans les cas où le loyer de ce logement particulier a déjà été fixé par une ordonnance de la commission.

Dans l'optique d'une refonte de notre législation en matière de louage de chose, il est aberrant que cette disposition restrictive subsiste.

En troisième lieu, il est important de noter que la disparition énoncée à l'article 1665 c) du bill 78, encore une fois, a pris le chemin des oubliettes. Cet article de loi interdisait aux parties sous peine de nullité de convenir d'une augmentation de loyer en cours — est-ce que je peux finir simplement cette phrase, M. le Président — de bail. Cette disparition ayant pour but de protéger le locataire contre toute pression du locateur ne faisait certainement pas l'affaire de ces derniers, évidemment. Il n'est donc pas étonnant que le gouvernement l'ait retiré et je dis en conclusion que l'histoire de toute cette législation, la chronologie des événements nous le révèle, a été l'histoire d'un recul constant sur les dispositions essentielles qui avaient pour but de protéger les locataires. Le gouvernement, dans cette affaire, a fait le jeu, consciemment ou inconsciemment, je ne veux pas le savoir, des propriétaires et des constructeurs.

Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de Saint-Jean.

M. Jacques Veilleux

M. VEILLEUX: M. le Président, j'ai écouté attentivement tout à l'heure le député de Saint-Jacques nous parler des problèmes qu'affrontaient les locataires dans son comté, le

comté de Saint-Jacques. Il ne faudrait quand même pas oublier — et je ne conteste pas les problèmes qu'il a pu soulever tout à l'heure en ce qui concerne les locataires de son comté — de prendre en considération les problèmes que peuvent avoir les locataires, même les petits propriétaires dans des comtés comme le mien.

Peut-être que, dans le comté de Saint-Jacques, tous les propriétaires sont, soit Montreal Trust, Royal Trust, etc., mais dans un comté comme le comté de Saint-Jean, je tiens à vous dire que, bien des fois, le propriétaire est un travailleur qui gagne à la sueur de son front un salaire normal chaque semaine, qu'il construit bien souvent de ses propres mains sa maison le soir et les fins de semaine et pour l'aider à assumer les obligations du fait qu'il se construit une maison, le petit propriétaire de mon comté doit louer le sous-sol pour assumer ses obligations.

Lorsqu'on discute d'une loi comme celle qui est devant nous, louage de chose, une loi ne doit pas uniquement protéger une catégorie d'individus, mais doit protéger toutes les catégories d'individus. Vous devez, d'une part, faire plaisir à mon collègue et voisin, le député de Laprairie, il y a des locataires et il y a des locateurs.

J'ai le très nette impression, parce que cela fait quand même un certain temps que nous discutons de cette loi, non seulement parce qu'elle a été présentée ici à la Chambre, mais, comme le disaient si bien nos collègues du parti séparatiste, parce que nous en avons discuté... Il n'y a aucune gêne là-dessus et c'est normal que, dans le processus de présentation d'une loi, le ministre discute d'un tel projet de loi avec les députés du Parti libéral, notamment.

Nous avons discuté des problèmes qui avaient été connus lors des discussions à la commission parlementaire et je tiens à vous dire que les locataires de mon comté et les petits propriétaires de mon comté n'avaient pas les moyens de venir ici à Québec pour soumettre à la commission parlementaire leurs problèmes et c'est là qu'ils ont demandé à celui qui vous parle, le député du comté de Saint-Jean, de soumettre au ministre qui parrainait ce projet de loi les problèmes de ces locataires et de ces propriétaires du comté de Saint-Jean.

Les problèmes que les gens de mon comté rencontrent, je les ai soumis au ministre de la Justice, en l'occurrence, et mes collègues des autres comtés semblables au mien, des comtés ruraux, semi-ruraux ou semi-urbains en ont fait autant. Compte tenu de cela, le ministre a apporté quelques modifications et des modifications mineures, très mineures au projet de loi qu'il avait déjà soumis précédemment à l'Assemblée nationale. Dire que ce projet de loi détruit complètement tous les autres projets de loi déposés par le ministre de la Justice, ici à l'Assemblée nationale, M. le Président, tenir de tels propos, c'est simplement de la démagogie.

J'ai la très nette impression que ceux qui tiennent ces propos n'ont pas pris la peine de relire attentivement le projet de loi que nous avons devant nous, de relire attentivement les projets de loi précédents du ministre de la Justice, parce qu'ils se seraient rendu compte que les problèmes qui ont été soulevés à la commission parlementaire, à l'Assemblée nationale, les problèmes que mes locataires dans le comté de Saint-Jean et les petits propriétaires ouvriers du comté de Saint-Jean ont soulevés et que nous avons soumis au ministre de la Justice, ils se rendraient facilement compte que ce projet de loi répond très adéquatement aux problèmes soulevés par les locataires et les propriétaires du comté de Saint-Jean, en tout cas.

Le député de Saint-Jacques a été élu par les électeurs du comté de Saint-Jacques, il parle supposément au nom des électeurs du comté de Saint-Jacques. Je ne pense pas qu'il puisse dire que celui qui vous parle ne parle pas au nom des électeurs du comté de Saint-Jean.

Il n'y a pas seulement les députés du parti séparatiste qui se tiennent à l'affût des problèmes de leurs électeurs, mais je tiens à vous dire que, si le Parti libéral a été capable en 1973 de faire élire 102 députés au lieu de 72, c'est parce que les 72 entre 1970 et 1973 se sont tenus près de la population de leur comté, ont été capables d'apporter, à l'intérieur du caucus, les problèmes de leurs électeurs. Les ministres ont eu assez de maturité pour comprendre les problèmes qu'on soulevait et ont accepté d'apporter d'eux-mêmes, à l'Assemblée nationale, des amendements appropriés. Je ne crois pas qu'agir de cette façon, c'est se vendre au Montreal Trust, c'est se vendre au Royal Trust. Je dirais qu'un gouvernement qui agit comme celui-là se vend aux électeurs de chacun des comtés.

M. le Président, je suis fier de me vendre pour les électeurs du comté de Saint-Jean. Mes 101 collègues sont fiers de se vendre pour les 101 comtés où ils ont été élus.

J'ai écouté attentivement mes collègues du parti séparatiste, ils n'ont fait que jeter leur fiel sur les propriétaires. Je répète encore une fois que dans des comtés comme le mien, nous avons de petits propriétaires et ce qu'ils ont dit, tout à l'heure, contre les propriétaires, retombent sur ces propriétaires des comtés comme le mien. Je vous dis qu'ils sont mieux de ne pas venir tenir ces propos dans le comté de Saint-Jean, parce que les travailleurs propriétaires du comté de Saint-Jean vont les refaire sortir du comté, exactement comme on a fait au représentant du parti séparatiste dans le comté de Saint-Jean, en 1970 et en 1973.

Les discours que tiennent les représentants du parti séparatiste prouvent exactement ce que j'ai entendu de la part d'un de ces représentants devant des étudiants en science politique, ici même au Parlement: Moi, je suis baveux, je vais continuer à baver sur les députés du Parti libéral, les gens m'aiment comme ça.

M. le Président, je m'engage à la prochaine élection à aller démontrer aux électeurs de ce comté que ce n'est pas comme ça qu'on travaille pour eux, en bavant sur des collègues, en disant des mots antiparlementaires, en sacrant contre ses collègues ici à l'Assemblée nationale.

A les entendre parler, ce projet de loi va permettre aux propriétaires d'exiger n'importe quel loyer, n'importe quelle augmentation de loyer aux locataires. Je dirais qu'ils ont encore une fois menti.

D'ailleurs, je laisse au ministre de la Justice le soin de répondre aux "faites ceci, faites cela" de ses collègues du parti séparatiste.

En terminant, M. le Président, à l'instar de mes 101 autres collègues, je tiens à féliciter le ministre de la Justice pour la présentation de ce projet de loi qui diminuera énormément les problèmes qu'ont et les locataires et les locateurs dans la province de Québec. Même s'il n'y avait qu'un propriétaire qui abuse de l'ensemble des locataires, ce projet de loi a sa raison d'être; même si un locataire abuse de ses droits vis-à-vis d'un propriétaire, ce projet de loi a sa raison d'être et il protège à la fois le propriétaire et à la fois le locataire. Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A moins qu'il n'y ait d'autres députés qui veuillent parler, le ministre peut exercer son droit de réplique.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, j'ai écouté avec un intérêt différent les honorables opinants qui se sont exprimés sur ce projet de loi. J'ai admiré, dans certaines interventions, celle du député de Saint-Jean en particulier, même celle du chef de l'Opposition, un désir d'établir un équilibre approprié dans le domaine des relations entie locataires et prorpiétaires. Mon intérêt n'a pas été le même et j'ai pris la liberté de m'absenter au moment de certaintes interventions à qualité démagogique que nous sert en particulier le député qui se décrit comme baveux et qui est content de se conférer ce titre puisque j'avais le plaisir de lire une déclaration de sa part dans les journaux récemment.

M. le Président, dans un certain nombre de ces interventions que j'ai entendues, tout ce que l'on m'a dit c'était que le gouvernement et que moi en particulier, nous avions reculé sur ces projets de loi, sur un certain nombre de mesures. Ce n'est pas mon attitude comme ministre de la Justice d'arriver avec des projets de loi, surtout dans des domaines fondamentaux de l'activité sociale ou économique, de les soumettre au Parlement, de demander au leader du gouvernement qu'ils soient déférés à des commissions parlementaires pour plus amples études avec l'attitude qu'au bout de ces com- missions parlementaires le projet de loi doit être maintenu dans sa forme originale sinon mon orgueuil va avoir subi une blessure ou une entaille terrible. Au contraire, M. le Président, je pense que les commissions parlementaires sont justement faites pour permettre d'améliorer, de corriger, de se sensibiliser à un certain nombre des problèmes qui peuvent surgir dans la discussion. Si j'ai joué le jeu des commissions parlementaires dans ce domaine-là, peut-être que je devrais m'en repentir, M. le Président, alors qu'aujourd'hui tout ce que j'entends du Parti québécois, c'est qu'il y a eu recul sur toute la ligne. Mais on oublie les secteurs dans lesquels justement il y a eu des améliorations apportées au projet de loi en question.

Je ferais remarquer, par exemple, au chef de l'Opposition, qui n'a pas été mêlé directement à ces discussions, que dans le projet original du bill 59 il n'était pas question de bail type. Cela a été une amélioration qui a été apportée et ceci à la suggestion d'une association de locataires qui est venue nous exposer l'utilité d'une telle réforme.

M. le Président, quitte à discuter le contenu du bail, je pense que le bail type qui est proposé dans le projet de loi no 2 est passablement strict. Les clauses sont d'ordre public, les parties n'y peuvent déroger, car presque tous les aspects du contrat entre locataire et propriétaire sont prévus.

Par conséquent, on ne peut sûrement pas se plaindre du fait que le gouvernement, au cours du processus des commissions parlementaires, ait amélioré la situation sous ce rapport et dans le but — c'est évident quand on parle de bail-type — bien plus de protéger les locataires que les propriétaires. Parce que comme je l'ai dit dans mon exposé en deuxième lecture, mon exposé principal, il est évident que ce sont les locataires qui peuvent le plus souvent avoir à se plaindre de différentes formules de baux qui leur sont imposées par des propriétaires qui utilisent indûment leur force économiquee.

Par conséquent, dire que le gouvernement a reculé, à mon sens, M. le Président, c'est une absurdité, c'est une fausseté, ce sont des propos que l'on tient de façon à réduire l'impact important de ces projets de loi.

En deuxième lieu, M. le Président, le chef de l'Opposition a dit que nous avions abandonné la date du 30 juin pour la terminaison des baux et c'est exact, que, dans la version originaire, le 30 juin apparaissait, si je me rappelle bien, dans le projet de loi. Mais au cours de la discussion, nous nous sommes rendu compte que d'aller remplacer la date du 30 avril par le 30 juin, avec tous les déménagements massifs se produisant à une date ou à l'autre, cela n'améliorait pas complètement les choses.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous avons décidé d'utiliser une autre formule qui va repousser la fin des baux en 1975, de deux mois, et qui va faire que ces baux vont se terminer le 30 juin mais sans que, pour les baux

indéterminés, la date se trouve au code civil et, par conséquent, qu'elle acquière ce caractère sacro-saint qu'avait acquise, précédemment, dans notre ancienne législation, la date du 30 avril ou du 1er mai.

Par conséquent, encore un point sur lequel l'Opposition se trompe. Il y a eu amélioration. Nous changeons cette coutume du 1er mai mais nous la changeons d'une façon différente, parce que la technique législative utilisée dans le projet originaire n'était pas appropriée et aurait entraîné un certain nombre d'inconvénients dont justement, nous voulions nous débarrasser, c'est-à-dire les déménagements en masse, à date fixe, au Québec.

M. le Président, finalement, dans le projet de loi original, il est évident qu'il s'agissait d'une commission administrative qui administrait la loi. Nous avons, au fur et à mesure de la discussion, changé cette disposition parce que nous avons pensé qu'il serait préférable de rattacher l'adjudication en matière de baux au système judiciaire en général et non pas laisser cela à une commission administrative.

J'admets que sur ce point, les deux écoles de pensée peuvent se soutenir. Certains peuvent dire: II est préférable de rendre permanent un organisme comme la Régie des loyers. D'autres peuvent dire: Non, dans votre optique de réforme du système judiciaire, l'idée de créer cette chambre des loyers était peut-être une idée supérieure à la première idée d'une commission administrative.

Mais ce n'est pas parce que nous avons changé d'idée sur cette formule que nécessairement, cela équivalait à un recul ou au mépris des droits des locataires. Je dis donc, M. le Président, que la décision dans ce domaine peut être discutée et discutable. Je suis le premier à l'admettre.

Maintenant, quant à dire que les droits des locataires ne sont pas adéquatement protégés à l'heure actuelle pendant la poursuite des études sur le système de la fixation judiciaire des loyers et sur le droit du locataire d'être maintenu dans les lieux et sur la création d'une chambre des loyers, eh bien, M. le chef de l'Opposition, sachez que les droits des locataires, cette année, reçoivent l'entière et complète protection par le bill no 3, avec les amendements que je vais y apporter; ce qui fait que la situation, à l'heure actuelle, elle n'est pas faite, en pratique, pour faire souffrir aucun locataire du Québec. Au contraire, M. le Président, elle le protège mieux qu'à aucun endroit du Canada, alors que nous vivons cette période inflationnai-re que nous connaissons et qui risque de toucher un certain nombre de locataires mais qui auront un droit d'appel à cette Régie des loyers tellement admirée, tellement aimée parce que, au fond, on voulait cette formule dans certains milieux lorsque nous avons eu à présenter le bill 59.

Il est vrai que dans l'intervalle, j'avais pensé, à la suite de certaines représentations qui m'avaient été faites, que nous serions mieux avec une chambre des loyers.

Mais puisque nous revenons à la Régie des loyers, pourquoi s'en plaindre à l'heure actuelle de l'autre côté de la Chambre? Pourquoi ces pseudo-associations de locataires qui sont constamment déçues, qui ne seront jamais heureuses des projets de loi que le gouvernement apporte, qui trouveront toujours de la critique à formuler?

Est-ce qu'on s'imagine que moi, ça m'affecte de voir ça dans les journaux, ces déclarations d'associations de locataires qui existent probablement exclusivement sur papier? Cela ne me fait ni chaud ni froid, parce que je légifère pour les locataires réels, pas pour les associations de locataires et pas pour les associations de propriétaires non plus.

J'ai conscience de faire mon devoir tel que je l'entends. Cela n'est pas parce que je vois des titres de déception, de recul et de ci et de ça que ça m'impressionne. Heureusement que j'ai la peau un peu plus épaisse que ça et qu'à l'heure actuelle, je peux me dire que je ne légifère pas en fonction d'un certain nombre de titres de journaux ou de déclarations de pseudoassociations qui n'ont aucun caractère représentatif.

J'ai conscience — malgré ce que l'on peut en dire de l'autre côté de la Chambre, malgré ce que l'on peut en dire dans certaines déclarations parues dans les journaux — que nous faisons avancer la législation québécoise dans les relations entre propriétaires et locataires, et que cette tâche, elle n'a été entreprise par aucun gouvernement depuis cent ans, depuis que la Confédération existe.

Est-ce qu'on s'imagine que nettoyer les écuries d'Augias, que renouveler tout ce secteur extrêmement large, extrêmement compliqué qui touche tout le monde, c'est facile? Ce n'est pas facile et moi, tant que je serai ministre de la Justice, je ferai mon devoir comme je crois devoir le faire en prenant en considération les avis qui peuvent m'être donnés et qu'il me parait utile de retenir.

Il est vrai que nous n'avons pas rendu permanent pour cette année cet arbitrage judiciaire des loyers, parce que nous avions encore des hésitations devant la permanence de cette formule, parce que nous n'étions pas encore persuadés complètement que cette innovation, par rapport à tout ce qui existe dans le monde, que ça méritait d'être retenu d'une façon absolue et d'être incorporé au chapitre du code civil.

Et c'est la raison pour laquelle nous avons créé ce groupe de travail qui se penchera sur la question et qui nous rapportera une étude motivée, une étude exhaustive de la situation, qui étudiera cette affaire sous son aspect juridique, son aspect social et son aspect économique, et je pense que le gouvernement pourra

alors prendre ses responsabilités d'une façon décisive et d'une façon qui sera claire, nette et précise pour l'avenir.

Je dis donc en terminant que la législation que nous présentons aujourd'hui, représente véritablerment un progrès par rapport à ce qui a existé. Elle est bien plus qu'une mise à jour de ce qui existait dans la jurisprudence parce qu'après tout, s'il fallait s'en rapporter aux connaissances juridiques du député de Saint-Jacques, je pense que cette Chambre se laisserait facilement tromper et conduire dans l'erreur.

Au contraire, l'incorporation de la législation touchant les relations entre propriétaires et locataires dans le code civil est une législation à caractère non statutaire qui devrait plaire au chef de l'Opposition, lui, ce brillant juriste, éminent universitaire, avant d'arriver dans cette Chambre.

Est-ce que le chef de l'Opposition ne voit pas l'intérêt qu'il y a de reprendre ce chapitre entier du code civil plutôt que de se contenter d'une vague législation statutaire établissant un vague organisme administratif comme la Régie des loyers? Nous sommes allés au fond des choses et dans ce que nous étions sûrs d'accomplir à l'avantage des citoyens du Québec dans leur ensemble. Nous avons progressé dans ce qui restait discutable et discuté, dans ces parties sur lesquelles nous n'avions pas conclu d'une façon définitive, c'est-à-dire l'établissement de cette formule permanente d'adjudication des loyers et du droit des locataires d'être maintenus dans les lieux.

Nous avons décidé d'attendre cette étude que nous allons faire faire et qui pourra nous renseigner plus adéquatement avant que le gouvernement ne s'engage plus loin.

M. le Président, j'ai conclu mes observations, je n'ai rien d'autre à ajouter sur le projet de loi 2. Maintenant, j'aurais évidemment des observations à faire sur le projet de loi 3; elles seront nécessairement très brèves parce que je crois que l'ensemble du sujet a été exploré à l'occasion de la deuxième lecture sur le projet de loi 2.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que la deuxième lecture sur le projet de loi 2 est adoptée?

Adopté.

UNE VOIX: Vote enregistré.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Vote enregistré?

M. LESSARD: Non, non!

M. ROY:... si, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Qu'on appelle les députés!

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Vote.

Vote de deuxième lecture

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion de deuxième lecture du projet de loi no 2 concernant le louage de choses veuillent bien se lever s'il vous plaft.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Garneau, Phaneuf, Lalonde, Berthiaume, Goldbloom, Quenneville, Tetley, Drummond, Lacroix, Forget, Massé, Harvey (Jonquière), Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Perreault, Brown, Kennedy, Bacon, Blank, Lamontagne, Veilleux, Brisson, Séguin, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Ostiguy, Picard, Assad, Dionne, Faucher, Marchand, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Shanks, Springate, Pepin, Beauregard, Bonnier, Boudreault, Boutin (Johnson), Caron, Denis, Déziel, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe, Lecours, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tremblay, Verreault, Samson, Roy, Morin, Burns, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi).

LE SECRETAIRE: Pour: 69.

Contre: 0.

LE PRESIDENT: Le résultat est de 69 à 0.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVES QUE: Je propose que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire de la justice et que nous puissions suivre les règles de la commission plénière.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEVESQUE: Comme le projet de loi no 3 est intimement lié au projet de loi no 2, je ferai la même référence une fois que nous en aurons disposé pour que les deux projets de loi soient étudiés en même temps à la commission parlementaire de la justice.

DES VOIX: Adopté.

Projet de loi no 3 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la

Justice propose la deuxième lecture du projet de loi no 3, Loi prolongeant et modifiant la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires.

DES VOIX: Adopté.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: Comme je l'ai dit tout à l'heure, je crois que le débat sur le projet de loi no 2 nous a suffisamment permis d'explorer le projet de loi no 3 par des incursions que vous nous avez permis de faire et que nos collègues de l'autre côté de la Chambre nous ont permis de faire et qu'ils ont d'ailleurs faites eux-mêmes.

Le projet de loi no 3 comporte cependant des amendements et je me demande si je devrais les soumettre immédiatement en deuxième lecture. Je ne crois pas qu'on puisse dire qu'ils en changent essentiellement le principe. Us sont dans le sens que tous les logements sont couverts, où qu'ils soient au Québec, il n'y a pas de réserve, il n'y a pas "d'opting-in et d'opting-out" de la part des municipalités. C'est le sens des amendements que j'ai. Je les ai d'ailleurs annoncés en gros. En fait, il s'agit d'une intégration de la loi d'urgence à la loi s'appli-quant à la Régie des loyers et avec les mêmes effets, et à peu près le même régime juridique que nous avons connu au cours de l'année 1973. C'est l'objet des amendements que je soumettrai tout à l'heure à la commission parlementaire.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, comme l'a signalé le ministre de la Justice, je suis d'accord avec lui là-dessus, la largeur du débat que vous nous avez permis au moment de la loi no 2 que nous venons d'adopter a fait que l'essentiel des commentaires que nous avions à faire sur l'ensemble du problème de la protection des locataires a été fait à cette occasion. Mais le projet de loi no 3 lui-même nous invite à faire ressortir quelques remarques plus précises que nous n'avons pas eu l'occasion d'explorer lors du débat du projet de loi no 2.

D'abord, en affirmant notre accord, comme nous l'avons toujours fait en 1970, en 1971, en 1972 et encore cette année avec cette reconduction de la loi favorisant la conciliation entre locataires et propriétaires, nous déplorons à nouveau l'absence de mécanisme permanent de ce genre.

Puis-je vous le répéter à nouveau, le ministre lui-même nous avait convaincus, lors de l'étude en commission parlementaire du projet de loi no 59, que toutes les études, toutes les analyses nécessaires à l'instauration d'un mécanisme permanent avaient été faites, puisque, ministre responsable, il avait été jusqu'à déposer un projet de loi à l'Assemblée nationale?

Or, en annonçant cette reculade que sont les bills 2 et 3, il nous dit qu'un nouveau groupe fera une nouvelle recherche devant conduire à l'établissement prochain — il nous avait dit la même chose en 1970 et en 1971 — d'un mécanisme permanent. Ce qui fait que, sans mettre en doute la parole du ministre, puisque les règlements me l'interdisent, je puis quand même prendre son affirmation avec un grain de sel, si vous le permettez, puisque ça fait exactement quatre ans que j'entends la même chose et qu'on se prépare probablement à subir le même traitement en 1974.

Pour ce qui est des amendements qu'annonce le ministre, il nous avait effectivement prévenus qu'il allait faire des amendements lors du projet de loi no 2 et ces amendements sont dans leur pratique connus, non seulement de l'Opposition officielle, mais de la population également. En effet, vous vous souviendrez que, l'année dernière, à l'époque où reposait sur la table le projet de loi 59, qui n'avait pas été adopté lors de l'ajournement des Fêtes, le ministre de la Justice avait été appelé à présenter un projet de loi spécial dès la reprise de février puisque certains propriétaires — et on nous faisait grief, tout à l'heure, d'avoir soulevé le problème — il s'est tellement bien soulevé lui-même dans le décor québécois l'année dernière qu'il avait même obligé l'Assemblée nationale à voter une loi spéciale — je dis donc que certains propriétaires, voyant venir la fin du paradis, si vous voulez, la fin de l'ère de la jungle et l'établissement d'un code des loyers qui visait nommément à protéger les locataires, étaient allés à certains endroits — et le ministre en conviendra avec moi — à exiger des hausses abusives. Le truc était simple. Ils se disaient, lorsqu'ils étudiaient le projet de loi 59: Si ce projet de loi est adopté, à partir de l'année prochaine, toute hausse supérieure à 5 p.c. devra être soumise à la Régie des loyers et je devrai obtenir un consentement. Profitons donc de ce que c'est encore la loi de la jungle; je puis profiter en invoquant parfois, et avec raison, des motifs valables tels que la hausse des taxes dans les municipalités ou, par exemple, pour ce qui concerne les loyers chauffés, la hausse du combustible, valables. Mais, à partir de motifs valables on extrapolait et on s'étirait un droit qui, finalement constituait, pour le locateur, une injustice. Nous n'en avons pas en principe, et je le répète, à l'intention particulière de certains députés qui sont intervenus dans le débat, contre l'augmentation de loyers dans le Québec, c'est un service, c'est un besoin qui connaît une hausse comme à tous les endroits. Les municipalités qui ont à donner un plus grand nombre de services ont parfois à augmenter les taxes. Or, les propriétaires normalement

ont à aller chercher une partie de cette augmentation des taxes, et la plupart du temps, c'est la totalité avec profit, mais au moins ils sont justifiés d'aller en chercher une partie dans une hausse des loyers. Nous n'en avons pas contre cela et nous ne réclamons pas le gel des loyers pour les quinze prochaines années au Québec. Je sais qu'il se trouvera des députés pour interpréter notre position sur les projets de loi 2 et 3 de cette façon. Je tiens à réaffirmer ce que nous avons dit devant les hausses de loyers.

Certaines sont carrément abusives et celui qui peut l'affirmer plus que moi dans cette Chambre, M. le Président, c'est le ministre de la Justice. L'année dernière, devant ce fléau qui s'est abattu — je dois malheureusement me limiter, en particulier sur le territoire de Montréal — j'ai eu, à mon propre bureau de comté, énormément de plaintes à cet effet. Le ministre a été témoin de hausses qui allaient, à certains endroits jusqu'à 20 p.c. à 25 p.c. sur le loyer annuel de l'année dernière. J'avais donc de moi-même, M. le Président, en janvier dernier, lors d'une conférence de presse, demandé au ministre de la Justice d'intervenir, dès la reprise de l'ajournement des Fêtes. Je ne prends pas à mon crédit le fait que le ministre de la Justice avait soulevé un projet de loi spécial dès la reprise des travaux en février dernier et qu'il veut reconduire maintenant dans les amendements du projet de loi no 3. Non, je n'ai pas cette prétention. Je sais que le ministre de la Justice a eu bien d'autres pressions que la mienne, que celle du Parti québécois à l'époque, même si nous avions été le premier parti politique à en susciter l'adhésion et à en réclamer l'adoption par l'Assemblée nationale. Je sais bien que le ministre de la Justice a eu plusieurs appels pour intervenir de son poste responsable de ministre de la Justice pour protéger les locataires qui faisaient face à des hausses abusives. Parmi ces appels, M. le Président, il y avait probablement ceux de ce qu'il a appelé ces pseudo-associations qui ne lui font ni chaud ni froid et dont il entend se débarrasser. Le ministre de la Justice, dans sont droit de réplique, aura l'occasion de me répondre à cette question. N'est-ce pas arrivé l'année dernière, lorsque sont intervenues la Fédération des associations de locataires, quelques associations de locataires, dont celle d'Outremont, qui devait certainement concerner le ministre de la Justice. Je peux en témoigner, dans le cas de celle d'Outremont, parce que j'ai encore dans mes papiers l'appel qu'elle faisait en même temps que le Parti québécois le demandait l'année dernière. Mais peu importe, M. le Président, peut-être que le ministre de la Justice est insensible aux besoins de ses électeurs, je n'en sais rien.

Il s'est donc trouvé des associations, ce que le ministre de la Justice appelle des pseudo-associations, qui ne lui font ni chaud ni froid qui, l'année dernière, avaient demandé au ministre de la Justice d'intervenir. Il était donc intervenu par une loi spéciale qui avait marqué la fin de la session, qui avait été ajournée à Noël, avant le début de la nouvelle session et qui avait reçu, je crois, si ma mémoire est fidèle, l'unanimité de la Chambre ou à peu près, en tout cas l'adhésion du parti qui est aujourd'hui l'Opposition officielle, j'en suis assuré puisque nous l'avions réclamé.

Or, le ministre nous annonce les amendements qu'il entend présenter lorsque nous serons en commission parlementaire et j'espère, M. le Président que vous aurez l'honneur de présider les travaux de la commission parlementaire de la justice.

M. le Président, il fallait bien que je dise cela pour être applaudi par les libéraux. C'est la première fois que cela m'arrive. Vous voyez, cela n'a pas pris de temps, que cela s'est gâché.

Je dois vous dire, M. le Président, que les amendements qu'a annoncés le ministre, donc que nous étudierons en commission parlementaire, recevront probablement aussi — nous attendrons d'en voir quand même la lettre — mais dans leur esprit, certainement, l'adhésion de l'Opposition. Puisque la loi 3 se refuse à créer un mécanisme permanent malgré les espoirs et les justifications même de ce mécanisme que nous avait apporté le ministre lors de la présentation de la loi 59, puisque nous devons nous contenter d'une reconduite de cette loi vieille déjà de plusieurs années, il est essentiel que les amendements annoncés s'y trouvent greffés pour qu'elle soit la moins boiteuse possible.

Donc, M. le Président, nous apporterons notre consentement à l'adoption du projet de loi no 3, mais nous annonçons immédiatement —et c'est peut-être à votre intention plus particulière — que, lors de cette étude du projet de loi no 3 en commission parlementaire, le Parti québécois a un certain nombre d'amendements à présenter. Il y en a de ceux-ci qui —nous en prévenons le ministre de la Justice pour qu'il ne nous accuse pas de filibustering ou n'importe quoi — apparaissent suffisamment importants pour l'amélioration de cette loi pour que les deux membres de la commission parlementaire et d'autres députés, je n'en doute pas, de l'Opposition officielle recevront alors le consentement habituel pour prendre la parole lors de la commission parlementaire.

On oubliera l'exception qui a marqué nos travaux au cours de la fin de la session pour que les députés de l'Opposition aient l'occasion de défendre avec vigueur certains amendements que nous considérons essentiels à voir apportés au projet de loi no 3. Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. Jacques-Yvan Morin M. MORIN: Merci. M. le Président, la Loi

pour faciliter la conciliation entre propriétaires et locataires a toujours été, dans le passé, d'application restreinte. Elle était applicable, en effet, sur le territoire des municipalités qui en faisaient la demande et certains types de logements, vous le savez, étaient soustraits à la compétence de la Commission des loyers.

Depuis plusieurs années, les groupements de locataires, que le ministre affecte de qualifier de groupements de papier, dont certains sont des groupements fort sérieux et qui ont à coeur... Oui, si j'ai bien compris, ceux qui sont d'accord avec vous sont des groupements valables et ceux qui sont en désaccord avec vous sont des groupements de papier. C'est cela.

Qu'ils soient des tigres de papier ou n'en soient pas, M. le Président, ces groupements de locataires et aussi les syndicats, les corps intermédiaires réclament du gouvernement une loi d'application universelle — c'est-à-dire dont l'applicabilité sur un territoire donné ne serait pas laissée au bon vouloir des conseillers municipaux — ce qui la rendrait, on en conviendra facilement, d'application aléatoire.

En 1970, lors de l'étude du projet de loi sur la Régie des loyers qui revenait encore une fois, faut-il le souligner, en fin de session, le ministre de la Justice nous disait, en réponse à une question du leader parlementaire de l'Opposition, à ce moment-là, le député de Maisonneuve, dans les Débats de 1970, page 2135: "Avant de rendre la loi applicable à tout le territoire du Québec, il faudrait savoir si l'état de crise existe d'une façon suffisamment généralisée pour que nous devions abandonner le système en vertu duquel la décision finale repose sur les autorités locales".

Or, à notre avis, M. le Président, cet état de crise existe bel et bien sur l'ensemble du territoire. Au lieu de rendre la loi universelle, comme nous aurions aimé qu'elle le soit, comme nous l'avons toujours réclamé par le passé, on nous propose de donner au lieutenant-gouverneur en conseil le pouvoir de la rendre applicable sur tel ou tel territoire où elle ne le serait pas. Autrement dit, on enlève la discrétion au autorités locales, aux conseils municipaux et on la donne au lieutenant-gouverneur en conseil. Et on prétend qu'il y a là une amélioration considérable.

Je veux bien que ce soit peut-être un peu mieux, peut-être un peu plus centralisé mais, en même temps, cela comporte des désavantages que le ministre connaît bien. Nous croyons en tout cas, qu'il s'agit là d'une disposition qui est dangereuse, compte tenu de la faiblesse qu'a démontrée le gouvernement face aux propriétaires lors des retraits successifs des bills 59 et 79.

M. le Président, s'il était facile aux associations de propriétaires de faire pression sur les conseillers municipaux pour obtenir l'"opting out", il ne sera pas tellement plus difficile, que je sache, de faire pression sur le gouvernement pour obtenir que celui-ci rende la loi inapplicable sur telle ou telle partie du territoire.

Le bill 3 qu'on nous présente maintenant contient de plus une disposition visant à soustraire à l'application de la loi tous les logements de moins de cinq ans. Nous aurons des choses à dire là-dessus en commission tout à l'heure. Pour l'instant, je me contente d'une critique générale du projet de loi.

Je vais vous donner l'occasion tout de suite après, de répondre. Vous avez des amendements à apporter. Je vous laisserai répondre tout à l'heure. Laissez-moi terminer, je ne veux pas m'engager tout de suite dans un débat. En commission, nous allons avoir amplement le temps de nous pencher là-dessus. Nous avons l'intention de le faire article par article.

Donc, ce bill 3 contient une disposition qui permet de soustraire tous les logements de moins de cinq ans à l'application de la loi. Et cette disposition a été réintroduite après le bill 59, sans doute — c'est la seule interprétation qui nous paraisse valable — afin de plaire, une fois de plus, aux constructeurs et aux courtiers qui avaient protesté récemment contre ces dispositions.

Le gouvernement nous parle d'associations de locataires sur le papier, mais il faut constater que les associations de propriétaires, de courtiers et de constructeurs, elles, ne sont pas des tigres de papier.

Nous nous demandons sincèrement quels ont pu être les fondements, disons logiques, d'une telle décision. Comment concevoir qu'un propriétaire de maison neuve puisse avoir des augmentations de charges tellement importantes, tellement imprévisibles, qu'il soit malsain de le soumettre au contrôle de la Régie des loyers.

Il ne faut pas oublier que les deux projets de loi actuellement à l'étude ne donnent pas à la régie le pouvoir de réviser le loyer initial d'un appartement, la Régie des loyers ayant un pouvoir seulement sur l'augmentation. Comment justifier que les logements de moins de cinq ans n'y soient pas soumis? En stricte logique, ça n'a pas de sens.

Et il faut sans doute interpréter cette disposition, non pas en fonction de la logique, mais en fonction des intérêts qui ont fait sentir leur pression sur le gouvernement.

On me permettra de rappeler les protestations de locataires de logements neufs qui, suite à une publicité frauduleuse des promoteurs, ont loué des logements qui ne répondaient pas aux descriptions du prospectus. Ils se sont trouvés sans recours autres que les tribunaux civils. Or, on sait que dans un domaine comme celui-là, avoir recours aux tribunaux civils, c'est pour ainsi dire peine perdue en raison des délais, en raison du coût que cela représente pour un contribuable moyen, pour quelqu'un qui a déjà enfoui, très souvent, presque toutes ses économies pour retenir un logement neuf et qui se retrouve devant les tribunaux civils avec les frais d'avocat à payer, avec des procédures à n'en plus finir et qui se trouve finalement renvoyé aux calendes grecques.

Pour tout dire, nous n'avons pas beaucoup le

choix, nous allons également appuyer ce projet de loi, mais nous allons proposer quand même des amendements. Et je voudrais terminer en lisant un extrait du programme officiel du Parti québécois, à la page 99. Nous nous engagions — je voudrais lire ces dispositions parce qu'elles résument bien ce que nous voudrions faire dans ce domaine — à protéger plus efficacement le locataire.

Premièrement, en étendant la juridiction de la Régie des loyers à tous les types de logement et, deuxièmement, en lui donnant un droit de contrôle sur les taux des loyers pour les assujettir à des barèmes fixés en fonction du coût de la vie et du salaire minimum et pour qu'ils incluent le coût de l'assurance-incendie et celui de l'assurance-responsabilité; troisièmement, en lui permettant un droit de recours à la Régie des loyers pour fins d'inspection ou d'attestation et enfin, quatrièmement, dernière disposition destinée à rendre plus efficace la protection du locataire, en établissant une formule de bail type, formule de bail dont nous avons parlé tout à l'heure au sujet du projet de loi no 2, projet de bail type dont le ministre est très fier, mais dont nous avons dit qu'il ne fallait pas simplement juger un bail type à son titre. Ce n'est pas parce qu'on a dans la loi une disposition, une annexe qui dit bail type qu'on peut simplement se féliciter de la chose. Encore faut-il voir ce qu'il y a dans le fameux bail type.

M. le Président, peut-être devrais-je vous donner une idée de ce que cette formule de bail type pourrait contenir. J'ai voulu le faire il y a quelques jours, mais je n'ai pas eu le temps. Nous pensions, par exemple, que le bail type devrait contenir une disposition sur le chauffage. "Le locateur chauffera les lieux loués — je cite cette première clause — à une température raisonnable, dans la période comprise entre le 1er octobre et le 30 avril et durant toute autre période qui peut être requise afin de donner au locataire le plein usage et jouissance des lieux loués et fournira au locataire l'eau chaude pour son usage domestique. Le locateur, toutefois, ne sera pas responsable des dommages causés par un manque de chauffage ou d'eau chaude, lorsqu'il s'agit d'événements fortuits ou de force majeure." On voit, M. le Président, dans cette disposition, une protection qui n'existe pas à l'heure actuelle, du moins pas de cette façon précise pour les locataires.

Ce n'est pas tout. On aurait pu, par exemple, prévoir — et je pense à ces grands édifices multifamiliaux qui poussent partout à l'heure actuelle, qui poussent dans nos banlieues comme champignons — on aurait pu prévoir notamment — et c'est, je crois, pertinent à tout ce problème de la location des espaces — des espaces communs. La clause aurait pu se lire comme ceci, par exemple: "Le locateur devra, dans un édifice multifamilial — c'est ce qu'on appelle quelquefois, M. le Président, vous serez certainement au courant de cela, la location par étage — maintenir en bon état de réparation et de propreté les espaces, endroits et objets communs à plusieurs locataires, tels que les cages d'escalier, les marches, les portes, la région de l'incinérateur, les corridors, les lumières, leurs parties fixes, les salles de lavage, les vestibules, les ascenseurs, les escaliers roulants, les voies d'accès au garage et, en général, tous les endroits et toutes les utilités d'accès communs à plusieurs locataires."

Je sais que la lecture de ces clauses n'a rien de particulièrement réjouissant, mais il me paraît important d'entrer dans les détails, de faire réfléchir le ministre de la Justice parce que, dans son bail type, il n'y a rien qui approche la protection que nous proposons dans ce projet que nous avions rédigé d'ailleurs à l'occasion du bill 46, si ma mémoire est bonne.

Quand on a affaire à un rapport entre locataire et locateur ou propriétaire, il faut être précis, parce que le propriétaire voudra profiter de tous les silences du bail et de tous les silences de la loi — ils sont nombreux — à son avantage. Le propriétaire voudra abuser de toutes les dispositions qui ne sont pas claires, surtout dans les logements multifamiliaux, où il est si facile de faire payer l'entretien commun, de mettre ça sur le dos des locataires.

Il y a un grand adage que je voudrais rappeler, un adage qui je crois remonte à Lacordaire: Entre le fort et le faible, dit Lacordaire, la liberté opprime et la loi libère. Eh bien! c'est le cas ici. Entre le fort, celui qui a des capitaux, celui qui est propriétaire, celui qui est indépendant de fortune et le faible, qui est souvent le travailleur démuni, celui qui est obligé de louer de peine et de misère des logements dans ces grands ensembles multifamiliaux par exemple, entre ce fort et ce faible, la liberté contractuelle, la bonne vieille liberté contractuelle du passé, du 19e siècle dont on avait fait un principe sacro-saint, cette liberté-là elle opprime. Ce n'est pas une liberté qui libère, c'est une liberté, bien sûr, qui libère le fort et qui opprime le faible.

Et je pense que dans une Chambre comme celle-ci, Chambre de législateurs, on devrait se le rappeler constamment. On devrait peut-être faire graver au lieu de ces gerbes insignifiantes qui font le tour des balustrades...

M. LESSARD: M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue. Puis-je vous faire remarquer encore une fois que, malgré qu'il y ait 102 députés libéraux qui ont été élus le 29 octobre, nous n'avons pas quorum? Il y en a qui commencent à rentrer, mais nous n'avons pas quorum. Il y a 25 députés, dont quatre du Parti québécois.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les députés.

Le chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: Merci, M. le Président. Le minis-

tre de la Justice vient de revenir. Est-ce que je pourrais savoir combien il me reste de temps? J'ai commencé à 4 h 55. Bon!

M. BURNS: H reste encore une demi-heure.

M. MORIN : Même plus que ça. Peu importe. M. le Président, je voudrais rappeler à l'intention du ministre de la Justice, qui s'était absenté momentanément pour traiter de questions de règlements me dit-il, ce grand principe dont je disais qu'il devrait être inscrit sur ces balustrades au lieu de ces gerbes insignifiantes et de ces symboles d'un autre âge.

On pourrait faire graver en pensant à ce bill, mais sans doute aussi à plusieurs autres qui ne manqueront pas d'échoir sur nos bureaux, cette phrase de Lacordaire. Je pense à votre bail type en particulier. "Entre le fort et le faible, la liberté opprime et la loi libère." Nous devrions constamment avoir ça à l'esprit, vous n'en disconviendrez pas.

J'étais en train d'analyser les détails parce qu'il faut toujours entrer dans les détails quand on protège le faible. Si on se contente de grands principes trop généraux, si les dispositions ne sont pas suffisamment précises, qui va abuser des silences de la loi? Qui va les interpréter à son avantage? Qui va être en mesure d'aller devant les tribunaux avec avocat, conseiller juridique et tout le bataclan? Qui va être en mesure de dicter ses conditions? Le fort. Le propriétaire, celui qui a des réserves, celui qui ne vit pas d'une journée à l'autre, d'une semaine à l'autre ou d'un mois à l'autre.

C'est pour cela que dans le domaine de la protection du locataire, comme dans le domaine de la protection du consommateur, on n'aura jamais suffisamment à l'esprit cette maxime et cette préoccupation qu'on doit toujours protéger de manière précise, en entrant dans les détails, le faible, l'économiquement faible surtout.

Nous sommes dans un siècle où le contrat, tel qu'on le connaissait autrefois au 19e siècle, fondé sur cette pseudo-liberté contractuelle, n'a plus de sens. Le contrat qui était fondé sur cette fiction, ce n'était pas autre chose qu'une fiction de liberté car, dans un contrat, il est très rare qu'il n'y ait pas l'une des deux parties qui soit en mesure de dicter ses conditions, l'autre devant les accepter.

Heureusement, au 20e siècle, on a dégagé cette catégorie qu'on appelle le contrat d'adhésion. Le ministre en sera conscient puisque nous avons étudié ces choses sur les mêmes bancs, nous avons usé nos fonds de culotte sur les mêmes bancs, et nous avons enduré les mêmes professeurs. C'est sans doute pour cela que le style professoral du ministre de la Justice n'est pas sans rappeler celui de votre humble serviteur, sauf qu'il est plus éloquent encore, il a le ton plus docte, plus professoral encore; c'est lui-même qui nous le disait tout à l'heure, sans fausse modestie.

M. le Président, puisqu'au 20e siècle, on s'est éloigné, et le contrat d'adhésion en est la preuve, de la liberté contractuelle classique, il faut bien reconnaître que cela est applicable aussi dans le domaine plus restreint de ce contrat qu'on appelle le bail. Le locataire aujourd'hui, lorsqu'il veut se loger, la plupart du temps se trouve dans une situation de contrat d'adhésion. Est-ce que le ministre est d'accord avec moi là-dessus? Bon. Puisque c'est le cas, je suis bien content que nous nous retrouvions au moins sur un point.

Dans le contrat d'adhésion... Ah! le second, on va y venir tout à l'heure, nous avons le temps. A partir du moment où on admet que nous sommes devant un contrat d'adhésion — comme, par exemple, la personne qui monte dans un autobus, chacun sait que dans un tel contrat, il y a une des parties qui est en mesure de dicter ses conditions, et souvent, les conditions se trouvent au verso du billet qu'on achète ou elles sont inscrites quelque part dans le véhicule ou dans l'établissement où l'on pénètre — souvent la loi est obligée d'intervenir dans le contrat d'adhésion pour dicter une protection très stricte. D'ailleurs, déjà au 19e siècle, si on grattait un peu, on trouverait déjà de ces dispositions de la loi destinées à protéger les usagers communs des véhicules et notamment des chemins de fer, on trouverait des dispositions, une intervention de la loi destinée à protéger justement les usagers.

De même, lorsqu'on aborde le bail et, en particulier, le bail type proposé par le ministre, il faut être bien sûr d'avoir couvert toutes les situations, le plus de situations possible, en tout cas.

Je voudrais, par exemple, vous citer encore quelques dispositions. Je garde pour la fin la plus importante, celle sur les mesures d'urgence. Je sais que là, le ministre ne sera plus d'accord avec moi, mais voyons jusqu'où il pourrait me suivre. Par exemple, en matière de déménagement, nous proposions à propos du bill 46, cette disposition: le locateur se charge d'enlever la neige et la glace des trottoirs, marches, balcons, chemins et entrées de garage avec une diligence raisonnable durant les mois d'hiver. En été, le locateur devra entretenir les environs naturels du local loué, parterre, arbres, plantes, etc.

Je sais notamment, que, dans le cas des logis multifamiliaux, déjà le propriétaire, dans la plupart des cas, se conforme à tout ce qui concerne les environs naturels; mais combien de fois n'a-t-on pas vu des abus pour ce qui est de l'enlèvement de la neige, par exemple — on pourrait en parler ces jours-ci — la glace sur les trottoirs, de ces fameux édifices multifamiliaux et même, des édifices de quatre, six ou huit logements, des édifices qui ne sont donc pas énormes, qui ne sont pas ces grands HLM qu'on voit aujourd'hui dans les banlieues.

M. le Président, combien de fois n'a-t-on pas vu — c'est courant — ces entrées qui ne sont

jamais entretenues! Et si vous osez vous plaindre au propriétaire... J'ai été locataire suffisamment longtemps moi-même, non loin d'ailleurs de chez M. le ministre de la Justice, à l'époque où il habitait la même avenue que moi, je crois que M. le ministre a habité longtemps avenue Maplewood, n'est-ce pas? Nous étions presque voisins, près de l'université et le ministre se souviendra sûrement des difficultés d'obtenir un entretien convenable de ces logements où il y avait six, huit, dix logements et pas plus. Nous estimons qu'une clause comme celle-là serait utile, elle est plus précise, elle comporte des obligations plus strictes, nous pensons qu'elle serait de nature à favoriser les locataires plus qu'ils ne le sont à l'heure actuelle.

Je disais que c'est une expérience commune; encore il n'y a pas tellement longtemps, j'ai falli me casser le figure, je sais bien que plusieurs députés de cette Chambre seraient heureux que cela se fût produit sans doute...

Je suis touché de ce témoignage à la veille de Noël, et je le rendrai au ministre de la Justice, je dirai que moi-même je ne souhaiterais pas le voir dans une situation où, dérapant sur l'un de ces trottoirs mal entretenus à la sortie de ces grands immeubles, il soit en danger de se casser la figure. C'est une figure que je connais depuis trop longtemps maintenant et dont j'ai pris l'habitude. Je suis sûr que cela doit être mutuel et réciproque.

M. CHOQUETTE: C'est mutuel et réciproque, et je peux vous en assurer, mais je vais demander au président de vous rappeler à l'ordre. Je me lève donc sur une question de règlement.

L'honorable chef de l'Opposition, si intéressant soit-il, si docte soit-il, cet après-midi est hors d'ordre, M. le Président, il est dans les détails du projet de loi et sur des amendements qu'il n'a pas encore proposés. Je lui suggère de garder ces savantes considérations pour la présentation à la commission parlementaire.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais bien que le ministre m'explique où se situe la frontière entre les principes et les détails. Bien sûr, je me penchais sur des dispositions qui ont l'air d'être assez détaillées, mais quand on parle du principe de la protection des locataires, encore faut-il montrer comment appliquer ce principe dans la réalité quotidienne. Encore faut-il entrer légèrement dans des principes plus détaillés. Le ministre de la Justice peut-il — et je serais prêt à l'entendre, s'il voulait prendre quelques minutes, mais pas plus — m'expliquer la différence?

Après tout, j'ai une heure pour parler de ce bill, il faut bien que je dise quelque chose. Il faut bien que je sois le plus pertinent possible. Par exemple, M. le Président, on va voir que quelquefois les situations concrètes peuvent toucher à des questions de principe. Prenons la question des ascenseurs.

Dans beaucoup d'édifices multifamiliaux, c'est une question, c'est un problème qui revient constamment, encore, il y a quelques semaines. Dans mon comté, j'ai plusieurs résidences de vieilles personnes qui habitent des édifices multifamiliaux, en ce sens qu'on voit dans ces édifices de petits logements de deux pièces et demie, trois pièces et demie, habitées par ces vieilles personnes. M. le ministre de la Justice, ce n'est pas à vous que j'ai eu à m'adresser pour ces problèmes, mais comme maintenant je suis le député de cette circonscription, j'ai reçu je ne sais combien d'appels et j'ai dû m'en soucier. Le ministre me dira que ce sont des problèmes concrets, oui mais ce sont ceux-là qui font — quand on en est conscient — qu'on fait de la bonne ou de la mauvaise législation. Dans je ne sais combien de cas, j'ai reçu des appels téléphoniques de ces vieilles personnes qui me disaient: Nous avons été coincés entre les étages, et constamment on voit ces problèmes. Lorsqu'il s'agit de vieilles personnes, cela peut être très grave, M. le Président. Lorsque c'est quelqu'un comme le ministre de la Justice, qui est débrouillard, qui peut-être a un minimum d'intelligence pour se tirer d'affaire dans la vie, il va trouver le moyen de sortir de cet ascenseur coincé entre deux étages, quoiqu'il devra se surveiller, il prend du poids depuis que je l'ai connu, mais c'est un détail et j'avoue que ce n'est pas pertinent.

M. le Président, songez maintenant aux vieilles personnes coincées entre deux étages, et cela arrive plusieurs fois par mois. Pourquoi? Lorsqu'elles s'adressent au propriétaire pour protester, que leur répond-on, M. le Président? On leur répond que ce n'est pas dans le bail. Le propriétaire ne s'est jamais engagé par écrit à faire entretenir les ascenseurs. Bien sûr, cela coûte cher, l'entretien des ascenseurs, c'est évident. C'est comme tout ce qui est hautement mécanique. Aujourd'hui, il y a des systèmes de contrôle électronique en plus de cela. Donc, cela prend une main-d'oeuvre spécialisée, donc cela coûte cher. Personne n'en doute.

M. le Président, vous voyez la situation de ces vieilles personnes prises dans un immense complexe multifamilial, qui constamment s'adressent au propriétaire après avoir passé, dans un cas, deux heures, coincés entre deux étages, parce qu'il y avait un autre problème, il n'y avait pas de service de concierge. On avait prévu un logement pour le concierge, mais ce n'était pas dans le bail qu'il devait y avoir un concierge. Ce n'était pas dans le bail et le propriétaire dit: Moi, j'ai les mains nettes, vous ne pouvez pas me forcer, je n'en trouve pas de concierge. Entre parenthèses, il ne voulait pas le payer. Il ne voulait pas avoir à payer un concierge. Encore un exemple, M. le Président, de silence du bail, de silence de la loi. Vous allez me dire: Oui, mais les tribunaux sont là pour protéger ces braves gens coincés entre deux étages dans les ascenseurs. Oui, mais premièrement il faut en sortir de l'ascenseur, c'est la première chose

pour aller porter plainte, M. le ministre en conviendra. Deuxièmement, ces vieilles gens vont devoir s'adresser à un avocat peut-être pour faire respecter leur droit strict à l'utilisation d'un ascenseur qui fonctionne, qui est en bon état d'entretien. Alors, cela va metrre combien de temps avant que cette affaire puisse se régler devant les tribunaux? Des mois, des années peut-être. Encore une question qui relève de mon ami, le ministre de la Justice, que je vois rire, M. le Président, alors que, s'il était lui même coincé entre deux étages, je voudrais bien voir la tête qu'il ferait. Je voudrais bien voir cela.

M. le Président, je parlais tout à l'heure de ce défaut d'entretien des trottoirs aussi.

Dans une maison de vieillards qui se trouve dans mon comté, qui se trouve dans Montréal-Nord, où il y en a plusieurs, constamment, on voit... Je pense en particulier, si cela peut intéresser le ministre d'Etat, à ces appartements qu'on appelle "Le Fontainebleau", dont elle entendra sûrement parler tôt ou tard. Il se pourrait même que ce soit votre honorable serviteur qui ait à s'adresser à vous, pour faire respecter certains règlements, parce que la ville, elle, s'en lave les mains. Ce n'est pas son problème. Il y a aussi d'autres logements que vous connaissez, dans la ville, mais je pense surtout au Fontainebleau.

M. le Président, on a vu des vieilles personnes partir, le matin, et se casser la figure en sortant, sur de la glace vive, des personnes qui peut-être venaient d'être coincées dans l'ascenseur pendant je ne sais combien de temps. Le ministre de la Justice rit mais lui, si jamais il glisse et se casse quelque chose, il rira moins, M. le Président. Je sais que le ministre a le sourire facile, c'est une caractéristique qu'il a toujours eue et qui, d'ailleurs, ne le rend pas antipathique, mais lorsqu'il s'agit de problèmes comme ceux-là, lorsqu'on parle surtout de vieilles personnes, je ne trouve plus cela drôle du tout, M. le Président.

Nous aurions proposé, par exemple, une clause qui aurait dit que, si un ascenseur est en usage dans l'édifice, le locateur devra s'assurer de sa parfaite condition et de son bon fonctionnement. Voilà ce qui n'est pas prévu dans les baux. Je ne crois pas que ce soit prévu dans votre beau bail type, M. le ministre. On pourrait ajouter, évidemment, des clauses qui protégeraient aussi le propriétaire. On pourrait dire: "Toutefois, lorsqu'un tel ascenseur est temporairement hors d'état de fonctionnement, le locateur ne devra pas être tenu responsable pour les inconvénients ou délais causés, pour autant que la défectuosité ou le mauvais fonctionnement est réparé par le locateur immédiatement après réception d'un avis d'une telle défectuosité ou mauvais fonctionnement."

M. le Président, est-ce que le ministre de la Justice n'aurait pas pu songer à inclure une clause comme celle-là dans son bail type, surtout lorsqu'il s'agit de grands logis multifa- miliaux? On ne peut pas dire que cela aille à l'encontre des droits du propriétaire. On protège le propriétaire en exigeant un avis. Est-ce que ce n'est pas déjà faire preuve de grande tolérance, quand on sait combien les propriétaires, quelquefois, en prennent à leur aise avec les droits des locataires?

Je vois que le ministre est éveillé et me suit avec beaucoup d'attention. J'en suis très satisfait, M. le Président. Cela doit être de bon augure. Peut-être voudra-t-il accepter quelques-uns des amendements que nous proposerons à ce projet de loi, en commission, tout à l'heure.

Puis-je demander, avec votre permission, combien de temps il me reste? Bon. Je voudrais peut-être parler d'un autre problème. Ah! le ministre de la Justice va me dire que la plomberie, cela n'a aucune importance dans un logement, dans un immeuble, mais pour quiconque a été locataire — et il l'a été comme je l'ai été — Dieu sait que nous avons été exposés à des ennuis de cette sorte! Dieu sait, en particulier, dans certains quartiers démunis. Le ministre de la Justice et moi-même, M. le Président, nous n'habitions pas un quartier particulièrement démuni. La plomberie fonctionnait à peu près convenablement, quoique, à l'occasion, il fallait voir.

M. le Président, le ministre de la Justice ne pouvait faire autrement que me forcer à esquisser un sourire devant ce geste tellement familier qu'il esquissait et qui lui sied si bien.

Pour en revenir aux choses sérieuses, le locataire a des obligations strictes surtout dans les quartiers défavorisés où dans les logis, quelquefois — est-ce que tout à l'heure le député de Saint-Jacques n'avait pas l'occasion de nous le rappeler, lui qui représente un quartier où il se trouve de nombreux logis de cette sorte? — l'une des premières choses qui manquent avec le chauffage, c'est souvent justement la plomberie?

Nous proposons, nous, qu'il y ait une clause bien précise, non seulement une clause générale qui vise l'entretien et qui invariablement comporte des échappatoires pour le propriétaire, qui pourrait par exemple se lire comme ceci: "Le locateur devra réparer la plomberie, les plafonds, les systèmes électriques, les toits et les appareils du local loué avec diligence et célérité aussitôt qu'il reçoit un avis écrit du locataire l'avisant de la défectuosité."

C'était peut-être un peu précis, mais je reviens à des questions de principe plus générales. Là encore, on cherche un juste équilibre entre les droits du propriétaire et les droits du locataire en prévoyant que le locataire doit donner un avis circonstancié...

M. CHOQUETTE: M. le Président, sur une question de règlement. J'ai déjà attiré l'attention à celui qui siégeait tout à l'heure au fauteuil sur le fait que le chef de l'Opposition s'est égaré dans les détails du bill sur des amendements même qu'il n'a pas encore présen-

tés en commission parlementaire et qu'il se prépare à présenter plus tard.

Non seulement ça, il n'est pas sur le bon bill, parce qu'actuellement nous sommes sur le projet de loi no 3 et les amendements qu'il veut nous suggérer devrait normalement s'étudier dans le projet de loi no 2, qui a déjà été adopté par cette Chambre. Je savais tout cela, mais devant l'éloquence exquise du chef de l'Opposition, je n'ai pas pu me lever pour faire une opposition. Mais là vraiment, vous me forcez, parce que je crois que là on est rendu dans la tuyauterie et dans le chauffage, dans les chasses-d'eau, et je ne sais pas où nous allons.

M. BURNS: M. le Président, sur la question de règlement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: Vous avez suivi avec beaucoup d'attention, je pense, ce débat sur les deux projets de loi nos 2 et 3; et ce qui a semblé paraître comme consensus, moi, ça m'a paru ainsi, c'est que j'ai entendu le président de l'Assemblée nationale et votre collègue le vice-président, le député de Saint-Louis, également le député de Gatineau, à plusieurs reprises, dire C'est clair que le débat sur ces deux projets de loi se tient de façon presque parallèle.

C'est évident que si on veut imposer tout simplement, strictement... D'ailleurs, le ministre de la Justice lui-même a commencé par pécher, il nous a donné un peu l'ouverture de la voie en nous parlant des deux projets de loi en même temps.

C'est un peu dans ce sens que le chef de l'Opposition fait actuellement une espèce de survol de ces deux projets de loi, bien qu'actuellement il parle sur le projet de loi no 3. Je vous réfère tout simplement — parce qu'on est sur une question de règlement — à des articles du projet de loi qui font que clairement le projet de loi no 2 est absolument indissociable du projet de loi no 3.

Je vous cite simplement l'article 3 du projet de loi actuel no 3 où on nous dit que c'est la commission des loyers qui — je pense, le ministre de la Justice acceptera sûrement cet avancé — est régie par le projet de loi prolongeant et modifiant la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires, que cette commission aura à appliquer des amendements que nous avons apportés ou que nous nous apprêtons à apporter au code civil.

Il s'agit notamment à l'article 19 a) de cette fameuse loi de la Régie des loyers, où on voit le cas du locataire qui reçoit l'avis prévu à l'article 1660 du code civil. M. le Président, le projet de loi 2 amende le code civil. Le projet de loi que nous étudions actuellement, le projet de loi 3, constitue le mécanisme de plaintes en vertu du droit substantif que nous ajoutons, que nous améliorons — nous avons voté en faveur, alors nous admettons qu'il s'agit là d'une amélioration — dans le code civil au titre du louage de choses. Je pense que le ministre de la Justice aimerait peut-être que le chef de l'Opposition se taise immédiatement, mais qu'il le supporte encore pour quelques instants, ça ne sera pas tellement long. Le droit de parole du député de Sauvé, du chef de l'Opposition, achève. Je pense que la façon dont les deux projets de loi ont été constitués, la façon dont ils ont été présentés par le ministre de la Justice, la façon dont le ministre de la Justice lui-même en a argumenté, tant en présentation qu'en réplique, faisait qu'il était clair aux yeux de tous les députés de cette Chambre que ces deux projets de loi sont intimement liés, sont pratiquement indissociables. Je tiens à dire au ministre de la Justice de ne pas s'inquiéter, il ne s'agit pas d'un "filibuster". C'est le chef de l'Opposition qui désire s'exprimer, et je pense que c'est son droit, sur l'ensemble du problème qu'on appelle les relations entre propriétaire et locataire. Cela peut nécessairement à l'occasion et à cause du genre de dispositions que je vous ai citées tantôt nous appeler à faire référence à un projet de loi et à un autre.

C'est uniquement dans ce sens, M. le Président. Et encore une fois je rassure le ministre de la Justice, je vous rassure, M. le Président, il ne s'agit pas d'un "filibuster". Vous n'aurez même pas — je vous le dis d'avance — de motion de rapport de l'étude de ce projet de loi à six mois — soyez chanceux, comme le dit le député de Saguenay, je pense que vous devez en être content — il n'en est pas question. Mais j'aimerais que le chef de l'Opposition ait la possibilité de s'exprimer, même si dans l'esprit de l'étude d'un projet de loi habituel, en matière d'examen d'un projet de loi en deuxième lecture, il semble que le chef de l'Opposition déborde un peu le cadre de la discussion, c'est-à-dire de l'à-propos de la loi. Mais, comme les deux lois sont intimement liées, comme il y a référence d'une loi à l'autre, je pense que vous devez maintenir — et je vais vous féliciter de le faire dans les minutes qui viennent — cette attitude large que nous avons vue chez les autres personnes qui ont été appelées à rendre les décisions sur ce sujet.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: M. le Président, j'en étais à rappeler que, dans ce domaine contractuel et en particulier dans le domaine du droit de louage, de la location des appartements ou des maisons, il importe de rechercher un équilibre, un juste équilibre entre les droits des propriétaires, d'une part, et les droits des locataires, d'autre part.

Et ce principe devrait informer toute la législation, aussi bien le bill 2 que le bill 3. D'ailleurs, je crois bien que c'est ce qu'a recherché le ministre. Seulement, le reproche

qu'on pourrait lui faire, c'est de n'avoir pas appliqué ce principe du juste équilibre, dans toutes ses ramifications, dans toutes ses conséquences.

Vous prenez, par exemple, je parlais de la plomberie à l'instant. Il est évident qu'on ne peut pas tenir le propriétaire responsable des dégâts, par exemple, qui pourraient être commis par les locataires. Cela va de soi. Je pense bien qu'on pourrait nuancer, peut-être, la proposition que je faisais, il y a un instant, de cette façon. Mais, nous pensons, nous, que l'équilibre est établi par cette obligation du locataire de donner un avis et, si un locataire donne un avis, en général, ce n'est pas pour des vétilles. C'est parce que, vraiment, il existe quelque chose qui ne fonctionne pas dans ce logement. Et une fois que cet avis a été donné, nous pensons qu'il y a une obligation stricte de la part du propriétaire de faire le nécessaire pour remettre la tuyauterie, le chauffage, l'éclairage, tout ce que je mentionnais il y a un instant, en bon état de fonctionnement. Autrement, on peut dire que le contrat de location lui-même devient sans objet. On pourrait même, à partir des vieux et des anciens principes du droit des contrats, raisonner de cette façon. On n'aurait même pas besoin de faire appel à des notions modernes comme celles qu'on retrouve dans les savants recueils de doctrine.

On pourrait dire tout simplement, on pourrait raisonner de cette façon. A compter du moment où un logement n'est pas chauffé ou n'est pas bien entretenu, ce logement en réalité n'en est plus un, ne remplit pas les fins pour lesquelles il a été loué.

Peut-être vaut-il mieux laisser de côté ces détails, comme le disait le ministre de la Justice, sur la plomberie, et en venir à des questions plus sérieuses, qui touchent de plus près aux principes que nous devons avoir à l'esprit.

Je pense en particulier à la question des assurances. Vous savez que, dans la plupart des cas, le locateur, le propriétaire possède des assurances, mais seulement pour assurer son immeuble contre l'incendie, contre la perte, partielle ou totale, et contre les dommages que lui, le propriétaire, pourrait causer à des tiers et dont il pourrait être tenu responsable. Souvent même, on trouve dans les contrats de location, des clauses d'exonération du propriétaire à l'égard des dommages causés aux locataires, ce qui est déjà faire porter aux locataires, on en conviendra, un poids qu'ils ne devraient pas être appelés à porter. Mais on doit aller beaucoup plus loin dans la protection des droits du locataire.

Je verrais très bien dans un bail type une clause comme celle-ci: "Le locateur devra maintenir en vigueur une ou des polices d'assurance de responsabilité civile dans le but d'indemniser les locataires ou les tierces parties qui seraient blessés à la suite d'une défectuosité ou d'une négligence quant à la réparation et à l'entretien du local loué."

C'est un peu, M. le Président, la sanction de tout ce que j'ai dit auparavant, de tous les inconvénients du louage dont j'ai parlé depuis le début de cet exposé, tant pour ce qui est du déneigement que des ascenseurs, que des espaces communs, que du chauffage.

Dans le droit classique et, encore aujourd'hui, dans la plupart des cas — je parle du droit de la responsabilité — que va-t-il se produire si le locataire ou si un tiers qui n'a rien à voir sur les lieux peut-être comme, par exemple — du moins je dis qu'il n'a rien à voir, il faudrait s'entendre — un livreur qui apporte à l'un des locataires dans l'immeuble des fleurs, des cadeaux à l'intention de Noël ou du Jour de l'An, puisque nous sommes à cette époque de l'année, un livreur se casse la figure dans l'entrée d'un immeuble, un livreur manque une marche qui est mal entretenue et déboule l'escalier, un livreur reste coincé dans l'ascenseur? Cela arrive, M. le Président, par accident; j'ai déjà vu le cas d'un livreur, pensant qu'il pénètre dans un couloir, qui ouvre une porte qui en réalité donne sur un escalier de sauvetage qui est mal entretenu; le livreur passe au travers du grillage et se casse la figure royalement. En fait, dans le cas de jurisprudence auquel je pense, le livreur s'était tué.

Dans ce cas-là, il va arriver généralement que le propriétaire va être assuré, parce qu'il s'agit d'un tiers, mais si c'est un locataire — vous le croirez ou vous ne le croirez pas — qui se casse la figure, la plupart du temps, il n'est protégé ni par la loi, ni par son bail, et, je dirais même plus, le bail souvent va exonérer le propriétaire; on va prévoir dans le bail même qu'en cas d'accident survenant au locataire, le propriétaire n'est pas responsable. Autrement dit, dans les cas que je mentionnais tout à l'heure, il y a le cas d'une vieille personne, par exemple, qui reste prise dans un ascenseur entre deux étages, d'une vieille personne qui se casse la figure dans un escalier parce qu'il a été mal entretenu ou parce qu'une marche a été cassée; il y a le cas d'une personne qui pense qu'une rampe d'escalier qui se trouvait là la veille s'y trouve encore. Vous le savez, comme d'instinct, la main porte par habitude sur une rampe d'escalier qu'on imagine être là. Or je connais un cas — peut-être le ministre le connaît-il également, parce que les avocats qui ont pratiqué le droit, et le ministre de la Justice nous rappelle tout le temps qu'il a pratiqué le droit pendant je ne sais trop combien d'années.

Mais, imaginez que, dans cette affaire à laquelle je me réfère, la rampe avait été enlevée temporairement pour être réparée ou plus précisément parce qu'il y avait des peintres qui devaient refaire le plâtre et peindre un certain mur dans cet escalier. Une personne, je ne me souviens pas de son âge, c'est un cas de jurisprudence qui est trop ancien, croyant saisir la rampe, met la main dans le vide et se trouve précipitée au bas de l'escalier. Dans cette affaire, jamais le locataire n'a été capable de

tenir le propriétaire responsable. Et pourtant, il y avait négligence, il n'y avait aucune indication pour attirer l'attention des personnes qui descendaient cet escalier à l'effet qu'elles risquaient de se casser la figure.

M. le Président, je sais que vous allez me dire que je ne pense qu'à des cas de catastrophe. Oui, bien sûr, mais la pratique du droit est faite de cas de catastrophe; le ministre de la Justice le sait, les médecins aussi. Quand est-ce qu'on va voir le médecin? Quand est-ce qu'on va voir l'avocat? Toujours alors que l'accident est survenu, naturellement. Oui, je n'en disconviens pas, le ministre de la Justice a tout à fait raison. Dans le cas de la prévention, lorsqu'on va prendre un conseil sur un contrat et tout ça, oui, bien sûr. Mais dans les cas d'accidents, ce n'est pas avant qu'on va voir l'avocat ou le médecin, c'est après, n'est-ce-pas? Que le ministre de la Justice n'essaie pas de passer à côté de la question. Le ministre de la Justice se targue toujours d'avoir pratiqué le droit, il nous remet ça dans la figure constamment, M. le Président, il a pratiqué le droit, il n'est pas un vulgaire professeur d'université. Il nous l'a dit encore, il y a deux jours. Ces enseignants qu'il affecte de mépriser et de repousser du bout du pied comme si c'étaient des mégots de cigarette, ces enseignants qui ne sont pas...

M. le Président, j'ai été interrompu à plusieurs reprises, je vous ferai remarquer. Je n'ai pas terminé.

M. le Président, je voudrais terminer peut-être par cette question.

Ces applaudissements sont de bon augure, M. le Président, j'espère qu'ils signifient, surtout que je vois un député qui m'envoie la main là-bas, avec un sourire bienveillant sur les lèvres, j'espère qu'ils signifient que mes propos, si soporifiques qu'ils soient, ont pu retenir légèrement leur attention.

M. le Président, je terminerai simplement en disant que les données du recensement de 1971 confirment un état de choses qui est déjà vieux au Québec et qui doit nous donner à réfléchir. C'est un état de choses qui est déjà vieux d'une génération au moins et qui explique un peu l'agitation sociale à laquelle le ministre se référait plus tôt aujourd'hui et qu'il semble craindre, comme nous la craignons d'ailleurs, mais il semble qu'il la craigne encore plus que nous, que ce soit une sorte de hantise chez lui. M. le Président, est-ce que l'une des causes de cette agitation ce ne serait pas le fait que, sur 1,604,780 logements dénombrés dans le Québec, seulement 47.4 p. c. étaient occupés en 1971 par leur propriétaire? Le ministre de la Justice me regarde comme si c'était lapremière fois qu'il entendait parler de cela. Vraiment, cela me dépasse, lui qui légifère en ce domaine et qui ne connaît pas les statistiques de base.

M. le Président, pour qu'il en tienne compte au cours des débats que nous allons avoir tout à l'heure à la commission de la justice, je lui ferai remarquer que le reste, soit 52.6 p. c. des logements au Québec, abritent des locataires. Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: Vraiment très brièvement, je vous l'assure, ce que je veux dire en deux minutes, c'est ceci. M. le Président, nous voterons en faveur du projet de loi qui est proposé par le ministre de la Justice, mais c'est avec beaucoup de déception que nous voterons en faveur de ce projet de loi. Nous nous sommes placés dans la position suivante, à savoir si on s'attaquait à un tel genre de projet de loi, étant donné qu'il n'y a rien de mieux actuellement, c'est encore toujours la solution du moindre mal que nous sommes obligés de prendre dans l'Opposition, un peu comme nous avons tenu la même attitude à l'occasion de l'étude du projet de loi no 2.

Je n'ai pas besoin de répéter, M. le Président, toutes les critiques que mes collègues ont adressées à l'endroit du projet de loi no 2 et du projet de loi no 3. Il y en a une, M. le Président, et c'est véritablement au niveau de ce projet de loi qu'on peut l'adresser au ministre de la Justice, c'est d'avoir laissé tomber, en cours de route, cette espèce de seuil d'augmentation qui était apparu dans la première version de sa réforme des relations entre locataires et propriétaires, cette espèce de seuil d'augmentation de 5 p.c. au-delà duquel, M. le Président, cela aurait été le locataire qui aurait dû faire la demande à la Régie des loyers ou, comme on l'appellera à l'avenir, à la Commission des loyers.

M. le Président, il y a une disposition, dans le projet de loi actuel, qui fait qu'il n'y a aucune limite, il n'y a aucun plafond, il n'y a aucun endroit où véritablement, le propriétaire se sent obligé de s'adresser à la Régie des loyers, se sent obligé de dire : Je veux augmenter mon loyer de tel et tel montant et si ce montant dépasse X p.c, que ce soit 3 p.c, que ce soit 5 p.c. ou autre pourcentage, il n'y a rien qui force le propriétaire à justifier lui-même cette augmentation.

C'est un peu pour cela, M. le Président, que nous sommes déçus de voter en faveur de ce projet de loi, mais c'est aussi pour la même raison que nous voterons en faveur, parce qu'évidemment, s'il n'y a pas reconduction du projet de loi no 3, qui maintient en vigueur la Loi de la Régie des loyers, évidemment, je pense que la situation des locataires va être encore pire qu'elle ne l'est actuellement.

Je finis, M. le Président, en exprimant un souhait auprès du ministre de la Justice qui, je le sais, est intéressé à faire cette réforme globale, souhait que je lui adresse en disant, encore une fois, comme je l'ai fait à l'occasion

de l'étude sur l'aide juridique, de tenter de résister à toutes les pressions dont il sera l'objet tant et aussi longtemps qu'il essaiera de faire des réformes fondamentales en matière de protection de ce qu'on appelle dans la société les petits. Je n'ai pas du tout l'intention de faire un discours sur la lutte des classes, M. le Président, en disant cela. Je dis tout simplement qu'il est évident qu'il y a des gens, dans la société, qui sont moins protégés que d'autres et les locataires sont une de ces catégories.

Toutes les fois que le ministre de la Justice tentera de faire des améliorations à ces dispositions, je suis sûr qu'il sera l'objet de pressions extérieures assez fortes.

En ce qui me concerne, ce sont les seules remarques que j'avais à faire, et c'est pourquoi nous voterons en faveur du projet de loi.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

Adopté.

M. BURNS: Je m'excuse, M. le Président, on est cinq!

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les députés!

Vote de deuxième lecture

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont pour la motion de deuxième lecture du projet de loi 3 veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Phaneuf, Berthiaume, Goldbloom, Mme Bacon, MM. Tetley, Drummond, Bienvenue, Forget, Massé, Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Gias-son, Perreault, Brown, Kennedy, Bacon, Lamontagne, Veilleux, Brisson, Séguin, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Ostiguy, Picard, Carpentier, Dionne, Faucher, Larivière, Shanks, Springate, Pepin, Beauregard, Bonnier, Boudreault, Boutin (Johnson), Leduc, Caron, Denis, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lecours, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tremblay, Verreault, Morin, Burns, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Samson, Roy.

LE SECRETAIRE: Pour: 64 Contre: 0

LE PRESIDENT: La motion est adoptée.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ces deux projets de loi 2 et 3...

LE PRESIDENT: La motion est adoptée.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ces deux projets de loi 2 et 3 — le bill 2 a été déféré déjà, mais pour que ce soit bien clair — soient déférés à la commission parlementaire de la justice. Une fois que cette motion sera adoptée, je voudrais donner avis qu'on pourra siéger à vingt heures quinze au salon rouge, et si le salon rouge n'était pas libre, ce serait à la salle 81-A, et si celle-ci n'était pas libre, ce serait à 91-A, à vingt heures quinze.

LE PRESIDENT: Bon, il...

M. BURNS: M. le Président, je n'ai pas d'objection à ce méli-mélo, mais pendant qu'on y est, le leader du gouvernement peut-il nous dire avec quel projet de loi il a l'intention de commencer la séance à l'Assemblée nationale à huit heures et quinze?

M. LEVESQUE: Oui, je l'avais déjà indiqué d'ailleurs au leader de l'Opposition. Ce serait avec le projet de loi no 7, Loi modifiant la loi de l'Hydro-Québec quant au rapport. Et nous essayerons de suivre l'ordre que j'ai déjà indiqué, mais pas d'une façon absolue nécessairement. Alors la motion est-elle adoptée?

LE PRESIDENT: D'accord. Il y a deux motions même. Il y a la motion de renvoi. Adopté. Deuxièmement, motion que cette commission siège durant les travaux de la Chambre à 20 h 15.

UNE VOIX: Avec les deux commissions plénières.

LE PRESIDENT: Les deux, avec les règles de la commission plénière.

M. LEVESQUE: Quant au rapport. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, avec le consentement de la Chambre, le ministre des Affaires sociales aurait à compléter une réponse qu'il a donnée ce matin.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement unanime?

M. FORGET: M. le Président, je remercie la Chambre de son consentement. J'aimerais compléter la réponse que j'ai donnée au député de Saguenay ce matin relativement à certains problèmes que soulève l'administration de l'aide sociale. Il s'agit, selon la question soulevée, de nouveaux bénéficiaires du régime qui ont présenté des demandes à certains bureaux locaux, depuis le 5 décembre, et qui n'ont pas, dans tous les cas, reçu des réponses favorables ou des réponses tout court.

J'ai indiqué ce matin qu'il ne m'était pas possible, à cause de conditions climatiques, de donner l'assurance que tous les chèques parviendraient avant Noël. Il me fait plaisir d'annoncer,

M. le Président, que cette assurance peut désormais être donnée. Tous les bénéficiaires nouveaux d'aide sociale qui ont fait des demandes jusqu'à aujourd'hui inclusivement recevront, dans les cas où ils ont satisfait aux conditions de l'aide sociale, leur chèque avant Noël.

LE PRESIDENT: L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à vingt heures et quinze.

(Suspension de la séance à 18 h 11)

Reprise de la séance à 20 h 21

Etude du rapport de la commission sur le projet de loi no 7

LE PRESIDENT: Prise en considération du rapport de la commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts sur l'étude du projet de loi no 7, Loi modifiant la loi d'Hydro-Québec. Proposition de l'honorable député de Shefford.

DES VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: M. le Président, nous avons étudié en commission parlementaire le projet de loi no 7 concernant l'Hydro-Québec. Encore une fois, nous sommes dans l'obligation d'accepter un rapport, mais les mains liées, dans le sens que ce rapport, qui fait suite à l'étude du projet de loi no 7 veut tout simplement confirmer l'augmentation des tarifs d'électricité concernant l'Hydro-Québec.

J'ai fait valoir, au cours de la deuxième lecture, un certain nombre de choses à ce sujet, que je voudrais reprendre quelque peu. Cependant, je voudrais dire, au début, qu'encore là nous constatons comment le gouvernement actuel manque de stratégie, parce qu'il me semble, M. le Président, qu'il y a d'autres lois; il y a actuellement 19 lois qui sont encore au feuilleton. Parmi ces 19 lois, il y en a qui sont certainement plus importantes que le projet de loi dont on nous soumet aujourd'hui le rapport.

Je pense que j'ai le droit de critiquer justement le fait qu'on apporte ce rapport.

LE PRESIDENT: Très brièvement.

M. LESSARD: Je dis qu'il y a, en particulier, la loi sur l'agriculture, sur le crédit agricole, qui me paraît importante et qu'on doit présenter. Or, on dirait que le gouvernement fait tout pour empêcher que les députés ne puissent adopter les véritables et nécessaires lois dont nous avons besoin.

M. le Président, cette loi aurait pu venir au mois de mars, et nous aurions pu adopter des lois importantes. Qu'est-ce que vous allez dire aux ouvriers de la construction qui attendent leur rétroactivité?

M. le Président, lorsque l'Hydro-Québec a demandé au lieutenant-gouverneur en conseil, comme c'est exigé par la loi, d'augmenter ses tarifs, la seule chose — et c'est là qu'on constate que ce gouvernement ne peut pas protéger les citoyens du Québec, parce qu'il s'effondre tant devant l'Hydro-Québec que devant les pro-

priétaires, comme on l'a vu en ce qui concerne le code des loyers, devant les juges aussi... Le gouvernement s'est effondré aussi devant une société de la couronne, société de la couronne que nous respectons, société de la couronne que nous avons eu à défendre, à maintes et maintes reprises, à l'Assemblée nationale, en particulier lorsque nous avons discuté le projet de loi 50. Qu'est-ce que le lieutenant-gouverneur en conseil a fait, qu'est-ce que le cabinet a fait, avant d'accepter les augmentations de tarifs? La seule chose qu'on a faite, c'est qu'on a demandé un rapport à un comité de planification où il y avait des responsables du ministère des Richesses naturelles et des responsables d'autres ministères. Mais dans ce rapport, comme je le disais, M. le Président, il était bien souligné qu'on ne pouvait pas voir, étant donné la comptabilité de l'Hydro-Québec, si ces augmentations étaient justifiées, si ces augmentations étaient nécessaires. C'est pourquoi nous avons, nous, demandé la convocation de la commission parlementaire. Mais qu'est-ce qui est arrivé entre-temps? Deux jours après que l'Hydro-Québec eut accepté, lors d'une réunion du conseil d'administration, l'augmentation des tarifs, par le règlement no 150, deux jours après, le lieutenant-gouverneur en conseil, ce gouvernement, ce cabinet, acceptait, sans autres informations, l'augmentation des tarifs. Alors, qu'on sait très bien l'inflation que subissent actuellement les citoyens québécois, dans l'alimentation et dans d'autres secteurs, ou en ce qui concerne le pétrole, M. le Président.

Oui, je dis que nous avons, encore une fois, accepté un rapport d'une commission parlementaire qui a étudié la loi de l'Hydro-Québec, au cours de laquelle nous n'avons pas encore été capables d'obtenir les véritables informations que les citoyens devaient avoir.

En acceptant ce rapport, nous accordons encore une augmentation de taxes aux citoyens québécois. Que cette augmentation de taxes vienne de subventions du gouvernement ou qu'elle vienne directement de l'imposition de nouveaux tarifs aux contribuables québécois, c'est exactement la même chose. C'est toujours le même qui paie et ce sont les citoyens québécois qui paient. Encore là, on n'a pas su pour quelles raisons l'Hydro-Québec a dû augmenter ses tarifs, en particulier. Comme nous l'avions dit au gouvernement lorsque nous avons étudié le projet de la baie James, c'est probablement pour financer les investissements dans la région de la baie James que le gouvernement québécois accorde encore $10 millions, sans savoir exactement si c'est justifié.

Ce cabinet est impuissant; il n'est pas capable de protéger les citoyens québécois. C'est pour cela que j'ai soumis, au cours de la deuxième lecture, certaines propositions au ministre des Richesses naturelles.

C'est vrai que nous sommes fatigués, parce que nous, nous avons l'occasion de travailler. De toute façon, vous ne me dérangez pas. J'ai soumis différentes propositions au ministre des Richesses naturelles pour tenter, si le cabinet n'est pas capable de contrôler les augmentations de tarifs de l'Hydro-Québec, d'avoir au moins un organisme où les citoyens québécois, qui sont directement impliqués dans cette situation, directement impliqués dans l'augmentation des tarifs de l'Hydro-Québec, pourraient se faire entendre et s'opposer, s'il y a lieu, avec raison, à l'augmentation des tarifs.

L'Hydro-Québec n'est pas soumise, comme c'est le cas pour d'autres sociétés privées, mais qui donnent des services publics, à la Régie des services publics.

Ne pourrait-on pas — cela me paraît, en tout cas, important — soumettre l'Hydro-Québec à l'obligation de justifier ses taux auprès d'une régie comme la Régie des services publics? En effet, comme nous avons eu l'occasion de le constater, la commission parlementaire ne nous a jamais permis, à cause de l'obstruction du Parti libéral, de poser de véritables questions.

C'est pourquoi, M. le Président, je m'interroge énormément sur ce rapport.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

M. LESSARD: Je m'interroge énormément, M. le Président, sur ce rapport qui nous est présenté aujourd'hui.

M. le Président, il y aurait peut-être aussi lieu d'analyser la possibilité d'un organisme indépendant — je le soumets très respectueusement au ministre des Richesses naturelles— afin justement de permettre aux citoyens québécois de se faire entendre.

M. le Président, nous n'avons pas le choix. Les tarifs sont maintenant augmentés.

LE PRESIDENT: A l'ordre! Je vous ai laissé, depuis au moins un gros cinq minutes, vous... Malheureusement, vous ne respectez pas... Ecoutez, nous étudions le rapport d'une commission qui a étudié le projet de loi no 7 article par article. Cela n'a aucun rapport avec les taux d'électricité, aucun, aucun. Que voulez-vous que je vous dise?

M. LESSARD: M. le Président, je voudrais bien vous expliquer qu'il y a un rapport.

LE PRESIDENT: Expliquez-le moi, c'est ce que je veux savoir.

M. LESSARD: Oui, M. le Président. LE PRESIDENT: Dites-moi comment.

M. LESSARD: C'est qu'on veut, M. le Président, accorder $10 millions ou réduire de $30 millions à $20 millions, par ce rapport, le paiement des taxes...

LE PRESIDENT: Le dégrèvement.

M. LESSARD: ... au gouvernement québécois. Pourquoi, M. le Président? A la suite d'une demande d'augmentation des tarifs d'électricité par l'Hydro-Québec et de la commission parlementaire...

LE PRESIDENT: C'est cela que je veux que vous m'expliquiez.

M.LESSARD: Oui, M. le Président, A la suite de la commission parlementaire — c'est parce que je l'avais tellement expliqué en deuxième lecture, M. le Président — le gouvernement a décidé d'accorder une certaine augmentation de tarifs à l'Hydro-Québec, mais le gouvernement a promis, par contre, de diminuer, pour empêcher une augmentation plus forte, la taxation de l'Hydro-Québec de $30 millions à $20 millions. C'est en ce sens, M. le Président, qu'il y a une relation directe entre l'augmentation des tarifs de l'Hydro-Québec et la loi qui nous est soumises aujourd'hui.

Je pense bien que ceux qui ont eu, justement, à discuter en commission parlementaire ou qui ont assisté aux délibérations de la commission parlementaire ont pu constater que c'est bien le cas.

M. le Président, je pense bien que je suis parfaitement dans mon droit, lorsque j'ai à étudier un rapport comme celui-là, de dire pourquoi je m'interroge sur l'acceptation du rapport. C'est dans ce sens que je faisais mes remarques.

Je disais que nous n'avions pas le choix de l'accepter ou de le refuser ce rapport, parce qu'on a décidé d'accorder la permission à l'Hydro-Québec d'augmenter ses tarifs, et on a précisé une certaine limitation à l'augmentation des tarifs. Et c'est dans ce sens que l'Hydro-Québec devra, au lieu de payer $30 millions au gouvernement québécois, comme c'était le cas, devra payer $20 millions.

Mais encore là — et j'espère que le ministre va me répondre — et je termine sur cette question: Est-ce que ça va être une taxe fixe de $20 millions? Est-ce que ça va être continuellement $20 millions ou s'il y aura la possibilité de modifier cette taxation?

Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: Nous avons devant nous le rapport de la commission parlementaire des richesses naturelles et des terres et forêts. Je ne sais pas si c'est parce que nous approchons de la période de Noël, mais j'aurais presque envie d'offrir un cadeau à nos amis du Parti québécois et m'associer à eux dans leurs intentions de faire avancer les travaux de la Chambre.

J'ai cru comprendre du moins qu'ils avaient ce souci de faire avancer les travaux de la Chambre. Et parce que je pense que c'est absolument raisonnable de le faire d'une façon très positive, avec votre permission, je réserverai mes commentaires pour le débat de troisième lecture.

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Richesses naturelles.

M. Gilles Massé

M. MASSE: M. le Président, seulement un mot pour souligner que le discours du député de Saguenay a été exactement son discours de deuxième lecture. Cette loi amendant la loi de l'Hydro-Québec ne confirme pas une augmentation de taxe qui a été discutée longuement le printemps passé à la commission parlementaire, mais confirme une exemption de $10 millions sur les estimés de 1973 de paiement de droits que l'Hydro-Québec devait payer au gouvernement.

Il fallait adopter cette loi qui permet cette exemption à l'Hydro-Québec avant le 1er janvier 1974 pour faire bénéficier, dès 1973, l'Hydro-Québec de cette mesure. Je pense que je n'ai pas à relever les inexactitudes du député de Saguenay, auxquelles je pense avoir répondu au cours de la deuxième lecture, et je recommande l'adoption, M. le Président.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEVESQUE: Troisième? Non. Est-ce qu'on serait prêt pour la communauté urbaine? Projet de loi 22, article 10.

Projet de loi no 22 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la deuxième lecture du projet de loi 22, Loi concernant la communauté urbaine de Montréal.

M. Victor Goldbloom

M. GOLDBLOOM: M. le Président, très brièvement, il s'agit d'un projet de loi qui vise à régulariser un état de fait. La répartition des dépenses entre les municipalités membres de la communauté urbaine de Montréal a été faite selon des ententes qui ont, par la suite, été modifiées par des amendements à la Loi de l'évaluation foncière, entre autres choses. Les

municipalités concernées s'entendent pour les accepter, nonobstant les nouveaux éléments apportés à la loi, la répartition déjà faite pour 1972 et 1973.

Autrement, sur le plan administratif, il serait extrêmement difficile d'ouvrir de nouveau ces dossiers et de faire une nouvelle répartition. Certaines municipalités seraient gagnantes, d'autres seraient perdantes. Toutes semblent d'accord pour accepter et entériner le statu quo et pour laisser la nouvelle formule s'appliquer à partir de 1974.

LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

UNE VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'on peut faire les écritures de la commission plénière?

M. BURNS: M. le Président, le projet de loi no 22, je tiens...

LE PRESIDENT: A parler en deuxième lecture?

M. BURNS: Oui.

LE PRESIDENT: Bien...

M. BURNS: II est adopté déjà?

LE PRESIDENT: Ecoutez, on a formé la commission plénière.

M. BURNS: Allez-y, M. le Président.

LE PRESIDENT: Voulez-vous parler en troisième lecture, on va faire les écritures?

M. BURNS: On parlera en troisième lecture. On parlera n'importe où.

LE PRESIDENT: Non, non, mais moi, je n'ai pas d'objection.

Est-ce qu'on peut faire les écritures de la commission plénière sur le projet de loi no 22?

M. BURNS: Oui.

Commission plénière

LE PRESIDENT: Formation de la commission plénière et écritures, adoption du rapport.

Voulez-vous parler en troisième lecture tout de suite ou quoi?

M. BURNS: M. le Président, je ne parlerai pas en troisième lecture tout de suite, alors, demain.

LE PRESIDENT: D'accord.

M. BURNS: M. le Président, je suis sûr que mon "monologue" est aussi mal pris que moi par la situation, mais on est tous les deux coupables. J'aurais voulu dire quelques mots, mais je réserve mes remarques en troisième lecture, je ne demande même pas de consentement, d'ailleurs je...

M. LEVESQUE: Mes propos pour la prochaine session.

M. BURNS: D'accord, M. le Président. Mais, en tout cas...

M. LEVESQUE: Article 9.

M. ROY: J'aimerais bien, si c'était possible, que le leader du gouvernement nous dise immédiatement dans quel ordre il entend demander ses projets de loi, au cours de la soirée.

M. LEVESQUE: Je vais essayer de voir le député de Beauce-Sud pour le lui indiquer aussitôt que j'aurai fait le tour de mes propres collègues.

M. ROY: H reste que, tout à l'heure, j'ai remarqué qu'il est arrivé un désagrément à notre collègue de Lafontaine. Il faut, quand même, avoir nos dossiers aussi. On ne peut pas descendre tous nos dossiers en même temps. Il faudrait, quand même, qu'il y ait un certain ordre, de façon que nous puissions avoir nos dossiers ici lorsque le projet de loi est appelé.

M. LEVESQUE: Mais si l'Opposition a objection à ce que nous passions à un bill, qu'on me le fasse savoir et je tâcherai d'accommoder nos amis d'en face, s'il leur manque un dossier ou s'il leur manque quelque chose.

M. SEGUIN: Je voudrais demander des directives en ce qui concerne les travaux de la Chambre, plus particulièrement en ce qui concerne la commission de la justice qui siège présentement en commission plénière. Il semble y avoir ambiguïté; du moins, il semble y avoir divergence d'opinions entre certains membres de la commission sur certaines précisions et sur certaines responsabilités qu'on aurait données à cette commission.

Tout d'abord, c'est la commission élue de la justice qui doit siéger en commission plénière. Lorsque je vous en ai parlé, avant la suspension des travaux à six heures, la directive que vous m'avez donnée en ce qui concerne les travaux de ce soir établissait que la seule différence qui existait était que le président de la commission devra faire rapport de cette commission en Chambre. D'un autre côté, nous devons siéger comme commission élue. C'est dire que la commission élue demande que nous reconnaissions les membres qui doivent y siéger, et que

nous nommions aussi un rapporteur. Quelle est la fonction du rapporteur si le président doit faire rapport comme à une commission plénière en Chambre? Si nous devons nous dispenser de nommer un rapporteur, quelle est la loi ou le règlement qui nous permet de le faire? Je ne voudrais pas qu'il y ait de problème ensuite. Je suis prêt, comme président de cette commission, à revenir en Chambre, à la fin de la soirée ou lorsque nos travaux seront complétés, faire rapport de cette commission, comme nous le faisons en Chambre pour la commission plénière.

Mais voici ce qui est arrivé. C'est que deux membres de l'Opposition, représentant le Parti québécois, par exemple, ne veulent pas, au nom de leur caucus, s'engager sur le débat. Alors, si nous siégeons en commission plénière, je voudrais qu'il y ait une certaine responsabilité à cette commission.

M. MORIN: M. le Président, sur un point de règlement. Je ne crois pas qu'il soit permis à une commission élue de demander l'avis du président de cette Chambre de la façon dont cela vient d'être fait.

Et je pense que vous avez rendu cette semaine, à moins que je ne m'abuse, des décisions qui vont dans ce sens. Comme j'ai eu l'occasion de faire la recherche, parce que je scrutais de très près les opinions que le digne président de cette Chambre avait l'occasion d'émettre, je pourrais citer là-dessus Erskine May qui est très clair. Effectivement, c'est pour ça finalement qu'on n'a pas poussé plus loin notre argumentation. "The opinion of the Speaker cannot be sought regarding an occurrence in a committee although a committee to obtain the advice of the Speaker has reported progress for that purpose under the exceptional circumstances, etc." Donc la règle est claire et je pense qu'elle n'est pas appliquée seulement au Parlement britannique, elle est appliquée dans la plupart des Parlements du Commonwealth et, si j'en juge d'après vos décisions, elle est appliquée ici même. La commission est juge de sa propre procédure et si, par hasard, son président rend une décision qui n'est pas conforme aux règlements ou à l'usage, la seule façon de mettre en cause cette procédure, c'est de proposer une motion de blâme à l'endroit du président.

M. LEVESQUE: M. le Président, il s'agit, je crois, simplement, de préciser le mandat que vous donnez à la commission qui est un mandat qui a été explicité, mais qui ne se retrouve pas dans son application totale dans les règlements que nous avons.

Nous avons simplement fait cette proposition et donné le mandat, à mon sens, à la commission. C'est que ce mandat que nous avons donné comportait ceci de différent des séances ordinaires d'une commission élue. C'était que le rapport, au lieu de se faire par un rapporteur, désigné par la commission, se faisait comme en commission plénière, par le président à l'Orateur, si vous voulez, au Président de l'Assemblée. Nous avons accepté cette procédure pour une raison bien simple, c'est que nous ne voulions pas prolonger indûment la procédure qui prévoit que, lorsqu'une commission élue a terminé ses travaux, un rapport est rédigé, ensuite le rapporteur qui a été désigné doit faire, le lendemain, un rapport à la Chambre, et ce rapport ne peut être pris en considération que le lendemain et nous n'arrivons en troisième lecture que la journée suivante.

Alors, nous avons convenu que c'est ça, autrement nous n'aurions pas parlé de ça avant l'ajournement; nous avons convenu que nous procéderions pour le rapport, selon les méthodes prévues dans le cas d'une commission plénière. Nous avons fait cela, simplement dans le but d'éviter une multitude de procédures qui nous paraissaient, à nous tous, dans les circonstances actuelles, comme prolongeant inutilement les travaux de la Chambre. Une fois que nous avons accepté ça, c'est le mandat que nous avons donné à la commission. Je pense, M. le Président, que vous avez peut-être une autre opinion. Je m'y soumets d'avance, mais je crois que ce qui arrive présentement, et si j'avais à répondre au président de la commission, je lui dirais qu'il a été dispensé de nommer un rapporteur et que c'est lui-même le président lorsque les travaux seront ajournés, qui, au moment où la Chambre ne sera saisie d'aucun autre article, c'est-à-dire entre deux articles, se lèvera ou peut-être demain, si c'était terminé ce soir, lors du rapport des commissions élues, ou enfin à un moment donné que vous pouvez indiquer, M. le Président, se lèverait et ferait rapport.

Le Président dirait: La commission a siégé et a adopté les articles avec ou sans amendement. Et c'est la procédure de la commission plénière. C'est comme ça que j'ai compris le mandat que nous avons donné à la commission, et je suis d'accord avec le chef parlementaire de l'Opposition qui a justement rappelé une de vos décisions récente, M. le Président, que la commission est certainement maîtresse de ses destinées et qu'elle doit elle-même prendre ses responsabilités.

A ce moment-ci, comme il peut y avoir confusion entre le mandat d'une commission plénière, qui se rapporte directement au président, et la commission élue qui se rapporte via le rapporteur, je crois que, M. le Président, vous seriez bien excusé et justifié de donner un avis à celui qui préside une commission élue mais qui doit se rapporter directement à vous. C'est une procédure un peu irrégulière, j'en conviens, mais nous l'avons fait de bonne foi, dans le sens que nous l'avons déjà fait lors d'autres sessions précédentes, surtout à la fin des sessions, afin de ne pas multiplier les actes de procédure et de ne pas, non plus, obliger, simplement pour

quelques minutes, les députés à vivre plusieurs jours de séance simplement pour une question de rapport.

M. BURNS: M. le Président, simplement deux mots sur cette question de règlement. Comme j'ai compris l'intervention du chef de l'Opposition et comme j'ai compris d'ailleurs l'intervention du leader du gouvernement — c'est un peu la mienne aussi — et comme cette attitude est un peu nouvelle qu'un président de commission s'adresse à vous, en plein milieu des travaux de l'assemblée, je pense qu'il était normal — et c'est dans ce sens-là — que le chef de l'Opposition s'adresse à vous ou s'en-quière auprès de vous de cette nouvelle attitude. Nous aimerions savoir si ce sera un précédent, si ce sera une façon de fonctionner, remarquez, contre laquelle nous n'en n'avons pas. Mais le chef de l'Opposition a été logique. Dans l'attitude que vous nous avez indiquée, vous nous avez dit, il y a quelques jours: II n'y a pas d'appel des présidents de commissions à cette Chambre. Ce n'est pas un appel, je suis prêt à l'admettre, c'est une demande de renseignements. M. le Président, je ne le sais pas, à long terme, il faudrait peut-être peser la valeur de ces attitudes, c'est quelque chose de très constructif comme approche, et si cela doit être, c'est un peu dans ce sens que le chef de l'Opposition vous demandait: Est-ce que, dans le fond, ce sera une façon normale de fonctionner, qui a ses bons côtés, mais qui comporte un certain nombre d'embêtements...

M. LEVESQUE: M. le Président, si le leader de l'Opposition le permet, peut-être afin de ne pas créer de précédent, si vous étiez remplacé durant quelques instants au fauteuil, la question pourrait vous être posée en dehors du fauteuil que vous occupez actuellement. Cela ne créerait pas de précédent et on éviterait beaucoup de discussions.

M. SEGUIN: M. le Président, puisque la commission elle-même ne s'entend pas sur les directives qu'on lui avait donnée et qu'il semble y avoir une irrégularité qui se présente, c'est afin de prévenir des difficultés, je vous le rappelle, que je suis revenu en Chambre. Il faudrait comprendre, M. le Président, qu'il ne s'agit pas ici que le président de la commission n'assume pas les responsabilités qu'il a le devoir d'accepter, de reconnaître, mais il faudrait aussi que l'Assemblée, ayant fait un à-côté, si vous voulez, sur la procédure normale des commissions élues, à cette occasion, ait une directive assez claire, afin de ne pas tomber dans des problèmes et des discussions inutiles dans les jours qui viendront.

LE PRESIDENT: Je pense que, même si nous pouvons avoir chacun des opinions plus ou moins semblables ou différentes, il serait bon qu'il y ait une rencontre entre les leaders, durant cinq minutes. Je pense bien qu'on peut trouver une solution pour qu'il y ait une continuité à l'avenir sur cela. En présence d'ailleurs du député de Pointe-Claire.

Nous allons suspendre pour environ cinq minutes.

LE PRESIDENT: Pour l'information de la Chambre, il serait bon qu'on vous mette au courant de la décision ou du consensus, parce qu'il y a des députés qui n'appartiennent pas à un parti encore officiellement reconnu.

La décision qui a été prise, c'est que le président, en bas, agit comme le président de la commission plénière. Il n'y a pas de rapporteur nommé et il n'y a pas un rapport distinct. Lorsqu'un article est adopté, on l'initiale, je crois: initiales, initiales, initiales. Non seulement les membres de la commission, mais tous les députés ont le droit de parole, parce que c'est assimilé à une commission plénière, mais, s'il y a un vote, uniquement les membres de la commission peuvent voter. Lorsque l'étude sera terminée, au lieu d'un rapporteur, ce sera le président de la commission qui fera rapport. Comme pour le rapport de la commission plénière, il n'y a aucun débat ou amendement sur ce rapport.

Nous sommes dans le droit nouveau, messieurs.

M. ROY: M. le Président, est-ce que vous avez besoin du consentement unanime de la Chambre pour cela?

LE PRESIDENT: Non. Il y a déjà eu un consentement unanime pour que ce projet de loi soit déféré à la commission avec les modalités de la commission plénière. C'est déjà fait. Ce sont des questions d'interprétation seulement.

M. ROY: Alors, pourquoi une réunion des leaders, à ce moment-là, M. le Président?

LE PRESIDENT: Pour faire un consensus et dispenser le président de donner lui-même la directive. Cela pourrait déplaire à certains, alors que, là, il y a consensus.

M. ROY: II y a consensus, en somme, mais, en quelque sorte, un consensus sans unanimité.

LE PRESIDENT: Dans ce cas, pour exempter le consensus, ce que je viens de dire, c'est ma directive. Là, il n'y a plus besoin de consensus. Cela élimine le consensus.

C'est ce qu'on appelle une directive collégiale!

Quel article?

M. LEVESQUE: Article 9).

Projet de loi no 9 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des

Transports propose la deuxième lecture du projet de loi no 9, Loi modifiant le code de la route.

M. Raymond Mailloux

M. MAILLOUX: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée.

M. le Président, le projet de loi modifiant le code de la route, projet de loi no 9, apporte des modifications au système de contrôle dans le secteur de la réglementation de la pesanteur des véhicules automobiles, de même que celui de la conduite automobile.

On se rappelle qu'avec l'adoption de la loi no 23, Loi des transports, le gouvernement avait mis en application un système plus complet de réglementation des charges lourdes sur nos routes, afin de les protéger plus adéquatement, surtout en période de dégel, pour ainsi contrôler davantage les augmentations de coûts dans le secteur de la conservation du réseau routier.

Ce système fut mis en application le 1er novembre 1972 avec, comme base, le contrôle de la charge axiale. Les amendements que nous suggérons aujourd'hui visent plutôt les modalités d'application et de calcul des infractions. L'expérience des derniers mois, en fait, surtout en période de dégel, a démontré la trop grande sévérité du système de contrôle et des infractions impliquant souvent des montants de nature à compromettre la rentabilité des travaux de camionnage.

Les différentes associations de protection des intérêts des camionneurs, artisans ou entrepreneurs, ont d'ailleurs fait part à quelques reprises au gouvernement de leurs inquiétudes à ce sujet. Les amendements proposés sont donc susceptibles de diminuer la valeur même des infractions, tout en les fixant à un niveau permettant un contrôle vraiment sérieux.

Dans le calcul des pénalités, sans éliminer le contrôle des charges exiales, nous avons surtout insisté sur le poids total en charge, puisque, de toute façon, l'excédent total implique toujours un excédent au niveau de l'un des essieux.

M. le Président, le projet de loi à l'étude fait donc disparaître l'amende de $0.05 la livre excédentaire lorsque la charge par essieu d'un véhicule automobile dépasse celle qui est fixée par le gouvernement.

Il impose plutôt une amende de $2 par 100 livres excédentaires sur le poids total en charge autorisé.

Le nouveau mode de calcul des pénalités soustrait de plus le propriétaire du véhicule au paiement de l'amende pour surcharge à l'essieu lorsqu'il y a infraction au niveau de la surcharge totale. Dans un souci d'équité, nous proposons aussi que les modifications suggérées aient un effet rétroactif au 1er novembre 1972, date de l'entrée en vigueur de ce système de réglementation des charges lourdes, et que les accusations et amendes qui ont suivi ces infractions soient reconsidérées et recalculées en conséquence.

Au chapitre de la conduite automobile, le projet de loi no 9 apporte aussi un amendement à l'article 69 du code de la route, qui traite notamment de la responsabilité du propriétaire d'un véhicule automobile en cas d'infraction. L'amendement proposé vise à faire disparaître l'obligation qui incombe présentement au propriétaire d'un véhicule automobile de prouver qu'il n'était pas au volant d'un véhicule lorsqu'une infraction à certaines règles concernant la circulation a été commise.

Ceci implique donc que le conducteur du véhicule devra être identifié au moment de l'infraction, et cette règle trouvera dorénavant pareille application dans les cas de règlements municipaux. L'amendement proposé a aussi une conséquence directe dans l'application du système de points de démérite puisque, dans le cas où le conducteur n'était pas identifié au moment de l'infraction, les points étaient débités au dossier du propriétaire plutôt qu'à celui du conducteur, rendant de ce fait le système inéquitable puisqu'il veut blâmer le comportement du conducteur en cas d'infraction aux règles de la circulation automobile.

De plus, dans de pareils cas, les procédures de défense étaient rendues difficiles pour le propriétaire du véhicule à cause des délais entre le moment de l'infraction et celui de l'inscription de points à son dossier. Cette nouvelle procédure d'avis se rapproche aussi beaucoup plus de notre objectif de prévention et d'éducation en matière de sécurité routière puisque la faute est signalée au conducteur au moment précis de l'infraction.

De plus, cette procédure contribuera à diminuer l'usage abusif de radars et autres appareils du même genre dans certains endroits, situation que nous avons eue à commenter à quelques occasions et que les parlementaires des partis d'Opposition ont eu à commenter également.

En conclusion, le projet de loi modifiant le code de la route veut donc corriger certaines situations qui, d'après notre expérience, nous ont semblé inéquitables, tout en nous permettant de maintenir des contrôles susceptibles de protéger les droits collectifs de tous les résidents du Québec.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard ): Le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, le projet de loi no 8 a l'avantage de replacer dans une certaine réalité... Le no 9, je m'excuse —on a tellement parlé du projet de loi no 8 — c'est-à-dire la Loi modifiant le code de la route, a l'avantage,

donc, de replacer dans une réalité assez concrète le domaine que j'avoue assez délicat de l'application du code de la route. Assez délicat d'une part en ce sens que l'automobile, le véhicule à quatre roues ou à dix roues, peu importe, est devenu maintenant en 1973 un moyen de locomotion très courant, est devenu d'ailleurs la chose la plus régulièrement utilisée soit pour se déplacer ou déplacer des marchandises. Je pense qu'il fallait — et c'est l'avantage du projet de loi proposé par le ministre des Transports — reconnaître cette situation.

D fallait aussi, au moins quant à deux cas assez précis, rétablir certaines règles qui avaient peut-être été pensées en des termes différents de ce que la réalité actuelle nous propose.

Je ne m'attacherai pas, d'ailleurs, à l'aspect tracassier, à mon avis, du problème qui existait à l'égard du nombre d'infractions par essieu, etc. Je m'attacherai plutôt, M. le Président, à féliciter le ministre d'apporter au projet de loi la modification à ce qu'on appelle le fameux problème des radars. Dans le fond, ce que le projet de loi 9 règle, c'est cette espèce de situation absolument incompréhensible selon laquelle un automobiliste ou un camionneur —et j'y reviendrai en ce qui concerne les chauffeurs professionnels — se retrouvait dans une situation d'avoir à faire face, plusieurs mois —l'expérience nous prouve que c'est habituellement un minimum de trois mois plus tard — après l'infraction, à une accusation d'infraction au code de la route captée par l'entremise d'un radar. Le texte, tel qu'il est rédigé évidemment, n'est peut-être pas aussi explicite que cela, mais si je l'interprète bien — le ministre des Transports me dira le contraire, si jamais je l'interprète mal — il semble vouloir nous dire que le fardeau de la preuve qui, dans le fond, dans le passé, était imposé sur les épaules du conducteur de véhicule automobile est maintenant inversé. C'est-à-dire qu'au départ, de par le code de la route actuel, on se retrouvait devant la situation que le moindrement qu'un véhicule, immatriculé sous la plaque tel numéro, commettait une infraction, c'était le propriétaire qui devait se présenter à la cour, à la suite de l'assignation qui lui était faite, et qui devait dire: Bien, ce jour-là, ce n'était pas moi, M. le juge, qui conduisais mon véhicule; c'était une autre personne. La plupart du temps, c'était trois, quatre mois plus tard. Je n'ai pas connaissance de cas qui remontent plus loin que ça. Moi, M. le Président, si vous me demandiez si je conduisais mon automobile il y a trois mois, à telle date précise, je serais absolument incapable de vous le dire; surtout si c'est une personne qui, à l'occasion, prête sa voiture à quelqu'un d'autre. Je pense que c'est une très bonne mesure; elle est beaucoup plus réaliste et elle a, au moins, la valeur de ramener à certaines normes absolument acceptables ces pénalités qui sont difficiles actuellement à supporter pour les conducteurs professionnels, les chauffeurs professionnels. Je pense, en particulier, aux chauffeurs de taxi, aux chauffeurs de camion, aux gens qui, comme les commis voyageurs, etc., ont besoin de leur voiture. Est-ce que le député de Trois-Rivières veut intervenir dans le débat ou quoi? Je pense, par exemple, à tous ces gens qui sont des professionnels de la route, qui, depuis que le système de démérite — comme le disait le ministre tantôt — est mis en application sont placés dans une situation qui risque de leur faire perdre leur instrument de travail qui s'appelle dans le fond leur permis de conduire. Or, je pense qu'à ce moment-là un camionneur qui voyage sur la Transcanadienne, entre Québec et Montréal ou entre Trois-Rivières et Berthierville, se doit absolument d'être assuré que c'est lui qui a commis cette infraction-là. En effet, si, éventuellement, c'est prouvé que c'est une autre personne, le système de points de démérite, qui normalement risque de l'amener tranquillement, pas vite, à une perte de son permis de conduire, peut être écarté. Au moins, la porte que nous laissons ouverte au propriétaire du véhicule par le projet de loi lui permettra, à ce moment-là, de se défendre. Cela lui permettra de dire: Bien, tel jour, de par un certain — c'est ce qu'on dit dans le milieu — "log", ce n'était pas moi qui conduisais mon véhicule, etc. Surtout en obligeant la police, qu'elle soit municipale ou provinciale, à faire la preuve de la personne qui était au volant du véhicule au moment de l'infraction, je trouve qu'à toutes fins pratiques on impose aux policiers qui ont à appliquer le code de la route l'obligation d'arrêter la personne, de l'identifier, de savoir si c'est bien monsieur X ou monsieur Y qui est au volant du véhicule.

Dans ce sens-là, M. le Président, c'est avec plaisir que nous adopterons cette mesure que nous croyons absolument normale et absolument régulière pour améliorer et rendre un petit peu plus réaliste le système de points de démérite qui, encore une fois, a sa valeur, il n'y a pas de doute, et le ministre des Transports sera peut-être en mesure, à un moment donné, de nous donner des statistiques relativement à ça.

Je ne veux pas le précéder là-dessus, ce système de points de démérite a sa valeur, il n'y a pas de doute, mais il a peut-être été au départ mis en vigueur sans tenir compte d'un certain nombre de contingences donc celui du radar, dont cette imposition absolument inattendue et incroyable de sanctions qui peuvent, à un moment donné, enlever ce que j'appelais tantôt l'instrument de travail d'un chauffeur professionnel.

Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, il nous fera plaisir de voter en faveur du projet de loi no 9.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, le projet de loi no 10 nous plaît également énormément. Il n'est pas besoin de vous dire que l'ancien député d'Abitibi-Ouest et l'ancien député de Frontenac, deux députés créditistes qui avaient l'occasion, lors de la dernière Législature, de surveiller le ministère des Transports pour notre formation politique, avaient je pense, à quelques reprises, formulé des voeux dans ce sens-là. D'ailleurs, le parti que je représente a aussi formulé des voeux dans ce sens-là. Nous avions même un article à notre programme électoral qui ressemblait grandement à ce qui nous est présenté aujourd'hui par le ministre des Transports, notamment lorsqu'il s'agit de la question des amendes pour les poids des véhicules tels que les camions. Nous en avions parlé. Mais ce qui nous amène à parler du système de points de démérite c'est l'article suivant lequel, à l'avenir, les policiers devront identifier le propriétaire ou le conducteur d'une automobile, avant de faire parvenir une contravention au propriétaire, comme c'était le cas, dans le code de la route.

M. le Président, cette partie-là nous intéresse énormément parce que nous considérons qu'en vertu du code de la route que nous connaissons, il y avait, selon nous, de graves injustices de commises, comme, par exemple, toute cette question de l'utilisation des radars, de la photo, etc., etc. On fait de nos policiers, dans certaines municipalités, non pas des policiers qui, comme cela devrait se faire, font de la prévention. Sur la route, un jour ou l'autre, tous les conducteurs, quand ils ont surtout plusieurs milles de faits, sur un long voyage, sont tentés un peu par l'excès de vitesse et je pense que c'est humain. Mais nous croyons qu'il vaut mieux que nos policiers utilisent leur temps à la prévention, c'est-à-dire faire en sorte que sur les routes, les conducteurs voient la présence des policiers. En tant que conducteur j'ai eu l'occasion de parler avec plusieurs conducteurs, et nous le savons tous, lorsque les conducteurs sentent la présence des policiers, M. le Président, tous sont portés à ralentir leur vitesse, à être plus prudents.

Donc, nous considérons qu'il vaut mieux oeuvrer dans le sens de la prévention, pour éviter des accidents. Je pense que le rôle de la police ne doit pas être strictement un rôle punitif et à mon sens justement, le policier ne doit pas être une personne qui doit punir, mais quelqu'un qui doit prévenir. Alors quand on parle du code de la route, de l'application du code de la route, quant à nous, en tout cas, on préfère de beaucoup des policiers qui font de la prévention, qui par leur présence et en démontrant qu'ils sont présents feront en sorte que les automobilistes ralentiront et qu'ils seront prudents.

Ainsi, par le fait même, il y aura moins d'accident.

Ce qui nous intéresse, c'est qu'il y ait moins d'accident de la route. On n'est pas intéressé, quant à nous, que le corps policier, de quelque municipalité que ce soit, soit un département à profit. Et, malheureusement, par les abus qu'il y a eu de l'utilisation des radars dans plusieurs localités, nous avions l'impression que les policiers étaient là pour faire la chasse au trésor, étaient là, non pas comme des policiers mais comme des espèces de chasseurs de trophées qui avaient, comme but de chasse, des têtes d'automobilistes.

Cela nous paraissait un peu ainsi dans certains cas que, plus les chasseurs de têtes d'automobilistes réussissaient à descendre des têtes d'automobilistes, plus c'était payant pour la municipalité. On a même entendu parler de cas dans une région où le radar était loué et où celui-là qui louait le radar travaillait pour le corps de police ou pour la municipalité à commission.

Quant à nous, on considère que cela n'est pas de cette façon que cela doit se produire. Il y a trop de municipalités qui ont abusé, par exemple les municipalités qui ont la chance de voir traverser dans leur municipalité une route provinciale où il y a beaucoup de trafic. On dirait que dans certaines de ces municipalités vous avez le conseil municipal et la chambre de commerce qui tentent d'attirer le touriste par des moyens de publicité de toutes sortes; d'autre part vous avez le corps de police qui tente de les attraper comme on joue à l'attrape-nigaud chaque fois que les touristes s'amènent dans ces municipalités.

Je pense qu'il faut quand même être logique. Ces municipalités — et il y en a plusieurs — faisaient, font et feront encore appel aux touristes, aux gens pour aller les visiter. Qu'on ne les appelle pas pour que, d'autre part, on tente de profiter de la situation et de les exploiter en jouant à cache-cache au lieu de donner un service de police.

Cela n'est pas un système de billet de loto, des billets donnés par des policiers. Bien entendu, nous savons qu'il y a des abus. Bien entendu, nous sommes d'accord que ces abus soient punis mais je pense que nous pourrions faire qu'il y ait beaucoup moins de ces abus en démontrant un sens des responsabilités et en faisant plutôt de la prévention.

Dans plusieurs municipalités où cela se fait, où cela se fait encore, je vous donne un exemple. Si je demeure à Rouyn-Noranda et si, à un certain moment, je reçois chez nous une contravention en provenance de la ville de Québec, trois ou quatre mois après que l'infraction ait été commise, bien entendu il se peut que la mémoire fasse défaut. D se peut qu'on ne se rappelle pas au juste si oui ou non on était à ce moment-là à cet endroit mais qu'est-ce qui nous arrive? C'est qu'étant loin de l'endroit de l'infraction, on nous envoie une sommation et on vous dit suivant l'actuel code: Défendez-vous. Vous êtes reconnu coupable, à moins que vous ne prouviez le contraire.

Alors, quelqu'un qui demeurerait, par exem-

ple, à Rouyn-Noranda, il est bien logique qu'il en coûterait beaucoup plus cher pour se déplacer et venir se défendre à Québec qu'il en coûte de payer une amende, même si l'amende est assez élevée.

Alors, comme conséquence, il se trouve que dans une forte proportion certaines de ces municipalités perçoivent des montants d'argent de propriétaires d'automobile qui ne sont coupables sous aucune considération mais les gens paient parce que cela coûte encore moins cher de payer, parce qu'on est trop loin, que d'aller se défendre.

Je pense que ceci est très sérieux. Evidemment, vous allez me dire qu'il y a des cas d'exception. J'en ai un à vous citer.

C'est évidemment un cas d'exception. Mais ce cas d'exception peut peut-être nous démontrer qu'il y en aurait aussi d'autres de ce genre.

J'ai à vous citer, M. le Président, à l'appui de mes remarques, le cas d'un citoyen de Rouyn-Noranda qui, un jour, reçoit une contravention de la ville de Joliette. On l'accuse pour une infraction au code de la route. Il se trouve — et cela est rare, mais c'est arrivé comme ça — que le monsieur, le policier qui l'a arrêté a pris le numéro de licence, on a envoyé ça au ministère des Transports, probablement, et, de là, avec le numéro de licence, on a déterminé le nom du propriétaire et le numéro du permis de conduire. Chose assez curieuse, mais cela arrive, deux personnes portant le même nom dans la province de Québec, étant nées le même jour, ont exactement le même numéro de permis de conduire. Par voie de conséquence, notre type de Rouyn-Noranda reçoit une contravention pour une infraction commise à Joliette, alors qu'il n'a jamais été là et que cette infraction, après enquête, a été commise par quelqu'un qui réside à Montréal. Cela n'est rien encore. Ce qui est pire, c'est que notre type, après avoir reçu cette sommation, alors qu'il n'a jamais été là de sa vie, ne s'en est pas occupé. Il n'a pas pensé non plus aller consulter un avocat. C'est un travailleur, évidemment, ce n'est pas un juriste, alors il a laissé passer ça. Comme conséquence, il a été condamné par défaut d'être présent le jour de la comparution, et, à un certain moment, le type était condamné et menacé d'emprisonnement.

Vous voyez, M. le Président, c'est une situation qui n'arrivera évidemment pas tous les jours. Je le conçois, mais je pense que cela met en cause toute la philosophie que nous discutons présentement. Si les policiers avaient eu l'obligation d'identifier le conducteur, ceci ne serait pas arrivé. Il y a peut-être d'autres exemples, il y en a sûrement, le ministre des Transports en a sûrement à nous citer, mais il n'est pas nécessaire, je pense, de citer tous les exemples que nous avons. A l'appui de nos remarques, je pense qu'il est cependant important que nous fassions bien comprendre à ceux qui voudraient contester le bien-fondé de la loi no 9... M. le Président, il se trouvera des maires de ville ou de municipalité pour contester le bill 9, par intérêt, parce que, suivant la façon dont cela se produit présentement, l'utilisation du radar est devenue une espèce de chasse au trésor, c'est payant et ça rapporte. H arrivera peut-être que certains maires de municipalité ou de ville voudront contester le bien-fondé du bill no 9. Je vous cite le cas du maire de Québec, qui est un gentil garçon, pour qui j'ai beaucoup d'admiration, mais lorsque, ce matin, sur les ondes d'un poste radiophonique de Québec, je l'ai entendu contester le bill no 9, M. le Président, je n'ai pas reconnu l'homme que je croyais connaître. Ce n'est pas pour faire de la personnalité, mais je pense qu'il est bon, puisque ces gens ont une tribune publique et que cette tribune publique leur permet de donner leur point de vue, ce qu'ils ont évidemment le droit de faire... Je crois qu'il faut regarder les deux côtés de la médaille. Les conducteurs, ainsi que les propriétaires d'automobile ont le droit d'être protégés. Un corps de police, quel qu'il soit, que ce soit le corps de police de la ville de Québec, de la ville de Montréal ou d'ailleurs, n'a pas pour fonction de punir. Il a pour fonction de prévenir. Evidemment, lorsqu'il n'y a pas moyen de faire autrement, il a d'autres fonctions. Mais, avant tout, il faut prévenir. Avant tout, ce sont les accidents qu'on veut prévenir. Avant tout, c'est la vie des gens, la vie des automobilistes qui nous importe. Ce ne sont pas les petites amendes puis les candy de caméra ou les insolences d'une caméra. Quand je vois les policiers cachés pour prendre les photos des conducteurs, pour nous envoyer ça trois mois après, je vais vous dire une chose: Je n'ai pas besoin du service de police pour faire prendre mon portrait. Quand je voudrai le faire prendre, je paierai pour, puis je le ferai prendre sous l'angle qui me plaira. On ne sera pas obligé d'endurer les mauvaises photos qui nous arrivent, du moins.

Nous en avons assez de voir certains procureurs des municipalités jouer au bluff avec la population. Je dis bien jouer au bluff, parce que, quand on vous envoie une facture d'infraction quatre mois après et que vous êtes à 500 milles de l'endroit de l'infraction, que cela vous coûterait $200 plus cher d'aller vous défendre que de payer l'amende, qu'est-ce qui arrive? On paie et on se tait dans ce temps-là. J'appelle cela jouer au bluff avec la population et on ne veut pas que cela continue.

M. le Président, c'est pour toutes ces raisons que non seulement nous appuierons le bill 9, mais que nous avons le devoir de le faire comprendre dans nos comtés respectifs. Nous avons des tribunes publiques et c'est notre rôle, notre devoir de faire comprendre à la population le pourquoi de l'appui que nous avons donné à cette loi no 9. Comme je vous le dis, il faut s'attendre que ça continue. Je trouve que le ministre est assez courageux, à ce moment-ci, de nous présenter ce bill no 9, alors que déjà il y a des gens qui — je ne parle pas d'intérêts

personnels, bien entendu — pour les intérêts d'une municipalité, pour tenter d'augmenter les revenus d'une municipalité d'une façon quelconque, n'hésiteraient pas à continuer à jouer à ce petit jeu de cache-cache.

Moi, j'aime les choses claires, les choses nettes. Les municipalités ont d'autres sources de revenus. De grâce, qu'on ne tente pas de mettre toujours sur le dos des automobilistes, comme cela se fait présentement, le poids de certains fardeaux.

Je pense que c'est sérieux. Les corps policiers des municipalités ne doivent pas être considérés comme un service à revenus. C'est un service au public, qui doit coûter des sous. J'ai entendu, dans certaines municipalités, des représentants de conseils municipaux me dire: Chez nous, cela va bien; notre corps de police nous a rapporté tant d'argent cette année. Quand on vient se vanter de cela, c'est simple, c'est décourageant, parce que je pense que le but visé par le code de la route c'est la protection des automobilistes. Pourquoi avons-nous des règlements? Pourquoi devons-nous circuler de telle façon, plutôt que de telle autre façon? Pourquoi devons-nous circuler à telle vitesse, plutôt qu'à telle autre vitesse? C'est justement par prudence, pour éviter qu'il n'y ait des accidents. Si c'est pour éviter qu'il n'y ait des accidents, qu'on ne se cache pas pour laisser les gens s'emballer et rouler trop vite, qu'on ne se cache pas pour les laisser risquer de se casser la gueule et, après cela, dire: Vous avez été trop vite. Notre rôle, c'est d'inciter les corps policiers à la prévention et, pour toutes ces raisons, nous allons voter en faveur du bill no 9.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre des Transports, sur son droit de réplique.

M. Raymond Mailloux

M. MAILLOUX: M. le Président, j'ai tantôt écouté le député de Maisonneuve et c'est un fait que, par le projet de loi no 9, le fardeau de la preuve, qui auparavant était à la charge du propriétaire d'un véhicule automobile, est renvoyé vers tous les corps de police quels qu'ils soient. Il y a quand même une constatation brutale qui se dégage de l'expérience qui a été vécue dans les derniers mois, c'est que la Sûreté du Québec, qui peut-être a à oeuvrer sur des routes où il n'y a pas tellement de feux de circulation ou d'obstacles semblables, a quand même depuis que le système de points de démérite a été mis en application, dans 99 p.c. des cas où il y a eu constatation d'une infraction par le système de radar ou par interception, a fait le nécessaire pour elle-même faire la preuve, même quand elle n'y n'était pas obligée.

J'ai tantôt écouté le député de Rouyn-Noranda et c'est un fait que, dans d'autres municipalités, le même souci n'a pas été, je pense, tellement mis en évidence et le fardeau de la preuve, c'est à la charge des propriétaires de véhicules qu'il a été renvoyé.

Avant la présentation du bill 9, j'ai peut-être hésité à aller d'une manière aussi catégorique dans les corrections à apporter, corrections que nous reverrons d'ailleurs en période de printemps — j'en parlerai tantôt. Des solutions étaient proposées dans le but de tâcher de venir en aide aux municipalités qui nous accusent de renvoyer à la charge des contribuables de ces municipalités l'obligation de faire la preuve et de faire des dépenses supplémentaires. La seule suggestion qui m'avait été transmise était la suivante: C'était de permettre à un propriétaire d'aller faire une preuve par affidavit, à l'effet que ce n'était pas lui qui était au volant d'un véhicule au moment de l'infraction.

M. le Président, voici ce que je pense, comme ministre des Transports. Cela a été dit tantôt par les honorables membres de l'Opposition, on sait que les infractions arrivent des fois avec deux, trois et quatre mois de retard. Et cela n'a pas semblé être tellement facile de restreindre ces délais, malgré l'insistance que mettent nos fonctionnaires pour que ces envois soient faits dans un plus bref délai. Il ressort que cela aurait quasiment été de la part du ministre des Transports, inviter collectivement les citoyens du Québec, qui n'ont quand même pas souvenir de chaque heure de la journée, à aller, après trois ou quatre mois, tâcher de faire un affidavit. Dans la majeure partie des cas, c'était tenter des gens à faire de faux serments.

Je veux croire — et je le dis maintenant — que c'était l'intention du ministre des Transports, dans les mois qui vont suivre, de suggérer la convocation de la commission parlementaire. Après l'expérience que nous avons vécue, que nos officiers ont vécue avec le système de points de démérite, qui fait ses preuves mais qui amène peut-être quelques faiblesses, tous les parlementaires pourraient, avec nos officiers, nos conseillers juridiques, revoir l'ensemble du système de points de démérite et tâcher d'apporter certains correctifs que nous savons devoir apporter dans les mois qui vont suivre.

Je voudrais que le public du Québec fasse quand même attention parce qu'il sera peut-être dit, demain matin, que les radars sont disparus dans le Québec. Les radars demeureront. La Sûreté du Québec s'en sert actuellement. Mais les municipalités qui voudront conserver des radars devront, à quelques centaines ou à quelques milliers de pieds plus loin, faire une interception et les lois municipales devront être de la même façon que la loi provinciale.

M. le Président, il y a un autre article sur lequel les membres de l'Opposition n'ont pas trop insisté et je voudrais faire un aveu. C'est que, dans la modification que nous apportons à la Loi de la pesanteur sur la charge axiale ou sur la pesanteur totale en charge, il sera peut-être dit, dans un proche avenir, que l'amende, qui

est demeurée de $0.02 la livre en poids excédentaire, est peut-être très lourde. Mais, dans les mois qui ont précédé je regardais l'ensemble des contraventions qui ont été données dans le Québec. Est-ce que c'est parce que nous sommes des Latins et que cela nous prend plus de temps que d'autres à observer des règlements? L'on sait que le ministère des Transports, dans son souci de protéger le réseau routier, a voulu imposer des conditions qui existent ailleurs, dans d'autres provinces.

Si nous avons laissé une amende dont devront se rappeler les camionneurs qui voudront outrepasser les charges permises, c'est qu'à l'intérieur de cette liste nous constations que c'étaient principalement des récidivistes qui, à longueur de semaine, violaient systématiquement la Loi des pesanteurs. Alors je veux croire que, sachant que le ministère restera intransigeant sur le dernier amendement que nous avons apporté, il appartient aux camionneurs de respecter la loi telle qu'elle est présentée mais je pense que le correctif que nous avons apporté et que l'Opposition semble vouloir accepter est quand même un allégement qui prouve notre bonne volonté.

Je veux dire en terminant, M. le Président, que dans cette loi, dans le système de points de démérite il faudrait que les municipalités comprennent et aient le même souci que le gouvernement provincial, dont parlaient tantôt mes honorables collègues, que c'est la sécurité du public que nous voulons, que les municipalités doivent avoir à leur attention et ce ne sont pas des taxes indirectes qu'on doit aller chercher par de tels moyens.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que vous quittiez le fauteuil et que la Chambre se forme en commission plénière pour étudier ce projet de loi article par article.

Commission plénière

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable leader du gouvernement propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la commission plénière soit formée pour l'étude du projet de loi no 9 article par article. Cette motion est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

M. PILOTE (président de la commission plénière): Article 1.

M. BURNS: M. le Président, est-ce que le ministre peut nous dire si la modification qu'il nous propose aux articles 1 et 2 — on peut peut-être réduire la discussion là-dessus, poser une question pour ces deux articles — a été faite à la suite de demandes soit d'associations de camionneurs ou de groupements intéressés au camionnage? Est-ce que le ministre peut nous donner simplement l'historique?

M. MAILLOUX: Je voudrais simplement dire qu'il y a eu rencontre entre l'Association du camionnage du Québec et entre les divers groupes de camionneurs du Québec. Il est indiscutable que nous ayons constaté que les infractions ne pouvaient définitivement pas demeurer aussi élevées qu'elles avaient été indiquées.

Je pense que les infractions ont dépassé catégoriquement l'esprit du législateur, de même que la volonté exprimée par nos officiers. C'est après rencontre avec les différents intéressés que le ministère a décidé d'apporter les modifications qui s'imposent.

M. BURNS: C'était cette espèce de répartition par essieu qui donnait lieu à une interprétation abusive.

M. MAILLOUX: II y avait un problème auparavant: le propriétaire pouvait être condamné et pour la charge axiale et pour le poids total de la charge. H y avait une amende minimum, amende pour la charge axiale, et amende pour le poids total de la charge. Dans ce projet de loi, dans la presque totalité des cas, ce sera une amende de base de $200 s'il y a excès du poids total de la charge, plus $0.02 la livre en excédent. Mais à ce moment disparaît l'infraction qui devait également être payée sur la charge axiale et qui, de toute façon, était à l'intérieur d'un surplus de poids de la charge totale.

M. BURNS: En somme c'est pour faire disparaître une espèce de forme de double pénalité qu'on amène ça.

M. MAILLOUX: C'était une double pénalité. Quand j'ai dit tantôt que ça dépassait l'esprit du législateur, il y a un "et" qui avait été mis à la place d'un "ou" qui obligeait nos services à exiger les deux amendes â la fois. C'est là que ç'avait dépassé l'esprit du législateur.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Viau.

M. PICARD: Est-ce que le ministre pourrait nous dire si les officiers qui sont chargés de faire la surveillance ou de vérifier la pesanteur des camions sont des officiers du ministère des Transports?

M. MAILLOUX: C'est exact.

M. PICARD: Est-il exact que ces officiers du ministère des Transports qui ne sont pas des gendarmes, qui ne sont pas armés font appel, dans certaines circonstances, au corps de police de la ville de Montréal dans le cas d'infractions dans la région de Montréal?

M. MAILLOUX: Je pense que les officiers du ministère des Transports sont également armés. Mais il ressort qu'ils sont là pour faire une constatation, et diriger les camions qui ont un excédent de pesanteur vers les balances qui appartiennent également au ministère.

Je ne peux vous dire si, effectivement, nos officiers font appel, dans la ville de Montréal, à ceux de la Sûreté municipale, mais peut-être qu'il a quelques problèmes à l'intérieur des villes.

M. PICARD: Est-ce que le ministre me permettrait de lui relater ce qui m'a été raconté il n'y a pas tellement longtemps en rapport justement avec ces infractions? Il semblerait que, dans la région de Montréal, les officiers du ministère des Transports...

M. BERTHIAUME: Est-ce que le député de Viau me permet une explication?

M. PICARD: Pardon, je n'ai pas compris?

M. MAILLOUX: Est-ce que vous parlez de la ville de Montréal ou de la région de Montréal?

M. PICARD: La région de Montréal. Ce sont les officiers du ministère des Transports avec les camionnettes bleues...

M. BERTHIAUME: Est-ce que le député de Viau me permet une explication?

M. PICARD: Oui.

M. BERTHIAUME: En ce qui concerne les chemins municipaux, à Montréal notamment, le ministère des Transports n'a pas juridiction à ce moment-là. Autrement dit, le but de cette loi, c'est de protéger les routes provinciales. Etant donné que les rues de la ville de Montréal ne nous appartiennent pas, elles ne nous concernent pas spécifiquement. Alors, nos surveillants routiers n'ont pas juridiction et ne font pas l'inspection ou la surveillance des rues de Montréal.

M. PICARD: Est-ce qu'ils font la surveillance des rues de Saint-Léonard?

M. BERTHIAUME: Non plus.

M. PICARD: Est-ce qu'ils font la surveillance des rues quelque part sur l'île de Montréal?

M. BERTHIAUME: Sur les chemins provinciaux de l'île de Montréal, oui.

M. PICARD: Si vous me le permettez, je vais vous donner l'explication. Apparemment, les officiers du ministère des Transports, qui ne sont pas des officiers de police, des gendarmes armés, ont des difficultés, à certains moments, à convaincre les conducteurs de certains camions de se rendre en dessous du boulevard Métropolitain, à telle intersection, pour faire peser les camions. A ce moment-là, ils font appel aux policiers de la ville de Montréal. Si vous me permettez de terminer l'explication, c'est plus sérieux que ça peut en avoir l'air. Donc, il semblerait que les officiers du ministère des Transports font appel aux officiers de la ville de Montréal, à la police de Montréal, à des jours fixes. Je vais donner un exemple: presque tous les mardis matin, le corps de police de la ville de Montréal reçoit un appel d'envoyer deux ou trois motocyclistes pour surveiller les camions qui passent à un certain endroit et de les diriger vers tel endroit en dessous du boulevard Métropolitain pour permettre aux officiers du ministère des Transports de faire la pesée de ces camions.

Il semblerait, d'après les plaintes que j'ai eues, que certaines grosses compagnies ont ouï-dire de ces temps et lieu où les membres du ministère des Transports font cette surveillance et, ces jours-là — c'est bien drôle à dire — elles ne se font jamais prendre. J'irais même plus loin: si ça arrive le mardi — c'est juste une hypothèse que je vous donne — c'est bien de valeur, mais les camions de cette compagnie ne dépassent jamais la charge maximum permise par la loi, même d'une seule livre. Par contre, on attrape les petits et on leur envoie des amendes de $300, $400 et $500.

Alors, je me demande s'il n'y aurait pas lieu de faire une correction à ce système. S'ils sont pour faire appel aux services de la police de Montréal, qu'on change les heures et qu'on s'arrange pour que personne n'ait un tuyau disant: Faites attention sur telle route, vous allez vous faire arrêter par les gars du ministère des Transports et vous allez être obligés de payer. Ce qui arrive à ce moment-là, M. le Président, c'est que les grosses corporations — je ne veux nommer personne en particulier, mais vous les connaissez — les gros transporteurs en vrac, s'ils se font prendre et sont obligés de payer $300 ou $400 d'amende, rient dans leur barbe, parce qu'à partir de une heure dans l'après-midi le gars du ministère des Transports n'est plus là; ils chargent pendant deux, trois heures et ils ont récolté les $500 d'excédent de charge.

Le point que je veux soulever, c'est que, s'il doit y avoir un système de vérification, ce ne soit pas simplement pour le petit camionneur, mais pour les grosses compagnies. Voici ma suggestion à cet effet: Pourquoi, pour les compagnies qui font du transport en vrac, je parle du caillou cassé, du "screening" et des choses comme ça, ne fait-on pas la pesée directement où on va chercher ce matériel? Il y

a ce qu'ils appellent des récépissés de livraison, ce que vous appelez un "bill of lading" que le chauffeur souvent refuse de montrer aux policiers. Et, sur ce "bill of lading", on indique la pesanteur; si on veut être payé par l'acheteur, il faut qu'on indique la pesanteur du camion. Je pense qu'il y aurait lieu pour la police d'aller faire une vérification dans les carrières et de dire: Sortez-nous vos "bills of lading" de tous les camions qui sont sortis sur les routes du Québec depuis le matin. S'il y a des excédents de charge, vous l'avez sur le "bill of lading". Si le camion avait le droit de transporter 50,000 livres, s'il sort avec 70,000 livres, mettez-les à l'amende exactement là.

M. VEILLEUX: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Saint-Jean.

M. MAILLOUX: Je voudrais quand même faire quelques observations suite à ce que vient d'avancer mon collègue. Je voudrais lui dire que, dans la liste d'infractions dont on parle depuis quelques minutes, dans tous les chemins qui sont sous la surveillance du ministère des Transports, quelle que soit la compagnie, quelle que soit son importance, les infractions ont été livrées de la même façon.

Quand je constate qu'une seule compagnie a ramassé pour au-delà de $70,000 d'infractions, je pense que le ministère n'a pas fait d'injustices à qui que ce soit.

Il y a cependant un problème en particulier qui se pose. C'est qu'à l'intérieur d'une ville comme Montréal, la responsabilité de la surveillance et des charges n'appartient pas à la police du ministère des Transports, mais à la Sûreté de Montréal, qui, malgré l'insistance du ministère des Transports, laisse des charges circuler dans la ville, qui dépassent parfois les limites de la ville et tombent sous notre responsabilité, et la ville n'a pas toujours donné la collaboration qu'on espérerait.

Le seul recours qu'aurait le gouvernement contre les surcharges qui sont accordées dans la ville de Montréal et qui parfois dépassent les limites de la ville est que le gouvernement, dans ses discussions avec la ville de Montréal, tienne compte du fait qu'elle ne veut pas protéger un réseau routier qu'elle devrait protéger autant que la province de Québec. Je veux affirmer, M. le Président, que quant à la police du ministère des Transports sur les chemins provinciaux, si nous réduisons l'amende, ce n'est pas parce que ce sont de grosses ou de petites compagnies, c'est parce que cela avait dépassé notre intention comme amende. Quand je vois qu'une seule charge de camion pouvait coûter en amende jusqu'à au-delà de $7,000, il est indiscutable que cela avait dépassé de beaucoup l'amende que nous voulions imposer.

Sur le réseau provincial, il appartient à la police des transports de faire la surveillance et elle le fait dans tout le territoire du Québec.

M. PICARD: M. le Président, une dernière question au ministre. Est-ce que le ministre peut m'affirmer qu'il n'y a pas un seul policier du ministère des Transports qui est en devoir sur l'île de Montréal avec ses balances portatives, comme on dit?

M. MAILLOUX: M. le Président, je ne suis pas capable d'affirmer une chose semblable: qu'un policier fermerait les yeux. Quand même on demanderait au ministère des Transports de surveiller les centaines d'inspecteurs à travers le Québec sur 44,000 milles de route, je pense que même si je faisais une telle affirmation, il n'y a pas un individu dans cette Chambre qui me croirait.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Le ministre a dit tout à l'heure que la première loi avait dépassé l'esprit de ce que voulait le ministère parce qu'il y avait double amende pour une même infraction. Etant donné que, dans un comté comme le mien, les transporteurs sont surtout des petits transporteurs, des gars qui n'ont qu'un camion, qui ont eu à payer d'énormes amendes d'ailleurs, j'en ai relevés plusieurs dans mon comté — est-ce que l'application de cet amendement a un effet rétroactif?

M. MAILLOUX: M. le Président, elle a effectivement un effet rétroactif depuis, je pense, le 1er novembre 1972. L'amendement à la loi fait d'abord disparaître près de 50 p.c. des infractions qui ont été livrées. Pour ceux qui en ont fait paiement, le ministère de la Justice pourra, par cette loi, en faire remboursement. Seul ce qui demeure dans la loi devra être payé sur un nouvel avis qu'enverra le ministère de la Justice.

M. VEILLEUX: Merci.

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'article 1 est adopté. Article 2. Adopté. Article 3. Adopté.

M. BURNS: M. le Président, si vous me permettez, ce ne sera pas long, juste sur le 2e paragraphe de l'article 2, c'est-à-dire celui qui commence en disant a) en remplaçant les sous-paragraphes a) et b) du paragraphe 12, est-ce que vous me permettez M. le Président, de revenir sur ce...

LE PRESIDENT (M. Pilote): Oui.

M. BURNS: Très brièvement. C'est un article où l'on donne au lieutenant-gouverneur en conseil un pouvoir réglementaire qui, il n'y a aucun doute, sera publié, à la suite de l'exercice de ce pouvoir réglementaire, dans la Gazette officielle. Est-ce que le ministère a déjà prévu un mode de publicité autre que la Gazette officielle? Je m'explique là-dessus. La Gazette

officielle du Québec est évidemment le mode de publicité le plus légal, si vous voulez, qui puisse exister, mais je serais curieux de savoir le nombre de nos concitoyens qui lisent la Gazette officielle, à part un certain nombre de spécialistes.

Il y en a qui veulent savoir quelle compagnie était incorporée, quelle personne a changé de nom, quel règlement le lieutenant-gouverneur en conseil a adopté. Est-ce que le ministère, en plus de cette publicité normale qui est donnée aux règlements adoptés par le lieutenant-gouverneur en conseil, a prévu une publicité venant du ministère lui-même à l'adresse des gens concernés? S'il y a des minimums et des maximums qui sont changés, je pense que c'est important que les gens puissent s'ajuster et qu'ils ne se fassent pas prendre par surprise.

Je sais que techniquement et légalement le ministre pourrait me dire: La Gazette officielle est une publication. Mais est-ce que le ministre, quand même, veut aller un petit peu plus loin au niveau de cette publicité?

M. MAILLOUX: Je voudrais dire au député de Maisonneuve que dans le règlement no 12, malgré tous les avis qu'avait donnés la Gazette officielle et les rappels que j'avais faits moi-même à la radio et à la télévision, il a fallu que nos officiers à la grandeur du Québec — cela s'est terminé, je pense, il y a quelques jours — fassent une tournée provinciale d'information invitant les gens à venir pour avoir toutes les informations pertinentes à l'ensemble du règlement no 12. Dans le cas qui préoccupe le député de Maisonneuve, malgré évidemment l'avis qui sera donné dans la Gazette officielle, je ferai le nécessaire auprès des officiers afin que, pour ceux que cela concerne plus directement, nous puissions en faire une diffusion raisonnable pour que chacun en soit valablement informé.

M. BURNS: Est-ce que vous êtes aussi prêt à le faire auprès des gens qui sont immédiatement concernés, c'est-à-dire ceux qui sont près de l'industrie du camionnage?

M. MAILLOUX: D'abord, ceux qui sont directement concernés sont ceux-là que nous viserons.

M. BURNS: D'accord.

M. LESSARD: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: Au sujet de ceux qui sont directement concernés, le ministre va certainement communiquer avec l'Association des camionneurs artisans, qui pourra certainement informer ses membres.

M. MAILLOUX: Sûrement. Aux organismes et même plus loin que l'Association du camionnage et que l'ANCAI. Il y a quand même d'autres associations et d'autres organismes qui sont directement intéressés par le problème.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Article 3. Adopté? Article 4.

M. BURNS: A l'article 4, j'ai deux questions seulement. D'abord, on voit qu'on impose, selon la disposition de l'article 2, un effet rétroactif. Est-ce que le ministre est en mesure de nous dire, au point de vue statistique, ce que cela veut dire actuellement? Est-ce qu'il y a un certain nombre de causes qui sont pendantes devant les tribunaux relativement à cela? Si oui, autant que possible, quel en est le nombre, quelle en est l'importance?

M. MAILLOUX: Je sais qu'il y avait de nombreux avis d'infraction qui avaient été envoyés depuis le mois de novembre 1973. Je n'ai pas le tableau actuellement devant moi. Est-ce qu'il y a des causes pendantes en lisant l'article? Je pense que cela devrait quand même couvrir peut-être deux ou trois causes pendantes qui avaient pu faire l'objet de demandes devant les tribunaux. Il y a un remboursement rétroactif au 1er novembre.

M. BURNS: Remarquez que je ne m'y oppose pas. Je me rends compte, comme le ministre l'a si bien dit tantôt, qu'il s'agit tout simplement de régulariser une situation.

M. MAILLOUX: II y a ceci que je pourrais ajouter. Durant l'automne 1973, des contraventions furent délivrées à l'ensemble de ces camionneurs, l'Association du camionnage, les artisans et d'autres. Le ministère de la Justice, devant une erreur qui s'était glissée dans la loi, a informé tous et chacun de ne pas tenir compte des dix jours qu'ils avaient pour retourner la contravention, d'attendre une deuxième note qui serait envoyée par le ministère de la Justice. Il ressort qu'entre temps quelques camionneurs avaient déjà payé la contravention. Pour ceux-là, il s'agit forcément d'un remboursement. Pour d'autres qui avaient payé, il s'agira d'un remboursement partiel parce qu'il y a une partie de la pénalité qui pourra demeurer. Alors, c'est pour rétablir la situation en tenant compte de ce qu'acceptera tantôt la Chambre dans le projet no 9.

M. BURNS: La deuxième question que je veux poser est peut-être un petit peu plus pesante que la première.

Est-ce que le ministre a considéré la possibilité de rendre rétroactive aussi la disposition de l'article 3, en plus des dispositions de l'article 2? Je m'explique là-dessus, M. le Président. Depuis, je pense, le 1er mars 1973 qu'est en vigueur, sauf erreur, le système de points de démérite, le poids des dispositions prévues à l'amendement de l'article 3 est d'autant plus

important, est d'autant plus grand. Encore là, peut-être qu'il y a eu énormément d'infractions qui ont fait perdre des points de démérite à des conducteurs, soit des conducteurs professionnels ou des gens qui conduisent des voitures de promenade. Est-ce que, d'une part, le ministre a considéré la possibilité de rendre cette disposition aussi rétroactive, tout au moins jusqu'au 1er mars 1973? Si oui, est-ce le grand nombre d'infractions que devrait couvrir cette rétroactivité qui l'a incité à ne pas rendre les dispositions de l'article 3 rétroactives?

M. MAILLOUX: M. le Président, ce dont parle le député de Maisonneuve n'a pas été étudié, n'a pas été considéré. Je n'ai pas eu à refuser, ce n'est pas venu, à aucun moment. Est-ce qu'il appartiendra à l'éventuelle commission qui pourrait étudier l'ensemble du système de points de démérite de revoir ce problème? Je dois confesser que cela n'a pas été notre intention d'annuler rétroactivement les infractions qui découlent de l'article no 3 du projet de loi 9.

M. BURNS: Est-ce que le ministre, en terminant, est en mesure de nous dire, à peu près, combien de conducteurs ou de chauffeurs ont été, depuis le 1er mars 1973, l'objet de poursuites en vertu de l'article qu'on corrige par l'article 3?

M. MAILLOUX: Est-ce que le député de Maisonneuve accepterait, ainsi que le député de Rouyn-Noranda et de Beauce-Sud, que je dépose, même après la session, les chiffres qui me seront fournis? Je pense les avoir dans ma valise, mais je ne voudrais pas mal informer personne. Je préférerais que le directeur du bureau des véhicules automobiles, M. Laflamme, me fournisse les chiffres, au moment où l'on parle, et dans les premiers jours de janvier, je pourrais informer les partis de l'Opposition de l'expérience vécue.

M. BURNS: D'accord, M. le Président. M. SAMSON: D'accord, M. le Président.

M. BURNS: D'ailleurs cela pourrait nous aider justement, à l'égard des séances de la commission. Maintenant, le ministre a bien saisi la précision. C'est relativement aux infractions que corrige, dans le fond, l'article 3.

M. MAILLOUX: Oui.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Adopté?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Pilote): Adopté. Article 4. Article 5, adopté?

M. PILOTE (président de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière a adopté le projet de loi no 9, sans amendement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Ce rapport est-il agréé?

M. BURNS: Agréé.

M. LEVESQUE: Troisième lecture?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Troisième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. LEVESQUE: Article 16.

Projet de loi no 27 Deuxième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre des Transports propose la deuxième lecture du projet de loi 27, Loi modifiant la loi de la société de développement immobilier du Québec.

M. Raymond Mailloux

M. MAILLOUX: M. le Président, le lieutenant-gouverneur, ayant pris connaissance du projet de loi, en recommande l'adoption à cette Assemblée.

M. le Président, le projet de loi modifiant la Loi de la Société de développement immobilier du Québec, projet de loi no 27, vise à donner à la société les pouvoirs nécessaires pour permettre à Place Desjardins Inc. de finaliser son programme de financement à court et à long termes.

On se rappelle que le 7 mai 1971, la loi numéro 29 autorisant la création de la société avait été sanctionnée pour pouvoir représenter le gouvernement du Québec dans l'aménagement et l'exploitation du complexe immobilier de Place Desjardins et l'autoriser à investir un montant de $10 millions dans la réalisation du projet.

Ainsi, la Société de développement immobilier du Québec et le mouvement Desjardins devenaient les deux actionnaires de Place Desjardins Inc., détenant respectivement 49 p.c. et 51 p.c. du capital-actions ordinaire de l'entreprise.

Les amendements que nous proposons aujourd'hui à cette loi no 29 et qui constituent le projet de loi à l'étude sont de nature à confier à la Société de développement immobilier du Québec les pouvoirs qui lui permettront, en tant qu'actionnaire, de garantir le parachèvement des travaux du complexe immobilier et de garantir aussi le remboursement et l'exécution des autres obligations de Place Desjardins Inc.

En effet, dans l'organisation du financement à long terme d'un projet de ce genre, il est

essentiel que les actionnaires puissent garantir que tous les fonds requis sont investis en ce qui a trait au capital de risque et que le paiement des primes et frais fiduciaires relatifs au financement des travaux soit effectivement assuré.

Etant donné que les travaux de construction ne sont pas complétés définitivement à ce stade-ci, il est normal que les détenteurs éventuels de créances à long terme s'assurent que les actionnaires soient investis de pouvoirs nécessaires pour garantir effectivement la réalisation complète et finale du projet, condition première de la rentabilité de l'entreprise.

L'amendement que nous proposons à l'article 19 de la Loi de la Société de développement vise à porter de $10 millions à $30 millions les sommes que le ministre des Finances est autorisé à verser à la société pour la réalisation de son mandat.

En effet, étant donné que les travaux de construction du complexe se poursuivent normalement et avant que l'organisation du financement à long terme soit définitivement réglée, il convient que les actionnaires soient en mesure d'assurer le financement temporaire du projet et de ne pas ralentir la bonne marche des travaux. L'augmentation de l'avance ainsi consentie à la Société de développement lui permettra donc, en tant qu'actionnaire, de contribuer à la réalisation de ce programme de financement temporaire.

Pour terminer, rappelons qu'au moment de l'adoption de la Loi de la Société de développement immobilier du Québec, nous avions souligné que le gouvernement innovait en s'associant à l'entreprise privée, en l'occurrence le mouvement Desjardins, dans la réalisation de ce vaste complexe immobilier.

Les perspectives de succès de Place Desjardins Inc., nous paraissent aujourd'hui aussi excellentes que lorsque la loi 29 fut adoptée. Les amendements à cette loi, qui forment maintenant le projet de loi no 27, permettront donc à notre mandataire dans cette entreprise de réaliser pleinement son mandat.

Je voudrais ajouter, pour l'information des membres de cette Chambre, qu'au moment où le gouvernement augmente son capital-actions de $10 millions à $20 millions, si cette Chambre le permet, la Société Desjardins augmente, de la même façon, le capital de $10 millions qu'elle avait investi en 1971 également.

C'est donc dire que le gouvernement porterait de $10 millions à $30 millions son capital-actions et que la Société Desjardins porterait également de $10 millions, en 1971, à $30 millions aujourd'hui le capital qu'elle avait également souscrit.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Deuxième lecture?

M. ROY: Est-ce que le Parti québécois a une intervention à faire en deuxième lecture?

M. MORIN: Non.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. ROY: M. le Président, quelques brèves remarques sur ce projet de loi no 27 que le gouvernement a déposé, hier, devant cette Assemblée et dont on nous demande d'adopter la deuxième lecture aujourd'hui.

Après avoir examiné brièvement, je dis bien brièvement, ce projet de loi — parce que nous n'en avons quand même pas eu le temps, il y a eu trop de travaux législatifs à faire à l'Assemblée nationale, jusqu'à minuit hier soir et ce matin; on sait de plus dans quelle situation nous sommes placés concernant notre bureau de recherche et toutes ces choses — je veux quand même faire part de quelques observations à l'endroit du ministre. Je voudrais, bien clairement, au début de mon intervention, préciser une chose. D'abord, nous avions voté en faveur de ce projet de loi, lorsqu'il a été présenté devant l'Assemblée nationale et lorsqu'il a été discuté au cours du mois d'avril 1971.

Vous connaissez mon opinion concernant le mouvement coopératif, le mouvement des caisses d'épargne et de crédit, qui est un excellent moyen de libération économique pour les Québécois. Vous savez également jusqu'à quel point je peux être fier des réalisations qui ont été faites dans ce domaine.

Mais, M. le Président, nous sommes en face d'une situation un peu particulière. Si on se rappelle les longs débats qui avaient eu lieu à ce moment-là, au moment de l'organisation de Place Desjardins, il avait été clairement indiqué, stipulé, affirmé et déclaré par l'honorable M. Pinard, ministre responsable du temps, que la participation du Québec ne devait pas engager plus de $7.5 millions alors que le projet de loi nous demandait de voter une somme de $10 millions.

On se souviendra, M. le Président, du protocole d'entente qui a existé à l'époque et qui a été déposé à la demande des parlementaires de la Chambre qui ont travaillé à ce projet de loi. On sait également, M. le Président, que le négociateur du gouvernement n'était nul autre que ce personnage très célèbre, qui passera sans doute à l'histoire du Québec, M. Paul Desrochers. M. le Président, aujourd'hui, on nous fait une autre demande, dernier jour avant la clôture de nos travaux, du moins on l'imagine. Ce n'est pas sûr, mais, dans le contexte, on sait très bien que normalement on aurait dû terminer nos travaux ce soir, pour faire comme les autres. Mais on est prêt à travailler demain, jusqu'à minuit, M. le Président, parce qu'on n'est pas des gens comme les autres. Aujourd'hui, donc, on nous demande $20 millions.

Est-ce que c'est la dernière fois que le gouvernement s'adresse à l'Assemblée nationale pour ce projet? Je n'en sais rien. On ne nous a rien dit tout à l'heure. Qu'est-ce qui me dit que

le gouvernement ne reviendra pas devant la Chambre, l'an prochain, pour nous demander encore $10 millions, $15 millions, $20 millions ou $25 millions, à même le fonds consolidé de la province? Je n'en sais rien.

M. le Président, lorsqu'une entreprise sérieuse s'adresse à une institution bancaire pour demander des crédits additionnels, elle présente son bilan. Et même un gérant de banque consciencieux, compétent exige au moins d'avoir les trois derniers bilans. S'il s'agit d'un projet d'investissement nouveau, le gérant de banque compétent demande d'avoir au moins un prospectus, d'avoir au moins une vue d'ensemble de la situation pour savoir de quelle façon l'argent va être dépensé et pour voir si le projet va être rentable. On ne sait rien de cela, M. le Président, et on nous demande d'adopter un petit million comme cela. "That's a peanut", comme diraient les Américains, un petit $20 millions par ici, un petit $20 millions par là! Je regarde le ministre de l'Industrie et du Commerce, qui attend, lui aussi, encore $25 millions, à même le fonds consolidé des revenus de la province. Et, durant ce temps, on se promène aux Etats-Unis, en Europe et on va emprunter pour grossir le fonds consolidé de la province. On paie de gros intérêts aux Américains, pour être maîtres chez nous, on paie de gros intérêts aux Allemands, on va même au Japon pour être maîtres chez nous, à 10 p.c. d'intérêt, 12 p.c. dans certains cas parce qu'aujourd'hui on connaît les fluctuations du marché monétaire international.

M. le Président, ceci va coûter aux Québécois, à même le Service de la dette provincial, $2 millions additionnels par année, qui ne figureront pas dans l'administration de l'entreprise, parce que c'est un capital qui est fourni par la province.

Il avait été clairement stipulé, M. le Président, au moment où cette loi avait été déposée devant l'Assemblée nationale, que Place Desjardins se financerait à même des obligations qu'elle mettrait elle-même sur le marché, qu'elle s'autofinancerait, autrement dit, suite au montant d'argent investi par le gouvernement de la province. Et on nous demande tout bonnement, comme cela, la dernière journée, $20 petits millions et cela va faire $30 millions en tout de la part du Québec.

Maintenant, aucune certitude, aucune garantie que la province ne sera pas appelée à amender la loi à nouveau de façon à réinvestir encore $10 millions, $15 millions ou $20 millions. M. le Président, on n'a aucun document pour nous attester quoi que ce soit et, pourtant, on est appelé à se prononcer. Tout à l'heure, il y aura un vote: $20 millions. L'année dernière, nous avions demandé des rencontres. Il y avait eu une motion, à l'Assemblée nationale, pas l'année dernière mais en 1971, à l'effet qu'on puisse rencontrer les promoteurs du projet afin de discuter avec eux. Ceci était tout à fait normal.

Comme il s'agit d'un changement de situation — je dis bien un changement de situation — dans le projet initial et qu'on attend à la dernière minute de nos travaux parlementaires pour venir nous demander de voter $20 millions additionnels, alors que nous n'avons pas le temps de faire en sorte qu'une commission parlementaire puisse être convoquée, nous aurions souhaité entendre ces personnes devant nous, qui viendraient expliquer aux parlementaires, aux élus du peuple, des personnes responsables qui viendraient nous dire de quelle façon le projet s'oriente, s'il y a des augmentations de coût qui n'avaient pas été prévues, ce que nous soupçonnons. Compte tenu de l'inflation galopante dans laquelle nous nous trouvons présentement, il est entendu que c'est une chose qui serait tout à fait normale.

Je suis convaincu, sans avoir interrogé ces gens, qu'ils ont des problèmes à l'heure actuelle avec des augmentations de coût de construction. Mais ceci a pour conséquence de changer la rentabilité du projet, du fait qu'il y a augmentation des coûts.

Est-ce qu'il y a des contrats de signés, des engagements de pris? Quelles sont toutes les ententes qui ont pu être prises avec les locateurs éventuels? Est-ce que le projet est réellement rentable? Est-ce que le projet, à l'heure actuelle, ne serait plus rentable? Ce sont des choses que nous ignorons totalement. Et, pourtant, ce sont $20 millions.

En ce qui me concerne, je dois vous dire que je suis fort mal à l'aise parce que le mouvement Desjardins est la propriété des Québécois. Il a un grand projet à l'heure actuelle. Je suis ici à l'Assemblée nationale du Québec non pour représenter un mouvement, mais pour représenter une population, le contribuable du Québec. Et nous avons un devoir et des responsabilités. C'est pourquoi nous sommes placés dans une situation qui nous amène à nous prononcer sur toutes ces questions sans savoir à quoi nous en tenir, sans savoir aucunement où nous allons et sans savoir réellement si — pour employer un terme cher à l'honorable chef de l'Opposition officielle — il ne s'agit pas d'un nouveau tonneau des Danaides. Les Québécois appellent ça des paniers percés, c'est la même chose. C'est un peu la question qu'on se pose à l'heure actuelle.

Je pense qu'on a le droit de se poser cette question. Où allons-nous de ce côté-là? On sait très bien que le gouvernement n'est pas chanceux présentement avec ses sociétés gouvernementales ou paragrouvernementales. Il y a des déficits partout, des petits millions de dollars par ci et par là. Des déficits partout dans l'ensemble. On paie les achats et les profits...

Loto-Québec! Il est intelligent, le député de Trois-Rivières. Il va avoir un premier prix d'intelligence, il mériterait une loto spéciale. Quand je parle des sociétés gouvernementales, je parle du cas de SIDBEC, de la SGF.

Je parle de différentes choses. L'Hydro-

Québec, on peut en parler longtemps. On peut parler des Simard, des petits cousins des Simard, des "mon oncle" et des "ma tante", de la parenté, parce que la parenté, dans le temps des Fêtes, c'est une chose normale.

M. le Président, est-ce que j'ai la parole?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! L'honorable député de Beauce-Sud.

M. ROY: Sur des questions très précises, et je me base sur la déclaration de l'honorable Bernard Pinard lui-même, il serait beaucoup plus économique de le faire en vertu de la formule choisie, parce qu'il avait été question de deux formules. Je cite la page 1209 du journal des Débats de l'Assemblée nationale du jeudi 29 avril 1971: "C'est-à-dire qu'il en coûtera beaucoup moins d'argent au gouvernement du Québec qui, à toutes fins pratiques, ne devrait pas engager plus de $7.5 millions. Nous avions mis un montant possible de dépenses de $10 millions, mais notre tableau des coûts indique à l'heure actuelle que le gouvernement du Québec ne devrait pas engager plus de $7.5 millions et que Place Desjardins Inc. ne devrait pas dépasser ce montant de $7.5 millions. En effet, comme je l'ai expliqué l'autre soir, c'est l'intention de Place Desjardins Inc., lorsqu'elle aura été constituée par lettres patentes émanant du gouvernement du Québec, de faire une émission d'obligations pour financer le coût de réalisation du projet de façon globale".

Le gouvernement vient de changer d'idée. Pourquoi a-t-on changé d'idée? Pourquoi aime-t-on mieux aller touiller encore dans la poche des contribuables du Québec et camoufler les frais d'intérêt dans le Service de la dette de la province?

Pourquoi? Ce sont des questions auxquelles j'aimerais avoir des réponses, M. le Président.

Ce projet, d'après le tableau des coûts que nous avons actuellement dans nos dossiers, est évalué à un montant approximatif de $125 millions, compte tenu de l'augmentation des coûts de la construction, de l'augmentation du coût des matériaux, de la main-d'oeuvre et compte tenu de différents autres éléments qui entrent en ligne de compte dans la réalisation d'un pareil projet. Je pourrais citer plusieurs déclarations que l'honorable Bernard Pinard avait faites à ce moment-là, c'est aux questions que les parlementaires avaient posées à l'Assemblée nationale et ça avait été clairement indiqué, clairement déclaré que Québec souscrivait $10 millions mais qu'on avait une marge de manoeuvre de $2.5 millions et que, par la suite, Place Desjardins Incorporée se financerait par la vente d'obligations et que le projet global coûterait en tout quelque $125 millions.

J'aimerais savoir une chose ici ce soir: à combien est estimée aujourd'hui la réalisation totale de Place Desjardins Incorporée? C'est une question qui mériterait une bonne réponse, une réponse vraie, avant de nous prononcer sur la deuxième lecture de ce projet de loi. Nous devrions également savoir pourquoi le gouvernement a décidé de changer le mode de financement de Place Desjardins? Nous aimerions le savoir; si le gouvernement ne l'a pas changé, comment se fait-il que le gouvernement décide de porter les $10 millions à $30 millions? Ce sont toutes des questions auxquelles nous aimerions avoir une réponse, M. le Président, et je pense que c'est tout simplement normal que tous les parlementaires à l'Assemblée nationale sachent ces choses; que ce soient les députés élus et "backbenchers", comme on les appelle, du Parti libéral, ils ont également des responsabilités et ils seront appelés, eux aussi, à se prononcer sur ce projet de loi. Leurs électeurs leur demanderont des comptes à un moment donné.

M. le Président, il avait été considéré à ce moment4à, il avait été discuté d'une certaine participation du fédéral, une participation du provincial et une participation de Place Desjardins; il avait été question également d'une possibilité d'autres actionnaires ou d'autres personnes qui viennent s'y joindre, comme l'organigramme que j'ai ici l'indique très bien. Où en sont rendues toutes ces choses, tous ces pourparlers? Où en sont rendues toutes ces réalisations? Où en est rendu tout ce projet dans son ensemble? Nous n'en avons pas entendu parler depuis le temps que nous avons voté la loi au mois de mai 1971, nous n'en avons à peu près pas eu de nouvelle à l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, encore une fois je le répète, à la dernière minute, messieurs les députés, $20 millions; pas d'explications, pas de prospectus, pas de détails. On ne sait pas où on va mais on est quand même appelé à se prononcer pour voter $20 millions. $20 millions qu'on va aller emprunter à New-York; on va aller emprunter dans certaines grandes métropoles américaines pour tâcher d'être maîtres chez nous et créer des servitudes qui ne s'effacent jamais dans le système actuel qui contribue à l'endettement collectif et à l'endettement pyramidal de la collectivité.

M. le Président, j'ai beaucoup de réserve à l'heure actuelle et avant de faire mon choix pour savoir si je vais appuyer en deuxième lecture ce projet de loi, je dis que je ne suis pas en mesure, je n'ai pas eu suffisamment d'informations pour être capable de me faire une opinion précise, pour être capable de prendre la bonne décision et respecter le mandat qui m'a été confié par les électeurs de mon comté.

Pourquoi le gouvernement, M. le Président, a-t-il attendu, d'abord, aux deux dernières journées de la session pour nous présenter le projet de loi? Il ne doit quand même pas être si mal pris. Je pense que ce projet de loi devrait être suspendu ; on devrait suspendre le projet de loi pour permettre justement à ces gens de venir se faire entendre devant la commission parlementaire et on pourrait, à la reprise de nos

travaux parlementaires — quitte à convoquer la Chambre trois jours plus tôt, M. le Président, pour adopter ce projet de loi — savoir ce qui se passe, savoir où on en est rendu et savoir également où on va là-dedans. Il faudrait un délai de cinq, six semaines, et même on peut revenir la semaine prochaine pour en discuter, on peut revenir dans quinze jours, dans trois semaines, ça ne nous fait rien. On est disponible, on est habitué à travailler et on va continuer à travailler quand même.

Motion de report à deux mois

M. ROY: M. le Président, pour toutes ces considérations, compte tenu des circonstances et compte tenu également que mon temps de parole est presque terminé, je fais donc motion, M. le Président, que ce projet de loi soit retardé à deux mois, de façon à permettre la convocation de la commission parlementaire.

Je demande que le projet de loi ne soit pas lu maintenant, mais dans deux mois.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre des Finances.

M. Raymond Garneau

M. GARNEAU: Lorsque nous avons présenté le projet de loi créant la Société de développement immobilier pour participer au développement de Place Desjardins, il s'agissait, M. le Président, d'une expérience, d'une initiative qui était complètement nouvelle de la part du gouvernement du Québec. En fait, le gouvernement s'associait à l'entreprise privée, mais non pas à n'importe quelle entreprise privée, au mouvement Desjardins. C'étaient en quelque sorte des fonds publics, les uns administrés par le gouvernement, les autres administrés par le mouvement Desjardins qui répond, évidemment, aux contribuables québécois en tant qu'épargnants et non pas en tant que contribuables.

Il s'agissait d'une association pour réaliser, dans l'est de la ville de Montréal, un développement immobilier important et contribuer ainsi au déplacement de l'axe de développement de l'ouest de Montréal vers l'est de Montréal. On sait que le gouvernement fédéral, via la Société Radio-Canada, s'était implanté dans l'est, mais il fallait, je pense, une intervention encore plus forte de la part du gouvernement pour assurer ce développement non seulement au niveau des transports en commun par les réseaux routiers, mais également sur le plan économique, en amenant dans l'est de Montréal des développements et de l'activité commerciale qui puissent donner un élan nouveau à cette partie de la métropole du Canada.

Les prévisions de dépenses qui ont été faites à ce moment-là, de même que la participation dans le capital-actions des deux sociétés, tant de la part du mouvement Desjardins que du gouvernement du Québec, ont été appréciées avec, je pense, passablement de justesse. Il s'agit quand même d'un projet colossal. Au fur et à mesure que les travaux avançaient, nous nous sommes rendu compte, surtout le mouvement Desjardins qui a quand même le contrôle de cette société, que, pour assurer le financement à long terme de cette société, il fallait donner l'assurance du parachèvement des travaux.

C'est évident que ce n'est pas de gaieté de coeur, M. le Président, que le ministre des Travaux publics, le ministre des Finances, le gouvernement en général ont présenté ce projet de loi, mais il s'agit en quelque sorte de garantir que le projet, qui est en voie d'exécution et qui se développe normalement, puisse se compléter. En effet, le financement à long terme d'un tel projet ne peut être assuré que s'il est complété, parce que c'est uniquement s'il est complété que les loyers pourront être perçus par la Société Place Desjardins, qu'évidemment l'exploitation commerciale pourra s'effectuer normalement et que les revenus pourront entrer pour faire face aux obligations de la société.

Il s'agit maintenant, M. le Président, d'accroître le capital-actions de la société pour assurer le financement à court terme des opérations, mais aussi de garantir le parachèvement des travaux. Place Desjardins Inc. et le mouvement Desjardins ont demandé à un groupe d'experts d'étudier toutes les possibilités de financement à long terme et les conditions qu'il fallait rencontrer pour assurer un financement à long terme au meilleur coût possible. Cela justement pour rencontrer les exigences que soulève le député de Beauce-Sud, à l'effet que le service de la dette soit le plus bas possible. Les experts qui ont été consultés par le mouvement Desjardins et également des fonctionnaires du Québec, qui ont une expérience quand même assez grande dans ce domaine, nous ont recommandé de procéder à l'adoption de cette loi 27, parce que c'était la condition la plus sûre d'avoir non seulement l'assurance d'un financement à long terme, mais également un taux d'intérêt qui soit le plus bas possible, pour assurer la meilleure rentabilité de l'opération.

M. le Président, si nous reportions, comme le suggère le député de Beauce, à deux mois l'adoption de la loi 27, c'est évident que nous placerions Place Desjardins dans un contexte, dans une difficulté un peu particulière.

En effet, elle serait obligée, surtout à l'époque actuelle, de financer à court terme, pour une période beaucoup plus longue, à des taux d'intérêt qui, chose assez curieuse mais qui est quand même la réalité, à court terme qui sont plus élevés que les taux d'intérêt à long terme. C'est assez curieux, mais nous vivons actuellement cette situation où le taux préférentiel est plus élevé que les taux d'intérêt que l'on paie à long terme sur les marchés financiers.

Et, si nous voulons assurer ce financement à

long terme et diminuer en quelque sorte les frais d'intérêt, il nous faut créer une situation de garantie. Il est possible que cela soit des Québécois, des Canadiens ou des étrangers qui achètent les titres à long terme de Place Desjardins, mais il est évident que nous devons donner à ces détenteurs de titres à long terme les garanties nécessaires, sans quoi le financement serait peut-être toujours possible mais à des conditions beaucoup plus dispendieuses, ce qui ne serait ni à l'avantage de Place Desjardins Inc., ni du mouvement Desjardins, ni de la Société de développement immobilier du Québec, dont le gouvernement détient la majorité des actions.

Alors ce sont pour ces raisons que je crois que nous devons nous opposer à la motion du député de Beauce-Sud. Je comprends que ce projet de loi arrive un peu à la fin de la session mais... M. le Président, est-ce que le député de Saguenay pourrait arrêter de cacasser? Il me semble qu'il a cacassé suffisamment longtemps aujourd'hui. Il a suffisamment épilogue, causé sur toutes sortes de sujets. Il devrait attendre un peu. Il me semble que je ne l'ai pas insulté, que je ne l'ai pas agacé. S'il veut engager une discussion, évidemment, je suis toujours disponible mais...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. GARNEAU: M. le Président, nous ne pouvons pas changer les dates. Il y a eu une élection le 29 octobre et nous avons repris les travaux parlementaires aussi vite que nous le pouvions. Cela n'est pas notre faute si ce projet de loi arrive aujourd'hui au lieu d'il y a deux jours. Cela n'est pas notre faute. Peut-être qu'on aurait eu le temps de discuter plus longuement mais telle est la situation. Je pense que retarder l'adoption de cette loi à la prochaine session, parce que c'est cela que suggère le député de Beauce-Sud, cela serait placer Place Desjardins Inc. dans une situation véritablement intenable qui empêcherait non seulement le succès de l'opération mais également le financement à long terme et occasionnerait des frais additionnels et pour le gouvernement et pour le mouvement Desjardins.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Houde, Limoilou): L'honorable chef de l'Opposition.

M. Jacques-Y van Morin

M. MORIN: M. le Président, comme vous le savez peut-être, nous nous sommes toujours montrés favorables, en principe, aux activités de la Société de développement immobilier mais, cette fois-ci, j'avoue que je me pose de sérieuses questions au sujet de cette participation dans le capital-actions de Place Desjardins. On nous dit que les perspectives d'avenir paraissent encoura- geantes et je veux bien le croire quoique je n'en ai pas vu l'ombre du commencement d'une preuve.

On ne nous éclaire pas non plus sur le coût total des travaux. Il n'y a pas de rapport financier devant nous qui nous donne la situation qui nous permette de voir si cette requête, qui, après tout, est considérable, est justifiée. Je veux bien croire qu'il y a des fonctionnaires compétents qui sont d'avis qu'on doive répondre à cette demande de Place Desjardins. Je veux bien croire que le personnel politique lui aussi, que le ministre ont étudié le dossier avec beaucoup d'attention. Mais c'est à cette Assemblée de voter les crédits nécessaires et, en ce qui me concerne, je me pose un certain nombre de questions. Peut-être que le ministre, tout à l'heure, pourra nous éclairer en commission plénière, c'est possible. Mais j'eusse préféré que dans son exposé il nous donne plus de détails, il nous permette de nous faire une idée plus juste de la question.

M. le Président, on nous dit qu'il s'agit de financer à court terme des travaux, de donner une garantie et le ministre des Finances vient de nous dire qu'il ne le fait pas de gaieté de coeur. Où en est le financement à long terme? Comment est-ce que le remboursement de cette avance — parce que, si j'ai bien compris, il s'agit d'une avance — va être effectué?

Voilà les questions que je me pose. J'ai trouvé le député de Beauce-Sud extrêmement convaincant dans son exposé et je voudrais en conclusion appuyer sa motion de remise à deux mois.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, j'ai entendu l'honorable ministre des Finances parler sur la motion de renvoi à deux mois qu'a faite l'honorable député de Beauce. M. le Président, l'honorable ministre des Finances m'a paru être pressé, d'une façon extraordinaire. Je ne m'explique pas que, tout à coup, ça presse tellement.

M. le Président, on n'a pas commencé à siéger hier, on a commencé à siéger le 22 novembre dernier. Nous avons eu plusieurs jours sur le discours inaugural où il nous a semblé que le gouvernement avait même dû faire pression sur des députés pour qu'ils prennent la parole afin de tuer le temps, parce que la législation ne semblait pas prête.

M. le Président, cette législation n'était sûrement pas prête, parce que ce n'est que dernièrement qu'on nous l'a déposée. Si la législation avait été prête, on aurait pu, dès les premiers jours de la session... Regardez-moi, M. le Président, regardez-moi bien dans les yeux et

on va bien se comprendre tous les deux. Je parle, sur la motion de renvoi à deux mois et j'explique pourquoi on doit renvoyer le projet de loi à deux mois. Parmi les explications que j'ai à vous donner, M. le Président, j'ai des reproches à faire au gouvernement de ne pas avoir utilisé le temps qu'il avait à sa disposition. Si cela pressait tant, M. le Président, de revenir devant le Parlement pour $20 millions supplémentaires, ce n'est pas hier qu'on aurait dû déposer le bill. On aurait dû le déposer dans la première semaine. C'est probablement pourquoi le gouvernement n'a pas voulu déposer son bill: ceci aurait donné trop de temps à l'Opposition, nous permettant ainsi de faire certaines vérifications et nous permettant peut-être de rencontrer des gens susceptibles de nous donner beaucoup plus de détails que nous en avons présentement.

Je suis prêt à prêter au ministre des Transports les meilleures intentions. Mais, M. le Président, le ministre des Transports n'est qu'un homme comme les autres et il se peut que lui aussi manque actuellement d'informations; il se peut encore que les informations qu'il a à transmettre à cette Chambre ne soient pas complètes et il se peut qu'il ne soit pas parfaitement conscient, M. le Président, de tout ce qui peut se tramer peut-être à l'extérieur. Actuellement, j'ai l'impression — et c'est notre droit d'avoir des impressions — nous avons, quant à nous, du Parti créditiste, l'impression que des gens voudraient se servir de la bonne foi de l'honorable ministre des Transports pour venir débattre devant cette Chambre un bill qui, en d'autres circonstances n'auraient pas été adopté, si nous avions eu en main toutes les informations. Mais malheureusement, encore une fois, nous nous retrouvons devant un gouvernement de pompiers, un gouvernement qui arrive à la toute dernière minute, alors que le feu est pris. C'est le ministre des Finances qui nous fait poser ces questions, M. le Président, en nous ouvrant cette grande parenthèse, disant que ça presse parce que ça pourrait compromettre le projet.

M. le Président, si ça pressait tant que ça, ce n'est pas hier qu'on aurait dû déposer le bill. Ce gouvernement manque de prévision, de planification. Si ça pressait et si ça peut, aujourd'hui, compromettre la réalisation du projet, c'est que le gouvernement est à blâmer. Le gouvernement est à blâmer d'avoir attendu encore une fois à la toute dernière minute. Aussi, une autre chose qu'il est important de faire remarquer ici, c'est que le 29 avril 1971, devant cette même Chambre, le ministre qui précédait l'actuel ministre des Transports, en toute bonne foi, nous présentait le bill no 29 et nous demandait $10 millions. Il demandait aux députés de l'Assemblée nationale de voter $10 millions et le même ministre nous assurait que voter $10 millions, c'était suffisant, car, disait-il, ça va coûter $7.5 millions environ.

Ou bien on a abusé de notre bonne foi à ce moment-là, ou bien on abuse de notre bonne foi aujourd'hui. On veut savoir quand on a abusé de notre bonne foi. Ce sont les questions que nous avons à poser au gouvernement. C'était beau, quand on a présenté ce projet il y a deux ans et demi, de voir les journaux. Comme d'habitude, le gouvernement libéral présente toujours ses petits projets de loi avec la même philosophie qui est la suivante: d'abord de créer des "jobs" à des amis. On le voit bien dans un article de journal ici. On dit que la nouvelle corporation sera formée d'un président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! La motion.

M. SAMSON: M. le Président, je suis sur la motion, que cela plaise au gouvernement libéral ou non.

LE VICE-PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! Question de règlement.

M. HARDY: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le député de Rouyn-Noranda peut parfaitement avoir le droit de prétendre ce qu'il prétend, mais, à ce stade-ci, il n'a pas le droit de le faire; il n'a que le droit de dire pourquoi la deuxième lecture devrait être retardée d'un certain laps de temps. Actuellement, le député de Rouyn-Noranda est à faire un discours de deuxième lecture sur le principe de la loi et non pas sur la raison de retarder l'adoption de la motion de deuxième lecture.

Je vous demanderais, M. le Président, d'inviter, comme je le faisais autrefois — et je suis sûr qu'il se rendra de bonne grâce à cette invitation — le député de Rouyn-Noranda à bien vouloir s'en tenir à la pertinence du débat.

LE VICE-PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de Rouyn-Noranda, sur la motion.

M. SAMSON: M. le Président, même si l'ancien vice-président de la Chambre a soulevé une question de règlement, je voudrais, très amicalement, lui dire que les remarques que je faisais étaient pour mieux vous faire comprendre, M. le Président, le pourquoi du retard de la deuxième lecture. J'ai dit, à l'appui de mes remarques: Ou bien aujourd'hui on abuse de notre bonne foi ou bien on a abusé de notre bonne foi il y a deux ans et demi. Cela, c'est suffisamment important pour que nous exigions de ce gouvernement que la deuxième lecture soit retardée de deux mois aux fins de nous permettre de nous informer davantage, de rencontrer les gens que nous aimerions rencontrer, les représentants de Place Desjardins, afin de déterminer à quel moment on a abusé de

notre bonne foi. Le fait de retarder la deuxième lecture de deux mois nous permettrait aussi de faire convoquer la commission parlementaire aux fins d'entendre les représentants de Place Desjardins, aux fins d'exiger d'eux des chiffres et les informations qui nous manquent.

Nous pourrions aussi convoquer le maître d'oeuvre de tous les projets auxquels s'est associé le gouvernement, c'est-à-dire le grand chef, le véritable chef, celui qui se cache derrière toute grande décision gouvernementale, M. Paul Desrochers. Nous aimerions bien, une bonne fois, le voir devant une commission parlementaire, en plein jour, en plein soleil. Nous aimerions le voir aux fins de l'interroger lui aussi. Cela fait assez longtemps qu'on entend parler de lui comme de celui qui se cache derrière les rideaux, comme de celui qui est le maître d'oeuvre de tout ce qui se passe; c'est le temps que nous découvrions qui est ce monsieur, que nous le montrions à la face de la population pour qu'enfin ces gens-là sachent qui il est, celui qui mène par le bout du nez le premier ministre de la province de Québec, que nous sachions d'où il vient, ce qu'il veut...

LE VICE-PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît! Votre temps est terminé.

M.SAMSON: M. le Président, je regrette, j'en avais tellement à vous dire, mais je souscris à votre demande.

LE VICE-PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Merci.

L'honorable député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: M. le Président, je voudrais, à mon tour, en quelques minutes, appuyer la motion qui est présentée par le député de Beauce-Sud.

Il ne s'agit pas, je pense, de soulever certains doutes sur l'administration de la Société de développement immobilier du Québec.

Mais, vous conviendrez avec nous, M. le Président, que le gouvernement nous demande, à quelques jours des Fêtes, $25 millions, que le gouvernement, en fait, nous permet de nous poser des questions.

On avait à ce sujet certaines choses à dire. On voulait le dire au niveau de la commission parlementaire. Nous n'avions pas l'intention de présenter cette motion, nous voulions demander des explications au ministre. Mais je pense bien que c'est notre rôle, comme parlementaires, même si on est à la veille de la clôture d'une session, de vérifier comment sont dépensés les deniers publics.

Il s'agit de $20 millions, M. le Président. C'est justement à la fin d'une session qu'on donne des $25 millions, des $20 millions. Cela a été le cas, par exemple, pour la Société générale de financement. On nous arrive encore avec une demande de $20 millions. Pourquoi avoir choisi ce moment? Pourquoi ce projet de loi n'aurait-il pas été déposé avant, pour permettre au moins aux députés de pouvoir s'informer de ce qui se passe à la Société de développement immobilier?

Vous conviendrez que quand on agit comme cela — et c'est comme cela que le gouvernement agit — cela amène les députés à se poser des questions sur l'administration et à se demander pourquoi le gouvernement retarde toujours à la fin d'une session, au moment où on a appliqué un règlement qui nous amène à siéger à des heures anormales. Pourquoi juste à ce moment-là? Pourquoi, M. le Président, ne pas avoir déposé cette loi?

Mais si, encore là, M. le Président, on doit se poser des questions, c'est à la suite de l'adoption de la Loi de la Société de développement immobilier du Québec. On nous avait très bien expliqué, comme le disait tout à l'heure le député de Beauce-Sud, qu'on avait besoin d'environ $7.5 millions et que cela allait se financer par des obligations. Or, M. le Président, comme parlementaire —et c'est dans ce sens que j'appuie la motion du député — je ne peux quand même pas accepter un projet où on nous demande $20 millions — c'est quand même de l'argent — les yeux bandés. Je ne peux pas accepter sans autres explications, à moins que le ministre tout à l'heure, ce qu'il aurait dû faire en deuxième lecture, nous informe, en commission plénière, d'exactement quelles modifications on a apportées, quels coûts supplémentaires on a ajoutés.

M. le Président, j'invite les députés libéraux qui, eux aussi, ont une responsabilité publique, à surveiller les dépenses des deniers publics. Or, M. le Président, est-ce que les députés libéraux sont plus informés que je ne le suis? Est-ce qu'ils sont plus informés? Est-ce que vous en avez discuté au caucus? Est-ce qu'on vous a donné les informations? Mais il aurait fallu les donner, aussi, les informations, à l'Opposition.

Nous, du Parti québécois, je pense bien, M. le Président, qu'on n'a jamais tellement protesté contre la création de sociétés québécoises, surtout lorsqu'il s'agissait de s'associer avec l'un des grands mouvements québécois dans le secteur financier, le mouvement Desjardins. Nous avions appuyé, en mai 1971, ce projet de loi. Mais, M. le Président, il y a maintenant deux raisons particulières, soit la période de temps qu'on a choisie pour étudier ce projet de loi et les déclarations de l'ex-ministre des Travaux publics du temps, M. Bernard Pinard, lorsque nous avons adopté la loi créant la Société de développement immobilier.

Le ministre des Finances nous dit: Mais c'est pressant, c'est urgent. Mais c'est $20 millions. Il serait quand même important, avant de donner encore à la Société de développement immobilier du Québec $20 millions, qu'on soit informés. Est-ce que le projet est bon? Est-ce que le

projet est encore rentable? Moi je ne suis pas prêt à donner comme ça un chèque en blanc au gouvernement.

Déjà on sait qu'à cause de son importance numérique, on est, par la force des choses, obligés de lui donner un chèque en blanc. Mais on voudrait quand même — et il aurait été normal — que le ministre des Travaux publics dépose un certain nombre de documents concernant la Société de développement immobilier. Peut-être que si nous avions eu ces documents le député de Beauce n'aurait pas eu à faire la motion qu'il a déposée.

C'est nous prendre pour des mitaines que de nous présenter comme ça un projet de loi sans nous informer plus que ça. C'est nous prendre pour des irresponsables. Et je fais appel aux journalistes qui ont, à plusieurs reprises, l'occasion de nous critiquer, mais est-ce qu'on peut même — et les journalistes nous blâment bien souvent de faire des débats à l'Assemblée nationale — comme ça donner un chèque en blanc au gouvernement?

Est-ce que nous, comme responsables de surveiller les deniers publics, on peut dire au gouvernement: C'est vrai, la Société de développement immobilier a besoin de $20 millions, et sans autres informations, on vote et on vous donne ça. Moi, si je le faisais en tout cas, je me sentirais irresponsable. Et je ne veux pas le faire.

D'autant plus que c'est justement des périodes comme celle-ci qu'on choisit pour nous passer des sapins. On s'en est déjà fait passer des sapins, on n'a pas le choix. Vous êtes plus nombreux que nous autres. Et quand, à un moment donné, vous décidez de demander le vote, vous réussissez et vous gagnez, c'est normal, c'est la majorité qui l'emporte. Mais, justement parce qu'on s'est déjà fait passer des sapins, on voudrait avoir des explications concernant la nécessité de verser $20 millions à la Société de développement immobilier du Québec.

Et je prends à témoin chacun des députés libéraux. Je suis assuré que s'ils étaient à notre place, à moins qu'ils soient des irresponsables, que si ces députés étaient membres de l'Opposition officielle de Sa Majesté, ils feraient exactement la même chose.

Il y a des députés comme le député d'Abiti-bi, par exemple — Est, je ne le sais jamais si c'est Est ou Ouest — mais j'ai eu l'occasion de travailler avec ce député alors qu'il était conseiller du ministre des Terres et Forêts. Je sais que c'est un gars qui est responsable, et je suis assuré que le député d'Abitibi-Est, s'il était à notre place ici ce soir ferait exactement la même chose. On n'engouffre pas comme ça $20 millions sans avoir des informations.

Moi, je ne l'accepte pas. Je ne sais pas de quelle façon vous voulez qu'on prenne notre rôle, comme Opposition. Si vous autres vous avez accepté qu'un projet de loi soit présenté comme ça sans qu'il soit discuté au caucus, moi je ne suis pas d'accord. Je me dis que j'ai certaines responsabilités comme député et je souhaite — si c'est urgent comme ça, je ne veux pas mettre en doute l'administration de la Société de développement immobilier et je ne veux pas bloquer ce projet puisqu'on y croyait, et je me rappelle que le député de Gouin avait appuyé fortement ce projet — que le ministre nous donne toutes les informations nécessaires. Mais je pense qu'il ne peut même pas ce soir nous donner toutes les informations nécessaires parce qu'il n'a pas ce soir tous les documents. Le député de Beauce dit deux mois, peut-être qu'après le 25 décembre on pourrait se réunir encore et convoquer les témoins, et on pourrait accepter de verser probablement les $20 millions . En tout cas, c'est comme ça que j'accepte de jouer mon rôle.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît!

L'honorable ministre des Travaux publics.

M. Raymond Mailloux

M. MAILLOUX: M. le Président, le plus sobrement possible, je voudrais apporter quelques arguments contre la demande du député de Rouyn-Noranda voulant que le projet de loi soit retardé pour une période de deux mois. Je voudrais assurer immédiatement à la Chambre que cela n'a jamais été l'intention du ministre des Travaux publics de ne pas fournir aux partis d'Opposition et à la Chambre toutes les informations pertinentes. C'était mon intention d'avoir, durant l'étude en commission, des officiers responsables et de permettre à ces officiers de répondre à toutes les questions que voudraient poser les membres de l'Opposition.

M. le Président, je pense que tout le monde dans la province sait quel temps nous avons connu dans les dernières heures. J'en profite incidemment pour offrir mes sympathies aux familles des quelques fonctionnaires de la voirie qui, malheureusement, on perdu la vie aujourd'hui dans l'entretien des routes au Québec. Ceci m'amène à dire que les fonctionnaires qui, incidemment, devaient donner au ministre des Travaux publics des informations supplémentaires et devaient être ici dans le but, en commission, de renseigner les membres de l'Opposition, les conditions du temps ont été telles que malgré ma volonté, je n'ai pu me mettre en communication avec eux durant la soirée, et faire revenir de Montréal vers Québec les documents dont j'avais besoin, de même que les fonctionnaires qui auraient pu donner les informations pertinentes. Celles-ci pourraient être données demain en commission pour que la Chambre soit valablement informée.

Tantôt, M. le Président, on a dit que le gouvernement agissait comme pompier dans les derniers jours de la session. Les mandataires du gouvernement on fait part au ministre des

Travaux publics, dans les quatre derniers jours, des difficultés que rencontraient nos mandataires dans le financement des travaux. Je veux croire qu'il serait difficile au gouvernement du Québec de mal informer la Chambre alors que la partie qui est avec le gouvernement du Québec est le mouvement Desjardins qui a quand même un mot à dire. Au moment où on demande à la Chambre d'investir en garantie un montant de $20 millions supplémentaires, le mouvement des caisses Desjardins et ses filiales doivent également mettre la contrepartie de $20 millions. J'imagine mal, M. le Président, que si une telle demande est faite, ce n'est que pour faire plaisir au Parti libéral dans la poursuite des travaux.

On a demandé tantôt quel était le coût des travaux. Je sais qu'au départ les quelques chiffres qui sont devant moi indiquent que ça devait être un projet d'une centaine de millions. M. le Président, on comprendra quand même que depuis que le projet a été mis en marche, il s'est produit certaines hausses, dans la province de Québec, dans la construction, hausses qui dépassent de beaucoup les probabilités. Quand on constate que pour les infrastructures routières, viaducs, ponts, les soumissions qui entrent actuellement au ministère nous annoncent des coûts trois fois plus élevés que dans les derniers mois, il est indiscutable que ça a une incidence directe sur le coût de la construction. M. le Président, dans la demande qui est faite on dit que le gouvernement engloutit de l'argent sans savoir où il va. Le gouvernement, actuellement, autant dans la périphérie de Québec que dans la périphérie de Montréal, a besoin d'espaces; toutes les sociétés paragouvernementales en ont besoin également dans Montréal; on a besoin d'espaces nombreux, et l'on supposait qu'en 1975 tous les services gouvernementaux pourraient, être logés dans le quadrilatère qu'on connaît. Pour ce faire, il est indiscutable qu'il faut que les travaux soient poursuivis.

Il y avait au départ deux mises de fond de $10 millions. Actuellement, pour la poursuite des travaux, pour la bonne marche des travaux, je sais que c'est une somme de $70 millions qui est en cause. C'est pour cette raison qu'on demande au Parlement un montant supplémentaire de $20 millions, aux caisses Desjardins un montant de $20 millions et nos mandataires ont une marge de crédit de $10 millions pour ce montant global de $70 millions. Pourquoi a-t-on besoin d'un tel montant? Pour la poursuite des travaux, mais principalement pour permettre que le financement à long terme puisse être complété par les mandataires du gouvernement. S'il y avait défaut de poursuivre les travaux, il faudrait forcément aller vers des financements temporaires qui seront plus dispendieux. Cette garantie de $70 millions permet que la fin des travaux soit garantie, et pour que ce soit valable la Place Desjardins, M. le Président, il faut au moins que les travaux soient complétés, que la bâtisse puisse être utilisée et que les loyers soient payés pour l'utilisation de tous les espaces.

Cette garantie permet que les mandataires puissent aller sur le marché en ayant la solvabilité nécessaire, soit la garantie de $70 millions qui permet le complément des travaux.

Je n'ai pas d'objection, M. le Président, à ce que la Chambre vote sur cette motion, parce que jamais, dans mon intention, je ne voudrais mal informer les membres de l'Opposition. Je pense qu'en commission vous auriez, demain, toutes les informations pertinentes. A moins que la température ne soit encore pire que celle que nous avons connue dans les dernières heures, je pense que nous pourrions espérer que le sous-ministre des Transports, également le sous-ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement soient de retour à Québec. Comme ils sont tous deux membres du bureau de direction de notre société mandataire, je pense qu'ils pourraient, à ce moment, informer valablement les députés de l'Opposition. Je ne voudrais pas que le projet de loi soit bloqué en deuxième lecture parce que le 31 décembre est une date fatidique que nous ne pouvons dépasser. Je pense que les membres de la Chambre pourront mieux se prononcer en commission, demain. Si les informations qui vous sont données vous permettent de penser que c'est votre droit de bloquer le projet et que ça peut aller après le 31 décembre, vous en déciderez à ce moment-là. Je m'excuse de ne pouvoir donner d'informations plus valables mais ce sont les conditions atmosphériques, que tout le monde connaît, qui ont prévalu qui font que les informations supplémentaires que je devais donner dans mon discours de deuxième lecture n'ont pu être valablement données. Je pense que demain, ça pourrait être rendu ici au Parlement.

M. LESSARD: Je pourrais invoquer l'article 96, mais ce que je voudrais que le ministre comprenne bien — il ne s'agit pas de mettre en doute l'intégrité du ministre; au contraire, je connais très bien le ministre des Travaux publics et ce n'est pas dans ce sens-là — c'est que nous voulons avoir des informations. Quant à nous, que ce soit deux mois ou que ce soit justement entre la période des Fêtes, l'important, vous le comprendrez, c'est qu'on a besoin d'informations.

DES VOIX: Vote.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le vote sur la motion. Qu'on appelle les députés!

Vote sur la motion de M. Roy

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement de l'honorable député de Beauce-Sud veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Roy, Samson, Morin, Burns, Charron, Lessard, Bé-dard (Chicoutimi).

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît !

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Lévesque, Mailloux, Choquette, Garneau, Phaneuf, Lalonde, Berthiaume, Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Forget, Massé, Harvey (Jonquière), Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Perreault, Kennedy, Bacon, Lamontagne, Veilleux, Brisson, Séguin, Cornellier, Houde (Limoilou), Pilote, Ostiguy, Picard, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Larivière, Shanks, Springate, Beauregard, Bonnier, Boudreault, Boutin (Johnson), Leduc, Caron, Denis, Déziel, Harvey (Dubuc), Lecours, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Verreault.

LE SECRETAIRE: Pour: 7 Contre: 56

LE PRESIDENT: La motion est rejetée.

Deuxième lecture (suite) LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: M. le Président, la majorité l'a emporté, mais cela ne veut pas dire que la majorité a raison.

Ecoutez, pendant qu'il y a de bonnes relations cordiales, s'il vous plaît, ne mettez pas le chiard. Je voudrais qu'on discute ce projet de loi calmement, d'autant plus que le premier ministre est là. Lui qui se présente à la population du Québec comme grand administrateur des deniers publics, comme avare dans les dépenses des deniers publics, il devrait particulièrement comprendre que nous, de l'Opposition, étant donné le travail qu'on a de surveiller le gouvernement, on ne peut pas accepter aveuglément un projet de loi comme celui-là.

Je suis d'accord que vous avez réussi, grâce à votre majorité, à renverser une motion du député de Beauce-Sud. J'en appelle à votre sens libéral et à votre sens même de l'intégrité.

Je suis assuré que le ministre des Travaux publics lui-même est prêt à trouver une solution, le ministre des Travaux publics lui-même, que je connais et dont je respecte énormément l'intégrité.

On n'est pas ici tout le temps pour s'engueuler, mais je respecte énormément l'intégrité...

M. le Président, ça va bien, puis j'emploie des termes parlementaires; alors que le député de Saint-Jean reste bien assis sur son siège.

M. le Président, article 92.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Une question de règlement.

M. LESSARD: Article 92, il va vous citer l'article 92.

M. VEILLEUX: M. le Président, pour parler un député doit se lever, l'article 92.

M. LESSARD: Vous voyez, je demanderais aux journalistes de noter encore une fois, pour la cinquième ou sixième fois, l'intelligence du député de Saint-Jean. Les seules interventions qu'il a faites, au cours de ces débats, depuis quelques jours, cela a été cette question de règlement, application de l'article 92.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): La pertinence du débat, s'il vous plaît.

M. LESSARD: M. le Président, on va parler avec des gens sérieux. On va laisser de côté le député de Saint-Jean, parce qu'il semble que tous les autres députés libéraux...

M. VEILLEUX: M. le Président...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Question de règlement.

M. LESSARD: Pour une fois que j'essaie d'être calme.

M. VEILLEUX: M. le Président l'article 98 il faut parler sur la motion.

M. LESSARD: Bien, c'est exactement ce que je fais.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): La pertinence du débat, le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, je veux qu'on parle entre gens sérieux et, comme je le disais, le député de Saint-Jean est exclu de cela. J'en appelle au premier ministre Bourassa, j'en appelle au ministre des Transports dont je respecte énormément l'intégrité. Il s'agit d'un projet de loi important, qui donne des pouvoirs considérables à une autre société d'Etat qu'on a appuyée lors de sa création mais, pas à n'importe quel prix. Nous sommes favorables au développement de sociétés qui appartiennent à des Québécois, surtout, dans ce cas-ci, que le gouvernement québécois s'associe avec l'un des mouvements les plus importants au Québec, le mouvement Desjardins, qui appartient à des Québécois; nous y sommes favorables mais pas à n'importe quel prix. Je ne suis pas prêt, malgré qu'on soit, en général, favorable à ces sociétés d'Etat, à accepter de créer une autre société générale de financement quand je vais adopter ce projet de loi.

Avant de l'adopter, j'ai d'abord une responsabilité, étant donné ma fonction de député. Et même tous les autres députés libéraux devraient

intervenir auprès du ministre des Travaux publics, auprès du leader du gouvernement, de leur premier ministre pour exiger qu'on trouve au moins un moyen, que ce soit la commission parlementaire, pour faire entendre les parties, les administrateurs, mais qu'on exige plus que cela avant d'approuver un projet de loi comme celui-là.

Je ne veux pas, comme c'est malheureusement arrivé lors de certaines commissions parlementaires, qu'on nous arrive, au moment de la commission parlementaire, avec une série de documents où nous avons de nombreux chiffres, une comptabilité extrêmement complexe, qu'on dépose ça et qu'on nous dise: Voici, messieurs, nous sommes ici, nous sommes prêts à témoigner et posez-nous des questions.

Je suis assuré que, pour un complexe aussi important que ça, ce n'est pas comme ça, comme je le disais, du jour au lendemain, dans l'espace de quelques minutes, qu'on peut constater, analyser la comptabilité d'une société.

Justement, et j'ai eu l'occasion de le dire, on n'a pas la sagesse de ces députés libéraux qui, en un tournemain peuvent visionner immédiatement un projet de loi, toute une série de documents, comme ils l'ont prouvé, lors de l'étude en commission parlementaire...

Je pourrais dire au député de Saint-Jean qu'il n'a pas été discuté en caucus. Je pourrais dire que le député de Saint-Jean vient de mentir à l'Assemblée nationale.

M. le Président, je ne fais que cette affirmation, mais je ne pense pas que ce projet de loi ait été étudié au caucus.

S'il a été étudié au caucus, sur quels documents précis les députés libéraux se sont-ils basés pour accepter un projet de loi comme celui-là?

Si les députés libéraux ont été informés, lors de la discussion en caucus, pourquoi le ministre des Travaux publics n'a-t-il pas aujourd'hui ces documents à déposer? Et là nous pourrions analyser ces documents.

Je serais heureux si les députés avaient pu démontrer une telle responsabilité — remarquez que j'en doute — dans l'administration des deniers publics, je dis tant mieux, M. le Président, et je vous en félicite. Mais de grâce! M. le Président — je suis gentil ce soir — qu'on nous donne ces mêmes informations. Nous serions probablement prêts, si nous avions tous les éclaircissements, à adopter ce projet de loi. Si les députés libéraux ont eu l'avantage d'avoir ces documents, je les supplie de nous les donner. Nous sommes prêts, comme nous le faisons d'habitude, à étudier les documents de minuit à dix heures, demain matin, et par la suite on reprendra la discussion de ce projet.

Mais, comme député de l'Opposition, et même si j'étais un député libéral — et je les prends à témoin — je suis assuré que si vous étiez à notre place, aussi peu informés que nous le sommes, vous feriez exactement pareil. Je ne suis pas informé. C'est cela, des informations, que je demande. Je suis assuré, M. le Président, que les députés libéraux, s'ils sont responsables, feraient exactement la même chose que nous autres. Celui qui intervient à l'encontre des règlements mais que j'aime bien, M. le Président — voyez comme je suis gentil ce soir — le responsable du Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports, lui qui doit être, je pense bien, un bon administrateur, je suis assuré que, s'il était à notre place, il ferait exactement la même chose, il aurait exactement les mêmes exigences. S'il ne le faisait pas, il serait un irresponsable, ce à quoi je ne crois pas.

Or, on ne peut pas accepter un projet de loi comme celui-là. On ne peut pas accepter, les yeux fermés, un projet de loi comme celui-là. Il y a trop de pouvoirs importants. Quand on pense, par exemple, que le gouvernement du Québec garantit complètement l'exécution de toute obligation de Place Desjardins Inc. Mais il faut savoir où on s'en va avec cela. Il faut savoir si ce ne sera pas un tonneau sans fond ou un panier percé, dont on parlait tout à l'heure. Moi, je ne sais pas et je ne veux pas intervenir dans le débat et j'ai tenté, justement, d'enlever tout à l'heure toute partisanerie. C'est trop important, voter $20 millions. C'est trop important et je ne veux pas intervenir de façon partisane. J'ai tenté de ne pas le faire, M. le Président, et je vais continuer de ne pas le faire.

Mais on se demande, des fois, sérieusement si le leader du gouvernement ne s'apprête pas à bloquer toute une série de projets de loi en nous présentant des projets de loi contentieux comme celui-là. Je sais que c'est nous qui aurons le blâme, M. le Président, d'avoir fait durer la session mais comment voulez-vous, messieurs les journalistes et mademoiselle, si nous sommes responsables, qu'on accepte ça aveuglément?

Le ministre du Revenu, M. le Président, lui-même un administrateur, lui-même qui est responsable d'un important secteur de la société québécoise, devrait savoir, lui qui a connu cela aussi être député de l'Opposition, qu'un député de l'Opposition ne peut pas engager, comme cela, aveuglément, $20 millions dans une société que nous ne connaissons que de nom, dont nous ne connaissons aucun chiffre, dont nous ne connaissons aucunement la comptabilité.

Le ministre du Revenu probablement la connaît, cette comptabilité, mais on sait que c'est secret.

Je suis assuré que le ministre des Travaux publics n'aurait, comme il le disait tout à l'heure, aucune raison de faire siéger cette commission parlementaire, pour faire en sorte que certaines personnes puissent venir témoigner, ou nous donner des explications, mais je demande qu'on suspende... Je pourrais pour faire de la procédure, présenter une autre motion que vous battriez probablement dans votre irresponsabilité.

Mais nous autres, on n'est pas irresponsables à ce point-là.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. LEVESQUE: Est-ce que le député de Saguenay me permet?

M. LESSARD: Vous avez été convaincu?

M. LEVESQUE: J'écoutais attentivement le député de Saguenay et je crois que je pourrais lui faire une suggestion. Vu qu'il semble vouloir avoir des renseignements additionnels qui permettraient de l'éclairer dans, son vote de deuxième lecture, vu également les propos tenus par nos amis d'en face et de biais, du Parti créditiste, qui également avaient émis certaines réserves en attendant des explications additionnelles, et comme ces explications — selon le témoignage du ministre — n'ont pu se rendre ici à cause de certaines conditions climatiques, je suggérerais au député de Saguenay, s'il est d'accord avec moi sur les prémisses, de demander l'ajournement du débat, quitte a le poursuivre lorsque nous pourrons fournir aux députés de cette Chambre les explications additionnelles, afin d'éclairer leur vote en deuxième lecture.

M. LESSARD: Vous voyez, messieurs, un homme qui a compris. Encore là, pour démontrer...

M. LEVESQUE: C'est l'ajournement du débat.

Motion d'ajournement du débat

M. LESSARD: D'accord. Mais je voudrais donner quand même quelques explications. Pour démontrer notre non-partisanerie politique, pour démontrer notre collaboration que nous avons toujours voulu apporter depuis le début de cette session, j'accepte la proposition du leader du gouvernement.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Cette motion d'ajournement est-elle adoptée?

M. SAMSON: M. le Président...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Heard): Le député de Rouyn-Noranda, sur la motion d'ajournement?

M. SAMSON: C'est une motion débattable?

Je voudrais bien être gentil à l'endroit de mes collègues d'en face. Je sais que je déplairai peut-être à mes collègues libéraux, mais ...

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement. L'article 77 dit: "Une motion non annoncée d'ajournement du débat peut être faite en tout temps; une telle motion, sauf si elle est faite par un ministre, ne peut-être faite qu'une seule fois au cours d'une séance. Elle est mise aux voix sans amendement, à la suite d'un débat restreint au cours duquel un représentant de chaque parti reconnu peut prononcer un discours de dix minutes, le proposeur pouvant exercer un droit de réplique de même durée." Je prétends respectueusement que, jusqu'à maintenant, le député de Rouyn-Noranda ne fait pas partie d'un parti reconnu, selon les termes de notre règlement.

M. SAMSON: M. le Président, sur le point de règlement. Nous avons droit de parler sur le règlement. Est-ce que nous avons ce droit, oui ou non?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Très brièvement.

M. SAMSON: D'accord, très brièvement. Je voudrais vous dire que le point de règlement qui vient d'être soulevé par l'honorable leader du gouvernement, je m'attendais qu'il serait utilisé ce soir ou peut-être demain. C'est là démontrer, une fois de plus, la façon dont le leader du gouvernement et le gouvernement...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Sans aucun doute, le député de Rouyn-Noranda aura d'autres occasions d'exprimer son point de vue sur le même sujet.

M. ROY: Je soulève une question de privilège en vertu de l'article 50. Je suis en pleine conformité avec le règlement et je cite: "Un député qui soulève une question de privilège doit se borner à protester". Je proteste, M. le Président, encore une fois, contre la façon, l'arrogance, le culot que vous mettez à toujours vouloir essayer de bâillonner les deux députés du Parti créditiste. M. le Président, nous représentons quand même un certain pourcentage de la population...

M. LEVESQUE: Tout ce que j'ai fait, M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. ROY: M. le Président, j'ai soulevé une question de privilège.

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement. Tout ce que j'ai fait c'est de lire un article de notre règlement. L'exemple que devrait donner le député de Beauce-Sud, qui parle toujours de son respect de l'autorité, c'est justement de respecter le règlement et l'autorité constituée. Quant à nous, nous avons été très large jusqu'à maintenant, M. le Président, nous avons cherché toutes sortes de moyens d'accommoder nos deux amis du Parti créditiste. Mais qu'ils s'en prennent à eux-mêmes, en

particulier le député de Beauce-Sud, qui a participé à la rédaction du règlement dont il se plaint aujourd'hui. C'est lui-même également, dans la préparation du règlement, qui a oublié le député Bois, de Saint-Sauveur, indépendant, et le député Masse, de Montcalm. A ce moment-là, M. le Président, il avait beau en parler.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! ... A l'ordre! Sur la question de privilège.

M. ROY: Sur une question de privilège.

L'honorable leader du gouvernement intervient pour la deuxième fois. Que le leader du gouvernement se rappelle, je pense qu'il a de la mémoire, que le règlement a été soumis à l'Assemblée nationale du Québec; l'Assemblée nationale a voté unanimement pour le règlement et il n'y a pas eu de protestation de qui que ce soit. M. le Président, c'était dans le contexte du temps mais le règlement actuel, nous le contestons, le gouvernement le sait. S'il était à nouveau soumis devant l'Assemblée nationale du Québec, il ne recevrait pas l'unanimité de la Chambre.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. SAMSON: M. le Président, je pose également une question de privilège. C'est mon privilège de député de représenter en cette Chambre les électeurs qui m'ont élu et — laissez-moi parler, M. le Président — le président de la Chambre...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): J'aimerais que vous m'indiquiez votre question de privilège.

M. SAMSON: Mais oui, M. le Président, si vous me laissez la dire, je vais vous la dire.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, tout de même. Si c'est une question de privilège en contravention d'un article, je vais vous écouter quelque temps.

M. SAMSON: C'est mon privilège de député...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): On va vous écouter.

M. SAMSON: Le président qui occupait le fauteuil avant vous a dit qu'une question de privilège a préséance sur une question de règlement, M. le Président.

M. LEVESQUE: Non, M. le Président, j'invoque...

M. SAMSON: Le leader devrait savoir cela. Une question de privilège a toujours...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! L'honorable leader du gouvernement a une question de règlement.

M. LEVESQUE: M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Je vais vous donner la parole après. Ecoutez, j'aime autant vous avertir, si vous continuez, je ne vous la donnerai pas du tout. A l'ordre! ... A l'ordre, s'il vous plaît! ...

M. SAMSON: M. le Président, j'allais vous dire aussi calmement que possible...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): J'espère.

M. SAMSON: ... que le président qui occupait le fauteuil avant vous nous a répété toute la journée que nous étions en droit nouveau; il nous a répété ça toute la journée. Compte tenu du nouveau règlement que nous avons, nous exerçons aujourd'hui du droit nouveau. M. le Président, l'an passé on a adopté un règlement, compte tenu des circonstances. Or il y a des circonstances nouvelles que le gouvernement devrait prendre en considération. Ce n'est pas parce qu'il y a 102 députés libéraux qu'on va tenter de nous écraser par cette majorité. M. le Président, si on veut utiliser la majorité pour nous écrasser, libre à eux mais il reste que dans la population il y a des gens qui comprennent encore...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! ... A l'ordre! ... Les honorables députés de Beauce-Sud et de Rouyn-Noranda comprendront que le président ne peut que faire respecter le règlement. Il ne lui appartient pas de décider si les honorables députés de Beauce-Sud et de Rouyn-Noranda seront reconnus par l'Assemblée nationale. Nous devons, nous, être très respectueux des règlements.

S'il intervient une entente, nous serons très heureux, à ce moment-là, de faire respecter les règlements en conformité avec une entente qui pourrait éventuellement intervenir, mais pour le moment, mon seul devoir est de faire respecter le règlement en conformité avec l'appel au règlement qui a été fait par le leader du gouvernement.

Ecoutez, une question sur quoi?

M. ROY: Est-ce que vous nous permettriez de vous dire que nous le contestons, ce règlement? Nous ne l'acceptons pas durant la présente session. Le règlement ne correspond pas à la réalité.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! ... A l'ordre! J'inviterais le député de Beauce-Sud... A l'ordre! ... A l'ordre! ... A l'ordre!

Je voudrais profiter de cette circonstance pour rappeler aux députés de Beauce-Sud et de Rouyn-Noranda que, bien que ce soit avec beaucoup de sympathie qu'on puisse recevoir leurs représentations, tout de même, il y a des articles de règlement qu'il faut respecter. Quel que soit le président qui soit ici, lorsqu'il est debout, il y a tout de même certains règlements qu'il faut respecter. Vous pourrez en certains autres endroits ou autrement faire les représentations que vous voulez, mais vous ne pouvez pas les faire à la présidence.

La question d'ajournement avait été adoptée.

M. SAMSON: Non, M. le Président, elle n'avait pas été adoptée.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Elle avait été adoptée.

M. SAMSON: Non, elle n'a pas été adoptée, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je ne puis pas...

M. SAMSON: Elle n'avait pas été adoptée parce que je vous ai demandé le droit de parole.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je ne peux pas vous le donner.

M. SAMSON: Ce n'est pas vous qui m'avez empêché de parler; c'est le gouvernement qui m'a empêché de parler et c'est ça que je voudrais vous dire, M. le Président. Ce n'est pas à la présidence qu'on en a, aucunement et vous le savez. Lors du débat sur l'article 68 de notre règlement, on s'est même abstenus de parler. Ce n'est pas contre vous qu'on en a; c'est contre le gouvernement. C'est lui qui a le pouvoir de décision, de permettre aux élus du peuple...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! ... A l'ordre! ...

Est-ce que je peux maintenant compter sur votre collaboration? A l'ordre! ... A l'ordre! J'indiquerais au député de Rouyn-Noranda qu'on ne peut pas continuer indéfiniment à être aussi irrespectueux des règlements. Bien écoutez, actuellement... Est-ce que vous voulez nous donner un instant, s'il vous plaît? Il n'est pas de mon intention de vous rappeler à l'ordre inutilement, mais, tout de même, je vous invite, à titre de député responsable, à être, pour le moins, un peu respectueux de certains règlements lorsque le président est debout.

On vous a laissé pendant cinq, six minutes, à tour de rôle, parler sur un sujet qui est complètement hors d'ordre. Je demande maintenant votre collaboration pour vingt minutes. Vous vous reprendrez à une autre occasion.

Ecoutez, à l'ordre! C'est assez, je ne puis pas continuer à...

J'inviterais l'honorable député de Rouyn-Noranda à l'ordre! ...

Je suspends pour cinq minutes.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Après quelques instants de repos, est-ce que je pourrais demander si cette motion d'ajournement est adoptée?

M. BURNS: Je ne sais pas, M. le Président. Moi, je suis prêt à l'adopter mais, par contre, s'il y a des députés qui veulent demander le vote enregistré, je suis bien prêt à leur manifester que trois députés du Parti québécois seraient d'accord.

M. SAMSON: M. le Président, le vote enregistré s'il vous plaît sur cette motion.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les députés!

Prêts à voter? Un instant.

M. BURNS: Est-ce que les cloches ont sonné, M. le Président? Je m'aperçois que les députés qui sont en commission ne sont pas avec nous, les députés de Saint-Jacques et de Chicoutimi. J'aimerais qu'ils puissent voter.

Vote sur la motion d'ajournement de M. Lessard

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion d'ajournement proposée par l'honorable député de Saguenay veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi),

LE PRESIDENT: Etes-vous en faveur?

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux, Choquette, Garneau, Phaneuf, Lalonde, Berthiaume, Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Forget, Massé, Harvey (Jonquière), Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Perreault, Kennedy, Bacon, Lamontagne, Veilleux, Brisson, Séguin, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Ostiguy, Picard, Carpentier, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Shanks, Springate, Beauregard, Bonnier, Boudreault, Boutin (Johnson), Leduc, Caron, Denis, Dufour, Harvey (Dubuc), Lecours, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tremblay, Verreault.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plait.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Samson, Roy.

LE SECRETAIRE: Pour: 61

Contre: 2

LE PRESIDENT: La motion est adoptée. Article 3). L'honorable député de Roberval. Commission plénière.

Projet de loi no 12

Commission plénière (suite)

M. LAMONTAGNE (président de la commission plénière): A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: Je viens de consulter très rapidement les députés du Parti québécois. Malheureusement, j'aurais aimé accommoder le gouvernement et lui dire que je suis prêt à dépasser minuit, ce qui est un peu la guillotine de nos travaux, mais je pense que lorsqu'on exige de la part des députés de l'Opposition la présence en Chambre à compter de dix heures — je ne le dis pas méchamment, je le dis tout simplement sur une question factuelle — quand on exige cette présence, dis-je, de dix heures du matin jusqu'à minuit, malheureusement, après une rapide consultation avec mes collègues, je ne peux pas accorder mon consentement pour dépasser minuit.

M. LAMONTAGNE (président de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière étudiant le projet de loi no 12, Loi modifiant le Régime de rentes du Québec, n'a pas fini de délibérer et demande la permission de siéger à nouveau.

LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 0 h 1)

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