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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le mardi 3 décembre 1974 - Vol. 15 N° 89

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures quatorze minutes)

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Rapport sur le projet de loi no 26

M. HARVEY (Dubuc): M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des institutions financières, compagnies et coopératives qui a siégé les mardi et mercredi 26 et 27 novembre 1974 aux fins d'étudier le projet de loi no 26 dont elle a adopté tous les articles avec leurs amendements, les articles 8 et 27 ayant été adoptés sur division.

LE PRESIDENT: Rapport déposé.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

M. LEVESQUE: Article a). M. DRUMMOND: Article a).

Projet de loi no 57 Première lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Terres et Forêts propose la première lecture de la Loi sur les réserves écologiques.

M. DRUMMOND: M. le Président, ce projet permet au gouvernement de constituer des réserves écologiques sur les terres publiques afin de les conserver à l'état naturel, de les réserver à la recherche scientifique ou, s'il y a lieu, à l'éducation ou encore de sauvegarder les espèces animales et végétales menacées de disparition ou d'extinction.

Le gouvernement peut aussi autoriser le ministre des Terres et Forêts à acquérir des terrains privés à ces fins.

Dans une réserve écologique, la chasse et la pêche, l'exploitation forestière, les fouilles ou les sondages, la prospection, les travaux de terrassement et de construction ainsi que, généralement, les travaux de nature à modifier l'aspect du terrain ou de la végétation et les actes de nature à perturber la faune ou la flore sont interdits.

De plus, nul ne peut introduire d'espèces animales ou végétales dans les réserves écologiques.

Le ministre des Terres et Forêts pourra toutefois, dans certains cas, déroger aux règles précédentes pour faciliter l'étude scientifique de l'évolution du milieu.

Il sera aussi interdit de pénétrer ou de circuler dans une réserve écologique sans une autorisation écrite du ministre des Terres et Forêts, autorisation qui sera donnée seulement pour fins de recherches scientifiques ou, dans certains cas, pour fins d'éducation.

LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture...

M. ROY: Vote enregistré, M. le Président. M.MORIN: Vote enregistré, s'il vous plaît.

LE PRESIDENT: II y a cinq députés qui demandent le vote enregistré.

M. ROY: Un, deux, trois, quatre, cinq.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Vote de première lecture

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion de première lecture de la Loi sur les réserves écologiques veuillent bien se lever s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Parent (Hull), Mailloux, Choquette, Garneau, Cloutier, Lachapelle, Berthiaume, Goldbloom, Simard, Quenneville, Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Toupin, Massé, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Cadieux, Arsenault, Desjardins, Giasson, Perreault, Fortier, Bacon, Veilleux, Saindon, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Picard, Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pepin, Bellemare (Rosemont), Bonnier, Boudreault, Chagnon, Marchand, Caron, Côté, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Malouin, Massicotte, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières, Verreault, Morin, Léger, Charron, Bédard (Chicoutimi), Roy, Bellemare (Johnson).

LE SECRETAIRE: Pour: 65 Contre: 0

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Cette motion est adoptée.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education.

Révision des prêts-bourses

M. CLOUTIER: M. le Président, je désire déposer un document de mise au point concernant la révision des prêts-bourses.

LE PRESIDENT: Questions orales des députés. QUESTIONS DES DÉPUTÉS

LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

Grains de provende

M. MORIN: En guise de préambule, M. le Président, je voudrais rappeler que, le 14 novembre, le ministre de l'Agriculture nous a déclaré qu'il avait obtenu de l'Office canadien des provendes l'assurance que les approvisionnements seraient suffisamment abondants dans les entrepôts de l'Est, cet hiver, pour répondre à l'ensemble des besoins des Québécois, tant en grains de provende qu'en céréales.

Or, en raison de la grève des inspecteurs céréaliers, les Québécois, vont semble-t-il, souffrir bientôt d'une pénurie très sérieuse de grains de provende et de produits alimentaires de base. Cela risque de se traduire par une hausse dramatique des prix et même par de la spéculation.

Le ministre peut-il nous dire, maintenant que la crise est à nos portes, quelles démarches il a entreprises et quelles mesures concrètes et immédiates il entend prendre pour que soient acheminés vers le Québec les grains dont la population, et en particulier la population agricole, aura besoin cet hiver?

M. TOUPIN: M. le Président, je n'ai d'abord jamais déclaré que les entreposages étaient suffisants. J'ai déposé un document qui démontrait la différence qu'il y avait cette année par rapport à l'année dernière, aux mêmes dates, en ce qui concerne les entreposages de provendes. J'ai soutenu, à ce moment-là, que, si la situation se détériorait davantage, il y aurait danger de pénurie.

Effectivement, la grève des inspecteurs des provendes dans les provinces de l'Ouest paralyse tout transport possible, que ce soit par voie navigable ou par voie ferrée. Nous en avons discuté à plusieurs reprises avec le gouvernement fédéral. J'ai eu l'occasion également d'en discuter avec le président ou le responsable de l'Office canadien des provendes.

Le problème est relié essentiellement à cette grève des inspecteurs des grains.

Evidemment, du fait que la navigation va bientôt fermer ses portes, si on peut s'exprimer ainsi, il y a sans doute danger pour que les céréales, au Québec, cette année, se maintiennent à des niveaux très bas, voire même dangereux. Si la navigation ne reprend pas d'ici une semaine ou peut-être même d'ici quelques jours, ce danger deviendra de plus en plus imminent.

Quant au transport par voie ferrée, nous avons à peu près le même problème. Toutes les céréales qui partent des provinces de l'Ouest en direction de l'Est doivent être inspectées, à moins, bien sûr, que la Commission canadienne du blé ou que le gouvernement fédéral n'accepte que des céréales partent de l'Ouest en direction de l'Est sans inspection. Cela serait, semble-t-il, aller à l'encontre de la loi fédérale concernant la manutention et la commercialisation des provendes, tant à l'intérieur du pays que dans le monde entier en général, là où le Canada a des contrats d'exportation.

Nous en avons non seulement l'intention, mais nous allons, demain, à nouveau, prendre contact avec le gouvernement fédéral, notamment le ministre de l'Agriculture, M. Whelan, qui est responsable des inspecteurs des grains, pour lui faire voir de façon très nette et très ferme qu'il y a danger pour le Québec d'une pénurie de provendes, non seulement pour l'alimentation du bétail mais peut-être aussi pour l'alimentation humaine en ce qui a trait plus particulièrement au blé, parce que le pain se fait surtout à base de blé.

Donc, c'est demain que nous prendrons contact par téléphone et, si cela s'avère nécessaire, à la suite de cette communication, qui fera suite au télégramme que nous avons déjà envoyé, j'irai personnellement à Ottawa rencontrer le ministre de l'Agriculture pour lui exposer clairement la situation. Si je n'arrive pas à le faire par l'intermédiaire du ministre de l'Agriculture, j'entends soulever la question au conseil des ministres aussitôt que l'occasion m'en sera donnée et, si nécessaire, demain.

M. MORIN: J'aimerais poser une question additionnelle au ministre. Je vois qu'il est conscient du problème, mais je ne sais s'il en voit toute l'acuité.

Premièrement, le ministre est-il conscient du fait qu'au 17 décembre prochain, on prévoit que les réserves de grain auront baissé à 8,500,000 boisseaux? Or, notre consommation hebdomadaire est de 1,200,000 boisseaux et il n'est pas besoin...

LE PRESIDENT: Question.

M. MORIN: Je me demande si le ministre est conscient, après avoir fait un calcul très simple, du fait que cela ne représente que quelques jours de consommation.

Deuxièmement, je voudrais demander au ministre s'il est conscient du fait qu'à l'heure actuelle, même si la grève des inspecteurs céréaliers se terminait demain, il ne reste à Thunder Bay que six navires capables de trans-

porter les grains en provenance des Grands Lacs vers Montréal, ce qui est absolument insuffisant. En conséquence, le ministre peut-il nous dire s'il compte faire des démarches pour que le grain soit acheminé par voie ferroviaire?

M. TOUPIN: Oui, M. le Président. Le chef de l'Opposition dit: Le ministre ne semble pas être conscient. Au contraire, nous avons fourni, il n'y a pas longtemps, des statistiques publiquement pour démontrer qu'il existait un problème réel. Il est évident que le problème est encore plus sérieux maintenant qu'il ne l'était il y a quinze jours et il le sera encore davantage dans six ou sept jours si on ne parvient pas à acheminer, sous une forme ou sous une autre, les céréales vers les provinces de l'Est.

Mais, il me paraît évident que la solution se trouve dans le règlement de la grève des inspecteurs de céréales. Tant et aussi longtemps que cette grève n'est pas réglée, il n'est pas possible, ni par voie navigable, ni par voie ferrée, d'acheminer les céréales vers l'Est.

Il y a d'autres solutions qu'on peut examiner, dont je n'ai pas encore fait mention. Présentement on fait des vérifications et on me dit que dans certains entrepôts de l'Est, notamment dans les provinces maritimes, il y aurait des provendes d'entreposées pour fins d'exportation, et qui ne sont pas encore parties pour les pays où elles doivent être dirigées. Alors, peut-être que la Commission canadienne du blé pourrait demander aux propriétaires de ces céréales de les garder dans l'Est et de les acheminer des Maritimes vers le Québec pour que nous puissions avoir au moins le minimum au cours des prochaines semaines, d'ici à ce que la grève se règle et que les compagnies de chemin de fer puissent acheminer des céréales vers l'Est.

Donc, nous examinons toutes les possibilités.

C'est ce qui me faisait dire tantôt que si des contacts par téléphone ne sont pas suffisants, nous nous rendrons là-bas pour exposer clairement non seulement notre position mais également des éléments de solution, dont celui dont je viens de parler.

LE PRESIDENT: Le député de Beauce-Sud, question additionnelle.

M. ROY: M. le Président, est-ce que le ministre se souvient que jeudi, le 14 novembre dernier...

UNE VOIX: C'est la même question.

M. ROY: ... j'ai soulevé cette question devant l'Assemblée nationale, soit précisément neuf jours avant le déclenchement de la grève, puisque la grève aurait été déclenchée le 23 novembre. J'ai demandé alors au gouvernement quelles étaient les mesures qu'on entendait prendre de façon à s'assurer que l'approvisionnement dans nos...

DES VOIX: Question.

M. BERTHIAUME: Question.

M. ROY: Je demande au ministre s'il se souvient de cette chose-là, M. le Président. Il faut quand même avoir le temps de les formuler, nos questions.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. ROY: M. le Président, est-ce que c'est vous qui présidez ou les "back-benchers" en arrière?

LE PRESIDENT: Je vais vous demander... S'il vous plaît, messieurs! A l'ordre! ... S'il vous plaît! Il est vrai qu'il y a des députés qui interrompent un peu trop mais, également, ce n'est pas parce qu'on dit: Est-ce que le député est conscient, est-ce que le ministre est conscient, ou est-ce que le ministre se souvient, qu'il s'agit d'une question. La période des questions, je pense bien, c'est pour obtenir des renseignements plus précis sur la politique du gouvernement et non pas sur la capacité de souvenance du ministre.

M. ROY: M. le Président, vous avez bien raison de douter de la capacité de souvenance du ministre.

DES VOIX: Ah! Ah!

M. ROY: Je suis entièrement d'accord avec vous.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. ROY: Je suis entièrement d'accord avec vous sur ce point. J'aimerais savoir du ministre, alors que la situation semble à l'extrême, comment il se fait qu'aujourd'hui il se dit prêt à rencontrer l'honorable ministre fédéral de l'Agriculture, alors qu'il y a deux semaines le même ministre de l'Agriculture déclarait à l'Assemblée nationale: "Ce dernier office avec lequel nous sommes en contact de façon constante nous affirme qu'il y a assurance que les céréales seront en quantité suffisante dans les entrepôts de l'Est pour satisfaire à l'ensemble des besoins de la consommation, tant pour les agriculteurs que pour les autres secteurs de consommation''.

J'aimerais savoir pourquoi le ministre — et ma question sera encore plus précise — n'a pas agi avant aujourd'hui, et pourquoi il n'a pas pris les mesures avant, de façon à nous éviter une situation aussi désastreuse et dangereuse que celle à laquelle nous avons à faire face.

M. TOUPIN: M. le Président, il y a 2,000 milles qui séparent l'Est de l'Ouest et on ne parviendra pas à remplir les entrepôts parce que je vais aller chercher une poche de blé à Ottawa, ou dans les provinces de l'Ouest. Il est évident

que ce que j'ai déclaré le 14, c'était net, c'était clair, la grève n'était pas déclenchée, les entreposages par rapport à l'année précédente étaient moindres et j'ai déposé un document; je l'ai d'ailleurs dit tantôt.

Si la grève n'était pas intervenue, nous n'aurions pas le problème que nous rencontrons. Il s'ajoute un élément au problème et c'est celui de la grève et cette grève dépend du gouvernement fédéral. Il s'agit pour lui de la régler. On a discuté, depuis ce temps, et avec le ministre fédéral de l'Agriculture et avec l'Office canadien des provendes qui a la responsabilité des entreposages vers l'Est. Voici que la situation de jour en jour se détériore. Il est normal, voyant la situation se détériorer, que nous agissions avec plus de rapidité que nous ne l'avons fait dans le passé, puisqu'on nous avait dit, à ce moment-là, qu'il n'y avait pas raison de s'inquiéter.

La grève est un élément qu'on n'avait pas alors prévu. On en parlait, mais on n'avait pas prévu que la grève se déclencherait le 20 ou le 21 novembre. Les négociations étaient en cours et nous nous retrouvons aujourd'hui dans cette situation. Alors, je ne peux pas personnellement forcer le CPR ou le CNR ou toute compagnie propriétaire de bateaux à acheminer des grains vers l'Est quand les inspecteurs de l'Office canadien ou de la Commission canadienne du blé ne veulent pas faire leur travail. Il me paraît évident que c'est simplement la logique des choses.

LE PRESIDENT: Le député de Johnson.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, le président de l'Association professionnelle des meuniers du Québec a adressé ce matin un télégramme au ministre à ce sujet, justement, des grains de provende. Est-ce que le ministre peut nous dire, en même temps, s'il prévoit une augmentation très sensible des prix et des coûts supplémentaires à cause de cette grève qui paralyse maintenant tout le transport maritime et même ferroviaire de ces grains de pro vende?

M. TOUPIN: II est évident, M. le Président, que dans une situation comme celle-ci il y a toujours danger d'inflation. Les pressions du marché se font sentir de façon encore plus forte et il est parfois dangereux qu'il y ait augmentation des prix. Jusqu'à maintenant, même si on parle du problème depuis à peu près un mois, le prix des céréales au Québec s'est maintenu à peu près au même niveau qu'il était il y a un mois et demi ou deux mois, avec quelques changements très peu sensibles selon les types de céréales.

Alors, il y a là un danger, c'est évident, mais le télégramme que m'envoie le président de l'Association des meuniers du Québec, je pense, ne devait pas m'être adressé à moi. C'est un télégramme qui normalement n'aurait pas dû m'être adressé. Il aurait dû être adressé au gouvernement fédéral, à M. Whelan.

M. BELLEMARE (Jonhson): II l'a été, M. le Président, à M. Whelan, à M. Trudeau et à M. Toupin.

M. TOUPIN: Moi, c'est un télégramme que j'ai reçu me disant de remédier à la situation et me demandant de régler une grève, de régler ceci et cela alors que ça n'est pas du tout ma responsabilité. Je suis prêt à prendre en considération, bien sûr, le télégramme des meuniers, parce qu'il dit la vérité.

Cet après-midi même les fonctionnaires travaillent au problème et demain et après-demain, si nécessaire, on se rendra là-bas pour discuter du problème et demander vraiment au gouvernement fédéral ce qu'il entend faire.

M. BELLEMARE (Johnson): ... s'il n'avait pas peur d'une inflation assez dangereuse et coûteuse pour la montée des prix vis-à-vis des consommateurs.

M. TOUPIN: II y a des dangers qu'il y ait pression plus grande sur les prix et que, par conséquent, les prix montent. Jusqu'à maintenant et depuis un mois, comme je vous le disais, les prix sont demeurés stables. Nous espérons qu'ils le demeureront encore au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Il ne faut pas oublier que les entreposages sont tellement bas qu'on se demande s'il en reste assez pour faire de la spéculation. C'est certain que ceux qui en sont les propriétaires actuellement essaient de respecter une partie des contrats qu'ils ont avec les meuniers, parce que les entrepositaires québécois sont, pour la plupart d'entre eux, des courtiers privés qui ont des contrats avec les meuneries et chacun d'entre eux essaie de respecter, de part et d'autre, son contrat. Donc, nous espérons que les prix se maintiendront au niveau actuel. Ils sont déjà assez élevés, on espère bien que les courtiers ne profiteront pas de la situation pour égorger davantage non seulement les agriculteurs mais aussi les autres qui ont besoin de céréales pour l'alimentation humaine, par exemple; la fabrication du pain en dépend, sans aucun doute.

M. MORIN: Une dernière question supplémentaire.

LE PRESIDENT: Dernière question additionnelle.

M. MORIN: ... qui, elle, porte...

UNE VOIX: S'il fallait qu'on soit séparé...

M. MORIN: ... sur le long terme. J'aimerais que le ministre profite de cette occasion pour nous dire si la situation dramatique devant

laquelle nous nous trouvons ne le porte pas à repenser ses politiques à long terme dans trois domaines: 1° La création d'un office québécois des grains de provende; 2° La recherche d'approvisionnements autres que ceux en provenance de l'Ouest, compte tenu de l'extrême dépendance dans laquelle nous nous trouvons par rapport à cette source; 3° N'est-ce pas de nature à lui faire repenser ses politiques en vue d'une plus grande autosuffisance du Québec dans le domaine des grains de provende?

M. TOUPIN: M. le Président, je vais commencer par la fin. Lorsque nous avons lancé notre programme d'autoapprovisionnement, il y a près de trois ans, plusieurs le mettait en doute et disaient que ce programme n'était pas suffisamment généreux, que les producteurs québécois ne prêteraient pas oreille à ce programme, et ce fut le contraire. Les producteurs québécois ont épousé le programme que nous avons mis de l'avant à ce moment-là et la production céréalière au Québec augmente à un rythme très intéressant non seulement en termes de céréales comme telles mais aussi en termes de ce qu'on appelle les fourrages, c'est-à-dire les mais à ensilage, la luzerne, etc. Il y a eu des résultats très intéressants.

Quant à la question intermédiaire, je l'ai déjà dit, ma position là-dessus est connue. La Commission canadienne du blé constitue un monopole pour l'ensemble du Canada dans le domaine de la distribution des céréales. On ne peut acheter de l'extérieur aucune céréale et on ne peut même pas en acheter des provinces de l'Ouest sans passer par la Commission canadienne du blé. C'est donc dire que c'est hermétiquement fermé.

M. TOUPIN: J'ai déjà soutenu — et je soutiens encore — que les grains devraient librement circuler à l'intérieur du pays. Et c'est là la position du gouvernement actuel et c'est celle-là que nous avons soutenue, depuis deux ans. Il y a eu des améliorations, parce que les prix maintenant, au Canada, sont à peu près égaux, c'est-à-dire les utilisateurs de l'Ouest paient à peu près le même prix que les utilisateurs de l'Est. Mais cela ne brise pas quand même ce monopole. La Commission canadienne du blé soutient que c'est nécessaire; les producteurs de l'Ouest disent, eux: Ce monopole est nécessaire, si nous voulons maintenir une commercialisation ordonnée et des bons prix pour les producteurs de l'Ouest. Ce qui n'empêche pas que ça crée de temps en temps des problèmes sérieux pour les producteurs de l'Est.

Quant à ce qui a trait à la première question, encore là, notre position est connue. Quand le Parti québécois a mis dans son programme un office des grains de provende, il s'est simplement inspiré de notre plan agro-alimentaire dans lequel on dit: Une société d'initiative agricole qui pourra commercialiser les grains au Canada. Vous n'avez rien inventé, c'est simple- ment notre programme que vous faites connaître, et ça me fait plaisir que vous le fassiez comme ça.

M. MORIN: Oui, mais qu'est-ce que vous attendez pour le mettre en oeuvre?

LE PRESIDENT: Dernière question additionnelle, l'honorable député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, comme le ministre vient d'admettre lui-même que la Commission canadienne du blé veut maintenir son monopole, est-ce que le ministre pourrait nous dire ce qui empêche actuellement le gouvernement provincial de se doter d'un organisme pour négocier avec la Commission canadienne du blé, premièrement des prix et, deuxièmement, de l'approvisionnement suffisant? Est-ce que ce sont les trusts, les cartels qui empêchent le gouvernement? J'aimerais qu'on sache, M. le Président, j'aimerais que le ministre nous dise ce qui l'empêche de se doter de cet organisme qui serait de juridiction provinciale et pour lequel nous n'aurions pas de permission à demander à personne pour le créer.

M. TOUPIN: M. le Président, ce ne sont ni les trusts, ni les courtiers privés. Il existe au Québec, actuellement, une forme de commercialisation des provendes, ce sont les courtiers qui les achètent des provinces de l'Ouest, les entreposent et les distribuent aux producteurs. La preuve n'a pas encore été faite qu'il y avait, de ce côté, de l'exploitation. Le seul problème que nous rencontrons, de temps en temps, c'est celui des entreposages. Les courtiers de l'Est, très souvent, sont obligés de respecter à la fois des contrats intérieurs et des contrats d'exportation. Très souvent, ils vont répondre aux demandes des marchés d'exportation avant de répondre à une demande intérieure. Ce qui est important, actuellement, c'est la politique que le ministère est à préparer et qui est connue, peut-être pas en totalité, mais tout au moins en bonne partie, sur le plan public, c'est de voir comment, avec les producteurs, notamment la Coopérative fédérée qui, elle aussi, commercialise les grains et d'autres institutions qui sont sur le territoire, comment on peut transiger directement avec les provinces de l'Ouest, pour acheminer par nous-mêmes les grains vers l'Est. Il faudra penser, bien sûr, à des entreposages. Il faudra penser à mettre en place des mécanismes nouveaux de distribution et c'est ce qui se fait, présentement, en termes de recherches, en discussion avec les producteurs et, plus particulièrement, les producteurs organisés.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

Prêts-bourses aux étudiants

M. CHARRON: M. le Président, dans un

tract publicitaire du ministère de l'Education, on affirme, un peu prétentieusement, au sujet des prêts et bourses, que des solutions sont déjà apportées aux problèmes soulevés. Je veux demander au ministre de l'Education, qui vient de déposer un nouveau document, si ce texte et les affirmations qui y sont contenues constituent la position finale du ministère de l'Education sur les problèmes soulevés à l'intérieur de ce texte, comme sur ceux qui sont soulevés dans les propositions provenant des étudiants.

M. CLOUTIER: M. le Président, pour répondre à la question du député de Saint-Jacques, il me faut rappeler quelques faits.

Le ministère a entrepris, l'année dernière, en collaboration avec les étudiants et tous les intéressés, une révision du programme de prêts-bourses. Il s'agissait d'une première phase et je l'ai présentée ainsi quand j'en ai parlé à l'Assemblée nationale.

Malheureusement, je l'ai admis volontiers, il y a eu des erreurs administratives qui ont fait que cette première phase n'a pas d'emblée donné les résultats escomptés. C'est la raison pour laquelle j'ai annoncé un plan d'urgence. La brochure dont parle le député de Saint-Jacques fait état de ce plan d'urgence.

Je dois dire qu'il a donné, jusqu'ici, les résultats que nous pensions, et on peut considérer que cette phase est sous contrôle. Les étudiants ont profité de la situation — je serais le dernier à les blâmer — pour se donner des mécanismes représentatifs et, à cause du contexte, ont fait un certain nombre de propositions. Il y a eu des pourparlers et des rencontres au ministère de l'Education, que j'ai favorisés. Il se trouve que la majorité des suggestions en provenance des étudiants sont conformes aux orientations du ministère en ce qui concerne la deuxième phase de cette évolution. Au cours de ces discussions, nous avons pu identifier un certain nombre de propositions qui sont contenues dans le document que j'ai déposé, lequel vient coiffer la brochure à laquelle je faisais allusion tout à l'heure.

Je crois qu'il a été possible de répondre à la majorité des aspirations des étudiants mais il y a deux ou trois demandes qui supposent que l'on mette en place, avec les étudiants, des comités, parce que ces deux ou trois points comportent des impératifs financiers très considérables qui peuvent, dans la dialectique actuelle des prêts-bourses, se chiffrer par $200 millions. Il y a également des impératifs administratifs.

Autrement dit, les pourparlers ont permis d'aller le plus loin possible, compte tenu de ce qui est administrable et de ce qui est réalisable. Par conséquent, je crois qu'il n'y a strictement aucune raison pour que les étudiants débraient et risquent de se punir eux-mêmes en compromettant le succès de leur année scolaire. Ils ont réussi à mettre en place le processus qui est amorcé actuellement et ils n'ont strictement rien à gagner et tout à perdre en continuant des pressions.

Ce que je veux clairement dire, c'est que le ministère manifeste la plus grande ouverture. Pour ma part, je suis prêt à envisager une révision totale des prêts-bourses à partir de critères tout à fait différents. J'ai d'ailleurs, à plusieurs reprises, parlé d'un crédit étudiant qui pourrait faire le pendant au crédit agricole et qui permettrait des prêts dans des conditions préférentielles. J'ai également ajouté que ceci n'éliminait pas nécessairement la possibilité d'un programme spécial de bourses pour les plus démunis. Mais voilà des décisions qui ne peuvent pas être prises d'emblée à moins d'être totalement irresponsable sur le plan administratif.

En revanche, je crois que, alors que pour la première phase de la révision en 1973/74, nous n'avions pas d'interlocuteur et avions été obligés de prendre les étudiants que nous avons trouvés dans les conseils d'administration des CEGEP, que nous considérions comme les plus représentatifs dans les circonstances, nous avons maintenant des structures qui me paraissent assez représentatives et je souhaite qu'elles se confirment de plus en plus au point de vue de leur représentativité.

Par conséquent, mettons immédiatement en place, une fois les points qui sont contenus dans ce document acquis, les structures nécessaires, de manière que l'on puisse franchir encore un pas en avant en ce qui concerne les prêts-bourses.

Voilà, M. le Président, la position claire et nette du ministère. Si j'ai insisté sur la nécessité pour les étudiants de bien comprendre que leur intérêt n'est certainement pas de débrayer, c'est parce qu'il y a, dans le domaine de l'éducation, des investissements qui intéressent toute la société québécoise. Les étudiants doivent, je pense, le comprendre. Je vous remercie, M. le Président.

M. CHARRON: M. le Président, il y a une question très importante pour les étudiants qui auront à se prononcer sur les offres du ministère de l'Education. Est-ce qu'au chapitre de la contribution des parents la modification annoncée dans ce document constitue la réponse finale du ministère de l'Education, autrement dit le ministre affirme-t-il qu'il n'ira pas, pour l'année scolaire 1974/75, plus loin dans cette offre que ce qu'ont déjà obtenu les étudiants?

M. CLOUTIER: M. le Président, dans notre système actuel de bourses, faire disparaître la contribution des parents signifie une somme de $150 millions à $200 millions pour les contribuables québécois. Qui, dans cette Chambre, osera dire que cette décision peut être prise et improvisée immédiatement? Qui, dans cette Chambre, osera affirmer qu'il ne faut pas faire d'études auxquelles les étudiants peuvent être associés? Qui? Qu'il se lève.

M. le Président, je crois qu'il faut s'en rendre compte. En revanche, je donne raison aux étudiants pour considérer que ce critère ne correspond pas nécessairement à l'évolution des

moeurs et qu'aujourd'hui, avec l'âge de la majorité fixé à 18 ans, on peut très certainement considérer que c'est là une contrainte discutable. Mais je ne crois pas que la façon d'aborder le problème, c'est, dans le cadre du programme actuel, de dire oui. C'est, au contraire de tenter de s'inscrire peut-être dans une autre dialectique.

C'est la raison pour laquelle j'évoquais tout à l'heure la possibilité de dissocier les prêts des bourses, ce qui nous donnerait un système infiniment plus facile à administrer, un système décentralisé et un système qui ne serait pas susceptible de donner lieu aux nombreux retards que l'on a connus depuis quelques années.

J'invite donc les étudiants à s'associer, mais dans un esprit de réalisme et de responsabilité publique, aux efforts que nous tentons actuellement.

M. CHARRON: Dernière question additionnelle, M. le Président.

LE PRESIDENT: Dernière.

M. CHARRON: M. le Président, est-ce que je peux demander au ministre s'il est exact qu'on a fait la proposition suivante aux représentants des étudiants qui dialoguent avec le ministère de l'Education, actuellement: en échange d'une garantie du ministère établissant que ces étudiants ne seraient victimes d'aucune représailles on leur aurait demandé de signer un papier à partir duquel ils s'engageaient à demander à leurs confrères le retour en classe?

M. CLOUTIER: M. le Président, est-ce que je comprends bien la question du député de Saint-Jacques? Est-ce qu'il prétend qu'au ministère on aurait demandé aux étudiants de s'engager par écrit à quelque chose d'analogue? Est-ce bien la question?

M. CHARRON: Je vous demande si on a fait la proposition aux étudiants que le ministère s'engagerait à ne recourir à aucunes représailles à l'égard de ces représentants des étudiants en échange d'un engagement de leur part à demander à leurs collègues le retour en classe.

M. CLOUTIER: M. le Président, certainement pas à ma connaissance et je ne serais pas d'accord sur des engagements de cet ordre. Ce que je sais, c'est que les étudiants ont demandé aux représentants du ministère de l'Education, que j'ai délégués à ce comité de dialogue, qu'aucunes représailles ne soient exercées. Les représentants du ministère ont expliqué que ce sont les institutions locales, dans notre système décentralisé, qui ont la responsabilité de l'évaluation pédagogique et que, par conséquent, il leur revient de voir jusqu'à quel point la session peut être maintenue ou ne pas être maintenue.

Maintenant, M. le Président, je n'accepte pas le mot représailles lorsqu'il s'agit des relations qui doivent s'instaurer entre des étudiants et des institutions d'enseignement. Ce ne sont pas des représailles, M. le Président, que des autorités en place considèrent qu'un diplôme n'est pas valable, s'il est donné, parce que les conditions n'ont pas été remplies.

M. CHARRON: C'est autre chose.

M. CLOUTIER: C'est le bon sens même. Je crois que c'est dans l'intérêt des étudiants de conserver à leur diplôme sa valeur. Déjà, dans certains CEGEP où l'année dernière, des difficultés se sont fait jour, le diplôme est considéré d'une façon douteuse par certaines universités et ce point n'est pas sans m'inquiéter.

Par conséquent, M. le Président, si les étudiants rentrent maintenant et reprennent leurs activités, compte tenu du fait que le processus de dialogue est bel et bien amorcé — et je suis le premier à m'en réjouir — je crois que la plupart des situations locales pourront être arrangées.

Mais il est bien évident que si tout cela devait se continuer — ce que je me refuse à considérer parce que je suis bien obligé d'admettre que les premiers qui en souffriraient seraient les étudiants eux-mêmes — à ce moment-là, le problème devra être évalué à la lumière des circonstances.

M. ROY: M. le Président, j'aurais une question additionnelle.

LE PRESIDENT: Dernière question additionnelle.

M. ROY: Comme ce problème ne sera pas réglé avec des promesses, mais bien avec des décisions, je demanderais au ministre de l'Education s'il accepterait de revenir aux normes qui avaient été établies l'an dernier et les années précédentes, parce que... je n'ai pas terminé, M. le Président.

LE PRESIDENT: Silence, messieurs, s'il vous plaît !

M. ROY: ... selon les informations que j'ai eues et toutes les représentations qui nous ont été faites, les grandes difficultés proviendraient du fait que les nouvelles normes ont restreint le nombre d'étudiants éligibles au système de prêts et bourses cette année.

M. CLOUTIER: Ce n'est pas exact, M. le Président. En fait, la révision avec les correctifs apportés — et vous savez pourquoi, je n'y reviens pas — a amené un taux de prêts-bourses beaucoup plus élevé que l'année dernière — d'au moins 5 p.c. et dans certains milieux de 10 p.c. — et également un montant moyen légèrement plus élevé.

Je pourrais déposer, d'ici quelques jours, des statistiques en provenance des différentes institutions, qui indiqueront très très clairement que la révision de l'année dernière, malgré ses limites — en fait il s'agissait d'une modernisa-

tion des critères utilisés — a donné des résultats. Je dirais aussi que s'il n'y avait pas eu ces erreurs, que je déplore, il n'y aurait probablement pas eu de problème cette année.

Mais je considère que ces erreurs ont un côté positif en ce sens qu'elles ont permis aux étudiants de nous servir d'interlocuteurs et que, si les étudiants veulent précisément travailler dans l'intérêt de tous, ils n'ont pas d'autre solution que de reprendre leurs activités et de continuer le dialogue qui s'est fait jusqu'ici sous le signe de l'ouverture.

LE PRESIDENT: Courte question principale, le député de Johnson et la dernière question, le député de Verdun.

Impasse à la CTCUQ

M. BELLEMARE (Johnson): A l'honorable ministre des Affaires municipales.

Le ministre des Affaires municipales a-t-il pris connaissance de la dernière déclaration de son honneur le maire Lamontagne de Québec concernant le mandat d'enquêter sur les causes qui ont conduit à une impasse administrative et particulièrement sur l'accumulation d'un déficit de $9,500,000 et sur la démission de l'ancien président, M. Yves Poisson?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, sans me prononcer sur une formule, il est évident que nous devons faire un examen très sérieux de la situation financière de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec. Nous faisons de même pour toutes les commissions de transport parce que le transport en commun devient un fardeau très important pour les contribuables dans chacune des importantes agglomérations.

Justement, c'est le problème le plus important sur le plan monétaire pour les contribuables de la Communauté urbaine de Québec. Pour cette raison, j'ai invité les maires et conseillers à me rencontrer et, entre-temps, le ministre des Transports et le ministre d'Etat aux Transports collaborent avec celui qui vous parle et avec d'autres ministres, évidemment, à la recherche d'une formule qui nous permettrait d'aider convenablement les commissions de transport dans les grandes agglomérations.

M. BELLEMARE (Johnson): Seulement une suggestion, M. le Président, est-ce que c'est l'intention du ministre, à la suite de ce déficit de $9,500,000, tel que demandé par le maire Lamontagne, d'instituer une enquête publique ou semi-publique?

M. GOLDBLOOM: Pour l'instant, M. le Président, je vous avoue que je n'ai pas songé à une enquête publique. J'ai voulu commencer par une consultation des premiers responsables, c'est-à-dire les maires et conseillers des municipalités. A la suite de cette conversation, nous pourrons examiner l'opportunité d'aller plus loin et de quelle façon.

LE PRESIDENT: Dernière question à l'honorable député de Verdun.

Elections municipales de Montréal

M. CARON: M. le Président, je voulais poser ma question au premier ministre. En son absence, je voudrais demander au ministre des Affaires sociales s'il peut répondre à ma question. La Voix populaire du 6 novembre 1974 écrit, page 29: "Le 10 novembre, votez RCM, Rassemblement des citoyens de Montréal — une page complète — Jacques Couture et son équipe, dans Sainte-Anne." Pour aller plus vite je ne lirai pas tous les détails mais je vais vous dire que c'est marqué: "Publié par la Clinique médicale communautaire de Pointe-Saint-Charles". Si mes renseignements sont bons, c'est bien spécifié que la clinique est subventionnée exclusivement par le gouvernement provincial depuis trois ans.

Je voudrais savoir si le ministre...

LE PRESIDENT: Question, s'il vous plaît !

M. CARON: ... est au courant; sinon, est-ce qu'il entend faire enquête? Est-ce que c'est dans la politique de son ministère que l'argent des contribuables du Québec soit dépensé pour des campagnes municipales?

DES VOIX: Ah! Ah!

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre, s'il vous plaît! Messieurs, s'il vous plaît ! Est-ce que vous êtes désireux de connaf-tre la réponse?

UNE VOIX: Oui.

LE PRESIDENT: Bon. Un peu de silence, s'il vous plaît!

M. FORGET: M. le Président, je prends avis de la question du député. Il est clair que c'est la première fois que l'on porte à ma connaissance le fait qui a été cité. Il est clair également qu'au plan des principes la question est presque superflue puisqu'il est irrégulier qu'un établissement subventionné entièrement par le ministère des Affaires sociales, ou même seulement en partie, utilise pour des fins électorales les fonds qui lui sont confiés. Donc, je vais faire enquête et faire rapport à cette Assemblée des événements qui ont été allégués.

M. MARCHAND: M. le Président, je me demande pourquoi cette question n'a pas été posée auparavant par l'organisateur en chef du RCM, le député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement.

LE PRESIDENT: Privilège, plutôt. Question de privilège.

M. LEGER: M. le Président, je veux simplement dire au député qu'en aucun cas je ne me suis occupé...

LE PRESIDENT: Ce n'est pas une question.

M. LEGER: ... de l'organisation du RCM â la grandeur de Montréal.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. MORIN: Avant de passer aux affaires du jour, M. le Président...

LE PRESIDENT: Un instant, un instant! Je donne la permission à l'honorable ministre des Institutions financières d'apporter une réponse à une question posée à une séance précédente.

M. TETLEY: Vendredi, M. le Président.

LE PRESIDENT: Brièvement, s'il vous plaît!

Champion Savings

M. TETLEY: C'est tout simplement les vendredis qu'on me pose des questions, M. le Président; je vous demande la permission de n'assister que les vendredis. M. le Président, vendredi dernier, le député de Saguenay m'a posé une question au sujet de Champion Savings. La question était la suivante: "Est-ce que le ministre a été informé que les offres finales de cette compagnie aux détenteurs de certificats d'épargne ne couvrent qu'une faible partie des sommes investies...? "

Réponse du syndic et du président de la Commission des valeurs mobilières: A ce jour, il y a une somme de $2.5 millions dont la compagnie Guaranty Trust of Canada était fiduciaire et qui a été distribuée entre les détenteurs de certificats pour des montants s'échelonnant de 30 p.c. à 60 p.c. des sommes investies. Mais il n'y a eu aucune offre finale de faite. La réalisation de faillite n'est pas terminée.

Deuxième question: "Est-ce que le ministre a été informé qu'une somme supplémentaire de $1 million aurait été offerte lors d'une conférence de presse, par le président du syndic, je pense, M. Zwaig? "

Réponse: Aucune telle offre n'a jamais été faite. La somme de $1 million dont le député de Saguenay fait mention est comprise dans les $2.5 millions déjà distribués. Les sources du député de Saguenay sont mauvaises.

Troisième question: "Est-ce que le ministre, dans la lettre que le député m'a fait parvenir, s'est aperçu qu'il y avait une coupure de journal dans laquelle on faisait mention de la conférence de presse du président des syndics, où on avait annoncé une somme supplémentaire de $1 million qui devait être offerte aux épargnants? "

M. le Président, le journal s'est trompé. Merci.

M. BIENVENUE: M. le Président... LE PRESIDENT: Oui.

M. BIENVENUE: ... est-ce que je pourrais vous demander une directive?

LE PRESIDENT: Allez.

M. BIENVENUE: Le député de Lafontaine s'est levé sur une question de privilège et a fait une déclaration au sujet de sa participation ou pas à l'élection d'un parti politique à Montréal.

Je n'ai pas saisi la déclaration qu'il a faite de son siège comme député et je voudrais vous demander, M. le Président, s'il y a moyen de la lui faire répéter, parce que je ne l'ai pas saisie. Et je sais que lorsque...

M. LEGER: Lisez le journal des Débats.

M. BIENVENUE: ... un député parle de son siège, on doit le croire sur parole. Je veux savoir s'il y a moyen qu'il la répète. Je suis sûr...

M. LEGER: Lisez le journal des Débats.

M. BIENVENUE: ... que, comme gentilhomme, ce qu'il a dit il y a à peine quelques minutes, il n'hésitera à le répéter.

M. LEGER: Lisez le journal des Débats. Je n'ai pas d'objection, M. le Président, à répéter ce que j'ai dit. J'ai dit...

M. BIENVENUE: Répétez lentement.

M. LEGER: ... que je n'ai jamais rempli la fonction d'organisateur en chef sur toute l'île de Montréal pour le RCM, c'est ce que j'ai dit tantôt.

UNE VOIX: Vous êtes un menteur, ce n'est pas ça que vous avez dit.

LE PRESIDENT: A l'ordre! S'il vous plaît!

M. BIENVENUE: M. le Président, avec votre permission toujours, puis-je demander, via cette permission que vous m'accordez en invoquant une directive, parce que là ce que vient de dire le député de Lafontaine, c'est entré au journal des Débats, si ce qu'il vient de dire, il y a vingt secondes, c'est bien ce qu'il a dit il y a à peu près une minute ou une minute et demie et qui est toujours au journal des Débats?

LE PRESIDENT: Cela je ne le sais pas.

M. LEGER: Quant à l'esprit c'est la même chose, si ce n'est le mot à mot. Le mot...

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs! Je crois que tous les députés pourront vérifier, parce que moi, très honnêtement, la première intervention non plus je ne l'ai pas saisie dans le brouhaha général. Ce sera à vous de vérifier, et si vous n'êtes pas satisfait...

M. BIENVENUE: ... une dernière chose sur laquelle je veux me rassurer, M. le Président, c'est qu'on ne corrige au journal des Débats que les erreurs de style, n'est-ce pas, et non pas le fond.

LE PRESIDENT: Oui, oui! A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

Affaires du jour.

En vertu de l'article no 34?

Travaux parlementaires

M. MORIN: En vertu de l'article 34, j'aimerais demander au leader du gouvernement et au ministre de la Justice quelles sont leurs intentions au sujet du projet de loi no 50 sur les droits de l'homme? Le leader et le ministre comptent-ils donner suite à la motion de l'Opposition, à l'effet d'entendre toutes les parties intéressées au projet de loi sur les droits de l'homme, en appliquant les règles qui sont utilisées d'habitude après la première lecture plutôt que d'appliquer les règles qu'on utilise après la deuxième lecture?

M. CHOQUETTE: M. le Président, j'ai noté que le Parti québécois a inscrit une motion au feuilleton pour que l'Assemblée autorise la commission de la justice à convoquer toutes les personnes, tous les groupes intéressés à venir comparaître devant la commission de la justice à une date ultérieure. Je n'ai pas pu faire autrement que de noter qu'il y avait contradiction entre la motion...

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! Je ne peux pas permettre, je m'excuse, je ne suis peut-être pas gentil, mais ce n'est pas mon rôle de permettre des débats. Et je sais que si je vous laisse aller sur ce ton surtout, et en prévoyant le fond, la forme et le fond, que ça va soulever un débat.

M. CHOQUETTE: Je me rends à votre invitation. Je rappellerai seulement, M. le Président...

LE PRESIDENT: Un peu de collaboration. Cela ça ne s'adresse pas à vous, je l'ai toujours, mais de l'Assemblée, s'il vous plaît.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je rappellerai seulement que lorsque cette loi fut adoptée en deuxième lecture par un vote unanime de cette Chambre, ou par un consentement una- nime de cette Chambre, le leader du gouvernement a invité l'Opposition à revenir aux règles qui s'appliquent aux auditions lorsqu'un bill est envoyé en commission après la première lecture, et le Parti québécois — et je ne dis pas ça sur le ton d'un débat, parce que vous savez que je n'ai pas l'intention du tout d'animer un débat à ce moment-ci — mais le Parti québécois, M. le Président, a refusé son consentement...

M. MORIN: II fallait faire une motion annoncée.

M. CHOQUETTE: M. le Président, est-ce que j'ai le droit de parole dans cette Chambre ou est-ce qu'il n'y a que le député de Johnson et le député de Sauvé qui l'ont? Je rappelle les faits...

M. BELLEMARE (Johnson): Très bien! Très bien!

M. CHOQUETTE: ... les faits, M. le Président, il me semble qu'il est important de rappeler les faits pour qu'on puisse juger des circonstances dans lesquelles le chef de l'Opposition fait une demande au leader du gouvernement et à moi-même quant à nos intentions. Je dirai au chef de l'Opposition que nos intentions sont de faire en sorte que le bill 50 soit envoyé en commission de la justice. Je présenterai une motion à la Commission de la justice qui invitera toutes les personnes et les groupes intéressés à venir comparaître devant la Commission, et ceci vers la fin du mois de janvier prochain, de façon à donner tout le temps requis à nos honorables interlocuteurs.

Par conséquent, les intentions du gouvernement sont de battre ou de défaire la motion présentée intempestivement et tardivement par le Parti québécois.

M. MORIN: M. le Président, sans vouloir nouer un débat sur la question, je ferai simplement observer — vous vous en souviendrez sûrement — que la motion du leader du gouvernement était irrégulière parce qu'elle n'avait pas été annoncée conformément au règlement. C'est la raison pour laquelle j'ai inscrit moi-même une nouvelle motion à l'effet qu'on sait.

J'aimerais demander au leader ou au ministre de la Justice...

LE PRESIDENT: Ce serait plutôt au leader. M. MORIN: Oui.

LE PRESIDENT: L'article 34, ça s'adresse au leader parlementaire du gouvernement.

M. MORIN: J'aimerais demander au leader, qui pourra consulter le ministre de la Justice, s'il a l'intention de donner les avis nécessaires pour que les parties intéressées commencent, dès maintenant, à se mettre au travail et à étudier le projet de loi.

M. LEVESQUE: M. le Président, je note, tout d'abord, d'après les récentes paroles du chef de l'Opposition, qu'il attache plus d'importance à la forme qu'au fond. Deuxièmement, quant à savoir si nous allons placer un avis dans la Gazette officielle — je pense que c'est ce à quoi il réfère — je n'ai pas d'objection à le faire. C'est justement l'intention que j'avais lorsque j'ai demandé le consentement unanime. Si on est prêt à le donner maintenant, je suis prêt à m'exécuter.

M. MORIN: M. le Président, puis-je demander quand cet avis sera donné, approximativement? Quand comptez-vous donner cet avis?

M. LEVESQUE: M. le Président, nous comptons donner l'avis en temps opportun.

M. MORIN: M. le Président...

LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que vous avez une question en vertu de l'article 34? Je ne peux pas...

M. MORIN: Oui, j'en ai une autre, M. le Président. Conformément à vos instructions, on doit soulever la question de l'audition des parties intéressées à un projet de loi immédiatement après la première lecture. On nous a proposé tout à l'heure, la première lecture du projet no 57 sur les réserves écologiques. Est-ce que le leader du gouvernement a l'intention de convoquer les parties intéressées à la conservation des espèces animales et végétales, les hommes de science ou encore les parties qui pourraient s'opposer — s'il en existe — au projet de loi, avant la deuxième lecture?

M. LEVESQUE: M. le Président, dans ce cas-ci, le ministre des Terres et Forêts me rappelle qu'une commission parlementaire a siégé justement sur cette question.

M. MORIN: Dois-je comprendre qu'il n'y aura pas de convocation des parties intéressées avant la deuxième lecture? C'est bien cela?

M. LEVESQUE: M. le Président, on peut comprendre ce qu'on voudra. Je viens de dire que les parties intéressées ont eu déjà l'occasion de se faire entendre.

M. MORIN: M. le Président, puis-je demander si les parties ont eu l'occasion de se faire entendre sur le projet de loi?

M. LEVESQUE: Sur le contenu du projet de loi.

M. ROY: M. le Président, une courte question...

LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce-Sud.

M. ROY: ... en vertu de l'article 34, au leader du gouvernement. Nous avons des informations à l'effet que la loi du crédit forestier serait prête actuellement. Est-ce qu'on peut nous dire pour quelle raison...

LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre, à l'ordre ! A l'ordre, s'il vous plaît ! Ce n'est pas la première fois que je donne des directives sur cette question. Si ce n'est pas au feuilleton, je ne le permettrai pas en vertu de l'article 34. A l'ordre, messieurs!

Avant de passer aux affaires du jour, j'avais reçu un avis de l'honorable député de Johnson, en vertu de l'article 78, pour la tenue d'un débat d'urgence sur l'effet désastreux de la grève des inspecteurs de grains, sur la constitution de réserves de céréales au Québec pour cet hiver et sur les pertes économiques importantes qui peuvent découler de cette grève.

Je suis prêt à rendre ma décision sur cette question. Je pense qu'il y a eu pas mal de questions et de réponses. Très brièvement...

M. BELLEMARE (Johnson): J'accepte votre décision, M. le Président.

LE PRESIDENT: Vous ne la connaissez pas encore.

M. BELLEMARE (Johnson): Non, mais je la prévois.

LE PRESIDENT: Vous la prévoyez.

M. BELLEMARE (Johnson): Je la sens venir. Je pourrais peut-être laisser entre vos mains cet avis et, jeudi, avant l'appel des affaires du jour, nous pourrions revenir sur le sujet pour connaître les commentaires qu'aura à faire à cette Chambre l'honorable ministre de l'Agriculture, à son retour d'Ottawa.

LE PRESIDENT: Au lieu de mettre une date précise, comme jeudi, je dois vous dire franchement que je ne pouvais pas accepter ce débat pour différentes raisons, à cause de la compétence, de la juridiction des différents niveaux de gouvernement.

Egalement, ces débats d'urgence sont quand même des débats tout à fait exceptionnels. On sait que dans notre monde en mouvement, actuellement, on pourrait facilement avoir des demandes de débats d'urgence pratiquement tous les jours. Cela peut soulever ce problème d'une question de crise éventuelle dans quelques semaines, à peine, mais ces débats d'urgence doivent être accordés dans des conditions tout à fait restrictives. Je suis d'accord avec vous pour qu'on garde cette demande en suspens pendant quelque temps afin de voir comment la situation ou les événements se dérouleront d'ici quelques jours.

M. BELLEMARE: ... minidébat.

LE PRESIDENT: Vous avez le droit à un minidébat d'ailleurs, même aujourd'hui ou jeudi.

M. BELLEMARE: M. le Président, je vais...

LE PRESIDENT: D'accord.

M. BELLEMARE: ... un minidébat.

LE PRESIDENT: En ce qui concerne la séance d'aujourd'hui, du moins, ce débat d'urgence n'est pas accepté.

Affaires du jour.

M. LEVESQUE: M. le Président, à huit heures, ce soir, la commission parlementaire des corporations professionnelles entreprendra l'étude du projet de loi déjà déféré à cette commission, soit le projet de loi no 39, Loi modifiant le code des professions et autres dispositions législatives. Je fais motion à cet effet. A huit heures, au salon rouge.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. LEGER: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEVESQUE: Au salon rouge ou dans une autre salle disponible.

M. LEGER: Au salon rouge?

M. LEVESQUE: Au salon rouge, à moins que d'autres dispositions aient été prises. Dans ce cas, ce sera la salle 81. On pourra le dire dans quelques instants.

Article no 3.

Projet de loi no 76 Troisième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la troisième lecture du projet de loi no 76, Loi modifiant la loi favorisant le regroupement des municipalités.

L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: Si je peux trouver mes papiers.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

M. Marcel Léger

M. LEGER: M. le Président, étant donné que nous sommes rendus au stade de la troisième lecture, je voudrais reprendre certains points et en ajouter quelques autres sur la raison pour laquelle nous nous opposons à ce projet de loi.

Nous savons que la loi 276, qui favorisait le regroupement des municipalités, était une occasion pour décréter des unités de regroupement permettant aux municipalités qui ont des choses en commun de fusionner et de bénéficier, par le fait même, des possibilités d'un accroissement de population, donc de revenus et, consé-quemment, avec plus de revenus, d'être capables de réaliser plus de choses selon les besoins ou les priorités de ces municipalités.

M. le Président, le projet de loi no 76, retarde la date de l'avis d'élection qui, normalement, devait être décrétée dans les trois mois et l'augmente de trois autres mois, empêchant ainsi les citoyens de ces municipalités de se prononcer par ce geste qui aurait pu être un référendum sur le projet de regroupement et de fusion.

Je dis que c'est un affront à la démocratie. Le projet de loi no 76, tel qu'il est présenté, je ne puis faire autrement que de le qualifier d'affront à la démocratie.

Les populations de nombreuses villes impliquées dans un processus de regroupement n'ont pas le loisir de se prononcer par ce référendum possible qu'est une élection. Et voilà qu'une loi du gouvernement québécois leur enlève, pour une période de trois mois additionnels, la possibilité de le faire par élection.

C'était déjà normal de se prononcer il y a trois mois. On a reculé cette possibilité de trois mois pour permettre à des personnes, surtout parmi les élus, de s'opposer à un regroupement qui ne leur conviendrait pas pour différentes raisons. Mais la population là-dedans, est-ce qu'elle a son mot à dire?

Ce sont souvent les élus, au niveau municipal, soit les maires, soit les échevins, qui ont discuté des avantages et désavantages d'un regroupement. Un regroupement municipal, qui est une première étape vers une fusion possible, a comme objectif le mieux-être des citoyens. Qui saura que c'est mieux, si ce n'est la population? Qu'est-ce qu'elle a eu à dire là-dessus? Rien. Les maires, les échevins avaient l'occasion d'en discuter. Ils se sont prononcés pour ou contre publiquement. L'occasion leur était fournie, lors d'une élection, de se prononcer en faveur des candidats, soit à l'échevinage, soit à la mairie, sur ce projet de fusion des municipalités.

Le ministre leur enlève cette occasion. Ils ne pourront pas se prononcer. En certains endroits du Québec, à Hull, dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, des procédures ont été retardées, bloquées par ce qu'on appelle en langage juridique un bref de mandamus...

M. HARVEY (Jonquère): C'est réglé chez nous.

M. LEGER: C'est réglé chez vous? Mais cela existe encore dans la région de Hull.

M. HARVEY (Jonquière): ... que c'est le cas chez nous.

M. LEGER: Mais cela a eu lieu chez vous, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. C'est une occasion pour des personnes, qui veulent se regrouper, de procéder là-dessus et pour ceux qui ne veulent pas le regroupement, pour des raisons personnelles ou autres, de bloquer ce projet. Les citoyens regardent passer Ça.

On sait fort bien que plus une municipalité a des revenus, plus elle a de population, plus elle peut acquérir des devoirs ou des pouvoirs, donc plus elle pourra donner des services à la communauté. Plus elles sont petites, moins elles peuvent donner de services à la population. Les quelque 15,000 municipalités du Québec, actuellement, n'ont pas les moyens de donner à leur population ce qui leur est demandé par celle-ci. Elles n'ont pas les revenus. Elles n'ont pas la densité de population, les moyens pour donner à la population ce qu'elle désire.

Le regroupement, par le bill 276, était une occasion. Mais, actuellement, le bill 76 veut tout simplement prolonger la date d'une élection dans ces municipalités pour permettre peut-être de bloquer un processus de regroupement.

Je dis que c'est une attaque à la démocratie. Le ministre des Affaires municipales nous a affirmé, vendredi dernier, et je le cite, en deuxième lecture, journal des Débats, le vendredi 29 novembre, page 3086: "Les élections municipales risqueraient de ne pas permettre une expression valable de l'avis des citoyens."

Quand le ministre des Affaires municipales nous dit ça, on est en droit de se demander où va la démocratie québécoise sous le gouvernement Bourassa.

Si une élection n'est pas une occasion pour les citoyens d'exprimer leur volonté, qu'est-ce qui est une expression de la population?

Vous avez des gens, des maires, des conseillers à l'intérieur, disons, d'une unité de regroupement qui regrouperait, par exemple, cinq municipalités. Il y a cinq maires et peut-être 25 ou 30 conseillers. C'est sûr que le résultat d'un regroupement au niveau des citoyens peut être un avantage, mais il peut être, aussi, au niveau des élus, un désavantage, en ce sens qu'on n'aura besoin, bientôt, que d'un seul maire pour cette grande municipalité élargie de cinq anciennes municipalités. Il y a aussi la possibilité de n'avoir que cinq, six, huit ou neuf postes de conseillers, alors qu'il y en avait 25 ou 30 avant. C'est sûr qu'il y en a qui vont perdre des postes là-dedans, M. le Président.

C'est pour cela qu'il n'est pas nécessaire d'obtenir uniquement le point de vue des intéressés, des conseillers et des maires. Il faut aussi obtenir le point de vue réellement intéressé de ceux qui vivront ce regroupement et cette fusion, qui sont les citoyens de ces municipalités.

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, est-ce que le député me permettrait une question?

M. LEGER: Elle doit être "loadée", mais on va l'écouter pareil.

M. HARVEY (Jonquière): Non, elle n'est pas "loadée". Est-ce que le député pourrait me dire s'il a, quand il a eu du temps libre, lu la loi 276 pour avoir des propos tels qu'il tient? Car il sait fort bien qu'à un moment donné tous les conseillers municipaux et les maires intéressés dans une unité de regroupement ont non pas le privilège, mais le devoir de siéger pendant des mois et des mois. De plus, la Commission municipale a l'obligation d'aller siéger dans le ou les secteurs dissidents afin d'entendre les populations et de rendre un verdict afin de permettre au ministre responsable de l'application de cette loi de recommander ou non l'émission des lettres patentes ou d'obtenir, selon la recommandation de la Commission municipale, une consultation dans le ou les secteurs impliqués dans l'unité.

A entendre le député, M. le Président, on dirait qu'il n'a jamais lu la loi 276.

M. LEGER: M. le Président, je pense que le ministre devrait lire les propos que j'ai tenus à l'occasion de l'étude du projet de loi no 276. Il se renseignerait sur la compréhension, le contenu et notre perception de ce projet de loi.

M. HARVEY (Jonquière): Vous avez voté pour. C'est pour cela, vous êtes incohérents.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LEGER: M. le Président, je ferais remarquer au ministre du Revenu, qui est très sympathique, que sa question n'en était pas une. C'était une occasion pour lui de s'exprimer et de donner son point de vue, ce qu'il aurait pu faire facilement en intervenant dans le débat.

M. HARVEY (Jonquière): Je n'ai pas le droit?

M. LEGER: Mais je peux quand même faire remarquer au ministre, à propos de la fusion non voulue par une population, que la loi 276 permet quand même aux gens qui sont élus de procéder rapidement au groupement, comme c'est possible aussi pour les élus qui ne veulent pas de ce regroupement de le bloquer indéfiniment, contrairement aux besoins des citoyens. Vous avez les deux. Il faut tenir compte des intérêts, c'est normal. Il faut l'accepter; cela fait partie du jeu démocratique. Il y a des élus qui peuvent défendre leurs intérêts, comme il y en a d'autres, qui sont très désintéressés, qui veulent tout simplement le bien-être des citoyens.

La loi 276, telle quelle, permettrait les deux choses, mais, en prolongeant la date des élections, M. le Président, on empêche les citoyens de se prononcer démocratiquement pour ou contre le projet de regroupement municipal ou de fusion.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous sommes complètement opposés à ce prolongement, parce que nous ne pouvons admettre qu'un prolongement indu de ce délai soit permis avec un effet rétroactif, dans certains cas, comme à Hull.

Est-ce que le gouvernement craindrait que les citoyens des municipalités visées ne se prononcent, lors des élections, sur la question de la fusion? C'est ce qu'on se demande. M. le Président, vous avez une occasion parfaite de permettre aux citoyens de voter pour ceux qui se sont prononcés soit pour ou contre, mais selon leur désir. Les gens, s'ils sont en majorité en faveur de la fusion de plusieurs municipalités, voteront pour les conseillers ou les maires qui auront prôné cette option et ceux qui sont contre la fusion des municipalités voteront pour les maires ou les conseillers qui se seront prononcés contre la fusion.

Je pense que c'est la façon la plus démocratique de le faire et ce n'est pas en prolongeant indûment cette période qu'on va régler la question. C'est la raison pour laquelle — je ne veux pas intervenir plus longtemps — nous voterons, en troisième lecture, contre ce projet de loi qui est antidémocratique.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): L'honorable ministre des Affaires municipales.

M. Victor Goldbloom

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je serai très bref. Le projet de loi qui est devant la Chambre n'empêche pas la tenue d'élections dans les municipalités. Sans ce projet de loi, les citoyens n'auraient aucun choix et cela voudrait dire que les élections municipales auraient lieu, de toute façon, que les administrateurs municipaux soient d'accord ou non, au mois de février. La loi est ainsi faite actuellement. Nous donnons donc une liberté de choix aux municipalités intéressées.

Le député de Lafontaine essaie de me prêter une interprétation qui n'est certainement pas celle que j'ai voulu donner en signalant que, peut-être dans une élection municipale tenue à un moment où le dossier de la fusion ne serait pas encore complet, on ne serait pas en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause sur cette question et que, pour cette raison, peut-être que dans certaines municipalités on préférera attendre que le dossier soit complet et tenir les élections après. Ce n'est pas plus compliqué que cela.

C'est une situation qui est un peu exceptionnelle à cause du fait que des procédures ont été intentées par certaines personnes. Donc, le calendrier qui avait été prévu dans ce que l'on appelle la loi 276, c'est-à-dire dans le chapitre 53 des lois de 1971, et il est évident que cette loi a été votée par l'Assemblée nationale, le 13 décembre de cette année, et il y a un certain nombre de députés qui siégeaient en cette

Chambre sous la bannière du Parti québécois qui ont voté pour ce projet de loi à l'époque. Je ne voudrais pas accepter la thèse que cette loi est parfaite. Au contraire. Je pense que l'expérience que nous sommes en train de vivre nous mènera à repenser cette loi à plusieurs points de vue.

Alors, ce n'est pas pour bafouer la démocratie, c'est tout simplement pour donner une plus grande liberté aux intéressés que nous permettons le choix ou de tenir les élections comme prévu au mois de février ou d'attendre plus tard. Certainement qu'entre-temps le dossier sera complet et l'on pourra se prononcer en toute connaissance de cause sur une question très importante dans les municipalités intéressées.

M. le Président, n'en faisons pas de drame, c'est un projet qui élargit les possibilités d'action pour les gens intéressés et j'en recommande l'adoption à la Chambre.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard ): Cette motion de troisième lecture du projet de loi no 76, Loi modifiant la loi favorisant le regroupement des municipalités, est-elle adoptée?

M. LEGER: M. le Président, sur division.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Adopté sur division.

M. BIENVENUE: Article 2, M. le Président.

Projet de loi no 66 Troisième lecture

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): L'honorable ministre des Affaires municipales propose la troisième lecture du projet de loi no 66, Loi concernant la Communauté urbaine de Montréal.

M. GOLDBLOOM: Adopté.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Le député de Lafontaine.

M. Marcel Léger

M. LEGER: M. le Président, nous voilà au bâton encore une fois, sans point ni coup sûr.

Je voulais simplement, M. le Président, profiter de l'occasion de la troisième lecture de ce projet de loi no 66, touchant les délais prévus à la Loi de la communauté urbaine de Montréal, pour demander au ministre s'il a l'intention — j'espère qu'il me répondra lors de sa réplique — de convoquer une commission parlementaire dans les plus brefs délais possibles, ce qui veut dire d'ici une semaine ou dix jours, pour entendre les maires des municipalités ainsi que

les représentants de la Communauté urbaine de Montréal afin que, devant les députés de cette Chambre et avec l'aide du ministre des Affaires municipales et des députés de l'Opposition, on fasse un tour d'horizon sur les possibilités d'améliorer la situation inacceptable dans laquelle vivent les municipalités à l'intérieur de la Communauté urbaine de Montréal. Je demande au ministre de me répondre là-dessus tantôt, puisqu'il l'a déjà promis en Chambre quand je lui ai posé la question. Le ministre m'a dit à ce moment-là: Nous allons rencontrer les maires et, immédiatement après la rencontre des maires de la Communauté urbaine de Montréal, nous procéderons à la convocation d'une commission parlementaire. Le ministre des Affaires municipales lui-même nous l'a promis. J'espère qu'il va tenir sa promesse, M. le Président, et la convoquer dans les jours qui vont suivre, de façon que nous puissions ensemble, en plein jour, évaluer les désavantages, les avantages, les correctifs, les améliorations qu'on peut apporter au système de la Communauté urbaine de Montréal, spécialement à la lueur du rapport Hanigan.

M. le Président, le bill 66 ne règle rien, absolument rien. Parce que le bill 66, malheureusement, touche l'aspect de reporter — encore un bill cataplasme comme le bill 76 — une échéance concernant le budget de la Communauté urbaine de Montréal à une moyenne d'à peu près un mois pour chacune des dates citées dans la loi. Mais cela ne règle pas le problème de fond, M. le Président. On a beau à chaque année revenir sur la question, les gens ne peuvent plus vivre ensemble dans la Communauté urbaine de Montréal de la façon dont cela fonctionne. Il y a un problème de représentativité, il y a un problème de distribution d'autorité, il y a un problème de financement, dans le domaine de la Communauté urbaine de Montréal, entre le géant qu'est la ville de Montréal et les municipalités à l'intérieur de la communauté urbaine.

M. le Président, le ministre n'a fait preuve à ce jour d'aucune imagination. Très peu imaginatif, c'est le ministre qui essaie de calmer les esprits, d'éteindre les feux. Mais, à ce jour, il n'a pas prouvé qu'il avait de l'imagination pour trouver des correctifs à la situation explosive de la Communauté urbaine de Montréal. Les maires qui ont rencontré le premier ministre lui ont dit: A quoi sert d'adopter un budget, à quoi sert de discuter d'un budget de la Communauté urbaine de Montréal si, malgré tous les correctifs, malgré tous les amendements que nous allons proposer, il va être automatiquement adopté? M. le Président, c'est leur faire jouer un rôle, je dirais, d'imbéciles. On dit: Venez étudier le budget et que vous l'adoptiez ou non, à partir de telle date, si vous ne vous êtes pas entendus, il est adopté. Mais à quoi sert l'étude d'un budget pour la Communauté urbaine de Montréal si on ne peut faire aucune correction? A quoi sert d'avoir un budget de la Communauté urbaine de Montréal quand la plus grosse partie du budget échappe au contrôle des élus?

Le budget de la police de Montréal échappe aux élus. Cela n'a pas d'allure! De 1972 à 1975, les prévisions budgéraires de la Communauté urbaine de Montréal ont été continuellement dépassées à un rythme inacceptable et difficilement assimilable par les contribuables de la Communauté urbaine de Montréal, spécialement des villes environnantes. M. le Président, d'un budget de $92 millions quand la communauté urbaine a été créée — c'était une période transitoire — on est rendu à un budget de $225 millions pour 1975.

M. le Président, je vous vois froncer les sourcils, c'est exactement l'objet du projet de loi, M. le Président, adopter le budget.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): L'article 126 prévoit que vous devez vous en tenir au contenu et le contenu du projet de loi prévoit l'abolition des délais et aussi la possibilité d'un nouveau partage du budget supplémentaire. Alors c'est le contenu.

M. LEGER: M. le Président, est-ce que je peux, sur ce point de règlement, vous faire remarquer que l'article 120 permet aussi aux députés de l'Opposition, sur un projet de loi, de donner les moyens pour arriver à cette fin? Et les moyens, M. le Président, ce n'est pas le projet de loi, c'est justement le problème à l'intérieur du budget que nous vivons et c'est la raison pour laquelle la situation est explosive. Est-ce que vous êtes au courant que les maires de la Communauté urbaine de Montréal ont dit: Ce budget non seulement on ne l'accepte pas, mais on menace même de ne pas payer notre quote-part? Et le premier ministre a dit: Nous allons mettre les municipalités en tutelle.

Je pense qu'il est temps que le ministre bouge. La commission parlementaire devrait être convoquée d'une façon urgente pour permettre d'entendre les doléances des maires. Qu'on passe au peigne fin les problèmes majeurs que nous vivons avec la Communauté urbaine de Montréal. Ce projet de loi, qui ne fait que reporter d'un mois l'adoption du budget, ne règle pas le problème. C'est la raison pour laquelle nous sommes obligés de nous opposer à ce projet de loi. La communauté urbaine a été formée comme une étape de transition à une sorte de gouvernement régional où il y aurait une meilleure répartition des pouvoirs, avec des responsabilités accrues et avec aussi des sources de revenu personnelles devant leur être données.

La communauté urbaine ne peut pas fonctionner avec des budgets discrétionnaires.M. Hanigan a demandé, pour 1975, une subvention de $90 millions. Qu'est-ce qu'on va avoir? Le ministre, à grand renfort de publicité, dira: Le gouvernement du Parti libéral donne une subvention de $6.5 millions à la Communauté urbaine de Montréal. Et là je vais voir une

cinquantaine de "back-benchers" applaudir. Le problème sera encore complètement à la même place. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'une façon de régler le problème serait peut-être de demander que les municipalités contrôlent l'ensemble du budget, qu'elles aient la possibilité de nommer le chef de police, avec peut-être un droit de veto pour le gouvernement, de façon qu'on ne permette pas une erreur comme on aurait pu en avoir une avec la nomination possible d'un chef de police qui aimait beaucoup les téléviseurs couleurs. On en aurait vu de toutes les couleurs, s'il avait été nommé.

On comprend, mais ce n'est pas une raison pour empêcher une personne d'être chef de police, qu'on aura une loi dans laquelle on va s'attacher les deux pieds dans le ciment. Personne n'est satisfait de la façon dont fonctionne la Communauté urbaine de Montréal et pourtant il y a une solution, à l'intérieur de la Communauté urbaine de Montréal comme gouvernement régional, qui devrait être trouvée avec la participation des maires des banlieues, du maire de Montréal et du comité exécutif de la Communauté urbaine de Montréal.

Il y a une solution là-dedans, mais la première qui est absolument inacceptable comme situation, c'est le fait que la nomination du chef de police de la Communauté urbaine de Montréal échappe au contrôle de ceux qui ont à subir par la suite ce système policier; il faut qu'ils le contrôlent. C'est la raison pour laquelle nous faisons la suggestion que tout le conseil de sécurité soit remis à la Communauté urbaine de Montréal, administré et nommé par la Communauté urbaine de Montréal. Que le gouvernement provincial se garde un droit de veto sur la nomination du directeur de la police de la Communauté urbaine de Montréal mais que l'essentiel vienne des instances concernées. C'est la seule façon, je pense, de régler le problème du conflit qui existe au niveau du conseil de sécurité, qui coûte si cher aux municipalités actuellement puisque le coût pour la police correspond pratiquement à 60 p.c. du budget.

Alors je pense que c'est une chose qui est inacceptable. Il y a aussi un autre point qu'il faut mettre de l'avant.

Il faut qu'il y ait des élections au suffrage universel au moins d'une façon assez importante dans l'élection des élus de la Communauté urbaine de Montréal, une élection au suffrage universel pour une bonne proportion d'élus. Si ce n'est pas le cas, les citoyens ne peuvent pas rejeter, lors d'une élection, le mauvais comportement d'un maire. Le maire peut être un très bon administrateur de sa municipalité mais un mauvais représentant à la Communauté urbaine de Montréal. C'est une élection indirecte et on ne peut pas battre un maire qui est très bon pour sa municipalité parce qu'il est mauvais administrateur au niveau de la Communauté urbaine de Montréal. La population ne peut rien y faire. Donc, il faut une élection au suffrage universel pour une grande proportion des élus.

Il faut donner plus de pouvoirs à la Communauté urbaine de Montréal. Je viens d'en donner un exemple concernant le Conseil de sécurité, la police. Il faut donner une source de financement propre, à la Communauté urbaine de Montréal, faire disparaftre, par étapes, la taxe foncière qui est une taxe régressive, une taxe qui ne convient plus à notre situation actuelle. On sait que la taxe foncière était utile dans le temps où la richesse des maisons, des propriétés correspondait au plus bel exemple de la valeur financière des gens. Aujourd'hui, ce n'est plus ça; vous avez des gens qui vivent en appartement et qui valent beaucoup plus qu'une personne qui possède une propriété hypothéquée à 90 p.c. C'est donc dire que la propriété n'est plus la base ou l'exemple de la richesse d'une personne. Garder la taxe foncière, c'est contre le fonctionnement normal d'une municipalité. C'est même une taxe sur le logement, la taxe foncière. C'est même une façon d'empêcher la rénovation et, la restauration des immeubles, puisque les gens n'osent pas faire de dépenses, sachant qu'ils seront évalués davantage s'ils font la rénovation de leur maison, donc qu'ils paieront plus de taxes. C'est un obstacle à la rénovation et à la restauration, M. le Président. Il faut que, très bientôt, on passe, par étapes, à la disparition de la taxe foncière.

Il faut, de plus, donner des revenus personnels à la Communauté urbaine de Montréal et aux municipalités en général et non faire en sorte qu'elles dépendent du bon vouloir du gouvernement provincial. Le gouvernement provincial, à ce moment-là, peut se permettre de faire du chantage, d'une part, et, d'autre part, les municipalités et la Communauté urbaine de Montréal ne peuvent budgéter d'avance des projets parce qu'elles sont bloquées quant aux sources de revenu possibles leur permettant de faire des projets à long terme. Si on veut aller de l'avant, avec des gouvernements régionaux comme la Communauté urbaine de Montréal et comme la Communauté urbaine de Québec, il faut leur donner des sources de revenu propres à elles, de façon qu'elles puissent planifier leur propre développement.

Je pense que la structure actuelle de la Communauté urbaine de Montréal doit être repensée. Le premier geste positif que le ministre des Affaires municipales devrait faire... J'attends dans sa réplique sa bonne volonté et le respect de parole qu'il nous a donnée il y a quinze jours quand il nous a dit: La commission parlementaire des affaires municipales sera convoquée immédiatement, après que le premier ministre aura rencontré les maires, afin de rencontrer les maires et les représentants de la Communauté urbaine de Montréal. On sait qu'il les a rencontrés, on sait que les maires sont en furie; ils ont même menacé de ne pas payer le surplus de taxes qu'on va leur imposer pour la Communauté urbaine de Montréal parce qu'ils

ne contrôlent pas le Conseil de sécurité et qu'ils ne contrôlent pas ce budget qui est adopté, qu'ils le veuillent ou non.

Le premier ministre leur a dit qu'à ce moment il mettrait les villes en tutelle et les maires ont répliqué: D'accord, faites ce que vous voulez. Ils sont en train de boycoter la Communauté urbaine de Montréal. Avant qu'on aille trop loin, je demande au ministre des Affaires municipales, en concluant, qu'il convoque, dans le plus bref délai, c'est-à-dire dans les prochains dix jours, les maires à la commission parlementaire des affaires municipales afin qu'on étudie, avec eux, les solutions possibles à la lueur du rapport Hanigan ou autrement.

Je vous remercie, M, le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Le ministre des Affaires municipales.

M. Victor Goldbloom

M. GOLDBLOOM: M. le Président, l'honorable député de Lafontaine, à même le texte fort restreint du projet de loi qui est devant la Chambre, a couvert un territoire assez vaste. Il a posé des questions, il a cité des problèmes que tout le monde connaît, il a énoncé quelques vérités de La Palice et...

M. LEGER: Les vérités de "la police".

M. GOLDBLOOM: ... il m'a demandé si j'ai l'intention de convoquer la commission parlementaire.

M. le Président, vous me permettrez, sûrement de lui répondre, puisque vous lui avez permis la question. Vraiment, je pense que c'est tout ce que j'aurai à dire sur le projet de loi, parce que l'on connaît les circonstances dans lesquelles il est présenté. Là aussi, il y a un problème de calendrier, un problème qui n'avait pas été prévu dans la loi constitutive de la Communauté urbaine de Montréal. Nous devons permettre à cet organisme de fonctionner. Alors, ce n'est pas plus compliqué que cela.

Or, M. le Président, pour répondre à la question, je voudrais souligner ceci. Devant les plaintes et revendications des maires des municipalités dites de banlieue et de leurs contribuables, le premier ministre a invité les maires à le rencontrer et il a invité le ministre de la Justice et celui qui vous parle à être à ses côtés lors de cette rencontre. Elle a eu lieu le 18 novembre. Les maires ont demandé d'autres rencontres avec les ministres intéressés. Parce que le problème des services policiers et, notamment, des coûts des services policiers est le problème le plus important, en termes financiers. La demande a été de rencontrer le ministre de la Justice au sujet des problèmes dans le domaine policier.

Le ministre de la Justice et moi-même avons discuté de l'opportunité pour moi d'être présent; nous sommes venus à la conclusion que je devais être à cette réunion. Elle a eu lieu hier. Presque tous les maires étaient présents et, contrairement à la première rencontre demandée par les seuls maires de banlieue, nous avons cru bon inviter à cette deuxième rencontre, le maire de Montréal, le président de la communauté urbaine et les membres du conseil de sécurité. Tout ce monde était présent. La discussion s'est déroulée pendant approximativement deux heures et demie. La conclusion, de nouveau à la demande des maires, a été de constituer un comité restreint, avec quelques maires désignés par le groupe entier et avec les fonctionnaires des deux ministères — et d'autres ministères si nécessaire — et que ce comité se penche sur des problèmes précis. Ils chercheraient des solutions.

J'ai invité les maires à me rencontrer une autre fois pour discuter des autres problèmes, ceux qui ne concernent pas les services policiers qui relèvent du ministre de la Justice. Je leur ai demandé: Est-ce que vous préféreriez une réunion où tout le monde sera présent ou voudriez-vous inscrire cette rencontre dans le cadre du travail du comité qui sera constitué? Les maires ont exprimé l'avis qu'ils voudraient rencontrer tous ensemble le ministre des Affaires municipales, et par la suite, si nécessaire, attribuer au même comité ou à un deuxième comité l'étude détaillée des problèmes.

Je leur ai dit, lors de la première rencontre du 18 novembre où le premier ministre les a reçus, que j'avais donné à l'Assemblée nationale l'engagement que la commission parlementaire serait convoquée. Les maires ont exprimé le désir de poursuivre le travail que je viens de décrire, avant de se rendre à Québec devant la commission parlementaire, pour l'instant, plutôt que de choisir ce forum pour discuter de leurs problèmes.

Alors, je demeure à leur disposition, M. le Président. Je n'ai pas l'intention de ne pas convoquer la commission parlementaire. Au contraire, j'ai donné l'engagement, j'ai l'intention de le respecter. Ils ont demandé un temps additionnel et ils ont préféré consacrer ce temps au travail que j'ai indiqué.

Alors, je pense que nous sommes en bonne voie au moins de faire l'examen qu'il faut des problèmes et, espérons-le, de leur trouver une solution.

Donc, je pense que nous devrons attendre un peu que les principaux intéressés soient prêts à venir nous rencontrer. Entre-temps, il y a beaucoup de travail à faire. Par comparaison avec l'honorable député de Lafontaine — et ce n'est pas désobligeant, ce que je dis à son endroit, mais l'histoire a voulu qu'il soit aujourd'hui député de l'Opposition et moi, ministre des Affaires municipales — je suis davantage au courant des problèmes, conscient de leurs difficultés et intéressé à leur trouver une solution.

Donc, de nouveau, nous avons un projet de loi devant nous qui n'est pas dramatique, adoptons-le. Continuons notre travail dans l'in-

térêt de toute la collectivité montréalaise pour permettre aux municipalités de vivre ensemble, de collaborer ensemble, de gérer ensemble les services qui doivent être gérés au niveau de la région. Trouvons les solutions aux autres problèmes, notamment aux problèmes financiers, pour soulager les contribuables et pour leur donner une plus grande satisfaction dans la collaboration intermunicipale qui demeure indispensable sur l'île de Montréal.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Cette motion de troisième lecture du projet de loi no 66, Loi concernant la Communauté urbaine de Montréal, est-elle adoptée?

M. LEGER: Sur division, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Adopté sur division.

M. BIENVENUE: Article 18, M. le Président.

Projet de loi no 64 Deuxième lecture

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): L'honorable ministre des Affaires sociales propose la deuxième lecture du projet de loi no 64, Loi modifiant le régime de rentes du Québec.

L'honorable ministre.

M. Claude Forget

M. FORGET: M. le Président, le présent projet de loi constitue le deuxième amendement au régime de rentes que j'ai l'honneur de présenter à titre de ministre des Affaires sociales. Ces deux amendements s'inscrivent dans le cadre d'un processus de révision de toutes les mesures de sécurité sociale au Québec et au Canada.

Il convient, je crois, en ce moment, de faire le point sur cette révision, et cela tout particulièrement à la suite des travaux et des décisions récentes prises dans ce domaine, décisions qui ont culminé dans les conclusions de la conférence fédérale-provinciale des ministres du Bien-Etre, qui s'est tenue à Ottawa les 19 et 20 novembre dernier.

Cela fait, et le régime de rentes étant ainsi situé dans un contexte approprié, je m'attacherai à décrire les caractéristiques majeures de l'amendement au régime qui vous est présentement soumis.

Enfin, je me dois de vous indiquer la répercussion de ces changements sur la caisse du régime de rentes. J'aurai, à ce sujet, des réponses à apporter aux commentaires de certains organismes sur les politiques gouvernementales à cet égard et je vous ferai part de mes intentions dans ce domaine.

Faire le point sur la révision des régimes de sécurité sociale au Canada et au Québec m'amène inévitablement à vous parler du rôle du Québec dans ce processus. Comme on le sait, c'est le Québec qui fut l'initiateur de cette idée et c'est à lui que l'on doit attribuer l'existence même du processus de révision actuellement en cours. Cette révision implique la collaboration de l'ensemble des gouvernements des provinces et du gouvernement fédéral dans une remise en question fondamentale de l'ensemble des mesures de sécurité sociale au Canada.

J'ai d'autant moins d'hésitations à vous en parler aujourd'hui que le principe de cette révision fut acquis grâce aux efforts de mon prédécesseur, appuyé en cela par l'ensemble du gouvernement Bourassa.

Je dois en tout premier lieu mentionner la tranche du rapport Castonguay-Nepveu relative à la sécurité du revenu qui fut publiée en 1971. Ce rapport fut suivi de multiples démarches et discussions par lesquelles l'idée d'une telle remise en question fut inlassablement mise de l'avant comme étant la seule solution possible aux incohérences trop souvent remarquées d'une multitude de mesures: assurance-chômage, sécurité de la vieillesse, accidents du travail, allocations familiales, aide sociale, régime de rentes, mesures qui se sont développées indépendamment les unes des autres sur une très longue période pour répondre aux besoins de clientèles particulières mais mesures, également, qui entretiennent les unes avec les autres des relations trop mal définies pour prétendre constituer un véritable système de sécurité sociale.

Non seulement le principe d'une telle révision fut-il éventuellement accepté à l'initiative du Québec mais les objectifs poursuivis, tels qu'ils ont été agréés par l'ensemble des gouvernements canadiens, manifestent également le rôle de leadership du Québec dans ce dossier extrêmement complexe mais également extrêmement important pour nous tous, puisqu'il touche d'une manière ou d'une autre l'ensemble de la population québécoise.

Permettez-moi de rappeler brièvement quels sont ces objectifs qui faisaient l'objet à Edmonton, en février dernier, d'une approbation générale de l'ensemble des gouvernements canadiens. Il s'agit, en premier lieu, de garantir à toutes les familles et personnes seules un revenu adéquat, compte tenu du niveau de vie de la collectivité où ils vivent; deuxièmement, d'encourager les personnes à améliorer leur position socio-économique et, finalement, de minimiser les difficultés causées par des fluctuations brusques dans le niveau de vie, lors de la réalisation de certains risques sociaux.

Il est, à mon avis, très significatif qu'une conférence fédérale-provinciale ait ainsi accepté de faire précéder ses travaux de la définition de tels objectifs. En effet, non seulement la nature de ces objectifs doit-elle beaucoup, sinon tout, à l'inspiration du Québec mais encore ne faut-il pas s'étonner que nos collègues anglophones des

autres provinces aient accepté une démarche, disons-le franchement, aussi peu conforme à leurs habitudes et, en particulier, à leurs habitudes de pensée, pour adopter, dans l'étude de ce dossier extrêmement complexe, une démarche qui s'apparente beaucoup mieux aux caractéristiques qu'on attribue de façon habituelle aux cultures québécoise et française.

Or, cette façon d'aborder le problème, c'est-à-dire par la définition d'objectifs communs, n'a pas seulement un intérêt culturel ou, si l'on veut, politique, si l'on pense au rôle du Québec dans ce processus. C'est, dans une mesure importante, à cause de l'insistance sur les principes fondamentaux qui doivent orienter nos travaux que l'on peut attribuer la convergence remarquable, malgré tout ce qui différencie les provinces les unes des autres, particulièrement quant à leur niveau moyen de revenus, vers des options communes qui sont non pas des compromis mais véritablement l'expression d'un consensus authentique.

Durant cette dernière année, la contribution du Québec à ce processus de révision de la sécurité sociale a pu paraître à certains d'entre vous avoir été mise en veilleuse. Ce serait toutefois une erreur grave que de le croire. Ayant réussi à obtenir que cette révision se fasse et ayant réussi à persuader nos partenaires des objectifs qu'une telle révision devait poursuivre, nous aurions mauvaise grâce, aujourd'hui, non seulement de soulever des difficultés, d'ailleurs imaginaires, mais encore de vouloir mettre par trop en relief notre contribution à la recherche d'une réponse valable alors qu'il s'agit de développer les moyens réalistes qui seront nécessaires pour traduire dans les faits, dans les lois, des objectifs auxquels nous souscrivons.

En effet, cette recherche doit être faite en commun avec l'ensemble de nos partenaires et sans vaines prétentions de notre part à disposer de toutes les réponses à des problèmes qui font, pour la première fois, l'objet d'un examen soutenu et attentif au niveau gouvernemental.

Cependant, au-delà de la période actuelle de recherche qui se poursuit, sur un plan relativement technique nécessairement, on peut déjà discerner à l'horizon une période où des choix devront être faits.

Il importe, lorsque le Québec aura à s'exprimer sur ces choix, qu'il le fasse en ayant la conviction que les thèses qu'il défend reflètent fidèlement les préférences et les priorités du Québec car ces choix, ces préférences et ces priorités dépasseront largement les questions purement techniques et les modalités d'application.

Sans prétendre en épuiser nécessairement la liste qui est fort longue, j'aimerais dès maintenant souligner à votre attention ceux de ces choix qui me paraissent les plus significatifs de manière à permettre, à leur sujet, une première réflexion de votre part ainsi que, je l'espère, des suggestions valables.

J'aimerais situer ces choix qui s'imposeront à nous dans quelques mois, à la lumière de chacun des objectifs précédemment décrits.

J'ai indiqué tout à l'heure que le premier objectif d'un régime intégré de sécurité du revenu consistait à garantir à toutes les familles et personnes seules un revenu adéquat, compte tenu du standard de vie de la collectivité où ils vivent.

A la conférence fédérale-provinciale qui s'est tenue il y a quelques jours, soit les 19 et 20 novembre dernier, le Québec a convenu avec les autres gouvernements provinciaux que, pour les fins de déterminer ce qui constitue un revenu adéquat au sens de cet objectif, il serait tenu compte non seulement de l'insuffisance des revenus attribuable à la présence des enfants dans une famille mais également de la pauvreté attribuable à toute autre cause.

La pauvreté, M. le Président, est essentiellement une notion relative. J'ai déjà eu l'occasion, lors d'autres débats, de le mentionner. C'est d'ailleurs ce que reflète le premier objectif, tel qu'exprimé et tel qu'adopté par les autres gouvernements provinciaux, puisqu'il se réfère, dans sa dernière partie, au niveau de vie de la collectivité où les familles et personnes seules vivent.

En effet, si l'on voulait donner de la pauvreté une définition absolue et valable dans tous les pays et à toutes les époques, l'on découvrirait, peut-être avec quelque surprise, soit que l'ensemble de l'humanité est pauvre à quelques rares exceptions près ou encore que le Canada et même le Québec ne comptent pratiquement aucun pauvre.

En effet, si l'on définissait la pauvreté comme équivalent à tout niveau de revenu inférieur à celui qui est nécessaire pour procurer à un individu ou à une famille un standard de vie équivalent à ce que les sociétés les plus riches de l'Occident peuvent offrir à un petit nombre de privilégiés, alors, l'immense majorité de l'humanité se trouverait par définition dans une situation de pauvreté.

Si, par contre, on la définissait comme un niveau de revenu juste suffisant pour assurer la survie et la reproduction de l'espèce humaine, définition qui est la seule réaliste dans un très grand nombre de pays dits sous-développés, alors assurément, à la lumière d'une telle définition, le Québec ne compterait pratiquement aucun pauvre.

Cependant, de telles définitions absolues de la pauvreté sont inutiles et ne prouvent rien. On est riche ou pauvre seulement par rapport à un certain niveau de vie généralement accessible dans la société où l'on vit.

Si l'on se situe trop loin en deça de ce niveau généralement accessible de consommation, l'on est considéré comme pauvre. Combien loin devient trop loin dans ce sens, c'est évidemment matière à jugement personnel. Dans cette mesure, la pauvreté est non seulement relative à un certain niveau de vie mais encore est-elle affaire de jugement personnel plus que démonstration rigoureuse.

Afin cependant de ne pas verser dans la pure suggestivité, ceux qui ont cherché depuis quelques années à analyser l'importance de la pauvreté ont cherché à définir un seuil de pauvreté, c'est-à-dire un niveau de revenu considéré comme étant juste assez loin du standard moyen de consommation d'une société donnée pour établir, de façon non ambiguë, une ligne de démarcation entre les pauvres et les non pauvres.

Pour le Québec, comme on le sait, nous continuons à nous guider sur les seuils établis par le Montréal Diet Dispensary. Cet organisme non gouvernemental a défini des seuils qui ont le mérite d'être calculés spécifiquement pour la région métropolitaine de Montréal, ce qui nous permet de croire qu'ils sont au moins adéquats pour l'ensemble du Québec et ils sont, de plus, ajustés périodiquement par cet organisme.

En regard des taux ainsi déterminés, il est facile d'énumérer le niveau des barèmes d'aide sociale pour la même année et de déterminer, par conséquent, le taux de couverture de ces seuils de pauvreté tels qu'ils sont assurés à l'heure actuelle par le régime de l'aide sociale.

Si l'on compare ces taux aux taux de couverture correspondants pour l'année précédente, nous pouvons observer une fois de plus un progrès notable dans ces taux de couverture et donc un rétrécissement de l'écart entre le revenu garanti aux assistés sociaux par l'aide sociale et les allocations familiales, d'une part, et les seuils ainsi définis, d'autre part.

Toutefois, même si ce progrès est indéniable, il est indéniable également qu'un écart persiste. Or, cette constatation a des conséquences importantes et directes sur les choix que le Québec sera appelé à faire durant les mois et les années à venir relativement au système de sécurité de revenu qui sera l'aboutissement des travaux en cours. Coincée, pour ainsi dire, entre pauvres et riches, la classe moyenne dans notre société se trouve à supporter presque sans aide le fardeau de plus en plus lourd d'une organisation gouvernementale au sujet de laquelle elle s'interroge profondément. Les pauvres, par définition, contribuant peu ou pas du tout aux coffres de l'Etat, les riches, pour leur part, étant trop peu nombreux pour y faire une contribution vraiment significative même si tous leurs revenus étaient expropriés, la classe moyenne se trouve dans la situation de ne pas pouvoir transférer le fardeau qui est le sien à qui que ce soit d'autre.

Dans un tel contexte, on ne doit pas se surprendre si l'on cherche malgré tout des boucs émissaires. Parmi ces derniers, on trouve les assistés sociaux dont on voudrait croire et faire croire qu'ils ne sont que des paresseux, de manière à justifier peut-être une attitude intransigeante à leur égard et minimiser ainsi un fardeau fiscal qui semble excessif. Il importe de souligner, M. le Président, que le nombre des ménages bénéficiaires de l'aide sociale n'est pas plus élevé aujourd'hui qu'il ne l'était il y a huit ans, soit en 1966, et que la part du budget de l'Etat provincial consacrée aux dépenses d'aide sociale est même passée de 8.5 p.c. à un peu moins de 8 p.c. durant cette même période. Sans doute, durant ces huit années, le budget total de l'Etat s'est-il accru de façon spectaculaire et un pourcentage inchangé d'un total qui croît si rapidement reflète malgré tout une augmentation très sensible du budget consacré à l'aide sociale.

Cette augmentation très sensible explique, d'ailleurs, pourquoi il a été possible, grâce à la stabilité dans le nombre total des bénéficiaires, d'effectuer le rattrapage que j'indiquais plus tôt relativement au seuil de pauvreté. Ce qui est clair toutefois, c'est que l'on ne peut rechercher du côté de l'aide sociale les raisons de l'accroissement rapide des dépenses totales de l'Etat et donc du sentiment d'étouffement, si l'on peut dire, que ressentent un si grand nombre de personnes en face du rôle grandissant de l'appareil gouvernemental qui ne semble plus correspondre à leurs besoins.

Il est tout à fait légitime, à mon avis, de s'interroger profondément sur le rôle de l'Etat dans nos vies. On peut à bon droit questionner la capacité des organismes gouvernementaux à satisfaire nos besoins essentiels et l'on peut sans déshonneur chercher s'il n'existe pas d'autres moyens de satisfaire ces besoins qui soient à la fois plus efficaces et plus satisfaisants. Si toutefois nous nous posons toutes ces questions, il faut que nous le fassions directement et franchement et sans hypocritement attribuer l'origine des maux dont nous prétendons souffrir aux abus présumés de l'aide sociale. En effet, notre époque appartient aux classes moyennes dans une très large mesure et nos gouvernements reflètent cette situation. Il est donc inévitable qu'elles trouvent également dans les journaux, chez les éditorialistes et même dans l'Opposition des défenseurs et des apologistes. Ce sont les besoins exprimés par ces classes moyennes que les services que dispense l'Etat sont conçus pour satisfaire de façon prioritaire. Il serait donc non seulement erroné, mais injuste de vouloir faire porter le prix de notre insatisfaction ou de leur inefficacité sur les défavorisés qui, par définition, sont précisément ceux auxquels ces services, pour toutes sortes de raisons, sont les moins accessibles.

Le premier choix que le Québec devra faire relativement à l'instauration d'un nouveau régime de sécurité de revenu aura donc trait au niveau de sécurité économique que nous sommes prêts à accorder à nos concitoyens et en particulier aux plus défavorisés, aux plus handicapés d'entre nous.

Ceci doit se faire sans préjudice aux autres questions que nous pouvons soulever dans un autre contexte relativement au succès ou à l'insuccès relatif de l'Etat dans la solution d'un certain nombre d'autres problèmes. Malgré le progrès déjà accompli, nous n'avons pas encore réussi à assurer un niveau de vie convenable à tous les Québécois. Il reste une tâche essentielle à compléter. Il nous faut la compléter dans un

délai le plus court possible. Une telle décision devra tôt ou tard être prise. Elle nous permettra de mesurer dans quelle mesure l'idéal de justice demeure vivant parmi nous.

Le deuxième objectif qui préside à la révision de la sécurité sociale est celui d'encourager chez les individus et les familles une amélioration de leur statut socio-économique. Vous aurez reconnu que cet objectif fait référence à la nécessité d'incorporer dans un régime de sécurité de revenu des incitations positives à une participation de l'individu et de la famille à l'ensemble des activités sociales sans oublier, bien entendu, leur participation à la main-d'oeuvre productrice.

L'importance que le Québec attache à cet objectif a déjà été illustrée par l'interrelation qui a été instaurée ici entre le revenu de soutien que procure l'aide sociale et le revenu découlant d'une rémunération conforme à la législation sur le salaire minimum. Ce principe a cependant une plus large application. Par exemple, j'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de faire état de l'importance de l'idée d'une allocation sociale forfaitaire basée sur un test de revenu plutôt que d'allocations spécifiques basées sur l'évaluation des besoins. Les avantages de cette première formule sur la seconde sont intuitivement perceptibles pour tous ceux qui sont venus en contact avec les mesures d'aide sociale et de sécurité de revenu.

Il en va de la possibilité pour un bénéficiaire d'aménager son budget en fonction de ses propres priorités et préférences en imputant librement à certains types de dépenses les sommes qui autrement seraient perdues pour lui si elles n'étaient pas dépensées selon les normes officielles. Une telle mesure contribue à un élargissement des possibilités de choix du bénéficiaire et par le fait même à maximiser pour lui l'utilité qu'il retire d'un niveau donné de revenu.

Un tel élargissement des possibilités de choix contribue également à renforcer le sens des responsabilités du bénéficiaire et peut par le fait même contribuer à favoriser sa réintégration dans le monde dit normal du travail. Mais ces deux exemples particuliers de l'application du principe d'un incitation positive aux bénéficiaires de la sécurité sociale à une participation plus entière à la société, à ses responsabilités comme à ses avantages, ne s'arrête pas là.

Un des effets principaux de la révision des systèmes de sécurité du revenu actuellement en cours consistera à étendre la couverture des régimes de sécurité du revenu au travailleur à faible revenu. Il s'agit là du deuxième choix majeur devant lequel le Québec se trouvera d'ici quelques mois et celui dont les implications sont peut-être les plus profondes de toutes. Non seulement faudra-t-il envisager une majoration, dans certains cas importants, du niveau de support du revenu dans les cas d'insuffisance totale, mais il faudra envisager également d'étendre une aide financière en provenance de l'Etat à une clientèle qui en est actuellement exclue, d'où vient donc la nécessité de ce deuxième choix.

Le moyen le plus significatif, à vrai dire — d'ailleurs le seul pour éliminer dans les régimes actuels les encouragements effectifs à conserver une situation de dépendance vis-à-vis de l'Etat — consiste dans une réduction significative du taux implicite d'imposition qui frappe inexorablement les revenus d'emploi de toute personne qui bénéficie de l'aide sociale. Il est vrai que les dispositions actuelles de la loi et des règlements permettent à certains travailleurs à faible revenu de cumuler l'aide sociale et les revenus de travail dans une certaine mesure. Ainsi, un chef de famille avec deux enfants à charge peut gagner jusqu'à $50 par mois sans réduire sa prestation d'aide sociale. Il peut ainsi augmenter son revenu total de $320 à $370 par mois.

S'il occupe un emploi plus rémunérateur, l'aide ne lui sera accordée que si l'agent d'aide sociale considère que le chef de famille pourrait se trouver dans une situation qui constitue un danger pour sa santé ou risque de le conduire au dénuement total. C'est dire le caractère limitatif de ces mesures. Toutefois, même au-delà de $370 par mois, le taux de réduction de l'allocation sociale est de $1 pour chaque dollar additionnel de revenu gagné par le travail, soit, en d'autres mots, 100 p.c. du revenu gagné dépassant l'exemption de $50. Dans ces circonstances, il importe donc peu que le bénéficiaire gagne $50 ou $250 par mois car son revenu total sera toujours de $370 par mois.

Un tel taux de taxation implicite ne peut qu'inciter les bénéficiaires à réduire au minimum leur effort de travail; c'est là la faiblesse majeure qu'il nous faut corriger. Dans la détermination de ce taux, ce dont il faudra se souvenir c'est que, plus il est bas, et donc plus il est susceptible d'encourager la participation des bénéficiaires au marché du travail, plus, en même temps, il rejoint une couche importante de la population. Ainsi, à titre d'exemple, si le seuil de pauvreté est établi à $5,000 pour une famille avec deux enfants et que le taux de réduction de l'allocation sociale est de 50 p.c, le seuil d'allocation nulle atteindra $10,000 Si, au contraire, le taux de réduction est de 33 1/3 p.c, le seuil d'allocation nulle s'élèverait jusqu'à $15,000.

Par contre, si le taux de réduction est de 75, p.c, le seuil d'allocation nulle ne s'élèverait qu'à $6,666. La signification de ces seuils d'allocation nulle consiste en ce que tous les ménages ayant un revenu inférieur à ces seuils bénéficieraient désormais, en vertu d'un programme de supplémentation de revenu, d'une allocation sociale décroissante. Comme le revenu moyen des familles au Québec se situe aux environs de $10,000, on constate aussitôt qu'un nombre considérable de familles serait susceptible de bénéficier d'un tel régime, ce qui est, en soi, le but recherché; mais on constate égale-

ment que ce grand nombre de bénéficiaires possible est susceptible d'entraîner, pour un tel régime, des coûts fort considérables.

Ce n'est pas le moment de considérer ici les diverses techniques susceptibles de diminuer ces coûts de manière à permettre l'introduction d'un tel régime sans sacrifier trop considérablement l'objectif poursuivi, qui est de fournir non seulement un supplément au revenu d'emploi mais de le faire de manière à ne pas décourager la participation au marché du travail. Ce qu'il importe de retenir, toutefois, c'est la nécessité pour le Québec de définir, en face de ce problème, une orientation claire qui reflète à la fois les ressources financières réelles de notre gouvernement mais également l'ordre de priorités que nous sommes disposés à accorder à une mesure qui combine des préoccupations de justice sociale et d'efficacité sociale par l'encouragement à l'effort et au sens individuel des responsabilités. Par ailleurs, quel que soit le taux de réduction des allocations sociales qui sera éventuellement adopté, à moins qu'il ne s'approche de très près de 100 p.c, on peut observer dès maintenant que le seuil d'allocation nulle excédera le niveau de revenu exempté d'impôt qui s'établit présentement à $5,200 pour une famille, selon notre régime fiscal québécois.

Ce chevauchement du régime de supplémentation du revenu et du régime fiscal signifierait qu'un chef de famille serait susceptible de payer une somme significative en impôt même s'il était toujours admissible à la supplementation. Ce chevauchement serait d'ailleurs d'autant plus considérable qu'est grande la taille des familles puisque les régimes de supplémentation de revenu accordent une importance plus grande aux charges familiales que ne le font les régimes fiscaux. Or, supplémenter les revenus des personnes déjà assujetties à l'impôt sur le revenu nous paraît peu satisfaisant puisque l'Etat reprendrait ainsi d'une main ce qu'il donnerait de l'autre.

De plus, les personnes qui seraient assujetties en même temps à la supplémentation et à l'impôt sur le revenu seraient peu incitées à augmenter leur revenu de travail.

En effet, si le revenu augmentait, elles auraient à payer plus d'impôt et verraient en même temps leur paiement de supplémentation baisser. Un taux élevé de réduction pour fins de supplémentation combiné à un taux marginal d'impôt, qui se situe au Québec à un minimum de 30 p.c, aurait des effets confiscatoires de tout revenu additionnel. De tels taux ne sont pas plus susceptibles, évidemment, d'inciter au travail que la régime actuel.

Pour éviter une telle situation de chevauchement des deux régimes, il sera nécessaire de rechercher les moyens d'une harmonisation entre eux. Cette harmonisation devra porter, entre autres, sur les aspects relativement techniques de la définition du revenu au titre des deux régimes ainsi que sur la définition de l'unité familiale qui pourrait être utilisée par l'un et par l'autre. Au-delà toutefois de cette harmonisation plutôt technique, il sera nécessaire, et il s'agit là d'un autre choix qui confrontera le Québec, de déterminer, l'un par rapport à l'autre, le niveau d'allocation nulle et le niveau d'exemption fiscale.

Il est d'ores et déjà certain qu'une telle harmonisation des niveaux de supplémentation de taxation ne pourra être effectuée que sur une période de transition relativement longue. Le rythme de cette transition ou, en d'autres termes, la longueur de cette période de transition constituera une autre des options importantes relativement à laquelle les choix devront être faits.

Dans toute cette question de l'harmonisation du régime fiscal et du régime de sécurité du revenu, il importe toutefois de faire une distinction entre le régime de l'impôt sur le revenu des particuliers et d'autres mesures fiscales dont la signification n'est pas la même. En effet, certains prélèvements fiscaux correspondent à des services dont bénéficie directement le contribuable. Il en est ainsi, par exemple, d'une partie, mais d'une partie seulement, des impôts fonciers pour fins municipales. Il en est également ainsi pour certaines contributions à des régimes d'assurance sociale dont le but est soit d'étaler dans le temps le revenu disponible du bénéficiaire, soit de lui faire partager un risque social auquel il est exposé au même titre et au même degré que d'autres.

C'est donc dire que l'effort d'harmonisation du régime de sécurité du revenu et du régime fiscal vise surtout l'impôt sur le revenu, mais non pas, en principe du moins, ces autres éléments qui continueraient de jouer un rôle peut-être d'ailleurs accru dans la mesure où leur application pourra se faire, en tenant pour acquis un régime intégré de revenu garanti.

Ceci m'amène, M. le Président, tout naturellement et en dernier lieu, à vous parler du troisième objectif du processus de révision de la sécurité sociale et qui consiste à minimiser les difficultés causées par les fluctuations brusques du niveau de vie, lors de la réalisation de certains risques socio-économiques.

Cet objectif se traduit par l'intention arrêtée de maintenir des régimes contributoires pour la couverture de certains risques sociaux. En vertu des régimes actuels, on sait que les risques couverts vont du chômage aux accidents du travail, à la retraite, au décès et à l'invalidité. Il est important de comprendre que la discussion d'un régime intégré de sécurité du revenu non seulement n'implique pas la disparition de ces régimes d'assurance sociale, mais encore, elle ne comporte nullement la nécessité, ni même le désir de fusionner en un seul régime d'assurance la couverture de deux ou plusieurs de ces risques isolés et, actuellement, administrés séparément.

Comprenons bien que je ne parle pas ici de la fusion des organismes administratifs chargés d'appliquer chacun de ces régimes, mais de la fusion des régimes eux-mêmes.

Sur ce dernier plan, en effet, il me paraît essentiel à la viabilité de la notion d'assurance sociale de ne pas confondre les différents régimes mais, au contraire, de s'assurer de la permanence d'une équivalence réelle entre les contributions exigées des bénéficiaires et la valeur actuarielle du risque social que chacun d'eux permet d'assurer.

Cette équivalence, sans pouvoir jamais être parfaite, doit être la plus rapprochée possible, sous peine de voir insensiblement se transformer ces régimes d'assurance sociale en mécanismes involontaires de redistribtion, dont les effets pourraient vraisemblablement contredire les buts poursuivis par un programme d'allocation sociale pour le soutien et la supplémentation du revenu.

Cette recherche d'une équivalence peut même amener, le cas échéant, une meilleure spécification des différents risques sociaux ainsi assumés et des distinctions nouvelles plutôt que des fusions.

Sans toutefois nier l'importance de ces considérations, il demeure que c'est là une décision que concrétise le projet de loi no 64, qui est devant vous, et qu'aucun de ces régimes d'assurance sociale ne doit établir de distinction basée sur le sexe des bénéficiaires. Vous savez par d'autres lois, actuellement devant cette Assemblée également, qu'il s'agit là d'une politique générale du gouvernement actuel.

Ces considérations confirment donc le rôle de la Régie des rentes du Québec comme élément essentiel d'un système de sécurité du revenu pour le Québec. Il se peut toutefois — j'aurai à ce sujet quelques remarques à faire à la fin de mon exposé — qu'il faille, dans l'éventualité de l'établissement d'un véritable système intégré de sécurité du revenu, redéfinir le rôle de ce régime compte tenu du contexte général ainsi redéfini lui-même. En d'autres termes, l'existence future d'un système général de soutien et de "supplémentation" du revenu nous amènera à nous interroger sur le rôle de complémentarité des régimes d'assurance sociale par rapport à ce régime général. En d'autres termes, s'agirait-il pour les régimes d'assurance sociale de compléter à la hausse les seuils de revenu établis dans un régime d'allocations sociales générales ou s'agit-il même d'éliminer tout objectif de soutien du revenu de ces régimes ou d'au moins un certain nombre d'entre eux, de manière à les orienter, par exemple, vers des services et des activités de réadaptation, comme dans les cas d'invalidité, ou vers des activités de recyclage professionnel dans les cas d'un risque social qui n'est pas actuellement considéré comme tel, mais qui consiste en la désuétude des connaissances et de l'expérience de travail spécifiques à certains métiers ou occupations?

Le rôle de l'Etat dans la mise en place de ces régimes d'assurance sociale se justifie suffisamment par le besoin d'assurer à tous les travailleurs, qu'ils soient dans la petite entreprise ou qu'ils soient autonomes, une accessibilité à ces mesures de protection comparable à celle que peuvent avoir, dans les meilleures circonstances, les travailleurs de la grande entreprise ou les travailleurs de l'Etat lui-même et de favoriser par un régime transportable d'un endroit à l'autre une mobilité et, donc, une autonomie plus considérable de la main-d'oeuvre relativement à un employeur particulier.

L'amendement au régime de rentes que vous avez adopté l'année dernière et, en particulier, celui que nous adopterons cette année ont pour effet conjugué d'indexer le maximum des gains admissibles en vertu du régime. Ces amendements posent donc indirectement le problème beaucoup plus vaste des relations qui doivent exister entre ce régime de base obligatoire pour tous et les régimes supplémentaires de rentes qui existent sur un mode plus ou moins facultatif dans les entreprises.

J'aurai l'honneur de déposer, dans quelques jours probablement, un autre projet de loi qui apportera au régime supplémentaire de rentes des modifications susceptibles d'en améliorer le fonctionnement. Je désire cependant souligner que je suis conscient des questions plus vastes que posent l'interrelation de ces deux types de régimes et la nécessité d'une redéfinition de leur rôle respectif à la lumière de l'expérience acquise.

Le projet de loi no 64, Loi modifiant le régime de rentes du Québec, constitue donc une autre étape dans la révision de la sécurité du revenu en général et du régime de rentes en particulier. L'an dernier, lors de la présentation d'un projet de loi modifiant le régime de rentes, j'avais indiqué que les amendements alors proposés constituaient une première étape dans une suite de modifications importantes qui devaient être apportées à cette loi.

L'on se souviendra que les amendements adoptés l'an dernier ont eu pour effet d'enlever le plafond de 3 p.c. sur l'indice des rentes. Depuis l'année 1974, depuis le 1er janvier de l'année courante, l'indice des rentes est égal à la moyenne de l'indice des prix à la consommation, de telle sorte que chaque année les prestations sont revalorisées pour tenir compte directement de l'augmentation du coût de la vie.

Les rentes en cours de paiement avaient également subi un ajustement spécial pour lui redonner leur plein pouvoir d'achat. Cette forme de rattrapage avait augmenté les rentes selon un pourcentage variant de 8 p.c. à 17 p.c. De plus, le maximum des gains admissibles avait été fixé, de façon transitoire, à $6,600 pour l'année en cours et à $7,400 pour l'année 1975, en attendant que l'on trouve une formule permanente de fixer ce maximum pour chaque année à compter de l'année 1976.

Les principales modifications proposées dans le présent projet de loi peuvent se résumer comme suit:

En premier lieu, il propose la reconnaissance de l'égalité des sexes dans le régime de rentes. Ainsi, les cotisants de sexe féminin seront

traités exactement de la même manière que les cotisants de sexe masculin. En deuxième lieu, il propose une formule de calcul pour déterminer, précisément à compter de 1976 et pour chaque année subséquente, le maximum des gains admissibles en vertu du régime. Le maximum des gains admissibles est le montant maximum des gains qui est pris en considération aux fins du régime. Ce qui est voulu par le projet de loi, c'est que ce maximum soit égal à la moyenne des traitements et salaires pour l'ensemble des activités économiques du Canada. J'aurai l'occasion d'expliquer ce point un peu plus loin dans mon intervention.

En troisième lieu, il propose la modification de la formule selon laquelle est fixée l'exemption générale. Cette exemption est actuellement égale à 12 p.c. du maximum des gains admissibles, soit $700 en 1974, puisque ces chiffres sont arrondis aux $100 les plus rapprochés. L'amendement proposé établirait la formule à 10 p.c. du maximum des gains admissibles. Ceci permettrait à un plus grand nombre de petits salariés de contribuer au régime.

En quatrième lieu, le projet de loi propose également d'abolir l'exemption spéciale qui existe pour les travailleurs autonomes. Le travailleur autonome sera régi, à compter de l'an prochain, par l'exemption générale, comme tous les salariés. Encore ici, ceci permettra à un certain nombre de travailleurs de contribuer au régime alors qu'ils en seraient empêchés par le maintien de la formule actuelle.

En cinquième lieu, le projet de loi propose de supprimer le paiement de la rente de veuve dans certains cas. Selon la loi actuelle, lorsqu'une veuve, au décès de son mari, n'a pas droit à une rente parce qu'elle n'a pas 35 ans, n'a pas d'enfant à charge et n'est pas invalide, elle peut devenir admissible à une rente si elle devient invalide par la suite ou lorsqu'elle atteint l'âge de 65 ans. Il ne paraît pas logique de maintenir ces dispositions. Ainsi, l'on voit mal pourquoi une personne qui devient veuve à l'âge de 25 ans pourrait retirer une rente à l'âge de 65 ans, soit 40 ans après le décès de son mari.

Enfin, sixièmement, le projet de loi propose certaines modifications techniques en vue de corriger des anomalies, d'éliminer certaines ambiguïtés et de permettre une meilleure administration de la loi.

J'aimerais reprendre, M. le Président, certains des amendements proposés afin d'en expliquer davantage la portée. En ce qui concerne l'égalité des sexes, il importe de connaître la situation actuelle et celle qui existera si l'amendement est apporté. Actuellement lors du décès d'un cotisant de sexe masculin, sa veuve, si elle a des enfants à charge, si elle est âgée d'au moins 35 ans ou si elle est invalide, a droit automatiquement à une rente de veuve. De même, les enfants d'un cotisant décédé ont automatiquement droit à une rente d'orphelins.

Lorsqu'il s'agit d'un cotisant de sexe féminin, le mari n'a droit à une rente de veuf que s'il est invalide et à la charge de sa femme et les enfants n'ont droit à une rente d'orphelins que si la mère subvenait à leurs besoins entièrement ou dans une large mesure. Cette même distinction existe pour la rente d'invalidité. En effet, les enfants d'une cotisante invalide n'ont droit à une prestation que dans les cas où la cotisante subvenait elle-même à leurs besoins entièrement ou dans une large mesure.

L'amendement proposé a pour effet de faire disparaître toutes ces distinctions entre le cotisant de sexe masculin et le cotisant de sexe féminin. De plus, la loi s'appliquera rétroactivement quant à l'admissibilité des veufs et des orphelins. En effet, dans le cas de toute cotisante décédée avant le 1er janvier 1975, mais bien sûr depuis l'entrée en vigueur du régime, sur demande faite à la Régie des rentes du Québec, l'on pourra reconnaître le droit du mari à une rente de conjoint survivant et le droit des enfants à une rente d'orphelins. Cependant, ces rentes ne seront payables qu'à compter du 1er janvier 1975 et non pas rétroactivement pour les années passées.

L'on m'informe que la Régie des rentes possède d'ailleurs, dans ses dossiers, des renseignements qui permettront de communiquer avec de nombreuses personnes qui deviendront admissibles après l'adoption des amendements et que, de plus, une campagne d'information appropriée sera faite pour que ceux qui ont des droits à faire valoir soumettent leurs demandes à la régie.

En ce qui concerne le maximum des gains admissibles, j'avais indiqué l'an dernier qu'il fallait trouver une formule collant de plus près à la réalité économique, de sorte que les prestations payables en tiennent compte et tiennent compte davantage du niveau des salaires tel qu'il évolue au cours des années.

L'augmentation du maximum des gains admissibles a pour principal effet de hausser le montant de toutes les prestations qui sont reliées aux gains. Selon la formule proposée, l'on peut prévoir que la prestation maximale de rente de retraite, qui se situe à environ $100 par mois, au début de 1974, pourrait atteindre une somme de $245 vers 1980 et $360 par mois en 1985.

A première vue l'on pourrait penser que la hausse du maximum des gains admissibles ne profite qu'à ceux qui ont un revenu égal ou supérieur à ce maximum. Bien au contraire, la hausse du maximum des gains admissibles profite à tous les salariés, quel que soit leur revenu, et ceci en raison de la façon dont sont calculées les prestations payables. Sans entrer dans le détail de ces calculs, qui sont d'ailleurs contenus dans la loi, spécifiquement aux articles 112 à 118, qu'il me suffise de mentionner qu'au moment de payer une prestation tous les gains d'un cotisant sont ajustés en fonction du maximum des gains admissibles pendant les dernières années où il fut un cotisant au régime.

Cet ajustement tient compte du maximum des gains admissibles en vigueur pour l'année où

les gains ont été réalisés et de la moyenne de ce maximum pour l'année au cours de laquelle une prestation devient payable et chacune des années précédentes.

Qu'il suffise de mentionner que, si, par exemple, cette moyenne est un montant de $10,000, tous les gains d'un cotisant pour l'année 1966 seraient multipliés par deux, et non pas seulement par l'année en cours. L'ajustement, qui dépend directement du maximum des gains admissibles, a donc pour effet de produire des prestations beaucoup plus élevées pour l'ensemble des bénéficiaires.

L'on constatera que, selon la formule proposée, le maximum des gains admissibles est haussé par étapes de 12.5 p.c. par année jusqu'à ce qu'il atteigne la moyenne des traitements et salaires pour l'ensemble des activités économiques du Canada.

Cette moyenne se situe actuellement à environ $9,000. Pour maintenir une certaine équité dans le régime, en effet, ce n'est que progressivement que l'on doit chercher à atteindre cette moyenne, autrement on donnerait aux plus hauts salariés des avantages trop considérables eu égard aux contributions versées au régime.

Je désirerais, en terminant, M. le Président, dire quelques mots au sujet de l'impact de ces mesures sur la caisse du régime de rentes, caisse qui, comme on le sait, est confiée à l'administration de la Caisse de dépôt.

J'ai d'ailleurs déposé, lors de la présentation du projet de loi en première lecture, l'analyse actuarielle qui permet de saisir l'effet détaillé des amendements proposés sur cette caisse.

J'ai parcouru avec intérêt le mémoire qu'a soumis à ce sujet au gouvernement le Conseil du patronat en août dernier. Ce document expose l'opinion de cet organisme sur les priorités budgétaires que le gouvernement québécois devrait poursuivre pour l'exercice 1975-76. Je m'attarderai tout particulièrement à l'annexe b) du rapport, qui a reçu une grande diffusion dans les journaux et qui portait, en particulier, sur le rôle de la Régie des rentes du Québec dans les politiques sociales du gouvernement et sur l'avenir de la Caisse de dépôt.

Le Conseil du patronat reprochait au gouvernement l'utilisation des fonds des Régies des rentes et de l'assurance-maladie aux fins des politiques sociales du gouvernement. Ces gestes, le gouvernement les a posés, doit-on le rappeler, avec l'approbation de l'Assemblée nationale du Québec puisque celle-ci a adopté les lois nécessaires en toutes les occasions au cours des années 1971, 1972 et 1973.

Tout particulièrement, on nous reproche d'avoir, avec la loi 24, sanctionnée le 8 juillet 1972, obligé la Régie des rentes du Québec à rembourser au ministère des Affaires sociales pour la moitié de la prestation de base versée aux personnes bénéficiaires de rentes de veuves et d'invalidité en vertu de la Loi de l'aide sociale, aussi longtemps qu'elles n'avaient pas 65 ans.

La rédaction de la loi 24 est quelque peu différente toutefois de l'interprétation que place sur elle le Conseil du patronat, puisque cette obligation se limitait uniquement aux veuves et aux personnes invalides à qui il avait été impossible de toucher une prestation du régime de rentes du Québec. Ainsi, les veuves doivent l'être devenues avant 1968 pour que la Régie des rentes soit appelée à rembourser le ministère des Affaires sociales; pour les personnes invalides, elles doivent avoir acquis ce statut avant 1970. Le Québec, en rendant admissibles à un régime d'assurance sociale des personnes qui n'avaient pas eu l'occasion d'y contribuer, ne faisait que suivre une voie tracée par plusieurs pays, dont les Etats-Unis, dans cette matière. Par ailleurs, les modalités retenues, c'est-à-dire le mécanisme de remboursement ont été déterminées de façon à ne pas priver le Québec des sommes qui lui auraient été versées de toute façon par le gouvernement fédéral si la loi n'avait pas été amendée. Le gouvernement aurait agi de façon irresponsable en proposant une mesure qui aurait eu comme conséquence de le priver d'une contribution fédérale de l'ordre de $15 millions par année.

Lorsque cette mesure avait été présentée à l'Assemblée nationale, mon prédécesseur l'avait justifiée en disant que la caisse du régime de rentes était beaucoup plus élevée à ce moment-là que ce qui avait été originellement prévu en 1965, lors de la mise sur pied du régime de rentes. C'est pourquoi il a été question à ce moment-là de la situation excédentaire de la caisse du régime de rentes. Cette distinction n'est pas dans le mémoire du Conseil du patronat. Il demeure cependant que les distinctions entre régime contributoire et régime de soutien du revenu ou, en d'autres mots, entre les rentes et les allocations sociales, sont valables. Les modalités de financement des prestations sociales qui furent, à un certain moment, retenues comme avantageuses peuvent toujours être remises en question, et l'actuel processus de révision du système de sécurité du revenu constitue d'ailleurs une invitation à le faire.

Les cotisations excédentaires des citoyens du Québec sont confiées au titre du régime de rentes à la Caisse de dépôt et placement du Québec. Comme celle-ci investit ces sommes dans les obligations du gouvernement du Québec ou divers établissements publics du Québec, ou des actions sur le marché libre, ou encore dans des placements hypothécaires, le rendement obtenu sur les fonds investis par la caisse diffère de celui qui est obtenu sur les fonds du régime de pension du Canada. On sait que les autorités fédérales sont obligées, selon la Loi du régime de pension du Canada, de prêter ces fonds aux provinces à un taux déterminé en fonction du taux moyen des obligations fédérales en cours pour un terme de vingt ans au moment où le prêt est effectué.

Depuis la mise sur pied du régime de rentes, la politique suivie par le gouvernement du

Québec dans ce domaine a eu pour effet de produire sur les fonds de la caisse de dépôt un rendement plus élevé que le rendement obtenu par le régime de pension du Canada. En 1973, par exemple, le taux d'intérêt au Québec s'est élevé à 7.3 p.c., tandis que le taux d'intérêt moyen des placements du régime de pension du Canada s'élevait, au cours de la même année, à 6.9 p.c. Comme les revenus de la caisse du régime de rentes se sont élevés à $163 millions au cours de l'année 1973, nous sommes en mesure d'apprécier toute la signification d'une telle différence dans le rendement des investissements.

J'aimerais citer à ce sujet, M. le Président, les remarques de mon collègue, le ministre des Finances, remarques faites au cours d'une allocution qu'il prononçait le 2 novembre dernier devant la Chambre de commerce de Granby. "Les conditions auxquelles le Québec emprunte sur les marchés des capitaux peuvent parfois paraître défavorables par rapport aux taux d'intérêt consentis à certaines autres provinces canadiennes. Cette constatation ne tient pas à la situation de nos finances publiques, mais au fait que le Québec a recours de façon plus massive aux marchés privés que les autres gouvernements provinciaux qui, eux, utilisent 100 p.c. des épargnes accumulées sur leur territoire par le Régime de pension du Canada, l'équivalent, comme on le sait, de notre Caisse de dépôt. "Chez nous, la Caisse de dépôt et placement consacre environ 50 p.c. de ses actifs à l'achat d'obligations du Québec et de l'Hydro-Québec. La décision de principe de ne pas placer tous les avoirs de la Caisse de dépôt en titres du gouvernement et de l'Hydro-Québec a été prise en 1965, au moment de l'adoption des projets de loi créant la Régie des rentes du Québec et la Caisse de dépôt et placement. Cette décision devrait-elle être réévaluée dans le contexte nouveau des années 1975-1980? "Une chose est certaine, lorsque l'on compare les taux d'intérêt payés par le Québec par rapport aux autres provinces, il faut tenir compte de cette variante. Les autres provinces ayant accès à la totalité des épargnes accumulées par le résident dans le Régime de pension du Canada, elles obtiennent ce financement à des taux privilégiés et surtout elles ne sont pas obligées d'aller aussi fréquemment sur les marchés de capitaux."

Ces observations, M. le Président, sont indéniablement vraies. Cependant, il ne faut pas conclure trop rapidement que cette politique a comme conséquence d'amener les contribuables québécois à subventionner le régime de rentes. Comme on l'a vu plus tôt au sujet des rentes de veuve et d'invalidité, il serait aussi vrai de soutenir que le régime de rentes a subventionné le budget de l'Etat en assumant le coût de mesures sociales qui n'avaient rien à voir, en principe, avec un régime d'assurance sociale.

C'est en considérant l'ensemble des dépenses et des sources de financement du Québec que l'on peut prononcer des jugements sur l'opportunité de modifications aux politiques élaborées dans le passé et suivies jusqu'à maintenant. Le Conseil du patronat, dans ses propos auxquels je faisais référence plus tôt, s'inquiétait enfin de ce que le rôle du bailleur de fonds de la Régie des rentes soit appelé à se terminer d'ici une dizaine d'années. Il souligne même qu'il est possible que la Régie soit appelée à se faire rembourser par le gouvernement afin de rencontrer ses échéances. On se souviendra que des inquiétudes avaient déjà été exprimées dans le rapport annuel de la Caisse de dépôt sur l'impossibilité de savoir ce qu'il adviendrait du fonds du régime de rentes au moment où celui-ci va atteindre son sommet.

J'aimerais dire quelques mots de l'effet des amendements proposés par le présent projet de loi sur la caisse du régime de rentes du Québec. En même temps que le projet de loi, j'ai déposé, comme je le rappelais tantôt, l'analyse actuarielle que la Régie des rentes a fait préparer, conformément à l'article 224 du régime. C'est la troisième analyse qui est faite depuis l'analyse quinquennale de 1970, parce que les amendements proposés en 1972 et en 1973 avaient, eux aussi, nécessité une analyse spéciale. Selon l'analyse actuarielle spéciale, les amendements proposés entraînent une hausse immédiate des contributions d'environ 13 p.c, tandis que l'augmentation dans les prestations est plus progressive pour atteindre près de 20 p.c. au bout d'une quinzaine d'années.

Les amendements n'ont pas d'effets tellement sensibles sur le niveau de la réserve, toutefois. Elle atteindra son sommet un an plus tôt que ne le prévoyait l'analyse spéciale de 1973 et sa période de décroissance sera retardée d'une année. En ce qui concerne l'analyse actuarielle, il faut noter que la seconde analyse actuarielle quinquennale sera publiée en 1975, reflétant la situation au 31 décembre 1974.

Il est certain que cette analyse quinquennale contiendra les éléments qui permettront d'avoir une idée assez nette de la situation puisqu'à ce moment toutes les hypothèses de base ayant servi à faire les calculs de l'analyse actuarielle de 1970 seront reprises et réévaluées à la lumière de l'expérience accumulée depuis cette date. L'année 1975 nous fournira donc de multiples occasions de revenir sur ces questions. D'une part, des choix importants devront être faits dans la définition de la nature d'un futur régime de sécurité du revenu au Canada et au Québec. Un tel régime nous amènera à envisager, sous un jour nouveau les rapports qui doivent exister entre les allocations sociales et un régime contributoire d'assurance sociale tel que le régime de rentes.

La publication de l'analyse actuarielle quinquennale de la Régie des rentes nous amènera à nous poser, à la lumière de l'expérience acquise, la question du financement futur du régime — qui, soit dit en passant, n'est pas en danger —

et, en particulier, de l'avenir de la Caisse de dépôt, institution proprement québécoise et à plusieurs égards remarquable, dont la contribution à l'économie du Québec doit être maintenue et même renforcée. Des questions aussi importantes doivent être considérées avec soin et avec le concours de toute l'expertise dont nous puissions nous assurer. C'est pourquoi j'ai l'intention de suggérer au conseil des ministres, durant les premiers mois de l'année prochaine, la création d'un comité d'étude formé de représentants des ministères impliqués mais aussi d'experts indépendants pour considérer les questions suivantes ainsi que les sujets connexes qu'il serait trop long d'énumérer ici.

Ces questions prioritaires qui devraient être soumises à un tel comité sont, en premier lieu, le rapport à établir entre les allocations sociales et les prestations en provenance des régimes d'assurance sociale en vigueur au Québec; deuxièmement, les perspectives financières à court et à long terme des régimes d'assurance sociale et, troisièmement, les modalités de financement à établir pour tous ces régimes. Voilà, M. le Président, les considérations générales que me dicte ce projet de loi no 64 sur l'amendement au régime de rentes du Québec.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): L'honorable député de Chicoutimi.

M. Marc-André Bédard

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention le ministre des Affaires sociales, qui a profité de ce projet de loi pour faire un long exposé qui ne s'attachait pas seulement à ce projet de loi mais qui, pour la moitié, traitait d'une façon particulière des grands choix que devrait faire la société québécoise face au problème de la pauvreté et qui traitait également des trois grands objectifs qu'il fallait atteindre en formes de sécurité du revenu.

M. le Président, peut-être que le ministre des Affaires sociales a profité de ce projet de loi pour élaborer, afin de se débarrasser de l'image plus ou moins ternie qu'il avait pu se faire à la suite de certaines de ses réflexions concernant le problème de la dénatalité au Québec. On le voyait, comme ministre des Affaires sociales, se réjouir presque, ou, tout au moins, il ne semblait pas plus traumatisé qu'il ne fallait par ce problème et y voyait même un moyen pour parer au problème du chômage au Québec.

M. le Président, ce que le ministre des Affaires sociales nous a dit cet après-midi, concernant, entre' autres, l'aide sociale, les assistés sociaux et la nécessité que des mesures gouvernementales soient élaborées pour subvenir à leurs besoins et parer à leurs difficultés, tout ce que le ministre des Affaires sociales a dit cet après-midi, je crois qu'il aurait dû le dire également devant le congrès du Parti libéral, qui a trouvé le moyen de dénigrer sans retenue les assistés sociaux, l'aide sociale et beaucoup d'autres mesures sociales desquelles il nous a parlé aujourd'hui avec beaucoup d'emphase.

Pour ma part, je me limiterai au projet de loi lui-même. Je crois que, concernant ce projet de loi, nous ne pouvons qu'être d'accord sur les changements — qui avaient d'ailleurs été recommandés par l'Opposition — concernant les enfants nés après la déclaration d'invalidité. Nous savons qu'entre autres le député de Saguenay, d'une façon toute particulière, avait fait des représentations en ce sens.

Nous savons qu'après des ententes entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, le projet de loi naturellement s'imposait pour faire les concordances avec les amendements apportés par le gouvernement fédéral au régime des pensions du Canada par le bill du gouvernement fédéral, le bill C-22.

Parmi les principaux amendements, et en cela nous sommes d'accord sur ce qui a été explicité tout à l'heure par le ministre des Affaires sociales, il y a les dispositions ou les amendements visant à assurer le même statut aux hommes et aux femmes en ce qui concerne les rentes des survivants. En effet, il est normal que le veuf de la femme qui a cotisé soit sur le même pied que la veuve d'un cotisant. Je crois qu'il n'y a pas nécessité d'élaborer ce point mais simplement de voir qu'on a donné suite à certaines recommandations des associations de femmes du Québec sur ce point.

Egalement le projet de loi propose une formule de calcul qui, à notre humble opinion, comporte des augmentations de contribution de deux façons. Premièrement, tel qu'on l'a dit tout à l'heure, il y a l'exemption générale qui passe de 12 p.c. à 10 p.c. du maximum des gains admissibles, ce que nous croyons être une première augmentation de contribution. Il y a également l'augmentation de maximum de gains admissibles de 12.5 p.c. par année jusqu'à ce que l'on ait rejoint le salaire hebdomadaire moyen au Canada, ce qui, à notre humble opinion, représente une autre augmentation de contribution.

L'augmentation du maximum entraînera une hausse de prestations, tandis que la diminution de l'exemption comportera nécessairement une hausse de cotisation comme au fédéral. Mais ce que nous croyons, c'est que puisqu'il y a cette augmentation de prestation et puisqu'il y a également une hausse de cotisation, comme au fédéral, il faudrait qu'ici au Québec, il y ait des avantages équivalents.

Ce n'est pas le cas.

Par exemple, M. le Président, au fédéral, le bill C-22 fait disparaître ce qu'on appelle l'évaluation des gains ou le "earning test", ce qui veut dire que le retraité de 65 ans qui continue à travailler recevra une pleine pension, alors qu'avec les mêmes contributions, au Québec, ce même retraité continuera à voir sa pension réduite à 50 p.c. des sommes gagnées.

Ce que je voudrais savoir — peut-être que le ministre voudra y répondre tout à l'heure — c'est quelles sont les raisons qui ont motivé le fait que le Québec ne donne pas aux retraités de 65 ans ce même avantage que leur donne le fédéral en vertu du bill C-22.

M le Président, je sais qu'il est six heures. Je crois qu'il faut ajourner.

LE PRESIDENT: Suspendre.

M. BEDARD (Chicoutimi): Suspendre la séance.

M. BIENVENUE: On peut ajourner ou même suspendre.

M. BEDARD (Chicoutimi): Suspendre la séance.

M. BIENVENUE: Jusqu'à huit heures quinze, M. le Président.

LE PRESIDENT: L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.

M. BIENVENUE: M. le Président, je souligne qu'il y a, à huit heures, la commission parlementaire qui étudie le code des professions.

LE PRESIDENT: A vingt heures quinze. Elle a été annoncée cet après-midi.

M. BIENVENUE: D'accord.

LE PRESIDENT: Egalement, je dois annoncer, je crois, un minidébat, qui devait avoir lieu jeudi dernier à la demande du député de Beauce-Sud, concernant une question au ministre des Affaires municipales.

(Fin de la séance à 18 h 4)

Reprise de la séance à 20 h 19

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. MASSICOTTE: M. le Président, pourrais-je avoir une directive à savoir s'il est permis à un député de souhaiter la bienvenue aux membres du club Lion de Saint-Patrice accompagnés de leurs épouses?

LE PRESIDENT: A l'ordre!

Ce n'est pas permis. Par contre, vos paroles n'étant pas antiparlementaires, je ne vous demanderai pas de les retirer.

L'honorable député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, pour résumer très brièvement, au niveau de l'étude du projet de loi no 64, nous faisions remarquer que la loi fédérale, par le biais du bill C-22, a fait disparaître le "earning test" ou l'évaluation des gains, ce qui a comme résultat que le retraité de 65 ans qui continue à travailler recevra une pleine pension s'il reste en dehors du Québec mais que la personne âgée qui demeure au Québec continuera à voir sa pension réduite de 50 p.c. des sommes gagnées.

En ce sens, je demanderais au ministre des Affaires sociales de nous expliquer lorsqu'il en aura la possibilité, au moment de sa réplique, pourquoi le Québec n'accepte pas de légiférer de manière que les personnes âgées du Québec soient sur le même pied que dans le reste du Canada. Ce projet de loi montre d'une façon très claire que, par rapport à celle du reste du Canada, les personnes âgées du Québec seront défavorisées.

C'est clair qu'on peut se poser la question à savoir pourquoi nos vieillards seraient moins bien traités que ceux du reste du Canada. Je sais que le gouvernement libéral parle souvent d'humanisation.

Dans ce sens, je crois qu'il y aurait avantage non seulement à en parler mais également à poser les gestes qui s'imposent. Parce que l'humanisation, c'est quand même une manière de voir les problèmes tels qu'ils se présentent maintenant, et penser à ceux qui les vivent présentement. Nous savons que le degré de civilisation d'une société s'évalue souvent à la manière dont elle traite les plus démunis, à la manière dont elle traite ses personnes âgées. Alors, je pense qu'il y aurait possibilité pour le gouvernement, puisqu'il parle d'humanisation, de poser un geste législatif qui aurait comme résultat de placer les vieillards du Québec dans la même situation que ceux du reste du Canada.

Autrement dit, plutôt que de parler avec emphase des grands choix de la société québécoise face aux problèmes de la pauvreté, pourquoi, M. le Président, ne pas poser les gestes qui s'imposent pour faire les petits choix? C'est bien beau de parler de grands choix, c'est bien beau de parler de grands objectifs, mais ce n'est quand même pas pour les personnes âgées de

l'an 2000 qu'il faut programmer. Ce sont, et cela c'est le devoir du gouvernement, les besoins des gens âgés d'aujourd'hui auxquels le gouvernement doit apporter des solutions. A force de programmer 20 ans d'avance, on oublie souvent les problèmes ou on oublie souvent ceux qui sont présentement aux prises avec les problèmes.

M. le Président, on a assisté, quand on parle d'humanisation, aux tournées électorales du Parti libéral, genre garderies, avec les résultats que l'on sait, à savoir qu'après seulement quelques mois d'application, on se voit dans l'obligation, pour ne pas avoir écouté une bonne partie des recommandations de l'Opposition, de réviser en profondeur cette politique des garderies. Egalement, on assiste présentement à un genre de tournées, je ne dirai pas électorales, concernant les personnes âgées afin de pouvoir déceler leurs besoins, de pouvoir déceler les désirs de ces gens qui ont quand même construit le Québec.

On fait une tournée afin de savoir, à partir d'une consultation, quelle serait la meilleure loi pour répondre aux besoins des vieillards québécois. Mais il ne faudrait pas que toutes ces tournées soient simplement pour aboutir à des genres de politique de grandeur, à des genres de politique qui programment encore une fois l'an 2,000 plutôt que de répondre d'une façon efficace aux besoins auxquels ont à faire face, d'une part, les personnes âgées et, également, les personnes, les foyers québécois qui sont concernés par le problème des garderies.

M. le Président, j'espère que le ministre des Affaires sociales saura nous expliquer pourquoi le gouvernement n'a pas agi de façon que les vieillards québécois soient sur le même pied que les vieillards du reste du Canada. Il y a également une question que nous voudrions poser au ministre des Affaires sociales au sujet du projet de loi no 64 et cette question concerne le caractère de rétroactivité des droits des veufs sur demande prévus par la loi fédérale.

Dans la loi fédérale c'est clair, mais dans le projet de loi no 64, à mon humble opinion — et j'aimerais avoir des éclaircissements du ministre là-dessus — ce n'est pas clair. Le projet de loi n'est pas clair concernant le droit à la rétroactivité de la pension. M. le Président, je voudrais terminer les remarques que nous avons à faire concernant le projet de loi no 64, en mentionnant un problème qui se situe au niveau de l'avenir, un problème spécial auquel, sans doute, le ministre des Affaires sociales a dû penser.

Comme le ministre le sait, il y a présentement une forte incitation à la retraite des femmes à 60 ans. Or, on sait que la rente ne vient qu'à 65 ans, ce qui veut dire que durant cinq ans ces personnes âgées deviennent, en quelque sorte, des assistées sociales.

M. MERCIER: Sociaux.

M. BEDARD (Chicoutimi): Ces personnes âgées. Si les libéraux écoutaient, au moins. Ces vieilles personnes sont, en quelque sorte, condamnées à être des assistées sociales. Nous avons, à plusieurs reprises, soulevé ce problème au ministre des Affaires sociales. Ce dernier nous a dit, à maintes reprises, que lorsque la situation se présentait, qu'un des conjoints avait atteint l'âge de 65 ans et pouvait bénéficier de la pension de vieillesse alors que l'autre conjoint n'avait pas atteint 65 ans, à ce moment-là, le conjoint qui n'avait pas atteint l'âge de la retraite, l'âge de recevoir sa pension de vieillesse pouvait toujours bénéficier, entre-temps, de certaines formes d'aide sociale.

Nous soumettons respectueusement qu'il y aurait avantage à ce que le gouvernement légifère au plus vite dans ce domaine de manière, encore une fois, à ne pas condamner ces personnes âgées de 60 ans à n'avoir d'autre possibilité que celle de devenir des assistées sociales.

UNE VOIX: Sociaux.

M. BEDARD (Chicoutimi): J'espère que le gouvernement saura...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît !

M. BEDARD (Chicoutimi): ... adopter, et ce le plus vite possible, une loi qui serait dans le sens de la proposition que nous faisons.

Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT: Est-ce que d'autres députés désirent participer au débat? En accordant la parole à l'honorable ministre des Affaires sociales, qui exercera son droit de réplique, le débat de deuxième lecture sera terminé.

UNE VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. Claude Forget

M. FORGET: M. le Président, je n'ai pas l'intention de commenter très longuement les propos qu'a tenus le député de Chicoutimi relativement au projet de loi no 64. Mes propres commentaires généraux, qui ont servi à introduire ce projet de loi en deuxième lecture, contiennent déjà suffisamment d'indications pour que je me borne à relever certain points peut-être secondaires mais qui méritent malgré tout d'être relevés dans les remarques du porte-parole de l'Opposition officielle.

En premier lieu, ses affirmations relativement aux hausses implicites dans le niveau des cotisations sont à la fois vraies et fausses. Vraies puisqu'il se réfère à des hausses qui, en effet, auront lieu à partir de janvier prochain et dont

l'ordre de grandeur a été décrit, par moi-même d'ailleurs, comme étant de l'ordre de 13 p.c. Donc, ces majorations auront lieu et les affirmations du député de Chicoutimi sont bien fondées quant à leur éventualité.

Cependant, il ne s'agit d'aucune manière de hausses dissimulées ou cachées dans ce projet de loi, mais de hausses que comportent nécessairement la révision et la bonification d'un régime d'assurance sociale qui est un régime contribu-toire. Cela fait partie de la nature même du régime de rentes que de voir tout changement dans le niveau des prestations s'accompagner d'un changement à peu près correspondant dans le niveau des cotisations.

J'ai indiqué cependant, dans mes remarques, que le niveau relatif des cotisations et des prestations durant les années à venir était de nature à poser au moins le problème des options qui devront être exercées, de manière à s'assurer du financement continu du régime et, ce qui est au moins aussi important, de manière à assurer à la Caisse de dépôt un fonctionnement ininterrompu et l'assurance qu'elle pourra continuer à jouer son rôle dans l'économie du Québec.

La deuxième remarque que nous avons entendue vise l'examen des gains. Le député a lu avec soin, je le note, les deux projets de loi, soit le projet de loi qui a été présenté au Parlement du Canada modifiant le régime des pensions du Canada, d'une part, et notre propre projet de loi modifiant le régime de rentes du Québec, d'autre part. Cette disparité entre les deux régimes est indéniable. Ce n'est pas la seule qui existe. On pourrait tracer dans l'histoire des deux régimes des disparités qui s'ouvrent à des moments et qui se referment un peu plus tard, puisque nous sommes engagés dans un dialogue constant pour que les deux régimes, tout en conservant leur identité propre et leur personnalité propre, puissent malgré tout évoluer de la façon la plus parallèle possible, étant donné qu'il existe environ un demi-million de Québécois qui, à un moment ou l'autre de leur vie active, ont à contribuer au régime de pension du Canada.

Cependant, la décision qui a été prise de ne pas retenir dans notre projet de loi les amendements qui figurent dans le projet de loi fédéral doit être attribuée à toute une série de considérations sur lesquelles j'aimerais attirer l'attention de cette Chambre.

La première considération est sans doute la plus importante. C'est que, déjà en 1972, l'Assemblée nationale a adopté un premier amendement au régime de rentes qui a permis d'assouplir le régime d'examen des gains pour les personnes qui sont des cotisants au régime et qui ont entre 65 et 70 ans. Antérieurement à 1972, en effet, les personnes qui se trouvent dans cette catégorie étaient soumises à un test du revenu en deux parties, c'est-à-dire qu'il y avait une exemption complète des revenus d'emploi pour les bénéficiaires potentiels du régime de rentes jusqu'à 18 p.c. du maximum des gains admissibles et qu'il y avait, de 18 p.c. à 30 p.c. un taux de réduction de 50 p.c. Mais, à partir de 30 p.c. du maximum du revenu des gains admissibles, tout revenu d'emploi s'accompagnait d'une diminution exactement équivalente dans le niveau des prestations, c'est-à-dire un taux de réduction de 100 p.c.

En 1972, le deuxième palier a été supprimé et on a étendu à l'ensemble des revenus supérieurs à 18 p.c. du maximum des gains admissibles la disposition, qui est sans aucun doute plus favorable, d'un taux de réduction de 50 p.c. C'est en face de cette initiative du Québec, prise en 1972, que le gouvernement fédéral et les gouvernements des autres provinces ont été amenés à reconsidérer le problème de l'examen des gains pour les personnes âgées de 65 à 70 ans. Et ils se sont mis d'accord sur une formule qui implique un abandon complet de cette formule d'examen des gains.

Le Québec n'a pas jugé bon de suivre cette décision des autres provinces et du gouvernement fédéral, ayant déjà résolu ce problème de la manière qui nous semblait appropriée il y a deux ans. Nous avons préféré différer toute reconsidération de cette question à un moment plus propice à une remise en question, c'est-à-dire à un moment, qui s'approche de plus en plus, où l'ensemble des mesures de sécurité du revenu pourra être réévalué.

Il est évident que lorsque l'on transforme un test de revenus ou un test de gains, pour une certaine partie des bénéficiaires du régime de rentes, en un régime d'allocations forfaitaires, l'on change fondamentalement la nature de cette couverture sociale et que l'on ne devrait le faire que dans la mesure où l'on se satisfait qu'elle ait une place bien déterminée dans l'ensemble des mesures de sécurité de revenu.

Or, tel n'est pas le cas dans le moment. D'ailleurs, sur le plan de l'opportunité même d'une telle mesure, on peut se poser plusieurs questions. Il est assuré qu'une certaine proportion de bénéficiaires du régime de rentes ou des personnes dans cette catégorie, peut-être allant jusqu'à 30 p.c, serait incitée à se retirer complètement du marché du travail si aucune espèce de pénalité n'y était rattachée ou si, encore, aucune incitation à conserver une source de revenus n'était présente dans le régime.

L'opportunité d'un tel développement peut être mis en question, d'autant plus qu'il aurait un effet redistributif certain. En effet, qui sont ces personnes qui, au-delà de l'âge de 65 ans, peuvent conserver un revenu d'emploi? Ce sont, dans une large mesure, des travailleurs autonomes, des professionnels et des hommes d'affaires. Et si l'on considère l'impact sur les coûts du régime d'une majoration des prestations accordées à cette catégorie de la population, l'on doit considérer également, puisqu'il s'agit d'un régime contributoire, les hausses de cotisations qui seraient nécessaires. Nous nous retrouverions, M. le Président, devant une situation où,

pour majorer les revenus de personnes qui ont déjà et, parfois, probablement, des revenus fort confortables et fort suffisants, nous serions amenés à majorer le niveau général des cotisations pour l'ensemble des cotisants au régime.

Il nous paraît qu'une telle décision, à moins qu'elle soit inscrite dans un cadre beaucoup plus vaste et qu'elle soit, à ce moment-là, nécessaire dans un plus large contexte, est inappropriée, étant donné son coût et étant donné, encore une fois, le contexte général de la révision des mesures de sécurité du revenu sur laquelle a porté la plus grande partie de mon exposé de cet après-midi.

Ce sont donc là les raisons qui me poussent à dire, M. le Président, que ce choix qu'a fait le Québec, dans l'aménagement de son régime de rentes, choix qui introduit une nouvelle disparité entre ce régime de rentes et le régime des pensions du Canada, est pleinement justifié, qu'il ne représente pas une option définitive à tous égards mais qu'à ce moment-ci, étant donné l'ensemble des problèmes de financement et de cohérence entre les régimes de prestations sociales et les régimes d'assurance sociale, c'est véritablement la seule décision qu'il me soit possible de justifier.

Très brièvement, deux autres points ont été soulevés, l'un ayant trait à la rétroactivité des mesures annoncées et prévues par ce projet de loi-Cette rétroactivité, M. le Président, joue, dans le cas de ce nouvel élargissement pour ce qui est des conjoints survivants et des cas d'invalidité, de manière que les cotisantes, les femmes qui ont un revenu d'emploi et qui ont cotisé au régime, acquièrent ces droits à des prestations pour leur survivant et pour elles-mêmes en cas d'invalidité de la même façon que les cotisants de sexe masculin, et ceci rétroactivement pour ce qui est de l'admisibilité à ces prestations. Donc, s'il y a une cotisante dont le conjoint est décédé avant la mise en vigueur de cette loi, c'est-à-dire avant le 1er janvier 1975, ce conjoint survivant, de sexe masculin, par définition, puisqu'il s'agit d'une cotisante, aura droit à une rente de conjoint survivant à compter du 1er janvier 197 5, même si le décès de la cotisante est antérieur au 1er janvier 1975, pourvu qu'il se situe depuis la date d'entrée en vigueur du régime lui-même, bien évidemment.

Cependant, les prestations elles-mêmes ne sont pas rétroactives, c'est-à-dire que nous ne paierons pas à ce conjoint survivant ce qu'il aurait reçu entre la date du décès et le 1er janvier 1975. C'est une rétroactivité quant à l'admissibilité, non pas une rétroactivité des bénéfices eux-mêmes.

Enfin, pour terminer, la question relative aux incitations à la retraite des femmes de 60 à 65 ans. Il s'agit-là, M. le Président, d'une question très complexe et qui nous fait déboucher sur un problème qui n'appartient pas, comme tel, au régime de rentes, mais qui appartient véritablement au régime de sécurité du revenu.

Comme le député de Chicoutimi, d'ailleurs, l'a indiqué, j'ai eu l'occasion de souligner que ces personnes sont admissibles à des mesures de sécurité du revenu lorsque nous sommes en présence d'un couple, par exemple, dont l'un est à la retraite et dont l'autre a moins de 65 ans. On peut s'interroger sur le degré de suffisance des prestations que permet le régime d'aide sociale dans ces cas. C'est le niveau généralement payé à tous les bénéficiaires d'aide sociale; ce n'est donc que l'application d'un régime universel à cet égard.

Pour ce qui est de la possibilité, qui est peut-être implicite dans la remarque du député de Chicoutimi, d'abaisser l'âge de la retraite lui-même, cette question me paraît déborder largement le cadre de notre débat. Malgré tout, j'aimerais indiquer qu'il faudra s'interroger beaucoup plus longuement qu'on ne l'a fait jusqu'à ce jour sur l'opportunité d'une modification à la baisse dans l'âge de la retraite, étant donné toutes les circonstances que l'on sait quant à l'évolution des personnes qui sont à la retraite, à leur état de santé, à la possibilité pour l'économie d'absorber une diminution aussi considérable de la main-d'oeuvre et, enfin, au coût même d'un tel régime qui serait prohibitif, d'après toutes les études qui ont pu être faites jusqu'à maintenant.

C'est l'essentiel, M. le Président, des remarques que je voulais faire à la suite de l'intervention du député de Chicoutimi. Je demanderais que le projet soit maintenant approuvé et lu une deuxième fois.

LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. BEDARD (Chicoutimi): Adopté, M. le Président.

LE PRESIDENT: Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi no 64, Loi modifiant le régime de rentes du Québec, soit déféré à la commission parlementaire des affaires sociales pour étude article par article.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

UNE VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

M. BIENVENUE: M. le Président, avant que nous appelions l'article suivant, quelques-uns de mes collègues ont demandé tout à l'heure quel

serait le menu, législatif ou autre, pour demain. Comme, habituellement, cette réponse vient de nous mais que, le mercredi, elle vient d'autres députés, j'aimerais savoir si on s'est posé des questions à ce sujet. J'aimerais renseigner mes collègues.

LE PRESIDENT: Tel qu'il a été convenu, demain, mercredi, est la journée des députés. Je pense bien — on en avait discuté la semaine dernière — que demain, aux affaires du jour, nous débattrons la motion inscrite au numéro 44 du feuilleton de mercredi dernier, motion inscrite au nom du député de Johnson: "Que soit convoquée la commission permanente de l'Assemblée nationale afin d'étudier les moyens à prendre pour qu'à l'avenir un député mis en accusation par un de ses collègues ne puisse éviter le jugement de ses pairs".

Maintenant, on a fait une correction d'un commun accord: Cette mise en accusation doit être faite en vertu de l'article 80 du règlement. C'est cette motion qui sera appelée demain aux affaires du jour.

M. BIENVENUE: Est-ce que le député de Johnson aura un discours prêt, M. le Président? Un beau et long discours à ce sujet?

M. BELLEMARE (Johnson): Cela va même soulever le pinacle du temple.

M. BIENVENUE: Article 15, M. le Président.

LE PRESIDENT: On peut demander s'il y a consentement? D'accord. Articles 15, 16, et 17. L'honorable ministre de la Fonction publique, s'il y a consentement, propose que pour le projet de loi no 61, Loi modifiant le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, le projet de loi no 62, Loi modifiant le régime de retraite des fonctionnaires et le projet de loi no 63, Loi modifiant le régime de retraite des enseignants, l'étude en deuxième lecture soit groupée. Est-ce qu'il y a consentement?

M. CHARRON: Consentement, M. le Président.

LE PRESIDENT: Bon.

M. BIENVENUE: Très bien.

Projets de loi nos 61, 62 et 63 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Fonction publique propose la deuxième lecture des projets de loi nos 61, 62 et 63.

L'honorable ministre de la Fonction publique.

M. Oswald Parent

M. PARENT: M. le Président, je voudrais remercier au tout début les membres de l'Opposition officielle d'avoir accepté que soient unifiés ces trois projets de loi relatifs aux régimes de retraite. Au cours de la première session de la présente Législature, j'ai eu l'honneur d'introduire un projet de loi qui, une fois sanctionné, est devenu le chapitre 12 des Lois de 1973. Cette loi établissait le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics et garantissait aux employés du gouvernement et de ses partenaires les droits qu'ils avaient acquis lors de la signature des conventions collectives de travail à l'automne de 1972.

Aujourd'hui, presque un an après la sanction de la loi établissant le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, je soumets pour étude par cette Assemblée trois projets de loi ayant pour objet de modifier les trois régimes de retraite établis par législation auxquels doivent participer les employés du gouvernement et ceux de ses partenaires dans les domaines de la fonction publique, de l'éducation, des affaires sociales.

M. le Président, étant donné que les trois projets de loi portant les nos 61, 62, 63 reflètent les mêmes principes et que plusieurs articles sont identiques, je n'abuserai pas de cette Assemblée en traitant des principes invoqués pour chaque projet pris individuellement, mais plutôt en exposant à cette Assemblée les raisons des modifications comme s'il s'agissait d'un seul projet de loi, sans pour autant modifier les règles parlementaires relatives à l'étude des projets de loi.

Les trois projets de loi portant les nos 61, 62 et 63 permettront, une fois leur adoption, d'apporter des modifications relatives à l'élimination de la discrimination dont souffraient les conjoints des employés de sexe féminin, d'autoriser les fonctionnaires à qui le régime de retraite des fonctionnaires s'applique à bénéficier des mêmes avantages que ceux prévus dans le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics pendant une période de maladie donnant lieu à l'application de l'assurance-salaire prévue aux conventions collectives de travail, de reporter certains délais pour produire des avis ou demandes que les employés n'ont pu soumettre dans les délais prévus, faute d'information pertinente, et enfin de corriger certaines lacunes que l'expérience d'une année d'activité a permis de déceler.

Seulement deux modifications de principe sont soumises à cette Assemblée dans ces trois projets de loi, l'une ayant trait à l'élimination de la discrimination résultant du paiement de rentes de survivants aux maris invalides d'un employé de sexe féminin et l'autre ayant trait à l'exonération des cotisations en cas de paiement d'assurance-salaire.

La première modification, qui consiste à éliminer la discrimination dans les régimes de

retraite établis par législation en regard des paiements payables au conjoint d'une employée qui décède, est le résultat direct de l'intention de ce gouvernement d'éliminer toute discrimination se rapportant à la femme.

En créant le Conseil du statut de la femme, le gouvernement du Québec constituait un organisme consultatif responsable de déterminer dans quelles mesures les femmes faisaient l'objet de discrimination tant dans le domaine de l'embauche que celui de la rémunération ou de tout autre secteur.

Suite aux recommandations de ce conseil et à l'évaluation du contexte social actuel, nous suggérons de modifier les régimes de retraite des fonctionnaires, des enseignants et des employés du gouvernement et des organismes publics, afin de permettre le paiement d'une rente de survivant au conjoint d'un employé décédé, sans discrimination de sexe.

Ces modifications sont équivalentes à celles suggérées au régime de rentes du Québec dans le projet de loi no 64.

Une telle modification n'a pas été apportée lors de l'étude de la loi établissant le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, par suite de l'effet d'entraînement qu'une telle modification aurait occasionné sur le régime de rentes du Québec au moment où l'évaluation actuarielle des coûts résultant de cette modification n'était pas disponible.

Maintenant que le ministre des Affaires sociales a déposé le projet de loi no 64, modifiant le régime de rentes du Québec, je crois de mon devoir, comme membre de cette Assemblée, comme ministre de la Fonction publique, de vous proposer les amendements aux trois régimes de retraite qui permettront, une fois adoptés, de payer une rente de survivant sans égard au sexe de l'employé décédé.

Le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, en 1973, lors de son établissement par législation, a reconnu pour les employés recevant des prestations d'assurance-salaire le droit de continuer leur participation pendant une telle période d'invalidité, sans perte de droit, tout en obtenant une exonération de cotisations.

Les projets de loi 62 et 63, modifiant le régime de retraire des fonctionnaires ainsi que celui des enseignants, établissent une telle protection pour les employés qui participent à ces deux régimes sans qu'ils ne soient obligés d'opter pour le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics s'ils désirent se prévaloir des avantages de ce régime de retraite.

Les représentants des employés ont demandé que de telles modifications soient adoptées aux régimes de retraite des fonctionnaires et des enseignants afin de traiter sur un pied d'égalité les employés en instance de prestations d'assurance-salaire, quel que soit le régime de retraite auquel ils participent.

Les modifications suggérées, si elles sont adoptées, entreront en vigueur une fois que les représentants des employés auront convenu de la mise en application de tels amendements, étant donné qu'il s'agit de modifications aux conventions collectives de travail signées en 1972.

Comme il s'agit de modifications accordant des bénéfices additionnels, nous croyons qu'il sera possible pour ces personnes d'accepter d'implanter le régime de protection en cas de maladie sans perte de droit quand à la retraite, et que les modifications requises auxdites conventions collectives de travail ne tarderont pas à être signées par les parties concernées.

Nous avons cru préférable de prévoir le mécanisme légal nécessaire à la mise en oeuvre de ces bénéfices plutôt que modifier lesdites conventions collectives sans que les lois, régissant les régimes de retraite, soient modifiées.

La Loi établissant le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics a été sanctionnée le 23 décembre 1973 et prenait effet à compter du 1er juillet 1973. Plusieurs articles de cette loi prévoient que l'employé doit poser des gestes ou donner des avis pour bénéficier de tel ou tel autre avantage prévu dans la Loi établissant le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics. Il en est de même pour le régime de retraite des fonctionnaires.

La commission administrative du régime de retraite a été formée dans les quelques semaines qui ont suivi l'adoption de la Loi établissant le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics. Le personnel requis, pour l'application de la loi, a été embauché avec diligence, et les mécanismes nécessaires à la diffusion de l'information ont été mis en place sans délai.

Toutefois, comme il s'agit de quelque 325,000 employés répartis entre quelque 1,700 employeurs et qui sont localisés sur tout le territoire de la belle province, malgré toute la bonne volonté des employés et les nombreux efforts apportés à la mise en oeuvre de la loi, des participants n'ont pas été informés dans des délais justifiant une décision à prendre en connaissance suffisante des droits et, des devoirs de la loi.

C'est pourquoi je propose aujourd'hui des modifications dans les trois projets de loi faisant l'objet de ce débat afin de reporter certains délais qui permettront aux employés, maintenant qu'ils sont renseignés, de décider de l'option qui leur est la plus avantageuse.

Après presque une année d'application de la Loi du régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, il a été possible de déceler certaines ambiguïtés dans la loi, ambiguïtés que je propose de corriger par des modifications mineures mais essentielles afin de respecter les engagements pris envers les employés lors de la signature des conventions collectives de travail, à l'automne de 1972.

Enfin, cette Assemblée, en adoptant la Loi

établissant le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, a prévu qu'un certain nombre de règlements seraient adoptés afin de compléter le travail législatif en procédant à des définitions qui devaient être établies à partir de consultations entre les parties, en permettant d'assujettir des organismes qui ne pouvaient être identifiés dans la loi, soit qu'ils n'avaient pas demandé leur adhésion à cette date, etc.

Dans le but de minimiser les effets de ces règlements établis par le lieutenant-gouverneur en conseil, la Loi créant le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics a prévu que les règlements ne pourraient pas avoir d'effet antérieur à la date de leur parution dans la Gazette officielle du Québec.

Toutefois, je reconnais la sagesse de cette décision et je propose, dans ce projet de loi no 61, de modifier le pouvoir de réglementation établi dans la loi constitutrice du régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, en permettant que certains règlements adoptés avant le 1er janvier 1975 puissent avoir effet à compter du 1er juillet 1973.

Lors de l'étude de ces amendements par les membres de la commission parlementaire de la fonction publique, je déposerai les règlements qui doivent être adoptés avec effet à compter du 1er juillet 1973 afin que les membres puissent, en toute connaissance, évaluer la portée des amendements suggérés. Ces règlements ont été adoptés après consultation par la commission administrative auprès des membres du comité d'administration, comme le stipule l'article 136 de la loi établissant le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics.

Il ne me paraît pas opportun d'apporter des modifications en profondeur dans les trois régimes de retraite, étant donné que les négociations entre le gouvernement et ses employés, ainsi que ceux de ses partenaires sont sur le point de débuter et que les représentants des employés ont déjà fait part de leur intention de demander des modifications quant à la formule de calcul de la pension ou à l'admissibilité aux bénéfices découlant desdits régimes.

J'ose espérer, M. le Président, que les modifications prévues dans les trois projets de loi portant les numéros 61, 62 et 63 seront adoptées à l'unanimité par cette Chambre.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Le député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, la tâche est relativement facile de faire la critique de ces trois projets de loi, puisque, comme le ministre vient de le dire lui-même dans son texte, l'essentiel pour que l'Assemblée nationale se prononce en toute connaissance de cause est que ces régimes et surtout les modifications à ces régimes ont été, semble-t-il, d'emblée acceptées par les parties directement concernées.

Il est évident que, si le ministre nous avait apporté ces amendements ou ces modifications, quelques bonnes qu'elles aient été, M. le Président, dans leur première apparence, si elles n'avaient reçu l'assentiment des gens qui en seront les bénéficiaires, tôt ou tard, à la fin de leur carrière, la position de l'Opposition aurait pu être tout à fait différente. Nous aurions fait, encore une fois, les mêmes revendications qui s'imposent, je pense, dans ces circonstances.

M. le Président, ces trois lois sont acceptables non seulement parce qu'elles ont été acceptées par les personnes concernées et leurs représentants officiels, mais aussi parce qu'elles interviennent avec de nouveaux principes qui, il me semble, devraient recevoir aussi l'assentiment de l'Assemblée.

Mon collègue de Chicoutimi, en intervenant sur le dernier projet de loi étudié par cette Assemblée en deuxième lecture, a signalé que toute modification apportée par le gouvernement visant à faire disparaître la discrimination dans les régimes de retraite, dans les régimes de rentes, dans le monde du travail en général, entre hommes et femmes au Québec allait recevoir l'appui inconditionnel, je dirais, du parti de l'Opposition officielle.

M. le Président, c'est un fait que, dans les trois projets de loi, ce principe réapparaît et constitue donc un acquis important. Quant à l'autre principe, celui de reconnaître pour les employés recevant des prestations d'assurance-salaire le droit de continuer leur participation durant une telle période d'invalidité sans perdre de droits et tout en obtenant une exonération, il paraît aussi une conséquence normale au bout d'un an d'évolution de ce régime et un amendement nécessaire à apporter.

Ces amendements et ces modifications au régime de retraite ont été accueillis, semble-t-il, avec satisfaction de la part des milieux syndicaux qui représentent ces gens, et le ministre a fait lui-même allusion, à la fin de son discours, au fait qu'il entreprendra très bientôt la négociation d'une nouvelle convention collective avec les mêmes gens concernés. Il est bien possible, à ce moment-là, que les négociations soient un peu plus difficiles qu'elles ne l'ont été. Tout ce que nous pouvons espérer c'est que le souci que le ministre a eu, dans ce débat, de consulter, de s'assurer de l'assentiment des personnes concernées le guidera lorsqu'il entamera la prochaine négociation dans la fonction publique et para-publique. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ces projets de loi. Second reading of these bills.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M.Séguin): Commission plénière?

M. BIENVENUE: Non. Mais est-ce que le leader de l'Union Nationale aurait quelque chose à dire? Non?

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): II faudrait tout de même qu'il soit à sa place.

M. LACROIX: II est allé dire ça en arrière du rideau.

Projets de loi déférés à la commission

M. BIENVENUE: M. le Président, je fais motion pour que ces trois projets de loi, après la deuxième lecture qui vient d'être adoptée, soient déférés à la commission parlementaire de la fonction publique.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

M. BIENVENUE: Article 12), M. le Président.

Projet de loi no 56 Deuxième lecture

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Le ministre d'Etat aux finances propose la deuxième lecture du projet de loi no 56, Loi modifiant la loi de la curatelle publique et la loi de la protection du malade mental.

Le député de Hull.

M. MAILLOUX: L'honorable.

M. Oswald Parent

M. PARENT (Hull): M. le Président, comme l'a dit le leader adjoint du gouvernement, c'est à titre de ministre d'Etat aux Finances que je présente cette loi de la curatelle publique.

Au mois de juin 1971, les membres de cette Assemblée examinaient et approuvaient la loi 32, laquelle proposait une refonte complète de la Loi de la curatelle publique. Cette loi, qui s'inspirait principalement d'un certain nombre de recommandations de la commission Caston-guay dans le volume IV de son rapport, tome I, page 111 et 112 a permis la mise en vigueur de nouvelles dispositions juridiques.

Les points essentiels de la refonte de 1971, on s'en rappellera, étaient les suivants: La juridiction du curateur public ne se limitait plus aux hôpitaux psychiatriques et à la cure fermée mais fut étendue à tous les malades mentaux jugés incapables d'administrer leurs biens par le directeur des services professionnels du centre hospitalier où ils étaient traités, le seul critère retenu établissant la juridiction du curateur public et l'attestation d'incapacité du malade mental d'administrer ses biens.

Le directeur des services professionnels n'a plus à décider si les circonstances rendent cette mesure indispensable pour la protection du patrimoine d'un malade mental. Il a semblé, en effet, que le rôle du centre hospitalier n'était pas d'enquêter sur le patrimoine de ses patients. D'ailleurs, ces institutions n'ont pas les moyens de faire cette enquête, parfois longue et difficile.

Le curateur public devient non seulement curateur aux biens mais curateur à la personne du malade mental. Une telle modification à la loi actuelle permettrait au curateur public de représenter ses administrés dans des causes de divorce notamment et d'obtenir pour eux une pension et autres avantages, évitant ainsi qu'ils soient à la charge complète de la province.

Le curateur public n'a pas cependant la garde de la personne du malade mental, car il ne peut en avoir le contrôle, soit au centre hospitalier, soit au foyer. Dans la pratique et malgré l'institution de la subrogée tutelle prévue au code civil, dès qu'un curateur ou un tuteur est nommé, tout contrôle disparaît. En effet, il ne rend compte qu'à la fin de son administration. L'article 31, chapitre 81 de 1971, supplée donc à cette lacune en facilitant le contrôle de la gestion des administrateurs de biens appartenant à des incapables.

La loi impose un système de protection des biens des incapables administrés par un tuteur ou un curateur privé, dont la responsabilité est confiée au curateur public.

A cette fin, le curateur public peut tenir une enquête sur les biens placés sous tutelle ou curatelle de demander la destitution d'un tuteur ou d'un curateur.

Le système préconisé a pour but de s'assurer que les biens des mineurs ou des interdits ne soient dissipés, dispersés ou laissés à l'abandon par suite de la cupidité, de l'incompétence ou de l'ignorance des lois de ces tuteurs ou curateurs privés.

Afin que le curateur public soit mis au courant de façon efficace et sûre, la loi impose aux protonotaires de la cour Supérieure l'obligation de lui transmettre tout jugement relatif à la tutelle ou à une curatelle.

Tout en conservant l'esprit qui a présidé à la dernière refonte de la Loi de la curatelle publique, les modifications proposées visent à permettre au curateur public de mieux satisfaire aux besoins de la population et de protéger de façon plus spécifique ceux de ses membres qui

sont les moins favorisés au point de vue économique et social.

Les changements suggérés ont également pour but d'améliorer le fonctionnement de la curatelle publique, tout en tenant compte des modifications de concordance apportées à la Loi de la protection du malade mental.

Il est ainsi devenu nécessaire d'effectuer un certain nombre d'amendements. Le gouvernement a dû créer la curatelle publique parce que des patrimoines dépérissaient, se perdaient, soit que les familles ne voulaient pas ou ne pouvaient pas s'occuper des biens de leurs parents malades, absents, etc. Le curateur public, de par ses fonctions, administre des biens qui sont du domaine privé et tenus distincts des biens de l'Etat. En conséquence, le vérificateur ne peut être un fonctionnaire ou un employé du gouvernement, qui a créé la curatelle publique, puisqu'il se prendrait à témoin lui-même. Le vérificateur général ne peut vérifier les comptes gérés par le curateur public parce que son rôle se limite aux biens de l'Etat. L'inspecteur des compagnies en fidéicommis est placé dans une mauvaise situation, puisqu'il n'est pas outillé et, en conséquence, ne peut assumer la responsabilité pour effectuer des vérifications, son rôle étant d'inspecter les opérations des compagnies en fidéicommis. Il est appelé à collaborer avec le curateur public dans différentes enquêtes couvrant leurs champs d'activité respectifs. L'un ne peut donc vérifier l'autre puisque les deux peuvent et travaillent ensemble, d'où danger d'accusation.

Enfin, il n'est pas normal qu'un ministère vérifie un autre ministère ou organisme provincial. Il y a donc nécessité d'amender la loi en prévoyant la nomination d'un vérificateur indépendant afin d'éviter toute espèce de conflit.

Les certificats d'incapacité d'administrer les biens sont attestés par le directeur des services professionnels du centre hospitalier où est traité le malade. Il est pratiquement impossible aux directeurs des services professionnels, dans certains centres hospitaliers, de porter toute l'attention nécessaire à ce devoir en raison de leurs fortes responsabilités. Il s'agit de permettre à leurs adjoints de signer ces certificats.

Les dispositions du code de procédure civile défendent au curateur public ou à son représentant de se présenter à ce tribunal, privant ainsi d'un excellent recours certaines personnes parce qu'elles sont sous la juridiction du curateur public. Ainsi, le curateur public ou son représentant pourra représenter son administré à la cour des petites créances.

Le chapitre 44 des Lois du Québec, 1972, Loi de la protection du malade mental, ne couvre que la santé et la sécurité d'une personne malade ou d'autrui. Il ne couvre pas le patrimoine de ces personnes. Ce n'est d'ailleurs pas son but. Des personnes, à cause de leur état mental, dispersent leurs biens au point de mettre leur patrimoine et celui d'autrui en danger, en plus de pouvoir être à la merci de gens sans scrupules. Le rôle du curateur public est de sauvegarder les patrimoines, entre autres personnes, de malades mentaux.

Le curateur public doit pouvoir intervenir à certaines conditions spécifiques dans des cas où il peut être clairement établi qu'une personne, à cause de troubles mentaux, peut mettre en danger son patrimoine ou celui d'autrui. Le curateur public n'est pas un psychiatre et c'est pourquoi il faut lui fournir un certificat médical recommandant un examen clinique psychiatrique. A ce moment seulement pourra-t-il intervenir au moyen d'une requête adressée à un juge. Jamais il ne pourra intervenir de sa propre autorité.

En fait, il ne fera que véhiculer une procédure afin de sauvegarder un patrimoine, la décision n'appartenant qu'au juge.

Cette procédure rejoint celle prévue dans la Loi de la protection du malade mental, chapitre 44 des Lois du Québec 1972. Le curateur public ou son représentant aura l'obligation d'effectuer sa propre enquête afin de pouvoir affirmer, sous serment, les faits dont il a connaissance.

L'administrateur provisoire de la succession. Beaucoup de créanciers sont lésés dans leurs droits parce que les héritiers connus d'une succession refusent ou négligent d'accepter ou de renoncer à la succession. Puisque ces personnes sont connues, la succession ne peut être réfutée vacante et les juges ne peuvent la déclarer vacante à cause de la présence d'héritiers connus qui ne bougent pas. Personne n'a les pouvoirs d'administrer dans ces cas. Il s'agit donc de corriger une situation qui cause de graves préjudices aux créanciers.

Tuteurs ou curateurs d'office. Notre expérience dans la vérification des administrations des curateurs privés et des tuteurs démontre que lorsque nous provoquons la destitution pour cause d'un curateur privé ou d'un tuteur, les parents négligent ou refusent de faire nommer un nouveau curateur privé ou tuteur.

Cette attitude place le curateur public dans l'impossibilité d'agir au domaine de la vérification des administrations des curateurs privés et des tuteurs puisque, s'il fait destituer par un juge de la cour Supérieure un curateur privé ou un tuteur, il sait que les biens concernés ne sont pas protégés car personne ne veut prendre la relève.

On en conclut que le pupille est pris dans un dilemme, soit que son curateur privé ou tuteur n'est pas à la hauteur de la situation ou, s'il est destitué, personne ne prend la relève. Conclusion, ses biens sont en péril.

M. le Président, le gouvernement a présenté ce projet de loi à cette Assemblée afin d'apporter les solutions les plus conformes aux besoins de la population dans ce domaine vital.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Le député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, comme il n'y a pas de principe à discuter d'une façon spéciale dans ce projet de loi, peut-être qu'il y aurait lieu de passer à l'étude article par article.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

M. BIENVENUE: Commission plénière, M. le Président, si j'ai l'assurance que ça ira vite, vite, vite.

M. BEDARD (Chicoutimi): Voici, c'est que...

M. BIENVENUE: J'ai mis un si à ma question.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, concernant cette loi, au niveau de l'Opposition, normalement c'était le chef de l'Opposition qui devait en assumer l'étude et la discussion. Il est présentement à une commission parlementaire.

M. BIENVENUE: Si je comprends bien, le député de Chicoutimi aimerait mieux qu'il n'y ait pas immédiatement de commission plénière.

M. BEDARD (Chicoutimi): Non.

M. BIENVENUE: D'accord, à cause du si, M. le Président, je fais motion pour que l'étude de ce projet de loi soit déférée, après la deuxième lecture qui vient d'être adoptée, à la commission parlementaire du revenu, des finances, et des comptes publics.

Projet de loi déféré à la commission

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Alors, je pense que le journal a compris. Cette motion de déférer l'étude de ce projet de loi à la commission parlementaire du revenu des finances et des comptes publics est-elle adoptée?

Adopté.

M. BIENVENUE: Article 8, M. le Président.

Projet de loi no 19 Deuxième lecture

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin):

Article 8, projet de loi no 19, Loi des agents de voyage.

Le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche.

M. Claude Simard

M. SIMARD: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce bill et il en recommande l'étude à cette Chambre.

M. le Président, concernant le projet de loi no 19, je soumets les explications suivantes aux membres de cette Assemblée: Dès l'origine, il y a maintenant près de huit ans, le Québec s'est imposé comme leader en Amérique du Nord en ce qui a trait à une législation visant à réglementer la profession d'agents de voyage.

Avec la collaboration du ministère de la Justice et celle du ministère des Institutions financières, il nous a été possible, dès le printemps dernier, de présenter la première législation en Amérique du Nord en cette matière. Le gouvernement ontarien s'est tout de suite intéressé à notre projet et s'apprêterait à nous imiter.

En vous proposant une loi visant à assainir la pratique commerciale des agents de voyages, nous nous préoccupons d'abord de la protection des touristes et des consommateurs chez nous. Nous espérons bien que cette loi rendra impossibles les aventures du type de celles qu'ont vécues certains de nos citoyens par le passé, en se retrouvant seuls, sur une rive inconnue, sans aucun moyen de transport à leur disposition, et ce après avoir défrayé le coût d'un voyage organisé.

En tant que ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, notre préoccupation doit s'étendre à nos visiteurs. Nous entendons, par cette loi, protéger les gens qui, de plus en plus, nous visiteront grâce à l'action des grossistes en voyages. La loi que nous proposons est fort simple, M. le Président. Afin de faciliter la compréhension du texte qui nous est présenté, nous élaborerons d'abord l'étendue des fonctions de l'agent de voyages. Par la suite, nous examinerons attentivement les moyens de contrôle que cette loi met à notre disposition. Aussi, nous conclurons avec le processus décisionnel et les sanctions qui sont prévues pour assurer la politique gouvernementale en la matière.

Maintenant, à qui cette loi s'appliquera-t-elle? Comme vous le savez, l'industrie touristique est dans une forte proportion constituée d'hébergement et de transport. L'agent de voyages joue un rôle extrêmement important dans ce secteur d'activités. Le législateur a donc prévu que quiconque réserve ou émet des titres d'hébergement ou de transport accomplit une tâche qui est du ressort de l'agent de voyages. Il est entendu que l'hôtelier ou le transporteur qui réserve ou émet un titre pour un service dont il est le fournisseur n'agit pas comme intermédiai-

re et n'est aucunement régi par la Loi des agents de voyages. Sa portée, M. le Président, s'étendra à toutes les personnes physiques et morales qui organisent des voyages individuels ou en groupe, quel que soit le mode de paiement prévu. Ainsi, qu'il me soit permis de souligner que les grossistes en voyages, mieux connus peut-être sous le nom de "tour operators", sont visés par cette loi. Ils le sont, d'ailleurs, au même titre que les agents de voyages que vous connaissez et qui, eux, font affaires directement avec le consommateur.

Après avoir précisé l'étendue de la loi, nous allons tenter de mettre en relief les principaux modes de contrôle que nous voulons proposer à votre bonne attention. Le permis que nous prévoyons émettre aux agents de voyages constitue sans aucun doute la pièce maîtresse de cette loi, puisqu'en plus d'assurer le contrôle gouvernemental sur l'entreprise il reste le seul témoin apparent de la caution gouvernementale. Les conditions d'obtention de ce permis, nous les voulons relativement sévères et, afin de garantir notre caution, nous avons voulu que le permis soit attaché à une personne physique. Dans ce contexte, l'expérience et les antécédents, de même que la solvabilité du requérant devront être sérieusement examinés. Je crois que les articles 8, 9 et 10 sont suffisamment explicites sur le sujet.

Il est à noter qu'un seul permis pourra être émis à l'avantage d'une personne physique, ce qui n'empêche pas, par ailleurs, que l'agent de voyages cautionné pourra assumer la responsabilité d'un ou plusieurs conseillers en voyages qui, cependant, devraient pouvoir s'identifier comme tels ou travailler à la même place d'affaires que le détenteur de permis. Les procédures nécessaires à l'obtention de permis seront cependant assez souples, quoiqu'il reste à préciser au niveau de la réglementation les différents tarifs et droits que le ministère exigera pour étudier la formule de demande.

Afin d'assurer la bonne administration des sommes d'argent transigées par l'agent de voyage, on a prévu la constitution d'un compte en fidéicomrnis dans lequel devront être déposées les acomptes perçus. Ceci est indiqué, M. le Président, à l'article 32 et à l'article 36. Je dois vous avouer que cette partie de la loi est celle qui préoccupe le plus les agents de voyage, compte tenu des pratiques actuelles de leur profession.

Nous avons fait le choix de porter quand même ces articles à votre attention et de soumettre le tout à votre décision, compte tenu du fait que nous croyons que les agents de voyages en mesure de travailler, sont en mesure de le faire même avec ces contraintes. Tout au plus croyons-nous que les fonds de roulement devront être un peu plus importants, ce qui ne va pas sans contribuer à la solvabilité du détenteur de permis.

Nous avons d'autre part prévu que le demandeur d'un permis devra fournir un cautionne- ment nous garantissant la sécurité financière de ses activités. Le montant du cautionnement ne peut, à ce stade-ci, être suffisamment précis pour que nous puissions statuer sur la question. Je me contenterai, M. le Président, de vous préciser que le Bureau des assureurs du Canada estime pouvoir préparer une police de garantie qui nécessiterait une prime équivalant à quelque 1 p.c. ou 2 p.c. du montant du cautionnement exigé par le gouvernement.

Afin d'assurer l'exécution des pouvoirs qui sont confiés au ministre, il est prévu que la commission de la Fonction publique mettra à la disposition du ministre le personnel et les inspecteurs qui lui permettront de contrôler les livres, registres et comptes. Le ministre pourra par ailleurs annuler, suspendre ou ne pas renouveler le permis dans tous les cas où une infraction à la loi ou aux règlements a été commise, ou quand un détenteur de permis ne remplira plus les conditions requises pour l'obtention d'un permis.

Comme la décision du ministre, quelque judicieuse qu'elle puisse être, est susceptible de causer préjudice à la personne visée, nous avons prévu un processus d'appel ainsi que la nomination d'un fiduciaire responsable du compte en fidéicommis durant la période de la contestation. C'est ainsi qu'avant de prononcer sa décision, le ministre pourra entendre le point de vue de l'agent mis en cause et qu'il devra par la suite confirmer sa décision par écrit, conformément à l'article 13 et, suite à la décision du ministre, l'agent devra confier l'administration de ses affaires à un fiduciaire nommé par le ministre et rétribué par l'agent de voyage ou à même son cautionnement.

L'appel de la décision du ministre devra être entendu par trois juges de la cour Provinciale nommés par le juge en chef de cette même cour, après la signification de la requête à l'autre partie, selon l'article 22. L'appel sera entendu seulement si les motifs de fait et de droit invoqués au soutien de la décision sont manifestement erronés, si la procédure suivie est entachée de quelque irrégularité grave et enfin si la décision n'a pas été rendue avec impartialité.

Par la suite, la contestation se déroulera selon les règles communes aux différentes instances judiciaires et précisées aux articles 18 à 30 du texte de loi. Il est entendu que les juges peuvent confirmer ou infirmer la décision du ministre et que leur décision est sans appel. Dans le but de faciliter l'application du texte de loi, le législateur a d'autre part convenu de nous accorder, par l'intermédiaire du procureur général, certains privilèges de poursuite dont nous entendons confier la gestion au service qui, en conformité des règlements à venir, sera chargé d'administrer la loi.

Ces pouvoirs et les sanctions qu'ils entraîM. Claude Forget nent sont prévus aux articles 31 et 40.

Après cet exposé, je crois pouvoir affirmer que le texte présenté est le plus susceptible de

correspondre à nos objectifs de protection du consommateur et de clarification des pouvoirs et devoirs qu'il est souhaitable d'imposer à ce secteur de notre industrie touristique.

Je sollicite toutefois votre collaboration afin que ce projet de loi puisse être soigneusement examiné et que la loi à venir soit non seulement la première en ce domaine sur le continent mais qu'elle soit et reste pour longtemps la meilleure à avoir jamais été adoptée.

Je vous remercie, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, j'interviens dans ce débat aux lieu et place du député de Saguenay, qui est retenu dans son comté à cause des conditions atmosphériques. Je vais donc, tout de suite, plaider clémence auprès du ministre et des autres membres de l'Assemblée pour bien accepter les remarques que je vais faire au nom de l'Opposition officielle.

Je crois que nous voulons tous que le tourisme devienne la première industrie au Québec en matière de revenu. A ce chapitre, les agences de voyages ont certainement un rôle à jouer dans cette nouvelle poussée du tourisme. Comme tout produit de consommation, le voyage est soumis à la loi de l'offre et de la demande et, comme toute compagnie, l'agence de voyages peut satisfaire une demande ou créer des besoins qui ne sont pas toujours compatibles avec les exigences d'une société québécoise en développement. Comme, par exemple, il n'est pas indifférent qu'au Québec les agences orientent leurs clients vers un endroit plutôt qu'un autre, parfois au détriment même du Québec.

Chacun sait que tous ces voyages ont un impact culturel et qu'en ce sens les agences de voyages contribuent ou ne contribuent pas à faire que l'on aime ou que l'on connaisse mieux le pays qu'on habite. En ce sens, les agences de voyages commandent directement les tendances touristiques, en provoquent l'expansion ou la récession. Une région touristique peut être lancée comme elle peut être abandonnée de façon concertée par des agences de voyages lorsqu'elles veulent ou ne veulent pas faire l'effort suffisant. Donc, c'est dans cette optique que nous allons étudier ce projet de loi puisqu'il nous semble qu'une Loi des agents de voyages doit viser à protéger le marché québécois des voyages et à promouvoir le tourisme québécois.

Il faut éviter ainsi qu'une forte proportion de nos agences de voyages ne soient que les succursales de maisons mères dont les préoccupations sont très loin de l'essor touristique québécois. L'affiliation à l'International Air Transport Association ou à l'autre, mieux connue, l'American Society of Travel Agents, l'affiliation, dis-je, de la plupart des agences québécoises constitue, jusqu'à présent, une mainmise ou un danger de mainmise des Américains sur les agences de voyages québécoises, orientant leurs voyages, leur nature, décidant du quota des billets, des tarifs. En ce sens, cette situation est néfaste, d'abord pour le consommateur mais aussi pour les agences elles-mêmes qui sont tributaires des décisions étrangères.

Le principe d'une loi des agents de voyages se justifie d'abord par la protection du public, qui s'est trop souvent vu berner, étant victime des fraudes d'agences de voyages douteuses qui profitaient de sa crédulité et qui faisaient, à l'occasion, miroiter quatorze, quinze ou seize soleils à la fois. On se souvient, entre autres —un seul exemple — des vacances de Noël de l'année dernière alors qu'une trentaine de familles se sont retrouvées en Martinique, sans réservations, alors que celles-ci avaient pourtant été payées et confirmées. Ces mêmes familles avaient dû prendre un autobus jusqu'à Burlington pour finalement avoir un vol qui les ont amenées en Martinique à bord d'un avion n'appartenant ni à Air France, ni à Air Canada, comme il avait pourtant été convenu et comme elles avaient payé.

Cette subordination des agences de voyages aux Américains a une implication directe sur les consommateurs québécois, qui se voient obligés de voyager selon les meilleures conditions offertes, c'est-à-dire vers des destinations décidées souvent par d'autres.

Les agences de voyages ayant obtenu un permis de la corporation chargée d'appliquer la loi, selon l'article 36 de cette loi, seront-ils automatiquement acceptés à l'International Air Transport Association ou à l'ASTA? Sinon, seront-elles protégées contre la dictature de ces organismes américains, dans certains milieux? On sait, M. le Président, que les agences de voyages qui ne sont pas leurs affiliées ont peine à survivre au Québec, actuellement. Le projet de loi ne prévoit rien à ce sujet. Pourtant, il aurait dû être plus clair. Une Loi des agents de voyages devrait aussi protéger les agences elles-mêmes. Or, d'après les consultations que l'Opposition a effectuées auprès de quelques agences du Québec, l'enthousiasme, à l'endroit du projet de loi no 19 que nous sommes à discuter, est mitigé. L'article 36 h), si vous me permettez de le nommer, suscite de vives réactions. Car que contient-il? Au fond, le ministre acceptera peut-être avec moi de dire que c'est une des dispositions les plus importantes du projet de loi. Il dit, M. le Président que "le lieutenant-gouverneur en conseil peut faire des règlements —ce dont tout le monde conviendra — pour confier à une corporation formée d'agents de voyages le mandat d'appliquer, en tout ou en partie, aux conditions qu'il détermine, la présente loi et les règlements adoptés en vertu du présent article." Nous n'avons pas été appelés souvent à voter des lois dont l'essentiel de l'application, en quelque sorte, relèvera d'une corporation étrangère au gouvernement qui présente la loi en question.

M. le Président, je crois qu'il sera de notre devoir, lorsque nous étudierons le projet de loi en commission, de nous opposer catégoriquement à cette délégation de pouvoirs réglementaires et d'exiger que l'émission des permis soit effectuée par l'administration publique québécoise. L'étude des requêtes pourrait, par exemple, être confiée à un tribunal créé pour la circonstance, neutre, pouvant être assisté à l'occasion, par exemple, de deux assesseurs pouvant faire partie du monde des agences de voyages. Par cette disposition de la loi, les agents de voyages deviennent de véritables professionnels appelés à être régis par une corporation. Cette délégation de pouvoirs à une corporation permettra, en fait, de parvenir à un arbitrage des conflits internes, sans que personne ne soit garant de l'intérêt public, comme le veut l'esprit de la loi.

M. le Président, on peut faire une analogie entre cette corporation d'agents de voyages et les nombreuses corporations professionnelles qui vivent au Québec. Pourquoi ne pas puiser à une source reconnue, le rapport Castonguay-Nepveu qui, se penchant, lui, à ce moment de son étude, sur la problématique des organismes professionnels au Québec, avait déclaré ce qui suit: "Les besoins de la profession et de la société ne sont pas nécessairement identiques; — il ajoutait — le rôle de représentant d'un groupe est parfois incompatible avec celui d'agent de la collectivité". Un peu plus loin, il ajoutait: "Les corporations se voient conférer le pouvoir de contrôler l'admission à l'étude et à l'exercice de la profession qu'elles régissent. La possibilité existe que cet organisme se serve de ses pouvoirs à mauvais escient et en vienne à créer une rareté artificielle de ses membres, de façon à les faire bénéficier de conditions de travail plus avantageuses."

M. le Président, puis-je, dans un domaine qui m'est plus familier, vous donner un exemple à l'appui de cette thèse? La mainmise, le contrôle qu'ont, par exemple, les corporations professionnelles d'ordre médical ou paramédical sur l'admission dans les facultés, payées par tous les contribuables québécois, dans les universités québécoises, facultés de médecine ou de disciplines médicales ou paramédicales est un fait connu de tous. Pourtant, il se trouvera plus d'un député dans cette Assemblée, et à commencer par le ministre des Affaires sociales, probablement, pour dire que le Québec manque de médecins. Si nous soulevons cette question, c'est que si nous acceptions d'emblée le projet de loi no 19, tel qu'il est présenté, nous en viendrions à créer, dans le domaine des agences de voyages, une véritable corporation professionnelle des agences de voyages qui, je cite à nouveau le rapport Castonguay-Nepveu: "pourrait, à l'occasion, — ce n'est pas un vote de blâme sans distinction que je porte — mais je signale qu'elle pourrait, à l'occasion, travailler — comme le dit la citation que je vous disais tout à l'heure — à mauvais escient, et plutôt dans l'intérêt de ses protégés que du public.

Je pense que c'est la critique la plus aiguë que nous ayons à formuler sur ce projet de loi. Confier l'émission des permis d'exploitation, puisque ce sera son rôle, à une corporation formée d'agents de voyages reviendrait, à notre avis, à créer une course au monopole dans ce domaine. La corporation des agents de voyages tentera de se garder la plus grande part du marché par le biais d'une administration de la loi et de ses règlements qui peuvent toujours prêter à interprétation.

On sait, par exemple, que les petites entreprises, qui essaient soit de naître ou de survivre, ont la vie dure actuellement. On demande, par exemple, des lettres de recommandation de trois concurrents pour l'accréditation de nouvelles agences. C'est un secret de polichinelle que souvent ces concurrents se font tirer l'oreille, parce que c'est l'entrée d'un rival ou, si vous voulez, d'un concurrent sur le marché. En particulier dans les petites villes du Québec ou dans les villes à population moins nombreuse que les grands centres reconnus du Québec, il existe en certains endroits de véritables monopoles quant aux agences de voyages. L'obligation déjà incluse dans la loi d'avoir l'appui de trois concurrents est déjà un handicap sérieux pour des gens qui voudraient se lancer dans ce genre d'entreprise qui est une façon de participer à une industrie première du Québec.

Raison de plus, si nous ajoutons, comme condition à l'émission d'un certificat, cette obligation d'obtenir l'accréditation d'une corporation formée, si nous entendons bien l'article 36 h) du projet de loi, uniquement d'agents de voyages sans participation gouvernementale qui serait, à cette occasion, un peu l'équivalent d'une neutralité bienveillante, en tout cas, à l'égard de gens voulant participer à l'industrie touristique québécoise.

Je sais que dans sa réplique le ministre pourra peut-être m'expliquer que cette corporation, qu'il crée et qu'il tient à créer de cette façon, va précisément dans le sens des premières remarques que je formulais tout à l'heure, la protection du public. Il est bien possible, me dira-t-il, que le fait de restreindre encore plus l'éclosion de nouvelles agences de voyages fera qu'effectivement celles qui réussiront à survivre à ces conditions, seront celles dont les reins financiers seront assez solides pour qu'on puisse croire que tous les consommateurs québécois qui s'y rendront y mettront leur argent ou leur feront confiance pour l'organisation de leurs vacances pourront en toute sécurité se fier à ces entreprises.

Je crois qu'il y a possibilité, d'une manière autre que celle prévue dans le projet de loi 19, de faire face à ces deux objectifs: protéger le public, bien sûr, comme je le disais, ne pas laisser exister des agences de broche à foin à travers le Québec et, en même temps, ne pas laisser cela à une corporation où — c'est un secret évident aussi — les plus grosses, les plus puissantes, celles qui contrôlent déjà une bonne partie du marché seraient manifestement les

plus représentées et ainsi en viendraient elles-mêmes à contrôler la naissance de sociétés, disons, différentes ou rivales, à l'occasion.

Je crois que, dans son libellé actuel, le projet de loi favorise encore les compagnies les plus grosses, les plus puissantes aux dépens des petites. C'est pourquoi je demande que l'application de la loi et des règlements soit plutôt confiée à une tierce partie indépendante et, en ce cas, la réserve de l'administration publique nous paraît comme étant la plus importante.

J'aimerais terminer cette intervention par quelques questions peut-être, auxquelles pourra me répondre le ministre dans sa réplique. La corporation dont on parle à l'article 36 du projet de loi, si vous me permettez de faire référence à un article de la loi, M. le Président, en deuxième lecture, cette corporation qui est, en fin de compte, un des principes du projet de loi, est-ce qu'elle n'est pas déjà déterminée, soit par les forces du marché actuel dans le Québec ou par la puissance qu'ont certains groupes d'agences de voyage?

Est-ce qu'effectivement on peut exister comme agence de voyages — je ne dis pas vivoter — ou fructifier, prendre de plus en plus de place, aujourd'hui, sans être membre, par exemple, de la Quebec Association of Travel Agents ou, si vous voulez, l'Association québécoise des agents de voyages. Est-ce que, de fait, cette association ne remplit pas déjà une bonne partie des tâches que le ministre voudrait voir confiées à la corporation qui naîtra de l'adoption du projet de loi no 19?

Si oui, M. le Président, il est évident que les agences faisant partie de cette association seront favorisées et, en ce sens, on peut dire que cela sent la chasse gardée.

M. le Président, le projet de loi no 19 assure les consommateurs de la solvabilité des agences de voyage à qui ils auront affaire. Mais est-ce qu'on n'est pas en train de négliger une politique de développement du tourisme québécois qui nous serait offerte dans ce projet de loi? Est-ce que le gouvernement a pensé à créer une agence gouvernementale de voyages, comme cela existe dans plusieurs pays européens qui ont le souci et qui se font le devoir de promouvoir, de stimuler l'industrie touristique interne, extrêmement favorable à l'économie?

M. le Président, la firme Sotar, en 1967, faisait déjà une recommandation dans laquelle elle réclamait l'arrivée d'une loi qui non seulement réglementerait l'activité des agences de voyages mais qui, dans un deuxième volet, créerait une agence de voyages gouvernementale. Le ministre répond partiellement au premier volet en présentant le projet de loi no 19, mais la deuxième dimension est complètement absente du projet de loi.

Or, M. le Président, l'Opposition aura l'occasion de soutenir, en commission plénière, que la conjoncture économique est peut-être actuellement favorable à la création d'un tel type d'organisme. L'inflation, le prix du pétrole, la hausse des prix des billets d'avion, par exemple, pour la période des Fêtes, favorisent, à notre avis, ou en tout cas constituent un ensemble de conditions devant favoriser le développement d'un tourisme de plus en plus québécois, régional, à très court terme.

Le gouvernement du Québec a-t-il l'intention de rendre ces voyages accessibles à la population dans un avenir rapproché? A-t-il l'intention de favoriser l'implantation d'une information plus étoffée sur le Québec et ses diverses régions? A-t-il l'intention de favoriser ce nouveau type de tourisme vers lequel il faudra se tourner à très brève échéance?

Les statistiques, M. le Président, dont dispose certainement le ministre autant que moi, signalent que les voyages internationaux ont diminué de 7 p.c. Or, si l'article que je vous ai mentionné tout à l'heure constitue la principale réserve que nous ayons quant à ce projet de loi et constituera donc l'objet des principales remarques que nous aurons à faire en commission parlementaire, il reste qu'à d'autres endroits du projet de loi, le député de Saguenay, qui sera de retour pour s'occuper de ses oignons, M. le Président — ce que je fais à pied levé, ce soir, à sa place — aura l'occasion de participer encore à l'amélioration du projet de loi, comme il essaiera de le faire, parce que nous considérons que cette loi constitue un bon pas dans le développement de l'industrie touristique québécoise. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Johnson.

M. Maurice Bellemare

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, mon intervention ne sera pas très longue, mais je crois que mes premières paroles seront pour féliciter très sincèrement le ministre de ce projet de loi.

Il y a manifestement, dans cette loi, deux buts bien particuliers. Je pense premièrement, M. le Président, que cette loi veut épurer le secteur des agents de voyages, qui a été durement éprouvé depuis environ deux ans par des manoeuvres frauduleuses ou des faillites spectaculaires en conférant à certains agents de voyages un caractère professionnel comparable à celui des courtiers en assurances ou en immeubles.

Je crois que ce premier but est véritablement bien servi par ce qui est contenu dans les premiers articles de la loi.

Deuxièmement, je pense aussi que ce projet de loi veut, en tout cas il le manifeste assez clairement, protéger le consommateur qui, par naïvete ou par imprudence, a été trop souvent dans le passé la victime innocente de gens irresponsables qui n'hésitaient pas à laisser leurs clients abandonnés à des milles et des milles de chez eux.

Certes, le projet de loi no 19 apporte de l'ordre à un domaine de la vie économique qui a été longtemps soumis au laisser-faire et au laisser-agir d'un trop grand nombre de gens irresponsables.

Il est grand temps, par exemple, que des agents de voyages soient tenus d'avoir, ce que dit la loi, un permis de l'Etat pour exercer, soit dit en passant, une profession et soient ainsi soumis à une surveillance beaucoup plus sérieuse en vue de protéger le public en général.

En effet, je ne peux qu'être d'accord sur une loi qui oblige les agents de voyages à déposer dans un compte en fiducie les fonds qu'ils perçoivent pour le compte d'autrui. En vertu de l'article 33, un agent de voyages doit déposer dans un compte en fiducie les fonds qu'il perçoit pour le compte d'autrui et se conformer aux conditions prescrites par règlement pour le dépôt et le retrait de ces fonds.

Là où j'ai des réserves importantes c'est, comme dans toutes les lois présentées par le gouvernement, sur la partie du projet de loi consacrée particulièrement au pouvoir de réglementation par le lieutenant-gouverneur en conseil.

A titre d'exemple j'aimerais bien que le ministre me dise préférablement ceci dans sa réplique, car il ne m'a pas fourni des explications suffisantes; je serai obligé d'y revenir sûrement en commission parlementaire. Quelles seront les conditions relatives au dépôt et au retrait des fonds qu'un agent de voyages doit déposer dans un compte en fiducie? Je crois que ce sera contenu dans des règlements. Pour le moment nous l'ignorons complètement et, pourtant, de ces conditions découle, je pense, en gros, l'efficacité des mesures prises pour protéger très sérieusement le consommateur. Le ministre a-t-il en main ces règlements? Est-ce qu'il les a fait étudier au préalable? Le cas échéant, est-ce qu'il a l'intention de les déposer en commission plénière pour que nous puissions en prendre connaissance ou, sinon, pourrait-il nous en donner les grandes lignes?

Voici un autre point d'inquiétude pour celui qui vous parle, et ce point est soumis à un plan de réglementation dont l'application semble inquiéter plusieurs personnes dans les milieux de l'industrie du voyage. C'est le pouvoir qui est donné au lieutenant-gouverneur en conseil, en vertu de l'article 36 — mon collègue de Saint-Jacques vient d'en parler, et je pense que le paragraphe h) est assez clair pour sonner l'alarme, selon plusieurs — de confier à une corporation formée d'agents de voyages le mandat — pas seulement la surveillance — d'appliquer en tout ou en partie, aux conditions qu'il détermine, la présente loi et les règlements adoptés en vertu du présent article.

C'est là qu'est, je pense, le tournant de toute la loi du ministre. Oh ! il y a d'autres modalités qui feront peut-être le sujet d'autres discussions un peu plus tard mais je crois que la presse en général a apporté une citation qui devrait à mon sens faire réflichir un peu le ministre.

C'est dans la Presse du 20 juillet 1974, M. le Président, et je voudrais vous en citer un extrait, par exemple: "Le projet de loi prévoit qu'on peut confier à une corporation formée d'agents de voyages le mandat d'appliquer, en tout ou en partie, aux conditions qu'il détermine, la présente loi et les règlements adoptés en vertu du présent article. Or, il existe une nouvelle association des agents de voyages du Québec groupant plus de la moitié des agences de voyages sérieuses au Québec, c'est-à-dire les 182 agences accréditées par l'IATA.

Je pense, M. le Président, que cette citation mérite que l'on retienne cet allégué. Il continue cependant: "II faut noter que, depuis sa création, c'est-à-dire il y a déjà plusieurs mois, cette association semble éprouver certaines difficultés à recruter ses membres dans le secteur français de l'industrie du voyage et qu'elle est mieux connue sous le nom de Quebec Association of Travel Agents. Néanmoins, il semble que les fondateurs de Quebec Association of Travel Agents n'hésiteraient pas à faire le nécessaire pour utiliser plus fréquemment son appellation française, Association des agents de voyage du Québec. Il y a tout lieu de prévoir que l'Association des agents de voyage du Québec groupera à peu près tous les agents de voyage du Québec dans un avenir prochain. D'ailleurs, les inquiétudes des personnes les plus réticentes à l'adoption intégrale de ce projet de loi viennent surtout du fait que la loi no 19 pourrait accorder une trop grande influence à cette association. Ainsi on se demande, par exemple, si un citoyen québécois ordinaire pourrait obtenir un permis d'agent de voyage sans être nécessairement membre de l'Association des agents de voyage du Québec. On s'interroge aussi sur les chances que pourrait avoir un employé d'agence de voyage d'obtenir ses lettres de noblesse pour lancer sa propre agence si son juge est son ancien employeur".

M. le Président, lorsque j'ai parcouru ce projet de loi, cet article 36, paragraphe h) contient beaucoup d'inquiétudes de la part de tous ceux qui ont écrit dans les différents journaux de la province. Est-ce que le ministre est conscient — je le crois, M. le Président — de ce pouvoir étendu de donner, en vertu de certains règlements que nous ne connaissons pas, que nous connaîtrons seulement lorsqu'ils auront été édictés et auront paru dans la Gazette officielle, de donner à une corporation formée d'agents de voyage le mandat de les appliquer. Si nous allons voir un peu plus loin dans cette loi, vous verrez que les amendes sont très légères. Aux articles 39 et 40, le ministre se rendra compte que celui qui a lésé les droits de la province mériterait un châtiment beaucoup plus sévère. Je comprends sa générosité et son tempérament qui n'est pas très malin mais je crois que... C'est comme, par exemple, aussi M. le Président, ceux qui auront à établir leurs lettres de noblesse, qui auront eu une accusation criminelle ou qui auront été traduits devant certaines cours de justice. Dans cette

profession, cela devrait être très sévère et exclu complètement de l'admissibilité de ces gens-là.

Maintenant, je me demande aussi comment on va se conformer à cette loi qui dit, à l'article 2 : Doit se conformer à la présente dans les trois mois qui suivent la date de l'entrée en vigueur de cette loi. Je ne sais pas si le ministre croit que c'est suffisant comme délai, mais quelques personnes nous ont fait la représentation que le délai était très court. Peut-être qu'en commission plénière, cela pourra être de nouveau discuté.

A toutes fins pratiques, je ne serai certainement pas contre le projet de loi qui, d'une manière générale, améliore énormément la situation dans la province et apporte une loi qui, sûrement, va accorder et aux agents de voyages personnellement et aux consommateurs qui auront à se prémunir contre les abus une meilleure protection.

LE PRESIDENT: Est-ce que le ministre désirerait exercer son droit de réplique, qui mettra fin au débat de deuxième lecture?

M. Claude Simard

M. SIMARD: Très brièvement, je dois vous dire que les oignons, pour employer le terme du député de Saint-Jacques, ont été très bien cultivés, même si le député de Saguenay n'est pas présent en cette Chambre. Maintenant, les questions qui se posent sont toujours dirigées vers l'article 36 h). Le député de Johnson semble avoir certaines oppositions encore à cet article. D'un autre côté, je suis très heureux de réaliser une chose, c'est qu'en principe je crois que les partis d'Opposition sont d'accord pour reconnaître qu'une fois pour toutes il est temps pour le gouvernement du Québec de légiférer sur les agents de voyages, grossistes et, enfin, sur tout le secteur qui est très important à l'intérieur de l'industrie touristique du Québec.

Comme vous le savez, cette industrie est peut-être la première au moment où on se parle. C'est bien sûr, M. le Président, que le projet de loi en deuxième lecture n'est pas parfait. Je vois tout de suite les gens de l'Opposition trouver peut-être — excusez l'anglicisme — certains "loop-holes", mais je crois qu'en commission parlementaire ou lorsque nous discuterons article par article il y aura moyen de s'expliquer et de voir si on doit laisser l'article 36 h) là. Comme le député de Saint-Jacques en a laissé planer le doute, je dois vous dire qu'il n'y a pas eu d'intervention de l'Association des agents de voyages du Québec à savoir si c'étaient eux, oui ou non, qui étaient pour diriger ou, enfin, être responsables de cette loi.

J'aimerais corriger ça immédiatement. A part ça, je ne vois pas d'autres notes qui touchent directement le principe du bill 19. Je vais me contenter, tout simplement, d'être très satisfait de la position de l'Opposition et nous allons attendre le temps où nous étudierons le projet de loi article par article. Je vous remercie.

M. BELLEMARE (Johnson): Est-ce que le ministre me permettrait juste une question avant qu'il reprenne son siège? J'ai fait porter un peu ma critique sur la réglementation qui doit régir cette loi, parce qu'à un article du bill il est dit que le ministre...

M. VEILLEUX: Question de règlement. Je sais que et le ministre du Tourisme et le député de Saint-Jacques et le député de Johnson ont soulevé des points particuliers du projet de loi en parlant de l'article 36 h). Est-ce qu'il est permis, M. le Président, en deuxième lecture, de faire mention d'articles bien précis dans un projet de loi ou si on ne doit discuter que du principe du projet de loi, à savoir si on était en faveur ou contre la protection des citoyens du Québec en acceptant la Loi des agents de voyages? C'est une directive que je vous demande.

M. BACON: M. le Président, pourriez-vous me dire si le député de Saint-Jean a la robe nuptiale?

LE PRESIDENT: La robe nuptiale?

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, je l'ai réveillé, je m'excuse, parce qu'il est dix heures.

M. BACON: Est-ce que le député de Johnson me permettrait d'attendre au moins la directive du président, à savoir s'il investit le député de Saint-Jean de la robe nuptiale?

LE PRESIDENT: Est-ce que vous préféreriez qu'il porte un noeud papillon?

M. BACON: II y a de la jurisprudence, M. le Président, à ce sujet-là.

LE PRESIDENT: Oui, d'un autre Parlement. M. BACON: C'est de la jurisprudence.

LE PRESIDENT: Revenant à la question du député de Saint-Jean, je crois que sa demande est à propos. Il y a eu une certaine latitude de la part du ministre, du député de Saint-Jacques et du député de Johnson. Par contre, j'ai pensé plusieurs fois à me lever pour intervenir soit lorsque le député de Saint-Jacques parlait ou le député de Johnson; je n'étais pas là quand le ministre parlait.

C'est vrai que le respect de notre règlement demande qu'on ne parle que du principe en deuxième lecture. Si on va au fond de la question de tous les détails du bill, surtout l'article 36, concernant la réglementation, de quoi pourra-t-on parler en commission parlementaire lorsqu'on étudiera le projet de loi

article par article si on épuise son droit de parole sur le débat de deuxième lecture?

M. BELLEMARE (Johnson): Ma question, M. le Président, était très simple. Le député s'est réveillé tout à coup et il s'est aperçu qu'il était en Chambre. Ce n'est pas ça du tout.

M. VEILLEUX: Question de privilège. LE PRESIDENT: Question de privilège.

M. BELLEMARE (Johnson): L'honorable ministre...

M. VEILLEUX: Question de privilège. LE PRESIDENT: Question de privilège.

M. BELLEMARE (Johnson): Je pense, M. le Président...

LE PRESIDENT: Un instant! Question de privilège.

M. BELLEMARE (Johnson): II devrait avoir une cravate, M. le Président.

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! M. VEILLEUX: Question de privilège.

M. BELLEMARE (Johnson): II devrait avoir une cravate.

M. VEILLEUX: M. le Président, je ne sais pas si le député de Johnson est jaloux de moi. Moi, j'ai la corpulence pour porter un col roulé. Peut-être qu'il ne l'a pas. Le député de Johnson vient de dire qu'il m'a réveillé. Je tiens à dire au député de Johnson que je suis présent ici depuis trois heures, cet après-midi. J'écoute les débats et je peux vous dire, M. le Président, que je dors beaucoup moins souvent que peut dormir le député de Johnson depuis qu'il a été élu député.

UNE VOIX: II a dormi dans le temps de Duplessis.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, à l'ordre!

M. BELLEMARE (Johnson): Pauvre bidon! M. le Président, je disais à l'honorable ministre... On parlait de choses sérieuses et les enfants sont venus nous déranger un peu. Pour l'affaire du sommeil, je l'invite à me suivre; il ne fera pas bien vieux avec la peau et les os. Il ne fera pas bien vieux.

Je disais donc à l'honorable ministre que dans mon intervention il était question surtout, dans un passage, de la réglementation. S'il l'avait, ça nous aiderait énormément. Il pourrait nous donner quelques détails pour nous explici- ter quelle sera la réglementation. Je comprends que nous aurons l'avantage, M. le Président...

M. SIMARD: M. le Président, lorsque nous étudierons, article par article...

LE PRESIDENT: Je ne voudrais pas que vous détailliez. J'aimerais mieux que vous réserviez votre réponse lorsque, en commission plénière ou en commission parlementaire, nous arriverons à l'article 36 qui prévoit la réglementation.

M. SIMARD: D'accord, M. le Président. Maintenant, si le député de Johnson, de par ma réponse, était prêt à ce que nous votions immédiatement le bill en troisième lecture, je serais bien prêt à répondre à ses questions.

LE PRESIDENT: En deuxième lecture.

M. SIMARD: Non, en troisième, immédiatement.

M. BELLEMARE (Johnson): Non, une minute!

M. SIMARD: Je dois dire, très brièvement, que je serai prêt lors de l'étude, article par article, à donner certaines explications en ce qui a trait à la réglementation. Maintenant, étant donné le sérieux de cette loi, étant donné que c'est la première fois, en Amérique du Nord, que nous avons une loi pour les agents de voyages, les grossistes de voyages, bien sûr, il faut être très prudent et il faut laisser un certain espace et assez d'oxygène à la réglementation pour voir comment cette loi fonctionnera dans les années à venir.

LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion de deuxième lecture est adoptée?

M. BELLEMARE (Johnson): Adopté.

M. CHARRON: Adopté. LE PRESIDENT: Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi soit maintenant déféré à la commission parlementaire de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche...

M. CHARRON: C'est cela. Aux affaires sociales, peut-être.

M. LEVESQUE: ... pour être étudié article par article.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. CHARRON: Adopté. LE PRESIDENT: Adopté.

M. BIENVENUE: M. le Président, plus tôt au cours de cette soirée j'avais fait une motion, qui a été adoptée unanimement par la Chambre, pour déférer le projet de loi no 56, sur la curatelle publique, à la commission parlementaire, à la commission élue...

M. PARENT: Des finances, des comptes publics et du revenu.

M. BIENVENUE: ... des finances, des comptes publics et du revenu. Avec le consentement unanime de cette Chambre, M. le Président, je fais motion pour que nous révoquions cela et que nous ramenions de cette commission qui n'a pas encore siégé le projet de loi pour l'entendre ici, en commission plénière.

LE PRESIDENT: Cette motion de révocation de l'ordre de déférence du projet de loi à une commission élue est-elle adoptée?

M. CHARRON: Adopté.

M. BELLEMARE (Johnson): Adopté.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a une nouvelle motion pour la formation de la commission plénière?

M. BIENVENUE: Oui, M. le Président.

Commission plénière pour l'étude du projet de loi no 56

LE PRESIDENT: Cette motion pour la formation de la commission plénière est-elle adoptée?

M. CHARRON: Adopté.

M. BELLEMARE (Johnson): Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté. L'honorable député de Saint-Louis.

LE PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs! Article no 1.

M. PARENT (Hull): L'article no 1, M. le Président, est un effet de concordance avec le projet de loi no 65; au lieu d'appeler cela un hôpital, comme nous l'avions dans le chapitre 81, cela devient un centre hospitalier.

M. BEDARD (Chicoutimi): D'accord. Adopté.

LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté. Article no 2.

M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce que le gouvernement pourrait nous dire ce qui l'a motivé dans le fait d'exiger qu'à l'avenir, comme vérificateur des livres du curateur public, ce soit un vérificateur indépendant?

M. PARENT (Hull): M. le Président, j'ai bien souligné, au cours du débat de deuxième lecture, les raisons. D'abord, le vérificateur général des comptes du gouvernement ne peut le faire. Selon son mandat, le vérificateur général du Québec a comme fonction spécifique la vérification des biens de l'Etat. Or la curatelle publique c'est le patrimoine d'individus. En vertu de la loi actuelle, la vérification était effectuée par le ministère des Institutions financières, Compagnies et Coopératives...

M. BEDARD (Chicoutimi): Du gouvernement.

M. PARENT (Hull): ...qui était un inspecteur qui faisait la vérification des compagnies de fidéicommis, de fiducie, ainsi de suite. Comme il s'agit de biens appartenant à des individus, que nous avons 20,000 dossiers qui constituent le patrimoine de 20,000 personnes qui sont en cure ou qui sont sous traitements pour soins mentaux et que nous avons, de plus, à exercer la vérification sur 40,000 dossiers de tuteurs ou curateurs privés, à ce moment nous croyons qu'il n'y aurait pas de conflit d'intérêts, comme il en existe présentement avec le ministère des Institutions financières, Compagnies et Coopératives. C'est la raison de demander que ce soit un vérificateur privé qui fasse la vérification des livres de la curatelle publique. C'est la raison de l'amendement.

M. BEDARD (Chicoutimi): Dans le passé, lorsqu'il y avait un conflit d'intérêts entre le patrimoine d'un individu en particulier et le gouvernement, qu'est-ce qui le tranchait?

M. PARENT (Hull): Cela pouvait être...

M. BEDARD (Chicoutimi): C'était l'inspecteur, c'était le gouvernement lui-même?

M. PARENT (Hull): Cela pouvait être dans plusieurs sens. C'est la raison pour laquelle nous voulons l'éclaircir et permettre qu'il y ait une vérification des comptes. D'ailleurs on dit dans l'alinéa suivant que les honoraires seront payés à même les honoraires qui nous sont versés pour l'administration et la gestion des patrimoines.

LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté? M. CHARRON: Oui, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 3.

M. BEDARD (Chicoutimi): Article 3, une seconde.

M. PARENT (Hull): L'article 3, c'est pour permettre à l'adjoint d'un centre hospitalier de signer les attestations quant à l'incapacité d'un malade mental, le certificat d'incapacité.

LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté? M. BEDARD (Chicoutimi): Oui. M. CHARRON: Oui, M. le Président. LE PRESIDENT (M. Blank): Article 4.

M. BEDARD (Chicoutimi): Au nouvel article 7 a) vous indiquez: Le curateur public peut, à la manière prévue par les articles 13 à 19 de la Loi de la protection du malade mental... Est-ce par voie de requête judiciaire?

M. PARENT (Hull): Oui, toujours par voie de requête judiciaire.

LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté.

M. PARENT (Hull): L'article 5, c'est la concordance avec le projet de loi no 65. Pardon, excusez-moi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Adopté, l'article 4.

LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté. Article 5.

M. CHARRON: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 6.

M. CHARRON: A l'article 6, M. le Président, si je comprends bien l'article 11 — et si vous me permettez l'article 7 en même temps, parce que c'est l'abrogation de deux articles — cela concernait auparavant les personnes condamnées à mort ou les personnes avec une sentence de prison à vie. Que je sache, ces deux peines ne sont pas complètement disparues. La condamnation à mort existe toujours pour des cas maintenant beaucoup plus limités et l'emprisonnement à vie existe encore de façon très répandue dans le code.

Or, si vous abrogez ces articles, qu'arrivera-t-il donc de ces gens qui étaient concernés par ces articles?

M. PARENT (Hull): La dégradation civique et la mort civile ont été abolies par le code civil. C'est une concordance que l'on fait avec le code civil.

M. CHARRON: Dépendamment du code civil, où je ne veux pas me perdre, ces articles s'adressaient à des gens qui pouvaient être condamnés à vie. Il se trouve toujours aujourd'hui, même si c'est disparu du code, qu'il y a encore des gens qui sont condamnés à la prison à vie et qui peuvent être sous l'empire de la Loi de la curatelle publique.

M. PARENT (Hull): Ceux, qui sont dans les prisons, ont les pouvoirs légaux pour agir seuls. Ils n'ont plus besoin du curateur en vertu de la loi.

M. CHARRON: Tous?

M. BEDARD (Chicoutimi): Même les personnes...

M. PARENT (Hull): Ceux-là, ceux qui sont visés à l'article 11.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... condamnées à mort?

M. PARENT (Hull): Ceux qui sont visés à l'article 11. Les condamnés à mort et les condamnés à vie, ils ont maintenant les pouvoirs légaux.

M. BEDARD (Chicoutimi): Concernant leurs biens?

M. PARENT (Hull): Oui. Parce qu'étant donné qu'il y a eu l'abolition de la mort civile. Ils ont tous les droits maintenant, ils ne sont plus dépendants de la curatelle.

M. CHARRON: Ils ont été donnés comment, ces droits.

M. PARENT (Hull): Maintenant que le code civil prévoit la dégradation civique...

M. CHARRON: ... modifications-là. J'ai, à mes côtés, un des plus brillants juristes du Saguenay-Lac-Saint-Jean, puis...

M. PARENT (Hull): On est à vérifier pour avoir la date...

M. BEDARD (Chicoutimi): Je m'interroge sur la date de l'amendement dont le ministre parle.

M. PARENT (Hull): On est à vérifier la date exacte, mais il y a environ deux ans que cela a été aboli.

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous avez un code civil là, j'imagine que...

M. PARENT (Hull): Oui. Mes fonctionnaires sont à le vérifier. Mais il y a environ deux ans que cela a été aboli.

M. BEDARD (Chicoutimi): On pourrait avoir disons le contenu de l'article comme tel.

... de ce côté-ci mais il y en a plusieurs de l'autre côté et je pense qu'on s'interroge de la même manière. On cherche.

M. PARENT (Hull): M. le Président, c'est surprenant que le député de Chicoutimi pose des questions quant à la date, quand il sait que la mort civile a été abolie. S'il pratique le moindrement le droit, il doit le savoir mieux que moi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Pardon?

M. PARENT (Hull): Je me demande pourquoi le député de Chicoutimi pose une question semblable. Etant avocat, il doit sûrement savoir que la mort civile a été abolie.

M. BEDARD (Chicoutimi): Cela fait déjà au-delà de cinq minutes que je vous la pose. Je remarque que vous êtes entouré d'au moins six ou sept avocats et je n'ai pas encore la réponse, non plus.

M. PARENT (Hull): Je viens de vous la donner là.

M. BIENVENUE: Avocat et brillant avocat, par surcroft. Le député de Chicoutimi est un brillant avocat.

M. BEDARD (Chicoutimi): Puisque le ministre de l'Immigration semble si brillant, il pourrait nous répondre!

Non, mais là, on n'en fait pas un débat.

M. CHARRON: M. le Président, l'important, ce n'est pas de savoir la date et l'heure où cela a été adopté.

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, non.

M. CHARRON: C'est de savoir si, effectivement, l'abrogation de la mort civile dans le code civil rétablit les droits que vous avez affirmés, qui se trouvent maintenant existants, de sorte qu'on puisse abroger...

M. PARENT (Hull): Ces personnes ont même le droit d'ester en justice. Ils ont tous les privilèges. Je ne suis pas avocat, mais on me dit que l'article, c'est très court. On dit: La mort civile est abolie.

M. CHARRON: Dans le code. Je ne suis pas avocat, mais je ne me ferai pas passer celle-là non plus!

M. BEDARD (Chicoutimi): II y a une différence. C'est que vous avez un code civil entre les mains et que nous, nous n'en avons pas.

M. CHARRON: Abolir la mort, c'est aussi difficile que de faire le fédéralisme rentable!

M. PARENT (Hull): Dans le code civil qu'a mon fonctionnaire de la curatelle publique...

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous avez de la difficulté à retrouver l'article.

M. PARENT (Hull): Non. C'est qu'il a de la difficulté à retrouver la date que vous cherchez, parce que dans son code civil, qui est sur anneaux mobiles, comme cela n'existe plus, ce n'est plus dans le code.

M. BEDARD (Chicoutimi): Mais vous savez bien que ce n'est pas la date qu'on cherche, c'est l'article. A ce moment-là, on sera bien capable de situer la date.

M. PARENT (Hull): C'est ça. Dans le code civil qu'il a, l'article étant disparu, il n'y est plus.

M. BEDARD (Chicoutimi): Bien non.

M. PARENT (Hull): S'il a été abrogé, il n'est plus dans le code.

M. BEDARD (Chicoutimi): Bien non, voyons donc. Il a été remplacé par un article que vous venez d'expliciter, qui est très court, à l'effet que la mort civile est disparue.

M. PARENT (Hull): Article 986.

M. BEDARD (Chicoutimi): Bon.

M. PARENT (Hull): Comme exemple, 986.

M. CHARRON: 986.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je n'ai pas le code.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 7, adopté?

Article 8, adopté?

M. CHARRON: Oui, M. le Président. LE PRESIDENT (M. Blank): Article 9?

M. BEDARD (Chicoutimi): A l'article 9, est-ce que le ministre pourrait nous dire pourquoi on exclut la possibilité de représentation par un avocat ou un agent de recouvrement?

M. PARENT (Hull): C'est qu'en étant curateur public, nous représentons l'intérêt d'un malade mental. Alors, comment peut-il se présenter devant la cour des petites créances? On fait subir préjudice à un incapable parce qu'il n'est pas en mesure de se défendre devant la cour des petites créances. S'il n'a pas le droit de se faire représenter...

Ce n'est pas par voie d'avocat, c'est par voie de fiduciaire, c'est-à-dire soit le curateur ou le

fonctionnaire sous ses ordres qui serait, à ce moment-là, représentant de la personne incapable.

Mais, actuellement, le malade mental est privé de tous ses droits devant la cour des petites créances parce qu'il n'est pas en mesure de se défendre.

M. CHARRON: Ce n'est pas à cela que nous en avons, ce n'est pas au fait d'interdire au malade mental de se présenter ou d'être représenté par le curateur public devant la cour des petites créances, par exemple.

Mais pourquoi, lorsqu'on dit que le curateur public pourra s'y présenter ou s'y faire représenter par un membre de son personnel, l'exclusion d'un avocat?

M. PARENT (Hull): C'est qu'à la cour des petites créances, il n'y a pas d'avocat.

M. BEDARD (Chicoutimi): A la cour des petites créances, les avocats ne sont pas acceptés.

M. CHARRON: Ah bon.

LE PRESIDENT (M. Blank): ...la curatelle publique.

M. BEDARD (Chicoutimi): ...une compagnie ou le...

M. PARENT (Hull): Non, ce sera un fiduciaire. La curatelle n'est pas une compagnie. Il faudrait bien remarquer cela, nous administrons des biens d'individus.

M. CHARRON: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 9, adopté.

Article 10?

M. CHARRON: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 10, adopté.

Article 11?

M. CHARRON: L'indexation.

M. PARENT (Hull): C'est pour permettre au curateur d'avoir le droit de faire des règlements de gré à gré pour porter le montant de $1,200 à $1,500 sans être obligé de se présenter devant le juge. Pour le bien, le patrimoine d'un individu.

M. CHARRON: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 11, adopté.

Article 12?

M. CHARRON: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 12, adopté.

Article 13?

M. CHARRON: ...pour un contrôle plus rigide.

M. PARENT (Hull): II arrive, pour l'article 13, que sur demande du curateur public, pour mauvaise gestion, on fasse destituer un curateur privé ou un tuteur, mais il y a un laps de temps qui surgit à ce moment-là parce qu'il faudrait que le conseil de famille se réunisse pour nommer un autre curateur privé ou un tuteur. Or, pendant le délai où le curateur privé ou le tuteur aura été révoqué, la curatelle deviendra d'office curateur.

M. CHARRON: D'accord. Adopté.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 13, adopté.

Article 14?

M. CHARRON: Adopté.

M. BEDARD (Chicoutimi): Concordance, d'accord.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 14, adopté.

Article 15?

M. BEDARD (Chicoutimi): Concordance. M. CHARRON: Adopté, article 15.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 15, adopté.

Article 16?

M. CHARRON: Adopté aussi.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 16, adopté.

Article 17?

M. CHARRON: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 17, adopté.

Article 18?

M. CHARRON: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 18, adopté.

Article 19?

M. CHARRON: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 19, adopté.

Article 20?

M. CHARRON: Adopté, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Blank): Article 20, adopté.

Le projet de loi est adopté sans amendement.

M. BLANK (Président de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière a adopté le projet de loi no 56 sans amendement.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Houde, Limoilou): Cette motion est-elle adoptée?

M. CHARRON: Adopté.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Houde, Limoilou): Adopté.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce qu'il y a une troisième lecture de ce bill?

M. CHARRON: Non.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Prochaine séance ou séance subséquente.

M. LEVESQUE: M. le Président, la commission parlementaire des corporations professionnelles, si elle ne termine pas son travail ce soir, ajournera sans doute ses travaux à demain matin, neuf heures trente, jusqu'à midi. Est-ce qu'il y a un minidébat?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce qu'il y a un minidébat?

M. CHARRON: Pas de notre côté, M. le Président.

M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, nous annoncerons les commissions demain après-midi.

M. CHARRON: Est-ce que je peux vous demander, puisqu'on sait que demain nous procédons à l'étude de la motion du député de Johnson, si le budget supplémentaire que nous devons étudier tôt ou tard sera appelé jeudi, probablement?

M. LEVESQUE: II y aura peut-être jeudi quelques lois que je pourrai annoncer demain mais nous pourrons sans doute entreprendre également l'étude du budget supplémentaire, jeudi. Il y aura peut-être des lois à terminer, enfin je préciserai demain. Nous avons une séance du cabinet demain matin et je serai en meilleure posture pour être plus précis demain, soit personnellement, soit que le ministre de l'Immigration puisse donner des détails.

M. CHARRON: Est-ce que le leader du gouvernement peut me dire comment il entrevoit procéder pour l'étude du budget supplémentaire? Je vous pose cette question parce qu'elle a de l'importance dans la préparation du travail. Est-ce que vous avez l'intention, par exemple, de procéder selon les ministères tels qu'ils apparaissent par ordre alphabétique, comme on a déjà fait, je pense, lors de l'étude d'un budget supplémentaire?

M. LEVESQUE: Pas nécessairement. Peut-être que le ministre des Finances voudra ajouter quelques commentaires.

M. GARNEAU: M. le Président, je pense que, un peu comme les années passées, on peut s'entendre avec les gens de l'Opposition, essayer de rendre service à tout le monde, pour appeler les ministères. Si un de votre groupe s'occupe des ministères à vocation économique, on peut les passer tous ensemble...

M. CHARRON: Cela serait parfait.

M. GARNEAU: On va essayer de trouver une méthode pour que cela convienne le plus possible à tout le monde. Il y en a qui ont des budgets restreints et je pense qu'il y a moyen de s'entendre comme on a fait. Ce ne sera pas nécessairement par ordre alphabétique.

M. CHARRON: M. le Président, si nous parvenions à cet arrangement, ce serait parfait, en tout cas pour la préparation du travail.

M. BELLEMARE (Johnson): Est-ce le leader parlementaire pourrait nous dire, ou qu'on sera sûrement à la fin de la session dans une dizaine de jours, quinze jours, peut-être trois semaines, si c'est l'intention du gouvernement d'apporter des lois d'un contenu assez considérable d'ici à la fin de la session?

M. LEVESQUE: M. le Président, je serai en mesure d'être plus précis d'ici très peu. Je peux dire immédiatement au député de Johnson qu'il y a plusieurs lois d'ordre fiscal qui font suite au budget du ministre des Finances et qui devront être déposées et adoptées avant la fin de la présente session. Il y a huit projets de loi de cette nature, mais je préférerais attendre, pas tellement longtemps, avant de préciser d'une façon plus définie les intentions du gouvernement quant à d'autres lois qui sont déjà prêtes à être déposées ou à l'impression.

M. BELLEMARE (Johnson): Est-ce l'intention du leader du gouvernement de faire siéger la commission des richesses naturelles très prochainement pour entendre l'Hydro-Québec?

M. LEVESQUE: Oui, M. le Président. Le premier ministre a fait part à cette Chambre que, dès son retour, il indiquerait l'endroit et l'heure d'une telle convocation.

M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain, quinze heures.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La Chambre ajourne ses travaux à demain, quinze heures.

(Fin de la séance à 22 h 30)

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