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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le mardi 10 décembre 1974 - Vol. 15 N° 93

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures six minutes)

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Rapport sur les projets de loi 61, 62 et 63

M. MARCHAND: M. le Président, au nom du député des Mille-Iles, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente de la fonction publique qui a étudié les projets de loi suivants: no 61, Loi modifiant le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics; no 62, Loi modifiant le régime de retraite des fonctionnaires; no 63, Loi modifiant le régime de retraite des enseignants, et les a adoptés avec des amendements.

DES VOIX: Vote.

LE PRESIDENT: Rapport déposé.

Messieurs !

Rapport déposé.

L'honorable député de Rivière-du-Loup.

Rapport sur le projet de loi 39

M. LAFRANCE: M. le Président, pour M. Malouin, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des corporations professionnelles qui a siégé, le mardi 3 décembre et le mercredi 4 décembre 1974, aux fins d'étudier le projet de loi no 39, Loi modifiant le code des professions et d'autres dispositions législatives article par article, qu'elle a adopté avec des amendements.

LE PRESIDENT:

Rapport déposé.

Rapport du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

M. LEVESQUE: M. le Président, avec le consentement de la Chambre, je suggérerais, me référant à l'appendice, que l'on puisse passer immédiatement à la première lecture du projet de loi au nom du ministre des Affaires sociales.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement pour déposer un projet de loi en première lecture?

M. BURNS: Consentement.

Projet de loi no 93 Première lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la première lecture de la Loi modifiant la loi de l'assurance-maladie et la loi de la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. FORGET: M. le Président, ce projet de loi contient un assez grand nombre de dispositions dont les principales ont pour but d'étendre la couverture de l'assurance-médicaments aux personnes âgées qui reçoivent le supplément du revenu garanti. D'autres dispositions introduisent des modifications quant aux modalités de paiement et de remboursement des prothèses et orthèses qui sont payées par la Régie de l'assurance-maladie comme partie de son régime.

D'autres dispositions permettront aux ententes conclues entre les professionnels de la santé et le ministre des Affaires sociales de limiter le nombre de nouveaux professionnels dans une région ou un établissement, de façon à réaliser une meilleure répartition géographique des professionnels.

Un autre article de ce projet oblige la Régie de l'assurance-maladie à transmettre aux assurés, chaque année, des relevés faisant état du nom des professionnels de la santé qui lui ont fourni des services assurés, des dates auxquelles ils ont été fournis, du montant payé par la régie pour chaque type de services et de la somme totale ainsi payée pour ces services.

Un autre article permet au ministre des Affaires sociales d'émettre des directives à l'adresse de la Régie de l'assurance-maladie, portant sur les objectifs et l'orientation de la régie dans l'exécution des fonctions qui lui sont confiées par la loi à l'égard de l'utilisation des deniers publics, de la santé du public, des droits des bénéficiaires des services assurés et du respect des ententes auxquelles le ministre est partie. Ces directives, une fois approuvées par le gouvernement, lient la régie. Elles doivent être déposées à l'Assemblée nationale.

Enfin, M. le Président, la loi contient un assez grand nombre d'autres dispositions de concordance ou des dispositions visant à améliorer le fonctionnement du régime ou celui de la Régie de l'assurance-maladie elle-même.

LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle adoptée?

M. MORIN: Adopté. UNE VOIX: Vote.

LE PRESIDENT: Vote? Qu'on appelle les députés.

Vote de première lecture

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Parent (Hull), Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Cloutier, Phaneuf, Lachapelle, Berthiaume, Goldbloom, Simard, Quenneville, Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Toupin, Harvey (Jonquière), Arsenault, Houde (Fabre), Desjardins, Giasson, Perreault, Fortier, Blank, Bédard (Montmorency), Veilleux, Saint-Hilaire, Saindon, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Picard, Gallienne, Assad, Faucher, Pepin, Bérard, Bonnier, Chagnon, Marchand, Leduc, Caron, Ciaccia, Lapointe, Lecours, Malépart, Massicotte, Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Verreault, Morin, Burns, Léger.

LE SECRETAIRE: Pour: 60 Contre: 0

LE PRESIDENT: La motion est adoptée.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First reading of this bill.

LE PRESIDENT: Dexième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre.

Nouvelle charte de la coopération franco-québécoise

M. BOURASSA: M. le Président, je voudrais déposer deux documents sur ce qui a été signé entre le premier ministre de France, M. Chirac, et moi-même, et présenté, par M. Chirac, comme la nouvelle charte de la coopération franco-québécoise.

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Education.

Régime de prêts-bourses

M. CLOUTIER: M. le Président, je voudrais déposer une mise à jour du document que j'ai déjà déposé sur le régime de prêts-bourses et sa révision pour les années à venir.

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

Conseil de la protection du consommateur

M. TETLEY: M. le Président, je voudrais déposer le rapport annuel 1973/74 du Conseil de la protection du consommateur, en français et en anglais.

LE PRESIDENT: Questions orales des députés.

QUESTIONS DES DÉPUTÉS

LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

Société Régent Knitting à Saint-Jérôme

M. MORIN: Ma question est destinée au ministre de l'Industrie et du Commerce, M. le Président. Le ministre est sûrement au courant de l'expérience d'autogestion qui est en marche à l'usine de la Société Régent Knitting à Saint-Jérôme. Les travailleurs de cette usine, dont 400 ont été mis à pied en juin dernier, ont décidé de terminer la production qui avait été laissée en plan lors de la fermeture de l'usine et ils sont en train de démontrer, effectivement, qu'ils peuvent organiser la production eux-mêmes.

L'expérience va maintenant entrer dans une deuxième phase.

LE PRESIDENT: Question. Un instant! Je crois que votre préambule est suffisant. S'il vous plaît! Je n'ai pas besoin d'aide, tellement. S'il vous plaît!

M. MORIN: J'allais dire, M. le Président, que l'expérience entre maintenant dans une autre étape et j'aimerais demander au ministre, à cette occasion, s'il peut nous dire si son ministère compte aider le Comité de reclassement des travailleurs dans ses recherches sur la réorganisation de l'usine et sur la possibilité de l'intégrer éventuellement au secteur public québécois en accordant les deux subventions qui ont été demandées par ce comité, soit une subvention de $20,000 pour une étude de gestion et une subvention de $30,000 sur l'intégration au secteur public?

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, dans la question, il y a des affirmations gratuites que je dois, puisqu'elles sont reprises par les médias, corriger. Je ne pense pas que pour ce qui est de l'expérience actuelle on puisse parler d'une expérience de cogestion.

M. MORIN: Autogestion.

M. SAINT-PIERRE: D'autogestion. Effectivement, c'est plutôt un groupe d'employés qui ont accepté de faire, pour un montant forfaitaire et suivant les termes d'une entente contractuelle avec la compagnie, par contrat, un certain lot de travail qui était inachevé à la Régent Knitting. Je pense quand même qu'il y a des correctifs à apporter.

Nous avons déjà apporté notre aide aux employés de la Régent Knitting depuis déjà beaucoup de temps. Nous avons établi la distinction entre les responsabilités du ministère du Travail et les nôtres. Nous n'avons pas voulu, au ministère de l'Industrie et du Commerce, être impliqués dans l'aspect des relations de travail du conflit de la Régent Knitting, mais nous avons pris toutes les mesures pour tenter de trouver soit de nouveaux propriétaires, soit d'aider le syndicat à trouver une façon de relancer l'activité manufacturière à l'usine de Saint-Jérôme.

Déjà, nous avons accordé, dans le passé, une aide financière substantielle, compte tenu de ce que nous accordons généralement, pour permettre de faire des études préliminaires. Je rappelle que ces études étaient loin d'être extrêmement concluantes sur la rentabilité de l'entreprise, particulièrement compte tenu du fait qu'au cours des derniers mois, il y a eu une détérioration sensible dans l'industrie du textile au Québec. D'ailleurs, vous en faisiez état dans vos questions, vendredi. On peut se poser des questions à savoir si le temps est bien propice pour relancer l'usine alors que l'ensemble de l'industrie connaît des difficultés.

J'ai cependant exprimé très clairement aux représentants de la FTQ que le secteur public québécois, notamment la filiale de la SGF qui est dans le secteur du textile, n'a absolument rien à offrir pour former la base d'un secteur du textile. Je pense qu'on aura au moins le bon jugement de reconnaître que nous sommes modestes. L'entreprise Les Tricots LaSalle va faire des profits raisonnables, cette année, mais nous considérons n'avoir ni l'expertise, ni les possibilités, en partant des Tricots LaSalle pour bâtir un empire du textile au Québec, comme l'ont suggéré certains documents des syndicats.

Cependant, nous n'hésiterons pas à retrouver et à travailler avec les gens de la FTQ pour identifier des entrepreneurs, identifier des hommes d'affaires, identifier des groupes quelconques, comme les syndicats puisqu'il semble, dans ce secteur, qu'il y en a qui ont beaucoup d'argent, qui seraient prêts à investir dans le capital de risque.

J'ai dit aux gens de la FTQ qu'une fois que nous aurions identifié les propriétaires futurs de l'usine et que la rentabilité de l'opération sera garantie, nous serions prêts, par le biais de la Société de développement industriel, à faire le maximum au niveau du financement à long terme pour permettre la relance des activités.

M. MORIN: Pourrais-je demander au ministre la précision suivante: Son ministère compte- t-il donner suite aux deux demandes de subventions qui, justement, ont pour but de faire étudier les questions dont il vient de parler par des experts engagés par le comité de reclassement?

M. SAINT-PIERRE: Quant à la première question, c'est à l'étude dans le moment. Je dois dire que c'est un prolongement de ce que nous avons déjà fait dans le passé. Mais en fait, c'est à l'étude. Une décision sera rendue avant la fin de la semaine.

A la deuxième demande, l'aide de $30,000 pour l'intégrer au secteur public, ma réponse est négative dans ce secteur.

LE PRESIDENT: L'honorable député de...

M. MORIN: Je m'excuse, j'ai une...

LE PRESIDENT: Dernière.

M. MORIN: ... question supplémentaire...

LE PRESIDENT: Dernière.

M. MORIN: ... j'aimerais demander au ministre s'il a fait étudier le dossier du fonds de roulement qui va être nécessaire pour la réouverture de l'usine — on nous dit vers le mois d'avril — en vue de faire fonctionner cette entreprise pendant douze à dix-huit mois, pour démontrer précisément qu'il est possible de la rendre rentable. Le ministre a-t-il étudié ce dossier? Est-il prêt à nous donner des éclaircissements là-dessus, ce matin?

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, le fonds de roulement est un concept économique dans toutes les entreprises, mais ce n'est qu'un volet de la rentabilité de l'entreprise. Nous allons étudier...

Mais je pense que le problème fondamental que nous avons rencontré, c'est beaucoup plus de trouver quelqu'un qui est prêt à remplir les fonctions de gérance, les fonctions de capital de risque, les fonctions d'équité à l'intérieur de l'entreprise, que ce soit avec ou sans les syndicats. Tant que nous n'avons pas trouvé cette personne, nous risquons de faire des études uniquement théoriques en tentant de simuler quelle pourrait être la rentabilité de l'entreprise, puisque nous n'avons aucune assurance que celui qui acceptera de s'associer aux syndicats partagera avec eux leur désir de fabriquer tel produit au lieu de tel autre, leur intérêt de conclure une entente avec les propriétaires actuels pour la distribution des profits ou pour la mise en marché des profits.

Alors, tant que nous n'avons pas réglé ce premier problème de trouver quelqu'un qui va s'associer avec eux au niveau du capital-actions, je pense que les études de rentabilité seraient prématurées. Nous allons les faire après. Et le fonds de roulement n'est qu'un volet de ces études de rentabilité.

M. MORIN: Vous ne concevez pas qu'ils puissent faire fonctionner l'usine par eux-mêmes?

LE PRESIDENT: L'honorable député de...

M. SAINT-PIERRE: Si la FTQ est prête à prendre — cela n'en prend pas beaucoup — une petite somme d'argent pour investir dans le capital-actions et prendre les risques mêmes du capitalisme... C'est beau de dénoncer le capitalisme mais, lorsqu'on a l'argent et qu'on pense qu'on peut le faire fonctionner mieux que ceux qui prennent des risques, il ne faut pas hésiter à investir soi-même dans cela. C'est la question qui est posée.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

75,000 étudiants en grève

M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Education. Suite au vote des étudiants d'hier, 75,000 étudiants en grève et 34 institutions paralysées, premièrement, est-ce que le ministre doute toujours de la représentativité et du sérieux des négociateurs et délégués étudiants?

DES VOIX: Ah! Ah!

M. LEGER: Deuxièmement, est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il a l'intention de mettre un peu d'eau dans son vin et de relancer positivement les négociations en donnant aux étudiants un engagement plus formel sur les modifications que son ministère entend apporter concernant le régime d'évaluation, de contribution des parents, d'une part, et des étudiants, d'autre part, le tout afin que le comité conjoint puisse être crée...

LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre! ... A l'ordre! Oui, oui! Je m'en rends compte. Je crois que où vous en êtes, actuellement, il s'agit d'une question, et le ministre a la liberté de répondre.

M. CLOUTIER: M. le Président, cette question est remplie d'insinuations, elle est remplie de jugements de valeur. Je me demande si je n'attendrai pas que d'autres m'en posent sur le même sujet. Parce qu'après tout...

M. LEGER: ... vous en faire poser une par quelqu'un de votre parti?

M. CLOUTIER: ... je veux éclairer l'opinion publique. Je vais donc attendre que quelqu'un me pose une question sur un autre ton et je répondrai avec plaisir.

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement. Peut-être que le ministre a eu de la difficulté à la comprendre. Si j'avais pu la rendre jusqu'au bout, il aurait pu la comprendre. Je demande au ministre s'il a l'intention, M. le Président, de permettre une nouvelle ronde de négociations en éclairant la partie importante, c'est-à-dire la contribution des parents et des étudiants. Si le ministre montrait qu'il est capable de mettre un peu d'eau dans son vin, peut-être que les négociations reprendraient. C'est pour le bien général de la collectivité, autant les étudiants, pour leurs années d'études, qu'au point de vue financier, ce que cela va coûter à la collectivité.

M. CLOUTIER: II y a une amélioration, M. le Président.

DES VOIX: Ah! Ah!

M. LEGER: Alors, j'espère...

M. CLOUTIER: Dans les circonstances, je pense que...

M. LEGER: Descendez des rideaux et envoyez fort!

M. CLOUTIER: ... je peux peut-être faire le point. Mais vous comprendrez qu'il n'y a pas lieu de répondre à des questions qui ne visent qu'à exciter les esprits ou à faire de la démagogie.

LE PRESIDENT: Réponse, s'il vous plaît.

M. CLOUTIER: M. le Président, la position que j'ai adoptée est claire et précise. Je viens de la déposer à l'Assemblée nationale et j'ai eu l'occasion d'en faire état à maintes reprises devant l'opinion publique.

C'est une position d'ouverture mais c'est une position qui tient compte des possibilités financières de l'Etat et qui tient compte également de la justice sociale qui nous oblige à respecter un certain équilibre en ce qui concerne les différents groupes qui constituent la société.

M. le Président, il n'est pas question de bouger de cette position pour toutes les raisons que je viens de vous dire et il n'y a pas là d'intransigeance, bien au contraire; nous avons, dans un premier temps, je me dois de le répéter, apporté des correctifs qui ont permis de corriger ce que la révision de l'année dernière avait connu de difficile dans son cheminement. Nous avons, à la suite de discussions avec les étudiants, été capables également d'assouplir considérablement le programme pour cette année sur plusieurs points majeurs comme, par exemple, l'extension de la période de demandes de prêts-bourses, la possibilité de donner des prêts maximums, sans formalité, par des fonds de dépannage, la possibilité également de verser les bourses sans retard et en un seul versement, une décentralisation désormais acquise.

Ce sont là des éléments qui seront réalisés quelle que soit l'attitude des étudiants parce

qu'elle correspond aux orientations du ministère. De plus, nous avons également ouvert la porte à une refonte en profondeur qui est impensable sur le plan administratif cette année mais qui est parfaitement pensable pour l'an prochain et l'année suivante. Nous avons suggéré la formation de comités conjoints qui nous permettraient de nous pencher sur cette réforme.

Voilà où nous en sommes. J'ai rencontré, samedi, les directeurs généraux des différents CEGEP et j'ai revu, avec ces derniers, la situation dans chacune de leurs institutions. Il en découle, premièrement, qu'à toutes fins utiles, la question des prêts-bourses est réglée au niveau local en ce sens que les correctifs ont donné, quoi qu'on dise, les résultats escomptés et il s'agit là de témoignages unanimes de la part des directeurs généraux. Par conséquent, on peut tout de même conclure que si la lutte continue actuellement, c'est que des prêts-bourses servent de prétexte à une confrontation, à un affrontement qui est souhaité pour d'autres raisons. Je ne commente pas davantage parce que je ne veux justement pas être provocant aujourd'hui mais je peux vous affirmer que j'aurai des choses à dire très bientôt et pas mal de choses à dire encore sur les aboutissants de ce mouvement que l'on cherche actuellement à propager.

Un deuxième élément qui est né de cette réunion, c'est qu'il est actuellement possible, bien que le point de non retour arrive rapidement, de faire des réaménagements aux sessions déjà compromises. Ces réaménagements amèneront très certainement des modifications du calendrier scolaire qui peuvent être mineures à certains endroits, majeures ailleurs, mais il est encore possible de sauver l'essentiel.

Un troisième élément, c'est qu'il y a une variabilité de situation d'un CEGEP à l'autre et qu'on ne peut pas, par conséquent, arriver avec des ukases et qu'on ne peut pas non plus arriver avec des décisions qui seraient valables pour l'ensemble du territoire, qui seraient valables pour toutes les institutions.

Nous avons décidé, parce que je dois rappeler que le gouvernement ne peut pas et ne veut pas agir de façon unilatérale dans un dossier comme celui-là, étant donné l'autonomie des institutions scolaires ici au Québec, que, pour quelques jours, les directeurs généraux, avec leur conseil d'administration et avec les comités pédagogiques de chacun des CEGEP, verraient à évaluer la session et à s'interroger sur sa validité, verraient également à tenter de régler des conflits sur le plan local parce qu'il est évident que s'il y a une minorité d'étudiants qui occupent actuellement et qui, par conséquent, ne rendent pas les CEGEP accessibles, il y a une majorité qui veut étudier et une majorité qui considère très sérieusement les démarches qui ont été tentées par le gouvernement actuellement. Voilà où nous en sommes.

Je fais confiance, M. le Président, au dynamisme local; je fais confiance aux administrateurs locaux et je fais confiance, dans les différents CEGEP, aux étudiants pour prendre en main leur véritable destin, pas celui qui est télécommandé par un petit groupe, mais celui de la majorité québécoise. J'ajoute que les étudiants prennent une responsabilité considérable, ceux qui actuellement veulent mener le jeu. Cette responsabilité est vis-à-vis de leurs collègues qui voient leur session compromise, mais elle est également vis-à-vis de toute la société québécoise qui a consenti en éducation des investissements considérables.

Pour l'instant, M. le Président, je m'arrête. Que chaque milieu règle son problème, tant sur le plan administratif qu'en faisant appel à la participation et à toutes les instances locales. D'ici deux à trois jours, je rencontrerai à nouveau les directeurs généraux des différents CEGEP et, je pense, les présidents des différents CEGEP. A ce moment-là, nous évaluerons la situation et nous prendrons toutes les décisions requises, mais après avoir été jusqu'au bout sur le plan de la souplesse et sur le plan du dynamisme local. A ce moment-là, M. le Président, j'aurai une déclaration à faire.

LE PRESIDENT: Je vais accorder une question supplémentaire au député de Saint-Jacques étant donné...

M. VEILLEUX: M. le Président...

LE PRESIDENT: Un instant, c'est la première question supplémentaire. J'accorderai après une question supplémentaire aux députés de Saint-Jean et de Rivière-du-Loup. Question supplémentaire.

M. VEILLEUX: On passe en deuxième et en troisième.

M. CHARRON: M. le Président, je veux demander au ministre de l'Education, qui a énuméré encore une fois les mêmes concessions que le ministère a faites au tout début de ce conflit qui dure quand même, comment il explique que, malgré ces nombreuses concessions qu'il nous a émises, la grève non seulement dure, mais s'est intensifiée.

M. CLOUTIER: Encore là, je m'explique, M. le Président. Eh, bien, c'est extrêmement simple: parce que la question des prêts-bourses est devenue un prétexte et elle l'était même avant. Je pourrais — mais je préfère m'abstenir pour l'instant précisément parce que je veux que les problèmes se règlent au niveau local — vous apporter toutes les preuves que l'on attendait uniquement une raison pour, comme le disait d'ailleurs le leader des étudiants hier à la télévision, "mobiliser", et c'est entre guillemets.

Alors, je m'arrête là et je pense que le député de Saint-Jacques connaît peut-être mieux la réponse que quiconque dans cette Chambre.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: M. le Président...

M. CHARRON: Question de privilège.

LE PRESIDENT: Question de privilège.

M. CHARRON: L'insinuation que vient de faire le ministre de l'Education, M. le Président...

M. LACROIX: II n'y a pas d'insinuation là-dedans, c'est la vérité.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. CHARRON: ... ou bien il la retire ou bien il la complète.

M. VEILLEUX: M. le Président... M. CLOUTIER: M. le Président...

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: M. le Président, hier, de midi à trois heures de l'après-midi, je rencontrais 1,000 étudiants de mon CEGEP pour discuter des problèmes de prêts-bourses. On m'a posé cinq questions que je pose au ministre pour pouvoir leur transmettre les réponses. La première: Quelle est la position du ministère quant à accorder à tous les étudiants qui sont dans le besoin ou qui en ont besoin, du niveau collégial, un prêt de $500 pour les années à venir? Deuxième...

M. CLOUTIER: Est-ce que je peux répondre au fur et à mesure, brièvement?

LE PRESIDENT: Cela pourrait être greffé ensemble; je préférerais cela.

M. CLOUTIER: Bon, je vais essayer.

LE PRESIDENT: Parce qu'accorder cinq questions supplémentaires, là, j'aime autant que ce soit groupé dans la même question.

M. VEILLEUX: Vous admettrez, M. le Président, que c'est assez important. J'ai rencontré les étudiants; ils m'ont posé les questions et j'ai dit que je les poserais. Deuxièmement, quelle est la position du service des prêts-bourses quant au fait de ne plus tenir compte du revenu des parents dans les critères d'obtention de bourses? Troisièmement, de tenir compte d'un certain pourcentage de revenus découlant du travail estival d'un étudiant pour juger de la validité d'une demande de prêt-bourse, compte tenu qu'à l'heure actuelle le système semble pénaliser les étudiants qui veulent travailler l'été et qui trouvent du travail? Quatrième question: De ne réclamer le remboursement d'un prêt que six mois après l'arrivée sur le marché du travail d'un étudiant qui a emprunté.

Finalement, on m'a posé la question et je vous la repose: Y aurait-il eu de la part des négociateurs du MEQ ou des représentants du MEQ, vis-à-vis des neuf représentants du monde étudiant, des menaces de représailles s'ils continuaient à discuter, dialoguer avec le ministère?

M. CLOUTIER: M. le Président, sauf pour la cinquième question, toutes les réponses sont contenues dans le document que j'ai déposé. Je vais y revenir très, très rapidement et très brièvement. En ce qui concerne les $500 prêt maximum, c'est acquis. C'est une chose que nous avons pu discuter et que nous avons pu incorporer dans les changements de cette année.

En ce qui concerne le revenu des parents, c'est une chose que nous pouvons considérer, mais il faut bien se rendre compte qu'il faudrait y consacrer instantanément $70 millions et, si nous devions évoluer vers l'indépendance des étudiants, la somme serait d'à peu près $250 millions.

J'ai à maintes reprises dit qu'il serait parfaitement irresponsable de céder sur un principe comme celui-là. J'ai d'ailleurs indiqué qu'il fallait sortir du système de prêts-bourses tel qu'il existe, de sa dialectique basée sur l'évaluation des besoins et l'évaluation des ressources pour envisager un système beaucoup plus souple qui permettrait de dissocier les prêts des bourses et que, pour ma part, je serais parfaitement d'accord pour que, dès l'an prochain, on puisse le faire. Mais il faut comprendre, M. le Président, que le ministère de l'Education serait incapable d'administrer des changements autres que ceux que nous avons incorporés pour l'année 1973/74. En revanche, pour 197 1/75, à la condition que nous commencions à travailler immédiatement, nous pourrons déboucher sur des avenues nouvelles. Je crois que c'est là la voie du bon sens.

En troisième lieu, il y a la question du revenu des étudiants. La réforme de l'année dernière, réforme qui ne constituait qu'une première phase de la démarche entreprise et qui revenait à une espèce de modernisation des critères, sans changement de la base même du programme de prêts-bourses, a déjà apporté une amélioration de ce point de vue, mais il y a des questions délicates qui se posent.

Faut-il favoriser tout le monde, quitte à favoriser les nantis et les moins bien nantis? Faut-il faire disparaître le stimulus nécessaire pour le travail d'été? Vous savez que si on pousse à l'absurde le raisonnement des étu-

diants actuellement, nous en arrivons à consacrer entre un demi milliard et un milliard par année uniquement à leurs demandes. Il faut quand même se rendre compte qu'on est venu réclamer un revenu garanti pour les étudiants. Ceci vous montre bien dans quel type d'escalade on rentre actuellement. Je vous affirme sur mon honneur que ce que nous faisons actuellement est le maximum que nous pouvons faire et nous voulons non pas pour céder aux pressions, mais déboucher sur des réformes valables.

J'ai tenté de faire comprendre aux étudiants qu'après tout, le ministère de l'Education n'était pas son ennemi — peut-être l'est-il pour d'autres, mais nous y reviendrons — mais était au contraire l'instance qui tentait d'administrer un système que s'est donné toute la société et souhaitait également faire collaborer les étudiants à des modifications et à des réformes.

En ce qui concerne, M. le Président, la demande de permettre des remboursements six mois après l'obtention d'un emploi, c'est une chose qui peut parfaitement être considérée. C'est une option qu'une société peut faire, mais je vais rapidement vous en montrer les conséquences, après vous avoir rappelé qu'actuellement le gouvernement absorbe les intérêts pendant toute la durée des études et qu'ensuite les étudiants doivent rembourser mais doivent rembourser sur une base d'intérêt préférentiel, ce qui les distingue des autres groupes sociaux, de la plupart des autres groupes sociaux.

Demander que le remboursement ne se fasse qu'après l'obtention d'un emploi, c'est changer toute la structure sociale et je suis étonné d'entendre là-dessus des gens qui se prétendent révolutionnaires et qui au fond ne sont que des néo-bourgeois. Garantir l'emploi dans une société moderne, c'est totalement impensable. C'est précisément la raison pour laquelle notre système scolaire est axé vers la polyvalence et vers le recyclage. Il n'y a pas une société au monde qui peut dire que tous les étudiants qui vont sortir d'un système scolaire démocratisée vont avoir nécessairement un emploi dans leur spécialité.

Par conséquent, M. le Président, il faut quand même dénoncer ce nouveau mythe. En revanche, il est probablement possible de trouver des formules qui permettraient des remboursements échelonnés.

En ce qui concerne les représailles, il n'en a jamais été question à ma connaissance, et je tiens à le déclarer. J'ai parfaitement confiance en mes hauts fonctionnaires.

J'ai suivi cette affaire de très près et je ne permettrai pas que le mot représailles soit utilisé entre le ministère de l'Education et les administrateurs de la chose scolaire et les étudiants.

En revanche, quand un CEGEP décide de débrayer jusqu'à Noël, je vous dis que ce ne sont pas les administrateurs qui décident d'annuler la session, ce n'est pas le ministère de l'Education qui décide d'annuler la session, ce sont, si telle chose devait se produire, les étudiants eux-mêmes.

M. VEILLEUX: Question supplémentaire, M. le Président, sur deux points. Sans enlever le principe de considérer le revenu des parents, est-ce dans les vues du ministère de l'Education de revoir les motifs qui font qu'à un certain moment le service des prêts et bourses accepte ou n'accepte pas tel revenu des parents plutôt que tel autre, compte tenu de certaines situations particulières qui peuvent survenir à ce moment-là?

Sur le dernier point, six mois après l'arrivée sur le marché du travail, à l'heure actuelle, un étudiant qui a reçu des prêts du ministère et qui doit les rembourser, qui n'a pas présentement de travail peut-il prendre des arrangements avec le service des prêts et bourses?

M. CLOUTIER: Pour la dernière question, la réponse est oui. En fait, les performances sont très bonnes de ce point de vue, la très grande majorité des prêts sont remboursés et le ministère a toujours montré la plus grande souplesse. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, si nous évoluions vers une espèce de crédit étudiant analogue au crédit agricole, je crois, moi, que nous pourrions faire confiance au milieu.

En ce qui concerne la question précédente, qui touche le travail de l'étudiant, la contribution des parents, il y a déjà eu, l'année dernière, une amélioration considérable qui a été apportée puisqu'on a tenu compte du taux d'imposition des parents et des déductions dont les parents ont besoin. Là encore, c'est une opération extrêmement complexe. Il y a deux ans que nous y travaillons pour en arriver au résultat que nous avons présenté cette année. Il est évidemment déplorable que des erreurs administratives soient venues entacher, jusqu'à un certain point, le succès de cette première phase de la réforme. Il est donc parfaitement possible d'aller plus loin mais encore faut-il que nous le fassions dans l'ordre. Je peux vous assurer, M. le Président —je l'ai dit et je le répète — que je ne prendrai jamais, tant que j'occuperai cette place, une décision irresponsable.

LE PRESIDENT: Question principale, l'honorable député de Frontenac.

Incendie de l'usine King Beaver

M. LECOURS: M. le Président, à la suite de l'incendie de l'usine de la mine King Beaver à Thetford Mines, causant des dommages de $30 millions et provocant une mise à pied de 800 mineurs, j'aimerais demander au premier ministre s'il entend donner suite à ma demande et déclarer la ville de Thetford Mines zone sinistrée.

M. BOURASSA: M. le Président, hier, j'ai demandé à l'un de mes collaborateurs de me faire rapport sur la situation. Je vais examiner très sérieusement la suggestion du député.

LE PRESIDENT: Supplémentaire, oui.

M. MORIN: En question supplémentaire. Je vois que le ministre de l'Industrie et du Commerce n'est pas là... Si, il est là!

M. LEVESQUE: II est là, il est là.

M. MORIN: J'aimerais lui demander, au sujet précisément de l'incendie qui est survenu à la King Beaver, s'il peut nous expliquer comment il se fait qu'il n'y a eu aucune déclaration de son ministère — ou de tout autre ministère du Québec — alors que, dès hier, un porte-parole du gouvernement fédéral, plus précisément du ministre de l'Energie, M. Macdonald, a promis l'aide de son gouvernement, du gouvernement fédéral, pour la reconstruction; il a même déclaré que ce gouvernement s'attendait à ce que la reconstruction ait lieu dans des délais très courts. Comment se fait-il que vous n'avez pas pris l'initiative, dans les circonstances?

M. SAINT-PIERRE: Corne il s'agit du secteur minier, peut-être que la question aurait dû être adressée au ministre des Richesses naturelles, le député d'Arthabaska.

M. MORIN: II s'agit également d'une industrie.

M. MASSE: M. le Président, je pense qu'il faut déplorer, comme chacun des députés dans cette Assemblée, cet incident. Je pense que c'était des plus importants pour une ville comme Thetford Mines. En ce qui concerne mon ministère, il n'est pas prévu, pour l'ouverture de mines ou pour des désastres semblables survenant dans des mines, des subventions ou de l'aide financière sous toute forme.

D'autre part — et d'ailleurs, cela a déjà été fait auprès des autorités de cette mine — sur le plan technique, si mon ministère pouvait, de quelque façon, aider cette entreprise et les syndiqués qui sont mis à pied, je pense que mon ministère est grandement ouvert.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

Rapport Chaloux

M. BURNS: M. le Président, c'est avec beaucoup de plaisir que j'ai écouté le ministre de la Justice, dimanche, à l'émission Politique Atout. Je le félicite.

M. CHOQUETTE: Merci.

M. BURNS: Je le félicite de partager mes vues sur des points tels que l'étendue de la corruption au Québec et la non-rentabilité du fédéralisme de M. Trudeau. Maintenant, M. le Président, puisqu'il est assez clair que le minis- tre de la Justice n'a pas l'intention de rendre public le rapport Chaloux, puisqu'il est devenu clair aussi, par une des réponses du ministre, lors de cette émission, que des procédures seraient prises, j'aimerais savoir du ministre s'il est en mesure de nous dire à quel moment, à toutes fins pratiques, il entend prendre ces procédures?

M. CHOQUETTE: M. le Président, comme la question du député de Maisonneuve est moins empoisonnée que ses questions récentes, il me fera plaisir de lui répondre.

Je lui dirai, M. le Président, que dans l'émission de plaintes ou dans la façon de porter des accusations qui peuvent provenir du ministère public, il y a quand même une certaine stratégie. Je ne crois pas qu'il soit dans l'intérêt public de dévoiler la stratégie du ministère de la Justice dans la façon de traduire des personnes qui méritent d'être traduites devant les tribunaux. Par conséquent, je ne peux pas annoncer au député de Maisonneuve un échéancier, fixer des dates, en somme, prendre des engagements vis-à-vis de lui ou vis-à-vis de la Chambre quant aux mesures judiciaires que le ministère de la Justice va mettre en action. Mais il peut être sûr que je prends en considération le fait qu'actuellement une enquête préliminaire examine les accusations portées à l'égard d'un nommé Roger Gagnon. Je dois prendre ce facteur en considération ainsi que d'autres facteurs qui sont pertinents à ce dossier, facteurs qui sont connus de mes conseillers, des avocats du ministère et de moi-même. Je tiens à lui dire et à répéter ce que j'ai dit, dimanche: Je n'ai personne à protéger et la justice suivra son cours dans ce cas comme dans tous les autres cas.

M. BURNS: M. le Président, une question additionnelle. Je prends la parole du ministre qu'il n'a personne à protéger, sauf que je lui demande ceci: A-t-il envisagé la possibilité de prendre conseil, auprès d'avocats de l'extérieur de son ministère, sur les procédures à prendre? Retenant qu'il n'a personne à protéger, je pose cette question simplement parce qu'il est possible, étant donné certaines rumeurs, qu'à un moment donné, le ministre soit divisé entre son intérêt partisan et son intérêt de ministre. Je le dis non pas de façon péjorative, je le dis comme une question de fait: est-ce qu'il a envisagé, comme cela se fait, d'ailleurs, aux Etats-Unis, de demander l'opinion à un avocat de l'extérieur du ministère, étant donné le caractère peut-être politique de certaines accusations, sur la possibilité de porter des plaintes?

M. CHOQUETTE: M. le Président, je tiens à dire au député — je tiens à le rassurer — que je ne suis pas divisé. Je place la justice au-delà de toute considération politique. Par conséquent, je ne me sens nullement en situation de conflit d'intérêts. Cependant, il n'y a pas de doute qu'il

y a lieu d'être prudent dans ce genre de choses, et je le reconnais aisément. Je tiens à dire au député de Maisonneuve que dans cette cause de Roger Gagnon, comme dans d'autres causes qui peuvent résulter de ce dossier, non seulement je suis conseillé par mes substituts permanents du procureur général qui, eux, n'ont aucune espèce d'intérêt politique, mais en plus de cela, je suis conseillé par des avocats de l'extérieur qui ont mené les procédures durant la préenquête et qui continuent à agir comme avocats-conseils auprès du ministère de la Justice et auprès de nos procureurs permanents de la couronne.

Par conséquent, M. le Président, toutes les garanties ont été prises pour faire en sorte que ce cas soit traité comme n'importe quel autre cas qui vient à l'attention du ministère de la Justice et qui requiert une action sur le plan des tribunaux.

LE PRESIDENT: Dernière question additionnelle.

M. BURNS: Dernière, très brève, M. le Président.

Je comprends que le ministre ne veuille pas dévoiler son calendrier des procédures. Mais est-ce qu'on est en droit d'assumer qu'après l'enquête préliminaire dans l'affaire Gagnon le ministère sera en mesure de dévoiler son calendrier?

M. CHOQUETTE: M. le Président, il est prématuré, pour moi, de dévoiler ce que je ferai à cette époque. Tout pourra dépendre des circonstances. Pour le moment, je ne peux rien dire d'autre que ce que j'ai dit. Je conclus simplement en disant au député de Maisonneuve que ce cas, quant à nous, sera traité d'une façon absolument objective et impartiale, sans aucun favoritisme à l'égard de qui que ce soit et que les décisions que nous prendrons seront prises en fonction des impératifs de la justice et sans autre considération.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Louis.

Démolition d'immeubles historiques

M. BLANK: J'ai une question à poser au ministre des Affaires municipales. Voyant que, dans le coeur de Montréal et peut-être dans d'autres villes, il y a des menaces de démolitions massives dans certains secteurs, est-ce que le ministre pourrait étudier la possibilité de présenter une loi pour donner le droit à la ville de Montréal ou aux municipalités de geler les démolitions ou de les régler par un moyen plus simple que ce que nous avons maintenant?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, j'ai discuté de cette question avec l'honorable ministre des Affaires culturelles, parce qu'en principe ce genre de problème devrait être réglé par l'appli- cation de la Loi sur les biens culturels. Mais nous constatons que le nombre de demandes est assez élevé et qu'il est difficile pour le ministère des Affaires culturelles de répondre assez rapidement à toutes ces demandes.

Pour cette raison, nous avons effectivement ensemble envisagé la possibilité d'une loi pour modifier la Loi des cités et villes et pour accorder aux municipalités le pouvoir de refuser, pour une période d'une année, les permis de démolition.

Il y a aussi le fait que, dans certains cas, il ne s'agit peut-être pas de biens à caractère absolument historique, mais quand même d'immeubles que la ville voudrait conserver pour garder son cachet.

Alors, nous espérons pouvoir présenter une telle loi, si possible, avant l'ajournement pour les Fêtes.

LE PRESIDENT: Une dernière courte question, l'honorable député des Iles-de-la-Madeleine.

Conflit de pêcheurs aux Iles-de-la-Madeleine

M. LACROIX: M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce. Est-ce que le ministre pourrait informer cette Chambre de l'état actuel du conflit opposant les membres d'équipage des chalutiers de pêche et la compagnie Gorton Canada Ltée aux Iles-de-la-Madeleine?

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, on m'informe, par mes services, que la grève a été réglée hier et que deux bateaux de la compagnie Gorton doivent prendre la mer aujourd'hui, après avoir fait le nécessaire pour la glace et d'autres fins d'opération. Donc, ce conflit, qui paralysait une partie de l'économie des Iles-de-la-Madeleine, est réglé depuis hier et le travail reprend.

LE PRESIDENT: J'inviterais l'honorable ministre des Affaires municipales à apporter, si possible, une courte réponse à une question de l'honorable député de Lafontaine.

Subvention à la ville de Bromont

M. GOLDBLOOM: Merci, M. le Président. L'honorable député de Lafontaine, vendredi dernier, m'a posé une question sur une subvention d'équilibre budgétaire accordée à la ville de Bromont.

Je voudrais donner les explications pertinentes. C'est une ville qui a été conçue par un gouvernement antérieur pour être un centre industriel pour sa région et elle a été dotée d'un aéroport. Ce n'est donc pas une ville que l'on peut facilement laisser tomber.

Dès 1973, quelques jours avant mon arrivée

au ministère, il y avait des échanges de notes de service à l'intérieur du ministère pour exprimer des inquiétudes quant à la situation financière de cette ville.

Effectivement, à la fin de 1973, il y avait un déficit accumulé. Il nous a été suggéré de donner une subvention d'équilibre budgétaire. Nous ne l'avons pas fait. Nous avons préféré chercher à aider à renflouer les revenus, à réduire les dépenses. Mais il n'y a pas eu de succès et, effectivement, il y a un déficit accumulé, à la fin de 1974, qui est prévu à $1,200,000.

J'ai dit que nous avons des normes et que c'est selon ces normes que nous évaluons les demandes de subvention. Le député a posé la question: Qui a demandé et de quelle façon la demande a-t-elle été formulée? La demande est contenue dans une note de service, datée du 19 juillet, qui commence ainsi: "A la demande du ministre, j'apprécierais que l'on procède dans les meilleurs délais à une étude financière complète de la situation qui prévaut à Bromont".

Or, M. le Président, nous avons trouvé, par cette analyse que j'ai demandée moi-même, que le fardeau que nous jugeons excessif quand il commence à dépasser 10 p.c. — c'est-à-dire que, quand les taxes foncières, municipales et scolaires, dépassent 10 p.c. du revenu moyen dans la municipalité — et que la Commission municipale du Québec nous indique qu'il est probablement excessif — dans la ville de Bromont, il est à 14.4 p.c.

Si nous exigeons que ce déficit soit éliminé d'un seul coup, cela portera le fardeau à 27 p.c. Si nous exigeons une consolidation de ce déficit, le fardeau sera porté à 15.9 p.c. Or, avec la subvention que nous nous sommes trouvés dans l'obligation de donner, parce que les 3,000 personnes qui habitent Bromont sont celles qui doivent payer, on le maintient à 14.4 p.c. On ne le diminue même pas.

M. LEGER: Une question supplémentaire, M. le Président.

LE PRESIDENT: Une courte question supplémentaire.

M. LEGER: Est-ce que les $1.2 millions seront uniquement pour l'équilibre budgétaire ou s'il y a des projets particuliers? Deuxièmement, est-ce que le ministre peut nous dire s'il y a d'autres municipalités, dans le Québec, qui dépassent les 10 p.c. comme seuil?

M. GOLDBLOOM: Oui, M. le Président, il y a d'autres municipalités et, à chaque fois que nous rencontrons un tel dossier, nous en faisons l'étude, nous tirons les conclusions qui s'imposent et nous posons des gestes.

Quant à la première question supplémentaire, c'est pour régler le problème du déficit et nous allons surveiller de très très près le fonctionnement financier de la municipalité au cours de 1975. C'est pour régler une situation dans l'espoir que l'implantation industrielle espérée, attendue, vienne corriger la situation.

LE PRESIDENT: Avant de passer aux affaires du jour, je donnerai la parole au leader parlementaire du gouvernement, sur une question de privilège.

Question de privilège — Article de journal

M. Gérard-D. Levesque

M. LEVESQUE: Merci, M. le Président. Je voudrais très brièvement me référer à un article paru à la une dans le Soleil du samedi 7 décembre 1974. Une manchette disait que, sous le nez du vice-premier, la Compagnie internationale de papier détruit une autre rivière", et, parlant des travaux qui se faisaient sur cette rivière, on ajoutait que "cela se faisait sous l'oeil paternel du ministre Gérard-D. Levesque".

M. le Président, je n'ai pas l'intention de faire une grande histoire avec cela, malgré qu'il y en ait une grande qui parait à la une, comme on dit, dans le journal Le Soleil, mais je voudrais simplement, M. le Président, si on me le permet, faire la mise au point suivante. "Sous le nez du vice-premier ministre". D'ailleurs, cela se passant à 75 milles de mon domicile de Paspébiac et à 350 milles de mon bureau du Parlement, vous pourrez juger de la longueur du nez!

DES VOIX: Ah! Ah!

M. LEVESQUE: Deuxièmement, M. le Président, "sous l'oeil paternel du ministre". Je voudrais faire état très brièvement des faits. Ces événements ont été portés à la connaissance de mon secrétaire de comté par le secrétaire de l'Association des chasseurs et pêcheurs Gasparo Inc. durant la matinée du 29 novembre 1974.

A 11 h 30 de la matinée, mon secrétaire de comté communique avec mon chef de cabinet, à Québec, pour l'informer de cette plainte provenant de M. Jean-Noël Landry, secrétaire-trésorier de l'assocaition susdite. A 11 h 45, soit quinze minutes plus tard, mon chef de cabinet communique avec le Dr Etienne Corbeil, du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, pour savoir si le ministère avait été saisi de la situation.

Le Dr Corbeil confirme que le ministère des Richesses naturelles et le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche avaient été saisis du problème et qu'une enquête sera faite.

Mon chef de cabinet demande qu'enquête soit faite effectivement mais qu'on cesse les travaux en attendant de voir les résultats de cette enquête.

A une heure trente de l'après-midi, le même jour, 29 novembre, mon chef de cabinet communique avec M. Gilles Coulombe, qui lui confirme les propos du docteur Corbeil, du

ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, que le ministère des Richesses naturelles attend le rapport du ministère du Tourisme de la Chasse et de la Pêche. A une heure quarante-cinq, le 29 novembre, je m'enquiers de nouveau de la situation auprès du chef de cabinet. Le même après-midi, le ministère des Richesses naturelles enjoint la Compagnie internationale de papier de cesser toute activité en attendant qu'enquête soit faite.

Tout cela s'est passé le même jour que l'information nous est parvenue. C'était le vendredi. Le lundi suivant, 2 décembre, mon chef de cabinet me confirme une vérification auprès de M. Etienne Poirier, du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, qui a reçu une information directe de M. Romuald Jolicoeur, de Nouvelle, vérification qui indique que, de fait, de visu, les travaux avaient été interrompus sur la rivière Nouvelle.

M. le Président, je tenais simplement à rétablir les faits. On pourrait peut-être dire: Sous l'oeil vigilant du vice-premier ministre ou du député de Bonaventure, ce qui avait été dénoncé dans la matinée du 29 novembre avait reçu une suite au cours de la même journée et une suite très efficace de la part des ministères du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, et des Richesses naturelles. Je ne voudrais pas que ces paroles soient interprétées comme voulant blâmer l'Association des chasseurs et pêcheurs Gasparo Inc.; au contraire, je suis très heureux de la coopération qui provient de mon comté, des citoyens vigilants. Je les félicite et je voudrais qu'ils continuent à surveiller de près ceux qui pourraient toucher aux richesses naturelles, pour la protection desquelles et au profit des Gaspésiens, je le souligne, je me suis présenté en politique en 1956. C'était justement, en 1956, la raison pour laquelle je suis venu en politique, la première raison, c'était de voir à ce que les richesses naturelles des Gaspésiens soient exploitées au profit des Gaspésiens.

M. MORIN: M. le Président, est-ce que je pourrais, avec le consentement de la Chambre, poser une ou deux questions au ministre, au sujet de la déclaration qu'il vient de faire?

M. BURNS: Est-ce que le ministre est d'accord?

M. LEVESQUE: Je n'ai pas d'objection.

M. MORIN: Bien. M. le Président, j'aimerais demander au ministre s'il est conscient du fait que les travaux entrepris par la compagnie, sur la rivière Nouvelle, ne datent pas du 29 novembre; cela fait dix ans que ces travaux durent. Le ministre est-il conscient de cela?

M. LEVESQUE: M. le Président, le chef de l'Opposition me force maintenant... Allons, M. le Président, c'est cela, il me force maintenant à me référer à une lettre dont il a sans doute eu copie ou à l'article, peut-être, qui a visiblement été inspiré par la lettre du 29 novembre du président de l'Association des chasseurs et pêcheurs Gasparo Inc. Or, cette lettre a été traitée par le journaliste de la façon que vient d'indiquer le chef de l'Opposition.

Je pourrais également m'élever contre cela. Ce que la lettre dit, ce n'est pas que les travaux avaient lieu depuis dix ans, le journaliste a interprété cela comme ça. Ce que dit la lettre du président de l'association nouvellement formée, c'est que: "Vous êtes sans doute au courant des multiples démarches effectuées depuis plus de dix ans auprès des autorités gouvernementales par plusieurs corps intermédiaires du comté de Bonaventure à propos de l'aménagement et de la protection de la rivière Nouvelle."

Evidemment, j'ai tout un dossier d'interventions, mais pas dans la question des travaux qui sont des travaux d'automne en vue de la drave du printemps. C'est la question de la protection des berges, etc. J'ai tout un dossier d'interventions que j'ai faites continuellement. Il y a eu des travaux de protection d'accomplis.

C'est toute une histoire que la rivière Nouvelle, M. le Président. Mais la question des travaux de la CIP n'a rien...

M. BURNS: Ce n'est pas une histoire nouvelle.

M. LEVESQUE: ... à voir avec l'aménagement pendant dix ans d'une rivière qui a besoin, évidemment, de travaux de protection, qui a connu des inondations, etc. Depuis dix ans, depuis toujours, M. le Président, la rivière Nouvelle comme les autres rivières de la province a besoin des soins du ministère des Richesses naturelles, de la surveillance du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche et de la vigilance du député de Bonaventure, M. le Président.

M. MORIN: Une dernière question. LE PRESIDENT: Dernière.

M. MORIN: Puisque le ministre a obtenu la suspension des travaux, j'aimerais lui demander s'il peut s'engager, aussitôt qu'il aura le rapport sur la question, dès que l'enquête aura été terminée, à déposer ce rapport devant la Chambre. Et comme toute dernière question, j'aimerais lui demander s'il a l'intention de faire appliquer les pénalités prévues par la loi s'il y a eu détérioration de la rivière Nouvelle. Dans le cas de la rivière Pentecôte, où il y avait eu également détérioration des lieux, en 1968, je ne sache pas qu'il y ait eu de sanction. Le ministre sait que, dans ce domaine, quand il n'y a pas de sanction, il est bien difficile de faire respecter la loi.

M. LEVESQUE: M. le Président, pour répondre à la première partie de la question du chef

de l'Opposition, je veux l'assurer que je suis encore plus intéressé que lui, quant au fond de l'affaire, à ce que cette enquête soit poursuivie, que des sanctions soient prises s'il y a lieu, et que l'on voie à protéger cette rivière complètement, adéquatement et sans aucune réserve. C'est clair? Et j'ai hâte de voir ce rapport, si rapport il y a; je demande publiquement à mes collègues, le ministre des Richesses naturelles ou le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, ou le ministre des Terres et Forêts, s'ils ont un rapport j'aimerais qu'on connaisse au moins la substance de ce rapport.

M. MORIN: Qu'il soit déposé.

M. LEVESQUE: Bien, le dépôt, là c'est leur affaire, M. le Président. S'ils veulent le déposer, ils le déposent. S'ils veulent en donner la substance, parce qu'il peut y avoir des rapports internes, je ne sais pas, je n'ai pas l'intention de répondre pour eux. Je le leur demanderai.

Quant à moi, je suis aussi intéressé, et encore plus que vous, à connaître le résultat de cette enquête. Je voudrais, s'il y a des actes répréhen-sibles de commis, qu'ils soient punis. Mais je ne voudrais pas présumer de cette enquête. Il se peut également, et là c'est une hypothèse parce que je ne suis pas allé voir, que ce soient des travaux comme il se fait dans toutes les rivières à l'automne en vue du nettoyage pour la drave du printemps. Je n'ai pas l'intention de condamner qui que ce soit avant que les résultats de l'enquête ne soient connus.

M. le Président, en terminant, je me pose une question sans méchanceté. L'hospitalité que j'ai reçue dans le journal Le Soleil de samedi, le 7 décembre 1974, sera-t-elle répétée avec la même chaleur pour la mise au point vu ce qui aurait pu être perçu par le public de ce genre de manchette et d'analyse d'une information? Merci.

LE PRESIDENT: Affaires du jour.

Travaux parlementaires

M. BURNS: En vertu de l'article 34, M. le Président...

LE PRESIDENT: 34.

M. BURNS: ... j'aimerais savoir du leader du gouvernement, étant donné que je lui posais une question, vendredi, dont il a pris avis, question relative au problème sur le site des jeux olympiques de Montréal, s'il a eu le temps de consulter le ministre du Travail pour nous donner une réponse. La raison pour laquelle je la pose, M. le Président, en vertu de l'article 34, c'est qu'il y a, je pense, urgence constamment, et même aujourd'hui, à ma connaissance, les travaux sont bloqués par les travailleurs du fer et toujours à cause de cette fameuse augmentation de $0.50 l'heure.

M. LEVESQUE: M. le Président, je suis prêt à donner mon consentement pour revenir à la période des questions.

LE PRESIDENT: Ecoutez! je suis obligé de faire une réserve. Je n'ai pas d'objection s'il y a consentement de la Chambre. Ce n'est certainement pas en vertu de l'article 34...

M. BURNS: Je demande simplement... LE PRESIDENT: Je m'excuse.

M. BURNS: ... au leader s'il a eu le temps de consulter le ministre du Travail sur cela.

LE PRESIDENT: Bien moi, je demande à la Chambre, s'il y a consentement.

DES VOIX: Non.

LE PRESIDENT: S'il n'y a pas consentement, on va passer...

M. COURNOYER: Je tiens à dire que, dans ce domaine comme dans d'autres domaines, je fais mon travail.

M. LEVESQUE: Article...

M. MORIN: En vertu de l'article 34, M. le Président, je vous ai demandé une directive l'autre jour. J'aimerais y revenir.

LE PRESIDENT: Sur quoi?

M. MORIN: II s'agit de la convocation des intéressés au sujet du projet de loi sur les droits de l'homme.

Vous n'avez pas encore donné cette directive.

LE PRESIDENT: A l'ordre! Je n'ai pas donné cette directive pour la raison bien simple qu'il y a eu consultation, du moins j'ai été l'intermédiaire entre les leaders. Vous pouvez le demander au député de Maisonneuve et au député de Bonaventure.

M. MORIN: II y a un point technique, M. le Président, sur lequel je vous ai demandé une directive.

LE PRESIDENT: Ecoutez! s'il y a entente, je n'aurai pas de directive à donner. Je n'en donnerai pas s'il y a entente entre les partis, parce que la Chambre est certainement supérieure aux directives du président.

M. MORIN: II semble qu'il n'y ait pas eu d'entente. La directive que je voulais vous demander porte sur...

LE PRESIDENT: Ecoutez! A l'ordre!

M. MORIN: ... un point technique; et je

pense qu'il serait intéressant que le président le tranche. Est-ce que des avis de convocation peuvent être publiés dans la Gazette officielle, sans qu'il y ait un ordre de la Chambre?

LE PRESIDENT: Je n'ai pas l'intention de donner de directive aujourd'hui à la suite de la parole qui m'avait été donnée par le député de Bonaventure et le député de Maisonneuve sur cette question. Les deux m'ont donné leur parole et il n'y a pas eu de contre-ordre à cet effet.

M. BURNS: Sur la date, M. le Président, mais, sur la technique, je pense que cela a été flou dans les discussions.

M. HARDY: Essayez donc de vous parler, tous les deux, vous et votre chef.

LE PRESIDENT: A l'ordre ! Messieurs, messieurs, s'il vous plaît.

M. BURNS: C'est parfait, on s'entend très bien.

M. LEGER: Parlez aux cinéastes. M. BURNS: Parlez aux cinéastes.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a lieu d'adopter la motion en vertu du projet de loi 50? Cela réglerait cette question.

M. LEGER: Va faire des vues.

M. LEVESQUE: Je n'y ai pas d'objection, M. le Président. J'avais même suggéré qu'on puisse la rédiger. Cependant, pourrait-on avoir au moins quelque temps pour la rédiger?

M. BURNS: C'est ça.

LE PRESIDENT: Dans le courant de la séance?

M. LEVESQUE: Oui, je n'ai pas d'objection.

M. BURNS: D'accord.

LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. LEVESQUE: M. le Président, je suggère que nous procédions à la deuxième lecture des projets de loi d'ordre fiscal, nos 67 à 74. Mais, avant ça, peut-être que nous pourrions suggérer qu'une commission siège, la commission de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche, pour l'étude du projet de loi sur les agents de voyages, immédiatement; j'en fais motion, M. le Président.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

Adopté. Cette commission peut siéger immédiatement.

M. BURNS: Adopté, M. le Président. M. LEVESQUE: Salle 81-A).

LE PRESIDENT: Cela fait partie de la motion.

M. LEVESQUE: Alors, M. le Président...

M. BURNS: Simplement une question; je précède peut-être, mais c'est tout simplement en vue d'agencer des choses. Le chef de l'Opposition représente l'Opposition à la commission du revenu sur ces projets de loi, mais il est aussi le représentant de l'Opposition si on est obligé d'étudier les crédits du ministère des Finances ce matin. Je précède peut-être, mais, s'il y a conflit entre les deux, je le signale au leader du gouvernement.

M. LEVESQUE: Entre l'étude en commission des finances et l'autre?

M. BURNS: Oui, c'est parce qu'il serait possible, techniquement, que la commission élue des finances siège en bas et que la commission plénière siège pour l'étude des crédits du ministère des Finances, auquel cas le chef de l'Opposition ne pourra pas être aux deux.

M. LEVESQUE: Non, non, il n'est pas question que nous siégions ce matin en commission plénière sur les subsides.

M. BURNS: Oui, mais à quel ministère?

M. LEVESQUE: Une fois que nous aurons disposé des projets de loi d'ordre fiscal, nous avons l'intention d'appeler le projet de loi du ministère de l'Industrie et du Commerce sur la société Inter-Port.

M. BURNS: C'est le même problème. M. LEVESQUE: Le même problème. M. BURNS: Oui.

M. LEVESQUE: Est-ce que l'agriculture? Le projet de loi de l'assurance-récolte?

M. BURNS: Même problème.

M. LEVESQUE: Même problème. Vous voyez, ça arrive des absents chez vous aussi.

M. BURNS: Oui, oui, ça arrive et vous voyez, ce sont nos députés les plus éloignés qui sont absents.

LE PRESIDENT: S'il vous plaît, messieurs!

M. LEVESQUE: Ecoutez, on va commencer et j'aurai une rencontre avec le leader de l'Opposition.

M. BURNS: D'accord.

M. LEVESQUE: Alors, si on veut procéder aux projets de loi nos 67 à 74.

LE PRESIDENT: Projets de loi nos 67 à 74 inclus?

M. LEVESQUE: Oui, est-ce qu'on peut faire une deuxième lecture commune?

LE PRESIDENT: On peut les grouper. M. BURNS: On peut faire ça, oui.

LE PRESIDENT: On peut grouper la deuxième lecture.

M. LEVESQUE: Grouper.

Projets de loi de 67 à 74 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: Le ministre du Revenu propose la deuxième lecture du projet de loi no 67, Loi modifiant la loi du ministère du Revenu et la Loi de l'impôt sur la vente en détail.

Le même ministre propose la deuxième lecture du projet de loi no 68, Loi modifiant la loi sur les impôts et la Loi concernant l'application de la loi sur les impôts. Le même ministre propose la deuxième lecture du projet de loi no 69, Loi modifiant la loi favorisant le développement industriel au moyen d'avantages fiscaux. Le même ministre propose la deuxième lecture du projet de loi no 70, Loi modifiant la loi autorisant le paiement d'allocations à certains travailleurs autonomes. Le même ministre du Revenu propose la deuxième lecture du projet de loi no 71, Loi modifiant la loi de l'assurance-maladie. Est-ce une erreur?

M. LEVESQUE: C'est une disposition fiscale. Cela va.

LE PRESIDENT: Le même ministre propose la deuxième lecture du projet de loi no 72, Loi modifiant la loi des droits sur les successions. Le même ministre propose la deuxième lecture du projet de loi no 73, Loi modifiant la loi de la taxe sur les repas et l'hôtellerie. Enfin, le même ministre propose la deuxième lecture du projet de loi no 74, Loi modifiant la loi de la taxe sur les carburants.

L'honorable ministre du Revenu.

M. Gérald Harvey

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, d'abord, je remercie l'Opposition d'avoir bien voulu consentir à regrouper les projets de loi 67 à 74 inclusivement, ce qui nous permettra d'aller plus rapidement en commission élue.

J'aurai, à ce moment-là, un document de base à leur remettre pour faciliter la discussion. Ce matin, je suis heureux de présenter, à travers ces lois, la loi qui permettra de verser à la ville de Montréal, à la ville de Laval et à la ville de Québec un montant total de près de $16 millions et demi, fruit d'une loi amendant la Loi de la taxe sur les repas et l'hôtellerie perçue dans le territoire de chacune de ces municipalités.

En leur remettant 50 p.c. du produit de cette taxe perçue dans leur territoire, le gouvernement est conscient que ces pôles de croissance populeux ont besoin de sources de revenu nouvelles afin de leur permettre de faire face à des obligations toujours croissantes. L'amendement à cette loi me permettra, dès la sanction de cette loi, de pouvoir expédier les montants dus jusqu'à maintenant et basés sur les revenus de la dernière année financière. Comme c'est le cas pour la redistribution des 2 p.c. de la taxe sur la vente en détail, nous ferons des paiements à tous les quinze jours, y compris un 25e paiement pour donner la différence après que les chiffres définitifs seront connus pour les revenus de la taxe sur les repas et l'hôtellerie, comme c'est le cas pour la taxe sur la vente en détail.

J'aurai le plaisir également de donner plus de détails en commission élue sur les avantages que comporte l'amendement à la Loi sur les droits de succession réduisant de 40 p.c. les montants qui étaient exigés il y a quelques années. Cette sortie graduelle du champ des droits de succession permettra aux citoyens de récupérer des montants appréciables. C'est grâce à l'impôt qui a été créé sur le gain, en profit de capital qu'il nous est possible de sortir graduellement de l'impôt sur les droits de succession. L'amendement que j'apporterai réduira de 40 p.c. les droits de succession.

Nous apporterons également des amendements à la Loi sur les impôts afin de sortir des rôles d'impôt au-delà de 250,000 personnes. Il s'agit de ceux dont les revenus sont inférieurs à $5,200 s'ils sont mariés et à $2,600 s'ils sont célibataires. Il y aura également une disposition spéciale pour éviter de faire payer trop d'impôts à d'autres en modifiant et en améliorant ce que nous appelons communément la "notch provision". Je proposerai également un amendement à la Loi favorisant le développement industriel au moyen d'avantages fiscaux, puisque les industries en profitent présentement. Le ministre des Finances ayant fait une déclaration en cette Chambre, lors du discours du budget, il faut absolument amender le texte législatif.

En ce qui concerne la Loi sur les carburants, il est bien sûr que l'entrée en vigueur de cette loi, le 1er juillet 1973, nous a permis, après une année, de décider d'inscrire, dans ce texte de loi, certaines dispositions que nous avions appliquées par voie de règlements. Après un an de fonctionnement, nous sommes convaincus que ce que nous introduisons dans la Loi des carburants est de nature à améliorer le contrôle

de cette loi et également fera l'affaire autant des importateurs que des producteurs québécois.

M. le Président, je recommande l'adoption en deuxième lecture de ces projets de loi, quitte à faire une présentation de chacune d'elle de façon beaucoup plus détaillée dans quelques minutes, alors que nous serons en commission élue.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce qu'il y a d'autres opinants? Est-ce que le ministre veut un droit de réplique?

La motion de deuxième lecture des projets de loi no 67 à 74 est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ces projets de loi. Second reading of these bills.

M. LEVESQUE: Deuxième lecture.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Adopté.

Projets de lois déférés à la commission

M. LEVESQUE: Adopté. Je propose que ces projets de loi nos 67 à 74 soient déférés à la commission élue des finances, des comptes publics et du revenu, pour étude article par article.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que cette motion de déférence est adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, vu qu'une commission siège présentement, nous aviserons aussitôt que possible de l'endroit et de l'heure où se tiendra la commission qui vient d'être affectée à l'étude de ces huit projets de loi.

M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Mais est-ce que vous faites une motion pour que cette commission siège à telle et telle heure, ou...? La motion que nous avons adoptée, c'est seulement pour la déférence en commission.

M. LEVESQUE: Oui, c'est simplement pour information.

M. le Président, article no 2.

Projet de loi no 4 Deuxième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La reprise du débat sur la motion du ministre de l'Industrie et du Commerce proposant la deuxième lecture du projet de loi no 4, Loi constituant la Société Inter-Port de Québec.

Le député de Maisonneuve a la parole.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, cela va être très bref. J'avais proposé l'ajournement simplement pour sauvegarder le droit de certains députés ministériels qui, m'avait-on dit, avaient l'intention d'intervenir sur le projet de loi no 4. Personnellement, je n'ai pas d'intervention particulière à faire à ce sujet. Les députés concernés peuvent maintenant qu'ils sont présents, intervenir; c'était uniquement dans le but de sauvegarder leur droit que j'ai demandé l'ajournement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Rivière-du-Loup.

M. Paul Lafrance

M. LAFRANCE: II convient, M. le Président, avant d'entrer dans le vif du sujet qui nous préoccupe, de faire les mises au point suivantes: D'abord, il va de soi que nous ne pouvons être contre le principe d'un développement industriel et de son complément portuaire de la région de Québec.

Cependant, nous ne pouvons nous empêcher d'exprimer certaines réserves quant au bien-fondé du choix de ce site et ce, pour des raisons plus graves encore que le préjudice qu'un tel choix causerait à nos régions. En effet, Québec, en tant que site exclusif pour le transport de marchandises, ne saurait être à la hauteur de la situation, en raison de son incapacité physique de le faire. Par voie de conséquence, cette faible capacité concurrentielle devrait, logiquement, transférer vers les Maritimes la majeure partie de ce commerce indispensable à l'économie québécoise.

Bien sûr, il ne saurait être question d'affirmer gratuitement de tels avancés sans que nous y revenions ultérieurement. Auparavant, toutefois, une autre mise au point s'impose pour bien établir au départ que le projet envisagé pour la région de Québec est bien fortement axé sur le développement portuaire, quelle qu'ait été l'impression sur laquelle on a bien voulu nous laisser.

En effet, il a été souligné à maintes reprises, lors de la présentation en Chambre du projet de loi no 4, que celui-ci différait de l'ancien projet de loi no 23 en ce que l'accent n'était plus mis sur le développement portuaire mais plutôt sur le développement industriel. A ce sujet, je voudrais revenir sur quelques-unes des paroles prononcées et je cite: "Faire de Québec un centre portuaire majeur du front altantique-nord et nous lui fournirons tout l'appui nécessaire de façon à faire de la région administrative de Québec un grand port international et le centre de rayonnement économique qu'il peut et doit être." Aussi, on considère que la lutte se fait entre Québec et Halifax.

Prenant, dorénavant, pour acquis qu'il s'agit bien là de développement portuaire et que,

mieux encore, on veut en faire un complexe d'importance majeure susceptible de concurrencer Halifax, nous sommes à présent d'accord pour amorcer la discussion sur ce thème.

La notion même de concurrence implique que les parties en présence possèdent les facilités et moyens sensiblement égaux. Or, entre Québec et Halifax, la lutte se fait à armes inégales et ce principalement pour trois raisons.

Au chapitre de la profondeur d'eau du port et des facilités d'accès, Halifax est assez bien dotée et peut recevoir des navires de tonnage relativement imposant. Québec, même une fois les travaux de dragage terminés, ne pourra, à cause des 40 à 43 pieds de profondeur en moyenne, accueillir des navires excédant 70,000 à 80,000 tonnes ou environ. Donc, pas de concurrence possible si le volume des marchandises manipulées n'est pas le même.

Pas de concurrence non plus au niveau de la durée d'opération du port qui est un des facteurs déterminants de la capacité et de la rentabilité d'un port. Chacun sait qu'Halifax est un port ouvert à longueur d'année, alors que Québec, en raison des rigueurs de l'hiver, doit subir de longs mois d'inactivité.

Il y a aussi la contrainte du temps jouant en défaveur du port de Québec puisque, avant que la société ait présenté ses plans et programmes, avant que ceux-ci soient mis en exécution et que le port ne devienne effectif, la nouvelle génération de navires transporteurs aura fait son apparition et déjà le port de Québec, avant même de fonctionner, ne pourra plus répondre aux besoins de l'heure.

Même si les voies d'accès étaient draguées à 48 pieds, permettant alors le passage de 100,000 tonneaux, ce qui vraisemblablement ne sera pas fait, ce tonnage ne correspondrait pas encore au volume des navires de cette nouvelle génération dont nous parlions précédemment.

A ce sujet, il importe de bien saisir tout l'impact que représente cette révolution au niveau des transports et qui doit se concrétiser par l'apparition prochaine de transporteurs en vrac de la classe de 250,000 tonnes. Ces navires doivent devenir sous peu d'une utilisation généralisée en raison des coûts de construction qui sont à moitié moindres à la tonne, et des économies de transport qui peuvent être de 50 p.c. supérieures à celles des navires conventionnels.

La construction projetée pour ces bâtiments, pour les cinq prochaines années, s'élève à près de $30 milliards et, répétons-le, le Québec ne pourra pas en tirer de bénéfice. Un port de transbordement, par définition, implique que l'on transporte de la marchandise d'un gros navire dans un plus petit. Or, compte tenu, comme nous l'avons dit déjà, de la limitation imposée à la taille des navires devant se rendre à Québec, on conçoit mal un navire de 70,000 tonneaux délestant sa cargaison dans un autre à peine plus petit de 40,000 tonneaux. Les économies ainsi réalisées seraient alors quantité négligeable ou presque.

De fait, le port de transbordement a été conçu pour un tout autre usage, à savoir celui d'accueillir de très gros navires, les seuls qui puissent permettre une économie de transport substantielle sur une distance donnée.

Depuis les débuts que l'on parle de la possibilité, pour Québec, d'accueillir des bâtiments de 70,000 tonneaux, ceci ne sera pourtant vrai qu'en autant que seront effectués les travaux de dragage requis pour le port et que seront terminés ceux qui sont déjà en cours dans le chenal. Mais il y a des objections au dragage. Une étude faite pour le compte du Département du commerce américain indique clairement que les solutions requérant le moins de dragage possible sont les meilleures. Toutefois, nous nous devons de mettre ces objectifs quelque peu en sourdine puisque, d'une part, les opérations de dragage du chenal sont pratiquement choses faites, et que les travaux de cet ordre qu'il reste à accomplir dans le port lui-même sont de moindre envergure que les précédents.

Par ailleurs, nous serions mal venus de contester ces pratiques puisque nous avons déjà donné notre accord de principe au projet. Cependant, il importe, étant donné le sérieux de ces objections et pour conserver quelque intelligence au débat, de présenter succinctement quelques-uns des désavantages soulevés par cette étude.

Atteinte au seuil de non-rentabilité économique.

Les économies de transport vont être absorbés par le coût exorbitant de ces travaux et les conséquences sur l'environnement: l'érosion cô-tière, l'envasement excessif dans les canaux dragués et la remontée à la surface de dépôts solides ou boueux de sédiments toxiques présentement ensevelis.

Le rapport ABBDL est une étude de la firme d'ingénieurs-conseils Asselin, Benoit, Boucher, Ducharme, Lapointe, effectuée pour le compte du ministère de l'Expansion économique régionale et portant sur le développement de la zone industrielle et portuaire de la région de Québec.

Cette étude, dont il a été question dans le discours de présentation du projet de loi et qui constitue un document de base ayant présidé à la conception de la société Inter-Port, n'a pas que des éloges à l'endroit du choix préétabli du site de Québec.

Le rapport souligne le fait qu'avec un chenal d'accès de 41 pieds de profondeur les navires de 100,000 tonnes devront nécessairement utiliser la marée pour leur passage. "Si l'on examine les possibilités de réalisation — et je cite toujours le rapport, M. le Président — d'une zone industrielle portuaire nouvelle mitoyenne de l'extension du port sur les battures de Beauport, on constate qu'il n'est pas possible de trouver des surfaces de l'ordre de grandeur nécessaire pour construire en particulier un complexe raffinerie-pétrochimie", et ce indépendamment de l'impact sur l'environnement.

Ce manque d'espace obligera à une dispersion des zones d'accueil d'industries et représente une contrainte qui ne favorise ni les économies d'échelle, ni la simplification des structures de gestion de ces zones.

La société Inter-Port de Québec, du moins en ce qui concerne sa vocation présumée de port de transbordement majeur et de point désigné comme devant faire concurrence au port d'Halifax, constitue en quelque sorte un projet quasi mort-né au départ, principalement en raison de son peu d'accessibilité. Aussi, nous parait-il lourd de conséquences de vouloir à tout prix et par tous les moyens disponibles la mettre sur pied.

Ceci revient, dans les faits, à confier au port d'Halifax tout le transbordement majeur sur l'Atlantique devant l'impossibilité physique pour le port de Québec de livrer une concurrence valable aux Maritimes. Cette prédominance d'Halifax devrait nécessairement conduire au dépérissement de la voie maritime du Saint-Laurent, à la perte de la possibilité, pour les ports du Québec, de desservir les importants marchés des Grands Lacs et, par voie de conséquence, amener un ralentissement notable de l'économie québécoise tout entière.

Le concept même d'un port de transbordement est soumis à des normes rigides exigeant accessibilité, profondeur des eaux, services connexes et de très grands espaces industriels disponibles. A notre avis, nul site mieux que ceux du Bas-du-Fleuve ne correspondent de façon optimum à ces critères.

Au chapitre des avantages liés à l'emplacement, il est à noter que Gros Cacouna, par exemple, représente le point intérieur le plus avancé où des navires de grande dimension peuvent manoeuvrer de façon sécuritaire; que Gros Cacouna aussi a des abords immédiats d'une profondeur se situant aux environs de 90 pieds, ce qui permettrait de recevoir des navires de 200,000 à 300,000 tonnes et que Gros Cacouna possède aussi des qualités de port d'hiver en raison principalement de la protection offerte par l'Ile-Verte et l'Ile aux Lièvres.

A ces avantages naturels viennent se greffer un certain nombre d'avantages connexes qui sont d'une incidence majeure dans la détermination du choix d'un site: proximité immédiate d'un chemin de fer d'une capacité portante de 260,000 livres par wagon; infrastructure routière adéquate se situant dans l'axe de rencontre de la route 185 et de la route no 20 à quatre voies, vers la Gaspésie; terrains peu accidentés, propices à la mise en place d'un pipe-line pouvant relier ce port à la région de Montréal; vastes espaces pouvant convenir à la mise sur pied d'un imposant complexe industriel.

En terminant, je voudrais que vous me permettiez de tracer un bref parallèle entre la manière de procéder pour l'établissement de ce port dans la région de Québec par rapport à ce qui s'est fait pour les autres sites en général et Gros Cacouna en particulier.

D'une part, un projet que l'on crée de toutes pièces, avec l'intention avouée d'y dépenser toute somme jugée nécessaire à la réalisation de ce complexe industriel et portuaire, et ce avant même que soient arrêtés et élaborés les plans et programmes, comme en fait foi l'article 14 du projet de loi en question.

D'autre part, existe depuis nombre d'années un projet dont les plans sont depuis longtemps établis, dont certaines études sont venues confirmer et le potentiel, et la rentabilité présumés, projet qui se réfère à un site jouissant d'avantages naturels indéniables et projet pour lequel existent des clients et des groupes intéressés depuis un bon moment et qui ont même satisfait aux conditions et restrictions normales exigées d'eux.

Dans un autre ordre d'idées, on nous dira que les deux ports ne s'excluent pas mutuellement et qu'ils peuvent même être complémentaires.

Cependant, nous avouons mal comprendre que deux ports de transbordement — puisque c'est là leur vocation première à tous deux — puissent subsister tout en étant à une distance d'à peine plus de cent milles l'un de l'autre. Quoi qu'il en soit, avant que le port de Québec ne soit mis en place et que quelques années d'exploitation aient pu dûment prouver son inefficacité, tous ces délais ne manqueront pourtant pas de retarder d'autant la mise en place d'un port dans le Bas-Saint-Laurent, qui soit véritablement opérationnel de par son accessibilité meilleure, correspondant davantage aux besoins nouveaux de ce type de commerce.

Aussi, compte tenu de ces délais par trop considérables, compte tenu des obligations qui nous lient à nos électeurs et compte tenu de la mise en fonction inévitable de cette Société Inter-Port de Québec, nous souhaiterions que le ministre nous redise les intentions qu'entretient le gouvernement à l'endroit d'un des sites possibles du Bas-Saint-Laurent. Ces sites, on nous l'a déjà dit, peuvent être complémentaires de celui de Québec en accueillant les 100,000 tonneaux et plus, et à ce titre seulement le Québec sera en mesure d'opposer une concurrence valable et significative à celle qui nous viendra de l'extérieur. Si, ce faisant, on parvenait du même coup à relever économiquement une région dont les besoins ne sont plus à démontrer, nul ne saurait s'en plaindre. Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce qu'il y a d'autres opinants sur ce projet de loi? Le député de Rimouski.

M. Claude Saint-Hilaire

M. SAINT-HILAIRE: M. le Président, quelques minutes, peut-être, pour expliquer ici, devant cette Chambre, le pourquoi de mon abstention lors de la motion du Parti québécois pour retarder la période d'étude du bill no 4. C'est qu'à ce moment-là il me manquait cer-

tains renseignements que j'ai pu avoir par la suite. Je pense que je n'ai pas besoin de m'éterniser longuement sur le sujet pour dire devant cette Chambre que je suis pleinement d'accord quant au développement du port de Québec. Seulement, j'aurai, lors de l'étude en commission, quelques restrictions à faire à certains des articles, et je préfère attendre ce moment pour émettre mes opinions à ce sujet. Je voterai donc avec plaisir en deuxième lecture, quitte à revenir, lorsque nous serons en commission, sur certains points pouvant être éclaircis. Je vous remercie.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que quelqu'un d'autre désire parler sur le bill 4?

M. Guy Saint-Pierre

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, dans mon droit de réplique, je vais être très bref. Sans abuser du temps de la Chambre, je voudrais ajouter quelques éléments à la discussion. Il me paraît assez difficile de répondre à plusieurs des points qui ont été soulevés et je pense que les interventions de plusieurs nous permettent de voir le sens qu'on veut que le gouvernement donne à ce projet de loi no 4.

Au début de mon intervention, je voudrais en particulier, m'excuser pour avoir peut-être induit la Chambre, malgré moi, en erreur. Je parlais sans texte en deuxième lecture, sur le projet de loi, et il m'est arrivé malheureusement, de confondre le tonnage des bateaux et les tirants d'eau, réellement sans aucune mauvaise volonté de ma part.

Effectivement, il est faux, comme je l'ai dit en deuxième lecture de dire que le port de Québec peut recevoir des navires ayant un tirant d'eau de 100 pieds, comme il est également peut-être douteux de dire que des navires de 100,000 tonnes peuvent venir au port de Québec. Il y a des effets de dragage, de marées qui peuvent jouer dans cela, et on sait bien, comme l'ont soulevé les deux derniers opinants, que le port de Québec ne peut recevoir des bateaux de tirant de 100 pieds.

Bien que le projet de loi no 4 vise surtout au développement d'un complexe industriel qui favoriserait la région de Québec, dans l'étude article par article, il s'agira peut-être de replacer dans leur propre contexte les montants que nous entendons accorder pour la région de Québec.

Il faut peut-être, M. le Président, dire quelques mots sur la situation des ports dans le Saint-Laurent. C'est un champ qui relève, dans un premier temps de juridiction fédérale, toute l'administration des ports au Canada, mais c'est un champ qui, comme les aéroports, a tellement d'incidences sur le développement économique de certaines régions que le gouvernement québécois serait mal avisé de s'en désintéresser totalement. Effectivement, au cours des derniè- res années, particulièrement au cours de l'année qui s'écoule, nous avons mené à bien plusieurs études. Certaines nous avaient été suggérées par la Chambre de commerce du district de Montréal touchant les problèmes particuliers du port de Montréal, mais d'autres venaient d'une visée plus globale des phénomènes économiques à l'échelle nord-américaine, particulièrement des ralentissements qu'on pouvait ressentir ou des déplacements dans le transport des marchandises qui ont pu, à des périodes ou d'autres, favoriser un port, celui des provinces atlantiques, plus que celui du Saint-Laurent.

Les études qui ont été terminées nous permettent d'affirmer sans ambages qu'il y a des complémentarités de fonction entre certains ports, partant de celui de Montréal, tenant compte des ports existants à Valleyfield, à Trois-Rivières, à Bécancour, tenant compte du port de Québec et tenant compte des possibilités de ce qui a déjà été fait en aval de Québec, particulièrement à Sept-Iles, mais également les possibilités à Baie-Comeau, à Gros Cacouna et d'autres sites le long du Bas-du-Fleuve.

Des études récentes, d'ailleurs, faites par le ministère fédéral de l'Expansion économique régionale avaient examiné quelques sites possibles pour l'implantation d'une aciérie, donc un complexe industriel fort important, une aciérie de plus de 4,000,000 de tonnes de capacité, visant des marchés d'exportation. Or, deux parmi les six sites étudiés étaient justement des sites au Québec, c'est-à-dire Gros Cacouna et Sept-Iles. Il était intéressant de remarquer qu'au niveau des frais de fonctionnement, au niveau des frais d'investissement le port de Sept-Iles se situait constamment en première place parmi les six sites envisagés, sur le plan de l'économie et de la rentabilité des chiffres. Nous savons qu'à Sept-Iles dans le moment il n'y a pas de chômage réel. Face aux développements formidables qui ont eu lieu dans ces régions, particulièrement favorisés par l'existence d'un réseau hydro-électrique important, face également aux mines de fer, face au déblocage sur nombre d'autres secteurs, il serait peut-être avantageux pour le gouvernement du Québec de se pencher sur un deuxième port, qui avait été suggéré dans cette étude, celui de Gros Cacouna.

Il ne m'appartient pas, M. le Président, de dévoiler la politique qu'entend suivre le gouvernement vis-à-vis de l'avenir des ports du Bas-Saint-Laurent mais je voudrais rassurer tous les membres de cette Chambre. L'ensemble de ces vocations ont fait l'objet d'études particulières au cours des derniers mois et il me semble probable qu'avant la fin de la session, par la voix même du premier ministre du Québec, le gouvernement fera connaître sa politique, ses priorités, l'effort qu'il entend consacrer pour non seulement maintenir cette complémentarité entre les différents ports mais également faire toutes les démarches nécessaires pour assurer le plein épanouissement, la réalisation du potentiel de ports en aval de Québec. Ceci, sans pour autant limiter nos efforts — et je suis certain

que les gens du Bas-du-Fleuve le comprendront — pour tenter de sortir les ports de Montréal et Québec, particulièrement au niveau de la promotion, d'un certain marasme qui les touche depuis quelques années.

Cette complémentarité voudra certainement dire que, pour des navires qui demanderaient des centaines de pieds de tirant d'eau et plus, la vocation ne peut être remplie efficacement par le port de Québec. Enfin, c'est même à des profondeurs plus petites que cela puisque le port de Québec, suivant les marées, sera peut-être dans les environs de 50 pieds — de 44 pieds qu'on me signale — à cause du problème du chenal sud près de l'île d'Orléans et d'autres îles en aval. Ces complémentarités veulent bien dire, M. le Président, que nous aurons des politiques à plusieurs volets qui viseront à tirer le potentiel maximum de ce que peuvent nous offrir certains sites. En particulier, même si le port d'Halifax peut avoir certains avantages immédiats, il nous appartiendra de démontrer autant de dynamisme pour faire valoir l'intérêt que pourrait avoir le Bas-du-Fleuve, particulièrement à cause de sa proximité des marchés, particulièrement avec son réseau relié à des marchés fort importants, la province de Québec, sur le plan de la population, représentant beaucoup plus que les Maritimes, étant reliée à nombre de projets importants qui se passent dans l'Est du Canada ou dans le Canada central, c'est-à-dire l'Ontario et la province de Québec.

Donc, comme je le disais, le premier ministre aura, avant la fin de la session, l'occasion d'énoncer les grandes lignes d'action du gouvernement à ce sujet. Le projet no 4 devant nous ne sera pas du tout un handicap à l'énoncé de ces politiques; il sera tout au plus un élément qui vise à retirer sur le plan industriel les avantages que nous n'avons pas eus jusqu'ici pour le port de Québec mais qui ne portera préjudice en rien au potentiel ou aux ambitions que nous entretenons nous-mêmes pour d'autres ports en aval de la ville de Québec.

D'ailleurs, des études entreprises récemment seront dévoilées dans quelques semaines qui montrent que les ports du Bas-Saint-Laurent — et les ports qui avaient été alors étudiés étaient Québec et Montréal, pour le transport en vrac par des bateaux demandant des tirants d'eau de 34 pieds et moins, pour le port de Montréal et de 43 pieds et moins pour le port de Québec — montrent quant au temps, quant au coût, à la fois pour les transporteurs, pour les usagers, pour les clients, des avantages supérieurs au port d'Halifax et qu'il nous faut absolument, par un programme approprié, par peut-être des structures nouvelles, nous associer au développement de ces ports. C'est ce que nous entendons faire.

Donc, M. le Président, il faut, je pense bien, considérer le projet de loi no 4 dans son sens réel. Ce n'est pas, comme certains ex-fonctionnaires ou fonctionnaires actuels ou représen- tants de partis politiques l'ont déclaré, des ballons politiques que nous lançons. Je pense que ceux qui ont analysé le dossier savent que c'est un geste concret qui est posé pour redonner à la ville de Québec un meilleur équilibre sur le plan de l'emploi, c'est-à-dire une moins forte dépendance sur l'industrie tertiaire et sur l'industrie touristique, et un meilleur équilibre en ayant un contenu d'industries secondaires que la ville de Québec n'a pas jusqu'ici.

Il faut se rappeler — je n'ai pas les chiffres pour vous les citer — mais si on prend la région administrative de Québec, que dans une large mesure, le phénomène d'industrialisation, c'est-à-dire le phénomène d'industrie secondaire n'est pas dans la ville de Québec même, n'est pas dans la région immédiate de la ville de Québec, mais beaucoup plus dans des régions, comme la Beauce, qui sont très excentriques à Québec, de telle sorte qu'il nous faut poser des gestes qui pourraient aider à corriger cette situation.

Le projet de loi Inter-Port en est un. Peut-être que le terme choisi depuis deux ou trois ans peut prêter à confusion, mais, je le répète de nouveau, nous sommes conscients de la complémentarité qui existe. Nous sommes conscients du potentiel que peuvent présenter des sites en aval de Québec et, comme je le mentionnais, nous avons l'intention, au cours des prochaines semaines, d'énoncer la politique du gouvernement qui visera sur plusieurs volets à assurer le développement du plein potentiel des sites en aval de Québec.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, je recommande à cette Chambre, l'adoption du projet de loi no 4.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que la motion de deuxième lecture du bill no 4 est adoptée?

M. LEGER: Question de vote enregistré, M. le Président.

M. BURNS: Je demanderais un vote enregistré là-dessus, mais pour ne pas déranger les gens qui travaillent en commission, je n'ai pas d'objection à ce que le vote soit tenu plus tard.

M. LEVESQUE: M. le Président, dans ce cas, je suggère que le vote soit pris à une heure moins quart.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): D'accord, le vote...

M. LEVESQUE: Et s'il y a d'autres votes, qu'on procède de la même façon.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le vote sur cette motion sera pris à midi quarante-cinq.

M. LEVESQUE: Article no 4).

Projet de loi no 20

Deuxième lecture

Motion de report à trois mois (suite)

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Article no 4): Reprise du débat sur l'amendement de M. Lessard à la motion de M. Toupin proposant que le projet de loi no 20, Loi sur l'assurance-récolte, soit maintenant lu la deuxième fois, lequel amendement se lit comme suit: Que la motion en discussion soit amendé en retranchant le mot "maintenant" et en y ajoutant les mots "dans trois mois".

Le député de Saint-Jean.

M. Jacques Veilleux

M. VEILLEUX: M. le Président, il va sans dire qu'au départ de cette courte intervention, qui m'est permise selon les règlements, je m'opposerai à remettre à trois mois l'étude de la motion, c'est-à-dire du débat sur la Loi sur l'assurance-récolte, le projet de loi no 20, et pour les raisons suivantes. J'ai écouté, ce fameux vendredi, et ça date quand même de quelques semaines, le député de Saguenay et le député de Beauce-Sud, qui est absent ce matin, vouloir absolument remettre l'étude de ce projet de loi à trois mois, prétextant qu'il fallait préalablement convoquer la commission parlementaire sur l'agriculture.

M. le Président, le ministre, lorsqu'il a présenté son projet de loi no 20, Loi sur l'assurance-récolte, nous a garanti, dans sa déclaration en Chambre, de la convocation de la commission parlementaire pour, justement, parler des réformes dans le domaine de l'assurance-récolte à cette commission parlementaire dès les mois de janvier ou février. Le ministre nous a expliqué, dans son intervention, qu'on retrouvait deux volets dans le projet de loi, un qui parle de programmes individuels et un autre qui parle de programmes collectifs. Le député de Saguenay a demandé de reporter à trois mois parce que, disait-il, les agriculteurs semblent s'opposer aux programmes collectifs soumis par le ministre dans son projet de loi.

Justement, le ministre a répondu à cette interrogation du député de Saguenay en disant: Ce que nous voulons faire, après l'étude de ce projet de loi, c'est appliquer le programme individuel qui existe d'ailleurs depuis un certain temps. C'est tout simplement régulariser un état de fait. Quant au programme collectif, le ministre nous a dit — il me reprendra si je fais erreur — qu'il acceptait de laisser, comme on pourrait le dire communément, dans le congélateur cette partie du projet de loi, tant et aussi longtemps que la commission parlementaire ne se serait pas réunie.

Cette motion dilatoire du député de Saguenay, endossée par le député de Beauce-Sud, n'a qu'un seul but: empêcher les députés du Parti libéral de s'exprimer, pour la première fois qu'on en aurait la chance, sur le principe du projet de loi, Loi de l'assurance-récolte. C'est l'unique but que vise le député de Saguenay par cette motion: nous empêcher de nous exprimer. En même temps qu'avec une telle motion ils nous empêchent de nous exprimer, ces mêmes gens disent: Les "back-benchers" libéraux n'ont jamais rien à dire sur les projets de loi. Pour une fois que plusieurs députés libéraux étaient prêts à s'exprimer là-dessus! Le député de Saguenay le sait. En effet, je l'ai rencontré plusieurs fois pour lui demander de pouvoir m'exprimer avant lui, parce que je pouvais être retenu dans mon comté pour d'autres activités lorsqu'arriverait le temps de discuter du principe du projet de loi no 20. Le député de Saguenay m'a dit: Ce ne sera pas long, mon intervention; on a calculé ça et vous aurez dix ou quinze minutes pour parler à la fin. Vous aurez le droit de vous exprimer sur la motion.

Le seul moyen que le député de Saguenay a trouvé pour bâillonner le député de Saint-Jean a été d'apporter à l'Assemblée nationale une motion dilatoire, une remise à trois mois, après que le ministre eut dit dans son intervention qu'il acceptait cette commission parlementaire. Au cas où le député de Saguenay ne le saurait pas, lui, il a convaincu pour la première fois son parti de se préoccuper d'agriculture dans son programme. J'ai des petites nouvelles pour lui. Dans le Parti libéral, ça fait longtemps qu'on s'en préoccupe. Au dernier congrès, à l'atelier sur l'agriculture, lorsque nous avons discuté des réformes à apporter dans l'assurance-récolte, c'est moi qui ai apporté un amendement à la résolution demandant qu'on convoque préalablement la commission parlementaire. La réponse que le ministre a donnée à cette résolution du Parti libéral, lors de son dernier congrès annuel, fait suite à la demande des militants libéraux à ce congrès et à la demande que les agriculteurs du comté de Saint-Jean font, à l'aide de leur député, le député de Saint-Jean, depuis au moins un an ou un an et demi. Le ministre a répondu à cette demande de la commission parlementaire.

Je dis qu'il est temps de battre, une fois pour toutes, de telles motions dilatoires et de permettre aux députés libéraux, au député de Saint-Jean de s'exprimer et de dire ce qu'il pense du principe de ce projet de loi, Loi de l'assurance-récolte.

Merci, M. le Président.

M. LESSARD: Article 96, M. le Président. M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Une minute! Je pense que le député de Maisonneuve...

M. LESSARD: En vertu de l'article 96, M. le Président, à la suite du discours du député de Saint-Jean.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Oh! l'article 96, excusez-moi.

M. LESSARD: Article 96, M. le Président. Je voudrais, en vertu de cet article, dire que jamais je n'ai eu l'intention, par ma motion, d'empêcher les députés libéraux de parler. Au contraire, ils vont pouvoir parler et sur la motion secondaire, ou dilatoire si vous voulez, et sur la motion principale.

UNE VOIX: II avoue.

M. LESSARD: Je pense que les règlements existent pour être utilisés et le seul moyen pour faire en sorte que le ministre puisse entendre les parties, c'était de présenter cette motion. C'est permis en vertu du règlement et je ne vois pas pourquoi le député de Saint-Jean peut me reprocher d'avoir utilisé cet article.

M. VEILLEUX: Question de règlement, M. le Président. Il ne rétablit pas les faits selon l'article 96, il argumente.

M. LESSARD: Je rétablis les faits, M. le Président, je dis que...

M. VEILLEUX: Non, il ne rétablit pas les faits. C'est un débat en réponse aux interrogations qu'on peut poser, nous, les députés libéraux sur une telle motion...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Dans sa réplique.

M. VEILLEUX: II ne rétablit pas les faits, c'est ce que je veux dire.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Dans sa réplique, je suis expert dans ce genre d'affaires. Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Comment m'avez-vous appelé, M. le Président, expert en agriculture?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Non, j'ai dit: Je suis expert dans le droit de réplique.

M. Robert Bums

M. BURNS: M. le Président, j'ai écouté avec attention le député de Saint-Jean. J'aurai l'occasion de lui répondre sur ses deux principaux arguments à l'encontre de la motion du député de Saguenay. Mais il me semble qu'il y a des raisons positives, beaucoup plus positives que négatives de voter pour la motion du député de Saguenay. Je pense que la raison la plus flagrante, celle qui nous saute le plus rapidement aux yeux, c'est celle qui paraît dans les notes explicatives, M. le Président. Lorsqu'on interprète ces notes explicatives, l'objet avoué du projet de loi, il me semble évident que la motion du député de Saguenay doit être adoptée.

Je lis dans ces fameuses notes explicatives que le projet de loi no 20 "a pour objet de refondre la Loi de l'assurance-récolte et d'instituer pour les récoltes de grande culture, soit les plantes fourragères, les céréales et le mais à ensiler, deux systèmes de protection, dont un collectif et l'autre individuel". Il semble, M. le Président, qu'à la simple lecture de l'objet de ce projet de loi, on est capable de déceler l'intérêt que les agriculteurs peuvent avoir à s'exprimer sur un tel projet de loi. Quand je dis "à s'exprimer sur un tel projet de loi", il ne faut pas s'en cacher, M. le Président, c'est la même argumentation que l'on pouvait tenir lorsque la Loi concernant les libertés civiles et les droits de l'homme a été déposée. Il me semble que ce sont les mêmes arguments.

A mon avis, ce serait, à un niveau beaucoup moindre, un peu une loi des droits de l'homme en ce qui concerne les agriculteurs. Si on veut refondre la Loi de l'assurance-récolte et installer deux systèmes de protection, dont l'un collectif et l'autre individuel, c'est évident que ces systèmes de protection visent éventuellement l'agriculteur. A plusieurs occasions, ce même gouvernement, tant dans cette Législature que dans la Législature précédente — on l'a félicité quand il l'a fait — a reconnu le principe par ses gestes, en déférant les projets de loi en commission parlementaire avant la deuxième lecture, d'entendre les parties intéressées. En cela, il a suivi une ligne assez constante. Là-dessus on n'a qu'à l'en féliciter. Ce qu'on lui demande, aujourd'hui, c'est de continuer de maintenir cette logique. Je vous donne quelques exemples: pour la Loi des agents de recouvrement, on les a entendus avant... Oui.

M. LEVESQUE: Je m'excuse. Est-ce que je peux interrompre pour dire que la commission a terminé ses travaux relativement aux agents de voyage et que l'on pourrait immédiatement retourner en commission pour l'étude des projets de loi d'ordre fiscal?

M. BURNS: D'accord.

M. LEVESQUE: M. le Président, je fais motion, tout en m'excusant auprès du député de Maisonneuve, pour l'interruption...

M. BURNS: C'est une interruption constructive. Cela fait avancer les travaux.

M. LEVESQUE: Je fais motion pour que les projets de loi d'ordre fiscal nos 67 à 74, qui ont été déférés à la commission parlementaire des finances, des comptes publics et du revenu, soient étudiés à cette commission immédiatement à la salle 81-A.

M. BURNS: Je vais simplement prendre l'occasion pour signaler au leader la collaboration

des membres de l'Opposition qui, actuellement, sont obligés de faire les queues de veau pour aider au gouvernement à réaliser son programme législatif.

M. LEVESQUE: J'accepte les propos du député de Maisonneuve, à condition qu'il tienne compte également de la grande collaboration que manifeste le gouvernement, particulièrement dans les circonstances difficiles...

M. BURNS: C'est vrai, j'accepte.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Cette motion pour que la commission siège maintenant est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Adopté.

M. BURNS: Je disais donc que, dans la plupart des cas où nous avons eu des projets de loi qui intéressaient des professions ou des catégories de métiers en particulier, ce gouvernement a respecté ce principe. On a qu'à citer l'exemple du code des professions, où on a passé près d'un an à entendre les représentants des différents corps professionnels venir nous dire ce qu'ils entendaient voir dans un éventuel projet de loi qui régissait leur profession. Si on l'a fait pour les professions libérales, que ce soit les dentistes, les médecins, les notaires, les avocats et tous les autres groupes, les quelque 23 ou 24, qui sont régis par le code des professions, je me demande en vertu de quel principe on dirait aux agriculteurs, maintenant: On va adopter un projet de loi dans son principe, principe, encore une fois, bien important, principe qui a pour but de refondre la Loi de l'assurance-récolte et d'installer deux systèmes de protection pour les agriculteurs. Je demande en vertu de quel principe on adopterait le projet de loi quant à son objet pour ensuite mettre les agriculteurs devant le fait accompli et leur dire: Venez dans une commission parlementaire, soi-disant pour nous parler de vos droits.

Je pense que c'est absolument vexatoire à l'endroit de qui que ce soit qu'on veut consulter véritablement dans un projet de loi. On pourrait citer le cas des lois des huissiers, des agents de recouvrement, des agents de voyages. Il y a une série de ces exemples où, et nous avons félicité à chaque fois le gouvernement, à chaque fois on consultait les gens avant de les mettre devant le phénomène accompli.

J'entendais le député de Saint-Jean nous dire que la motion... D'abord, j'ouvre une parenthèse avant de toucher aux arguments proprement dits du député de Saint-Jean. Il parle comme si c'était une des sept plaies d'Egypte, une motion dilatoire. Bien oui, c'est une motion dilatoire. Il n'y a rien de mauvais là-dedans. A l'intérieur d'un "filibuster", on peut, à un moment donné, dire qu'une motion dilatoire est faite uniquement pour retarder les travaux. Cela est possible et cela peut avoir son caractère péjoratif. Mais lorsqu'on demande de retarder la deuxième lecture à trois mois, pour avoir la chance d'entendre les parties concernées avant, c'est sûr aussi que c'est une motion dilatoire mais c'est une motion dilatoire qui se justifie dans les faits.

Alors, je ne vois pas pourquoi on tenterait de nous laisser croire que le député de Saguenay fait quelque chose d'absolument inacceptable en faisant une motion dilatoire, motion qui est prévue par nos règlements. Si c'était si méchant et si inacceptable que ça, je suis convaincu que l'Assemblée nationale n'aurait pas accepté de maintenir dans son règlement une telle motion dilatoire. Elle est là, elle existe et le député de Saguenay s'en sert, à mon avis, à bon escient.

Mais les deux arguments que le député de Saint-Jean utilise pour voter contre la motion du député de Saguenay sont les suivants: II dit que cette motion va empêcher les députés libéraux de s'exprimer. Mais, pas du tout. Comme le disait, en vertu de l'article 96, le député de Saguenay, ils ont même deux occasions de s'exprimer. On leur fournit une occasion additionnelle parce que la deuxième lecture, au cas où le député de Saint-Jean ne le saurait pas, n'est pas disparue de la carte à tout jamais, si le gouvernement a l'intention de faire adopter son projet de loi no 20. L'étude en deuxième lecture de ce projet de loi reviendra éventuellement, c'est bien sûr, mais reviendra après les consultations normales.

Là, le député de Saint-Jean pourra s'exprimer, prendre toutes ses 20 minutes pour dire ce qu'il pense de ce projet de loi de l'assurance-récolte. Il le dira, je suis sûr, avec beaucoup plus d'éclairage, avec un meilleur éclairage parce qu'il aura entendu ce que les agriculteurs en pensent, il aura vu les problèmes concrets que les agriculteurs soulèvent face à une telle loi.

Egalement, le député de Saint-Jean, dans ce qui semble être une des raisons, pour lui, de voter contre le projet de loi, il dit: Le ministre a promis de tenir une commission parlementaire. On dit: Oui. On est d'accord là-dessus, mais pas avant l'adoption de la deuxième lecture. C'est ce que le ministre dit.

Or, nous, nous disons: Tenez votre commission parlementaire avant l'adoption du projet de loi en deuxième lecture, comme vous l'avez toujours fait, et cela ne retardera pas l'application du projet de loi. Il ne faut pas se casser la tête là-dessus.

Je ne pense pas qu'une période de trois mois de retard dans l'application de ce projet de loi, surtout pour des fins tellement constructives — soit de consulter les gens qui sont directement concernés — je ne pense pas que personne ne s'en plaigne. Je pense que c'est comme cela que, normalement, un gouvernement qui a véritablement l'intention de consulter devrait agir. Je pense que le ministre devrait se servir

des précédents que ses propres collègues du cabinet ont montrés à cette Chambre, depuis quatre ans, et simplement garder cette logique de consulter les gens lorsqu'il s'agit d'un projet de loi important. A moins que le ministre nous dise que son projet de loi n'a pas d'importance, ce dont je doute très sérieusement. Mais quand il s'agit d'un projet de loi de cette importance, il me semble que les premiers concernés, c'est-à-dire les agriculteurs, ceux qui seront régis par la loi, ceux dont les récoltes seront réglementées, quant aux pertes, par cette loi, il me semble qu'il faut s'adresser directement aux parties concernées.

C'est pourquoi, M. le Président, je voterai en faveur de la motion du député de Saguenay.

LE VICE-PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui veulent parler sur la motion d'amendement?

M. VEILLEUX: M. le Président, je voudrais rétablir les faits, en vertu de l'article 96. Je n'ai jamais dit que je voterais contre le principe de la loi mais contre la proposition...

M. BURNS: Je n'ai pas dit cela.

M. VEILLEUX: Oui, vous avez dit le principe.

M. BURNS: Si j'ai dit cela, M. le Président, je m'en excuse. C'est un lapsus.

M. VEILLEUX: D'accord.

M. BURNS: J'ai bien compris ce que le député de Saint-Jean nous a dit. C'était qu'il voterait contre la motion du député de Saguenay. Il ne s'est même pas prononcé sur le principe lui-même. Il ne nous a même pas dit ce qu'il ferait tout à l'heure.

M. VEILLEUX: Vous n'avez pas voulu que je le dise encore!

LE VICE-PRESIDENT: Sur la motion d'amendement, le ministre de l'Agriculture.

M. Normand Toupin

M. TOUPIN: M. le Président, je ne veux pas prendre la parole tellement longtemps mais je voudrais apporter seulement un certain nombre de précisions. Je me demande vraiment pourquoi le député de Saguenay veut que nous reportions le projet de loi à trois mois, évidemment pour son étude en deuxième lecture, après avoir réuni la commission parlementaire et entendu les parties.

Je l'ai dit, dans le discours de deuxième lecture que j'ai fait, que les agriculteurs avaient été consultés tout au long de la rédaction de ce projet de loi, et je demande au député de

Saguenay de s'informer auprès des producteurs, auprès des responsables d'organisations agricoles du Québec et de leur demander s'ils n'ont pas été consultés sur ce projet de loi.

Nous avons même été jusqu'à le déposer en première lecture et le laisser discuter par les producteurs avant de le présenter en deuxième lecture. Les producteurs ont eu l'occasion de le discuter dans tous leurs congrès régionaux ou à peu près. Il ne faut pas se méprendre là-dessus.

Il est facile de dire que, dans telle région, il y a des producteurs qui se sont dit contre, mais contre quoi? Ils en se sont pas dit contre le projet de loi, ils ne se sont pas dit contre le programme d'assurance individuelle. Ils se sont posé de sérieuses questions, dans certaines régions, sur le caractère obligatoire de l'assurance collective. Ils se sont posé un certain nombre de questions sur l'application du programme collectif, c'est-à-dire la détermination des zones, le calcul des indemnités, etc. Tout cela se situe dans le cadre de règlements.

Je ne vois pas d'inconvénient à discuter avec eux, comme on l'a fait dans le passé et comme le député de Saint-Jean le suggérait aussi, en commission parlementaire. J'ai dit, par exemple, que les règlements sur la qualité des abattoirs, des viandes, au Québec, seraient discutés en commission parlementaire et ils vont l'être. Et pourtant, quand on a discuté de la loi, vous nous aviez dit: Ce serait préférable d'entendre les parties, etc. C'est une loi-cadre et les règlements que nous adopterons, en ce qui concerne cette section de la protection de la santé vis-à-vis des établissements qui abattent des animaux, c'est au niveau des règlements qu'on va retrouver surtout l'essentiel de l'application de la loi.

C'est surtout là que nous devons discuter avec les principaux intéressés l'application des règlements qui découlent de la loi.

Il y a eu des régions qui se sont prononcées pour ce projet de loi, il ne faut pas l'oublier, la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, la région du Bas-Saint-Laurent. Le congrès régional du Saguenay-Lac-Saint-Jean ne s'est pas prononcé contre la loi. La région du Bas-Saint-Laurent, non plus. La région du Nord-Ouest québécois, non plus. La région des Cantons de l'Est, non plus. Il y a eu des régions qui se sont posé des questions. Il y en a eu qui s'en sont posé dans le sens de l'application de la loi et d'autres qui se sont demandé si ce serait préférable qu'on retarde l'application de cette loi.

Moi, je pense que retarder l'application de cette loi de trois mois placerait les producteurs dans une situation presque intenable pour deux raisons: la première, c'est qu'il faut que les polices d'assurance commencent à se vendre vers le milieu de janvier. La seconde, c'est qu'à cause de difficultés techniques dans la loi actuelle il est difficile de faire adopter des règlements par le lieutenant-gouverneur en conseil. La loi dit qu'il faut le faire. Donc, je ne crois pas qu'il faille priver les producteurs

agricoles du Québec d'un programme d'assurance qu'ils ont depuis cinq ans et auquel ont adhéré, l'an dernier, une dizaine de milliers de personnes. Le retarder de trois mois et, par la suite, évidemment, l'adopter, ce serait rendre de mauvais services au secteur agricole.

Il y a moyen, cependant, de régler le problème de ceux qui ne sont pas tout à fait satisfaits de la loi. Moi, je reste convaincu que plusieurs des dirigeants agricoles du Québec sont d'accord sur cette loi; plusieurs, par ailleurs, ne sont pas plus d'accord qu'il ne le faut. C'est normal dans une situation comme ça. Quand trouvons-nous, dans un milieu donné, toutes les personnes qui le composent être, tout d'un coup, en même temps, d'accord sur un projet de loi donné? Je n'ai pas encore vu ça. Je ne pense pas, non plus, qu'on le voie dans l'avenir. C'est normal qu'un projet de loi soit discuté. Ce qui est important, c'est qu'il fasse le consensus d'au moins une bonne partie de ceux auxquels il s'adresse et surtout qu'il parvienne à conquérir, si je peux m'exprimer ainsi, l'opinion des principaux leaders dans le domaine agricole.

J'ai dit que je déposerais des amendements lors de la commission élue, quand on discutera le projet de loi article par article. Il y a plusieurs amendements. Je vais en déposer un relativement à l'assurance collective et on entendra, après, la commission parlementaire sur ce problème. Si les agriculteurs viennent nous dire, en commission parlementaire, qu'ils n'en veulent pas de cette partie-là, purement et simplement nous amenderons la loi ou encore nous nous organiserons pour ne pas rendre applicable cette section de la loi. Je n'imposerai absolument pas aux producteurs des choses dont ils ne veulent pas. Mais, jusqu'à maintenant, les discussions que j'ai eues avec eux m'ont donné l'impression qu'avec le temps on parviendrait à un consensus minimum.

Le député de Saguenay, ceux aussi qui sont dans cette Chambre et qui ont suivi de près la question agricole, savent les problèmes que le ministère de l'Agriculture du Québec a chaque année, quand, dans une région donnée, des pertes substantielles sont constatées et que, sur 1,000 ou 2,000 agriculteurs, il n'y en a que 500 ou 600 d'assurés. Vous savez le problème que cela nous crée. On est parfois obligé, à cause d'une loi d'assurance-récolte qui existe, de ne pas intervenir auprès de ceux-là qui évidemment, eux aussi, ont subi des pertes.

Le projet d'assurance collective vient pallier ce problème. Mais, si les agriculteurs n'en veulent pas, au bout du compte, je ne pense pas qu'il soit logique de la part d'un gouvernement d'imposer cette loi. Il est possible de prévoir que cette section de la loi s'appliquera une fois que nous aurons entendu les parties, une fois que nous aurons discuté avec elles et que nous aurons fait un consensus sur un moyen à prendre pour régler un problème précis qui existe.

Je n'invente rien, moi; je n'invente pas de problème quand je vous dis que cela se pose comme cela à tous les jours, surtout à tous les printemps ou à tous les automnes quand on constate des pertes générales en agriculture et qu'on doit seulement indemniser ceux qui sont assurés, ceux qui ne le sont pas, bien ils passent le bout du pont. Et là, on est obligé de faire preuve de beaucoup d'imagination pour tenter de leur rendre service. L'an dernier, le gouvernement fédéral a mis $400, le gouvernement du Québec a consenti des prêts. Cela a créé dans le milieu tout un remous, alors qu'on pourrait trouver une solution dans le cadre d'une proposition que nous faisons qui pourrait être amendée dans le temps, après en avoir discuté plus en profondeur avec les agriculteurs.

Remettre ce projet de loi à trois mois, cela veut dire qu'on suspend presque tout le programme d'assurance-récolte qui est en vigueur depuis trois ans, depuis cinq ans même, et qui rejoint les aspirations d'au moins une dizaine de milliers de producteurs. Est-ce qu'on doit se permettre cela? Je pense que non. C'est pour cela que je pense qu'on doit adopter ce projet de loi et, par la suite, convoquer la commission parlementaire sur le problème précis de l'assurance collective. Si, à ce moment-là, on constate qu'il n'est pas requis que ce programme soit appliqué, il est possible de l'amender ou il est possible de ne pas l'appliquer du tout. Mais il faut laisser le programme individuel s'appliquer dans le plus bref délai.

Je vous disais tantôt... Oui, oui.

M. BURNS: Est-ce que le ministre n'admet pas que la façon qu'il suggère, c'est-à-dire deuxième lecture d'abord, commission parlementaire ensuite et, si jamais on s'aperçoit à la commission parlementaire que ce n'est pas pratique, on fait des amendements, est-ce que le ministre, dis-je, n'admet pas que ce n'est pas la façon normale d'agir dansl'étude d'un projet de loi?

M. TOUPIN: Est-ce que le leader de l'Opposition admettrait, par ailleurs, ceci: C'est que ce projet de loi est composé de deux sections...

M. LESSARD: Deux principes.

M. TOUPIN: ... deux programmes dont un principe nouveau, qui est celui de l'assurance collective. Deux programmes et un principe nouveau. Le programme de l'assurance individuelle, qui existe depuis cinq ou six ans, doit continuer à s'appliquer. Or, si on retarde le projet de loi de trois mois, à cause des difficultés pour la régie présentement de préparer des règlements et de les faire adopter par le lieutenant-gouverneur en conseil — on a dit qu'on ne peut laisser des programmes s'appliquer dans l'illégalité — il faut que cette partie du programme s'applique. Quant à l'autre,

qu'est-ce qui empêche le gouvernement, qu'est-ce qui empêche le ministère de rendre applicable cette deuxième partie, ce deuxième programme après proclamation? C'est-à-dire qu'on entend les parties et on proclame après. Il n'y a rien qui empêche cela, ça s'est fait dans plusieurs circonstances au niveau de plusieurs projets de loi. C'est là surtout que se situe le problème.

Je ne vois pas d'inconvénients à entendre les parties en commission parlementaire et à discuter avec elles. Si le principe de l'obligation de l'assurance n'est pas accepté par les producteurs, il s'agira de ne pas appliquer le programme collectif et de l'amender plus tard dans la mesure des besoins découverts par les producteurs.

M. LESSARD: Est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. TOUPIN: Oui, bien sûr.

M. LESSARD: Comment pourrons-nous, en commission parlementaire, modifier un principe qui a été adopté à l'Assemblée nationale? Le ministre parle d'un principe nouveau. Or c'est justement ce principe nouveau qu'il nous apporte en deuxième lecture et sur lequel nous devons voter. Comment voulez-vous qu'on puisse changer en commission parlementaire un principe qui a été adopté par l'Assemblée nationale? C'est là que ce n'est pas...

M. TOUPIN: M. le Président, ce n'est pas nécessairement l'idée fondamentale du principe de l'obligation de s'assurer ou non qui fait l'objet de la discussion au niveau des agriculteurs, ce n'est pas rien que celui-là. Il y a plusieurs producteurs qui se sont prononcés pour; il y en a plusieurs autres qui se sont prononcés contre. Mais il y en a plusieurs aussi qui se sont prononcés sur le contenu même de l'assurance collective. Je ne pense pas qu'il soit désastreux en soi, après que l'Assemblée nationale ait adopté un projet de loi qui contient un principe, après avoir entendu les parties, que cette même Assemblée soit appelée à se prononcer de nouveau sur ce principe. Pourquoi alors gouvernons-nous si ce n'est pas pour cela?

On gouverne pour cela, pour prendre des décisions de principe. Rien n'empêche personne, à un moment donné, d'adopter un autre principe qui ne va pas nécessairement à l'encontre d'un premier qu'on a adopté, pas nécessairement. C'est simplement l'idée de donner l'occasion aux producteurs de discuter d'un programme qui, pour un certain nombre d'entre eux, convient et, pour un certain nombre d'autres, convient moins. Il s'agit d'en discuter avec eux. C'est tout ce dont il s'agit de faire. Et ça se fait très facilement en commission parlementaire dans le cadre de la discussion d'amendement possible à des programmes que nous avons proposés.

Retarder l'application de cette loi de trois mois, c'est placer l'assurance-récolte, la régie dans une situation intenable, c'est priver une dizaine ou une douzaine de milliers de producteurs de programmes d'assurance auxquels ils ont droit et auxquels ils ont accès présentement et c'est empêcher jusqu'à un certain point un certain nombre de producteurs qui sont d'accord sur un certain nombre de principes de faire valoir eux aussi ces principes auprès de leurs confrères, tout comme ceux qui ne sont pas d'accord le font valoir.

Et ça arrive très souvent que des questions comme ça sont discutées au niveau des professions et que par la suite, des opinions nouvelles étant émises, des changements d'option, des changements de décision se prennent. C'est pour ça qu'il est nécessaire, comme le député de Saint-Jean le disait tantôt très clairement, que les agriculteurs soient consultés encore, mais n'allez pas croire qu'ils ne l'ont pas été. N'allez pas croire qu'on n'a pas rencontré les fédérations régionales, la fédération provinciale, puis n'allez pas croire que tous les congrès régionaux se sont prononcés contre ce projet de loi. Il y en a, oui, mais il y en a qui se sont prononcés pour.

Il me semble normal que nous procédions de cette façon, que nous adoptions le projet de loi en deuxième et en troisième lecture et qu'après nous rencontrions les agriculteurs pour chercher avec eux à établir de meilleures méthodes si celles-ci ne leur conviennent pas en ce qui concerne ou l'assurance collective ou l'assurance individuelle. D'ailleurs la proposition faite au congrès général de l'UPA et au congrès général d'autres organisations agricoles n'est pas celle de remettre le projet de loi, de mettre le projet de loi de côté.

Ils ont proposé la création d'un comité pour étudier comme il le faut l'application des deux programmes, tant le programme individuel que le programme collectif. Si, à la suite d'études, on en arrive à d'autres conclusions qu'à celles auxquelles on est arrivé dans la passé après consultation, il sera toujours temps de changer d'opinion. Je ne suis pas attaché à des idées à tel point que je m'en vais ignorer tout ce qui peut se dire dans un milieu concernant un projet de loi. Je suis assez souple pour écouter les parties et tenter de discuter avec elles du problème, mais je ne suis pas prêt à abandonner un programme important pour les producteurs sous prétexte qu'on doit remettre son étude à trois mois.

C'est simplement pour cette raison que je vais voter contre la motion. Ce n'est que pour celle-là. En votant contre la motion on n'empêche absolument pas les producteurs d'être consultés, absolument pas. Mais on va mettre à la disposition des agriculteurs, qui ont déjà des programmes, les mêmes programmes; on va respecter les droits acquis, puis on va respecter les besoins économiques et de protection d'assurance au niveau d'au moins une dizaine de

milliers de producteurs et peut-être même plus. Si on a augmenté de 2,000 l'an dernier, on peut augmenter de 2,000 cette année aussi. C'est parti de 7,000, en 1972, pour arriver à 9,000; on peut bien se rendre à 11,000 cette année. Ce serait malheureux de priver ces producteurs-là d'une protection qui leur est nécessaire.

C'est pour ça que je vais voter contre la motion, pour rien d'autre que ça.

M. PELLETIER: Est-ce que le député me permet une question? Est-ce qu'on pourrait connaître les régions qui se sont montrées favorables à ce projet de loi, avoir une idée? Certaines régions, disons, sont plus ou moins d'accord. Mais est-ce qu'on pourrait avoir une idée des régions, puis du pourcentage des gens qui sont d'accord?

M. TOUPIN: Voici, je n'ai pas eu moi, entre les mains, la résolution de chacun des congrès régionaux où des résolutions ont été adoptées. Tout ce que je peux dire, c'est que, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, on ne s'est pas prononcé contre.

M. LESSARD: Est-ce qu'on s'est prononcé pour?

M. BEDARD (Chicoutimi): On s'est prononcé pour? C'est une autre affaire.

M. TOUPIN: Bien oui.

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, non!

M. TOUPIN: On a dit: Ce projet de loi semble avoir de l'allure, essayons-le et on verra après. Dans la région du Bas-Saint-Laurent, le congrès régional ne s'est pas prononcé contre ce projet de loi; la région des Cantons de l'Est non plus, la région des Laurentides, non plus, la région de l'Abitibi, le Nord-Ouest québécois, non plus. Il y a eu la région de Nicolet...

M. LESSARD: Patinage de ministre.

M. TOUPIN: ... qui s'est prononcée assez ouvertement.

M. LESSARD: C'est du patinage de ministre.

M. TOUPIN: Dans la région de la Mauricie, il y a eu des discussions un peu fortes; pour la région de Québec, ici, on n'a pas de résolution qui dise qu'on est pour ou contre au niveau du congrès régional. C'est difficile de dire actuellement qui est pour et qui est contre. Je sais qu'il y en a qui sont contre, c'est normal, mais je sais aussi qu'il y en a qui sont pour. Je ne crois pas qu'on doive abandonner tout de suite un programme comme celui-là qui peut avoir, dans le temps, de bons effets, parce qu'il y en a qui sont contre. Mais il y en a qui sont pour aussi. Il s'agit, au bout du compte, d'essayer de trouver le consensus général.

Il ne faut pas oublier une chose: ce programme-là, programme collectif répond à un besoin réel. Ce n'est pas pour le plaisir de la chose qu'on l'a proposé. Mais, si l'ensemble des producteurs n'en veulent pas, je n'ai pas d'inconvénient à le retirer après coup ou à ne pas l'appliquer du tout.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Chicoutimi.

M. Marc-André Bédard

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, je veux, en fait, appuyer cette motion du député de Saguenay à l'effet de reporter ce projet à trois mois pour permettre aux agriculteurs de se faire entendre. Je vous soumets que sur cette motion, si je n'avais pas été d'accord avec le député de Saguenay, le ministre m'aurait convaincu d'être maintenant d'accord sur cette motion présentée par le député de Saguenay, parce que le ministre nous dit que, face à son projet de loi, c'est loin d'être l'unanimité, qu'il y en a beaucoup contre, qu'il y en a beaucoup pour. Il en vient à la conclusion qu'il n'y a pas lieu d'entendre immédiatement les agriculteurs ou les groupes intéressés.

Il nous fait le raisonnement qu'à ce moment-ci, alors qu'on a à voter le principe de la loi, nous pouvons le voter temporairement; ensuite, entendre les gens qui sont contre, ceux qui sont pour et si, à la suite de ces auditions, il y a quelque chose à changer au niveau du principe de la loi, il n'y a rien qui nous empêche de revenir en arrière. Autrement dit, le ministre ne semble pas plus convaincu qu'il ne le faut de la valeur de son projet de loi, puisque, dès maintenant, il envisage lui-même la possibilité que le principe même de la loi, sur lequel nous avons à voter, à la suite de l'audition des corps intéressés, puisse être changé.

Autrement dit, premièrement, comme législateur, le ministre nous invite ou prend le risque de nous inviter à légiférer pour rien. Deuxièmement, comme ministre de l'Agriculture, il a de réticences ou des hésitations quant à l'opportunité ou à la validité de voir à ce que le principe soit voté dès maintenant. A ce moment-là, les hésitations du ministre sont non pas de nature à nous rassurer, mais, au contraire, à nous faire hésiter aussi et à demander, avec encore plus de conviction, que les corps intéressés, que les agriculteurs puissent être entendus.

L'Opposition croit, en effet, qu'on ne peut imposer un système obligatoire sans, auparavant, consulter les agriculteurs. Que certaines consultations aient été faites à l'occasion de certaines tournées ministérielles, quand on sait toute la publicité qui entoure ces tournées ministérielles, supposément de consultation, il y a de quoi douter de la spontanéité des opinions exprimées.

Le ministre est venu dans la région, il nous dit que les agriculteurs ne se sont pas prononcés

contre. D'accord! Mais ils ne se sont pas prononcés pour, non plus. Depuis qu'il est question de ce projet de loi, personnellement j'ai rencontré plusieurs agriculteurs et des associations d'agriculteurs qui émettent de grandes réserves, quand ce n'est pas une opposition, pour des raisons très précises, concernant le projet d'assurance-récolte, qui émettent de telles réserves que je crois demon devoir, au nom de ceux que j'ai eu l'occasion de consulter, d'insister pour que les agriculteurs puissent être entendus en commission parlementaire avant que nous votions sur le principe même de la loi. Parmi ces groupes que nous avons eu l'occasion de rencontrer, bien des agriculteurs d'abord ont exprimé leur opinion concernant l'attitude plutôt arrogante du gouvernement qui tente d'imposer aux agriculteurs québécois un système obligatoire d'assurance-récolte, sans avoir consulté les intéressés, sinon par une consultation, encore une fois, qui ressemble beaucoup plus à une tournée ministérielle souvent à saveur électoraliste qu'une véritable tournée de consultation. Là-dessus, je pourrais rappeler au ministre certaines visites qu'il a faites dernièrement dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, lors d'un congrès de deux jours, qui avait été tenu par le CRD de la région, qui a donné tellement de résultats, qui a semblé être un tel effort de consultation que d'autres organismes, comme la SNQ, appuyés par des agriculteurs, à la suite de cette supposée consultation qui n'en était pas une et ils s'en sont rendu compte, ont trouvé simplement, comme moyen de s'exprimer, de convoquer une autre session d'une journée ou deux où véritablement les agriculteurs auraient l'occasion d'exposer leurs problèmes et d'exprimer leurs doléances au gouvernement, mais non pas par le biais, souvent, d'organismes qui font...

M. TOUPIN: Est-ce que je pourrais apporter une précision au député de Chicoutimi? Je ne veux pas engager de débat, mais juste un peu de précision, s'il me le permet.

Par exemple, est-ce que le député de Chicoutimi serait d'accord avec moi pour dire que quand je rencontre le Conseil général de L'UPA, qui est composé d'une quarantaine de bonshommes, et que je passe une heure avec eux, à huit clos, que je discute des programmes avec eux, est-ce que c'est de la consultation ou non? Quand je vais passer une heure et demie au congrès avec les producteurs agricoles à Québec et qu'aucun d'entre eux ne me parle de ce problème, est-ce que ce n'est pas là aussi de la consultation? Est-ce que c'est du "show", ça? C'est de la consultation réelle. C'est ça que je vous dis quand je parle de consultation, ce n'est que cela. Je ne vous dis pas qu'on a voulu faire de la publicité avec cela, etc. La consultation objective, on la fait dans nos bureaux et dans des salles. C'est comme cela qu'on la fait. C'est pour cela que je porte le jugement que j'ai porté sur cette loi dans la réponse que j'apporte à la motion du député de Saguenay.

M. BEDARD (Chicoutimi): Le ministre oublie qu'en commission parlementaire, non seulement ces organismes qu'il a consultés peuvent se faire entendre, mais également des agriculteurs peuvent se faire entendre. Lorsqu'il a ces consultations avec les organismes, souvent ces mêmes organismes n'ont pas toujours le temps de consulter tous leurs membres avant d'exprimer... Je comprends que cela peut...

M..TOUPIN: Ce n'est pas mon problème, ça.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je comprends que cette consultation a sa valeur, lorsque vous rencontrez ces organismes représentatifs, mais nous disons aussi qu'une commission parlementaire où les agriculteurs peuvent être entendus, où publiquement les organismes peuvent s'exprimer, cela aussi est une consultation qui peut avoir, à notre opinion, beaucoup plus de valeur. C'est dans ce sens-là, d'une façon très positive, que nous croyons que la tenue d'une commission parlementaire s'impose, parce qu'il y a bien des agriculteurs qui ont non seulement des réserves mais qui sont contre ce projet. Peut-être que leur association ne l'est pas mais ils désireraient peut-être, au nom d'un groupe qui partage les mêmes idées, se faire entendre. En ce qui me regarde, bien des agriculteurs que j'ai eu l'occasion de consulter m'ont fait valoir que, sous sa facette actuelle, le projet équivaut à taxer de façon indirecte des milliers d'agriculteurs. Je ne porte pas de jugement de valeur. Je vous dis simplement que ce sont des opinions qui ont été émises.

Il y aurait avantage à ce que ces agriculteurs, que ce soit pour les rassurer ou pour leur fournir l'occasion de s'expliquer, puissent se faire entendre. Il y a plusieurs agriculteurs, même des organismes qui s'occupent d'agriculture, qui ont fait valoir — je ne porte pas de jugement de valeur encore une fois — des griefs qui peuvent avoir leur importance lorsqu'ils parlent des pertes qui ne sont compensées qu'à 70 p.c, lorsqu'ils disent que cette assurance-récolte ne tient pas compte de la valeur de remplacement, lorsqu'ils disent que les primes à payer ne sont pas déterminées d'une façon assez précise, lorsqu'ils disent que la loi prévoit de prendre à la source les frais nécessaires. Ce sont tous de griefs que certains agriculteurs sérieux nous ont faits. Je me dis, à ce moment-là, qu'il faut leur fournir l'occasion de se faire entendre. Peut-être que leur association, l'association qui les représente ne partage pas leur idée. C'est d'autant plus important de fournir l'occasion à ces agriculteurs de se faire entendre.

Egalement, il y a plusieurs — encore une fois, je ne porte pas de jugement de valeur — agriculteurs, lorsqu'ils parlent des pertes qui ne sont compensées qu'à 70 p.c, qui prétendent que cette mesure laisse les agriculteurs assujettis à des évaluations unilatérales et discrétionnaires quant aux pertes initiales sur les premiers 30 p.c. des récoltes, que cette assurance-récolte ne couvre que 70 p.c. des pertes d'une région et

ne tient pas compte des pertes locales pour telle ou telle production spécifique. Ce sont tous des griefs qui ont été portés à notre attention par des agriculteurs et, encore une fois, par des groupes d'agriculteurs.

Je crois tout simplement que ce n'est que normal de nous faire l'écho ou le porte-parole, avant que nous ayons à nous prononcer sur le principe d'une loi qui, de l'avis même du ministre, pourrait peut-être être changée après les auditions, de ces appréhensions que peuvent avoir les agriculteurs de la région que je représente. Je suis convaincu, comme plusieurs agriculteurs à travers le Québec qu'il y a nécessité que la commission parlementaire soit entendue, afin que les agriculteurs puissent s'exprimer et qu'on ne soit pas condamnés à légiférer pour rien, peut-être, si le principe est changé au niveau des auditions en commission parlementaire et encore une fois, à peut-être leur imposer un régime qui ne répond pas ou qui ne correspond pas vraiment à leurs besoins et à leurs difficultés.

Que le gouvernement ne vienne pas nous dire que cela va retarder de trois mois et essaie de dramatiser les effets de ce retard de trois mois. Cela fait cinq ans que le Parti libéral les oublie, les agriculteurs. On sait que lorsqu'ils ont eu de la difficulté, tout dernièrement, lorsqu'ils ont porté à l'attention du gouvernement des griefs qui étaient très valables, cela a pris quand même un certain temps avant que le gouvernement ne leur prête une oreille attentive et ne réussisse à accoucher de mesures qui, encore une fois, ne répondent pas à l'ampleur du problème. Alors, qu'on aie à attendre trois mois, mais trois mois qui serviront à une consultation populaire, une consultation de tous les agriculteurs, nous soutenons très respectueusement que ce serait et à l'avantage du gouvernement, qui aurait une chance de faire une loi qui réponde vraiment aux besoins, et ce à l'avantage des agriculteurs qui auraient l'occasion de se faire entendre.

On peut sûrement dire que, s'il y a une classe qui n'a pas abusé des commission parlementaires, c'est bien la classe agricole, qui n'a pas eu souvent la chance de se faire entendre.

La motion d'amendement fournit aux agriculteurs l'occasion de se faire entendre et nous soumettons respectueusement, M. le Président, que nous sommes en plein accord avec la motion qui a été faite par le député de Saguenay.

UNE VOIX: Vote!

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Saint-Jacques. Mais je dois lui faire remarquer que nous devons avoir un vote dans trois minutes.

M. CHARRON: Je peux revenir à la reprise de la séance, M. le Président.

Je demande l'ajournement du débat, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): On ajourne le débat sur cette motion d'amendement?

Adopté.

M. BIENVENUE: Est-ce que j'ai compris que le député de Saint-Jacques, c'était sur la motion d'amendement qu'il voulait parler et non pas sur la deuxième lecture?

M. CHARRON: Oui.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Oui. Sur la motion d'amendement.

Est-ce qu'on appelle les députés, nonobstant ces quelques minutes?

Qu'on appelle les députés pour le vote sur le bill 4.

Projet de loi no 4 Deuxième lecture (suite)

Vote de deuxième lecture

LE PRESIDENT: Nous allons procéder au vote. Que ceux qui sont en faveur de la deuxième lecture du projet de loi no 4, Loi constituant la Société Inter-Port de Québec, veuillent bien se lever s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Saint-Pierre, Phaneuf, Goldbloom, Simard, Quenneville, Hardy, Tetley, Lacroix, Bienvenue, Forget, Toupin, Massé, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Houde (Fabre), Desjardins, Giasson, Brown, Blank, Bédard (Montmorency), Veilleux, Brisson, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamontagne, Fraser, Picard, Gratton, Gallienne, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Pelletier, Shanks, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Marchand, Leduc, Caron, Déom, Dufour, Harvey (Dubuc), Lapointe, Lecours, Malépart, Mercier, Sylvain, Tardif, Tremblay.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever s'il vous plaft.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi).

LE SECRETAIRE: Pour: 57 Contre: 6

LE PRESIDENT: Cette motion est adoptée.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi no 4 soit maintenant déféré à la commission parlementaire élue de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: La commission pourra se réunir une fois que la commission des finances, du revenu et des comptes publics aura terminé ses travaux.

On avisera à ce moment-là.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi no 4 soit maintenant déféré à la commission parlementaire élue de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

UNE VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEVESQUE: La commission pourra se réunir une fois que la commission des finances, des comptes publics et du revenu aura terminé ses travaux. On avisera à ce moment-là.

LE PRESIDENT: Pendant la présente séance, mais après que l'autre commission aura terminé ses travaux.

M. BURNS: Sur l'autre vote, M. le Président, il y a un deuxième vote qui a été demandé. Je ne sais pas, à moins que le gouvernement ne veuille voter en faveur de la motion du député de Saguenay?

M. LEVESQUE: On a demandé l'ajournement...

M. BUNRS: II y a une demande d'ajournement?

M. LEVESQUE: ... du débat sur la motion.

M. BURNS: Ah! oui, sur la motion. D'accord, M. le Président.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose qu'on suspende la séance jusqu'à quinze heures.

LE PRESIDENT: L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.

(Suspension de la séance à 12 h 53)

Reprise de la séance à 15 h 8

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs!

M. BIENVENUE: Article 4.

Projet de loi no 20

Deuxième lecture

Motion de report à trois mois (suite)

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): On continue le débat sur la motion d'amendement du député de Saguenay au bill 20.

Le chef de l'Opposition officielle.

M. Jacques-Yvan Morin

M. MORIN: M. le Président, je voudrais dire quelques mots sur la motion du député de Saguenay à l'effet de reporter à trois mois le projet de loi consacrant le caractère obligatoire du système collectif d'assurance applicable à tout producteur de grande culture spécialisée dans l'industrie laitière ou dans l'élevage.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos du ministre l'autre jour, lorsqu'il a présenté ce projet de loi et je m'interroge sur la consultation à laquelle le ministre a pu procéder auprès des principaux intéressés avant de nous présenter ce projet de loi. L'impression que je retire d'une tournée à travers le Québec — dont je vous entretiendrai un peu plus tard — et de la lecture des comptes rendus des journaux, c'est que le ministre n'a pas consulté les milieux agricoles au sujet de ce projet de loi.

En effet, on peut se demander si le ministre s'est vraiment déplacé, s'il est allé rencontrer les agriculteurs qui vont être touchés financièrement par ce projet de loi. Est-ce que le ministre s'est donné la peine de faire le tour des régions, et en particulier les régions les plus agricoles, pour consulter le milieu, pour prendre le pouls des agriculteurs? Non pour résoudre les problèmes dans l'abstrait, comme nous le faisons si souvent en cette Chambre, mais pour les résoudre en fonction des problèmes tels qu'ils sont perçus par les intéressés eux-mêmes.

M. le Président, dans cette affaire d'assurance-récolte, je ne suis pas étonné d'avoir trouvé à travers le Québec de l'opposition systématique. Dans presque toutes les régions, on a vu ce régime d'assurance, qui en 1968 comportait 19,000 assurés, tomber à moins de 10,000 aujourd'hui.

Il y a, à l'égard de l'assurance facultative, un véritable désenchantement, une véritable désillusion des milieux agricoles. Où qu'on aille à travers le Québec, c'est le même verdict: Ce régime ne répond pas aux besoins réels des agriculteurs. Comme nous sommes sur la motion pour différer le projet de loi et que je n'ai

pas à me prononcer dès maintenant sur le fond du projet, je n'entrerai pas dans les détails des critiques qu'on peut adresser au système traditionnel, maintenant, de l'assurance facultative. Je voudrais simplement vous livrer quelques-unes des observations qui m'ont été communiquées alors que je faisais le tour du Québec, il y a quelques semaines.

Dans la Matapédia, où je me trouvais le 17 octobre, j'ai rencontré des groupes d'agriculteurs qui ont été unanimes à me dire qu'ils s'opposaient au projet d'assurance-récolte obligatoire et ils m'ont même fait savoir que l'UPA régionale s'était prononcée officiellement contre, dès le mois d'avril dernier. Je me trouvais, à quelque temps de là, à Saint-Hyacinthe, une région agricole s'il en est, et les producteurs, les membres de l'UPA que j'ai rencontrés m'ont demandé d'exiger du gouvernement qu'il retarde l'adoption de cette loi. Je ne me lève donc pas pour parler sur une motion qui aurait été proposée par le député de Saguenay comme ça, par fantaisie; ce sont les milieux agricoles qui nous ont demandé de retarder ce projet de loi parce que, m'ont-ils dit, ils demandent à l'étudier plus avant, à en mesurer toutes les conséquences. Cela se passait le 26 octobre.

L'UPA de Saint-Hyacinthe m'a fait savoir qu'elle était sur le point de faire des recommandations sur la question, sur les modalités du projet de loi. Il serait injuste, m'ont dit les représentants de l'UPA régionale, d'adopter un projet de loi comme celui-là à la vapeur. Or, c'est bien ce qui est en train de se passer ici, aujourd'hui, un projet de loi qui est refusé par les milieux agricoles et que le ministre veut nous forcer, coûte que coûte, à adopter.

Le ministre nous dit: Je mettrai en vigueur une partie seulement de la législation, je suspendrai l'autre jusqu'à ce que j'aie obtenu l'accord des agriculteurs. M. le Président, c'est mettre "la charrue avant les boeufs", pour parler comme dans le domaine agricole. Quand on fait un projet de loi, on commence par consulter les intéressés et on rédige un projet qui répond aux problèmes réels. On ne commence pas par voter la loi pour ensuite, peut-être, l'appliquer ou ne pas l'appliquer selon qu'elle rencontrera plus ou moins d'opposition dans les milieux concernés.

A Saint-Hyacinthe, on m'a dit bien clairement, M. le Président, qu'il était du devoir de l'Opposition de s'opposer à ce qu'on adopte un tel projet trop rapidement, sans avoir procédé à une consultation en profondeur, à l'échelle du Québec, non pas seulement une consultation des cadres supérieurs de l'UPA — j'imagine bien sûr que le ministre a fait cette consultation — mais une consultation au niveau des régions, parce que c'est à ce niveau-là que l'Opposition peut se faire sentir le plus vivement. C'est là qu'on s'interroge le plus.

Les agriculteurs m'ont dit, dans plusieurs autres régions où j'ai eu l'honneur de les rencontrer, qu'ils entendaient donner leur opinion sur le projet de loi et qu'ils désiraient qu'on retarde son adoption jusqu'à ce qu'ils aient pu faire entendre leur voix. C'est pourquoi, M. le Président, la motion du député de Saguenay me paraît bien raisonnable. Le député ne demande pas qu'on remette sine die l'étude de ce projet de loi. Il ne demande pas qu'on le renvoie aux calendes grecques ou "calendes canadiennes", il nous dit tout simplement: Remettons-la de trois mois, ce qui donnera aux principaux intéressés le temps de se faire entendre.

M. le Président, cela nous mettrait au début de la prochaine session. Il n'y a là rien qui ne me paraisse raisonnable. Je vois mal les raisons que le ministre de l'Agriculture peut invoquer pour s'opposer à une remise qui n'est pas destinée à faire échouer le projet de loi, mais qui est destinée à obtenir pour cette Chambre plus de renseignements sur la réaction des principaux intéressés.

Je pourrais continuer, région par région, à vous décrire les réactions des agriculteurs.

Je pense, en particulier, aux régions de Québec-Ouest, de Joliette, de la Côte-du-Sud, de Lanaudière, au secteur Sainte-Geneviève-de-Batiscan, à l'UPA de l'Estrie, de Nicolet, de la Mauricie. Qu'on me permette de citer quelques-unes des réactions qui se sont fait entendre.

Dans Québec-Ouest, la Fédération de l'UPA nous a fait savoir que le texte de loi a déçu profondément les participants à la réunion régionale de l'UPA, qui ont constaté que le projet de loi donne aux cultivateurs très peu de ce qu'ils espèrent de cette nouvelle loi. Ceux-ci veulent non pas une assurance obligatoire, mais qu'on améliore l'assurance facultative d'abord. Et, quand l'assurance facultative aura fait ses preuves, on pourra songer à l'assurance obligatoire. Les agriculteurs de cette région sont conscients du fait que les pertes ne sont compensées qu'à 70 p.c, qu'on ne tient pas compte de la valeur de remplacement. Les primes à payer ne sont pas déterminées de façon précise. Voilà quelques-unes des critiques qu'on peut entendre dans cette région. Et la presque totalité des représentants de la classe agricole de Québec-Ouest s'est prononcée contre l'adoption du projet de loi dans sa forme actuelle.

Tournons-nous vers Joliette, autre région agricole qui connaît bien le système d'assurance, parce qu'il s'y trouve plusieurs cultures qui sont assurées, effectivement. Quant à l'assurance collective, nous disent-ils, nous nous y objectons parce qu'elle ne couvre que 70 p.c. des pertes d'une région et ne tient pas compte des pertes locales pour telle ou telle production spécifique. De plus, ajoutent-ils, les remboursements vont tout autant à ceux qui ont été victimes de sinistres qu'à ceux qui n'ont rien subi. Cette répartition égalitaire et générale, qui avait cours sous l'ancien système de l'assurance facultative, est injuste, de l'avis des principaux intéressés.

Pour la Côte-du-Sud, je me permets de rapporter un entrefilet du Soleil, paru le 17 septembre 1974, où la Fédération de l'UPA de

cette région nous dit qu'elle s'en prend au principe même de l'entrave à la liberté individuelle et des déductions automatiques de primes.

L'objection principale porte sur l'insuffisance, voire sur l'inutilité d'un projet qui ne garantit les récoltes qu'à raison de 70 p.c, laissant les agriculteurs assujettis à des évaluations unilatérales et discrétionnaires quant aux pertes initiales sur les premiers 30 p.c. des récoltes.

M. le Président, je ne rapporte pas ces critiques pour les faire miennes entièrement. Je les rapporte tout simplement pour expliquer que le projet du ministre provoque l'opposition presque unanime des milieux régionaux de l'UPA; — je suis heureux de saluer le retour du ministre en Chambre — le ministre en est conscient, d'ailleurs. C'est la raison, sans doute, pour laquelle il nous dit qu'il serait enclin à mettre une partie de la loi en vigueur, la partie qui porte sur l'assurance facultative, pour réserver à plus tard l'application de l'assurance obligatoire.

M. le Président, je pourrais me livrer à une analyse exhaustive des réactions des régions, mais je me contenterai d'en citer seulement quelques-unes encore. L'UPA de Lanaudière nous fait savoir qu'elle a rejeté de façon unanime le projet de loi qui vise à amender la Loi de l'assurance-récolte. Le ministre sait cela, à moins qu'il n'ait aucun contact avec les fédérations régionales de l'UPA, auquel cas je l'inviterais à circuler un peu à travers le Québec. Ce ne serait pas long qu'il "se ferait parler." Moi qui ne suis que le chef de l'Opposition, je me suis fait parler "dans le nez" au sujet de ces questions. Peut-être que le ministre aurait intérêt, lui aussi, à aller rencontrer les intéressés, à se tenir un peu plus près du sol, un peu plus près du milieu que ses lois sont appelées à régir.

Je voyais l'autre jour, dans le Nouvelliste, la réaction des membres de l'UPA, du secteur Sainte-Geneviève-de-Batiscan, qui s'opposent carrément, disent-ils, à l'adoption par le gouvernement d'une loi sur l'assurance-récolte obligatoire. Les producteurs de ce secteur ne veulent rien savoir d'un système obligatoire qui permettrait une fois de plus au gouvernement, nous disent-ils, de venir fouiller dans les poches du cultivateur.

Encore une fois, quoi qu'on puisse penser de ces prises de position, elles reflètent un malaise réel. Il est même rare, M. le Président, que des projets de loi fassent à ce point l'unanimité contre eux.

Je pense qu'il faudrait remonter au bill 22 pour trouver une aussi grande unanimité contre un projet de loi. Aussi, je m'interroge devant l'attitude du ministre. D'habitude, il est plus sensible que cela au milieu auquel il a affaire tous les jours. D'habitude le ministre a l'oreille au sol. Pourquoi, dans ce cas-ci, insiste-t-il tellement pour enfoncer ce projet de loi dans la gorge des cultivateurs? Je voudrais bien connaître l'explication.

Je constatais également que l'UPA de l'Es-trie, au début du mois d'octobre, a pris position contre le projet d'assurance-récolte obligatoire. Ce que les agriculteurs ne veulent absolument pas, c'est que cette assurance, nous disent-ils, soit obligatoire car une bonne partie d'entre eux ne veulent pas s'assurer, les montants qu'ils retirent ne couvrant même pas le montant de la prime qu'ils doivent payer. Ils désirent que les règlements soient beaucoup plus prompts et que le ministre fasse la preuve que l'assurance facultative peut donner des résultats avant de mettre en vigueur l'assurance obligatoire.

La fédération régionale de l'UPA de Nicolet a fait connaître sa position, elle, dans La terre de chez nous. Selon cette fédération, la très grande majorité des délégués se prononce contre la formule obligatoire. C'est un bateau, nous dit-on, qui serait régi par un fonctionnarisme très lent, une assurance pour le gouvernement et non pour l'agriculteur.

Bien sûr, comme j'aurai l'occasion de le dire quand j'interviendrai sur le fond du débat, il y a de la place pour l'amélioration du système actuel. Mais il est trop tôt pour mettre en vigueur un système obligatoire.

Je conclus en disant, M. le Président, qu'il s'agit d'un cas typique de projet prématuré, de projet qui n'a pas été suffisamment mûri, avec consultation exhaustive des milieux intéressés. C'est un cas typique.

Si le ministre veut bien se donner la peine de consulter les fédérations régionales de l'UPA, s'il veut bien se donner la peine de circuler un peu dans les milieux agricoles, il se rendra compte que son projet de loi se heurte à une opposition réelle, non pas une opposition fictive ou fugace, mais une opposition réelle, bien ancrée dans l'esprit des gens, comme j'ai eu l'occasion de m'en rendre compte pendant ma tournée. A mon avis — je n'ai pas de conseil à donner au ministre — il me semble qu'il serait bien mal inspiré de ne pas tenir compte de cette opposition réelle. C'est pour ces raisons, M. le Président, que j'appuie la motion du député de Saguenay à l'effet de renvoyer à trois mois l'étude de ce projet de loi.

Trois mois, ce n'est pas abusif; le ministre n'est pas si pressé. Il ne me fera pas croire qu'il est pressé au point qu'il ne puisse consentir à reporter à trois mois l'étude de ce projet de loi. Ce n'est pas comme si le député de Saguenay avait voulu saborder une fois pour toutes le projet. Nous demandons au ministre simplement de consulter les milieux intéressés, d'essayer d'obtenir au moins une majorité en faveur du système obligatoire qu'il entend instaurer. A l'heure actuelle, M. le Président, j'ai la conviction, pour avoir circulé dans tout le Québec, que ce projet de loi se heurte à l'opposition de la très grande majorité des milieux intéressés. Merci, M. le Président.

M. TOUPIN: M. le Président, en vertu de l'article 96, est-ce que vous me permettez d'apporter certaines précisions sur le discours...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Pas votre opinion, mais des précisions.

M. TOUPIN: ... ou certaines explications, si je peux m'exprimer ainsi, sur le discours prononcé par le chef de l'Opposition? Certaines affirmations qui ont été faites ne me paraissent pas correspondre à la réalité.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Ce n'est pas cela. Vous avez le droit, s'il a mal interprété votre discours, d'apporter des précisions sur ce que vous avez dit, mais pas plus.

M. TOUPIN: Mais oui, le chef de l'Opposition s'est inspiré de mon discours pour faire le sien et c'est à cause de ce fait qu'il a dans son discours interprété certaines...

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. TOUPIN: ... affirmations que j'ai faites qui ne sont pas conformes à la réalité.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre!

M. BURNS: J'invoque le règlement, M. le Président. Il ne faut pas donner à l'article 96 une étendue telle que le ministre qui a déjà parlé sur la motion se trouve de façon un petit peu par la bande, si je peux dire, un droit de réplique qu'il n'a pas normalement. S'il a été mal cité, à ce moment-là, c'est évident qu'il peut utiliser les dispositions de l'article 96.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Mais...

M. BURNS: Mais les règles qui s'appliquent à nous, M. le Président, s'appliquent au ministre aussi.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): ... j'ai attiré l'attention du ministre sur le fait qu'il a droit de réplique sur le débat principal et il peut régler l'affaire à ce moment-là. Est-ce qu'on est prêt à se prononcer sur la motion d'amendement?

Le député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, j'ai l'impression que l'échange auquel vous avez assisté vous-même ce matin entre le ministre de l'Agriculture et le député de Chicoutimi et, cet après-midi, le chef de l'Opposition, aura réussi à vous convaincre, avant que j'intervienne, du bien-fondé de la motion du député de Saguenay.

Si on ne devait prendre, M. le Président, de tout ce débat sur la motion du député de Saguenay, que les interventions des membres de cette Assemblée que je viens de vous signaler, il y aurait donc, à mon avis, comme au vôtre je l'espère, déjà motif suffisant à ce que cette Assemblée adopte la proposition que nous fait le député de Saguenay dans sa motion.

Le ministre de l'Agriculture, ce matin, a été fidèle à lui-même et a voulu nous présenter une seule version des choses que, tôt ou tard, les événements dans le Québec finissent par démentir. Le député de Chicoutimi, s'inspirant probablement des mêmes sources que le ministre de l'Agriculture, mais n'y apportant pas la même satisfaction douteuse que nous a présentée le député de Champlain à propos de son projet de loi, nous a, lui, signalé, de la même façon, que des gens provenant du même milieu, appartenant à la même classe et directement concernés par le même projet de loi n'avaient pas cette unanimité doucereuse que s'efforce de trouver le ministre de l'Agriculture autour d'une loi qui a été contestée par ceux qui auront à la faire vivre demain.

Effectivement, M. le Président, le ministre a voulu nous dire qu'au fond, contrairement à tout ce qu'ont pu nous rapporter les journaux et à tout ce que ces agriculteurs ont pu affirmer eux-mêmes, dans les médias qu'ils se sont donnés, sur ce projet de loi, il n'existait pas de gens qui étaient contre ce projet de loi. Il y avait des gens, nous a-t-il dit, qui se posaient des questions. Il résumait ainsi la décision prise en atelier du congrès de l'Union des producteurs agricoles; il résumait de cette façon également la résolution qui a été adoptée en plénière du congrès de l'Union des producteurs agricoles. Il a dit que des gens se posaient des questions, avaient des réserves, des interrogations sur le caractère obligatoire et le programme collectif que comporte le projet de loi quant à la détermination des zones et des indemnités du programme d'assurance obligatoire.

M. le Président, le député de Chicoutimi, lui, nous a prouvé dans son intervention, avec des sources qu'il a citées, que cette opposition ne résidait pas en de simples interrogations, mais qu'elle s'était manifestée, dans différents congrès régionaux d'agriculteurs du Québec, par une claire, nette et vive opposition au projet de loi que nous sommes appelés à discuter.

N'aurions-nous que ça, M. le Président, comme information, n'aurions-nous que ces versions contradictoires présentées par deux membres de l'Assemblée que nous avons à considérer et à respecter également, que ce serait suffisant. L'un et l'autre, je le crois, n'ont pas menti à la Chambre et n'ont pas apporté à la Chambre d'informations douteuses, mais l'un et l'autre ont apporté, comme le règlement l'exige, sinon vous seriez intervenu, des informations qu'ils disent avoir puisées dans le milieu concerné, mais ces informations sont contradictoires.

Ces informations ne disent pas la même chose quant à l'appréciation du projet de loi. Elles nous disent qu'il y a effectivement, dans le

milieu agricole... Si nous adoptions cette loi, comme le ministre nous convie de l'adopter immédiatement dans son principe, en deuxième lecture, ce sont quelque 30,000 agriculteurs du Québec qui se trouveraient directement concernés.

Si nous prenions la parole du député de Champlain, du député de Chicoutimi et du chef de l'Opposition, qui a visité le Québec et les régions agricoles en particulier pendant la période d'inter-session, si nous n'avions que ces témoignages, nous aurions déjà suffisamment d'indications qu'il existe un doute sérieux et une division dans le monde agricole alentour de ce projet de loi. J'ai plus confiance dans l'interprétation que nous a donnée le chef de l'Opposition, quant à l'opposition qui a été manifestée alentour de ce projet de loi, mais j'admettrai, pour les fins de débat de la motion en cours, que le député de Champlain nous a livré ce matin des informations réelles, valables et qui, à mon avis, militent en faveur de l'adoption de la proposition du député de Saguenay.

S'il est vrai que la classe agricole est à ce point divisée autour de ce projet de loi, s'il, est vrai qu'elle n'a pas réussi, loin de là — et ça, aucun des parlementaires de cette Chambre ne le refusera — à faire l'unanimité alentour du projet de loi, pourquoi, avant de procéder à l'adoption du principe de cette loi, ne nous soumettrions-nous pas à l'invitation du député de Saguenay et n'irions-nous pas consulter ces gens? S'il est vrai qu'il y a une forte divergence d'opinion quant à l'impact réel que cela aura sur la vie des agriculteurs, — Dieu sait que c'est une classe de notre société, aujourd'hui, où tout impact législatif peut avoir des conséquences absolument néfastes, étant donné la situation difficile dans laquelle cette classe de nos concitoyens se trouve — s'il est vrai que cette loi peut avoir des conséquences néfastes, tel que différents congrès régionaux de l'Union des producteurs agricoles l'ont signalé et l'ont manifesté, ce que nous a signalé le député de Chicoutimi ce matin, pourquoi ne prendrions-nous pas le temps qui s'impose avant d'intervenir, avec l'élégance d'un éléphant dans un magasin de porcelaine dans un domaine aussi difficile que celui-là?

Pourquoi n'accepterions nous pas cette suggestion du député de Saguenay de prendre trois mois avant l'adoption du principe de cette loi, d'aller en commission parlementaire et d'inviter ces gens à venir nous dire leur opinion sur cette loi? S'il se trouve de ces gens qui sont pour le projet de loi du ministre de l'Agriculture, je suis convaincu que le ministre fera des pieds et des mains pour amener les partisans de cette loi, exactement comme — permettez-moi cette allusion — le ministre de l'Education a fait des pieds et des mains pour trouver des partisans à son projet de loi no 22, pour les amener à la table de la commission parlementaire.

DES VOIX: Oh! Oh!

M. CHARRON: Je suis convaincu que ces gens qui sont pour viendront à la table de la commission parlementaire comme les gens qui sont contre également, mais on ne peut pas demander... C'est exactement l'économie de notre règlement qui a prévu que la convocation des personnes intéressées se ferait désormais avant l'adoption du principe d'un projet de loi. On ne peut pas demander aux parlementaires de cette Assemblée, aux membres de l'Assemblée nationale de se prononcer sur le principe d'un projet de loi alors qu'il existe déjà de sérieuses rumeurs, que nous ont rapportées différents membres de cette Assemblée, à l'effet qu'il y a division, divergence d'opinion et même contestation dans certaines régions du Québec au sujet de ce projet de loi.

Nous ne pouvons pas nous prononcer en toute légitimité sur le principe de ce projet de loi avant d'en avoir connu l'opinion des quelques intéressés. Ces quelques intéressés, M. le Président, si vous me permettez de vous le dire, ce sont 30,000 agriculteurs du Québec qui seraient aujourd'hui, si la loi devait être adoptée à la demande de la motion de deuxième lecture du ministre de l'Agriculture, concernés par ce projet de loi.

Actuellement, 10,000 seulement le sont, mais il y a le principe; voilà pourquoi il est important, M. le Président, de convoquer cette commission parlementaire avant l'adoption du principe. C'est que le principe a pour effet lui-même, une fois adopté, de concerner 30,000 agriculteurs plutôt que 10,000. Avant de prendre cette décision d'imposer une assurance obligatoire à une classe de citoyens qui, au moment où elle était facultative — c'est-à-dire encore aujourd'hui, M. le Président — étaient de moins en moins intéressés, d'année en année, à y participer, donc, avant de nous prononcer sur le principe de l'étendre à tout le monde, il serait intéressant de savoir ce que ces gens-là en pensent.

M. le Président, autre raison pour les interroger ou les rencontrer avant l'adoption du projet de loi en deuxième lecture, c'est que, si nous devons adopter ce projet de loi, l'impact sur les finances de la régie, telle que constituée par ce projet de loi, fera que quelque $2 millions seront constitués par les primes des assurés eux-mêmes. Donc, une fois de plus, nous allons gruger littéralement dans la poche d'une des classes de nos concitoyens les plus défavorisés, les plus démunis. Puissent les derniers événements des dernières semaines simplement rappeler aux membres de cette Assemblée qu'il ne s'agit pas, loin de là, d'une des classes les plus favorisées du Québec.

Puis-je vous dire également, M. le Président, que cette loi, dans son principe, comporte l'institution d'une régie dont les représentants des associations agricoles devront, de par la loi, faire partie? Avant d'obliger les représentants des associations agricoles à faire partie d'une régie, contre leur gré, peut-être, ne serait-il pas plus important, comme nous le suggère le

député de Saguenay, de prendre les trois mois dont nous disposons avant la reprise de la session, ou de la nouvelle session, pour aller voir ce que les intéressés pensent de ce projet de loi du gouvernement? Ce projet de loi les implique directement, non seulement quant à l'obligation d'y participer, puisque c'est un principe de la loi, mais quant à leur devoir d'y contribuer — ce sera un principe connexe — et aussi quant à leur obligation de participer à la régie qui devra administrer la mise en place de cette loi.

C'est donc dans cet esprit et pour faire écho à tout ce que les membres de cette Assemblée ont donné comme opinions dans ce débat que je trouve absolument légitime la proposition du député de Saguenay et que je considère que cette Assemblée devrait en faire un voeu unanime.

Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Lotbinière.

M. Georges Massicotte

M. MASSICOTTE: M. le Président, suite à cette motion, il est de mon devoir comme représentant du comté entièrement rural de Lotbinière d'exprimer mon opinion au nom des cultivateurs que j'ai le plaisir de représenter.

En 1966, lorsque le projet de loi de l'assu-rance-récolte a été présenté, ce programme a suscité beaucoup de réactions, beaucoup de favorables et quelques-unes défavorables. Par contre, au cours des années, on a vu que le plan d'assurance-récolte s'est amélioré, suite à l'expérience.

Il est normal que dans tout projet il y ait du pour et du contre. Il est normal que, dant tout projet, des personnes libres se prononcent en faveur d'un projet ou contre le même projet. Toutefois, à cause de cette même évolution économique, l'évolution qu'ont subie nos cultivateurs aussi bien que les gens des villes, je crois qu'actuellement le projet en discussion, dont on propose de reporter l'étude à trois mois, ne doit pas souffrir de retard. La consultation que l'on nous a tellement reprochée, on se demande actuellement si on devrait faire le tour des quelque 50,000 cultivateurs et leur demander leur opinion personnelle.

En théorie, cela peut être beau. Quand on a la tête dans les nuages, c'est peut-être faisable. Lorsqu'on a les deux pieds sur terre, on doit savoir qu'un syndicat a été formé, qui s'appelle l'UPA, et qui est dûment mandaté pour représenter ces mêmes cultivateurs. Il y a d'autres groupes agricoles qui ont aussi exprimé leur opinion. Il y a aussi, je pense bien, les membres du ministère de l'Agriculture qui, par leur contact avec les gens de la classe agricole, ont quand même aussi reçu des suggestions.

Il me semble, actuellement, que le projet de loi, tel que présenté, est discutable. D'ailleurs, le ministre lui-même l'a souligné en apportant des suggestions. Le système d'assurance individuelle amélioré répond assurément à un besoin de nos agriculteurs. Et c'est surtout à leur demande que ceci a été fait.

Concernant le deuxième système, dit collectif, il est normal que toute action coercitive — que notre individu soit agriculteur ou autre — apporte une réaction peut-être contraire. Il est normal que ces gens expriment leur opinion, dans une démocratie telle qu'elle existe actuellement. Il est aussi normal qu'un ministre responsable puisse présenter un projet de loi qui doit répondre aux besoins de la majorité de nos agriculteurs.

Le ministre s'est engagé à faire d'autres consultations après l'adoption de ce projet de loi : consulter l'UPA, consulter les groupes agricoles, consulter même les cultivateurs individuellement si possible. Je crois que c'est répondre à des obligations qui sont existantes mais c'est aussi faire face à la réalité. Lorsqu'on a un problème, je crois qu'il ne faut pas attendre un an ou deux ans avant de le régler. Il faut prendre le taureau par les cornes. En agissant de cette manière, on résout les problèmes.

Naturellement, on ne peut pas dire que tout projet de loi, quel qu'il soit, soit parfait. D'ailleurs, s'il était parfait —je doute qu'il y ait personne en cette Chambre, ici, pour l'affirmer — et on n'aurait pas notre travail pour trop longtemps.

D'un autre côté, si on doit aller de l'avant, vaut mieux faire quelques erreurs et répondre à des besoins pour nos agriculteurs que de rester inactifs. Il est certain qu'un plan d'assurance n'est pas une source de bien-être social, tel qu'il a été considéré si longtemps. Aujourd'hui, on doit traiter nos agriculteurs comme ils le demandent: comme des hommes d'affaires. Ce programme doit leur être présenté et être étudié avec objectivité. Il est aussi certain que cela prendrait nécessairement des personnes qualifiées et compétentes pour l'application de ce programme comme cela doit se faire dans tous les programmes, quels qu'ils soient.

Un point qui serait aussi extrêmement important et qui, souvent, manque, on ne tirera pas de pierre à personne mais je crois que, dans tout projet de loi, une bonne publicité doit se faire de la part du gouvernement, des ministères que de la part des médias d'information. Ces informations doivent être justes et objectives. Malheureusement trop souvent, un projet de loi sera présenté, adopté, et la population ne sera pas informée adéquatement de son application.

Si ces critères sont satisfaits, je ne vois aucune raison pour reporter ce projet de loi à plus tard.

DES VOIX: Vote.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que les membres de l'Assemblée sont prêts à se prononcer?

M. BURNS: Vote enregistré, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les députés!

Vote sur la motion

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre, s'il vous plaît! Que ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement de l'honorable député de Saguenay, à l'effet que la deuxième lecture du projet de loi no 20, Loi sur l'assurance-récolte, ne soit faite que dans trois mois, veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi). .

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien le lever, s'il vous plaft.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Parent (Hull), Mailloux, Phaneuf, Lachapelle, Goldbloom, Simard, Quenneville, Hardy, Tetley, Lacroix, Bienvenue, Forget, Toupin, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Cadieux, Arsenault, Houde (Fabre), Desjardins, Giasson, Perreault, Brown, Fortier, Blank, Bédard (Montmorency), Veilleux, Saint-Hilaire, Brisson, Saindon, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamontagne, Fraser, Picard, Gallienne, Carpentier, Dionne, Faucher, Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Shanks, Pepin, Beauregard, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boutin, Chagnon, Marchand, Leduc, Caron, Ciaccia, Déom, Dufour, Harvey (Dubuc), Lapointe, Lecours, Malépart, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Verreault.

LE SECRETAIRE: Pour: 6. Contre: 71.

LE PRESIDENT: La motion est rejetée.

M. BURNS: M. le Président, est-ce qu'on peut ajouter le nom du ministre d'Etat aux Transports, qui vient d'arriver?

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement unanime?

DES VOIX: Oui.

M. BERTHIAUME: M. le Président, j'apprécie le geste du député de Maisonneuve. J'aimerais dire que si j'avais voté, j'aurais voté avec le gouvernement.

LE PRESIDENT: Disons que vous avez voté aussi.

Bon, le résultat est changé, voulez-vous donner le nouveau résultat? C'est 72.

UNE VOIX: On augmente un peu.

Reprise du débat de deuxième lecture

LE PRESIDENT: Deuxième lecture. L'honorable député de Maisonneuve sur la motion principale.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, sur la motion principale... Non, ce ne sera pas adopté tout de suite, comme le souhaite le député de Jeanne-Mance. Du moins cela dépendra de votre décision, M. le Président...

LE PRESIDENT: Si je comprends bien, il y a une commission qui continue à siéger actuellement. C'est laquelle?

M. LACROIX: La commission des finances, du revenu et des comptes publics.

LE PRESIDENT: Cette commission peut siéger immédiatement.

M. BURNS: M. le Président...

M. LEVESQUE: M. le Président, pourrais-je faire une motion en attendant?

M. le Président, après consultation — il semble que ce soit le voeu unanime de cette Chambre — je voudrais faire motion pour qu'en vue de l'étude du projet de loi no 50, Loi sur les droits et libertés de la personne, qui a été déféré en commission élue après la deuxième lecture, les règles de pratique des commissions après la première lecture soient appliquées dans ce cas.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: M. le Président, nous serons sûrement pour cette motion sans aucune espèce de doute.

Cette motion se retrouve d'ailleurs au feuilleton, en essence, dans une des motions du chef de l'Opposition. Je crois que c'est la motion... c'est parce que je voudrais qu'on règle le problème en même temps; cela pourrait peut-être débarrasser le feuilleton de la semaine prochaine. Je m'excuse, M. le Président, du délai; je cherche...

M. LEVESQUE: C'est difficile. M. BURNS: ... la motion...

LE PRESIDENT: L'article 63 au feuilleton du mercredi 4 décembre.

M. BURNS: M. le Président, que vous êtes "sharp", comme on dit. M. le Président, c'est effectivement la motion 63 de mercredi dernier qui, à mon humble avis, est essentiellement ce que propose le leader du gouvernement actuellement. Je ne vois pas pourquoi nous nous opposerions à la motion du leader du gouverne-

ment étant donné qu'il se rend à notre désir de tenir des séances de la commission parlementaire. Si je comprends bien, cela aura lieu, cela dépendra évidemment de la date des avis, au courant du mois de janvier.

M. LEVESQUE: Nous prévoyons à la fin de janvier, M. le Président...

M. BURNS: Vers la fin de janvier.

M. LEVESQUE: ... mais nous le ferons d'une façon plus articulée dès que ce sera possible.

M. BURNS: M. le Président, je serais d'accord que l'on vote sans plus en faveur de la motion proposée par le leader du gouvernement et, par la suite, je proposerai qu'on fasse le retrait du feuilleton de la motion du chef de l'Opposition.

LE PRESIDENT: De consentement unanime, cette motion est présentée et adoptée?

M. LEVESQUE: Adopté. LE PRESIDENT: Adopté.

M. BURNS: Alors, M. le Président, pour compléter le portrait, je proposerais que la motion qui parafl au nom du...

LE PRESIDENT: Du consentement.

M. BURNS: Avec son consentement, je l'ai consulté avant qu'il...

LE PRESIDENT: D'accord.

M. BURNS: ... nous quitte, il est parti à la commission du revenu. Je proposerais que la motion qui parafl à l'article 63 du feuilleton du 4 décembre soit retirée du feuilleton, avec le consentement unanime de la Chambre, j'imagine.

LE PRESIDENT: Ce n'est même pas nécessaire. Il n'y a même pas de motion. Celui qui a présenté une motion qui n'est pas en délibération peut la retirer en tout temps. Très bien. L'honorable...

M. VEILLEUX: M. le Président... LE PRESIDENT: Oui?

M. VEILLEUX: Est-ce qu'on discute toujours du principe du projet de loi 20? Est-ce le député de Maisonneuve qui a la parole là-dessus?

LE PRESIDENT: Oui, je l'ai reconnu tout à l'heure. Je lui avais accordé la parole, d'ailleurs.

M. VEILLEUX: Je vais attendre.

M. BURNS: M. le Président, j'ai participé ce matin au débat qui a été soulevé autour de la proposition formulée par le député de Saguenay, à l'effet que la deuxième lecture du projet de loi no 20 soit reportée à trois mois. J'ai relu avec beaucoup d'attention les remarques du ministre de l'Agriculture au cours de ce débat. Dans le fond, même si je pense que j'ai une certaine latitude au niveau de la discussion du projet de loi en deuxième lecture, je vais délibérément me restreindre à un certain nombre de propos. Qui peut plus peut moins, M. le Président; je pense bien que, si je peux critiquer l'ensemble de la politique du ministère, je peux me restreindre à un point qui a été soulevé ce matin relativement à l'objet du projet de loi. Je vais donc me restreindre délibérément à certains propos qu'a tenus le ministre de l'Agriculture au cours d'une motion qui avait pour objet de reporter la deuxième lecture à trois mois.

En particulier, M. le Président, je vais commencer par faire tout simplement une énumération de certaines remarques du ministre de l'Agriculture qui, pour moi, sont assez significatives et qui mèneront éventuellement aux propos précis que j'ai l'intention de tenir dans ce débat-ci. Entre autres, M. le Président, à R/4452 de la transcription du journal des Débats, à la page 2, on lit la remarque suivante, dans l'intervention du ministre de l'Agriculture: 'II est facile de dire que, dans telle région, il y a des producteurs qui se sont dits contre, mais contre quoi? Ils ne se sont pas dits contre le projet de loi, ils ne se sont pas dits contre le programme d'assurance individuelle. Ils se sont posé de sérieuses questions, dans certaines régions, sur le caractère obligatoire de l'assurance collective.

Ils se sont posé un certain nombre de questions sur l'application du programme collectif, c'est-à-dire la détermination des zones, le calcul des indemnités, etc. Tout cela se situe dans le cadre des règlements". Première citation, M. le Président, que j'extrais de l'intervention du ministre ce matin. On trouve une autre citation, toujours du ministre de l'Agriculture, au R/4453, page 1 des Débats du 10 décembre 1974; vers le milieu de la page on lit ceci: "II y a moyen cependant de régler le problème de ceux qui ne sont pas tout à fait satisfaits de la loi. Moi, je reste convaincu que plusieurs des dirigeants agricoles du Québec sont d'accord sur cette loi; plusieurs, par ailleurs, ne sont pas plus d'accord qu'il ne le faut".

M. le Président, au départ, avec ces deux citations —j'en ai d'autres, d'ailleurs, à extraire du discours du ministre — je suis en droit, moi, de me poser une question relativement à l'approche que le ministre apporte à son propre projet de loi. D'une part, il fait une division dans son projet de loi, qui apparaît d'ailleurs, je l'ai cité ce matin, dans les notes explicatives du projet de loi, lorsqu'on décrit l'objet du projet de loi. Je cite à nouveau l'objet du projet de loi qu'on voit à la page qui fait face aux premiers

articles du projet de loi no 20. "Ce projet a pour objet de refondre la Loi de l'assurance-récolte et d'instituer, pour les récoltes de grande culture, soit les plantes fourragères, les céréales et le mais à ensiler, deux systèmes de protection, dont l'un collectif et l'autre individuel".

Ce matin, M. le Président, nous avons cité justement cet objet, la valeur et l'importance du but proposé du projet de loi, pour demander que ce projet de loi soit retardé à trois mois, pour qu'entre-temps on prenne toutes les mesures nécessaires, requises pour entendre les parties intéressées, soit les agriculteurs.

Déjà, dans la réponse même du ministre, je ne veux pas revenir sur la discussion de ce matin, on s'aperçoit que lui aussi voit et confirme, à toutes fins pratiques, quelque chose qui apparaît dans les notes explicatives, c'est-à-dire qu'il y a deux systèmes de protection, dont l'un collectif et l'autre individuel, qui sont prévus par ce projet de loi-là.

On le voit par la première citation que je vous ai donnée à R/4452, lorsqu'il nous dit qu'il y en a qui sont d'accord et entièrement d'accord sur le régime d'assurance individuelle, et qu'il y a des réticences sur l'assurance collective. On le voit dans la deuxième citation que je vous ai faite, lorsque le ministre lui-même dit qu'il y a moyen de régler le problème de ceux qui ne sont pas tout à fait satisfaits de la loi, mais que plusieurs, par ailleurs, ne sont pas d'accord sur la loi.

Alors pourquoi plusieurs ne sont-ils pas d'accord sur la loi? C'est un peu plus loin dans l'intervention du ministre qu'on trouve cela. Et je vous soumets, M. le Président, un autre extrait du journal des Débats de ce matin toujours au R/4453, page 1, où le ministre s'exprime ainsi: "J'ai dit que je déposerais des amendements lors de la commission élue, quand on discutera le projet de loi, article par article. Il y a plusieurs amendements. Je vais en déposer un relativement à l'assurance collective et on entendra, après, la commission parlementaire sur ce problème. Si les agriculteurs viennent nous dire, en commission parlementaire, qu'ils n'en veulent pas de cette partie-là, — là maintenant je vous cite la page 2 de R/4453 — et si les agriculteurs viennent nous dire, en commission parlementaire, qu'ils n'en veulent pas de cette partie-là — la partie concernant l'assurance collective — purement et simplement nous amenderons la loi, ou encore, nous nous organiserons pour ne pas rendre applicable cette section de la loi".

M. le Président, permettez-moi de tirer également de l'intervention du ministre de ce matin un autre extrait qui sera, je pense, significatif eu égard à ce que j'ai l'intention de proposer à l'Assemblée.

Au ruban 4454, à la page 1, on entend le ministre dire ceci: "Remettre ce projet de loi à trois mois, cela veut dire qu'on suspend presque tout le programme d'assurance-récolte qui est en vigueur depuis trois ans". J'insiste sur cette partie-là, M. le Président, parce qu'elle a son importance eu égard à ce que j'aurai à vous dire tout à l'heure. J'insiste sur le fait que le ministre a avoué ce matin que "remettre le projet de loi à trois mois, cela veut dire qu'on suspend presque tout le programme d'assurance-récolte qui est en vigueur depuis trois ans, depuis cinq ans même, dit-il, et qui rejoint les aspirations d'au moins une dizaine de milliers de producteurs. Est-ce qu'on doit se permettre cela? Je pense que non. C'est pour cela que je pense qu'on doit adopter ce projet de loi et, par la suite, convoquer la commission parlementaire sur le problème précis de l'assurance collective".

Encore une fois, à ce stade-ci, on se rend compte que le ministre fait de ce projet de loi deux éléments tout à fait différents: l'assurance individuelle, l'assurance collective. Je continue toujours la même citation: "Si, à ce moment-là —c'est-à-dire après la convocation de la commission parlementaire — on constate qu'il n'est pas requis que ce programme soit appliqué —soit celui de l'assurance collective — il est possible de l'amender ou il est possible de ne pas l'appliquer du tout. Mais il faut laisser le programme individuel s'appliquer dans le plus bref délai".

Le ministre, au fur et à mesure que son intervention avance, est en train de nous expliquer qu'il y a deux problèmes très précis qui sont incorporés dans le projet de loi no 20: l'un, l'assurance individuelle, qui existe déjà, selon le ministre, depuis trois ans ou même, possiblement, depuis cinq ans et l'autre, nouveau, le projet d'assurance collective. Je continue et ça devient encore plus clair. Je cite toujours le ministre de l'Agriculture au cours du débat sur l'opportunité de reporter à trois mois l'étude en deuxième lecture du projet de loi no 20. Toujours au ruban 4454 de la transcription, à la page 1, on voit ceci. Je m'excuse, M. le Président, je fais cette parenthèse au départ. Lorsqu'il nous disait: Si on s'aperçoit, au cours de la commission parlementaire, que la partie assurance collective n'est pas acceptable, même après la deuxième lecture, on fera les amendements voulus, je lui avais demandé s'il n'était pas anormal de fonctionner de cette façon-là. Le ministre m'a dit non et je cite sa réponse: "M. Toupin: Est-ce que le leader de l'Opposition admettrait, par ailleurs, ceci: C'est que ce projet de loi est composé de deux sections... "M. Lessard: Deux principes. "M. Toupin: ... deux programmes dont un principe nouveau qui est celui de l'assurance collective. Deux programmes et un principe nouveau". Le ministre se répète et il continue de la façon suviante: "Le programme de l'assurance individuelle, qui existe depuis cinq ou six ans — soit dit en passant, on vient de prendre une année avec une page de plus; à la page précédente, c'était trois ans et peut-être cinq ans et là, on vient de prendre un an de plus. En tout cas, on va pardonner au ministre. C'est une

approximation, si je comprends bien — doit continuer à s'appliquer".

C'était un de ses arguments principaux, ce matin, à l'effet qu'une des deux parties de la loi, celle concernant l'assurance individuelle, doit continuer à s'appliquer; autrement, certains dommages importants pourraient être subis par des agriculteurs qui, déjà, depuis trois, cinq ou six ans, sont couverts par cet aspect de l'assurance individuelle. Je continue à citer le ministre; toujours à R/4454, page 1, des travaux de ce matin, plus particulièrement à midi quinze minutes on lit ceci:

On lit ceci: "Or, si on retarde le projet de loi de trois mois, à cause des difficultés pour la régie présentement de préparer des règlements et de les faire adopter par le lieutenant-gouverneur en conseil — on a dit qu'on ne peut laisser des programmes s'appliquer dans l'illégalité — il faut que cette partie du programme s'applique. Quant à l'autre, qu'est-ce qui empêche le gouvernement, qu'est-ce qui empêche le ministère de rendre applicable cette deuxième partie, ce deuxième programme après proclamation? C'est-à-dire qu'on entend les parties et on proclame après".

J'ai deux derniers extraits à vous soumettre de ce que le ministre nous a dit ce matin. Au ruban 4455, toujours du 10 décembre 1974, vers midi vingt, le ministre s'exprime de la façon suivante: "II me semble normal que nous procédions de cette façon — la façon que je viens de vous décrire et que le ministre lui-même a décrite dans son intervention — que nous adoptions le projet de loi en deuxième et en troisième lecture et qu'après nous rencontrions les agriculteurs pour chercher avec eux à établir de meilleures méthodes si celles-ci ne leur conviennent pas en ce qui concerne l'assurance collective ou l'assurance individuelle".

Encore une fois, M. le Président, Je vous signale que le ministre lui-même fait dans son intervention une distinction très nette entre deux parties de la loi.

Il continue un peu plus loin: "Ils ont proposé — parlant des gens de l'UPA, des congrès différents de l'UPA — la création d'un comité pour étudier comme il le faut l'application des deux programmes, tant le programme individuel que le programme collectif".

Motion de division de la question

M. BURNS: M. le Président, il me semble que ces quelques citations, ces cinq ou six citations me suffisent pour appuyer une motion de division en vertu de l'article 88 de notre règlement, motion qui a pour objet de diviser une question. Je vous signale tout de suite, M. le Président, que notre nouveau règlement a quelque chose de changé vis-à-vis de l'ancien règlement sur la motion. Il y a même plusieurs choses, mais il y en a une qui me paraît claire au départ, chose que l'ancien règlement exigeait à l'article 231, si je ne m'abuse, M. le Président... Oui, l'ancien article 231 qui avait pour objet de demander la division d'une question complexe.

Maintenant, M. le Président, nous nous retrouvons avec les articles 87 et 88 de notre règlement qui remplacent les articles 231 et suivants. Cela vaut peut-être la peine de les lire à haute voix pour qu'on sache exactement de quoi on parle.

L'article 87 nous dit: "Par une motion non annoncée, un député qui a le droit de prendre la parole peut proposer la division d'une question en délibération". L'article 88 nous dit: "Une question ne peut être divisée à moins que chacune de ses parties ne constitue par elle-même une proposition distincte, tant dans les mots que dans le fond". Soit dit en passant, cet énoncé au premier paragraphe de l'article 88 est une reproduction fidèle de notre ancien règlement. Il n'y a pas eu un iota de changé. "2— La motion doit indiquer la manière dont il est proposé de faire la division. "3— II appartient au président de décider si la question est divisible ou non et, dans l'affirmative, l'Assemblée doit se prononcer sur la division. "4— Si la décision de l'Assemblée est affirmative, les parties en sont prises en considération et mises aux voix séparément et suivant l'ordre dans lequel elles se trouvent dans la motion. "5— La motion de division interrompt l'affaire en cours jusqu'à ce qu'elle soit décidée".

M. le Président, c'est peut-être la première fois que j'aurai l'occasion, dans quelques instants, de faire une motion de division d'une affaire qui est en délibération, mais de façon très constructive, je prends l'occasion aussi de dire que notre texte actuel des articles 87 et 88 est beaucoup plus clair que les dispositions des articles 231 et suivants de notre ancien règlement.

D'ailleurs, M. le Président, je crois que vous saurez en témoigner également quand vous rendrez votre décision.

Je pense que c'était d'ailleurs un des efforts, si on peut les appeler ainsi, des codificateurs qui ont travaillé à la réforme du règlement et qui ont, à l'occasion de l'étude d'une motion, d'une division de question, pensé rendre beaucoup plus simple l'approche qui existait. Et elle est, à mon avis, très simple.

Il s'agit, au niveau du règlement, non plus de parler d'une question complexe. Je n'ai pas, M. le Président, à vous convaincre que la question est complexe; cette expression, dans notre ancien règlement, laissait un doute parce que la complexité, au sens juridique du mot, peut avoir deux interprétations. Elle peut avoir l'interprétation d'une motion qui est sur la table, qui est devant la Chambre, motion de deuxième lecture qui comporte une complexité telle qu'on ne puisse comprendre le problème qui est en discussion sans le diviser.

Et elle pouvait avoir aussi l'autre interpréta-

tion, qu'une question complexe comporte deux éléments qui empêchent, sans que ce soit difficile de la comprendre, de donner un vote véritable. C'est ça la distinction que je porte, distinction qui ne paraît plus, je vous l'indique avec tout le respect, dans les articles 87 et suivants. Il s'agit d'une complexité qui m'empêcherait simplement de donner un vote véritable qui respecte ce que je pense sur une motion de deuxième lecture.

En soi, si on s'arrête à y penser, dans le cas d'une motion de deuxième lecture qui propose deux choses qui sont parfaitement compréhensibles, que je peux comprendre toutes les deux, je peux me placer dans la peau du ministre et dire : Le ministre veut une assurance individuelle, veut aussi imposer une assurance obligatoire collective à l'ensemble des agriculteurs visés par le projet de loi de l'assurance-récolte. Je peux très bien comprendre le ministre là-dessus.

Je peux, cependant, différer d'opinion avec lui. Je peux ne pas être d'accord sur la deuxième alors que je suis entièrement d'accord sur la première. Je peux avoir été convaincu par ses arguments de ce matin relativement au maintien, dans l'immédiat, de l'assurance individuelle et je peux continuer à entretenir mes doutes — c'est là où j'en suis — sur l'assurance-collective qui, elle, est nouvelle et, comme le ministre le disait lui-même, est un principe nouveau dans la loi.

De sorte qu'il me semble qu'à ce stade-ci il est de mon devoir de vous proposer la division de la motion en discussion. Même si la motion de deuxième lecture est une motion de forme, c'est une motion qui est assimilée à une motion de fond et qui a pour but principal de faire adopter l'objet d'un projet de loi.

Je n'ai pas 52 façons de vous présenter une telle motion et je me réfère à un de vos illustres prédécesseurs, dans une des décisions magistrales...

LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé. M. BURNS: ... là-dessus. Oui. LE PRESIDENT: Très longue.

M. BURNS: Très longue décision et l'argumentation du député de Chambly du temps, M. Pierre Laporte,...

LE PRESIDENT: Pierre Laporte.

M. BURNS: ... feu Pierre Laporte, est très intéressante à lire. Je vous en fais grâce.

LE PRESIDENT: Sur le projet de loi no 25, je crois.

M. BURNS: C'était sur le projet de loi no 25, qui demandait, d'une part, le retour au travail des enseignants et qui, d'autre part, imposait des conditions de travail aux enseignants.

Et la motion avait été faite par le leader parlementaire de l'Opposition du temps, qui était le député de Chambly, l'ex-ministre du Travail. Son argumentation principale était basée sur le fait que ce projet de loi comportait, dans les faits, c'est-à-dire, comme le dit l'article 88, dans les mots et dans le fond, une distinction telle qu'il ne se voyait pas capable de voter en faveur de l'un et de voter en faveur de l'autre alors qu'il se sentait tiraillé entre les deux.

Alors, je vous fais grâce de toute cette argumentation qu'on retrouve aux pages 1060 et suivantes du tome I, volume V des Débats de l'Assemblée nationale, session 1966/67 et plus particulièrement le samedi 11 février 1967.

Tout le monde connaît, M. le Président, le résultat de la motion de l'honorable député de Chambly du temps. Cette motion a été rejetée, et la décision du président du temps, M. Rémi Paul, qu'on pourrait maintenant appeler M. le juge Rémi Paul, qui était notre collègue de Maskinongé jusqu'au 29 octobre 1973, a été à l'effet que cette division ne devait pas avoir lieu.

Dans le fond, la décision se résume à peu près dans les mots suivants, que je retrouve à la page 1102 du volume que je vous ai cité: "J'en viens à la conclusion que le bill 25 ne peut être interprété comme complexe...". Voyez-vous, M. le Président, pourquoi il est important de signaler, à ce stade-ci, que le mot complexe ne paraît plus dans notre règlement actuel? Il a basé sa décision sur l'aspect complexe ou non du projet de loi no 25. Je dois dire également entre parenthèses — c'est une soumission que je vous fais bien respectueusement — qu'après y avoir pensé et avoir lu les arguments tant du gouvernement que de l'Opposition, à ce moment-là, et la décision que je trouve bien fondée, eu égard à la législation ou aux règlements qui fixaient les débats de la Chambre, établissaient les normes des débats de la Chambre à ce moment-là, je pense que la décision de M. Rémi Paul était parfaitement justifiée, concernant le texte qu'il avait à interpréter. Or, on n'a pas le même texte actuellement et je vous le signale dès le départ.

Je reviens à cette citation: "J'en viens à la conclusion que le bill 25 ne peut être interprété comme complexe dans le fond, même s'il a cette qualité dans le titre". Dans le titre, vous vous souviendrez, M. le Président, qu'il y avait justement un "et" qui laissait entendre qu'il fallait assurer l'éducation aux enfants et les conditions de travail, je crois, aux enseignants.

M. BLANK: Et le retour...

M. BURNS: Et le retour au travail, mais de toute façon, c'était les enfants, d'une part, et l'aspect des enseignants, d'autre part.

M. Rémi Paul continue, toujours à la page 1102: "La motion de l'honorable député de Chambly, vu qu'elle ne rencontre pas la double qualité nécessaire pour une distinction ou une divisibilité admissible, puisqu'on ne retrouve

cette divisibilité que dans la forme et non dans le fond, n'est donc pas recevable".

M. le Président, l'aspect complexe étant mis de côté, je pense que si on regarde le projet de loi que nous avons devant nous, il est clair, par les remarques qui ont été faites par le ministre de l'Agriculture, ce matin, que je vous ai citées à quelques extraits près — mais je vous engage, M. le Président, dans votre décision, si jamais vous ne la rendez pas immédiatement, à prendre connaissance des propos entiers, complets, du ministre de l'Agriculture — ces propos, en plus de l'objet du projet de loi, tel que décrit dans les notes explicatives et jusqu'à preuve du contraire — je suis obligé de m'en tenir à cela comme objet du projet de loi — nous disent très clairement, tant les propos du ministre que l'objet du projet de loi, que ce projet de loi vise à mettre en vigueur deux systèmes de protection, dont l'un collectif et l'autre individuel. Tant les propos du ministre que les propos des membres de l'Opposition nous laissent entendre qu'il y a un de ces deux aspects qui ne comporte pas de problème, ou très peu de problèmes, en tout cas, pas de problème au niveau du principe lui-même, l'assurance individuelle, et qu'il y en a un autre qui comporte de sérieux problèmes, tant chez les gens de l'UPA que chez les gens qui se sont prononcés individuellement et collectivement dans les régions, soit le problème de l'assurance collective. Il y a aussi, M. le Président, le fait que si nous prenons le projet de loi — et j'ai tenté cette expérience — il est divisible. On peut, de façon très claire, sans aucune ambiguïté, prendre le projet de loi tel qu'il est et classer en trois catégories les articles qu'on y retrouve.

Première catégorie, les articles qui peuvent s'appliquer à l'assurance collective. Deuxième catégorie, les articles qui peuvent s'appliquer à l'assurance individuelle et, troisième catégorie, particulièrement l'article 1 qui contient des définitions qui peuvent s'appliquer aux deux en faisant un amendement, dans ce cas, à l'un ou l'autre.

M. le Président, je pense que c'est le meilleur test pour voir si ce projet de loi a un caractère tellement différent, surtout vu les remarques du ministre et les affirmations non contestées des membres de l'Opposition relativement à cette dualité d'opinions, d'une part vis-à-vis de l'assurance individuelle et, d'autre part, vis-à-vis de l'assurance collective. Il me semble qu'une fois ce contexte constaté il faut se rendre compte que le projet de loi est divisible.

Je n'ai pas à prendre une moitié d'article — cela va aussi loin que cela — pour la mettre dans une partie, à prendre une moitié d'article pour la mettre dans l'autre et à essayer de compléter cela d'une autre façon. Non, le texte même de la loi nous démontre que le projet de loi est divisible. J'ai fait cette tentative-là et j'espère, M. le Président, que vous trouverez que j'y suis arrivé. J'espère que, quand vous y aurez songé, vous trouverez que j'ai raison de deman- der la division de ce projet de loi. Parce que l'un des instigateurs de l'amélioration du texte des articles 87, 88, c'est vous-même, M. le Président, je n'ai pas, je pense, à vous convaincre que la première étape — et c'est là où j'en suis — quand ma motion sera faite, sera pour vous de décider si ma motion est recevable.

Comme le dit l'article 88: "Une question ne peut être divisée, à moins que chacune de ses parties ne constitue par elle-même une proposition distincte, tant dans les mots que dans le fond".

Je pense que cette partie-là, c'est à vous qu'elle revient. La Chambre n'a même pas à en disposer. Vous devrez décider si elle est divisible et la motion ensuite, une fois que je l'aurai faite, devra indiquer de quelle façon je la fais. Il appartient au président — au paragraphe 3, cela c'est très clair — de décider si la question est divisible ou non et, dans l'affirmative, ensuite, l'Assemblée a à se prononcer sur l'à-propos de la division ou pas. Mais vous, vous décidez, au départ, si ça se divise.

Alors, M. le Président, je vous soumets la proposition suivante, en terminant: Je propose que la question en discussion soit divisée en deux propositions dont la première se lirait telle qu'elle apparaft dans l'annexe 1 ci-jointe et la seconde telle qu'elle apparaft dans l'annexe 2 ci-jointe. J'ai préparé, M. le Président, avec photocopies — parce que, évidemment, vous allez comprendre que j'ai dû procéder avec une certaine célérité — deux annexes. En résumé, je vous dis que l'annexe 1 comporte une reproduction de l'article 1 actuel avec une partie qui est éliminée, parce qu'elle ne s'applique pas, tout simplement. La définition, au paragraphe e) s'intitule expertise collective. Or, l'expertise collective vise l'annexe 2; donc, je l'ai radiée, mais c'est la seule radiation qu'on retrouve dans le projet. En résumé, donc, la première annexe que je propose devoir constituer une partie du projet de loi, une fois qu'on l'aura divisé, une fois que vous aurez jugé que ça peut l'être, c'est l'article 1, avec la réserve que je viens de vous mentionner, plus les articles 46 à 68 et les articles 73 à 89.

Egalement, il y a une deuxième annexe qui, à mon avis, devrait comporter les articles 1 à 45 inclusivement, l'article 60, les articles 65 à 89 inclusivement.

Je termine en vous disant simplement ceci, qu'il ne faudrait pas, dans la division que je vous propose, que vous vous laissiez, oserais-je dire, leurrer par le fait qu'on retrouve des articles dans l'une ou l'autre section, l'une et l'autre annexe. Ce serait, M. le Président, je pense, trop facile pour vous de tenter de vous cacher derrière une faille qui trouve son origine — et je ne pense pas que ce soit votre intention — dans le projet de loi lui-même. Si on avait pris la peine de soumettre un projet de loi reproduisant la pensée que je tente de vous soumettre, je pense qu'on aurait retrouvé dans l'un et l'autre projet de loi des dispositions

identiques. Par exemple, il est évident que la régie doit avoir la même définition dans l'un et l'autre projets de loi: une zone, cela doit avoir la même définition; un règlement, cela doit avoir la même définition. D'ailleurs, simplement au niveau du règlement, je vous invite à jeter un coup d'oeil sur quelques projets de loi où on retrouve constamment la définition identique au carbone d'une loi à l'autre de ce que peut être une définition de règlement. On retrouve la production laitière dans les deux cas; on retrouve le producteur, qui est le propriétaire, locataire ou occupant d'une exploitation agricole. C'est ce qu'on retrouve. D'ailleurs, je vous signale que quant au producteur lui-même, c'est la définition qu'on retrouve dans toutes les lois agricoles.

Dans ce sens, M. le Président, je vous inviterais, je vous demanderais même instamment de ne pas utiliser cet argument que l'article 1, par exemple, paraît dans les deux sections. Une partie des articles 46 à 89 paraît dans l'une et l'autre section de la division que je vous propose. M. le Président, pour toutes ces raisons, je propose que la motion qui est actuellement en discussion soit divisée en deux propositions, de la manière que je vous ai décrite et avec les annexes qui paraissent à ma motion.

Décision de M. le Président

LE PRESIDENT: Je suis prêt à considérer la motion de l'honorable député de Maisonneuve et à rendre une décision sur cette argumentation bien structurée, qui avait d'ailleurs été faite d'une manière quasi aussi éloquente en 1967 par Pierre Laporte sur le projet de loi 25, demandant qu'un projet de loi soit divisé. Si je me rappelle bien, le président de l'époque avait pris cette motion en délibéré pendant la fin de semaine et il avait rendu une très longue décision à la reprise, au début de la semaine suivante.

C'est un sujet des plus intéressants, d'ailleurs, et je brûlais de pouvoir rendre une décision sur la même question parce que je m'étais penché sur ce problème qui pouvait se présenter, justement, lorsque nous avons travaillé ensemble pour la confection d'un nouveau règlement. Disons que le député de Maisonneuve n'a pas eu de difficulté à me convaincre que le projet de loi en question comprend des principes à volets différents. D'ailleurs, ce n'est pas le seul projet de loi qui comprend plus d'un principe ou plus d'une avenue bien déterminée. La plupart, je dirais, des projets de loi comprennent un, deux ou trois principes. Le projet de loi no 50, entre autres, a une multitude de principes à mon point de vue.

Sur cette question, dans son contenu même, le député de Maisonneuve n'a eu aucune difficulté à me convaincre de la complexité du projet de loi, même si ce mot n'existe plus dans notre nouveau règlement.

La division d'une motion complexe, qui était un impératif libellé dans l'ancien règlement, n'est plus libellée de la même façon dans le nouveau règlement.

Par contre, si je lis bien l'article 88, une motion ne peut être divisée, à moins que chacune de ses parties ne constitue par elle-même une proposition distincte, tant dans les mots que dans le fond. Et c'est peut-être une légère erreur; je ne voudrais pas critiquer un de mes prédécesseurs. Mais il ne l'avait pas considéré à l'époque. Il ne faut pas considérer le projet de loi dans son ensemble actuellement, mais, et c'est ici le hic, la motion qui est devant l'Assemblée. La motion qui est devant l'Assemblée, ce n'est pas d'approuver les principes a), b), c), d), e) et f ) qui sont dans le projet de loi.

La motion qui est devant l'Assemblée, c'est que ce projet de loi soit lu pour la deuxième fois. Je ne vois aucune complexité dans cette question, que ce projet de loi soit lu une deuxième fois. Si — laissez-moi terminer et je vous donnerai encore le droit de parole — on respecte l'article 88, il faudrait que le député de Maisonneuve applique le premier paragraphe de l'article 88, qui dit qu'une question ne peut être divisée, à moins que chacune de ses parties ne constitue par elle-même une proposition distincte, tant dans les mots que dans le fond.

Comment le député de Maisonneuve ou tout autre pourrait-il scinder la simple motion qui est devant la Chambre? Laissez-moi terminer et je vous donnerai encore le droit de parole. La motion qui était devant la Chambre en 1967, c'était que le projet de loi no 25 soit lu une deuxième fois. Actuellement, c'est que le projet de loi no 20, Loi sur l'assurance-récolte, soit lu une deuxième fois. Je ne vois pas que cette motion, en aucune façon, puisse être divisée. Là vous me direz: Comment s'applique 88? Comment?

Ah! C'est très simple. Comment s'applique 88? Ce n'est pas sur un projet de loi en deuxième lecture. D'ailleurs l'article 88, dans l'ancien ou le nouveau règlement, a eu son application à un certain moment à la demande du député de Nicolet du temps, M. Vincent. Il y avait une motion du mercredi, une motion où il y avait deux ou trois éléments. J'avais reçu sa motion et j'avais dit qu'elle pouvait être divisible, une motion de député. La Chambre, je ne sais pas ce qu'elle avait fait après, la deuxième étape, mais j'avais dit à ce moment-là que la motion pouvait être divisée.

Mais une motion de deuxième ou de troisième lecture, c'est une motion qui ne peut pas être divisée. Qu'est-ce qu'il y a de plus simple? Peut-être que vous pourriez me demander maintenant: Comment pourrait-on procéder pour diviser un projet de loi? Voulez-vous me le demander? Je ne sais pas si je vais trop loin...

M. BURNS: M. le Président, est-ce que je peux simplement, en aparté, vous dire ceci?

Comment est-ce que je devrais réagir, moi, comme député — que je sois de l'Opposition ou que je sois député ministériel, je pense que ça n'a aucune importance — si je dois enregistrer un vote éclairé, un vote basé sur le texte du projet de loi qu'on me soumet? Comment devrais-je réagir — et c'est possible — si on me présente un projet de loi qui s'appelle Loi amendant le régime d'assurance-maladie et l'assurance-récolte?

Voyez-vous, M. le Président...

LE PRESIDENT: Je vais répondre à votre question.

M. BURNS: ... dans quelle situation je me retrouverais devant ça? Il est possible que je sois totalement contre toute forme d'assurance-récolte.

LE PRESIDENT: Je vais répondre à votre question.

M. BURNS: II est possible que je sois, non, non, mais...

LE PRESIDENT: Vous n'avez pas à argumenter, je vais répondre.

M. BURNS: ... laissez-moi terminer, M. le Président, parce que c'est une question que vous m'avez posée. Il est possible que je sois totalement en faveur aussi de l'assurance-récolte et que je sois contre toute forme de régie publique de l'assurance-maladie, et il est possible que je sois drôlement tiraillé. Pourtant la proposition, dans un cas comme celui-là, qui me sera présentée va être: Je propose que le projet de loi soit maintenant lu une seconde fois. Vous allez être obligé, M. le Président, de reprendre l'argument que vous venez de me servir, puis dire: Ce n'est pas compliqué ça. Ce n'est pas difficile à diviser une motion qui dit que le projet de loi soit lu une deuxième fois.

M. le Président, je vous réfère simplement à notre règlement qui, lui-même, nous laisse entendre jusqu'à quel point il y a division des motions. Mais dans les droits de réplique, à l'article 101, on a prévu que la motion de deuxième et troisième lecture est une motion de forme, tout simplement. Dans le fond, c'est une motion qui ne veut rien dire, c'est une motion pour faire passer une étape.

On dit, à l'article 101, paragraphe a): "Le droit de réplique appartient à un député qui a fait une motion de fond ou qui a proposé la deuxième ou la troisième lecture du projet de loi". On reconnaît, nous autres mêmes, que c'est une motion, comme le dit l'article en question — je ne me souviens pas lequel — l'article qui définit les motions de fond et les motions de forme. On a dit que la motion de deuxième lecture est une motion de forme parce qu'elle ne fait que faire franchir une étape à un projet de loi. Ce n'est pas, dans le fond, la motion de forme qui nous importe, c'est ce qu'il y a derrière qui nous importe. Ce qu'il y a derrière, c'est le projet de loi.

Actuellement, on se trouve vis-à-vis de deux projets de loi que je pourrais appeler de la façon suivante: On pourrait facilement avoir devant nous le projet de loi no 20 et le projet de loi no 20-A), l'un s'appelant Loi sur l'assurance-récolte, projet individuel, et l'autre, Loi sur l'assurance-récolte, projet 20-A), projet collectif. L'un qui existe, le projet de loi no 20, l'autre qui n'existe pas, le projet de loi no 20-A).

LE PRESIDENT: Si ça ne vous dérange pas, je vais essayer de vous apporter l'éclairage complet.

M. CHARRON: M. le Président, me permettez-vous?

LE PRESIDENT: Oui. Sur la question de règlement?

M. CHARRON: Oui, s'il vous plaît.

LE PRESIDENT: D'accord. Prenez votre fauteuil et adressez-vous à moi.

M. CHARRON: J'oubliais. M. le Président, je veux simplement vous faire remarquer, en ajoutant aux arguments du député de Maisonneuve, que l'article 88, qu'a invoqué le député de Maisonneuve, ne parle pas d'une motion à diviser mais parle d'une question. Si vous regardez le libellé, c'est "question". La question en cause, actuellement, c'est celle de l'assurance-récolte, des différentes formes que le ministre veut lui faire prendre et qui sont très claires, très facilement divisibles, comme le député de Maisonneuve... Enfin, je n'ai pas à revenir là-dessus. Ce n'est pas la motion qui est à diviser, c'est la question.

M. le Président, je me permets de faire une seconde remarque. Si vous consultez nos amis les Anglais — ce que vous faites à l'occasion — vous allez voir qu'ils ont été aussi, dans le passé, très clairs là-dessus. Ce sont les questions qui sont divisées et non pas les motions.

LE PRESIDENT: Très bien. Je vais répondre immédiatement à cela. Il est reconnu qu'en droit parlementaire toute question qui est devant la Chambre, c'est toujours une motion. On ne peut pas agir sans qu'il y ait motion. Devant l'Assemblée, c'est toujours une motion, sauf à la période des questions. Mais lorsqu'on est dans des débats, l'Assemblée ne procède que par motions. Cela répond en partie à votre question.

Deuxième argumentation de l'honorable député de Maisonneuve. Aux articles 101 et 94 on se réfère aux motions de forme comme étant des motions de fond, on les considère comme des motions de fond. C'est uniquement en ce qui concerne le droit ou la limite du droit de

parole ou le droit de réplique. C'est uniquement pour ça. Une motion de deuxième lecture ou de troisième lecture, même si on l'assimile à une motion de fond, c'est toujours une motion de forme dans la définition même. Bon!

Maintenant, vous me dites: Comment pouvons-nous arriver à notre fin si le gouvernement nous arrive avec un projet de loi parlant, dans une partie, d'agriculture et, dans l'autre partie, de l'éducation? J'ai fouillé cette question en profondeur. Cela se faisait anciennement. Je réponds tout de suite: Cela se fait toujours par les commissions. Cela s'est toujours fait par les commissions, et je vais vous faire dire comment cela se faisait anciennement. Lorsque la deuxième lecture d'un projet de loi était adoptée et que le leader parlementaire du gouvernement proposait la formation de la commission plénière ou d'une commission parlementaire, on avait le droit, à ce moment-là, de greffer à cette motion-là des instructions à la commission par un amendement.

Un député se levait et disait: Je fais amendement qu'instruction soit donnée à la commission de diviser le bill. Là, cela pouvait se faire. D'ailleurs, il y a la jurisprudence. Dans le nouveau règlement, ça n'existe plus. Le leader du gouvernement dit: Je défère ce projet de loi... Il existe encore quelque chose que notre règlement prévoit et vous vous en êtes servi il n'y a pas tellement longtemps pour un autre sujet. Il reste quelque chose que vous pourriez appliquer et ce serait l'article 152 où, à la suite d'une motion annoncée, l'Assemblée peut, par des instructions spéciales, étendre les pouvoirs d'une commission élue.

Je vous dis que c'est ma décision. Cela ne s'est jamais fait autrement. Anciennement, cela se faisait. Lorsque le leader du gouvernement, après la deuxième lecture, demandait la formation, surtout à l'époque, de la commission plénière, un député avait le droit de se lever et, par une motion d'amendement, donnait des instructions ou faisait motion de donner des instructions à la commission de scinder le projet de loi. Maintenant, il existe, dans notre nouveau règlement, uniquement, je crois, l'article 152, par une motion annoncée où vous demanderiez à la Chambre d'ordonner à la commission de scinder un projet de loi.

C'est pour cette raison, dans tout l'ensemble, que je considère la motion présentement devant la Chambre comme indivisible. C'est uniquement une motion de deuxième lecture.

Voilà ma décision.

M. BURNS: Puis-je vous soumettre simplement un dernier problème, pas du tout dans l'intention d'en appeler de votre décision? A propos de votre dernière suggestion, je pense simplement à un problème à caractère pratique qui peut se poser, si je tentais éventuellement de faire ce que vous venez de dire. Je me réfère en particulier à l'article 122 que j'opposerais à votre opinion de tout à l'heure quant — je m'excuse du mot anglais, mais je n'en vois pas de français qui peuvent rendre cela — à la "feasibility" de ce que vous me suggérez de faire.

LE PRESIDENT: Very well, Sir.

M. BURNS: Thank you, Sir. On lit à l'article 122: "Après la deuxième lecture, un projet de loi, sauf s'il est de subsides, doit être envoyé à la commission élue appropriée sur une motion non annoncée du leader parlementaire du gouvernement; cette motion n'est pas susceptible de débat ni d'amendement. Toutefois, sur une motion non annoncée du leader parlementaire du gouvernement, l'Assemblée peut décider de l'envoyer plutôt en commission plénière. Sur cette motion, qui ne peut subir d'amendement — encore une fois — chaque parti reconnu n'a droit qu'à un seul discours d'une durée d'au plus vingt minutes."

LE PRESIDENT: II y a beaucoup de trous bouchés.

M. BURNS: Bien, M. le Président, voici la situation concrète dans laquelle je peux me trouver pas plus tard que tout à l'heure, si jamais on adopte la deuxième lecture. Il est fort possible qu'on m'enlève sous les pieds, qu'on enlève sous les pieds du député de Saguenay le projet de loi no 20 par une motion du leader que je n'aurai pas le droit d'amender et que je n'aurai pas le droit de débattre. M. le Président, surtout à ce moment-ci, c'est quand même un peu cynique — je vous le dis sans méchanceté — de me suggérer d'inscrire une motion pour faire la division de l'ordre de la Chambre, puisque cette possibilité n'existe plus pour l'Opposition à cause de la motion qui a été adoptée, vendredi dernier, par la majorité gouvernementale et qui me prive de l'utilisation de l'article 91. A ce moment, M. le Président, il me reste quoi? Je suis obligé, passivement de regarder passer le projet de loi, de me retrouver avec le député de Saguenay en commission parlementaire sur l'as-surance-récolte et de dire: L'Assemblée nous a donné comme mandat d'étudier le projet de loi no 20. Je ne peux plus, en commission, enlever au mandat qui a été donné par l'Assemblée nationale, et c'est cela qui me pose un problème très sérieux.

Dans toute autre circonstance, si, à un moment donné, le leader du gouvernement, par habitude, par une espèce de consensus établi avait dit: Le moindrement qu'il y aura une de ces motions inscrites au nom d'un député par voie de motion annoncée, on l'étudiera en priorité, là j'avoue que votre argument pourrait sérieusement m'ébranler. Mais, dans la pratique, je n'ai rien physiquement. Or, cela, c'est l'essence même de notre règlement; c'est un instrument pour moi. C'est un instrument pour faire valoir mon point de vue et mon point de vue, si vous acceptez que la question que je propose est divisible, pourra être mis devant l'Assemblée nationale. Peut-être que j'aurai tort par le vote

de l'Assemblée nationale, parce qu'à la suite d'une décision éventuelle de votre part en faveur de la divisibilité il est fort possible que l'Assemblée nationale décide qu'il n'y a pas lieu de la diviser.

J'aurai au moins eu, comme on dit, la possibilité de faire valoir mon point de vue. Que j'aie tort ou que j'aie raison, c'est le vote qui dira que j'ai tort ou que j'ai raison.

LE PRESIDENT: Bon. Je ne voudrais pas mettre fin à ce dialogue agréable que nous entretenons. Par contre, il faudrait, je pense, éventuellement y mettre fin. Je vais répondre à votre question.

Il est vrai qu'une motion de député ne peut plus trouver son application actuellement, dans le contexte actuel. Par contre, il faut bien concevoir que dans notre droit parlementaire, dans notre système démocratique, c'est la majorité qui l'emporte. Même si la minorité est, remplie des meilleures intentions du monde, si la minorité peut avoir raison, en certaines occasions, si vous ne convainquez pas la majorité, dans notre système c'est la pluralité qui compte. Bon.

M. BURNS: Ce n'est pas la majorité, c'est vous que je dois convaincre à ce stade-ci, M. le Président.

LE PRESIDENT: Oui. Je suis là pour faire appliquer le règlement et faire respecter les règles du jeu. Mon rôle se limite à ça. Si, par hypothèse, en errant, à mon point de vue, j'accepte votre motion, c'est encore la majorité qui décidera après si elle doit être divisée. Encore là, cela prouve que c'est la majorité.

Bon. Par contre, il vous reste encore un recours actuellement et ce n'est pas — c'est une directive que je vous donne — une décision hypothétique que je voudrais rendre sur une situation qui peut se présenter, parce que je me ferme à toutes ces possibilités. Lorsque vous me demandez ce qu'on peut faire dans telle circonstance, je vais vous dire — et c'est vous-même qui m'avez ouvert la porte — que lorsque ce projet de loi sera déféré, à la commission plénière ou à la commission élue, ce sera vos collègues de l'Opposition ou vous-même qui pourrez voter contre des articles qui, d'après vous... Si vous voulez, dans votre concept, seulement un projet de loi vous pourrez voter pour tous les articles 2 qui ne font pas votre affaire, pour qu'ils soient réduits à un seul projet de loi. C'est un recours auquel vous avez droit.

M. BURNS: Comment est-ce que je vote sur le principe, M. le Président?

LE PRESIDENT: Cela, des problèmes de conscience, on en a tout le temps.

M. BURNS: J'en ai un maudit, là.

LE PRESIDENT: Des problèmes de cons- cience, ce n'est pas seulement en Chambre, à l'Assemblée qu'on en a. On en a régulièrement. Il faut décider si, au point de vue des principes, le bon côté l'emporte ou non, et libre à vous de voter pour ou contre le principe. C'est la raison pour laquelle souvent, en droit parlementaire, on peut voter en deuxième lecture pour un projet de loi et voter contre en troisième lecture. Il n'y a rien d'illogique à ça. On peut être pour un principe mais voter contre la troisième lecture qui est l'application d'un projet de loi.

M. BURNS: Bien, je peux vous dire que j'aurais tendance à voter pour une partie du projet de loi, en principe, et m'abstenir...

LE PRESIDENT: C'est à vous à faire... M. BURNS: ... sur une autre partie.

LE PRESIDENT: Bon. C'est à vous à faire le choix.

M. BURNS: Comment est-ce que je fais ça?

LE PRESIDENT: Messieurs, je crois que cette conversation est très intéressante. Motion rejetée. Quel est le prochain opinant?

Reprise du débat de deuxième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre d'Etat aux Affaires municipales.

M. BURNS: M. le Président, la motion n'est pas rejetée, elle est jugée non recevable.

LE PRESIDENT: Non recevable. Excusez-moi.

M. Georges Vaillancourt

M. VAILLANCOURT: M. le Président, je m'en voudrais de ne pas dire quelques mots sur le projet de loi que nous étudions en ce moment.

A la fin de son mandat, le gouvernement Lesage avait entrepris de doter les agriculteurs du Québec d'une assurance-récolte. Il s'était engagé dans un processus avant-gardiste, dans un processus efficace pour aider les agriculteurs en difficulté et vraiment démunis, un processus qui avait pour objet de faciliter la voie vers une certaine sécurité pour tous les agriculteurs du Québec.

Tout le monde alors appréciait et s'enthousiasmait face à cette prise de conscience toute nouvelle du gouvernement du Québec qui s'était mis à la tâche d'étudier les possibilités en ce sens.

On se rend compte aujourd'hui qu'un long chemin a été parcouru depuis les premières

réflexions sur l'assurance-récolte et que le stade des discussions et des études préliminaires est enfin révolu. Les agriculteurs du Québec désiraient des gestes concrets. Ils en ont eu certains jusqu'à maintenant, mais aucun n'a eu la portée et n'a représenté autant pour les agriculteurs, cette classe de la population si essentielle à la vie même de chacun d'entre nous, que le projet de loi no 20, que nous propose aujourd'hui le ministre de l'Agriculture.

Non, M. le Président, aucun projet de loi jusqu'à maintenant n'a pénétré si à fond dans le coeur même des problèmes de l'assurance-récolte. Il faut rendre au ministre qui en est l'instigateur tout l'hommage qui lui revient vraiment. Sa détermination et son dynamisme ont rendu possible l'élaboration de ce projet de loi indiscutablement qualifié de vraiment positif pour la classe agricole en général.

M. le Président, l'agriculture a connu, depuis une décennie, une transformation remarquable, alors que certains, mal informés, la considèrent encore comme une activité économique vouée à son déclin, d'autres, plus justes dans leurs appréciations, voient désormais son importance absolue s'accroître considérablement. L'agriculture entre de plain-pied dans l'ère moderne et tente de s'adapter à toutes les modifications et les ajustements de notre époque.

Pour ce faire, cependant, il faut que les gouvernements choisissent d'être responsables et garantissent aux agriculteurs une sécurité qui les met à l'abri des problèmes liés de près à leur activité économique. Aucun agriculteur n'est prêt, M. le Président, à supporter seul tous les risques et tous les caprices de la température. Ils demandent donc et exigent de leurs gouvernants d'être protégés équitablement et le plus possible.

Or, le projet de loi no 20 vise exactement ce but et prend les moyens efficaces pour l'atteindre. Jusqu'à maintenant, la loi 45 a répondu à plusieurs besoins des agriculteurs. Cependant, sa mise en exécution a démontré que des correctifs s'imposaient si on voulait vraiment procurer aux agriculteurs une protection plus adéquate à un coût normal.

Par exemple, on a constaté, particulièrement dans les récoltes de grandes cultures, qui, comme vous le savez, M. le Président, occupent la place la plus importante au Québec, une négligence et une faiblesse de la participation à l'assurance alors que les pertes de rendement causées par des éléments de la nature pouvaient se prévoir et, comme on le sait, se sont malheureusement réalisées.

Je n'ai pas, bien sûr, à relever les causes de cette situation mais il fallait réagir, faire en sorte que la grande culture, comme les autres, soit adéquatement protégée et cela, M. le Président, toujours dans le but de servir la classe agricole avec le plus de justice possible.

Le projet de loi no 20 propose donc un programme d'assurance-récolte pour la grande culture. Il se partage en deux volets. D'une part, il prévoit l'assurance obligatoire en vertu d'un système collectif. Naturellement, je suis d'accord sur ce volet, pour autant que les producteurs se prononcent favorablement en commission parlementaire. D'une autre part, il y a une assurance facultative en vertu d'un système individuel. Voilà, M. le Président, les points centraux de ce projet de loi, sur lesquels j'insisterai d'avantage. En rendant obligatoire le système collectif à tout producteur de grande culture spécialisée, dans l'industrie laitière ou dans l'élevage de bovins de boucherie, de chevaux, de moutons ou d'autres herbivores, ce projet de loi va permettre aux cultures de grande valeur que possède le Québec d'être couvertes enfin par une assurance.

Dans les situations de désastre, désormais, les pertes encourues seront de beaucoup amorties grâce à cet élément important du projet de loi no 20. On assume ainsi, M. le Président, les récoltes destinées à satisfaire les besoins alimentaires des herbivores dans une zone homogène donnée et normalement produite dans ladite zone.

Voilà fondamentalement M. le Président, le principe de base qui oriente ce projet de loi et qui lui octroie sa grande valeur.

En somme, on procure à tous les producteurs de grandes cultures une protection de base en cas de dommages importants affectant une zone particulière, et cela à un coût modique. En effet, puisque ce système collectif sera obligatoire s'il est accepté par les agriculteurs, son coût sera réparti entre plusieurs et, partant, il en reviendra moins cher à l'agriculteur de s'assurer de cette façon. C'est là une des heureuses conséquences de ce système collectif obligatoire.

Par ailleurs, ce projet de loi no 20 prévoit que tout producteur admissible au système collectif, tout agriculteur ou producteur spécialisé dans l'élevage de porcs a l'option d'assurer, selon un système individuel, la récolte de grande culture qu'il choisit de protéger. C'est là un élément majeur justifiant la force de l'innovation du projet de loi que nous discutons.

Alors, qu'auparavant, par la loi 45, l'agriculteur devait assurer complètement sa récolte s'il voulait intégrer les cadres de l'assurance-récolte alors en vigueur, aujourd'hui le projet de loi no 20 lui donne désormais le droit de choisir la catégorie de récolte qu'il veut vraiment assurer sans devoir assurer toutes les autres catégories.

C'est là, à mon avis, l'essentiel, le plus important de cette partie du projet de loi. Ce système individuel répond, j'en suis persuadé, au désir intense des agriculteurs québécois. Sa mise en application démontrera une fois de plus que le ministre de l'Agriculture et le gouvernement ne ménagent vraiment aucun effort afin d'octroyer à nos agriculteurs toutes les possibilir tés leur permettant de réussir pleinement dans leurs activités économiques.

En outre, et c'est là un aspect qui me paraît intéressant, le système individuel accordera une protection spéciale au producteur qui se voit dans l'impossibilité d'exécuter les semailles dans

une partie de son champ. Cette protection de l'ordre de 80 p.c. s'avère une autre indication des efforts sérieux faits par le ministre de l'Agriculture afin de permettre toutes les chances possibles aux agriculteurs.

Ces derniers doivent, à mon sens, approuver le principe de base que sous-tend ce projet de loi que j'appuie profondément, avec les réserves que je vous ai soumises auparavant permettant ainsi aux agriculteurs québécois une plus grande protection et leur permettant d'agir avec plus de sécurité et de sérénité.

Au-delà de ce souci de protection poussé à un point jamais rencontré jusqu'à maintenant dans aucun projet de loi, c'est une fois encore le désir intense de voir les agriculteurs du Québec satisfaits de leur noble tâche et l'agriculture toujours davantage valorisée qui transpire de ce projet de loi. Merci.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Saint-Jean.

M. Jacques Veilleux

M. VEILLEUX: M. le Président, le projet de loi no 20, déposé par le ministre de l'Agriculture, remet en question, si l'on peut dire, tout le principe qui a prévalu jusqu'à maintenant dans l'assurance-récolte.

Quant à moi, j'accepte et je voterai en faveur du principe qu'on retrouve dans le projet de loi no 20 pour une seule raison, M. le Président, tout simplement parce qu'elle va reconnaître une situation de fait qui existe; elle va légaliser d'une certaine façon des décisions qui ont déjà été prises les années précédentes par la Régie de l'assurance-récolte. Mais je me dois, M. le Président, de parler au nom des agriculteurs de ma région où je retrouve des producteurs faisant partie de l'Union des producteurs agricoles, où je retrouve aussi des producteurs faisant partie de l'Association des jardiniers maraîchers, faisant partie des producteurs de conserves et faisant partie aussi d'une association de producteurs de grain industriel. Quand je fais mention de ces différents organismes, je dois dire, M. le Président, que ce qui a été fait par la Régie de l'assurance-récolte depuis surtout deux ans et demi, cela a été dos pas en avant. Mais, depuis deux ans, deux ans et demi, les agriculteurs, les producteurs que je vous mentionne, avec l'aide du député de Saint-Jean, essaient de sensibiliser la Régie de l'assurance-récolte à des problèmes particuliers à ces productions.

Il y a eu des explications données par la régie, mais ces explications, M. le Président, n'ont pas répondu aux aspirations des producteurs mentionnés et je dois vous dire qu'elles n'ont pas répondu à ce que le député de Saint-Jean s'attendait d'avoir comme réponse. Le ministre nous a promis pour janvier ou février 1975 une commission parlementaire. Je m'en réjouis, M. le Président, parce que les producteurs que je vous mentionnais tout à l'heure, pour une raison ou pour une autre qu'il ne m'est pas donné, comme député de Saint-Jean, d'évaluer, ne voulant pas participer de façon entière et complète à l'Union des producteurs agricoles — ces autres producteurs que je me dois aussi de représenter parce qu'ils résident, ils vivent, ils font vivre des gens de mon comté — auront, grâce à la décision prise par le ministre de l'Agriculture, l'opportunité de venir en commission parlementaire et de soulever des problèmes particuliers.

M. le Président, je profite de l'occasion pour soulever quelques-uns de ces problèmes sur lesquels les producteurs que je mentionnais tout à l'heure vous donneront beaucoup plus de détails; je vais uniquement soulever certains points d'interrogation. Les producteurs de ma région, M. le Président, malgré les efforts faits par la régie, ne sont pas portés à vouloir prendre l'assurance-récolte telle qu'elle fonctionne présentement ou qu'elle a fonctionné pour différentes raisons. Je n'y reviendrai pas parce qu'on peut retourner jusqu'à l'époque où cela a été créé par la défunte Union Nationale, en 1968. Les raisons premières, à ce moment-là, ont peut-être été des raisons strictement politiques de la part des agriculteurs qui pouvaient subir préjudice de la part de certaines personnes à l'intérieur.

Il y a eu des améliorations depuis ce temps-là, mais, encore aujourd'hui, les producteurs, du moins de ma région, ne semblent pas portés à vouloir s'assurer. Par exemple, le ministre, mon collègue, autrefois de Stanstead, aujourd'hui d'Orford, mentionnait que l'assurance collective, en principe, c'est bien parce que vous aurez une participation de l'ensemble des producteurs et qu'à ce moment-là cela va coûter moins cher. Je dis oui au ministre. Ce principe, cet élément soulevé par le député d'Orford, je l'accepte, M. le Président, mais ce que je n'accepte pas dans le fonctionnement de la régie jusqu'ici, c'est que quelqu'un qui subit préjudice dans l'évaluation des dommages faite par la régie n'a droit à des appels que sur des questions de droit.

Il ne peut pas en appeler sur des questions de fait. Je suis persuadé, que si on trouvait le mécanisme permettant à ces producteurs d'en appeler des décisions de la régie non seulement sur des questions de droit, mais sur des questions de fait, c'est-à-dire l'évaluation des dommages qui sont faits sur les terrains, les agriculteurs, du moins ceux du comté de Saint-Jean, tous ceux que j'ai mentionnés tout à l'heure, accepteraient ce principe du système collectif. D'ailleurs, mon collègue de Gatineau me dit que c'est la même chose.

On nous dit, M. le Président, que la régie est un organisme quasi judiciaire. C"est vrai, et, règle générale, lorsqu'il y a un organisme quasi-judiciaire, il n'y a pas appel de ses décisions. Mais il ne faut pas oublier, M. le Président, que cet organisme quasi judiciaire, c'est lui qui décide ni plus ni moins des plans; c'est lui qui décide, après étude, du coût de

l'assurance, puis c'est lui en même temps qui décide de l'évaluation des dommages. Peut-être qu'il y aurait lieu d'envisager, à l'intérieur de la Régie de l'assurance-récolte, deux groupes, dont l'un s'occuperait justement de se pencher sur les problèmes des produits à être assurés, la façon de les assurer, etc., et l'autre verrait à évaluer les dommages, à se poser des questions de droit et de fait. On pourrait alors permettre aux agriculteurs d'en appeler non seulement des questions de droit, mais aussi des questions de fait.

M. le Président, les agriculteurs de mon comté ont l'impression — je veux que le ministre m'éclaire tout à l'heure dans son droit de réplique — que la Régie de l'assurance-récolte fonctionne en raison des sommes qui rentrent à chaque année de par les polices qui sont vendues. M. le Président, l'Association des manufacturiers de produits alimentaires du Québec, dans une lettre qu'elle me faisait parvenir, disait: "II va falloir qu'on envisage que la Régie de Passurance-récolle fonctionne peut-être de façon déficitaire pendant un certain nombre d'années pour réellement donner une véritable protection aux agriculteurs. Ce que les agriculteurs, du moins ceux du comté de Saint-Jean, veulent, c'est une vraie assurance-récolte qui couvre tous les préjudices qu'ils peuvent subir, mais parce que ce n'est pas prévu dans l'assurance-récolte, qu'on arrête de donner des subventions spéciales, quand arrive un événement spécial.

Qu'on prévoie ces choses-là à l'intérieur de l'assurance-récolte et l'agriculteur qui n'acceptera pas de s'assurer acceptera, s'il y a conflit de cette nature, M. le Président, d'en subir le préjudice et de ne recevoir aucune subvention...

M. LESSARD: M. le Président, je m'excuse, afin de permettre au député de Saint-Jean de prendre son souffle, je voudrais vous indiquer que nous n'avons pas quorum.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Qu'on appelle les députés. Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Merci. M. le Président, un problème que les producteurs de ma région ont vécu — ça ne se présente pas à tous les ans, mais ça peut se présenter pour une raison ou pour une autre — c'est ce qu'on appelle la période de préensemencement. Si je regarde le programme qu'on retrouve en Ontario, en plus de l'assurance-récolte pour différentes causes et différentes productions, on reconnaît l'option préensemencement.

La police — dit-on, toujours en Ontario — d'assurance-céréales de printemps garantit vos cultures depuis l'ensemencement jusqu'à la récolte. L'assurance préensemencement est une option supplémentaire qui fournil une indemnité pour assurer les frais que vous encourez avant l'ensemencement si des intempéries vous empêchent d'effectuer l'ensemencement. Celte précieuse protection est disponible — je le souli- gne — seulement à titre d'option supplémentaire si vous prenez — c'est-à-dire l'agriculteur, le producteur — une assurance pour vos céréales de printemps ou pour toute autre culture semée au printemps.

Il est impossible d'obtenir cette option préensemencement si, au préalable, vous n'avez pas l'assurance générale. Il y a eu une hausse exorbitante, qui est hors du contrôle du ministère de l'Agriculture, des engrais chimiques. Qu'il suffise de mentionner le nitrate ammoniaque qui, en 1972, se vendait $64 et qui, en 1974, se vend $121, une augmentation de 99 p.c. J'ai différents produits d'engrais chimiques où la hausse, en deux ans, s'échelonne entre 58 p.c. et 119 p.c. Le nitrate ammoniaque se vendait $99 et se vend $217, en 1974; donc, une augmentation de 119 p.c.

Vous avez des agriculteurs qui se servent, nécessairement, de ces engrais chimiques pour préparer leur sol. Arrive le temps des semences et à cause de la température ils sont dans l'impossibilité de semer dans la période prévue par la Régie de l'assurance-récolte. Le résultat est que non seulement ils ne peuvent pas assurer leur récolte mais ils perdent même ce qu'ils ont investi dans le sol pendant de nombreux jours et de nombreuses semaines dans le travail préparatoire à la semence. Ce sera soulevé à la commission parlementaire, ce sera expliqué par les gens avec beaucoup plus de détails et beaucoup plus d'ampleur que je pourrais le faire. Je tenais à soulever ce point qui, pour les agriculteurs de ma région, est extrêmement important.

Je sais, M. le Président, que le temps presse. J'aurai quelques petites questions à la fin. Le ministre pourra me répondre dans son intervention. On dit, par exemple, à un certain article qu'il y aura des représentants de différentes associations d'agriculteurs. J'aimerais qu'on envisage une possibilité. Je suis d'accord que massivement — au point de vue des associations d'agriculteurs qui participent à de tels comités, conseillers du ministre ou de la régie — on retrouve en très grand nombre, nécessairement, des producteurs de l'Union des producteurs agricoles, parce qu'on la retrouve pratiquement sur tout le territoire du Québec. Mais il peut y avoir, à certains moments, des productions spécialisées où on ne retrouvera pas, à l'intérieur des cadres de l'UPA, ces gens-là. Il y aurait peut-être lieu d'envisager de rencontrer ou d'essayer d'aller chercher, parmi ces différentes classes de producteurs, par exemple chez les jardiniers maraîchers, les producteurs de grain industriel, etc.

On dit que l'assurance protège contre l'action nuisible des éléments suivants, et on en énumère une grande série. Une des protections qu'on ne retrouve pas dans cette série, et cela cause de sérieux problèmes aux producteurs de ma région, c'est la protection contre les oiseaux. C'est de valeur. Le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche engage des gardes-chasse et des gardes-pêche pour empêcher les

gens de tuer les oiseaux, pour la protection de la faune, mais ces mêmes oiseaux vont manger les labeurs des producteurs dans les champs. Ne serait-ce pas une raison suffisante pour faire entrer dans l'assurance-récolte cette protection au nom de l'écologie, au nom de la protection de la faune?

M. LESSARD: Ou bien permettre la chasse.

M. VEILLEUX: Vous avez devant vous un député qui en sait quelque chose. A la Commission mixte internationale des eaux limitrophes, on est en train de retarder la solution au problème des inondations sous prétexte que les poissons ou les oiseaux dans les marécages du Vermont pourraient disparaître ou avoir certaines difficultés. Le ministre du Tourisme de la Chasse et de la Pêche protège les oiseaux au Québec, et je suis d'accord avec lui. Il y aurait peut-être lieu qu'on intercale à l'intérieur de l'assurance-récolte une protection pour celui qui travaille la terre, M. le Président. C'est cela, la raison principale pour laquelle on voudrait voir les oiseaux, par exemple, inclus dans l'article 24, du projet de loi. Je n'ai pas le droit de mentionner d'article, mais ce serait bon qu'on ait cela. Les gens vont venir vous le demander, M. le ministre, et là vous allez trouver un gars qui va prendre leur défense. C'est une raison parmi plusieurs que je vous mentionne. Même si ce n'était, M. le ministre, que pour raison écologique ou pour la protection de la faune...

M. BIENVENUE: Les oiseaux migrateurs dont je m'occupe.

M. VEILLEUX: Oui.

M. LESSARD: Vous pourrez rallonger la période de la chasse.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! Pourrais-je demander au député de Saint-Jean s'il ne pourrait pas nous réserver sa "diatribe" sur les oiseaux pour la commission parlementaire?

M. MAILLOUX: Est-ce que je pourrais demander à mon honorable collègue s'il faisait référence au seul discours qu'ait prononcé en Chambre, pendant 31 ans, l'ancien député de Yamaska?

M. VEILLEUX: M. le Président, je dirai au ministre, à mon bon ami le ministre des Transports, député de Charlevoix, que je ne fais que répéter ce que des producteurs m'ont dit, parce que je pense que c'est le rôle d'un député d'être le porte-parole des gens de son comté. Cela fait trois ans que je rencontre, trois ou quatre fois par année, en assemblée générale, les producteurs que je vous ai mentionnés tout à l'heure. Ce sont, les points de doléances qu'ils m'ont soulevés et c'est la première fois, M. le Président, que j'ai l'occasion, en Chambre, de me faire le porte parole de mes producteurs. Cela me fait plaisir de le faire; je ne crois pas que mes honorables collègues du parti ministériel comme de l'Opposition s'opposent à cela.

DES VOIX: Encore.

M. VEILLEUX: M. le Président, il y aurait différents autres points que je pourrais soulever. Comme mon temps est écoulé et que le ministre a accepté que le système collectif soit mis en retrait quelque peu, tant et aussi longtemps que la commission parlementaire n'aura pas été convoquée et que les séances ne se seront pas tenues, je tiens à lui dire, selon les discussions que j'ai eues avec mes producteurs chez nous, qu'on accepterait le principe du système collectif, à la condition qu'un producteur puisse non seulement en appeler des questions de droit, tel que le mentionne la loi, mais qu'on y ajoute aussi un appel aux questions de fait.

Sur cela, M. le Président, à la commission parlementaire, en janvier ou février. Bonjour!

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Richmond.

M. Yvon Vallières

M. VALLIERES: M. le Président, j'ai écouté très attentivement les propos que tenait le ministre de l'Agriculture du Québec, relativement au projet de loi no 20 portant sur le régime de l'assurance-récolle du Québec. Je dois vous faire remarquer que je l'ai trouvé fort convaincant.

Le gouvernement actuel a eu l'occasion de démontrer, tout dernièrement, qu'il désirait maintenir le milieu agricole québécois en lui fournissant un maximum de possibilités d'évoluer et de se raffermir. Le projet de loi no 20, si bien présenté par le ministre de l'Agriculture, démontre, une fois de plus et de façon très certaine, la volonté du gouvernement actuel d'investir dans le domaine agricole, non seulement de maintenir ce secteur clé de notre économie, mais de lui assurer toutes les garanties nécessaires à son développement.

J'ai eu l'occasion de discuter avec beaucoup d'agriculteurs de mon comté au sujet de l'assurance-récolte facultative, d'une part, et de l'assurance-récolte obligatoire, d'autre part. Suite à ces consultations dans mon milieu, je ne peux que qualifier de très sage la décision du ministre de procéder en deux étapes pour ce qui est de l'acceptation de son projet de loi.

En effet, plusieurs agriculteurs sont, actuellement, insatisfaits de la façon dont ils sont couverts par le programme d'assurance-récolte du Québec. Plusieurs points à relever sont d'ordre technique, d'autres portent sur le fond même de la question, à savoir: doute du principe même de l'assurance-récolte.

Mais les oppositions plus marquées se font

définitivement sentir du côté de l'assurance-récolte obligatoire. Il est assez difficile, au moment présent, d'exiger que tous les agriculteurs du Québec acceptent une politique visant à créer un régime obligatoire pour tous, alors que celui qui est facultatif présente plusieurs déficiences. Bien sûr, de nombreuses lacunes ont été constatées au niveau de l'ancien régime d'assurance-récolte, mais il s'agit là d'un phénomène quand même récent et d'un domaine dans lequel le Québec innove.

Mais ce qu'il est très important de souligner, c'est le fait que le ministre de l'Agriculture est conscient des problèmes que pose la mise en application du régime d'assurance-récolte. Les lois sont toujours désirées les plus parfaites possible. Mais il demeure qu'elles sont construites et votées par des humains. Ce qui est primordial, c'est d'accepter d'apporter des modifications à une loi quand nous jugeons qu'elle peut être améliorée. C'est ce que j'appelle prendre ses responsabilités, indépendamment de la petite politique partisane qui sera faite pour critiquer les gestes passés et présents.

Il est absolument nécessaire de faire preuve de réalisme face au projet de loi actuel. Il est tout à fait normal, en tant qu'élus du peuple, que nous ne soyons pas tous d'accord sur le présent projet de loi, surtout en ce qui concerne les modalités de son application. Mais il demeure, cependant, que la très grande majorité des parlementaires en cette Chambre se mettent d'accord sur les principes fondamentaux du projet de loi. Aussi, quand il s'agit de s'entendre sur un principe qui veut que les récoltes des agriculteurs du Québec soient assurées le plus efficacement possible et aux prix les plus bas possible, personnellement, je ne peux qu'être favorable à un tel principe.

Je voterai donc en faveur du projet de loi no 20, mais il sera toujours présent à mon esprit qu'en ce qui concerne l'application du système d'assurance obligatoire, le ministre entreprendra une vaste consultation très franche et ouverte avec les gens concernés afin de ne pas imposer un système qui n'obtiendrait pas l'assentiment de la majorité des agriculteurs du Québec.

Il me paraft de la plus grande importance de faire la preuve que le système d'assurance facultative peut rendre un bon service à l'agriculteur québécois avant de lui demander de consentir à participer à un plan obligatoire car, que nous le voulions ou non, et c'est logique, l'agriculteur voudra associer les deux systèmes d'assurance. Quand nous parlons d'assurance-récolte au Québec, les gens font immédiatement référence au système actuellement en place, et quand nous parlons d'une assurance-récolte obligatoire, on veut aussitôt la comparer au système actuel qui a tout de même laissé des traces derrière lui qui permettent de l'évaluer.

Mais vous me permettrez de me servir d'un vieux dicton bien connu. On entend souvent ça dans nos milieux: A cheval donné, on ne regarde pas la bride, mais à achevai acheté, on regarde la bride. C'est le cas de l'assurance-récolte.

Mais il demeure — et je pourrais apporter des exemples très précis — que dans plusieurs cas ou circonstances, nombreux sont les agriculteurs de mon comté qui auraient pu tirer avantage d'un régime d'assurance-récolte obligatoire. Je sympathise avec tous ceux-là qui, souvent, auraient un besoin réel d'aide, laquelle serait génératrice d'un élan nouveau et d'un dynamisme indispensable au bon fonctionnement de l'entreprise.

Mais, comment assurer celui qui paie et assurer l'autre qui ne paie pas? Ce ne serait plus de l'assurance, ce serait un don gouvernemental de façon pure et simple. Indemniser ceux qui ne participent pas au plan d'assurance-récolte équivaudrait à la fin certaine de cette mesure et ce serait dommage car beaucoup d'éléments positifs jouent en faveur de son maintien.

J'espère que les agriculteurs du Québec, au cours des quelques mois qui précéderont la prise de décision, feront part à leurs députés respectifs de leurs interrogations et de leurs suggestions.

Le plan d'assurance-récolte qui sera adopté se veut le leur et, plus leurs élus seront sensibilisés à leurs propositions, plus le résultat répondra à leurs attentes.

Le ministre de l'Agriculture désire le dialogue et l'échange. Qu'on s'en serve et l'agriculture ne s'en portera que mieux au Québec. Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Lafontaine.

M. Marcel Léger

M. LEGER: M. le Président, nous sommes en train d'étudier le projet de loi no 20, que nous aurions voulu diviser en deux — cela n'a pas été possible, M. le Président — parce qu'il y a une partie de ce projet de loi sur laquelle nous aurions pu être d'accord.

Malheureusement, nous allons être obligés, du fait que... Est-ce que la tarte au citron à quelque chose à dire encore?

M. TARDIF: ... sais-tu de quoi tu parles pour commencer?

M. LEGER: M. le Président, est-ce que j'ai la parole? Le député d'Anjou veut m'interrompre.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui mais je vous ai donné la parole...

M. LEGER: II serait bon de les nommer, quand ils parlent, comme cela, incognito...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LEGER: ... de façon impunie.

M. le Président, j'étais en train de dire qu'il y a un aspect de ce projet de loi sur lequel nous aurions pu être d'accord. Mais, comme votre prédécesseur nous a dit que c'était indivisible, nous devons donc nous opposer spécialement à la partie obligatoire de ce projet, c'est-à-dire l'assurance collective, puisque, l'assurance individuelle, les agriculteurs auraient pu choisir de s'y abonner comme de ne pas le faire. A ce moment-là, M. le Président, c'était permettre aux cultivateurs un choix selon leurs désirs, selon leurs moyens, selon leurs possibilités et selon les revenus qu'ils voulaient protéger.

Or, pendant qu'au Québec on s'apprête à rendre obligatoire, par ce projet de loi, l'assurance-récolte à 70 p.c. de la récolte, il semble que l'Ouest du Canada se dirige plutôt vers un programme plus intéressant d'assurance-revenu.

M. le Président, on sait qu'il y a une grande différence entre l'assurance-récolte que nous propose le bill 20 et l'assurance-revenu. L'assurance-récolte, M. le Président, comme vous le savez fort bien, est une forme de protection contre le risque de perte de la récolte, au moyen d'une garantie de rendement minimum de 70 p.c, ce qui est le cas ici. Mais, dans l'Ouest, les autres cultivateurs du Canada auront un projet de loi fédéral qui va toucher l'assurance-revenu, qui est une garantie au cultivateur d'un revenu minimum pour son exploitation agricole.

M. le Président, je pense que le but du projet d'assurance-revenu serait de protéger les producteurs de l'extrême variabilité du revenu qui résulte des fluctuations du marché et non pas uniquement des problèmes de température ou de mauvaise année de récolte. Cela permettrait aussi aux producteurs de suivre les tendances du marché mais sans ces cycles par à-coups, ce qu'on appelle des "stop-go cycles", qui caractérisent la production agricole.

M. le Président, est-ce qu'il est plus important d'avoir une assurance sur la récolte ou une assurance sur le revenu? Le problème est posé tout entier. C'est la raison pour laquelle nous pensons que le projet de loi actuel devrait être reporté pour permettre à une commission parlementaire d'entendre les agriculteurs avant que nous, comme représentants du peuple, ayons à voter sur un principe de loi.

D'ailleurs, M. le Président, la plupart des agriculteurs se sont déjà prononcés contre une assurance-récolte obligatoire. Une assurance-récolte individuelle et libre, facultative, il n'y a pas de problème de ce côté, M. le Président, mais les différents agriculteurs du Québec se sont prononcés, dans différentes régions, contre ce projet.

Je prends pour exemple la Fédération de l'UPA de Québec-Ouest, qui disait, dans le Nouvelliste, que le texte de loi avait profondément déçu les participants, qui ont constaté que la loi proposée donne aux cultivateurs très peu de ce qu'ils espèrent de cette nouvelle loi. Ils disent que les pertes ne sont compensées qu'à 70 p.c. Déjà une faille du projet de loi présenté. On ne tient pas compte de la valeur de remplacement. Les primes à payer ne sont pas déterminées de façon précise et la presque totalité des représentants de la classe agricole de cette région se sont prononcés contre l'adoption du projet sous sa forme actuelle.

Cela, c'étaient les gens de Québec-Ouest. Plus loin, M. le Président, les agriculteurs de l'UPA de Joliette se prononçaient contre, justement, en disant qu'ils s'opposaient du fait des 70 p.c. et' que ça ne tenait pas compte des pertes locales pour telle ou telle production spécifique.

De plus, les remboursements iraient tout autant à ceux qui ont été victimes de sinistres qu'à ceux qui n'ont rien subi. Cette répartition égalitaire et générale est injuste et c'est une autre raison pour laquelle nous allons voter contre ce projet de loi en deuxième lecture.

Donc, la Fédération de l'UPA de Normandie disait, au mois de septembre dernier, que l'assemblée complète s'était catégoriquement opposée à l'assurance-récolte obligatoire, surtout que la loi prévoit de prendre à la source les frais nécessaires. Selon eux, le producteur devrait être libre de s'assurer ou pas et non pas y être obligé. De plus, l'assurance collective, l'assurance calamité devrait tenir compte de la vaste étendue des zones pour son application.

Plus loin, on est rendu à la Fédération de l'UPA de la côte sud, qui disait récemment, dans le Soleil, qu'elle s'en était prise au principe même de l'entrave à la liberté individuelle et aux déductions automatiques de primes. L'objection principale soulignait l'insuffisance, sinon l'inutilité d'un projet qui ne garantirait les récoltes qu'à raison de 70 p.c, laissant ainsi les agriculteurs assujettis à des évaluations unilatérales et discrétionnaires quant aux pertes initiales sur les premiers 30 p.c. des récoltes.

D'autres se sont prononcés. Les agriculteurs de l'UPA de la région de Lanaudière, eux, ont rejeté de façon unanime l'actuel projet de loi qui vise à amender la Loi de l'assurance-récolte.

Tous ces gens auraient certainement de bonnes solutions ou de bons amendements à présenter lors d'une commission parlementaire. Mais, malheureusement, on nous force à nous prononcer, nous, les représentants du peuple, sur le principe alors que ceux qui sont directement impliqués s'y opposent de plus en plus dans toutes les régions du Québec.

On pourrait parler maintenant de la région de Sainte-Geneviève-de-Batiscan, où les membres de l'UPA se sont carrément opposés à l'adoption par le gouvernement provincial de cette loi sur l'assurance-récolte. Les producteurs de ce secteur ne veulent rien savoir d'un système obligatoire qui permettra, une fois de plus, au gouvernement de venir fouiller dans les poches des cultivateurs.

Maintenant, on est rendu dans l'Estrie, on fait le tour du Québec. Les représentants de

l'UPA de l'Estrie nous ont dit qu'ils ne veulent absolument pas cette assurance collective obligatoire. Ils soutiennent qu'une bonne partie d'entre eux ne veulent pas s'assurer parce que les montants qu'ils retirent ne couvrent même pas le montant de la prime qu'ils doivent payer, que les règlements sont beaucoup trop lents et qu'ils ne veulent pas payer pour les autres. Ils se disent prêts à lutter contre ce projet de loi. Nous sommes rendus à l'Estrie.

Si on revenait un peu plus près, il y a justement un député qui était ici tantôt, qui a parlé, le député de Nicolet, je pense, qui aurait dû voir que les cultivateurs représentant l'UPA de Nicolet se sont prononcés en grande majorité contre cette formule obligatoire. On a même dit: C'est un bateau, semble-t-il, qui serait régi par un fonctionnarisme très lent et une assurance pour le gouvernement et non pour l'agriculteur. Cependant, il y a place pour l'amélioration de la formule actuelle. C'est donc dire qu'à une commission parlementaire, ces gens auraient peut-être pu apporter des amendements au ministre.

Maintenant, je dirais encore que d'autres ont proposé, les producteurs agricoles de la Mauri-cie, dans la région près du ministre actuel, et ont adopté à l'unanimité, M. le Président, une résolution: Que le ministère de l'Agriculture du Québec retire son nouveau projet d'assurance-récolte obligatoire et que le gouvernement apporte des amendements à l'ancienne loi pour la rendre plus efficace. Vous voyez que ce projet de loi ne fait pas l'unanimité et qu'un grand nombre de cultivateurs s'opposent même à ce projet de loi. D'autant plus qu'il faut tenir compte des fédérations régionales, il faut tenir compte des fédérations sectorielles, il faut tenir compte de l'association provinciale de l'Union des producteurs agricole, il faut tenir compte des producteurs particuliers comme les producteurs de lait industriel, les producteurs d'oeufs, les éleveurs, tous les agriculteurs, M. le Président, qui voient non pas une assurance sur le revenu mais une assurance sur les récoltes.

M. le Président, de tous les endroits où nous avons pu entendre des échos, les gens ne sont pas d'accord, et on a même eu de vives critiques du député qui était près de moi tantôt, le député de Gatineau; justement, les agriculteurs de son comté et du comté voisin, le comté de Papineau, étaient très mécontents du traitement qui leur a été offert par la Régie de l'assurance-récolte du Québec. Ils ne se sont pas gênés pour le faire savoir au président de cet organisme. Tout d'abord, les producteurs agricoles ont protesté contre le fait que les dossiers des réclamants, compilés par les fonctionnaires du bureau de la Régie de l'assurance-récolte, ne correspondent pas aux fiches de paiements qui ont été envoyés aux agriculteurs par la régie. Il en résulte qu'un très grand nombre d'abonnés de l'assurance-récolte de ce comté ont reçu des montants moindres que prévus. Ils accusent la régie de ne pas avoir respecté les contrats qu'elle a signés avec les agriculteurs; les producteurs agricoles reprochent également la lenteur de la régie à réviser les attributions de rendement en ce qui concerne les récoltes de mais, ce qui retarde d'autant le paiement des indemnisations à payer aux abonnés. Les agriculteurs sont également mécontents du retard de la régie à payer les réclamations, en général pour l'année 1973. Plusieurs affirmaient que, par conséquent, ils hésiteraient même à renouveler leur prime.

On voudrait adopter à la vapeur un projet de loi sans entendre toutes ces recommandations de ceux qui sont directement concernés. Ces critiques, M. le Président, ne sont en fait qu'un exemple localisé d'un malaise plus général. Dernièrement, le ministre de l'Agriculture lui-même faisait état du peu d'intérêt des producteurs pour ce programme, en mai 1974, qu'il tenait en partie responsable d'un déficit annuel régulier de la régie. Plein de bonne volonté, le ministre promettait alors de rendre le programme plus intéressant pour le producteur qui fait de la gestion.

M. le Président, est-ce que j'ai toujours la parole ou si c'est le député d'Anjou qui a la parole?

M. LEDUC: ... tantôt.

M. LEGER: Le député de Taillon, M. le Président, si vous voulez le rappeler à l'ordre.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. LEDUC: Faites un discours intéressant.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): J'inviterais les honorables députés dont on n'entend que faiblement les voix à écouter religieusement l'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, je pense que la meilleure manière...

M. LEDUC: On veut bien l'écouter, M. le Président, mais ce n'est pas un cadeau!

M. LEGER: ... d'arrêter les poules de crier dans le poulailler, c'est peut-être de nommer leurs noms...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. LEGER: ... de façon qu'elles n'agissent pas...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous avez demandé la parole? A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! Je pense qu'au cours des dernières semaines, j'ai demandé assez souvent ainsi que les autres présidents la collaboration des honorables membres de l'Assemblée. Il reste quelques minutes.

M. LEGER: M. le Président, la meilleure façon, c'est de nommer le député récalcitrant, il ne s'en tirera pas impunément.

Les gens sauront qu'il interrompt les députés. Vous savez, M. le Président, sur le point de règlement, quand un député est...

M. DUFOUR: Lis ton discours. Pertinence du débat.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Vous êtes à l'intérieur même de votre intervention. Vous faites un point de règlement sur votre propre intervention.

M. LEGER: Je voulais seulement vous demander ceci: Quand on relit le journal des Débats et qu'un député est en train de faire une intervention...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LEGER: ... assez intéressante et qu'on voit le Président dire à l'ordre, à l'ordre, les gens qui lisent le journal des Débats se disent: C'est le député qui parle que le président met à l'ordre. Alors, ce sont les députés qui ne sont pas intéressés qui parlent, qui crient et qui chicanent.

M. TARDIF: Tu ne sais pas de quoi tu parles.

M. LEGER: Alors, nommez les députés qui sont hors d'ordre. A ce moment-là, au journal des Débats, on saura pourquoi ça allait mal dans les discours, M. le Président, et que cela ne s'adresse pas au député qui parlait.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je dois vous dire — vous me permettrez un peu d'humour à cette heure-ci — que, pour des raisons bien personnelles, je lis rarement le journal des Débats.

M. LEGER: J'apprécie votre humour, M. le Président. Alors, j'étais en train de dire que le ministre était plein de bonne volonté. A ce moment-là, il promettait de rendre les programmes plus intéressants pour le producteur qui fait de la gestion. Depuis lors, il s'est bien rendu compte qu'il n'avait pas les moyens financiers de rendre son programme plus intéressant, afin que les producteurs s'y abonnent en grand nombre et avec empressement. Il l'a donc rendu obligatoire. C'est qu'il sait fort bien que les producteurs n'y souscriront que si on les force. La preuve, ce sont les différents exemples de groupes de cultivateurs de l'UPA des différentes régions du Québec qui eux-mêmes s'opposent à ce projet de loi là.

D'autres échos nous sont venus d'ailleurs au Québec qui montrent que, surtout depuis un an ou deux, les nouvelles normes d'application de la Loi de l'assurance-récolte sont fortement contestées. Dans le numéro du 10 octobre 1974 du journal Le Voltigeur, on apprenait qu'un certain nombre d'agriculteurs de la région de Saint-Germain s'étaient récemment adressés à l'Ombudsman, pour obtenir justice de traitements pour le moins étranges de la part de l'assurance-récolte. On y lit ce qui suit: "De l'avis de cultivateurs de plus en plus nombreux, la Régie de l'assurance-récolte a décidé, depuis quelques années, de rentabiliser le système aux dépens des assurés. Les prétentions des agriculteurs sont toutes du même ordre. La régie attribue effrontément les pertes à la négligence et à l'incompétence d'agriculteurs, refuse de les entendre, refuse de croire leur déclaration et celle des inspecteurs et, bien entendu, refuse de payer. Tous ces cultivateurs, après avoir épuisé tous les recours administratifs, ont décidé de demander à l'Ombudsman d'intervenir."

Nous sommes actuellement à la fin de l'automne 1974. Déjà, en mai dernier, lors de la tenue de la commission permanente de l'agriculture, au cours de l'étude des crédits, mon confrère du Parti québécois avait cité un extrait du rapport de l'an dernier du Protecteur du citoyen. Celui-ci concernait justement le sort de ces producteurs agricoles qui s'étaient adressés à lui déjà pour obtenir justice suite à des agissements irréguliers de la régie. Il écrivait: "Les réclamants se voyaient régulièrement imposer après coup des modifications importantes à leur contrat d'assurance, sous prétexte que les rendements escomptés et prévus étaient inexacts et une partie des pertes qu'ils avaient subies était quasi systématiquement attribuée sans autre forme de procès à leur négligence, plutôt qu'à une cause indépendante de leur volonté. Ces procédés autoritaires d'ajustement, d'ailleurs basé sur des moyennes régionales et non sur des preuves précises, cadraient mal avec les principes d'un système d'assurance à contrat individuel."

Il ressort de ceci, M. le Président, que l'assurance-récolte semble administrée encore de la même façon que le déplorait le Protecteur du citoyen il y a plus d'un an, ce qui n'est rien pour attirer la clientèle qui persiste à demeurer en dessous des 25 p.c. de l'ensemble des agriculteurs québécois.

Aussi, nous sommes donc opposés au projet de loi tel quel tant que nous n'aurons pas entendu, avant de voter sur le principe, les agriculteurs venir s'exprimer en commission parlementaire. Peut-être à ce moment-là verrons-nous que le agriculteurs sont beaucoup plus intéressés à une assurance-revenu qu'à une assurance-récolte. Les moyens d'obtenir une assurance-revenu, ce serait un plan d'assurance sur une base volontaire, c'est-à-dire obligatoire pour ceux qui débutent, dans certains cas, et pour les producteurs de grain, puis pour le bétail, les porcs, etc. L'assuré pourrait contribuer quelque 2 p.c. des revenus nets de sa production et le gouvernement pourrait ajouter

à la caisse un montant double de la contribution du fermier.

Le gouvernement pourrait supporter, sur une base de marge de profit assurée, une "margin after cost basis". Cette marge de profit, qui pourrait être autour de 90 p.c, pourrait être sujette à indexation. Le programme pourrait commencer au début de l'année prochaine pour les producteurs de grain et devrait fonctionner sur une base actuarielle. A ce moment-là, le support maximum de l'assurance pourrait être fixé autour de $25,000, comme le propose le projet de loi d'un gouvernement responsable, qui est le gouvernement fédéral, qui s'occupe très bien des agriculteurs de l'Ouest alors qu'au Québec on se pose la question: Est-ce que le ministre de l'Agriculture du Québec s'est demandé si les agriculteurs québécois ne préféreraient pas cette optique, ou devront-ils déménager dans l'Ouest du Canada pour avoir justice?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je demande la suspension de la séance.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion de suspension est-elle adoptée? Il est six heures moins cinq.

UNE VOIX: Adopté. DES VOIX: Adopté.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Adopté.

M. LEVESQUE: Qui a demandé la suspension?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Chicoutimi a demandé la suspension du débat.

M. LEVESQUE: Ah bon! M. le Président, je propose que nous suspendions nos travaux jusqu'à vingt heures quinze.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.

Suspension de la séance à 17 h 55)

Reprise de la séance 20 h 21

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Chicoutimi.

M. Marc-André Bédard

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, au stade où nous en sommes de la deuxième lecture, le ministre, cet après-midi, a dit très précisément — je me réfère au journal des Débats — que le gouvernement était là pour prendre les décisions de principe, en parlant de la nécessité de se prononcer dès maintenant, avant qu'il y ait une commission parlementaire, sur le principe de la Loi sur l'assurance-récolte, le projet de loi no 20.

M. le Président, le gouvernement est là, d'accord, pour faire des votes de principe sur des principes, mais également pour aboutir à des solutions pratiques. Pour une fois que le gouvernement semble mettre l'accent sur les principes, je crois qu'il le fait avec une certaine difficulté. Peut-être que le gouvernement ou le Parti libéral est très peu habitué à manier les principes comme tels. On s'aperçoit que, lorsqu'il décide de le faire, il le fait avec difficulté et en les accumulant, comme on le voit au niveau de ce projet de loi, pêle-mêle. Ainsi il est difficile, lorsqu'on a à voter, d'exprimer un vote qui soit très décisif quant aux principes eux-mêmes, parce qu'on s'aperçoit — le ministre même l'a reconnu, M. le Président — qu'à l'intérieur du projet de loi no 20 il y a deux principes. L'un concerne l'assurance-récolte facultative ou individuelle, et un autre concerne l'assurance obligatoire.

Ce qui veut dire que, lorsqu'on a voter sur ce projet de loi, on peut facilement — c'est le cas au niveau de l'Opposition — être d'accord sur le principe de l'assurance facultative et l'assurance individuelle et être en désaccord, comme des milliers d'agriculteurs le sont à l'heure actuelle dans le Québec, sur l'autre principe, à savoir celui d'imposer, d'une façon générale, l'assurance obligatoire.

Lors de son exposé, le ministre de l'Agriculture a fait grand état de la consultation qu'il a faite, selon ses dires, concernant ce projet de loi. Entre autres, je cite ses propres paroles de cet après-midi: "Dans la région du Bas Saint-Laurent, le congrès régional — dit-il — ne s'est pas prononcé contre ce projet de loi. Dans la région des Cantons de l'Est, non plus. La région des Laurentides, non plus. La région de l'Abiti-bi, non plus. Le Nord-Ouest québécois, non plus". Selon les consultations qu'il semble avoir eues dans ces régions, les remarques étaient à l'effet que ce projet de loi semblait avoir de l'allure et que le sentiment général était de l'essayer et de voir après.

Peut-être qu'une telle attitude peut se justifier pour des gens qui n'ont pas à légiférer, qui, il faut le comprendre, peuvent difficilement

faire la distinction sur toutes les implications d'une loi. Mais il me semble que, comme ministre de l'Agriculture, ce dernier, au niveau d'un projet de loi qu'il veut faire accepter par cette Assemblée nationale dans l'intérêt des agriculteurs, devrait s'attendre non pas à des silences de la part des régions mais à beaucoup plus d'approbation que ce qui a été exprimé, selon ses paroles mêmes.

D'ailleurs, au niveau de cette consultation dont le ministre nous a fait état, disons qu'il a une drôle de définition de la consultation. Il a également un drôle de comportement et un drôle de raisonnement concernant ce que peut être une vraie consultation.

Cet après-midi, alors qu'il m'interrompait, il nous a donné une définition de ce qu'il appelle ou de ce qui semble être pour lui une consultation efficace. Le ministre déclarait exactement ceci, tel que consigné au journal des Débats: "Par exemple, est-ce que le député de Chicoutimi serait d'accord avec moi pour dire si, quand je rencontre le Conseil général de l'UPA, qui est composé d'une quarantaine de bonshommes, et que je passe une heure avec eux à huis clos, et que je discute des programmes avec eux, c'est de la consultation ou non"?

Il poursuivait: "Quand je vais passer une heure et demie au congrès avec les producteurs agricoles, à Québec, et qu'aucun d'entre eux ne me parle de ce problème, est-ce que ce n'est pas, là aussi, de la consultation"?

Autrement dit, le ministre, lorsqu'il va dans un congrès, non pas pour faire un "show", mais pour y assurer une présence — cela peut être normal, pour un ministre de l'Agriculture, d'assurer une telle présence au niveau de ces congrès d'agriculture — semble tenir pour acquis que, lorsque personne ne lui parle d'un projet de loi, que, premièrement, c'est de la consultation. Il va même plus loin, il tire la conclusion qu'ils ne sont pas contre et, avec très peu de nuances, va même jusqu'à laisser entendre que, s'ils ne sont pas contre, s'ils ne lui en ont pas parlé, donc ils sont pour.

Je crois que c'est un raisonnement, à mon humble avis, M. le Président, très simpliste, qui ne doit pas être à la base d'une véritable consultation à laquelle doit s'astreindre un ministre de l'Agriculture qui est en train d'élaborer un projet de loi censé représenter au moins une solution aux problèmes de toute une classe, peut-être une des plus défavorisées, la classe des agriculteurs.

Je lui faisais remarquer que, même dans ces consultations avec les gens de l'UPA ou certaines associations qui représentent plusieurs agriculteurs, il se pouvait très bien que ces associations puissent être, d'une certaine façon, non réticentes au projet de loi, mais, d'autre part, aient pu ne pas avoir l'occasion de consulter leurs membres avant d'expliciter leur position au ministre ou encore de ne pas faire d'opposition.

Le ministre a répondu que ce n'était pas ses problèmes de savoir si, effectivement, les organismes qu'il consultait avaient, eux, consulté leurs membres pour lui donner au moins la conviction qu'ils étaient représentatifs de l'ensemble de leurs membres. Peut-être que ce n'est pas tellement important, l'aspect représentativité des organismes ou du moins la certitude qu'il y a eu une consultation. Je comprends que cette importance était beaucoup plus soulignée par le gouvernement lorsque l'on parlait de la représentativité des groupes qui sont venus comparaître lors de l'étude de la loi 22.

Lorsqu'on regarde les oppositions à ce projet, pas les silences, pas ceux qui n'ont pas été consultés, pas ceux qui n'en ont pas parlé au ministre, mais lorsqu'on regarde les oppositions à ce projet, je me dis que ce n'est pas d'une deuxième lecture qu'aurait besoin le ministre de l'Agriculture, mais plutôt d'une dixième ou d'une quinzième lecture. Le ministre pourrait réaliser jusqu'à quel point, en fait, son projet de loi, qui à l'origine est sûrement le fruit de bonnes intentions, à savoir celle de régler le problème des agriculteurs, d'une part, en règle peut-être une partie quand on parle de l'assurance individuelle, en cela l'Opposition est d'accord, mais ne règle pas les problèmes des agriculteurs — du moins par les réactions qu'il a pu percevoir — au niveau du principe de l'établissement de l'assurance obligatoire, puisqu'on a refusé ce matin, de convoquer au préalable une commission parlementaire pour permettre à ces agriculteurs de se faire entendre.

Car il y a beaucoup d'oppositions et j'espère que le ministre a eu l'occasion d'en prendre connaissance. Ce sont des oppositions très catégoriques au projet de loi surtout pour la partie concernant l'assurance-récolte. Entre autres, la Fédération de l'UPA de Québec-Ouest disait ceci: Le texte de loi a profondément déçu les participants qui ont constaté que la loi proposée donne aux cultivateurs très peu de ce qu'ils espèrent de cette nouvelle loi. Les pertes ne sont compensées qu'à 70 p.c. On ne tient pas compte de la valeur de remplacement. Les primes à payer ne sont pas déterminées de façon précise.

La presque totalité des représentants de la classe agricole s'est prononcée contre l'adoption du projet de loi sous sa forme actuelle. Egalement, la fédération de l'UPA de Joliette exprimait son opinion en disant que quant à l'assurance collective — encore une fois, concernant l'assurance individuelle, pas de problème, cette partie du projet de loi -- on s'oppose, disait-elle parce qu'elle ne couvre que 70 p.c. des perte; d'une région et ne tient pas compte des perte: locales pour telle ou telle proportion spécifique De plus, les remboursements vont tout autant à ceux qui ont été victimes des sinistrés qu'à ceux qui n'ont rien subi; cette répartition égalitaire et générale est injuste, croit-on.

Ce sont des réactions; il est important d'en

tenir compte. Ce ne sont pas des silences; ce ne sont pas des omissions de parler du problème au ministre lorsqu'il parcourt les régions en tournée, je ne dirai pas électorale mais disons avec une très forte saveur électoraliste. Egalement, la fédération de l'UPA de Normandie, dont on dit ceci: L'assemblée s'est catégoriquement opposée à l'assurance-récolte obligatoire, surtout que la loi prévoit de prendre à la source les frais nécessaires. Selon elle, le producteur devrait être libre de s'assurer ou pas et non pas y être obligé. De plus, l'assurance-calamités collective devrait tenir compte de la vaste étendue des zones pour son application.

Et cela continue, M. le Président. En fait, ces critiques rejoignent en grande partie celles que j'ai entendues de la part des agriculteurs et de certains groupes d'agriculteurs que j'ai eu l'occasion de rencontrer ou qui ont communiqué avec nous concernant ce projet de loi. J'en faisais d'ailleurs état cet après-midi lorsque nous avons eu l'occasion d'intervenir sur la motion demandant la convocation d'une commission parlementaire pour entendre les agriculteurs. Ces inquiétudes auxquelles les régions ou d'autres fédérations de l'UPA, que ce soit Québec-Ouest, que ce soit Joliette, Normandie, que ce soit de la côte sud, ces inquiétudes ou encore ces prises de position sont assez catégoriques contre l'aspect du projet de loi qui présente l'assurance-récolte obligatoire.

Cela rejoint des remarques et des appréhensions qui m'ont été formulées par des agriculteurs et des groupes d'agriculteurs.

Le ministre laissait entendre, cet après-midi, qu'au niveau de la région, il avait eu l'occasion de rencontrer certains organismes représentatifs — je ne mets en aucune façon en doute sa parole là-dessus— mais que ces organismes représentatifs ne lui avaient pas signifié une objection profonde au projet de loi concernant l'assurance obligatoire. Encore là je suis prêt à faire confiance à la parole du ministre, mais il reste que les remarques qui m'ont été faites par des agriculteurs, peut-être d'une façon individuelle, rejoignent quand même des positions qui ont été prises par l'ensemble de certaines fédérations ailleurs que dans la région. Ce qui veut dire, — maintenant c'est peut-être trop tard pour en parler — que cela aurait rendu d'autant plus importante la tenue d'une commission parlementaire pour entendre les agriculteurs, pas seulement les organismes, parce qu'à intérieur de certains organismes, à l'intérieur de certaines régions, il peut exister des agriculteurs — et je n'ai pas à les quantifier— qui, activement, ne sont pas d'accord ou peu d'accord sur certaines prises de position faites par leur organisme et qui auraient pu se faire entendre à une commission parlementaire pour soit se faire rassurer ou tout au moins avoir les applications nécessaires.

Quant à l'assurance, également, la nouvelle loi de l'assurance obligatoire, même de la part de l'UPA par la voix de son président, M. Paul

Couture, au mois de juillet 1974, elle avait déjà, à ce moment-là et c'est normal, fait l'objet de certaines réserves. Il disait entre autres ceci: "Sans porter de jugement de valeur sur le nouveau projet de loi no 20, les dirigeants de l'UPA, dont le président, M. Paul Couture, tiennent cependant à réaffirmer leur volonté d'étudier scrupuleusement le projet de loi avant son adoption. Pour cela il leur faut du temps. Il ne serait pas bon, disent-ils, qu'un tel projet soit adopté à la vapeur. "Les agriculteurs devraient pouvoir l'étudier à loisir au cours des prochains congrès régionaux et présenter les recommandations ou les amendements qu'ils voudraient voir insérer en commission parlementaire, s'il y a lieu".

Au moment où on se parle, je crois que le ministre a fait état du fait que l'UPA a vu la nécessité — étant donné ses remarques, c'est normal; c'est une suite logique — de voir à la formation d'un comité qui aurait des recommandations à faire concernant ce projet. Cela veut dire que, quand même, ses représentants ne sont pas branchés d'une façon définitive.

Dans un mémoire qui était adressé au ministre de l'Agriculture par l'UPA concernant l'assurance-récolte, on faisait état que "le congrès de l'UPA est justement en train de faire une évaluation des résolutions émanant des conseils régionaux de cet organisme au sujet de l'assurance-récolte. Le ministre Toupin devrait attendre de voir la position que prendra, à ce sujet, l'UPA réunie en congrès. A l'unanimité, les conseils régionaux — il y a eu une consultation — ont rejeté le projet de loi no 20 pour les raisons suivantes: parce qu'ils sont contre le caractère obligatoire de l'assurance, contre la perception à la source des primes et cotisations, contre la couverture à seulement 70 p.c. de l'assurance de groupe, basée sur la production de zone". Ils ajoutaient un commentaire, disant que "c'était un autre moyen de venir fouiller dans la poche des cultivateurs".

En fait, toutes ces expressions d'opinions par des organismes qu'on dit représentatifs et valables, j'en conviens, ainsi que les appréhensions qu'ils formulent au ministre de l'Agriculture rejoignent, encore une fois, des appréhensions qui m'ont été, d'une certaine façon, exposées par des agriculteurs, en particulier. A ce stade de la deuxième lecture, je crois justement de mon devoir de me faire l'écho de ces agriculteurs.

J'essaie d'acheminer, ici à l'Assemblée nationale — je ne me fais pas d'illusion sur le résultat, mais il reste une chose, je crois que mon devoir de le faire — les appréhensions et les remarques de ces agriculteurs concernant le projet de loi de l'assurance-récolte. D'ailleurs cet élément, cette obligation que nous avons à titre de porte-parole, au niveau d'un comté, d'acheminer les appréhensions ou les remarques de nos électeurs, ce principe ou ce devoir a été énoncé également par le député de Saint-Jean lorsqu'il a fait son intervention sur le projet de loi. M. le

Président, c'est non pas à titre d'expert, mais simplement pour ces considérations que je croyais de mon devoir d'intervenir à ce stade-ci sur ce projet de loi.

Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. Jacques-Yvan Morin

M. MORIN: M. le Président, c'est depuis 1967 que nous avons une Régie de l'assurance-récolte au Québec. Cette régie a été très bien reçue à ses débuts parce qu'elle répondait à un besoin réel, parce que depuis longtemps on la réclamait dans le monde agricole au Québec. Le but de cette assurance n'était pas d'assurer le profit que les agriculteurs peuvent tirer de leurs cultures, mais de protéger le coût des investissements, le temps consacré à la production agricole et les dépenses encourues. C'était donc un système éminemment social, et que les agriculteurs ont reçu avec satisfaction. Il y a même eu, dès le départ, presque 20,000 assurés. C'est dire à quel point la loi de 1967, entrée en vigueur en 1968, répondait à des besoins.

Le succès des débuts a été tel que par la suite, après 1968, alors que la régie n'assurait que les céréales, le foin et le tabac à cigarette, elle a étendu ses activités. On a vu la Régie de l'assurance-récolte proposer, en 1973 jusqu'à dix programmes d'assurance: betterave sucrière, blé d'automne, pommes, légumes destinés aux conserves, etc. Tout cela répondait, mais de moins en moins, hélas! aux besoins exprimés par le milieu. En tout cas le grand nombre d'assurés, au départ, en est la preuve.

Ensuite, nous avons été témoins, avec les années, d'une sorte de désaffection graduelle du milieu agricole à l'égard de ce système d'assurance. Toute la question est de savoir pourquoi cette désaffection a eu lieu, pourquoi elle s'est produite graduellement et pourquoi elle s'est ensuite accélérée. Parce que, selon le verdict qu'on porte sur cette désaffection, cette désillusion des milieux agricoles, on pourra trouver le remède qu'il convient d'appliquer.

Le ministre, semble-t-il, ne voit de remède que dans l'imposition de l'assurance obligatoire, au moins pour une partie des cultures assurées. Si l'on jette un coup d'oeil sur l'évolution du nombre d'assurés et du nombre d'acres assurées, on s'aperçoit que, sauf en 1972, le nombre des assurés et des acres a diminué constamment. Il était, en 1968, de 19,180 agriculteurs assurés pour 1,340,000 acres; dès l'année suivante, comme le ministre lui-même l'a admis dans son discours de présentation, nous étions tombés à quelque 15,900 assurés pour un peu plus d'un million d'acres; en 1970, le nombre des assurés tombait à 12,208 et on tombait en dessous du million d'acres; en 1971, une chute spectaculaire du nombre d'assurés, qui est passé à 8,012 pour 620,000 acres; en 1972, une très légère remontée à 8,172 assurés pour 654,000 acres.

Nous devons nous poser des questions sur cette évolution. On constate que le nombre d'adhérents aux divers programmes d'assurance a suivi une courbe constamment descendante. Pourquoi en a-t-il été ainsi? Si nous arrivions à répondre de façon exacte à cette question, je pense qu'on pourrait trouver une solution aux problèmes qu'affronte le ministre. Le ministre constate que son système a mal fonctionné et il nous dit: La solution, c'est, au moins pour un secteur, de le rendre obligatoire. Comme cela, il entrera plus d'argent, plus de primes et on pourra sans doute arriver à résoudre le problème.

Toutefois, ce n'est peut-être pas le bon diagnostic. Et les cultivateurs, en tout cas, pour leur part, ne sont pas d'accord sur le diagnostic du ministre. Les cultivateurs nous disent qu'il conviendrait davantage d'améliorer le système existant avant de se lancer dans un nouveau système. Nous ne sommes pas dans le domaine de l'assurance-automobile quand nous parlons d'assurance-récolte; j'aurai l'occasion, tout à l'heure, d'expliquer la différence qui sépare ces deux domaines.

Je prenais connaissance, récemment, d'un certain nombre de déclarations par des cultivateurs qui ont eu à se plaindre de la Régie de l'assurance-récolte devant le Protecteur du citoyen. Ils ont dû aller jusque devant le Protecteur du citoyen et, dans certains cas, ils ont même dû prendre des avocats pour faire valoir leurs droits à l'encontre de décisions de la régie.

M. le Président, je lisais certaines de ces déclarations de cultivateurs qui ont eu maille à partir avec l'assureur, et je suis obligé de constater que ce système, vraiment, graduellement, a cessé de répondre aux besoins pour lesquels il avait été créé. J'ai dit tout à l'heure qu'au départ le système a été bien reçu parce qu'il répondait à des besoins réels mais, peu à peu, il s'est produit une évolution qui a fait que le système a cessé de répondre aux besoins; il a de moins en moins répondu à l'attente des milieux agricoles. Je lisais récemment, par exemple, l'extrait suivant, qui date du 30 octobre 1974, tiré du Voltigeur: "Les prétentions des agriculteurs sont toutes du même ordre. La régie attribue effrontément des pertes à la négligence et à l'incompétence des agriculteurs, refuse de les entendre, refuse de croire leurs déclarations et celles des inspecteurs et, bien entendu, refuse de payer". Je ne m'étonne pas outre mesure, en prenant connaissance de ces doléances, du peu de crédit dont jouit la régie auprès des milieux agricoles. Dans un textequ'on cite et qu'on a porté devant le Protecteur du citoyen, la régie prétendait que l'agriculteur n'avait pas fait usage d'herbicides, alors qu'il avait des témoins pour démontrer le contraire.

Dans un autre cas, un agriculteur est accusé de ne pas avoir égoutté suffisamment son terrain, alors que l'inspecteur de la région, lui

affirme que l'égout était suffisant mais que le cours d'eau du gouvernement, lui, était mal entretenu. Vous savez que lorsque la régie décide d'attribuer à la négligence du cultivateur une partie des pertes, ce qu'on appelle une "attribution", c'est sans réplique. Dans bien des cas, l'agriculteur s'est trouvé aux prises avec des décisions sur lesquelles il n'avait aucune prise. Tel autre agriculteur a vu son mais écrasé par un coup de vent et on prétend qu'il était incompétent. Un cultivateur de pommes de terre paie des primes de $2,000, subit des pertes réelles de plusieurs milliers de dollars. La régie l'indemnise de quelques centaines de dollars en affirmant qu'il a eu une bonne récolte, parce qu'on a choisi, dit-il, les meilleurs endroits de son champ de pommes de terre pour établir son rendement.

Je ne suis pas en mesure, M. le Président — je m'empresse de l'ajouter — de dire que dans tel cas, c'était le cultivateur qui avait raison et que dans tel autre cas, c'était la régie qui avait raison. Ce n'est pas du tout mon propos ce soir; ce que je veux dire, c'est que la régie est perçue défavorablement par les milieux agricoles. J'entends mon collègue de Huntingdon dire que c'est vrai. C'est un fait, on ne peut pas le nier. Il se peut que, dans certains cas, la régie ait eu raison mais il semble bien, devant le mécontentement général, qu'on ne puisse soutenir que la régie a toujours eu raison. Il y a eu certainement des cas de décisions administratives qui ont été faites de manière cavalière. Les agriculteurs, qui ont la mémoire longue, ne l'ont pas oublié et avant de voir instituer un système obligatoire, ils veulent être bien convaincus que le système facultatif, lui, puisse fonctionner. C'est du gros bon sens, M. le Président. Et je ne pense pas que ce gros bon sens ait perdu ses droits.

En plus d'engendrer le malaise que je viens de décrire à l'aide de quelques exemples — et je pourrais multiplier les exemples, mais le ministre est aussi au courant que moi — le système est déficitaire depuis le départ. On peut se demander pourquoi il en est ainsi. Je prenais connaissance du rapport annuel pour l'année 1973, qui a été déposé devant cette Chambre par le ministre, au nom de la régie. Je constatais qu'en 1968, déjà, il y avait un excédent des paiements aux cultivateurs de l'ordre de $2,600,000, les primes ayant été de $2,100,000 environ et les paiements de $4,750,000 environ. C'était, à ce moment-là, essentiellement pour deux plans d'assurance: les plantes fouragères et céréales, d'une part, et le tabac à cigarettes de l'autre.

L'année suivante, on a élargi le nombre des programmes, on en a ajouté deux: la betterave sucrière, le blé d'automne, mais, cette fois encore, un déficit est venu couronner l'année. Je dois dire que le déficit, la deuxième année, était moins considérable; il était d'un peu plus de $600,000. Dans les journaux de l'époque, quand on étudie le dossier et qu'on prend connaissance des commentaires du milieu agri- cole, on peut, dès cette année-là, relever de très nombreuses critiques, les agriculteurs disant que la régie avait comprimé son déficit sur le dos des cultivateurs, en se montrant plus sévère pour les réclamations, en se montrant plus tracassière à l'endroit de ceux qui faisaient valoir des réclamations. En 1970, le déficit était de $798,000; en 1971, de $941,000. L'année 1972 connaît l'un des plus gros déficits de la régie avec plus de $3 millions, de sorte qu'on arrive à la fin de l'année 1973 avec un déficit accumulé d'un peu plus de $9 millions.

Le ministre peut être tenté de dire qu'il faut instaurer l'assurance obligatoire pour arriver à corriger, au moins en partie, cet état de choses. Mais les milieux agricoles lui disent, ainsi qu'à ceux qui les approchent, pour se renseigner — eux qui font le tour des régions, qui tentent de rencontrer les diverses fédérations régionales de l'UPA ou des groupes de cultivateurs dans les diverses régions du Québec — si le système n'est pas bon, si le système ne nous a pas donné satisfaction jusqu'ici, est-ce qu'on ne va pas tout simplement multiplier les problèmes en instituant l'assurance obligatoire?

M. le Président, je suis tenté de donner raison aux cultivareurs. En tout cas, je ne voudrais pas m'aventurer, avec le ministre, dans un nouveau projet de loi qui rendrait l'assurance obligatoire, sans m'être vraiment assuré, premièrement, que l'assurance obligatoire va régler les problèmes dans les domaines auxquels elle va s'appliquer. Deuxièmement, je ne voudrais pas m'aventurer; dans un système comme celui-là, sans avoir l'adhésion largement majoritaire du milieu agricole. En effet, si on n'a pas l'appui majoritaire du milieu agricole, ce nouveau système d'assurance collective va créer beaucoup plus de problèmes qu'il n'en va résoudre.

Je ne veux pas prédire des jours sombres au ministre, mais il serait bon qu'il se colle l'oreille au sol et qu'il écoute les bruits lointains qui nous parviennent des diverses parties du monde agricole.

Je ne veux point prédire que le monde agricole va tout faire pour saborder son système —je n'en ai pas l'assurance d'ailleurs — mais je pressens que le ministre va se heurter à des difficultés terribles dans l'application de cette loi. Je lisais récemment dans le journal Le Droit un commentaire sur l'application de l'assurance-récolte dans le comté de Papineau.

DES VOIX: Ah! Ah!

M. MORIN: J'ai eu l'occasion ce matin, cet après-midi plutôt de commenter les déclarations que j'ai entendues dans les diverses régions du Québec au cours de ma tournée et je n'ai pas eu l'occasion de mentionner l'Outaouais parce que je n'ai pas rencontré d'agriculteur dans cette région pendant ma tournée. Je complète en quelque sorte notre tournée du Québec pour fins d'assurance-récolte en mentionnant que les producteurs agricoles de cette région protestent

contre le fait que les dossiers de réclamants compilés par les fonctionnaires de la Régie de l'assurance-récolte ne correspondent pas avec les fiches de paiement qui ont été envoyées aux agriculteurs par la régie. Il en est résulté, nous apprend-on, qu'un bon nombre d'abonnés de l'assurance-récolte du comté de Papineau ont reçu des montants moindres que prévu et on accuse la régie de ne pas avoir respecté les contrats qu'elle a signés avec les agriculteurs.

Encore ici, M. le Président, je suis bien mauvais juge de la situation, comme le ministre d'ailleurs. Il est difficile de savoir qui a raison, des agriculteurs ou de la régie. Mais je constate qu'il y a un malaise; je constate que partout on se plaint de l'application de cette loi. On reproche également à la régie la lenteur dont elle a fait preuve dans la révision des attributions de rendement en ce qui concerne les récoltes de mais et, d'après les agriculteurs, cela a retardé le paiement des indemnisations. Les agriculteurs sont également mécontents du retard de la régie à payer les réclamations de façon générale pour l'année 1973. Il y a déjà plusieurs années que cela devient de plus en plus évident. Les agriculteurs qui étaient assurés déclarent les uns après les autres que désormais ils ne s'assureront plus parce qu'ils n'ont pas obtenu satisfaction ou que, présentant des revendications qui leur paraissaient fondées, ils ont eu le sentiment d'être traités cavalièremement et de ne pas être entendus comme il se doit par la régie.

M. le Président, le ministre tente maintenant une sorte de "mission impossible", si je peux m'exprimer ainsi. Il veut imposer une assurance dont on veut de moins en moins parce qu'on est convaincu, dans les milieux agricoles, qu'elle fonctionne mal. Les agriculteurs, qui ont du bon sens — il suffit de fréquenter ces milieux pour s'en rendre compte — nous disent : Que le ministre commence par améliorer la législation portant sur l'assurance facultative, l'assurance volontaire; qu'il la rende plus abordable, plus efficace, et alors nous pourrons peut-être nous rallier à un régime d'assurance obligatoire. Mais dans leur esprit — il faudrait que le ministre comprenne cela, il ne faudrait pas qu'il s'étonne de la résistance des milieux agricoles— ces milieux sont devant un échec, ce qu'ils considèrent, eux, sincèrement comme étant un échec; ils ne sont pas enclins à faire confiance au ministre dans l'instauration d'un programme obligatoire. Qu'il fasse la preuve que le système existant peut rendre de véritables services, ensuite — nous disent-ils — le ministre pourra rendre le système obligatoire.

Je disais tout à l'heure — peut-être conviendrait-il que je m'étende sur ce point — que l'assurance-récolte, ce n'est pas l'assurance-automobile, pour laquelle on peut imaginer une socialisation des risques qui soit beaucoup plus poussée.

Dans le cas de l'assurance-automobile, il s'agit d'assurer les risques qui sont courus surtout par des tiers, par des étrangers à celui qui s'assure. Et on conçoit, étant donné qu'il s'agit de songer aux victimes autres que l'assuré, qu'on puisse s'orienter plus facilement vers la socialisation des risques. Dans le cas de l'assurance-récolte ce sont les dommages qui sont causés à l'assuré que la régie a pour mission d'assurer.

A moins qu'on fasse la démonstration que ce système répond aux besoins, alors que toute l'histoire de l'assurance-récolte depuis quelques années nous, prouve que ce système de moins en moins a répondu aux besoins, si on veut nous faire la preuve que ce système est accepté par les intéressés, alors on pourrait imaginer que quant à eux puisse s'organiser une certaine socialisation du risque.

M. le Président, puis-je dire encore quelques mots? Je ne sais pas combien de temps il me reste. Vous me faites signe que je devrais avoir terminé; pourrais-je simplement faire allusion à un problème, rapidement, avant de conclure? C'est le problème suivant. Quand on compare le régime que nous propose le ministre avec celui que le pouvoir fédéral s'apprête non pas à imposer mais s'apprête à mettre à la disposition des agriculteurs de l'Ouest canadien, on ne peut qu'être frappé par le manque de réalisme du programme qui est proposé par le ministre.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Vous allez m'excuser un instant. Comme ça fait déjà 24 minutes que vous parlez et que le député de Saguenay a parlé au nom du parti, moi je suis bien prêt à vous écouter mais pour autant qu'il y ait consentement unanime.

M. MORIN: En une phrase, M. le Président, puisque je n'ai pas le temps de développer ma comparaison entre le projet destiné à l'Ouest et le programme que propose le ministre, je dirai simplement que ce projet de loi n'est peut-être pas mauvais mais qu'il est prématuré. Merci.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontange): Le député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, je serai le dernier membre de l'Opposition à intervenir sur ce projet de loi que nous voulons combattre parce que nous avons la conviction que, loin d'être une solution, il constitue même, dans plusieurs cas, une aggravation assez percutante de la situation des agriculteurs du Québec. Le député de Saguenay et mes autres collègues ont résumé leurs critiques, que j'aimerais reprendre, pour que tous les arguments de l'Opposition, avant la réplique du ministre, soient rassemblés.

Ce projet de loi nous arrive au terme d'une expérience qui dure depuis sept ans, qui a engendré, comme le signalait le chef de l'Opposition, un grand nombre de frustrations, en même temps qu'une solide méfiance chez beaucoup d'agriculteurs envers tout ce qui ressemble

à un programme d'assurance-récolte. Voilà donc qu'à ce temps-ci le ministre nous arrive avec un projet de loi qui déjà, comme mes collègues l'ont signalé, a été répudié quasi unanimement par les agriculteurs, qui risque d'avoir des conséquences extrêmement négatives dans bien des milieux agricoles, si tant est qu'on est capable de l'appliquer correctement.

On peut se demander pourquoi un ministre, pourquoi ce ministre en particulier si l'on considère la session qu'il a connue depuis le 29 octobre dernier, arrive avec un nouveau projet de loi aussi contesté, alors qu'il lui aurait été beaucoup plus facile de voir tout simplement à l'application honnête et rapide de la loi actuelle, qui de l'avis de plusieurs serait un bon commencement, si la régie se décidait à l'appliquer sans mesquinerie.

Si la régie avait un besoin urgent de fonds, la nouvelle loi lui servirait, entre autres, de taxe déguisée. Effectivement, le président de la régie a déclaré, en avril dernier, aux agriculteurs du comté de Papineau, que les lenteurs étaient dues à un manque de personnel et aussi parce que les coffres de la Régie de l'assurance-récolte étaient vides.

En fait, comme le signalait un de mes collègues, le déficit accumulé de la régie s'élève maintenant à peu près à $10 millions. Lors de la mise sur pied du système d'assurance-récolte, le premier ministre de l'époque, l'honorable Daniel Johnson, prévoyait que le déficit annuel atteindrait près de $1,500,000.

Grâce à la présente loi, le gouvernement ira chercher —je vous l'ai dit ce matin en intervenant sur la motion du député de Saguenay — $2 millions additionnels chez les agriculteurs en plus, évidemment, d'épargner sur les frais de publicité de la Régie de l'assurance-récolte du fait que tous les agriculteurs deviendront, par le fait même, un marché captif.

Quand on l'examine de près, la nouvelle loi assure bien davantage un revenu régulier au gouvernement qu'une sécurité à l'agriculteur. Les agriculteurs eux-mêmes n'ont pas pris de temps à s'en apercevoir. Grâce au délai que nous avions demandé, ils ont eu le temps de prendre connaissance du nouveau projet de loi sur lequel ils ont donné leur avis.

M. le Président, permettez-moi de vous faire quelques citations qui, j'espère, inspireront le ministre avant d'utiliser son droit de réplique.

La Fédération de l'union des producteurs agricoles de Québec-Ouest se prononçait sur le projet de loi de cette façon. C'est rapporté dans le Nouvelliste du 1er juillet 1974. "Le texte de loi a profondément déçu les participants qui ont constaté que la législation proposée donne aux cultivateurs très peu de ce qu'ils espèrent de cette nouvelle loi. Les pertes ne sont compensées qu'à 70 p.c. On ne tient pas compte de la valeur de remplacement. Les primes à payer ne sont pas déterminées de façon précise. La presque totalité des représentants de la classe agricole se sont prononcés contre l'adoption du projet dans sa forme actuelle".

La Fédération de l'union des producteurs agricoles de Joliette — je cite un quotidien de Montréal du 27 septembre 1974: "Quant à l'assurance collective, on s'y objecte parce qu'elle ne couvre que 70 p.c. des pertes d'une région, ne tient pas compte des pertes locales pour telle ou telle production spécifique. De plus, les remboursements vont tout autant à ceux qui ont été victimes de sinistres qu'à ceux qui n'ont rien subi. Cette répartition égalitaire et générale est injuste, croit-on dans ce milieu."

La Fédération de l'union des producteurs agricoles de Normandie — c'est dans le Nouvelliste du 28 septembre 1974 ... C'est rapporté ainsi: "L'assemblée s'est catégoriquement opposée à l'assurance-récolte obligatoire, surtout que la loi prévoit de prendre à la source les frais nécessaires. Selon eux, les producteurs devraient être libres de s'assurer ou pas et non pas y être obligés. De plus, l'assurance-calamité —celle qu'on dit collective dans le projet de loi — devrait tenir compte de la vaste étendue des zones pour son application."

Le Soleil du 17 septembre 1974 rapporte l'opinion de la Fédération de l'union des producteurs agricoles de la Côte du Sud en ces termes: "On s'en est pris aux principes mêmes de l'entrave à la liberté individuelle et des déductions automatiques de prime. L'objection principale soulignait l'insuffisance sinon l'inutilité d'un projet qui ne garantirait, encore une fois, les récoltes qu'à raison de 70 p.c, laissant ainsi les agriculteurs assujettis à des évaluations unilatérales et discrétionnaires quant aux pertes initiales sur les premiers 30 p.c. des récoltes."

Puis-je continuer, M. le Président, en vous disant que le Nouvelliste du 27 septembre 1974 rappelait que la Fédération de l'union des producteurs agricoles de Lanaudière a rejeté de façon unanime l'actuel projet de loi qui vise à amender la Loi sur l'assurance-récolte.

Les membres de l'UPA du secteur Sainte-Geneviève-de-Batiscan s'opposent carrément à l'adoption par le gouvernement provincial d'une loi sur l'assurance-récolte. Les producteurs de ce secteur ne veulent rien savoir d'un système obligatoire qui permettra, une fois de plus, au gouvernement, disaient-ils, de venir fouiller dans les proches du cultivateur.

M. le Président, nous pourrions continuer les citations. La Tribune se faisait l'écho de l'UPA de l'Estrie, le 4 octobre dernier, dans les mêmes termes ou à peu près; le journal la Terre de chez nous rapportait l'opinion de l'Union des producteurs agricoles de Nicolet. Le Nouvelliste du 21 octobre 1974 rapportait ce qui semblait être le voeu de l'ensemble des agriculteurs concernés et que l'Opposition officielle a repris comme position par la voix du député de Saguenay dans son intervention sur le projet de loi. "Les producteurs agricoles de la Mauricie —disait le Nouvelliste — ont adopté à l'unani-

mité une résolution à l'effet que le ministère de l'Agriculture du Québec retire le nouveau projet de l'assurance-récolte obligatoire et que le gouvernement apporte plutôt des amendements à l'ancienne loi pour la rendre plus efficace."

M. le Président, c'est à partir de ces citations que je vous ai faites que mes collègues sont intervenus pour marquer notre opposition à ce projet de loi. Il faut bien voir qu'il y a loin entre des affirmations aussi catégoriques que nous ont rapportées les différents quotidiens ou hebdomadaires du Québec que je vous ai cités, M. le Président, et cette façon un peu cavalière qu'avait ce matin, lors de la discussion sur la motion présentée par le député de Saguenay, le ministre de l'Agriculture de dire qu'il n'avait pas vu d'opposition à son projet de loi, qu'il avait simplement vu des gens qui se posaient des questions.

M. le Président, les différents congrès régionaux de l'Union des producteurs agricoles ne se sont pas posé des questions. Ils ont manifesté, l'un après l'autre, région après région, une opposition au projet de loi en discussion actuellement et c'est à leurs voeux ou à peu près que nous nous rendons quand nous nous opposons à ce projet de loi à l'Assemblée nationale, ce soir.

M. le Président, suite à tous ces commentaires et à ces suggestions qu'ont faits les différents intéressés, il semble donc évident que la presque totalité des représentants de la classe agricole se prononce actuellement contre l'adoption du projet de loi dans sa forme actuelle. Ce projet de loi — c'est le moins qu'on puisse dire — est loin de répondre aux désirs des cultivateurs et ceux-ci en sont très déçus, sinon franchement furieux. Rendre l'assurance-récolte obligatoire ne corrige en rien les défauts du système facultatif, mais obligera, par contre, quelque 20,000 agriculteurs à payer pour des absurdités. Etant donné que des représentants de la régie ont eu le culot de déclarer, au cours d'une séance publique, qu'ils n'avaient à recevoir ni suggestions, ni consultations, mais que leur tournée avait pour but d'informer les agriculteurs des décisions, pour ne pas dire des diktats gouvernementaux, M. le Président, puis que le projet de loi consacre l'échec du présent régime d'assurance-récolte, qui est déjà délaissé par 75 p.c. des producteurs et que l'obligation ne peut, en aucun cas, tenir lieu de politique intelligente dans ce domaine, l'Opposition s'est donc sentie obligée de demander que ce projet de loi soit retiré du feuilleton, ni plus ni moins — c'est le dernier recours que nous pouvons avoir — et que son principe soit battu lorsque, tout à l'heure, vous le soumettrez au vote de cette Assemblée.

Il nous semble, en reprenant une suggestion maintes fois faite par le collègue de Beauce-Sud, comme l'a suggéré le député de Saguenay, ce matin, dans une motion dont on a disposé, que nous gagnerions en temps, en qualité d'intervention et en solution, si nous retardions, pour une autre fois, un projet de loi qui, lui, aurait... Je ne parle pas de retarder ce projet de loi, M. le Président, mais d'aller reprendre à nouveau le pouls de la classe agricole, ce qui n'est pas, j'en conviens, la spécialité du ministre actuel de l'Agriculture. Il devrait se rendre compte, par les différentes interventions que nous avons faites, que ce n'est vraiment pas de ce projet que nous avions besoin.

Il serait beaucoup plus utile au ministre de prendre la période de l'intersession pour apporter des correctifs au système facultatif actuel, ce qui semble être le voeu de la classe agricole, M. le Président. Je vous remercie.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): L'honorable député de Johnson.

M. PAGE: Je m'étais levé avant lui, mais en raison de son âge, étant donné que je lui dois respect, on va le laisser parler.

M. Maurice Bellemare

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, c'est un projet de loi qui intéresse particulièrement les agriculteurs de mon comté. Si je me lève en cette Chambre, c'est surtout pour cette raison particulière, puisqu'ayant été député pendant 26 années d'un comté représenté présentement par l'honorable ministre de l'Agriculture, qui est un comté agricole, un beau comté agricole, j'ai, par une loi très spéciale de la Providence, dû à mon excellent collègue de Maisonneuve, l'occasion de siéger dans cette Chambre comme représentant d'un autre comté agricole, celui de Johnson.

Mais je suis fort surpris de constater que notre bon ministre de l'Agriculture, lui, le fils d'un cultivateur, lui, cet expert de l'UCC, autrefois, apporte une nouvelle loi en imposant aux cultivateurs de notre province un montant contributoire de $2 millions. Et il verra dans quelques minutes pourquoi je dis ceci.

Ce projet de loi constitue une refonte en profondeur de la Loi de l'assurance-récolte. C'est $2 millions que le fils d'un cultivateur, un membre de l'UCC, un homme d'une grande expérience agricole impose aux cultivateurs de notre province par une refonte d'une loi qui, soit dit en passant, devrait leur apporter beaucoup de consolation dans les moments difficiles que traverse maintenant l'agriculture québécoise. C'est $2 millions de plus quand déjà le cultivateur de chez nous porte suffisamment lourdement le fardeau des taxes, des contingen-cements de l'agriculture.

UNE VOIX: Contingentement.

M. BELLEMARE (Johnson): Merci. Il y a des élèves qui dépassent les maîtres.

Ce projet de loi crée donc deux systèmes complémentaires d'assurance-récolte: un système collectif, à caractère obligatoire, s'appli-

quant à tout producteur de grandes cultures spécialisées dans l'industrie laitière ou dans l'élevage des bovins de boucherie, de chevaux, de moutons ou d'autres herbivores. Ce premier système fonctionnera au niveau des zones déterminées par la Régie de l'assurance-récolte sur l'ensemble du territoire québécois et protégera 70 p.c. du rendement moyen à l'unité de surface établie par zone. Deuxièmement, cette nouvelle loi de refonte en profondeur de la Loi de l'assurance-récolte établit un système individuel, à caractère facultatif, s'appliquant à tout producteur admissible au système collectif, tout aviculteur ou tout producteur spécialisé dans l'élevage des porcs et autres.

Dorénavant, ces personnes auront l'option d'assurer la récolte de grandes cultures, plantes fourragères, céréales et mais à ensiler qu'ils choisiront de protéger. Cette assurance facultative couvrira jusqu'à 80 p.c. du rendement moyen déclaré par le producteur et adopté par la régie.

En vertu de ce projet de loi, quelque 30,000 des 50,000 cultivateurs québécois, environ 60 p.c, seront obligatoirement protégés par l'assurance-récolte. A l'heure actuelle, seulement 10,000 agriculteurs sont protégés dans le cadre d'un système facultatif.

L'impact financier de ce projet de loi est d'une importance capitale, tant pour les agriculteurs qui auront à payer la note, qui va devenir très pesante, que pour le gouvernement qui pourra garnir sa caisse déjà très déficitaire. Je n'ai pas parlé de la caisse électorale.

Je continue. En effet... Pardon?

M. LACROIX: La vôtre est pleine!

M. BELLEMARE (Johnson): Non, non. Je pourrais dire à l'honorable ministre que je la comparerais avec la sienne!

M. TARDIF: Wagner!

M. BELLEMARE (Johnson): Comment, Wagner? Avez-vous honte de votre concitoyen?

M. TARDIF: Non, mais vous lui avez offert la chefferie!

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): A l'ordre !

M. BELLEMARE (Johnson): Est-ce que cela vous a fait mal, l'affaire de Wagner?

UNE VOIX: Les cachettes de Saint-Césaire.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. TARDIF: Vous lui avez offert la chefferie!

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, ils ont...

UNE VOIX: Le rigodon de Saint-Césaire!

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): La pertinence du débat!

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, si vous interveniez pour arrêter ces chansonniers de deuxième ordre, on aurait la paix, au moins, pour dire des choses sérieuses.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): D'accord.

M. BELLEMARE (Johnson): Je pense, M. le Président, que je n'ai insulté personne encore. J'ai été d'une grande courtoisie envers tout le monde. Je demanderais qu'on me donne au moins la chance...

Si on veut parler de Wagner, je vais en parler de Wagner, mais je vais vous parler d'un autre aussi.

UNE VOIX: Parlez-nous de l'affaire...

M. BELLEMARE (Johnson): Oui, je vais vous en parler de celle-là aussi. Je vais vous en parler, et tant que vous voudrez. Et je défie celui qui vient d'en parler de me reprocher un iota! Il y a déjà eu un débat, dans cette Chambre, à ce sujet...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): A l'ordre, s'il vous plaft!

M. BELLEMARE (Johnson): ... et le député qui en a parlé a été obligé de sortir. Il a été expulsé de la Chambre.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): A l'ordre! ... A l'ordre, s'il vous plaft! La pertinence du débat, d'après notre nouveau règlement.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, ce n'est pourtant pas la place des enfants à cette heure.

M. TARDIF: Ce n'est pas la place des vieux, non plus.

M. BELLEMARE (Johnson): II y a des vieux qui peuvent vous faire la leçon bien des fois, surtout au point de vue de la courtoisie, mon cher ami, même si on est avocat!

M. TARDIF: Même un serre-frein?

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, est-ce que vous pourriez rappeler à l'ordre ces honorable messieurs?

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): A l'ordre, s'il vous plaft, messieurs! Est-ce qu'on pourrait avoir un peu de silence s'il vous plaît?

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, si, dans cette Chambre, on ne peut pas avoir de l'ordre, je m'assois et je ne prononcerai plus un seul mot. Si c'est cela le décorum de la Chambre, si un député n'a pas le droit de donner sa version et de la donner honnêtement, comme je le fais, M. le Président, je vais reprendre mon siège et c'est ailleurs que je vais parler. Il y a une limite, M. le Président !

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): L'honorable député de Johnson a la parole et seul le député de Johnson a le droit de parler présentement.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, l'impact financier de ce projet de loi est d'une importance capitale pour les agriculteurs, surtout pour les cultivateurs qui auront à payer la note et pour le gouvernement qui pourra garnir, comme je viens de le dire, sa caisse déjà déficitaire.

En effet, ces nouvelles mesures d'assurance obligatoire apporteront environ $4 millions de plus au gouvernement, dont $2 millions — et c'est là que j'arrive avec ma phrase du départ — constitués par les primes payables par les agriculteurs assurés et $2 millions venant directement du gouvernement qui paie 50 p.c. des primes d'assurance, dans ce cas. Voir l'article 68 de la loi.

C'est cela que je dis, M. le Président. C'est cet impôt forcé qu'on va établir dans la province, malgré les protestations véhémentes de tous ceux qui connaissent, en agriculture, quelque chose, qui vivent le véritable problème des agriculteurs. C'est par dizaines et dizaines que se sont prononcés des gens qui se sont fait la main, mais qui connaissent le problème agricole dans la province et qui ont dit au ministre de prendre un peu plus de temps avant d'appliquer cette loi qui, à mon sens, M. le Président, peut peut-être paraître assez ronflante par ses titres et surtout ses idées, mais qui, en somme, va imposer aux cultivateurs, dans un moment difficile, $2 millions de participation, obligatoirement, M. le Président. Il n'y a pas d'échappatoire.

Or, tout le monde sait, M. le Président, que le déficit d'opération actuel de l'assurance-récolte se chiffre par plus de $10 millions. N'y aurait-il pas lieu de croire que le ministre de l'Agriculture cherche à diminuer ce déficit embarrassant et encombrant, en forçant une majorité de nos cultivateurs déjà aux prises avec une situation extrêmement difficile à assumer une partie de ce lourd fardeau financier?

Si tel est le cas, M. le Président, il y a lieu, je pense, de crier à l'injustice. Il y a lieu que tous — et ici je fais un appel pressant aux journalistes pour qu'ils sensibilisent encore plus l'opinion publique — écoutent attentivement les plaintes nombreuses de ceux qui risquent d'être des victimes du système actuel et particulièrement du système qu'on va leur imposer, auquel ils n'ont pas participé et qu'ils n'ont pas voulu.

Ils ont averti l'honorable ministre en toutes sortes de circonstances, dans toutes sortes de réunions publiques. On a lancé le cri, l'appel, pour ne pas que le ministre se laisse convaincre par certains bureaucrates et technocrates d'imposer ce diktat obligatoire à la classe agricole.

M. le Président, mon collègue de Saint-Jacques a cité largement les extraits de plusieurs journaux. Je pense que le ministre de l'Agriculture a dû lui-même les lire et s'en convaincre. Je voudrais n'en citer que quelques-uns très brièvement.

Tout d'abord, le journal que le ministre lit le plus régulièrement, Le Nouvelliste, de Trois-Rivières, en date du 1er juillet 1974, et qui disait: A première vue et sous sa forme actuelle, le projet est loin de répondre aux besoins des cultivateurs. Les cultivateurs, les responsables de l'UPA présents à la réunion qui a eu lieu au motel Villeray de Laurier-Station se sont fait expliquer le texte de loi préparé par le gouvernement du Québec. Il a profondément déçu tous les partisans cultivateurs. Ce ne sont pas des étrangers à la classe agricole qui se réunissent, M. le Président, ce sont des véritables cultivateurs qui disent au ministre: Nous avons constaté que votre projet de loi ne donne que très peu aux cultivateurs et leur occasionne une obligation, par les temps qui courent, une imposition d'au-delà de $2 millions.

M. le Président, à Laurier-Station, de nom breuses questions ont été posées à MM. Blanchet et Ducharme. L'assistance leur a fait savoir carrément que, si le plan d'assurance-récolte était adopté, il devrait être à la satisfaction d'abord des principaux intéressés, soit les cultivateurs. La presque totalité des représentants de la classe agricole présents à cette séance se sont prononcés contre l'adoption du projet de loi sous sa forme actuelle, même si les délégués de la régie leur avaient fait savoir que la réunion en était une de présentation, d'explication du projet et non pour consultation, ni pour réception des suggestions.

M. le Président, la première action proposée par la fédération de la région de Québec-Ouest de l'UPA, face au projet de loi, est d'obtenir qu'il y ait un certain délai entre son adoption en première lecture et la sanction finale.

Des membres de la fédération de Nicolet — encore un comté tout près de celui que représente l'honorable ministre — ont dit: Loin d'être satisfaits de l'actuel système d'assurance-récolte, les cultivateurs présents dans la salle ont semblé défavorables à l'adoption de ces nouvelles mesures. La très grande majorité des délégués se sont prononcés contre la formule obligatoire. C'est un bateau, semble-t-il, qui serait régi par un fonctionnarisme très lent et une assurance pour le gouvernement, et non pour l'agriculteur.

Les membres de la région de Québec-Sud de l'UPA, M. le Président, dans le journal Le Soleil du 11 septembre 1974: Que l'assurance-récolte devienne obligatoire et qu'elle ne couvre que 70 p.c. du rendement moyen qui serait établi

pour la zone, voilà surtout ce que les cultivateurs n'accepteront pas. Ce projet de loi no 20, qui est déposé devant l'Assemblée nationale, est non conforme à l'ambition des cultivateurs, ne leur rend pas service, a-t-on dit au cours des réunions tenues ces derniers jours à l'intérieur des syndicats locaux, partout, pas seulement en les triant un par un.

Les cultivateurs beaucerons ont fortement critiqué le gouvernement, qui leur prépare encore une mesure partielle mais d'imposition obligatoire de débourser $2 millions. La majorité d'entre eux préconisent que l'assurance-récolte couvre au moins 80 p.c. à 85 p.c. des dommages éventuels.

M. le Président, les membres de l'UPA de la côte sud, dans Le Soleil du 17 septembre 1974, s'en sont pris au principe même de l'entrave à la liberté individuelle et des déductions automatiques de primes que laisse prévoir une telle loi gouvernementale. L'objection principale mettait toutefois en cause l'insuffisance, sinon l'inutilité d'un projet qui ne garantirait les récoltes qu'à environ 70 p.c, laissant ainsi les agriculteurs assujettis à des évaluations unilatérales et discriminatoires quant aux pertes initiales sur les premiers 30 p.c. des récoltes.

L'appréhension à l'égard du projet de loi et de ses dispositions possibles de contraintes a été si forte de la part de certains congressistes qu'ils se refusaient même à la tenue de séances d'étude au sujet de l'implication de ce projet de loi et demandaient aux autorités de faire les pressions voulues pour ne pas que le bill soit inscrit en cette Chambre. Sans se dépasser pour convaincre le ministre, les membres du secteur de l'UPA de Sainte-Geneviève-de-Batiscan — ce sont des gens de son comté — ont fait une protestation très vigoureuse contre l'adoption de ce projet de loi que nous étudions présentement, de même que les gens de Sainte-Geneviève. Je ne sache que ce soient des idéalistes ou des planificateurs, en plus d'être de bons cultivateurs qui appartiennent à nos associations qu'ils respectent et surtout dont les services qu'ils ont rendus à ce jour ont donné d'immenses résultats.

M. le Président, la Tribune de Sherbrooke, dans un autre coin de la province: Non à l'assurance obligatoire. Pourquoi imposer aux cultivateurs cette nouvelle obligation, sans garanties suffisantes? Ce que les agriculteurs ne veulent absolument pas, c'est que cette assurance collective soit obligatoire car, disent les cultivateurs, une bonne partie d'entre eux ne veulent pas s'assurer parce que les montants qu'ils retirent ne couvriront pas même les montants de la prime qu'ils doivent payer, que les règlements sont beaucoup trop lents et qu'ils ne veulent pas payer surtout pour les autres. M. le Président, ces gens de Sherbrooke se disent prêts à lutter jusqu'à la fin contre ce projet.

Les cultivateurs de la Mauricie, réunis à la Vallée du parc, ont adopté une résolution unanime à l'effet que le ministère de l'Agriculture retire le nouveau projet de loi d'assurance- récolte obligatoire, et que le gouvernement apporte surtout des amendements à l'ancienne loi pour la rendre plus efficace.

Ces témoignages, M. le Président, devraient être suffisants, à mon sens, pour que l'honorable ministre comprenne qu'il doit laisser la parole à ceux qui, demain, devront subir son système, ce système préconisé dans sa loi, et surtout qui force aujourd'hui les cultivateurs à l'arbitraire, à l'obligatoire. Ce n'est pas en faisant des séances d'information aux quatre coins de la province au lieu de consulter véritablement les gens intéressés, les cultivateurs d'abord et avant tout, au lieu d'aller rencontrer des planificateurs qui, peut-être induiront le ministre en erreur, ou en criant à qui veut l'entendre, que les cultivateurs soient d'accord ou non, que le projet de loi sera quand même adopté. M. le Président, je pensais que l'honorable ministre était plus démocrate, qu'il prêtait lui aussi une oreille plus attentive aux récriminations des gens qui viennent de chez nous et particulièrement des agriculteurs, des cultivateurs de la province.

J'entérine fortement la recommandation des dirigeants de l'UPA à l'effet que ce projet de loi no 20 ne soit pas adopté à la vapeur et trop en hâte, comme semble le souhaiter l'honorable ministre, à la fin d'une session qui a été longue et à laquelle je crois que le ministre a apporté un apport tout particulier parce qu'il a eu beaucoup de problèmes agricoles durant cette session. Il en a déjà connu dernièrement avec la grève des inspecteurs de Thunder Bay. Pour prouver, M. le Président, la nécessité de retarder l'adoption de ce projet de loi, vous me permettrez de faire quelques recommandations au ministre sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir lors de l'étude article par article en commission parlementaire.

Il y aurait lieu, d'abord, de permettre aux personnes et aux organismes intéressés de présenter leur point de vue sur les améliorations à apporter au projet de loi no 20. Je crois que ce serait une amélioration de départ que l'oreille du ministre soit sensibilisée encore plus de ce côté. Par exemple, n'y aurait-il pas lieu de prévoir un mécanisme dans la loi qui permettrait aux parties impliquées de se présenter devant la Régie de l'assurance-récolte au moment précis où celle-ci prépare ses taux de cotisation et ses prix unitaires, pour que ceux-ci fassent valoir leur point de vue sur leur production sectorielle et sur la situation qui prévaut dans des régions d'application?

Non, que le ministre prenne patience, j'achève, il ne me reste qu'une dizaine de pages, ce ne sera pas très long.

Alors, que les intéressés soient présents pour la fixation des taux, surtout pour qu'à ce moment où la fixation des taux se fera, on fasse connaître dans chacune des sections, dans chacune des productions sectorielles, la valeur véritable et surtout la situation qui prévaut dans ces régions d'application.

Il me paraît aussi, M. le Président, absolu-

ment indispensable que les assurés puissent discuter des questions de quantum avec la régie. M. le Président, le ministre le sait parce qu'il l'a lui-même recommandé déjà dans un discours qu'il a fait, où il disait qu'il était important pour les agriculteurs de connaître le quantum à être établi pour les agriculteurs.

De plus, n'y aurait-il pas lieu, en terminant, que la Régie de l'assurance-récolte, qui prend des décisions d'une importance primordiale pour les assurés, soit tenue de fournir des raisons justifiant ses décisions?

C'est bien beau dire que la régie a décidé, mais est-ce que les décisions qui seront rendues par la régie pourraient être motivées? Dire pourquoi, M. le Président, et donner les raisons. En adoptant une telle mesure, la régie ferait preuve d'esprit progressiste, d'innovation. Oui et non. Oui parce que ça ne s'est jamais fait à la Régie de l'assurance-récolte, non parce que ça existe dans bien d'autres régies où l'on motive les décisions rendues.

Ceci serait une garantie contre l'arbitraire et surtout les interprétations mesquines. Je suis convaincu que l'assurance-récolte sera une faillite totale, en dépit de toutes les subventions du gouvernement, si les agriculteurs perdent confiance dans la régie de juger équitablement des situations dont elle doit prendre soin. Je dis que les cultivateurs perdront confiance et l'assurance-récolte, telle que la veut peut-être, dans son idée, le ministre, n'atteindra pas ses objectifs.

M. le Président, dans le même ordre d'idées — j'ai fini, M. le Président, il me reste juste quatre lignes, si vous ne voulez pas manquer de trop de patience — le gouvernement aurait intérêt à songer à un droit d'appel plus complet de la décision de la régie. Je pense que ce droit d'appel devrait couvrir à la fois des questions de droit, mais aussi des questions de fait, quant au quantum et le reste.

Il y a d'autres points qui méritent une étude bien plus approfondie, telle la question des dédommagements qui ne seront versés qu'après une perte non couverte de 30 p.c. dans le cas de l'assurance-récolte obligatoire. Face à un nombre aussi impressionnant de protestations venues de tous les coins du Québec et en vue de protéger les vrais intérêts des cultivateurs, je voulais moi-même dire au ministre de ne pas se laisser tenter par l'adoption d'une loi qui pourrait peut-être lui donner une certaine publicité, mais avec laquelle il aura de la difficulté à vivre après. Ce que les cultivateurs lui reprocheront, ce qu'ils lui reprochent présentement, c'est d'aller trop vite. Ils l'ont prévenu, ils ont siégé à maintes et maintes occasions, ils ont dit au ministre: C'est trop vite. Vous nous donnez actuellement, vous nous rendez actuellement un mauvais service dans les difficultés que nous traversons et en plus vous venez avec une Loi de l'assurance-récolte, qui refond un peu toute l'autre loi, nous imposer pour $2 millions de contributions obligatoires, ce qui, dans les circonstances, ne sera sûrement pas reçu avec beaucoup de bienveillance. Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. PAGE: Merci, M. le Président. Seulement quelques mots sur ce projet de loi. Après avoir entendu aujourd'hui autant de flirtage, si on peut appeler ça comme ça, avec les agriculteurs, autant de paroles souvent gratuites, nous ne pouvons faire autrement que de donner un autre aspect, un autre son de cloche en faisant part de la considération qu'ont certains agriculteurs pour ce projet de loi.

Je considère, M. le Président, que les amendements proposés par le projet de loi no 20 viennent juste à point et constituent en quelque sorte un temps d'arrêt, une sorte de bonification du mécanisme qui existait et prévalait depuis 1968.

Loin de conclure que le système qui existe actuellement est parfait, je me rallie, cependant, à l'opinion du ministre, qui s'est concrétisée dans son projet de loi, à savoir que deux systèmes différents devraient être en vigueur au Québec.

On a longuement discuté de ces deux systèmes, à savoir un système individuel et optionnel, qui semble avoir l'assentiment de la majorité, de la presque totalité des membres de cette Chambre, et un système obligatoire et collectif.

En ce qui concerne le système individuel et optionnel, nous n'avons entendu aucun membre de l'Opposition citer les avantages réels qui sont inclus dans ce projet de loi et j'espérais que le député de Johnson pourrait les citer. Cependant, j'ai été à même de constater, d'après son allocution, que c'était peut-être trop lui demander.

En effet, je suis convaincu qu'ils ont entendu eux-mêmes, s'ils sont prêts de leurs agriculteurs, ceux-ci dire, depuis longtemps, que c'était peut-être négatif pour eux d'être obligés d'assurer toute leur production.

Dans le projet de loi no 20, nous avons des mesures particulières qui pourront leur permettre d'assurer une partie seulement de leur production — c'est ce qu'ils demandaient et c'est ce qu'ils désiraient — contrairement à la situation qui prévalait antérieurement où ceux-ci étaient obligés d'assurer toute la production.

De plus, en ce qui concerne l'évaluation qui était faite pour déterminer le degré d'assurabili-té d'une production quelconque, le projet de loi no 20 vient fixer une nouvelle norme, à savoir que la norme applicable pour déterminer le rendement assurable sera fondée sur la moyenne des rendements régionaux.

J'osais croire, ce matin, que certains mem-

bres de l'Opposition pourraient en glisser un mot. J'ai été à même de constater qu'ils ne se sont pas penchés là-dessus, qu'ils n'ont pas regardé l'aspect positif du projet de loi et, en cela, ils n'ont pas écouté les agriculteurs.

J'ai eu, à un certain moment, envie de poser certaines questions à certains des députés de l'Opposition qui se prononçaient là-dessus. Mais soucieux du respect du règlement, je n'ai pas voulu le faire. J'aurais été curieux de le faire parce que je pense que nous aurions eu de drôles de réponses. Qu'on ne vienne pas me faire croire que l'ensemble des députés de l'Opposition connaît en profondeur la question des agriculteurs.

De toute façon, en ce qui concerne cette norme applicable, elle sera fondée sur la moyenne des rendements régionaux des quatre dernières années. Cette norme sera, en définitive, juste et équitable dans les circonstances.

En ce qui concerne le système collectif obligatoire, on a descendu cette possibilité toute la journée. Les objectifs recherchés par ce programme sont, en définitive, louables, à savoir qu'ils constituent un mécanisme permettant à l'ensemble des agriculteurs d'une région sinistrée d'être indemnisés à la suite d'une calamité quelconque.

Je suis d'accord que certaines fédérations, que certains groupements particuliers se sont prononcés contre ce principe, mais on n'a entendu aucun membre de l'Opposition aujourd'hui venir nous dire que la fédération, que l'UPA provinciale se soit prononcée contre. Aucun ne l'a mentionné. Est-ce que l'UPA s'est prononcée contre à son congrès qui s'est tenu les 19, 20 et 21 novembre ici à Québec? Non. Elle ne s'est pas prononcée contre.

Cela va de soi, et nous en sommes pleinement conscients, nous n'avions pas besoin du député de Johnson et du député de Lafontaine pour venir nous dire que, pour certains agriculteurs, le système collectif pouvait peut-être, éventuellement, présenter certains problèmes. Nous en sommes conscients. Là-dessus, je dois dire que je suis bien heureux de la décision du ministre de s'être engagé envers la Chambre, par des dispositions particulières dans le projet de loi, pour faire en sorte que ce régime ne soit pas applicable dans l'immédiat, pas applicable avant qu'il n'ait pu le présenter à la commission parlementaire, qu'il n'ait pu entendre les parties.

A ce sujet, je n'ai qu'un voeu à formuler au ministre et c'est le suivant: A cette commission parlementaire, je crois qu'il serait peut-être opportun d'entendre, en plus des groupes qui ne seront pas d'accord, les officiers de la régie et de l'Office du crédit agricole pour déterminer certains problèmes particuliers auxquels nos agriculteurs ont à faire face.

Le député de Saint-Jean a fait allusion, cet après-midi, au problème qu'il n'y avait pas d'appel sur les questions de fait. C'est vrai. C'est vrai que, dans nos comtés, nous sommes à même de constater que certains agriculteurs ont des problèmes dû au fait qu'ils n'ont le droit de plaider que sur des questions de droit.

Je crois qu'il n'y a pas de moment plus opportun que la commission parlementaire pour entendre les parties, la régie pour voir les possibilités d'inclure dans une réglementation quelconque la possibilité pour les agriculteurs de se pourvoir en appel sur une décision de fait.

C'est l'ensemble de mes considérations sur ce projet de loi, M. le Président. Je n'ai qu'un commentaire à faire en terminant, c'est de dire au ministre que ce ne sont pas tous les agriculteurs du Québec qui sont contre son projet de loi. Le système individuel reçoit l'approbation de la grande majorité de ceux-ci. Le système collectif, avant d'être en vigueur, recevra une étude approfondie particulière en commission parlementaire où on pourra entendre les besoins de nos agriculteurs. Vous savez, M. le Président, les agriculteurs du Québec, ce n'est pas seulement l'Opposition qui peut défendre leurs intérêts. On n'a qu'à regarder ce qui s'est fait dans le passé. Où est-ce qu'ils étaient ces gens de l'Opposition pour les défendre, ces agriculteurs? Qu'on regarde leur programme politique. Sans vouloir faire de la politique ici, on pourrait longuement la vider la question.

Je vois rire le député de Saint-Jacques, qu'est-ce qu'il connaît dans les problèmes des agriculteurs? Venez-donc faire un tour dans nos comtés, vous allez apprendre.

M. TARDIF: ...

M. PAGE: Je termine là-dessus, M. le Président, en rendant mes hommages au ministre pour nous avoir garanti l'audition en commission parlementaire et je lui demande de plus la possibilité que les officiers de la régie puissent comparaître à cette audition.

M. TARDIF: Le député de Lafontaine ne comprend rien aux agriculteurs.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La réplique de l'honorable ministre de l'Agriculture.

M. Normand Toupin

M. TOUPIN: M. le Président, je ne voudrais pas être tellement long, parce que le temps passe vite. D'autant plus que tous les discours qui ont été faits de l'autre côté de la Chambre, notamment de la part de l'Opposition, étaient, tout compte fait, en termes de contenu, à peu près les mêmes.

On n'a pas trouvé d'idées neuves, d'idées originales dans ni l'une ni l'autre des interventions qui ont été faites, sauf, évidemment, l'idée de rappeler des faits, de lire des articles de journaux, de tenter de justifier une position

qui, j'en suis convaincu, dans plusieurs cas, ne correspond pas nécessairement à l'idée de fond que se font ces gens de la Loi sur l'assurance-récolte.

Le chef de l'Opposition a terminé son discours — je présume que quand le chef de l'Opposition parle, il doit parler au nom de son groupe — en disant que ce projet est prématuré, qu'il vient avant son temps. Donc, on peut déduire que le chef de l'Opposition est d'accord sur le fond du principe, est d'accord sur l'idée, mais qu'il ne s'accorde pas avec le temps où il faudrait mettre en vigueur, en application ce système, ce plan.

M. le Président, est-ce que cette opposition qui se dit avant-gardiste ne fait pas preuve un peu d'opportunisme dans un cas comme celui-là? Est-ce qu'elle n'essaie pas de cacher, sous prétexte que certains groupes d'agriculteurs ne sont pas tout à fait d'accord sur l'ensemble du projet, de cacher une idée de fond qui correspond, tout compte fait, à la nôtre, et qui convient aux grands principes qui doivent présider à la protection des récoltes des agriculteurs au Québec?

Il est évident, et je pense qu'il serait facile d'en faire la démonstration, que des programmes d'assurance-récolte au Québec son nécessaires. On ne peut pas passer à côté de cette question. On peut, bien sûr, discuter des expériences vécues jusqu'à maintenant. Les opinants de l'Opposition, y compris l'honorable député de Johnson, ont fait un peu l'historique de l'assurance-récolte. Je l'ai fait, M. le Président, dans mon discours de deuxième lecture, et j'ai dit à peu près ce qu'ils nous ont dit de l'autre côté, c'est-à-dire qu'ils ont dit après moi ce que j'avais dit avant eux. Je ne dis pas qu'ils ont, tout compte fait, répété les idées que j'ai émises à ce moment, mais cela se ressemblait pas mal.

Il est sûr que les programmes d'assurance-récolte, depuis 1966, 1967, 1968, 1969, 1970 ont causé des problèmes sérieux.

Il est évident que le nombre d'assurés, de 19,000 qu'il était, est tombé à 9,000. Ce sont des statistiques qui ne mentent pas. C'est un fait. Mais il ne faut quand même pas ignorer aussi que le nombre d'agriculteurs a diminué substantiellement depuis cette période. Il ne faut pas oublier également que ces programmes d'assurance étaient nouveaux, que cette régie d'assurance était nouvelle. Il n'y avait aucune expérience vécue dans aucune autre province du pays et dans aucun autre Etat limitrophe, dont pouvait s'inspirer la régie. Donc, elle a dû faire par elle-même sa propre expérience. Cette expérience a voulu, bien sûr, que des problèmes se posent en termes d'administration, en termes de vente d'assurance, en termes d'explications des contrats d'assurance.

Quand ceux de l'Opposition disent que des contrats n'ont pas été respectés, ce n'est pas vrai. C'est de la foutaise d'affirmer des choses comme celles-là. La Régie de l'assurance-récolte a toujours respecté ses engagements envers ses assurés. Il est sûr que certains producteurs, parce qu'on n'avait pas de comptabilité en main, ont fait des déclarations de rendements peut-être plus élevées que réellement ils pouvaient se comptabiliser. Mais il faut bien que la régie respecte au moins des moyennes régionales. Dans cette perspective, il peut arriver que certains producteurs, qui s'étaient assurés pour X minots d'avoine ou pour X minots d'orge, se soient vu payer des indemnités plus basses que celles qu'ils avaient prévues. Il est possible que cela soit arrivé, mais c'était prévu dans les programmes. L'agriculteur était informé de ça au moment où on lui a vendu sa police d'assurance. Ce n'est pas manquer à un engagement contractuel. C'est simplement appliquer un programme d'assurance.

Revenons rapidement, pour terminer, sur le programme qui fait l'objet, actuellement, des discussions les plus animées, c'est-à-dire celui qui concerne l'assurance collective. Si le ministère de l'Agriculture ou le gouvernement a jugé bon de penser un tel programme et de l'encadrer dans une loi, c'est qu'il avait des motifs de le faire. Il ne l'a pas fait purement et simplement, comme l'a dit le député de Johnson, pour aller chercher $2 millions de primes dans la poche des agriculteurs et ainsi taxer indirectement les agriculteurs pour financer le gouvernement. Cela aussi c'est fou en soi, parce que l'expérience démontre que, pour chacun des dollars que les assurés ont investis dans le passé, ils en ont reçu presque $4 en termes d'indemnités. Donc, c'est loin d'être une taxe indirecte. C'est une police d'assurance payante que les producteurs ont achetée dans le passé. Pour eux, il n'y a pas de doute possible.

Alors, les programmes à venir vont se situer dans cette même perspective. Les agriculteurs mettront une partie de la prime. Le gouvernement mettra une partie de la prime. Ainsi, l'agriculteur a toujours la chance de recevoir au moins le double de sa prime, si toutefois le fonds d'assurance se maintient à zéro. Il est évident qu'il percevra toujours la part que l'Etat met dans l'assurance. Donc, ce ne sont pas $2 millions que le producteur va mettre dans un fonds; ce sont $2 millions qu'il peut aller chercher dans un fonds. Cela est une autre question. C'est la part que le gouvernement met, en termes de primes, qui est égale à celle des producteurs. Si le fonds d'assurance se maintient à zéro, qui, alors, profite des primes que paie le gouvernement, si ce ne sont les producteurs eux-mêmes? Donc, ce sont $2 millions de plus dans la poche des agriculteurs au bout du compte. C'est cela que cela veut dire, des primes partagées.

Il est bien évident que, s'il y avait abus de la part de la régie, si la régie percevait des cotisations pour le simple plaisir d'accumuler un fonds et de consentir des prêts par la suite, à taux d'intérêt élevé et ainsi tenter de s'alimenter ou d'alimenter la caisse à même des intérêts pris sur des sommes d'argent, pris dans un fonds alimenté par les agriculteurs.

Je serais d'avis, avec le député de Johnson,

que cela pourrait être, vis-à-vis des agriculteurs, quelque chose de pas tout à fait juste. Mais ce n'est pas cela que l'histoire nous a enseigné là-dedans. Elle nous a enseigné le contraire. Chaque fois qu'on y a mis $1, on a touché plus de $3, presque $4. Donc, cette idée de taxe indirecte ne tient pas du tout en soi.

Le député de Saint-Jacques disait, par exemple, que le gouvernement profite d'une cotisation obligatoire pour renflouer les fonds de la Régie de l'assurance-récolte. Cela aussi, c'est faux. Ce n'est pas vrai en soi, pour une raison très simple. C'est que les comptabilités sont séparées à la Régie de l'assurance-récolte et que la loi prévoit que des augmentations de primes sont obligatoires seulement quand le fonds ne remplit pas ses obligations de paiement aux producteurs.

Or, cela ne financera rien d'autre que le programme collectif, rien d'autre que cela. Cela ne pourra pas financer les programmes individuels, parce que si les programmes individuels ne parviennent pas à se financer par eux-mêmes, deux options possibles demeurent: un emprunt du gouvernement ou une augmentation des primes. C'est ce que la régie a fait dans le passé. Elle n'a pas voulu augmenter trop ses primes, elle a emprunté $9 millions du gouvernement. Dans la loi, nous prévoyons, que ces $9 millions de déficit seront, jusqu'à un certain point, automatiquement remis aux producteurs, c'est-à-dire qu'on n'augmentera pas les primes pour aller chercher les $9 millions empruntés au ministère des Finances.

Donc, c'est une sorte de subvention indirecte versée aux producteurs. Je crois justifié que nous le fassions de cette façon, parce que l'assurance-récolte était, au cours de ses premières années, en tant que programme, un programme expérimental.

L'idée fondamentale du programme collectif, c'est purement et simplement de répondre à un besoin collectif. Les agriculteurs du Québec ont ce besoin qui est collectif. Quand la grêle ravage toute une région et qu'il y a seulement 20 producteurs d'assurés alors qu'il y en a 300 de touchés, il y en a 280 qui sont pénalisés et 20 seulement qui reçoivent des indemnités. Il me paraît, personnellement, qu'on doive trouver un moyen pour régler le problème de l'équité en termes d'intervention de l'Etat, parce que l'Etat intervient indirectement puisqu'il paie la moitié des primes et, en plus, paie la totalité de l'administration de la régie.

C'est le but premier et principal de la partie collective de l'assurance-récolte que nous proposons. Ce n'est pas d'autres objectifs que celui-là que nous poursuivons. Dans le passé, lorsque nous avions notre programme essentiellement optionnel et individuel, qu'est-ce qui se produisait? Les petits producteurs moins efficaces achetaient de l'assurance en plus grande quantité que les producteurs les plus efficaces. Les producteurs les plus efficaces ne recevaient des indemnités que très rarement alors que les moins efficaces recevaient des indemnités presque à tous les ans, à tel point que les producteurs efficaces ont cru bon ne plus s'assurer et que seuls les moins efficaces se sont retrouvés avec le système, d'où une diminution assez rapide, à un moment donné, des principaux agriculteurs du Québec à cause de leur efficacité, qui auraient pu soutenir économiquement plus avantageusement la Régie de l'assurance-récolte dans le cadre de ses programmes.

Comment est-il possible de pallier un problème comme celui-là? Si, par exemple, nous augmentons les primes aux moins efficaces, de telle sorte que ces dernières correspondent aux indemnités payées, ces primes seront élevées à un tel point que les producteurs petits et moins efficaces n'achèteront pas d'assurance. Si nous mettons les primes moins élevées pour les producteurs les plus efficaces, ceux-là peut-être s'assureront davantage mais comment allons-nous régler le problème des petits et des moins efficaces? Non pas parce que ces derniers ne veulent pas être plus efficaces, mais parce qu'ils sont situés dans un contexte économique agricole qui fait qu'ils demeurent dans ce contexte.

Incapacité d'agrandissement de la ferme, âge trop élevé de l'agriculteur, difficulté de main-d'oeuvre, crainte de l'investissement, ce sont des problèmes courants que nous rencontrons en agriculture. Ce sont des difficultés courantes que nous rencontrons dans le secteur agricole.

Donc, nous verrions cette catégorie de petits et moyens agriculteurs laissée pour compte et on les laisserait encore une fois se débrouiller seuls. Cela ne me paraît pas logique. Arriver rationnellement à déterminer au Québec où se trouve la forme la plus efficace, où se trouve la forme la moins efficace, cela devient extrêmement difficile.

Plus que cela, comment faire comprendre à un producteur qu'il n'est pas efficace? Comment dire à un producteur agricole qu'il n'est pas efficace, alors que, très souvent, les conditions économiques dans lesquelles il se trouve ne lui permettent pas d'atteindre une plus grande efficacité?

Il y a une seule façon de répondre à ce problème. Il n'y en a pas deux ni trois. C'est celle de tenter de régler un problème collectif par des mesures collectives. C'est ce que le projet vise. Je sais, comme plusieurs l'ont soutenu, que l'obligation de payer une prime, la partie qui veut que 70 p.c. seulement des pertes soient couvertes et la question de l'établissement des zones sont discutables.

Je sais qu'il y a des groupes d'agriculteurs au Québec qui ne sont pas entièrement d'accord sur toutes ces questions et je sais, par ailleurs, que d'autres le sont. Le rôle d'un gouvernement, ce n'est pas seulement de tenter de régler les problèmes immédiats. Un gouvernement n'a pas toujours le droit d'agir en pompier. Il doit avoir le courage et l'audace de projeter dans le temps et de tenter d'amener les populations et plus particulièrement, en ce qui me concerne,

les agriculteurs à épouser des programmes qui soient plus conformes à leurs besoins et qui correspondent surtout à leur capacité de payer.

On parlait de primes. On ne peut pas, bien sûr, écrire dans la loi quelle sera la prime que devra payer l'agriculteur québécois, mais les statistiques que nous avons et notamment les recherches que nous avons fait faire par des spécialistes en la matière, des maisons d'actuaires, nous disent que cela ne dépassera pas $.01 les 100 livres de lait.

La moyenne de production, au Québec, c'est 150,000 livres de lait par ferme. C'est l'équivalent d'environ $15 par ferme, au Québec. C'est cela que le député de Johnson appelle une taxe indirecte. C'est cela que le député de Johnson croit, qu'on va placer l'agriculteur dans une situation économique intenable. Même si cela coûtait $30 par année, par producteur, au Québec, pour se procurer un programme qui se trouve à la mesure de ses besoins, est-ce que ce serait exagéré? Est-ce que c'est d'abuser des agriculteurs quand on sait que le gouvernement va en mettre autant de son côté? Non, M. le Président.

La section relative au programme à options libres a été réaménagée, a été refaite; lorsque nous le discuterons article par article en commission parlementaire, vous verrez les améliorations qui ont été apportées dans le programme. Quant au programme collectif, il vient, comme je le disais, répondre à un besoin réel et je crois sincèrement que, si nous ne parvenons pas à l'appliquer au cours des prochains mois ou des prochaines années, les agriculteurs du Québec se priveront d'un service essentiel pour la protection économique de la ferme, pour la protection du revenu de l'agriculteur. Je pense qu'ils se priveront d'un programme essentiel et fondamental pour le développement de l'économie agricole. Je l'ai dit dans mon discours en deuxième lecture et je le répète dans la réplique, je ne vois pas d'inconvénient à ce que le programme dit collectif soit appliqué plus tard par proclamation et qu'entre-temps on donne l'occasion aux producteurs de venir nous dire ce qu'ils pensent. En même temps, on entreprendrait des contacts directs avec les groupements d'agriculteurs au ministère et on saurait vraiment ce qu'ils veulent.

Personnellement, je ne verrais pas du tout d'un mauvais oeil qu'après étude, après une étude de quatre, cinq ou six mois, si certains amendements s'avèrent utiles et s'avèrent nécessaires, je n'aurais absolument pas d'objection à ce qu'on le fasse. Il y a des régies au Québec et des programmes beaucoup plus importants que ceux-là qui ont été implantés il y a quelques années, et une année après, il a fallu amender des lois pour améliorer le programme. C'est le cas de l'assurance-maladie, c'est le cas de la caisse de dépôt, c'est le cas de tous ces programmes. Il n'y a rien de malencontreux en soi que nous cherchions à améliorer les lois et je suis conscient, tout comme ceux de l'autre côté, que cette loi n'est pas parfaite. Mais je reste convaincu, par exemple, qu'elle vient répondre à des besoins réels. Et croire que c'est une taxe déguisée, croire qu'on veut se servir des agriculteurs pour renflouer un fonds déficitaire, c'est purement et simplement...

UNE VOIX: Une autre fantaisie.

M. TOUPIN: ... de la foutaise, M. le Président. Ce n'est pas du tout l'objectif du projet de loi. Et je terminerai avec les phrases du chef de l'Opposition, mais plus favorables: Je ne dis pas que ce projet de loi est prématuré, je dis que le gouvernement doit avoir l'audace de dépasser dans ses solutions les problèmes immédiats.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

UNE VOIX: Adopté.

M. BURNS: Vote enregistré, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les députés!

Vote de 2e lecture

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de cette motion de deuxième lecture du projet de loi no 20, Loi sur l'assurance-récolte, veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Phaneuf, Lachapelle, Berthiaume, Goldbloom, Simard, Hardy, Tetley, Lacroix, Forget, Toupin, Massé, Harvey (Jonquière), Arsenault, Houde (Abitibi-Est), Giasson, Perreault, Brown, Fortier, Bossé, Kennedy, Bacon, Veilleux, Brisson, Séguin, Saindon, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamontagne, Fraser, Picard, Gratton, Gallienne, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Shanks, Springate, Pépin, Bellemare (Rosemont), Boutin, Chagnon, Marchand, Leduc, Caron, Harvey (Dubuc), Lecours, Malépart, Mercier, Pagé, Parent (Prévost), Picotte, Tardif, Tremblay, Vallières, Verreault.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi) , Bellemare (Johnson).

Pour: 63 LE SECRETAIRE: Contre: 6

LE PRESIDENT: Cette motion est adoptée.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que le projet de loi no 20, Loi sur l'assurance-récolte, soit déféré à la commission parlementaire de l'agriculture, pour étude article par article.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEVESQUE: Article no 10.

Projet de loi no 41 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires sociales propose la deuxième lecture du projet de loi no 41, Loi modifiant la loi sur les services de santé et les services sociaux.

Le ministre des Affaires sociales.

M. Claude Forget

M. FORGET: M. le Président, le texte de ce projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui en deuxième lecture constitue la réimpression d'un projet que je déposais devant cette Assemblée en juillet dernier et qui, après quelques mois, a fait l'objet de plusieurs séances en commission parlementaire.

De nombreux organismes nous ayant fait parvenir des mémoires sont venus éclairer les membres de la commission des Affaires sociales sur les implications de cette loi et sur les réactions qu'elle provoquait chez eux.

Comme conséquence directe de ces travaux, de multiples changements sont intervenus dans le texte du projet adopté en première lecture. La plupart de ses dispositions ont subi des améliorations qui seront de nature, je crois, à répondre à un certain nombre d'inquiétudes ou d'objections formulées envers la version originale.

Il s'agit là de la démonstration renouvelée de la capacité du gouvernement Bourassa à écouter les représentations de bonne foi qui lui sont faites et à en tenir compte dans sa législation.

Le projet réimprimé groupe plus de 70 articles. C'est dire qu'il s'agit là d'une pièce de législation complexe qu'il m'apparaît inopportun et même impossible de décrire en détail. J'aimerais toutefois grouper mes propos autour de certains thèmes qui ont retenu davantage l'attention du public et, en particulier, des groupes impliqués de manière à faire ressortir plus clairement l'intention du gouvernement et, je l'espère, du législateur ainsi que l'effet principal de cette loi. Ces thèmes sont respectivement le rôle des professionnels au sein des établissements d'affaires sociales; la participation des usagers à la gestion de ces établissements et, enfin, la réalité de la décentralisation qui caractérise ce réseau d'établissements.

Relativement au rôle des professionnels dans les établissements, il importe en premier lieu de souligner que nous avons devant nous une loi portant sur l'organisation des établissements et non pas sur l'exercice des professions.

Le premier projet qui vous fut soumis contenait, conformément à cette distinction, une définition des professionnels dont le seul but était de préciser à qui s'adressait l'invitation de participer au comité consultatif chargé de recommander, dans chaque établissement, au conseil d'administration les mesures propres à en améliorer l'organisation scientifique et technique.

En d'autres termes, le but de cette définition était d'inviter tous ceux dont la formation académique et les occupations sont essentielles à la poursuite des objectifs d'un établissement à participer à la définition de ces objectifs — le but n'était pas d'en exclure qui que ce soit. Malheureusement, une telle définition très large ne concordait pas avec la définition des professionnels que renferme implicitement la législation sur les corporations professionnelles et a été jugée par plusieurs comme une source de confusion. En conséquence, le projet révisé qui vous est soumis aujourd'hui abandonne tout effort de définition du terme "professionnel" et substitue au conseil consultatif des professionnels un conseil consultatif du personnel clinique définissant ce personnel clinique d'une manière conforme aux objectifs de cette loi et sans références non plus que sans confusion possible avec d'autres lois et, en particulier, celles traitant de l'organisation des professions elles-mêmes.

D'autre part, et dans le même esprit, il me faut affirmer que les établissements; qu'il s'agisse d'établissements de santé ou d'établissements de services sociaux, n'ont pas la mission de déterminer le contenu de la pratique professionnelle des personnes qui y exercent leur art ou leur science. Si, dans certains cas, on peut juger que cette pratique professionnelle laisse à désirer, si l'on croit que les professionnels démontrent de la négligence ou de l'incompétence dans l'exercice de leurs responsabilités, il incombe aux institutions d'enseignement supérieur de les mieux former ou de les recycler, aux corporations professionnelles à les discipliner et au public, enfin, à ne plus les consulter ou à exercer envers eux les recours que la loi leur procure. Sous réserve de ces sanctions et de ces remèdes, les professionnels qui oeuvrent dans un établissement le font de manière autonome et ceci, remarquons-le, ne dépend en aucune manière de leur mode de rémunération. Un professionnel salarié est, en effet, sur le strict plan de son exercice professionnel tout

aussi autonome que s'il était rémunéré à l'acte ou à vacation. En effet, la justification de l'autonomie professionnelle ne se trouve pas dans la fidélité aux directives gouvernementales ou patronales, car en ce domaine il n'en existe pas et il ne peut pas en exister, mais exclusivement dans les résultats obtenus par une pratique professionnelle de qualité.

Ce principe est si important qu'il convient de dire non seulement que les établissements ne disposent pas actuellement d'autorité sur la pratique professionnelle mais encore qu'ils ne devraient pas y prétendre. Il importe, en effet, dans toute situation, de bien identifier les responsabilités et, dans le face à face entre les professionnels et leurs clients, il ne peut y avoir et il ne doit y avoir qu'un seul responsable. Nous ne voulons diluer cette responsabilité d'aucune manière. Nous voudrions, au contraire, en étendre l'application. Par exemple, le médecin en face du malade doit trouver dans son propre jugement clinique la solution à un problème diagnostique sans chercher à systématiquement diluer cette responsabilité par un recours cliniquement superflu à des procédés diagnostiques anonymes et mécaniques.

L'infirmière, en face d'un grand malade alité, doit assumer également les responsabilités qui sont les siennes non seulement pour assurer un contact humain mais de soins compétents susceptibles de prévenir, par exemple, des plaies de lit ou une infection, sans attendre les directives de l'autorité hiérarchique. Le travailleur social en face d'un adolescent perturbé doit, effectivement, prendre en charge ce jeune et ne pas s'en remettre à de vagues processus administratifs pour assurer sa réadaptation. Nul autre que ces professionnels ou d'autres que je pourrais également nommer peut assumer de telles responsabilités sur une base personnelle envers le patient ou le bénéficiaire. Rien ne doit intervenir au niveau de la loi, des structures, des politiques gouvernementales pour diminuer cette responsabilité personnelle et directe qui est la garantie de services de santé et de services sociaux de qualité.

Une étude faite par certains chercheurs de la faculté de droit de l'université Laval, et à laquelle les journaux ont accordé un certain écho récemment, allègue que la responsabilité professionnelle des médecins s'étend aux établissements et au ministre lui-même. Cette étude est basée sur des éléments juridiques qui me sont inconnus pour l'instant et que je puis mal apprécier. Si, cependant, la thèse qu'elle défend s'avère vraie, je déclare sans hésitation qu'il faudrait changer la loi pour écarter une telle conséquence. En effet, on n'aurait rien obtenu de plus, sur le plan de la qualité des services et de la personnalisation des soins, en obtenant que le gouvernement verse des compensations financières aux victimes d'une pratique professionnelle négligente. On aurait cependant contribué à créer une situation dans laquelle les responsabilités professionnelles se- raient diluées au point de disparition. C'est dans cet esprit que l'article 70 de la Loi sur les services santé et les services sociaux, tel qu'on le trouve dans le projet d'amendement qui est devant vous, a subi une modification pour en corriger le libellé de manière à éviter toute interprétation de nature à créer un doute quant à la responsabilité des professionnels sur le contenu des actes posés par ceux-ci dans l'exercice de leurs fonctions.

De la même façon, l'obligation de consulter le Conseil des médecins et dentistes lors du renouvellement de nomination, du changement de statut ou du privilège d'un médecin dans un centre hospitalier ainsi que lors de la nomination des chefs de départements cliniques est consacrée désormais dans les textes. J'ai eu plus d'une fois l'occasion d'indiquer qu'il s'agit dans mon esprit d'une chose normale et naturelle, si normale et naturelle, même, que sa mention dans la loi m'était apparue superflue. Certains y ayant décelé une ambiguïté, la précision désirée a été apportée. Toujours dans le même esprit d'affirmation de la responsabilité professionnelle, les modalités d'intervention des universités, ou plus précisément des facultés de médecine, dans la nomination des médecins et chefs de départements des hôpitaux d'enseignement ont été également redéfinies.

Il est clair toutefois que les professionnels ne vivent pas seulement dans un monde circonscrit par leurs expertises propres. Dans l'univers de plus en plus complexe de la santé et même des services sociaux, différentes catégories de professionnels inter-agissent les unes avec les autres, collaborent ou rivalisent même dans l'utilisation des ressources matérielles des établissements où ils se trouvent et ont donc besoin d'une certaine coordination de manière à pouvoir fonctionner efficacement et sans perte inutile d'énergie et de ressources. Le rôle des administrateurs est évidemment capital à cet égard.

D'autres amendements, inchangés ceux-là par rapport au projet initial, ont pour but d'ajuster les relations entre les infirmières et les médecins à l'intérieur des centres hospitaliers. En cela, le gouvernement, par la législation qu'il propose, joue le rôle d'un arbitre. Certains observateurs ont souligné la rapidité du rythme des changements intervenus dans cette partie de la loi et des règlements depuis quelques années. Il ne s'agit pas là cependant d'un caprice ou d'une fantaisie du gouvernement. Les milieux professionnels, à cet égard et à beaucoup d'autres, sont l'objet et le centre d'une évolution profonde et rapide qui a ses origines en partie dans les actions gouvernementales mais beaucoup plus largement dans une évolution des idées, des programmes de formation et même des structures sociales.

Dans une large mesure, les modifications successives intervenues à la loi, aux règlements et puis à nouveau dans la loi, telle qu'elle est devant vous, sur les services de santé et les

services sociaux, constituent un effort de pacification et de stabilisation de ces relations changeantes, ayant pour but d'assurer, malgré ces changements eux-mêmes, le fonctionnement le plus harmonieux possible de nos centres hospitaliers. Les médecins comme les infirmières sont indispensables au fonctionnement de ces établissements et il nous a paru nécessaire, pour assurer leur fonctionnement, d'ajuster les textes légaux et réglementaires aux perceptions respectives des deux groupes quant à leurs statuts et à leurs relations réciproques. Cette tâche étant désormais accomplie du mieux qu'il nous était possible, les yeux du public se tourneront désormais vers ces groupes professionnels à qui il incombe de dépasser enfin les considérations de statut et de prestige pour accorder l'attention qu'elle mérite à la tâche à accomplir.

Un autre aspect important de ce projet de loi susceptible d'affecter le rôle des professionnels dans nos établissements vise à déterminer les modalités d'accès des médecins dans les hôpitaux. Jusqu'à l'adoption, en 1971, de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, rien n'empêchait un hôpital de se comporter à cet égard à la manière d'un club privé. Pour corriger une situation notoirement abusive et pour laquelle le recours devant les tribunaux de droit commun s'étaient avérés largement infructueux, la loi de 1971 contenait des dispositions qui, dans leur application, risquaient de transformer ces clubs privés en parcs publics. Ce développement en soi désirable risque cependant d'avoir pour conséquence, à moins d'être corrigé quelque peu, d'amener tout le monde à jouer dans le plus beau parc et, une fois installé, à ne plus y respecter les règles du jeu, règles élémentaires qui sont nécessaires pour préserver précisément l'attrait de ce parc.

L'article 92 et les articles suivants incorporent donc dans la loi les procédures précédemment définies aux règlements en améliorant toutefois ces dispositions, et cela de deux manières. D'une part, et précisément pour permettre à chaque établissement, c'est-à-dire, dans un tel cas, au Conseil des médecins et dentistes de l'établissement, l'exercice le plus complet de ses responsabilités professionnelles, la loi prévoit désormais un examen des critères d'admission à la lumière des fonctions et des exigences propres de l'établissement. Ceci devrait permettre de tenir compte de manière explicite des vocations propres à l'établissement, telle leur vocation d'enseignement, sans pour autant livrer l'accès des médecins à un établissement particulier à l'arbitraire de ceux qui s'y trouvent déjà. D'autre part, et dans le même esprit, la loi protégera désormais de façon très claire le caractère confidentiel des renseignements accumulés par les comités du Conseil des médecins et dentistes et du Conseil consultatif du personnel clinique relativement aux qualifications, à la compétence et au comportement d'un collègue. Le processus dans son ensemble se déroule cependant sous réserve d'une obligation de motiver, c'est-à-dire d'expliquer toutes les décisions ainsi rendues et sous réserve d'un appel des décisions ainsi motivées devant la Commission des affaires sociales. Ces dispositions visent à un équilibre entre, d'une part, le principe de liberté de choix du médecin et, d'autre part, la nécessité de protéger la qualité des services médicaux en évitant de faire de chaque centre hospitalier l'équivalent médical d'un terminus d'autobus. On comprendra sans peine que les 9,000 médecins du Québec ne peuvent avoir accès de façon égale et sans limite à chaque centre hospitalier du Québec.

Une disposition nouvelle prévoit la formation d'un Conseil des médecins et dentistes dans les CLSC où se trouvent trois médecins ou plus et une autre prévoit la présence d'un représentant de ce conseil au conseil d'administration d'un tel établissement.

J'en viens maintenant, M. le Président, au deuxième thème qu'il me paraît important de développer pour bien comprendre l'esprit de l'amendement qui est devant l'Assemblée, soit la participation des usagers.

Les remarques précédentes ont suffisamment fait voir, je pense, la vitalité et même l'importance des intérêts professionnels particuliers de certains groupes qui s'affirment à l'intérieur des établissements. S'il était possible d'attribuer une source particulière à l'idée de la participation des usagers dans les établissements de santé et de services sociaux, il faudrait peut-être, à mon sens, la chercher dans la nécessité de contribuer à une certaine objectivité dans leur gestion par l'addition d'éléments de l'extérieur, par définition neutres, vis-à-vis ces intérêts professionnels ou autres parfois divergents.

Il est sans doute vrai que le profane n'est peut-être pas susceptible, dans un contexte marqué par une spécialisation des tâches et le haut degré de technicité du milieu, de contribuer de manière experte à l'évolution des pratiques professionnelles et de l'organisation administrative de tels établissements.

Cependant, la présence, dans les conseils d'administration des établissements d'affaires sociales, de personnes étrangères à ces considérations professionnelles et avant tout soucieuses du résultat final de ces activités sur le bien-être et la santé des bénéficiaires peut jouer le rôle essentiel de catalyste pour empêcher que nos établissements ne deviennent les champs de bataille d'intérêts opposés et rivaux.

Il est donc essentiel de donner toutes les chances possibles à cette participation des usagers de se manifester. C'est bien là d'ailleurs, on l'a senti, le but des amendements proposés dans ce projet de loi. En particulier, nous proposons un jour unique à travers le Québec pour la tenue des élections de manière à en faciliter la publicité et donc d'accroître au maximum la probabilité d'une participation élevée.

Les règles relatives au quorum nécessaire pour les assemblées électives des représentants

des usagers ont été assouplies, sauf dans le cas des CLSC où il nous fut représenté, en commission parlementaire, que la valeur de la participation des usagers tenait beaucoup à la largeur de son assiette, dans ce cas particulier.

Enfin, dans tous les cas et pour toutes les catégories d'établissements, le projet de loi propose un mandat allongé d'un à deux ans, de manière à assurer une plus grande efficacité à cette participation grâce à la familiarisation accrue de ceux qui l'assument.

Ce principe de participation tel qu'il s'exprime dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux représente une expérience sociale qui n'a pas beaucoup de parallèle ou de précédent et dont le succès dépend du sens des responsabilités dont sauront faire preuve les différentes parties en cause.

Il faudra voir, de part et d'autre, un désir raisonnable de travailler en commun et de surmonter ce qui peut diviser non seulement différents groupes de professionnels entre eux, mais encore l'administration des professionnels, l'administration des employés salariés, l'ensemble du personnel de l'établissement et des usagers eux-mêmes.

Il faut bien comprendre, par ailleurs, que certaines constatations douleureuses que l'observation de notre système de services de santé et de services sociaux nous procure à l'occasion, constatations qui peuvent porter soit sur la faiblesse de l'administration, soit sur l'agressivité des syndiqués, soit sur la jalousie des professionnels, sont des problèmes de notre société et pas seulement de la loi qui encadre le fonctionnement de nos établissements.

Les structures, si logiques et rationnelles qu'elles soient, ne peuvent résoudre ces problèmes et une solution autoritaire ne le pourrait davantage, se bornant en cela à masquer pour un temps les crevasses.

Il est d'autre part exact que les structures, à cause des occasions de confrontation qu'elles offrent, ne doivent pas non plus exacerber ces carences et précipiter des crises qui seraient autrement évitables. Les structures, abstraitement considérées, ne sont ni bonnes, ni mauvaises. Seule l'expérience pourra nous dire si celles que nous avons mises en place s'accordent au tempérament national, aux perceptions que chaque groupe social se fait de sa contribution à la société et à la nécessité, ici encore, de produire des résultats concrets.

Certains observateurs et certains mémoires que nous avons étudiés en commission parlementaire nous proposaient d'aménager la participation aux établissements d'affaires sociales en s'inspirant d'un autre modèle, celui des institutions municipales ou scolaires, y compris le scrutin universel qui le caractérise.

Une telle solution est cependant incompatible avec la nature de certains établissements d'affaires sociales.

D'ailleurs, des groupes qui nous en avaient fait la suggestion dans leur mémoire ont recon- nu cette difficulté en commission parlementaire. En effet, ni les centres hospitaliers, ni les centres d'accueil n'ont-ils une juridiction qui soit définie par rapport à une aire territoriale précise. Au contraire, un article de la Loi sur les services de santé et les services sociaux fait de l'accessibilité à chacun des établissements d'affaires sociales sur l'ensemble du territoire du Québec un droit de tout résident du Québec. Par des déclarations et même par des directives adressées aux établissements le ministère des Affaires sociales a toujours insisté pour que soit respecté ce droit à l'accessibilité sans limite à tous les établissements et la détermination de territoire pour des fins d'élection au poste d'usagers des conseils d'administration risquerait fort de jeter un certain doute sur l'application de ce principe.

Certains nous ont reproché d'avoir voulu réserver aux usagers, à l'exclusion de tout autre groupe et, en particulier, à l'exclusion des groupes de professionnels et d'employés qui ont déjà accès au conseil d'administration de l'établissement par d'autres moyens qui leur sont réservés, ces postes aux conseils d'administration. Je ne m'attacherai pas à réfuter longuement cette objection puisque les raisons pour définir des collègues électoraux pour ainsi dire imperméables les uns aux autres ont été expliquées à l'occasion du dépôt initial en première lecture de la loi et largement retenues comme valables par la plupart des observateurs. C'est d'ailleurs la position qu'avaient adoptée — puis-je le rappeler — à une autre époque ceux-là mêmes qui nous en ont fait récemment le reproche.

Etant donné le caractère de certains établissements qui relèvent du ministère des Affaires sociales, le principe de participation ne peut pas toujours recevoir la même application. En particulier, certains bénéficiaires sont affectés d'une incapacité mentale plus ou moins lourde et le projet de loi, en conséquence, autorise les conseils régionaux, dans les cas où une telle solution s'impose, à effectuer eux-mêmes les nominations au conseil d'administration des établissements. Toutefois, les handicaps physiques qui avaient été inclus dans cette disposition lors de la version initiale ont été éliminés comme source d'incapacité à siéger et à être élus. L'incapacité temporaire qui frappe enfin certaines personnes qui ont été condamnés pour un délit criminel sérieux, puisqu'il s'agit de délits criminels pouvant entraîner l'incarcération dans des pénitenciers, pourra cependant être levée dans certains cas lorsqu'il s'agit de permettre leur participation aux conseils d'établissements particulièrement constitués en vue de favoriser la réhabilitation sociale des ex-détenus.

J'en arrive enfin, M. le Président, au troisième volet de cet exposé sur les principes qui nous ont inspiré les amendements et la révision de ces amendements à la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Il s'agit de la

décentralisation qui caractérise ce réseau et de la réalité de cette décentralisation du ministère et des pouvoirs du ministère vis-à-vis du réseau d'établissement. Le terme de décentralisation tel qu'appliqué à l'ensemble des établissements d'affaires sociales constitue souvent une source de confusion. En effet, la décentralisation du réseau existe ou non selon l'éclairage sous lequel un tel problème est examiné.

M. LESSARD: M. le Président, étant donné l'importance de ce projet de loi, comme nous l'explique le ministre, je vous indique que nous n'avons pas quorum.

M. FORGET: M. le Président, nous ne sommes pas rendus à l'heure limite. Je n'ai pas d'objection à reprendre demain, mais...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Qu'on appelle les députés!

M. LESSARD: ... pour ses collègues, quant à nous, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le ministre des Affaires sociales.

M. FORGET: Je disais donc, M. le Président, que la décentralisation du réseau existe ou non, selon l'éclairage sous lequel un tel problème est examiné. Sur le plan juridique, il est clair que nous sommes en présence d'un réseau largement décentralisé. En effet, les hôpitaux, les centres d'accueil et tous les autres établissements ne sont pas la propriété du gouvernement, les directeurs généraux et les autres cadres de ces établissements ne sont pas des fonctionnaires, et le ministre des Affaires sociales ne dispose pas sur eux d'aucune autorité hiérarchique.

En effet, ces établissements sont administrés par des corporations autonomes qui sont propriétaires de leurs actifs immobiliers et qui peuvent nommer et destituer des directeurs généraux à qui ils confient la gestion quotidienne de l'établissement. L'immense majorité des membres des conseils d'administration sont nommés par divers groupes sociaux et non pas par le gouvernement. Ces assises juridiques de la décentralisation du réseau sont cependant modifiées quant à leurs effets par la responsabilité financière qu'a à assumer l'Etat vis-à-vis d'eux, de sorte que la réalité des choses reflète un état mitoyen entre la décentralisation des structures et la centralisation des moyens de financement avec les servitudes que ceux-ci entraînent au plan de la responsabilité vis-à-vis l'Assemblée nationale dans l'utilisation des fonds publics.

A l'heure actuelle, les éléments essentiels de centralisation qui découlent du pouvoir fiscal de l'Etat sont au nombre de trois. En premier lieu, la couverture des régimes de gratuité universelle de certains services ne peut être définie que sur le plan provincial non seulement à cause de ses effets d'entraînement sur l'ensem- ble des dépenses publiques, mais également afin de donner une substance à la notion de droits sociaux, par définition également accessibles à tous les résidents québécois, et qui ne peuvent donc pas, à ce titre, être laissés à la discrétion d'établissements individuels. La nécessité d'affirmer l'autorité du gouvernement et de l'Assemblée nationale quant à ces questions occasionne parfois des frictions entre le ministère des Affaires sociales et certains établissements qui voudraient assumer, par exemple, la distribution gratuite de services dentaires, des services de transport pour leur clientèle, des services de catégories de professionnels non représentés dans nos établissements et qui ne sont pas remboursés par l'assurance-maladie tels que les chiropraticiens ou encore les podiatres pour ne pas les mentionner, dans un ordre d'idée sensiblement différent mais, malgré tout, se situant dans le prolongement des mêmes préoccupations, les services alimentaires subventionnés à des clientèles n'émargeant pas directement à la responsabilité des affaires sociales, etc.

Une deuxième implication d'une centralisation nécessaire des pouvoirs au niveau provincial est constituée par l'objectif d'un développement planifié, ordonné et, autant que possible, harmonieux des diverses ressources institutionnelles grâce auxquelles l'accessibilité aux services peut être développée. Qu'il s'agisse d'unités de chirurgie cardiaque, de bombes au cobalt, d'unités d'hémodialyse rénale, de nouveaux foyers pour personnes âgées, tous les observateurs impartiaux de notre secteur d'activité ont affirmé la nécessité, pour le gouvernement, d'assumer dans ce domaine une responsabilité très large.

S'il est une raison qui, par-dessus toutes les autres, justifie l'intervention du gouvernement dans ces matières, c'est bien la nécessité d'exprimer, par les choix qu'il traduit sur tous ces sujets, le sentiment des priorités nationales qui doivent être définies à ce niveau et en fonction d'options débattues dans l'arène politique. Il est exact que l'exercice de ce pouvoir éminemment démocratique par lequel un gouvernement est amené à définir ses choix, dans l'orientation des programmes à portée sociale, peut parfois être un objet autonome de frictions et de frustrations.

Il importe, cependant, de se souvenir que les critiques, sans doute justifiées, qui peuvent être faites dans de telles circonstances sont surtout dirigées vers l'efficacité imparfaite, je l'avoue, des processus administratifs que vers la centralisation des décisions elles-mêmes. Je désire cependant, pour être bien compris, ajouter qu'il n'est pas essentiel à l'exercice d'une saine démocratie que les décisions les plus menues et les plus détaillées soient ainsi prises au plus haut niveau, mais qu'il faut envisager, au contraire, une délégation progressive de ce pouvoir, en particulier au palier régional, au fur et à mesure qu'il sera possible de préciser le contexte

général dans lequel une pareille délégation peut s'effectuer.

Il existe enfin une dernière caractéristique de la centralisation du régime que nous connaissons qui est également sujette à une certaine évolution.

Je pense en particulier aux contraintes que constitue pour les gestionnaires de chaque établissement l'existence de conventions collectives négociées au plan provincial. Il est certain que les mécanismes utilisés jusqu'à maintenant pour la négociation de ces ententes ont produit une situation, peut-être extrême, d'uniformité et, par conséquent, de rigidité.

Je m'en voudrais de ne pas souligner, au passage, mon ouverture d'esprit et celle de mes collègues du gouvernement à des approches nouvelles, plus souples et plus susceptibles de permettre des ajustements aux conditions locales ou régionales de nos différents établissements.

Il faut, malgré tout, se souvenir que les négociations sur un plan provincial furent pendant longtemps un objectif des syndicats eux-mêmes et que le gouvernement y a souscrit à l'époque pour une raison évidente de rétrécissement des écarts fort substantiels et même inacceptables qui existaient et qui désavantageaient alors les régions où les services étaient les moins accessibles. Cette situation ayant été largement résolue par les développements des dernières années, il demeure possible d'envisager la poursuite d'objectifs nouveaux.

Cela étant dit, il nous reste à décrire de quelle manière l'exercice décentralisé du pouvoir de gestion peut se manifester. Il est futile de parler de décentralisation, sans parler dans le même souffle, des moyens concrets pour en assurer l'exercice. Il est utile, je crois, de considérer l'exercice de ce pouvoir décentralisé que possèdent les établissements dans le cadre d'une relation presque contractuelle qui lie ces établissements à l'Etat. Ce contrat consiste en un échange par lequel l'établissement s'engage, pour ainsi dire, à la réalisation d'une mission ou d'une vocation parfois multiple de services de santé ou de services sociaux, vocation cependant bien définie dans ses objets et dans ses modalités, et en retour de laquelle cet établissement reçoit de l'Etat un budget global.

Ce budget constitue un cadre d'action dont l'établissement ne doit certes pas sortir, mais à l'intérieur duquel sa liberté est totale. Sans doute, pour certains qui mésestiment l'importance de la gestion, une liberté ainsi circonscrite par les pouvoirs précédemment décrits est une liberté sans valeur.

Toutefois, seulement celui qui ignore ce que peut apporter une bonne gestion à la qualité et à l'accessibilité des services ou encore qui est incapable ou peu désireux de s'en acquitter honorablement portera un tel jugement.

En effet, il serait erroné de croire que nos établissements, qu'il s'agisse des conseils d'administration ou des cadres qui les animent, sont pleins d'hommes d'Etat en herbe qui n'aspirent à rien d'autre qu'à manipuler des millions ou à prendre des grandes décisions stratégiques.

Au contraire, ces gestionnaires savent, pour la plupart, que leur rôle consiste à assurer la qualité des rapports humains indispensables pour assurer la poursuite des objectifs de l'établissement, ainsi qu'à améliorer la qualité et la quantité des services à la clientèle, qui constituent la raison d'être de l'établissement. Ces deux contributions sont, naturellement, étroitement reliées entre elles, c'est-à-dire l'amélioration des rapports humains au sein de l'établissement et la production de services de qualité et en quantité raisonnable.

Or, pour les réaliser, l'établissement dispose des moyens suivants: en premier lieu, il possède une discrétion complète sur son organisation par la fabrication d'un plan d'organisation fait sur mesure à ses besoins plutôt qu'imposé par la loi.

L'établissement est, bien sûr, soumis en cela à la surveillance et à l'approbation du ministère des Affaires sociales. Cependant, cette autorisation et cette surveillance sont exercées de manière à aider chaque établissement à mieux discerner ses besoins et à adopter des solutions généralement reconnues comme valables, sans toutefois imposer une inutile uniformité.

Le projet de loi consacre la formule du plan d'organisation librement élaboré par chaque établissement, de préférence à la formule uniforme de l'ancienne Loi des hôpitaux ou à des formules analogues que certains groupes nous ont incités à adopter par la consécration dans les textes de telles ou telles fonctions ou d'un mode d'organisation que tel ou tel groupe veut privilégier.

En deuxième lieu, l'établissement, par son conseil d'administration, effectue le choix de son directeur général et le choix de son personnel de cadre qui, avec le directeur général, assume les responsabilités immédiates du fonctionnement de l'établissement. Dans tout organisme, la décision portant sur le choix des cadres constitue de loin la décision la plus importante qui puisse être prise. Encore là, le projet de loi précise le pouvoir du conseil d'administration à cet égard. 3. L'établissement, par l'élaboration d'un budget détaillé, avec la participation des différents responsables internes de son fonctionnement, est responsable de distribuer entre eux — les différentes entités administratives et professionnelles qui composent l'établissement — les ressources financières et humaines imparties globalement à l'établissement. De cette manière, celui-ci est en mesure de déterminer de manière concrète les priorités dans l'ordre des activités quotidiennes. 4. L'établissement peu également, à sa discrétion, lier des liens de coopération avec d'autres établissements du réseau des affaires sociales ou avec des institutions d'enseignement.

5. Pour toutes ces fins, l'établissement détermine ses propres règles internes de fonctionnement, conclut ses propres contrats et agit dans de multiples domaines comme un organisme pleinement autonome.

On ne peut donc nier, M. le Président, l'importance des pouvoirs attribués par la loi aux établissements, qu'ils soient considérés en eux-mêmes ou qu'ils soient considérés quant à leurs implications sur la qualité et l'accessibilité des services de santé et des services sociaux. Sans vouloir minimiser l'opportunité de rechercher des moyens pour accroître dans toute la mesure du possible la délégation effective des pouvoirs aux instances régionales et locales, les discussions en commission parlementaire de même que les débats publics qui ont entouré ce projet de loi nous ont permis de mesurer l'importance toute particulière des facteurs psychologiques dans l'appréciation de ces problèmes. En effet, un article —l'article 112-existant depuis trois ans dans la loi actuellement en vigueur et sous une forme substantiellement identique, a été perçu, à cause d'un changement de numérotation, comme le signe d'une intention nouvelle de centralisation. Sans doute, nous dira-t-on, pourquoi avoir sorti cette disposition du cadre des pouvoirs réglementaires de l'article 129?

La réponse est simple: II est impensable d'assujettir les dispositifs financiers envisagés par cet article à des délais d'application aussi longs que 90 jours. Une partie de cet article vise en effet les conditions de travail des cadres qui, rappelons-le, ne sont pas soumis à une convention collective. Un délai de publication de 90 jours d'un règlement incorporant de nouvelles conditions de travail et de rémunération pourrait facilement leur porter préjudice en retardant l'application d'une mesure de majoration de leur salaire, par exemple.

Il importe également de remarquer que cette disposition, jamais utilisée d'ailleurs jusqu'à maintenant, ne change rien pour le gouvernement puisque ces dispositions relatives aux cadres ont jusqu'à maintenant été communiquées aux établissements par voie de simples directives. Pour ce qui est des règles de nomination et de sélection des cadres, elles sont depuis longtemps incorporées aux règlements actuellement en vigueur; il n'existe d'ailleurs aucune intention de les modifier dans un avenir prévisible. Cette mesure prévue par l'article 112 accorde donc aux échelles de salaire des cadres plus de publicité et un caractère plus officiel. Elle n'a pas pour effet d'accroître la centralisation du réseau des affaires sociales. En conséquence, tenant compte des facteurs psychologiques que j'ai mentionnés plus tôt, sa formulation a été revue et corrigée.

Pour ce qui est de la deuxième partie de l'article 112, tel qu'on le retrouve dans la version déposée en première lecture, j'ai pu à diverses occasions expliquer le caractère exceptionnel de la situation envisagée et, par consé- quent, du remède. La rédaction de cette disposition ayant également suscité des interrogations nombreuses, j'ai cherché à évaluer de la manière la plus précise possible l'éventualité que l'article voulait prévoir et je présente par conséquent un article entièrement nouveau, l'article 128 a), dans la section de la loi consacrée aux mesures d'exception. Cet article nouveau autorise le lieutenant-gouverneur en conseil, sur la recommandation du ministre des Affaires sociales, à nommer un contrôleur dans un établissement où feraient défaut les contrôles budgétaires indispensables. Une telle mesure, qui s'inscrit immédiatement après celle permettant la nomination d'un administrateur provisoire, ne serait utilisée que dans des cas extrêmes, avec la même parcimonie que celle qui la précède, et avec un effet moindre puisque la nomination d'un tel contrôleur n'aurait pas pour effet de suspendre les pouvoirs habituels et normaux, ni du conseil d'administration, ni du directeur général, mais plutôt de soumettre l'exercice de leur pouvoir de dépenser au visa du contrôleur.

Dans cette formulation nouvelle et plus précise des pouvoirs d'intervention du gouvernement dans la gestion de certains établissements, il n'est donc plus question de déterminer par arrêté en conseil les conditions de travail du personnel, ni même les effectifs des établissements. Une telle définition de pouvoir exceptionnel d'intervention illustre et confirme au contraire le caractère étendu de la décentralisation du régime administratif dans le réseau des affaires sociales. En effet, dans les limites inévitables précédemment indiquées, limites qui impliquent une certaine centralisation de certaines décisions, l'affirmation de l'existence d'une liberté totale quant à l'utilisation des moyens les plus appropriés apparaît d'autant plus clairement qu'une mesure d'exception à caractère tout à fait spécial est nécessaire pour prévoir les contrôles absolument normaux qui s'exerceraient dans tous les établissements à défaut précisément d'une telle décentralisation. Le public ne sait peut-être pas assez en effet que l'Etat provincial confie une part importante de ses ressources financières — couramment plus d'un milliard et demi de dollars par année — et cela sans exercer aucun contrôle a priori sur l'utilisation de ces immenses sommes d'argent, à près de 1,000 établissements, à 1,000 administrations locales qu'il n'a pas choisies et qui ne lui rendent compte qu'à la fin de chaque exercice financier. Certaines questions posées récemment dans cette Chambre au ministre des Affaires sociales illustrent d'ailleurs fort bien l'absence de tels contrôles et la décentralisation effective du réseau.

Je m'empresse tout de suite d'ajouter que cette décentralisation de la gestion des services de santé et des services sociaux aux mains d'une multitude d'établissements s'appuie sur la confiance que nous avons dans la capacité de ces administrateurs locaux d'adopter des modes de

fonctionnement et de prendre des décisions qui s'imposent dans un contexte de responsabilité envers l'ensemble de la société et de rigueur dans l'utilisation des deniers publics qui leur sont confiés. Cette confiance, faut-il le dire, est largement justifiée dans les faits par la manière dont s'acquittent ces administrations locales des charges qui leur sont confiées et qu'elles assument à titre bénévole.

Malheureusement, la compétence, le sens des responsabilités et même la chance sont inégalement répartis. Le réseau de services de santé et de services sociaux dont s'est doté le Québec au cours des années se trouve à être l'un des réseaux les plus complets mais également des plus coûteux au monde. Il est donc important de ne pas sous-estimer la tâche à accomplir ni, non plus, la gravité des défaillances occasionnelles.

Dans cet immense réseau des services de santé et des services sociaux, chacun et chaque groupe a une tâche à accomplir. Le public, et en particulier le public en tant qu'usager, des professionnels de toutes catégories, des administrateurs, qu'il s'agisse des gestionnaires rémunérés et qui travaillent à temps plein à titre de cadres des établissements ou des membres bénévoles des conseils d'administration et enfin le ministère lui-même, chacun se voit attribuer, par cette loi fondamentale sur les services de santé et les services sociaux, un rôle propre, une tâche spécifique qui, en plus de leurs objets immédiats, ne peuvent se comprendre que par les relations qu'ils entretiennent entre eux.

L'Assemblée nationale non plus que le ministère ne peuvent par des lois forcer l'un ou l'autre de ces groupes à jouer véritablement son rôle. Les lois ne peuvent que poser des jalons à cet égard de manière à éviter des confusions génératrices de conflits et d'inefficacité. Il revient à chacun, dans un cadre ainsi défini, de jouer de manière dynamique le rôle auquel il est appelé.

D'autres modifications sont évidemment incorporées dans ce projet de loi réimprimé afin de favoriser une meilleure compréhension du projet lui-même. Nous avons effectué cette réimpression, et des amendements que la discussion en commission parlementaire nous a amenés à y apporter se trouvent en nombre assez considérable. Je limite cependant, pour l'instant, mes remarques à ces trois thèmes puisqu'il sera, à d'autres occasions, plus approprié de faire des commentaires et de décrire le sens d'autres modifications qui ont été apportées.

Considérant, M. le Président, l'importance de ce projet de loi, considérant également l'excellence des travaux faits en commission parlementaire, je crois que l'Assemblée peut se consacrer à l'étude en deuxième lecture de ce projet de loi avec la certitude que rien n'a été épargné pour découvrir les solutions aux problèmes d'application qui se sont révélés dans les trois ou quatre dernières années et pour esquisser et développer, même, dans certains cas, des solutions à de nouveaux problèmes. Je vous remercie.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): L'honorable député de Chicoutimi.

M. Marc-André Bédard

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, à proprement parler, on ne peut pas dire que dans le projet de loi no 41, il y a un grand principe qui sous-tend ce projet de loi. Il s'agit essentiellement d'une série de dispositions législatives qui ont naturellement une implication sur l'application pratique des principes contenus dans la loi générale sur les services de santé et les services sociaux.

Le projet de loi touche, d'une façon générale et tout à fait spéciale, cependant, entre autres les articles 116 à 119, la contribution des bénéficiaires de services de santé et de services sociaux, la contribution des bénéficiaires, d'une part, de leurs parents ou de leur conjoint et, également, touche les conditions d'exercice des pouvoirs du lieutenant-gouverneur concernant cesdites contributions.

En effet, M. le Président, l'article 116 stipule que le lieutenant-gouverneur en conseil détermine par règlement la contribution qui peut être exigée pour les bénéficiaires qui sont hébergés dans un établissement ou qui sont pris en charge par une famille d'accueil ou reçoivent les services d'une garderie d'enfants.

On peut facilement déceler l'importance de cet article en fonction du nombre de personnes qui sont touchées par l'application de ces articles 116 à 119.

En effet, d'une part, cet article 116 touche toutes les personnes âgées qui sont présentement dans les centres d'accueil. Pour ces derniers, il s'agit, en fait, de déterminer le montant qui leur reste de la pension, étant donné que plusieurs n'ont que cela comme revenu.

Cet article également, M. le Président, touche tous les parents des enfants qui sont hébergés, soit en foyer nourricier ou dans une famille d'accueil. Il touche également tous les parents dont les enfants sont hébergés dans des institutions, que ce soit les délinquants, les déficients mentaux, et tous ceux qui souffrent de troubles quelconques, que soit les aveugles ou les sourds-muets.

Cet article touche également tous les parents d'enfants qui reçoivent des services d'une garderie. Enfin, cet article touche d'une façon tout à fait particulière les conjoints des adultes hébergés dans une institution psychiatrique, un centre d'accueil ou un centre hospitalier.

M. le Président, concernant ces bénéficiaires et, pour autant qu'ils sont touchés, leurs parents et, quand la situation se présente, les conjoints, notre position est très claire. Elle est conditionnée par cette nécessité d'accentuer l'accessibilité des services, dont a parlé tout à l'heure le ministre, non seulement en parole ou par des voeux pieux, mais également en pratique.

Notre position est que les parents ne de-

vraient pas payer pour le placement de leurs enfants. Cependant, ils ne devraient pas recevoir les allocations familiales qui pourraient être retenues, à ce moment-là, par le ministère.

M. le Président, au printemps dernier, un projet de règlement fut abandonné par suite de la pression des parents. Ce projet de règlement touchait ces articles réglementant la contribution des bénéficiaires, de leurs parents ou de leurs conjoints. Ce règlement, comme nous pouvons nous le rappeler, a été abandonné à la suite de certaines manifestations, de certaines pressions qui ont été faites d'une façon tout à fait particulière par des parents d'handicapés, par des handicapés eux-mêmes qui ont trouvé moyen d'acheminer, au niveau d'une commission parlementaire et même à l'intérieur de l'Assemblée nationale, leurs représentations sur l'attitude du gouvernement qui, à leur opinion et à la nôtre d'ailleurs, concernant ce problème tout particulier de la contribution des bénéficiaires, semble intransigeante et, sous certains aspects, même inhumaine.

Devant cet état de fait, suite à ces pressions, à ces manifestations, nous avons assisté à la retraite du gouvernement qui avait, à ce moment-là, réduit les contributions, comme nous nous le rappelons, à $22, dans certains cas, et à $27 pour les enfants de 12 à 17 ans.

A la suite de questions que nous avons posées dernièrement au ministre des Affaires sociales, nous savons maintenant qu'actuellement il y a un projet qui reprend exactement les grandes lignes de celui qui a été abandonné et que ce projet fait l'objet de consultations auprès de certains groupes intéressés. M. le Président, comme nous le savons, au cours de la première présentation de ce projet de règlements sur la contribution des bénéficiaires de services de santé et de services sociaux, ils avaient eu l'occasion de se faire entendre en commission parlementaire. Malheureusement, comme nous le savons à l'heure actuelle, nous sommes en face d'un projet de loi réimprimé. Si ce n'avait été de l'Opposition, ce projet de règlements aurait pu ou pourrait être adopté sans qu'il soit au préalable dans la Gazette officielle, parce que la version première de la loi ne prévoyait pas justement cette obligation d'un avis de 90 jours et, à ce moment-là, de la possibilité pour les bénéficiaires de services de santé et de services sociaux de pouvoir faire entendre leurs récriminations ou encore de pouvoir faire entendre leurs doléances concernant justement ce genre de règlements qui sont édictés par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Si nous n'en étions qu'à la première version du projet de loi no 41, celle que nous avons étudiée en commission parlementaire, nous savions très bien — et c'est à ce moment-là que nous l'avons souligné — que cette possibilité, cette obligation de publication dans la Gazette officielle était enlevée et, par le fait même aussi, d'une certaine façon, la possibilité pour ceux qui sont touchés par ces règlements de pouvoir se faire entendre au niveau de l'Assemblée nationale par l'intermédiaire d'une commission parlementaire. Nous sommes heureux que le ministre ait pris en considération ces recommandations que nous avons faites lors de la commission parlementaire. Nous savons que toutes ces catégories de gens qui sont touchés par les articles 116 à 119, à savoir ceux qui sont bénéficiaires des services de santé et de services sociaux, représentent des milliers de personnes, pas n'importe quelles personnes, autrement dit celles qui sont le plus durement frappées par la vie, que ce soit parce qu'elles sont handicapées sociales elles-mêmes ou encore parce qu'elles sont parentes d'handicapés. A ce moment, elles sont défavorisées naturellement d'une certaine manière et font face à des difficultés qui sont très grandes, comme nous le savons, non seulement du point de vue financier mais également du point de vue psychologique.

Il aurait été indécent que le gouvernement garde sa version originale du projet de loi no 41 tel que présenté et nous notons avec satisfaction ce changement qui, à notre humble opinion, est très important.

Parmi l'autre groupe de bénéficiaires qui est touché justement par les articles 116 à 119, comme nous le savons, M. le Président, il y a également les parents dont les enfants reçoivent les services d'une garderie. Depuis l'application de la politique des garderies du gouvernement, qui a été mise en application en juin, nous savons que cette politique a été loin de se solder par un succès.

Depuis juin, effectivement, au moins onze garderies coopératives ont déjà fermé leurs portes et la plupart des autres sont dans une situation financière précaire et ne peuvent très souvent subsister que grâce au bénévolat.

Actuellement, M. le Président, l'aide financière accordée par le ministère pour la garde des enfants est de $5 par jour si le revenu familial annuel est inférieur à $5,200, de $2.50, s'il est inférieur à $6,500 et de $1 s'il est inférieur à $7,280. Il est évident, qu'avec une telle échelle le programme, et nous l'avons dit dès la parution du programme de garderies du gouvernement, ne touche pas les couples mariés dont les deux conjoints travaillent.

En fait, ces taux sont si bas qu'à la mi-septembre, nous le savons, environ 500 femmes avaient pu se qualifier pour recevoir de l'aide en vertu de ce programme. Lors de questions en Chambre, tout récemment, nous avons appris que ce nombre est maintenant aux alentours de 1,000 femmes ou de 1,000 couples qui ont pu profiter de ce programme de garderies. Cela prouve de façon très claire — d'ailleurs le gouvernement est obligé de le réaliser assez vite— jusqu'à quel point est inefficace le programme de garderies mis sur pied et jusqu'à quel point ce programme ne répond en aucune façon aux besoins de la famille québécoise, parce que nous savons qu'au moins 30,000 familles québécoises ont actuellement besoin des services de garderies.

Le ministre, tout à l'heure, dans son discours

parlait de travailler dans le sens d'augmenter l'accessibilité aux services de santé et services sociaux; il est clair que cette accessibilité aux services ne se vérifie en aucune façon dans le domaine de la politique des garderies. Au contraire. Nous avions suggéré, et nous le suggérons encore, de rehausser le plancher de cette table afin que les couples mariés dont les deux conjoints travaillent au taux du salaire minimum, c'est-à-dire environ $10,000, puissent jouir pleinement des services de garderies.

De plus, nous soumettions, et nous soumettons encore aujourd'hui, que l'on devrait tenir compte, pour déterminer l'aide accordée, de la taille de la famille. Il est illogique qu'une famille de cinq enfants, dont un est placé en garderie, reçoive le même montant qu'une famille d'un seul enfant. Enfin, le taux de base, c'est notre humble opinion, doit être rehaussé. A $5 par jour, il ne couvre même pas les coûts réels de fonctionnement d'une garderie. Toutes ces recommandations que nous avions faites et que nous reformulons sont d'autant plus nécessaires à reformuler qu'on est maintenant à même de constater les résultats de la politique de garderies mise sur pied par le gouvernement.

Cependant, une telle forme d'aide, c'est notre opinion, ne remplacera jamais le financement direct des institutions, qui seul permettrait la mise sur pied d'un véritable réseau de garderies dont l'accès serait gratuit. Dans le système que nous proposons, les critères de revenu et de taille de la famille ne serviraient qu'à déterminer, pendant la période d'implantation du réseau, la clientèle qui pourrait avoir un accès prioritaire aux garderies.

Après cette phase d'implantation, les services de garderie seraient assurés à toutes les familles, indépendamment de leur revenu, au même titre que l'éducation et les services de santé.

Nous savons qu'à un certain moment, le ministre des Finances avait été particulièrement inopportun, pour ne pas dire odieux, en voulant justifier l'inaction du gouvernement en opposant les personnes âgées aux garderies.

La vérité est que le gouvernement du Québec ne fait rien non plus pour améliorer le sort des personnes âgées. Encore récemment, il refusait de leur assurer la gratuité des services de transport en milieu urbain, et nous avons eu l'occasion de souligner notre surprise lors de l'étude des crédits supplémentaires du ministère des Affaires sociales. Nous avons eu l'occasion de mentionner notre surprise de ne pas voir plus de ressources financières affectées à une politique d'implantation de soins à domicile pour les personnes âgées.

M. le Président, la politique désastreuse du gouvernement Bourassa en matière de garderies, nous le savons, a été élaborée à la suite d'une tournée de consultations du ministre d'Etat aux Affaires sociales qui ne fut, encore une fois, qu'une opération publicitaire destinée à neutraliser l'Opposition et à masquer son absence de politique efficace.

Le ministre dont je viens de parler est en train de faire une autre tournée, cette fois dans le secteur des personnes âgées. Nous espérons — nous en formulons le souhait — que cette tournée soit moins néfaste que la première parce que si l'humanisation des politiques sociales dont se targue le Parti libéral est autre chose qu'une image publicitaire, la situation exige que le gouvernement fasse porter à la fois ses efforts sur les services aux personnes âgées et sur les garderies.

Il y a également un autre groupe de bénéficiaires qui est touché d'une façon particulière, à savoir les personnes hébergées dans les centres d'accueil. Actuellement, on laisse aux personnes âgées, dans les centres d'accueil, $50 par mois, malgré que la pension soit indexée. Lorsque l'indexation arrive, jusqu'à maintenant, cette indexation profite non pas à la personne âgée, mais profite au gouvernement via l'institution.

Il faut absolument laisser — et cela fait partie de l'humanisation — une part plus grande aux personnes âgées qui jouissent du maximum du supplément de revenu garanti. D'ailleurs, bien des recommandations, bien des demandes ont été faites au gouvernement dans ce sens, et il est surprenant que le gouvernement n'ait pas encore donné suite aux pressions qui se font de toutes parts concernant la nécessité que l'indexation serve ou profite non pas aux institutions, mais profite aux personnes âgées elles-mêmes.

Il y a, entre autres, des pressions qui ont été faites et qui deviennent de plus en plus nombreuses, entre autres, par le Pavillon des Iles, de Sept-Iles, au nom du conseil des résidents. Ces derniers ont cru bon d'acheminer des suggestions en ce sens, concernant les personnes âgées, vers le gouvernement et vers le ministère.

Ils ont été plutôt l'objet de certaines menaces, et pourtant leurs revendications étaient très simples. Lorsqu'on parle d'humanisation, qu'on parle des personnes âgées, je pense que leurs revendications se situent non pas au niveau de résoudre leurs problèmes à eux, puisqu'il s'agit du conseil des résidents, mais de se rendre un peu plus humains envers les personnes âgées.

Ils émettaient, entre autres, dans leurs recommandations au ministère, les considérations suivantes: le principe d'indexation des salaires est déjà reconnu dans le milieu du travail et il est inacceptable qu'il ne le soit pas au niveau de l'allocation laissée aux usagers pour leurs menues dépenses. Ils soumettaient que toutes les augmentations à venir à titre de sécurité de vieillesse et de supplément de revenu garanti soient réparties comme suit: 66.6 p.c. au centre d'accueil et 33.3 p.c. aux bénéficiaires.

Deuxièmement, ils soumettaient que l'adulte hébergé et recevant le maximum de la sécurité de la vieillesse et du supplément de revenu garanti paie, en frais de séjour au centre d'accueil, 75 p.c. de ces revenus et garde 25 p.c. pour ses menues dépenses.

Ils recommandaient également que les bénéficiaires recevant l'aide sociale touchent la

même allocation pour leurs menues dépenses que les autres hébergés qui reçoivent le maximum de la sécurité de la vieillesse et du revenu garanti. Ils comprenaient mal et avec raison, M. le Président, qu'une personne de 65 ans et un mois soit plus respectable, plus honorable qu'une personne de 64 ans et 11 mois. En ce sens nous ne nous faisons que l'écho de leurs revendications que nous croyons justifiées et justifiables. D'ailleurs, déjà, la semaine passée, nous avons eu l'occasion de faire des recommandations en ce sens au ministre des Affaires sociales, lors de l'étude des crédits concernant les soins à domicile pour les personnes âgées.

Il y a eu également, M. le Président, dans le même sens, des recommandations ou des pressions qui ont été faites par la Fédération de l'Age d'or du Québec qui suggérait que tout adulte bénéficiaire, dans un centre d'accueil touchant la pension fédérale de vieillesse et le maximum du supplément de revenu garanti, paie, en frais de séjour au susdit centre, pas plus de 75 p.c. des montants ci-avant prévus et retienne 25 p.c. du solde de ces montants pour ses menues dépenses.

Ils recommandaient que toute personne hébergée âgée de moins de 65 ans reçoive, pour solder ses dépenses personnelles, un montant d'allocation égal à celui que garde pour les mêmes fins toute personne hébergée recevant la pension fédérale de vieillesse et le supplément de revenu garanti.

M. le Président, nous avons eu l'occasion déjà de faire des recommandations en ce sens au ministre des Affaires sociales et nous ne pouvons que réitérer, en fait, nos demandes en nous basant sur le principe qu'il faut laisser plus que les $50 aux personnes âgées. Ce montant ne doit pas être fixe. Et lorsqu'il y a indexation de la pension, ce qui représente une certaine petite augmentation, ce n'est pas le gouvernement, via les institutions, qui doit en profiter, mais les personnes âgées elles-mêmes.

Ces recommandations également ont été acheminées vers le ministère par le Conseil de l'Age d'or de l'île de Montréal. Alors, il serait tout à fait inutile de parler d'humanisation ou d'accessibilité des gens aux services de santé et aux services sociaux si le gouvernement ne trouvait pas le moyen — déjà, il a tardé à notre humble opinion — de donner suite à ces demandes qui sont faites.

Enfin, le ministre propose de faire des établissements du réseau et, par conséquent, du personnel qui y travaille le percepteur de ces fonds. Nous soumettons — et nous avons eu l'occasion d'en discuter lors de la commission parlementaire concernant les règlements sur les contributions des personnes, des bénéficiaires des services de santé et des services sociaux — que cette pratique peut nuire à l'aspect professionnel du travail que le personnel a à exercer au niveau des établissements et que cela peut nuire également à la qualité des services qui sont offerts.

Un centre de services sociaux, section comptabilité, sera identifié au travailleur social qui doit rendre service. Je crois — nous avons eu l'occasion de le soumettre au ministère — que c'est une pratique inacceptable qui ne peut être que mauvaise à la longue et qu'il faut faire disparaître cette disposition.

Si le ministère veut percevoir des fonds — c'est normal qu'il doive, dans certains cas, en percevoir — qu'il le fasse lui-même. Qu'il ne charge pas les établissements, qui ont un travail clinique à accomplir, de faire ce travail à la place du gouvernement. Si on demande aux travailleurs sociaux, autrement dit, de devenir en même temps des percepteurs du gouvernement, eh bien, on contribuera à développer chez ces bénéficiaires une mauvaise perception de ces travailleurs sociaux. Ces derniers, ont à se pencher sur les problèmes humains des familles qui font appel à leurs services. Il serait très préjudiciable, à mon sens, psychologiquement que ces travailleurs sociaux deviennent des percepteurs, parce que ces travailleurs sociaux sont ceux à qui se confient justement les familles qui sont dans le besoin ou les bénéficiaires de services sociaux.

Si ces travailleurs sociaux devaient, avec le temps, prendre les traits de percepteurs de fonds, eh bien, je crois que la qualité des services ou, tout au moins, la perception des bénéficiaires seraient grandement affectées et que ceci contribuerait à diminuer les relations de confiance qui doivent exister entre le travailleur social, d'une part, et les bénéficiaires de services sociaux.

Le projet de loi no 41, M. le Président, aborde également la formation des conseils d'administration des établissements et traite, entre autres, des droits des usagers. Sur cet aspect de la situation, nous croyons que le personnel des établissements a les mêmes droits que les autres citoyens et qu'il est illogique, malgré tous les arguments qu'a apportés tout à l'heure le ministre des Affaires sociales, de leur enlever le droit de vote, pour tous les établissements de la même catégorie que celui où ces personnes travaillent. S'ils ont reçu des services, à ce moment-là, ils remplissent les conditions d'un usager et ils ont droit de vote et ce, d'une façon pleine et entière.

Le ministère devra trouver d'autres arguments que ceux qui ont été employés, tant au niveau de la commission parlementaire que ceux qui ont été avancés tout à l'heure par le ministre des Affaires sociales, pour nous convaincre de la nécessité de leur enlever le droit de vote.

Nous croyons aussi qu'il doit y avoir — nous l'avons soumis à la commission parlementaire — au niveau des usagers au moins une élection à tous les ans et que cela aurait pour effet de rendre beaucoup plus intéressantes, beaucoup plus productives toutes les assemblées annuelles, plutôt que de procéder par une seule élection à tous les deux ans. Ceci aurait comme

conséquence heureuse que les usagers élus, étant donné le système de rotation, auraient plus d'expérience à l'intérieur des représentants des usagers. Il y en aurait, autrement dit, toujours au moins deux qui assumeraient la continuité de l'expérience au niveau de la charge qu'ils ont à occuper.

Le gouvernement, M. le Président, a retenu nos suggestions concernant la possibilité que la séance annuelle d'information coincide avec la période électorale de quatre heures mais nous croyons et nous demeurons convaincus que cela n'est pas suffisant. Concernant la formation des conseils d'administration des établissements, il est inacceptable qu'on enlève le droit de vote aux usagers, à ceux qui ont bénéficié de services et qui, en même temps, travaillent dans ces institutions.

Le projet de loi 41 reconnaît, d'une façon très claire, très précise, le directeur des soins infirmiers. Il est clair, M. le Président, qu'il était important que cette clarification se fasse, quand on sait le rôle que le personnel infirmier, soit les infirmiers ou les infirmières, a à jouer à l'intérieur d'une institution.

Ce sont les personnes qui sont omniprésentes auprès des malades qui doivent être, en définitive, le premier objet des affaires sociales, ce sont non seulement des aides, mais des partenaires nécessaires et indispensables auprès du médecin. Le personnel infirmier, par sa position intermédiaire entre le malade et le médecin, est peut-être le plus apte à saisir les problèmes du fait que les infirmiers et les infirmières peuvent entendre les deux sons de cloche, celui des médecins et celui des patients, en plus d'y ajouter leur perception personnelle.

Je crois qu'on peut très bien conclure que les infirmiers et les infirmières connaissent bien les besoins d'une gestion d'un centre hospitalier pour en constater les failles tous les jours, ainsi que les progrès et améliorations lorsqu'il y a lieu.

Il est clair que leur importance n'est pas seulement quantitative, puisqu'ils représentent souvent jusqu'à 75 p.c. de la totalité du personnel des centres hospitaliers, mais également leur importance est qualitative.

M. le Président, je crois — et là-dessus le ministère des Affaires sociales a encore beaucoup de chemin à parcourir — en la nécessité, pour l'administration, d'utiliser beaucoup plus de potentiel que constituent les infirmiers et les infirmières dans nos institutions.

Il manquait un système pour canaliser leurs connaissances et leurs expériences aux hautes instances de décision. La nécessité se fait de plus en plus présente de les voir apparaître aux autres paliers de décision, dû au fait de l'importance de leur rôle.

On peut se demander pourquoi on devrait priver certains paliers d'administration d'une opinion valable, nécessaire et justifiée, en mesure d'aider à la bonne marche de la gestion des centres hospitaliers. Cette présence plus soute- nue, M. le Président, du personnel représentant les infirmiers et les infirmières au niveau des instances de décision ne pourra qu'aider et ne pourra que se solder par des bénéfices tant au niveau des malades qu'au niveau de la valorisation de cette profession et de ceux qui la pratiquent avec courage et dévouement.

Nous croyons, M. le Président — et le projet de loi n'est pas suffisamment explicite là-dessus — qu'il faut trouver le moyen de les intégrer davantage au niveau des structures de participation et au niveau des instances de décision.

Le projet de loi no 41 traite aussi des relations entre les établissements et les organismes populaires. Nous aurions aimé — nous avons fait valoir au niveau de la commission parlementaire cette suggestion — que le ministère des Affaires sociales profite de ce projet de loi no 41 pour justement ajouter d'autres précisions et peut-être d'autres principes régissant les relations entre les établissements et les organismes populaires. On aurait dû définir plus clairement les relations qui devraient exister entre les établissements, particulièrement les CLSC, et les organismes qui oeuvrent déjà dans le milieu et dont on doit respecter l'autonomie.

Encore une fois, le ministre, au niveau de la commission parlementaire — nous verrons si ce sera la même chose après l'étude article par article de ce projet de loi — a justifié son refus d'approuver le contrat de services signé entre les avocats populaires du Québec et le CLSC de la basse-ville par l'absence de pouvoirs dans la loi 65.

Il aurait fallu justement profiter de cette loi no 41 pour prévoir des mécanismes qui n'existaient pas dans la loi no 65, afin de définir plus clairement les relations entre les établissements et les organismes populaires et afin de pouvoir donner suite à des situations comme celles qui se sont présentées ou de trouver moyen de légaliser des situations qui se sont présentées comme celle que je viens d'énoncer, à savoir les revendications des avocates populaires du Québec face à leur demande d'intégration au CLSC de la basse-ville.

Nous croyons, M. le Président, que ce projet de loi aurait pu être le temps voulu pour permettre, à certaines conditions, aux établissements de conclure de telles ententes.

Sans détailler sur ce point, le projet de loi témoigne également d'une démarche qui est quand même assez curieuse à cause de certains articles qui ont été ajoutés à l'occasion de la réimpression du projet de loi no 41 et qui n'ont été en aucune façon discutés lors de la commission parlementaire.

Entre autres, je fais référence à l'addition qui a été faite concernant l'article 7 a) et d'un autre article qui traite de l'immunité pour ceux qui ont à juger un acte médical d'un confrère en qualité de membre d'un comité qui est formé à cet effet. Déjà, pourtant, on a eu une commission parlementaire où on aurait pu discuter d'une façon beaucoup plus approfondie de

certains nouveaux articles qui sont ajoutés et qui n'ont pas été touchés lors de l'étude du projet de loi dans son texte original. Nous recevons des télégrammes de certaines corporations qui s'étonnent du fait que le ministère ou le ministre des Affaires sociales n'ait pas jugé bon d'en discuter lorsque ces organismes ont été entendus en commission parlementaire.

Ils commencent à faire des revendications dans le sens de demander encore une fois une commission parlementaire afin qu'ils puissent exprimer leur opinion sur ces nouveaux articles et, entre autres, sur l'article 7 a) et de cette autre disposition qui traite de l'immunité pour ceux qui ont à juger un acte médical d'un confrère.

M. le Président, nous ne nous prononcerons pas sur le fond même de ces nouveaux articles qui ont été ajoutés. Nous aurons l'occasion de le faire lors de l'étude article par article de ce projet de loi.

Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Gaspé.

M. FORTIER: Comme il est presque minuit, je demande l'ajournement du débat.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): II est minuit effectivement.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain, dix heures.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'assemblée ajourne ses travaux à demain matin, dix heures.

M. BELLEMARE (Johnson): Est-ce que l'honorable leader du gouvernement pourrait nous dire le menu pour demain?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Nous rouvrons la séance pour quelques instants. A l'ordre, s'il vous plaît.

M. LEVESQUE: M. le Président, demain nous pourrons, mais pas dans l'ordre nécessairement, poursuivre l'étude du projet de loi no 41, Loi modifiant la loi sur les services de santé et les services sociaux.

Nous pourrons également entreprendre l'étude du projet de loi no 40, Loi de la commission des affaires sociales. Projet de loi no 90, Loi modifiant la loi de la protection du malade mental. Projet de loi no 77, Loi modifiant la loi des compagnies de fidéicommis. Projet de loi no 46, Loi modifiant la loi du ministère de l'Immigration.

M. BELLEMARE: II va être une heure du matin.

M. LEVESQUE: Pardon?

M. BELLEMARE: II va être une heure du matin.

M. LEVESQUE: Et nous pourrons ensuite, de concert, choisir les autres projets de lois à discuter.

M. le Président, également il est possible que nous continuions l'étude, en commission pléniè-re, des crédits quant au budget supplémentaire.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'Assemblée ajourne ses travaux demain matin à dix heures.

(Fin de la séance à 0 h 2)

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