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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le samedi 21 décembre 1974 - Vol. 15 N° 102

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Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

M. LAMONTAGNE (Vice-président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

L'honorable député de Lotbinière.

Rapport sur le projet de loi no 20

M. MASSICOTTE: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente de l'agriculture et de la colonisation qui a étudié le projet de loi no 20, Loi sur l'assurance récolte, dont elle a adopté tous les articles avec leurs amendements.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Rapport déposé.

Dépôt du rapport du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Dépôts de documents.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

Malartic Hygrade Gold Mines

M. TETLEY: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport d'enquête concernant Malartic Hygrade Gold Mines (Quebec) Limited, lequel rapport a été demandé par le député de Saguenay. Le rapport est daté du 18 décembre et lors de la période des questions, je répondrai à la question du député de Saguenay.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Questions orales des députés.

QUESTIONS DES DÉPUTÉS

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

Uranium enrichi

M. MORIN: Ma question est destinée au premier ministre, M. le Président. Hier le ministre fédéral de l'Energie a fait savoir que les gouver- nements du Québec et de la France ont été prévenus qu'ils ne pourraient conclure aucun accord au sujet des projets d'uranium enrichi sans l'approbation expresse d'Ottawa. Le premier ministre était-il au courant de cela, a-t-il été consulté, a-t-il quelque chose à déclarer?

M. BOURASSA: M. le Président, je vois bien que le chef de l'Opposition n'a pas beaucoup de questions à poser ce matin. J'ai déjà dit, à de nombreuses reprises, que le commerce international relevait du gouvernement fédéral.

J'ai dit, dans une interview dans le journal Le Monde, que, d'une certaine façon, le gouvernement fédéral jouait un rôle de douanier, en ce sens qu'il fallait la permission du gouvernement fédéral pour exporter de l'uranium. Il n'y a absolument rien de nouveau. La mise au point de M. Macdonald, qui répète, à toutes fins pratiques, ce qu'il avait dit il y a un mois, veut tout simplement dire que, pour exporter l'uranium, nous avons besoin de la permission du gouvernement fédéral. Il n'y a rien de nouveau là-dedans; j'en avais discuté avec le premier ministre.

M. MORIN: M. le Président, je ne comprends pas que le premier ministre connaisse si mal la loi fédérale sur la question. Je vais lui demander...

UNE VOIX: Vous, vous ne connaissez pas la Loi de la Législature.

M. MORIN: II y en a plusieurs qui ne la connaissent pas, apparemment...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

M. MORIN: ... cette Loi de la Législature.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. MORIN: M. le Président, je veux demander au premier ministre s'il sait que non seulement le Québec ne peut pas exporter, mais que le gouvernement ou qui que ce soit au Québec ne peut être propriétaire, ne peut être en possession, ne peut utiliser, ne peut raffiner l'uranium sans ce soumettre à l'autorisation et aux règlements fédéraux. Le premier ministre sait-il cela?

M. BOURASSA: M. le Président, le chef de l'Opposition... Je sais bien, il faut remplir la période des questions. Tout cela a été discuté, tout cela est bien connu.

M. MORIN: Est-ce que c'est cela, un "douanier"?

M. BOURASSA: II y a une entente actuellement entre la Société de développement de la baie James, l'entreprise fédérale, Eldorado Mi-

ning, et l'entreprise SERU, une entente française, pour faire de la recherche d'uranium sur le territoire de la baie James. Si nous en trouvons, il y a quand même un représentant du gouvernement fédéral. Si une société d'Etat fédéral s'associe à une société française et à une société québécoise pour faire de la recherche ou de l'exploitation aux fins de trouver de l'uranium, c'est donc que, de part et d'autre, on est conscient de cette situation.

M. MORIN: En question supplémentaire, M. le Président: Le premier ministre est-il conscient du fait qu'Ottawa vient d'adopter de "nouvelles mesures" réglementaires au sujet de l'uranium enrichi et de son exportation?

Le premier ministre sait-il que M. MacDonald a décrit ces nouvelles mesures comme étant "les plus rigoureuses du monde" et que ces mesures visent à restreindre l'exportation? Elles sont faites, on le voit, pour s'appliquer en particulier au cas du Québec et de la France. Le premier ministre a-t-il pris connaissance de ces nouvelles mesures? A-t-il été consulté au sujet de cette réglementation et est-ce là un cas de fédéralisme rentable? Ne serait-ce pas un nouveau cas d'impuissance du Québec devant Ottawa?

M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition prend un ton professoral ce matin. Comme le chef de l'Opposition...

M. MORIN: Enseignez-moi ce que je vous ai demandé.

M. BOURASSA: Comme le chef de l'Opposition, j'ai pris connaissance des nouveaux règlements qui, d'ailleurs, ont reçu une assez large diffusion dans le public.

M. MORIN: Quoi?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! A l'ordre, messieurs.

M. BOURASSA: Ces règlements ont été annoncés publiquement il y a plusieurs jours. Vous êtes en retard dans vos questions.

M. MORIN: M. le Président, je regrette, mais le premier ministre ne s'en tirera pas si facilement. Ce sont des règlements...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous avez une question?

M. MORIN: Oui, je veux lui demander s'il a été consulté à ce sujet; question bien précise. Oui ou non, avez-vous été consulté?

M. BOURASSA: Personnellement, non. Il est possible qu'au niveau des fonctionnaires il y ait eu des discussions, mais personnellement, M. MacDonald ne m'a pas appelé pour me donner le contenu technique de ces règlements.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Lafontaine.

M. MORIN: C'est bien ce que je pensais.

M. MASSE: On laisse l'impression que le ministère des Richesses naturelles n'a pas été consulté, n'a pas participé à une discussion avec le fédéral. Il l'a été.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre messieurs!

M. SAMSON: Vous vous êtes dit bonjour?

Coût des Jeux olympiques

M. LEGER: Ma question s'adresse au premier ministre. Maintenant que le premier ministre nous a affirmé ici, en Chambre, qu'il y aurait la convocation de la commission parlementaire pour entendre M. Drapeau, ainsi que la ville de Montréal et les représentants des Jeux olympiques, est-ce que le premier ministre peut nous dire aujourd'hui, maintenant qu'on apprend que les jeux ont réellement doublé de coût, tel que je l'avais mentionné dans ma question, est-ce que le premier ministre peut, aujourd'hui, nous déterminer la date de cette convocation de cette réunion, de façon que les parlementaires soient préparés en conséquence et qu'ils ne se retrouvent pas comme lors de la dernière commission parlementaire sur le village olympique.

Deuxièmement, le premier ministre pourrait-il demander à M. Drapeau et à son groupe d'apporter tous les documents concernant les différents contrats de télévision, les différentes méthodes de fonctionnement de contrats sans soumission de construction et les ententes complètes sur le village olympique ainsi que les contrats allant jusqu'à celui avec M. Taillibert au début des Jeux olympiques?

M. BOURASSA: II y a eu une inflation dans les coûts des Jeux olympiques comme il y a de l'inflation dans les accusations du député de Lafontaine. A ma connaissance, le député de Lafontaine n'a pas relevé le défi de M. Jean-Pierre Goyer pour dire à l'extérieur de la Chambre les accusations qu'il y a portées. Je ne sais pas si on doit le féliciter pour le courage dont il a fait preuve dans les accusations à l'endroit du ministre fédéral.

M. LEGER: Le premier ministre est-il capable de répondre à ma question? Le premier ministre a-t-il le courage de nier...

M. LACROIX: Ne faites par le pitre plus que vous ne l'êtes.

M. LEGER: ... les faits que je lui ai mentionnés à l'effet que les coûts étaient le double? Le premier ministre va-t-il maintenant se cacher pour ne pas répondre à la question que je lui pose, soit la date de la commission et qu'on ait tous les contrats devant les yeux?

M. BOURASSA: C'est bien le député de Lafontaine qui se cache derrière son immunité parlementaire pour porter des accusations extrêmement sérieuses contre des parlementaires d'un autre Parlement. Je pense que...

M. LEGER: Voulez-vous répondre à ma question?

M. BOURASSA: Non, mais je dis...

M. LEGER: En temps et lieu, j'aurai d'autres commentaires plus importants à faire là-dessus.

M. BOURASSA: Ayez donc le courage de répéter à l'extérieur de la Chambre les accusations que vous avez faites à l'intérieur de la Chambre.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre !

M. BOURASSA: Vous ne répondez pas à cela.

M. LEGER: ... question.

M. BOURASSA: J'ai déjà répondu à votre question en disant que les autorités municipales étaient prêtes à venir en commission parlementaire au cours du mois de janvier, entre le 15 et le 30 janvier. Quant à fixer la date ce matin, je ne crois pas qu'il y ait urgence, mais je peux dire au député de Lafontaine que cela se situera très, très probablement entre le 15 et le 30 janvier.

M. LEGER: Et concernant les documents que j'ai mentionnés?

M. BOURASSA: Je prends avis de la question là-dessus.

M. BELLEMARE (Johnson): Ma question s'adresse...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Johnson. Question additionnelle?

Assignation de journalistes

M. BELLEMARE (Johnson): Non. Je voyais il y a un instant le député de Crémazie, ministre de l'Immigration. Ma question s'adresse dans ce cas au leader du gouvernement.

Si c'est l'intention du gouvernement de faire comparaître à la barre de l'Assemblée nationale un journaliste afin d'expliciter ses écrits, est-ce que c'est l'intention du gouvernement de prendre toutes les mesures qu'avait prises, dans le temps, M. Alexandre Taschereau dans le cas de M. Roberts, un éditorialiste qui avait écrit un article assez compromettant vis-à-vis des membres de la Législature? Et à ce moment, M. le Président, la Législature, le gouvernement avait pris beaucoup de précautions avant de convoquer à la barre le journaliste. Je pense que c'est rapporté dans un journal qui est un peu vieillot, comme le député de Johnson, mais c'est rapporté dans le journal Le Soleil, le 3 novembre 1922. Ce n'est pas d'hier, c'est un précédent, M. le Président, qu'il ne faudrait pas oublier, parce que dans cela il y a des précautions bien élémentaires et surtout parlementaires que le gouvernement devrait prendre avant de convoquer à la barre un journaliste.

M. LEVESQUE: Est-ce que le député pourrait préciser quel journaliste et quel journal?

M. BELLEMARE (Johnson): Pardon?

M. LEVESQUE: Est-ce que le député peut préciser quel journal?

M. BELLEMARE (Johnson): C'était M. John H. Roberts qui est venu s'expliquer...

M. LEVESQUE: Non, non, mais aujourd'hui.

M. BELLEMARE (Johnson): C'était dans le journal qui s'appelait dans ce temps-là The Axe.

DES VOIX: Aujourd'hui, là.

M. LEVESQUE: De quel journal et de quel journaliste?

M. BELLEMARE (Johnson): Celui qui a été menacé hier de comparaître à la barre.

M. LEVESQUE: Je ne sais pas qui.

M. BELLEMARE (Johnson): Par un certain ministre du gouvernement.

M. LEVESQUE: Lequel?

M. BELLEMARE (Johnson): Vous lirez le procès-verbal, le débat.

M. BOURASSA: On le lira et on vous répondra après.

UNE VOIX: II n'y a pas de question.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Beauce-Sud.

M. BELLEMARE (Johnson): C'en était une bonne, il s'agit de la trouver.

Saisie d'oeufs

M. ROY: Je poserais une question au ministre de l'Agriculture. Il y a une dizaine de jours, j'avais demandé au ministre de l'Agriculture s'il était au courant que des producteurs d'oeufs s'étaient fait saisir leur production et que l'association demandait la disparition de Fedco, l'Association des producteurs d'oeufs du Québec demandait, d'autre part, la disparition de Fedco. Le ministre avait dit qu'il prenait avis de la question, qu'il ferait le point de la situation et qu'il en informerait la Chambre. J'aimerais savoir, après près de deux semaines, ce qu'il en est au juste? Quelles sont les décisions qui ont été prises par le ministère de l'Agriculture? Et s'il n'y a pas de décision prise, qu'est-ce que le ministère entend faire?

M. TOUPIN: M. le Président, nous avons effectivement examiné la situation et nous en arrivons à la conclusion que ces deux groupes de producteurs, soit ceux qui sont à l'intérieur de la fédération et ceux qui font partie d'une association indépendante, ont des manières différentes de penser la commercialisation, au Québec, de cette production agricole.

Les uns soutiennent qu'il est nécessaire que la fédération continue avec son système actuel d'agence de vente. Les autres disent que ce sont des coûts additionnels attribués tant aux producteurs qu'aux consommateurs de conserver le système.

A la suite des observations et des études que nous avons menées jusqu'à maintenant, je ne puis dire si l'une ou l'autre des thèses est fondée. Mais je puis vous dire, par ailleurs, que les études se poursuivent. Si, toutefois, il s'avère que certaines situations sont anormales, nous n'hésiterons sûrement pas à prendre les décisions qu'il faudra prendre. Je n'hésiterai pas, non plus, à demander aux producteurs de venir s'expliquer devant une commission parlementaire pour que l'ensemble des députés de cette Chambre soit mis au courant de cette décision.

M. ROY: M. le Président, c'est la troisième fois que j'interviens sur cette question. Je suis intervenu lors de l'étude des crédits. Je suis intervenu, il y a quinze jours, à l'Assemblée nationale. Nous avons toujours la même réponse du ministre. Nous nous retrouvons toujours vis-à-vis du même problème.

Actuellement, à cause de certains privilèges qui ont été accordés en vertu d'arrêtés en conseil — je dis bien en vertu d'arrêtés en conseil qui permettaient aux grandes chaînes d'alimentation de s'approvisionner en dehos de FEDCO — est-ce que le ministre est au courant qu'il y a des producteurs qui se voient dans l'obligation de passer à côté de FEDCO et de tenter de prendre des mesures pour mettre leurs produits sur le marché eux-mêmes afin de ne pas faire faillite? C'est un problème qui dure. C'est un problème qui concerne les producteurs actuellement, qui les met dans des situations impossibles, ce qui fait en sorte que la situation s'aggrave continuellement.

J'aimerais savoir du ministre s'il aurait d'autres nouvelles à nous donner, ce matin, que ce qu'il a répété lors de l'étude des crédits, au mois de juin dernier, à ce sujet. Quand le gouvernement de la province entend-il intervenir pour tâcher de mettre un terme à ce système néfaste pour les petits producteurs d'oeufs du Québec?

M. TOUPIN: M. le Président, c'est une réglementation qui s'applique. Ce sont des contingents de production qui ont été fixés par les producteurs eux-mêmes, en ce qui concerne tout au moins la production. En ce qui concerne les ententes intervenues entre la fédération et l'association des distributeurs, je pense, de denrées alimentaires — le nom précis m'échappe, mais cela concerne tous ceux qui sont dans la distribution — ce n'est pas un arrêté en conseil.

C'est une entente, c'est un contrat intervenu entre la fédération des producteurs et l'association des distributeurs. Je ne vois pas pourquoi le député de Beauce-Sud insiste tellement pour soutenir qu'il s'agit là d'un arrêté en conseil. C'est une entente normale qui est intervenue là comme cela intervient entre deux autres parties.

Donc, ce problème me parait relever beaucoup plus des parties en cause, pour le moment, que du gouvernement.

En ce qui concerne l'application des contingents, notamment un certain nombre de producteurs qui ne se sont pas conformés aux règlements et à la loi, la fédération et la Régie des marchés agricoles du Québec appliquent cette réglementation et appliquent présentement la loi.

Comme je vous le disais tantôt, le problème a déjà été examiné, en 1970 ou 1971, je pense. Nous en avons conclu, à ce moment, qu'il fallait continuer dans cette perspective et, présentement, nous sommes à réexaminer cette situation dans le cadre d'une assurance de soutien des revenus, dans le cadre d'une meilleure organisation de la distribution et de la mise en marché de ce produit au Québec.

Je ne puis, présentement, en dire davantage. Est-ce que je pourrais vous dire, par exemple, que tel groupe aura un permis de distribution alors qu'il n'en a pas, que tel autre qui en a, on le lui enlèvera? Non, je ne peux pas dire cela tout de suite. C'est simplement à la suite d'examens plus profonds que nous serons en mesure de le dire, mais pas maintenant.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Charlesbourg.

M. HARVEY (Charlesbourg): M. le Président, j'avais une question pour le ministre des Transports mais je m'aperçois qu'il nous a quitté. Je pense que de toute façon, même en 1975, la question sera toujours d'actualité. Il arrive? Bon.

M. le Président, je voudrais demander au

ministre des Transports, relativement au projet qui a été annoncé par lui-même dans le comté de Charlesbourg, selon lequel l'autoroute qui, actuellement, conduit en direction de la route Chicoutimi-Québec serait prolongée à partir de Notre-Dame-des-Laurentides jusqu'à la section du lac Delage. Cette annonce a été faite par le ministre l'an dernier et les appels d'offres devaient être faits récemment. Je pense qu'il y a un changement en cours de route et j'aimerais que le ministre, avant Noël, de toute façon, puisque j'ai des rencontres, au cours de la période des Fêtes, avec les conseils de ville du secteur nord de mon comté, apporte des précisions relativement à ce projet.

M. MAILLOUX: M. le Président, je pense qu'il sera possible au ministère des Transports de se prononcer aussitôt que je connaîtrai les sommes dont on disposera pour le prochain budget. Une telle annonce pourrait être éventuellement faite au mois de janvier.

Il y a eu quelques retards, à la fin de l'année, qui sont compréhensibles par les augmentations constantes que l'on a rencontrées en cours de route cette année. Quand on sait que la construction des routes a coûté entre 20 p.c. et 50 p.c. de plus, il est assez facile de comprendre qu'en fin d'année quelques projets ont dû être quelque peu retardés.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Chicoutimi.

Taxe d'eau à Montréal

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. Comme le ministre le sait, à maintes reprises nous avons attiré son intention, nous lui avons mentionné que la taxe spéciale pour l'eau qui est perçue directement des locataires pénalise les assistés sociaux de la ville de Montréal.

Tout récemment plusieurs d'entre eux ont brûlé une mise en demeure que la ville leur avait fait parvenir. Je voudrais savoir du ministre s'il oppose toujours une fin de non-recevoir à cette demande, qui, à notre opinion, réparerait l'injustice que crée aux assistés sociaux de Montréal le mode de taxation qui est particulier à la ville de Montréal.

M. FORGET: M. le Président, en effet, le député de Chicoutimi et d'autres ont souligné dans le passé cette question de la taxe d'eau à la ville de Montréal. Les réponses qui ont été données alors, je crois du moins, permettraient au député de Chicoutimi de trouver lui-même une réponse à sa question. Les faits n'ont pas changé depuis. Je tiens à souligner, encore une fois, qu'il ne s'agit pas là d'un nouveau phénomène que cette taxe d'eau dans la ville de Montréal. Elle a toujours été payée à même les allocations normales versées aux assistés sociaux de la ville de Montréal et selon les tarifs uniformes à travers le Québec. La situation actuelle n'en est pas une où nous nous trou-vrions en face d'une nouvelle imposition mais seulement une où nous nous trouvons en face d'une nouvelle méthode de perception qui respecte davantage le caractère d'autonomie des assistés sociaux plutôt que de leur imposer une déduction à la source, comme c'était le cas dans le passé.

Ce n'est pas non plus une situation unique à la ville de Montréal puisque des taxes locatives sont imposées de la même manière par certaines autres municipalités et ont été perçues selon la méthode qui est actuellement utilisée à Montréal depuis plusieurs années sans créer de difficulté particulière.

Pour ce qui est de cette question, la réponse continue d'être la même. Cependant, dans un passé tout récent, nous avons eu des conversations très nombreuses au niveau des fonctionnaires du ministère des Affaires sociales et des fonctionnaires de la ville de Montréal de manière à nous assurer que les méthodes de perception utilisées étaient les plus souples possible pour permettre d'étaler dans le temps ces perceptions. Tout récemment, encore hier, des discussions avaient encore lieu de manière à éliminer certaines difficultés de parcours à cet égard.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Question supplémentaire, l'honorable député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Le ministre sait très bien que le problème ne réside pas dans les méthodes de perception mais plutôt dans des modes d'imposition différents qui font qu'à l'intérieur même de l'ensemble des assistés sociaux certains sont traités d'une façon différente par rapport aux autres. Je voudrais savoir du ministre, étant donné ce traitement, je ne dirai pas de faveur, mais différent à l'intérieur d'une même classe qui est celle des assistés sociaux, comment le ministre peut-il expliquer la possibilité pour un assisté social de payer tout d'un coup le montant qui est réclamé par la ville de Montréal, à cause d'un mode de taxation différent? C'est la même chose en dehors de Montréal.

M. FORGET: M. le Président, je viens d'expliquer au député de Chicoutimi et aux membres de cette Chambre qu'il ne s'agit pas nécessairement de payer tout d'un coup cette taxe. Je ne voudrais pas, par ailleurs, M. le Président, que mes remarques soient mal interprétées dans le sens au moins où j'ai déjà, dans le passé, exprimé des réserves sur cette forme de taxation municipale qui ne tient peut-être pas suffisamment compte des conditions diverses dans lesquelles les personnes a faible revenu sont situées. Ceci vaut non seulement pour les bénéficiaires de l'aide sociale mais également pour les personnes âgées.

Cependant, il s'agit là non pas d'un problème de l'aide sociale mais d'un problème de fiscalité municipale et d'un problème que différentes municipalités ont abordé différemment. Il y a certaines municipalités de Montréal — et, en particulier, je crois que le député de Verdun ici pourrait en témoigner — qui ont adopté vis-à-vis de cette question — mais ce n'est pas la seule municipalité — une attitude, en vertu de leur propre autorité et dans l'exercice de leurs propres responsabilités, une attitude peut-être encore plus souple que celle qu'il nous est seule possible de recommander et qui a seulement trait aux modalités de paiement. Ces modalités de paiement peuvent s'étaler sur un certain nombre de mois de manière justement à répondre aux objections que soulève le député de Chicoutimi.

M. CHARRON: Additionnelle, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Le ministre admettrait-il que l'incapacité de payer des assistés sociaux tient au fait que l'inflation, dans le domaine alimentaire, a été largement supérieure à l'indexation qui a accompagné, en janvier 1974, le chèque des assistés sociaux? De fait, le montant réservé normalement par les assistés sociaux pour payer la taxe d'eau a été littéralement envahi par l'inflation des denrées alimentaires et, de ce fait, se trouve à justifier le slogan des assistés sociaux de Montréal qui disent : Les 8 p.c. de la taxe d'eau, on les a mangés.

M. FORGET: M. le Président, je crois qu'une mise au point s'impose relativement à cette question. J'ai déclaré à cette Chambre et je suis toujours du même avis qu'on peut envisager, on peut souhaiter, on peut vouloir, et c'est dans cette optique que je me suis inscrit, une majoration dans les niveaux de soutien du revenu pour les assistés sociaux de même que pour d'autres clientèles, si vous voulez, qui dépendent de l'Etat pour leurs sources de revenus. Cependant, deux remarques s'imposent: d'une part, le niveau moyen des prestations de l'aide sociale a été majoré de façon très sensible durant cette période d'inflation et l'on découvrira que durant la période — encore une fois ce sont des chiffres que la Chambre connaît — de fin 1972 au début de 1974, il y a eu une augmentation de la prestation moyenne de l'ordre de 25 p.c. dans le cas des familles, de l'ordre de 50 p.c. dans le cas des personnes seules et que, durant 1974, de janvier 1974 à janvier 1975, on constatera une augmentation de près de 20 p.c. dans le niveau moyen des prestations. C'est donc une majoration, sur une période de 1972 à 1975, qui dépasse l'augmentation du coût de la vie, si rapide qu 'elle ait été. La deuxième observation qu'il est important de faire, c'est que cette taxe d'eau, qui devient un point de fixation, si vous voulez, des préoccupations relativement aux assistés sociaux, manifeste malgré tout, dans les municipalités où elle existe, un choix de ces municipalités quant à la distribution de leurs sources de revenu, quant à l'importance qu'elles donnent à différentes sources de revenu. Il est clair que, dans les municipalités qui n'ont pas de taxe locative, il y a de fortes chances que les taxes foncières générales soient d'autant plus élevées. Cela étant, ces taxes foncières se répercutent d'une façon analogue sur le budget de toutes les familles, des familles d'assistés sociaux comme des autres, par les loyers qu'elles paient et d'autres façons. Donc, il serait inexact d'affirmer que le problème de la taxe d'eau est absolument unique et sans précédent. Il existe dans d'autres municipalités aussi des charges municipales qui sont assumées autrement et qui trouvent leur chemin dans les budgets des familles locataires par des mécanismes ordinaires, c'est-à-dire par les loyers qui doivent refléter ces charges fiscales au niveau municipal.

M. BEDARD (Chicoutimi): Dernière question supplémentaire. Malgré la hausse de 10 p.c. qui a été annoncée pour janvier et dont a fait état le ministre des Affaires sociales, est-ce que le ministre n'est pas d'accord sur le fait que les revenus des familles d'assistés sociaux représentent, quand même, un montant inférieur au plus bas seuil de pauvreté qui puisse exister?

M. FORGET: Non seulement je le reconnais, mais c'est en vertu des chiffres dont j'ai fait moi-même état à cette Assemblée qu'on peut l'affirmer avec certitude. J'ai indiqué, M. le Président — et ceci n'est pas sans importance — que ces seuils de pauvreté représentent, dans la guerre en vue de l'élimination de la pauvreté, les objectifs que nous nous sommes fixés et à la réalisation desquels nous devons travailler. Le gouvernement peut déjà faire état sur ce point, depuis deux ans, de progrès substantiels, progrès que nous avons l'intention de poursuivre, mais qui, malgré tout, sont des objectifs. Il est évident qu'on peut nous faire le reproche de ne pas les avoir tous réalisés immédiatement; il reste que des progrès ont été enregistrés.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Rouyn-Noranda. Une dernière question après lui, l'honorable chef de l'Opposition officielle.

Chantiers coopératifs de Taschereau

M. SAMSON: M. le Président, je voudrais poser une question à l'honorable ministre des Terres et Forêts. Je veux lui demander s'il y a des développements dans les négocaitions entre son ministère, REXFOR et la Fédération des chantiers coopératifs de Taschereau en ce qui concerne la possibilité de conserver leur scierie en activité pour éviter les nombreuses mises à

pied. Le ministre, ce matin, est-il en mesure de nous faire des annonces concernant ce projet?

M. DRUMMOND: M. le Président, je ne suis pas en mesure de faire une annonce définitive, mais je peux faire rapport que la réunion qui a eu lieu hier a semblé très fructueuse, selon mes informations. J'ai toutes les raisons de croire que, dans un assez bref délai, on sera en mesure d'annoncer une entente qui fera l'affaire de tout le monde.

M. SAMSON: Supplémentaire, M. le Président. Compte tenu du fait que ces négociations se poursuivent déjà depuis longtemps, est-ce que le ministre n'aurait pas au moins quelques indices à nous donner sur les ententes qui seraient, en ce moment, convenues et sur ce qui reste à conclure?

M. DRUMMOND: Grosso modo, je ne veux pas trop faire d'annonces avant que les choses ne soient réglées, mais je pense que, selon mes informations, les points à régler ne sont pas vraiment des points majeurs.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Dernière question.

Le chef de l'Opposition officielle.

Conference Board of Canada

M. MORIN: J'ai une autre question pour le premier ministre. A-t-il pris connaissance des dernières prévisions de l'organisme qui s'appelle le "Conference Board of Canada", qui vient compléter l'exposé si "brillant" du ministre de l'Industrie et du Commerce, dimanche dernier, sur les principaux indicateurs économiques et qui prédit — je cite — "... un avenir économique sombre, dominé par un chômage plus répandu et des prix montant en flèche pour la première moitié de 1975"?

M. BOURASSA: Pour le Québec?

M. MORIN: Le premier ministre a-t-il pris connaissance de ces prévisions qui sont fondées sur une croissance économique presque nulle du PNB au Canada? On prévoit tout au plus 1 p.c. de croissance et, encore, cela n'est pas sûr. Si oui, le premier ministre peut-il nous dire s'il entend prendre des mesures de relance de l'économie pour faire face au chômage et à l'inflation et, en fait, à la "stagflation" puisque c'est le phénomène qui s'empare du Québec à l'heure actuelle.

M. BOURASSA: J'écoutais le chef de l'Opposition il y a quelques jours mentionner deux mesures pour faire face à la récession économique qui s'en vient. Première mesure: l'indexation qui était proposée par le chef de l'Opposition alors que le chef de l'Opposition connaît mon opinion sur l'indexation. Il sait fort bien qu'il n'est pas du tout assuré dans les sommes qui sont remises, notamment aux contribuables les plus riches, seront dépensées au Québec. Je l'ai dit à la télévision dimanche dernier. Si on donne à un contribuable qui gagne $50,000, par exemple, $737 en vertu de l'indexation, ou $800, environ...

M. MORIN: Combien y en a-t-il qui gagnent un tel montant?

M. BOURASSA: Laissez-moi terminer. Si on donne à un contribuable qui gagne $50,000, une somme de $800, ce sur quoi: le Parti québécois est d'accord en vertu de sa résolution au congrès national du 15 novembre — résolution votée par le Parti québécois — il n'est pas assuré que ce contribuable ne dépensera pas ces $800 dans un autre pays, surtout l'hiver, dans un pays du sud. Donc, il n'est pas assuré que l'indexation profitera à l'économie québécoise ou à l'économie canadienne, alors que si nous réservons ces montants, comme nous le faisons en vertu du dernier budget du ministre des Finances, pour les petits salariés, je crois que les chances que l'économie québécoise ou que l'économie canadienne en profite sont beaucoup plus grandes. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous nous opposons à ces cadeaux aux contribuables les plus riches, contrairement au Parti québécois.

Quant aux grands projets qui étaient proposés, sans détail, évidemment, par le chef de l'Opposition, le gouvernement, dans son budget, fera connaître sa position là-dessus.

Mais on n'a qu'à voir la croissance des budgets, depuis trois ans, on n'a qu'à constater que les investissements dans le secteur manufacturier, je crois, ont augmenté de 43 p.c. — je comprends qu'il y a une partie qui est due à l'inflation — mais, dans un an, 43 p.c. d'augmentation. C'est quand même un résultat concret qui est éloquent, 75,000 nouveaux emplois en 1973, 128,000 l'an dernier, cela fait une moyenne de 100,000 sur deux ans et une moyenne de 71,000 pour les quatre années de notre mandat. C'est ce que proposait votre chef comme objectif, le 20 septembre, à Trois-Rivières, au congrès de la Chambre de commerce, en disant qu'un gouvernement qui pourrait réussir à créer une moyenne d'environ 75,000 nouveaux emplois atteindrait l'objectif nécessaire au Québec. On l'a atteint, nous, malgré des circonstances très difficiles. Je demande au chef de l'Opposition de faire confiance au gouvernement. Je pense que, dans le domaine social, dans le domaine culturel, dans le domaine économique, nous avons fait nos preuves. Nous avons fait tellement nos preuves que l'Opposition n'a rien à nous reprocher, elle est obligée de nous reprocher des balivernes. Si le chef de l'Opposition a des solutions un peu plus efficaces que celles qu'il a proposées, il y a quelques jours, pour faire face à la récession économique, je suis prêt à l'entendre, mais je ne pense pas

que l'indexation serait un moyen de relancer l'économie au Québec.

Il y a des moyens beaucoup plus efficaces pour relancer l'économie.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Dernière question additionnelle.

M. MORIN: Oui, je le veux bien. Le premier ministre sait que la croissance des budgets doit tenir compte de ce caractère artificiel que lui donne l'inflation. La Conference Board fait remarquer que les mises en chantier de...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! posez votre question.

M. MORIN: Le ministre est-il conscient du fait que les mises en chantier dans l'habitation, par exemple, vont tomber de 229,000 cette année, d'après les prévisions, à 183,000 l'année prochaine, que cela va créer du chômage? C'est la raison pour laquelle je demande au premier ministre: Devant une situation sombre pour l'année qui vient, plutôt que de faire "l'homme fort" au sujet de 1973 et 1974, pourquoi ne met-il pas en route immédiatement les mesures pour faire face à la situation que tous les économistes s'entendent à prédire? Le premier ministre sait très bien que dans toute l'Amérique du Nord...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question brève.

M. MORIN: La question est celle-ci: Compte tenu du fait que, dans toute l'Amérique du Nord, on prévoit une situation très difficile, le gouvernement du Québec ne devrait-il pas immédiatement — et sans attendre le prochain budget qui ne viendra que dans plusieurs mois — prendre immédiatement des mesures d'urgence, notamment en organisant de grands travaux?

M. BOURASSA: M. le Président, je suis heureux que le chef de l'Opposition pose ce genre de question...

M. MORIN: Vous passez votre temps à être heureux que je soulève des questions, mais répondez-y donc !

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. BOURASSA: II nous manquerait, M. le Président, s'il fallait qu'il soit forcé à démissionner, il nous manquerait.

M. MORIN: II vous en manquera plusieurs!

M. BOURASSA: Est-ce que le député de Maisonneuve, qui vous a recommandé pour aller à Bruxelles; va vous manquer?

M. MORIN: II y en a quelques-uns autour de vous...

M. BOURASSA: Je ne sais pas s'il s'en souvient...

M. BURNS: Non, mais on va vous aider dans votre remaniement ministériel.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! ... A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BOURASSA: Complice.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre ! ... Est-ce que vous pouvez répondre à la question, s'il vous plaît?

M. BOURASSA: Oui, M. le Président. Je dis au chef de l'Opposition qu'aujourd'hui même — cela va être un test de la volonté de l'Opposition de collaborer positivement avec le gouvernement...

M. MORIN: Pour augmenter le salaire des députés?

M. BOURASSA: Non, non! L'autre! M.MORIN: Ah!

M. BOURASSA: Cela va être un test aujourd'hui. Tantôt, le ministre du Travail va présenter la deuxième lecture de la loi sur la construction. C'est important pour la prochaine année. C'est le problème le plus important pour faire face à la récession économique au Québec. Vous parlez des grands projets en question. Si le malaise de la construction n'est pas résolu —je comprends qu'on se donne des pouvoirs énormes, le député de Maisonneuve va probablement les critiquer — mais je pense qu'après tout ce qui est arrivé dans le domaine de la construction, et dans les circonstances, c'est la seule solution et c'est la solution réaliste pour le gouvernement.

Alors, je dis au chef de l'Opposition que, dans ce cas-là, s'il veut manifester positivement son appui pour permettre au gouvernement de faire face à la possibilité d'une récession alors qu'actuellement, dans la région de Montréal, des chantiers sont compromis, d'autres sont annulés, je l'ai dit...

M. MORIN: On vous demande d'organiser de grands travaux...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. MORIN: ... pas de matraquer les travailleurs.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! C'est une période des questions tout de même.

M. BOURASSA: Matraquer les travailleurs!

M. MERCIER: C'est la période des questions, messieurs!

M. BOURASSA: M. le Président, on a lancé le projet de la baie James il y a trois ans; il y a 3,000 travailleurs actuellement. Si nous adoptions les théories de l'Opposition, il y aurait beaucoup moins d'emplois qui seraient créés parce qu'on sait fort bien que, dans le domaine des ressources hydrauliques, le nombre d'emplois, qui est créé pour un certain nombre d'années, est extrêmement élevé.

C'est précisément à l'occasion de ces années que nous avons besoin d'emplois, étant donné le taux de croissance de la main-d'oeuvre. Alors, je demande au chef de l'Opposition, en étant tout à fait conscient du sérieux de la situation, s'il veut collaborer avec le gouvernement et avec les Québécois pour réduire toute possibilité de récession au cours de l'année 1975, qu'il adopte rapidement le projet de loi que nous avons déposé hier, de manière à résoudre les problèmes de la construction au Québec. Tant que ces problèmes de la construction ne seront pas résolus, c'est évident qu'il y aura des problèmes économiques qui seront très sérieux, notamment pour la région de Montréal.

J'attends le test à l'occasion du débat de cet après-midi. J'attends de voir l'attitude de l'Opposition. C'est là qu'on va voir s'ils sont aussi partisane qu'ils donnent l'impression de l'être, depuis quelques jours, ou s'ils sont capables de s'élever au-dessus de la partisanerie pour nous aider à résoudre les véritables problèmes des Québécois.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives m'a informé qu'il désire répondre à une question.

Malartic Hygrade Gold Mines

M. TETLEY: Merci, M. le Président. Le député de Saguenay m'a posé une question au sujet de la compagnie Malartic Hygrade Gold Mines (Québec) Ltée.

J'ai reçu le rapport d'enquête sur les accusations d'un M. Gérard Paquet, président de Malartic Hygrade Gold Mines (Québec) Ltée, à l'endroit de la Commission des valeurs mobilières du Québec. Je viens de le déposer.

Cette enquête a été menée par le service général d'inspection du ministère, un service indépendant de la Commission des valeurs mobilières et relevant directement du sous-ministre des Institutions financières.

Le ministère de la Justice a prêté son concours à cette enquête en analysant la preuve recueillie et donné son accord aux conclusions. M. Paquet avait soutenu que certains officiers de la Commission des valeurs mobilières avaient agi de façon abusive et discriminatoire à l'égard de sa compagnie. Il reprochait aussi à la commission d'avoir suspendu malicieusement la transaction des actions de Malartic sur le parquet de la Bourse de Montréal.

J'ai déposé ce rapport à l'Assemblée nationale, et je cite la conclusion: "L'étude des faits nous oblige à conclure que M. Gérard Paquet n'est pas de bonne foi et que les accusations qu'il porte ne sont pas fondées".

On se souvient que cette affaire avait été rendue publique par M. Paquet lors d'une conférence de presse qu'il donnait à Montréal, le 25 septembre dernier. Les irrégularités dont il se plaignait se rapportaient à une émission de débentures de sa compagnie à la British Fidelity Bank and Trust de Nassau, pour une somme de $1.2 million.

Le principal grief de M. Paquet s'adressait au directeur de la division de la surveillance de la comission et au conseiller juridique qui l'assistait dans ce dossier. Lors d'une entrevue avec M. Paquet, le 23 avril dernier, les représentants de la commission auraient indûment tenté de forcer la compagnie à conclure une entente d'exploitation avec Kanflo Mines Ltd. Après étude des témoignages, faits et circonstances, les enquêteurs conclurent qu'il n'y a eu ni chantage ou menace pour favoriser Kanflo au détriment de Malartic. Les déclarations de M. Paquet ne sont, d'ailleurs, pas corroborées par son procureur, qui assistait à cette réunion.

M. Paquet reprochait aussi à la commission d'avoir abusé de ses droits en considérant de sa juridiction l'émission de ces débentures. Les enquêteurs ont conclu qu'il ne leur appartient pas de trancher cette question de nature légale. Toutefois, ils soulignent le fait que Malartic Hygrade ne s'est pas prévalu des mécanismes de révision prévus à la Loi des valeurs mobilières. Au contraire, elle s'est adressée aux tribunaux et serait présentement en appel d'une décision en première instance qui lui serait défavorable.

Le président de Malartic Hygrade prétendait de plus que la commission avait posé un geste de vengeance en suspendant les transactions des actions de la compagnie après la conférence de presse du 25 septembre. A cette occasion, il avait révélé que les débentures avaient effectivement été émises. Les enquêteurs ont établi clairement que ni la Bourse de Montréal, ni la Commission des valeurs mobilières ne soupçonnaient l'émission illégale de ces débentures. La suspension est d'ailleurs, à leur avis, normale dans de pareilles circonstances.

M. Paquet met aussi en cause un commissaire, tendant ainsi à laisser croire à une véritable conspiration. A l'analyse, il se révèle que ces insinuations sont de la plus haute fantaisie et qu'à elles seules elles suffiraient à compromettre la crédibilité de M. Paquet.

M. le Président, je réitère mon entière confiance dans la Commission des valeurs mobilières et son personnel. Je souligne l'excellent travail qu'elle accomplit en vue de rendre plus efficaces les marchés financiers et d'assurer une meilleure protection aux investisseurs. Je vous remercie.

M. BOUTIN: Question de privilège, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député d'Abitibi-Ouest, question de privilège.

M. BOUTIN: M. le Président, tout à l'heure, le député de Rouyn-Noranda a laissé, par sa question, peut-être supposer que les événements concernant la Fédération des chantiers coopératifs est un dossier qui me concerne depuis longtemps, surtout depuis le mois d'août dernier. Je ne sais pas s'il veut laisser planer le fait que je ne m'en occupe pas, mais je voudrais simplement souligner ceci.

M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement !

DES VOIX: Ah! Ah!

M. SAMSON: II n'est pas question de soulever une question de privilège, à moins que mon honorable ami ne se soit senti visé et qu'il ne l'ait fait immédiatement. Cela ne se fait pas après une période de questions, M. le Président.

Non, non, ne vous énervez pas, les "boys" ce matin. Il va passer au règlement comme les autres. S'il a une question de privilège à soulever, M. le Président, qu'il vous en avertisse avant le début de la prochaine séance...

M. ROY: Une heure avant.

M. SAMSON: ... une heure avant le début de la prochaine séance et, là, il soulèvera sa question de privilège.

M. CHOQUETTE: M. le Président, sur la question de règlement, il est manifeste que le député de Rouyn-Noranda est dans l'erreur. Le député a le droit de soulever une question de privilège...

M. SAMSON: II n'y a pas de danger, ce n'est pas vrai!

M. CHOQUETTE: ... à l'occasion de choses que vous avez dites ce matin.

M. SAMSON: Non, M. le Président. M. CHOQUETTE: Bien oui!

M. SAMSON: Si le député avait une question de privilège à soulever, il devait le faire immédiatement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. SAMSON: C'est passé, cela fait une demi-heure, cela. Qu'il avertisse le président une heure avant la prochaine séance.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Question de règlement, l'honorable ministre d'Etat aux Transports.

M. BERTHIAUME: Je suis d'accord avec le député de Rouyn-Noranda que le député d'Abitibi-Ouest devait soulever sa question immédiatement. Il l'a fait, d'ailleurs. C'est vous, M. le Président, qui ne l'avez pas reconnu. J'en suis témoin.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Pour bien rétablir les faits, j'ai entendu un député dire: Question de privilège, mais j'ai fait le tour, je ne savais pas d'où venait la voix, malheureusement.

UNE VOIX: Je l'ai mentionné trois fois, vous n'avez pas compris.

M. BURNS: Sur la question de règlement, je suis entièrement d'accord avec le député de Rouyn-Noranda, surtout qu'il y a eu des décisions de rendues par la présidence à plusieurs reprises. Je me suis moi-même fait dire, à une occasion, qu'il était trop tard. Imaginez-vous, M. le Président, je n'étais pas en Chambre quand cela s'est dit, j'étais à mon bureau. Je l'ai entendu. Juste le temps de descendre pour soulever ma question de privilège, on m'a dit: Vous n'êtes pas brimé dans vos droits, il y a une autre façon de soulever la question de privilège. Comme le dit le député de Rouyn-Noranda, il n'a qu'à vous donner avis régulièrement, une heure avant la séance, et il pourra soulever sa question de privilège.

Je pense que le règlement doit s'appliquer à tout le monde.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je pense qu'il n'y a pas de problème là-dedans. Evidemment, les députés de Rouyn-Noranda et de Maisonneuve ont raison, mais je pense que nous sommes tous conscients, comme vient de le confirmer l'honorable ministre d'Etat aux Transports, qu'effectivement le député d'Abitibi-Ouest avait soulevé une question de privilège. Je n'ai pas de problème. Personnellement, si on veut être toute la journée très "réglementaires", à toutes les fois qu'on voudrait invoquer le règlement, on voudra bien m'indiquer le numéro de l'article, de quoi il traite, avec beaucoup de précision...

UNE VOIX: M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaft! Je demande tout simplement votre collaboration. J'ai l'impression, à

moins de me tromper beaucoup, que si certains députés soulevaient des questions de privilège — même un petit peu sur les bords, comme l'a fait le député d'Abitibi-Ouest — et que cela leur était refusé, j'ai l'impression, dis-je, qu'on attirerait l'attention des collègues sur le fait que leurs droits sont brimés.

L'honorable député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, sur le point de règlement, l'article 49 est très clair. Il est de votre devoir de faire appliquer le règlement pour la bonne marche des travaux à l'Assemblée nationale: "Lorsqu'un député désire soulever une question de privilège, il doit, avant l'appel des affaires du jour, à la suite d'un avis écrit donné au président au moins une heure avant l'ouverture de la séance... "Il y a un deuxième paragraphe qui dit: "Un député peut toujours soulever une question de privilège immédiatement après qu'ont été prononcées les paroles ou que se sont déroulés les événements qui ont eu lieu."

Le député n'avait qu'à se lever, demeurer debout et dire: Question de privilège, et vous étiez obligé de l'écouter. Il est trop tard maintenant.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Evidemment, je suis d'accord là-dessus.

Question de privilège

Motion d'accusation contre certains membres de la Chambre

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Avant de passer aux affaires du jour, l'honorable député de Maisonneuve m'a donné avis d'une question de privilège qu'il fera suivre, selon son intention, d'une motion. Je voudrais l'informer dès immédiatement que je vais lui donner la parole sur sa question de privilège suivie de sa motion, mais que je prendrai le tout en délibéré et qu'à la reprise de la session, cet après-midi à trois heures, je rendrai ma décision.

L'honorable député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: D'accord, M. le Président. Comme vous l'avez dit, je vous ai donné un avis, en date d'hier. Les faits sur lesquels se base ma question de privilège remontent au 26 juillet 1974. Simplement pour mettre devant la Chambre ces faits, je vous donne ce que j'ai de mieux dans le moment pour les exposer, c'est-à-dire l'extrait des minutes d'une séance du comité de régie interne de l'Assemblée nationale tenue le 26 juillet 1974 au cabinet du président: "Sur la proposition de l'honorable Jean-Noël Lavoie, président de l'Assemblée nationale, il est résolu que les députés dont les noms suivent ainsi que M. Roberto Wilson, directeur des relations interparlementaires, soient autorisés à se rendre à l'assemblée générale de l'AIPLF dont les assises se tiendront à Bruxelles, Belgique du 14 au 21 septembre 1974: M. Robert Lamontagne, député de Roberval, M. Julien Giasson, député de Montmagny-l'Islet, M. Louis-Philippe Lacroix, député des Iles-de-la-Madeleine, M. André Marchand, député de Laurier, M. Jacques-Yvan Morin, député de Sauvé, M. Fabien Roy, député de Beauce-Sud, M. Lucien Caron, député de Verdun, M. Lucien Lessard, député de Saguenay.

Par dérogation aux normes et modalités déjà établies par le comité de régie interne, il est convenu d'accorder à chaque délégué un montant forfaitaire de $1,796 qui couvre les frais de transport et de séjour". Le document que je cite est signé par M. Raymond Desmeules, qui affirme que c'est une vraie copie, Raymond Desmeules, secrétaire de la commission de régie interne.

M. le Président, mon argumentation est très simple: S'il s'avérait, à la suite de l'enquête que tiendra la commission de l'Assemblée nationale — je devrais dire, peut-être, avant de terminer ce document que les trois commissaires qui siégeaient à cette occasion étaient M. Gérard-D. Levesque, ministre des Affaires intergouvernementales, à titre de commissaire régulier, M. Gérald Harvey, ministre du Revenu, à titre de commissaire suppléant, M. Oswald Parent, ministre de la Fonction publique, à titre de commissaire régulier. Je disais donc que, s'il s'avérait, à la suite de l'enquête que tiendra la commission de l'Assemblée nationale en vertu du mandat qui lui a été confié hier, que le chef de l'Opposition a reçu une allocation qui le rend inhabile à siéger, tous ceux qui sont à l'origine de cette allocation, qui sont les seuls qui pouvaient autoriser cette allocation, ceux qui ont fixé les conditions, les barèmes et les modalités en vertu desquels cette allocation a été versée sont parties, à mon avis, à cette infraction puisqu'elle ne pouvait avoir lieu sans leur concours.

Je dis même, M. le Président, qu'ils sont les premiers responsables puisque le texte même de la Loi de la Législature sur lequel s'est appuyé celui qui a présenté la motion adoptée hier, l'article 96, parle d'une allocation accordée et non pas d'une allocation reçue. Les premiers visés par cet article sont ceux qui ont autorité pour accorder l'allocation. Ce sont eux qui ont l'initiative et, s'ils ne posent pas les premiers gestes, rien ne peut s'exécuter par la suite, M. le Président. D'ailleurs, je tiens à souligner que, dans son intervention d'hier, le député de Crémazie a mentionné le fait qu'il était possible que cette allocation ait été accordée non pas par erreur mais par malice, pour tendre un piège au chef de l'Opposition et surprendre sa bonne foi. M. le Président, je cite...

DES VOIX: Ah! Ah!

M. BIENVENUE: M. le Président, je soulève une question de privilège.

M. BURNS: Je vais le citer au complet. M. BIENVENUE: Non, non, mais...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de l'Immigration, question de privilège.

M. BIENVENUE: Je ne peux pas attendre une seconde de plus, M. le Président.

UNE VOIX: C'est vous, le malicieux.

M. BIENVENUE: J'ai cru que tout le monde en cette Chambre, les pages, les non-avocats, etc., avaient compris que je procédais dans mon raisonnement par hypothèse, disant des choses telles que: Même si on imaginait le cas que, etc.

M. BURNS: Non, non, je suis d'accord...

M. BIENVENUE: Je suis sûr que le député de Maisonneuve a compris.

M. BURNS: J'ai très bien compris. J'ai tellement bien compris que je vais vous citer au complet pour vous rendre justice. D'accord? Alors, je cite. D'ailleurs, M. le Président, quand j'ai dit c'est possible, et qu'il disait que c'est possible, je ne disais pas qu'il donnait cela comme une chose qui est arrivée. Vous allez voir que, par le texte, il dit: "Dieu nous protège contre cette situation". Je vais le citer au complet.

Je cite R/5231, page 2, où le ministre de l'Immigration dit ceci: "Or, le chèque encaissé par le député de Sauvé, accepté, encaissé, dépensé par le député de Sauvé, non seulement n'est pas — et je pense que c'est le mot qui donne bien la notion que je recherche — non seulement ce chèque n'est pas protégé par l'article 76 mais en plus il est formellement interdit, ce chèque, à l'article 96. Qu'on ait — et j'anticipe — eu tort de le verser, qu'on l'ait versé par erreur, par négligence — j'irai plus loin, Dieu merci j'espère qu'on comprendra bien que c'est seulement pour les fins d'une hypothèse — qu'il ait été versé par malice, par perversité, comme un piège, comme une trappe, comme une source d'embêtement, de façon volontaire et vicieuse, cela ne justifiait pas et cela ne peut jamais justifier son acceptation, son encaissement et son usage".

Il est donc évident, M. le Président, qu'il y a un lien étroit entre la motion que je présente aujourd'hui et celle qui a été adoptée hier. Pour que l'enquête soit complète, il faut que la motion que je présente aujourd'hui soit elle aussi acceptée, M. le Président. En terminant, je voudrais dire simplement un mot, M. le Prési- dent, puisqu'à mon sens la décision que vous avez rendue hier s'applique en tous points à la motion que je présente aujourd'hui.

Comme vous m'avez dit que vous prendriez le tout en délibéré et que vous rendriez une décision à trois heures cet après midi, je pense qu'il n'est pas inutile que je vous rappelle un passage de votre décision d'hier que je voudrais bien voir s'appliquer à cette décision d'aujourd'hui de la même façon. Et je vous cite, M. le Président, au rouleau 5225, page 1: "II faut d'abord établir ce que le Président n'a pas le pouvoir de faire. Il ne peut juger de la motion à son mérite. C'est évident. Il n'a pas le pouvoir non plus de juger des questions de droit. Le droit parlementaire le confirme. Les questions de droit comme celles qui concernent les faits doivent être débattues devant l'organisme qui aura à se prononcer sur le mérite de la cause, soit la Commission de l'Assemblée nationale. C'est une question de droit, par exemple, que de décider si quelqu'un qui enfreint l'article 96 de la Loi de la Législature se rend coupable ou non d'une atteinte aux privilèges de la Chambre ou à son indépendance". M. le Président, j'allègue qu'il y a eu infraction à l'article 96 de la Loi de la Législature, et je vous demande de tenir, à l'endroit de cet allégué-là, exactement la même décision ou le même raisonnement que vous avez formulé hier.

En terminant, M. le Président, j'ai l'intention de faire une motion. Je ne sais pas, je ne connais pas les intentions du gouvernement là-dessus, mais hier j'avais compris que j'aurais au moins, de la part du leader du gouvernement, la recommandation d'un consentement unanime. Là encore, je pense que ça vaut la peine de le citer, au rouleau 5250, à la page 1, le leader du gouvernement nous dit: "Je suis prêt à demander à mon groupe ministériel de donner le consentement unanime de la Chambre pour passer par-dessus les étapes mentionnées d'avis de motion, etc... et que le leader parlementaire de l'Opposition officielle mette son siège en jeu et porte immédiatement des accusations contre mes collègues et moi-même en vertu de la Loi de la Législature".

Si le leader du gouvernement, M. le Président, est toujours prêt à faire cette recommandation-là à ses collègues —j'espère qu'ils ne lui feront pas l'affront qu'ils lui ont fait hier de passer outre à sa recommandation — je serai prêt, M. le Président, à vous soumettre, dès cet après-midi, la motion suivante: "Je propose que la Commission de l'Assemblée nationale se réunisse en vue de procéder à une enquête sur les faits suivants qui, s'ils sont fondés, rendront M. Jean-Noël Lavoie, président de l'Assemblée nationale, M. Gérard-D. Levesque, leader du gouvernement et commissaire nommé en vertu de l'article 54 de la Loi de la Législature, M. Gérald Harvey, ministre du Revenu, et commissaire nommé en vertu de l'article 54 de la Loi de la Législature, et M. Oswald Parent, ministre de la Fonction publi-

que et commissaire nommé en vertu de l'article 54 de la Loi de la Législature, indignes de siéger à l'Assemblée nationale parce qu'inhabiles, en vertu des articles 96 et 75 et suivants de la Loi de la Législature, savoir: avoir accordé une allocation sous forme de chèque du gouvernement du Québec, daté du 28 août 1974, portant le numéro 813025, et au montant de $1,796 pour indemniser le chef de l'Opposition des dépenses encourues pour les fins d'une mission officielle qu'il a accomplie à Bruxelles, en Belgique, du 16 au 22 septembre 1974, à la demande du Président agissant sur la recommandation des commissaires nommés en vertu de l'article 54 de la Loi de la Législature, et qui lui a été versée aux conditions et selon les barèmes et les modalités établis par ces commissaires, contrairement aux articles 96 et 75 et suivants de la Loi de la Législature. "Qu'instructions soient données à cette commission de tenir cette enquête concurremment à celle qu'elle tiendra à l'égard du député de Sauvé, que cette commission soit autorisée à faire, de temps à autre, des rapports exprimant ses observations et ses vues sur cette affaire, à convoquer devant elle et envoyer chercher les personnes, les pièces et les dossiers dont elle aura besoin".

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Evidemment, je voudrais m'adresser à l'honorable député de Maisonneuve. Tel que convenu, je voudrais étudier à tête reposée votre question de privilège suivie de la motion. Mais quant au consentement, j'apprécierais que vous fassiez après ma décision, la demande que vous vous proposez de faire.

M. Gérard-D. Levesque

M. LEVESQUE: M. le Président, on me permettra, cependant...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable leader du gouvernement.

M. LEVESQUE: ... de dire quelques mots parce qu'on semble avoir mentionné mon nom quelque part. M. le Président, je dirai simplement ceci: je pense qu'il faut rétablir très brièvement les faits.

Je crois qu'il y a eu un dépôt hier, par le président, de ce dossier du fameux voyage de parlementaires à Bruxelles. J'aimerais référer l'Assemblée nationale à une lettre, datée du 18 mai, du président du Sénat de Belgique, M. Harmel, adressée à M. Lavoie, le président de l'Assemblée nationale, et qui invitait, au nom de la section belge de l'Association internationale des parlementaires de langue française, une délégation du Québec. Il y avait, par la suite, une réponse, le 31 mai 1974 de M. Jean-Noël Lavoie qui acceptait l'invitation.

Par la suite, on verra dans le dossier diverses lettres, en particulier une lettre du président de l'Assemblée nationale, à M. Robert Burns, leader parlementaire de l'Opposition officielle, lui faisant part de ce voyage projeté et demandant au leader parlementaire de l'Opposition officielle, le député de Maisonneuve, de désigner quelqu'un de son groupe pour faire partie de cette mission.

M. le Président, je tiens à souligner que c'est le leader parlementaire de l'Opposition lui-même, député de Maisonneuve, qui, dans une lettre du 21 juin 1974, adressée à M. Jean-Noël Lavoie, disait ceci: "Cher collègue, en réponse à votre lettre du 18 juin, il me fait plaisir de vous communiquer les décisions prises par le caucus de l'Opposition officielle. Le chef de l'Opposition, Me Jacques-Yvan Morin, et le député de Saguenay, M. Lucien Lessard, sont désignés pour participer à la 5e assemblée générale de l'AIPLF à Bruxelles. Le leader parlementaire et député de Maisonneuve a été désigné pour participer à la délégation parlementaire qui se rendra à l'Assemblée nationale de France. Veuillez agréer, cher collègue, l'expression de mes sentiments les plus distingués. Le leader parlementaire de l'Opposition, Robert Burns."

M. BURNS: Est-ce que l'infraction reprochée au chef de l'Opposition est d'être allé à Bruxelles ou d'avoir encaissé le chèque?

M. LEVESQUE: Le leader parlementaire de l'Opposition officielle voudrait peut-être ajouter son nom à la longue liste. Il faudrait peut-être commencer le 21 juin, parce que c'est à ce moment... Ce n'est pas le président de l'Assemblée nationale, ce n'est pas la commission de régie interne qui a désigné...

M. BURNS: Vous pouvez amender la motion si vous voulez.

M. LEVESQUE: ... Me Jacques-Yvan Morin.

M. BURNS: M. le Président, question de règlement.

M. LEVESQUE: Est-ce que je peux terminer?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve. Question de règlement.

M. BURNS: On argumente au mérite, je pense.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BURNS: Cela pourrait très bien être un discours que le leader du gouvernement pourrait faire en vertu des règlements lorsque la motion sera faite. Je dis ceci, M. le Président, et je le dis beaucoup plus gentiment que le leader du gouvernement me l'a dit hier; je ne le mets pas au défi: Si, à un certain moment, cette motion vient en discussion et qu'il croit que

mon nom doit être ajouté à la liste, il pourra le faire par voie d'amendement.

M. BOURASSA: Bien oui, mais arrêtez donc!

M. LEVESQUE: M. le Président, je prends note de l'admission du député de Maisonneuve. Evidemment, c'est difficile pour lui de ne pas admettre que, dès le 21 juin 1974...

M. BURNS: Bien oui! Je l'ai la lettre, moi aussi.

M. LEVESQUE: Mais elle n'a pas été déposée au journal des Débats. Il est important... Je n'ai pas entendu parler de cela dans la presse. J'ai vu bien des reportages depuis hier. J'en ai entendu, mais je n'ai pas entendu dire que l'initiative venait du député de Maisonneuve...

M. BOURASSA: C'est vrai?

M. LEVESQUE: ... candidat possible à la succession.

M. BOURASSA: Surveillez-le! Surveillez-le!

M. LEVESQUE: Qu'est-il arrivé après le 21 juin 1974? On continue dans ce dossier, fort intéressant...

M. LESSARD: II fait un discours...

M. BURNS: Question de règlement, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve. Question de règlement.

M. BOURASSA: Cela fait mal!

M. BURNS: C'est au mérite. On est en train de discuter de la motion au mérite et vous nous aviez bien mis en garde contre cela. Je vous demanderais d'appliquer le règlement pour le leader du gouvernement aussi.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Effectivement...

M. LEVESQUE: Je vais laisser le dossier, parce qu'on pourra maintenant s'y référer.

M. BURNS: Oui, d'accord.

M. LEVESQUE: Parce que là les gens vont être intéressés à aller voir le reste de l'histoire.

M. BURNS: Oui, faites-en donner une copie à la Tribune de la presse, je suis bien d'accord, entièrement d'accord.

M. LEVESQUE: M. le Président, vous me permettrez simplement, pour le respect de la vérité, deux petits points. Le premier, c'est qu'il ne s'agit pas, à sa face même, d'une question de privilège. J'ai le droit de dire cela. Vous devez rendre une décision bientôt là-dessus. J'ai le droit de dire cela. Pour vous aider, si vous avez besoin d'assistance, — et je sais que vous n'en avez pas besoin — mais lorsque l'on voit que ce que l'on nous reproche c'est en vertu de l'article 75 de la Loi de la Législature, je tiens simplement à vous rappeler que l'article 75 défend de recevoir des sommes, des émoluements. La commission de régie interne, M. le Président, a simplement tenu une réunion de routine, le 26 juillet 1974, et a fait deux choses; a approuvé qu'une mission officielle aille à Bruxelles, ensuite une autre à Paris et les autres de l'ordre du jour et a accepté ce que le président nous avait proposé comme tarif forfaitaire pour le délégué...

M. BURNS: Pour tous les délégués que j'ai mentionnés tout à l'heure.

M. LEVESQUE: ... pour chaque délégué. M. BURNS: C'est cela.

M. LEVESQUE: Mais chaque délégué, qui y avait droit, M. le Président, c'est évident.

M. BURNS: Ah! regarde donc cela! M. LEVESQUE: Et la surprise du...

M. BURNS: C'est-tu drôle qu'on ne voit pas cela dans la minute.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. LEVESQUE: C'est parce qu'il me pose une question, j'aimerais lui répondre.

M. BURNS: II discute du mérite encore, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Là, j'ai l'impression que cela dépasse de beaucoup...

M. MORIN: II tente de se disculper.

M. LEVESQUE: M. le Président, je terminerai simplement en disant ceci, si je ne peux pas parler de la véritable question...

M. BOURASSA: Une partielle dans Maisonneuve.

M. BURNS: Attendez qu'elle soit recevable et vous parlerez tant que vous voudrez là-dessus.

M. LEVESQUE: M. le Président, je dis simplement que nous avons agi, comme nous agissons toujours, avec objectivité...

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. LEVESQUE: Bien... J'ai le droit...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve, sur une question de règlement.

M. BURNS: M. le Président, je suis entièrement d'accord que ce débat puisse avoir lieu cet après-midi...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. BURNS: Si ce débat doit avoir lieu, qu'il ait lieu cet après-midi, selon votre suggestion, je suis entièrement d'accord, et je ne couperai même pas la parole au leader, je m'engage d'avance.

M. LEVESQUE: M. le Président... Un instant.

M. BURNS: II y a une chose que je n'accepte pas, M. le Président, c'est qu'on fasse deux poids deux mesures.

M. LEVESQUE: D'accord, c'est justement ce que je veux dire, pas deux poids deux mesures.

M. BURNS: Je n'accepte pas deux poids, deux mesures, M. le Président. Si moi je me suis limité à soulever le problème et que vous me dites à moi: Je vais examiner la recevabilité de votre motion, bien il me semble que cela doit s'appliquer au leader aussi.

M. LEVESQUE: Un instant...

M. BURNS: Tout ce qu'il a dit jusqu'à maintenant, il tente de justifier le comité.

M. LEVESQUE: J'ai le droit sur la question de règlement.

M. BURNS: II pourra le faire cet après-midi.

M. LEVESQUE: Sur la question de règlement.

M. le Président, je tiendrais à rappeler au député de Maisonneuve que lorsqu'une motion a été présentée, au début de la semaine, cela a d'abord été une question de privilège, et à ce moment, on a permis, si ma mémoire est fidèle, au député de Sauvé, au chef de l'Opposition... Oui, oui, qu'on retourne au journal des Débats. Il a pris la parole, à ce moment, pour expliquer ou se justifier, je ne me rappelle pas ce qu'il a fait, mais, enfin, il a eu l'occasion d'avoir une intervention sur le fond. Le lendemain...

M. BURNS: Ce n'est pas cela dont il s'agit.

M. LEVESQUE: Le lendemain, alors que l'avis de motion était au feuilleton, la question de privilège ayant été considérée comme telle, il y a eu un avis de motion le lendemain. Le député de Maisonneuve s'est levé, si ma mémoire est fidèle, et là il a parlé de la recevabilité de la motion. Je me suis opposé et le député de Maisonneuve a dit: Non, cela va sauver du temps, je pense, pour demain, et le président lui a donné raison et l'a laissé parler sur la question de la recevabilité. Est-ce vrai cela?

M. BURNS: Sur la recevabilité seulement. M. LEVESQUE: De la motion. M. BURNS: Oui.

M. LEVESQUE: Tandis que, présentement, on n'est pas sur la recevabilité de la motion, on est sur la question de privilège.

M. BURNS: Elle n'est même pas reçue, la motion, encore.

M. LEVESQUE: C'est-à-dire la question de privilège n'est pas encore décidée.

M. BURNS: Bien oui.

M. LEVESQUE: C'est ça.

M. BURNS: C'est ça.

M. LEVESQUE: Qu'est-ce qu'on a à cacher?

M. BURNS: Rien à cacher, je veux que cela se fasse au bon moment.

M. LESSARD: Faites l'enquête.

M. LEVESQUE: Laissez-moi terminer.

M. BURNS: Faites une enquête, cela va être parfait.

M. LESSARD: On n'a rien à cacher, faites l'enquête.

M. BURNS: Acceptez la motion.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. LEVESQUE: Je termine, M. le Président, en disant...

M. BURNS: Acceptez-la, la motion.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. LESSARD: Ne vous cachez pas derrière des procédures.

M. LEVESQUE: ... que cette question de

privilège n'en est pas une, qu'à la face même de la motion qu'on veut faire par suite de cette question de privilège, si elle était une question de privilège, à la face même de cette motion, elle est évidemment irrecevable et surtout ridicule et un prétexte...

M. BURNS: Oui.

M. LEVESQUE: ... de procédure de diversion.

M. MORIN: Plaidoyer pro domo.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre du Revenu.

M. Gérald Harvey

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, j'ai cru également entendre citer mon nom. Si la motion est présentée, laissez-moi vous dire que mon seul commentaire est que je la trouverais ridicule parce que si, toutes les fois qu'un trop-payé versé par un ministère quelconque aurait conduit à l'introduction d'une motion semblable en Chambre, il ne resterait plus de ministre dans aucun gouvernement, non seulement au Québec mais à travers le monde entier.

M. BURNS: Belle admission! Belle admission!

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais...

M. BURNS: Belle admission!

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): ... pour le bénéfice de tous les membres de l'Assemblée, rappeler quel va être mon rôle au cours des prochaines heures. J'ai pris connaissance de votre question de privilège, que je vais étudier. Evidemment, pour que la motion puisse venir au feuilleton éventuellement, il faut que j'accepte votre question de privilège comme telle et, ensuite, si je l'accepte que je regarde la motion elle-même pour permettre qu'elle soit au feuilleton à titre d'avis ou non. C'est ce qui, au cours des prochaines heures, va se passer.

J'espère que tous ceux qui ont voyagé ont fait un bon voyage.

M. BURNS: Y compris vous-même, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Affaires du jour.

Questions inscrites au feuilleton

M. LEVESQUE: M. le Président, en réponse à des questions au feuilleton... The show must go on. Article no 9, question de M. Bellemare (Johnson), je fais motion pour que cette question...

M. BELLEMARE (Johnson): Quel numéro?

M. LEVESQUE: No 9. ... soit transformée en motion pour dépôt de document.

M. BELLEMARE (Johnson): Un instant, M. le Président.

M. LEVESQUE: Motion pour dépôt de document.

M. BELLEMARE (Johnson): No 9, Bellemare...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Document déposé.

Cette motion est-elle adoptée?

M. LEVESQUE: Adopté.

M. LEGER: On demande un vote enregistré, M. le Président.

M. BURNS: Vote enregistré, M. le Président.

M. LEVESQUE: Pour?

M. BURNS: Vote enregistré.

M. LEVESQUE: Bien, on va aller en commission.

M. BURNS: Ah, vous allez en commission? D'accord, adopté.

M. LEVESQUE: On va simplement finir ça. Alors...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Excusez-moi, j'ai perdu... Vous...

M. LEVESQUE: Non, non, cela va bien!

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): ... répondez à des questions du feuilleton? Ah bon! Bon!

M. LEVESQUE: Réponse de M. L'Allier, pour M. L'Allier, document déposé.

UNE VOIX: Quel numéro?

M. LEVESQUE: No 9, pour la vingtième fois.

M. BELLEMARE (Johnson): L'autre, c'était quoi?

M. LESSARD: Quel numéro est-ce que c'était?

M. BELLEMARE (Johnson): C'est le premier. D'accord.

M. LEVESQUE: Article no 13, question de M. Bellemare (Johnson), réponse de M. Hardy.

M. HARDY: Lu et répondu. (voir annexe)

M. LEVESQUE: Article no 18, question de M. Roy, réponse de M. Toupin.

M. BELLEMARE (Johnson): Le 21 décembre.

M. TOUPIN: Lu et répondu. (voir annexe)

M. LEVESQUE: Article no 29, question de M. Bellemare (Johnson), je fais motion pour que cette question soit transformée en motion pour dépôt de document.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion est-elle adoptée?

M. LEVESQUE: Adopté.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Adopté.

M. LEVESQUE: Réponse de M. Toupin. M. TOUPIN: Document déposé.

Motion pour faire siéger la commission sur le projet de loi no 98

M. LEVESQUE: M. le Président, je fais motion pour que la commission parlementaire des affaires municipales siège immédiatement au salon rouge afin de poursuivre l'étude sereine et objective, efficace et rapide du projet de loi... Quel numéro?

M. LEGER: No 98.

M. LEVESQUE: ... no 98.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion est-elle adoptée?

M. LEGER: Vote enregistré, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les députés.

Vote sur la motion

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

Que ceux qui sont en faveur de la motion proposée par l'honorable leader du gouvernement veuillent bien se lever s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bouras- sa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Garneau, Lachapelle, Berthiaume, Cournoyer, Goldbloom, Simard, Quenneville, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Toupin, Massé, Harvey (Jonquière), Arsenault, Desjardins, Giasson, Brown, Bossé, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Picard, Gratton, Assad, Dionne, Faucher, Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Shanks, Springate, Pepin, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault, Boutin, Chagnon, Marchand, Caron, Côté, Denis, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières, Verreault, Morin, Burns, Léger, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Samson, Roy, Bellemare (Johnson).

LE SECRETAIRE: Pour: 80 Contre : 0

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La motion est adoptée. La commission des affaires municipales peut siéger immédiatement, au salon rouge.

Affaires du jour.

M. LEVESQUE: Nous pourrons revenir, au cours de la journée, avec des motions de troisième lecture; on pourra avoir une certaine consultation pour ce que nous pourrions adopter aujourd'hui. Mais, pour le moment, M. le Président, j'appelle l'articlelO.

Projet de loi no 87

Deuxième lecture

Motion de report à six mois

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Reprise du débat sur l'amendement de M. Léger à la motion de M. Levesque, proposant que le projet de loi no 87, Loi modifiant la loi de la Législature et la loi de l'Exécutif...

L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, j'ai parlé.

DES VOIX: Vote! Vote!

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): C'était sur la motion d'amendement pour le reporter à six mois?

M. LEVESQUE: Le temps du député était expiré.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, mes collègues ont été assez clairs sur ça que c'est pratiquement par devoir que je sens le besoin d'intervenir pour ajouter à ce qu'ils ont dit, hier, à l'appui de la motion pour reporter l'étude du projet de loi à six mois.

Il est évident — on a tenté de faire des gorges chaudes sur cela, de l'autre côté de la Chambre — que, dans le passé, nous avons tous admis que le salaire du député, comme tout autre salaire au Québec, a, depuis 1971/72, perdu de sa valeur eu égard au pouvoir d'achat qu'il commande. Je ne tenterai pas de vous dire que, lors de l'étude des crédits de l'Assemblée nationale, le député de Saint-Jacques et moi-même n'avons pas admis cela; bien au contraire, et je maintiens toujours cette position. Nous sommes d'accord qu'il y a eu érosion du pouvoir d'achat du salaire des députés, comme il y a eu érosion du pouvoir d'achat de l'ensemble des travailleurs au Québec, de ceux qui n'ont pas été indexés, en tout cas.

Ce qui motive notre attitude cependant, M. le Président, c'est que nous jugeons cette demande d'augmentation par voie d'un projet de loi — et le mot n'est pas trop fort — indécente en l'occurrence. Indécente pour une pure et simple raison: c'est nous, les législateurs, qui détenons entre nos mains le pouvoir de changer notre propre situation. J'admets que le projet de loi, à un certain égard, corrigera cela pour l'avenir, mais ce qu'il y a d'indécent, M. le Président, c'est quand tout autour de nous vous avez des gens au salaire minimum, à qui on a donné des miettes depuis des années. On leur a donné cela à coup de $0.10, et même quand on a présenté la motion de hausser le salaire minimum à $2.50 c'est-à-dire même pas au seuil de la pauvreté — et je ne reprendrai pas toute l'argumentation que je vous avais soumise à ce moment-là — me basant sur des statistiques fédérales et en particulier sur les recherches du comité sénatorial à ce sujet, tout le monde admettait, pour l'année 1973, que même un salaire annuel de $5,200 n'était pas suffisant. Je vous avais même soumis, à ce moment, M. le Président, des statistiques qui avaient été préparées d'ailleurs par le groupe de recherche et d'information de Saint-Henri, le GRIP, qui démontraient que même avec $100 par semaine, une famille normale n'était pas capable d'arriver. Donc, que notre demande de $2.50 prévus sur une période de 40 heures pouvait normalement apporter un revenu de $100 par semaine, mais que même cela n'allait pas jusqu'à ce qu'on appelle le seuil de la pauvreté.

M. le Président, qui sommes-nous aujourd'hui, après avoir pris ces attitudes, pour dire que les gens qui sont au salaire minimum, c'est-à-dire actuellement $2.30 l'heure, qui ne sont pas indexés au coût de la vie... Même la motion qui avait été proposée, celle à laquelle je me référais, de $2.50, avait été amendée — je m'en souviens très bien — par le ministre du

Travail et, sous l'angle de l'indexation, on laissait une latitude absolue au gouvernement de tenir compte des circonstances, mais ce n'était pas automatique. Ce n'est tellement pas automatique, M. le Président, que le cabinet des ministres n'a pas bougé sur l'indexation du salaire minimum depuis ce temps-là.

Et nous, M. le Président, on ne jugera pas cela indécent de se servir les premiers? Nous qui sommes censés être les serviteurs? C'est cela, M. le Président, qui motive, je pense, la motion du député de Lafontaine...

M. VEILLEUX: Saguenay.

M. BURNS: C'est le député de Lafontaine, non?

M. VEILLEUX: De reporter à six mois? M. BURNS: Oui.

M. VEILLEUX: M. le Président, question de règlement. Je sais que le député de Maisonneuve était occupé à une autre commission hier, mais nous ne sommes pas sur la motion de fond, nous sommes sur la motion de report à six mois du député de Saguenay.

M. BURNS: Oui, d'accord.

M. VEILLEUX: Alors, il faudrait s'en tenir aux six mois.

M. BURNS: Excusez-moi, je croyais que c'était le député de Lafontaine qui l'avait formulée.

M. VEILLEUX: Non, non!

M. BURNS: En tout cas, je vais parler tout simplement de la motion du report à six mois, peu importe qu'elle ait été faite par le député de Lafontaine ou de Saguenay, j'étais absent lorsqu'elle a été faite hier, c'est pour cela que je ne pouvais pas identifier exactement l'auteur de la motion.

Mais ça ne m'empêche pas, M. le Président, quel que soit le député qui l'a faite cette motion-là, de vous dire, comme je le mentionnais il y a une minute: Nous qui sommes censés être les serviteurs du peuple, je ne vois pas comment et en vertu de quelle logique nous serions les premiers à nous servir. Je suis prêt à atténuer cette affirmation-là: Peut-être pas les premiers. C'est sûr que les employés de la fonction publique bénéficient d'une certaine forme d'indexation. C'est sûr qu'il y a déjà un certain nombre de travailleurs à travers le Québec qui ont réussi, à force de bras, à faire rouvrir leurs conventions collectives. Quand je dis à force de bras, c'est qu'on les a laissés se débattre tout seuls avec le problème sans qu'il y ait un projet de loi du ministère du Travail qui permettrait de rouvrir les conventions collectives auxquelles il reste au moins un an à faire, à

courir. Non, on n'a pas fait ça. Alors, je vois mal, M. le Président, qu'aujourd'hui on se dise capable, sans aucune honte, de faire cette modification-là au salaire du député avant qu'on la fasse pour l'ensemble des gens qui en ont, disons-le et soyons honnêtes, beaucoup plus besoin que les députés.

Quand vous indexez un salaire de $15,600, ou de $21,000 en l'occurrence comme le propose le projet de loi, vous n'indexez pas un salaire qui est dans le paupérisme total. Vous n'indexez pas un salaire qui est en bas du seuil de la pauvreté. Et on ferait cela sans crainte et sans aucune difficulté, sans gêne surtout? C'est pour cela, M. le Président, que la motion de six mois est faite. C'est pour donner le temps au gouvernement, s'il est sérieux, de démontrer que, ce qu'il veut faire à l'endroit des députés, il veut aussi que ça s'applique à l'ensemble de la population. Il veut aussi réviser, entre autres, la forme d'indexation imparfaite des prestations en vertu de la Commission des accidents du travail. Il veut tenter de trouver une formule d'indexation, après avoir haussé le salaire à un minimum normal, mais un vrai strict minimum de $2.50, il veut trouver une formule, un moment donné, pour indexer le salaire minimum. Il veut trouver une formule pour ne pas laisser les travailleurs qui sont emprisonnés dans une convention collective qu'ils ont signée avec des prévisions économiques qui ne se sont pas avérées exactes dans les faits. Qu'est-ce qu'on fait pour eux? On les laisse à leur sort et nous autres on règle notre problème à nous? Je dis, M. le Président, c'est ça que j'appelle indécent comme attitude.

Par contre le gouvernement démontrerait qu'il serait très sérieux s'il acceptait notre suggestion de reporter ce projet de loi à six mois, pas pour le tuer définitivement, comme je l'ai dit tout à l'heure, je l'ai admis, pas pour tuer le projet de loi définitivement. On pourra débattre au fond sur les barèmes, on ne sera pas nécessairement d'accord sur les mêmes chiffres, mais on va être d'accord sur un principe, par exemple. C'est que le salaire des députés, comme celui de tout le monde, a besoin d'être indexé. Mais je dis, M. le Président, qu'avant de le faire pour nous trouvons les moyens de le faire pour l'ensemble de la population.

Si le député voit son pouvoir d'achat disparaître graduellement au fur et à mesure de l'augmentation du coût de la vie, imaginez-vous donc que c'est vrai pour tout le monde de la société. On n'est pas des bibites rares dans le sens que nous seuls souffrons de l'augmentation du coût de la vie.

Je dirais même qu'on est peut-être parmi les derniers à en souffrir, et celui qui en souffre le plus est habituellement celui qui a encore moins de moyens que le salaire de $15,600 que le député reçoit actuellement, et c'est ce qui est important de retenir.

Posez les gestes normaux, ouvrez les conventions collectives, haussez le salaire minimum, indexez-le et, après cela, nous serons prêts nous aussi à parler d'indexation de nos propres salaires.

A ce moment, je ne serai pas gêné de le faire. A ce stade-ci, je vous dis que je le suis. Je suis dans une position privilégiée comme député, celui des rares travailleurs au Québec, probablement les seuls travailleurs qui peuvent décider de leur salaire. C'est assez incroyable, M. le Président.

Je ne connais pas de travailleurs, véritablement de travailleurs — je ne parle pas de gens qui s'auto-emploient, qui sont à leur propre emploi — qui ont la chance et le privilège, parce que c'est un privilège, de décider de leur propre salaire. Mes dix minutes sont terminées, M. le Président?

Alors, je termine là-dessus. Je dis: Posez les gestes. Posez-les sérieusement et revenons dans six mois et réexaminons toute l'affaire. Nous verrons, à ce moment, si le gouvernement a posé des gestes concrets pour régler le problème de l'ensemble de la population. Et si c'est exact, si, dans les faits, c'est cela qui sera arrivé dans six mois, à ce moment je ne serai pas gêné de parler d'indexer mon propre salaire parce que je n'aurai pas l'impression que je m'accorde un privilège que le gouvernement refuse de donner à l'ensemble des travailleurs.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition.

M. MORIN: Si je ne m'abuse, j'ai droit à une demi-heure?

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Oui.

M. Jacques-Yvan Morin

M. MORIN: M. le Président, je voudrais donner mon opinion sur cette motion qui tend à reporter à six mois l'étude de ce projet de loi. Dans notre esprit, dans l'esprit de l'Opposition, il s'agit de prendre tout le temps nécessaire pour étudier les conséquences de ce projet de loi ainsi que les raisons qui militent en sa faveur.

Il s'agit encore davantage d'informer la population de la portée du geste que nous nous apprêtons à poser. Le Comité consultatif sur les indemnités et allocations des parlementaires du Québec, dans son rapport, qui nous a été soumis il y a à peine deux semaines maintenant, au plus trois semaines, nous dit qu'il faut que le public comprenne bien la situation dans laquelle se trouve le député au Québec. Les observations se trouvent à la page 32 et sont suivies de quelques commentaires tendant à montrer pourquoi il faut que l'opinion comprenne la situation, afin que les députés ne soient pas les seuls à décider de leur salaire.

Si nous posions un geste unilatéral, hâtif, en fin de session, à la sauvette, profitant du fait que bientôt les députés vont devoir rentrer chez

eux pour les Fêtes, profitant du fait que beaucoup de Québécois vont avoir l'esprit ailleurs, j'estime que nous manquerions à notre devoir à l'égard des Québécois. "Il faut, disait le comité consultatif sur les indemnités et allocations des parlementaires du Québec, comité consultatif composé de M. J.-C. Bonenfant, président, ainsi que de Mme Yvette Rousseau et de M. Lucien Cliche, comme membres. Je cite textuellement un extrait qui se trouve à la page 32. "Il faut, autant que possible, éviter que ceux-ci — il s'agit, bien entendu, des députés — s'ils doivent être mieux payés, en décident d'eux-mêmes directement. Le grand public, en effet, éprouve des difficultés à comprendre que les députés soient à la fois juges et parties dans leur propre cause et il est facile parfois, avec démagogie, de répéter que la plupart des travailleurs doivent négocier péniblement leur augmentation de salaires, alors que les députés, eux, peuvent, sans tractations et sans opposition, décider des leurs. C'est pour cela que, depuis un certain nombre d'années, dans plusieurs pays, on recherche des moyens de fixer l'indemnité parlementaire sans que les députés interviennent directement".

M. le Président, je pense que ces propos sont fort sages. Cependant, si nous devons éviter de décider, nous-mêmes, unilatéralement, de ce qui est bon pour nous et si nous devons surtout augmenter nos salaires de 50 p.c, car c'est bien le chiffre... Je sais que, dans les journaux, le leader du gouvernement a donné à entendre qu'il s'agissait d'une augmentation de seulement 25 p.c. Mais M. le Président, la population doit savoir. C'est pour cela qu'il faut prendre le temps nécessaire, qu'il faut retarder ce projet de loi pendant quelque temps.

Le public doit savoir que ces chiffres résultent d'un truc qui se trouve à l'article 5 du projet de loi. En effet, si l'article 92 semble accorder à chaque député une indemnité annuelle de $21,000, l'article 92a) qui suit immédiatement et qui est rédigé en des termes techniques difficiles à comprendre pour le public, augmente, dès le 1er janvier 1975, dans quelques jours, grâce à une formule alambiquée dont je parlerai peut-être tout à l'heure, si j'en ai le temps, le salaire des députés en réalité de 50 p.c. J'ai donné les chiffres hier. Je ne reviens pas sur tous ces détails aujourd'hui, pour ne pas faire perdre le temps de la Chambre, mais il faut que l'opinion publique soit saisie de cela. Nous avons jusqu'ici, M. le Président, trompé l'opinion publique, en prétendant qu'il s'agissait d'une augmentation de seulement 25 p.c. En réalité, c'est bien 50 p.c. Je mets quiconque au défi dans cette Chambre, de me prouver le contraire.

On n'a qu'à lire l'article 92a): "Le montant de l'indemnité visée à l'article 92 c'est-à-dire $21,000 — doit, à compter du 1er janvier 1975 — c'est-à-dire dans quelques jours — être augmenté annuellement du pourcentage que représente le rapport entre le salaire de base pour l'année précédente et le salaire de base pour l'année antérieure à cette dernière". On prend donc un rapport en pourcentage, en comparant l'année 1973 avec l'année 1974. Ce pourcentage d'augmentation s'applique dès le 1er janvier 1975, ce qui donne en réalité une augmentation de plus de $7,000 pour un salaire qui, actuellement, est de $15,600.

On pourra faire les calculs; cela représente bien 50 p.c. d'augmentation et c'est ce qu'il faut faire savoir à l'opinion publique.

L'article 92 a), que nous nous aprêtons à ajouter — car il ne se trouve rien de semblable à l'heure actuelle dans la loi — ajoute que le salaire de base, pour une année, est calculé d'après la moyenne des traitements et salaires hebdomadaires pour l'ensemble des activités économiques au Canada au cours de chaque mois de l'année, tel que le publie Statistique Canada en vertu de la Loi sur la statistique.

J'aurai l'occasion, dans un discours subséquent, d'expliquer comment cette méthode de calcul est injuste pour les Québécois. Elle gonfle encore danvantage le salaire des députés parce que l'augmentation qui va s'ajouter annuellement est calculée par rapport à l'ensemble des revenus canadiens, alors que les revenus québécois sont inférieurs. Le Québec pourra se trouver dans la stagnation économique. Nous pourrons en être au point de croissance zéro pour le PNB avec une inflation de 10 p.c. Ce qui comptera pour augmenter le salaire de ces Messieurs, notre salaire, Messieurs, ce sont des statistiques applicables à l'ensemble du pays, qui sont invariablement supérieures à celles du Québec. En sorte que, non seulement serons-nous les premiers servis, mais nous serons mieux servis que les citoyens ordinaires, dont nous avons pourtant pour mission d'assurer le bien-être, dont c'est pourtant notre tâche de nous assurer qu'ils soient, eux, les premiers servis.

Nous sommes en train de donner un bien mauvais exemple à la population. Je voudrais que nous prenions ces quelques mois pour y réfléchir; nous avons besoin de réfléchir au geste que nous allons poser. Si tant est que nous ayons besoin d'une augmentation, ce qui peut être le cas pour certains d'entre nous, sûrement pas tous, si tant est que cela soit justifié, alors il nous faut aussi réfléchir à l'état de l'économie et à la condition dans laquelle se trouvent nos concitoyens québécois. Cela signifie deux choses: Premièrement, nous devons nous voter des montants qui soient raisonnables et non pas des augmentations de 50 p.c. d'un coup, avec, par-dessus le marché, comme glaçage sur le gâteau, un montant de plus de $4,000 à titre rétroactif. Je trouve que nous exagérons. Je pense que nous ne nous comportons pas en bons citoyens. Nous donnons le mauvais exemple à la population. On viendra ensuite dire aux Québécois: Serrez-vous la ceinture, l'économie en 1975 va connaître des difficultés. Le PNB va être au point zéro, il y a du chômage, annoncent tous les économistes, mais, serrez-vous la ceinture; il faut se montrer réaliste. Il faut tenir compte que c'est dur de faire partie du monde

occidental où l'inflation est galopante, où le chômage gagne de plus en plus les diverses économies. Il faut être réaliste, il faut se serrer la ceinture.

Qu'est-ce que les Québécois vont nous répondre? Ils vont répondre: Messieurs les députés, il fallait donner l'exemple. Il fallait, au moment où vous saviez déjà que l'économie était sur la pente descendante, ne pas donner l'exemple de sangsues qui se collent aux fonds publics, parce que nous sommes les gardiens de ces fonds publics.

Quelle honte de ne pas tenir compte des besoins de nos concitoyens et d'être les premiers à nous servir à même des fonds dont nous avons la garde. Si nous étions des fiduciaires dans l'entreprise privée, si nous avions la garde de fonds privés, on nous appellerait des dilapi-dateurs. Il y a des peines prévues pour cela dans la loi.

Mais nous sommes les gardiens des fonds publics, et nous risquons de devenir les dilapida-teurs des fonds publics. Contre cela, il n'y a pas de peine prévue dans la loi. C'est grave, M. le Président. Cela veut dire — il faut y réfléchir au cours des mois qui viennent, c'est pour cela qu'il faut remettre ce projet de loi à six mois — que le geste, l'acte irresponsable que nous nous apprêtons à poser ne comporte pas de sanction. Nous sommes à l'abri de tout, sauf de l'opinion des Québécois. Nous pouvons nous penser au-dessus du commun des mortels. C'est nous qui sommes les gardiens des fonds publics, alors bien malin qui pourra prendre des procédures contre les gardiens qui sont les seuls à décider, en dernier ressort, ce qu'il adviendra de ces fonds. Nous sommes là, assis dans nos fauteuils, bien carrés, à nous dire: Nous pouvons faire ce que nous voulons.

M. le Président, je crains bien qu'il y ait des retours de bâtons, surtout à une époque où l'économie du Québec prend un mauvais tournant. J'estime, comme je l'ai dit hier, que ce geste posé dans les circonstances actuelles de l'économie, ce geste posé à la sauvette, en fin de session, pour que les gens n'aient pas le temps de voir ce qui se passe, ce tour de prestidigitation, peuvent nous valoir de graves ennuis par la suite.

Je salue le retour du député de Louis-Hébert, qui sait de quoi je parle. L'opinion publique est peut-être endormie par les Fêtes, c'est possible, mais elle ne sera pas endormie tout le temps. Quand, dans quelques mois, les indicateurs économiques vont commencer à décliner, quand nous allons faire face à du chômage, au Québec, quand le salaire minimum ne suffira plus à nourrir une famille ordinaire, quand les usines commenceront à fermer leurs portes, M. le Président, alors les Québécois vont nous demander des comptes.

Nous allons leur dire: Que voulez-vous? Nous aussi, nous faisons face à la hausse du coût de la vie; nous aussi, il faut que nous ayons l'indexation que beaucoup de Québécois ont déjà obtenue. M. le Président, c'est parce que nous devons informer les Québécois de cela et c'est parce que nous devons les amener à y réfléchir que nous demandons cette motion de report à six mois, puisqu'il me faut constamment revenir à la motion.

M. le Président, il faut renseigner les Québécois, il faut leur expliquer le geste que nous nous apprêtons à poser parce que demain, quand l'économie ira mal et que nous nous tournerons vers eux et que nous tenterons de leur dire: II faut se serrer la ceinture, concitoyens, il faut, dans des temps durs, faire, contre mauvaise fortune, bon coeur: il faut même peut-être renoncer à l'indexation parce qu'il n'y a pas assez d'argent pour indexer, les Québécois vont se tourner vers nous et dire: Que ne donniez-vous l'exemple ! Et nous serons aux prises avec des problèmes sociaux insolubles. Chaque fois que nous nous tournerons vers des citoyens, dans quelque secteur que ce soit, qu'il s'agisse du ministre de l'Agriculture, qui aura à aller expliquer aux agriculteurs que désormais, malgré qu'ils aient déjà la ceinture sur les reins, il va falloir la serrer encore davantage, que ce soit le ministre des Affaires sociales ou le ministre d'Etat aux Affaires sociales qui devront tant bien que mal, aller expliquer à travers le Québec qu'il n'y a pas assez d'argent pour couvrir les besoins de première nécessité d'une nombre croissant de Québécois qui se trouveront en chômage ou à l'assistance sociale.

Les Québécois vont-ils prendre cela sans sourciller? Il vont nous demander des comptes et surtout ils vont nous dire: Vous vous êtes disqualifiés. Vous n'avez pas le droit de venir nous demander de nous serrer la ceinture.

Avant que les six mois pour lesquels nous demandons cette motion de report ne se soient écoulés, il y aura des négociations dans la fonction publique et dans de nombreux secteurs. Si l'économie est à la baisse et si le gouvernement est obligé de mettre le frein et d'expliquer à ses fonctionnaires, aux travailleurs que c'est bien malheureux mais qu'il faut être réalistes, alors les Québécois nous diront: Etiez-vous réalistes, autour de Noël 1974, quand vous vous êtes voté une augmentation de 50 p.c? Avez-vous tenu compte de l'état de l'économie? Avez-vous examiné les indicateurs économiques? Ne saviez-vous pas que les économistes prédisaient un avenir sombre pour l'année 1975?

C'est pour ces raisons qu'il faut reporter ce projet de loi à six mois. C'est pour ces raisons: informer les Québécois de l'état de l'économie et du geste que nous nous apprêtons à poser et des techniques que nous utilisons pour augmenter nos salaires d'année en année. J'ai attiré l'attention là-dessus déjà, j'y reviendrai en détail lorsque nous examinerons ce projet de loi article par article, nous allons l'examiner longuement article par article. Nous allons proposer des modifications à tous les articles, parce que ce projet de loi n'est pas bien fait, parce qu'il dissimule les hausses qu'il accorde aux députés. Nous allons faire valoir, à cette occasion, un très grand nombre d'arguments et en particulier...

M. BOSSE: M. le Président, question de privilège.

M. MORIN: ... les faits... M. le Président... M. LESSARD: II n'est même pas à sa place.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Un instant. A l'ordre! A l'ordre! J'inviterais l'honorable député de Dorion, s'il veut soulever une question de privilège, à prendre son siège.

M. BOSSE: Vous avez raison.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): L'honorable député de Sauvé.

M. MORIN: Ce que le député de Dorion devrait comprendre...

M. BOSSE: M. le Président, je désirerais soulever une question de privilège.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Sur une question de privilège, l'honorable député de Dorion.

M. BOSSE: De mon siège. Le chef de l'Opposition actuellement nous parle sur le fond...

M. LESSARD: M. le Président...

M. BOSSE: Je regrette mais il est hors du sujet.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Ce n'est pas une question de privilège, c'est une question de règlement. Est-ce que vous voulez parler sur une question de règlement?

M. LESSARD: Le député vient de comprendre.

M. BOSSE: C'est une question de règlement, M. le Président, ei je pense que le chef de l'Opposition devrait s'en tenir à l'amendement qui a été proposé et non pas nous parler sur le fond. Ceci étant dit de mon siège.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Je voudrais mentionner au député de Sauvé qu'à certains moments il dépasse peut-être un petit peu la motion. Je lui demanderais de revenir à la motion en cours, c'est-à-dire de reporter à six mois l'étude du projet de loi. Je demande votre collaboration là-dessus et de parler sur la motion du député de Lafontaine.

M. LESSARD: M. le Président, sur la question de règlement, je voudrais...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: ... vous rappeler aussi, M. le Président, l'article 120 et surtout les derniers mots concernant l'article 120.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): L'article 120.

M. LESSARD: Oui, M. le Président.

M. MORIN: Pourriez-vous le lire, M. le député?

M. LESSARD: M. le Président, "Le débat sur toute motion de deuxième lecture — et à ce que je sache, nous sommes encore en deuxième lecture sur une motion secondaire — doit être restreint à la portée, à l'à-propos, aux principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de loi ou à toute autre méthode d'atteindre ces fins...

Voici, M. le Président, une minute...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Oui, allez-y.

M. LESSARD: ... à toute autre méthode d'atteindre ces fins." Je pense qu'il est tout à fait normal que, sur la motion en discussion, le député, le chef parlementaire explique les conséquences de ce projet de loi puisque, justement, c'est à cause des conséquences de ce projet de loi que nous proposons la motion de renvoi à six mois.

Ce dont le député de Sauvé parle, ce sont les implications du projet de loi et ces implications nous ont amenés, nous de l'Opposition officielle, à proposer le renvoi à six mois.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): II y a aussi l'article 121 qui dit: "Un seul amendement est possible à la motion de deuxième lecture. I! ne peut viser qu'à la retarder. Il ne peut être l'objet d'un sous-amendement". C'est là-dessus justement qu'on est; on est en train d'étudier la motion qui a été présentée de renvoi à six mois. Alors, je demanderais au chef de l'Opposition de s'en tenir à cette motion, quoiqu'on ait accordé une certaine latitude jusqu'à présent sur la question de fond.

M. MORIN: M. le Président, je ne faisais pas autre chose, à mon avis, parce que j'ai bien dit, à plusieurs reprises, qu'il s'agit d'informer les Québécois des faits dont je fais état. Il s'agit de nous expliquer devant l'opinion publique. C'est pour cela que nous avons fait la motion de report à six mois. Peut-être le député de Dorion ne suivait-il pas mon argumentation.

M. BOSSE: M. le Président...

M. MORIN: Peut-être était-il temporairement absent de l'Assemblée...

M. BOSSE: M. le Président, ce que j'entendais...

M. MORIN: ... du moins en esprit. M. BOSSE: Ce que j'entendais...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): A l'ordre, à l'ordre!

M. BOSSE: ... si vous le permettez...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): A l'ordre! Vous invoquez quoi, une question de règlement ou une question de privilège?

M. BOSSE: Une question de règlement. Ce que j'entendais de la part du chef de l'Opposition, c'était ceci: Nous étudierons article par article, nous ferons des amendements article par article...

M. CHARRON: Pendant six mois.

M. BOSSE: ... en fait, dans les six mois.

M. CHARRON: C'est ce que disait le chef de l'Opposition.

M. BOSSE: Quand même, il ne faudrait pas charrier. Que la mesure dilatoire soit permise, que le chef de l'Opposition l'utilise, c'est pertinent, mais de là à entrer dans les détails; je pense qu'il est à court d'expressions, à court d'idées, et cela me surprend de la part d'un professeur si brillant de l'université, de la tour d'ivoire.

M. LESSARD: Très brièvement, M. le Président, sur une question de règlement.

M. ROY: Sur la question de règlement.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Sur une question de règlement, l'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: Je voudrais, M. le Président, féliciter le député de Dorion d'être en Chambre ce matin, et de s'être inscrit au journal des Débats.

M. BOSSE: Ce n'est pas une question de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): L'honorable député de Beauce-Sud, sur une question de règlement.

M. ROY: Sur la question de règlement.

M. BOSSE: Je regrette, M. le Président, c'est une insulte...

M. ROY: Sur la même question de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran- ce): A l'ordre! A l'ordre! Sur une question de règlement, l'honorable député de Beauce-Sud m'avait demandé la parole avant.

L'honorable député de Beauce-Sud.

M. ROY: Je pense que, s'il y en a un, M. le Président...

M. BOSSE: ... de la part du député.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): A l'ordre! Vous soulèverez une question de privilège. A l'ordre!

M. ROY: Je pense que, s'il y en a un, M. le Président, à l'Assemblée nationale, qui devrait avoir la décence de se taire à l'occasion de ce débat, qui est un exemple d'absentéisme chronique à l'Assemblée nationale, c'est bien le député de Dorion.

M. BOSSE: Je pense que le député...

M. ROY: C'est justement, M. le Président, des exemples comme le vôtre...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre! A l'ordre! ... A l'ordre! ... A l'ordre! ...A l'ordre! ...A l'ordre!

M. BOSSE: Je soulève une question de privilège.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Sur une question de privilège, l'honorable député de Dorion.

M. BOSSE: Ayant été attaqué par le député de Beauce-Sud, je le mets au défi, lui, de venir, dans le comté où je suis, avec le type de services qu'on a à donner. Alors, en ce qui a trait à ma présence et à l'absentéisme en Chambre, je n'ai pas de leçon à recevoir de sa part. S'il est là, c'est parce qu'ils ne sont que deux. Quand ils étaient plusieurs, je m'en souviens, j'étais tout près d'eux...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): A l'ordre ! A l'ordre!

M. BOSSE: ... ils étaient...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): A l'ordre! ... A l'ordre!

M. ROY: Vous passez votre temps à faire du patronage, on le savait.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): Nous revenons à la motion du député de Lafontaine.

L'honorable député de Sauvé.

M. MORIN: M. le Président, je n'en veux pas personnellement au député de Dorion d'être

intervenu dans le débat. Ce n'est pas une grosse contribution jusqu'ici, mais, tout de même, il montre qu'il est intéressé au débat. Il montre qu'il s'interroge sur la portée sociale du projet de loi.

M. BOSSE: Sur votre pertinence.

M. MORIN: II se montre excellent député. Peut-être même finira-t-il par en conclure qu'une augmentation de 50 p.c. est exagérée, lui le député de Dorion, dont je reconnais qu'il est un de ceux qui, dans cette Chambre, connaissent les problèmes du peuple québécois et, en particulier, de ceux qui ont des bas salaires. M. le Président, le député de Dorion m'honore en intervenant dans ce débat; je ne demande pas mieux que de l'entendre. J'espère qu'il nous fera un long discours sur la condition économique des Québécois, particulièrement des défavorisés.

M. BACON: Pertinence.

M. MORIN: M. le Président, tout cela pour dire que les Québécois ont besoin d'être informé complètement sur tous les aspects de ce projet de loi. Je ne sais pas si les membres de cette Chambre ont eu l'occasion de suivre la controverse dans la presse, à l'occasion de l'augmentation proposée pour les députés au niveau fédéral.

Cette augmentation était également de 50 p.c. M. le Président, nous devrions prendre le temps de suivre cette controverse. Nous devrions prendre quelques mois pour nous mettre au fait de ce que pensent les Québécois du geste qu'on s'apprêtait à poser à Ottawa et pour prendre connaissance, évaluer, soupeser le geste que nous nous apprêtons également à poser à Québec, sauf que je dois vous dire qu'il n'est pas encore en vigueur.

M. le Président, je lisais l'autre jour, sous la signature de M. Charles Lynch, un argument qui pourrait être soupesé pendant ces six mois de répit que nous accorderions, non pas à nous, mais à nos concitoyens québécois: "There is nothing anybody can do to prevent the shocking — le mot est fort, M. le Président, dans la langue anglaise, surtout pour les Britanniques — the shocking increase members of Parliament are about to vote in their own salaries and allowances". Le mot "shocking", je pense, on pourrait le rendre par "scandaleux". C'est le mot que j'utilisais hier dans mon exposé d'introduction. "They cannot be accused of ransacking the public purse because they are the custodian of it. They cannot be impeached." C'est vrai, M. le Président, il vaut la peine de s'y arrêter pendant quelques mois, de réfléchir à la portée de ces accusations implicites que l'opinion publique porte contre nous.

On ne peut pas nous mettre en cause, on ne peut nous accuser devant aucun tribunal, nous sommes les gardiens ultimes des fonds publics.

M. le Président, cela comporte une bien lourde responsabilité et en ce qui me concerne, je pense que nous devrions prendre ces six mois pour méditer longuement les controverses qui ont eu lieu dans la Presse au sujet de l'augmentation tout à fait scandaleuse que les députés et ministres fédéraux s'apprêtaient à se voter. Et comme je l'ai dit tout à l'heure, malgré les tours de passe-passe... ai-je utilisée mon temps? Je dois donc conclure. Malgré les tours de passe-passe du ministre des Affaires intergouvernementales, parrain de ce projet de loi inique, malgré la supercherie qu'il utilise à l'article 92, ce n'est pas une augmentation de 25 p.c. que comporte ce projet de loi, c'est une augmentation de salaire de 50 p.c. M. le Président, les Québécois doivent avoir tout le temps d'apprendre cela, de le méditer et de nous faire connaître leur opinion. C'est pourquoi cette motion de report à six mois est amplement justifiée.

M. LEVESQUE: M. le Président, je voudrais invoquer l'article 96, je crois, on ne l'invoque pas souvent. Le chef de l'Opposition officielle a voulu me citer et citer les chiffres que j'ai donnés. Je voudrais qu'il ait l'honnêteté intellectuelle de bien préciser qu'il prend seulement une partie du portrait, qu'il a laissé tomber les $7,000 dans ses calculs, les $7,140 qui deviendraient dans ce projet de loi, $7,000. Qu'il n'y a pas de rattrapage ou d'ajustement à la hausse dans ces $7,000, mais à la baisse. Il n'a pas mentionné cela. Parce que s'il le mentionnait, il serait obligé d'additionner l'allocation avec l'indemnité et à ce moment-là, ce ne serait pas les chiffres qu'il a donnés. Il devrait avoir l'honnêteté intellectuelle de prendre les mêmes chiffres et ensuite de faire des comparaisons. C'est tout ce que j'ai à dire.

M. MORIN: Nous reparlerons de vos méthodes de calculs.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafrance): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, ce n'est pas la première fois que l'Opposition utilise cette unique possibilité d'amendement en deuxième lecture pour proposer un report de l'étude de la loi à une date ultérieure. Comme toutes les autres fois précédentes où nous l'avons fait — encore dernièrement sur le projet de loi 98, qui concernait les fusions forcées et obligatoires de certaines municipalités — le motif premier qui milite toujours en faveur d'un tel report milite de façon plus forte dans le projet de loi qui nous concerne aujourd'hui. C'est celui de la nécessité, au moment d'un projet de loi important, contentieux, et qui, à sa face même — on n'a qu'à lire les journaux — soulève plusieurs débats, la nécessité de prendre le temps de

consulter la population, de remettre la discussion de ce projet, de la philosophie qui l'entoure, de ses modalités mêmes, a ceux qui nous ont élus, de ne jamais bousculer dans des projets majeurs l'opinion publique parce qu'elle ne nous a pas mandatés ici pour qu'on se fiche d'elle.

Dans des projets de moindre importance, comme par exemple ceux qu'a parrainés le ministre de l'Industrie et du Commerce dans cette Chambre, nous avons à l'occasion, aussi mineurs qu'ils soient, aussi insignifiants qu'ils soient dans le développement économique du Québec ou d'une région, quand même demandé que ces projets reçoivent l'assentiment d'une population au moins consultée par les organismes qu'elle s'est donnés pour parler en son nom.

S'il est vrai que nous l'avons fait dans ces occasions, alors sommes-nous d'autant plus justifiés, ce matin, d'adopter la proposition du député de Lafontaine et d'obtenir ce délai de six mois que nous voulons pour aller demander à la population son avis, son assentiment, sa façon de penser. Ce ne sont pas d'autres que ceux qui nous ont élus, il faut leur demander ce qu'ils pensent de ce projet d'augmentation de 50 p.c. contenue dans le projet de loi que nous sommes en train de discuter.

Si ce motif était valable pour les autres projets de loi, il le devient d'autant plus aujourd'hui. Témoin de cette nécessité, témoin par l'absurde, témoin par le contraire, comme il le devient quotidiennement en cette Chambre, le conseil des ministres a choisi cette fin de session, ces avant-jours de Noël pour proposer ce projet de loi, sans consultation, sans véritable assentiment populaire.

M. le Président, deuxième raison qui milite en faveur du report à six mois de ce projet de loi, c'est qu'il donnera au moins au gouvernement le temps d'agir d'une façon plus considérable sur la nécessité de présenter des moyens de récupération et de rattrapage pour l'ensemble de nos concitoyens, face à l'inflation galopante dont il est le premier à bénéficier, comme gouvernement, et comme ils veulent être maintenant les premiers à bénéficier comme membres du gouvernement.

L'actif de ce gouvernement au chapitre de la lutte contre l'inflation n'est pas lourd. On est encore aujourd'hui la seule province canadienne, ou à peu près, à ne pas avoir accepté d'indexer l'impôt sur le revenu.

Aucune mesure réelle n'est intervenue dans cette session ou même la précédente pour dire que ce gouvernement entend lutter de façon sérieuse contre l'inflation.

Puisse les six mois que propose le député de Lafontaine être une occasion de revenir avec un possible projet de réajustement de salaire des membres de cette Assemblée. Mais avant de procéder à cette question de nous servir nous-mêmes, comme disait le chef de l'Opposition, que cette Assemblée ait fait la preuve qu'elle était prête d'abord à servir la population pour laquelle elle a été élue.

Puisse les six mois que nous nous accorderions en adoptant la motion du député de Lafontaine servir à ce gouvernement pour augmenter de façon considérable son action contre l'inflation et son action en faveur des plus défavorisés.

Encore ce matin, M. le Président, le député de Chicoutimi, lors de la période des questions, soulevait ce cas des assistés sociaux de Montréal, démunis face à l'inflation, qui doivent actuellement faire face à une taxe d'eau qu'ils sont, pour la première fois, appelés à relever de leur propre pitance qu'ils reçoivent des Affaires sociales. Quel est le dossier des Affaires sociales dans ce domaine? Quels sont les moyens de plus qu'a donnés le ministère des Affaires sociales à ses concitoyens? Quand, dans six mois, il aura fait preuve qu'il est capable de soulager ceux qui sont les plus défavorisés dans la période de difficulté économique qu'a couronnée le ministre de l'Industrie et du Commerce dans son allocution, dimanche dernier, cette période de récession qu'il est le premier à avouer au nom de son gouvernement; quand, dans six mois, ce gouvernement aura fait la preuve qu'il a posé des gestes concrets à l'égard des plus défavorisés, alors il pourra se permettre, comme nous l'avons déjà signalé, d'apporter les projets de rajustement de salaire des membres de cette Assemblée nationale, mais pas avant. Le délai de six mois que nous propose le député de Lafontaine devrait permettre à un gouvernement qui a été, contre l'inflation, d'une lenteur de tortue d'être enfin un peu plus vigilant, puisqu'il est nettement manifeste, simplement par le projet de loi en discussion, qu'il a d'ores et déjà l'intention de se servir lui-même.

Troisième motivation qui peut servir à l'appui de la motion du député de Lafontaine: nous ne savons pas — s'il faut se fier aux indications que nous donnait le ministre de l'Industrie et du Commerce, il ne le sait pas, non plus, lui-même — ce que sera la situation économique du Québec dans six mois. Peut-être que l'aspect scandaleux qu'a signalé le chef de l'Opposition du geste contenu dans le projet de loi en discussion deviendra encore pire dans six mois. Peut-être que la décision que le gouvernement veut faire prendre par cette Chambre, actuellement, deviendra encore plus difficile à prendre dans six mois. Dans ce cas, il s'agirait donc volontairement, M. le Président, d'une concertation évidente de la part du gouvernement pour intervenir à un moment où la conjoncture n'est pas favorable — cela, tout le monde en conviendra — mais l'est encore plus qu'elle ne le sera dans six mois. En effet, la période économique que nous traverserons au milieu de l'été 1975 sera probablement l'une des plus difficiles et l'incapacité d'agir du gouvernement du Québec, face à son développement économique et à la protection de ses citoyens, sera encore plus

douloureuse pour l'ensemble de la collectivité. Attendons donc les six mois que nous propose le député de Lafontaine, ne serait-ce que pour voir s'il y a un bien-fondé encore plus profond au geste que s'apprête à poser le gouvernement, au nom de la collectivité québécoise.

Ce délai de six mois nous paraît convenable pour une quatrième raison, et c'est la dernière que j'ajouterai, M. le Président: c'est pour que ce débat se fasse au grand jour, pour que ce débat se fasse dans les heures régulières de session de l'Assemblée nationale; non pas à une époque où l'ensemble de nos concitoyens sont en train de constater comment leur bourse est serrée pour faire face aux dépenses annuelles des Fêtes, mais à une époque où, en juin, avant même le début des vacances, chacun de nos concitoyens ait l'occasion de mesurer, de peser le geste que nous allons poser, de sorte que, si nous le décidons, si nous le votons, ce ne soit pas en cachette, mais face à nos concitoyens. Ce délai de six mois, qui reporterait le débat aux premiers jours de juin, montrera notre volonté de ne pas adopter le projet de loi en cachette, quatre ou cinq jours avant Noël, mais vraiment, M. le Président, à un moment où on peut dire que l'opinion publique sera attentive aux décisions de ceux qu'elle a élus pour la servir et non pas pour se servir eux-mêmes.

Merci, M. le Président.

DES VOIX: Vote.

M. LEVESQUE: Vote, vote.

LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. Marc-André Bédard

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, je suis d'accord sur la motion qui est présentée à l'effet de reporter à six mois l'étude de ce projet de loi.

Il est d'autant plus nécessaire de le faire que la situation dans laquelle sont placés les députés est quand même une situation qui ne se compare pas à celle des autres. En effet, nous sommes à peu près la seule classe, le seul groupe de la société qui a la responsabilité de se voter à lui-même un salaire.

Ceci peut sûrement comporter des avantages mais comporte également des responsabilités. Puisqu'un tel privilège est donné aux membres de l'Assemblée nationale de décider de leur salaire, il est clair que, dans un esprit de responsabilité, on fait d'avance confiance à cette Assemblée, aux élus de la population, et la population leur fait confiance qu'en usant de ce privilège, ils en useront d'une façon qui soit acceptable, qui soit responsable et qui soit justifiée.

Je crois que l'Assemblée nationale et que les députés ne peuvent, étant donné la situation économique dans laquelle est placée une grande partie sinon la presque totalité de nos citoyens, prendre cette décision à la légère. Il est clair qu'il est temps de régler cette situation délicate qui fait que les membres de l'Assemblée nationale ont à se voter eux-mêmes leur salaire et que, dans ce sens, le projet de loi a un aspect positif lorsqu'il propose de rattacher ce salaire des députés à la Fonction publique de telle façon que les députés n'auront plus à se voter, à eux mêmes, un salaire.

Lorsque le leader du gouvernement a présenté le projet de loi, il a textuellement dit et, en cela, il avait raison: "La question du salaire des députés a toujours constitué un sujet délicat".

Si c'est un sujet aussi délicat que l'a affirmé le leader du gouvernement, il y a avantage à ne pas en disposer par une discussion à la vapeur, de ne pas en discuter à la fin d'une session où des mesures tout à fait particulières de pression sont utilisées par le gouvernement afin de pouvoir faire passer ses projets de loi. Si c'est aussi justifié que cela, l'augmentation du salaire des députés, j'imagine qu'on n'aura pas objection à profiter de ces six mois pour informer la population sur la condition des députés, sur leur travail et sur le bien-fondé que cette population accepte que leur salaire soit rehaussé.

Le leader du gouvernement a dit, textuellement: Les citoyens qui occupent une fonction publique, qui est devenue maintenant une fonction à plein temps, doivent s'attendre à une rémunération qui leur permette de rencontrer leurs obligations familiales et sociales". En cela, il a raison et je crois que la population n'est pas en désaccord avec le fait que les députés aient des salaires raisonnables pour pouvoir remplir leurs obligations publiques et leurs obligations sociales.

Mais ce seul argument à l'effet que les députés, étant maintenant à temps plein, doivent se donner une augmentation de salaire exagérée ne tient pas, M. le Président, et ne peut être suffisante pour amener l'adhésion des membres de l'Opposition. Les travailleurs aussi, M. le Président, sont à temps plein. Les travailleurs aussi ont des familles et des obligations à respecter. Cependant, nous savons jusqu'à quel point le salaire moyen des travailleurs ne peut se comparer, ni de près ni de loin, avec le salaire que se donneraient les députés s'il fallait se voter une augmentation de salaire telle que celle qui est proposée par le projet de loi.

Cette seule argumentation du besoin des députés de répondre à leurs obligations publiques et familiales n'est pas suffisante, parce que toute la société doit donner tous ces moyens dont on a parlé à tous les citoyens, sinon sur un pied d'égalité, du moins en tenant compte des charges auxquelles chacun de ces citoyens a à faire face.

M. le Président, le leader du gouvernement a également allégué, lors de la présentation du projet de loi, que ce projet de loi était présenté dans un but de protection de l'inté-

grité des élus et "dans le but d'éviter d'éloigner de cette fonction des candidats valables".

M. le Président, concernant l'intégrité des élus, de la même manière que nous l'avons dit lors du débat sur les juges, je ne crois pas et je continue à ne pas croire que le salaire est l'assurance de la protection de l'intégrité de ceux qui le reçoivent. Je pense que l'intégrité des élus réside dans beaucoup plus que le montant du salaire qu'ils peuvent avoir présentement ou qu'ils pourraient avoir, si ce projet de loi était accepté.

M. le Président, je crois que si le gouvernement voulait retarder à six mois l'étude de ce projet de loi, il y aurait la possibilité de profiter de cette période pour procéder systématiquement à une véritable information de la population afin de régler définitivement ce problème du salaire des députés.

On a beau dire et affirmer que les députés sont à temps plein, il reste, M. le Président, qu'une grande partie de la population ne partage pas cet avis. Il y aurait sûrement avantage à ce que le gouvernement retarde de six mois son projet de loi pour justement faire la preuve aux citoyens que le député, pour remplir adéquatement son devoir, se doit d'être à plein temps au service de ses électeurs.

Si nous réussissions, durant cette période d'information, à convaincre la population de cette réalité, je suis convaincu que la population regarderait d'un autre oeil ou aurait des critères d'analyse différents qui lui permettraient de mieux juger du projet de loi que nous avons devant nous.

On parle souvent de justice distributive et elle doit se faire pour tout le monde. On parle souvent de paix sociale, je crois qu'il faut y mettre le prix. Cette paix sociale tient pour autant que chaque classe de la société a l'impression de ne pas être exploitée par d'autres classes de la société. Nous avons l'occasion, je crois, de montrer à la population que l'augmentation des salaires des députés, telle que celle qui est proposée, qui est extravagante, n'est pas une décision de dernière minute qu'on se vote toujours à la fin d'une session.

Dans ce sens...

LE PRESIDENT: Votre droit de parole est épuisé. Est-ce qu'il y a consentement unanime?

DES VOIX: Non! Vote!

M. BURNS: Vote enregistré.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.

Vote sur la motion

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Que ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement de l'honorable député de Lafontaine veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi).

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cet amendement veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre, Garneau, Lachapelle, Berthiaume, Cournoyer, Goldbloom, Simard, Quenneville, Mlle Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Massé, Harvey (Jonquière), Cadieux, Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Brown, Bossé, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamonta-gne, Picard, Gratton, Assad, Carpentier, Faucher, Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Shanks, Springate, Pepin, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault, Boutin, Chagnon, Caron, Côté, Denis, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières, Verreault.

LE PRESIDENT: Que ceux qui désirent s'abstenir veuillent bien se lever, s'il vous plaît !

LE SECRETAIRE ADJOINT: Abstention: MM. Samson, Roy, Bellemare (Johnson).

LE SECRETAIRE: Pour: 6

Contre: 69 Abstention : 3

LE PRESIDENT: Cet amendement est rejeté.

M. LESSARD: Puis-je demander la suspension, M. le Président?

Reprise du débat de deuxième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: M. le Président, lors du dernier congrès du Parti québécois, les délégués avaient l'occasion de se prononcer sur une résolution qui nous apparaissait fort importante. En effet, unanimement, les délégués ont appuyé la résolution concernant l'indexation de tous les salaires. C'est donc dire que, lorsque aujourd'hui nous entreprenons cette lutte, nous ne le faisons pas contre le fait que nous nous opposons à l'indexation réelle des salaires des députés, mais nous le faisons, M. le Président, parce que nous y mettons une condition primordiale, une condition importante. Nous

croyons que pour respecter, encore une fois, de façon démocratique, les décisions d'un congrès et d'un véritable congrès du Parti québécois, nous avons aussi l'obligation, comme députés, de dire aux hommes de cette Chambre que, si nous sommes d'accord, M. le Président, avec l'indexation des salaires des députés, nous sommes aussi d'accord et d'abord, M. le Président, avec l'indexation de tous les salaires. Et nous disons qu'avant de s'engager dans une bataille concernant l'indexation des salaires des députés, nous devons exiger de ce gouvernement l'indexation de tous les salaires.

M. le Président, je ne me suis pas caché hier soir, comme je ne me cacherai pas aujourd'hui, lorsque j'ai affirmé que ce n'était pas de gaieté de coeur que nous commencions ce débat. Et d'ailleurs les journalistes en ont fait mention, et je cite ici La Presse, de Montréal, lundi le 16 décembre 1974. En effet, j'ai pris position, lors de mon dernier Conseil national, en faveur de l'indexation réelle des salaires des députés. J'ai expliqué, comme je l'ai entendu hier soir, j'ai expliqué que le salaire des députés actuellement n'était pas tout à fait convenable.

J'ai expliqué que lorsqu'en 1971, les députés du Parti québécois avaient voté un salaire de $15,000 par année, c'est parce qu'en 1971, ce salaire nous était nécessaire pour faire notre travail; parce qu'en 1971, nous avions jugé — et nous avions été unanimes à ce moment — que ce salaire était nécessaire pour faire notre travail. Je dis qu'en vertu des mêmes principes, nous avons jugé, lors du dernier conseil national, qu'un salaire équivalant à $18,243, c'est-à-dire un salaire indexé, serait un salaire raisonnable pour les députés, pour tous les députés de cette Chambre. La Presse du 16 décembre disait ceci: "Chose certaine, par la voix de leur porte-parole..." — je terminerai sur cela, M. le Président, pas mon intervention — "... le député de Saguenay, M. Lucien Lessard, les députés ont laissé savoir qu'ils auraient été favorables à une certaine formule d'indexation ainsi qu'à un autre mécanisme au terme duquel le salaire des députés aurait dorénavant augmenté au même rythme que celui d'une certaine classe de fonctionnaires gouvernementaux".

J'aurai l'occasion d'expliciter ce que je disais et ce que nous avons dit, à ce moment, et d'expliciter après la suspension les deux conditions importantes que nous fixons pour permettre cette augmentation du salaire des députés.

M. le Président, puis-je demander la suspension des travaux?

LE PRESIDENT: A quelle heure?

M. LEVESQUE: A quinze heures, s'il vous plaît.

LE PRESIDENT: L'assemblée suspend ses travaux jusqu'à quinze heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

Reprise de la séance à 15 h 7

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

Vous me permettrez, sans aucun doute, de signaler la présence dans nos galeries de notre ex-collègue et ex-député de Montmagny, M. Jean-Paul Cloutier, qui nous visite aujourd'hui.

Question de privilège — Motion d'accusation Décision de M. le vice-président Lamontagne

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Avant de procéder aux affaires du jour, tel que convenu ce matin, je voudrais rendre ma décision concernant la motion de privilège présentée par l'honorable député de Maisonneuve, à laquelle était greffée une motion en vertu de l'article 80.

Je dois dire en toute honnêteté et sincérité que cette motion de privilège a soulevé de multiples interrogations et j'ai dû, au cours de la fin de la matinée et cet après-midi, faire de nombreuses recherches et également consulter différents auteurs concernant une telle motion de privilège.

Dans la décision que je rends, cet après-midi, je dois dire qu'une seule chose me guide et même pas deux. C'est que, si je la refusais, j'aurais l'impression de brimer des droits et également de brimer une action, tant en accusation qu'en défense, qui pourrait être tenue à l'occasion d'une motion, laquelle est greffée à cette motion de privilège, et cela peut-être causerait un certain préjudice de part et d'autre.

C'est dans ce seul esprit de rendre justice à toutes les parties intéressées dans cette question de privilège, à laquelle est greffée une motion, que je déclare reçue la motion de privilège de l'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, je vous remercie de votre décision. J'ai un autre point de vue à soulever. Normalement, le règlement — je l'admets d'avance pour ne pas qu'on me dise que j'essaie de passer outre au règlement — devrait, maintenant que votre décision est rendue, me permettre de faire inscrire la motion au feuilleton de lundi. Cela retarderait la discussion de la motion et celle-ci ne serait débattable que mardi.

Je réitère donc ma demande à l'endroit, pas tellement du leader, parce que je me fie entièrement à sa parole et je me fie également à son intégrité, même si je l'accuse. Pas plus que le député de Crémazie a mis en doute l'intégrité du chef de l'Opposition, je ne mets pas en doute l'intégrité du leader du gouvernement, pas plus, d'ailleurs, que celle du président de l'Assemblée nationale et des deux autres membres qui sont impliqués dans la demande.

Je ne veux pas, d'ailleurs, baratiner sur ce sujet, je n'ai pas le droit de le faire. Si on ne met pas en doute l'intégrité du chef de l'Opposition, je ne me sens pas non plus en droit de

mettre en doute l'intégrité des quatre personnes que j'accuse. Mais, par contre, si c'est une offense technique dans le cas du chef de l'Opposition, c'est une offense technique dans le cas des autres aussi.

Je reviens à mon propos. Je dis tout simplement qu'hier, j'ai cité le texte ce matin, le leader du gouvernement m'avait assuré qu'il était prêt à demander à son groupe ministériel de sauter les étapes de l'avis de motion, etc. Si...

M. LEVESQUE: Je n'ai pas changé d'idée.

M. BURNS: Je sais que vous n'avez pas changé d'idée. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai parlé d'intégrité.

M. LEVESQUE: Rien que pour ça?

M. BURNS: Pardon?

M. LEVESQUE: Rien que pour ça?

M. BURNS: Pas seulement pour ça; pour rétablir vraiment le portrait. Et je dis tout simplement que le leader du gouvernement, ayant dit qu'il était prêt, lui, à recommander à son groupe ministériel de mettre de côté ces étapes, je demande actuellement l'unanimité de la Chambre pour que ma motion n'ait pas besoin d'être inscrite au feuilleton puisque déjà les gens concernés ont été avertis hier par ma proposition d'amendement. Deuxièmement, que je puisse mettre la motion en délibération immédiatement.

Si c'est le consensus de la Chambre, je suis prêt à...

M. LEVESQUE: II faudrait...

M. BURNS: ... mettre ma motion en délibération...

M. LEVESQUE: ... avoir le consentement... M. BURNS: ... immédiatement. M. LEVESQUE: ... des autres aussi.

M. BURNS: Sinon, M. le Président, je devrai suivre les procédures, ce qui retardera normalement le débat sur la motion d'une couple de jours.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de l'Immigration.

M. BIENVENUE: M. le Président, comme le dit effectivement le député de Maisonneuve, le leader — et c'est dans le journal des Débats — du gouvernement a dit que, quant à lui, il dispenserait des étapes et il s'est engagé à essayer de convaincre ses collègues.

Comme le leader a beaucoup d'occupations, on le sait, j'occupe des fonctions non reconnues par la loi mais, en pratique, j'essaie de l'aider. Je l'ai aidé...

M. BURNS: Comme mon collègue de Saguenay, qui occupe des fonctions, non reconnues par la loi, de leader adjoint, mais qui le fait quand même.

M. BIENVENUE: Que nous reconnaissons.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous voulez proposer des amendements à certaines lois?

DES VOIX: Ha! Ha!

M. BURNS: Oui, j'en ai bien des lois, M. le Président. Il y a la formule Rand, par exemple. J'aimerais vous proposer cela aujourd'hui. Est-ce que cela vous tente? N'importe quand, c'est au feuilleton.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de l'Immigration.

M. BIENVENUE: M. le Président, je vous rappelle à l'ordre. Par vos digressions, vous nous faites sortir du débat principal.

DES VOIX: Ha! Ha!

M. BIENVENUE: M. le Président j'ai aidé le leader du gouvernement à faire le tour des collègues et je pense que si vous demandez aux collègues s'ils sont prêts à nous accorder cette dispense et à être unanimes, ils donneront une réponse affirmative.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce qu'il y a consentement unanime pour que la motion greffée à la motion de privilège de l'honorable député de Maisonneuve soit débattue immédiatement?

DES VOIX: Oui.

LE VICE PRESIDENT (M. Lamontagne): Adopté. Maintenant, évidemment il faudrait organiser le débat.

M. BURNS: M. le Président, je pense ne pas violer de secrets. J'ai rencontré monsieur — je n'ai pas le droit de le nommer — le ministre de l'Immigration, le leader adjoint, à l'heure du lunch. Nous nous sommes dit que, pour le cas où la motion serait recevable — j'espère ne pas trahir, s'il m'écoute, les conversations que j'ai eues avec le leader adjoint du gouvernement — et également pour le cas où le consentement unanime serait acquis comme il l'est actuellement, de part et d'autre, on essaierait de limiter le débat à sa plus simple expression, puisque, déjà, beaucoup de choses qui pourraient être dites aujourd'hui ont été dites hier. De toute façon, on se mettait un maximum d'une heure par parti. Je ne sais pas si cela rencontre... Est-ce que le leader adjoint est prêt à accepter cela?

M. BIENVENUE: Oui, M. le Président, et

nous avions même convenu, pour continuer au chapitre des indiscrétions, que, si on pouvait éviter le "une heure maximum", tous les efforts seraient faits.

M. BURNS: D'accord.

LE VICE PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais rappeler le deuxième paragraphe de l'article 80, pour l'honorable ministre du Revenu et l'honorable leader du gouvernement. Evidemment, à l'intérieur du partage du temps, les députés concernés ont le droit, pour employer le terme exact, de s'expliquer et, par la suite, nous devrons malheureusement nous priver de votre présence pendant quelques minutes.

M. LEVESQUE: C'est un congé, un petit congé !

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais m'adresser directement au Ralliement créditiste pour connaître son intention.

Vous n'intervenez pas dans ce débat-là?

M. ROY: Non, M. le Président, nous ne sommes pas intervenus dans l'autre débat, nous n'interviendrons pas dans celui-ci non plus.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Johnson.

M. BELLEMARE (Johndon): M. le Président, je dis non.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, mes remarques seront très brèves parce que je ne veux...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Un instant, excusez-moi, c'est parce que vous avez le droit de vous expliquer. Vous pouvez rester avec nous quelque temps.

M. LEVESQUE: Avant de partir?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): En vertu des règlements, je vais relire l'article: "Lorsque la motion est appelée, celui qui l'a proposée doit préciser ses accusations et le député dont la conduite est mise en cause doit se retirer mais, auparavant, il peut s'expliquer".

Ce qui veut dire que nous allons permettre à l'honorable député de Maisonneuve de préciser ses accusations et, par la suite, l'honorable leader du gouvernement et également le président de l'Assemblée nationale, qui n'a pas de siège, j'occupe le sien actuellement, auront même privilège.

M. BURNS: Je lui prête le mien, M. le Président, il pourra venir prendre le mien.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le même privilège est accordé à tout le monde. L'honorable député de Maisonneuve.

Débat sur la motion M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, tout tourne autour, si vous voulez, de l'accusation qui a été formulée hier à l'endroit du chef de l'Opposition par une motion faite par le ministre de l'Immigration. L'essence de cette accusation, c'est que le chef de l'Opposition...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): S'il vous plaît, je voudrais préciser quelque chose à l'attention des membres de l'Assemblée nationale. Lorsqu'on parle de se retirer de la Chambre, évidemment, s'il y a une commission parlementaire qui siège, ceux qui se retirent d'ici peuvent, par contre, être fort utiles ailleurs.

L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, il n'y aura pas d'autre interruption là?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Excusez-moi, recommencez.

M. BURNS: D'accord. M. le Président, je disais qu'hier nous avons eu à voter de façon presque unanime, avec l'abstention des neuf députés de l'Opposition qui étaient présents, une motion qui donnait un mandat à la commission parlementaire de l'Assemblée nationale.

Ce mandat consistait à examiner le cas qui avait été soulevé par le fait que le chef de l'Opposition — et ce n'est pas nié de notre côté, le chef de l'Opposition n'a pas tenté de le nier, je n'ai pas tenté de le nier non plus — avait encaissé un chèque de $1,796, avec sept autres députés que j'ai mentionnés ce matin, lors de leur délégation au congrès de l'Association internationale des parlementaires de langue française à Bruxelles, au mois de septembre dernier.

J'ai cité, M. le Président, la minute ou l'extrait de la minute qui — si vous voulez — reproduisait les décisions de la séance du 26 juillet. A cette séance, M. le Président, on remarque que le président de l'Assemblée nationale a lui-même fait une proposition pour les députés concernés, et peut-être est-il nécessaire de reformuler la proposition que le président de l'Assemblée nationale, M. Jean-Noël Lavoie, a faite: "Que les députés dont les noms suivent, ainsi que M. Roberto Wilson, directeur des relations interparlementaires, soient autorisés à se rendre à l'assemblée générale de l'AIPLF dont les assises se tiendront à Bruxelles, Belgique, du 14 au 21 septembre 1974: MM. Robert Lamontagne, Julien Giasson, Louis-Philippe La-

croix, André Marchand, Jacques-Yvan Morin, Fabien Roy, Lucien Caron, Lucien Lessard. Par dérogation aux normes et modalités déjà établies par le comité de régie interne, il est convenu d'accorder à chaque délégué un montant forfaitaire de $1,796, qui couvre les frais de transport et de séjour."

M. le Président, tout le problème est né dans le fond par la motion qui a été faite par le ministre de l'Immigration parce que, parmi ces huit noms que je viens de citer, il y en a un, qui est celui du chef de l'Opposition, le député de Sauvé, à qui on reproche d'avoir encaissé un chèque qui lui a été accordé lors de cette réunion du comité de régie interne et où, en vertu de l'article 54, les commissaires présents étaient le ministre des Affaires intergouvernementales, le leader du gouvernement, le ministre de la Fonction publique, le député de Hull, et le ministre du Revenu, le député de Jonquière, commissaire adjoint.

Et comme je le disais hier ç'aurait pu être intéressant, M. le Président, si à la suite de la motion qui a été faite hier, on n'avait pas remplacé le député de Crémazie, le ministre de l'Immigration, qui, lui-même, est commissaire. J'aurais trouvé cela un peu drôle de le voir dans sa position d'accusateur, hier, à l'endroit du chef de l'Opposition alors qu'il aurait été présent, comme commissaire, pour autoriser justement ce paiement-là. Et la liste, M. le Président, ce n'est pas moi qui l'ai faite, la liste que je vous ai lue de l'extrait des minutes de cette séance-là, je pense qu'elle a été faite par le Comité de régie interne, avec son secrétaire, M. Raymond Desmeules.

Toute la question, M. le Président, tourne autour de l'article 96, paragraphe 2. Après avoir parlé des allocations de voyages que les députés peuvent se voir rembourser, on a un paragraphe 2 qui nous dit ceci: "En outre de l'allocation prévue à l'article 99, il est aussi accordé à tout député, pour l'indemniser des dépenses qu'il encourt pour les fins d'une mission officielle qu'il a accepté d'accomplir à la demande du Président, agissant sur la recommandation des commissaires nommés en vertu de l'article 54, une allocation qui lui est versée aux conditions et selon les barèmes et les modalités qui sont établis par les commissaires".

Tout cela, M. le Président, a été fait. Un chèque a été émis au nom du chef de l'Opposition; ce chèque-là a été endossé et encaissé par le chef de l'Opposition. On n'a nullement tenté de le nier. Mais comment ce chèque-là est-il arrivé entre les mains du chef de l'Opposition? C'est l'article 96, paragraphe 2, qui nous le dit, et c'est, en plus de cela, la séance de la Commission de régie interne du 26 juillet dernier qui nous le dit également. Ce chèque est arrivé entre les mains du chef de l'Opposition par des étapes très précises qui s'appellent une proposition du Président de l'Assemblée nationale à cette Commission de régie, et une acceptation de recommander le paiement de ce chèque-là au chef de l'Opposition, comme aux sept autres députés mentionnés dans la résolution, soit une somme de $1,796 pour un voyage à Bruxelles.

Quand j'ai entendu, hier, le ministre de l'Immigration nous dire que c'était une très grave faute de la part du chef de l'Opposition d'avoir encaissé — imaginez-vous, il a encaissé ce chèque qu'il n'avait même pas sollicité, qu'on lui avait recommandé d'encaisser sur proposition du président de l'Assemblée nationale et sur l'acceptation des trois commissaires — ce chèque, je me suis étonné que, dans son argumentation, il n'ait pas plus insisté sur le deuxième paragraphe de l'alinéa 2) de l'article 96 qui est la base de notre motion. Tout est là.

On y lit, M. le Président: "Aucune allocation ne peut être..." — vous vous attendez que je dise "reçue"; ce n'est pas ce que dit le texte. Je me reprends et je dis: "Aucune allocation ne peut être accordée en vertu de la présente disposition aux députés qui sont membres du Conseil exécutif — donc des ministres — et au député qui occupe le porte reconnu de chef de l'Opposition".

L'obligation ou, à toutes fins pratiques, je devrais dire plutôt la prohibition de l'article 96 n'est pas à l'endroit du chef de l'Opposition; elle est à l'endroit de ceux qui permettent d'accorder ce chèque qu'on reproche au chef de l'Opposition d'avoir encaissé. Si le raisonnement — ce que j'admets uniquement pour les fins du présent débat, mais ce que je n'admets pas en fait — du ministre de l'Immigration est exact à l'endroit du chef de l'Opposition, il ne peut qu'être encore plus exact à l'endroit de ceux qui ont placé le chef de l'Opposition dans une situation où il pourrait être victime d'une erreur, donc les auteurs de l'erreur.

C'est cela qui justifie la motion. Ce matin, on a voulu faire de la prose autour du fait que j'avais moi-même recommandé, en tant que leader de l'Opposition, le chef de l'Opposition comme l'une des personnes qui devaient être présentes lors de ce voyage. C'est vrai, je ne le nie pas. J'espère que, depuis ce matin, le leader du gouvernement a suivi ma suggestion et a fait faire des copies du dossier de la correspondance...

M. LEVES QUE: II est rendu.

M. BURNS: ... que nous avons entre les mains et qu'il en a distribué à la Tribune de la presse. Moi, je ne l'ai pas encore fait, mais, si vous pensez que je doive le faire, je vais le faire. Je n'ai aucune objection. D'ailleurs, s'il y a un journaliste qui me le demande, je vais lui livrer mon dossier là-dessus.

Je ne nie pas, M. le Président, qu'à la suite d'une lettre du président de l'Assemblée nationale qui m'était adressée le 18 juin et qui me demandait quels seraient les délégués, deux pour Bruxelles et un pour Paris, lors de ces deux voyages ou de ces deux missions officiel-

les, je ne nie pas avoir répondu, trois jours plus tard, soit le 21 juin, qu'après consultation du conseil des députés du Parti québécois ou du caucus, nous avions désigné le chef de l'Opposition et le député de Saguenay pour la délégation à l'AIPLF et que j'avais été désigné pour la délégation France-Québec, relations parlementaires. Je ne nie pas cela.

De façon un peu farfelue, le leader du gouvernement me disait ce matin: Pourquoi n'ajouterions-nous pas votre nom — en parlant de moi — à la liste des accusés? Ce que j'ai fait, c'est que j'ai recommandé, au nom du caucus — j'en prends la responsabilité, aucune espèce de doute, c'est bien ma signature qui est sur cette lettre — le chef de l'Opposition et le député de Saguenay, mais ce que la Loi de la Législature défend, si elle défend quelque chose, ce n'est pas au chef de l'Opposition d'aller en mission officielle. Cela n'est nulle part dans la loi. Il n'était aucunement défendu au chef de l'Opposition d'aller à Bruxelles. Et, encore une fois, uniquement pour les fins de la discussion, s'il y a un reproche — puisque l'Assemblée nationale a pensé qu'il y avait un reproche qui méritait une commission parlementaire — qui pourrait être fait au chef de l'Opposition, c'est d'avoir encaissé un chèque. C'est comme cela que j'ai compris le vote d'hier. C'est uniquement comme cela, ce n'est pas le fait d'y être allé, à Bruxelles.

Or, si c'est cela le coeur de l'accusation, je me dis que vous vous devez d'être logiques avec vous-mêmes. L'Assemblée nationale se doit d'être logique avec elle-même. Je me dis que celui qui a encaissé un chèque, si on peut lui faire un reproche parce que ce chèque lui est remis illégalement, imaginez-vous quel reproche on peut faire à ceux qui demandent que ce chèque lui soit adressé. C'est encore pire quand les gens qui adressent ce chèque, qui l'autorisent, qui incitent à le recevoir la personne qui soi-disant n'a pas le droit de recevoir ce chèque sont des personnes en autorité et dont la première fonction est de voir à ce que des paiements illégaux ne se fassent pas, dont la première fonction est de voir qu'il n'y ait pas dilapidation des fonds.

C'est ça au fond, M. le Président, le rôle que je conçois du comité ou de la commission de régie interne de l'Assemblée nationale. Elle veut tout simplement voir comment les fonds qui sont mis à la disposition des députés sont utilisés. La meilleure preuve, d'ailleurs, c'est le dernier paragraphe de la résolution qui a été faite le 26 juillet dernier.

Il est assez intéressant de voir que le comité de régie, les commissaires Levesque, Harvey, comme suppléant, et Oswald Parent, ces trois commissaires ont décidé, sur proposition du président de l'Assemblée nationale, ce qui suit. Les premiers mots sont très importants: "Par dérogation — j'insiste — aux normes et modalités déjà établies par le comité de régie interne, il est convenu d'accorder à chaque délégué — les délégués sont énumérés dans le paragraphe précédent, dont le chef de l'Opposition — un montant forfaitaire de $1,796 qui couvre les frais de transport et de séjour".

Si — j'insiste beaucoup sur ça — les commissaires qui ont siégé ont adopté ceci par dérogation — ce n'est pas moi qui le dit, c'est la minute qui le dit — aux règles de la commission de régie interne, qu'ils ne viennent pas me dire qu'ils ont posé un geste purement administratif et qu'ils n'ont pas su ce qu'ils passaient. Parce que, sans ça, et c'est ça le but de la motion, tous les reproches que le ministre de l'Immigration a faits à l'endroit du chef de l'Opposition, hier, doivent être directement et immédiatement et encore plus adressés à ceux qui ont incité et autorisé le chef de l'Opposition à recevoir ces reproches.

C'est ça, par dérogation aux règles de la commission de régie interne de l'Assemblée nationale, on a adopté une résolution. Bien moi, il n'y a personne qui va me vendre l'idée que, lorsque l'on adopte une résolution par dérogation, c'est un pur et simple geste administratif. Autrement, j'ai peur de ces administrateurs. Ils me font peur à mort. Et les contribuables québécois devraient avoir pas mal plus peur que moi. Par dérogation, c'est parce qu'on a mentionné, lors de cette réunion — je n'ai pas besoin de faire une étude de quinze ans en droit et de faire un doctorat ou n'importe quoi pour comprendre que, quand je vois dans une résolution "par dérogation aux règles et aux normes", c'est qu'il y a quelqu'un, à un moment donné, qui a dit: Ce qu'on vous demande de faire actuellement, c'est de faire autre chose que ce qui se fait normalement.

C'est ça, tout l'objet est là. Si le chef de l'Opposition, ce que je n'admets pas encore — mais l'Assemblée nationale l'a admis hier et c'est là qu'elle devrait être conséquente — si le chef de l'Opposition est reprochable, je dis, M. le Président, sont encore plus reprochables ceux qui l'ont incité et ceux qui ont recommandé qu'il pose un geste dont maintenant on lui fait reproche.

Je m'en excuse personnellement auprès des individus parce que je n'aurais pas, personnellement, cru qu'on ait eu de ce côté de la Chambre l'indécence de soulever un problème comme celui-là. Mais si on veut être logique, et c'est là-dessus que ma motion est faite, on va traiter du cas du chef de l'Opposition en commission parlementaire mais on va traiter du cas aussi de Gérard-D. Levesque, ministre des Affaires intergouvernementales, mon bon ami le leader du gouvernement. Je le dis et ce n'est pas facile ce que je fais là. Mais je demande simplement à la Chambre d'être honnête.

On va traiter également du cas de Jean-Noël Lavoie, également mon bon ami, président de l'Assemblée nationale, on va traiter du cas de M. Gérald Harvey, un ami...

DES VOIX: Ha! Ha!

M. BURNS: ... ministre du Revenu, et on va traiter du cas de M. Oswald Parent...

M. LEVESQUE: Une connaissance! M. BURNS: ... point. DES VOIX: Ha! Ha!

M. BURNS: M. le Président, je veux être très sérieux, et je pense que l'Assemblée nationale se doit de l'être aussi, avec tous les regrets que j'ai, que je pourrais émettre longuement, ce que je ne ferai pas, à l'endroit d'une telle motion que je suis forcé de faire. S'il y a un dossier qui doit être mis sur la table, il va être mis au complet. C'est dans ce sens que notre motion est faite.

Si on n'a pas mis en doute l'intégrité du chef de l'Opposition dans le cas qui a été soumis hier puisqu'on a dit que c'était une offense technique, je suis même prêt à dire, comme je l'ai dit tout à l'heure, qu'il n'est pas question de mettre en doute l'intégrité non plus — du moins pas à ce stade-ci, à moins qu'une preuve vraiment inattendue nous arrive — ce n'est pas du tout l'intention du député de Maisonneuve de mettre en doute l'intégrité des quatre personnes que je mentionne dans ma motion.

Mais cependant, M. le Président, il faut être logiques avec nous-mêmes, être logiques par rapport à la décision qui a été prise hier. Je pense qu'en résumé, ce qu'il faut se dire, ici, c'est que, maintenant que vous avez jugé recevable la motion, il n'y a pas, dans cette Chambre, deux poids, deux mesures: un poids et une mesure s'appliquant au chef de l'Opposition, et un poids et une mesure s'appliquant aux quatre personnes qui sont intimement liées au geste qu'on reproche au chef de l'Opposition.

Si tel était le cas, M. le Président, à ce moment-là, je considère qu'encore une fois, on serait en mesure d'avoir une adoption au moins quasi unanime et presque aussi unanime qu'hier, relativement à la motion que je propose.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable leader du gouvernement.

M. Gérard-D. Lévesque

M. LEVESQUE: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier nom bon ami, le leader parlementaire de l'Opposition officielle, pour la célérité avec laquelle il a fait un devoir ou un pseudo devoir dont il se croyait obligataire.

M. le Président, je veux immédiatement rassurer le chef de l'Opposition et je serai d'aussi bon compte que l'a été le leader parlementaire de l'Opposition officielle, quant à qualifier le genre d'offense technique, et tout en reconnaissant, comme l'a dit le leader parlementaire de l'Opposition officielle, l'intégrité de mon ami d'en face.

Mais là n'est pas la question, M. le Président, à ce moment-ci.

Nous avons devant nous une motion qui n'est, à sa face même, fondée ni en fait, ni en droit. Nous avons une motion — je l'ai déjà dit — qui est de nature à créer une sorte de diversion et à jeter quelques noms dans l'information. Cette motion, si je la regarde dans son texte, veut que le président de l'Assemblée nationale et que les membres de la commission de régie interne de l'Assemblée nationale aient enfreint les articles 96 et 75 de la Loi de la Législature. C'est ce que ça dit. Cela dit plus spécifiquement pour avoir accordé une allocation sous forme de chèque, enfin, au chef de l'Opposition.

Eh bien, M. le Président, disons, tout d'abord, qu'en ce qui concerne l'article 96 il faut bien lire ce qui est écrit. Le leader parlementaire de l'Opposition officielle mentionne: "II est aussi accordé à tout député et, finalement, dans l'autre paragraphe, c'est "aucune allocation ne peut être accordée au député qui occupe le poste reconnu de chef de l'Opposition. Le leader parlementaire de l'Opposition officielle s'est attardé sur le mot "accordée". Il verra que ce n'est pas indiqué "versée", mais bien "accordée"... Un instant.

Justement, parce que je suis invité par le député de Saint-Jacques à lire la traduction en langue anglaise, j'oserai souligner quelque chose d'assez intéressant. En effet, à l'article 96, 2e, lorsqu'on lit le texte en anglais, il est indiqué: "In addition to the allowance provided for in section 99, there shall also be allowed to each member".

M. le Président, justement, ce que nous avons fait à la commission de régie interne, c'est "allow", c'est-à-dire fixer un montant forfaitaire à chacun des délégués. "We did not grant but we allowed" Nous avons fixé l'indemnité. C'est justement ça qui est intéressant et je remercie le député de Saint-Jacques de m'avoir donné l'occasion de bien le préciser. La commission de régie interne n'est pas une commission qui verse des chèques, comme semble le dire et le dit pratiquement la motion lorsqu'on la lit: "Avoir accordé une allocation sous forme de chèque". C'est clair que la commission de régie interne n'a fait qu'autoriser la mission officielle et, deuxièmement, établir le montant qui serait accordé pour chacun des délégués à cette mission; évidemment, il s'agit des délégués qui avaient droit à une telle allocation. Cela, c'est pour l'article 96.

Mais ce qui, à sa face même, rend cette motion non seulement, à mon sens, irrecevable, mais farfelue et qui, évidemment, si elle était acceptée, enlèverait tout naturellement son siège au député de Maisonneuve, c'est que l'article 75 est bien clair.

C'est là la sanction: "Sauf les dispositions spéciales ci-après, nul, s'il accepte ou occupe une charge, un office ou un emploi de nature permanente ou temporaire sous le gouvernement de la province, auquel un traitement ou

salaire annuel ou des honoraires, allocations, émoluments ou profits, etc... M. le Président, il faut qu'il y ait, c'est clair, d'après l'article 75, et c'est cela qui est invoqué par le leader de l'Opposition officielle, il faut qu'il y ait émoluments.

M. le Président, je vous assure que le devoir d'être commissaire à la régie interne est un des nombreux devoirs que nous accomplissons dans l'exercice de nos fonctions et je vous assure que je n'ai pas reçu de chèque particulier ou d'émoluments pour autoriser le voyage ou les voyages des parlementaires qui s'en allaient à Bruxelles ou à Paris.

M. le Président, je me demande ce que fait cette accusation qui n'est basée sur absolument rien. Ce qui est un fait, M. le Président, c'est que, à la commission de régie interne, à la suite d'une proposition du président qui, lui, avait reçu la proposition du leader parlemenaitre de l'Opposition officielle, nous avons donné suite aux voeux du député de Maisonneuve et nous avons, pour tous les autres députés également, pour tous les parlementaires qui sont allés en mission, d'une part autorisé l'émission et, en même temps, nous avons fixé le tarif forfaitaire qui revenait à chacun des délégués, mais les délégués qui y avaient droit.

Nous ne sommes pas, M. le Président, le vérificateur général. M. le Président, n'oubliez pas que c'était le 26 juillet, cette réunion de la commission de régie interne. Le voyage a eu lieu deux mois après. M. le Président, si le chef de l'Opposition, d'après le voeu du conseil national du Parti québécois, avait été relégué aux banquettes arrières, s'il n'avait plus été chef de l'Opposition, disons, au mois d'août, il aurait pu fort bien faire son voyage et recevoir la somme désignée par la commission de régie interne, "allowed by". Mais, à ce moment-là, il aurait normalement reçu un chèque auquel il avait droit. C'est la différence fondamentale.

Supposons, M. le Président, que le député de Saguenay, qui était de la mission, ait été nommé, d'après le voeu du conseil national, chef de l'Opposition officielle au mois d'août, eh bien, en septembre, s'il avait encaissé — le député de Saguenay — ce chèque, alors, M. le Président, c'est lui qui serait normalement la victime des circonstances actuelles.

M. le Président, supposons qu'un député — bien oui, vous êtes victime, que voulez-vous — ministériel, au mois d'août, ait été promu au cabinet, parmi la liste des délégués, à ce moment-là, il n'aurait pas le droit, lui, à un chèque. C'est à lui de ne pas accepter cette allocation parce qu'il n'y a plus droit. Supposons, M. le Président, qu'un de ces députés à la veille de partir en voyage au mois de septembre, ait eu un contretemps et n'ait pu faire le voyage, même si la commission de régie interne avait fixé le montant, il ne pouvait pas recevoir cette somme; il ne le pouvait pas. S'il l'avait reçue, il ne pouvait pas blâmer la commission de régie interne, M. le Président, d'avoir fixé le montant. C'est cela la différence essentielle que j'essaie de souligner.

Tout ce que la commission de régie interne fait là-dedans, c'est d'autoriser la mission et, deuxièmement, de fixer l'allocation. Mais quand, ensuite, arrive le temps de payer, de verser des sommes et de les recevoir, il s'agit d'un mécanisme qui est absolument hors du contrôle de la commission de régie interne. D'ailleurs, le chèque reçu par l'honorable chef de l'Opposition, s'il s'en rappelle, ne venait pas de la commission de régie interne, ne venait pas de l'Assemblée nationale, mais venait de la foule des centaines de millions de chèques émis par le ministère des Finances. Il faut bien savoir que lorsque l'on parle des sommes versées par la commission de régie interne, c'est absolument faux, c'est inexact.

Alors, M. le Président, je dis qu'à sa face même, cette motion ne tient pas debout. Nous, à la commission de régie interne, avons fait notre devoir.

Nous avons donné nos indications et nos autorisations tel que le demande la loi. Mais quant au mécanisme de paiement, quant à savoir si un tel a le droit de recevoir ou non, quant à savoir si la personne a gardé, conservé ou perdu la qualité d'obtenir cette compensation, là cela dépasse complètement la responsabilité de la commission de régie interne.

Alors, M. le Président, je répète que nous avons fait notre devoir parmi tous les nombreux devoirs que comporte notre charge. Nous l'avons fait objectivement, nous n'avons pas choisi les membres de la mission ou des missions, ces membres ont été désignés par leur parti respectif. Tout ce que nous avons fait fut de bonne foi et en toute objectivité, simplement dans le sens du devoir que nous essayons de remplir du mieux possible chaque jour pendant l'exercice de nos fonctions. Nous avons simplement rempli cette charge en autorisant ces missions et en indiquant les conditions auxquelles devaient souscrire ceux qui devaient profiter ou bénéficier ou se rendre en devoir, si l'on veut, à Bruxelles ou à Paris. Mais à partir de ce moment-là, M. le Président, les règles du jeu, eh ! bien cela dépend de questions administratives, de questions qui regardent ceux qui versent le chèque, si vous voulez. Ceux qui le reçoivent, ça c'est en dehors absolument. M. le Président, de notre responsabilité.

Je dis donc que cette motion n'est fondée ni en fait ni en droit.

M. CHARRON: Cela revient ici. Cela revient ici.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Lisez l'article 80.

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président... M. CHARRON: Pardon?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'article 80, deuxième paragraphe.

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre... c'est un des mis en cause dans la présente...

M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, afin de laisser le plus de temps possible aux membres de cette Chambre de débattre cette motion, je répète ce que j'ai dit ce matin, et je fais miennes les paroles que vient de prononcer si éloquemment le ministre des Affaires intergouvernementales, mon collègue, le député de Bonaventure.

M. CHARRON: Est-ce qu'il y en a un autre, M. le Président, visé par la motion, qui veut se prévaloir de son droit...

M. BIENVENUE: Si l'on me permet, M. le Président, pour répondre à la question du député de Saint-Jacques, le président de la Chambre, l'honorable Jean-Noël Lavoie, évidemment, n'a aucun fauteuil en Chambre à partir duquel il peut s'exprimer autre que son fauteuil présidentiel. Par ailleurs, il n'a pas le droit de participer au débat. Il m'a donc chargé de dire à cette Chambre qu'il n'a aucune explication à fournir en raison de ce que je viens de dire, mais que, s'il en avait, il nierait absolument toute responsabilité, négligence ou quoi que ce soit relativement à ce qui fait l'objet de la présente accusation.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. BIENVENUE: Je m'excuse. Est-ce que je dois comprendre qu'on reconnaîtra que je ne me suis pas servi de mon droit de parole pour me faire le porte-parole d'un autre?

M. CHARRON: D'accord.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, le patinage astucieux auquel vient de se livrer le leader du gouvernement ne peut pas suffire puisqu'il nous a invités lui-même à faire abstraction de ce que la loi — qui est peut-être dure, mais c'est la loi — dit à l'article 54. Ce comité de régie existe en vertu de l'article 54 de la Loi de la Législature. J'admets toutes les distinctions subtiles empruntées à l'occasion à la langue anglaise ou à la langue française dont s'est servi le leader du gouvernement pour dire que, bien sûr, ce n'est pas ce comité de régie, M. le Président, qui a versé le chèque. Comme ce n'est pas ce comité de régie qui a imprimé le chèque. Comme ce n'est pas ce comité de régie qui a coloré le chèque.

Ce n'est pas ce qu'a dit le député de Maisonneuve, non plus et ce n'est pas ce que dit l'article 54 de la Loi de la Législature. L'article 54 de la Loi de la Législature reconnaît à ce comité l'autorisation des dépenses, en vertu de la Loi de la Législature. Et ce dont l'accuse la motion du député de Maisonneuve, c'est d'avoir autorisé — voilà l'acte condamnable — l'émission d'un chèque qui, selon la version du député de Crémazie et qui a prévalu à l'adoption de la motion d'hier, était illégal.

Les trois ministres concernés qui ont autorisé l'émission d'un chèque, sur la proposition de l'Assemblée nationale, agissaient, a dit le député de Maisonneuve, autant dans l'illégalité, sinon plus, que celui qui a reçu ce chèque.

Mais, M. le Président, si le fait d'autoriser un chèque illégal, par ces trois ministres, en vertu de l'article 54 de la Loi de, la Législature, n'est pas condamnable par l'Assemblée, quel contrôle allons-nous avoir sur le comportement de ces trois hommes?

M. le Président, si ces trois ministres décidaient, demain matin, d'émettre à chacun des députés de l'Assemblée nationale, sans que la loi ne les y autorise, un chèque de $500 à chacun, est-ce que les 110 députés de l'Assemblée nationale seraient poursuivis et devraient être démis de leur fonction parce qu'on a autorisé, à un autre niveau, l'émission d'un chèque illégal que personne n'avait demandé et qui leur est remis, en toute bonne foi, avec l'assentiment du président de l'Assemblée nationale et de la commission de régie interne, selon l'article 54 de la Loi de la Législature? Est-ce que chacun serait incité à comparaître devant la commission de l'Assemblée nationale sans que ces messieurs, qui auraient dilapidé les fonds publics parce qu'aucun article ne leur permettait d'émettre ces chèques, n'aient aucun compte à rendre à personne, ni à la commission de l'Assemblée nationale?

Est-ce dans ce raisonnement absurde, de fou, où veut nous entraîner le leader du gouvernement, que toute l'Assemblée devrait plonger cet après-midi. Si cette commission m'autorisait à recevoir seize chèques de voyages annuels pour mon transport entre Montréal et Québec au lieu de quinze, comme le prévoit la Loi de la Législature, et si je recevais ce chèque, M. le Président, est-ce que je devrais mettre mon siège en jeu parce que ces trois messieurs, par dérogation, comme le disait le député de Maisonneuve, auraient décidé de m'envoyer un $50 de plus? A cause de cela, mon siège serait en jeu, mon intégrité serait mise sur la place publique sans qu'eux n'aient de compte à rendre? Je veux bien rendre un compte si j'ai reçu un chèque de plus, mais ceux qui me l'ont envoyé sans que je ne le demande, s'en sortiront-ils et s'en sauveront-ils? C'est la question.

Je ne dis pas qu'ils l'ont versé. Je ne dis pas qu'ils l'ont imprimé. Ils l'ont autorisé, et c'est le geste condamnable. Ils ne devaient pas autoriser l'émission de ce chèque. Si on prend la façon du ministre de l'Immigration d'interpréter l'article 96, paragraphe 2) de la Loi de la Législature, il est interdit au chef de l'Opposition de recevoir ce chèque. Nul n'est censé ignorer la loi, encore plus les trois messieurs qui, en vertu de l'article 54, veillent aux dépenses de la fonction publique. Ni le ministre du Revenu, ni le ministre des Affaires intergouvernementales, ni le ministre de la Fonction publique ne devaient ignorer le fait qu'ils n'avaient pas le droit d'autoriser l'émission d'un chèque à l'endroit du député de Sauvé. Ils ne peuvent pas l'ignorer, ou bien alors ils sont complètement irresponsables et ils devraient être démis des fonctions qui leur sont données en vertu de l'article 54.

S'ils commencent à faire fi de la loi, des interdictions de la loi et qu'ils envoient des chèques quand même, quel moyen de contrôle aurons-nous? S'ils commencent à dilapider les fonds que nous votons, à chaque année, à l'Assemblée nationale, et qu'ils envoient cela, aux députés, comme bon leur semble, sans norme, sans critère, en dehors de la loi, nous n'avons pas de moyen de dire à ces messieurs: Qu'est-ce que vous faites là? Comme le dit le député de Crémazie, l'article 96, paragraphe 2) vous interdit d'envoyer un chèque au député et chef de l'Opposition. Vous l'envoyez quand même, personne ne va vous demander des comptes et on accusera ensuite le chef de l'Opposition qui l'a reçu sans le demander. Est-ce une justice à deux faces qu'on est en train de faire dans cette Assemblée? Recevoir un chèque que je n'ai pas demandé...

Est-ce qu'à chaque fois que je reçois mon allocation, à la fin de chaque mois, je vais me mettre maintenant à vérifier et à compter pour voir si on ne m'a pas ajouté un mille de plus à $0.14 et qu'en vertu des $0.14 supplémentaires que j'aurai reçus parce que la loi ne m'en permet pas plus, si j'avais reçu un mille de plus d'allocation, $0.14 de plus à la fin de mois, je devrais mettre mon siège en jeu, sans que ceux qui ont trafiqué ce chèque par dérogation, comme le dit le texte qu'a lu le député de Maisonneuve, n'aient aucun compte à rendre à l'Assemblée nationale? Jamais, M. le Président.

Si c'est cela la décision de cette Assemblée, cette Assemblée serait hypocrite, cette Assemblée n'accuserait que celui qui reçoit et n'accuserait pas celui qui a manqué à la loi en émettant ce chèque. Ce que nous demandons, aujourd'hui, c'est que l'Assemblée soit conséquente à son choix d'hier. Cette Assemblée a décidé, hier, de tramer en commission le chef de l'Opposition, qui n'avait jamais demandé ce chèque, qui l'a reçu parce qu'il avait été reconnu en vertu de l'article 54 de la Législature. Ce que nous demandons simplement, c'est que ceux qui l'ont émis tout aussi illégalement, et nul n'est censé ignorer la loi... Le ministre du

Revenu devait bien savoir que l'article 96, paragraphe 2, interdisait l'émission d'un chèque à celui qui est chef de l'Opposition. Le leader du gouvernement devait savoir qu'il ne lui était pas permis d'autoriser ce chèque. Le ministre de la Fonction publique n'a pas le droit, en vertu de notre loi, d'émettre des chèques à des personnes qui n'ont pas le droit de les recevoir, sinon c'est de la dilapidation de fonds publics.

M. le Président, ces gens ont à s'expliquer quelque part. Surtout que le chef de l'Opposition ne l'avait jamais demandé, ce chèque. Le député de Maisonneuve avait recommandé le chef de l'Opposition dans la délégation parlementaire, mais il n'a jamais dit, dans sa lettre, qu'il fallait payer le chef de l'Opposition pour ses dépenses. Ce sont eux qui ont pris la décision de payer le chef de l'Opposition. Regardez la lettre du député de Maisonneuve. Il dit: C'est le député de Saguenay, c'est le député de Sauvé qui représenteront le Parti québécois. Est-ce qu'il a dit dans sa lettre, le député de Maisonneuve: II faut verser un paiement au député, chef de l'Opposition, même si c'est illégal? Jamais, M. le Président. La décision de payer le chef de l'Opposition illégalement, ce n'est ni le député de Maisonneuve qui l'a recommandée, ni le député de Sauvé qui l'a demandée, ce sont les trois ministres responsables, en vertu de l'article 54, qui en ont pris l'initiative. Le chèque est parti, le chèque a existé et le chèque a été encaissé, par celui qui l'a reçu, parce qu'à l'origine, à l'origine du geste illégal, il y avait trois ministres qui l'ont cautionné.

Si cette Assemblée a le front, l'audace et l'hypocrisie de n'accuser que le chef de l'Opposition sans que ceux qui l'ont autorisée à émettre ce chèque n'aient à s'expliquer devant la même commission de l'Assemblée nationale, M. le Président, nous aurons des conséquences à tirer sur cette façon et sur tout le sous-entendu et le clair-obscur qui accompagnent cette motion. Si cette Assemblée refuse cette motion du député de Maisonneuve, si elle veut camoufler, cacher les trois ministres qui ont émis le chèque, alors il faudra que quelqu'un m'explique ce que veut dire "par dérogation" dans la résolution. Quelle était la dérogation? On était conscient qu'on faisait une dérogation, est-ce qu'on en a prévenu le chef de l'Opposition qu'il recevait ce chèque par dérogation? Lorsqu'on a décidé que c'était une dérogation, a-t-on osé, a-t-on pris la peine de prévenir celui qui était l'objet de cette dérogation? Jamais, M. le Président! Savez-vous quand on l'a prévenu de cette dérogation au règlement? Dans la motion du député de Crémazie, l'autre matin. Et pourtant, qui avait autorisé la dérogation? Qui savait qu'il commettait un geste illégal, à ce moment? Qui a eu la délicatesse — je vais plus loin, M. le Président — l'honnêteté de prévenir le chef de l'Opposition que s'il recevait un chèque, c'était par dérogation? Cette honnêteté n'a pas existé.

Au contraire, et là toutes les hypothèses comme celles que soulevait la Gazette sont permissibles à ce stade, non seulement elles sont permissibles, elles deviendront parfaitement fondées si cette Chambre refuse la motion du député de Maisonneuve. C'est clair, M. le Président. Si quelqu'un se lève, se met à dire que non seulement il y a eu "frame-up", mais que la décision de l'Assemblée nationale en rejetant la motion du député de Maisonneuve équivaut à un "cover-up", personne ne pourra interdire cette interprétation. Cela deviendra trop clair. On accuse, on trame, on salit celui qui reçoit le chèque et on blanchit, on n'ose même pas demander des explications normales à ceux qui ont profité de leur pouvoir, à l'article 54, pour émettre des chèques illégaux.

Voilà donc tout ce qui est en jeu alentour de la motion du député de Maisonneuve. Ce ne sont pas des patinages et des fantaisies, comme en a fait le leader du gouvernement avant de se retirer, comme notre règlement l'oblige à le faire lorsqu'il est accusé, qui vont expliquer l'attitude du gouvernement, si ce gouvernement décide de battre la motion du député de Maisonneuve. Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M.Lamontagne): L'honorable ministre de la Justice.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais aborder ce débat sur un ton qui soit dénué de passion, parce que, en fait, la motion présentée par le député de Maisonneuve pose des problèmes sur le plan juridique beaucoup plus que sur le plan passionnel, ton sur lequel nous a parlé le député de Saint-Jacques.

Je crois que, si le député de Saint-Jacques s'est permis d'adopter un ton aussi emporté et aussi passionné dans un débat qui est, au fond, technique et qui porte principalement sur l'interprétation de la Loi de la Législature, c'est qu'il a pu se sentir autorisé de le faire par son ignorance des principes juridiques en cause.

Vous savez, je ne veux pas décrier ou diminuer le député de Saint-Jacques. C'est un député pour lequel nous avons de l'estime. C'est un jeune député enthousiaste qui parle avec beaucoup de fougue et d'emportement parfois, sans doute avec conviction toujours. Mais il me semble que le ton qu'il a adopté devrait tout de suite nous mettre la puce à l'oreille sur le fait qu'il ignore le sens du débat actuel et qu'il ne perçoit pas exactement quelles sont les questions qui sont en cause.

Je me permets de tenter de le ramener à la réalité et moi-même d'adopter un ton beaucoup plus pondéré, c'est-à-dire celui de son leader parlementaire qui, en présentant cette motion, ne s'est pas senti dans l'obligation d'imputer aux ministres commissaires reconnus en vertu de l'article 54, je crois, de la Loi de la

Législature, des motifs en ayant émis le chèque. Car c'est bien là le sens de l'argumentation du député de Saint-Jacques. Il plaide comme si les ministres, qui avaient autorisé l'émission d'un chèque à l'égard du chef de l'Opposition, savaient et étaient parfaitement conscients de l'illégalité du geste qui était posé, alors que je pense que le député de Maisonneuve a eu la prudence, au cours de ce débat, de ne jamais imputer ni au président de l'Assemblée nationale, ni aux collègues membres du conseil des ministres qui agissaient comme commaissaires la connaissance au moment de l'émission de ce chèque ou, enfin, de l'autorisation donnée à certains députés de faire un voyage aux dépens de l'Assemblée nationale, du fait que le montant payé au chef de l'Opposition était reçu par lui dans des conditions illégales. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il y a discordance dans la position de nos honorables collègues de l'Opposition, discordance qui devrait être de nature à nous éclairer sur le fait qu'on se situe à deux niveaux différents pour faire une attaque contre certains membres du gouvernement et surtout contre le président de cette Assemblée.

La première position, évidemment, est celle, assez facile, du député de Saint-Jacques, de parler au nom d'une prétendue complicité entre les ministres concernés et le président de l'Assemblée nationale et, possiblement, imputant par là une complicité non moindre au chef de l'Opposition. J'aurai l'occasion, tout à l'heure, au cours de mon exposé sur les principes de droit, d'expliquer en quoi, dans ce domaine, il ne peut absolument pas être question de ces notions de droit auxquelles fait appel le député de Saint-Jacques sur un ton excessivement passionnel, comme s'il y avait dans l'acte reproché au chef de l'Opposition ou encore dans la motion du député de Maisonneuve à l'égard du président de l'Assemblée nationale ou de nos collègues ministres la moindre imputation d'une intention criminelle.

En somme, le député de Saint-Jacques, c'est là où il fait fausse route, se situe au niveau, d'une certaine façon peut-on dire, de la corruption alors que le député de Maisonneuve, qui en connaît passablement plus long que son collègue en droit, n'a pas situé, en aucune façon, le débat à ce niveau.

Je prends la motion du député de Maisonneuve à sa face même, puisqu'en fait le député de Maisonneuve attaque le président de la Chambre et les trois ministres concernés en vertu des articles 96 et 75 de la Loi de la Législature.

Je dirai tout d'abord que je me rallie complètement à ce que le leader du gouvernement a dit tout à l'heure, au cours de son bref exposé. C'est que, dans le deuxième alinéa du paragraphe 2 de l'article 96 de la Loi de la Législature, le mot "accordée", quand on dit: "Aucune allocation ne peut être accordée en vertu de la présente disposition", doit se lire dans le contexte de l'article 96. Lorsqu'on

prend l'ensemble de l'article 96, on note ceci: "II est accordé à chaque député pour au plus quinze voyages", "cette allocation est aussi accordée", "l'allocation accordée par les alinéas", "cette allocation n'est pas accordée". En somme, l'article 96 traite de ce qu'il est permis à un député de recevoir en termes d'allocations et de ce qu'il ne lui est pas permis de recevoir en termes d'allocations. C'est dans ce sens qu'il faut lire l'expression du deuxième alinéa du paragraphe 2 de l'article 96.

C'est en termes de savoir: Est-ce que le chef de l'Opposition était autorisé à recevoir la somme de $1,700 environ qu'il a reçue par chèque?

Mais le député de Maisonneuve a également inclus dans sa motion la mention de l'article 75; je pense qu'il le fallait, M. le Président, parce que c'est l'article 75 qui édicte les sanctions pour avoir accepté des allocations non autorisées par la Loi de la Législature. Or, l'article 75 dit que lorsqu'une personne accepte des paiements, ou des honoraires, ou des émoluments, ou des traitements, ou des allocations non reconnus par la Loi de la Législature et, en particulier, par la section de la Loi de la Législature qui s'intitule De l'indépendance de la Législature, la sanction est l'inéligibilité ou l'inhabilité ou l'indignité, peut-être, à siéger à l'Assemblée nationale. Ainsi, même en se fondant sur la motion du député de Maisonneuve, qui invoque à la fois l'article 96 et l'article 75, il faut, premièrement, conclure que la sanction, ce n'est pas à l'égard de celui qui pourrait donner une de ces allocations, un de ces traitements, un de ces honoraires, un de ces émoluments. La seule sanction, c'est à l'égard de celui qui reçoit et cette sanction est décrétée en vertu de l'article 75, à l'effet qu'il devient alors inhabile à siéger dans l'Assemblée nationale.

Donc, M. le Président, lorsque nous prenons ce chapitre, dans son ensemble, de la Loi de la Législature, il faut conclure que l'objet de ce chapitre, c'est de défendre aux députés d'accepter un certain nombre d'émoluments, de traitements ou d'allocations qui ne sont pas compatibles avec leurs fonctions parlementaires. Le but du chapitre est de sanctionner l'acceptation de ces sommes par l'inégibilité à siéger dans cette Assemblée. Mais en aucune partie de ce chapitre ne lit-on qu'il y a des sanctions à l'égard des personnes qui pourraient avoir donné quelque somme dont il est question, émoluments, traitements, etc.

Donc, M. le Président, il faut conclure que l'argumentation du député de Maisonneuve, n'a aucun support concret dans la Loi de la Législature. La Loi de la Législature n'apporte aucune sanction quelconque. J'aimerais bien, plus tard, en réplique, que le député de Maisonneuve nous indique où il trouve une sanction à l'égard de la personne qui pourrait avoir donné une des sommes ou... Non, non, plus tard!

M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement.

J'invoque le règlement parce que le ministre de la Justice est en train d'en appeler d'une de vos décisions qui a été rendue hier à l'effet qu'à ce stade-ci vous n'avez pas, M. le Président, à considérer le droit, c'est la commission parlementaire qui aura à le considérer à partir du moment...

M. CHOQUETTE: M. le Président.

M. BURNS: Voulez-vous que je vous cite la décision?

M. CHOQUETTE: Ah! Laissez faire.

M. BURNS: Je peux la citer, si vous voulez, in extenso. Mais je l'ai citée ce matin, je ne veux pas recommencer, et le président sait fort bien de quoi je parle. Hier, le président nous a dit: Ce n'est pas à ce stade-ci que le droit doit s'examiner. S'il y a le moindrement une prima facie, quelque chose dans ça, je n'ai pas à l'interpréter. L'Assemblée nationale votera ou ne votera pas cette résolution, et le droit, cela c'est dans la décision du président, ce sera décidé au niveau de la commission parlementaire.

Ce que le ministre de la Justice est en train de faire, c'est de contredire la décision du président d'hier.

M. CHOQUETTE: M. le Président, si on me permet, sur la question de règlement, je suis en train d'exposer en quoi la motion du député de Maisonneuve ne peut conclure à aucune sanction réelle contre les collègues de cette Chambre qui ont été attaqués. Je suis en train de démontrer comment, en vertu de la Loi de la Législature, en admettant même les faits allégués dans la motion du député de Maisonneuve, cette motion ne pourrait pas trouver un support quelconque à déterminer une sanction.

Ceci, à mon sens, est suffisant pour faire tomber la motion du député de Maisonneuve qui ne peut pas tenir à sa face même. Si le député de Maisonneuve avait des motifs de reproche à l'égard des trois ministres en question et même du président de la Chambre, il aurait très bien pu utiliser l'article 68 de notre règlement qui est une motion de non confiance à l'égard de l'un ou l'autre membre de cette Assemblée et même du président. Mais il n'a pas basé sa motion sur l'article 68 et, par conséquent, M. le Président...

M. BURNS: L'un n'exclut pas l'autre.

M. CHOQUETTE: ... je m'oppose à ce que le député de Maisonneuve m'interrompe constamment. Je suis en train de faire un plaidoyer...

M. BURNS: C'est la première fois que je vous interrompts.

M. CHOQUETTE: Je dis que lorsqu'une motion d'un député n'est pas susceptible de trouver une sanction quelconque parce qu'elle n'est pas supportée par les articles de la Loi de la Législature, à ce moment-là, cette motion n'est pas recevable à sa face même, elle n'a pas l'appui juridique voulu.

Maintenant, je pense que j'ai assez démontré que, dans la Loi de la Législature, ce qui est prohibé à cette deuxième partie de la section 4, ce sont l'acceptation par des députés de certains paiements quelconques et non pas l'octroi de certains paiements par une autorité politique ou un fonctionnaire ou une administration quelconque.

Ici, je pense que je vais tenter d'éclairer quelque peu la lanterne du député de Saint-Jacques pour lui dire que la motion de son leader et son argumentation comportent l'importation, dans le droit statutaire, de notions qui appartiennent au droit criminel, au droit civil.

Je vais, brièvement, expliquer ce que j'ai en vue, en parlant de ce sujet. En droit statutaire, il s'agit d'un droit de responsabilité stricte, exemple: Une personne conduit une voiture automobile et passe sur un feu rouge. A ce moment-là, il y a infraction et le juge ne se pose pas la question de savoir est-ce qu'il y avait intention coupable ou intention criminelle? Il y a eu infraction à la loi dans le sens que l'automobiliste est passé sur le feu rouge, et le juge, constatant l'infraction, condamne l'automobiliste, quels qu'aient été les motifs de l'accusé dans ces circonstances.

Dans la Loi de la Législature, nous sommes en droit strict et il n'est pas possible, si je prêtais, par exemple, ma voiture à quelqu'un qui a l'habitude de fréquemment passer sur des feux rouges, par exemple, il ne serait pas possible de me tenir coupable parce que, sachant que cette personne était pour passer sur des feux rouges, je lui aurais prêté ma voiture. Le seul coupable serait celui qui a passé sur le feu rouge. Un autre exemple: Prenons la Loi de la chasse et de la pêche. Supposons que la saison de la chasse est prohibée, est fermée, et que je prête une carabine à un chasseur et que je sais que ce chasseur s'en va chasser illégalement.

Il n'est pas possible de tenir le prêteur de la carabine coupable, car la loi ne défend pas explicitement et spécifiquement le prêt d'une carabine; elle défend de chasser en période illégale. Or, M. le Président...

M. BURNS: Sans chien.

M. CHOQUETTE: ... quand nous examinons...

M. BURNS: Est-ce qu'il chasse sans son chien?

M. CHOQUETTE: ... la question de l'application du chapitre de l'indépendance de la Législature, nous sommes en droit statutaire, nous sommes en droit strict. On ne peut pas, M. le Président, introduire dans ce chapitre des notions de droit qui appartiennent au droit criminel, par exemple la question de la complicité, du complot. On ne peut pas même y introduire des notions qui appartiennent au droit civil, comme la notion de la solidarité qui, M. le Président, a lieu en droit civil lorsque plusieurs personnes participent à une action fautive sur le plan civil.

Donc, lorsqu'on tente, M. le Président, en disant que l'émission du chèque était illégale, d'en imputer la responsabilité à ceux qui l'auraient autorisé, eh bien, on importe en droit statutaire une notion qui n'appartient pas du tout à ce chapitre du droit. On cherche, en somme, à étendre la responsabilité stricte qui se trouve à ce chapitre. Comme je l'ai dit tout à l'heure, cette responsabilité découle de l'application de l'article 75 qui, dans son essence, prohibe l'acceptation de certains montants d'argent par des députés, mais ne mentionne aucune espèce de sanction à l'égard de ceux qui pourraient les accorder.

Si on devait, du jour au lendemain, faire abstraction de toutes ces notions de droit statutaire et tenter d'introduire dans notre droit statutaire toutes sortes de notions qui appartiennent au droit criminel ou à la responsabilité civile, eh bien, je dis, M. le Président, qu'il serait pour ainsi dire impossible d'administrer le gouvernement, de faire fonctionner une administration gouvernementale. Car, comment pourrait-on, dans chaque circonstance, démontrer l'intention coupable, la mens rea, ou la faute en droit civil, pour amener des gens à se conformer à la loi? Le droit statutaire, par conséquent, ampute de la preuve la responsabilité d'intention criminelle ou la preuve de la faute et il défend la commission de certains actes. A partir du moment où cet acte a été commis, eh bien, il y a infraction et le tribunal peut trouver un coupable. Il ne permet pas, par contre, d'associer d'autres personnes dans la commission de l'acte, alors qu'elles n'y ont pas participé ou que leur conduite n'est pas prohibée par le texte même de la loi.

Je sais, M. le Président, que ce développement sur le plan juridique pourra paraître certainement aride et peut-être manquer d'intérêt dans une Assemblée qui n'est pas habituellement le théâtre d'un exposé sur le plan juridique. Mais, M. le Président, je pense qu'il faut quand même examiner les textes invoqués par le leader de l'Opposition à l'égard des trois ministres commissaires et du président de l'Assemblée nationale. Il faut, je pense, conclure, à la lumière de cet examen, que, dans la Loi de la Législature, premièrement, il n'y a aucune défense au versement de cette somme. Deuxièmement, il faut conclure que cela est contraire à la nature même du droit statutaire d'imputer une responsabilité quelconque, même à une personne qui aurait collaboré à la commission d'un acte, par ailleurs, prohibé.

Voilà, M. le Président, ce que le député de Saint-Jacques peut avoir un peu de difficulté à percevoir; voilà ce que le député de Saint-Jacques ne peut pas deviner parce que, pour lui, le droit, c'est un tout uniforme et que, comme en matière de corruption, celui qui donne est aussi coupable que celui qui reçoit. Or, M. le Président, nous ne sommes pas ici en matière de corruption; il ne s'agit pas d'un acte de corruption. S'il s'agissait d'un acte de corruption, il faudrait, M. le Président, aller à l'article 66.

M. BURNS: J'invoque le règlement. Je n'ai aucune espèce d'objection à laisser le ministre de la Justice continuer même s'il a dépassé son temps. Je vous le dis tout de suite, je n'ai pas d'objection. Cependant, M. le Président, si on laisse le ministre de la Justice continuer, il faudra que la même règle s'applique à l'endroit de l'Opposition. C'est la seule condition que je pose. Si on ne me donne pas, M. le Président, ce consentement, le ministre de la Justice a déjà dépassé son temps de plusieurs minutes.

M. CHOQUETTE: Bien, M. le Président, je vais me hâter de conclure sans...

M. BURNS: M. le Président, je demande un consentement avant.

UNE VOIX: Vous avez une heure.

M. CHOQUETTE: Pardon? Non, je n'avais pas une heure. Nous avons une heure, le parti dans son ensemble. Je vais conclure dans deux minutes.

UNE VOIX: Consentement pour nous autres.

M. BURNS: Combien est-ce qu'il a, le parti? Bien oui, mais il ne leur reste pas une heure.

UNE VOIX: Une heure en tout.

M. CHOQUETTE: Une heure en tout. Quel que soit le temps pris par chaque orateur, M. le Président, ce que...

M. BURNS: M. le Président, je demande simplement là de "straighten out the whole thing with the" secrétaire adjoint de la Chambre. D'accord?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Si je comprends, il y avait une heure pour le Parti libéral et une heure pour le Parti québécois.

M. BURNS: C'est cela, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): II peut diviser cela comme il veut.

M. BURNS: Oui, ah! je n'ai pas d'objection.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Mais il n'a pas parlé une heure... Je ne crois pas qu'il y ait une heure de prise par...

M. BURNS: Tout le temps qui a été pris actuellement par le côté ministériel...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je ne sais pas.

M. BURNS: II en reste combien? UNE VOIX: Ça dépasse une heure? M. CHOQUETTE: Non, non, non.

M. BURNS: II en reste combien? C'est cela que je veux savoir. Est-ce qu'il en reste? Il l'a pris... ah! bien, il vous reste encore du temps, allez-y.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je disais donc que si on voulait du côté de l'Opposition, introduire dans tout cela une idée de corruption, eh ! bien, à ce moment-là il aurait fallu se fonder sur l'article 70 qui défend la commission de certains actes. Mais je suis sûr que l'Opposition n'avait pas l'intention d'introduire cette notion et ne l'a pas introduite dans la motion qui est présentement devant la Chambre, de telle sorte que nous sommes forcés, suivant l'option que l'Opposition a faite, de retourner aux articles 96 et 75 et de prendre ces articles à leur face même, qui ne requièrent en aucune façon une intention criminelle ou coupable ou même une faute sur le plan civil. Ici, je me permets de soulever justement, par analogie, le cas de l'ancien député de Johnson. On a laissé soupçonner beaucoup de choses à l'égard de l'ancien député de Johnson, mais l'accusation était fondée sur les mêmes articles qui concernent le député de Sauvé, qui concernent les accusations contre les députés... bien oui, sur l'article 75, cela est clair...

UNE VOIX: Y avait-il une autorisation du comité de la régie?

M. CHOQUETTE: ... l'accusation contre le député de Johnson était fondée sur l'article 75, tout comme l'accusation du député de Crémazie contre le chef de l'Opposition est fondée sur le même chapitre, tout comme l'accusation portée par le député de Maisonneuve contre les trois ministres et le président de l'Assemblée nationale est fondée sur le même chapitre. Dans chacune de ces accusations, est-ce qu'il y a une imputation de corruption, une intention criminelle ou coupable, sinon la commission d'un acte défendu par le chapitre en question?

Alors, on ne peut pas, M. le Président, imputer à la faveur de la motion du député de Maisonneuve, une intention coupable quelconque de la part des trois ministres commissaires

et de la part du président de l'Assemblée nationale, quel que soit, M. le Président, le ton adopté par le député de Saint-Jacques et aussi quel que soit le ton adopté par certains édito-riaux dans des journaux. Quel que soit le ton qui peut être adopté dans ces motions, il s'agit d'infractions à la loi, d'infractions qui ne requièrent pas d'intention criminelle ou coupable. Il s'agit tout simplement de constater par l'Assemblée nationale qu'il y a eu ou qu'il n'y a pas eu d'infraction. Donc, M. le Président, je conclus en disant ceci: Comme nous sommes en droit statutaire, comme il ne s'agit pas d'une matière où il faille, pour trouver un accusé coupable, démontrer sa culpabilité dans le sens de démontrer son intention coupable, eh bien, M. le Président, je cherche partout dans ce chapitre où il est défendu aux trois personnes en question ainsi qu'au président de l'Assemblée nationale d'avoir autorisé l'émission d'un chèque au chef de l'Opposition.

Je ne trouve aucune défense et je ne trouve aucune sanction à leur égard, de telle sorte qu'il faut conclure que l'acte qu'ils auraient posé n'est pas prohibé, et ceci, je le dis, quelle que soit leur bonne foi évidente dans les circonstances. Et, cette bonne foi, elle appert amplement de la correspondance échangée avec le leader de l'Opposition puisque le président de l'Assemblée nationale avait écrit au leader de l'Opposition pour lui demander quels étaient les délégués du caucus du Parti québécois à ce voyage.

Le président de l'Assemblée nationale n'avait, en aucune façon, influencé le caucus du Parti québécois. Il a demandé le nom de ces délégués. Remarquez que, contrairement à ce qui a été écrit dans un article dans The Gazette, là lettre envoyée au député de Maisonneuve datait d'avant le moment où le député de Maisonneuve avait fait éclater l'affaire Boutin dans cette Chambre.

Par conséquent, du côté du président de la Chambre, d'après la correspondance qui se trouve au dossier déposé par le président, et du coté des ministres commissaires, il est évident qu'ils ont agi en toute bonne foi. Leur conduite n'est réprouvée par aucun règlement et même la motion du Parti québécois ne démontre aucune allégation de mauvaise foi. Il faut bien le dire, cette motion, suivant les articles sur lesquels elle est fondée, n'impute aucune mauvaise foi.

Alors, on aurait tort de l'importer dans un débat où elle n'a rien à faire. Mais je tenais à dire ceci étant donné que nous pouvons raisonner ces problèmes sur un plan assez juridique ici, mais, une fois qu'ils sont transposés dans la presse et dans les media d'information, ils prennent une extension beaucoup plus considérable que strictement la commission d'infractions ou la perpétration d'actions qui sont précisément interdites par le règlement. Je tenais à mentionner qu'en fait, dans tous ces débats, il ne s'agissait pas d'accuser qui que ce soit de mauvaise foi, qu'il fallait contenir le débat dans des limites justes et raisonnables et ne pas imputer à nos collègues de la mauvaise foi et des manoeuvres pour provoquer des coups montés. Il fallait, je pense, rester au niveau des principes du droit qui s'appliquent dans ce domaine. Je conclus en disant qu'il est regrettable qu'on abuse ainsi d'une procédure à l'égard des membres du gouvernement et à l'égard du président de la Chambre, surtout. Les membres du gouvernement, nous sommes capables de nous défendre.

Mais le président de la Chambre doit bénéficier et doit recevoir, je pense, la créance de tous les membres de cette Assemblée, incluant les membres de l'Opposition; le président de la Chambre, en droit de parlementaire britannique, doit bénéficier du sentiment d'impartialité dans sa conduite des débats de cette Chambre.

Et je pense que le député de Maisonneuve a fait une erreur grave et sérieuse en imputant au président de la Chambre certains actes qui, à la face même de la correspondance, ont été faits d'une façon complètement innocente par lui. Je mentionnerais aussi une chose plus grave. Dans certains journaux, par exemple, surtout dans un récent éditorial de la Gazette on a imputé des motifs très graves à l'égard du président. Je trouve que vraiment on a dépassé les bornes de la critique décente de la conduite des hommes publics. Je pense qu'on a perdu le nord dans certains milieux. Je pense qu'on est arrivé à un point où n'importe quel argument, n'importe quel motif est employé. Surtout lorsque cela s'adresse au président de la Chambre, cela est extrêmement répréhensible.

LE VICE PRESIDENT (M. Blank): Le député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: A ce stade-ci, si je comprends bien l'article 80, nous avons à préciser les accusations qui sont portées en vertu de la motion qui est devant cette Chambre. Le ministre de la Justice nous a dit tout à l'heure, et je le cite à peu près textuellement: Dans la Loi de la Législature il n'y a aucune défense au versement de cette somme. Or, M. le Président, c'est là le point fondamental. Dans la Loi de la Législature, en vertu de l'article 96, M. le Président, il y a justement une défense au versement de la somme en question, parce qu'à l'article 96 paragraphe 2, il est dit ceci: "Aucune allocation ne peut être accordée en vertu de la présente disposition aux députés qui sont membres du Conseil exécutif ou au député qui occupe le poste reconnu de chef de l'Opposition". Il y a donc explicitement un article dans la Loi de la Législature qui s'oppose au versement de la somme en question.

Maintenant, qui est responsable de l'application de la Loi de la Législature? C'est l'article 54 de cette loi qui nous le précise, à savoir qu'un comité de régie interne est constitué par

le président de l'Assemblée nationale et trois députés membres du Conseil exécutif, choisis par le lieutenant-gouverneur en conseil, qui sont nommés et constitués commissaires aux fins de remplir les devoirs qui leur seront confiés par la présente loi. Donc, j'affirme ici que ceux qui sont responsables de l'application de la Loi de la Législature, ce sont les commissaires qui sont choisis par le lieutenant-gouverneur en conseil et c'est le président de l'Assemblée nationale.

Or il est dit, dans l'extrait des minutes d'une séance tenue le 26 juillet 1974 au cabinet du président, ceci: "Par dérogation aux normes et modalités déjà établis par le comité de régie interne, il est convenu d'accorder à chaque délégué un montant forfaitaire de $1,796 qui couvre les frais de transport et de séjour". Si je comprends bien, M. le Président, lorsqu'on dit par dérogation, ceci veut dire, à l'exception des règles et des normes ordinaires prévues par ce comité interne, à l'exception de ce qui est prévu à l'intérieur de la Loi de la Législature.

Maintenant, M. le Président, à qui s'appliquait ce terme "par dérogation"? Est-ce que cela s'appliquait à Robert Lamontagne, député de Roberval? Non, M. le Président, parce que Robert Lamontagne avait le droit de recevoir le montant forfaitaire prévu. Est-ce que cela s'appliquait à Julien Giasson, député de Montmagny-L'Islet? Non, parce que le député de Montmagny-L'Islet avait le droit de recevoir le montant de $1,796. Est-ce que cela s'appliquait à Louis-Philippe Lacroix, député des Iles-de-la-Madeleine? Non, M. le Président, parce qu'encore là, Louis-Philippe Lacroix avait le droit de recevoir ce montant. Est-ce que cela s'appliquait à André Marchand, député de Laurier? Encore là, non. Est-ce que cela s'appliquait à Fabien Roy? Non, M. le Président. Est-ce que cela s'appliquait à Lucien Caron? Non, M. le Président. Est-ce que cela s'appliquait à Lucien Lessard? Non, M. le Président. Le 26 juillet, lors de la réunion de ce comité, il y avait un seul gars qui était reconnu comme chef parlementaire de l'Opposition. Ce n'était pas Lucien Lessard qui était chef parlementaire de l'Opposition, c'était Jacques-Yvan Morin. Et les trois commissaires en question et le président de l'Assemblée nationale savaient que Jacques-Yvan Morin était chef parlementaire de l'Opposition.

A qui, maintenant, s'appliquait cette dérogation? En disant "par dérogation aux normes et modalités déjà établies par le comité de régie interne", est-ce qu'on n'a pas explicitement désigné Jacques-Yvan Morin comme exception à ces règles, comme exception à ces normes? A ce moment, on savait très bien que Jacques-Yvan Morin, étant chef parlementaire, n'avait pas le droit, en vertu de l'article 96, paragraphe 2, de recevoir le montant en question. Mais qui est responsable? Qui est responsable de l'application de cette loi? Est-ce Jacques-Yvan Morin qui était responsable de l'application de cette loi? Est-ce que c'était Lucien Lessard, responsable de l'application de cette loi? C'était le comité de régie interne qui était responsable de cette loi.

Je dis, M. le Président, qu'en relation avec le procès-verbal qui nous est soumis actuellement, nous avions explicitement permis, justifié à l'encontre de la Loi de la Législature, que Jacques-Yvan Morin puisse recevoir un montant pour se rendre à Bruxelles.

Nous l'avions justifié, soit qu'à ce moment-là nous décidions d'aller au-delà des normes et des modalités déjà établies par le comité de régie interne ou soit encore que nous avions décidé de monter un "frame-up" contre Jacques-Yvan Morin. S'il s'agit d'un "frame-up", les trois personnes en question, dont le président de l'Assemblée nationale, sont responsables de ce "frame-up" et devront également, comme Jacques-Yvan Morin, payer pour le "frame-up".

Je dis plus que cela, et ceci est grave: S'il fallait que la motion que nous avons à discuter actuellement soit refusée par les députés au pouvoir; s'il fallait que vous votiez contre la motion, parce que nous voulons faire la lumière complète...

M. BIENVENUE: M. le Président...

M. LESSARD: ... sur toute cette affaire...

M. BIENVENUE: ... est-ce que le député me permettrait une courte question?

M. LESSARD: Non, du tout! M. BIENVENUE: Ah!

M. LESSARD: ... s'il fallait que les députés responsables indirectement, par l'entremise de l'Exécutif, des deniers publics, s'il fallait que les députés de cette Chambre responsables aussi de l'intégrité des hommes publics en cette Chambre, votent contre la motion que le député de Maisonneuve a inscrite au feuilleton, non seulement nous pourrions affirmer qu'il s'agit d'un "frame-up", mais nous pourrons affirmer qu'il s'agit d'un "cover-up".

M. Jean Bienvenue

M. BIENVENUE: M. le Président, les questions que j'aurais posées au député de Saguenay, s'il me l'avait permis, auraient été les suivantes. Je lui aurais d'abord demandé s'il savait ce qu'était un "frame-up".

M. LESSARD: Je sais ce que c'est un "frame-up".

M. BIENVENUE: Non, non, vous pouvez...

M. LESSARD: Mais vous, vous savez ce que c'est un "frame-up".

M. BIENVENUE: Non, non!

M. LESSARD: Vous, vous savez ce qu'est un "frame-up".

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! ... A l'ordre! ... A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! ... A l'ordre, s'il vous plaît! ...

UNE VOIX: Aie! Aie! Les nerfs.

M. BIENVENUE: Je n'invoquerai même pas une question de privilège sur ce que vient de dire le jeune député, parce qu'il n'est pas en possession de ses moyens et je ne fais pas d'allusion malveillante en disant ça. Il a tout intérêt, lui et d'autres, à imiter le calme et le sang-froid du député de Maisonneuve, qui est beaucoup plus en cause que lui et qui contrôle ses moyens.

L'autre question que je lui aurais posée — il est trop tard pour qu'il y réponde parce qu'il a refusé ma question — c'était: Réalise-t-il l'implication de ce qu'il a dit en mettant en relation les mots "frame-up" et les personnalités qui sont accusées en vertu de la présente motion? Que le député reste où il est et qu'il se taise; c'est à mon tour de parler.

Je n'ai pas l'intention de répéter ce que j'ai dit au cours des deux derniers jours au sujet de l'article 75 qui est très clair et qui, je pense, justifiait la motion que j'ai faite au sujet du député de Sauvé. L'article 75, c'est clair, énonce qu'un député n'a droit à rien comme député, à aucun salaire, à aucun traitement, à aucun émolument, à aucune allocation, sauf si ce même député, à un titre ou à un autre, se retrouve ailleurs plus loin, que ce soit à l'article 75 ou à l'un de ceux qui suivent, et cela jusqu'à la fin de la loi, soit à l'article 142.

Tout cela est clair. La sanction est prévue, soit celle de l'inhabilité, et cela ne se discute pas. Il y a une sanction prévue dans le cas de celui qui a fait l'objet de la motion d'hier. Tout cela, je l'ai dit et je le répète brièvement, a pour but de protéger les députés, de les rendre indépendants, protégeant de la même façon ceux qui les ont élus, à l'encontre de la réception de toutes sommes d'argent auxquelles ils n'ont pas droit.

Pour avoir droit à de l'argent comme député, il faut se retrouver à l'un ou l'autre, je le répète, des articles mentionnés, nos 76 et suivants.

Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, celui d'une motion contre quatre collègues de cette Chambre, le président et trois ministres, comme l'a dit avec combien d'à-propos le ministre de la Justice, il n'y a aucune sanction de prévue contre les "payeurs", ceux que j'appelle les "payeurs", qu'il s'agisse de nos quatre collègues ou qu'il s'agisse du comptable ou de l'assistant-comptable de l'Assemblée nationale. Il n'y a aucune sanction de prévue contre eux dans la Loi de la Législature. Si sanction il y a, elle est ailleurs que dans notre loi et on ne peut, nous, aller devant une commission parlementaire de l'Assemblée nationale qu'en vertu d'une des dispositions de notre loi ou d'une infraction ou d'une offense ou d'une prohibition s'appliquant à un membre de la Chambre, en vertu de cette loi, ou envers un tiers. J'y reviendrai.

Par conséquent, M. le Président, je défie qui que ce soit de me trouver quelque part dans cette loi — je dis bien dans cette loi — une sanction à l'article 96, deuxièmement. Contre les "payés", cependant, à l'article 96, — pas de sanction contre les "payeurs" — il y a sanction, je l'ai indiqué, article 75.

On ne peut pas ne pas faire un parallèle, M. le Président, avec ce que l'on a appelé l'affaire Boutin. Dans le cas de l'affaire Boutin, je dis si — parce qu'on ne saura jamais ce qu'il y avait dans l'affaire Boutin et on ne l'a jamais su — s'il y avait des erreurs administratives des ministères concernés, elles n'ont jamais été soulevées par l'Opposition, ni n'étaient davantage soulevables à la commission parlementaire de l'Assemblée nationale. Je l'ai dit hier. On ne pouvait impliquer comme complices ou accusés ni les ministres concernés, ni la machine IBM ou toute autre machine de toute autre marque qui aurait effectué les paiements en question.

La seule différence que je verrais, M. le Président — et je ferme le rideau sur l'affaire Boutin pour les fins de cette discussion — c'est que dans le cas de l'affaire Boutin, le principal intéressé avait envoyé une lettre aux "payeurs" pour leur dire qu'il n'acceptait plus de mandat et, dans le cas actuel, le chèque dont il s'agit n'a pas été retourné.

M. le Président, le député de Maisonneuve a fait grand état — mais avec calme et je lui en rends hommage; d'autres en ont fait grand état, mais avec nervosité et abus de langage, et je ne leur en rends pas hommage — de cette lettre qui fait partie du dossier déposé par le président, lettre qui, en fait, est l'extrait de la minute du 26 juillet 1974 — et là je dis qu'on est en plein dans de la pure malhonnêteté intellectuelle — et dont je lis la fin: "Par dérogation aux normes et modalités déjà établies par le comité de régie interne, il est convenu d'accorder à chaque délégué un montant forfaitaire de $1,796 qui couvre les frais de transport et de séjour". Je dis malhonnêteté intellectuelle quand on dit dérogation aux modalités au moment où on veut insinuer que par dérogation, on entendait le fait qu'on incluait le chef de l'Opposition, qui n'y avait pas droit.

La vraie dérogation, M. le Président, quand on ne fend pas les cheveux en quatre, on la retrouve dans un extrait des minutes beaucoup plus anciennes, en 1967, qui expliquait que dans le cas de telles missions, les députés avaient droit à une allocation maximale de $50 par jour. Or, dans le cas actuel, l'allocation était de $100 par jour. Donc, elle dérogeait à ce qui avait été convenu il y a plusieurs années, et on payait même deux jours avant et deux jours

après la durée du séjour. C'était cela la dérogation.

Je suis surpris devant cette Chambre que l'on ait accepté avec autant de facilité une dérogation doublant le montant alors qu'on accepte avec beaucoup moins de facilité ce qu'on appellera, entre guillemets, "une dérogation" pour améliorer le salaire des députés après dix ans. On était beaucoup plus large à ce moment-là, quand il s'agissait de soi-même.

Je continue, M. le Président. Lorsque, de la même façon, et je pense toujours à ce système, je pense toujours à cette intention que l'on prête à ceux que j'ai appelé les "payeurs" dans le cas actuel, qui forcent la main, qui prennent l'initiative, qui balaient la loi, qui sont les gardiens de la loi — j'en ai parlé hier, et je ne veux pas y revenir davantage — on a été jusqu'à tenter une demande de CT à laquelle on n'avait pas droit pour amener dans ce même voyage un personnage qui n'avait pas le droit de le faire. "Enough is enough" M. le Président, et j'y reviendrai au moment opportun.

Lorsque le législateur, dans ce projet de loi, décide de punir ceux qui enfreignent, je pense aux payeurs, à ceux qui tentent de corrompre. Quand je dis "tentent de corrompre", je me reporte toujours aux motifs qu'on nous impute de l'autre côté. Lorsque le législateur veut les viser, veut les sanctionner, il le dit. Et lorsqu'il ne veut pas les sanctionner, il ne le dit pas. Je prends, à titre d'exemple, l'article 86 qui est clair à ce sujet et qui se lit comme suit. C'est le cas des récompenses interdites. On dit: "II est interdit à un député d'accepter ou de recevoir, directement ou indirectement, quelques frais, honoraires ou récompenses quelconques au sujet d'un projet de loi, d'une résolution ou d'une matière quelconque soumis ou qui doit être soumis à la considération de l'Assemblée nationale ou de l'une de ses commissions, etc." Il est interdit à un député de le faire. Nulle part, et je défie qui que ce soit en cette Chambre de trouver l'endroit où ce serait. Nulle part il n'est prévu la sanction pour le tiers qui participe, c'est-à-dire pour le payeur. Et pourquoi on ne le trouve pas dans notre Loi de la Législature? Parce qu'on le retrouve dans le code criminel. "Celui qui achète, corrompt ou tente de corrompre un député". En vertu de cette disposition, le payeur, on a prévu une sanction pour lui.

Dans le cas acutel, je l'ai dit combien de fois depuis deux jours, c'est le payé que l'on guette, c'est le payé que l'on veut rendre indépendant, que l'on veut empêcher d'être payé. Est-ce assez clair et combien de fois faudra-t-il encore le dire?

A l'article 87, même chose. On interdit à l'associé d'un député, on peut penser facilement à un avocat, de signer en son nom un avis concernant un projet de loi de comparaître, etc. Voici un cas a contrario où il y a une interdiction formelle contre le payeur, celui que j'assimilerai au payeur parce qu'il n'est plus le député lui-même mais bien celui qui intervient. La loi l'a prévu, mais dans l'article 96, la loi ne l'a pas prévu. Pourquoi? Parce que l'Assemblée nationale et sa commission parlementaire ne sont pas un tribunal administratif. Ce n'est pas l'endroit pour punir les actes administratifs, les erreurs administratives.

On a fait état de la minute, elle n'est même pas adressée au chef de l'Opposition, elle est adressée à M. Jacques-Yvan Morin, député de Sauvé, comme tous les autres députés qui sont énumérés là.

Les exemples sont combien nombreux où se retrouve la théorie que j'essaie de faire comprendre depuis quelques jours où il faut faire toute la distinction entre le payeur et le payé, ou lorsque la loi indique que le payé a une sanction, doit être puni. C'est toujours 75, elle ne l'indique pas dans le cas de 96. Pensons à ce fonctionnaire de l'impôt qui effectuerait le paiement d'un remboursement en trop. Celui qui fait cette erreur administrative sera l'objet des sanctions administratives de son ministre, si jamais il y a négligence. Mais celui qui l'a reçu en trop n'a pas le droit, de ce chef, de l'encaisser en disant: l'impôt m'envoie $10,000 en trop, tant pis pour son erreur, je l'encaisse. Non.

Enfin, moi, ce n'est pas ma moralité. Il en est de même pour l'assurance-chômage, les prestations d'assistance sociale. Celui qui en reçoit en trop et décide de les empocher et de ne pas les remettre est poursuivi devant les tribunaux de droit commun. On ne poursuit pas devant le même tribunal le fonctionnaire qui a fait l'erreur. Il sera l'objet de sanctions administratives.

Le député de Saint-Jacques, au plus haut ton de son intervention passionnée, a proposé ce qui suit: Si chacun de nous, les députés de cette Chambre, recevions $500 à l'occasion des fêtes en cadeau, est-ce que ça signifierait que nous devrions tous démissionner? Moi je réponds oui, nous devrions tous démissionner. Nous ne devrions pas mettre nos sièges en jeu, ils le seraient automatiquement...

M. LESSARD: Question...

M. BIENVENUE: Taisez-vous, assoyez-vous et laissez moi continuer. Ils le seraient automatiquement...

M. LESSARD: Question de privilège.

M. BIENVENUE: Assoyez-vous. Assoyez-vous.

M. LESSARD: Question de privilège.

UNE VOIX: II n'y a pas de question de privilège.

M. LESSARD: ... au nom du député de Saint-Jacques. J'ai le droit en vertu de l'article 49. Je regrette, M. le Président, je vous lis

l'article 49. C'est plutôt l'article 48: "Une violation des droits de l'Assemblée ou d'un de ses membres constitue une question de privilège".

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Mais le député est ici.

M. LESSARD: Au nom, M. le Président, du député de Saint-Jacques.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Saint-Jacques est ici. S'il veut soulever une question de privilège, il peut le faire.

M. LESSARD: Je regrette, le député de Saint-Jacques n'était pas ici au moment où ont été prononcées les paroles du député de Crémazie.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Mais quelles remarques?

M. LESSARD: M. le Président, je dis que le député de Saint-Jacques a été brimé dans ses droits parce que le député de Saint-Jacques, M. le Président, n'a jamais dit dans son intervention: Si je recevais un cadeau de $500 pour Noël; le député de Saint-Jacques a dit: Si, par erreur, M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Ce n'est pas une question de privilège, cela, c'est l'article 96.

M. LESSARD: ... il recevait un mille de plus à $0.14 que ce qui lui est permis...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! A l'ordre! Ce n'est pas une question de privilège.

M. BIENVENUE: Bon, très bien, M. le Président. Je reprends...

M. LESSARD: Enervez-vous pas trop.

M. BELLEMARE (Rosemont): Tu charries, toi.

M. BIENVENUE: Assoyez-vous. J'accepte la correction que vous avez faite au nom du député de Saint-Jacques et je m'excuse si j'ai mal interprété, parce que ce n'est pas mon habitude de le faire. Alors, je prends telle quelle la correction. Si nous recevons, chacun de nous, par erreur, $500 de trop à la période présente, tous nos sièges sont en jeu, M. le Président. Est-ce assez clair? La loi est formelle. La loi dit qu'on a droit à tant, pas un cent de plus, je l'ai dit hier. Or, ma réponse à cela est claire. Nous sommes tous payés en trop, nous sommes donc devenus inhabiles en vertu de la Loi de la Législature.

M. le Président, lorsque le législateur prévoit une sanction dans la loi pour un acte dérogatoire, il le dit expressément. Si le législateur décide que ceux qui ont enfreint l'article 96 paragraphe 2 comme payeurs ont commis un acte dérogatoire et doivent être punis en vertu de notre loi, il doit le dire. Mais il ne le dit pas. Je prends, à titre d'exemple, les articles 70 et 71 où l'on voit — il ne s'agit pas d'un député à ce moment-là — que le législateur a prévu la sanction. A l'article 70: "Quiconque commet une infraction aux dispositions du présent paragraphe devient passible d'un emprisonnement pour telle période n'excédant pas un an, etc." L'article 71: "Toute les infractions aux dispositions du présent paragraphe peuvent être l'objet d'une investigation sommaire de la part de l'Assemblée nationale de la manière et en la forme qu'elle juge à propos, etc."

Ces infractions — quelqu'un d'autre y a fait allusion — sont les suivantes: chercher à corrompre un député — je dis bien chercher à corrompre un député et ce n'est pas le cas qui nous intéresse — commettre des voies de fait sur la personne des officiers; suborner ou tenter de suborner un témoin. Lorsque le législateur —est-ce nécessaire de le rappeler une dernière fois — même dans cette loi, combien mal faite —je l'ai dit il y a six mois et elle reste encore mal faite aujourd'hui — a prévu une sanction contre l'auteur d'un acte, il le dit. Si la sanction ne se trouve pas dans la loi, elle se trouve ailleurs. Comme elle n'est pas dans la présente loi, M. le Président, je dis que cette motion ne peut tenir et, même sous le prétexte de ne pas vouloir passer pour le rouleau à vapeur qui écrase avec 101 députés contre six ou contre huit, nous ne verserons pas dans l'illégalité.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Chicoutimi.

M. Marc-André Bédard

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les argumentations tant du côté de l'Opposition que du côté ministériel concernant l'interprétation de la Loi de la Législature à laquelle nous avons à faire face. Une chose est certaine, c'est que le législateur, selon l'esprit de la loi, ne légifère pas pour rien. Le législateur ne peut, en aucune façon — là-dessus, je suis convaincu que le ministre de la Justice sera d'accord avec moi — légiférer pour consacrer une illégalité.

Or, dans le cas qui nous occupe, si nous suivions le raisonnement du ministre de l'Immigration, nous en viendrions à la conclusion que le législateur a voulu légiférer pour consacrer une illégalité. Il nous dit qu'étant donné qu'il n'y a aucune sanction concernant celui qui paie illégalement il n'y aurait aucune disposition à prendre en vertu de la loi. Mais il dit qu'il n'y a de sanction que pour celui qui est payé illégalement.

M. le Président, si on acceptait ce raisonnement-là, on accepterait que le législateur a voulu consacrer un payeur qui le fait illégale-

ment, et c'est ce qui a été fait — on le reconnaît à l'heure actuelle — c'est ce qui a été fait par les membres de la commission de régie interne. Ils ont payé illégalement. Ils ont payé par dérogation aux lois qu'ils étaient astreints de suivre. Le législateur dit très clairement à 54 les — il est défini très clairement à 54 — devoirs des membres de la commission de régie interne. L'article 54, ce n'est pas un article qui a été rédigé pour la frime, j'imagine. Quand le législateur l'a fait, il l'a fait pour une raison très précise. Or, l'article 54 dit très clairement: le président de l'Assemblée nationale et trois députés membres du Conseil exécutif, choisis par le lieutenant-gouverneur en conseil sont nommés et constitués commissaires — pas pour la frime, M. le Président — pour une raison bien précise à savoir aux fins de remplir les devoirs qu'il leur sont confiés par la présente loi. Quel est le devoir spécifique très clairement exprimé par le législateur dans cette loi envers les commissaires de la commission de régie interne? Il y en a plusieurs et entre autres un qui est très clair, M. le Président, et qui est exprimé à l'article auquel on a fait référence, l'article 96, qui dit ceci: "Aucune allocation ne peut être accordée en vertu de la présente disposition aux députés qui sont membres du Conseil exécutif et au député qui occupe le poste reconnu de chef de l'Opposition".

Alors, M. le Président, il me semble que la loi est claire. Il me semble que le législateur a été très clair. Il a nommé trois commissaires et le président de l'Assemblée nationale pour faire respecter la loi et, dans la loi, il leur dit très clairement qu'ils ne peuvent accorder aucune allocation tant aux membres du Conseil exécutif qu'au député qui occupe le poste reconnu de chef de l'Opposition. Or, il est clair qu'ils ont contrevenu à la loi. Il est clair qu'ils ont violé la loi. Il est clair qu'ils ne l'ont pas fait respecter, M. le Président. A ce moment-là on en viendrait à la conclusion que, même si ces commissaires n'ont pas fait respecter la loi, il n'y a aucune sanction contre eux? On en viendrait à la conclusion qu'on ne peut absolument rien contre ces commissaires et ce président de l'Assemblée nationale qui a le devoir de respecter la loi, qu'on ne pourrait absolument rien contre eux s'ils ont contrevenu aux devoirs qui leur sont clairement explicités dans cette loi à l'article 54?

M. le Président, si c'était cela l'interprétation de la loi, cela équivaudrait à dire que, concernant les commissaires et le président de l'Assemblée nationale, le législateur a légiféré pour rien.

Il leur a donné des devoirs à remplir, mais autrement dit, s'il faut suivre le raisonnement du ministre de la Justice et du ministre de l'Immigration, s'ils ne les remplissent pas, ce n'est pas grave. Il n'y a aucune sanction contre eux.

Alors quoi? La loi consacrerait une illégalité? Parce que c'est illégal pour ces membres qui sont nommés de ne pas faire respecter la loi. En conséquence, le geste est illégal, le geste qu'ils ont posé, lorsqu'ils ont accordé une allocation au chef de l'Opposition.

Au-dessus de tous les principes, il y en a un qui est général. C'est que lorsque le législateur légifère, ce n'est pas pour ne rien dire, et je ne peux comprendre par quels artifices légaux le ministre de l'Immigration et le ministre de la Justice en viennent à dire qu'il faut traiter différemment celui qui a payé illégalement de celui qui aurait été payé illégalement.

Le ministre de l'Immigration nous a donné, tout à l'heure, son interprétation des mots "par dérogation". Je vous soumets respectueusement qu'il avait le droit de donner une interprétation différente de celle que nous avons donnée, mais il reste quand même qu'à ce moment, le ministre de l'Immigration ne plaide pas sur le fond même de la motion, mais plaide tout simplement un argument de défense qui pourrait être allégué en commission parlementaire.

D'ailleurs, c'est ce qu'a fait le leader du gouvernement dans son intervention. Le leader a donné des raisons qui, selon lui, seraient telles qu'on ne peut accepter la motion présentée par le député de Maisonneuve. Il a dit qu'il faut savoir comment fonctionne une commission de régie interne, que les membres ont une grande quantité de chèques à émettre, qu'à ce moment, ils n'ont pas l'occasion de regarder tous les chèques qui sont émis et qu'en conséquence, il ne voit pas comment ils pourraient être accusés.

M. le Président, si c'est l'argumentation du leader du gouvernement, ou sa défense, il la donnera en commission parlementaire, mais ce ne sont pas des arguments qui en aucune façon affectent ou peuvent influencer les membres de l'Assemblée nationale pour voter en faveur de la motion du député de Maisonneuve.

Le ministre de l'Immigration s'est permis d'apporter l'exemple de celui qui recevrait de la part de l'impôt une remise d'impôt de $10,000 de plus que celle à laquelle il aurait droit. Je trouve que c'est vraiment un argument démagogique parce que ce ne sont pas du tout les circonstances dans lesquelles était placé le chef de l'Opposition. De la même manière que c'est un argument ad nominem qu'a employé le ministre de l'Immigration lorsqu'il a essayé de comparer l'affaire Boutin avec le cas qui nous occupe concernant le chef de l'Opposition. Il nous a dit qu'on ne saurait jamais ce qu'il y avait dans l'affaire Boutin. Chose certaine, M. Boutin le savait parce qu'il a cru bon de démissionner, tandis que le chef de l'Opposition ira jusqu'au bout, j'en suis convaincu, et sera appuyé à 100 p.c. par tous les membres de l'Opposition.

M. le Président, au nom de ce principe général qu'un législateur ne peut légiférer pour rien, qu'il ne peut consacrer une illégalité, c'est ce qu'il ferait à l'heure actuelle si l'Assemblée nationale rejetait la motion du député de Maisonneuve. Cela équivaudrait à dire à ses

membres, au président de l'Assemblée nationale et aux membres de la commission de la régie interne de poser n'importe quel geste, qu'il n'y a aucun danger, qu'ils ne peuvent être poursuivis en vertu de la Loi de la Législature.

Dans ce sens, je crois que la motion du député de Maisonneuve doit être acceptée. S'il y a une défense, celle qu'a apportée tout à l'heure le leader du gouvernement, il la donnera en commission parlementaire, comme le chef de l'Opposition donnera sa défense lors de la commission parlementaire. Le leader du gouvernement a reconnu l'intégrité du chef de l'Opposition; il est même allé plus loin en parlant du chef de l'Opposition, il a regretté qu'il soit la victime de la situation.

M. le Président, je me demande comment on peut dire de pareilles choses parce que comment peut-on condamner une victime? On dit au chef de l'Opposition: Vous êtes victime d'une situation qui a été créée par une illégalité commise par des commissaires et on ajoute: Excusez-nous, M. le chef de l'Opposition, de vous avoir placé dans cette situation, d'avoir fait une victime avec vous. C'est ça la défense. Depuis quand condamne-t-on? La défense du gouvernement, pour ne pas être cité au même titre que le chef de l'Opposition, c'est de dire: Excusez-nous, et de demander à cette Assemblée, selon les propres mots du leader du gouvernement, de condamner une victime. Je termine là-dessus, M. le Président; le leader du gouvernement s'est permis de dire, au début de son intervention, que le député de Maisonneuve faisait cette motion pour le simple plaisir de jeter quelques noms dans le public. Je trouve que c'est bien cavalier de la part du leader du gouvernement d'affirmer cela, puisqu'il sait très bien que, suite à un défi qu'il lui a lancé, le député de Maisonneuve a accepté de mettre en jeu son siège à l'Assemblée nationale.

M. le Président, je ne vois pas comment on peut condamner une victime, le chef de l'Opposition, et je ne vois pas comment les commissaires qui ont commis très clairement une dérogation n'accepterait pas au moins d'être jugés sur un pied d'égalité avec ce qu'ils appellent une victime de la situation qu'ils ont créée de toutes pièces.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, on m'indique qu'il me reste sept minutes pour mon droit de réplique. Je vais probablement me limiter à moins.

Je veux simplement relever un certain nombre de choses qui ont été dites dans le présent débat. La première qui m'a frappé, et qu'il est important de corriger immédiatement, c'est l'énoncé qui a été fait par le leader du gouvernement, quand il disait que le député de Maisonneuve avait du plaisir à jeter quelques noms de plus dans l'information. M. le Président, je tiens à vous dire tout de suite que le leader n'a pas pris conscience de l'accusation que je portais contre lui, ni pris conscience de la responsabilité que je prenais en la faisant. L'importance de l'accusation contre lui, M. le Président, je n'ai pas l'impression que le leader du gouvernement, avec toute l'estime que je peux avoir pour lui, s'en soit rendu compte. Tout au long de ce débat, M. le Président, nous avons dit — et le député de Chicoutimi vient de l'expliciter de façon merveilleuse et très claire — que, si quelqu'un était victime d'une erreur, et cela a été confirmé par les propos mêmes du leader du gouvernement, si le chef de l'Opposition était victime d'une erreur, comment penser à condamner une victime sans condamner les auteurs de cette erreur qui provoquent le fait qu'il y ait une victime. Ce n'est pas moi qui l'ai dit, M. le Président, c'est le leader du gouvernement lui-même qui a parlé du chef de l'Opposition en tant que victime de cette situation.

M. le Président, c'est ça le lien, le lien est exactement là. Moi je n'ai jamais vu de cas de victime condamnée par la suite. Je n'ai jamais vu cela.

Il y a peut-être les cas de tentatives de suicide, qui sont absolument aberrantes comme situations et anormales dans notre droit. C'est peut-être le seul cas où une victime risque d'être condamnée si elle ne réussit pas son acte criminel.

Mais cela, je pense qu'il est important qu'on le dise. D'une part, je suis convaincu que le leader n'est pas conscient de l'importance de l'accusation qu'on pose et, d'autre part, le deuxième volet que je veux faire valoir à ce stade-ci, il n'a pas conscience du fait que moi j'en suis conscient, de l'importance de l'accusation que je porte, que moi, je sais fort bien — j'invite tous les députés libéraux en Chambre à bien écouter mes mots — je suis fort conscient des conséquences que je pose en faisant cette motion. Je suis fort conscient du fait que si vous votez en faveur de la motion et que je suis incapable d'obtenir une décision dans le sens que je le veux à la commission, je risque mon siège. Je vous le dis. Je suis parfaitement conscient de ça.

Là, je vous mets tous au défi d'avoir cette même conscience que moi. Le défi que je vous pose, c'est de tout simplement avoir la même logique qu'hier et de prendre le risque, savez-vous de quoi? Savez-vous quel risque vous prenez? Vous prenez le risque que je perde mon siège. C'est ça que vous prenez, comme risque. Il ne faut pas se le cacher. Moi, je n'ai pas peur de le faire, de prendre ce risque. Votre vote va nous indiquer comment vous, vous avez peur ou pas peur. C'est ça qu'on va savoir.

M. LACROIX: Chantage.

M. BURNS: Exactement, M. le Président. Ces deux choses étant posées, je vais m'atta-quer à certaines facéties du ministre de la

Justice et du leader du gouvernement. D'abord, le leader du gouvernement nous disait, tout à l'heure, lorsque le député de Saint-Jacques l'a référé au texte anglais qui parlait de "to allow",... Je pense qu'on utilise le verbe, si ce n'est pas le verbe, on parle de "allowance". Je réfère le leader du gouvernement et les autres députés à Castles New French Dictionary, je vais essayer de vous donner l'édition pour que vous ayez la même version que nous. On parle de "no allowance shall be granted", dans l'article 96. Alors, je vous réfère à l'édition de Castles New French-English Dictionary, completely revised by Denis Girard. Et à la page qui concerne les mots "to allow", on se rend compte que la traduction du mot "allow" ou "allowance" qui vient du mot "allow" veut dire: Permettre, autoriser accorder, allouer, admettre, reconnaître. Tout est là. Les trois ministres et le président de l'Assemblée nationale ont tout simplement, par leur geste, contrairement à l'article 96, permis, autorisé, accordé, alloué, admis et reconnu le versement qui devait être payé au chef de l'Opposition.

Cela, on est obligé d'en tenir compte. Comme le disait le député de Chicoutimi, dans les pouvoirs qui sont prévus pour ce groupe de commissaires par cette commission de régie interne, prévus à l'article 54, ils ont des obligations. Comment peut-on admettre, d'une part, qu'on va accuser le chef de l'Opposition d'un geste, du geste d'avoir encaissé un chèque, que, du côté gouvernemental, on prétend illégal, sans lier à ça ceux qui sont les auteurs de ce geste? Je reviens à ce que je disais tout à l'heure, et je reprends les paroles du leader du gouvernement qui parle du chef de l'Opposition comme d'une victime d'un erreur. Comment peut-on, encore une fois, condamner une victime d'une erreur, si erreur il y a? Cela reste à prouver, et ce n'est pas à ce stade-ci, je vous le mentionne, qu'on va le décider, selon votre décision d'hier.

Alors, M. le Président, je vous demande tout simplement de tenir compte de ce phénomène. Je le demande surtout à l'endroit...

M. LACROIX: M. le Président, son temps est écoulé.

M. BURNS: D'accord.

M. LACROIX: Je regrette, c'est la même règle pour tout le monde.

M. BURNS: Je demande tout simplement, M. le Président — je termine en deux secondes — aux députés libéraux, lorsqu'ils prendront la peine de se lever pour ou contre ma motion, de tenir compte des deux choses que je leur ai mentionnées, du sérieux que moi, j'accorde à l'accusation et de la logique qui devrait normalement se présenter dans leur vote par rapport au vote d'hier.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne) : Le débat est maintenant clos. Nous allons procéder au vote.

Qu'on appelle les députés!

Vote sur la motion de M. Burns

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

La motion qui sera mise aux voix, présentée par l'honorable député de Maisonneuve, se lit comme suit: "Que la commission de l'Assemblée nationale se réunisse en vue de procéder à une enquête sur les faits suivants qui, s'ils sont fondés, rendront M. Jean-Noël Lavoie, président de l'Assemblée nationale, M. Gérard-D. Levesque, leader du gouvernement et commissaire nommé en vertu de l'article 54 de la Loi de la Législature, M. Gérald Harvey, ministre du Revenu et commissaire nommé en vertu de l'article 54 de la Loi de la Législature, et M. Oswald Parent, ministre de la Fonction publique et commissaire nommé en vertu de l'article 54 de la Loi de la Législature indignes de siéger à l'Assemblée nationale parce qu'inhabiles en vertu des articles 96 et 75 et suivants de la Loi de la Législature, savoir: Avoir accordé une allocation sous forme de chèque du gouvernement du Québec, daté du 29 août 1974, portant le no 813025 et au montant de $1,796, pour indemniser le chef de l'Opposition des dépenses encourues pour les fins d'une mission officielle qu'il a accomplie à Bruxelles, en Belgique, du 16 au 22 septembre 1974, à la demande du président, agissant sur la recommandation des commissaires nommés en vertu de l'article 54 de la Loi de la Législature et qui lui a été versé aux conditions et selon les barèmes et les modalités établis par ces commissaires, contrairement aux articles 96 et 75 et suivants de la Loi de la Législature. "Qu'instructions soient données à cette commission de tenir cette enquête concurremment à celle qu'elle tiendra à l'égard du député de Sauvé. Que cette commission soit autorisée à faire, de temps à autre, des rapports exprimant ses observations et ses vues sur cette affaire, à convoquer devant elle et à envoyer chercher les personnes, les pièces et les dossiers dont elle aura besoin".

Que ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable député de Maisonneuve veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi).

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Garneau,

Lachapelle, Berthiaume, Cournoyer, Goldbloom, Simard, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Toupin, Massé, Cadieux, Arsenault, Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Brown, Bossé, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Picard, Gratton, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Shanks, Springate, Pepin, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boutin, Chagnon, Marchand, Caron, Côté, Denis, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières, Verreault.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Que ceux qui désirent s'abstenir veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Samson, Roy, Bellemare (Johnson).

LE SECRETAIRE: Pour: 5

Contre: 71

Abstention : 3

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La motion est rejetée.

M. BURNS: M. le Président, je veux tout simplement — je ne sais pas si je dois le faire sur une question de privilège, vous me le direz, ou si je dois le faire sur une question de règlement seulement — mentionner que l'honorable chef de l'Opposition — en ce qui me concerne c'est une épithète que je n'utilise pas souvent — l'honorable chef de l'Opposition a préféré ne pas voter sur cette motion, même s'il n'était pas concerné par la motion, mais il était concerné par le problème. Je remercie très sincèrement nos collègues libéraux d'avoir prouvé, une fois pour toutes, qu'il y avait deux poids deux mesures.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! A l'ordre!

L'honorable ministre d'Etat aux Transports, question de privilège.

M. BERTHIAUME: M. le Président, le leader de l'Opposition n'a pas à commenter le vote que nous avons pris. D'ailleurs, si nous, nous n'avons pas de conseil national pour nous dire comment voter, on a voté selon notre conscience.

M. BURNS: C'est deux poids deux mesures. On est bien fier, c'est parfait.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

M. MORIN: Question de privilège, M. le Président.

UNE VOIX: L'accusé est encore...

Question de privilège M. Jacques-Yvan Morin

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs. L'honorable chef de l'Opposition officielle, question de privilège.

M. MORIN: Maintenant que...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Mais maintenant, justement je vais employer le même terme que vous, le seul fait qu'on emploie le mot question de privilège ça ne veut pas dire que c'en est une.

M. MORIN: J'ai une question de privilège...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Parce qu'il y a véritablement un abus...

M. BURNS: M. le Président, il va vous l'expliquer.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Non, non! je vais la laisser commencer mais... Non, mais tout à l'heure, je voudrais rappeler à l'honorable député de Maisonneuve... Un instant s'il vous plaît ne perdons pas les pédales! C'est bien clair. Tantôt, je voudrais rappeler à l'honorable député de Maisonneuve que je lui ai permis qu'à un moment donné il continue, mais quand je me lève, il faut tout de même respecter la présidence, pour le moins.

L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. BURNS: M. le Président, si vous me le permettez, je ne vous ai pas dit que je faisais une question de privilège, tout à l'heure. J'ai dit; je me lève, vous déciderez si c'est une question de privilège...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BURNS: ... ou si c'est une question de règlement. Je voulais expliquer l'absence du chef de l'Opposition, et j'ai mentionné l'honorable chef de l'Opposition.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je suis d'accord là-dessus. Evidemment, en vertu des règlements, on a droit à des questions de privilège. Mais il faut éviter que ces questions de privilège engendrent des débats. Je préviens immédiatement que je ne voudrais pas que la question de privilège que s'apprête à poser l'honorable chef de l'Opposition officielle engendre un débat.

M. MORIN: M. le Président, c'est vraiment la première fois que je prends la parole et je ne pense pas que ma question de privilège engendre de débat. La majorité de cette Assemblée a

maintenant décidé de disculper — ce n'est pas un terme péjoratif — ceux qui sont responsables d'avoir autorisé le geste du président. J'entends employer des termes neutres et n'affronter personne.

Maintenant qu'on a discuté de ceux qui sont responsables d'avoir autorisé le paiement qui m'a été remis, ainsi d'ailleurs qu'à tous ceux qui participaient à cette assemblée à Bruxelles, et que cette décision a pour effet de me désigner, pour employer les termes mêmes du leader du gouvernement ce matin, comme seule victime, j'aurais quelques droits à faire valoir sous forme de question de privilège.

On a dit, ce matin: Dura lex, sed lex. Ce sont des mots qui se trouvaient dans la bouche du député de Crémazie.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! Je vous préviens immédiatement que, si vous voulez, par une question de privilège, discuter sur une motion qui a été adoptée par l'Assemblée nationale... En tout cas, je vous ai invité à la prudence.

M. BURNS: Sur la question de règlement, ce n'est pas cela. Je vous prie d'écouter le chef de l'Opposition et d'écouter moins les aboyeurs de l'arrièbe-ban.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je pense que, le samedi après-midi, à 6 heures moins 24, il faut être plus tolérant. Je le comprends personnellement, mais tous ensemble, je vous invite à être très prudents. Ce ne sont pas des heures faciles cet après-midi et ce soir. Dans cet esprit, je vous inviterais à beaucoup de prudence dans les interventions sur le règlement et, quant aux autres, nous allons écouter.

M. MORIN: La situation délicate, pour ne pas dire impossible, dans laquelle le vote écrasant de la majorité libérale me place n'est pas seulement celle du député de Sauvé — c'est pour cela que je me lève sur cette question de privilège — cette situation est également celle du chef de l'Opposition. Elle touche directement le chef de l'Opposition; donc, une institution de notre système parlementaire. Peut-être le gouvernement ne s'est-il pas rendu compte de cela. Je ne sais, mais...

M. LEVESQUE: Quelle est la question de privilège?

M. MORIN: M. le Président, j'ai une requête importante à faire...

M. BURNS: Ecoutez-le. Il a une requête à faire.

M. MORIN: ... et je ne voudrais pas que cette Assemblée me donne déjà l'impression d'être une sorte de "Kangaroo court". Qu'on me laisse énoncer ma demande.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Pour la dernière fois, je vais vous laisser formuler votre demande, mais je pense que, autant vous que moi, vous vous apercevez de ce qui s'en vient. Je vous invite à une très très grande prudence.

M. BURNS: M. le Président, depuis le début, le chef de l'Opposition est d'une prudence extrême.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Les derniers mots qu'il a prononcés étaient de nature à...

M. BURNS: II n'a pas soulevé de débat par quoi que ce soit de ce qu'il a dit. Il vous dit qu'il a une requête à formuler en vertu d'une question de privilège. Est-ce clair? A-t-il le droit de vous dire pourquoi il formulera cette requête? C'est seulement cela qu'on vous demande. Cela ne sera pas long. Ne vous inquiétez pas. Cela ne durera pas cinq heures. Cela va durer une ou deux minutes. En vertu du vote qui vient juste d'être fait, c'est immédiatement qu'il doit soulever sa question de privilège.

M. BOURASSA: En vertu de quel article?

M. BURNS: En vertu de l'article 49. Lisez-le donc. D'accord?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le chef de l'Opposition officielle.

M. BURNS: En vertu des articles 49, 79 et 80. Lisez-les tous. Ils sont tous là.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Présentez votre requête le plus succinctement possible.

M. MORIN: M. le Président...

M. MARCHAND: M. le Président, sur une question de directive.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question de directive.

M. MARCHAND: Je voudrais vous demander, M. le Président, si le chef de l'Opposition a été tellement mal défendu qu'il est obligé de se défendre lui-même.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! Le chef de l'Opposition officielle sur une question de privilège.

M. MORIN: M. le Président, est-ce que j'ai vraiment la parole?

M. BEDARD (Chicoutimi): ... qui rendait jugement.

M. MORIN: Ai-je vraiment la parole?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Sur votre question de privilège.

M. MORIN: M. le Président, j'estime, étant donné que ce n'est pas seulement ma modeste personne qui est en jeu, mais l'institution... Non, c'est sérieux! Etant donné que l'institution, et j'allais dire aussi une certaine conception que nous nous faisons du parlementarisme au Québec sont en jeu, j'estime qu'il faut vider la question immédiatement, avant la Noël. On ne peut laisser tramer une situation qui permet d'exercer des pressions, du chantage sur celui qui exerce la fonction de chef de l'Opposition. Est-ce assez important?

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. MORIN: M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. BOURASSA: Quelle salade encore?

M. LEVESQUE: J'invoque le règlement. Je regrette infiniment, M. le Président, mais il y a une motion qui a été adoptée par cette Chambre. Et la motion qui a été adoptée par cette Chambre dit que la commission parlementaire de l'Assemblée nationale sera convoquée sur avis du leader parlementaire du gouvernement.

M. MORIN: D'où ma question de privilège.

M. LEVESQUE: Nous avions, à ce moment, convenu d'une date. Nous avions parlé du 14 ou du 15 janvier 1975. Le leader de l'Opposition officielle a alors dit: D'accord, mais j'aime mieux consulter le chef de l'Opposition, si je me rappelle bien...

UNE VOIX: II a dit: Je ne suis pas sûr que cela va lui convenir.

M. LEVESQUE: Pardon?

UNE VOIX: II a dit: Je ne suis pas sûr que cela va lui convenir.

M. LEVESQUE: Oui. On a mentionné, si ma mémoire est fidèle : Je ne suis pas sûr si cela va lui convenir. J'ai mentionné à ce moment que le leader de l'Opposition officielle pourrait m'en parler. Je ne vois pas qu'il s'agisse ici de soulever une question de privilège qui aurait pour effet, je ne sais quoi, mais qui ne peut, en aucune façon, changer le résultat de la motion qui a été adoptée par l'Assemblée nationale.

M. MORIN: On commence à comprendre pourquoi j'ai soulevé la question.

M. BURNS: Sur la question de règlement, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Sur la question de règlement, je confirme une partie des propos du leader du gouvernement. C'est un fait qu'hier — il est bien important de se rappeler que c'était hier — j'ai confirmé que je ne savais pas si la date suggérée par le leader du gouvernement, le 14 ou le 15 janvier, ferait l'affaire du chef de l'Opposition. Je ne savais pas s'il était disponible et je me sentais le devoir de le consulter avant. Mais la question de privilège — c'est ça que je veux vous dire, M. le Président, simplement sur la question de règlement — du chef de l'Opposition n'est pas faite pour des choses qui ont eu lieu hier, mais eu égard à la situation de maintenant, c'est-à-dire d'il y a quelque cinq ou dix minutes, depuis qu'il y a eu un vote qui change complètement le tableau. C'est uniquement là-dessus que le chef de l'Opposition veut vous entretenir par sa question de privilège. La situation d'hier, alors que je me proposais de faire la motion que j'ai faite cet après-midi, n'est plus la même que celle qu'on a actuellement devant nous, maintenant que le vote sur ma motion a été négatif. Le chef de l'Opposition, il me semble, est en train de vous expliquer pourquoi il veut soulever une question de privilège.

Je vous prie, M. le Président, d'empêcher les gens de l'interrompre et je pense que le chef de l'Opposition n'a provoqué personne depuis le début. Je vous demande simplement de l'écouter. Cela va être bref si on le laisse terminer. Cela va être très bref.

M. LEVESQUE: M. le Président, sur cette question de règlement, que l'on tente de superposer sur une question de privilège, je ferai remarquer qu'il y a une décision prise par l'Assemblée nationale. C'est un ordre de l'Assemblée nationale. Cet ordre mentionne que ce sera sur avis du leader parlementaire du gouvernement que la date...

M. BURNS: C'est ça.

M. LEVESQUE: ... sera choisie.

M. BURNS: On va vous parler de ça, justement.

M. LEVESQUE: II n'y a pas une question...

M. MORIN: M. le Président...

M. BURNS: Attendez qu'il finisse.

M. LEVESQUE: M. le Président, il n'y a pas de privilège d'affecté lorsqu'un ordre de la Chambre est suivi.

M. BURNS: Une question de règlement, M. le Président. Vous ne pouvez pas vous rendre compte, du côté gouvernemental, qu'il y a un privilège à soulever par le chef de l'Opposition,

eu égard à la décision qui vient juste d'être rendue et eu égard à la situation qu'on envisageait hier.

M. LEVESQUE: Non, absolument pas.

M. BURNS: M. le Président, je vous dis simplement ceci. Je ne veux pas — et le chef de l'Opposition non plus, encore moins, ne veut pas enlever les prérogatives du leader du gouvernement. Il veut tout simplement, à un moment donné, dire pourquoi il se sent justifié de soulever sa question de privilège et peut-être de formuler une requête à l'endroit du leader du gouvernement.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La question de privilège, soit une requête, je pense que cela me paraît assez important de l'entendre pour l'accepter personnellement. Cela n'enlève aucun privilège et droit du leader du gouvernement de refuser ou d'accepter la requête de l'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: Je vous remercie, M. le Président. Il faut bien comprendre que ce n'est pas seulement la personne du député de Sauvé qui est en cause. Etant donné que cette décision de convoquer la commission ou de ne pas la convoquer est entre les mains du gouvernement, le chef de l'Opposition est entre les mains du leader du gouvernement.

M. LACROIX: Le gouvernement va être entre les mains du chef de l'Opposition, lui?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre !

M. MORIN: C'est un point fondamental de droit constitutionnel. C'est une situation tout à fait exceptionnelle et c'est pour cela que j'interviens. Le chef de l'Opposition, dont le rôle est fondemental dans notre système démocratique, est entre les mains du leader du gouvernement.

M. MARCHAND: Professeur de droit.

M. MORIN: M. le Président, il n'est pas besoin d'être professeur de droit pour comprendre cela. Il suffit d'avoir du gros bon sens.

M. MARCHAND: Vous auriez dû le comprendre avant.

M. MORIN: La personne du chef de l'Opposition, avec toutes les pressions et tout le chantage qui pourraient s'exercer sur lui, est entre les mains du gouvernement. C'est une situation inédite, je n'en disconviens pas, mais ce sont les gouvernementaux qui l'ont créée et maintenant j'ai le droit de faire valoir le privilège du chef de l'Opposition. Si ce n'est celui du député de Sauvé, que ce soit, à tout le moins, celui du chef de l'Opposition.

J'ai pu me rendre compte depuis hier que déjà des pressions et des menaces ont été exercées à mon endroit. Je tiens à le dire, c'est fort important.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. MORIN: Et je ne veux pas provoquer de débat, je ne mentionnerai personne.

UNE VOIX: Par qui?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre !

M. MORIN: Hier soir, pendant le débat, j'ai mentionné l'une de ces pressions. Oui, à la suite de l'une de mes interventions sur la question du salaire des députés, un député, brandissant son poing vers moi, m'a dit: "Tu nous paieras ça". J'ai tout lieu de m'inquiéter.

M. VEILLEUX: Question de privilège, M. le Président.

M. MORIN: M. le Président...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Question de...

M. MORIN: ... j'ai tout lieu de m'inquiéter du sort du chef de l'Opposition.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Question de privilège, l'honorable député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Question de privilège.

L'honorable chef de l'Opposition n'a nommé personne aujourd'hui mais il a dit qu'il fait mention d'une personne qu'il a nommée hier, et la personne qu'il a nommée hier, c'est moi, M. le Président.

M. le Président, après l'ajournement de la Chambre, six heures cinq ou six heures six, je suis venu ici, au coin de ce bureau et j'ai dit, de cette façon, au chef de l'Opposition, qu'il paierait pour les paroles qu'il venait de dire et qu'il dira ce soir.

M. le Président, j'ai fait une intervention et je considère qu'au moment de l'intervention, je lui ai fait ravaler les paroles qu'il avait dites hier, Et quand j'ai été, moi aussi, M. le Président, au coin, là-bas, — et cela n'a pas été enregistré parce qu'à ce moment-là, j'étais à l'extérieur, où se trouve présentement le député de Montmagny-L'Islet — j'ai reçu, M. le Président, moi aussi, de la part de l'honorable chef de l'Opposition, une menace semblable à celle, paraît-il, que je lui aurais faite.

M. MORIN: C'est faux! Menteur!

M. VEILLEUX: Si, M. le Président, le genre de menace que j'aurais faite à l'honorable chef

de l'Opposition c'est une menace, je dis, M. le Président, que vous pouvez considérer les paroles qu'il a prononcées sur le même ton et avec le même geste que moi ici, à six heures cinq, hier, considérer cela aussi comme étant quelque chose de provocateur vis-à-vis du député de Saint-Jean.

Moi, M. le Président, je ne considère pas le geste ou les paroles qu'a pu prononcer le chef de l'Opposition au coin, là-bas, comme étant de la provocation. Il n'a pas, M. le Président, à interpréter les paroles que j'ai prononcées hier comme étant un geste de provocation. Je les ai expliquées hier soir, M. le Président, et le règlement est clair là-dessus. Si le chef de l'Opposition croit que je l'ai menacé, qu'il applique le règlement et qu'il porte une motion de blâme contre le député de Saint-Jean et je me défendrai à ce moment-là.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! Juste un instant, si vous permettez. C'est simplement un commentaire. Vous savez, comme président, que ce soit moi ou mes collègues, lorsque nous présidons, si nous donnions suite à tous les mots de provocation que nous entendons, cela prendrait une Assemblée nationale à sécurité maximum.

M. MORIN: M. le Président, je me demande, par moments, si cela ne deviendra pas nécessaire.

M. le Président, je ne voulais pas nommer le député, je voulais donner cela comme exemple du type de pressions qui peut être exercé sur le député de Sauvé, chef de l'Opposition, tant et aussi longtemps qu'il est entre les mains du gouvernement. C'est le genre de pression qui peut s'exercer en particulier au sujet du projet de loi sur l'augmentation de salaires des députés.

DES VOIX: Ah! Ah!

M. MORIN: M. le Président, j'ai une requête à faire et je tiens à vous expliquer pourquoi j'entends la faire.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui mais, écoutez, une question de privilège, malgré les interventions, cela fait déjà passablement long. Je vous inviterais... Je pense que tout le monde sait, ici, ce que c'est que le chef de l'Opposition, comme institution.

Oui, mais là, je les comprends. Je voudrais que vous vous dispensiez de décrire ce qu'est un chef de l'Opposition. On a des institutions parlementaires, on le connaît. Mais faites votre requête. Tenez pour acquis que vos collègues ont un peu d'intelligence. Faites votre requête. Je vous ai accordé votre requête mais faites-la.

M. MORIN: Bien.

M. BOURASSA: Hier, vous avez accepté.

M. MORIN: En conséquence de ce qui précède, M. le Président...

M. BOURASSA: Vous avez accepté hier.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. MORIN: ... je ne demande pas, j'exige du leader du gouvernement, pour que je ne sois plus entre les mains du gouvernement...

DES VOIX: Ah! Ah!

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!

M. MORIN: J'exige qu'il convoque dès ce soir la commission parlementaire qui doit se prononcer sur la motion du député de Crémazie. Et, s'il ne le fait pas, je serai amené à m'interroger sur les motifs qui ont dicté le comportement du député de Crémazie.

M. LACROIX: Vous auriez dû vous interroger sur votre propre comportement.

M. BOURASSA: Le Père Noël s'en vient.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable leader du gouvernement.

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. LACROIX: Vous n'avez qu'à ramasser des enveloppes.

M. LEVESQUE: ... je dis et je répète ce que je mentionnais il y a quelques instants: II y a un ordre de la Chambre suite à une motion dont on a disposé ici, à l'Assemblée nationale, hier, et dans laquelle la Chambre s'est prononcée pour qu'il y ait convocation de l'Assemblée nationale sur avis du leader parlementaire du gouvernement. C'est dans l'esprit de notre règlement, c'est dans la lettre de notre règlement.

M. MORIN: En attendant, je suis comme une victime entre vos mains.

M. LEVESQUE: Un instant. M. MORIN: Voilà ce que c'est.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. LEVESQUE: J'ai même offert de préciser la date; je l'ai offert à l'Assemblée nationale et particulièrement en m'adressant au leader parlementaire de l'Opposition officielle. Je l'ai fait en toute objectivité afin que chacun puisse se préparer suffisamment pour protéger les droits et privilèges particulièrement du député de

Sauvé, en lui donnant le temps nécessaire. J'ai offert le 14 ou 15 janvier 1975, parce qu'on se posait la question: Cela va prendre trois mois, quatre mois ou quoi? J'ai dit non, dans le plus court délai. On parlait du 14 ou 15 janvier 1975. On sait le travail législatif qu'il reste à faire dans la présente session. Il y a environ au moins huit ou neuf projets de loi sans compter ceux qui sont en troisième lecture.

Je crois, M. le Président, qu'il est important de disposer de notre législation et ensuite nous pourrons aborder les autres questions. Mais nous devons donner priorité à ce moment-ci à la législation et...

M. MORIN: Non.

M. LEVESQUE: C'est votre opinion, mais la Chambre a décidé, M. le Président. Il y a un ordre de la Chambre.

M. LESSARD: La majorité a décidé.

M. LEVESQUE: Et lorsque j'ai suggéré le 14 ou le 15 janvier, je vous avoue bien objectivement que j'ai senti chez le leader parlementaire de l'Opposition officielle un acquiescement; un acquiescement tel qu'il semblait y avoir une entente, jusqu'à ce qu'il y ait eu un peu d'hésitation de la part du leader parlementaire de l'Opposition officielle. Il s'est ravisé en disant: Un instant, j'aime mieux consulter le chef de l'Opposition car, peut-être...

UNE VOIX: II préparait...

UNE VOIX: II y a un voyage qui est possible.

M. LEVESQUE: II n'a pas parlé de voyage. Il a...

UNE VOIX: Oui, il a parlé de voyage.

M. BOURASSA: II préparait la stratégie d'aujourd'hui.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. BURNS: Pas du tout, j'ai dit que je ne savais pas si...

M. LEVESQUE: S'il serait disponible...

M. LACROIX: ... possibilité de voyage.

M. BURNS: ... le chef de l'Opposition serait disponible.

M. LEVESQUE: S'il serait disponible à ce moment-là.

M. BURNS: Un instant, là.

M. LEVESQUE: Non, non, mais c'est cela que vous avez...

M. BURNS: Un instant. Si vous voulez qu'on rétablisse des faits, on va en rétablir. Quand on a parlé, vous et moi... vous voulez parler de nos conversations privées? Quand on a parlé vous et moi...

UNE VOIX: Cela s'est fait en Chambre. DES VOIX: En Chambre.

M. BURNS: Ouais, mais on a parlé d'autres choses aussi.

M. LACROIX: Ce qu'on vous rappelle là, cela s'est passé en Chambre.

M. LEVESQUE: Moi, je rappelle ce que... M. BURNS: J'ai posé deux... M. LEVESQUE: ... le député...

M. BURNS: ... conditions. On va mettre le problème clairement sur la table. J'ai posé deux conditions à l'acceptation du 14 ou du 15, lorsque le leader et moi nous nous sommes rencontrés.

M. LEVESQUE: Je parle de ce qui s'est dit ici en Chambre...

M. BURNS: J'ai...

M. LEVESQUE: ... et qui est enregistré au journal des Débats.

M. BURNS: On parlait de la motion, le leader du gouvernement va s'en souvenir très bien, on parlait de la motion du ministre de l'Immigration hier et... bon, et c'est dans ce cadre-là qu'on a discuté du 14 ou du 15.

M. LEVESQUE: Non, ... ici en Chambre.

M. BURNS: En Chambre, c'est là M. le Président, qu'à un moment donné, quand une des conditions que je posais à l'amendement de la motion n'a pas été accepté — et on l'a dit, c'est public, on l'a dit ensemble hier que nous ne nous étions pas entendus sur des possibilités d'amender — c'est là qu'une seule des conditions qui avaient été discutées avec le leader du gouvernement m'arrivait sur la table et que je me suis dit: Peut-être que je devrais consulter davantage le chef de l'Opposition sur sa disponibilité. Ce n'est pas plus que cela. Ce n'est rien de plus grave que cela. Mais ce que le chef de l'Opposition vous demande actuellement, ce n'est pas vous priver de vos droits, M. le leader du gouvernement. Je sais bien que c'est vous qui devez convoquer les commissions parlementaires.

II veut tout simplement mettre votre éthique d'hommes politiques devant la Chambre et dire qu'il n'est pas normal que le chef de l'Opposition soit entre les mains du gouvernement. Il vous demande...

M. LEVESQUE: Je pense, M. le Président, que l'interruption suffit.

M. BURNS: ... et vous exige, puis je pense qu'il a des raisons d'exiger cela que cela...

M. BOURASSA: Assez de spectacle.

M. BURNS: ... se fasse dès ce soir cette commission d'enquête-là.

M. BOURASSA: Assez de spectacle pour aujourd'hui.

M. BURNS: Bien, vous êtes habitué à en faire du spectacle, vous. Vous devriez le savoir.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Revenons aux affaires du jour.

M. LEVESQUE: Article 10,

M. BURNS: M. le Président, je m'excuse.

M. LEVESQUE: L'article est appelé.

M. BOURASSA: L'article est appelé, assoyez-vous.

M. BURNS: Est-ce que j'ai le droit de poser une question au leader du gouvernement?

M. LEVESQUE: Non, ce n'est pas la période des questions.

M. BURNS: Non, je n'ai pas le droit?

M. LEVESQUE: Vous en avez assez posé aujourd'hui.

M. BURNS: Je n'ai plus le droit, M. le Président, de poser des questions?

M. BOURASSA: Article 10, M. le Président. M. LEVESQUE: L'article 10 est appelé.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'article 10 est appelé.

M. BURNS: ... une question au leader du gouvernement.

Projet de loi no 87 Deuxième lecture (suite)

M. LEVESQUE: L'article 10 est appelé, M. le Président, ce n'est pas la période des questions.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!

Qui avait la parole à l'article 10?

UNE VOIX: Le député de Saguenay.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Saguenay.

M. Lucien Lessard

M. LESSARD: Puis-je considérer, M. le Président, qu'il est six heures et demander la suspension du débat?

DES VOIX: Non!

M. LESSARD: Alors, M. le Président, je ferai encore le deuxième épisode de mon discours dans l'espoir que je puisse le terminer à 8 h 15 à la reprise de nos travaux.

Je disais que les députés du Parti québécois n'étaient pas contre, de façon absolue, l'augmentation des salaires des députés, tout en tenant compte, par exemple, d'une certaine indexation qui soit réelle et non pas d'un rattrapage qui est absolument exorbitant.

UNE VOIX: Vote!

M. LESSARD: Et j'ai eu d'ailleurs l'occasion de le préciser dans un questionnaire que nous avait fait parvenir la commission Bonenfant. J'ai eu l'occasion de dire dans ce questionnaire que j'estimais, sans tenir compte des dépenses de $7,000 qui sont allouées, qu'il serait tout à fait normal, en tenant compte des autres classes de la société québécoise, qu'il puisse y avoir un rajustement du salaire des députés autour de $20,000, et je tiens encore aujourd'hui à dire que ceci me paraissait raisonnable.

Cependant, il faut tenir compte de deux conditions précises que nous fixons et nous en parlerons tout à l'heure.

Il est six heures, je l'espère, cette fois.

M. BURNS: M. le Président, je demande la suspension du débat.

M. LEVESQUE: Vingt heures.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à vingt heures.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

Reprise de la séance à 20 h 5

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, nous avons donc fixé deux conditions à l'indexation du salaire des députés. L'une des conditions, c'est l'augmentation du salaire minimum à $2.50 à partir du 1er janvier. La deuxième condition, c'est de permettre à ceux qui ont négocié, il y a quelques mois, des conventions collectives et qui n'ont pas prévu l'augmentation considérable du coût de la vie d'avoir une clause de réouverture des conventions collectives. Nous savons qu'il est possible, pour ce gouvernement, par une modification du code du travail, de permettre à ces personnes d'avoir cette clause.

En effet, M. le Président, je constate, à partir des discours que j'ai entendus hier, que nous avons donc la larme facile lorsque nous discutons des problèmes qu'affrontent les députés, que nous avons donc la larme facile lorsque nous parlons des difficultés des députés. Mais lorsqu'il s'agit de parler des gars qui sont en grève depuis plusieurs mois, ceux de la United Aircraft, de parler des gars de la Canadian Gypsum qui sont en grève depuis nombre et nombre de mois, de cela on n'en entend pas parler ici à cette Assemblée nationale.

J'aurais voulu retrouver à l'intérieur de cette Assemblée nationale la même énergie et le même courage pour défendre les gars de Québec Téléphone qui ont dû se battre pendant trois mois pour obtenir ou pour tenter d'obtenir la réouverture de leur convention collective. Malheureusement, nous n'avons rien entendu ici à cette Assemblée nationale. Personne ne s'est levé dans cette Chambre pour se battre à côté des gars de la compagnie Québec Téléphone pour qu'on leur permette au moins d'avoir une certaine indexation de leur salaire.

Qu'est-il arrivé à des gars et à des femmes de Québec Téléphone, après trois mois de bataille pour tenter d'obtenir la réouverture de leur convention collective?

Une injonction leur est tombée sur la tête, pour exiger des gars comme des femmes de Québec-Téléphone d'entrer, presque saris condition, au travail. Nous avons, nous autres, la possibilité, comme députés, de négocier nous-mêmes nos conventions collectives. Mais nous croyons qu'il faut quand même être prudents. Nous croyons qu'avant de se servir il faut penser à d'autres problèmes qui existent à l'intérieur de la société québécoise. Nous croyons, M. le Président, qu'avant d'augmenter le salaire des députés de $7,600 par année il faut quand même considérer qu'il y a des gens qui ne gagnent même pas cela actuellement. Il faut quand même considérer que ce gouvernement, qui réclame pour les députés une augmentation de $7,600 par année, a été le même gouvernement qui a refusé de donner à ses fonctionnaires une garantie de $100 par semai- ne. Oui, le même gouvernement qui nous propose, ce soir, le 21 décembre, une augmentation de $7,600 ou de $146 par semaine, a refusé à des gens, à des fonctionnaires d'avoir un salaire garanti de $100 par semaine. Ce même gouvernement a refusé, malgré les protestations, des membres du Parti québécois, d'accorder un salaire minimum de $2.50 l'heure, soit $100 par semaine, si on calcule cela sur une base de 40 heures.

M. LACROIX: Soyez donc sérieux!

M. LESSARD: C'est ce même gouvernement, qui a accepté, M. le Président, de réduire les allocations aux bénéficiaires de l'aide sociale, sous prétexte que les allocations familiales étaient maintenant augmentées, qui nous demande, aujourd'hui, de voter une augmentation de $7,600 par année. Ce même gouvernement...

M. LACROIX: Dites-nous donc que vous êtes pour.

M. LESSARD: ... qui, malgré les protestations encore des membres de l'Opposition officielle, par l'intermédiaire de façon plus particulière du député de Chicoutimi, a accepté, M. le Président, de réduire les allocations aux personnes qui avaient le désavantage d'avoir un handicapé dans leur famille.

Ce même gouvernement a accepté de faire payer des montants supplémentaires, des montants supérieurs aux montants précédents à des personnes qui avaient des handicapés dans leur famille. Ce même gouvernement, qui refuse d'accorder un supplément aux personnes âgées qui demeurent dans les maisons d'hébergement, malgré l'indexation du gouvernement fédéral, et qui prend justement cette indexation, ce montant d'indexation pour remplir les coffres du Trésor... N'est-ce pas quand même un scandale ce soir — comme le disait le chef de l'Opposition — de décider de se voter $7,600 d'augmentation sans tenir compte quand même du contexte social...

M. LACROIX: M. le Président, une question de privilège.

M. LESSARD: ... dans lequel nous vivons? M. LACROIX: Question de règlement. LE PRESIDENT: Question de règlement.

M. LACROIX: Question de règlement, M. le Président. Il y a toujours une limite. Là, le député est en train de tomber dans une démagogie qui n'est pas acceptable dans cette Chambre. Quand on connaît surtout la faim du député de Saguenay, quand on sait que dans des conversations non seulement privées ...

M. LESSARD: M. le Président, à l'ordre!

M. LACROIX: ... si c'était une conversation de personne à personne ...

M. LESSARD: A l'ordre, M. le Président.

M. LACROIX: ... mais entre plusieurs personnes ...

M. LESSARD: A l'ordre, M. le Président!

M. LACROIX: ... alors qu'il a dit qu'il voulait l'augmentation...

M. LESSARD: A l'ordre!

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! ... A l'ordre! ... A l'ordre, messieurs! ... A l'ordre! J'ai voulu interrompre le député des Iles-de-la-Madeleine avant que cela puisse donner ouverture à un débat.

Il y a habileté et habileté. C'est sûr que vous pouvez parler. Là, je vous écoute, vous me regardez et je vous regarde. Mais nous ne sommes quand même pas dans une motion de censure contre le gouvernement. On peut se permettre de juger habile, à l'occasion d'un discours sur l'augmentation de salaire des députés, de faire un procès de toute la société du Québec et même du Tiers-Monde et même d'ailleurs. Je ne veux pas aller au fond de la question.

Si vous considérez que c'est habile ce que vous faites, cela peut respecter le règlement. Mais ce n'est pas un discours d'apartés ou de digression que je veux. Essayez, le plus possible, de vous rattacher au bill actuellement et nous parler peut-être plus du rôle de député que du rôle des assistés sociaux ou des autres.

M. LESSARD: Oui, M. le Président,...

LE PRESIDENT: Et critiquez ma décision si vous voulez.

M. LESSARD: M. le Président ...

LE PRESIDENT: De toute façon, il vous reste sept minutes.

M. LESSARD: D'accord, M. le Président... LE PRESIDENT: Bon.

M. LESSARD: ... et je vais les prendre. Le rôle du député, ce n'est pas de se servir d'abord. Je pense que c'est quand même important dans le contexte social, actuellement, de se poser des questions sur la société québécoise.

C'est quand même important, lorsque nous discutons du salaire des députés, de prendre en considération aussi les autres qui sont directement impliqués dans cette société. Je pense, M. le Président, qu'il est impossible d'analyser non seulement le rôle du député mais d'analyser aussi la situation financière des députés sans tenir compte de notre contexte social. Ce serait, je pense, tout simplement de l'hypocrisie de ne pas l'admettre.

M. le Président, lorsque nous avons discuté de l'augmentation des salaires des juges, nous avons dit à cette Chambre qu'il était scandaleux d'augmenter le salaire des juges, en tenant compte du contexte social; de même nous disons actuellement que, dans les circonstances, il devient scandaleux de permettre une augmentation de $7,600 aux députés alors qu'on a refusé, il y a quelques mois, de garantir à des individus un salaire de $100 par semaine.

Si c'est cela, M. le Président, faire de la démagogie, je dis que c'est là la différence entre les députés libéraux et les députés du Parti québécois. C'est là la différence, M. le Président, entre...

DES VOIX: Ah! Ah!

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LESSARD: ... la vraie social-démocratie...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. CADIEUX: ... qui vaut pas cher et il ne peut pas être payé plus cher que cela.

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs!

M. LESSARD: En tout cas, on vaut pas mal plus cher...

LE PRESIDENT: Si vous n'êtes pas d'accord sur les propos de l'honorable député de Saguenay, vous demanderez la parole après lui et vous aurez tout le loisir de lui répondre.

M. LESSARD: En tout cas, il y a une chose, M. le Président. C'est qu'on vaut, chacun d'entre nous autres, pas mal plus cher que le député de Beauharnois au point de vue du travail qu'on peut faire en cette Assemblée nationale.

M. CADIEUX: ...

M. LESSARD: M. le Président, si c'est là faire de la démagogie, je pense que cela nous démontre, tel que le dit le député des Iles-de-la-Madeleine, exactement la différence entre les députés du Parti québécois, entre le Parti québécois et le Parti libéral. C'est là la différence, M. le Président, entre faire de la véritable social-démocratie et tout simplement tenter de tromper les gens derrière des mots de paravent en disant que ce Parti libéral, M. le Président, est un parti de social-démocratie. Non, c'est un parti...

M. LACROIX: M. le Président, une question de privilège.

LE PRESIDENT: Une question de privilège.

M. LACROIX: Le député de Saguenay a mêlé le nom du député des Iles-de-la-Madeleine à je ne sais pas quel propos.

Il n'y avait aucune relation commune. Mais je voudrais bien que le député de Saguenay sache qu'il est facile pour les députés de son parti de faire de la démagogie. Je voudrais M. le Président,... Je demanderais au député de Saguenay de s'asseoir...

M. LESSARD: Ce n'est pas une question de règlement.

M. LACROIX: ... d'attendre que j'aie terminé ma question de privilège. Il est très facile pour le Parti québécois, avec un budget de recherche de $65,000, avec une loi électorale qu'on...

LE PRESIDENT: Je m'excuse. A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, messieurs!

Je m'excuse, j'inviterai, à l'occasion, l'honorable député des Iles-de-la-Madeleine à participer au débat mais ce n'est pas l'occasion. Par contre, j'inviterais l'honorable député de Saguenay à ne pas provoquer ses collègues, ni le député de Beauharnois ou celui des Iles-de-la-Madeleine. Vous ouvrez la porte au désordre en provoquant et en faisant de la personnalité et ce n'est pas permis dans les limites normales d'un parlementarisme acceptable. S'il y a des accrocs, vous les invitez, je m'excuse.

M. LESSARD: M. le Président ...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LESSARD: Je ne pense pas qu'il vous appartienne, quand même, de déterminer de quelle façon je devrai faire mon discours, en autant que je me soumets au règlement.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

M. LESSARD: Je dis, M. le Président. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BELLEMARE (Rosemont): M. le Président, question de privilège.

Il y a des limites à tout. Si le Parti québécois...

LE PRESIDENT: A l'ordre s'il vous plaît! Il ne s'agit pas, je vous invite et je compte vite, je m'excuse, ce n'est pas une question de privilège. Si vous voulez intervenir, vous demanderez la parole après que l'honorable député de Saguenay aura fini son discours. Actuellement...

M. BELLEMARE (Rosemont): M. le Prési- dent, est-ce que vous permettez que je vous demande une directive?

LE PRESIDENT: A l'ordre! Non, non, après le discours, pas au milieu d'un discours. Après.

M. LESSARD: Alors, je dis, M. le Président, que j'accepte certains éléments qui ont été apportés sur la fonction du député par soit le député de Johnson, soit le député de Beauce-Sud, soit aussi le ministre de l'Industrie et du Commerce. Il est vrai que cette fonction est difficile, il est vrai que nous sommes soumis, dans cette fonction, à quantité d'attaques qui peuvent parvenir tant des citoyens que des journalistes. Mais il ne faudrait quand même pas charrier sur la difficulté de ce travail. Ce n'est pas parce que nous serons payés $7,000 de plus par année que cela va nous faire oublier les attaques auxquelles nous pouvons être sujets.

Mais je dis, M. le Président, que l'ouvrier qui se bat actuellement, qui est en grève à la United Aircraft, lui aussi a un travail difficile. Le gars qui est bûcheron chez nous, qui se lève à cinq heures du matin pour aller travailler, lui aussi a une "job" qui est difficile et il n'a pas les compensations du député. M. le Président, il ne faudrait quand même pas nous faire pleurer!

Il est vrai que le travail du député est devenu de plus en plus complexe, de plus en plus difficile et qu'il exige de plus en plus de temps des personnes qui se présentent à ce poste. Il est vrai, M. le Président, que nous devons être capables de payer un salaire qui nous permette d'avoir des hommes publics qui sont des personnes compétentes. Mais il y a une chose que je dis: II est assez curieux qu'il y ait toujours plus de personnes battues que de personnes élues. C'est assez curieux qu'à chaque convention, on retrouve quatre, cinq ou six personnes qui se présentent pour être députés dans les comtés. Il ne faudrait quand même pas charrier, M. le Président. Ce n'est pas nécessairement parce que nous allons accorder une augmentation de $7,600 par année que nous allons avoir des personnes plus compétentes. Ce n'est pas une condition sine qua non.

Je pense, M. le Président, que, quand nous avons assisté à la séance de cet après-midi, ce n'est certainement pas un moyen pour revaloriser le rôle du député. Il faudrait quand même, comme le disait le député de Lafontaine, se demander pourquoi les gens, pourquoi les citoyens du Québec protestent tant contre l'augmentation du salaire des députés. Ce n'est pas tant.

UNE VOIX: A l'ordre! Fini.

M. LESSARD: .. que nous ne le méritons pas. Je termine, M. le Président...

LE PRESIDENT: Finissez votre phrase. Fi-

nessez. A l'ordre, messieurs! Pour le bénéfice du journal des Débats terminez votre phrase.

M. LESSARD: ... en disant qu'il faudra peut-être, M. le Président, avant de penser à l'augmentation du salaire des députés, se poser des questions...

M. LACROIX: M. le Président... LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LESSARD: ... et apporter des solutions pour revaloriser le rôle du député.

LE PRESIDENT: A l'ordre! UNE VOIX: Vote.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Roberval.

M. Robert Lamontagne

M. LAMONTAGNE: M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion de dire récemment qu'il ne nous appartenait pas, au président comme aux vice-présidents, d'intervenir souvent dans les débats de l'Assemblée nationale.

Cependant, ce soir, je crois qu'il est de mon devoir d'intervenir dans ce débat, compte tenu que plus tôt cette année, à l'occasion de l'étude des crédits de la Commission de l'Assemblée nationale, j'avais porté à l'attention des collègues de l'Assemblée nationale le problème des députés. Il me paraît normal qu'un jour ou l'autre nous soyons appelés à parler du problème des députés qui forment un élément, à mon avis, fort important dans la société québécoise.

A cette commission de l'Assemblée nationale, à peu près tous les partis politiques, à ma souvenance, étaient intervenus pour justement signifier et rappeler à l'Assemblée qu'il était temps de regarder de près le rôle du député au sein de la société. Je tiens à souligner ici aux honorables collègues, parce que le Président ne peut pas le faire lui-même, que c'est à son instigation, à la suite des travaux de la commission, que le comité indépendant formé à la suggestion des partis représentant l'Assemblée nationale a été formé, respectant deux choses qui, à mon avis, sont absolument primordiales.

Premièrement, il est temps plus que jamais qu'une fois pour toutes l'Assemblée nationale du Québec soit appelée à confier à d'autres la question du salaire des députés de l'Assemblée nationale. Je pense que c'est la première chose, le premier critère qu'il faut considérer; plusieurs collègues avant moi sont intervenus pour souligner l'importance de ce fait.

La deuxième chose qui m'est apparue, je pense, comme à tout le monde, c'est qu'il n'y a jamais un bon temps pour parler du salaire des députés. Si c'est au printemps, c'est trop tôt; si c'est à l'automne, c'est trop tard. Il n'y a pas de bonne année, mais pendant ce temps-là, évidemment, le salaire des députés reste le même.

Donc, j'étais personnellement convaincu que ce n'était jamais le bon temps d'en parler, mais qu'il fallait prendre le temps tout de même de le faire. Et la meilleure façon d'en parler était encore de confier la question à des personnes reconnues pour leur objectivité et également leur compétence et leur connaissance du milieu pouvant rendre un rapport objectif. Je pense que nous avons été fort bien servis de ce côté. Egalement, si on avait à choisir un mauvais temps pour présenter un tel débat, je pense que nous ferions l'unanimité pour dire que le temps que nous choisissons est à peu près le plus mauvais temps. En effet, depuis quelques semaines, malheureusement, on a choisi de décrier de différentes façons, à tort ou à raison, le rôle du député. J'eusse espéré pour ma part, depuis les cinq ans — ou presque, que je siège à l'Assemblée nationale, qu'on se soit intéressé de plus près au rôle du député.

Bien sûr, lorsque je m'adresse aux membres de l'Assemblée nationale ce soir, ma seule façon de faire connaître mes paroles, c'est par le journal des Débats ou par les media d'information, qui pourront ou ne pourront pas s'intéresser aux propos que nous tenons.

C'est donc important de faire connaître le député tel qu'il est, avec ses qualités et également ses défauts. Mais le rôle d'un député, sans y mettre un nom, quel qu'il soit, est important au Québec. C'est tout de même vers les députés que nous nous tournons lorsque nous avons des problèmes importants au Québec.

Lorsqu'il arrive une crise dans un secteur donné de notre économie, qui en est le responsable? Ce sont toujours les députés ou le gouvernement dans son ensemble. C'est donc dire que ceux et celles qui forment le gouvernement, les parlementaires, sont appelés à jouer un rôle extrêmement important dans l'avenir et dans le présent du Québec. Ce sont des gens à qui on confie le mandat de participer à l'économie québécoise et voir à son meilleur développement.

Si l'on présente ces hommes, qui sont appelés à s'occuper par exemple d'un budget de plus de $6 milliards, comme des hommes qui une journée sont des voleurs, l'autre journée possèdent à peu près tous les défauts, inconsciemment l'on crée parmi la société québécoise, je ne dirais pas une peur du parlementaire et du député, mais une méfiance qui devient collective.

A la fin d'une année comme nous y serons d'ici quelques jours, il est important de revivre les moments joyeux que nous avons passés cette année, mais également les moments difficiles. Et à titre de parlementaire et pour tous ceux qui, de près ou de loin, s'intéressent à la vie des parlementaires, il est important de faire un tour d'horizon ou un retour sur soi-même pour regarder si on a vraiment montré à la population du Québec le rôle du parlementaire.

Si on essaie de démontrer ses faiblesses,

évidemment les gens, avec raison, penseront que le parlementaire c'est un faible avec tous ses défauts. Si on présente à la fois ses faiblesses et les qualités que doit posséder un parlementaire pour porter une opinion valable au cours d'une étude d'un dossier important ou au cours d'un conflit, c'est différent. Tout à l'heure, ou plus tard au cours des prochains jours, nous serons appelés à parler d'une loi fort importante dans le domaine de la construction; je pense que ceux qui participeront à ce débat devront avoir certaines connaissances de ce milieu.

Pour ma part, je viens d'un comté rural, je ne voudrais pas commencer ce soir: Moi, je suis un député rural, je travaille plus qu'un député urbain. Non. Je parle ici en mon nom personnel et au nom de tous les parlementaires du Québec. Si l'on vient d'un comté urbain, d'autres qualités et préoccupations sont requises dans le milieu donné. Lorsque j'ai choisi pour ma part d'être candidat pour un parti dans un comté rural, je savais fort bien ce que je faisais. Mais je trouve absolument incroyable que l'on accepte que certaines personnes disent: Quand tu t'es présenté député, tu savais quel salaire tu aurais, contentes-t'en maintenant.

Je pense que nos fonctionnaires au gouvernement ou toute personne dans l'industrie privée, évidemment, lorsqu'ils sont engagés savent le salaire qu'ils ont. Mais qui ne veut pas ou n'exige pas, même, un salaire qui s'ajuste aux préoccupations ou même à l'inflation que l'on connaît dans le moment? Je pense que c'est absolument normal. Aujourd'hui, se comparer et à l'un et à l'autre ne respecte pas la réalité parlementaire. On a dit, hier soir, et j'entendais plusieurs collègues en faire mention, que le parlementaire ne peut être comparé à quiconque. Le rapport Bonenfant suggérait de comparer à un fonctionnaire classe IV le parlementaire du Québec, et je pense que c'est avec raison que le projet de loi, qui est actuellement à l'étude, n'a pas retenu cette suggestion.

Le parlementaire, il faut le répéter, c'est important de le faire, n'est pas un homme du neuf heures à cinq heures, n'est pas celui qui a une sécurité d'emploi avec 32 1/2 heures qu'on tente, malgré tout encore, à diminuer. C'est l'homme qui doit être à la disposition de tout le monde dans son comté, et qui, lorsqu'il arrive à Québec, doit également participer, en plus des travaux requis par les citoyens de son comté, à tout ce qui préoccupe l'ensemble des Québécois. Cela demande un bagage de compétence et d'expérience qu'on ne retrouve pas chez la majorité des Québécois. C'est un mandat que, dans le comté de Roberval, plus de 32,000 ou 33,000 électeurs confient à leur député, c'est donc un mandat fort important.

C'est un mandat également fort recherché. On a souligné plus tôt que plus de 400 personnes, à l'occasion des élections d'octobre 1973, avaient tenté de représenter, au mieux de leur capacité, le comté où ils se présentaient. C'est donc dire, à la fois, que c'est une position recherchée pour tous ceux et celles qui désirent de plus en plus au Québec jouer un rôle prépondérant. Mais quand on parle de problèmes au Québec et de l'importance de les résoudre, il y est joint l'importance de trouver les hommes compétents pour le faire.

On a mentionné également que l'ouvrier ne gagne pas le salaire adéquat. Evidemment, le fait de régler les salaires des parlementaires ne règle pas les problèmes du monde entier. Les problèmes des parlementaires sont des problèmes comme plusieurs autres mais je pense qu'il est tout simplement décent, en trois ans, de s'occuper d'un problème qui n'a eu aucune retouche depuis trois ans. Je voudrais m'interroger avec vous tous ce soir, également, pour savoir qui, au cours des trois dernières années, n'a pas vu son salaire modifié de quelque manière que ce soit. Je pense qu'il est normal que l'Assemblée nationale du Québec se préoccupe de ceux qui la forment actuellement.

Si l'on souhaite revaloriser l'Assemblée nationale et les parlementaires qui la composent, il faut d'abord savoir y attirer les hommes qui seront à la fois compétents mais qui n'auront d'autres préoccupations que les travaux de l'Assemblée nationale et du Québec tout entier.

J'aimerais, pour ma part, rappeler peut-être les paroles du député de Beauce-Sud, hier soir, lorsqu'il disait: Pour intervenir dans un débat comme celui-ci, il faut le faire avec beaucoup de franchise, d'honnêteté, d'objectivité. Je me souviens, pour ma part, cela fait déjà quelques années, en 1970, j'étais notaire et j'avais à décider si je me présenterais comme député du comté de Roberval. Me présenter et gagner mes élections, cela représentait pour moi une décision capitale dans ma vie, au bout de quinze ans de pratique, de sacrifices énormes. Ayant laissé le comté de Roberval, j'étais allé m'installer à Chibougamau, dans le Nord-Ouest québécois avec ma famille. Après beaucoup de difficultés, j'avais réussi à devenir le notaire attitré de toutes les compagnies minières du Nord-Ouest québécois, ce qui m'assurait une clientèle excellente, en plus d'avoir un bureau dans le comté de Roberval. Par la suite, en prenant cette décision, au cours du mois de mars 1970, j'ai dû abandonner ce traitement des compagnies minières et abandonner complètement mon bureau de notaire, parce que dans le comté de Roberval, on ne peut être à la fois député et notaire. C'est donc dire que ma décision personnelle impliquait mon avenir et celle de ma famille.

Lorsqu'on m'a expliqué les traitements qu'un député avait à l'Assemblée nationale, évidemment je dois vous dire que mon épouse et mes amis intimes me demandaient ce que j'allais faire là.

Bien, j'avais, comme d'autres et comme vous, sans aucun doute, le goût d'être utile à mes concitoyens et également à ma province. Mais je n'ai jamais pensé que le fait d'être utile aux miens et à l'ensemble des Québécois met-

trait en péril la situation financière de ma famille. C'est avec la bonne volonté que, je pense, vous avez tous de servir vos concitoyens que j'ai accepté de le faire moi-même.

Mais, en même temps, j'ai cru que nous serions traités à l'égal d'autres citoyens du Québec, ni plus, ni moins cependant. J'ai pensé que les traitements connaîtraient des hausses normales, même plus basses que d'autres pour donner un meilleur exemple.

C'est donc dire que je trouve un peu malheureux, vous me permettrez de le dire, M. le Président, que ce débat n'ait pas pu s'inscrire, comme nous l'aurions souhaité, lors de l'étude des crédits de l'Assemblée nationale. Nous avions, à mon avis, fait tous les efforts pour qu'une fois en 100 ans l'Assemblée nationale du Québec ne soit plus appelée à régler les problèmes des députés. Egalement, pour être bien sûr que le sujet ne porterait pas à discussion inutilement, la proposition que l'ensemble des journalistes croyaient raisonnable, le projet de loi la propose même plus basse. Dans certains domaines — je pense à tous les parlementaires ici qui ont un ajustement de salaire, qui était non imposable et qui, aujourd'hui, devient imposable — même si cela paraît une augmentation de salaire, le député en fait ne recevra aucune somme d'argent additionnelle ou presque pas.

A titre d'exemple, comme vice-président, je recevais $2,040 non imposables. En vertu du projet de loi, on augmente cette indemnité que j'ai comme vice-président, mais on la rend imposable, ce qui veut dire que, personnellement, je ne recevrai, pour cette partie d'allocation, aucun bénéfice additionnel. Mais pour la population, si on n'explique pas les faits comme il faut, cela va paraître que je reçois effectivement un montant additionnel. Mais moi, je n'en profiterai pas.

J'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, tant à l'Assemblée nationale que dans mon comté ou dans ma région, de parler du rôle important que jouent les parlementaires au Québec. J'ai souhaité, récemment, à l'occasion d'une conférence de presse au Saguenay-Lac-Saint-Jean, qu'on essaie de mieux faire connaître le parlementaire; non pas le vanter, de lui trouver seulement ses qualités, mais de le présenter exactement comme il est, comme je l'ai dit plus tôt, avec ses faiblesses et également avec ses connaissances et ses capacités.

Je souhaite que ce soit le dernier débat à l'Assemblée nationale sur le salaire des parlementaires. Et si ce projet de loi n'avait que cela comme conséquence, pour ma part, j'en serais pleinement satisfait. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. Marc-André Bédard M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, je sais que ce n'est pas facile de parler d'un sujet comme celui dont nous avons à parler, à savoir l'augmentation de salaire des députés. Je peux vous dire que je suis très à l'aise pour en parler, parce que le travail de député ne représente pas, pour moi, une augmentation de salaire. Je pourrais très bien faire le raisonnement que, gagnant un salaire plus élevé avant d'être élu, ce ne serait que justice d'accepter une augmentation.

On a eu, déjà, à se prononcer sur un sujet qui ressemble pas mal à la situation à laquelle nous avons à faire face présentement, lorsque nous avons eu à décider du bien-fondé de l'augmentation du salaire des juges.

Je suis bien à l'aise, encore une fois, d'en parler, puisque lors de cette discussion sur le salaire des juges, j'avais exprimé l'idée que si j'étais contre l'augmentation du salaire des juges, ce n'était pas dû au fait que j'avais la conviction qu'il ne devait pas être augmenté, mais que je croyais que les circonstances sociales étaient telles qu'on ne pouvait se le permettre décemment.

Egalement, M. le Président, lors de ce débat, je m'étais engagé du point de vue du salaire des députés, puisque, si je me réfère aux notes du journal des Débats du temps, je peux constater — et n'importe qui pourra le constater — que j'avais également formulé l'opinion que si, à ce moment-là, un projet de loi avait demandé l'augmentation du salaire des députés, je m'y serais également opposé, non pas parce que je croyais que les députés n'avait pas un rôle assez astreignant à remplir pour ne pas mériter d'une certaine façon une augmentation de salaire, mais parce que, encore une fois, les conditions sociales étaient telles qu'on pouvait difficilement se l'accorder.

M. le Président, si je suis aujourd'hui contre l'augmentation du salaire des députés, c'est tout simplement non pas pour le plaisir de faire un "filibuster", non pas pour le plaisir de donner suite à une résolution du conseil national de mon parti, mais parce que je crois très sincèrement — remarquez que certains me diront que je me trompe — qu'une augmentation du salaire des députés de l'ordre qui est proposé dans le projet de loi n'est pas acceptable.

UNE VOIX: Ce n'est pas assez?

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, c'est extravagant. C'est aussi simple que cela.

M. le Président, autrement dit, si nous sommes, personnellement, contre l'augmentation du salaire des députés, c'est sérieusement et dans un esprit de logique. Les membres de l'Assemblée nationale, on le sait, ont un privilège qu'aucun groupe de citoyens n'a, à savoir celui de pouvoir se voter eux-mêmes une augmentation de salaire. C'est un redoutable privilège qui amène des avantages, mais qui comporte aussi des responsabilités. Je crois que la population, lorsqu'elle nous élit, lorsqu'elle continue d'accepter que le salaire des députés

soit décidé par l'Assemblée nationale, c'est qu'elle a la conviction que ceux qu'elle a élus n'abuseront pas de ce privilège, mais en useront d'une façon raisonnable et acceptable.

Il est évident que c'est difficile d'être bon juge dans sa propre cause, et c'est ce que nous impose ce projet de loi. Il nous oblige, nous, chacun des députés, à être juge dans notre propre cause, à savoir si, dans les circonstances actuelles, il est normal ou décent de se voter une augmentation telle que celle qui est proposée?

M. le Président, je crois que face à cela il y a une première responsabilité que nous devons avoir, celle de consulter avant de décider dans notre propre cause.

En ce qui nous concerne, nous, du Parti québécois, nous n'avons pas eu peur de consulter les instances de notre parti. D'une part, nous avons consulté l'exécutif national de notre parti; d'autre part, nous n'avons pas hésité une seconde avant de référer — et c'est nous qui avons pris la décision — cette décision finale au conseil national du parti.

Nous savions ou tout au moins nous avions une bonne appréhension de la décision qui pouvait être prise par le conseil national à ce moment-là. Cependant, nous avons consulté. Et, encore une fois, je crois que ceux qui se votent les yeux fermés un salaire sans avoir consulté autour d'eux — remarquez que, s'ils pensent qu'ils ont raison, c'est leur problème — ne suivent pas le cheminement qu'on doit suivre.

Nous n'avons pas eu peur d'aller...

M. LACROIX: Vous êtes en tutelle, comme les gars de la FTQ-construction.

M. BEDARD (Chicoutimi): Le député des Iles-de-la-Madeleine a beau dire ce qu'il voudra; je peux lui dire que dès le début, j'ai toujours été très ferme à l'idée que nous ne devions pas avoir d'augmentation.

M. LESSARD: C'est vrai.

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous m'oubligez à le dire mais je peux vous le dire très sincèrement.

M. LACROIX: J'aime cela hypocrite comme ça.

M. BEDARD (Chicoutimi): Si j'ai exprimé une fausseté, je permets à n'importe qui de mes collègues de l'Opposition, et même je le leur demanderai, de rectifier. C'est à ce point-là. Je peux vous affirmer que cette décision est très personnelle.

M. LACROIX: ... le plus hypocrite.

M. BEDARD (Chicoutimi): Nous n'avons pas eu peur de consulter le conseil national du parti, ce qui veut dire consulter au moins 110 représentants de chacun des comtés du Québec qui, lors d'une discussion très ouverte, ont exprimé leurs opinions. A l'occasion de cette réunion, des opinions dans un sens comme dans l'autre ont pu être exprimées, avec le résultat que ce conseil national s'est prononcé contre l'augmentation du salaire des députés. Mais il aurait dit oui à l'indexation, conditionnelle-ment à des assurances que nous devions'avoir de la part du gouvernement, à savoir que, s'il permettait une indexation pour les députés, à ce moment-là il se devait de permettre la réouverture des conventions collectives pour donner l'occasion aux travailleurs du Québec de pouvoir réclamer eux aussi cette indexation sans être astreints à des grèves illégales, ou à la réclamer d'une façon illégale.

Egalement, le conseil national a posé une autre condition, celle d'obtenir que le salaire minimum soit augmenté. C'est mon opinion personnelle mais je puis vous dire que je suis fier de la décision qui a été prise par le conseil national de mon parti et je suis fier de suivre la recommandation de ce conseil national, de cette instance suprême du parti entre les congrès. Je sais que ça surprend beaucoup les libéraux.

Ils ne peuvent pas comprendre, eux, que des députés puissent respecter et reconnaître surtout qu'il y a, à l'intérieur de leur parti, une instance qui est au-dessus d'eux, même s'ils ont été élus par la population, mais qui leur permet...

M. BOURASSA: Vous êtes les valets.

M. BEDARD (Chicoutimi): Allez-y, si vous voulez faire une remarque, allez-y.

M. LESSARD: On n'est pas les valets de la haute finance.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre! ... A l'ordre! ... A l'ordre! La parole est à l'honorable député de Chicoutimi.

M. LESSARD: Valets de la haute finance.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre!

M. BEDARD (Chicoutimi): J'aime mieux, en tout cas, être le serviteur du conseil national de mon parti que le serviteur de la haute finance, soyez-en sûrs.

M. LESSARD: C'est cela.

M. BEDARD (Chicoutimi): II n'y a pas d'inquiétude de ce côté.

M. LESSARD: Les valets.

UNE VOIX: Le député de Chicoutimi...

M. BEDARD (Chicoutimi): Je sais, M. le Président, que cela surprend les libéraux...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BEDARD (Chicoutimi): ... de voir que des...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre!

M. BEDARD (Chicoutimi): ... députés acceptent de suivre une recommandation faite par une instance de leur parti.

UNE VOIX: Vous êtes bons comme...

M. BEDARD (Chicoutimi): Cela montre, M. le Président, d'une façon très claire que dans le Parti québécois, quand on parle d'une instance, quand on parle de participation et quand on parle d'instance de décision, on n'en parle pas juste pour le plaisir. Ce ne sont pas des conseils nationaux dans le genre du Parti libéral, M. le Président. Ce sont des conseils nationaux qui, d'une certaine façon, peuvent lier, sur des choses raisonnables, les députés qui ont à les représenter ici en cette Chambre.

M. le Président, je le répète, même si les libéraux en cette Chambre ont l'air de murmurer pour rien, je suis fier de la décision qui a été prise par les membres du conseil national du parti parce qu'ils ont tenu compte... Ce n'était pas leur cas qu'ils avaient à juger, c'était le cas d'autres personnes. Nous, nous jugeons notre propre cas et, à ce moment-là, je le répète, nous sommes de mauvais juges au départ, M. le Président. Qu'on ne vienne pas nous dire, comme je l'ai entendu tout à l'heure, que si on augmente le salaire des députés, cela va amener de meilleurs candidats, plus valables pour les prochaines élections. Augmentez-les pour le 1er janvier, est-ce qu'il y en a dans cette Chambre qui sont prêts à donner leur siège à un candidat plus valable qui accepterait de venir siéger à leur place parce que le salaire sera augmenté? Est-ce qu'il y en a...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BEDARD (Chicoutimi): ... qui vont accepter de ne pas se représenter? Est-ce qu'il y a des nouilles qui vont accepter de ne pas se présenter à la prochaine élection, parce que le salaire ayant été augmenté ils ont la possibilité qu'un candidat plus valable puisse...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BEDARD (Chicoutimi): ... se présenter?

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre! ... A l'ordre, s'il vous plaît! ... A l'ordre! Un peu de calme. Un peu de calme, s'il vous plaît! Point de règlement, l'honorable député de Johnson.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, en vertu de notre règlement, il y a des expressions qu'on ne doit pas employer. Quelle est la nouille?

M. LESSARD: Est-ce que c'est antiparlementaire? Précisez-le donc, si c'est antiparlementaire.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): La parole est à l'honorable député de Johnson.

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous participiez...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre, s'il vous plaft! L'honorable député de Johnson.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre!

M. BELLEMARE (Johnson): Cela ne me ferait rien le moyen âge. Insultez-moi, comme vous voudrez, mais cela ne changera pas ma gentilhommerie à l'endroit de tous les députés.

M. LESSARD: Vous êtes bien payé, cela va vous faire oublier cela.

M. BELLEMARE (Johnson): Je n'ai pas besoin de cela, j'ai accepté...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): L'honorable député de Johnson.

M. BELLEMARE (Johnson): ...j'avais $21,000 et j'ai accepté $15,000. Voyons donc, soyez donc raisonnables!

M. LESSARD: Là, cela va vous donner le salaire...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BELLEMARE (Johnson): Voyons donc! Voyons donc! Ce n'est pas pour cela que je me bats, pas du tout. Je dis ce soir qu'on n'a pas le droit d'employer...

M. LESSARD: Ce n'est pas ce que vous avez dit l'autre jour.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre!

M. BELLEMARE (Johnson): Je dis, M. le

Président, qu'on n'a pas le droit d'employer à l'endroit des parlementaires ici l'expression "nouilles". M. le Président, ce n'est pas raisonnable, ce n'est pas parlementaire. Quand bien même vous voudriez m'insulter, cela ne changera pas mon impression.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): La parole est à l'honorable député de Chicoutimi et j'aimerais que l'honorable député s'en tienne à la pertinence du débat. Et surtout...

M. BEDARD (Chicoutimi): Ah! bien écoutez, M. le Président, je ne suis pas d'accord...

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): A l'ordre! ... A l'ordre! ... A l'ordre! Je vous demande de prendre bien note de ce que je vais vous dire, c'est de faire attention aux expressions que vous allez employer. La parole est à l'honorable député de Chicoutimi.

M. LESSARD: Est-ce que c'est de la menace?

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): Autrement, je vais être obligé de vous faire retirer vos paroles.

M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce que vous avez une parole à me faire retirer dans ce que j'ai dit jusqu'à maintenant?

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): Si vous recommencez, je vous le ferai retirer.

M. BEDARD (Chicoutimi): En avez-vous une à me faire retirer jusqu'à maintenant?

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): Je vous dis de continuer et dépêchez-vous pour ne pas écouler votre temps.

M. BEDARD (Chicoutimi): Comment, dépêchez-vous! Je vais prendre le temps que j'ai à ma disposition.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Lafran-ce): L'honorable député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Tantôt on a eu un président qui commence à nous conseiller sur la façon d'intervenir à savoir si on intervient habilement ou pas, là maintenant on va avoir un président qui nous donne des directives sur ce qu'on a à dire. On n'acceptera pas cela.

M. LESSARD: Des présidents libéraux.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, on a, tout à l'heure, fait un tableau de l'importance du député dans la société. Mais oui, il est important le député dans la société.

D'accord, mais cela ne lui donne pas tous les droits. Ce n'est pas parce qu'il a un rôle responsable à remplir qu'il doit, au nom de cette même responsabilité, se permettre de se voter n'importe quelle sorte de salaire, M. le Président. Mais oui, il est important le rôle de député dans la société québécoise, mais il est important aussi le rôle de député dans la société ontarienne, dans la société des dix provinces du Canada, et pourtant, nous nous apercevons que le salaire du député du Québec ne fait pas pitié par rapport à celui des députés des autres provinces du Canada. Au contraire, c'est l'un des plus élevés.

M. le Président, si le gouvernement dit non à l'augmentation du salaire des députés, ce ne sera pas la première fois qu'il dit non à des demandes qui peuvent être justifiées. Je pense que lorsque les travailleurs demandent l'indexation de leurs salaires, c'est une demande justifiée et pourtant on dit non. Je pense que lorsque les personnes âgées demandent à pouvoir au moins recueillir le bénéfice de l'indexation de leur pension de vieillesse, plutôt que de voir cette indexation-là aller à la maison ou à l'institution où ils sont hébergés, je pense que c'est une bonne demande, c'est une demande justifiée. Pourtant le gouvernement dit non. Lorsque les assistés sociaux de Montréal demandent que l'excédent de leur taxe d'eau soit payé par le gouvernement, il me semble que c'est une demande justifiée.

Vous allez me dire, M. le Président, que l'augmentation des députés est justifiée elle aussi, mais même justifiée, je crois, étant donné la situation qu'on doit prendre la responsabilité de dire non à cette augmentation-là même si, dans l'esprit de plusieurs, elle serait justifiée.

Nous avons, comme parlementaires, comme élus de la population, pas seulement des avantages à recueillir, nous avons aussi un exemple à donner. Je pense que cette occasion qui nous est fournie par ce projet de loi est une occasion que ne devraient pas rater les membres de l'Assemblée nationale. Les membres de l'Assemblée nationale ne devraient pas mettre de côté la possibilité de remettre à plus tard cette augmentation de salaire, mais avant de présenter un projet dans ce sens-là, on devrait procéder à une période d'information de la population sur le rôle du député, sur le rôle astreignant, le rôle quand même difficile, le rôle à temps plein, j'en conviens, d'un grand nombre de députés de cette Assemblée nationale.

Ce sujet étant si délicat, à savoir: se voter soi-même une propre augmentation de salaire, il me semble que ce ne doit pas être une décision qu'on prend à la vapeur en profitant des mesures de fin de session. Il ne faut pas se surprendre si la population a toujours l'impression d'une "gang" d'hypocrites qui se votent un salaire. C'est tout simplement qu'on emploie toujours les fins de session pour amener de telles mesures qui, on le sait d'avance, vont être discutées au niveau de la population et qui vont recueillir des protestations.

C'est normal que la population proteste, parce qu'elle n'est pas assez informée sur le rôle du député. On ne peut pas faire grief à la population, qui regarde dans quelle situation elle est, d'avoir un mouvement de protestation vis-à-vis des gens...

M. VEILLEUX: Vingt minutes, M. le Président. C'est assez.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... qui se votent un salaire...

LE PRESIDENT: Finissez votre phrase.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... en donnant l'impression de ne pas avoir réfléchi suffisamment avant de le faire. Merci, M. le Président.

M. BOURASSA: Vote. DES VOIX: Vote.

M. MARCHAND: M. le Président, question de règlement, s'il vous plaît. Celui qui vient de parler a dit: Une bande d'hypocrites qui se votent des salaires.

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, ce n'est pas ça.

M. MARCHAND: Je trouve beaucoup plus hypocrites ceux qui vont prendre le salaire et qui n'osent pas le voter.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président...

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous n'avez qu'à le retirer, votre projet de loi, et nous n'en aurons pas.

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Je rappelle à l'ordre les députés de cette Chambre et j'accorde la parole à l'honorable député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. CHARRON: M. le Président, lors de la période des questions hier matin et dans son discours de deuxième lecture hier après-midi, le premier ministre et le leader du gouvernement m'ont fait l'honneur de référer à une intervention que j'ai faite lors de l'étude de vos crédits, au mois de juin dernier. Evidemment, ce collégien au "scrap-book" qui nous sert de premier ministre a eu bien soin, comme habitude, de se référer à une seule partie de l'intervention.

M. BELLEMARE (Johnson): Un peu de respect.

M. CHARRON: De la même façon, le leader du gouvernement, si je n'étais...

M. MALOUIN: Cela n'a pas de bon sens.

M. CHARRON: ... intervenu lors d'une affirmation catégorique de sa part, se serait contenté de citer certaines affirmations, que je suis prêt à reprendre ce soir, sans aller jusqu'à la fin de mon intervention.

Je profite donc du fait que vous m'avez reconnu, M. le Président, pour reprendre littéralement cette position que j'avais affirmée le 7 juin dernier et qui est actuellement encore la position que je défends à l'Assemblée nationale, sans intervention autre que celle que j'avais déjà exprimée à ce moment.

M. BOURASSA: Cela fait mal.

M. CHARRON: C'est vrai qu'en juin dernier j'avais affirmé que la possibilité de rajustement du salaire des membres de l'Assemblée nationale était à considérer. Je réaffirme ce soir qu'il est encore possible et éventuel de réévaluer le salaire des députés de l'Assemblée nationale.

J'avais dit à ce moment — et je me cite, ce que n'ont pas fait le premier ministre et le leader du gouvernement hier — comparant le salaire des membres de cette Assemblée à ce qui se donne actuellement dans l'industrie privée: Un salaire de $15,000 dans l'industrie actuellement, c'est très souvent un salaire de cadre moyen. Un cadre moindrement supérieur va facilement atteindre $20,000 et les entreprises — c'est plutôt les postes — de direction vont facilement monter à $25,000. Donc, encore une fois pour reprendre les propos du député de Roberval — je pourrais dire la même chose ce soir, puisque j'interviens encore une fois à la suite de l'intervention du député de Roberval — si notre comparaison ne devait tenir qu'à cette échelle les justifications en faveur d'une correction du traitement à la hausse pour les députés pourraient éventuellement être considérées et retenues. Mais là n'est pas la question. Nous ne savons pas sur quels critères évaluer le traitement des individus dans la société capitaliste dans laquelle nous vivons. Devons-nous prendre le critère des heures de travail et de la charge? Devons-nous prendre le critère des responsabilités? Devons-nous prendre comme critère la façon dont on assume des responsabilités, disant que quelqu'un qui assume mal ses responsabilités se verrait retenir son salaire et que quelqu'un qui se dévoue amplement aurait droit à être augmenté? Je disais: "Non. Dans la société libérale dans laquelle nous vivons, il n'y a pas de critère quant au revenu qui soit basé sur l'intelligence, le dévouement, la disponibilité ou même la formation technique. Rien de cela n'a été établi comme critère de revenu" dans notre société. "Dans la société marquée par le profit dans laquelle nous vivons, n'importe qui, s'il a les

quelques qualités suffisantes pour devenir un profiteur — quelqu'un qui fait du profit — peut se retirer avec un revenu supplémentaire alors que des gens tout aussi intelligents mais moins dotés, au départ, de chance vont continuellement demeurer au même niveau de revenu. "Cette absence de critère fondamental dans l'établissement des revenus dans une société capitaliste et cette concurrence ouverte, cet appel "au plus fort la poche" qui a été dénoncé par tellement de gens, à commencer par les gens d'en bas qui en font les frais, des gens comme ceux que je représente à l'Assemblée nationale, que le député de Sainte-Marie représente, que bien d'autres collègues représentent à l'Assemblée nationale, que le premier ministre représente à l'Assemblée nationale. Ces gens-là ils ont fait les frais de cette course effrénée aux profits dont le résultat est un écart de revenu entre le plus gros et plus petit, qui porte en soi une injustice inacceptable".

Je continue, M. le Président, cette intervention du 7 juin dernier. "Si je suis de ce côté de la Chambre, si j'ai opté pour cette position sociale et politique que véhicule le Parti québécois auquel j'ai adhéré, c'est parce que je sentais en lui un engagement à combattre cette injustice, qui est propre à la société libérale, de l'écart des revenus. Cet écart des revenus, les députés du Parti québécois l'ont combattu à chaque occasion. D'abord, nous avons combattu des hausses de ceux qui étaient déjà en haut. Rappelons-nous simplement ce débat sur le salaire des juges, que nous avons eu en décembre dernier". En même temps, nous avons exigé que ceux qui sont en bas remontent vers ceux qui occupent un plus haut niveau et qu'on diminue cet écart d'une société économiquement divisée comme la nôtre, que ce soit par nos propositions, celle faite par le député de Maisonneuve, sur le salaire minimum, en mai dernier, par les remarques que nous avons faites sur l'indexation de l'impôt, qui est toujours refusé par le gouvernement d'en face, par exemple, ou les remarques que nous avons faites, lors de l'étude de la Loi de l'aide sociale, par les remarques encore pertinentes du député de Maisonneuve sur les ajustements nécessaires pour les accidentés du travail et encore pour tous ceux qui dans le simple milieu de travail réussissent à peine à suivre l'évolution du coût de la vie. "C'est aussi important, je dirais, que l'idée d'indépendance du Québec qui est liée au parti que je représente, dans le programme social et économique, cet engagement que nous avons et que les membres de notre parti nous ont donné de combattre par tous les moyens l'écart des revenus, ou tenons-nous en à cela, M. le Président, de ne pas l'augmenter, parce qu'il est à nos yeux source d'inégalités, source d'injustices, source de problèmes et, en quelque sorte, amène des conséquences inhumaines sur la vie de certains de nos concitoyens. "La société dans laquelle nous vivons a pour effet, dans une spirale, d'enrichir les riches et d'appauvrir quotidiennement les pauvres. Si, bien sûr, la classe moyenne obtient une certaine hausse de revenu, elle n'obtient cette hausse qu'après que ceux qui occupent le sommet se sont déjà servi une considérable et substantielle hausse à leur profit, le mot ne peut pas être mieux employé, à l'occasion," vous disais-je le 7 juin dernier, M. le Président. "Quant à cet écart de revenu dans les sociétés, je ne rêve pas en couleurs. Je ne pense pas que ce soit un jour pensable et même souhaitable, pourrais-je aller jusque-là, d'imaginer que tout le monde, dans toute la société, du président de la république jusqu'au travailleur le plus humble et le plus occasionnel, je dirais, reçoive mensuellement, comme on a aimé caricaturer certains régimes à l'occasion, la même paye, soit habillé de la même façon, mange aux mêmes endroits et aient le même niveau de vie. Cela c'est de la folie furieuse". Et ceux qui prétendent que c'est cette version de la société que nous prétendons sont des démagogues. "D'ailleurs il n'y a pas de société au monde qui nous donne un exemple pour nous prouver le contraire; donc partons de cela. Dans une société, quelle qu'elle soit, il existera des écarts de revenu qui seront toujours basés d'ailleurs sur des facteurs impondérables. Jamais, je ne pense qu'une société arrivera à établir ses échelles de revenu selon l'intelligence, par exemple, ou bien selon le dévouement ou selon l'honnêteté. Tous ces facteurs sont absolument en dehors de l'analyse quand on vient à fixer les revenus. Non, la nôtre, la société dans laquelle on vit, quand il vient le temps de fixer ses échelles de revenu, emploie le critère le plus sauvage, je dirais. C'est la force utilisée par la force uniquement et les faibles n'ont de force que le nombre et encore ce nombre-là ne joue-t-il qu'à certaines occasions. "Le seul domaine — c'est peut-être la fin de mon intervention mais je la voudrais la plus précise possible, vous disais-je, M. le Président —dans cette économie libérale où nous vivons, où aucun facteur rationnel ne vient jouer pour expliquer les échelles de revenu... s'il est un régulateur qui doit jouer dans la vie économique de cette société, c'est l'Etat, c'est le pouvoir politique".

Le développement du rôle politique de l'Etat comme régulateur de l'économie, je pense, a marqué le XXème siècle. Même dans les sociétés les plus libérales, et prenons celle de nos voisins du Sud, la plus capitaliste, l'Etat intervient de plus en plus.

Je crois, vous disais-je, le 7 juin, que ce rôle régulateur du politique contre l'économique dans une société, c'est à nous, les premiers, de l'assumer. Le fait que nous avons choisi, nous — personne ne nous a obligés à venir ici ce soir, personne ne nous a forcés à quémander le rôle qu'aujourd'hui on voudrait présenter comme une torture, si on se fie aux descriptions folkloriques et caricaturales du député de John-

son — le fait que nous avons pris soin, nous, d'intervenir dans le domaine politique pour transformer cette société, plutôt que de nous diriger dans le champ économique, devrait avoir sur nous tous les conséquences du rôle que nous avons à sssumer.

Le seul pouvoir qui puisse, aujourd'hui, contrer les effets, je dirais, naturels du système économique que nous avons, c'est-à-dire l'écart dans l'échelle des revenus, c'est le pouvoir politique. C'est ici que cela doit commencer, vous disais-je le 7 juin. Par une déclaration de principe des députés de l'Assemblée nationale, comme quoi nous refusons d'allonger inutilement cette échelle de revenus et d'augmenter l'écart entre les classes sociales, que ce soit d'ici que cela parte et que, par la suite, cela se réflète dans les lois que nous voterons, que plus jamais ne réapparaissent, une fois que nous aurons pris cet engagement de principe, des lois qui viendront, encore une fois, augmenter le salaire des privilégiés, qui permettront, encore une fois, par des exemptions fiscales, que certains gros dirigeants d'entreprises remplissent leurs poches et que certaines grosses compagnies pétrolières évitent par exemple les rigueurs du fisc.

Que le premier engagement que nous prendrions soit en même temps un engagement que nous irons annoncer dans tout le Québec. Que l'Assemblée nationale s'engage, je ne dis pas à combattre, le mot serait peut-être encore trop fort pour les députés d'en face, mais au moins à ne plus favoriser les écarts de revenus entre les citoyens.

M. BOURASSA: Avec l'indexation?

M. CHARRON: Encore une fois, sans viser le modèle complètement égalitaire, je crois — et je vous disais ceci le 7 juin — que si nous devions avoir un jour un débat sur un projet de loi que le gouvernement se déciderait à apporter, c'est dans ces termes aussi précis que ceux que j'ai employés ce matin que nous devrions l'aborder.

Je n'interviens pas de cette façon, vous le voyez, parce que le conseil national du Parti québécois a réitéré en fin de semaine dernière une position que je vous énonçais le 7 juin dernier. Si j'interviens ici, ma conduite n'est dictée par personne d'autre que ceux qui m'ont élu et qui exigent de l'Assemblée nationale une conduite exemplaire dans cette période d'inflation. Qu'est-il intervenu? Qu'est-il arrivé depuis le 7 juin où je m'adressais à vous dans les termes que je viens de citer?

Il est arrivé que l'inflation a continué à galoper, avec le sourire béat et le contentement de tous ceux qui dirigent le gouvernement québécois actuellement. Il y a eu...,

M. BOURASSA: On n'est pas content!

M. CHARRON: ... à moult reprises, le refus d'indexer l'impôt des citoyens. Toutes les suggestions de l'Opposition pour combattre l'inflation ont été refusées par le gouvernement, mais c'est aujourd'hui que les paroles que je vous disais le 7 juin dernier ont encore plus de poids. Non seulement a-t-on refusé cette proposition que nous avons faite maintes fois et qui est conditionnelle, à notre avis, avant que nous envisagions tout réajustement de salaire des députés, a cette ouverture des conventions collectives, qui en ont encore pour au moins un an à exister et dans lesquelles sont enfermés des travailleurs, véritable provocation à des grèves illégales, eux qui doivent subir sans protection la hausse du coût de la vie.

Nous avons aujourd'hui, sans que les correctifs à l'endroit de nos plus faibles concitoyens aient été soumis, non seulement un dépôt de projet de loi qui a oublié ces concitoyens mais qui exagère en même temps. Car on a beau présenter le projet de loi comme un seul rattrapage, c'est inexact. $21,000 au 1er avril 1974, selon les termes du projet de loi, ce n'est pas un rattrapage. C'est une augmentation de $3,000 qui aurait été un rattrapage.

Puis-je vous signaler certaines des propositions carrément inacceptables dans ce projet de loi qui font que, non seulement il arrive après que le gouvernement eut été symbolisé par son inaction devant l'inflation, non seulement arrive-t-il comme une provocation sociale mais il contient des dispositions absolument dégoûtantes et dégueulasses, M. le Président.

Si le règlement me le permettait, je pourrais vous référer à l'article 8 du projet de loi que nous sommes à discuter. Voyez-vous cette disposition, M. le Président, qui n'a sans doute pas échappé à l'attention de quelques-uns de mes collègues et qui a certainement contribué à leur évaluation du projet de loi? Non seulement dit-on que les chefs de partis reconnus à l'Assemblée nationale recevront maintenant une allocation supplémentaire de $9,450, en plus des $8,000 d'augmentation de salaire et des $4,000 de rétroactivité, M. le Président, mais, on la verse aux chefs — écoutez ceci — de partis qui ont été reconnus sous la présente Législature ou "lors de la Législature précédente", M. le Président.

Quelle est la justification, aujourd'hui, de leur accorder un statut privilégié sinon celle de vouloir sauver des partis qui ont littéralement été balayés de la carte? Quelle est la justification? Quel ministre me fournira la justification de vouloir sauver la face à trois députés qui sont ici les vestiges de partis politiques disparus, qui ne sont pas des partis reconnus? Où est la justification d'accorder au député de Rouyn-Noranda, au député de Johnson, en plus des $8,000 d'augmentation que tous les députés auront, en plus des $4,000 que tous les députés auront de rétroactivité, une allocation supplémentaire parce qu'ils étaient des partis reconnus lors de la précédente Législature? C'est honteux! C'est de l'achat public, face à tout le monde, M. le Président! Le député de Rouyn-Noranda et le député de Johnson se sont bien gardés d'intervenir dans ce domaine.

Que penser de cette autre disposition qui

touche les leaders des partis anciennement reconnus, comme s'il n'y avait pas eu de décision de la population, le 29 octobre 1973, comme si la population n'avait pas dit qu'il fallait limiter à leur plus simple expression ces vestiges politiques du 19e siècle, comme si le peuple ne s'était pas prononcé, à un moment donné. On décide de maintenir au leader d'un ancien parti reconnu une allocation de .40 de l'indemnité, ce qui signifie $8,400, M. le Président. Pour nos honorables collègues de l'Opposition, c'est toute une somme qui se trouve en jeu derrière ce projet de loi.

Et c'est cela, aujourd'hui, qu'on veut présenter comme une justification, à cause de la charge énorme de travail? Le député de Johnson, hier, qui voulait nous émouvoir et nous ébranler sur la charge du député, ne nous a pas signalé comment il s'était intéressé au paragraphe 3 de l'article 8 du projet de loi, M. le Président. Lui qui disait la difficulté des hommes publics d'être constamment attaqués, d'être des cibles dans leur conduite, il ne nous a pas dit comment il était entré à l'Assemblée nationale, M. le Président. Les députés libéraux, qui l'acclamaient parce qu'il venait à leur rescousse, ne nous ont pas rappelé la campagne électorale de Johnson, contre qui le député de Johnson a fait sa campagne et en quels termes il a fait cette campagne. Ce collègue que vous avez perdu, le député de Johnson ne l'a pas ménagé et il était député, le Boutin en question, au moment de l'élection.

M. le Président, tous ces appels folkloriques du passé, toute cette démagogie qu'on fait autour du rôle du député ne peuvent pas faire ignorer que nous sommes vraiment des privilégiés dans cette société. Personne ne nous a forcés à aller en politique. Chaque fois que j'ai entendu des députés dire: Je ne vois pas ma famille, je ne vois pas ma femme, j'élève mes enfants par téléphone, M. le Président, jamais...

M. HARDY: Ce n'est pas un problème pour vous, n'est-ce pas?

M. CHARRON: Personne n'a forcé quiconque à entrer en politique. Nous y sommes allés parce que nous avions la conviction que nous avions quelque chose à y faire.

Je suis d'accord, M. le Président...

M. LEVESQUE: Une question de privilège. Le député de Saint-Jacques pourrait-il en rester à la pertinence du débat ou, au moins, à la pertinence de ce qui le regarde personnellement?

DES VOIX: Ha! Ha!

M. CHARRON: Est-ce que je peux vous demander, à moins que vous ne soyez un hypocrite, de me donner la même latitude que vous avez accordée en vous bidonnant, hier soir, au...

M. BELLEMARE (Rosemont): Question de règlement.

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! ... A l'ordre!

Question de règlement, l'honorable député de Rosemont.

M. BELLEMARE (Rosemont): Un point de règlement.

M. LEVESQUE: Je veux simplement répondre à la question — un instant, s'il vous plaît — du député de Saint-Jacques. Je suis bien prêt à lui laisser de la latitude et nous écoutions avec grand intérêt son intervention, mais...

UNE VOIX: Un bon "show"!

M. LEVESQUE: ... lorsqu'il a commencé à parler des charges de famille, des femmes, des enfants et de tout cela, j'ai dit: Laissez donc cela aux autres.

DES VOIX: Ha!

M. CHARRON: Mais, M. le Président...

M. BELLEMARE (Rosemont): Point de règlement, M. le Président.

Je demanderais à l'honorable député de Saint-Jacques de retirer le mot "hypocrite" qu'il a prononcé.

M. BURNS: M. le Président, c'est une question qui a été posée: Est-ce que nous serions des hypocrites?

M. SAINT-PIERRE: C'est la façon du PQ.

M. HARDY: Cela démontre qui vous en êtes quand vous utilisez cette formule.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

M. BELLEMARE (Rosemont): Je demande encore une fois au député de Saint-Jacques de retirer le mot "hypocrite".

LE PRESIDENT: Excusez-moi...

M. CHARRON: Je le retire de moi-même parce que, surtout à l'égard du député de Bonaventure, je n'aime pas l'employer. A l'égard du député de Rosemont, je ne l'aurais pas retiré.

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plait. A l'ordre! A l'ordre, messieurs! Un instant. Un instant s'il vous plaît, tout le monde, un peu de calme. Je pense que je ne l'aurais pas fait retirer parce que lorsque vous l'avez prononcé au départ, il ne s'adressait pas à un député en particulier. J'ai bien apprécié que vous disiez

qu'il ne s'adressait pas à l'honorable député de Bonaventure, leader du gouvernement. Mais j'ai maintenant des craintes lorsque vous l'adressez à l'un de vos collègues et je vous demanderais d'avoir la même gentillesse que tout à l'heure et de le retirer une deuxième fois.

M. CHARRON: Bien sûr, M. le Président, bien sûr.

LE PRESIDENT: D'accord. Maintenant, je vous préviens, votre temps étant écoulé, je suis prêt à vous accorder encore une minute.

M. CHARRON: Bien, M. le Président.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

M. CHARRON: Le show, $9,450...

LE PRESIDENT: A l'ordre! Ne provoquez personne. A l'ordre, messieurs!

M. CHARRON: Si vous me permettez. LE PRESIDENT: Soixante secondes.

M. CHARRON: Nous sommes demeurés sur cette position que je vous énonçais le 7 juin dernier. Nous considérons toujours possible de réévaluer et de rajuster le salaire des députés parce que moi aussi, comme mes collègues vous l'ont énoncé, je considère improbable de continuer avec le revenu actuel jusqu'à la fin de notre mandat, prévisible en 1977.

La position du Parti québécois est aujourd'hui ce qu'elle était le 7 juin lorsque je vous l'ai annoncée. Envisageons des correctifs. Je vous mentionnais, à ce moment-là, la charge des bureaux de comté qui nous paraissait excessive par rapport à l'allocation; je peux y revenir. Mais nous disons toujours, en vertu de cette position que la place privilégiée que nous occupons dans la société nous donne des obligations que nous ne pouvons pas refuser du revers de la main.

Merci, M. le Président.

DES VOIX: Vote...

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Transports.

M. Raymond Mailloux

M. MAILLOUX: M. le Président, je vous avouerai bien franchement qu'en date du 21 décembre, ce n'est pas de gaieté de coeur que j'interviens dans ce débat et ce n'est pas mon intention de revenir sur les sujets dont a parlé mon collègue le ministre de l'Industrie et du Commerce sur l'argumentation qu'a également apportée le leader parlementaire.

Si je dis que je n'aime pas parler en date du 21 décembre, c'est que je suis de ceux qui, dans le Parlement, depuis 13 ans, ont toujours contesté le fait que les Parlements soient obligés de siéger après le 15 décembre parce que l'on sent davantage à ce moment-là combien le parlementaire est coupé de sa famille, des joies familiales dans une période de l'année où chacun devrait s'y retremper un peu.

Je suis peut-être l'aîné du conseil des ministres et, à mon arrivée en cette Chambre, il y avait un parlementaire qui fut élu, au même moment, l'honorable député de Montmagny, M. Jean-Paul Cloutier. Je me suis toujours efforcé d'imiter ce parlementaire qui, à travers les injures des deux côtés de la Chambre, est toujours resté l'homme digne qu'on a rencontré. Je pense que dans le climat d'invectives que l'on connaît présentement, à cette période qui s'en vient, il serait peut-être sage que les parlementaires fassent un examen de conscience et se demandent si le langage dont ils se servent à l'endroit les uns des autres est un langage qui convient à des parlementaires.

Je représente un comté qui est peut-être le plus poli du Québec et je m'en serais toujours voulu d'apporter ici en cette Chambre un langage que mes concitoyens m'auraient, par la suite, reproché.

Mon prédécesseur en cette Chambre, le docteur Arthur Leclerc, je pense, avait été également un digne représentant de Charlevoix et s'identifiait bien à notre population.

Dans le débat qui nous anime actuellement, qui veut que les parlementaires se votent eux-mêmes des augmentations de salaire, je vous dirai honnêtement et le plus franchement du monde que je serai toujours prêt à défendre devant mes commettants l'augmentation qui est, actuellement, sollicitée de la Chambre. Je crois avoir toujours et en continuité répondu à l'appel de mes électeurs, non pas seulement par instant mais à chacun des moments où les plus démunis dont parle tellement le Parti québécois, les assistés sociaux et les classes les plus démunies de la société, paradent à longueur de journée dans nos bureaux. Je n'ai aucune honte d'exiger le salaire qui convient à la responsabilité qui est celle d'un législateur qui, en Chambre, dans son comté, dans les tâches qui lui sont confiées, se doit au moins d'avoir le nécessaire pour éviter toutes les tentations dont un politicien peut être victime. Jamais un concitoyen ne m'a reproché d'exiger un salaire valable.

M. le Président, je parle à bâtons rompus; peut-être que mes propos ne se suivront pas mais ils viennent du fond du coeur. Je me rappelle qu'à mon élection en 1962 j'étais dans le commerce, j'avais une agence d'assurance. J'avais fait la promesse formelle à mes électeurs que sans cesse, tant qu'ils me donneraient leur confiance, je m'efforcerais, au meilleur de moi-même, avec la relativité de mes moyens, de défendre les intérêts de Charlevoix. Et je pense que, par la suite, le vote qui m'a été donné, de

600 voix, de 1,200 voix, de 2,500, de 10,000, l'a prouvé largement. A travers les cinq ou six augmentations de salaire que nous avons obtenues, jamais personne ne m'a reproché d'exiger pour le travail que je donnais un salaire convenable pour ma famille.

M. le Président, je disais qu'à mon arrivée en politique, en 1962, avec le salaire de $8,000 que nous gagnions, il n'était pas possible de faire vivre une famille. Et je rappelle un peu à la mémoire de mes collègues, tels le député de Johnson, le député de Bonaventure, les conditions qui nous étaient faites dans les quatre premières années, alors que chaque député rural, dans son comté, se devait d'appeler à Québec à longueur de journée. On s'est ramassé, après trois ans, avec $5,000 de frais d'interurbains qu'il nous a fallu rembourser. C'étaient les conditions qui nous étaient faites à ce moment-là. Ce n'est pas Jean Lesage qui nous a remboursé; c'est Daniel Johnson, à son arrivée au pouvoir, et celui qui est ici, le député de Johnson, qui ont fait le nécessaire dans le but de donner un traitement convenable aux députés. A ce moment-là, j'avais dû vendre un chalet que j'avais bâti à la force de mes bras, j'avais dû vendre une agence d'assurance pour tâcher de faire vivre ma famille. C'étaient les conditions d'alors.

Et vous pensez que, par la suite, je me serais gêné d'exiger du Parlement qu'on puisse au moins me donner les moyens de faire vivre ma famille? Jamais je n'ai été gêné, M. le Président, d'obtenir, de demander et de signer la déclaration qu'on nous fait faire. Et quand tantôt j'ai signé ma déclaration pour retirer mes chèques de paye, j'ai marqué zéro d'absence. Chacun qui signe, s'il était dans cette position, aucun reproche ne lui serait fait nulle part dans la population.

M. le Président, quelqu'un a fait référence hier soir au travail occasionnel que chacun de nous a à faire dans cette Assemblée. Rares sont les parlementaires, dans l'avenir, tel le député de Johnson, tel le député de Bonaventure ou le député de Charlevoix, qui réussiront à passer à travers d'une élection à l'autre et à obtenir une pension qui permettra que le temps qu'ils ont passé dans la vie publique puisse leur assurer au moins un revenu convenable pour se retremper ou continuer leurs activités. J'ai fait, avant cette présente session, un court voyage à Miami pour refaire mes forces, neuf jours. En débarquant à l'aéroport de Miami, j'ai retracé une personne à l'aéroport, peut-être mal habillée, un travailleur qui forcément doit peiner pour gagner sa vie. Et j'ai retracé quelqu'un qu'on a bien connu ici pendant quatre ans. On disait souvent : On veut Audet. J'ai retracé l'ex-député d'Abitibi-Ouest à l'aéroport, méconnaissable, démuni. C'est le sort des politiciens avec des familles qui, dans un courant comme celui qui a balayé la province la dernière fois, ne comptant pas les valeurs, a renversé n'importe qui.

Je disais, hier, au député de Rouyn-Noranda, le conseil que j'avais donné à ce moment-là à M. Audet: Aussi démuni que vous l'êtes, ne vous gênez pas de venir au gouvernement pour tâcher d'exiger de l'aide de la politique à laquelle vous avez donné le meilleur de vous-même. Avec la relativité des moyens qu'on connaissait du député Audet, quand on connaît le sort qui est fait à ceux qui sont rejetés immédiatement, on doit exiger que celui qui va dans la politique, mais qui y va avec le meilleur de lui-même, ait au moins le nécessaire pour faire face à ses obligations.

M. le Président, je n'ai pas l'habitude de faire de personnalité dans cette Chambre. Je vous avertis d'avance, M. le Président, que les paroles que je vais prononcer seront peut-être dures. Elles ne s'adressent pas à des membres en particulier du Parti québécois, elles s'adressent à la collectivité du Parti que vous représentez. L'attitude que prend actuellement le Parti québécois en associant l'augmentation des députés québécois à l'impossibilité qu'a le gouvernement d'augmenter, autant que le voudrait l'administration, le sort des assistés sociaux et des démunis de la société, je dis, moi, au Parti québécois, que c'est la plus basse démagogie qu'on peut faire et le pire électoralisme.

M. le Président, dans le cours des mois derniers, il m'a été donné de marier la dernière de mes filles. Elle avait sept ans quand je suis entré en politique. Elle s'est mariée à dix-neuf ans. Elle avait affronté, comme bien d'autres enfants de politiciens, les réflexions qui sont faites dans tous les collèges du Québec sur les hommes publics. C'est celle-là de ma famille qui m'a le plus questionné depuis quelques années sur toutes les attaques que l'on fait sur les hommes publics dans les journaux, partout. A longueur de fin de semaine, chaque fois que j'arrivais à la maison, questions sans arrêt. Pourquoi? Pourquoi? Après le mariage, en soirée, en revenant dans ma chambre, elle avait laissé un message qu'elle n'avait pas osé me laisser dans la journée. Dans le message il était dit ceci: "J'espère que mon époux, mon futur époux, réussira à atteindre les sommets que mon père à atteints, ce fut un idéal pour moi". Mais, plus loin c'était indiqué dans la lettre, ceci: "Ce que je regrette davantage, c'est que ce père soit un inconnu pour moi". Un inconnu pour moi! Toutes les femmes des députés, qui ne demeurent pas précisément dans la ville de Québec, ou dans la banlieue, elles ont à affronter seules...

M. BELLEMARE (Johnson): C'est vrai!

M. MAILLOUX: ... toutes les difficultés qui arrivent dans la maison. Et nos enfants ne sont pas exempts des accidents, ne sont pas exempts de la maladie. Cela m'est arrivé dans mon cas des fils qui ont laissé la classe parce que le père n'était pas en mesure de donner les

directives; le dernier qui n'est pas marié, qui reprend la classe après deux ans de chômage, d'assurance-chômage. C'est le lot des politiciens, ça.

M. le Président, en terminant, je peux vous dire ceci. L'augmentation qui est demandée par les parlementaires, je n'ai pas de honte, moi, à ce qu'un député soit payé le salaire qui est exigé. La semaine dernière, on m'a demandé, comme ministre des Transports, comme ministre des Travaux publics, de verser, à compter du 1er janvier, à des secrétaires, qui sont des permanents ceux-là jusqu'à 65 ans — et je ne leur en fait pas grief — $21, $22 et $23,000, ils n'auront jamais la responsabilité d'un député qui voudra faire son ouvrage dans un comté électoral.

En terminant, M. le Président, je ferai peut-être un grief à l'endroit de certains des membres du parti ministériel, cela pourrait s'adresser à eux, peut-être, si c'était 50-50 dans cette Chambre, mais actuellement je sais que des députés désoeuvrés ne sont pas intéressés à être trop souvent à leur siège.

Il ressort que tout député qui est absent de la Chambre ne fait pas son devoir. J'imagine qu'un député qui est en liberté à compter du vendredi midi jusqu'au lundi soir et qui ne se représente pas en Chambre, pour toute journée supplémentaire à une journée, où il ne serait pas ici, devrait être pénalisé, mais pénalisé au complet. Cela suppose qu'une telle pénalité ne soit pas absoute par une résolution de dernière instance, à la fin de la session. Cela suppose ça.

M. le Président, c'étaient quelques paroles à bâtons rompus. Je dis en terminant que, quel que soit le salaire que vous vous voterez vous-mêmes, il y aura un juge et ce juge, il revient souvent, à chaque élection, ce sont les électeurs. Ce n'est pas toujours un courant qui fait élire les gens; c'est le résultat et le rendement que le gars a donné.

M. LACROIX: Est-ce que le député de Saint-Jacques a quelque chose à ajouter?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! Est-ce que la Chambre est prête à se prononcer sur la deuxième lecture du bill 87?

DES VOIX: Vote.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, j'aurais quelques mots à dire. Je dois dire que je suis très heureux, même si ce n'était pas prévu ainsi, d'avoir à parler immédiatement après le ministre des Transports, qui est sans aucun doute — et je n'ai aucune crainte de le dire — l'un des ministres que j'estime dans ce gouvernement et qui, sans doute, devrait être un exemple pour les autres ministres de ce cabinet et devrait peut-être servir de portrait-robot au premier ministre en vue de son remaniement ministériel qui doit venir.

Ce que le ministre des Transports nous a dit et qui m'a particulièrement touché — et que je reconnais — c'est le problème que la situation parlementaire actuelle pose au député. Je n'avais aucunement l'intention d'en parler, mais puisque le ministre en a parlé, je pense que je vais m'attarder pendant quelques minutes sur ce sujet.

Le ministre des Transports a dit — je l'endosse entièrement là-dessus — que le parlementaire, dans la situation actuelle, est une personne qui est coupée de sa famille. Et c'est assez fantastique qu'on soit capable d'en parler à ce moment. Mais j'aimerais ne pas laisser passer cette occasion d'imposer à qui de droit la responsabilité de ça.

M. BOURASSA: Adoptez le projet de loi.

M. BURNS: Ne faites pas de farces avec ça, M. le premier ministre; vous êtes le premier responsable! Par votre inertie ...

M. BOURASSA: Qui bloque l'adoption du projet de loi?

M. BURNS: ... par vos petites tactiques de fin de session, vous êtes le premier responsable de la situation qui vient d'être décrite par le ministre des Transports. D'accord?

M. BOURASSA: Vos "filibusters" à part ça?

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: M. le Président, je pense qu'il est essentiel de dire que je suis entièrement d'accord sur cette partie du discours du député de Charlevoix, ministre des Transports. J'ai été de ceux — vous le savez — qui, lors de l'étude de la réforme de nos règlements, de ce qu'on appelle maintenant le code Lavoie — qui disaient... Je ne nommerai pas les autres participants à cette réunion, parce que, peut-être, ils ont changé d'idée depuis.

Il y en a d'autres qui sont ici présents dans cette Chambre et qui partageaient mon idée, tant du côté ministériel, et je dirais même parmi des ministres actuels, que parmi des membres de l'Opposition d'autres partis qui ont dit au gouvernement: II est temps que des conditions de travail normales soient données aux députés. La façon simple, M. le Président, que nous suggérions, vous vous en souviendrez, c'était simplement d'avoir des sessions à date fixe. C'était simplement de commencer des sessions à certaine période, pour les finir à telle autre période. Mais il y avait aussi un autre volet à cela. L'autre volet — et c'est là que le premier ministre devrait se sentir visé et ne devrait surtout pas me faire des balivernes pendant que je dis des choses sérieuses — je vous parle de la

même façon que le ministre des Transports, je vous parle simplement de quelque chose que je ressens depuis bientôt cinq ans à cette Assemblée nationale, c'est la façon absolument stupi-de et aberrante dont votre gouvernement mène ses sessions.

Si le ministre des Transports dit qu'il est absolument incompréhensible qu'une catégorie de citoyens qui s'appellent des députés — d'accord, comme le dit le député de Saint-Jacques— qui ont voulu être élus, parce qu'ils se sont présentés se fassent faire des conditions de travail absolument impossibles, j'endosse ce que dit le ministre des Transports. Mais à qui la faute, M. le Président? A qui la faute? Le premier ministre, blagueur, nous dit: Réglez, adoptez le projet de loi puis cela va être fini. Bien non ! Imaginez-vous donc que ce n'est pas notre rôle de faire cela. Ce n'est pas notre rôle de nous plier en dessous des tapis. Ce n'est pas notre rôle de nous plier devant tous les petits désirs du gouvernement. Nous n'avons aucun désir de le faire et nous avons surtout la volonté de faire exactement le contraire, soit ce que nous envisageons comme étant notre devoir. Notre devoir, en l'occurrence, c'est de rappeler aux députés ministériels qui vont sans aucun doute, après toutes les conversations que j'ai eues avec le premier ministre et le leader du gouvernement, qui vont, sans aucun doute, j'en suis convaincu, l'adopter ce projet de loi, qui vont nous le forcer dans la gorge, oui, oui.

M. BOURASSA: Cela vous tente aussi. Vous avez hâte qu'on l'adopte, dans le fond.

LE PRESIDENT: A l'ordre! messieurs, s'il vous plaît.

M. BURNS: Ne faites pas de farce avec des affaires sérieuses. Vous savez que je parle d'une affaire sérieuse... qui vont nous imposer, avec leur majorité, ce projet de loi. Je suis le dernier de l'Opposition officielle qui a droit de parole. C'est évident qu'une fois que mon temps sera écoulé, il y aura un vote, il y aura une deuxième lecture. Peu importe la façon selon laquelle nous voterons, je suis convaincu que de l'autre côté, malgré tout le sérieux avec lequel mes collègues et moi-même avons tenté de vous poser le problème, vous n'avez rien entendu. Je dis cela tout en admettant que tout ce que le ministre des Transports a dit est parfaitement vrai. Tout ce qu'il a dit est parfaitement vrai.

M. BOURASSA: La basse démagogie du Parti québécois comprise.

M. BURNS: M. le Président, je dois dire ceci, sauf cet aspect que j'avais oublié, parce que je ne trouvais pas que c'était un aspect essentiel de son discours. Mais quant au reste, c'est-à-dire le fond de son intervention, je trouve, personnellement, que j'aurais pu très bien le dire. Je trouve aussi que pendant qu'on s'apitoie sur le sort des députés, pendant qu'on s'apitoie sur cette situation absolument impossible qui, je l'admets est faite aux députés, mais grâce à qui, grâce à l'incurie du gouvernement, cela peut-être le ministre des Transports aurait dû le dire. Au lieu de préparer les sessions de cette façon, on devrait dire: Cette session-ci il y aura des projets de loi litigieux de telle, telle et telle nature, et on les présente à des périodes normales, plutôt que de les présenter en fin de session, et on est dans un projet de loi qui est le plus bel exemple de cette attitude gouvernementale. Puis, je n'ai qu'à retourner à toutes les fins de session que j'ai connues à cette Assemblée-ci et cela a toujours été ainsi.

Ce n'est pas le ministre des Transports que j'attaque là-dessus mais c'est le premier ministre, qui, lui, devrait agir comme chef du gouvernement...

M. BOURASSA: ...

M. BURNS: ... et enfin, pour une fois, montrer que c'est lui qui est le chef de ce gouvernement et non pas des intérêts extérieurs à ce gouvernement qui disent à quel moment tel projet de loi doit être déposé, de quelle façon on va l'enfoncer dans la gorge de l'Opposition et avec quelle tactique on va réussir à user l'Opposition, si peu nombreuse soit-elle.

Je n'ai qu'à vous citer des exemples. Le plus proche qu'on a, c'est le projet de loi no 22. A quel moment nous l'a-t-on amené celui-là? On nous l'a amené en fin de session. On s'est dit: l'Opposition va se tanner. L'Opposition va lâcher. Quand a-t-on amené le projet de loi no 50, la Loi de développement de la baie James? On a amené ça au mois de juin, M. le Président, en fin de session.

M. BOURASSA: En juillet.

M. BURNS: Cela nous a permis de terminer à la fête...

M. BOURASSA: C'était en juillet. UNE VOIX: Le 14.

M. BURNS: ... du premier ministre. Je ne sais pas si c'était son but. Mais, pendant ce temps, on imposait aux députés les conditions impossibles que décrivait le ministre des Transports tout à l'heure. Qui les imposait? C'est l'absence de décision et surtout l'absence d'éthique parlementaire de ce gouvernement, qui, quand il a un problème particulier, qu'il sait d'avance litigieux, attend une fin de session pour l'amener, pour écoeurer tout le monde. Et, ce que je trouve plus grave, le premier ministre ne semble pas s'en rendre compte, il écoeure aussi ses propres députés.

Ce ne sont pas seulement les membres de l'Opposition qui sont écoeurés par ça. Nous, on n'a qu'à le subir. Les autres se font passer ça

devant les yeux en faisant semblant d'être d'accord, ce qui est encore pire et encore plus frustrant.

Si nous nous opposons au projet de loi — et je n'ai pas à répéter tout ce qu'a dit le député de Saint-Jacques à ce sujet — c'est pour toutes les raisons que nous vous avons mentionnées lorsque nous avons formulé notre motion de reporter le projet de loi à six mois. C'est parce qu'on a dit: Peut-être le gouvernement aura-t-il la décence — après avoir admis tout ce que le député de Charlevoix, le ministre des Transports, a dit— de dire que, lorsqu'il y aura des choses à changer dans la société à cause de l'augmentation du coût de la vie, on ne soit pas les premiers à le faire, on ne soit même pas les deuxièmes ou les troisièmes à le faire, quand il en reste dix, quinze et vingt encore.

Parce que ce qu'il y a d'indécent dans le projet de loi actuel, c'est que c'est nous, en tant que législateurs — c'est là-dessus que je disais tout à l'heure que, malheureusement, du côté ministériel, on n'a peut-être pas écouté nos arguments. Du côté ministériel, on devrait être gêné de présenter ce projet de loi, non seulement de le présenter mais de le faire en fin de session, parce qu'on fait d'une pierre deux coups, du côté ministériel. On amène le projet de loi, on règle un problème qu'on sait qui n'est pas le véritable problème au Québec, actuellement, au point de vue de l'érosion du pouvoir d'achat. Et, deuxièmement, on dit: Cela a des chances de passer dans le temps des Fêtes et d'écoeurer tout le monde et cela a des chances de passer vite.

Bien, je vous dis que cela ne passera pas vite. Cela va être bien long.

M. BOURASSA: D'accord, on va être ici.

M. BURNS: Et, en ce qui nous concerne, on vous l'annonce, j'espère que vous vous en doutiez que vous êtes actuellement enlignés dans un "filibuster", dans une obstruction systématique et nous allons tout faire pour bloquer le projet de loi. Savez-vous pourquoi?

M. BOURASSA: La plus basse démagogie.

M. BURNS: Pas à cause de la plus basse démagogie. C'est parce que vous ne semblez pas comprendre, actuellement, qu'il est indécent qu'on soit les premiers à se servir, nous qui avons le pouvoir de décider, les seuls dans la société québécoise...

M. MERCIER: Le grand pur!

M. BURNS: ... qui ont le pouvoir de décider de leur salaire.

Je trouve cela indécent, M. le Président.

Je suis prêt à dire et à répéter ce que le député de Saint-Jacques a dit ce soir, ce que moi j'ai dit également, ce que le premier ministre nous a cité partiellement en se bidonnant au début de ce débat, ce que le leader parlementaire du gouvernement nous a cité en se bidonnant également. Nous avons dit, le député de Saint-Jacques et moi, au moment de l'étude des crédits de l'Assemblée nationale, que c'est un fait que le salaire des députés avait perdu de son pouvoir d'achat, que c'est un fait que ce salaire, tôt ou tard, devrait être rajusté. On ne retire rien de ce qu'on a dit, rien du tout. Mais nous vous disons — et je n'ai pas besoin d'élaborer là-dessus — que quand on fera cela, il faudra qu'on ait au moins l'impression de ne pas être les premiers à se servir, nous, les serviteurs de la population. C'est cela le problème.

M. BOURASSA: C'est un slogan. C'est faux!

M. BURNS: C'est rien de plus que cela.

M. BOURASSA: II y a 230,000 fonctionnaires.

M. BURNS: Vous vous y connaissez, vous, en slogans, M. le premier ministre, vous qui répondez à d'autres questions, vous qui répondez à des questions qui ne vous ont même jamais été posées en cette Chambre. C'est assez extraordinaire. On n'a jamais vu cela. Vous ne répondez pas aux questions qu'on vous pose et vous répondez à des questions qu'on ne vous a jamais posées. Vous décidez de passer vos petits messages. Vous êtes un beau spécialiste en slogans !

M. BOURASSA: J'ai le droit de donner les réponses que je veux!

M. BURNS: Oui. Ah bon! J'espère qu'il y a des journalistes qui entendent cela. Ils sauront comment vous interviewer à l'avenir.

M. MERCIER: Ils suivent bien cela.

M. MALOUIN: Ils sont suspendus à vos lèvres !

M. BURNS: En somme, M. le Président, ce que je dis, c'est qu'au fond, au mérite, on ne se fait pas de querelles. Il n'y a pas de problème.

M. BOURASSA: Votons!

M. BURNS: On est d'accord sur une forme d'indexation. Je ne vous dis pas qu'on est d'accord sur le salaire que vous mettez dans le projet de loi, loin de là. Le salaire qu'on met actuellement dans le projet de loi, qui paraît comme $21,000, effectivement, est de $23,205 à compter du 1er janvier. Il ne faut pas se le cacher.

M. BOURASSA: C'est une indexation.

M. BURNS: C'est une augmentation, M. le Président, quand même assez substantielle

quand vous partez de $15,600 de salaire actuel, pour le député. Je n'en connais pas beaucoup des travailleurs, dans la société, qui bénéficient dans une même année de $8,500 d'augmentation. Je n'en connais pas tellement. Je ne connais pas non plus de travailleurs qui bénéficient de ce type d'augmentation, de cette importance d'augmentation alors que ce sont eux qui décident de leur augmentation.

Si vous n'êtes pas capables d'être logiques, si vous êtes trop émotifs, du côté ministériel, est-ce que je peux vous demander d'être au moins un peu gênés de temps à autre? Est-ce que vous êtes capables d'être gênés par une situation comme cela?

M. BOURASSA: Vous devriez être gêné d'avoir été désavoué par votre conseil national!

M. BURNS: Est-ce que vous êtes capables, du côté ministériel, de vous rendre compte que c'est absolument indécent? Le premier ministre citait des chiffres, l'autre jour, et disait: Le salaire minimum a augmenté de 53 p.c. Est-ce que vous êtes capables de voir la disproportion entre ces deux situations?

Etes-vous capables, M. le Président —je le demande surtout au premier ministre — d'examiner la progression du salaire minimum que nous vous demandons de porter à un niveau normal et d'indexer avant de nous indexer?

M. BOURASSA: M. le Président, est-ce...

M. BURNS: Est-ce que vous êtes capables, M. le Président, de vous rappeler...

M. BOURASSA: Est-ce que le député me permettrait une question?

M. BURNS: Laissez-moi terminer et vous me poserez toutes les questions que vous voudrez.

LE PRESIDENT: II reste enciron trois minutes au député de Maisonneuve. Vous pourrez poser votre question après.

M. BURNS: C'est cela, M. le Président. Il me posera la question après mon intervention.

Etes-vous capable, M. le Président, et en particulier, le premier ministre est-il capable de se rappeler que le salaire minimum, il n'y a pas tellement longtemps, il y a moins de treize ans, en 1961, était de $0.70 l'heure? C'est de là qu'ils partent, ses 53 p.c.

M. BOURASSA: Ah! c'est faux.

M. BURNS: M. le Président, voulez-vous que je vous donne la progression? Bien oui, on va en parler.

M. BOURASSA: Proposer l'indexation, ce serait pire!

M. BURNS: II est passé à $1.40 savez-vous quand, M. le Président? En 1971. Ensuite, depuis 1972, le salaire minimum a été haussé en mai et en novembre de chaque année, passant successivement des chiffres suivants, de $1.50 à $1.60, $1.65, $1.70, $1.85, $2.10, $2.30 et finalement, là, $2.30 au mois de novembre dernier.

Les plus démunis de la société, et ne nous le cachons pas, ce sont les gens qui sont au salaire minimum, en plus des autres qui sont dans toutes les autres catégories de revenus à l'intérieur de notre société. Ce n'est pas de la démagogie, ce sont des faits clairs. On leur donne cela à coup de $0.10 et $0.15 et nous, on nous "pitchs" ça par la tête sous prétexte que notre pouvoir d'achat a été dévalué, on nous "pitchs" ça par la tête à coup de $8,000 par année.

Je n'ai pas le droit d'être gêné d'être un des députés qui vont subir cela? Le premier ministre n'a pas le droit d'être gêné? C'est ça, dans le fond, ce que je vous demande. Je ne vous demande pas de réagir avec vos tripes, je le sais. Vous et moi, tout le monde, il n'y a personne dans la société qui est capable, à un moment donné, de ne pas être content de recevoir une augmentation de salaire.

Mais, c'est ce que je vous dis, y a-t-il moyen, pendant qu'on parle de l'augmentation de salaire qu'on va se donner, d'être gêné aussi, en même temps? Ce n'est que ça la question que nous nous posons. Y a-t-il moyen d'être gêné en voyant cette progression de 53 p.c. que le premier ministre citait dans le salaire minimum? Oui, le gars est encore payé $2.30 avec ses 53 p.c. d'augmentation l'heure.

M. BOURASSA: Si on avait pris votre formule, c'aurait été 25 p.c.

M. BURNS: M. le Président, je vous demande simplement ceci. Y a-t-il moyen d'essayer d'examiner une espèce...

LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demanderais au journaliste d'éteindre sa cigarette ou de quitter la salle. Ce qui n'est pas permis aux députés n'est pas permis aux journalistes. Continuez.

M. BURNS: Je demanderais simplement, M. le Président, que devant ce projet de loi que nous sommes prêts à examiner, à un moment donné, quand le gouvernement aura posé les gestes qu'on pense être un minimum actuellement, c'est-à-dire l'augmentation du salaire minimum et l'indexation de ce salaire; deuxièmement, empêcher qu'un nombre grandissant de travailleurs se placent dans l'illégalité vis-à-vis de la loi parce qu'ils sentent qu'ils ont perdu leur pouvoir d'achat, en leur permettant de rouvrir leur convention collective... Ce n'est rien que cela et entre-temps, quant à nous, je demande tout

simplement qu'on se pose la question, vraiment, à savoir s'il n'y a pas ne disproportion entre deux attitudes à l'égard de deux catégories de personnes dans la société, soit les gens qui sont les plus démunis et les députés.

M. BOURASSA: M. le Président, est-ce que je pourrais poser simplement une question au député de Maisonneuve?

M. BURNS: Oui, M. le Président. Maintenant, cela va.

M. BOURASSA: Quand il a conclu que l'indexation du salaire minimum serait préférable, se rend-il compte que si nous avions appliqué cela il y a deux ans et demi, la formule du Parti québécois, ce serait 25 p.c. d'augmentation et non pas 53 p.c?

M. BURNS: Qu'est-ce que ça change? M. BOURASSA: Cela change que...

M. BURNS: On vous a demandé... M. le Président, on m'a posé la question, donc, j'imagine que le premier ministre me permet de répondre. On vous a demandé, il n'y a pas tellement longtemps — peut-être que nous n'allions pas assez loin, peut-être qu'il aurait fallu demander $3 — nous vous avons demandé $2.50, et qu'avez-vous fait? Vous avez voté contre et vous avez "scrapé" notre motion...

M. MALOUIN: C'est facile de demander.

M. BURNS: ... complètement et même, sur l'indexation, vous avez posé des conditions telles que l'indexation qu'on est censé avoir votée n'a plus aucun sens et le ministre du Travail ne peut pas me contredire là-dessus. C'est lui-même qui a soutenu que ce n'était pas sûr, que peut-être le rapport Castonguay...

M. MALOUIN: A l'ordre!

M. BURNS: ... peut-être qu'à un moment donné le rapport Castonguay va nous dire que nous avions tort de demander $2.50, que c'était peut-être $3 qu'il fallait demander. A ce moment-là, je vais vous demander où vous étiez quand nous demandions $2.50. Et je vais vous demander aussi...

M. BOURASSA: Rien qu'un mot.

M. BURNS: ... une chose. C'est une question qui m'a été posée. Le premier ministre m'a posé une question, c'est bien de valeur, j'ai attendu à la fin mais là, la voilà.

Je vais demander au premier ministre ce qu'il a fait avec le pouvoir entièrement discrétionnaire...

LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

Si vous, vous vous lancez la balle à vous poser des questions, ça ne finira plus.

M. BOURASSA: J'ai entendu les députés du Parti québécois, ce soir, je suis resté à mon siège. J'ai une conclusion sur cette question du salaire des députés. C'est le parti politique le plus hypocrite de l'histoire du Québec.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, ce soir, si nous étions en mesure de dire que tous les députés de l'Assemblée nationale sont rémunérés l'équivalent de gens comme Marcel Pepin de la CSN, Louis Laberge de la FTQ, M. Charbonneau de la CEQ, ou encore s'ils recevaient l'équivalent des revenus d'un René Lévesque, qui reçoivent ces montants pour détruire la société, je vous dirais que je ne me serais pas levé.

M. le Président, avant d'arriver en cette Chambre, j'étais reconnu pour dire ce que je pense sans arrière-pensée.

UNE VOIX: Vous avez changé depuis ce temps-là.

M. SAMSON: Cela comptait avant mon élection, cela a compté jusqu'à maintenant et pour l'information de certains sépulcres blanchis, cela va compter dans l'avenir aussi. Je n'ai pas l'intention de jouer les vierges offensées, encore moins les courtisanes à la recherche de trottoirs roulants. Je n'ai pas été élu pour faire de la politicaillerie, mais pour faire mon devoir et, à ce chapitre, M. le Président, je n'ai de leçon à recevoir de personne. Je ne me suis jamais caché derrière quiconque pour prendre mes responsabilités ou encore pour dire ma façon de penser. Ceci veut dire, M. le Président, que je ne suis pas candidat à me cacher derrière un quelconque conseil national.

Bien sûr...

M. MALOUIN: Ecoute Burns!

M. SAMSON: ... il serait plus facile, à ce moment-ci, de faire de la politicaillerie. Cela paraît donc bien, M. le Président, les deux mains jointes pour dire : Non, Seigneur, ne nous la donnez pas et ils vont se dépêcher de ramasser le chèque en sortant.

M. le Président, je n'ai pas été élu pour jouer à ce jeu et je ne le jouerai pas non plus. Seule la population qui m'a élu est en droit de me juger. Je peux vous dire, M. le Président, que c'est debout et la tête haute que je me représenterai devant elle la prochaine fois, si je décide de le faire. Je n'aurai pas honte et je ne serai pas gêné non plus. C'est la population de mon comté de Rouyn-Noranda qui sera seule juge. Je peux vous dire que, si elle a à choisir entre un politicailleur et quelqu'un qui a fait son devoir,

je lui fais confiance à l'avance et sais ce qu'elle choisira.

M. le Président, si nous devions étudier ce projet de loi seulement en fonction de la rentabilité électorale, bien sûr nous serions peut-être tentés de jouer les grands offensés. Mais, M. le Président, c'est nous qui devons décider. J'irai plus loin, c'est à peu près la seule décision qui se prenne uniquement par les députés et non en grande partie par des fonctionnaires qu'on ne retrouve pas sur la place publique. C'est nous qui devons nous faire élire, M. le Président.

C'est nous qui devons investir de notre temps, de notre santé; ce ne sont pas les fonctionnaires à $38,000 par année. C'est nous qui devons le faire. M. le Président, dans ce projet de loi, nous retrouvons un article qui nous intéresse particulièrement et je ne suis pas gêné pour en parler. Le premier jour de notre entrée à l'Assemblée nationale, en novembre 1973, l'une des premières questions que nous avons posées au gouvernement a été concernant la reconnaissance du Parti créditiste. Cela fait un an qu'on mène la bataille à l'Assemblée nationale et sur la place publique et on ne s'est jamais gêné pour dire que nous valions autant que ceux qui siègent à ma gauche. On va continuer à répéter la même chose.

M. le Président, je me rappelle trop bien 1970. Quand nous sommes arrivés en cette Chambre, le Ralliement créditiste, nous étions le seul des tiers partis qui rencontrait les exigences des traditions parlementaires quant à la reconnaissance d'un parti politique. Nous avions douze députés. L'autre parti, le Parti québécois, ne rencontrait pas ces exigences. Nous avons été consultés, M. le Président. Nous avons été consultés par le gouvernement, qui a voulu faire une loi spéciale pour les reconnaître et nous avons donné de bon gré notre consentement.

M. LESSARD: C'est faux, c'est faux! Il y avait juste l'Union Nationale.

M. SAMSON: Je n'ai entendu aucun de ces illustres membres du PQ se lever contre le projet de loi qui leur permettait d'obtenir leur reconnaissance en Chambre. Au contraire, M. le Président, quand le projet de loi a été déposé, ils ont voté en faveur. Je leur dis, s'ils veulent être conséquents, de faire la même chose aujourd'hui. C'est la même chose qui est présentée devant eux autres.

M. le Président, bien sûr qu'il y a des problèmes socio-économiques, il y en a de toutes les sortes, mais jamais nous n'avons reculé devant nos responsabilités pour batailler en faveur de la population. L'argument massu du Parti québécois des $2.50 l'heure, on a voté pour, le Ralliement créditiste. On ne s'est pas gêné. Cela a défait leur argument parce qu'ils n'ont pas été les seuls à voter en faveur. L'exclusivité de penser à la population, ce n'est pas eux qui l'ont. Bien sûr, dans la philosophie communiste ou socialiste du Parti québécois, on ramènerait tout le monde sur le même pied, dans le même trou. Au lieu d'ajuster les chapeaux sur les têtes, on ajusterait les têtes aux chapeaux.

Mais, M. le Président...

M. LACROIX: ... chapeau!

M. SAMSON: ... ce n'est pas en brûlant la maison de son voisin qu'on règle son problème quand on vit dans une cabane. Je pense que c'est assez clair, même les péquistes peuvent comprendre cela. Le salaire d'un député c'est un chiffre d'affaires. Ce n'est pas un salaire ordinaire. C'est un revenu contre lequel il y a des dépenses. Même si un épicier au coin de la rue a $200,000 de chiffre d'affaires par année, s'il a $198,000 de dépenses, M. le Président, il lui reste $2,000 de salaire. La même chose peut s'appliquer aux députés, tout dépend de ce qui reste. C'est la paie nette qui compte. En parlant de paie nette, M. le Président, je suis allé chercher la mienne aussi aujourd'hui comme les autres; sur $1,895 bruts, une fois que les gouvernements ont fouillé dedans — cela compte pour le gouvernement fédéral comme le gouvernement provincial — il me reste $1,232, M. le Président. Savez-vous qu'avant de me donner mon chèque, il y en a pas mal qui ont fouillé avant moi. Savez-vous, M. le Président, que cela fait $663 par mois de déduction. Est-ce que vous savez également qu'avec les obligations que nous avons cela nous coûte — en tout cas dans mon cas — $150 par semaine? Ce sont mes obligations.

Savez-vous que, si vous enlevez cela, il ne reste pas grand chose pour la maison privée, hein? Ouais! Puis la dépréciation de l'automobile avec cela. J'en ai déjà vendu et je sais compter cela la dépréciation de l'auto moi. Ouais! Je pense qu'il y en a d'autres qui savent compter aussi, mais ils ont intérêt à ne pas compter de ce temps-là.

Ah ! oui, nous allons nous donner en exemple comme disait le chef de l'obstruction officielle hier. C'est donc facile. Il a dit: C'est honteux. Oui, M. le Président, c'est honteux quand on reçoit $41,400 par année. Cela fait $18,660 de plus qu'un député et c'est le gars qui s'est levé pour dire: Je vais donner l'exemple. Il l'a donné aussi.

M. LACROIX: II avait les deux doigts dans le nez. Il ne se met pas seulement un doigt lui.

M. SAMSON: II n'a pas de problème de dépréciation d'automobile, parce qu'il a la limousine fournie, lui. Et c'est la première chose qu'il est allé chercher quand il est arrivé ici. Mais si c'est honteux, s'il est sincère, le chef de l'obstruction officielle, je lui dis de regarder la Loi de l'impôt sur le revenu provinciale, ainsi que la Loi de l'impôt sur le revenu fédérale, à

l'article 532, pour la loi provinciale: "Un contribuable peut déduire l'ensemble des dons qu'il fait au cours de l'année, auxquels s'ajoutent les dons qu'il a faits au cours de l'année précédente, dans la mesure où le montant de ces dons n'était pas alors admissible à Sa Majesté du chef du Canada ou du chef des provinces". Et c'est la même chose dans la loi fédérale.

Si c'est honteux, si ça le dérange et s'il est sincère, moi je le croirai quand il aura fait son chèque au chef de Sa Majesté de la province pour $18,660, mais pas une minute avant.

M. LACROIX: II ne rembourse pas $1,796, il ne remboursera pas $18,000.

M. SAMSON: Oh! ça me fait donc comprendre des choses. Avant-hier on parlait sur le bill 59 et je le regardais faire, c'était beau, la Loi des affaires intergouvernementales à l'article 11. D'abord, il y a eu une guerre de virgules qui a duré près d'une journée. Et à un moment donné, je suis sorti, il était en train de se chamailler avec le leader du gouvernement parce qu'à l'article 11, on écrivait québécois avec un petit q, il fallait faire un grand Q.

Non, mais j'insiste, M. le Président, j'insiste, il fallait agrandir le Q, et je comprends pourquoi il l'a fait agrandir. Mais, M. le Président, je continue. J'ai lâché le bill 59, ne vous en faites pas.

LE PRESIDENT: Je voudrais qu'il y ait un peu moins de personnalité également. A l'ordre!

M. LESSARD: II n'y a pas de problème, c'est le clown de l'Assemblée nationale.

LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. SAMSON: M. le Président, ce n'est pas de la personnalité, c'est de la vérité.

Je continue en vous disant que j'ai quand même pitié d'eux, car ils sont actuellement victimes du soviet suprême qu'est leur conseil national, qui est composé de types de la catégorie de René Lévesque, qui a $14,070 par année en pension, plus indexation; composé d'un Claude Morin, qui a une pension de $15,043 déférée à 65 ans; victimes du soviet suprême composé de Jacques Parizeau, qui a reçu un montant forfaitaire comptant de $2,608 de pension; de Yves Michaud qui a fait transférer sa pension aux caisses populaires Desjardins pour la somme de $6,431.

J'ai pitié de ces gens parce qu'ils ont reçu les ordres, comme ça se fait dans pas trop de pays au monde, où ce n'est pas le peuple qui donne des ordres aux politiciens, mais le conseil du parti, comme le soviet suprême, aux dépens des élus du peuple.

Bien sûr, je suis d'accord qu'un député qui ne travaille pas est toujours trop payé. Mais je suis d'accord également que celui qui fait son devoir doit être mieux payé.

La solution, c'est quoi? Couper des têtes? Non, M. le Président. La solution, c'est de s'arranger pour qu'ils travaillent tous plus, pour ceux qui ne travaillent pas assez, et foutons donc la paix à ceux qui font leur devoir. C'est ça, la solution.

Nous avons en tant que députés des obligations multiples. Je n'ai pas besoin de faire la liste de toutes ces obligations. Mais je peux vous dire une chose, c'est que le député n'est pas un type avec une permanence garantie. La sécurité d'emploi, nous ne l'avons pas. D'ailleurs, je ne me gêne pas pour réclamer que nous revoyons la Loi de la Législature aux fins que tout député, une fois qu'il aura terminé son mandat, qu'il veuille ou non se représenter, qu'il soit ou non défait, ait une garantie dans la loi lui assurant un emploi au même titre que les dizaines et dizaines de milliers de fonctionnaires qui sont au service du gouvernement du Québec. Que cela se fasse par une protection législative, de sorte que, lorsqu'un député sortira, s'il se retrouve au service du gouvernement, il ne se voie pas attaqué, en disant qu'il a reçu un privilège. Non, mettons-le dans la loi et protégeons donc non seulement ces gens, mais aussi leur famille, M. le Président.

Je peux vous dire une chose: Nos risques sont multiples. L'an dernier, parce que j'ai osé me lever en Chambre et dénoncer le projet des "Galaxies éducatives" dans le domaine de l'éducation, qui existaient déjà dans ma ville chez nous, M. le Président, sans qu'on ne puisse faire de preuve facilement, il demeure que mes trois enfants ont été victimes de ma position. J'ai été pris, M. le Président, entre mon devoir ou bien ne pas faire mon devoir pour avoir la paix. J'ai choisi de faire mon devoir; mes enfants ont été bafoués par des professeurs, organisateurs pé-quistes. J'ai été obligé, M. le Président, de les changer d'école. Il a fallu que je paie pour cela.

M. le Président, en terminant, puisqu'il ne me reste que quelques secondes, j'ai consulté également mes électeurs. Dimanche dernier, j'étais chez nous et il y a eu une assemblée générale. Personne ne m'a fait grief de cela. Il y en a un qui a eu une remarque que je me rappellerai, toujours. D'abord, avant ça, j'avais vu mon gérant de banque, parce qu'il fait partie de mes nombreux conseillers. En tant que conseiller, parce qu'il connaît mon compte de banque, il m'a dit: Prends-là. Mais un de mes électeurs m'a dit ceci, M. le Président: Cela prendrait seulement un fou ou un imbécile pour refuser un ajustement de salaire. Je lui ai répondu: Je ne suis et n'ai pas l'intention d'être ni l'un ni l'autre. Merci.

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.

M. Raymond Garneau

M. GARNEAU: M. le Président, je n'ai pas l'intention de faire un discours sous le couvercle

de la passion. Je voudrais prendre seulement quelques minutes, du temps qui m'est alloué pour analyser cette question soumise à notre attention, beaucoup plus d'un point de vue technique que d'un point de vue émotionnel.

Un grand nombre avant moi ont eu l'occasion d'exposer dans un sens positif ou négatif face à ce projet de loi no 87, les conditions dans lesquelles se trouvent les députés et les difficultés que comporte l'exercice de cette fonction et également les responsabilités qui incombent à un député.

En ce qui me concerne, ayant, avec plusieurs de mes collègues, collaboré très étroitement à trouver une solution au dernier conflit de travail qui avait confronté le gouvernement et les syndicats de la Fonction publique, les syndicats des enseignants et du secteur social, je me suis fait un devoir, en analysant la portée du bill 87, de voir comment se comparaît ce que nous nous apprêtions à faire pour les députés avec ce que nous avions accepté de faire il y a déjà trois ans pour le personnel qui est à l'emploi de l'Etat.

Je n'aurais pas accepté qu'à la veille d'entreprendre une nouvelle série de conventions collectives, le gouvernement se place — et j'aurais certainement attiré l'attention de mes collègues sur ce point — dans une situation embarrassante au début de la négociation. C'est pourquoi tout l'effort a été non pas de déterminer ce que pourrait ou ce que devrait être le rythme de croisière de la Fonction publique au cours de la prochaine négociation à partir de ce que les députés recevraient, mais plutôt de donner aux élus du peuple ce que la Fonction publique, ce que les fonctionnaires, qu'ils soient à l'emploi du gouvernement, du secteur de l'éducation ou des affaires sociales, ce que ces gens ont eu, soit à travers des négociations collectives, soit à travers des ententes négociées pour les gens qui ne sont pas syndiqués ou encore à travers des décisions administratives prises par le conseil des ministres concernant les adjoints aux cadres et les cadres supérieurs du gouvernement.

Qu'on regarde ce qui s'est fait au cours des années 1972, 1973 et 1974, trois années au cours desquelles la convention collective s'est appliquée, les trois dernières années écoulées depuis le temps où les députés ont reçu un ajustement de traitement.

En 1972, les fonctionnaires ont reçu, comme augmentation de traitement, un forfaitaire de 5.3 p.c, des augmentations d'échelons, à cause de l'expérience qui s'additionne avec les années qui passent, de 2.8 p.c. et un forfaitaire de 0.5 p.c. comme indexation au coût de la vie, ce qui faisait, au total, 8.6 p.c, en moyenne. Il y a des classes où on a eu beaucoup plus que ça et, particulièrement, les classes de fonctionnaires qui étaient dans les échelles de traitement les plus basses.

Le 1er juillet 1963, taux minimum d'augmentation, 3 p.c; forfaitaire, qui avait été négocié par...

M. BELLEMARE (Johnson): 1963?

M. GARNEAU: Pardon?

M. BELLEMARE (Johnson): 1963?

M. GARNEAU: 1973, excusez-moi. 1973, 3 p.c. d'augmentation minimum, le forfaitaire qui a été négocié dans la convention collective, 6 p.c, l'indexation, 1.7 p.c, total, 10.71 p.c.

Le 1er juillet 1974, encore la même augmentation minimum, le forfaitaire de 6 p.c. qui a été négocié comme rythme d'augmentation, comme le rythme de croisière dans l'augmentation des salaires des fonctionnaires, plus l'indexation à titre forfaitaire, 8 p.c, total 17 p.c.

Si j'additionne ces trois augmentations au cours des trois dernières années, qui correspondent aux trois années où les députés n'ont pas eu d'ajustement de traitement, cela fait 36.3 p.c.

J'arrête à ce moment-ci mais, dans le fond, je ne devrais pas arrêter. Je devrais continuer pour ajouter ce qui est déjà en caisse pour l'ensemble des fonctionnaires des secteurs public et parapublic, c'est-à-dire 16 p.c. d'augmentation forfaitaire pour ce qui est de l'année 1974/75. Si je ramène ça au 31 décembre sur le montant qu'ils ont gagné, cela fait au moins 8 p.c. puisqu'on a la moitié d'une année de faite, ce qui ferait 44 p.c. d'augmentation.

Quand j'entendais dire le député de Maisonneuve, à l'endroit de cette Chambre, qu'on se sert d'abord avant de penser aux autres, je dis que le député de Maisonneuve est dans l'erreur puisque nous nous donnons, trois ans après, ce que nous avons nous-mêmes, comme Assemblée nationale ou comme gouvernement, accordé aux fonctionnaires, au secteur parapublic, aux enseignants et au secteur hospitalier.

Je dis donc, et ceci s'applique, M. le Président, à au-delà de 250,000 personnes, 250,000 citoyens québécois qui ont bénéficié de ces augmentations. Je ne voudrais pas laisser passer sous silence cette accusation du député de Maisonneuve, qui, dans un geste extrêmement pathétique, comme pour inciter les gens à la prière, pour nous inciter à une certaine compassion, disait: On se sert d'abord. Ce n'est pas vrai, M. le Président. On ne se sert pas d'abord. On a servi les autres serviteurs de la fonction publique et, afin qu'on ne nous accuse pas d'avoir exagéré, nous n'avons pas suggéré, en tant que gouvernement, cette augmentation de 44 p.c. Nous avons été bien en deçà de cela. Si je fais abstraction de ce qui est en caisse au 31 décembre, sur la base du paiement forfaitaire — c'est-à-dire si je fais abstraction de cela, cela fait 36 p.c. — ce n'est pas $21,000 que nous aurions dû inscrire dans la loi, c'est $21,216. Ceci aurait été non pas un paiement fait sur la base de se servir avant de servir les autres mais uniquement un paiement qui ajuste le salaire des députés à ce qui a été fait depuis trois ans pour les autres classes de serviteurs de l'Etat québécois.

Si j'ajoute, M. le Président, les 8 p.c. de l'indexation gagné au 31/12/74, évidemment je dépasse, et très largement, le montant qui a été mis dans ce projet de loi, qui a été suggéré aux membres de cette Assemblée, projet de loi no 87 qui est à l'étude présentement.

On a fait état également, M. le Président, de l'augmentation du salaire minimum. On a suggéré — on en faisait même une condition d'acceptation du projet de loi no 87, encore là pour peut-être camoufler ou tenter de tirer quelque avantage ou quelque bénéfice politique — on a posé comme condition, parce qu'il semble bien que, dans ce parti, il n'y a rien qui se fait en dehors d'une certaine forme de chantage, qu'on augmente le salaire minimum et qu'on l'indexe.

M. le Président, en mai 1972 — d'autres avant moi l'ont cité — le salaire minimum était de $1.50; en mai 1974, il était $2.10 et, le 1er novembre dernier, $2.30. M. le Président, dans l'espace de deux ans, une augmentation de 53 p.c. du salaire minimum. Si je prends l'indice des prix à la consommation, sur la même période de temps, l'indice était de Montréal, en mai 1972, 130.7; en novembre 1974, c'était 162.1; augmentation de 24 p.c. Le premier ministre avait raison de dire tout à l'heure que, si nous acceptions la formule proposée par le Parti québécois, nous irions à l'encontre des meilleurs intérêts de ceux qui, par la force des choses, par les circonstances qui ne les ont pas avantagés, doivent accepter de travailler sur la base du salaire minimum.

Je dis, M. le Président, que les véritables défenseurs des intérêts de la classe la moins avantagée de notre société, ce ne sont pas les gens qui, sous le couvercle, jouent les vierges offensées en disant: II faut indexer le salaire minimum avant d'accepter de donner aux députés ce que le Parlement a donné à tous ses fonctionnaires. Je dis que ce ne sont pas ces gens parce que, si nous suivions leurs conseils, nous aurions tout simplement trompé les gens qui vivent à partir de ce revenu qui est appelé le salaire minimum.

M. le Président, le député de Maisonneuve, aussi, a fait longuement allusion, en plus d'avoir, à mon sens, tenté de faire dévier le débat en disant que les députés voulaient se servir avant de servir les autres; je pense que j'ai largement démontré ce point. Le député de Maisonneuve, faisait appel aux sentiments plutôt qu'à la raison, a dit à tous les députés de cette Chambre: Vous n'êtes pas gênés de demander ou de suggérer une augmentation de traitement?

M. le Président, dans le cadre du Parti québécois, il y a six députés. Le leader parlementaire du Parti créditiste a longuement souligné le revenu qui est alloué au chef de l'Opposition officielle, le député de Sauvé, soit $41,400, le même salaire qu'un ministre, même si je suis porté à croire que la responsabilité n'est pas tout à fait la même.

M. le Président, le député de Maisonneuve a demandé aux députés libéraux s'ils n'étaient pas gênés de prendre une augmentation comme celle qui est suggérée dans le projet de loi no 87.

La loi actuelle prévoit que, pour l'Opposition officielle, le leader parlementaire reçoit des émoluments additionnels qui font que le député de Maisonneuve retire, et suivant les termes de la loi actuelle, un peu plus que $29,000, je crois que c'est $29,980.

Encore en vertu de la Loi de la Législature, il y a ce qu'on appelle les whips de parti. Le député de Lafontaine, qui a longuement parlé, également, sur ce projet de loi no 87, retire, lui, $27,910, semble-t-il.

M. HOUDE (Abitibi-Est): Indexé.

M. GARNEAU: En vertu des règles de la Loi de l'Assemblée nationale, les présidents de commission ont également le droit de recevoir des montants additionnels qui sont de l'ordre de $2,000, et c'est le cas du député de Chicoutimi.

C'est donc dire que sur six députés...

M. LESSARD: ... le député de Saint-Jacques.

M. GARNEAU: Je vais venir à votre cas tout à l'heure. Je ne vous oublierai pas. Je ne vous oublierai pas. Le Parti québécois vous a oublié en ne vous donnant pas une fiole, je ne vous oublierai pas.

M. le Président, sur six députés, il y en a quatre qui reçoivent à partir du double. Il y a le chef de l'Opposition qui reçoit presque deux fois le salaire d'un député. Il y a le leader parlementaire qui reçoit un montant largement substantiel, le député de Lafontaine et le député de Chicoutimi, qui, me dit-on, a présidé des commissions pour un nombre de minutes qui dépasse à peine les 90 minutes. Si l'on calcule ça sur une base horaire, c'est $2,000 pour 90 minutes. M. le Président, s'il y en a qui sont gênés, c'est...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. BURNS: M. le Président, j'invoque une question de privilège.

J'ai laissé le ministre des Finances vomir sur tous les autres membres de l'Opposition...

M. CHOQUETTE: Les gros mots.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BURNS : J'ai laissé le ministre des Finances vomir sur tous les autres membres de l'Opposition. De toute façon, ça ne me touche pas...

Là, je pense que le ministre des Finances exagère, et cela montre le peu de connaissance

qu'il a des travaux parlementaires et j'en appelle à vous, M. le Président, qui connaissez comment les travaux parlementaires se font. Le député de Chicoutimi a été nommé dans un "pool" de sept présidents de commissions...

M. CHOQUETTE: ...

M. BURNS: ... et il appartient à la présidence, comme vous le savez, de désigner les présidents. Et peu importe le nombre d'heures ou de minutes où le député de Chicoutimi a pu siéger, il a toujours été à la disposition de la présidence lorsqu'elle le lui a demandé. J'ai même eu connaissance, toujours dans cette question de privilège au nom du député de Chicoutimi, qu'à un moment donné il avait accepté de présider certaines commissions...

M. BELLEMARE (Rosemont): Point de règlement, M. le Président.

Est-ce que le député de Maisonneuve est en train de dénier les propos du ministre?

M. BURNS: Oui.

M. BELLEMARE (Rosemont): On a parlé de salaire. Le député de Maisonneuve est-il en train de dénier ce que le ministre a avancé?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, avant ce vague bruit que j'ai entendu, j'étais en train de vous dire... un autre bruit, tiens. Il vient de plus haut et de plus profond. C'est encore pire. M. le Président, j'étais en train de dire que j'ai même eu connaissance qu'à certaines occasions le député de Chicoutimi avait été désigné pour présider certaines commissions, mais à cause du caractère un peu litigieux ou contentieux de cette commission, eu égard au fait qu'on savait l'attitude que l'Opposition devait tenir à cette commission, on a demandé au député de Chicoutimi de céder sa place à un autre.

Alors, je veux tout simplement, sur cette question de privilège, rétablir, au nom du député de Chicoutimi, un collègue de l'Assemblée nationale, les faits. Par contre, tout le reste était absolument exact. Alors vous pouvez continuer à déblatérer tant que vous voudrez, M. le ministre des Finances.

M. GARNEAU: M. le Président, lorsque... M. SAINT-PIERRE: Etait-ce 90 minutes?

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre!

M. SAINT-PIERRE: 90 minutes!

M. BURNS: Je ne le sais pas.

M. LAMONTAGNE: Vous me permettrez,

M. le Président, d'intervenir à l'occasion du cas du député de Chicoutimi. Comme président de commission parlementaire, je dois dire d'abord que l'honorable président de l'Assemblée nationale m'a confié le choix pour certaines commissions parlementaires, des députés à travers la banque des présidents. Je dois dire — et je profite de l'occasion vu que cela a été soulevé — qu'il est extrêmement difficile pour un membre de l'Opposition officielle d'être président d'une commission parlementaire. Je dois dire également que j'ai demandé régulièrement à l'honorable député de Chicoutimi quand il pourrait présider. Je comprends qu'il ne puisse pas le faire, et cela pose peut-être un problème particulier dont il n'est pas nécessairement la cause, mais qui est là et qu'on a à l'occasion de l'intervention du ministre des Finances. Peut-être me permettrez-vous, M. le Président, de suggérer d'étudier â nouveau cette question lors d'une prochaine assemblée de la commission municipale.

M. GARNEAU: M. le Président...

M. HARDY: II pense salaire quand même.

M. GARNEAU: ... je ne crois pas avoir...

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. GARNEAU: ... vomi sur aucun des membres de l'Opposition officielle en indiquant le salaire qu'ils gagnent. M. le Président, je trouve...

M. BURNS: C'est la mesquinerie avec laquelle vous le faites.

M. GARNEAU: ... de la plus grande la bassesse les propos du député de Maisonneuve. M. le Président, tout à l'heure j'ai enduré de mon siège tous les propos qu'il a tenus. J'ai enduré même les intentions que, à peine voilées, il prêtait aux députés ministériels au cours de cette motion et au cours de la motion qui a précédé et sur laquelle il y a eu un vote. Je n'y reviendrai pas. M. le Président, je n'endurerai pas...

M. LESSARD: Ce ne sont pas des intentions, ce sont des faits.

M. GARNEAU: ... que parce que je cite...

M. LESSARD: Ce ne sont pas des intentions, c'est la réalité.

M. GARNEAU: ... le salaire que gagne le député de Lafontaine, parce que je dis à cette Chambre le salaire que gagne le député de Maisonneuve, qu'il n'a pas volé parce que c'est inscrit dans la loi. Je dis, M. le Président, que lorsque je cite ces salaires, je ne crois pas vomir sur aucun des membres de l'Opposition officiel-

le. Mais lorsque, par exemple, le député de Maisonneuve vient en vierge offensée, dire aux députés ministériels: Vous n'êtes pas gênés? Bien, je dis au député de Maisonneuve, M. le Président, que quand on est servi comme eux autres, avec la responsabilité qu'ils ont, on devrait être bien plus gêné de venir dire peut-être à 60 députés libéraux qui sont à $15,600 par année: "Vous devriez être gênés, non pas de vous servir les premiers, non pas de demander plus, mais de demander via cette Assemblée une augmentation qui est en-deça de ce que ce même gouvernement, de ce que ce même Parlement a donné aux fonctionnaires, ce que ce même Parlement a donné aux enseignants, ce que ce même Parlement a donné à tous les travailleurs dans le secteur hospitalier". M. le Président, je ne veux pas savoir si les raisons sont bonnes ou non pour le député de Chicoutimi. Je ne veux pas savoir s'il a accepté ou non. Ce que je dis, M. le Président, c'est que s'il est vrai que le député de Chicoutimi a siégé seulement pendant une couple d'heures et qu'il a reçu $2,000, ce ne sont pas les députés libéraux qui devraient être gênés, c'est le député de Chicoutimi. Et si, par hasard, M. le Président, la fonction de député dans un parti qui ne comporte que six membres l'empêche de présider une commission parlementaire à cause de la répartition des tâches à l'intérieur d'un groupe d'Opposition de seulement six membres, qu'on ne vienne pas nous parler de gens gênés. Qu'on démissionne tout simplement et qu'on dise: Je ne peux pas, parce que les services que me demande mon parti ne me le permettent pas. Mais qu'on ne vienne pas, comme le député de Maisonneuve, parler de vomissage sur l'Opposition parce que je cite leurs salaires. M. le Président, ils n'ont pas volé ce salaire-là; je n'ai dit à personne qu'ils avaient obtenu des montants d'argent auxquels ils n'avaient pas droit en occupant les fonctions qu'ils occupent. Mais, M. le Président, quand on est six députés et qu'il y a un chef de l'Opposition, un leader parlementaire, un whip, un président de commission, qu'on ne vienne pas dire après ça qu'on est gêné. En plus de cela, M. le Président...

M. BACON: La limousine.

M. GARNEAU: ... le député de Saguenay et le député de Saint-Jacques, si j'étais à leur place, évidemment, je me sentirais mal à l'aise étant donné que je n'ai pas de fiole, mais ils savent bien, ces deux députés, par exemple, que malgré les débats, ils savent bien qu'à la fin de la semaine, ou la semaine prochaine, ou à la fin de janvier, si la loi est adoptée, ils vont encaisser comme tout le monde, M. le Président, le même traitement que les autres. Ils le savent fort bien eux aussi. Ils savent qu'ils pourront encaisser ces sommes, qu'ils l'approuvent ou qu'ils votent contre la loi.

Je vais conclure, M. le Président, puisque mon temps achève. Je voulais, dans cet entre- tien, et n'eût été des propos complètement déplacés du député de Maisonneuve, je ne me serais pas emporté parce que ce n'était pas là mon objectif.

Je sais qu'en parlant aujourd'hui les propos que j'ai tenus en tant que ministre des Finances pourront m'être répétés lorsque nous recommencerons la négociation collective dans le secteur public et que je donnerai peut-être une opinion sur les montants qui seront en cause, mais je veux dire ceci: Actuellement, tout ce que nous avons fait, ce n'est pas gagner en avant; c'est essayer de rattraper un peu et moins que ce qui a été versé à ces mêmes fonctionnaires, qu'ils soient de la Fonction publique, du secteur de l'éducation ou du secteur des affaires sociales. Pour ce qui est de l'avenir, M. le Président, nous n'avons pas choisi des index basés sur la moyenne des salaires des avocats ou des ingénieurs. Nous n'avons pas choisi une indexation basée sur les salaires des classes les plus avantagées de la société. Nous avons choisi la moyenne des salaires dans l'ensemble du Canada. Je le dis aujourd'hui; Si les centrales syndicales de tout le Québec sont prêtes à régler dans l'avenir sur cette base-là, "any time", M. le Président: on signe la convention collective demain matin.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres députés qui désirent participer à ce débat?

DES VOIX: Vote. Vote.

LE PRESIDENT: Vote enregistré, j'imagine?

M. BURNS: S'il vous plaît, M. le Président.

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Vote de deuxième lecture

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la deuxième lecture du projet de loi no 87, Loi modifiant la loi de la Législature et la loi de l'exécutif, veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Garneau, Lachapelle, Berthiaume, Cournoyer, Goldbloom, Simard, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Toupin, Harvey (Jonquière), Cadieux, Arsenault, Houde (Abibiti-Est), Desjardins, Giasson, Perreault, Brown, Bossé, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamontagne, Gratton, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Shanks, Springate, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boutin, Chagnon, Marchand, Caron, Côté, Denis,

Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tremblay, Verreault, Samson, Roy, Bellemare (Johnson).

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi).

LE SECRETAIRE: Pour: 73

Contre: 6

LE PRESIDENT: La motion est adoptée.

Motion pour déférer le projet de loi à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit maintenant déféré à la commission parlementaire de l'Assemblée nationale pour étude article par article.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M.BURNS: M. le Président, je demande un vote enregistré.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'on pourrait avoir le même vote?

M. BURNS: Non, M. le Président.

LE PRESIDENT: Est-ce qu'on peut voter immédiatement ?

DES VOIX: Vote.

Vote sur la motion

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Garneau, Lachapelle, Berthiaume, Cournoyer, Goldbloom, Simard, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Toupin, Harvey (Jonquière), Cadieux, Arsenault, Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Perreault, Brown, Bossé, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamontagne, Gratton, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Shanks, Springate, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boutin, Chagnon, Marchand, Caron, Côté, Denis, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tremblay, Verreault, Samson, Roy, Bellemare (Johnson).

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi).

LE SECRETAIRE: Pour: 73

Contre: 6

LE PRESIDENT: Cette motion est adoptée.

M. LEVESQUE: Adopté! Alors, M. le Président, article 25.

LE PRESIDENT: La commission des affaires municipales peut continuer à siéger immédiatement.

M. LEVESQUE: En effet, oui, oui. LE PRESIDENT: Continuer son travail.

M. LEVESQUE: De façon objective, sereine et efficace.

LE PRESIDENT: Article? M. LEVESQUE: 25.

Projet de loi no 201 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: 25. L'honorable ministre du Travail propose la deuxième lecture du projet de loi no 201, Loi modifiant la loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction.

L'honorable ministre du Travail.

M. Jean Cournoyer

M. COURNOYER: L'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce bill et il recommande l'étude à la Chambre.

M. LEVESQUE: Pas vrai, il est absent.

M. COURNOYER: Cela doit être vrai. De toute façon, je leur ai "répond"!

M. le Président, depuis un certain nombre de mois, le gouvernement du Québec a pris dans l'industrie de la construction des mesures pour le moins draconiennes. Compte tenu des difficultés que nous avons pu déceler, nous avons eu le privilège de former la commission Cliche, qui étudie couramment les différents comportements dans l'industrie de la construction et qui découvre, de jour en jour, une situation que l'on peut qualifier d'intolérable.

Depuis quelques mois également, nous pouvons constater un climat qui se détériore

toujours davantage depuis que les travailleurs de la construction, à l'instar d'autres travailleurs dans l'industrie au Québec, ont commencé de manifester leur intention de modifier les termes du décret pour obtenir, ce dont vous avez parlé tellement depuis déjà deux jours, l'indexation de leurs salaires compte tenu de la progression imprévisible du coût de la vie.

Je ne m'entends pas parler. Est-ce que je parle assez fort?

DES VOIX: Oui.

M. COURNOYER: Daccord.

LE PRESIDENT: Mais il y en a d'autres qui parlent un peu plus fort que vous.

M. COURNOYER: Je peux donc être interprété comme un ministre moins faible qu'avant! Il s'agit de parler fort!

Donc, depuis que les travailleurs de la construction, par leurs représentants autorisés que je n'ai pas eu le bonheur de choisir, ont manifesté leur intention de demander la réouverture du décret, nous avons assisté à un refus systématique de la part des associations patronales de rouvrir de quelque manière que ce soit les termes de ce décret.

Depuis quelques années, nous avons assisté également à une réduction extrêmement considérable de la productivité sur les chantiers de construction. J'imagine qu'il s'agit là de tout un concours de circonstances que la commission Cliche pourra découvrir davantage que le ministre du Travail ne peut le faire, mais nous sommes aujourd'hui en face d'une situation qui nous place dans l'obligation de constater que les parties en présence ne semblent pas en mesure d'absorber les responsabilités que le législateur leur avait confiées en adoptant le bill 290 et qu'il avait réduites jusqu'à un certain point en adoptant le bill 9.

La situation dans l'industrie de la construction est pour le moins chaotique et il est très facile pour tout le monde de remettre la responsabilité de ce chaos sur le ministre du Travail.

C'est assez simple, lorsqu'on négocie les termes d'un décret, que le ministre du Travail n'a pas l'heur de pouvoir en changer un iota, de blâmer par la suite le ministre d'avoir approuvé un décret qu'il ne pouvait pas désapprouver, de le blâmer de la situation chaotique qu'une négociation a pu amener.

Je ne peux pas contester, au moment où je vous parle, le désir légitime des travailleurs de demander une réouverture de leur décret, tant d'autres travailleurs au Québec l'ayant obtenue. Je dois condamner les gestes qu'ils posent, mais je ne peux pas condamner la demande qu'ils font de réviser les salaires du décret.

Je ne peux pas cependant non plus condamner certains entrepreneurs de ne pas avoir la possibilité de faire face à ce genre de nouvelles responsabilités. Nous ne sommes pas dans une industrie de "cannes de bines", nous sommes dans une industrie de la construction. Les entrepreneurs ont l'habitude de soumissionner pour obtenir des contrats et ils ont également l'habitude de soumissionner à prix fixe. Parce qu'ils ont cette habitude, ils ont créé eux-mêmes, depuis 1934, l'application, pour avoir les conditions de travail décrétées, non modifiées pendant la durée des décrets. Cela a été la tradition universellement suivie. C'est également vrai dans le domaine des conventions collectives.

Habituellement, une convention collective avait le caractère de l'immuabilité pendant sa durée. On pouvait cependant, habituellement, prévoir les différents avatars de l'inflation ou de l'augmentation du coût de la vie. Ce qui s'est produit en 1974, nous l'avons subi et d'autres personnes l'ont subi en même temps que nous. Quand un entrepreneur a soumis son prix, cependant, on peut légitimement penser qu'il se plaçait dans la situation traditionnelle vis-à-vis du propriétaire qui achetait ses services, et cette situation traditionnelle, c'était qu'un prix cela ne change pas et que ses coûts à lui, étant prévus pour une période de temps qui expire en 1976, il est tout à fait légitime de constater que cet entrepreneur a aujourd'hui des difficultés à faire face à ce à quoi l'employé, par ailleurs, lui, fait face à tous les jours.

C'est donc un domaine où les deux parties ont énormément de difficulté à subir le stress, les difficultés non prévisibles du coût de la vie. Un autre employeur peut toujours penser faire payer rapidement au consommateur ou transporter chez le consommateur le prix additionnel causé par l'augmentation des salaires qu'il peut consentir, compte tenu de l'imprévision possible du côut de la vie, et il peut se refaire. Ce n'est pas toujours le cas des entrepreneurs. Les entrepreneurs n'ont pas la facilité de se refaire sur leurs clients, étant donné qu'ils ne sont pas dans un marché captif.

M. le Président, je suis, bien sûr, le grand responsable des relations de travail au Québec. La situation qui se développe actuellement ou qui s'est développée au cours des mois ou des ans qui ont précédé la date où nous sommes aujourd'hui est telle que, quand le ministre de l'Industrie et du Commerce affirme ce qu'il a affirmé la semaine passée et que, d'autre part, sur les tables de différents conseils municipaux, nous sommes informés qu'il y a une réduction très marquée du nombre de projets de construction pour l'année qui vient et que l'une des raisons invoquées pour cette décision n'est pas nécessairement l'inflation, mais une diminution remarquée et remarquable de la productivité, il nous appartient, je pense, comme gouvernement, de prendre des mesures énergiques pour régler ce qui ne semble pas être réglable, compte tenu des intérêts divergents des parties en présence.

Je n'ai pas à répéter les divergences de ces

parties. Vous avez, d'un côté, je le répète — même si je n'ai pas à le répéter pour les besoins des dossiers — des groupements patronaux en lutte avec eux-mêmes, en concurrence avec eux-mêmes et, du côté syndical, également des groupements syndicaux en lutte avec eux-mêmes et en concurrence avec eux-mêmes.

Le fait que nous requérions par la loi actuelle le consentement de tout ce beau monde en majorité du côté patronal ou en majorité du côté syndical, pour faire progresser économiquement le Québec et l'empêcher de retourner dans l'état de stagnation dans lequel il se trouvait il y a déjà un certain temps, place le gouvernement du Québec dans la douloureuse situation d'être assujetti à des intérêts divergents du côté patronal et à des intérêts divergents du côté syndical pour l'avenir économique du Québec.

Nous avons tenté par tous les moyens de confier aux parties contractantes au décret de la construction ce que le législateur, en votant le bill 290, espérait leur confier.

Cela n'a pas été possible. Pendant toute la durée du bill 290, et depuis qu'il existe, même si certains de mes collègues péquistes vont critiquer ce bill, il n'a pas reçu d'application, non pas parce qu'il n'est pas bon, mais parce que les parties n'ont pas su vivre à l'intérieur des responsabilités qu'on leur avait confiées.

Depuis le début, une seule convention collective a été signée en vertu du bill 290; c'est celle qui a été signée en 1969, qui ne constituait, en définitive, que des prolongements de décrets jusqu'au mois de mai 1970, à condition, bien sûr, qu'on ait réglé le problème de ces divergences d'opinions.

C'était le problème suivant. Tous les employés de la province de Québec doivent faire partie des syndicats de la FTQ ou de la CSN et, deuxièmement, tous les employeurs du Québec doivent faire partie d'associations représentatives: la Fédération des constructeurs du Québec, la Corporation des électriciens, la Corporation des plombiers, l'Association des constructeurs d'habitations et l'Association des constructeurs de routes et grands travaux. Tous les entrepreneurs sont assujettis à ce groupement du côté patronal, ils doivent être là. C'est la résultante première de la seule négociation signée en vertu du bill 290, depuis 1968, tel qu'il existait.

Cela, c'est bien sûr, avec tout le respect que je dois à mon prédécesseur au ministère du Travail, avec la force du poignet du bonhomme. Parce que, s'il n'avait pas été là, il n'y en a pas un désespoir qui aurait signé ça.

C'est avec des vaches et des veaux en face de l'hôtel Windsor. C'est avec des écoeurements continuels comme on en fait actuellement au ministre du Travail du Québec. On veut tout simplement l'écoeurer et le décourager. Ils ne réussiront pas plus qu'ils ont réussi à vous décourager, M. le député de Johnson.

La seule différence qu'il y a actuellement c'est qu'ils ont la collaboration patronale main- tenant. Dans votre temps, c'était pareil, M. Bellemare. Je m'excuse d'utiliser votre nom en Chambre, apparemment on n'a pas le droit. M. le député de Johnson.

Cette seule convention collective signée, je ne cacherai à personne que j'y ai participé du côté patronal; donc qu'on ne m'accuse pas d'y avoir participé, j'étais là.

M. BELLEMARE (Johnson): Intensément.

M. COURNOYER: Intensément, à la demande de l'Association des constructeurs de routes. Cette seule convention signée en vertu du bill 290 a d'abord et avant tout réglé les problèmes des associations et des syndicats.

Elle s'est d'abord préoccupée de cela, pas des problèmes des entrepreneurs et des problèmes des travailleurs; d'abord et avant tout, les problèmes des organisations patronales et des organisations syndicales.

Une fois ceci réglé, M. le Président, mai 1970 arrive et le gouvernement du Québec, après une grève dans l'industrie de la construction, adopte le bill 38. Il est tenu de mettre fin à une situation chaotique dans le domaine de la construction. Bill 38: C'est le nouveau gouvernement qui vient à peine d'arriver et une des premières lois, pour laquelle d'ailleurs il a été souvent blâmé, a été de remettre de l'ordre dans l'industrie de la construction.

Dans le bill 38, on dit: Ecoutez, vous allez négocier, les gars. On retourne les gens à une période de conciliation. On les fait comparaître de nouveau devant une commission parlementaire. L'ancien ministre du Travail, M. Laporte, décède, et le nouveau ministre du Travail arrive pour amener à sa conclusion, passer un décret dans l'industrie de la construction puisque les parties n'ont pas pu s'entendre. Deuxième expérience du bill 290.

Troisième expérience du bill 290: En 1973, j'ai eu des discussions avec les députés de l'Opposition en 1973 parce que j'ai été obligé d'adopter le bill 9. Quand je dis obligé, c'est qu'en conscience je devait adopter le bill 9, non parce que quelqu'un m'a forcé la main. J'ai été tenu, pour éviter que ces espèces d'associations patronales et syndicales, qui s'occupent d'abord de leurs intérêts, continuent de jouer leur petit rôle de protéger d'abord leurs intérêts, leur prestige d'associations avant de penser au bien-être des travailleurs.

M. le Président, en 1973, j'ai fait adopter le bill 9 si je ne l'avais pas fait, c'eût été la première fois au Québec qu'on aurait eu une grève parce qu'on avait une convention collective. Pourquoi? Le 28 avril, M. le Président, on se demandait encore quelle forme la table devait avoir et la grève était prévue pour le 1er mai. Le 28 avril, je suis informé par mon conciliateur qu'on va peut-être décider d'avoir des télévisions en circuit fermé parce que le gros Desjardins ne veut pas avoir Bourdon à côté de lui. Et le 1er mai, il y a une grève générale dans

l'industrie de la construction. La Fédération de l'industrie de la construction, qui a expulsé de ses rangs l'Association de la construction de Montréal, ne veut pas non plus l'avoir à la même table qu'elle, et elle se demande elle aussi comment elle va faire pour être assise à une table comme ça du côté patronal. Je n'accuserai donc pas seulement le côté syndical.

M. CHARRON: Qui était votre conciliateur à ce moment-là?

M. COURNOYER: Mon conciliateur s'appelait M. Dansereau, il a fait ce qu'il a fait et, monsieur, quand vous aurez quelque chose de précis contre M. Dansereau, vous l'accuserez formellement. Et que Bourdon fasse la même chose que vous, qu'il l'accuse formellement.

M. BURNS: Le député vous a demandé qui c'était. Il a demandé qui c'était.

M. COURNOYER: C'était M. Dansereau qui était mon conciliateur.

M. BURNS: D'accord.

M. COURNOYER: Et il cherchait des télévisions en circuit fermé pour pouvoir faire la forme de la table. Cela, c'était une situation qui laisse les parties amener toute une province dans le marasme. J'allais dire une autre affaire qui commençait par M aussi, je me suis forcé, je me suis retenu.

M. LACROIX: Pas Morin, toujours?

M. COURNOYER: De toute façon, M. le Président, j'ai voulu... vous en mangez? J'ai voulu, M. le Président, refaire cet historique. J'ai consenti, à l'époque, à permettre que ces droits de veto de la minorité ne l'emportent pas sur la décision de la majorité du côté patronal ou du côté syndical. J'ai donc enlevé les situations de monopoles qui existaient en vertu du bill 290. Quand on a adopté le bill 290, M. le député de Johnson, on a décidé, ceux qui se connaissaient, de se partager un gâteau.

M. BELLEMARE (Johnson): II y en avait qui avaient de gros morceaux.

M. COURNOYER: Oui, monsieur. C'est ce qu'on a fait dans ce temps-là.

Et on a peut-être, sans insister — parce que je connais le député de Johnson; il ne se laissait pas imposer n'importe quoi — conditionné l'acceptation paisible du bill 290 à l'inclusion dans la loi des noms de ceux qui se partageraient le gâteau de la construction. En même temps le législateur du temps, comme le législateur de 1973, confiait à ces gens le soin de rétablir et de mettre de l'ordre dans l'industrie de la construction, puisque c'était d'abord et avant tout leur industrie.

M. le Président...

M. BELLEMARE (Johnson): II y avait "unanimité" ou "majorité"; c'est la seule différence.

M. COURNOYER: Cette unanimité, j'essaie de le prouver, M. le Président n'a jamais été atteinte, sauf quand il s'agissait des intérêts réciproques de tout le monde.

M. BELLEMARE (Johnson): D'accord, mais dans 290, c'est "unanimité" et, dans le 9, "majorité". Je sais que vous viendrez à cela.

M. COURNOYER: Majorité dans le bill 9, qui nous a permis d'avoir une convention collective en 1973 impossible en vertu de l'ancien bill 290 qui nécessitait l'unanimité. Cette convention collective — après le bill 9, bien sûr, la CSD a été reconnue, elle est maintenant partie contractante et l'Association de la construction de Montréal est partie contractante — n'a pas en soi réglé tous les problèmes de l'industrie de la construction, bien au contraire. Elle n'a pas été la source, non plus, des problèmes de l'industrie de la construction.

En 1974, lorsqu'on découvre la situation inflationniste dans laquelle nous vivons — on la découvre tous les jours — et que cela cause chez les individus qui représentent normalement les travailleurs de la construction un souci bien légitime de demander ce que d'autres travailleurs demandent par leur syndicat, je trouve cela parfaitement normal. Que cela cause chez les employeurs, comme je le disais au début de cet exposé, une réaction — ils ne sont pas habitués à cela, et qu'ils ne peuvent pas faire cela — c'est encore parfaitement normal du côté des employeurs. Mais, à un moment donné, après une grève de quinze jours qui ne s'est pas réglée, une fois que le monde est retourné au travail, là on a donc baissé la productivité. On était payé pour ne rien faire sur les chantiers de construction. Pas nécessairement les individus. Apparemment, il y a quelqu'un qui les invitait à prendre cette méthode de pression et je pense bien que la commission Cliche découvrira ceux qui les invitaient à prendre cette méthode de pression. Ils ont fait cela, M. le Président, depuis quatre mois. Depuis quatre mois, la productivité dans l'industrie de la construction a subi une baisse encore plus considérable que celle qu'elle avait subie depuis les deux dernières années. Et, depuis quatre mois, c'est toujours autour du même problème qu'on tourne: l'indexation des salaires des gars de la construction. La situation qui s'est créée face à ce genre de pression plus fort chez ceux qui sont capables de payer et chez ceux qui avaient la possibilité de refiler rapidement cela aux consommateurs de leurs biens, est extrêmement difficile, M. le Président.

Il existe présentement des ententes, qui ne sont pas mini, mais qui existent sans être signées, en vertu desquelles, depuis qu'elles sont convenues, si elles ne sont pas signées, certains travailleurs de la construction reçoivent $0.50

de plus l'heure que le taux prévu au décret. A compter du 1er janvier, ces mêmes sortes d'arrangements comportent une autre augmentation de $0.25 l'heure, ce qui fait en tout $0.75, et, à compter du 1er janvier 1976, un autre $0.25, ce qui fait un dollar. Cela est payé actuellement par un certain nombre d'entrepreneurs. Légalement ou illégalement? M. le Président, je n'ai pas à juger cela; je laisse aux tribunaux le soin de juger ce genre d'arrangements. Mais c'est payé. Dernièrement, les ferrailleurs, à Montréal, sur les chantiers olympiques et ailleurs, ont demandé, eux, le même traitement qui était consenti à certains de leurs confrères de l'industrie de la construction.

Pour arriver à leurs fins devant le refus, ils ont décidé de se réunir en séance d'étude. J'affirme qu'au moment où on se parle il ne s'agit pas de la responsabilité organisationnelle ni de la CSN, ni de la FTQ. Il ne me semble pas —compte tenu de l'information que je possède — que ce soit une chose organisée de l'extérieur. Il semble que ce soit spontané.

Mais j'ai tellement vu de choses spontanées dans l'industrie de la construction, que lors de l'écoute de bandes téléphoniques nous découvrons que la spontanéité était inspirée par des procédés que maintenant nous connaissons, mais que nous ne connaissions pas auparavant.

Quand M. Desjardins venait me voir dans mon bureau et disait: Ti-Jean, je ne suis plus capable de les retenir, moi je ne savais pas, Ti-Jean, qu'il y avait autre chose qui poussait. J'ai le droit d'affirmer dans cette Chambre que je ne peux pas tout savoir ce qui se passe sur les chantiers de construction. La spontanéité actuelle, je ne veux pas en douter, mais je me permets de me poser un certain nombre de questions, compte tenu de ce qui se produit.

La semaine dernière, M. Fernand Daoust —qui est le tuteur du Conseil des métiers de la construction — se trouvait probablement comme par hasard dans mon bureau — parce qu'apparemment je ne peux pas parler maintenant à une centrale syndicale sans avoir les deux autres à la porte, et je ne peux pas non plus parler à une association patronale sans avoir les sept autres sur le dos — et nous lui avons suggéré que pour amender le décret il y avait une procédure, qu'il pouvait demander aux associations patronales représentatives de les rencontrer conformément à la loi actuelle, le bill 9, qui est en fait un complément du bill 290, l'unanimité mise à part.

M. Daoust a trouvé que cette procédure était probablement la seule qui pouvait conduire à des amendements au décret, c'est-à-dire la discussion. Remarquez que les associations patronales m'avaient personnellement refusé toute discussion à la suite de la fin de la grève au mois de juin. Oublions ce point de départ.

M. Daoust envoie donc un télégramme aux différentes associations patronales, qui sont des associations patronales représentatives, leur demandant de le rencontrer. Quatre associations lui répondent — mais l'astuce arrive, il s'agit de la Fédération de la construction du Québec, l'Association de la construction de Montréal, l'Association des constructeurs de grands travaux et en plus l'Association des constructeurs d'habitations — qu'elles sont bien prêtes à le rencontrer, mais à condition qu'elles soient assises avec la CSN et la CSD.

Comprenons-nous bien, M. Daoust dit: Moi, dans les circonstances actuelles, je me sens mal à l'aise d'inviter la CSN et la CSD. Et le ministre du Travail essaie par ses gens d'organiser une rencontre. Mais comme tout le monde doit être là et que la FTQ dit: Si je dois être avec la CSN et la CSD, je ne vois pas pourquoi les deux corporations d'électriciens et de plombiers ne seraient pas là du côté patronal. Parfait. Mais qui va les inviter? Ils se naissent comme ils ne peuvent pas se hair. Ce sont des gens en compétition les uns avec les autres.

J'ai donc pris sur moi comme ministre de les convoquer et de les inviter au ministère du Travail dans une salle que je mettrais à leur disposition. Je ne les ai pas convoqués pour agir entre eux. J'ai dit: Si vous ne savez pas qui va appeler qui et qu'on a un problème de cette nature, le ministre va les appeler et prenez donc une salle, et j'agis non pas comme intermédiaire, mais j'essaie d'éviter encore cette discussion de forme de table. Va-t-on se voir ou ne se verra-t-on pas? Ils se sont vus hier matin et hier matin nous avons discuté, sans discuter de ce que nous voulions discuter. Nous nous sommes dit que nous voulions discuter de la productivité sans discuter des augmentations de salaire, et nous nous sommes dit que nous voulions discuter des augmentations de salaire et que la productivité suivrait.

Un certain nombre a dit: Nous n'avons pas de problème, nous n'avons pas d'affaire à rien rouvrir. Et un certain nombre a dit: Je pense bien qu'il y aurait lieu d'être raisonnable dans ça. Ce sont les mêmes qui disaient qu'il y aurait lieu d'être raisonnable au mois de juillet. Mais comme ceux-là avaient dit ça au mois de juillet, les autres, n'ayant pas été d'accord dans ce temps, ne peuvent pas être d'accord aujourd'hui. C'était à prévoir que la situation tomberait d'elle-même et qu'à la fin de la réunion on constaterait l'échec, l'impossibilité pour les parties de considérer leurs problèmes et de tenter de les résoudre.

Leurs problèmes sont souvent de deux ordres. Les salariés demandant une indexation et les employeurs s'attendant à une productivité accrue, et voulant discuter et ne voulant pas discuter du problème de l'autre, ayant l'air de vouloir en discuter, le ministre a dit: C'est assez. Le premier ministre m'a demandé de faire en sorte que ce soit assez, parce que ce qui subit les conséquences de ces avatars de disputes interpatronales et intersyndicales, c'est toute l'économie du Québec. Il faut arriver au bout. Puis, pour arriver au bout et arrêter de remettre la responsabilité sur la tête du ministre et du gouvernement pour des actes que le Parlement a confiés à la responsabilité des parties patronale

et syndicale, et effectivement faire absorber par le gouvernement les conséquences de cette absence de prise de responsabilité d'un problème collectif par ceux qui se partagent ce monde, il n'y a qu'une conclusion, M. le Président. Si nous devons avoir la responsabilité, nous devons avoir le pouvoir de régler les situations qui se développent continuellement dans cette industrie.

Voilà pourquoi, M. le Président, nous avons décidé de présenter cette demande au Parlement de consentir au gouvernement le pouvoir qui accompagne normalement la responsabilité. Quel que soit ce que diront les entrepreneurs et ce que diront les travailleurs, on retournera toujours la responsabilité au gouvernement. Je sais bien que c'est une loi, en soi, qui est extrêmement onéreuse. Elle est onéreuse d'abord pour le ministre du Travail, pour le gouvernement encore plus, parce qu'en définitive le nerf de l'évolution du Québec reste la construction. Tant et aussi longtemps que c'est chaotique et que le gouvernement n'a pas les pouvoirs de régler les situations chaotiques, on peut s'attendre que ce nerf de l'industrie au Québec, ce nerf de l'évolution au Québec cause, à toutes fins utiles, une dépréciation de la valeur des Québécois sur le continent nord-américain. C'est cette industrie qui a le plus préoccupé le législateur depuis dix ans, c'est cette industrie qui a le plus évolué depuis dix ans. Les lois que le législateur est obligé de voter et qu'il a consenties sont les meilleures sur le continent nord-américain.

Il va falloir cependant que les parties comprennent une fois pour toutes que, quand le législateur confie des responsabilités à des gens, cela implique qu'ils prennent leurs responsabilités. Et quand ces gens transfèrent leurs responsabilités au législateur, qui les leur a confiées auparavant, qu'ils s'attendent que le législateur les reprenne ces responsabilités et qu'il assume pleinement le pouvoir correspondant pour régler les problèmes qu'ils n'ont pas été, eux, capables de régler.

M. le Président, je m'arrête, je ne veux pas continuer l'histoire. Je suis accusé de tous bords et tous côtés, par ces mêmes personnes de l'industrie de la construction, de manquer à mon devoir de ministre. Je manquerais gravement à mon devoir de ministre en ne présentant pas la loi que j'ai présentée, dans les circonstances dans lesquelles nous sommes, comme j'aurais manqué à mon devoir de ministre en ne présentant pas la loi 9 lorsque j'ai décidé de la présenter.

M. le Président, je laisse la parole à ceux qui vont s'opposer.

LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, je vois que le ministre du Travail a lu dans ma pensée en disant qu'il laisse la parole à ceux qui vont s'opposer.

M. BOURASSA: C'est ça. M. BURNS: Pardon? M. BOURASSA: Parlez.

M. BURNS: Vous avez quelque chose à dire?

M. BOURASSA: Je vous répondrai tantôt.

M. BURNS: C'est cela, laissez-moi faire en attendant, d'accord?

A première vue, c'est un simple projet de loi qui ne comporte à peine que quatre articles dont l'un est l'article de la mise en vigueur, c'est-à-dire celui de la date de sa sanction, et les deux autres, ce sont des articles de concordance avec l'article premier.

Sans me référer spécifiquement à un des articles et sans le discuter à ce stade-ci, ce qui devra être discuté un peu plus loin, je suis obligé de me rendre compte que le seul et unique but de ce projet de loi, c'est de prendre des pouvoirs qui appartiennent, à toutes fins pratiques, déjà, en partie, au lieutenant-gouverneur en conseil, avec le consentement des associations représentatives, et de remettre ce pouvoir entre les mains de ce même lieutenant-gouverneur en conseil sans le consentement des associations représentatives et, en particulier, d'ajouter le pouvoir de modifier le décret.

Je pense que lorsqu'on voit l'importance des pouvoirs que le lieutenant-gouverneur en conseil, soit le gouvernement, c'est-à-dire le cabinet, veut se réserver dans le présent cas, je pense qu'il est important d'examiner cela avec la toile de fond existante, actuellement, avec la commission Cliche, sur laquelle je n'élaborerai pas, selon vos propres directives. Mais on est obligé d'en tenir compte avec les révélations qui sortent à la commission Cliche, avec ce qu'on sait de la participation du gouvernement à des négociations illégales pour accorder le monopole à une centrale à la baie James, avec la participation d'un conseil spécial du premier ministre à ce type de négociation, avec — cela aussi fait partie de la toile de fond — la réprobation à peu près unanime de toutes les associations, tant patronales que syndicales, dans le domaine de la construction du ministre du Travail.

C'est ça la toile de fond dont on est obligé de tenir compte à ce stade-ci, avant de dire qu'on va être d'accord ou pas d'accord avec ce type de projet de loi.

Si j'ai bien écouté le ministre du Travail, ce qu'il veut, dans le fond, c'est de régler le fameux problème des $0.50. Il y a un syndicat qui pousse plus que les autres pour obtenir une hausse de $0.50 l'heure, ce qui, selon ce syndicat, serait un reflet de sa perte de pouvoir

d'achat ou, si vous voulez, le rembourserait ou rembourserait ses membres de sa perte de pouvoir d'achat, vu l'augmentation du coût de la vie.

Si c'est ça que le ministre du Travail veut avoir comme pouvoir de décréter, qu'il le dise dans son projet de loi, et sur cela, on va être d'accord. Mais je ne serai pas d'accord avec la toile de fond, que je vous ai mentionnée tout à l'heure, de donner un pouvoir absolument extraordinaire au cabinet des ministres, un pouvoir qu'aucun autre gouvernement ne s'est donné dans quelque domaine que ce soit des relations patronales-ouvrières.

Encore une fois, on nous revient avec un projet de loi, et le ministre du Travail en a cité quelques-uns, qu'on nous a présenté exactement dans la même forme. C'est pour ça que je ne suis pas convaincu, cette fois-ci, après la troisième ou quatrième reprise, mais dont les principales, à mon avis, sont les suivantes: Lorsqu'on a présenté le projet de loi no 290, sous une autre administration gouvernementale, je l'avoue, on l'a présenté comme étant une solution aux problèmes de la construction.

Je dois dire, à la décharge du ministre du Travail du temps, que c'était une tentative sérieuse de vouloir changer la situation dans le domaine de la construction.

Avant cela, M. le Président, il n'y avait aucune possibilité de stabilité syndicale dans le domaine de la construction, parce que les syndicats procédaient en vertu des lois générales en matière d'accréditation syndicale. Un syndicat qui voulait être accrédité dans la construction présentait une demande d'accréditation pour un chantier en particulier, parce que l'ancienne Commission des relations du travail avait tout simplement décidé que les accréditations provinciales n'étaient pas acceptables pour un employeur en particulier. Ainsi, quand arrivait le temps où l'accréditation devait être accordée, très souvent, le travail sur un chantier en particulier pour lequel on demandait l'accréditation était terminé, de sorte que cela ne donnait strictement rien de faire des procédures devant l'ancienne Commission des relations du travail.

Le projet de loi no 290 a tenté de régler, au moins, ce problème en fixant la représentativité au niveau provincial et en tenant compte, du côté patronal et du côté syndical, de l'importance des associations; ensuite, en fixant un certain nombre de mécanismes que je n'ai pas à réexaminer. Mais tous et chacun de ces mécanismes sont basés sur la participation des parties intéressées, participation que le projet de loi actuel veut venir nous dire qu'il faut strictement enlever, c'est-à-dire qu'on le laisse pour la forme. On le laisse pour la forme en donnant au lieutenant-gouverneur en conseil le pouvoir, sur la recommandation du ministre du Travail, de prolonger, d'abroger ou de modifier le décret sans le consentement des associations représentatives concernées.

Cela fait tellement de fois, M. le Président, qu'on nous dit... On nous l'a dit dans le cas du bill 38, quand la grève générale de la construction a eu lieu. C'était une étape que le ministre du Travail citait tout à l'heure. Lorsque l'ex-ministre du Travail avait présenté, dès les premiers mois de 1970, à la suite de l'élection de ce gouvernement, le projet de loi no 38 qui voulait régler la grève dans le domaine de la construction, il nous l'avait présenté comme une façon de remettre de l'ordre dans l'industrie de la construction.

On a fait la même chose quand, à Sept-Iles, on se fendait le crâne entre centrales syndicales rivales. On a adopté une loi spéciale encore ici. Encore une fois, on nous a dit: C'est pour remettre de l'ordre. J'ai entendu le ministre actuel du Travail nous dire: Je ne suis quand même pas pour les laisser faire. Il faut que je remette de l'ordre là-dedans. Quand on a adopté, M. le Président, bien contre notre gré, en 1973, le projet de loi no 9 qui, à toutes fins pratiques, en plein milieu des négociations, venait changer les règles du jeu, on nous dit aussi, que c'était un projet de loi qui venait remettre de l'ordre dans l'industrie de la construction.

Là, on va nous dire encore une fois, M. le Président, que ces pouvoirs excessifs que le lieutenant-gouverneur en conseil veut se donner, c'est pour remettre de l'ordre dans l'industrie de la construction, alors qu'on n'a rien fait quand il était temps. Dès les premiers mois, M. le Président — c'est pour cela que j'ai délibérément mentionné ces étapes de la mise en vigueur de la loi 290, Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction — dès la première convention collective qu'on a tenté de négocier pour venir au premier décret, presque toutes les parties concernées, patronales et syndicales, ont dit: Cette loi a besoin d'être ajustée à nos besoins. Qu'est-ce qu'on a fait, M. le Président? On n'a rien fait, on a attendu. On a attendu que les problèmes en viennent à un point tel qu'on dise:

II y a désordre total dans le domaine de la construction. Il est temps de remettre de l'ordre. On a eu le bill 38, et même après le bill 38, les parties sont venues devant nous en commission parlementaire pour venir nous expliquer certains de leurs problèmes. Je dois dire que certaines aussi de ces séances de la commission parlementaire n'ont pas été aussi calmes qu'elles auraient dû l'être, à cause de l'intervention de personnes, non pas de l'intérieur du parlement, mais de l'extérieur. Mais n'empêche qu'on s'est laissé intimider à ce moment-là parce qu'on était en voie de tenter de trouver une solution, pas nous autres, une solution nous autres avec les gens concernés. Il n'y aura jamais de solution qui va soi-disant remettre de l'ordre dans l'industrie de la construction si cette solution n'est pas recherchée avec les gens du milieu de l'industrie de la construction.

J'entends déjà le ministre du Travail, dans

son droit de réplique, me dire: Mais le député de Maisonneuve rêve en couleurs. Il pense que c'est possible. Oui, c'est possible. C'est possible si à un moment donné on est capable, par l'autorité de l'Assemblée nationale, d'amener ces gens devant nous, et même s'il y a des gens qui se bousculent quand ils viendront devant nous, ce n'est pas grave.

J'aime mieux qu'ils se bousculent devant nous en commission parlementaire, j'aime mieux voir certains députés se dire outrés d'entendre les gros mots que les gars de la construction peuvent venir nous dire que de les voir se casser la gueule toute l'année sur les chantiers.

M. BOURASSA: Sauter par-dessus la rampe.

M. BURNS: M. le Président, si on n'est pas capable de maintenir l'ordre ici, imaginez-vous comment on va le maintenir avec des projets de loi comme ça. C'est ça qu'est, à mon avis, l'inconséquence totale du ministre du Travail et du gouvernement qui le laisse présenter ce projet de loi. On n'est pas capable de maintenir l'ordre en commission parlementaire lorsque les gens de la construction viennent nous voir et ils font peur à quelques députés en sautant pardessus les barrières et on dit: On ne leur parle plus, on ne les invite plus parce que ce sont des gens qui brassent le camarade.

On va faire une loi qui va prendre tous les pouvoirs, qui va les mettre entre les mains du gouvernement et on va s'imaginer naïvement, j'allais même dire niaiseusement qu'on règle le problème alors que de façon répétée, constamment, d'une fois l'autre, on nous amène des bouts de projets de loi soi-disant pour remettre de l'ordre dans l'industrie de la construction. Voyons donc! Ne nous leurrons pas, ne nous contons pas d'histoires. Il y a beaucoup de choses, il y a une côte à remonter dans la construction, je l'admets. Ecoutez, je ne suis pas à ce point naîf de ne pas constater que le domaine de la construction est assez, je dirais, bizarre au point de vue des relations patronales-syndicales.

M. CHOQUETTE: C'est un euphémisme.

M. BURNS: Je suis capable de constater ça, M. le Président. Je suis capable de constater aussi qu'il y a un historique assez spécial dans le domaine de la construction. Je ne vous ferai pas tout cet historique parce que probablement qu'il me manquerait des bouts. Je risquerais de ne pas vous donner l'image complète, mais je suis capable de constater le résultat que le ministre de la Justice lui-même a pu constater parce qu'il a été obligé de porter des plaintes et il va être obligé d'en porter encore d'autres.

Je n'ai pas de leçon à recevoir ni du ministre de la Justice ni d'autres.

M. CHOQUETTE: Non, ce n'est pas une leçon que je veux vous servir, c'est surtout parce que le ministre de la Justice l'a dit, ce que c'était, ce milieu-là, il y a quelques années.

M. BURNS: M. le Président...

M. CHOQUETTE: Vous l'admettez.

M. BURNS: M. le Président, je l'ai dit quand on a adopté le projet de loi no 38, projet de loi qui forçait le retour au travail des employés de la construction en grève en 1970. Je l'ai dit que c'était une jungle assez particulière, au point de vue des relations patronales-ouvrières, le domaine de la construction. Je l'ai dit bien avant que le ministre de la Justice le constate. Je le savais même, M. le Président, avant d'être membre de cette Assemblée nationale. Je ne le nie pas.

Ce que je dis, par exemple, M. le Président, c'est que, devant une situation aussi cancéreuse, je comprends mal qu'un gouvernement vienne poser des cataplasmes sur des jambes de bois. Ce n'est pas plus que cela qu'on est en train de faire. On se dit: On va le régler le problème, on va prendre tous les pouvoirs. Bien oui, mais je demande au premier ministre...

M. BOURASSA: Ce n'est pas un cataplasme, c'est un gain de pouvoirs.

M. BURNS: ... quand vous aurez tous les pouvoirs, est-ce que c'est vous qui allez, à un moment donné, faire la finition dans certains chantiers de construction quand les gars de la finition vont lâcher? Est-ce que c'est vous qui allez faire les formes lorsque, à un moment donné, les menuisiers et les manoeuvres décideront que même, malgré cela, ça ne marche pas? Est-ce que c'est vous qui allez faire les liens électriques? Je ne connais pas les termes du métier mais vous savez fort bien ce que je suis en train de dire. Est-ce que c'est vous...

M. BOURASSA: Lisez le décret.

M. BURNS: ... M. le premier ministre, qui allez remplacer, avec les pouvoirs que vous vous donnez, les gens qui vont dire: On nous a encarcané encore une fois dans une loi qui n'est pas adaptée à nous? Je vous dis non, M. le Président. Ce n'est sûrement pas le premier ministre qui va aller le faire; je sais ce que le premier ministre va faire ou le ministre du Travail actuel ou futur, à cette époque-là. Je le sais, il va faire comme aujourd'hui, il va revenir devant nous et il va dire, tranquillement, pas vite: II faut mettre de l'ordre dans l'industrie de la construction. Bien moi, je suis tanné d'entendre cela, M. le Président. C'est pour cela que, d'abord et avant tout, en principe, je suis contre un type de projet de loi comme celui-là, qui se veut une solution magique, qui n'a jamais été discuté véritablement avec les gens. Oh! je sais, sans aucun doute, qu'il a été donné comme une espèce d'avertissement ou comme une sorte de

menace aux gens de la construction. Je suis convaincu, sans avoir participé aux discussions, que dans les rencontres on a montré des avant-projets aux gens de la construction, comme on le fait souvent dans le domaine du travail et qu'on leur a dit: Vous savez, il faut être gentil, il faut être fin, parce que, là, on va vous enlever bien des pouvoirs.

C'est ce qu'on a fait peut-être. Mais cela, je n'appelle pas cela de la consultation. La véritable consultation, cela va être, à un moment donné, de rencontrer les gens de la construction, tant du côté patronal que syndical, et de leur faire une loi qui va être un habit sur mesures, et qui n'aura pas de couture qui va dépasser, ni de pantalons trop longs et de manches trop courtes. C'est cela, M. le Président, qu'il va falloir qu'on fasse, et il va falloir qu'on ait le courage de le faire, avec les difficultés que cela comporte. Cela ne sera pas, M. le Président, en faisant des solutions de "repatchage" comme celle-là qu'on va réussir à régler le problème dans l'industrie de la construction.

J'ajoute ceci, c'est peut-être très méchant ce que j'ai à dire, M. le Président, mais l'unanimité avec laquelle le ministre du Travail est répudié dans le domaine de la construction...

Cela, c'est de notoriété publique et, quand je dis l'unanimité, je veux dire tant du côté patronal que syndical. Pas plus tard que ce matin, il y avait trois associations patronales qui disaient: Le problème ne sera jamais réglé tant que Cournoyer va être là.

M. BOURASSA: Facile à dire.

M. BURNS: La CSN et la FTQ l'ont dit et redit, je ne sais combien de fois.

M. MERCIER: Ce n'est pas des références.

M. BURNS: M. le Président, quand vous rencontrez une unanimité telle du côté patronal et du côté syndical, je vous dis ceci... Cela me fait un peu de peine de le dire parce que, sur le plan personnel, c'est quelqu'un que j'aime bien.

M. BOURASSA: II sert de bouc émissaire, c'est tout.

M. BURNS: Je suis content que le premier ministre soit là pour l'entendre: II est temps, tout simplement, de changer d'interlocuteur, parce que, si dans le domaine de la construction votre ministre du Travail est répudié de façon unanime d'un côté comme de l'autre, c'est simple, M. le Président, faites toutes les lois que vous voudrez, vous n'avez plus d'interlocuteur gouvernement-syndicats ou gouvernement-patrons. Cela, c'est important qu'on se le dise. C'est peut-être méchant que je le dise, mais je serais malhonnête si je ne le disais pas, parce que je le pense. Je ne vois pas pourquoi je le dirais à la Chambre de commerce de Montréal, si je ne suis pas capable de revenir le dire ici. Je l'ai dit à la Chambre de commerce de Montréal et je reviens le dire ici, M. le Président.

M. BOURASSA: C'est une sottise que vous avez dite là.

M. BURNS: Vous les jugerez et vous les accumulerez mes sottises, puis vous les présenterez à mes électeurs la prochaine fois; ils jugeront, eux.

M. le Président, je pense très sincèrement qu'avant de penser à améliorer une loi comme celle-là, il y a au moins deux étapes à franchir. La première au point de vue délai, c'est de changer l'interlocuteur du gouvernement. Il est essentiel que le ministre du Travail soit remplacé. Est-ce clair, cela? C'est mon opinion. Bon. Vous avez le droit de ne pas être de mon avis. Vous êtes le seul, comme je l'ai dit, qui le défendez au Québec. Qu'est-ce que vous voulez? Continuez, M. le premier ministre. Continuez. Mais, tant que vous ne comprendrez pas cela, vous ne réglerez pas le problème de la construction. Encore une fois, quand je vous dis qu'il est temps que vous changiez d'interlocuteur, je ne veux pas m'imposer dans votre cabinet, je ne dis pas que le ministre du Travail ne pourrait pas être utile ailleurs. C'est vous qui le déciderez; ce n'est pas à moi de le juger, à ce moment-ci. Mais il y a quelque chose de clair; d'abord et avant tout, avant de régler le problème de l'industrie de la construction, il va falloir que vous ayez un gars capable d'avoir suffisamment de crédibilité auprès des associations patronales, auprès des associations syndicales, peu importent les problèmes qu'elles traversent actuellement, pour pouvoir véritablement discuter avec ces gens-là. Cela, M. le Président, je pense que c'est une priorité.

Deuxièmement, une fois que vous aurez fait cela, une fois que vous vous serez retrouvé un interlocuteur valable dans ce domaine-là, vous serez en mesure, et nous tous ici nous le serons de rencontrer les gens du milieu de la construction et de leur créer cet habit sur mesure qu'ils veulent. Ce ne sera peut-être pas un habit sur mesure unanimement dessiné, mais ce sera sûrement quelque chose de mieux que ce qui existe actuellement, malgré tous les efforts qu'on a mis dans la loi 290 lorsqu'on l'a adoptée.

M. le Président, si, après avoir fait ces efforts-là, on sent que c'est absolument impossible d'en arriver à une solution, j'envisagerai d'accepter de donner des pouvoirs exceptionnels au gouvernement dans ce domaine-là, parce que, là on dira:

On a vraiment tout fait. Mais là on n'a vraiment rien fait, et on nous demande, après n'avoir strictement rien fait, d'accorder au lieutenant-gouverneur en conseil ces pouvoirs excessifs. Encore une fois, je le répète, pour ne pas qu'on m'interprète mal et que le premier ministre parte sur une chire comme il le fait

habituellement et qu'il dise: Burns a dit qu'il ne fallait pas mettre de l'ordre dans l'industrie de la construction. Burns est contre ce fait que vous ayez, les gars de la construction, $0.50 d'augmentation l'heure. Je le sais, le premier ministre, dans ses émissions le dimanche, c'est probablement ce qu'il va dire.

Si c'est ça qu'il dit, il mentira effrontément. J'espère qu'il ne le fera pas. Parce que je l'avertis d'avance que ce n'est pas ça que je dis. Je dis que, si c'est pour leur donner leurs $0.50 l'heure, mettez-le donc dans la loi et nous sommes d'accord que vous ayez le pouvoir de modifier le décret pour ça. Mais, si vous avez besoin d'un marteau, ne nous demandez pas une masse. C'est ça que vous faites actuellement.

Vous dites: Nous avons besoin d'accorder une augmentation de salaire aux gars de la construction. Il faut absolument régler ce problème. Et je suis d'accord, j'ai même posé des questions au premier ministre, en l'absence répétée du ministre du Travail. Et je n'ai pas eu de réponse encore là-dessus.

La seule réponse que j'ai eue, c'est qu'une bonne journée j'ai vu un projet de loi apparaître en avis au feuilleton. Et l'autre réponse que j'ai eue, ça a été une demande du premier ministre de sauter l'étape, parce qu'on avait refusé, pour probablement de bonnes raisons, de déposer le projet de loi le matin même et on a voulu le déposer l'après-midi, soit hier. Et j'ai accepté, j'ai donné mon consentement.

Tant et aussi longtemps que vous allez demander une masse alors que c'est d'un marteau que vous avez besoin, je ne serai pas d'accord. Moi je ne sais pas ce qu'il y a derrière les pouvoirs et les intentions du gouvernement qui paraissent dans ce projet de loi. Je ne sais pas ce que ça veut dire moi le pouvoir de modifier, même sans le consentement des parties, le décret. Je ne sais pas jusqu'où ça peut aller.

Si c'est pour aller jusqu'à $0.50 d'augmentation l'heure, je dis: Parfait, mettez-le, on l'accepte et votre projet de loi, vous allez l'avoir avant minuit, je vais lâcher tout de suite.

M. BOURASSA: II n'y a pas que cela dans le décret.

M. BURNS: II n'y a pas que cela dans le décret, mais moi je veux savoir, par exemple, ce à quoi j'expose les gens de la construction alors qu'on n'a pas véritablement — je vous le dis — pris la peine de savoir comment on peut faire un règlement qui est à la mesure de la construction. C'est pour cela que je vais voter contre le projet de loi.

M. le Président, j'espère que le gouvernement, en cours de route, va se raviser. Quand le projet de loi no 9 a été adopté — c'est peut-être bon de le rappeler — le député de Saint-Jacques et moi-même, on s'est fait critiquer même par une certaine partie syndicale pour les attitudes que nous avons prises. A l'époque, il y a beaucoup de monde qui s'est bidonné du côté ministériel, disant: Tiens, les défenseurs des travailleurs qui se font critiquer par les travailleurs. Mais qu'est-ce que nous avons dit, M. le Président, à l'époque du projet de loi no 9? Alors qu'en pleine négociation, il y avait un dead-lock complet, qu'il y avait difficulté même de se rencontrer à une même table de négociation. Le gouvernement a décidé, pendant la partie de hockey, de changer les règles du jeu. Nous avons dit: Ce n'est pas possible, cette approche. Cette attitude est indéfendable et vous ne réglerez pas le problème. Je vous réfère au journal des Débats, je n'ai pas le texte devant moi, je ne me relis pas constamment, comme certains le font, mais je me rappelle cependant que le député de Saint-Jacques et moi-même nous avons dit: Cela nous fait de la peine de vous le dire, parce qu'on aimerait bien que vous le régliez, le problème, dans la construction, mais vous ne le réglerez pas en faisant cela. M. le Président, il y a presque deux ans de cela, un an et demi, plus exactement, mais je pense qu'on a eu raison de le dire, parce que, justement, on revient cette année nous dire, au député de Saint-Jacques et à moi: On s'excuse, on ne l'a pas réglé, le problème, dans la construction, mais on va essayer de le régler, là. Donnez-nous la masse, donnez-nous quelque chose qui va assommer tout le monde et on va le régler.

M. COURNOYER: C'est le temps de les assommer.

M. BURNS: A ce moment-là, M. le Président, c'est ça que je dis, vous prenez des mesures dont je ne suis même pas assuré qu'elles vont régler votre problème, je vous le répète...

M. COURNOYER: C'était la même chose dans le cas du bill 15.

M. BURNS: Je l'ai dit dans le cas du bill 15, je l'ai dit dans le cas du bill 38, avant que vous soyez là.

M. COURNOYER: ... prenait des mesures.

M. BURNS: C'est le seul type de loi que le ministre du Travail est capable d'apporter apparemment devant ce Parlement-ci.

M. COURNOYER: Je vais continuer pareil.

M. BURNS: Vous allez continuer pareil et vous allez continuer à travailler contre les travailleurs. C'est ça que vous faites actuellement. Et, ce qui est pire, c'est que vous continuez...

M. COURNOYER: Je vais continuer à parler...

M. BURNS: ... par votre inertie à travailler...

M. COURNOYER: ... la même affaire.

M. BURNS: ... non seulement contre les travailleurs mais contre tout le milieu des relations patronales-syndicales.

M. COURNOYER: ... parler contre ces espèces de sépulcres blanchis qu'on appelle des chefs syndicaux.

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! ... Il est minuit. ... Il est minuit, messieurs. ... Il est minuit. ... Est-ce que vous faites d'autres choses après? Oui?

M. BURNS: Je propose l'ajournement du débat, M. le Président.

LE PRESIDENT: Alors, s'il n'y a que cela, ce n'est pas nécessaire.

M. BURNS: C'est parce que je n'ai pas fini, M. le Président, j'ai droit à une heure.

M. BOURASSA: Avez-vous des...

LE PRESIDENT: Vous avez automatiquement droit à la parole; le débat est ajourné sans motion.

M. BURNS: D'accord, M. le Président.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à lundi, dix heures.

LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à lundi, dix heures.

(Fin de la séance à 23 h 59)

ANNEXE

Question de M. Bellemare (Johnson) 1. Par qui, à quelle date et à quel traitement, M. Marc Picard a-t-il été nommé ou désigné coordonnateur des travaux de reconstruction de Place Royale à Québec? 2. Qui était son supérieur immédiat et de qui prenait-il ses directives; du sous-ministre, du cabinet du ministre, du ministre lui-même ou de d'autres? 3. A quelle date son mandat ou ses responsabilités lui ont-ils été retirés? 4. Par qui et pour quels motifs? 5. Quelles sont les fonctions qu'il occupe depuis ce temps et quel est son traitement actuel? 6. Qui a-t-on désigné comme successeur?

Réponse de M. Hardy 1. M. Marc Picard a été nommé par le ministre des Affaires culturelles, M. François Cloutier, le 8 juillet 1970, au traitement annuel de $18,000. 2. Son supérieur immédiat était le ministre lui-même. 3. Ses responsabilités lui ont été retirées le 1er septembre 1972. 4. Par le ministre, madame Claire Kirkland-Casgrain, pour des motifs d'ordre administratif. 5. Chef de projets spéciaux à la Direction générale de l'aménagement (Ministère des Travaux publics). Son traitement est de $22,000. 6. Son successeur a été M. P.-H. Roy, ex-directeur du Service des Monuments historiques.

Question de M. Roy 1. Pour la dernière année complète, quelle était en livres: a) la consommation; b) la production; du poulet à griller au Québec, en Ontario, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et dans l'ensemble du Canada? 2. Pour la dernière année complète, combien de livres de poulet ont été: a) importées au Canada: b)exportées du Canada.

Réponse de M. Toupin 1. a) Consommation de poulet à griller, 1973

(millions livres, poids éviscéré) Québec 160.3

Ontario 209.3

Manitoba 26.3

Nouveau-Brunswick 17.1

Canada 582.7 b) Production de poulet à griller, 1973 (millions livres, poids éviscéré) Québec 209.1

Ontario 207.6

Manitoba 23.7

Nouveau-Brunswick 14.8

Canada 591.6 2. Commerce extérieur, viande de poulet, Canada 1973

(milliers livres, poids éviscéré) a) Importations 7,644 b) Exportations 4,045

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