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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le vendredi 27 décembre 1974 - Vol. 15 N° 106

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Le député de Mille-Iles.

Rapport sur le projet de loi no 46

M. LACHANCE: M. le Président, conformément à notre règlement, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration qui a étudié le projet de loi no 46, Loi modifiant la loi du ministère de l'Immigration.

LE PRESIDENT:

Rapport déposé.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

Questions orales des députés.

QUESTIONS DES DÉPUTÉS

LE PRESIDENT: Le chef de l'Opposition officielle.

Autochtones de la baie James

M. MORIN: J'aurais eu une question pour le ministre des Finances, mais, en son absence, j'en poserai une autre au premier ministre. Dans l'accord de principe intervenu, récemment, entre le Québec et les autochtones de la baie James, on déclare, au chapitre des Terres que: "environ 1,274 milles carrés seront régis et administrés en vertu de la Loi sur les Indiens. Le reste des terres de la catégorie 1 pour les Cris de la baie James sera attribué de façon telle que la continuation de la juridiction provinciale sur ces terres soit assurée".

Devant cette clause de l'accord provisoire, je voudrais demander au premier ministre s'il peut nous donner les raisons pour lesquelles le Québec est prêt à céder sa compétence au gouvernement fédéral sur 1,274 milles carrés de son territoire, dont il est le propriétaire, consti-tutionnellement, alors qu'il nous paraît qu'il eût été plus raisonnable que le Québec exerce pleinement sa compétence sur ce domaine. Quels ont été les motifs qui ont dicté cette décision? Et quelles pressions ont été exercées sur le Québec pour qu'il en vienne à céder de la sorte une partie de son territoire?

M. BOURASSA: M. le Président, si le chef de l'Opposition me le permet, je peux vérifier, je crois que c'était pour des raisons... de toute façon c'est une entente de principe, ce n'est pas une entente finale. Je crois qu'il y avait, si ma mémoire est bonne, des raisons juridiques à cette clause, mais je peux vérifier et je pourrai répondre plus en détail au chef de l'Opposition demain ou cet après-midi.

M. MORIN: Puisque le premier ministre va s'enquérir, j'aimerais lui souligner que jusqu'ici le gouvernement fédéral exerçait sa compétence sur 291 milles carrés. En ajoutant 1,274 milles carrés qui sont cédés au gouvernement fédéral pour les fins de la compétence, il y aura maintenant plus de 2,000 milles carrés sous compétence fédérale. Je voudrais demander au premier ministre, s'il est conscient du fait que ces dispositions, ajoutées aux parcs dits nationaux, ajoutées à la compétence que le gouvernement fédéral exerce sur les rives du Saint-Laurent et à tous ces autres moyens dont il dispose pour gruger les compétences québécoises, si cela n'a pas été une erreur que d'augmenter de la sorte la compétence fédérale sur le territoire québécois?

Dernière question, est-ce que ce n'est pas la responsabilité du premier ministre de sauvegarder la compétence de son gouvernement sur son propre territoire?

M. BOURASSA: M. le Président, c'est la première fois que le Parti québécois, par son chef, énonce un point de vue sur cette entente. Je crois qu'il avait exprimé son accord sur l'entente qui avait été signée avec les Indiens. Ce matin, il arrive avec une objection sur cette question.

M. MORIN: C'est une question que je vous pose. Ce sera peut-être une objection plus tard. Pour l'instant c'est une simple question...

M. BOURASSA: Je tiens compte de la distinction. J'ai dit que j'étais pour vérifier s'il n'y avait pas des raisons juridiques qui pouvaient justifier cette clause dans l'entente qui, dans l'ensemble, a été jugée excellente de part et d'autre, entente de principe qui doit être finalisée d'ici un an.

Pour ce qui a trait au territoire détenu par le gouvernement fédéral, il y a les aéroports, il y a les ports, le gouvernement fédéral n'est quand même pas un gouvernement étranger, et je ne crois pas qu'on doive concevoir le fait que le gouvernement fédéral détient certains territoires au Québec comme étant une entrave au développement du Québec.

M. MORIN: Puis-je savoir quand j'aurai la réponse, approximativement?

M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition a élargi sa question en mettant en cause le fait, pour le gouvernement fédéral, de détenir des

territoires qui, dans l'ensemble du territoire québécois, sont très marginaux, si on prend le total des territoires détenus par le gouvernement fédéral.

M. MORIN: C'est considérable!

M. BOURASSA: C'est dans l'ensemble, je pense bien. Mais en ce qui a trait à la question de la baie James elle-même, je pourrai vérifier, cet après-midi, et donner une réponse au chef de l'Opposition.

LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.

Salaire des juges

M. SAMSON: M. le Président, je voudrais poser une question au ministre de la Justice. Dans son intervention de lundi soir dernier sur le projet de loi concernant l'ajustement du salaire des juges, le ministre de la Justice a fait une déclaration qui peut sembler ambiguë. Justement, c'est dans le Journal de Québec de ce matin...

M. CHOQUETTE: Dont le porte-parole est M. Normand Girard, à l'Assemblée.

M. SAMSON: Cela va peut-être permettre au journaliste de rectifier ou préciser la pensée du ministre, s'il la précise ce matin. Le journaliste se posait une question. Il a dit: "Est-ce que le public sait que les fonctionnaires auront 29 p.c. d'augmentation le 1er janvier prochain? " Doit-on comprendre, dans cette déclaration, que les fonctionnaires obtiendront 29 p.c. d'augmentation le 1er janvier prochain, ou si c'est une compilation des augmentations depuis un, deux ou trois ans qui feront que cela totalisera 29 p.c. le 1er janvier prochain?

M. CHOQUETTE: M. le Président, je ne savais pas que le député de Rouyn-Noranda était devenu le porte-parole de M. Normand Girard, ce journaliste très sympathique.

M. SAMSON: M. le Président, je pose la question de privilège pour vous dire que si je devais être le porte-parole de quelqu'un, je préférerais être le porte-parole de M. Normand Girard que celui du ministre de la Justice. Mais ce n'est pas le cas.

M. CHOQUETTE: Pourtant, M. le Président, je trouve que le député de Rouyn-Noranda est aussi sympathique que M. Normand Girard. Je ne vois pas pourquoi le député de Rouyn-Noranda me cherche noise ce matin.

Mais pour répondre à sa question, je voulais simplement faire une comparaison entre ce que les fonctionnaires obtiendraient par l'application de leur convention collective et aussi des dispositions qui les régissent, en vertu de la Loi de la fonction publique, et d'autre part, l'ajustement de traitement que je proposais à la Chambre de donner aux juges.

Je disais que, par application des dispositions existantes, les fonctionnaires du Québec bénéficieraient d'augmentations dues à des changements dans leurs échelons, plus des ajustements au coût de la vie, et que tout cela, suivant les renseignements que j'avais, formait un total d'environ 29 p.c.

Ce n'était pas une annonce d'une augmentation que le gouvernement donnait; c'était strictement cité à titre de comparaison pour indiquer que les fonctionnaires du gouvernement québécois voyaient leur sort amélioré d'une façon considérable et qu'il ne fallait pas oublier les juges dans tout cela.

LE PRESIDENT: Affaires...

Scierie de Taschereau

M. SAMSON: Un instant, on va en poser d'autres. Je voudrais en poser une, M. le Président, à l'honorable ministre des Terres et Forêts, pour lui demander s'il a des nouvelles à nous annoncer concernant le problème de la scierie de Taschereau, dans le comté d'Abitibi-Ouest. Est-ce qu'il y a eu entente entre son ministère, REXFOR et la coopérative?

M. DRUMMOND: Rien de nouveau à annoncer depuis la dernière fois où j'ai répondu à cette question, M. le Président. Je suis censé rencontrer les gens de REXFOR, le 5 ou le 6 janvier, pour discuter de tout le dossier et pour essayer de faire le point là-dessus.

M. BELLEMARE (Johnson): II s'est acheté "une froque" neuve!

LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. DRUMMOND: M. le Président, je me suis habillé pour l'occasion aujourd'hui, à cause du député de Johnson. Je porte une cravate et l'étiquette dit bien que c'est 100 p.c. en soie! De plus, M. le Président, cela augmente ma collection de cravates d'un tiers!

DES VOIX: Ha! Ha!

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, je n'ai rien dit de mal. J'ai dit qu'il s'était acheté une veste neuve dans un "encan de feu"!

DES VOIX: Ha! Ha!

LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

Impôt foncier scolaire

M. MORIN: Ma question est destinée au ministre des Finances. Elle fait suite aux questions que nous lui avons déjà posées, les 6 et 17 décembre, au sujet de l'impôt foncier scolaire. Le ministre peut-il, en premier lieu, nous confirmer que, pour l'année en cours, les recettes de l'impôt foncier vont doubler le cap des $500 millions? Effectivement, les derniers chiffres que nous possédons sont $503 millions. Je me réfère à ce que le ministre m'a dit, l'autre jour, à l'étude des crédits; il ma plutôt indiqué le chiffre de $450 millions à $475 millions. Il semble maintenant que cela va doubler le cap des $500 millions et va donc dépasser d'environ $50 millions, soit de 10 p.c, ses prévisions.

Si tel est le cas, le ministre peut-il nous dire s'il envisage de réduire — puisque nous disait-il dans le passé c'était là son objectif — par exemple, de $1.25 à $1 le taux normalisé, de façon à faire contrepoids à la hausse vertigineuse de l'évaluation foncière entraînant ainsi forcément des hausses très fortes dans le fardeau fiscal des contribuables québécois?

M. GARNEAU: M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion de répondre, comme l'a indiqué le chef de l'Opposition, à cette question en termes d'objectifs que nous voulions atteindre. Je n'ai pas l'intention de reprendre le débat ce matin. Je n'ai pas eu de chiffres plus précis que ceux que j'ai cités récemment, c'est-à-dire des montants de taxes foncières de l'ordre de $450 millions à $475 millions. Je n'ai pas de données plus précises concernant cette recette. Je ne sais pas à quel endroit le chef de l'Opposition peut avoir pris ses statistiques, mais, en provenance du réseau scolaire, je n'ai pas eu de changement. On se rappellera que l'actuel gouvernement a réduit de $1.40 à $1.25 le taux normalisé de l'impôt foncier. On a soumis, dans certains milieux que cette baisse avait été remplacée par des augmentations pour des dépenses inadmissibles.

Je dois souligner qu'en 1972 et 1973, au 30 juin 1973 — c'était la deuxième année de notre modification fiscale au niveau foncier et scolaire — le montant perçu en taxes pour des dépenses inadmissibles était demeuré à un montant de l'ordre de $27millions à $30 millions. Ce qui veut dire que la baisse du taux normalisé dans l'ensemble du Québec n'avait pas donné lieu, et je parle toujours en moyenne, en général, à des augmentations correspondantes pour des dépenses que l'on qualifie d'inadmissibles pour fins de subventions en termes d'équilibre budgétaire.

C'est donc dire qu'il y a eu, au cours de ces années, une baisse réelle du fardeau fiscal scolaire en termes d'impôt foncier.

Pour ce qui est de l'avenir, le discours du budget sera vraisemblablement au cours du mois de mars ou du mois d'avril, comme à l'habitude et les modifications, s'il y a lieu d'en apporter, seront annoncées à ce moment.

M. MORIN: En question supplémentaire, M. le Président, j'espère que le ministre va pouvoir se renseigner rapidement parce qu'effectivement, à l'heure actuelle, selon nos renseignements, ça dépasse $500 millions et j'aimerais demander...

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît!

M. MORIN: ... au ministre s'il est conscient qu'en période de forte inflation et de spéculation foncière effrénée, alors que la valeur marchande des biens fonciers, des maisons augmente à un rythme très élevé, s'il est conscient du fait qu'un tel système...

UNE VOIX: Cela baisse depuis une semaine. LE PRESIDENT: Allez, allez.

M. MORIN: Je ne m'entends pas moi-même poser la question, M. le Président.

LE PRESIDENT: S'il vous plaît, messieurs!

M. MORIN: Est-ce que le ministre est...

LE PRESIDENT: Messieurs, s'il vous plaît!

M. MORIN: Le ministre est-il conscient du fait que le système d'imposition actuel, fondé sur l'impôt foncier, entraîne des hausses de taxes draconiennes, que la plupart des propriétaires fonciers, en particulier des petits propriétaires fonciers, sont incapables de supporter une augmentation de taxes qui ne correspond...

LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! M. MORIN: ... pas du tout... LE PRESIDENT: A l'ordre! M. MORIN: ... à la capacité...

LE PRESIDENT: A l'ordre! Messieurs, s'il vous plaît! S'il vous plaît! J'avertirais en premier lieu nos collègues; je sais qu'il peut y avoir invitation à cette période des questions à réagir et, en l'occurence, j'y voyais une invitation du chef de l'Opposition, pour ses collègues qui ne sont pas de son opinion, à intervenir et à réagir. Je voudrais souligner, comme je l'ai déjà fait une fois, que la période des questions n'est pas une période invitant les députés de l'opposition à ouvrir des débats. Si on commence, et je le répète pour la deuxième fois, une question en demandant à un ministre s'il est conscient de telle chose, surtout dans le sens que c'est posé,

c'est beaucoup plus l'amorce d'un débat. La période des questions, c'est pour obtenir des renseignements factuels sur l'administration; ce n'est pas en posant des questions de cette manière, en demandant si le ministre est conscient. Si le ministre dit oui ou non, je considère que ni le oui ou ni le non n'est un renseignement valable pour l'Opposition. C'est un peu peut-être la raison pour laquelle d'autres députés interviennent parce que c'est beaucoup plus l'amorce d'un débat que le désir d'un député de l'Opposition d'obtenir des renseignements véritables.

M. MORIN: En attendant, le ministre pourrait-il répondre à ma question?

M. GARNEAU: Je pourrais répondre oui et me rasseoir. Mais je trouve que le chef de l'Opposition prend beaucoup de détours; il me semble qu'il devrait être un peu plus généreux, en cette période de Noël, à l'endroit du gouvernement qui, depuis cinq ans, a présenté des budgets sans augmentation de taxes et qui, au cours de ces cinq dernières années, a baissé le taux d'imposition foncière pour fins scolaires de $0.15 les $100 d'évaluation. Ce que nous proposions, en 1971, de faire sur cinq ans, nous l'avons fait en trois ans. Il me semble que le chef de l'Opposition devrait tenir compte de ce facteur lorsqu'il pose une question. Peut-être n'inviterait-il pas à un débat, mais aussi peut-être serait-il plus juste à l'endroit du gouvernement.

Je lui ai répondu tout à l'heure que le prochain discours du budget aurait lieu au cours du mois de mars ou du mois d'avril. Il y a plusieurs facteurs dont il faut tenir compte. Ce que mentionne le chef de l'Opposition est un facteur, un parmi d'autres et c'est après avoir analysé tous ces points de vue que nous prendrons une décision.

M. MORIN: J'ai une question supplémentaire, M. le Président.

M. BOURASSA: Juste pour ajouter un point à la réponse du ministre des Finances.

M. MORIN: Volontiers.

M. BOURASSA: Le chef de l'Opposition sait fort bien que, si les rôles d'évaluation ne sont pas modifiés, cela suppose deux choses pour augmenter la taxe foncière: l'augmentation du taux lui-même et des changements aux rôles d'évaluation. Dans plusieurs municipalités au moins, si ce n'est pas dans toutes, selon la Loi des cités et villes, cela peut se faire tous les deux ou trois ans. Donc, il peut n'y avoir aucune augmentation du rôle d'évaluation, donc aucune augmentation du taux. C'est d'ailleurs pourquoi le taux de croissance de l'impôt foncier est tellement faible par rapport aux taux de croissance des autres impôts.

M. MORIN: II s'agit quand même d'une croissance de 10 p.c., M. le Président.

DES VOIX: Oh! Oh!

LE PRESIDENT: Messieurs, s'il vous plaît!

M. MORIN: Je vais tâcher de me conformer à la directive en posant la question d'une autre façon, mais de toute manière je désire obtenir le renseignement. Aussi vais-je poser la question comme ceci au ministre des Finances; je vais essayer de me "contorsionner les méninges" pour obtenir une réponse qui a du sens.

DES VOIX: Ah!

LE PRESIDENT: Messieurs!

M. MORIN: La situation, selon le ministre des Finances, n'évolue-t-elle pas vers une hausse constante des taxes foncières pour fins scolaires, ce qui va directement à l'encontre du plan dont le ministre nous avait fait part l'année dernière et qui consistait à réduire, au contraire, le fardeau fiscal du contribuable foncier comme moyen de financer le système d'éducation au niveau primaire? Et, dernière question, à moins que la réponse du ministre n'en suscite d'autres dans mon esprit, n'aurons-nous pas une augmentation de 10 p.c. des impôts fonciers scolaires cette année?

M. GARNEAU: Tout dépend de la date à laquelle cette année, par rapport à l'année dernière, la révision du rôle d'évaluation a été faite. Si l'évaluation a été faite — le rajustement et l'équilibre à l'intérieur de la région scolaire — en 1973, et qu'elle n'a pas été refaite en 1974 ni en 1975, c'est évident qu'il n'y aura pas eu augmentation du fardeau fiscal. Par contre, si cette révision a été faite en 1974 et qu'elle n'avait pas été faite depuis 1972, cela signifiera une augmentation du fardeau fiscal.

Pour ce qui est de la première partie de la question du député de Sauvé, j'ai déjà eu l'occasion de répondre à cette question en commission parlementaire et je crois qu'en réponse à un député de l'Opposition — je ne sais pas si c'est au député de Rouyn-Noranda ou à un autre député de l'Opposition — j'ai eu l'occasion d'indiquer que notre objectif, celui qui avait été annoncé en 1971, était toujours le même. Tout à l'heure, en disant au chef de l'Opposition que le fardeau pour les dépenses inadmissibles n'avait pas augmenté, je répondais, en ce faisant, à une des objections que dans certains groupes, dans certains milieux on a faites à la baisse de l'impôt foncier scolaire en disant: Vous avez baissé le taux normalisé et les commissions scolaires sont entrées dans le vacuum que vous avez fait par un taux pour dépenses inadmissibles. Je pense que cette argumentation, dans l'ensemble du Québec,

n'est pas vraie, puisque le montant de taxes foncières perçu pour des dépenses inadmissibles est demeuré au même niveau au cours des trois ou quatre dernières années, c'est-à-dire entre $27 et $30 millions, ce qui signifie que l'impôt libéré n'a pas été remplacé, d'une façon générale, par une augmentation d'impôt pour dépenses inadmissibles. Pour ce qui est de l'avenir, malgré l'invitation que me fait depuis trois questions le chef de l'Opposition, je n'ai pas l'intention de dire à ce moment-ci quelle sera la politique du gouvernement. Elle sera connue lors du discours sur le budget.

Mont Valin

M. BEDARD (Chicoutimi): Ma question s'adresse au ministre responsable de l'OPDQ. Je voudrais savoir s'il est exact qu'une étude de rentabilité se fait présentement concernant l'occasion de procéder à l'aménagement du mont Valin pour en faire un centre de ski d'envergure provinciale.

M. LEVESQUE: Je prends avis de la question.

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous avez toujours fait cela. Pourrais-je savoir si le premier ministre est en mesure de répondre à la question que je lui ai posée hier et dont il a pris avis?

M. BOURASSA: Je n'ai pu communiquer hier avec... Demain, je vais essayer. Hier, c'était fermé partout.

UNE VOIX: Demain ou lundi.

LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous connaissez le dossier par coeur.

Dépôts exigés de certains abonnés par l'Hydro-Québec

M. SAMSON: Je voudrais poser une question au ministre des Richesses naturelles. Je posais une question dernièrement à savoir s'il est vrai qu'Hydro-Québec envoyait, en ce moment, des factures à certains abonnés, en réclamant un dépôt de $50 pour couvrir des factures futures, et que ce dépôt de $50 porterait intérêt à 4 p.c.

M. MASSE: M. le Président, en effet, j'ai reçu de la part de l'Hydro-Québec la confirmation, par un arrêté en conseil qui est daté du 23 décembre 1965, où le paragraphe qui nous intéresse se lit comme suit: "Le fournisseur pourra, en tout temps, exiger de l'abonné, en plus d'un dépôt en argent pour la garantie du paiement de ses factures, toute autre garantie qu'il pourra juger nécessaire. Tous les dépôts effectués depuis au moins un an porteront intérêt simple au taux de 4 p.c. par année. L'intérêt échoit à la fin de l'année civile et est payable sur demande après cette date au bureau régional du fournisseur ou, s'il n'est pas réclamé par l'abonné, payable tous les cinq ans. Quand l'abonné met fin, conformément aux dispositions du présent règlement, au service qui lui est fourni, le dépôt est alors remboursé et l'intérêt payé après déduction de toute somme due". C'est le texte du paragraphe qui nous intéresse. Je voudrais ajouter que les autorités de l'Hydro-Québec soulignent que la garantie, le montant d'une facture de deux mois, qui est exigé sur recommandation du bureau local de l'Hydro-Québec, uniquement pour les abonnés ayant eu des difficultés à faire leurs paiements antérieurement ou pour de nouveaux abonnés qui ne démontreraient pas toujours les garanties financières voulues, ce règlement s'applique donc non pas à tous les abonnés, mais dans des cas exceptionnels.

M. SAMSON: M. le Président, comme le règlement qui nous a été lu par le ministre peut laisser entendre que l'Hydro-Québec pourrait le faire dans tous les cas, est-ce que j'ai bien compris que ce règlement ne permet pas à l'Hydro-Québec de le faire dans tous les cas?

M. MASSE: II est dit que le fournisseur, soit l'Hydro-Québec, "pourra".

M. SAMSON: Sachant que, d'après la réponse que le ministre vient de nous donner, cela ne se fait pas dans tous les cas, mais seulement dans les cas où il y a des antécédents de mauvais paiement de factures, mais que, par contre, l'arrêté en conseil permet à l'Hydro-Québec de le faire dans tous les cas, est-ce que le ministre des Richesses naturelles n'a pas l'intention ou n'aurait pas l'intention de revoir cet arrêté en conseil afin de lui faire dire exactement ce dont l'Hydro-Québec a besoin, c'est-à-dire que cela puisse se faire dans le cas où il y a eu mauvais paiement, où le risque est trop grand, mais que l'arrêté en conseil ne permette pas à l'Hydro-Québec de le faire dans tous les cas? Il n'y a rien qui nous dit que l'Hydro-Québec ne décidera pas demain matin de l'appliquer intégralement et le faire dans tous les cas. C'est pourquoi j'insiste auprès du ministre pour savoir si le ministre n'a pas l'intention de réétudier cette situation aux fins d'apporter les correctifs qui s'imposent.

M. MASSE: M. le Président, je pense que depuis que ce règlement existe, soit décembre 1965, à ma connaissance, l'Hydro-Québec a utilisé ce règlement uniquement dans des cas exceptionnels, comme on le disait. D'autre part, je n'ai pas été mis au courant d'abus de l'Hydro-Québec, à partir de ce règlement, et je

ne vois pas la nécessité de le changer. Il y a peut-être les 4 p.c. qui sont légèrement inférieurs à ce qu'on a sur le marché actuellement.

M. SAMSON: M. le Président... LE PRESIDENT: Dernière.

M. SAMSON: Une question supplémentaire. Est-ce que le ministre, quand même, n'accepterait pas de faire une révision? Est-ce que le ministre ne considère pas qu'il y a quand même des éléments qui sont désuets? D'abord les 4 p.c, et également un arrêté en conseil. Même s'il date de 1965, c'est comme la Loi des mesures de guerre, ils ne s'en sont servi qu'en octobre 1970, mais ils auraient pu s'en servir n'importe quand avant. Pourquoi laisser ça là, si on n'en a pas besoin? Est-ce que le ministre ne voudrait pas réviser cet arrêté en conseil?

M. MASSE: D'abord, M. le Président, je voudrais préciser que les règlements de l'Hydro-Québec sont des décisions internes des commissaires de l'Hydro-Québec. D'autre part, je n'ai pas d'objection à souligner aux commissaires de l'Hydro-Québec qu'il faudrait peut-être remettre du neuf, entre autres dans le taux d'intérêt.

M.SAMSON: C'est un arrêté en conseil, ce n'est pas un règlement de l'Hydro-Québec.

M. MASSE: C'est un règlement qui est accepté d'abord, qui est soumis par les commissaires au gouvernement qui l'adopte ou qui ne l'adopte pas. Dans les circonstances, je pourrais en discuter avec les commissaires de l'Hydro-Québec pour voir s'il y aurait avantage à améliorer ce règlement.

LE PRESIDENT: Dernière question principale.

Le chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: Ce n'est pas exactement une question, je ne voudrais pas la prendre à un autre collègue.

LE PRESIDENT: Il n'y en a pas d'autre.

Port de Gros Cacouna

M. MORIN: Je voudrais demander au ministre de l'Industrie et du Commerce s'il va effectivement déposer la lettre au ministre fédéral de l'Expansion économique régionale sur le port de Gros Cacouna, lettre qu'il devait déposer ce matin, si je ne m'abuse.

Deuxièmement, compte-t-il répondre à la question que je lui posais hier, dont il a pris avis, au sujet des subventions aux pêches maritimes?

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, je n'ai pas pu rejoindre ce matin le sous-ministre responsable des pêches maritimes, qui était à l'extérieur de ses bureaux. En ce qui concerne la lettre, on est à en faire la reproduction, elle sera déposée demain matin. Si jamais la session se terminait aujourd'hui, il me fera plaisir de vous en transmettre une copie par la poste.

M. MORIN: Merci.

LE PRESIDENT: Affaires du jour.

Motion pour faire siéger la commission sur le projet de loi no 87

M. LEVESQUE: M. le Président, je fais motion pour que la commission parlementaire de l'Assemblée . nationale se réunisse à la salle 81-A, pour l'étude du projet de loi no 87, Loi modifiant la loi de la Législature et la loi de l'exécutif.

M. BURNS: M. le Président, sur cette motion, j'ai fait la remarque hier, et j'ai été à même de constater moi-même, même si je ne suis pas membre — en fait, je suis membre de cette commission, mais ayant été occupé à d'autres travaux, soit ceux concernant l'immigration, je n'étais pas participant à la commission — j'ai eu l'occasion d'entrer dans cette salle, alors qu'on siégeait depuis déjà quelques heures. Je répète ma suggestion d'hier, il me semble qu'à cause de l'intérêt que comporte ce projet de loi pour tous les députés, et aussi pour un certain public qui vient nous visiter, il me semble que ce serait beaucoup plus adéquat de faire siéger cette commission au salon rouge.

D'autre part, j'ai même noté, je ne sais pas si c'est de propos délibéré du côté du gouvernement pour hâter les travaux de cette commission, que même à la salle 81-A, où il y a un système de climatisation de l'air, ce même système ne fonctionnait pas hier. Je ne sais pas si le ministre des Travaux publics est au courant de cela.

UNE VOIX: II fait 91 degrés!

M. BURNS: II faisait quelque chose comme 90 degrés dans cette salle hier. M. le Président, est-ce que vous penseriez nous cuire pour obtenir plus rapidement le résultat de ce projet de loi, et le faire adopter à la vapeur, comme dit le chef de l'Opposition? Il me semble que, décemment, on devrait envoyer cette commission au salon rouge, et l'autre commission pourrait très bien aller à la salle 81-A. C'est une suggestion que je fais.

M. LEVESQUE: M. le Président, je voudrais d'abord conclure ou croire ou espérer, ou présumer que les propos du chef de l'Opposi-

tion sont teintés de l'humour des Fêtes. Le député de Maisonneuve ne pense toujours pas que nous avons fait augmenter la puissance de la fournaise!

M. BURNS: On vous a déjà vu chauffer le parlement en plein été!

M. LEVESQUE: La légende est parvenue à vos oreilles! Je n'ai aucune objection à accommoder les députés, s'ils préfèrent une salle plutôt que l'autre. Je n'ai pas d'objection.

M. BURNS: Ne niaisez pas!

M. LEVESQUE: Je suis allé également à cette commission hier après-midi.

M. BURNS: Hier soir, c'était un peu plus surchauffé.

M. LEVESQUE: II y avait des fauteuils libres, et tout le monde avait l'air confortable.

M. MORIN: ... pour couper les débats.

M. BURNS: Dans une atmosphère aérée, cela peut peut-être aller plus vite!

M. LEVESQUE: Je ne suis pas sûr.

M. BELLEMARE (Johnson): Le député est optimiste!

M, SAMSON: Au salon rouge, les fauteuils sont beaucoup plus confortables.

M. LEVESQUE: Nous allons faire un essai aujourd'hui au salon rouge. On verra. Et si les motifs sont aussi louables que voudrait le laisser entendre le député de Maisonneuve, on pourrait récidiver.

M. SAMSON: Le chauffage est-il indépendant?

M. LEVESQUE: Alors, la motion se lit: au salon rouge. D'accord.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: Vote enregistré, M. le Président. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.

Vote sur la motion

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

Que ceux qui sont en faveur de la motion du leader parlementaire du gouvernement veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bouras- sa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre, Choquette, Garneau, Lachapelle, Berthiaume, Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Hardy, Tetley, Drummond, Bienvenue, Toupin, Massé, L'Allier, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Cadieux, Arsenault, Houde (Fabre), Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Perreault, Brown, Fortier, Bossé, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Séguin, Saindon, Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamontagne, Ostiguy, Picard, Gratton, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Pepin, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Chagnon, Marchand, Caron, Côté, Déom, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Picotte, Sylvain, Tremblay, Vallières, Samson, Roy, Bellemare (Johnson).

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Charron, Bédard (Chicoutimi).

LE SECRETAIRE: Pour: 73 Contre : 4

LE PRESIDENT: Cette motion est adoptée et cette commission de l'Assemblée nationale peut siéger immédiatement au salon rouge.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose qu'une autre commission siège, soit la commission parlementaire de la justice, pour l'étude des projets de loi nos 84, Loi concernant les juges, et 200, Loi concernant le conseil de sécurité publique de la Communauté urbaine de Montréal. Ces deux projets de loi seront donc étudiés à cette commission, article par article, et la commission pourra siéger à la salle 81-A.

LE PRESIDENT: C'est un avis?

M. LEVESQUE: Immédiatement. Oui, c'est-à-dire que c'est plus qu'un avis, M. le Président, parce que nous allons en commission plénière pour quelques minutes. Alors, il serait peut-être bon que nous acceptions cette motion, de toute façon.

LE PRESIDENT: D'accord. Je n'étais pas au courant qu'il y aurait commission plénière. Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté, M. le Président.

Projet de loi no 46 Commission plénière

M. LEVESQUE: M. le Président, pour permettre certaines corrections à un projet de loi qui a été étudié en commission élue hier, le

projet de loi no 46, Loi modifiant la loi du ministère de l'Immigration, de consentement unanime, je voudrais que vous quittiez maintenant le fauteuil afin que la Chambre se forme en commission plénière pour apporter ces corrections au projet de loi no 46.

LE PRESIDENT: De consentement unanime, est-ce que cette motion de la formation de la commission plénière est adoptée?

M. BURNS: Adopté, M. le Président, avec plaisir.

LE PRESIDENT: Avec le grand chapeau du consentement unanime.

M. BURNS: Je l'avais même suggéré hier, M. le Président.

M. BLANK (président de la commission plénière): A l'ordre, messieurs!

Projet de loi no 46, Loi modifiant la loi du ministère de l'Immigration.

M. BIENVENUE: M. le Président, cela va être très court. Il s'agit, premièrement, de l'article 3 du projet de loi, qui abroge l'ancien article 6 de la loi organique du ministère de l'Immigration. On m'interrogeait hier soir, notamment le député de Maisonneuve, pour s'assurer que, dans l'abrogation, rien ne se perdait d'utile et de valable pour le ministère que je dirige.

Alors, une partie de l'ancien article 6, M. le Président, se retrouve à l'alinéa g) du nouvel article 3, c'est-à-dire de l'article 2 qui modifie l'ancien article 3, et l'autre partie, qui faisait l'objet des inquiétudes du député de Maisonneuve et de celui qui vous parle, se retrouve à l'alinéa f) du même article qui se lit comme suit: "établir et maintenir des services d'adaptation chargés de l'intégration harmonieuse des immigrants dans le milieu québécois".

Nous avons voulu, par cette nouvelle rédaction, rendre plus vastes les dispositions qui nous permettent d'intégrer et d'adapter les immigrants sans limite, dans une foule de domaines. Nous n'avons pas voulu nous limiter à ceux qui étaient spécifiquement énumérés dans l'ancien article 6 et nous avons voulu faire sauter les mots "de concert avec le ministre de l'Education". Comme on avait suspendu cet article, M. le Président...

M. BURNS: Vous ne voulez plus faire de concert avec le ministre de l'Education?

M. BIENVENUE: Nous voulons faire un vol plané plus long avec nos propres ailes.

LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté?

M. BURNS: M. le Président, je veux simplement dire que je suis d'accord sur l'amende- ment maintenant que ces explications nous sont fournies. Cependant, je vous avertis qu'on va surveiller la façon dont le ministre utilisera ces pouvoirs plus larges; j'espère qu'il va les utiliser au complet et qu'il va maintenir justement sa juridiction et tenir mordicus, particulièrement sur les COFI.

M. BIENVENUE: L'étendre.

M. BURNS: Et l'étendre, si possible. Là-dessus, nous appuyerons le ministre dans toutes ses tentatives d'étendre sa juridiction le plus possible. Mais s'il n'utilise pas cette juridiction, qu'il soit également assuré que nous serons les premiers à le critiquer.

M. BIENVENUE: "Watching brief".

M. BURNS: Un "watching brief", c'est vrai.

M. BIENVENUE: M. le Président, ce n'est peut-être pas le moment approprié, mais je me soumettrai à vos directives. La seule autre correction n'est pas dans l'étude même en commission, mais provient de l'étude en commission et se retrouve au rapport où, par erreur, on a mis un mot à la place d'un autre. Je me demande si on ne pourrait pas tout de suite faire la correction qui s'impose.

LE PRESIDENT (M. Blank): Où cela?

M. BIENVENUE: A la première page du rapport de la commission parlementaire qui a siégé hier soir. Au bas de la page, au moment où on traite d'un amendement du député de Maisonneuve, amendement qui insère après l'article 3, un article 4, on dit à la fin: "que ce conseil juge approprié". Il faudrait lire: "que ce comité juge approprié".

M. BURNS: M. le Président, je ne pense pas qu'on puisse corriger le rapport en commission plénière. Il faudrait revenir, je pense, à l'Assemblée nationale. J'accepterai à ce moment-là qu'on étudie le rapport et qu'on fasse la modification.

UNE VOIX: Le bill a été corrigé.

M. BURNS: Oui, le bill a été corrigé effectivement.

M. BLANK (président de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière a étudié le projet de loi no 46 et a adopté l'article 3, qui était en suspens.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Cornellier): Ce rapport est-il agréé?

M. BURNS: Agréé.

M. SAMSON: Je suis bien d'accord, mais est-ce que je pourrais en avoir une copie?

M. BURNS: Je n'aurais pas d'objection à ce qu'on prenne en considération le rapport et qu'on fasse la correction maintenant que nous sommes en Assemblée nationale.

M. LEVESQUE: Prise en considération du rapport.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Cornellier): Prise en considération du rapport de la commission élue sur le projet de loi no 46.

M. BIENVENUE: Je répète ce que je viens de dire, M. le Président. Il faudrait corriger sur le rapport — le rapport est exact et complet — le mot "conseil" par le mot "comité" à l'avant-dernière ligne, je dis cela de mémoire, de l'amendement apporté par le député de Maisonneuve qui insère, après l'article 3, un article 4. Je pense que le greffier de la Chambre a devant lui le texte en question. Cela se terminerait par les mots "que ce comité" et non pas "que ce conseil juge approprié quant aux mêmes questions".

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Cornellier): Cette correction est-elle acceptée?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Cornellier): Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que nous suspendions maintenant nos travaux en Chambre... Excusez-moi, adoptons le rapport.

Adoption du rapport concernant le projet de loi no 46

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Cornellier): Est-ce que le rapport tel qu'amendé est agréé?

M. BURNS: Agréé.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Cornellier): Agréé.

M. LEVESQUE: M. le Président, j'avais commencé à proposer que la Chambre suspende ses travaux et ce, jusqu'à vingt heures aujourd'hui. Nous nous réunirons donc de nouveau à vingt heures ce soir. Alors, suspension et non pas ajournement.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Cornellier): La Chambre suspend ses travaux jusqu'à vingt heures, ce soir.

(Suspension de la séance à 10 h 58)

Reprise de la séance à 20 h 4

LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!

M. LEVESQUE: M. le Président, l'honorable député de Nicolet-Yamaska aurait un message important à nous communiquer.

Rapport sur le projet de loi no 200

M. FAUCHER: M. le Président, conformément à notre règlement, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission élue permanente de la justice qui a étudié le projet de loi no 200, Loi concernant le Conseil de sécurité publique de la Communauté urbaine de Montréal.

Rapport sur le projet de loi no 84

M. FAUCHER: M. le Président, conformément à notre règlement, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission élue permanente de la justice qui a étudié le projet de loi no 84, Loi concernant les juges.

LE PRESIDENT: Rapports déposés.

M. LEVESQUE: Evidemment, M. le Président, la commission de l'Assemblée nationale continue ses travaux tel que le mandat lui en a été confié précédemment.

Article 8.

LE PRESIDENT: L'honorable leader parlementaire du gouvernement propose la deuxième lecture du projet de loi no 81, loi concernant...

M. LEVESQUE: Un instant. Avons-nous le même feuilleton?

Le feuilleton de demain?

LE PRESIDENT: J'étais rendu au 28, justement.

Projet de loi no 78 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la deuxième lecture du projet de loi no 78, Loi concernant la protection des enfants soumis à des mauvais traitements.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce bill et il en recommande l'étude à la Chambre.

M. le Président, les honorables membres de l'Assemblée nationale qui ne sont pas familiers avec le problème des enfants soumis à de mauvais traitements seront probablement surpris de l'étendue de ce problème dans une société comme la nôtre. En effet, M. le Président, il existe malheureusement, dans une société fortement urbanisée, où il existe un certain anonymat, dans la vie urbaine, des cas extrêmement malheureux, très déplorables, d'enfants qui sont malheureusement victimes de mauvais traitements physiques et ceci de par la main de leurs parents, père ou mère, ou de leurs gardiens et un certain nombre meurent de ces mauvais traitements.

Je voudrais, M. le Président, tout d'abord signaler que cette question a soulevé un intérêt récemment dans l'opinion publique québécoise par suite de certaines manifestations du phénomène en question. Ainsi, récemment, le juge Duranleau, de la cour des Sessions de la paix, condamnait un nommé Lessard à huit mois de prison parce que ce dénommé Lessard avait mis son enfant dans un placard pendant une période de 45 jours et que l'enfant vivait ainsi dans ses excréments sans aucun soin, sans aucune attention de la part de ses parents. Et le juge Duranleau, dans une analyse extrêmement sérieuse de ce cas, a dû conclure à la condamnation de ce père qui avait manqué à ses devoirs les plus élémentaires.

Ce cas a soulevé de l'émotion dans l'opinion publique, et sans aucun doute cette émotion était justifiée dans les circonstances. Mais ce n'est qu'un cas isolé parmi tant d'autres enfants qui sont les victimes de leurs parents ou gardiens.

Dans un autre ordre d'idée, la commission parlementaire de la justice et des affaires sociales qui avait siégé pour étudier le projet de loi no 65 relatif à la protection de la jeunesse avait eu l'avantage d'entendre le Dr Jeliu, un médecin de l'hôpital Sainte-Justine de Montréal, qui était venu faire un exposé à la commission parlementaire au sujet de ces enfants qui sont soumis à des sévices, ou à des cas de malnutrition. Cet exposé avait soulevé l'intérêt des parlementaires de telle sorte que nous avions eu l'occasion cette fois d'être saisis par un spécialiste de l'extension de ce problème. Et j'invite les membres de la Chambre à étudier les compte rendus de la commission conjointe de la justice et des affaires sociales sur le projet de loi no 65, le 5 avril 1973, où l'on pourra prendre connaissance de l'exposé du Dr Jeliu.

Je dirai que, personnellement, avant d'avoir entendu cet exposé, je n'étais pas au fait de l'importance de ce problème que représentent ces enfants victimes de mauvais traitements.

Plus récemment j'ai eu l'occasion d'être invité par l'Association des femmes universitaires de l'Université de Montréal et, à cette occasion, le Dr Lamothe, médecin au service de l'hôpital Sainte-Justine, a fait un exposé remarquable sur ce problème, et le Dr Jean-Pierre

Valcourt, de l'Institut médico-légal, a illustré un certain nombre de cas d'enfants qui finissent à la morgue à Montréal et ceci comme suite à de mauvais traitements.

C'est donc dire que, dans l'opinion publique québécoise, il y a eu un éveil récemment à cette question. Ce n'est pas un phénomène nouveau, il faut l'avouer. Mais, en raison des circonstances que j'ai mentionnées tout à l'heure, le problème est devenu actuel et des personnes comme moi, qui n'étaient pas au fait de l'étendue de ce problème, en sont saisies. Comme ministre de la Justice, je me sens l'obligation d'intervenir et de présenter ce projet de loi que je soumets à la Chambre ce soir.

Je dois dire tout d'abord qu'aux Etats-Unis, au cours de la décennie 1960 à 1970, 47 Etats américains, au moins, ont adopté des lois qui visent à limiter le phénomène que l'on appelle le "child abuse". Ainsi, ces Etats ont-ils adopté des lois, sur lesquelles le projet que je présente à la Chambre est largement fondé, qui visent à rendre obligatoire la dénonciation de cas d'enfants qui sont soumis à de mauvais traitements physiques. Ceci est au centre du projet de loi que je présente à la Chambre, puisque le projet de loi en question oblige toute personne à dénoncer un cas de mauvais traitement physique imposé à un enfant, et cette dénonciation doit se faire auprès du Comité pour la protection de la jeunesse, dont la formation est prévue par le projet de loi.

En faisant une obligation à toute personne de dénoncer un parent ou un gardien ou peut-être le personnel de certaines institutions qui se livreraient à de mauvais traitements, on comprendra, je pense, que ceci est une innovation dans notre droit. Je ne connais pas d'autres questions, d'autres problèmes, d'autres domaines où on fasse une obligation à une personne de se faire le dénonciateur d'une autre.

C'est donc dire que ce principe nouveau introduit dans notre droit aura ou devrait avoir l'heur d'étonner nos collègues, étant donné cette obligation qui est maintenant imposée à toute personne.

Je dois dire que la faiblesse des enfants qui sont soumis à de mauvais traitements, le fait que la grande majorité de ces enfants sont âgés de deux ans, de trois ans ou moins est la raison pour laquelle il faut, devant l'incapacité de ces enfants d'offrir une défense quelconque aux abus qu'ils peuvent subir, faire en sorte que nous employions des moyens légaux nettement extraordinaires, c'est-à-dire l'obligation pour les citoyens de dénoncer ce genre de situation.

Je sais bien qu'en vertu des législations américaines, il y a, pour un certain nombre d'Etats, une telle obligation seulement pour certaines professions. Ainsi, les professions médicales, les travailleurs sociaux, les policiers, les enseignants dans certaines lois sont les seuls visés par l'obligation de dénoncer.

Dans le cas du projet de loi que je présente, nous avons rendu l'obligation générale, nous l'avons imposée à tous les citoyens. En cela, nous avons suivi l'exemple de trois Etats américains, le Nebraska, le Tennessee et un autre Etat dont je ne me souviens pas où on a instauré une telle obligation générale.

Avant d'aborder le projet de loi dans ses grandes lignes, en plus des deux aspects que j'ai mentionnés aux collègues tout à l'heure, c'est-à-dire, cette obligation générale de dénonciation, qui est un des principes du projet de loi, et aussi la création d'un Comité pour la protection de la jeunesse, qui en est un autre aspect avant d'entrer dans d'autres grandes lignes du projet de loi, je voudrais tenter de cerner l'importance du problème au Québec, parce que je pense que nos collègues ont le droit de savoir ce qui se passe réellement. Nous n'avons pas, évidemment, de chiffres actuellement sur un tel problème. Il va de soi que les enfants qui sont soumis à des mauvais traitements, dans la plupart des cas, les parents, les gardiens ou les auteurs de ces sévices ne se dénoncent pas eux-mêmes.

Au contraire, c'est bien plutôt dans la clandestinité que cela se passe, dans le secret de la famille et on essaie de garder cette triste réalité de la connaissance du monde extérieur. Et c'est une des caractéristiques des milieux dans lesquels ce phénomène se produit. C'est que généralement, les milieux familiaux où cela se produit sont des milieux coupés de l'extérieur, sont des milieux qui vivent repliés sur eux-mêmes, sont des milieux qui vivent en vase clos. Par conséquent, ceci explique pourquoi il est particulièrement difficile de déterminer ou déceler avec précision l'importance du phénomène.

J'ajouterai, M. le Président, que ceci se passe souvent dans des milieux où la formation intellectuelle est assez réduite, est assez basse, est assez limitée. Ceci se passe également dans des milieux où il y a un stress, soit à cause des circonstances de la vie propre de ce milieu familial, de cette famille, soit en raison de circonstances économiques et sociales extérieures, mais ce facteur du stress concourt certainement à l'existence de tels événements.

Donc, sans m'ériger en spécialiste des motifs ou des raisons qui font qu'on aboutit à de tels événements aussi déplorables, j'ai suffisamment lu sur la question pour en conclure que, lorsque ce phénomène se produit, il se passe dans certains milieux de types très particuliers; l'exacerbation des problèmes de la famille ou des problèmes de gagne-pain, la pauvreté, le manque de formation, le manque de principes et enfin l'isolement, tout cela concourt, M. le Président, à créer des circonstances où ce phénomène, malheureusement, peut se produire.

Par conséquent, il est difficile de déterminer dans notre propre milieu, compte tenu du fait que généralement tout cela est assez secret et clandestin, jusqu'à quel point le phénomène est

important. Mais, je peux dire que j'ai parlé avec nos avocats devant les cours du Bien-Etre social et que ces avocats m'ont fait remarquer que le phénomène était assez répandu, bien plus répandu qu'on le pense communément.

Et celle qui me disait cela était une des avocates de la cour du Bien-Etre social dans la ville de Québec. J'ai eu la même réaction d'avocats de la cour du Bien-Etre social à Montréal.

De plus, comme je le signalais tout à l'heure, les hôpitaux pour enfants, par exemple l'hôpital Sainte-Justine, le Children's Memorial, ont fréquemment ce genre de cas. Et c'est aussi le témoignage des médecins qui, souvent, voient arriver des enfants avec des fractures multiples, avec des brûlures pour lesquelles il n'y a aucune explication plausible ou logique, M. le Président, sinon que ces enfants ont été l'objet d'agressions de la part des parents ou des gardiens.

Il est vrai que, dans ces cas, les parents ou les gardiens vont dire: L'enfant est tombé ou l'enfant s'est brûlé. Mais cela ne tient pas. Les médecins, à l'heure actuelle — je mentionne ceci simplement en passant — ont quelques réserves à dénoncer ce genre de cas. La même chose s'applique aux hôpitaux, parce qu'ils se sentent liés par le secret professionnel. On verra tout à l'heure que nous libérons les médecins et les hôpitaux, et d'ailleurs toutes les personnes qui bénéficient du secret professionnel, pour leur imposer justement cette obligation de dénoncer ces cas, car, ainsi qu'il a été dit dans l'information pertinente sur ce sujet, il y a un syndrome du "battered child". Il y a ce que l'on appelle une analyse clinique — je pense que mon collègue, le ministre des Affaires municipales, serait beaucoup plus apte que moi à donner en termes scientifiques ce que l'on veut traduire par le syndrome du "battered child"— ce sont les résultats des agressions qui indiquent qu'il n'y a pas d'autre explication plausible ou logique que cet enfant a subi une agression délibérée et non pas accidentelle de la part de son milieu, que ce soient les parents, les gardiens ou d'autres personnes avec lesquelles il entre en contact.

Donc, M. le Président, dans les hôpitaux québécois, on constate très fréquemment ce genre de cas qui ne s'expliquent pas autrement que par une agression aux dépens d'un enfant sans défense.

J'ai mentionné tout à l'heure le Dr Jean-Pierre Valcourt, de l'Institut médico-légal, de Montréal. Il a montré, à cette réunion à laquelle j'assistais, des diapositives d'enfants morts, dont il avait fait J'autopsie, ces enfants ayant été, de toute évidence, victimes de mauvais traitements qui avaient entraîné leur mort.

Mais, M. le Président, il existe une autre façon, peut-être un peu plus précise, de tenter de cerner l'importance du phénomène chez nous. L'Etat de l'Illinois a adopté un "Child Abuse Act", lequel est entré en vigueur en 1965. Cet Etat, pour la première année d'application de sa loi, a analysé le nombre de cas d'enfants qui avaient été rapportés comme ayant été victimes de mauvais traitements.

Du 1er juillet 1965 au 30 juin 1966, le service qui avait la responsabilité de l'administration de cette loi a reçu 476 cas prouvés et démontrés d'enfants soumis à de mauvais traitements.

Si l'on fait les changements voulus au point de vue de la population entre le Québec et l'Etat de l'Illinois, on arriverait à 400 cas ici, au Québec, qui pourraient exister. Remarquez que je ne pense pas que, dans l'Etat de l'Illinois, la première année, ils ont décelé tous les cas d'enfants maltraités, comme je ne pense pas que, la première année, notre propre service va réussir à empêcher et à prévenir des assauts ou des blessures causées à des enfants. Je ne crois pas que nous aurons décelé même tous les cas qui pourraient se produire.

Mais, nous fondant sur l'expérience de l'Illinois, tenant en considération les populations respectives des deux endroits, on pourrait arriver à un minimum de 400 cas ici, au Québec.

Remarquez que, dans 50 p.c. des cas qui ont été constatés dans l'Etat de l'Illinois, les enfants avaient moins de trois années d'âge. Or, qu'est-ce qu'un enfant d'un mois, deux mois, six mois, d'un an ou de deux ans, jusqu'à trois ans, peut faire pour éviter les mauvais traitements en question? C'est donc dire jusqu'à quel point il est important de légiférer dans ce domaine-là justement pour tenter de prévenir dans la mesure du possible des cas d'agressions à l'égard d'enfants en aussi bas âge que ceux que j'ai mentionnés, c'est-à-dire des enfants de moins de trois ans.

Dans la majorité des cas rapportés en Illinois, il s'agissait de fractures, de malnutrition ou généralement de ce qu'on appelle en anglais "neglect", ce qui désigne beaucoup de choses à la fois, c'est-à-dire une attitude totalement relâchée sur le plan physique à l'égard de l'enfant.

Dans 40 p.c. des cas dans l'Etat de l'Illinois, ce n'était pas la première fois que l'enfant était soumis à des mauvais traitements, c'est-à-dire que c'était une récidive. Par conséquent, étant donné qu'il s'agissait d'un cas de récidive, une loi comme celle qui est proposée peut-elle empêcher, si on réussit à constater les premières agressions, des agressions ultérieures qui peuvent avoir des conséquences très graves pour l'enfant en question.

J'ai tenu à faire cette comparaison entre la situation de l'Etat de l'Illinois et la nôtre. Je ne serais pas surpris, d'après les renseignements que j'ai eus, soit dans les milieux hospitaliers, soit auprès des cours québécoises — ou les autres renseignements — que le phénomène soit encore beaucoup plus considérable que le chiffre de 400 cas que je mentionnais tout à l'heure car, comme je l'ai dit, il va de soi que l'Etat de l'Illinois n'a pas décelé tous les cas d'enfants

ayant subi des mauvais traitements, comme, au Québec, nous ne les décèlerons pas non plus au moins dans les premières années.

Donc, M. le Président, c'est à la lumière de ces faits que le gouvernement croit qu'il importe d'apporter une législation qui est de nature à nous permettre de dépister les cas où il peut y avoir eu mauvais traitements et, s'il est nécessaire, de permettre que l'enfant soit retiré de son milieu familial, soit avec le consentement de ses parents, soit par une décision de la cour du Bien-Etre social en vertu de la Loi de la protection de la jeunesse. Car une intervention au moment approprié pourra peut-être empêcher des blessures encore plus graves par la suite; elle pourra peut-être empêcher la mort de tels enfants. C'est pour cela que dans le projet de loi nous avons créé ce Comité pour la protection de la jeunesse, qui recevra les dénonciations qui lui viendront des personnes qui peuvent être au fait de telles situations. Le comité pourra faire enquête. L'obligation est même faite au comité de faire enquête; il dépêchera auprès de la famille des enquêteurs qui iront voir de quoi il s'agit. S'il s'agit évidemment d'une dénonciation qui n'est pas fondée et qui est purement vindicative à l'égard de cette famille, eh bien, il est évident que l'enquête n'ira pas plus loin.

Mais s'il y a un fondement, si la situation paraît, disons donc, une situation qui se serait produite à un moment donné dans des circonstances très spéciales, sans qu'il y ait crainte que cela ne se reproduise dans l'avenir, car il n'y a aucun passé de mauvais traitements dans cette famille, le comité pourra avoir certains agents qui iront visiter la famille régulièrement de façon à voir si tout se passe bien et peut-être l'épauler pour éviter que de telles choses ne se reproduisent. Si, d'autre part, il s'agit d'un milieu où il y a lieu de craindre que les mauvais traitements puissent se renouveler, eh bien, le comité pourra faire des pressions morales sur la famille en disant: Ne croyez-vous pas qu'il serait dans votre intérêt comme dans celui de l'enfant de confier volontairement la garde de cet enfant à un foyer nourricier ou à une institution? Si la famille est prête à le faire, le problème sera réglé.

Mais en dernière analyse, si nous nous trouvons devant une famille qui est complètement récalcitrante et où il y a lieu de craindre de mauvais traitements ultérieurs, le comité pourra demander l'intervention de la cour du Bien-Etre social et là, une enquête en forme judiciaire aura lieu, une enquête de protection de la jeunesse au cours de laquelle on pourra entendre les personnes qui sont aptes à rendre un témoignage sur ce qui s'est passé. Si le juge trouve que l'enfant est en péril, il pourra le retirer de la famille et le confier à des tiers ou à une institution appropriée de façon à éviter des mauvais traitements ultérieurs.

Voilà quelle est la fonction de ce comité. Et ce comité, je l'admets facilement, il se situe à peu près à égale distance entre la Justice et les

Affaires sociales. Le comité en question a une fonction d'intervention qui se veut largement sociale mais qui n'empêche pas un développement judiciaire ultérieur si le cas particulier le nécessite. Les cas qui peuvent le nécessiter de la façon la plus caractéristique, les cas les plus graves, où vraiment l'enfant a été soumis à des mauvais traitements très sérieux et qui peuvent laisser deviner facilement qu'il y ait récidive par la suite, à ce moment le comité doit immédiatement mettre en marche les rouages judiciaires pour retirer l'enfant de son milieu et pour lui éviter des mauvais traitements ultérieurs.

Je dis donc que ce comité est à égale distance des deux ministères en question. Et si nous avons choisi de le situer au sein du ministère de la Justice c'est parce que nous avons pensé que la fonction essentielle de ce comité est quasi judiciaire. Il fera des interventions même au niveau social dans les familles et des enquêtes, il pourra donner des conseils aux familles de délaisser volontairement la garde de leur enfant parce qu'elles sont en danger de récidiver et, en les convainquant, il pourra leur éviter de le faire. Sans compter aussi le rôle de ce comité de mettre en marche l'action judiciaire pour retirer l'enfant de son milieu familial. Nous avons donc pensé qu'il était préférable, malgré ses deux vocations sociale et judiciaire, de le situer au sein du ministère de la Justice.

Je crois que ce projet de loi permettra d'assurer une protection bien accrue à l'égard de ces cas. Et, parmi les moyens qui sont mis à la disposition du Comité pour la protection de la jeunesse, il y a ce fichier que le comité sera chargé de tenir. Ce fichier devra comprendre les noms des familles et des enfants où il y a eu de tels mauvais traitements. Et ainsi on aura, même malgré les déplacements des familles à travers le Québec, des renseignements sur les familles où des événements semblables se sont déjà produits dans le passé, ce qui permettra aux hôpitaux, ainsi qu'au Comité pour la protection de la jeunesse de mieux apprécier l'opportunité d'intervenir dans des cas particuliers, si des circonstances le requerraient.

De plus ce comité sera multidisciplinaire.

Il sera composé de personnes qui représentent à la fois les milieux médicaux, les milieux de l'éducation et les milieux de justice de façon que l'envergure du comité soit telle qu'elle s'ouvre sur toutes les dimensions qui sont celles du problème des enfants et surtout des enfants soumis à de mauvais traitements.

Egalement, le comité aura des enquêteurs à sa disposition, enquêteurs qui ne seront pas des policiers et qui ne feront pas des enquêtes de police, mais qui seront des enquêteurs spécialisés dans ce genre de problèmes, sachant faire la part des choses dans ces situations.

Je crois qu'avec ce personnel le comité devrait être capable de répondre aux dénonciations qui peuvent être faites et qui peuvent requérir son intervention.

Je lisais un mémoire préparé par la Ligue des

droits de l'homme sur le projet de loi no 78, c'est-à-dire le projet de loi en question, et la Ligue des droits de l'homme posait la question suivante: Pourquoi le ministre de la Justice n'a-t-il pas étendu l'obligation de dénonciation à des cas autres que ceux de mauvais traitements? Pourquoi le ministre de la Justice n'a-t-il pas, en fait, rendu obligatoire, pour toute personne, de dénoncer un cas où un enfant est en état de danger moral, par exemple, à cause de son milieu?

C'est parce que si nous avions été aussi loin que cela, nous aurions ouvert une porte beaucoup trop grande à la dénonciation, sinon à la délation des familles entre elles qui peuvent approuver ou qui ne peuvent approuver, suivant le cas, la manière dont tel enfant est élevé dans telle famille ou tel autre enfant est élevé dans telle famille. Je pense que l'obligation de dénoncer aurait été beaucoup trop large, beaucoup trop étendue et aurait ouvert la porte à des abus très considérables.

C'est la raison pour laquelle nous avons restreint le projet de loi au point de vue de l'obligation de dénoncer les mauvais traitements physiques, c'est-à-dire aux coups et blessures, à la malnutrition, au cas, par exemple, de l'enfant Lessard que je mentionnais plus tôt dans mon exposé, d'un enfant, par exemple, laissé dans un placard, sans aucun soin, pendant une période de 45 jours, en somme d'un enfant qui est laissé à l'abandon. Là, il y aurait sûrement une obligation de dénoncer un tel cas au Comité pour la protection de la jeunesse. Nous n'avons pas voulu aller plus loin que cela et commencer, en somme, à introduire, par la loi, de la discorde entre les familles ou les différents milieux québécois qui peuvent avoir des idées assez différentes sur la façon d'élever les enfants.

Je pense que cette critique de la Ligue des droits de l'homme nous démontre qu'ils n'ont pas, malgré tout le sérieux de cet organisme, la bonne foi de ce groupe, réellement compris la portée du projet de loi puisqu'ils en faisaient leur premier sujet de grief.

Je pense que, pour qui va réfléchir à un tel problème, pour qui va donner un instant de réflexion à une telle suggestion, elle tombe automatiquement parce qu'en fait, nous ne pouvons pas organiser un système de dénonciation générale, même avec les meilleures intentions du monde de protéger les enfants en état de danger moral.

Qu'il nous suffise, M. le Président, aujourd'hui, de régler le cas des enfants en état de danger physique et je pense que nous aurons déjà fait beaucoup pour eux et beaucoup pour la société.

M. le Président, je conclus tout simplement en invitant les collègues à réfléchir au fait que, malgré le secret professionnel, les médecins, les hôpitaux, enfin toute personne ayant un secret professionnel sera néanmoins obligé de dénoncer de tels cas. Nous avons pensé que l'état de faiblesse de l'enfant, le fait qu'il est sans défense, le fait qu'il subit une agression ou de mauvais traitements étaient une justification suffisante pour faire tomber le secret professionnel dans ces cas et faire en sorte que les professionnels, à ce moment, soient obligés quelle que soit la source de leurs connaissances sur des cas, de passer par-dessus cette défense qui, normalement, les aurait empêchés de se constituer dénonciateurs. J'aimerais, si j'avais le chef de l'Opposition en Chambre ici, en discuter avec lui. S'il n'était pas à cette commission de l'Assemblée nationale, en train de perdre le temps de tout le monde avec la loi des députés, j'aimerais avoir une discussion avec lui à un plus haut niveau dans le sens que je le remènerais...

M. GARNEAU: Avec le député de Chicoutimi.

UNE VOIX: C'est impossible.

M. CHOQUETTE: C'est possible parce qu'il va être capable de lui dire ce que j'ai dit. J'aimerais simplement rappeler au chef de l'Opposition les critiques qu'il faisait à l'égard de la loi sur les droits et libertés fondamentales de la personne, quand, dans cette Chambre, il disait: Mais le gouvernement apporte une loi bien ordinaire; la loi du gouvernement ne transcende pas toutes les autres lois. C'était sa critique contre la charte des droits de l'homme. Je montrerais au chef de l'Opposition, s'il était ici en Chambre, deux principes qui sont absolument contradictoires dans cette charte ou, du moins, qui requièrent de s'interpréter l'un par rapport à l'autre. D'abord, le secret professionnel est consacré dans la charte des droits de l'homme. Il est consacré, il est absolu et les tribunaux doivent y donner suite. Ensuite, il y a le principe aussi qui est énoncé que tous les enfants ont droit à la sécurité et à la protection de leur famille et, à défaut, de la loi. Donc, je prends ces deux principes et je dis: Comment s'appliquent-ils à l'occasion d'une loi comme celle que je présente aujourd'hui et sur laquelle je suis sûr que les partis d'Opposition vont voter favorablement, parce que je connais leur état de faiblesse au moment où nous terminons une session. Il est normal qu'ils soient moins résistants sur le plan intellectuel.

M. BEDARD (Chicoutimi): Ne présumez pas!

M. CHOQUETTE: Ils se laissent gagner plus facilement par le ministre de la Justice, et ainsi je peux les amener à voir la vérité.

M. BEDARD (Chicoutimi): Ne faites pas de présomption.

M. CHOQUETTE: Tout cela est normal, nous les avons à l'usure, M. le Président, et cette usure est bénéfique pour eux, parce que leur

cerveau s'ouvre. Au bout d'un certain temps, ils voient jusqu'à quel point le gouvernement et le ministre de la Justice en particulier leur apportent de bonnes lois. Donc, je n'ai aucun doute, M. le Président, qu'ils vont voter en faveur de cette loi. Mais j'attire l'attention du député de Chicoutimi qui m'écoute et qui est avocat: Comment concilie-t-il le principe du secret professionnel, d'une part, et le principe du droit des enfants à la sécurité et à la protection dans leur famille?

Dans le projet de loi que je présente à la Chambre ce soir, il va de soi que le secret professionnel tombe devant l'impératif de la protection de l'enfant. Il tombe. Donc, le principe du secret professionnel n'est pas un principe absolu. Si j'avais eu le chef de l'Opposition devant moi, je lui aurais expliqué cela. Je lui aurais dit: Vous voyez, M. le chef de l'Opposition, comme vos critiques étaient mal fondées quand nous avons parlé de cette charte des droits de l'homme et que vous me faisiez des reproches, disant: Comment se fait-il que les principes que vous énoncez dans votre charte ne soient pas absolus? Eh bien, je lui dirais, un mois après avoir déposé cette charte: Voyez-vous comme le principe du secret professionnel, même consacré par la charte, n'est pas un principe absolu et qu'il y a assez peu de choses absolues d'ailleurs dans la réalité? Mais peut-être que le député de Chicoutimi va se faire mon interprète auprès du chef de l'Opposition...

M. BEDARD: ... bien mauvais, bien mauvais.

M. CHOQUETTE: Non, j'ai confiance au député de Chicoutimi. Il n'est pas encore complètement corrompu par son parti.

M. BEDARD: II commence par...

M. CHOQUETTE: C'est parce qu'il vient d'arriver à la Chambre, c'est un nouveau député. Il est rempli d'idéal. Plein de bonne foi. Prêt à entendre la vérité. C'est cela. Il n'a pas encore été complètement corrompu par le milieu dans lequel il se trouve. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il est capable de dire au chef de l'Opposition ce que je suis en train de lui dire ce soir. Je dis ceci — sérieusement quand même — simplement pour illustrer, comment et pourquoi il faut que le secret professionnel des médecins, auquel nous tenons tous — et je pense qu'il y a peut-être des médecins dans cette Chambre, je vois le député de Frontenac, je ne vois pas d'autres médecins que le député de Frontenac, d'ailleurs, c'est le meilleur médecin de la... il y a aussi le ministre des Affaires municipales qui est un pédiatre — le secret professionnel des médecins, dis-je, est une chose particulièrement importante. Mais voyez-vous, dans un cas particulier, lorsque nous parlons d'enfants soumis à de mauvais traitements, à ce moment, le bien-être de l'enfant l'emporte même sur un secret professionnel dont nous reconnaissons tous la valeur.

Je conclus, M. le Président, car je sens que le député de Chicoutimi est impatient de prendre la parole. J'ai hâte moi-même de l'entendre pour avoir son point de vue sur ce projet de loi.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): L'honorable député de Chicoutimi.

M. Marc-André Bédard

M. BEDARD: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention le ministre de la Justice, surtout dans les dernières cinq minutes de son exposé, vanter son projet de loi. Je pense bien que si la suffisance tuait, le ministre serait mort depuis au moins deux ou trois minutes. Il y a mis vraiment un ton de louange qui, à mon sens, dépasse le mérite. J'admets que ce projet de loi s'imposait, c'est clair. D'ailleurs, le ministre de la Justice a senti le besoin de le présenter, même si c'est à la fin d'une session parce qu'il y voyait une nécessité, étant donné que les mesures législatives déjà en place — il le réalise — ne permettent pas d'assurer une protection équitable, efficace aux enfants soumis aux mauvais traitements.

L'importance de ce projet de loi ne fait aucun doute. D'ailleurs, lorsque nous avons soulevé à différentes reprises le problème des enfants mineurs qui étaient hébergés dans des prisons pour adultes, par ce biais, nous avions parlé également de la nécessité d'une refonte, d'une modification de la Loi de la protection de la jeunesse, et le ministre de la Justice s'était engagé à présenter à la Chambre un projet de loi dans le sens de celui qu'il nous présente ce soir. En cela, nous pouvons dire qu'il a tenu parole.

Cependant — et cela, ce n'est pas négatif pour le ministre de la Justice — il ne faut quand même pas conclure en disant que le projet de loi est un chef-d'oeuvre.

M. GARNEAU: C'est difficile de faire mieux!

M. BEDARD (Chicoutimi): II est clair qu'il est très difficile de légiférer dans une matière telle que celle-là parce qu'il y a la nécessité de concilier plusieurs droits qui, en fait, sont concernés. Entre autres, il y a le droit qui s'applique à la protection du secret professionnel dont il est fait état dans le projet de loi. Il y a également la conciliation avec le droit à la protection de la vie privée de la famille. Il y a également à concilier un des droits qui concernent la responsabilité de la cellule familiale. Il y a également le droit fondamental de l'enfant à être protégé contre de mauvais traitements.

C'est évident, M. le Président, que le projet de loi nous arrive à la dernière minute. Il aurait été, j'en suis convaincu, préférable, vu son importance, qu'il nous arrive en une autre

période. Il aurait été également préférable — je le crois — que sur un tel projet de loi il y ait eu la possibilité de faire des consultations. Je suis convaincu que tous les intéressés par ce projet de loi, entre autres la Ligue des droits de l'homme et bien d'autres organismes, M. le Président, auraient aimé se faire entendre. Je suis convaincu que les témoignages ou les recommandations qu'ils auraient pu faire au niveau d'une commission parlementaire auraient été de nature à améliorer ce projet de loi.

Le ministre de la Justice, en parlant des recommandations ou des appréciations faites par la Ligue des droits de l'homme, s'est arrêté à la première recommandation qui a été faite par la Ligue des droits de l'homme alors que celle-ci, entre autres, demandait une modification, à savoir que la notion de mauvais traitements ne devrait pas être restreinte au physique mais qu'elle devrait également s'appliquer pour les mauvais traitements psychologiques.

Sur ce point, je dois dire que je suis d'accord avec le ministre de la Justice, à savoir qu'il est bien difficile d'aller plus loin que de légiférer en ce qui regarde les mesures à prendre dans le cas de mauvais traitements du point de vue physique. Etendre la notion de responsabilité jusqu'aux mauvais traitements psychologiques, cela aurait probablement été ouvrir la porte à une certaine délation systématisée qui, au bout de la ligne, n'aurait pas nécessairement apporté des résultats positifs. Il reste quand même qu'il aurait été — je ne veux pas me poser en expert là-dessus, M. le Président — important et sûrement avantageux d'entendre la Ligue des droits de l'homme sur ce point en particulier. Elle aurait eu peut-être d'autres considérations à faire valoir que celles que font valoir à l'Assemblée nationale le ministre de la Justice et moi-même, puisque, pour une fois, nous sommes d'accord sur ce point précis.

Cependant la Ligue des droits de l'homme a fait d'autres représentations qui me semblent très valables et je suis convaincu que le ministre de la Justice s'est borné à citer seulement la première recommandation. Il aurait eu avantage, peut-être, à mentionner également plusieurs autres recommandations qu'elle a faites. Entre autres, la Ligue des droits de l'homme recommande que l'enfant qui pourrait être victime de mauvais traitements ailleurs que dans la famille soit également touché par ce projet de loi, ce qui voudrait dire qu'il y aurait lieu de l'amender peut-être dans ce sens. Nous aurons l'occasion, de toute façon, d'en discuter lors de l'étude article par article.

Egalement, la Ligue des droits de l'homme recommandait qu'à la suite d'une plainte une obligation devrait être faite au comité ou à ses employés et délégués d'entreprendre une action dans un délai de 24 heures. J'ai hâte de voir quelles seront les remarques du ministre de la Justice sur cette recommandation.

La Ligue des droits de l'homme recommandait aussi l'accès au comité ou à ses employés, en tout temps, 24 heures par jour, y compris les jours non ouvrables. Je ne sais pas quelles seront les remarques du ministre de la Justice sur ce qu'il entend par la disponibilité des membres de la commission ou du comité qu'il a formé par cette loi, le Comité pour la protection de la jeunesse.

Enfin, il y a d'autres recommandations que nous soumettrons lors de l'étude article par article et qui, à mon sens, sont très sérieuses. Je ne crois pas qu'on puisse, comme l'a fait le ministre de la Justice, jeter, du revers de la main, le mémoire qui a été fait par la Ligue des droits de l'homme en s'attardant simplement à la première de leurs recommandations.

Concernant la création d'un Comité pour la protection de la jeunesse, nous n'aurions qu'une remarque principale à faire sur ce point, à savoir qu'on a nettement la conviction qu'on établit un comité de surveillance, mais que son mandat est si vaste et que ses responsabilités sont si grandes qu'il aurait fallu prévoir des mécanismes, dans la loi, beaucoup plus précis en ce qui concerne son action.

Même si le ministre de la Justice a tenu à vanter à grands renforts de publicité son projet de loi, ça ne nous empêche pas de nous poser la question, à savoir: jusqu'à quel point, malgré l'urgence du problème, il n'y aurait pas eu avantage à retarder quelque peu, je ne dis pas retarder indéfiniment, mais retarder quelque peu ce projet de loi-là. On sait que, d'une part, il y a le livre blanc sur l'administration de la justice qui est censé proposer une solution concernant ce problème.

Il y a également la Commission de révision du code civil qui doit toucher ce sujet dans le deuxième tome de son rapport sur la famille, entre autres concernant le chapitre qui retouchera la perte ou la portée de la puissance paternelle.

Il y a également le Comité de la protection de l'enfance, de l'hôpital Sainte-Justine de Montréal, qui vient de rendre public, tout récemment, un mémoire sur ce sujet-là. Il y a également la ligue des droits de l'homme, qui étudie actuellement le sujet. Je comprends qu'elle a eu une réaction spontanée, à la parution du projet de loi.

Mais, il reste quand même, selon nos informations, que la Ligue des droits de l'homme était à faire une étude vraiment plus approfondie de tous ces problèmes que constituent les enfants qui sont soumis à de mauvais traitements. Comme le ministre l'a dit, et sur cela je suis d'accord avec lui, l'action de ce comité de surveillance, de ce Comité pour la protection de la jeunesse, se situe vraiment entre, d'une part, le ministère de la Justice et le ministère des Affaires sociales; il y a, de ce côté, le ministère des Affaires sociales qui doit avoir ses points de vue sur la protection de l'enfance et que nous aimerions connaître. Nous avons ici, ce soir, la chance d'avoir avec nous le ministre d'Etat aux Affaires sociales. Alors, peut-être qu'on aura

l'occasion de connaître les points de vue du ministère sur ce projet de loi, puisqu'il est clair que, si cela touche, d'une part, le ministère de la Justice, en grande partie cela touche également le ministère des Affaires sociales.

M. le Président, c'est l'ensemble des remarques que nous avons à faire à ce stade-ci. Nous aurons l'occasion, lors de l'étude du projet article par article, de poser les questions qui s'imposent concernant surtout les mécanismes d'action qui sont prévus au Comité qui est formé pour la protection de la jeunesse. En somme, M. le Président, nous savons que c'est une loi qui était nécessaire et qu'elle comble, même si elle n'est pas parfaite, loin de là, un vide dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Nous savons que ce projet de loi n'était quand même pas facile à rédiger, puisqu'il s'agissait de concilier les différents droits dont nous avons parlé tout à l'heure. Alors, M. le Président, en ce qui regarde l'Opposition officielle, nous voterons pour le projet de loi en deuxième lecture.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, je m'étais demandé un jour, en réfléchissant à haute voix, quand aurons-nous une société de la protection des humains, alors que nous savons tous que nous avons depuis longtemps une société de protection des animaux. Je n'avais pas répondu à cette question à ce moment-là, M. le Président, mais la loi qui est présentée devant nous ce soir répond partiellement à cette question. Je ne dirai pas au ministre: Vous présentez une mauvaise loi. Je dis: Vous présentez une bonne loi; elle aurait dû être présentée bien avant aujourd'hui. Bien entendu, il y a de la place à de l'amélioration dans cette loi, comme dans toutes les autres lois. Cependant, lorsqu'elle sera appliquée — il y a un commencement partout — ceux qui auront à l'appliquer, à surveiller son application reviendront probablement devant nous avant longtemps pour nous suggérer certaines modifications. Mais ces modifications, je pense que nous pourrons les envisager en connaissance de cause, c'est-à-dire en ayant l'expérience de l'application d'une telle loi.

M. le Président, une loi concernant la protection des enfants soumis à de mauvais traitements, c'est une loi qui aurait dû exister depuis toujours. Dans quelle proportion y a-t-il des enfants qui sont soumis à de mauvais traitements? C'est difficile à dire. Je ne crois pas que nous puissions facilement nous fier à des statistiques dans ce sens, parce que, M. le Président, il y en a probablement beaucoup plus qui sont soumis à de mauvais traitements qu'il n'y en a de connus. En effet, il n'existe, à ma connaissance, présentement aucun mécanisme réellement valable non seulement pour détecter, mais pour en arriver à corriger les abus dans le domaine des mauvais traitements physiques aux enfants.

Bien sûr, tous, nous avons nos petites expériences, tous, nous avons eu un jour ou l'autre des gens qui nous ont rapporté des situations extraordinairement pénibles, mais je pense que personne — ou du moins très peu de gens — ne savait de quelle façon s'y prendre pour amener les autorités à corriger ces situations. Qui devait prendre l'initiative? Qui devait poursuivre? De quelle façon devait-on dénoncer? Comment devait-on s'y prendre? Ce sont des questions que tellement de gens se posaient que finalement les cas qui auraient dû être soumis à l'attention des autorités ne sont pas toujours arrivés à l'attention des autorités.

Cependant, nous avons tous un jour ou l'autre pris connaissance publiquement, par la voie des journaux ou d'autres moyens, de certains abus. Mais lorsque le public est mis au courant de ces abus, c'est parce qu'il est trop tard, c'est parce que ces abus sont allés tellement loin que les enfants sont décédés ou tellement blessés que finalement, une fois que les autorités en ont pris connaissance, elles n'ont pu malheureusement corriger la situation.

Ce qui importe, ce n'est pas seulement de connaître la situation, de savoir qu'il y a des enfants maltraités; ce n'est pas seulement non plus de dénoncer et de poursuivre des gens. Ce qui importe réellement, c'est la protection de l'enfant. C'est de voir à ce que ça ne se produise pas. Evidemment, si nous n'avions pas ce genre de loi, si dans le projet de loi actuel il n'y avait pas l'obligation de dénoncer, je pense que la pression nécessaire pour éviter un maximum d'ennuis aux enfants ne serait pas là.

Parce qu'il faut le réaliser, une fois que l'obligation de dénoncer va être connue de tout le monde, il y a sûrement beaucoup d'enfants qui ne seront pas assujettis aux mauvais traitements auxquels ils auraient été assujettis avant ce projet de loi. La peur — on l'a dit souvent — est le commencement de la sagesse.

Quand ce projet de loi sera connu — et j'espère que le ministre a l'intention de faire toute la publicité nécessaire autour de ce projet de loi — quand les gens vont savoir que les voisins peuvent, à n'importe quel temps, faire des dénonciations au cas où ils soumettraient leurs propres enfants à de mauvais traitements physiques, ils seront beaucoup plus prudents. Je ne parle pas de l'ensemble de la population, car ces mauvais traitements physiques aux enfants sont des cas isolés. Ce n'est pas la majorité.

Même s'il y avait un seul enfant au Québec — un seul ce n'est pas tellement — dont la vie serait sauvée par ce projet de loi, le ministre aurait eu raison de le présenter, car c'est une vie humaine, et une vie humaine, c'est beaucoup de choses. Il y en a beaucoup plus d'un, mais ce n'est pas la majorité, c'est une minorité. Cette minorité, nous devons la protéger, nous devons protéger ces enfants et faire savoir à certains

parents qui n'ont aucune espèce de scrupule en ce qui concerne les mauvais traitements physiques aux enfants qu'en vertu de ce projet de loi il y aura des yeux de témoins tout autour d'eux qui vont être aux aguets. Qui seront-ils? Personne ne le saura. Ce projet de loi va loin en créant l'obligation de dénoncer.

Je n'accepterais pas ce principe dans d'autres projets de loi. Jamais! Mais dans ce projet de loi en ce qui concerne la protection des enfants qui n'ont, eux, aucun moyen de protection personnelle, qui sont des innocentes victimes, il faut que quelqu'un les protège.

Il faut que quelqu'un fasse la surveillance et c'est pourquoi je suis d'accord avec le ministre quand il nous dit son désaccord avec la Ligue des droits de l'homme en ce qui concerne le point qu'il a soulevé. Je ne parlerai pas des autres, mais du point qu'il a soulevé, à l'effet qu'il ne faut pas étendre la protection de ce projet de loi aux mauvais traitements psychologiques ou autres parce que cela serait vraiment exagéré, surtout avec le pouvoir et l'obligation de dénoncer. Cela serait vraiment exagéré. Vous verriez des situations extraordinaires où, comme le dit si bien le ministre, dans ce cas, des membres d'une même famille profiteraient des dispositions de cette loi pour laver leurs petites chicanes personnelles qui n'ont rien à voir avec les enfants. Cela serait, évidemment, un pouvoir extraordinaire et une possibilité d'abus sans précédent.

C'est pourquoi je suis d'accord sur ce projet de loi. Je suis d'accord parce que les enfants ont besoin d'être protégés. Cela s'adresse aussi bien aux enfants qui sont sous la garde de leurs parents qu'à une autre sorte d'enfants qui sont sous la garde de foyers nourriciers. Je n'ai pas besoin de vous dire — je ne suis pas lié par le secret professionnel, cela ne me gêne pas de le dire — lorsque nous rencontrons des électeurs dans nos bureaux de député, on nous fait part souvent de certains petits problèmes soulevés par certains foyers nourriciers pour qui l'argent versé par le bien-être social est plus important que le confort de l'enfant qu'ils ont sous leur garde. Je ne nommerai personne parce que la litanie serait trop longue, mais c'est un fait et tous les députés sont à même de le vérifier. Tous les députés le savent. On nous rapporte assez souvent ces cas où les enfants sont maltraités dans des foyers nourriciers.

Alors, je ne m'adresse pas uniquement au ministre de la Justice. Cela s'adresse en même temps au ministre d'Etat aux Affaires sociales, qui nous fait l'honneur d'être des nôtres ce soir. De ce côté, il y a beaucoup d'amélioration à apporter dans le choix des foyers nourriciers, dans les enquêtes à être faites par le bien-être social ou des agences sociales pour choisir des foyers. Ces enfants qui ont besoin de foyers nourriciers sont ou bien des orphelins ou bien des enfants dont les parents sont séparés. Ce sont des enfants qui ont besoin d'autant plus d'attention et de bons soins qu'ils sont désavan- tagés par le fait qu'ils ne sont pas dans leur propre foyer avec leurs parents.

Il y a également cette question — et j'y fais référence parce que le ministre en a parlé; ce n'est pas du mauvais traitement physique — de malnutrition dans certains foyers. Sans être un mauvais traitement physique, c'est peut-être ce qui amène certains mauvais traitements physiques.

C'est une cause. J'ai eu connaissance que des gens dans des familles manquaient du nécessaire pour des raisons de toutes sortes, des raisons économiques ou autres, parce qu'il y avait un besoin qui n'était pas comblé, parce qu'il y avait malnutrition. Par la suite, il en découle autre chose et cela regarde drôlement le ministre de la Justice. Il y a des situations où les parents, à tort ou à raison — je ne les jugerai pas — en sont arrivés à entraîner des enfants à faire du vol à l'étalage pour tâcher de faire vivre les autres membres de la famille.

Je n'accepte pas ce genre de choses et je parle de façon générale. Je ne veux pas que le ministre me demande de citer des noms. De toute façon, je ne le ferai pas. Là, je me sentirais lié par mon secret professionnel.

M. CHOQUETTE: Je ne veux pas le savoir.

M. SAMSON: Mais je pense que le ministre est parfaitement au courant de ces choses. C'est déjà arrivé, cela ne veut pas dire que cela n'arrivera pas encore un jour. Il faut éviter cela et pour éviter cela, évidemment, il faut aller à la source du mal. Or la source du mal, dans des cas comme cela, est la responsabilité parentale oui, mais il peut y avoir une autre responsabilité. Si la responsabilité parentale est entravée par un manque à gagner quelconque, entravée par des malchances quelconques, il y a aussi la responsabilité gouvernementale. Dans ce domaine, cela relève des Affaires sociales, encore une fois, pas du ministre d'Etat aux Affaires sociales, quand même on n'est pas pour lui mettre tous les maux de la terre sur le dos, mais son ministre des Affaires sociales qui aurait, lui, beaucoup d'avantages à circuler un peu plus dans toute la province et regarder les problèmes qui se posent.

M. le Président, si le ministre des Affaires sociales circulait physiquement dans toute la province au lieu de circuler par l'entremise de sa machine IBM à Québec, il en trouverait des problèmes. Cette expérience serait sûrement avantageuse, et pour le ministre et pour les citoyens du Québec qui sont dans ces cas spécifiques que je viens de mentionner. Ces choses découlent autant de la responsabilité du gouvernement que de la responsabilité des parents dans certains cas, mais ceci crée un stress, à un moment donné, et cause, dans certaines familles, des dépressions.

La mère de famille, par exemple, qui se voit aux prises avec un problème d'ordre économique. Vous savez, quand la mère de famille

n'est pas capable de boucler les deux bouts, à la fin de chaque semaine, de chaque quinzaine, chaque mois, qu'est-ce qui lui passe par la tête? Toutes sortes de choses. Le père arrive à la maison, puis la mère l'attend avec les problèmes que les enfants ont rapportés de l'école. Il ne faut pas oublier que quand le père a fait sa journée d'ouvrage à petit salaire, qu'il a travaillé à la sueur de son front, qu'il arrive à la maison et que son épouse l'attend avec tous les problèmes que les enfants ont rapportés de l'école — c'est un problème humain, c'est un problème qui existe — il arrive, des fois, qu'avant de manger la soupe, le gars n'a plus faim, parce qu'il a trop de problèmes. Cela ne se produit pas éternellement sans que cela finisse par sauter. Là, les enfants se retrouvent dans un foyer nourricier souvent avec des gens qui les maltraiteront.

Alors cela, il faut le savoir, il faut le considérer et il faut avoir l'intention de corriger cela aussi. Bien entendu, je ne mettrai pas tout sur les épaules du ministre de la Justice, c'est un ministre qui a un ministère, et le problème que je viens de mentionner relève d'un autre ministère. Mais ces ministères devraient se rencontrer plus souvent, parce que ce que le ministre de la Justice veut corriger, avec les bonnes intentions qu'il nous présente, ce qu'il veut corriger, lui, cela peut peut-être ne pas se corriger, parce qu'à l'autre ministère, on ne prend pas toutes ses responsabilités.

J'invite le ministre à consulter davantage le ministre des Affaires sociales et à lui faire comprendre cela. Autant j'ai compris, autant j'ai porté toute mon attention au ministre de la Justice quand il s'est adressé au député de Chicoutimi, tantôt, en lui disant: Allez dire cela au chef de l'Opposition, autant je dis au ministre de la Justice: Allez dire cela au ministre des Affaires sociales. Vous allez lui rendre service, vous allez nous rendre service en même temps.

Comme dit le député de Chicoutimi, le ministre des Affaires sociales ne veut rien savoir de cela, c'est peut-être vrai, parce que cela fait longtemps qu'on le brasse, cela n'a pas l'air de donner des résultats.

M. CHOQUETTE: Je pense que vous êtes méchant, là.

M. SAMSON: M. le Président, non, non, je ne suis pas méchant, au contraire, je suis de bonne humeur, ce soir, je suis de bonne humeur.

M. CHOQUETTE: Vous avez une drôle de belle humeur.

M. SAMSON: Si j'étais méchant, cela ferait des flammèches plus que cela, mais j'attends quand je vais voir le ministre des Affaires sociales, parce que c'est à lui que j'en ai, c'est contre lui que j'en ai, pas contre le ministre de la Justice. Le ministre de la Justice a un projet de loi, en tout cas pour une fois, qui a du bon sens. Je trouve qu'il a du bon sens ce projet de loi. Mais il ne pourra pas l'appliquer facilement ou, du moins, il pourra l'appliquer en exerçant des pressions sur des gens qui seront peut-être des victimes des mauvaises politiques d'un autre ministère. C'est aussi bête que cela, c'est cela.

Il est évident, pour en revenir au projet de loi lui-même — je m'excuse de cette incursion dans le domaine des Affaires sociales, mais incursion nécessaire — malgré que je pense que c'est la minorité, il y a encore beaucoup trop d'enfants qui sont victimes de mauvais traitements physiques. Quand on entend dire et qu'on lit dans les journaux que deux enfants d'une même famille, dans l'espace de deux ans, ont été victimes de fractures du crâne, un enfant parce qu'il est tombé du deuxième étage, l'autre parce qu'il est tombé en bas d'une camionnette, il y a du moins une certaine négligence. A l'époque, quand on a entendu parler, il y a eu des soupçons beaucoup plus que cela, mais ce n'est pas facile à prouver. Et même si on avait prouvé quelque chose contre les parents, est-ce que cela aurait évité les fractures, les blessures à ces enfants-là? Non, c'était fait. C'est pourquoi j'insiste beaucoup plus sur les provisions dans ce projet de loi qui vont faire réfléchir les gens afin d'éviter que ces enfants-là soient victimes de mauvais traitements, ce qu'on recherche, nous, ce n'est pas de punir les parents quand les enfants ont eu des mauvais traitements. Bien sûr, quand c'est fait, il faut punir, mais ce n'est pas cela qu'on recherche. Ce qu'on recherche c'est d'éviter que les enfants subissent de mauvais traitements.

M. le Président, ce projet de loi qui va créer le Comité pour la protection de la jeunesse, avec un secrétariat à Montréal et un à Québec, pouvant établir des bureaux ailleurs au Québec, je vous souligne que ce projet de loi a tellement d'importance à mes yeux que je suggère immédiatement au ministre qu'il faut beaucoup plus que des bureaux ou des pieds à terre à Montréal et Québec. Il faut que ce soit organisé sur une base qui permettra aux gens de toutes les régions de pouvoir entrer en communication avec un responsable dans leur région immédiate et que ce soit connu publiquement. Je ne sais pas quelles sont les intentions du ministre, mais peut-être y aurait-il avantage dans la publicité à demander aux gens de s'adresser au ministère des Communications locales qui ont des bureaux dans toutes les régions du Québec, qui pourront, eux, les diriger aux endroits où il faut pour que ces gens-là puissent acheminer leurs plaintes aux autorités concernées.

Ce comité-là aura des enquêteurs, bien sûr, M. le Président. Il est évident qu'ils ne pourront pas faire des miracles, mais le fait d'avoir accès aux endroits qui seront dénoncés est déjà un moyen qui va permettre de connaître la vérité, de pouvoir faire la preuve plus facilement et aussi — et c'est toujours cela qui est important — c'est que sachant que tout cela pourra être fait, il y aura une certaine crainte pour

ceux-là qui ont des intentions de maltraiter les enfants; il y aura une certaine crainte et plus de prudence, c'est-à-dire qu'ils feront plus attention. Ils se retiendront plus dans certains cas.

Ce projet de loi donne des moyens qui n'existent pas présentement en créant l'obligation de dénoncer. Quant à ceux qui sont tenus au secret professionnel, je ne m'offusque pas du tout qu'on leur crée à eux également cette obligation de dénoncer. C'est pas parce qu'on bénéficie, M. le Président, du secret professionnel qu'on ne doit pas participer aux mieux-être de la population et surtout des enfants. Ce n'est pas trahir un secret professionnel que de dire aux autorités qu'on est au courant qu'il y a des enfants qui sont maltraités.

Bien sûr, si cela nous vient d'une tierce personne qui nous le dit sous le sceau du secret professionnel, cela dérange un peu le secret professionnel, mais que ceux-là qui sont liés par le secret professionnel le disent à la tierce personne: Mon secret professionnel ne m'empêchera pas de faire la dénonciation. Au contraire, je suis obligé de la faire. Le sachant à l'avance, ces gens sauront à quoi s'en tenir. Il n'y aura pas trahison du secret professionnel dans ces cas.

A part cela, si on le publie, tout le monde va le savoir. Je trouve, M. le Président, que c'est tellement important qu'on donne la protection aux enfants qui sont maltraités. On n'a qu'à penser aux exemples que nous a donnés le ministre tantôt et aux nombreux exemples que tous les députés pourraient nous donner, si chacun voulait se lever et nous faire part d'un exemple qu'il connaît, dans son entourage, dans sa localité ou dans son comté. Tout le monde aurait des exemples dans ce sens.

C'est pourquoi, M. le Président, je voterai en faveur du projet de loi no 78.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): L'honorable député de Saint-Jean.

M. Jacques Veilleux

M. VEILLEUX: M. le Président, vous devez être très surpris de voir le député de Saint-Jean se lever pour parler d'une loi de la protection des enfants soumis à de mauvais traitements, compte tenu que celui qui vous parle n'a pas d'enfants, puisqu'il est un jeune célibataire.

M. BIENVENUE: Mais il a l'air d'un enfant.

M. VEILLEUX: M. le Président, l'expérience que j'ai acquise et que vous avez acquise, vous aussi, dans l'enseignement me porte à dire quelques mots sur ce projet de loi.

Je sais, M. le Président, que vous, en tant que président, vous ne pouvez vous exprimer sur ce projet de loi, même si vous désireriez le faire. Ce que je veux dire au ministre, ici, et compte tenu de cette courte expérience dans l'enseigne- ment, comme le signalait tout à l'heure le député de Chicoutimi, c'est que le projet de loi ne prévoit que les mauvais traitements d'ordre physique.

J'admets que, lorsqu'on veut parler de mauvais traitements, des sévices, notamment, psychologiques, c'est un problème très difficile à cerner. Il peut y avoir — d'autant plus que, dans le projet de loi, on le prévoit — de la part des gens une obligation de dire au comité si tel ou tel enfant subit de mauvais traitements physiques. C'est entendu que, si on parlait de mauvais traitements psychologiques, il pourrait y avoir facilement des abus. Mais je ne peux pas oublier des cas pratiques que j'ai eu l'occasion de rencontrer dans l'enseignement. Ce n'était pas, à proprement parler, de mauvais traitements physiques, mais il y avait certains enfants qui subissaient ce que je pourrais qualifier de mauvais traitements psychologiques ou moraux.

Il va sans dire que quelqu'un qui subit ce genre de traitements s'en ressent toute sa vie. C'est pourquoi il y aurait peut-être lieu que le ministre demande au Comité formé pour la protection de la jeunesse de lui faire peut-être des recommandations sur une manière de prévoir ce genre de mauvais traitements d'ordre psychologique.

Hier, au salon rouge, lorsque nous discutions du projet de loi du ministère de l'Immigration, le ministre a accepté de la part de l'Opposition un amendement. Au départ, j'étais assez récalcitrant à ce genre d'amendement, mais je l'ai accepté compte tenu de l'exposé brillant du ministre de l'Immigration. Je pourrais peut-être faire la même suggestion au ministre de la Justice pour le le Comité pour la protection de la jeunesse qu'il forme ici puisse lui faire des recommandations quant à la transformation de la loi, quant à l'amélioration de la loi pour les sévices physiques, mais qu'il puisse en faire aussi pour améliorer la loi et y inclure éventuellement les sévices d'ordre psychologique.

Le ministre, dans le projet de loi, mentionne que ce comité doit prévenir de tels excès ou de telles négligences. Je crois qu'il est beaucoup plus important de s'arrêter sur le mot "prévenir" que de s'arrêter sur le mot "sévir".

Peut-être, comme première étape pour essayer de résoudre le genre de problème que j'ai mentionné tout à l'heure, ce comité pourrait-il essayer de prévenir plutôt que de sévir lors de mauvais traitements d'ordre psychologique.

Lorsqu'on parle de prévenir, je rejoins le député de Rouyn-Noranda qui mentionnait tout à l'heure qu'il faudra nécessairement que le ministre donne toute l'information voulue pour que ce projet de loi soit connu par l'ensemble de la population. Il est bien beau de dire dans un projet de loi que tout citoyen du Québec qui a connaissance qu'un enfant subit de mauvais traitements physiques est dans l'obligation, sans délai, d'en avertir le comité, mais encore faut-il qu'il sache où trouver ce comité. Je suis persuadé que bien des citoyens qui auront

connaissance que des enfants subissent de tels sévices d'ordre physique viendront nécessairement voir le député pour connaître la personne à qui ils doivent s'adresser pour dévoiler de tels excès ou de telles négligences d'ordre physique.

Maintenant, le ministre mentionne, et c'est là que je me pose des questions — même si je ne peux pas mentionner le numéro de l'article, permettez-moi de le faire — à l'article 14 h): "Commet une infraction quiconque refuse de répondre à une personne visée..." Lorsqu'un des membres du comité fait l'enquête, essaie d'interroger des personnes pour se rendre compte s'il y a réellement des sévices d'ordre physique, si la personne refuse de répondre, il y a infraction à la loi. Le ministre pourra peut-être nous dire dans sa réplique, tout à l'heure, qui commet une infraction, subit nécessairement une peine ou a nécessairement une sanction et de quel ordre peut être cette sanction ou cette peine si la personne refuse de répondre à un des commissaires nommés en vertu de la loi.

A la page suivante, à l'article 14 j), on lit: "Toute personne, même liée par le secret professionnel, qui a des motifs raisonnables de croire qu'un enfant est soumis à des mauvais traitements physiques par suite d'excès ou de négligence est tenu — là aussi il y a obligation — de signaler sans délai la situation au comité".

Deuxième paragraphe: "Tout manquement à l'alinéa précédent — celui que je viens de mentionner — constitue une infraction à la présente loi". Là aussi, j'aimerais tout à l'heure que le ministre nous dise quel genre de sanction, de peine, par exemple, un médecin qui se sentirait... Nécessairement, lorsqu'on parle de secret professionnel, il y aura des individus, notamment des médecins qui vont se sentir tiraillés entre cette obligation qui est prévue dans le projet de loi no 78 et le secret professionnel tel que prôné et défendu par le Collège des médecins.

Il se peut qu'un individu, un médecin se sente plus attiré ou plus obligé vis-à-vis le secret professionnel que vis-à-vis de la loi. Il serait bon que les membres de cette Chambre connaissent le genre de sanction que pourrait encourir un individu qui ne voudrait pas dénoncer, même si c'est son devoir et s'il a l'obligation de le faire. Est-ce une sanction identique à celle qu'on peut retrouver à 14 h), ou est-ce deux sanctions différentes? Le ministre pourra, tout à l'heure, nous en faire part.

Un autre point a été soulevé par le ministre de la Justice lorsqu'il nous disait que le rôle de ce comité se situait à mi-chemin entre les affaires sociales et la justice. J'ose espérer, M. le Président, que le rôle de ce comité se situera ou tendra beaucoup plus vers le secteur social que vers le secteur judiciaire, compte tenu qu'il existe déjà la cour du Bien-Etre social et que ce rôle du judiciaire, ce rôle de poursuite de parents qui feraient subir des sévices physiques à des enfants, ce rôle pourrait être joué, notamment, par le procureur de la Couronne au nom du ministre de la Justice, pourrait être discuté, et le jugement rendu à la cour du Bien-Etre social plutôt — j'ai peut-être mal compris ou saisi la pensée du ministre tout à l'heure — qu'une décision de cette nature prise par le Comité pour la protection de la jeunesse. Le ministre pourra peut-être clarifier sa pensée là-dessus, tout à l'heure, parce que je verrais très mal ce comité jouer un rôle plus important du côté judiciaire que du côté social, parce qu'alors ce comité serait peut-être tenté d'oublier un des rôles que le ministre veut lui faire jouer, qui est celui de prévenir de tels excès ou de telles négligences.

Je termine, M. le Président, en formulant le voeu que je mentionnais au départ: que le ministre puisse demander à ce comité de se pencher sur le problème des mauvais traitements d'ordre psychologique pour, dans un avenir assez rapproché, pouvoir cerner ce problème de telle façon que des abusne puissent se produire mais qu'on puisse régler ce genre de problèmes qui existent, que j'ai pu, pendant dix ans d'enseignement, rencontrer plusieurs fois. Merci, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre des Affaires municipales.

M. Victor Goldbloom

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je ne voudrais pas que vous jugiez l'importance de ce projet de loi par la longueur de mon discours parce qu'il sera court. Mais il me semble normal qu'à l'occasion de la présentation d'un projet de loi de cette nature et de cette importance, le seul pédiatre de l'Assemblée nationale ait quelques mots à dire.

M. le Président, la situation que nous étudions ici, celle sur laquelle nous nous apprêtons à légiférer, est absolument exceptionnelle pour ne pas dire inhumaine. Effectivement, quand, pour un enfant, ses parents qui devraient normalement être ses protecteurs deviennent ses agresseurs, c'est une situation qui dépasse notre compréhension du comportement normal de l'être humain. Pourtant, la situation existe et, comme tous les opinants qui m'ont précédé l'ont clairement indiqué, la nécessité d'une telle loi saute aux yeux.

M. le Président, j'ai joué dans ce contexte le rôle de pédiatre à plusieurs occasions. Je dois vous avouer que la première fois que j'ai vu à l'hôpital un enfant battu — et je dois dire que l'expression enfant battu, même enfant victime de mauvais traitements, ne traduit pas tout à fait ce que l'on exprime en anglais quand on parle du "battered child's syndrom", comme a dit mon collègue le ministre de la Justice — la première fois que j'ai vu un tel enfant, je n'ai pas cru le diagnostic posé par le radiologiste. Et pourtant, j'ai été obligé de me rendre à l'évidence, d'accepter le diagnostic et de surveiller la possibilité de ce syndrome à d'autres occasions.

J'ai donc eu l'occasion d'en discuter avec des collègues médicaux, avec d'autres professionnels de la santé et de constater avec eux le problème juridique qui entourait, et qui entourera encore jusqu'à l'adoption de ce projet de loi, l'action du professionnel de la santé qui veut poser un geste utile pour protéger la santé et même la vie d'un enfant.

Effectivement, il faut que la loi permette au médecin, à l'infirmière, au travailleur social de mettre de côté le secret professionnel et ce faisant, de jouir d'une immunité contre des représailles possibles s'il agit de bonne foi.

J'aimerais dire un mot au sujet du secret professionnel, dans ce contexte particulier. On a souvent l'impression que le secret professionnel appartient au professionnel de la santé ou d'une autre profession. Mais tel n'est pas le cas. Le secret professionnel appartient au client, au malade. Et il s'agit ici d'un malade qui, par le fait qu'il est enfant, est incapable de poser le geste légal qui permettrait au professionnel de la santé de mettre de côté le secret professionnel. Les parents, qui normalement seraient ceux qui devraient le faire, sont évidemment les intéressés, à mauvais escient, qui ne le feraient pas.

Il faut donc que la loi le fasse. L'honorable député de Rouyn-Noranda a invoqué l'intérêt certain du ministère des Affaires sociales dans un domaine comme celui-ci, et j'en suis. Il faudra que dans l'application de la loi on définisse davantage, de plus en plus clairement le rôle du ministère des Affaires sociales. Après tout, dans cette situation, ce n'est pas seulement l'enfant qui a besoin d'aide, il y a les parents aussi qui en ont besoin, et de façon très particulière.

Mais puisque ces parents, devenus agresseurs au lieu de protecteurs, ne sont pas capables, dans l'immédiat, avant d'avoir reçu cette aide, d'agir d'une façon normale, d'assumer leur rôle normal auprès de leur enfant, nous sommes obligés, nous de la collectivité, de l'Etat, de nous placer in loco parentis et de nous occuper de cette responsabilité.

Ce que nous faisons ici a déjà été fait dans beaucoup d'autres Etats de l'Amérique du Nord et ailleurs dans le monde. Il était temps que nous posions ce geste.

En terminant, je voudrais relever une suggestion de l'honorable député de Chicoutimi, qui, tout en reconnaissant l'importance du projet de loi et tout en lui reconnaissant une certaine urgence, a suggéré que l'on en retarde l'adoption pour permettre des consultations, notamment avec la Ligue des droits de l'homme et avec d'autres intéressés. Je le comprends, mais je dirai tout simplement qu'il me serait impensable de retarder l'adoption de ce projet de loi.

Est-il imparfait? C'est possible. C'est une oeuvre humaine, elle peut être imparfaite.

Dans la mesure que l'application d'une telle loi pourra sauver la vie ou la santé d'un certain nombre d'enfants, comme le disait l'honorable député de Rouyn-Noranda, même d'un seul, je pense qu'il est essentiel que nous procédions à l'adoption du projet de loi et que nous lui apportions ensuite les retouches, les améliorations qui pourront être indiquées par tous les intéressés et, notamment, par les professionnels de la santé qui auront à s'en servir au cours des prochaines semaines et des prochains mois.

Il y aura toujours moyen de bonifier ce projet de loi, mais, si nous ne l'adoptons pas avant la fin de la présente session, si nous attendons, donc, un certain nombre de mois avant d'y revenir, à ce moment, nous aurons, fatalement malgré nous, condamné un certain nombre d'enfants à subir des blessures et à, peut-être, se trouver en danger de mort.

Je pense que nous devrons, avec tout le respect que nous devons à nos collègues de cette Chambre et 'aux intéressés qui voudraient s'exprimer sur le projet de loi, procéder à son adoption, l'exposer à la critique de ceux qui s'en serviront et de ceux qui l'examineront sur papier aussi et revenir, en temps utile, pour lui apporter des améliorations, s'il y a lieu d'en faire.

M. le Président, je trouve que c'est une des plus importantes lois jamais adoptées par l'Assemblée nationale. Une loi qui fait de la collectivité les parents d'un certain nombre d'enfants est nécessairement une loi extrêmement importante.

Je pense que nous agissons très bien en fin de session, en fin d'année, en présentant et en adoptant une telle loi.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre de la Justice exerce son droit de réplique.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, je me rallie, sans hésitation, à la conclusion du ministre des Affaires municipales, lorsqu'il a signalé à l'Assemblée l'intérêt de ne pas retarder l'adoption de ce projet de loi, en raison, je crois, des interventions prévisibles du Comité pour la protection de la jeunesse qui sont de nature à éviter des agressions, des actes pouvant entraîner des blessures les plus graves, sinon la mort de certains enfants. Je pense que nous ne pouvons pas, sous prétexte de délibérer, retarder l'adoption de ce projet de loi.

J'ajouterai une chose: Cela fait longtemps que ces problèmes sont discutés dans divers milieux, même ici dans ce Parlement. J'ai fait allusion, plus tôt, à ce bill 65, Loi de la protection de la jeunesse, qui a été l'objet de discussions en commission parlementaire conjointe des affaires sociales et de la justice et où le problème des enfants battus nous a été exposé. J'ai aussi mentionné que, dans d'autres milieux, on s'était intéressé au sujet, mais il ne faudrait pas que les conflits idéologiques ou autres entre la justice et les affaires sociales

soient tels qu'ils paralysent l'action des législateurs et l'empêchent d'intervenir, car c'est un peu cela que nous vivons, malheureusement, au Québec.

Lorsque j'entendais le député de Chicoutimi nous proposer d'autres consultations, je vous dirais ceci...

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous auriez pu consulter avant.

M. CHOQUETTE: Non. Je sais que vous l'avez fait.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je m'excuse. Je vous ai dit que vous auriez pu consulter avant de le déposer.

M. CHOQUETTE: Mais j'ai consulté avant et je sais ce que je fais. Pour moi, le problème n'est pas nouveau. Ce n'est pas un problème qui est arrivé sur ma table, avec une loi rédigée par des légistes en laboratoire ou en vase clos, hier matin. C'est un problème que nous avons à l'esprit depuis quelques années et qui est en train d'évoluer de par les discussions et les mémoires que nous avons reçus, que cela soit du Barreau ou de l'Association des femmes universitaires ou d'autres groupements.

Je ne fais pas de reproche au député de Chicoutimi de nous demander d'approfondir nos projets de loi. Lorsqu'il suggère au ministre de la Justice et au gouvernement de faire cela, je pense qu'il est tout à fait de bon ton pour lui de le faire, comme membre de l'Opposition, mais, aujourd'hui, dans ce problème, je dis: Assez d'études.

Nous savons qu'il y a une intervention nécessaire. Nous savons qu'il faut que ce comité intervienne efficacement. Nous n'avons pas la prétention de dire que ce comité, ainsi que la loi qui sera adoptée par ce gouvernement, seront la fin de toute discussion sur le sujet, car il faut bien prévoir qu'il y aura toute une évolution législative à la suite de ce projet de loi no 78 dans le domaine, plus vaste, de la protection de la jeunesse. Ici, je rejoins les préoccupations du député de Saint-Jean, qui demandait au ministre de la Justice et au comité de s'intéresser aux agressions psychologiques, comme il le disait, à l'égard des enfants, dont certains, avait-il constaté à l'occasion de sa carrière dans l'enseignement, étaient les victimes. Je le reconnais facilement et c'est la raison pour laquelle il y a toute une politique de protection de la jeunesse à créer et à développer. Mais moi je pense qu'en adoptant cette loi, nous posons le premier pas dans cette direction et surtout nous nous attaquons aux cas des enfants qui sont vraiment à nos yeux, je pense, les plus sympathiques puisqu'ils sont victimes d'assauts physiques, avec toutes les conséquences qui peuvent en résulter.

Il est vrai que le comité — ici je voudrais répondre à l'interrogation du député — je l'ai décrit comme étant à mi-chemin entre la justice et les affaires sociales. C'est parce que j'essaie de traduire un peu que le comité n'a pas une action punitive judiciaire, que le comité, même s'il s'insère dans le ministère de la Justice, doit être animé de préoccupations de prévention, comme il a été mentionné, d'interventions amicales dans beaucoup de cas auprès des familles en question qui, souvent, sont elles-mêmes des victimes. On sait que souvent les parents qui battent leurs enfants ont eux-mêmes été les victimes de leurs propres parents avant et qu'il y a toute une tradition qui s'est instaurée dans ces familles. Donc c'est le résultat de l'ignorance...

M. VEILLEUX: Un genre de réhabilitation.

M. CHOQUETTE: En effet, alors je dis interventions amicales dans le cas où cela est permis, mais interventions judiciaires énergiques là où c'est nécessaire, et le comité ne jugera pas ces cas. Le comité, dans les cas où cela s'imposera, les soumettra à la cour pour que la cour du Bien-Etre social se prononce sur la déclaration de cas de protection à l'égard d'un enfant et son retrait de son milieu familial, lorsque, pour sa protection, pour sa vie, cela est essentiel. Le comité a donc toute la gamme possible des interventions, à partir des plus bénignes jusque peut-être aux plus draconnien-nes lorsque cela est nécessaire. Je pense qu'il faut le donner au comité, parce que les cas peuvent varier à l'infini.

Je crois que les députés d'Opposition, le député de Chicoutimi, le député de Rouyn-Noranda ainsi que le député de Saint-Jean, qui n'est pas de l'Opposition, mais qui est ministériel, ont tous les trois insisté, et, je pense, à juste titre — mais c'est vrai qu'il a pas mal l'esprit d'opposition. Tous ses collègues le connaissent.

M. VEILLEUX: C'est ce que mon collègue de Maisonneuve a dit cet après-midi, mais il me fait peur.

M. CHOQUETTE: Au caucus tout le monde...

Si les députés de l'Opposition le connaissaient au caucus, ils s'empresseraient de se ménager l'amitié du député de Saint-Jean, parce que le député de Saint-Jean sait être très agressif, alors je les mets en garde. Ceci est une parenthèse.

M. BEDARD (Chicoutimi): Prenez garde d'en dire trop.

M. CHOQUETTE: Mais tous les intervenants ont souligné et insisté sur la nécessité d'une information adéquate du public à l'égard de cette loi, sur une présence du Comité pour la protection de la jeunesse et sur des moyens d'accès rapides à ce comité pour permettre des

interventions à leur tour rapides de la part du comité dans les cas qui vont nous être signalés. Vous pouvez être sûrs que je souscris entièrement aux propos qui ont été tenus àce sujet. Il n'y a pas de doute que le comité devra se rendre très présent et les dénonciations pourront être faites auprès d'un téléphone unique qui sera peut-être branché sur les différents secteurs du Québec. On pourra faire la dénonciation par téléphone, pas besoin d'envoyer des lettres et d'aller dans des bureaux faire des rapports. Il va falloir qu'on prenne les moyens les plus modernes et les plus expéditifs pour aller attirer l'attention du comité sur des cas qui peuvent requérir son intervention.

De toute façon, je détaillerai en temps et lieu avec, évidemment, les dirigeants du comité une politique d'information qui sera suffisante.

Le député de Saint-Jean m'a demandé quelles étaient les pénalités prévues pour des infractions à cette loi. Eh bien, nous n'avons pas voulu mettre de pénalités précises dans la loi, justement pour ne pas la rendre répressive, pénale, dans ce sens-là, mais on peut se référer à la Loi des convictions sommaires qui dit que lorsqu'une pénalité n'est pas édictée spécifiquement dans une loi, la pénalité qui s'applique est une amende d'au plus $500. Cet article permettrait donc, dans les deux cas sur lesquels le député de Saint-Jean m'a interrogé, à la cour d'imposer une amende allant jusqu'à $500, c'est-à-dire à l'égard de la personne qui, étant mise au fait d'une situation où un enfant est battu, s'abstiendrait de dénoncer le cas ou encore d'une personne qui refuserait de collaborer avec un des enquêteurs du Comité pour la protection de la jeunesse.

M. le Président, je crois que c'était toutes les questions qui avaient été soulevées. Je suggère que nous adoptions ce projet de loi en deuxième lecture et que nous passions en commission par la suite.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que la motion de la deuxième lecture du projet de loi no 78, Loi concernant la protection des enfants soumis à des mauvais traitements, est adoptée?

M. BEDARD (Chicoutimi): Adopté, M. le Président.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

M. BEDARD (Chicoutimi): On n'a pas le quorum.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Nous sommes exactement 20.

M. BIENVENUE: M. le Président, je fais motion pour que vous quittiez maintenant le fauteuil et que l'étude de ce projet de loi se fasse en commission plénière article par article.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que la motion pour que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en commission plénière est adoptée?

M. BEDARD (Chicoutimi): Adopté, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Adopté.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, pour une loi aussi importante, je vous ferai remarquer qu'on n'a pas le quorum.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Nous sommes exactement 20.

M. BEDARD (Chicoutimi): II y en a un qui vient d'entrer à la course.

Commission plénière

M. CORNELLIER (président de la commission plénière): A l'ordre, messieurs! Projet de loi numéro 78, Loi concernant la protection des enfants soumis à des mauvais traitements. Article 1, sous-article 14 a)?

M. BEDARD (Chicoutimi): Adopté, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): 14 b)?

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, à 14 b), il me semble que cela pourrait être de nature à dissiper bien des malentendus si on avait, une fois pour toutes, une vraie définition de ce que le législateur entend dire lorsqu'il parle de mauvais traitements physiques. Je pense que de ce côté-là, il serait important... Tout à l'heure le ministre de la Justice parlait d'un enfant qui, par exemple, est gardé dans un placard ou encore à qui physiquement on ne donne pas de coups. S'il n'y a pas une définition très précise, on peut permettre à bien des gens, à bien des parents de s'en sortir.

M. CHOQUETTE: Je pense que les mots "mauvais traitements physiques par suite d'excès ou de négligence" permettent d'appréhender les cas qui tomberaient sous cette loi-là. J'attire l'attention du député sur les mots "mauvais traitements physiques" tout d'abord.

Cela implique soit des coups, des brûlures, soit un cas, par exemple, de malnutrition qui entraîne, mettons, une perte de poids très rapide et ceci par suite d'excès ou de négligence. Il faut qu'il y ait un élément coupable dans la conduite des parents ou des gardiens. Un mauvais traitement, si on pouvait employer le terme dans ce contexte, qui serait dû à un pur accident, ne tomberait pas sous cette loi. Par exemple, le père qui ouvre une porte et assomme son fils de deux ans, par mégarde. D'abord, ce n'est pas un mauvais traitement. Il

n'y a pas l'élément, en somme, intentionnel de méchanceté qui est sous-jacente aux mots "mauvais traitements". Deuxièmement, il n'y a pas excès ou négligence. C'est plus accidentel qu'autre chose.

Alors dans le cas actuel, nous avons voulu couvrir des cas de coups, de blessures et tout cela, des cas de malnutrition ou d'absence d'entretien suffisant de l'enfant, par exemple. Mauvais traitements, c'est assez large. J'ai cité le cas de l'enfant Lessard, qui avait été incarcéré dans un placard.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est un mauvais traitement physique.

M. CHOQUETTE: C'est un mauvais traitement physique. Que voulez-vous? Cet enfant n'a aucune liberté, il vit dans ses excréments.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est tout ce qui met en danger, en fait, la vie physique d'un enfant.

M. CHOQUETTE: Exactement. Nous ne pouvons pas aller plus loin que le côté physique parce que, quant au côté psychologique, ce serait compliqué d'inviter tout le monde à dénoncer ceux qui commettent des erreurs psychologiques vis-à-vis de leurs enfants.

M. VEILLEUX: M. le Président, à titre d'exemple, un enfant qui — je ne veux pas donner trop de fait précis parce que cela pourrait situer un cas que j'ai déjà vécu comme enseignant — vit dans un milieu familial où il y a des pensionnaires et que les pensionnaires torturent de différentes façons, de telle sorte que l'enfant devient traumatisé. Il peut y avoir des troubles, peut-être pas un bras cassé ou des choses comme cela, mais étant traumatisé, ayant subi un préjudice toute sa vie, est-ce que cela pourrait être considéré comme un mauvais traitement physique, compte tenu que la répercussion peut être, médicalement parlant, palpable, si je peux m'exprimer ainsi?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, peut-être que je pourrais dire un mot là-dessus. Il est extrêmement difficile d'apprécier ce genre de problèmes. Comment rédiger, dans un texte de loi, une appréciation aussi difficile?

Il y a plus que cela. Quand il y a des relations sur le plan émotif, disons, sur le plan psychologique, entre parents et enfants, que l'observateur jugerait mauvaises, il n'est pas prouvé que, pour l'enfant, c'est nécessairement une mauvaise chose. Dans le comportement de l'enfant que l'on peut trouver peu normal, il y a des éléments peut-être de relations entre parents et enfants, il y a aussi peut-être des éléments de vraie maladie mentale. C'est toute la question du diagnostic que l'on va poser.

Troisième élément, il y a des situations où, sur le plan psychologique, on trouve que cela va mal, mais on sort l'enfant du milieu familial, on le place dans le meilleur foyer nourricier et c'est pire. L'enfant est parfois mieux avec les parents, si inadéquats soient-ils, qu'avec les meilleurs parents adoptifs ou parents nourriciers.

Alors permettre à n'importe qui — après tout c'est ce que la loi prévoit — de poser des diagnostics dans ce domaine aussi complexe et aussi délicat et dire qu'il faut que l'on intervienne et que l'on examine la possibilité de sortir l'enfant de son milieu, je pense que c'est aller extrêmement loin.

Je pense que c'est un bon exemple de ce à quoi je faisais allusion tout à l'heure, d'un élément de l'application de la loi que nous devrons examiner au fur et à mesure que nous la vivrons pour les problèmes d'ordre physique.

Après cela, nous pourrons voir s'il y a lieu d'élargir, dans une définition qu'il reste à confectionner, l'application de la loi.

M. CHOQUETTE: Le ministre des Affaires municipales est très éloquent; on voit qu'il connaît bien ça.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable député de Taschereau.

M. BONNIER: M. le Président, je voudrais un éclaircissement de la part du ministre sur les dernières phrases où on semble élargir le pouvoir et les responsabilités du comité "de préserver, dans toute la mesure du possible, la vie de l'enfant dans son milieu familial". Du côté anglais, on dit: "To preserve the family life of the child". Il me semble que ce n'est pas tout à fait la même chose.

M. CHOQUETTE: C'est une traduction du bill 22, ça.

M. BONNIER: Ce texte donne des pouvoirs trop étendus, tel que ça avait été soulevé lors de la deuxième lecture.

M. CHOQUETTE: Je crois que le député de Taschereau a tout à fait raison d'indiquer en quoi la traduction anglaise est fautive. "To prevent such abuse and neglect and to preserve..."

M. BONNIER: "The child's life"?

M. CHOQUETTE: Non, pas besoin. "And to preserve the family life if at all possible" ou "preserve the life of the child"?

M. BEDARD (Chicoutimi): Mais quelle est l'intention du législateur de ne pas vouloir étendre la protection de l'enfant en dehors du milieu familial?

M. CHOQUETTE: Vous avez mal compris l'article, mon cher collègue.

M. BEDARD (Chicoutimi): Peut-être.

M. CHOQUETTE: L'article 14 s'applique à n'importe quel enfant, où qu'il soit, qu'il soit dans sa famille, qu'il soit en foyer nourricier ou qu'il soit dans un milieu d'institution. Il n'y a pas de limite, excepté que, dans ses interventions, le comité doit avoir parmi ses objectifs de maintenir, dans la mesure du possible, l'enfant dans sa famille, dans son milieu. C'est une préoccupation de portée sociale bien connue et bien acceptée, c'est-à-dire qu'on ne retire pas facilement un enfant de la garde de ses parents. C'est ce que nous cherchons à indiquer par cet article.

M. VEILLEUX: L'Etat ne prend pas la place des parents, comme principe.

M. CHOQUETTE: II la prend lorsqu'il est obligé de le faire à cause des circonstances qui le rendent absolument impératif. Mais, parmi les objectifs du comité, il doit tenter des mesures d'assistance à l'égard de la famille, plutôt que de dire: Je vais retirer l'enfant.

M. VEILLEUX: Si on étendait la réhabilitation.

M. BEDARD (Chicoutimi): Ce n'est pas cette interprétation-là que je veux donner. Remarquez, si je suis dans l'erreur, ce n'est pas plus compliqué que cela, il s'agira de se remettre dans le droit chemin, mais sur la rédaction elle-même de l'article, il est dit: "De prévenir ces excès et ces négligences et de préserver, dans toute la mesure du possible, la vie de l'enfant dans son milieu familial." C'est quand même restrictif, je ne sais pas, étymologiquement parlant, si on parle de milieu familial. Si le ministre de la Justice veut dire que ce n'est pas nécessairement sa famille, que c'est le milieu où il se trouve au moment où les mauvais traitements peuvent lui être donnés...

M. CHOQUETTE: Pour clarifier, on pourrait peut-être dire ceci: "et de préserver, dans la mesure du possible, la vie de famille".

C'est seulement ça, l'intention.

M. BEDARD (Chicoutimi): Ah! Cela change.

M. VEILLEUX: Si je comprends bien le ministre, il faut regarder cette dernière partie de la phrase avec la deuxième qui est "prévenir ces excès et ces négligences". Le comité peut les prévenir, par exemple, en faisant la réhabilitation, en donnant des conseils aux parents. Les parents agissent de telle façon parce qu'eux ont été élevés de cette façon-là.

M. CHOQUETTE: Exactement.

M. VEILLEUX: C'est dans ce sens-là?

M. BEDARD (Chicoutimi): II me semble, par exemple, que vous changez le sens de l'article. Vous lui donnez un autre sens si vous ajoutez...

M. VEILLEUX: Dans son milieu naturel.

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous permettez, je vais finir mon intervention. Si vous ajoutez "la vie de famille", vous changez le sens parce que la vie dont on parle à l'avant-dernière ligne est carrément reliée aux mauvais traitements physiques.

C'est une question de vie humaine, ce n'est pas une question de vie de famille, à mon sens. Mais vous changez le sens. Si vous voulez changer le sens de l'article, je n'ai pas d'objection.

M. GOLDBLOOM: Je fais remarquer à l'honorable député de Chicoutimi que la première partie de l'article parle de la protection des enfants soumis à des mauvais traitements physiques.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est cela.

M. GOLDBLOOM: L'élément de protection de la vie de l'enfant est déjà là, dans l'article. Si je comprends bien, l'intention de mon collègue de la Justice était d'ajouter et de préserver autant que possible le contexte familial dans lequel l'enfant vit.

M. VEILLEUX: L'entourage naturel.

M. BEDARD (Chicoutimi): Si c'est l'esprit que veut lui donner le ministre de la Justice, aussi bien mettre "vie de famille".

M. CHOQUETTE: C'était cela l'intention...

M. BEDARD (Chicoutimi): Ce serait mieux que...

M. CHOQUETTE: ... les mots le disaient peut-être mal.

M. BEDARD (Chicoutimi): Oui.

M. CHOQUETTE: Parce que là on pouvait voir les mots "la vie de l'enfant" dans le sens de sa vie immédiate. Ce n'était pas vraiment cela l'intention parce que, comme le disait le ministre des Affaires municipales, dans la première partie du paragraphe, il me semble qu'on réglait pas mal le problème de la protection.

M. GOLDBLOOM: Alors, si l'on écrit "la vie familiale", la traduction anglaise deviendrait valable.

M. CHOQUETTE: "To preserve family life".

M. BEDARD (Chicoutimi): La vie familiale de l'enfant.

M. CHOQUETTE: Oui, c'est cela. Est-ce que je peux suggérer un amendement? Après "préserver, dans", on va enlever "toute", pour dire "dans la mesure du possible, la vie de famille..."

M. BEDARD (Chicoutimi): La vie familiale de l'enfant.

M. CHOQUETTE: ... la vie familiale de l'enfant".

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est cela.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Cet amendement aux deux dernières lignes, après le mot "préserver", se lirait ainsi: "dans la mesure du possible, la vie familiale de l'enfant".

M. CHOQUETTE: Très bien.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Ce paragraphe 14 b) est-il adopté?

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, simplement comme interprétation, j'entends, il est clair que l'enfant qui subirait de mauvais traitements en dehors de son milieu familial serait tout aussi protégé par la loi...

M. CHOQUETTE: Absolument, absolument.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... et les obligations de dénonciation sont aussi impératives.

M. CHOQUETTE: Exactement.

M. BEDARD (Chicoutimi): D'accord.

M. CHOQUETTE: Exactement.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Paragraphe 14 b), adopté. Paragraphe 14 c).

M. BEDARD (Chicoutimi): ... d'un président et d'un vice-président... Pour combien de temps, cela? On dit un peu plus loin: Le président, le vice-président et les dix membres qui sont nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil selon son bon plaisir, mais dans l'esprit du ministre, cela peut vouloir dire pour quelle période? Est-ce qu'ils sont nommés indéfiniment?

M. CHOQUETTE: Bon, on voit qu'ils appartiennent à la fonction publique, au deuxième alinéa de l'article 14e). Alors, ils vont être nommés pour un certain temps. On verra ce qu'ils vont faire, s'ils sont efficaces, s'ils rendent service.

M. BEDARD (Chicoutimi): Bien, ils sont nommés, ils peuvent rester à l'intérieur de la fonction publique...

M. CHOQUETTE: Oui, mais...

M. BEDARD (Chicoutimi): ... ce qui n'empêche pas qu'ils peuvent être mutés...

M. CHOQUETTE: ... si cela ne va pas, ils peuvent être mutés. C'est cela.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... à d'autres postes. Dans l'esprit du ministre, ce n'est pas plus permanent que cela, ces nominations?

M. CHOQUETTE: Ah! bien, il n'y a pas de doute que l'on voudrait nommer des gens qui vont occuper la fonction un certain temps. Surtout s'ils l'occupent avec succès, on n'est pas pour les déplacer, on va les garder là.

M. SAMSON: Ne serait-il pas mieux, M. le ministre, qu'il y ait un terme de fixé? Il me semble que c'est un petit peu flou, cela. S'ils sont nommés pour un temps indéterminé, assujettis à la fonction publique, cela peut vouloir dire dans les faits que c'est quelqu'un qui peut être remplacé du jour au lendemain par la mutation de quelqu'un qui vient d'ailleurs dans la fonction publique, et cela pourrait en quelque sorte enlever, je pense, l'autorité nécessaire à ce comité.

M. BEDARD (Chicoutimi): Oui, en plus, on s'aperçoit qu'ils sont nommés après entente entre le ministre de la Justice et le ministre des Affaires sociales.

M. SAMSON: C'est ça.

M. BEDARD (Chicoutimi): II me semble que ça peut créer un climat d'instabilité.

M. BONNIER: Ils ne sont pas nommés par la fonction publique mais par le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. SAMSON: Oui d'accord, mais ça ce n'est pas grave.

M. CHOQUETTE: Mais, étant donné qu'ils sont permanents, ils ont des garanties de sécurité de par...

M. SAMSON: Ce n'est pas ça.

M. BEDARD (Chicoutimi): Nous ne parlons pas en fonction du bien de ces personnes, mais dans l'esprit du député de Rouyn-Noranda...

M. SAMSON: Pour donner de l'autorité au comité, il faut un mandat avec un terme.

M. BEDARD (Chicoutimi): Et un esprit de continuité.

M. SAMSON: Si c'est flou... Evidemment qu'ils sont protégés par la fonction publique, qu'ils ont une sécurité d'emploi, mais ce n'est pas ça que je veux dire.

M. CHOQUETTE: S'ils ne sont pas bons, qu'est-ce qu'on fait?

M. SAMSON: Qu'est-ce que vous faites avec les autres qui sont nommés pour dix ans?

M. CHOQUETTE: Nous avons toujours la solution des tablettes. Mais admettons que nous avons un président et un vice-président et il s'avère, au bout de cinq, six mois ou un an, que ce sont des...

M. SAMSON: Je ne suis pas le ministre là-dedans. Dans toutes les autres lois où on nomme des comités comme ça, on les nomme pour quatre, cinq ou dix ans, et on nous dit que c'est nécessaire.

M. CHOQUETTE: Mais ici je tiens à attirer votre attention. Je ne suis pas en train de créer un tribunal, une commission, un nouvel organisme administratif. Ce que nous sommes en train de créer, c'est un comité qui va être rattaché au ministère de la Justice, donc qui est à l'intérieur des services du ministère de la Justice, qui a une certaine identité par rapport au reste du ministère. Je ne veux pas nier le fait que ce comité se distingue bien du reste du ministère, mais quand même il appartient au ministère. Le comité a une certaine autonomie dans son administration, parce qu'il a des décisions à prendre qui ont un caractère quasi judiciaire.

C'est une formule un peu différente des formules habituelles. Je ne suis pas allé directement jusqu'à créer une commission complètement indépendante du gouvernement, complètement autonome avec des garanties de nomination pendant des dizaines d'années. Je préfère commencer avec une expérience plutôt pratique.

M. SAMSON: C'est peut-être un peu ce qui nous inquiète.

M. CHOQUETTE: Mais...

M. SAMSON: Un comité comme ça, si on veut qu'il fonctionne bien, il faut quand même lui donner une certaine liberté d'action et de l'autorité.

M. CHOQUETTE: II l'a.

M. SAMSON: Si ces gens, qui sont le président, le vice-président, ne sont que des gens protégés par la fonction publique, je ne vois pas comment il sera facile pour le ministre de recruter des gens qui seront spécifiquement intéressés à ce problème. Parce que...

UNE VOIX: ... pas.

M. SAMSON: Si je peux poursuivre mon raisonnement, le ministre va peut-être comprendre où je veux en venir. Si ce sont des gens qui sont des fonctionnaires au sens de ce mot, ils peuvent avoir d'autres préoccupations que ce problème particulier dans le sens que, si on ne sait pas quel jour on va être muté ailleurs, il est humain de protéger ses arrières. Et, dans le fonctionnarisme, Dieu sait si c'est courant que de protéger ses arrières.

C'est parce que nous connaissons le problème qui existe à la fonction publique que ça nous amène à dire qu'on préférerait des nominations pour un mandat précis. Mais je suis d'accord avec le ministre qu'il y a une expérience à faire. Cela ne veut pas dire que j'opterais pour un mandat de dix ans, non, mais peut-être de deux, trois ou quatre ans. Nous ne savions pas, quand le ministre de la Justice a été élu, s'il serait bon. Son mandat est de quatre ans. Il faut donner une certaine sécurité au comité, mais il faut lui donner de l'autorité.

Evidemment, il sera subordonné au ministère de la Justice, tout le monde sait ça, mais il faut lui donner une autorité pour qu'il puisse agir comme un vrai comité et que ça ne soit pas un bureau de fonctionnaires ordinaires où on n'est pas plus intéressé qu'il faut à ramasser les plaintes.

LE PRESIDENT (M.Cornellier): Le député de Gaspé.

M. FORTIER: Est-ce qu'au paragraphe 14 c) on pourrait ajouter à la fin, après "ou occupations diverses et intéressées à la protection de l'enfance" les mots: et qui soient eux-mêmes responsables d'enfants? Que ce soit des gens qui aient des enfants. Si vous nommez des célibataires qui n'ont pas d'enfant et ne connaissent rien à ça, qu'est-ce qu'ils vont faire dans ça?

M. VEILLEUX: Je m'élève, M. le Président, contre ce que le député de Gaspé vient de dire.

M. SAMSON: Des célibataires avec enfants.

M. FORTIER: II faut tout de même, pour faire des lois pour des enfants, savoir comment élever des enfants, les éduquer et quelles sont les responsabilités.

M. VEILLEUX: Mais quelqu'un, par exemple, qui est dans l'enseignement est peut-être au courant.

M. FORTIER: Oui, et ici on parle de choses physiques, non psychiques.

M. CHOQUETTE: Si vous permettez, pour revenir au sujet...

M. VEILLEUX: On est deux. Le ministre d'Etat aux Affaires sociales est du même avis que moi. Il n'est pas d'accord.

M. CHOQUETTE: On va revenir au sujet, si

vous voulez, soulevé par le député de Rouyn-Noranda qui voulait un terme fixe pour le président et le vice-président.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est moi qui... M. SAMSON: Tous les deux.

M. CHOQUETTE: II s'agit de personnes qui s'intègrent à la fonction publique. Je me demande comment on peut leur donner un terme fixe dans une fonction déterminée.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est important de le leur donner.

M. SAMSON: Ah! oui.

M. BEDARD (Chicoutimi): Au moins une garantie de continuité. Cela n'est pas pour les personnes elles-mêmes. C'est pour la fonction qu'elles occupent. Si elles sont constamment sujettes à des changements du jour au lendemain... Ecoutez. Quand même, la nature humaine est la nature humaine. Vous avez deux ministres qui s'occupent de leur nomination, de leur mise en place, et vous risquez que ces gens, qui ont toujours le danger de mutation qui leur pend au-dessus de la tête, ne prennent pas les initiatives que, normalement, ils prendraient s'ils avaient au moins l'assurance d'être pendant un certain temps en fonction. Vous pouvez bien balayer cela de la main, si vous voulez...

M. SAMSON: Le ministre du Travail, il va avoir du temps.

M. CHOQUETTE: Je ne partage pas l'avis de nos honorables collègues. Je vais vous donner le cas de l'Institut médico-légal, qui est actuellement dirigé par le Dr Jean-Pierre Valcourt, dont j'ai parlé ce soir dans mon exposé en deuxième lecture, et qui est également dirigé par M. Bernard Peclet. Le premier est un médecin-pathologiste; le deuxième est un chimiste. L'Institut médico-légal fait des expertises dans tous les domaines pour donner des versions ou des témoignages devant les cours de justice criminelles ou civiles. Le Dr Valcourt et M. Peclet sont membres de la fonction publique, mais personne ne leur dicte le témoignage qu'ils vont rendre ou le résultat de leur expertise, et ils gèrent leur organisme d'une certaine façon, d'une façon assez autonome par rapport au ministère de la Justice. Evidemment, on s'occupe de leur procurer des budgets, du personnel, tout cela, mais on n'intervient pas dans leur travail. Alors, ici, on a un peu la même chose, et je me demande si avec cette histoire de donner des termes fixes... Supposons qu'on nomme quelqu'un qui ne vaut rien, on va être obligé de le garder durant ce terme fixe? C'est cela que les députés veulent?

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous n'êtes pas obligé de le nommer pour dix ans.

M. SAMSON: Cela signifie-t-il que le ministre ne se fie pas à son jugement? Voyons donc!

M. CHOQUETTE: Je me fie à mon jugement, mais je me trompe parfois.

M. SAMSON: Bien oui, souvent.

M. CHOQUETTE: Et c'est bien beau le terme fixe. Je suis d'accord que souvent dans une fonction judiciaire, il faut nommer des gens pour un terme fixe. Il faut leur donner l'indépendance de la magistrature, mais ici, c'est une fonction qui n'est pas judiciaire. Elle est quasi judiciaire, mais elle n'est pas judiciaire. Est-ce qu'on doit se sentir obligé de donner un terme fixe? Si la personne fait un grand succès de sa fonction, il est sûr et certain qu'elle va s'imposer, qu'elle va rester. Si c'est raté, on pourra la changer. C'est tout.

Vous savez, si on donne trop de garanties de ce genre, on s'empêche d'agir par la suite.

M. SAMSON: Ce n'est pas la garantie d'emploi qu'on recherche pour les personnes concernées, parce que, de toute façon, par la fonction publique, elles auront cette garantie d'emploi. Ce n'est pas ce qu'on recherche. C'est la garantie qui nous semble nécessaire, pour ces gens, d'un certain temps. Ce comité ne viendra pas au monde à sa grandeur. Il s'améliorera en travaillant. Il prendra de l'expérience, et c'est important pour les responsables, pour le président et le vice-président, de pouvoir préparer un travail à long terme. Cela ne veut pas dire qu'ils auront prouvé en l'espace d'un an une certaine efficacité parce que cela peut peut-être prendre plus qu'un an pour en arriver à roder le système. Alors, si on ne permet pas un terme, du moins minimum, le système ne sera peut-être jamais rodé parce que chaque responsable qui pourrait être nommé, si on le fout dehors au bout de six mois, ce sera peut-être un autre système qui sera essayé et on n'en rodera peut-être jamais.

Maintenant, je vais poser une question hypothétique au ministre, qui peut peut-être être utile pour les fins du débat.

Vous nommez quelqu'un qui n'a pas un mandat fixe. Au bout de quatre ou cinq mois, il y a des plaintes, des dénonciations qui arrivent. Ce comité veut bien faire son travail. Il donne suite aux plaintes et il se trouve, par malchance, à toucher à une famille bien en vue — parce que cela arrive aussi dans ce monde qu'ils maltraitent les enfants parfois — avec beaucoup d'influence. Quelles sortes de pressions pourraient s'exercer? On est dans le domaine des humains. Si, au bout de deux mois, le président du comité est changé, on prêterait le flanc à une drôle de critique, à ce moment. C'est très hypothétique; remarquez, je ne prête pas d'intentions au ministre, au contraire, mais je pense que c'est le genre de situation qui pourrait prêter le flanc à la critique. S'il y a un mandat

fixe, vous allez mettre les responsables et les autorités du comité à l'abri de ce genre de choses qui pourraient peut-être se présenter.

M. CHOQUETTE: M. le Président, il ne faut pas oublier que ce comité est encadré par le ministère de la Justice. Je pense que, dès ce moment, il a pas mal de protection contre les pressions extérieures, parce que moi, je ne connais pas beaucoup de pressions extérieures qui font bouger le ministère de la Justice. S'il y en a, j'aimerais bien que quelqu'un les cite. Mais je sais qu'il n'y en a pas; donc, personne ne peut en citer. Le ministère de la Justice n'accepte aucune pression extérieure, ne les accepte pas. C'est sa politique, sa ligne de conduite; elle est universellement acceptée. Il est évident que cela va s'appliquer â ce comité et je pense que cela va constituer une très bonne protection pour lui. Si votre raisonnement était vrai, le sous-ministre de la Justice aux affaires criminelles, il n'a pas été nommé pour un mandat fixe; il est nommé pour deux ans. Il n'a pas été nommé pour deux, cinq ans, etc. Supposons qu'il prend une cause, demain matin, contre un tel, une célébrité ou une famille bien en vue, comme vous le mentionnez, puis quelqu'un vient me voir pour dire: Le sous-ministre de la Justice aux affaires criminelles a donné des ordres de prendre telle cause. Il n'a pas plus de garantie. Je pourrais bien dire: Tu viens de changer de ministère, tu t'en vas sur une tablette, mais il sait très bien qu'il n'ira pas. C'est la même chose ici. Il ne faut pas s'imaginer...

M. SAMSON: M. le Président, la comparaison est boiteuse. Le sous-ministre de la Justice, lui, fait son devoir en fonction de lois à appliquer, c'est une autre affaire.

M. CHOQUETTE: C'est la même chose.

M. SAMSON: Non, non, là, il s'agit de dénonciations qui peuvent amener une réprimande, un conseil ou être transférées à la cour du Bien-Etre social. C'est différent cela. Il peut arriver que ce comité ait beaucoup plus de travail à faire dans le domaine de réprimandes ou encore dans le domaine de conseils à être donnés aux familles, d'interventions auprès des familles, sans qu'il y ait action judiciaire à être prise. C'est différent. Ecoutez, on ne fera pas de "filibuster" là-dessus. En tout cas, il m'a semblé qu'il aurait peut-être valu mieux changer cela, mais on verra si le ministre a raison. On va lui donner raison.

M. CHOQUETTE: Je pense qu'on va le voir à l'expérience.

M. SAMSON: Oui. Mais, si vous en venez à changer d'opinion plus tard, vous le noterez pour nous le dire.

M. CHOQUETTE: En effet.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Cette discussion qui devait porter à l'article 14 e) et f) est un peu avant son temps. Nous n'en étions qu'à l'article 14 c).

M. SAMSON: Non, on l'a fait à l'article 14 c).

LE PRESIDENT (M. Cornellier): C'est ça que je dis. Vous l'avez fait avant votre temps, avant d'adopter l'article 14 c).

M. SAMSON: Ce n'est pas avant notre temps, c'est en plein temps.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Est-ce que l'article 14 c) est adopté?

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est parce que cela se tient un peu, tous ces articles.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Tout de même, puisqu'on a décidé de procéder paragraphe par paragraphe, procédons dans l'ordre.

M. SAMSON: Adopté, l'article 14 c). Ne nous faites pas de "filibuster", M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 14 c), adopté. Article 14 d)?

M. SAMSON: Article 14 d), "Le comité a un secrétariat permanent dans les villes de Montréal et de Québec. Il peut, suivant les besoins, établir des bureaux ailleurs au Québec."

M. BEDARD (Chicoutimi): Adopté, M. le Président, en espérant qu'il y en aura le plus possible en dehors de Québec et de Montréal.

M. SAMSON: Je m'excuse, quelles sont les intentions du ministre à l'extérieur de Québec?

M. CHOQUETTE: A l'heure actuelle, je ne peux pas dire comment le comité va se rendre présent à l'extérieur de Montréal et de Québec. Quelle est l'importance du problème dans diverses régions québécoises, jusqu'à quel point est-il nécessaire que nous ayons des représentants ou des services dans ces régions? Je crois qu'il va falloir décider suivant les vérifications qui seront faites dans les différents milieux. Pour le moment, c'est assez difficile pour moi d'aller commettre le gouvernement et commettre le comité dans une loi et de le préciser.

Il va y en avoir un à Rouyn-Noranda, un à Chicoutimi. Je ne peux pas le faire à l'heure actuelle.

M. SAMSON: Pour les fins de la dénonciation, vous avez, M. le ministre, tantôt indiqué qu'il y aurait possibilité que ce soit fait par téléphone, directement par numéro zénith, j'imagine.

M. CHOQUETTE: Oui, en effet. C'est cela, exactement. Maintenant il va falloir regarder le coût de tout cela.

M. BEDARD (Chicoutimi): Comme il n'y a pas juste le ministère des Affaires sociales là-dedans et puisqu'on sait que le ministère de la Justice est là-dedans aussi, cela a des chances d'aller assez vite, je pense.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): 14 d), adopté. 14 e)?

M. BEDARD (Chicoutimi): Adopté.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): On en a discuté tantôt, adopté. 14 f)?

M. BEDARD (Chicoutimi): Une seconde, M. le Président. Qu'est-ce qui arrive si le ministre des Affaires sociales et le ministre de la Justice ne sont pas capables de se mettre d'accord?

M. CHOQUETTE: Il n'y aurait pas de nomination qui pourrait se faire. Je m'entends très bien avec mon collègue des Affaires sociales et je n'ai aucune crainte que nous ne puissions pas...

M. SAMSON: Vous n'êtes pas sur le bien-être social, vous!

M. CHOQUETTE: Lui, il s'entend peut-être moins bien avec moi pour ces affaires-là.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): 14 f)?

M. BEDARD (Chicoutimi): Sur la formulation, M. lePrésident. "Les membres du comité et toute personne à son emploi ne peuvent être recherchés en justice". Il me semble que...

M. CHOQUETTE: Pardon? Je n'ai pas saisi la première partie de la question du député.

M. BEDARD (Chicoutimi): Au troisième paragraphe de 14 e), on dit: "Les membres du comité et toute personne à son emploi ne peuvent être recherchés en justice". Ce ne doit pas être le bon mot, ce doit être "poursuivis" ou encore: Aucune action ne peut être intentée contre ces personnes dans l'exécution de leur devoir.

M. CHOQUETTE: Bah! C'est presque la même chose.

UNE VOIX: En anglais ils disent "prosecuted".

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, mais ce n'est sûrement pas "recherchés".

M. CHOQUETTE: Comme le dit le ministre de l'Immigration, qui connaît sa terminologie juridique, "recherchés" c'est du français impeccable.

M. SAMSON: Vous copiez les lois françaises.

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous avez beau ne pas changer le mot, mais ce n'est sûrement pas le bon mot.

UNE VOIX: Du français de Paris.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... suivi et en cela je serais d'accord avec le député de Saint-Jean.

M. BIENVENUE: C'est du français recherché.

M. BEDARD (Chicoutimi): Prenez du français compréhensible.

M. SAMSON: Vous allez plus loin que le Parti québécois dans votre français.

M. CHOQUETTE: On est toujours en avance sur le Parti québécois. Le député de Rouyn-Noranda devrait savoir cela. Prenez par exemple, ce soir, le député de Chicoutimi ne voulait pas que le gouvernement avance trop vite. Et le gouvernement pose des gestes. Le gouvernement agit. Le Parti québécois dit: N'allez pas si vite, nous avons de la difficulté à vous suivre.

M. BEDARD (Chicoutimi): Ce n'est pas vrai ! Ce n'est pas vrai ce que vous venez de dire là. Ce n'est pas vrai, ce que je vous ai dit...

M. SAMSON: Vous avancez comme dans les tramways, par en arrière.

M. BIENVENUE: C'est encore la social-démocratie.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, ce n'est pas vrai ce que le ministre de la Justice vient de dire. Ce que j'ai dit dans le discours de deuxième lecture c'est que justement le ministère de la Justice avait promis que son livre blanc sur l'administration de la justice trouverait au plus vite une solution concernant le problème dont on parle. On ne l'a pas encore. C'est le gouvernement qui est en retard. La même chose pour l'Office de révision du code civil; ce n'est pas fait encore. Ce n'est pas fait encore.

M. CHOQUETTE: ... le code civil.

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, non, non, ce n'est pas fait encore.

M. CHOQUETTE: Pensez-vous que c'est facile...

M. BEDARD (Chicoutimi): Sur le tome particulier qui touche la perte de la puissance paternelle. Vous avez la même chose...

M.CHOQUETTE: Pensez-vous que c'est facile de réviser un code civil centenaire?

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, non, l'Office de révision du code civil, il y a longtemps que c'est promis cela.

M. CHOQUETTE: Peut-être. Mais là c'est plus actif maintenant et puis M. Crépeau nous promet enfin une version d'un nouveau code civil d'ici un an.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Tout cela est bien intéressant, mais revenons à la pertinence des débats.

M. BEDARD (Chicoutimi): Si le ministre était resté dans la pertinence de mon discours de deuxième lecture, on n'aurait pas perdu ce temps-là.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Mes remarques s'appliquent à ma gauche et à ma droite. Nous en sommes à l'article 14 f ).

UNE VOIX: Merci, M. le Président.

M. SAMSON: On est d'accord sur 14 f).

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté.

M. BEDARD (Chicoutimi): "Sont nommés durant bon plaisir". Cela...

M. CHOQUETTE: Cela vient de Louis XIV. LE PRESIDENT (M. Cornellier): 14 g)?

M. BEDARD (Chicoutimi): Cela peut vouloir dire quoi en termes d'indemnités?

M. CHOQUETTE: C'est une vieille phrase!

M. BEDARD (Chicoutimi): Cela peut vouloir dire quoi en termes d'indemnisations?

M. CHOQUETTE: Cela veut dire que c'est vieille France, c'est nouvelle France; quand ils nommaient le gouverneur de la Nouvelle-France, ils le nommaient "durant bon plaisir".

M. BEDARD (Chicoutimi): Mais c'est réglé...

M. CHOQUETTE: Cela veut dire qu'à un moment donné le gouverneur ne fait plus l'affaire.

Tu dis: Tu reprends le bateau, tu t'en reviens en France.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est réglé, la question du bon plaisir. Je vous posais la question concernant l'indemnisation...

M. SAMSON: L'allocation de présence.

M. CHOQUETTE: Je crois que le député a raison.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... et l'allocation de présence dont il est fait état dans l'article.

M. CHOQUETTE: Oui. Le montant de l'allocation?

M. BEDARD (Chicoutimi): Oui. Est-ce que le ministre peut nous en donner une idée approximative?

M. CHOQUETTE: Au Conseil consultatif de la justice, nous donnons, je pense — et ce n'est pas une grosse allocation— $50 ou $75 pour une journée ou une séance. Je sais qu'il y a des comités consultatifs du gouvernement où l'allocation est plus élevée, pouvant aller jusqu'à $100 et il y en a de moins élevées.

Dans le cas actuel, je ne sais pas. Cela peut se situer, en fait, à ces niveaux.

M. SAMSON: On va référer cela au conseil national!

M. CHOQUETTE: Au conseil national? M. BIENVENUE: Ce n'est pas indexé!

M. SAMSON: Ce n'est pas indexé! Ha! Ha!

M. BEDARD (Chicoutimi): Cela a l'air de fatiguer le député de Rouyn-Noranda, notre conseil national. D'ailleurs, si le chef de l'Opposition n'était pas en train de se battre contre l'augmentation du salaire des députés, vous auriez l'occasion d'en discuter avec lui.

M. BONNIER: La pertinence du débat! M. CHOQUETTE: J'aimerais cela.

M. BEDARD (Chicoutimi): II est en train de remplir un autre devoir qui est très important.

M. SAMSON: II se bat fort!

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Paragraphe 14 g).

M. BONNIER: Au paragraphe 14 g), M. le Président, est-ce que les employés de ce comité auraient, à toutes fins pratiques, des pouvoirs d'enquêteurs?

M. CHOQUETTE: Exactement. Les employés du comité vont être des enquêteurs chargés de faire des enquêtes sur les cas qui seront signalés au comité.

M. SAMSON: M. le Président, ces personnes pourront pénétrer, en tout temps convenable,

dans tous les lieux ou endroits dans lesquels se trouve, présumeraient, un enfant soumis à des mauvais traitements, etc. Cela veut dire qu'elles n'ont besoin d'aucun mandat. Ces personnes auront une identification leur permettant de pénétrer.

M. CHOQUETTE: Exactement.

M. SAMSON: S'il arrive un refus, par exemple, des parents de laisser entrer l'enquêteur, il aura le recours, j'imagine, d'aller chercher de l'aide policière.

M. CHOQUETTE: Et vous avez le recours du paragraphe 14 h) aussi. Maintenant, vous pouvez avoir un recours judiciaire. Le fait, par exemple, d'empêcher l'entrée, avec d'autres éléments de preuve, pourrait constituer une indication pour la cour du Bien-Etre social d'émettre une ordonnance de protection pour aller quérir l'enfant. Il y a différents recours.

M. SAMSON: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Paragraphe 14 g), adopté.

Paragraphe 14 h).

UNE VOIX: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté. Paragraphe 14 i).

M. BEDARD (Chicoutimi): Adopté.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté. Paragraphe 14 j).

M. BEDARD (Chicoutimi): Concernant le secret professionnel, je ferais remarquer au ministre de la Justice, qui a souligné qu'il aurait bien aimé que le chef de l'Opposition soit ici, parce que ce dernier avait parlé du caractère sacré du secret professionnel, dans la...

M. CHOQUETTE: Pas juste de, non, non...

M. BEDARD (Chicoutimi): ... charte des droits de l'homme. Je pense que le chef de l'Opposition — c'est dans l'ordre — à ce moment-là, n'a jamais dit qu'il ne devait pas y avoir d'exception à la charte des droits de la personne concernant le secret professionnel, mais que lorsqu'il y avait une exception, elle devrait être explicitement contenue, dans un projet de loi. Il me semble que c'était son raisonnement.

M. CHOQUETTE: Oui, mais si c'est la version que me donne le chef de l'Opposition, je lui dirai qu'à ce moment la charte des droits de l'homme va être remplie d'exceptions parce qu'il y a des milliers d'exceptions, dans notre législation, aux principes énoncés dans la charte des droits de l'homme, et des exceptions nécessaires dans certains cas, nécessaires. Cela surchargerait le texte. Ce ne serait plus une charte, cela perdrait son caractère de charte.

De toute façon, aussitôt que le chef de l'Opposition aura terminé ses démêlés avec la commission de l'Assemblée nationale, autant à l'occasion du bill amendant la Loi de la Législature qu'à l'occasion d'un certain procès qui a été entrepris par le ministre de l'Immigration, je m'entretiendrai avec lui à ce sujet-là. Mais, est-ce qu'il aura l'esprit plus libre à ce moment-là?

M. BEDARD (Chicoutimi): Ne parlez pas des choses judiciaires.

M. BIENVENUE: Pourriez-vous répéter, le ministre de la Justice parle dans mon dos, c'est-à-dire moi dans son dos?

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 14 j), adopté. Article 14 k).

M. BIENVENUE: Je ne crois pas que le chef de l'Opposition officielle soit une autorité supérieure à celle du député de Chicoutimi en matière de secret professionnel, parce que le député de Chicoutimi a pratiqué le droit abondamment, ce qui n'est pas le cas de l'autre personnage dont on vient de parler.

M. BEDARD (Chicoutimi): N'essayez pas de m'amadouer avec ce genre de raisonnement. Dans son discours de deuxième lecture, le ministre de la Justice semblait dire que le chef de l'Opposition avait laissé entendre qu'il ne devait jamais y avoir d'exception en ce qui regarde le secret professionnel. Ce n'est pas exact, et je pense que c'est bon de le corriger, puisqu'on en parle, à cet article-là. Ce qu'a dit le chef de l'Opposition, c'est que lorsqu'il y a des exceptions en ce qui regarde le secret professionnel, elles doivent être contenues explicitement dans les lois, comme c'est fait dans cette loi-ci, comme ça peut être fait dans d'autres lois également.

M. CHOQUETTE: Mais vous seriez obligé de l'inscrire dans la charte des droits de l'homme.

M. BEDARD (Chicoutimi): Oui, dire: le principe général c'est que le secret professionnel vous devez le respecter...

M. CHOQUETTE: Vous seriez obligé de dire, quand on arrive à l'article sur le secret professionnel: Cet article-là ne s'applique pas au cas où les enfants...

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, non.

M. CHOQUETTE: On serait obligé de dire: Cet article-là ne s'applique pas aux cas de maladies vénériennes, parce que vous savez que les médecins sont obligés de les dénoncer. Vous seriez obligé d'énumérer tous les cas de...

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, le ministre de la Justice sait très bien qu'il n'a pas besoin de faire toute cette énumération-là dans la charte des droits de l'homme. Il n'a simplement qu'à consacrer le caractère du secret professionnel en disant: Sauf lorsqu'il y a des exceptions explicitement contenues dans une loi à l'effet contraire. C'est tout.

M. CHOQUETTE: Oui mais si vous ne le mettez pas dans la charte, les principes de votre charte ne sont pas intangibles puisqu'ils sont modifiés dans d'autres lois. C'est pour cela que je vous dis qu'il faut que vous mettiez vos exceptions dans votre charte, si on suit votre logique.

M. BEDARD (Chicoutimi): II faut que vous mettiez le principe qu'il peut y avoir des exceptions dans d'autres lois.

M. CHOQUETTE: C'est ce que j'ai fait. Alors, je vois que le député de Chicoutimi abonde dans le sens du ministre de la Justice.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est ce que disait, j'en suis sûr, le chef de l'Opposition.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 14 k), adopté. Article 14 1).

M. CHOQUETTE: C'est une concordance parce qu'il donne l'immunité de poursuite au dénonciateur de bonne foi. C'est la contrepartie de son obligation de dénoncer.

M. BEDARD (Chicoutimi): Comment va se faire la preuve de bonne ou de mauvaise foi?

M. CHOQUETTE: La bonne foi se présume toujours. Alors, il faudrait prouver la mauvaise foi du dénonciateur.

M. BEDARD (Chicoutimi): Devant le comité?

M. CHOQUETTE: Non, devant les cours de justice.

M. BEDARD (Chicoutimi): Devant les cours de justice.

M. CHOQUETTE: C'est parce que le dénonciateur, s'il est poursuivi, disons, par ceux qu'il a dénoncés, il va pouvoir plaider l'article 14 k) en disant: Je suis présumé de bonne foi. Si eux peuvent présumer qu'il a agi dans une intention vexatoire ou d'une façon vindicative, ils pourraient possiblement obtenir des dommages, mais tant que le dénonciateur est de bonne foi, il n'est exposé à aucune poursuite.

M. BEDARD (Chicoutimi): D'accord.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 14 k), adopté. Article 14 1).

M. SAMSON: A l'article 14 1), M. le Président, je voudrais poser une question au ministre. Quand on dit: "Le comité ou toute personne à son service ne peut être contraint à dévoiler l'identité de la personne qui lui a signalé une situation visée à l'article 14 j)" y-a-t-il une raison pour laquelle, au lieu de dire "ne peut être contraint", on ne dirait pas: "ne doit pas dévoiler"? A mon sens, il y a une différence entre ne peut être contraint à dévoiler et ne doit pas dévoiler.

M. CHOQUETTE: C'est-à-dire qu'il y a peut-être des cas où le comité voudrait le dévoiler mais avec le consentement de la personne en question.

M. SAMSON: A ce moment-là, il faudrait...

M. VEILLEUX: Pour répondre à la question du député de Rouyn-Noranda, hier, le ministre de l'Immigration a demandé — d'ailleurs le député de Rouyn-Noranda était là — un avis au comité de législation.

On nous a fait part, si mon souvenir est bon, qu'on n'intercale jamais dans une loi le mot "doit", parce qu'il peut y avoir, comme le ministre vient de le mentionner, le désir, par exemple, de la personne de dire: Je veux que mon nom soit dit.

M. CHOQUETTE: C'est cela. C'est pour cela qu'on emploie toujours "peut", au lieu de "doit".

M. VEILLEUX: C'est pour cela que ce n'est jamais employé dans une loi, l'expression "doit" mais qu'on emploie l'expression "peut".

M. CHOQUETTE: C'est cela.

M. VEILLEUX: Est-ce que le député de Rouyn-Noranda s'en souvient?

M. SAMSON: J'étais là. Le cas était différent hier. On voulait dire "doit" faire telle chose. On disait "peut" faire telle chose, au lieu de dire "doit". Mais ici, c'est différent; c'est ne doit pas le faire. Je considère qu'il y a une différence entre le fait que le comité n'est pas tenu de le faire ou que le comité ne doit pas le faire. C'est différent. Je ne veux pas dire que j'ai la phraséologie qu'il faut; peut-être que cela pourrait se lire "le comité ou toute personne à son service ne peut dévoiler l'identité". En effet, "ne peut être contraint", cela veut dire que quelqu'un pourrait tenter de contraindre le comité à la dévoiler, alors que moi, je considère que, dans tous les cas, le comité ne doit pas dévoiler l'identité de la personne.

M. CHOQUETTE: D'ailleurs, on n'est pas pour créer un autre secret professionnel. Supposons que le comité est libéré de son obligation par le dénonciateur; supposons que le dénonciateur est appelé comme témoin dans une cause

de protection de l'enfant en question, je comprends que le comité ne voudra pas dévoiler qui était le dénonciateur, mais supposons que le dénonciateur dit: Je n'ai pas d'objection.

M. SAMSON: A ce moment-là, M. le Président, je vais poser une autre objection. Comme le ministre l'a dit tantôt, les dénonciations pourront être faites par téléphone. Je téléphone, par exemple, pour dénoncer quelqu'un. Si je prends l'identité d'un autre, comment pourrez-vous le prouver?

M. CHOQUETTE: Ah bien, on ne pourra pas le prouver.

M. SAMSON: Si on accepte les dénonciations par téléphone, comme c'est possible qu'il y ait dénonciations faites par des gens au nom d'un autre, pourquoi dit-on que le comité pourra dévoiler les noms, si on présume que la dénonciation sera valable de façon anonyme? Au téléphone, c'est anonyme dans le fond.

M. BONNIER: M. le Président, j'aurais tendance à ne pas accepter la suggestion du député de Rouyn-Noranda parce que je pense qu'à ce moment-là on limite les possibilités d'action du comité. Il peut, à un moment donné, juger opportun de dévoiler qui a fait la dénonciation, justement pour renforcer sa position vis-à-vis peut-être des parents. Lorsqu'un enfant est en foyer nourricier, par exemple, les parents peuvent dire: Bien, nous autres, on s'oppose à telle et telle chose. S'ils ont le dénonciateur qui est de très bonne foi, peut-être que le comité pourra dans son jugement dire: Voici quel est le dénonciateur, pour vous montrer jusqu'à quel point cette dénonciation est faite objective et authentique. Si on met le mot "doit", je crois qu'on empêche, à toutes fins pratiques...

M. SAMSON: M. le Président...

M. BONNIER: Cela va être difficile si on met le mot "doit".

M. SAMSON: ... en deuxième lecture, j'ai appuyé le projet de loi, mais je ne l'ai pas vu comme cela. Moi, en tout cas, je trouve cela drôlement important. D'une part, on déclare l'obligation de dénoncer pour un citoyen; d'autre part, dans un autre article, on dit: "Aucune action civile ne peut être intentée en raison du fait qu'une personne a, de bonne foi, signalé au comité une situation visée..." Mais, si le comité peut dévoiler les noms de personnes qui ont signalé une situation, je pense qu'au point de vue pratique vous allez restreindre la portée de votre loi. Même s'il y a obligation de dénoncer, toute personne sachant que son nom peut être dévoilé — je vous le dis, moi, M. le Président — il y a beaucoup de situations qui ne seront pas dénoncées; il y a des gens qui vont prendre la chance de commettre l'infraction de ne pas dénoncer, plutôt que de voir dévoiler leur nom. Il y a des situations où ce sont peut-être des membres proches de la famille qui, en conscience, voudraient peut-être faire une dénonciation, mais, sachant que leur nom peut être dévoilé et sachant les conséquences que cela peut entraf-ner pour des années et des dizaines d'années au sein d'une famille, ils ne risqueront pas la dénonciation.

A ce moment, ce sera à l'encontre des intérêts de l'enfant dont nous voulons préserver la vie, l'enfant que nous voulons préserver contre les mauvais traitements. Dans le fond, que recherchons-nous? C'est de préserver l'enfant contre de mauvais traitements.

M. GOLDBLOOM: Est-ce que je comprends la pensée du député de Rouyn-Noranda? Est-ce qu'il voudrait que l'article constitue une défense absolue de révéler le nom de l'informateur? Est-ce qu'il aimerait que l'article se lise: Le comité ne doit jamais dévoiler le nom, l'identité de la personne?

M. SAMSON: Oui.

M. GOLDBLOOM: M. le Président...

M. SAMSON: A moins que...

M. CHOQUETTE: J'ai une idée.

M. SAMSON: Peut-être une position entre les deux: ...ne doit jamais dévoiler l'identité de la personne à moins d'avoir son autorisation.

M. CHOQUETTE: Je pense qu'on peut satisfaire tout le monde. Le comité ou toute personne à son service ne doit dévoiler l'identité de la personne qui lui a signalé une situation visée à l'article 14 j) sans son consentement.

M. SAMSON: D'accord.

M. BEDARD (Chicoutimi): A ce moment, ça veut dire quoi, vos poursuites? Une personne qui dénonce de mauvaise foi n'a qu'à ne pas donner le consentement au comité de révéler son nom et il n'y aura jamais de poursuite contre elle.

M. CHOQUETTE: C'est exact.

M. SAMSON: D'un autre côté, si une personne...

M. CHOQUETTE: Si elle est reconnue autrement, par exemple.

M. BEDARD.(Chicoutimi): Si vous me permettez, je me demande comment vous allez appliquer votre article 14, advenant une poursuite devant les tribunaux, comment vous allez pouvoir fonctionner avec cette restriction.

M. CHOQUETTE: Nous ne voulons pas encourager les poursuites contre les dénonciateurs.

M. VEILLEUX: Oui, mais...

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous ne pouvez pas systématiquement barrer la porte non plus.

M. VEILLEUX: Comme le député de Chicoutimi le mentionne, vous pouvez avoir...

M. GOLDBLOOM: M. le Président, c'est une préoccupation...

M. VEILLEUX: ... des types qui vont se complaire à faire des dénonciations pour le plaisir d'en faire et faire travailler le comité. Si c'est toujours le même individu, il faudrait qu'on puisse donner la permission.

M. CHOQUETTE: Le comité va le savoir et ne s'en occupera pas. Il va être repéré. Les personnages de cet acabit vont être repérés.

M. SAMSON: Ce qu'il y a d'important, c'est qu'une personne qui va faire une dénonciation et qui refuse son consentement, ce sera pris en considération par les enquêteurs. Ils devront faire la preuve en partant de l'indice. Dans ce cas, c'est l'indice qu'ils auront. Ils peuvent quand même travailler. Tandis que si la personne donne son consentement, en plus de l'indice, ça peut aider à faire la preuve, ce qui facilitera... Au moins, vous contournez certains autres problèmes qu'on veut éviter également.

Et, comme nous le disons, si la même personne dénonce toujours sans donner son consentement, vous aurez là une indication de mauvaise foi.

M. GOLDBLOOM: J'ai l'impression que nous parlons de deux idées légèrement différentes l'une de l'autre. L'article tel que rédigé dit: "Le comité ou toute personne à son service ne peut être contraint à dévoiler l'identité..." Cela, c'est une chose. 'Je me pose la question : — je ne suis pas avocat, donc je m'adresse à mon collègue de la Justice pour qu'il m'aide — Qui pourrait contraindre une personne à dévoiler un nom? Ce serait normalement un tribunal.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est ça.

M. GOLDBLOOM: II me semble qu'il y a des situations où l'intérêt public pourrait être en jeu et le comité pourrait se réunir et dire: Nous ne pouvons être contraints de révéler le nom, mais puisque le tribunal le demande, nous allons témoigner. Est-ce que c'est une considération qui est significative?

M. CHOQUETTE: Oui. Je pense que ce que dit le ministre des Affaires municipales mérite d'être considéré. Il semble dire que derrière les mots "ne peut être contraint" pourrait se trouver une espèce de facteur discrétionnaire pour le comité de dénoncer le nom de la personne qui a été le dénonciateur. La façon la plus simple peut-être de clarifier ce serait de suivre la suggestion que je faisais.

C'était celle-ci: "Le comité ou toute personne à son service ne doit dévoiler l'identité de la personne qui lui a signalé une situation visée à l'article 14 j) sans son consentement". Ceci ne veut pas dire que le dénonciateur ne sera pas témoin. Il peut très bien être témoin. Mais cela veut qu'on ne dira pas que c'est lui qui est le dénonciateur, que c'est lui qui a mis le travail du comité en marche.

M. SAMSON: C'est cela.

M. CHOQUETTE: C'est cela. Cela n'exclut pas que le dénonciateur soit invité par un subpoena à témoigner dans une cause ou à témoigner dans un cas de protection.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté? M. BEDARD (Chicoutimi): Je trouve...

M. GOLDBLOOM: Je pense que, pour que le français soit correct, il faudrait écrire: "Le comité ou toute personne à son service ne doit dévoiler l'identité de la personne qui lui a signalé une situation visée à l'article 14 j) qu'avec le consentement de cette personne."

M. CHOQUETTE: Oui, c'est cela.

M. GOLDBLOOM: Ou: "ne doit pas, sans son consentement". Le mot "pas" était absent tout à l'heure.

M. CHOQUETTE: Très bien. Alors, "Le comité ou toute personne..."

M. BEDARD (Chicoutimi): Si on se place dans la situation de celui qui a été victime d'une dénonciation vraiment injuste, qui n'était pas fondée, en quoi lui refuserait-on la possibilité de savoir du comité quelle est la personne qui l'a dénoncé? On dit que le comité peut refuser de donner même l'identité. Cela équivaut presque d'une certaine façon à encourager les dénonciations plus ou moins sérieuses. Il me semble que le dénonciateur doit être astreint à autant de sens des responsabilités que les parents qui ont charge d'enfants.

M. CHOQUETTE: Je suis d'accord avec le député de Chicoutimi qu'il peut naître des abus de cette loi. Il se peut qu'il y ait des dénonciateurs qui fassent des dénonciations sans aucun fondement et purement dans le but de causer des ennuis à des personnes. Mais c'est une chose qu'il faut accepter, compte tenu du résultat final qui est la préservation de la vie et de la santé des enfants.

M. BEDARD (Chicoutimi): A moins que vous ne disiez: Sauf que le comité n'est pas tenu de garder le secret, lorsqu'il a la preuve que cela a été une dénonciation futile, lorsque, dans son esprit, il croit que cela a vraiment été futile. Cela ne veut pas dire, à ce moment, qu'il part à la course pour aller dire à celui qui a été dénoncé: C'est un tel qui a fait cela et sa dénonciation était futile. Mais, au moins, si la personne qui a été, d'une certaine façon, victime s'informe au comité ou auprès des personnes qui ont fait l'enquête, à ce moment, elle a droit à une réponse.

M. CHOQUETTE: Vous savez, les procédures du comité, sont empreintes de secret. Même s'il y a eu une dénonciation futile faite au comité et qu'il y a eu enquête sur le cas en question, cela ne veut pas dire que cela a entrafné des ennuis à ce point considérables qu'il faille laisser tomber le principe du secret sur le nom du dénonciateur. Je crois que le secret quant au nom du dénonciateur est très important comme facteur qui facilitera aux gens qu'ils s'acquittent de leurs responsabilités juridiques.

C'est pour cela que je ne serais pas tout à fait prêt à appuyer la suggestion du député de Chicoutimi et dire qu'il faut que le comité révèle, dans certaines circonstances, l'identité du dénonciateur...

M. BEDARD (Chicoutimi): Pas nécessairement, la révèle, mais ne soit pas astreint à ne pas la révéler. C'est une distinction de taille. Ce que je veux exprimer est que je trouve que l'article tel que rédigé — le premier paragraphe — rend mieux la situation que de commencer à y greffer, par exemple, un amendement dans le sens qu'il faudra obtenir auparavant le consentement du dénonciateur.

M. CHOQUETTE: Je pense que l'article, au fond, est assez convenable tel quel.

M. SAMSON: Je m'excuse, mais je dois insister là-dessus. Si on permettait, si les policiers étaient tenus de dévoiler les noms des dénonciateurs, il y a beaucoup d'enquêtes qui ne se rendraient pas à terme et le ministre de la Justice le sait.

Une dénonciation, dans le cas présent, n'est pas une condamnation. Une dénonciation ne fait que mettre en branle le mécanisme du comité. C'est tout ce que cela fait la dénonciation. Cela ne fait pas autre chose que cela. Si le dénonciateur accepte que son nom soit révélé, il aide à l'enquête, il aide aux mécanismes. Mais vous ne m'enlèverez pas de la tête qu'avec les dispositions que vous allez prendre à l'effet que les dénonciations pourront se faire par téléphone, de toute façon dévoiler les noms des dénonciateurs dans le cas où cela pourrait être fait par téléphone, n'importe qui pourra contourner facilement la loi en dénonçant de façon anonyme. Puis vous allez être obligé de le prendre, si vous voulez aider les enfants. Qui va, au téléphone, m'obliger à me nommer, si je ne me nomme pas? Personne ne peut le faire. Je dénonce quelque chose, je raccroche la ligne puis je m'en vais. Là, le comité est obligé quand même de prendre action, de faire enquête parce qu'il peut sauver la vie d'un enfant dans plusieurs cas. Puisqu'on peut le faire de façon anonyme, pourquoi ne protégerions-nous pas ceux qui se nommeront?

M. BIENVENUE: Si on me permet, le député de Chicoutimi a entendu souventefois, comme criminaliste, le vieux dicton, le vieux proverbe qui dit: Mieux vaut mille coupables acquittés qu'un innocent condamné. Je transpose dans le cas de la présente loi et je dis: Mieux vaut 100,000 dénonciations mal fondées si elles ont pour effet, grâce à la présente loi, de permettre qu'un cas bien fondé soit dénoncé et qu'un seul enfant ne souffre pas.

M. SAMSON: Adopté avec amendement.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'article 14 1) avec l'amendement qui a été suggéré. Le comité ou toute personne à son service...

M. BEDARD (Chicoutimi): II reste quand même que les coupables que vous acquittez, vous les obligez à subir des procès, tandis que là les dénonciateurs qui sont folichons n'ont même pas à subir...

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Est-ce qu'on maintient l'amendement...

M. CHOQUETTE: L'article est assez clair comme ça.

M. SAMSON: Qu'est-ce que le ministre va faire dans ce cas?

M. CHOQUETTE: Quoi?

M. SAMSON: Si vous ne protégez pas les dénonciateurs qui vont vouloir se nommer, vous allez faire quoi avec ceux qui ne se nommeront pas? Vous allez inviter toute la population à faire des dénonciations par téléphone sans se nommer.

M. CHOQUETTE: Pas du tout.

M. SAMSON: Bien oui, vous allez le faire au téléphone. Je vous ai cité tantôt l'exemple: Je vous appelle, j'appelle le comité pour faire une dénonciation, je fais la dénonciation et je raccroche le téléphone, je ne me nomme pas, comment pouvez-vous m'obliger à me nommer au téléphone? Puis vous allez la prendre, vous l'avez dit tantôt que cela va se faire par téléphone.

A ce moment, cela veut dire qu'une dénonciation anonyme va être considérée.

M. CHOQUETTE: On va le suspendre, l'article, puis je vais y penser.

M. SAMSON: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'article 14 1) suspendu. Article 14 m).

M. BEDARD (Chicoutimi): Adopté, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté. Article 14 n)?

M. SAMSON: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté. Article 14 o)?

M. BEDARD (Chicoutimi): Adopté, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté. Article 14 p)?

M. SAMSON: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 14 q)?

M. BEDARD (Chicoutimi): Adopté.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté. Article 2.

M. BEDARD (Chicoutimi): Adopté.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté. Article 3?

M. SAMSON: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté. Article 4?

M. BEDARD (Chicoutimi): Adopté.

M.SAMSON: L'article 4, M. le Président, j'aurais une question à poser au ministre. Pourquoi la loi sera-t-elle en vigueur par proclamation du lieutenant-gouverneur en conseil, au lieu du jour de sa sanction?

M. GOLDBLOOM: II faut avoir un comité pour faire fonctionner la loi, c'est aussi simple que cela.

M. SAMSON: C'est une bonne réponse.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté. Nous allons revenir à l'article 14 1).

M. CHOQUETTE: On va faire plaisir au député de Rouyn-Noranda. On va amender l'article 14 1) qui va se lire dorénavant comme suit: "Le comité ou toute personne à son service ne doit pas dévoiler l'identité de la personne qui lui a signalé une situation visée à l'article 14 j) sans son consentement".

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Cet article est adopté avec l'amendement? Adopté.

DES VOIX: Adopté.

M. CORNELLIER (président de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission a étudié article par article le projet de loi no 78 et l'a adopté avec amendements.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que ces amendements sont agréés?

DES VOIX: Agréé.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que le rapport est agréé? Agréé.

UNE VOIX: Agréé.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Troisième lecture?

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, M. le Président.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Prochaine séance ou séance subséquente.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que la Chambre s'ajourne à demain matin, dix heures.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La Chambre ajourne ses travaux à demain matin, dix heures.

(Fin de la séance à 23 h 8)

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