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Version finale

30e législature, 3e session
(18 mars 1975 au 19 décembre 1975)

Le mardi 9 décembre 1975 - Vol. 16 N° 74

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures quatre minutes)

M. Lavoie (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôt de rapports de commissions élues.

L'honorable député de Laurier.

Rapport sur le projet de loi no 252

M. Marchand: Au nom de M. Sylvain, député de Beauce-Nord, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des transports, des travaux publics et de l'approvisionnement qui a siégé le 5 décembre 1975 aux fins d'étudier article par article le projet de loi no 252, Loi modifiant le Code de la route, qu'elle a adopté avec des amendements.

Le Président: Rapport déposé.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées. Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

M. Levesque: Article m).

Projet de loi no 255 Première lecture

Le Président: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la première lecture de la Loi regroupant certaines municipalités de la région de Québec.

L'honorable ministre des Affaires municipales.

M. Goldbloom: Ce projet prévoit le regroupement en une seule municipalité — la ville de Beau-port— de la cité de Giffard, des villes de Beauport, Courville, Montmorency et Villeneuve, de la municipalité de la paroisse de Saint-Michel-Archange et de la municipalité de Sainte-Thérèse-de-Lisieux. Il prévoit également le regroupement en une seule municipalité — la ville de Charlesbourg — de la cité de Charlesbourg, des villes d'Orsainville et de Notre-Dame-des-Laurentides et de la municipalité de Charlesbourg-Est.

Une Voix: Vote!

Le Président: Cette motion de première lecture est-elle adoptée?

M. Burns: Je demande le vote enregistré, M. le Président.

Le Président: Qu'on appelle les députés!

Vote de première lecture

Le Président: A l'ordre, messieurs!

Que ceux qui sont en faveur de cette motion de première lecture proposée par le ministre des Affaires municipales veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa, Levesque, Parent (Hull), Mailloux, Garneau, Cloutier, Phaneuf, Lachapelle, Berthiaume, Giasson, Goldbloom, Simard, Quenneville, Mme Bacon, MM. Lalonde, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, L'Allier, Vaillancourt, Arsenault, Houde (Fabre), Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Massé, Perreault, Brown, Bossé, Bacon, Lamontagne, Bédard (Montmorency), Veilleux, Saint-Hilaire, Brisson, Séguin, Lafrance, Picard, Gratton, Gallienne, Carpentier, Dionne, Faucher, Saint-Germain, Har-vey (Charlesbourg), Pepin, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault, Boutin, Chagnon, Marchand, Ostiguy, Caron, Ciaccia, Côté, Déom, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lapointe, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières, Morin, Burns, Léger, Charron, Bédard (Chicoutimi), Samson, Bellemare (Johnson), Choquette, Roy, Leduc.

Le Président: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Houde (Limoilou)... Le Secrétaire: Pour: 83 — Contre: 1 Le Président: Cette motion est adoptée.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi. First reading of this bill.

M. Lacroix: ... dans l'exercice de ses fonctions.

Le Président: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. Burns: ... par exemple, lui.

Le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Levesque: Un instant, M. le Président.

M. Lacroix: Son secrétaire est-il aussi dans l'exercice de ses fonctions? Il a amené son secrétaire avec lui. Parfait. Vous viendrez chialer...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

Présentation de projets de loi au nom des députés.

S'il vous plaît, messieurs, écoutez.

Déclarations ministérielles. Dépôt de documents.

L'honorable ministre de la Fonction publique.

DEPOT DE DOCUMENTS

Entente avec le Syndicat des fonctionnaires

M. Parent (Hull): M. le Président, tel qu'entendu la semaine dernière, je voudrais déposer devant cette Chambre cinq exemplaires de la convention collective paraphée avec le Syndicat des fonctionnaires du Québec ainsi que des renseignements additionnels sur les offres gouvernementales.

M. Burns: Question de règlement, M. le Président. Le ministre de la Fonction publique ne voudrait-il pas dire l'entente paraphée et non pas la convention collective?

M. Parent (Hull): C'est l'entente paraphée.

M., Burns: L'entente paraphée parce que la convention collective le deviendra lorsqu'il y aura adoption.

D'accord, on s'entend. Parfait, ce n'est pas plus grave que cela.

Le Président: Le 18 décembre. M. Burns: Parfait.

Le Président: Y a-t-il d'autres dépôts de documents?

L'honorable ministre d'Etat à l'Education, responsable de...

Rapports annuels de corporations professionnelles

M. Lachapelle: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer les rapports annuels pour 1974/75 de la Corporation professionnelle des évaluateurs agréés du Québec, de la Corporation professionnelle des médecins ainsi que de l'Ordre des audioprothésistes du Québec.

Le Président: Questions orales des députés. Le député de Maisonneuve.

QUESTIONS DES DÉPUTÉS

Enquête sur le crime organisé

M. Burns: M. le Président, ma question s'adresse au Solliciteur général relativement à la Commission d'enquête sur le crime organisé. Je voudrais, si possible, que le ministre nous dise exactement ce qu'il en est; s'il est exact que le délai pour faire rapport à la Commission d'enquête sur le crime organisé sera prolongé et jusqu'à quelle date.

J'aimerais savoir quel est le mandat prolongé de la Commission d'enquête sur le crime organisé. J'aimerais particulièrement que le ministre, Solliciteur général, nous dise pour quelles fins on a l'intention de donner ce mandat repoussé à une date ultérieure.

M. le Président, je fais simplement une paren- thèse que j'aurais pu utiliser comme préambule pour aider le ministre à répondre à ma question. Actuellement, il y a des faits très précis: la contestation devant la Cour suprême, le fait que certains personnages utilisent cette contestation — je le dis en toute liberté — pour empêcher leur propre comparution devant la Commission d'enquête sur le crime organisé. J'émets l'avis également que possiblement, ces retards à faire comparaître un certain nombre d'individus devant la CECO pourraient peut-être donner moins de substance à un éventuel rapport.

De sorte que ma question, je la résume de la façon suivante: Comme la rumeur existe, depuis un certain temps, que la Commission d'enquête sur le crime organisé verra son mandat prolongé, est-ce que le cabinet des ministres s'est penché sur ce problème en tenant compte du phénomène de la Cour suprême et en tenant compte également du fait qu'un certain nombre d'individus utilisent des procédures judiciaires, actuellement, pour éviter de comparaître et peut-être pour rendre moins complet l'éventuel rapport de la Commission d'enquête sur le crime organisé?

M. Lalonde: M. le Président, la question est un peu complexe mais je vais essayer d'y répondre complètement. Je vais soumettre au conseil des ministres, demain, un projet d'extension du mandat complet tel qu'il est actuellement, pour une période de mois permettant à la CECO de continuer les audiences qu'elle n'aurait pu terminer d'ici la fin de décembre. L'extension tiendra compte du fait, justement, que la contestation devant la Cour Suprême, depuis quelques mois, nous a empêchés d'apporter les corrections de structures nécessaires que j'avais déjà, d'ailleurs annoncées en public.

Vu que la Loi de police est maintenant contestée devant la Cour suprême, il m'est conseillé d'attendre le résultat de cette contestation avant d'apporter quelque amendement que ce soit aux articles en question.

Cela tient compte de la contestation devant la Cour suprême et de toutes les contraintes que cela apporte au niveau de l'assignation des témoins et aussi des témoignages, c'est-à-dire au fait de pouvoir forcer les témoins à témoigner devant la cour. Cela tient compte aussi du temps que cela prendra pour faire le rapport des audiences qui ont eu lieu durant la session d'automne et aussi, enfin, de certaines autres audiences publiques qui devront être tenues sur les dossiers qui sont déjà préparés.

Enfin, peut-être, dernièrement, cela tient compte du temps que cela prendra au gouvernement pour présenter à cette Chambre les amendements nécessaires pour continuer la lutte au crime organisé, mais peut-être dans des structures différentes.

M. Burns: M. le Président, le ministre pourrait-il répondre à un des éléments de ma question qui, entre autres, lui demandait jusqu'à quelle date sera prolongé le mandat de la

Commission d'enquête sur le crime organisé? Deuxièmement, pour lui éviter de se lever à deux reprises, le ministre pourrait-il nous dire s'il est en mesure de confirmer ou d'infirmer le fait que deux dossiers importants qui ont été examinés à huis clos, soit celui de la Société des alcools du Québec et celui de Loto-Québec, ont été retirés du mandat de la Commission d'enquête sur le crime organisé? Si c'est exact, j'aimerais savoir à quelle date a eu lieu ce retrait.

M. Lalonde: M. le Président, la date que nous avons en tête actuellement, après consultation avec les autorités de la CECO, pour le prolongement du mandat, ce serait la fin de mai, ce qui donnerait le temps à la CECO de préparer son rapport sur la session actuelle et de tenir, en mars peut-être, enfin au printemps, l'autre série d'audiences sur les dossiers qui sont en préparation actuellement et qui n'ont pas vu le jour publiquement. Cela tiendra compte des quatre éléments que j'ai mentionnés en réponse à la question du député.

Quant à la SAQ et à Loto-Québec, tout ce que je sais, c'est qu'un document de travail a été non pas retiré de la CECO par le gouvernement, mais remis au gouvernement, au ministère de la Justice, d'ailleurs en juillet dernier, je crois, enfin avant mon entrée en fonction au ministère de la Justice. Il contient des éléments, des commencements d'enquête, auxquels nous avons donné suite en les confiant à une escouade spéciale de la Sûreté du Québec qui continue son enquête. Mais cela ne concerne pas Loto-Québec.

M. Burns: Concernant la Société des alcools du Québec, parce que je n'ai pas eu une réponse précise de la part du Solliciteur général là-dessus, est-il exact que ce dossier a été retiré de la Commission d'enquête sur le crime organisé? J'insiste sur la question que j'ai posée tout à l'heure: A quelle date est-ce que cela a été retiré, si cela a été retiré?

M. Lalonde: Je viens de dire que cela n'a pas été retiré.

M. Burns: La question comporte un certain élément d'intérêt. Je comprends qu'actuellement le député de Bonaventure est ministre de la Justice et que le député de Marguerite-Bourgeoys est Solliciteur général, que ces deux fonctions, à un moment donné, étaient occupées par un certain ministre de la Justice. Je ne veux pas non plus m'adresser et faire d'insinuations — surtout pas — à l'endroit du député d'Outremont mais on est à une espèce de croisée des chemins et il s'agit de rétablir un certain nombre de responsabilités.

Si, véritablement, le dossier de la SAQ a été mis de côté, j'aimerais savoir à quelle date on l'a utilisé, à quelle date on a dit: Ce dossier ne relève pas de la Commission d'enquête sur le crime organisé et, si tel est le cas, j'aimerais que les responsabilités soient appliquées aux bons endroits.

M. Lalonde: Tout d'abord, j'ai dit dans ma première réponse, et je le répète, que le dossier n'a pas été retiré, à ma connaissance, suivant les témoignages de mes fonctionnaires et suivant les documents. Il s'agit simplement d'un dossier qui a été remis par la CECO au ministère de la Justice et la CECO a conclu qu'il ne s'agissait pas de crime organisé. Donc il s'agissait simplement de le remettre au ministère de la Justice, pour qu'il le traite correctement, c'est-à-dire faire les compléments d'enquête lorsque ce serait nécessaire, ce qui a été fait, ce qui a même été, je crois, demandé par mon prédécesseur au ministère de la Justice, le député d'Outremont. A mon souvenir, il avait confié à ses fonctionnaires de donner suite à ce dossier, à ce document de travail.

Maintenant, il est clair qu'étant donné que la responsabilité de la police relève du Solliciteur général vous avez posé la question à celui qui a la véritable responsabilité.

Le Président: Bon.

M. Burns: Une dernière, M. le Président, sous forme de question additionnelle.

Si, effectivement, il y a eu décision quelque part — vous me dites que c'est la CECO, je prends votre parole là-dessus entièrement — que cela ne relevait pas du mandat de la Commission d'enquête sur le crime organisé, je demanderais au Solliciteur général s'il est en mesure de nous dire si, quand même, il y a eu des enquêtes à huis clos relativement à ces deux dossiers.

Comme cela ne relève pas, selon ce qu'il nous dit, de la Commission d'enquête sur le crime organisé, n'y aurait-il pas lieu, pour satisfaire tout le monde là-dessus, de déposer l'enquête à huis clos qui a été tenue par la Commission d'enquête sur le crime organisé?

M. Lalonde: Je ne pense pas, M. le Président, qu'il soit de l'intérêt de l'enquête qui se continue de déposer les éléments contenus dans les interrogatoires à huis clos. Je pense que le député comprendra qu'aussi longtemps que l'enquête n'est pas terminée, que les procédures ne sont pas entreprises ou que le dossier n'est pas clos, la publicité qu'on pourrait donner à ces éléments pourrait nous rendre plus difficile la tâche de compléter l'enquête.

M. Burns: Cela a été retiré quand même du... Non?

M. Lalonde: J'ai dit trois fois que cela n'a pas été retiré, que cela a été remis par la CECO au ministre de la Justice...

M. Burns: C'est cela.

M. Lalonde: ... avec une opinion de la CECO, des responsables de la CECO, voulant que cela devait être remis au ministère de la Justice, parce qu'il n'y avait rien concernant le crime organisé.

M. Burns: Et quelle a été la réaction du Solliciteur général là-dessus?

M. Lalonde: Lorsque je suis arrivé, le dossier était déjà au ministère de la Justice. L'opinion de la CECO me semble juste, maintenant, c'est une question d'opinion.

Le Président: Le député d'Outremont, une question additionnelle.

M. Choquette: Une question additionnelle, M. le Président, au Solliciteur général. Est-ce que celui-ci pourrait nous dire quelles mesures ont été prises par le ministère de la Justice et la Sûreté du Québec en vue de donner suite à ce rapport de la CECO fait vers la fin du mois de juillet 1975? Qu'est-ce qui a été fait pour poursuivre l'enquête sur les éléments qui avaient été remis au ministère de la Justice?

M. Lalonde: Tout d'abord, ce document de travail a été confié à un procureur de la couronne pour l'étudier et, suivant ses recommandations, des compléments d'enquête ont été ordonnés et ont été confiés à la Sûreté du Québec. Je crois que c'est le lieutenant Chartrand qui dirige le groupe de policiers qui continue les enquêtes.

M. Choquette: Quel est le nom du procureur de la couronne qui a été chargé de l'étude du dossier?

M. Lalonde: Me François Tremblay, qui est maintenant directeur des affaires criminelles au ministère de la Justice.

Le Président: Question additionnelle.

M. Bédard (Chicoutimi): Question supplémentaire.

Le Président: Le député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que le Solliciteur général pourrait nous dire s'il est exact que Me Keyserlingk, qui a annoncé récemment sa démission de la CECO, était l'avocat qui a procédé à l'enquête dans ce dossier de la SAQ et que sa démission est reliée un peu au sort fait à ce dossier?

M. Lalonde: A mon souvenir, Me Keyserlingk était intéressé à ce dossier, oui. Maintenant, sa démission a été remise aux autorités de la CECO. Je ne connais pas les raisons particulières de sa démission; du moins, il ne m'a pas adressé de lettre ou il ne m'a pas parlé relativement à sa démission. Je peux m'informer auprès des autorités de la CECO.

Le Président: Dernière.

M. Bédard (Chicoutimi): La lettre de démission de Me Keyserlingk a été adressée à la CECO; est-ce qu'on pourrait avoir le dépôt de cette lettre de démission?

M. Lalonde: Je vais vérifier.

Chômage au Québec

Le Président: Question principale, l'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. Morin: Ma question s'adresse au premier ministre. Le nombre de chômeurs vient d'augmenter de 23,000 en un mois pour atteindre un nouveau sommet de 218,000 personnes. Etant donné qu'il s'agit là, pour le quatrième mois consécutif, du plus haut taux de chômage observé au Québec au cours des trente dernières années, le premier ministre a-t-il l'intention d'intervenir enfin, par un programme de mesures spéciales, en vue de limiter le plus possible les effets d'une conjoncture qui s'avère très dure, à l'heure actuelle, et qui pourrait même devenir tragique au cours des mois d'hiver qui viennent?

M. Bourassa: Je crois que la situation que nous connaissons actuellement se rapproche de celle que nous connaissions en 1971. Il reste quand même qu'elle s'accompagne, cette fois-ci, d'un nombre très élevé d'emplois vacants et d'un taux de participation de la main-d'oeuvre féminine beaucoup plus élevé. Le gouvernement poursuit ses politiques — le développement de la baie James en est un exemple — en entreprenant des grands travaux qui exigent beaucoup de main-d'oeuvre et qui permettent d'atténuer l'impact de l'augmentation exceptionnelle de la population active au Québec.

Toutes les politiques du gouvernement, des ministères, des sociétés d'Etat, les centaines de millions de dollars que nous avons investis dans SIDBEC ont pour but, en partie, non seulement de consolider notre structure industrielle mais de répondre à ses besoins.

M. Morin: De façon plus précise, plutôt que de nous parler de la baie James chaque fois que la question est soulevée, le premier ministre peut-il nous dire s'il a l'intention de mettre en marche des mesures comme celles qui sont prises dans les autres pays devant pareille conjoncture? J'entends, par exemple, des mesures visant à améliorer le niveau de la construction domiciliaire ou encore des grands travaux en dehors de Montréal, ailleurs qu'à la baie James, dans les autres régions qui en ont besoin.

Le premier ministre est-il satisfait du fait que, pour le mois de novembre, la création d'emplois a été pratiquement nulle?

Le Président: A l'ordre! C'est de l'argumentation, c'est un débat qui s'amorce. Posez des questions pour avoir des renseignements. Vous lancez un débat.

M. Morin: Je demande au premier ministre s'il est satisfait du fait qu'il ne se soit créé que 11,000 emplois si l'on compare novembre 1974 et novembre 1975. Est-il satisfait également que le niveau

du chômage soit beaucoup plus élevé au Québec que dans l'Ontario à l'heure actuelle?

M. Bourassa: Ce n'est pas un fait nouveau. J'ai donné les raisons tantôt: l'augmentation très rapide de la population active, le taux de participation de la main-d'oeuvre féminine qui est passé, depuis cinq ans ou dix ans, de 29% à 38%. Mais le gouvernement, dans le cadre de ses moyens financiers, pose des gestes très concrets de manière à réduire le chômage. C'est évident qu'au mois de novembre le taux de création n'est pas satisfaisant, mais si on prend l'ensemble depuis cinq ans, on va constater, alors que de 1965 à 1970 il s'était créé 250,000 nouveaux emplois, depuis que nous sommes au pouvoir, c'est 325,000 ou 330,000, malgré deux récessions importantes aux Etats-Unis qui ont un impact inévitable sur la situation économique québécoise.

Le Président: Dernière.

M. Morin: II ne s'en créera pas la moitié, cette année, de ce qui a été créé l'année dernière.

Le Président: Dernière. M. Mercier: A l'ordre!

M. Morin: M. le Président, j'aimerais demander au premier ministre s'il est au courant qu'on a pris la décision de réduire substantiellement le nombre de places disponibles dans l'éducation aux adultes. Ces cours, comme on le sait, permettent à des milliers de chômeurs québécois de se recycler tout en recevant une rémunération. J'aimerais demander au premier ministre s'il est au courant de cela. Et, peut-il nous expliquer les raisons de cette décision qui, à vrai dire, ne peut pas tomber plus mal?

M. Bourassa: M. le Président, le gouvernement a effectué certaines coupures budgétaires. Je peux prendre avis sur les détails concernant ce programme en particulier et je pourrai répondre demain au chef de l'Opposition.

Le Président: Le député de Rouyn-Noranda.

Langue de travail des contrôleurs aériens

M. Samson: M. le Président, ma question s'adresse également au premier ministre. Je veux lui demander s'il a été mis au courant du fait que deux contrôleurs aériens canadiens français viennent d'être suspendus pour avoir osé, en pleine province de Québec, parler en français entre eux. Est-ce que le premier ministre a été mis au courant de cette situation? Si oui, quelles sont les mesures que le gouvernement du Québec peut prendre pour en arriver à éviter ce genre de choses?

M. Bourassa: M. le Président, je l'ai appris comme le chef parlementaire du Ralliement crédi- tiste. Nous considérons que c'est une situation tout à fait inadmissible et le Solliciteur général doit poursuivre les négociations avec le gouvernement fédéral puisque c'est de juridiction fédérale.

M. Samson: M. le Président, est-ce que le premier ministre ne considère pas que pour une chose comme cela qui arrive en pleine province de Québec, après avoir vanté les mérites de la loi 22 pendant des mois, il est du ressort du gouvernement du Québec de prendre des mesures énergiques pour qu'on ne suspende pas de leur emploi des Canadiens français qui parlent français entre eux au Québec? Je pense que cela dépasse le cadre de la fonction publique fédérale. Il s'agit de la langue française au Québec, et ce ne sont pas des correspondances air-sol ou dans l'air, ce sont des correspondances au sol, entre deux Canadiens français qui ont été suspendus, hier, par M. Maurice Pitre et Louis Desmarais, deux autres Canadiens français. Je pense que là, cela dépasse les limites.

M. Bourassa: M. le Président, j'ai dit que le gouvernement considérait que c'était une situation inadmissible, mais il reste que c'est de juridiction fédérale et nous allons faire des représentations au gouvernement fédéral sur ce rapport. Bien, la constitution est...

Le Président: Dernière.

M. Samson: Qu'est-ce que le premier ministre et son gouvernement peuvent faire pour faire comprendre au gouvernement central qu'au Québec on est des Canadiens français et qu'on veut se faire respecter comme tels? Quelles mesures le gouvernement peut-il prendre pour cela? Est-ce qu'il y aura des démarches spéciales vis-à-vis du gouvernement fédéral?

M. Bourassa: M. le Président, je viens de répondre à cette question.

M. Samson: Vous n'avez pas répondu, vous avez dit que vous étiez impuissant.

M. Bourassa: Le député de Rouyn-Noranda doit constater qu'il y a des députés fédéraux qui sont élus au Québec et qui ont, eux aussi, une responsabilité. Il n'y a pas seulement un niveau de gouvernement. Nous allons faire les représentations dans le cadre de notre juridiction.

Le Président: Le député de Lafontaine.

M. Samson: M. le Président, je ne peux pas continuer?

Le Président: Je m'excuse, il y a quinze députés qui veulent poser des questions, actuellement. J'essaie de satisfaire tout le monde. Je vous ai prévenu que c'était votre dernière.

Le député de Lafontaine.

M. Samson: ... de voir patiner le premier ministre encore cinq minutes.

M. Léger: M. le Président, est-ce que le premier ministre peut nous dire...

Le Président: Question additionnelle.

M. Léger: ... s'il a fait faire des études par ses conseillers juridiques pour vérifier si ce congédiement va à l'encontre du bill 22? Deuxièmement, est-ce qu'il compte, non pas négocier, mais protester auprès du fédéral pour cette décision unilatérale?

Pour quelles raisons le premier ministre n'a-t-il pas fait amender la loi 22 au moment où il était possible qu'il n'y ait aucune ambiguïté même avec les employés du fédéral?

M. Bourassa: Je n'ai pas eu d'avis juridique sur l'application de la loi 22, en ce cas-là.

M. Léger: Puis, allez-vous protester ou pleurer?

M. Bourassa: J'ai répondu que le gouvernement avait fait des représentations, était pour en faire et j'ai dit que la situation était inadmissible.

M. Charron: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Oui.

M. Charron: Pourquoi avez-vous refusé, en août 1974, l'amendement proposé par le Parti québécois qui visait à assujettir également les autorités fédérales sous l'empire de la loi 22, ce qui ferait qu'aujourd'hui une situation aussi inadmissible comme vous le dites ne se produirait pas.

Le Président: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!

M. Charron: Pourquoi avez-vous refusé notre amendement quand on vous l'a proposé?

M. Cloutier: Vous n'avez pas présenté cet amendement.

Le Président: Le député de Johnson, question additionnelle.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je voudrais simplement demander à l'honorable premier ministre s'il a donné suite, sur la question principale, à ce qu'il disait le 18 novembre ici même dans la Chambre. Il disait: Si la loi n'est pas respectée, on procédera. Nous allons en discuter demain matin, probablement au conseil des ministres. Le ministre des Transports a dit qu'il a demandé une copie de la directive dont il n'avait pas pris connaissance autrement que dans les journaux.

Depuis ce temps, il y a eu deux ou trois conseils des ministres. Le premier ministre a-t-il pris l'initiative de corriger cette directive de McClish à la suite des deux congédiements et du troisième qui s'est fait aujourd'hui? A-t-il pris les dispositions nécessaires pour que son Solliciteur général puisse terminer enfin ces négociations qui durent depuis trois semaines? C'est depuis trois semaines que je lui pose des questions sur le sujet.

La semaine dernière, il m'avait dit qu'il avait remis à certains officiers le soin de négocier avec M. Marchand. Après cela, il m'a répété que les négociations n'étaient pas terminées. On a appris qu'il n'avait pas lu la directive telle que McClish l'avait donnée. Je ne sais pas, M. le Président, mais deux personnes ont été congédiées hier et une troisième ce matin.

Je pense que c'est le bout des bouts pour le gouvernement. Il faudrait réellement qu'on fasse quelque chose aujourd'hui ou demain sinon il va y en avoir d'autres qui vont sortir.

M. Lalonde: M. le Président, si vous permettez. Il est sûrement tout à fait inadmissible qu'on ne puisse pas communiquer, que ce soit dans les communications air-sol ou les communications au sol, en français au Québec. Maintenant, j'espère que cette nouvelle mesure d'intransigeance ne mettra pas en danger les négociations qui sont déjà engagées.

Déjà cette semaine, une première rencontre avec des représentants de l'Association des gens de l'air et les représentants du ministère des Transports doit avoir lieu pour trouver, comme je l'ai dit en réponse à une question du député de Johnson récemment, des méthodes, des formules pour faire du français une des deux langues officielles au fédéral et ici au Québec, et la langue de communication des francophones dans les communications aériennes.

Maintenant le notam 43.75, auquel se réfère le député de Johnson, est très clair et défend l'usage du français comme cela a toujours été le cas dans les communications aériennes, sauf que dans le passé, il y avait, à ce qu'on me dit, une certaine situation de tolérance qui a cessé avec la suspension de ces employés du gouvernement fédéral.

Enfin, j'espère, comme je l'ai dit tantôt, que les négociations vont apporter un correctif parce qu'il me semble évident que l'usage du français dans les communications aériennes est un mouvement irréversible.

M. Léger: Une question supplémentaire, M. le Président.

M. Bellemare (Johnson): Sur le même sujet — la dernière question pour moi — est-ce que le ministre va s'employer à ce que ceux qui ont été congédiés hier ou celui qui l'a été ce matin puissent reprendre leur travail le plus tôt possible?

M. Lalonde: D'après ce que je sais, ce ne sont pas des congédiements. Ce sont des suspensions de 24 heures.

M. Bellemare (Johnson): Ce sont des mises à pied.

M. Lalonde: D'après les renseignements que j'ai, ce sont des suspensions de 24 heures. Je vérifierai.

Le Président: Dernière question additionnelle sur ce sujet.

M. Léger: M. le Président, ma question aura donc deux volets. Le ministre est-il au courant que la langue internationale de l'aviation est l'anglais en général et la langue du pays aussi? Donc, sur le territoire du Québec, c'est le français. Deuxièmement, le ministre peut-il nous dire quand il va demander à ses conseillers juridiques de lui donner leur vision de cette loi 22 versus le problème créé par cette décision fédérale?

M. Lalonde: Le député de Lafontaine a tort en ce sens que la directive de l'OACI dit que c'est d'abord la langue du territoire...

M. Léger: C'est cela.

M. Lalonde:... et subsidiairement l'anglais...

M. Léger: C'est cela. Alors, le territoire du Québec, c'est quoi?

M. Lalonde:... et non pas l'anglais et plus particulièrement la langue du territoire.

M. Léger: D'accord, d'accord.

M. Lalonde: J'ai, d'ailleurs, indiqué dans une réponse à une question du député de Johnson, il y a quelques semaines, que le délai qu'on nous suggérait comme étant nécessaire pour faire le tour de la question et apporter les correctifs nécessaires, avec comme objectifs principaux l'usage du français et la sécurité aérienne, était de six mois. Cela m'avait semblé raisonnable étant donné que cela fait des années et des décennies que cette situation inadmissible existe et qu'il me semblait qu'il y avait une volonté politique, maintenant, de la part du gouvernement fédéral, d'apporter une solution une fois pour toutes.

Le Président: L'honorable député d'Abitibi-Est.

M. Léger: Une question principale.

Le Président: Un instant, un instant. L'honorable député d'Abitibi-Est.

Touristes aux Jeux olympiques

M. Houde (Abitibi-Est): Ma question s'adresse au ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Le ministre est-il au courant qu'une publication émanant de son ministère et invitant les touristes à visiter le Québec lors de leur séjour aux Jeux olympiques fait totalement abstraction, entre autres, de l'Abitibi-Témiscamingue dans la liste des circuits touristiques? Le ministre est-il au courant que, pour certains fonctionnaires, la limite nord du Québec semble s'arrêter à Mont-Laurier? Le ministre a-t-il l'intention de prendre les mesures nécessaires auprès de ces mêmes fonctionnaires pour que, dans leur esprit et dans les faits, l'Abitibi-Témiscamingue fasse dorénavant partie intégrante du territoire québécois?

M. Simard: M. le Président, j'aimerais d'abord remercier le député de m'avoir donné avis de sa question. J'admets qu'il y a eu erreur. Vous savez qu'en vertu de la loi je suis responsable d'Hébergement Québec-Olympiques 76. Hébergement Québec-Olympiques 76 doit, à mon sens, selon la loi, s'occuper de trouver de l'hébergement pour les touristes et pour tous ceux qui vont venir visiter le site olympique pendant les jeux.

Je crois qu'Hébergement Québec-Olympiques 76 a largement débordé de ses cadres, parce que je crois qu'en commercialisation ils ne sont pas tout à fait à point. C'est la raison pour laquelle, lorsque je me suis aperçu de cette erreur, j'ai communiqué immédiatement avec HEQUO 76, ou Hébergement Québec-Olympiques 76, afin que 200,000 dépliants soient distribués. Ces dépliants seront distribués dès janvier pour corriger cette situation.

Je répète, M. le Président, que j'admets qu'il y a eu erreur. En effet, lorsqu'on voit tout ce qui a été fait depuis deux ans dans ce secteur sur le plan touristique, je ne puis que féliciter cette région.

Le Président: Question additionnelle.

M. Samson: M. le Président, j'ai également adressé un télégramme au ministre, en date du 1er décembre, et je n'ai pas eu de réponse encore. Le ministre peut-il me dire — puisqu'il a corrigé la situation, je l'en remercie d'abord — peut-il assurer la Chambre qu'à l'avenir cela ne se reproduira plus? C'est-à-dire que quand on considérera...

Le Président: A l'ordre, messieursl A l'ordre!

M. Samson: Je souligne, M. le Président, à certains députés de cette Chambre qu'à Rouyn-Noranda, comme ailleurs, on paie des taxes; alors, cela nous intéresse aussi d'être reconnus par le gouvernement dans les efforts touristiques. Le ministre peut-il nous assurer qu'à l'avenir ces choses ne se reproduiront plus, qu'il y aura une surveillance étroite pour qu'on considère les régions éloignées, comme l'Abitibi-Témiscamingue et la Côte-Nord, par exemple, qui ne sont pas incluses dans cette brochure? Est-ce qu'à l'avenir on considérera que le territoire du Québec c'est tout le territoire, pour les fins touristiques?

M. Simard: M. le Président, j'ai bien dit qu'Hébergement Québec-Olympiques 76 ne doit pas faire de la commercialisation touristique et que c'est le ministère du Tourisme, de la Chasse et de

la Pêche qui est responsable du tourisme au Québec.

L'erreur a été commise par un secteur dont je suis responsable, je l'admets. J'ai admis l'erreur et j'ai apporté des correctifs. Maintenant, aux prochains Jeux olympiques, peut-être que je veillerai pour qu'il n'y ait pas d'erreurs.

M. Samson: M. le Président...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, messieurs! Ecoutez...

M. Samson: M. le Président, écoutez, quand même, je pense que le ministre prend cela un peu à la légère. Les prochains Jeux olympiques, d'abord, vous allez commencer par les payer et vous parlerez des autres après. Pour le moment, il s'agit de tourisme... C'est une question, M. le Président. Est-ce qu'à l'avenir, pour les questions touristiques, que ce soient les Olympiques ou autre chose, on considérera que dans ces régions...

M. Mercier: Porto Rico!

M. Samson: ... on a des développements touristiques intéressants et qui peuvent intéresser la population?

M. Simard: Oui, M. le Président.

Le Président: Le député de Beauce-Sud est le suivant.

Etats financiers de SIDBEC-DOSCO

M. Roy: M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable ministre des Finances. Nous venons d'apprendre que...

Le Président: Un peu de silence, messieurs!

M. Roy: ... la firme SIDBEC-DOSCO connaîtra un déficit record de l'ordre de $15 millions et peut-être davantage pour l'année en cours. J'aimerais demander au ministre s'il a été prévenu de ce fait et qu'il nous dise quand. En deuxième lieu, le ministre a-t-il eu des rencontres récentes avec le président directeur général au sujet des mesures qui ont été annoncées et qui doivent être apportées?

M. Garneau: M. le Président, le député de Beauce-Sud pourrait-il reposer le début de sa question, que je n'ai pas saisi?

M. Roy: M. le Président, j'ai demandé au ministre des Finances s'il est au courant que la firme SIDBEC-DOSCO connaîtra un déficit, cette année, qui atteindra sinon dépassera les $15 millions. Je veux demander au ministre s'il est au courant de ces faits et depuis quand. En deuxième lieu, est-ce qu'il y a eu des rencontres avec le président directeur général de la compagnie en ce qui a trait aux mesures qui pourraient être apportées afin de corriger cette situation?

M. Garneau: M. le Président, je sais que l'année financière de SIDBEC ne sera pas de même nature que l'année dernière, maintenant, je ne connais pas encore quelle sera l'ampleur du déficit.

Je voudrais indiquer à cette Chambre deux choses: d'abord, que j'ai eu un certain nombre de rencontres avec le président de SIDBEC quelques semaines après ma nomination au poste de ministre de l'Education. Par la suite, le dossier de SIDBEC a été confié au ministre de l'Industrie et du Commerce et c'est lui qui a suivi le dossier depuis un mois à peu près, un mois et demi. Je ne serais pas en mesure de donner les renseignements les plus récents sur l'évolution de ce dossier. J'ajouterai plutôt que les rencontres que j'ai eues avec le président de SIDBEC, au cours des mois de juillet, août et septembre, portaient beaucoup plus sur le développement du projet de Fire Lake que sur les opérations mêmes de la société à partir de ses équipements de Contrecoeur, de Montréal et de l'Ontario.

M. Roy: Est-ce que le ministre des Finances pourrait nous dire s'il y a danger que le projet de Fire Lake justement soit suspendu ou soit retardé pendant un certain nombre de mois suite aux mesures draconiennes qu'annoncerait M. Jean-Paul Gignac? En deuxième lieu, j'aimerais savoir si le gouvernement du Québec a l'intention d'intervenir directement en vue d'accorder peut-être plus de capitaux à SIDBEC-DOSCO, de lui faire certaines avances, de façon que la capitalisation ne soit pas trop réduite, ne soit pas trop affectée pour nuire à ses activités.

En somme, j'aimerais savoir, M. le Président, quelles sont les actions que le gouvernement entend prendre le plus rapidement possible.

M. Garneau: M. le Président, évidemment, l'administration de SIDBEC a été affectée dans la vente de l'acier, comme toutes les autres compagnies d'acier qui ont eu des baisses dans leurs ventes à cause du ralentissement de l'activité économique. Quand on regarde les principales publications qui sont transmises, on s'aperçoit que l'ensemble du marché de l'acier avait connu des baisses importantes. Je vous assure que je serais très réticent à augmenter le capital-actions de SIDBEC à moyen terme pour payer des déficits de fonctionnement.

Ce que nous avons convenu de faire avec SIDBEC — cela a été inclus dans l'annonce de principe faite par le premier ministre il y a quelques mois, lorsque nous avons décidé d'aller de l'avant avec le projet de Fire Lake — c'est d accroître le capital-actions de SIDBEC non pas pour payer des déficits de fonctionnement, mais pour lui permettre d'aller de l'avant avec son projet de développement de Fire Lake. Pour autant que je puisse être informé, il n'y a pas eu de modification, d'annulation dans les projets. Evidemment. SIDBEC est en discussion depuis ce temps avec les partenaires, puisque ce sera un développement qui sera fait en "partnership" avec d'autres socié-

tés. Les gens de SIDBEC préparent, avec les conseillers juridiques et les experts financiers toute la documentation sur le financement de ce développement.

Le Président: L'honorable député de Lafontaine.

Primes d'assurance-automobile

M. Léger: M. le Président, ma question touche l'assurance-automobile et touche le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières dont je salue le retour de son voyage de l'Ouest; j'espère qu'il sera plus productif que ce voyage des ministres qui l'ont précédé. Est-ce que le ministre peut nous dire s'il est informé de ce que je disais au premier ministre la semaine dernière concernant les primes d'assurance qui, en février prochain, pourraient augmenter de 10% à 25%? Deuxièmement, est-ce que le gouvernement entend prendre des mesures avant la fin de la présente session pour geler immédiatement les prix de l'assurance, en attendant que le gouvernement se penche sur des solutions provenant du rapport Gauvin ou du rapport Desjardins?

Mme Bacon: M. le Président, avant de donner ma réponse, je serais tentée de dire au député de Lafontaine qu'il serait peut-être profitable pour lui d'aller faire un tour en Colombie-Britannique et voir le déficit d'au-delà de $100 millions qu'ils auront à payer au cours de l'année qui vient. C'est cela un régime étatique, M. le Président.

Maintenant, pour revenir à la hausse des primes d'assurance-automobile, habituellement les compagnies d'assurance ont la courtoisie d'informer le surintendant des assurances de mon ministère concernant toute hausse de primes qui serait envisagée. Jusqu'à aujourd'hui, nous n'avons pas été informés par les compagnies d'assurance d'une possibilité de hausse du taux des primes d'assurance, spécialement des assurances-automobile.

Quant aux mesures, s'il y avait une hausse de taux, c'est purement hypothétique pour le moment puisque nous ne sommes pas informés par les compagnies de cette hausse.

M. Léger: M. le Président, puis-je rappeler au ministre que le ministre précédent m'avait dit la même chose et que les hausses sont arrivées? Alors, pour prévenir ces hausses que je lui annonce parce que je me suis informé, est-ce que le ministre a l'intention, au moins, s'il ne veut pas geler les primes d'assurance-automobile, de se donner immédiatement, avant la fin de la session, des pouvoirs de rendre obligatoire une approbation préalable du gouvernement avant que les compagnies augmentent d'elles-mêmes leur taux pendant cette période de contrainte, d'austérité et de restriction que nous imposent les lois de M. Trudeau et du gouvernement Bourassa?

Mme Bacon: M. le Président, j'ai lu les mêmes journaux que le député de Lafontaine, c'est par ces journaux qu'on apprend la hausse du taux des primes d'assurance. J'attends, encore une fois, que les compagnies d'assurance nous en informent, avant de faire quelque commentaire que ce soit. Si toutefois il y avait des mesures à prendre, je pense que ce n'est pas au gouvernement de fixer le taux des primes. Nous n'en sommes pas encore rendus à un régime étatique.

Le Président: Dernière question additionnelle.

M. Léger: Est-ce que le ministre peut nous dire s'il a l'intention de prendre des mesures pour forcer les compagnies d'assurance à accepter d'assurer les catégories de conducteurs qui sont classés comme plus risquées, comme les moins de 25 ans, étant donné qu'il devient de plus en plus difficile de trouver de l'assurance pour ces groupes, même s'ils payent des primes scandaleusement élevées?

Le Président: Je vous ai laissé poser votre question, mais il ne faudrait pas oublier qu'il y a un projet de loi au feuilleton qui y touche. J'ai laissé la première partie, mais, quant à la dernière partie, je crois que le projet de loi couvre l'assurance obligatoire.

M. Léger: M. le Président, est-ce que je peux faire remarquer que c'est un projet de loi qui est ni du gouvernement, ni d'un parti? A ce moment-là c'est un député qui peut prendre un mercredi d'un parti, ou le projet va-t-il être présenté par le gouvernement? Je ne le sais pas, alors c'est pour cela que j'ai posé la question.

Le Président: Vous avez une question supplémentaire, il n'y a pas...

M. Léger: Est-ce que le ministre peut répondre à ma question?

Mme Bacon: M. le Président, dans les cas où il y a les hausses de taux, pour des cas à risques élevés, si on peut les appeler ainsi, il y a toujours des taux plus élevés pour les gens qui font plus d'accidents. C'est cela que le député veut savoir?

M. Léger: Ceux qu'on refuse d'assurer, j'ai dit, parce qu'ils étaient des mauvais risques.

Mme Bacon: Ce n'est pas à l'Etat de dicter la conduite des compagnies d'assurance. Encore une fois, et je dois le redire, nous ne sommes pas dans un régime étatique. Ce n'est pas un monopole que nous voulons obtenir comme gouvernement et c'est encore l'entreprise privée, je pense, qui doit faire son coût.

M. Léger: Défendez-vous les consommateurs et les assurés ou si vous défendez les avocats et les courtiers? Voyons donc! Voyons donc!

Le Président: Le député de Beauce-Sud. Dernière question additionnelle.

M. Roy: M. le Président, je pense que le ministre oublie que l'assurance-automobile est quand même un service public.

Le Président: Question.

M. Roy: Oui, c'est quand même un service public, M. le Président. J'aimerais demander au nouveau ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières, si on songe, au ministère, à instituer ou à doter le gouvernement d'un organisme susceptible d'examiner les hausses de tarifs des compagnies d'assurance lorsqu'elles sont demandées par les compagnies, de la même façon qu'on oblige les compagnies de téléphone et autres compagnies d'utilité publique à s'adresser au gouvernement avant de soumettre la hausse de tarif, pour que le gouvernement puisse examiner l'à-propos de ces demandes et voir à ce que le public soit protégé.

Mme Bacon: M. le Président, quand le gouvernement aura pris des décisions, il les annoncera.

Le Président: Dernière question supplémentaire.

M. Morin: Une question supplémentaire. J'aimerais demander au ministre s'il a l'intention de s'assurer que les augmentations de primes, dans le domaine de l'assurance-automobile, seront conformes aux directives prévues par le bill C-73 et par les indicateurs ou les règlements qui sont prévus au projet de loi no 64 qui est devant la Chambre en ce moment et qui porte sur les mesures anti-inflationnistes. Allez-vous vous assurer, au moins, que c'est contrôlé par les mesures antiinflationnistes?

Mme Bacon: Je prends avis de la question, M. le Président.

Le Président: Dernière question principale. Le député de Rosemont.

Accessibilité aux prothèses gratuites

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, merci, merci, merci. Plutôt que de sombrer dans la démagogie et dans les grandes théories...

Le Président: Question.

M. Bellemare (Rosemont): On veut être pratique, M. le Président.

Le Président: Question.

M. Bellemare (Rosemont): Ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. Je demanderais au ministre s'il serait possible du côté pratique — je comprends que ce ne serait pas facile, je le comprends — . Ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales: Est-ce qu'il serait possible que vous puissiez envisager que les gens qui retirent le salaire minimum puissent profiter des mêmes avantages que ceux qu'on donne aux assistés sociaux concernant les services de santé, soit les prothèses, les dentiers, les lunettes, etc., etc.? Est-ce que c'est possible que vous puissiez envisager cela? Je pense que c'est bien plus important que la démagogie des séparatistes.

M. Forget: M. le Président, pour ce qui est des prothèses, il me fait plaisir d'informer notre collègue de Rosemont que c'est un programme universel qui est accessible à tous les citoyens du Québec, non seulement aux bénéficiaires de l'aide sociale. Pour ce qui est des autres programmes sélectifs qu'il mentionne, c'est l'objet des discussions autour de l'introduction d'un régime de supplément de revenus.

Comme les travaux de cette Chambre l'ont démontré à plusieurs reprises, cette question fait l'objet de notre attention et nous espérons toujours en venir, au cours des prochains mois, à des développements de ce côté.

M. Bellemare (Rosemont): Question supplémentaire. M. le Président, si vous me le permettez, juste un petit préambule. J'ai assisté au feu de Rosemont. Tout le monde sait qu'un assisté social, lors d'un feu, a droit à un montant X pour se remeubler selon le nombre d'enfants. Malheureusement, le type qui travaille à salaire minimum n'a pas droit à cela. Serait-il possible au ministre de remédier à la situation?

M. Forget: Effectivement, c'est un problème qu'il ne sera possible de résoudre que par un régime plus étendu de sécurité du revenu.

Commission de la capitale nationale

Le Président: Avant de passer aux affaires du jour, le ministre de la Fonction publique aimerait ajouter certaines remarques à une réponse qu'il a apportée à une séance antérieure.

M. Parent (Hull): II me paraît approprié d'apporter des précisions concernant une réponse que j'ai fournie jeudi dernier au chef de l'Opposition officielle au sujet de M. Pierre Paquin, président régional du Parti québécois. La transaction a été effectuée entre la Commission de la capitale nationale et M. Marc Paquin, frère du président régional. Après le dépôt des documents concernant cette transaction, la Chambre sera à même de considérer tout au moins l'implication de M. Pierre Paquin par son association dans la compagnie Assurances Marc Paquin Inc.

M. Morin: M. le Président... Des Voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président: Messieurs, s'il vous plaît! Messieurs! Une question.

M. Morin: ... je vois que le ministre persiste à faire des associations entre des personnes qui n'ont peut-être même pas les mêmes idées politiques.

Le Président: Cela, c'est chose courante, je crois.

M. Morin: Je m'attendais à obtenir des excuses de la part du ministre.

Le Président: A l'ordre, messieurs, à l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, messieurs!

Affaires du jour.

Travaux parlementaires

M. Burns: M. le Président, en vertu de l'article 34...

Je vous ai, jeudi soir dernier, remis une motion en vertu de l'article 68, motion attaquant la conduite du ministre de la Fonction publique. Ce qu'il vient de dire ne m'incite pas du tout, mais vraiment pas du tout à retirer cette motion. Je vous demande quand la motion que j'ai inscrite, attaquant la conduite du ministre de la Fonction publique, lors d'une réponse qu'il adressait au chef de l'Opposition — et il vient juste de réitérer son genre de farces habituelles — sera inscrite au feuilleton et quand je pourrai débattre cette motion mettant en doute la conduite du ministre de la Fonction publique, tel que l'implique l'article 68.

Le Président: Je vais statuer sur cet avis de motion dans les meilleurs délais. Vous savez, dans les meilleurs délais. Dans les meilleurs délais. Je vais statuer, je vais considérer. C'est une implication. Lorsqu'on met en application l'article 68, cela ne doit pas se faire à la légère, et je dois vous dire que je vais statuer dans les meilleurs délais. Je vous demande votre collaboration; ce sera dans les meilleurs délais.

Il y a des questions qui n'ont jamais été soulevées, il y a des procédures qui sont prises, actuellement, contre des députés pour empêcher le droit de parole des députés ou celui des commissions de siéger. Ces questions m'ont été soumises et je ne peux pas les trancher toutes à l'instant. Je vous demande votre collaboration. Comme je l'ai fait dans le passé, je vais tenter de vous apporter une réponse le plus tôt possible.

M. Burns: Je vous donne d'avance ma collaboration. Est-ce que je peux humblement vous demander la vôtre et vous signaler qu'il est possible que d'ici quelques semaines la présente session soit prorogée, qu'il est possible également que ma motion devienne caduque si elle reste sur votre bureau et qu'il n'y a pas de décision? Sans vouloir vous presser, est-ce que je peux vous demander que votre décision nous soit rendue au cours de cette semaine?

Le Président: Au cours de cette semaine?

M. Burns: Est-ce trop vous demander?

Le Président: C'est très rare que j'aie retardé plus de quelques jours.

M. Burns: C'est pour cela que je ne pensais pas vous demander un fardeau trop lourd.

Le Président: Oui, sans aucun doute, vous l'aurez dans le courant de la semaine.

M. Roy: Est-ce que je pourrais demander à l'honorable leader du gouvernement si on pense pouvoir convoquer cette semaine la Commission des accidents du travail en commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre? Cela fait déjà un bout de temps que nous en parlons et nous sommes peut-être à l'avant-dernière semaine de nos travaux. Je ne vois rien au feuilleton, aujourd'hui, qui puisse nous donner un indice dans ce sens.

Alors, est-ce que le leader du gouvernement est en mesure de nous dire si c'est cette semaine qu'elle sera convoquée ou si on va attendre les derniers jours de la session, alors que tout le monde est surchargé, comme d'habitude?

M. Levesque: Alors, M. le Président, je n'ai pas d'objection à ce que la commission siège. Il faudrait simplement trouver le temps nécessaire pour que nous puissions entendre les représentations de la Commission des accidents du travail.

J'ai eu l'occasion de rencontrer, tout à fait par hasard, le président de la Commission des accidents du travail. Il est disposé à venir avec ses gens. Mais la seule chose, c'est qu'il faut que je trouve un moment propice où les députés seraient disponibles.

Je pense bien que le ministre du Travail n'a pas d'objection non plus. Il l'a d'ailleurs dit à maintes reprises. Il s'agira, à ce moment-là, de trouver un moment pour ce faire. Et si jamais la session se terminait avant que nous puissions rencontrer la Commission des accidents du travail, rien ne nous empêchera, dans les jours qui suivent, d'essayer de le faire.

M. Roy: M. le Président, l'honorable leader du gouvernement, qui n'a pas d'objection à ce que la commission parlementaire siège, pourrait-il, demain, nous donner une réponse définitive là-dessus? Cela fait quand même plus d'un an et demi que la motion a été adoptée par l'Assemblée nationale et nous allons tomber dans une autre session encore. Alors comme il y a des choses assez urgentes et que cette commission parlementaire devait siéger cet automne, avant même la reprise de nos travaux parlementaires, je ne voudrais pas qu'on retarde indûment et qu'on remette toujours d'une journée à l'autre. La réponse, c'est qu'on se retrouve devant une situation de fait: elle ne siège pas.

J'aimerais demander au leader du gouvernement si demain il pourrait nous donner une réponse définitive à ce sujet.

M. Levesque: M. le Président, je ne m'enga-

gérai pas à donner des réponses définitives à aucun moment parce que je ne suis pas en mesure de connaître d'avance quel sort sera réservé aux diverses mesures qui seront présentées. Mais je n'ai pas d'objection à tenter de répondre dans les meilleurs délais.

Le Président: Affaires du jour.

M. Levesque: M. le Président, article no 16.

Le Président: Le ministre n'est pas là.

M. Levesque: M. le Président, j'aimerais autant prévenir les députés, qui voudraient quitter, de rester.

Une Voix: Est-ce qu'il va y avoir un vote? M. Levesque: Oui.

Le Président: Article no 16? Le ministre des Affaires municipales propose la deuxième lecture du projet de loi no 83, Loi concernant le canton de Chicoutimi.

M. Levesque: Non, non, non. Article 16. Le Président: Article no 16.

M. Levesque: A moins que j'aie le mauvais numéro. C'était ça, l'article 16. Alors, l'article 14.

Le Président: Article 14.

M. Levesque: J'avais tourné une feuille de trop, c'était le feuilleton de vendredi.

Projet de loi no 80 Deuxième lecture (suite)

Le Président: Reprise du débat sur la motion de M. Levesque proposant l'adoption du projet de loi no 80, Loi prolongeant et modifiant la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires.

Je crois qu'il s'agit du droit de réplique de l'honorable ministre de la Justice...

M. Levesque: Alors, M. le Président... Le Président: ... qui mettra fin au débat.

M. Levesque: ... poursuivant mon droit de réplique, je propose l'adoption, en deuxième lecture de ce projet de loi.

Le Président: Est-ce que cette motion est... Vote? Je crois qu'il avait été décidé...

M. Levesque: Vote enregistré, M. le Président.

Le Président: II avait été décidé, vendredi, d'un vote enregistré.

Qu'on appelle les députésl

Vote de deuxième lecture

Le Président: A l'ordre, messieurs!

Que ceux qui sont en faveur de cette motion de deuxième lecture du projet de loi no 80 veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa, Levesque, Blank, Parent (Hull), Mailloux, Garneau, Cloutier, Phaneuf, Lachapelle, Berthiaume, Giasson, Cournoyer, Goldbloom, Simard, Quenneville, Mme Bacon, MM. Lalonde, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Toupin, Vaillancourt, Houde (Fabre), Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Perreault, Brown, Bossé, Bacon, Lamontagne, Bédard (Montmorency), Veilleux, Saint-Hilaire, Brisson, Séguin, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Fraser, Picard, Gratton, Gallienne, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Pepin, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault, Boutin, Chagnon, Marchand, Ostiguy, Caron, Ciaccia, Côté, Déom, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lapointe, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières, Verreault, Morin, Burns, Léger, Charron, Bédard (Chicoutimi), Samson, Bellemare (Johnson), Cho-quette, Roy, Leduc.

Le Secrétaire: Pour: 89 — Contre: 0 Le Président: Cette motion est adoptée.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. Levesque: M. le Président, article... Ah bon! M. le Président, je propose que ce projet de loi soit maintenant déféré à la commission parlementaire de la justice.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée? M. Burns: L'article 11?

Le Président: Non, le projet de loi no 80 est déféré à la commission parlementaire de la justice.

M. Burns: Ah! excusez. Oui, oui. D'accord, M. le Président. Adopté.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée? M. Burns: Adopté. Le Président: Adopté.

M. Levesque: Articles 24) et 25). Est-ce qu'on pourrait procéder à la deuxième et à la troisième lecture? Les projets de loi ont été étudiés en commission.

M. Burns: ...

Le Président: Deuxième lecture?

M. Levesque: Deuxième, d'abord, M. le Président.

Projets de loi privés nos 193 et 198

Deuxième lecture, commission plénière et adoption du rapport

Le Président: L'honorable député de Gatineau propose la deuxième lecture du projet de loi no 193, Loi refondant la charte de la cité de Hull. Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

Le Président: L'honorable député de Saint-Louis propose la deuxième lecture du projet de loi no 198, Loi concernant la ville de Saint-Laurent. Cette motion est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté, M. le Président.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

M. Levesque: Est-ce qu'on peut faire les écritures de la commission plénière?

M. Burns: Oui, M. le Président.

Le Président: Les écritures pour la commission plénière...

M. Levesque: De ces deux projets de loi.

Le Président: ... et adoption du rapport de la commission plénière.

M. Burns: C'est cela, M. le Président. Le Président: Adopté. M. Levesque: C'est tout?

M. Burns: A une prochaine séance, il faudra se trouver quelque chose à faire. On pourrait adopter la troisième lecture.

M. Levesque: Bon, voilà! Articles 2) à 10) inclusivement.

Le Président: Est-ce qu'on peut grouper ces motions de troisième lecture?

M. Burns: M. le Président, nous avons déjà donné notre consentement pour regrouper les projets de loi du revenu en un seul bloc. Le chef de l'Opposition m'a informé qu'il avait l'intention de ne faire qu'un seul discours sur l'ensemble des problèmes, en troisième lecture, de ces projets de loi.

Projets de loi nos 59, 71 à 78 Troisième lecture

Le Président: L'honorable ministre du Revenu propose la troisième lecture des projets de loi nos 59, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77 et 78.

L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. Levesque: M. le Président, je pense que les commissions ont été ajournées. Je prie le chef de l'Opposition de m'excuser. Je pense qu'il y a une commission qui a été ajournée, la commission des transports, des travaux publics et de l'approvisionnement, pour l'étude du projet de loi relatif à COGEMA; donc, M. le Président, je fais motion pour que cette commission puisse siéger immédiatement. Il y a également la commission des affaires municipales qui n'a pas terminé son travail et je propose qu'elle siège aussi immédiatement. Donc, deux commissions.

Le Président: Avec le consentement, est-ce que cette motion est adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Président: Ces deux commissions peuvent siéger immédiatement.

M. Levesque: Si on me le permet, je dirai que demain matin, à compter de dix heures, à la salle 91-A, la commission des consommateurs, coopératives et institutions financières entreprendra l'étude du projet de loi no 95, Loi modifiant la Loi concernant la fédération de Québec des unions régionales des Caisses populaires Desjardins. Donc, demain matin, à dix heures, à la salle 91-A.

Le Président: Messieurs, si vous voulez prendre vos...

Honorable député de Maisonneuve, s'il vous plaît, je crois que la journée du mercredi, demain, vous appellerez une motion inscrite au nom du député de Saint-Jacques?

M. Burns: Oui, M. le Président. Cette motion apparaît actuellement à l'article — je m'excuse auprès du député de Johnson, je l'ai mal informé; ce n'est pas à l'article 53, parce que le député de Johnson me l'avait demandé avant, et j'avais donné le no 53 — no 62, au feuilleton de mercredi dernier, le 3 décembre. C'est une motion qui est inscrite au nom du député de Saint-Jacques et qui se lit comme suit: "Que cette Assemblée est d'avis que la commission permanente des affaires sociales doit siéger sans délai pour étudier la situation des assistés sociaux et les problèmes soulevés par l'administration de la loi et des règlements de l'aide sociale et entendre les représentations des personnes intéressées".

Je m'excuse auprès du député de Johnson. A l'extérieur de la Chambre, je lui avais dit autre chose; je pensais que c'était une autre motion, mais c'est bien l'article 62 que nous appellerons demain, M. le Président.

Le Président: D'accord.

L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. Jacques-Yvan Morin

M. Morin: M. le Président, c'est pour la troisième lecture que j'ai voulu garder mes observations sur ces neuf projets de loi portant sur le revenu afin d'avoir le loisir de les examiner en commission, avant de vous faire part de mes commentaires sur les principes que contiennent ces lois fiscales.

En effet, ce sont des projets qui pour la plupart ne comportent que quelques articles et c'est à les examiner en commission qu'on découvre, quelquefois avec étonnement, les principes sur lesquels ils sont fondés. En l'occurrence, j'ai découvert avec grand intérêt que le fin mot de la politique fiscale et sociale du gouvernement, ce sont les chevaux.

Il y a en effet deux projets de loi qui accordent des privilèges, devrais-je dire aux éleveurs de chevaux libéraux ou aux éleveurs libéraux de chevaux.

J'ai quelques commentaires à faire, tout d'abord sur les projets de loi qui constituent la transposition du discours du budget, après quoi je vous entretiendrai des problèmes créés par la non-idexation, laquelle n'est pas encore prévue par les projets de loi que nous avons devant nous. Enfin, je vous entretiendrai des projets portant sur la race chevaline.

M. le Président, les projets de loi 59 et 71 à 78 constituent, en gros, la transposition législative de ce que le ministre des Finances nous avait annoncé dans le budget du 17 avril dernier, en plus, d'introduire un certain nombre de modifications mineures de concordance avec la loi fédérale car, une fois de plus, il s'agit surtout, par le truchement de ces projets de loi, de s'aligner sur les mesures fiscales décrétées par Ottawa. A l'exception toutefois de la plus importante modification introduite dans la loi par le gouvernement fédéral au cours des dernières années, j'entends l'indexation des exemptions et des paliers d'impôt. C'est là-dessus que je vais faire porter le gos de mes observations, comme je l'ai fait d'ailleurs en commission.

Nous savons tous, M. le Président, étant donné que ce n'est pas la première fois que nous en parlons dans cette Chambre, que pour la troisième année consécutive, en pleine période d'inflation, alors que celle-ci se fait plus galopante que jamais, le gouvernement a refusé d'indexer les exemptions et paliers d'impôt. C'est-à-dire qu'il a refusé d'adopter une mesure qui a été jugée essentielle par les gouvernements des neuf provinces canadiennes autres que le Québec et par le gouvernement fédéral lui-même. Quand on sait à quel point le gouvernement fédéral est loin de faire preuve de progressisme dans le domaine social, et qu'il adopte pourtant des mesures d'indexation de l'impôt sur le revenu, on peut juger du retard, de l'absence de politiques du gouvernement québécois dans ce domaine.

De surcroît le gouvernement n'a rien annoncé en matière d'indexation pour l'année qui va commencer le 1er janvier 1976. C'est dire que nous sommes devant une politique délibérée de non-indexation. Le gouvernement ne peut pas nous dire qu'il n'a pas eu le temps d'étudier les effets bénéfiques ou les inconvénients de l'indexation; voilà trois ans que nous en parlons dans cette Chambre, voilà trois ans que nous réclamons l'indexation de l'impôt sur le revenu, et voilà trois ans que le gouvernement refuse, en toute connaissance de cause et en alléguant toutes sortes de faux-fuyants, d'accorder cette mesure qui, pourtant, constitue un minimum en période d'inflation.

L'an passé, le ministre des Finances a remplacé l'indexation par certaines mesures dites sélectives. Cette année, le ministre nous a laissé entendre récemment qu'il n'y aurait même pas de coupures sélectives et il a même laissé planer la possibilité d'une augmentation des impôts, en pleine période d'inflation, de hausse du coût de la vie.

S'il fallait que, par-dessus le fardeau que portent déjà les contribuables et la perte du pouvoir d'achat qui ronge dans les budgets, particulièrement de ceux d'entre nous qui sont les plus démunis au Québec, les taxes augmentent, s'il fallait que ces maigres coupures dites sélectives qui étaient censées faire fonction d'indexation soient supprimées, dans ces conditions, je pense que nous serions devant des mesures socialement et économiquement rétrogrades, des mesures qui appauvriraient encore ceux qui déjà sont désavantagés sur le plan des revenus.

Dans le cas où la supression des coupures sélectives viendrait s'ajouter au refus d'indexer l'impôt sur le revenu, nous serions devant une hausse d'impôt déguisée et automatique, comme celles dont nous avons été témoins depuis deux ans, celles qui ont coûté $200 millions aux Québécois pour l'année 1974; pour l'année 1975, on parle d'ailleurs de chiffres comparables.

M. le Président, si l'on s'apprête non seulement à augmenter les impôts, mais que, de surcroît, on refuse d'indexer les impôts existants, nous serons devant une double hausse d'impôt lors du prochain budget. C'est ce qu'appréhende l'Opposition officielle. Mais je puis vous assurer, M. le Président, que nous allons dénoncer ce procédé sur toutes les tribunes qui nous seront offertes, que nous dénoncerons ces mesures rétrogrades sur le plan social comme sur le plan économique.

Justement, le gouvernement fédéral, dont on ne saurait dire qu'il est à l'avant-garde du progrès social, vient d'annoncer, pour 1976, une indexation des exemptions et des paliers d'imposition. Cette indexation va atteindre 11.3% après des in-

dexations de 10.1% en 1975 et de 6.6% en 1974. Cet ajustement de l'indexation à la hausse du coût de la vie permettait aux contribuables de ne pas perdre entièrement ou même partiellement le bénéfice des hausses de salaires qui ont été accordées soit par la fonction publique, soit dans l'entreprise privée, pour permettre aux travailleurs de faire face à la hausse du coût de la vie, pour leur permettre de maintenir leur niveau de vie, si l'on peut parler de niveau de vie lorsqu'il s'agit des gens qui se trouvent au salaire minimum ou sous l'empire des lois d'aide sociale.

M. le Président, le moins que le gouvernement pouvait faire pour 1976, c'était de s'aligner sur les mesures fédérales. Oh! je sais bien que cela aurait entraîné un manque à gagner. Je sais bien que les impôts n'auraient pas augmenté subrepticement sans même que les contribuables puissent constater qu'ils l'avaient été officiellement. Je sais bien que c'est commode de laisser les paliers d'impôt ravir aux gens qui obtiennent des augmentations de salaires et qui montent de palier la majeure partie de l'augmentation qu'ils ont reçue. Aussi, M. le Président, pour la nième fois, je dois m'insurger contre ce procédé du gouvernement.

On ne saurait taxer les dix autres gouvernements de ce pays de progressisme dans le domaine social et, pourtant, ils ont adopté ce minimum de mesures pour que les citoyens ne soient pas doublement victimes de l'inflation, victimes tout d'abord lorsqu'ils doivent payer les prix qui ne cessent d'augmenter, en dépit d'ailleurs des mesures anti-inflationnistes.

Vous avez sans doute vu, dans les données toutes récentes, que depuis que M. Trudeau a annoncé ces mesures anti-inflationnistes les prix ont augmenté plus rapidement qu'auparavant. Non seulement les citoyens devront payer pour ces prix haussés, mais ils devront continuer de voir la meilleure partie des augmentations de salaire qu'ils obtiendront pour lutter contre l'inflation passer tout doucement entre les mains du gouvernement Bourassa.

En second lieu, deux des projets de loi dont nous avons discuté en commission ont pour effet de prolonger des mesures fiscales d'aide à l'industrie. Je pense, en premier lieu, au projet de loi no 72 qui offre une déduction qui va de 30% à 50% et même à 100% des investissements industriels, des profits imposables. Ce pourcentage de 30%, de 50% ou de 100% varie selon la région. J'imagine que le but de cette loi est d'attirer de nouveaux investissements, notamment dans le secteur secondaire, dans les régions périphériques du Québec. Il s'agit cependant de mesures absolues, qui n'ont aucun caractère sélectif. Je veux dire par là que ces rabais d'impôt, ces déductions ne s'appliquent pas à tel genre d'industries que l'on voudrait attirer dans telle région. Autrement dit, cela ne correspond à aucune espèce de planification de l'économie régionale. L'effet de cela va être d'accorder des diminutions d'impôt à des entreprises qui n'ont ont vraiment aucun besoin, des entreprises rentables et qui, pour échapper sans doute à l'imposition, vont aller s'implanter dans les régions visées par le projet. Il aurait fallu une politique beaucoup plus sélective, une politique qui ferait que les industries qui ont vraiment besoin de ces déductions puissent en profiter, mais que les autres, qui sont déjà grassement rentables, n'aillent pas chercher, dans certains cas, une déduction de 100% de leurs investissements industriels.

Quant au projet de loi no 76, qui porte sur la vente au détail, on y prolonge l'exemption de la taxe de 8% sur l'équipement industriel. Encore une fois, c'est une mesure non sélective qui allège le fardeau fiscal d'entreprises qui peuvent être florissantes. On s'étonne, après cela, d'avoir sans doute à augmenter les impôts sur les revenus des particuliers comme cela est possible, à ce qu'on nous a laissé entendre, dans le prochain budget. Si vraiment le gouvernement proposait des politiques plus sélectives en matière d'exemption d'impôt sur les sociétés industrielles en particulier, peut-être sentirait-on moins l'obligation d'augmenter les impôts sur les revenus des particuliers.

Enfin, j'en viens, dans ces commentaires qui seront très brefs, à ce que je considère être le fin du fin de la politique fiscale et sociale du gouvernement Bourassa. Cette politique est contenue dans deux projets de loi, les numéros 76 et 77, qui accordent des avantages aux chevaux. Quelques mots d'abord sur le premier projet, le numéro 76. On y exempte totalement de la taxe de vente les chevaux. Autrefois, on exemptait seulement les chevaux qui étaient destinés aux travaux de la ferme.

Cette fois tous les chevaux, qu'ils soient considérés comme un bien essentiel sur la ferme ou comme un bien de luxe, comme cela se voit de plus en plus dans nos campagnes, tous les chevaux vont bénéficier de cette exemption totale de la taxe de vente.

M. le Président, ceux qui vont bénéficier de cet amendement, ce sont avant tout ceux qui élèvent des chevaux pour des fins de loisirs personnels ou pour des fins lucratives. Le gouvernement se lance à bride abattue dans les concessions aux éleveurs de chevaux. Et en ce qui me concerne, je dirais que si vraiment on veut proposer une politique pour favoriser ce genre d'industrie, ce genre de commerce, eh bien! qu'on le dise clairement et qu'on les subventionne. Que les citoyens sachent en quoi consiste le dernier cri de la politique sociale du gouvernement. Que les citoyens sachent que ce sont les chevaux qui font l'objet de la plus grande considération du gouvernement. Qu'on se rende compte que les éleveurs de chevaux vont obtenir plus d'attention que certains citoyens. La même chose pourrait être dite du projet de loi no 78, qui autorise la remise de 7/10 de 1% des mises à une corporation destinée à aider l'industrie des chevaux de course.

M. le Président, j'ai demandé au ministre, en commission parlementaire, de me fournir des chiffres; j'espère qu'il va me les donner tout à l'heure. Il m'a dit que vers quatre heures et demie il pourrait sans doute me les donner, mais j'ai lieu de

croire — et le ministre pourra infirmer mes dires tout à l'heure s'il le veut — que cette disposition représente des montants très élevés. Il s'agit évidemment d'aider tous ceux qui s'occupent de pari mutuel, du commerce des chevaux, M. le Président, j'entends déjà les hennissements de satisfaction des libéraux qui, sans doute, font partie du lobby qui a obtenu ces concessions.

En ce qui me concerne, je les trouve regrettables. Si c'est vraiment cela les mesures d'allégement fiscal que les Québécois pouvaient attendre, eh bien! c'est vraiment la fin de tout. Alors que les Québécois se débattent, sont aux prises avec les conditions que nous connaissons, inflation, chômage, voilà qu'on se soucie, par deux projets de loi, des chevaux et de ceux qui les montent.

M. le Président, j'estime pour ma part que ces mesures fiscales n'apportent rien qui vaille à la population québécoise, rien qui lui permette d'affronter les conditions économiques de l'heure. Je me serais attendu, à tout le moins, à quelques mesures qui auraient porté, par exemple, sur des allégements sur les produits essentiels et non sur les chevaux. La quintessence de la politique fiscale et sociale du gouvernement, ce sont les chevaux. M. le Président, je commence à comprendre beaucoup de choses maintenant quant à la façon d'administrer du gouvernement Bourassa.

En conclusion, je dirai que nous n'avons pas de raison majeure de voter contre la plupart de ces projets de loi. En ce qui concerne les projets de loi nos 76 et 77, portant sur les chevaux, nous allons voter contre. Mais pour les autres, ils sont tellement anodins, tellement techniques que nous n'avons pas d'objection à ce qu'ils soient adoptés.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Blank): Le ministre du Revenu.

M. Robert Quenneville

M. Quenneville: Comme le notait, tantôt, le chef de l'Opposition, les projets de loi nos 59 et 71 à 78 inclusivement ont été déférés à la commission parlementaire des finances, des comptes publics et du revenu pour étude.

Ils ont introduit, d'une façon générale, des mesures fiscales annoncées par le ministre des Finances dans le discours sur le budget qu'il prononçait le 17 avril 1975 et, de façon particulière, des mesures fiscales dont faisait état la déclaration ministérielle du 19 décembre 1974 et qui n'ont pas été incorporées au projet de loi no 19 qui modifiait la loi sur les impôts qui fut sanctionnée le 19 juin 1975.

Ces projets de loi contiennent également des dispositions d'ordre technique ou de concordance avec la législation en vigueur au pays. Le chef de l'Opposition nous a servi du réchauffé en nous parlant, encore une fois, de l'indexation, tout comme il l'a fait à la commission parlementaire et aussi lors du débat à la suite du discours sur le budget.

La politique du gouvernement est tout autre.

Elle a été brillamment défendue à ce moment par le ministre des Finances. Permettez-moi de résumer en quelques mots les raisons qui sous-tendent cette politique. Afin de pallier les pressions inflationnistes qui demeurent inquiétantes et qui ne semblent pas devoir se résorber totalement et pour contrer la diminution de la demande qui entraîne un certain ralentissement pour la croissance de l'économie, le gouvernement se devait d'intervenir, comme le disait le ministre des Finances, lors de la présentation du discours sur le budget, par une politique fiscale expansionniste.

Face à un certain ralentissement de la demande, plusieurs entreprises ont retardé leurs investissements dans l'attente d'une conjoncture plus propice. Comme stimulant aux entreprises du secteur secondaire, le gouvernement propose que soient maintenus, pour une période additionnelle de deux ans, soit jusqu'au 31 mars 1977, d'une part, les avantages fiscaux qui étaient accordés aux entreprises de fabrication et de transformation à l'égard des investissements dans l'achat de biens en machineries et équipement et, d'autre part, l'exonération de taxes de vente lors de l'achat de machineries industrielles.

Comme une action centrée uniquement sur les investissements ne saurait être suffisante, elle doit se doubler d'une politique de soutien du revenu. Reconnaissant cette nécessité, le gouvernement a décidé de réduire, de façon massive, l'impôt sur le revenu des particuliers. Au lieu de procéder à une baisse générale de l'impôt sur le revenu des particuliers par des mécanismes automatiques comme l'indexation, préconisée par l'Opposition, qui eut davantage favorisé les contribuables à revenus élevés, le gouvernement propose des réductions substantielles d'impôts qui profiteront surtout aux moins fortunés et à ceux qui ont charge de famille.

Du point de vue social, les réductions fiscales sélectives que nous proposons, soit le relèvement des exemptions personnelles et l'exonération d'impôts de la première tranche du revenu imposable, sont bien supérieures à l'indexation automatique.

Suite aux modifications qui sont proposées à l'impôt des particuliers, les trois quarts de la diminution d'impôt envisagée, qui totalisent $340 millions, seront répartis entre les contribuables dont le revenu est inférieur à $10,000.

Disons, en passant, que ces $340 millions dépassent de beaucoup ce qu'aurait rapporté l'exemption par le mécanisme de l'indexation pour le même temps, c'est-à-dire pour les deux années. De plus, la majoration des exemptions personnelles et surtout les exonérations d'impôt sur les premiers deux mille dollars de revenu imposable feront que 300,000 Québécois s'ajouteront au groupe des contribuables qui n'ont pas d'impôt à payer.

Suite à l'adoption par l'Assemblée nationale du projet de loi no 19 qui fut sanctionné le 19 juin 1975, une exonération d'impôts sur les premiers mille dollars de revenus d'intérêts était accordée pour l'année d'imposition 1974.

En vue d'intéresser davantage les Québécois à l'épargne, nous proposons que, pour l'année d'imposition 1975 et les années subséquentes, cette exemption englobe les revenus de dividendes d'entreprises canadiennes.

Le gouvernement propose également d'alléger le fardeau fiscal de certains contribuables dont la majeure partie des revenus provient, entre autres, d'une pension de retraite en exonérant de l'impôt les premiers $1,000 de tels revenus.

Suite aux allégements proposés à l'égard de cette catégorie de contribuables, le revenu d'un couple âgé, qui tire normalement sa subsistance de régimes de retraite et d'intérêts ou dividendes, pourra atteindre, dans certains cas, plus de $10,000 avant de devenir imposable.

Dans le cadre d'un mouvement amorcé en 1972, le ministre des Finances faisait état, dans son discours sur le budget prononcé le 29 mars 1973, d'une réduction graduelle de l'impôt successoral jusqu'à son abandon éventuel. Maintenant que les gains de capital sont imposés et qu'il y a présomption de gain au moment du décès, l'impôt successoral trouve moins sa raison d'être comme mesure de redistribution de la richesse. C'est ainsi que, depuis le 1er janvier 1974, l'impôt successoral a déjà été réduit de 40%. Le gouvernement propose, à compter du 1er janvier 1976, de porter cette réduction à 60%.

Le gouvernement propose également d'apporter certains adoucissements d'impôt sur les dons par le relèvement des exemptions, ce qui aura pour effet d'exonérer, dans certains cas, de l'impôt certains dons pouvant totaliser $30,000.

Le chef de l'Opposition a insisté sur trois mesures, à savoir l'exemption sur l'achat de machines industrielles, sur l'élevage des chevaux et...

M. Morin: Sur les paris mutuels.

M. Quenneville: ... sur les paris mutuels. Je pense bien que les mesures fiscales qui ont été adoptées par le ministre des Finances et par l'Assemblée nationale sont des mesures incitatives. Contrairement à ce que le chef de l'Opposition prétendait, ces mesures sont en effet sélectives, puisqu'elles sont attribuées après consultation avec le ministère de l'Industrie et du Commerce pour ce qui regarde la machinerie industrielle. A ce moment-là, on essaie de faire une distribution géographique équitable pour toute la population des industries du secondaire. C'est donc dire que la distribution se fait de façon juste non seulement à l'intérieur des grandes villes, mais aussi dans la périphérie, c'est-à-dire dans les régions excentriques.

Pour ce qui est de l'élevage des chevaux, je pense que le chef de l'Opposition a sous-estimé cette industrie.

M. Morin: Je ne sous-estime pas le "lobby", cependant.

M. Quenneville: Jusqu'ici, effectivement, l'exemption de taxes se faisait...

M. Veilleux: Encore des accusations!

M. Quenneville: ... pour les chevaux devant servir à l'agriculture. Nous avons, comme province, à concurrencer une industrie similaire des provinces voisines et aussi des Etats-Unis. C'est la raison pour laquelle des exemptions ont été données pour permettre une saine concurrence dans ce domaine, à savoir l'élevage des chevaux servant à d'autres fins que l'agriculture.

Contrairement à ce que prétendait tantôt le chef de l'Opposition, ces montants ne sont sûrement pas énormes; ils représentent environ $1.5 million. Mais j'aurai l'occasion, d'ici à quelques minutes, de pouvoir vous remettre des chiffres plus précis, même si ces chiffres sont basés, jusqu'à un certain point, sur l'extrapolation des paris mutuels et des ventes possibles de chevaux au cours de l'année. On ne peut pas le savoir à l'avance, mais, en se basant sur les chiffres des années antérieures, on est en mesure quand même d'apporter des chiffres approximatifs.

M. Morin: Le ministre me permettrait-il une petite question?

M. Quenneville: Oui.

M. Morin: Puisqu'il s'agit de subventionner une industrie qui fait face à la concurrence de l'extérieur, le ministre ne croirait-il pas opportun de procéder de façon claire et objective en accordant carrément une subvention à cette industrie pour le temps durant lequel elle en aura besoin pour se mettre sur pied, plutôt que de procéder de la façon dont il le fait, en supprimant la taxe de vente sur un bien qui demeure un luxe?

M. Quenneville: Est-ce qu'il faudrait, à ce moment-là, donner une subvention sans savoir l'usage du cheval par la suite? C'est la raison pour laquelle, effectivement, on a inscrit à l'intérieur de la même loi: Des chevaux devant servir à d'autres fins que l'agriculture, c'est-à-dire aux courses, à l'équitation, de façon que cette subvention puisse rejoindre surtout ceux qui en ont besoin.

Alors, je vois mal, pourquoi donner une subvention; je pense que c'est une méthode d'incitation valable comme toutes les autres mesures, d'ailleurs qui sont traduites dans ces lois 59, 71 à 78 inclusivement. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Blank): Je comprends que le chef de l'Opposition veut voter contre ces projets de loi?

M. Morin: M. le Président, nous sommes disposés à voter pour les lois nos 59, 71, 72, 73, 74, 75 et 78, mais nous voterons contre les projets de lois nos 76 et 77.

Le Vice-Président (M. Blank): D'accord.

M. Morin: Autrement dit, nous pourrions les adopter sur division, dans ces deux cas-là.

Le Vice-Président (M. Blank): La motion de troisième lecture du projet de loi no 59, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts et modifiant la Loi concernant l'application de la Loi sur les impôts, est-elle adoptée?

Adopté.

La motion de troisième lecture du projet de loi no 71, Loi modifiant la Loi du ministère du revenu, est-elle adoptée?

M. Morin: Adopté.

Le Vice-Président (M. Blank): Adopté. La motion de troisième lecture du projet de loi no 72, Loi modifiant la Loi favorisant le développement industriel au moyen d'avantages fiscaux, est-elle adoptée?

M. Morin: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.

La motion de troisième lecture du projet de loi no 73, Loi modifiant la Loi autorisant le paiement d'allocations à certains travailleurs autonomes, est-elle adoptée?

M. Morin: Bien, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.

La motion de troisième lecture du projet de loi no 74, Loi modifiant la Loi de l'assurance-maladie, est-elle adoptée?

M. Morin: Volontiers, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.

La motion de troisième lecture du projet de loi no 75, Loi modifiant la Loi des droits sur les successions, est-elle adoptée?

M. Morin: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Blank): Adopté. La motion de troisième lecture du projet de loi no 76, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur la vente en détail, est-elle adoptée?

M. Morin: Sur division.

Le Vice-Président (M. Blank): Adopté sur division. La motion de troisième lecture du projet de loi no 77, Loi modifiant la Loi de la taxe sur les repas et l'hôtellerie, est-elle adoptée?

M. Morin: Egalement sur division.

Le Vice-Président (M. Blank): Adopté sur division. La motion de troisième lecture du projet de loi no 78, Loi modifiant la Loi des licences, est-elle adoptée?

M. Morin: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.

M. Bienvenue: Dix-sept, M. le Président.

Projet de loi no 250 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Blank): Le ministre des

Affaires sociales propose la deuxième lecture du projet de loi no 250, Loi modifiant de nouveau la Loi de l'assurance-maladie. Le ministre des Affaires sociales.

M. Morin: M. le Président, avec votre permission, est-ce que vous pourriez suspendre la séance quelques instants, pour que le député de Saint-Jacques ait le temps de descendre en Chambre? Je suis sûr que le ministre voudra bien en convenir, puisque c'est un débat qu'il a avec le député de Saint-Jacques.

M. Forget: Sûrement.

Le Vice-Président (M. Blank): D'accord, nous suspendons la séance pour cinq minutes. A l'ordre, messieurs!

M. Claude Forget

M. Forget: M. le Président, j'ai peur de décevoir un peu cette Assemblée qui attend depuis quelques minutes ce débat de deuxième lecture parce que le. projet de loi que nous avons devant nous se prête bien peu à des débordements d'éloquence. Il s'agit d'une mesure dont la rédaction est extrêmement technique et dont l'effet, si l'on veut la résumer en des mots plus simples, est de conserver aux bénéficiaires d'aide sociale qui se situent dans le groupe d'âge de 60 à 64 ans et qui sont les conjoints d'une autre personne qui, elle, a plus de 65 ans, les avantages de l'assistance-médicaments dont ils jouissent présentement et dont ils cesseraient de jouir si cette mesure n'était pas adoptée.

En effet, le 1er octobre de cette année, le projet de loi C-62, adopté par la Chambre des communes du Canada, devenait en vigueur. Dans cette loi, l'article 5 comporte une partie 11-1 qui s'ajoute à la Loi sur la sécurité de la vieillesse et qui introduit une nouvelle prestation à l'avantage des personnes que je viens de décrire, c'est-à-dire des personnes qui sont les conjointes entre 60 et 64 ans d'une deuxième personne qui, elle, est bénéficiaire des pensions de sécurité de la vieillesse. Recevant donc cette nouvelle prestation, ces nouveaux prestataires du programme fédéral deviennent inéligibles à l'aide sociale. Devenant inéligibles à l'aide sociale, ils perdent l'une des conditions essentielles au bénéfice de l'assistance-médicaments. Afin de leur conserver, encore une fois, ce privilège, il est nécessaire d'amender notre Loi de l'assurance-maladie en vertu de laquelle nous assurons cette couverture de l'assistance-médicaments.

C'est donc l'objet de cette loi qui, dans son article 1, autorise la régie à assumer le coût des services d'assistance-médicaments, dans son article 2, établit une disposition de concordance et, dans son article 3, autorise le ministre des Affaires sociales à émettre les carnets de réclamation, c'est-à-dire la preuve d'éligibilité qui permet à un bénéficiaire de se présenter dans une pharmacie et de bénéficier sans frais des avantages du régime.

Voilà tout ce qu'il est vraiment convenable et possible de dire sur cette mesure qui affecte un

total d'environ 6,500 personnes bénéficiaires, encore une fois, de l'aide sociale jusqu'au début d'octobre de cette année. Elle continuera à s'appliquer de la même façon au cours des années futures c'est-à-dire qu'au fur et à mesure que les personnes bénéficiaires de l'aide sociale atteignent l'âge de 60 ans et deviennent admissibles aux mesures fédérales de prestation au conjoint, elles perdent le bénéfice de l'aide sociale. A ce moment-là, cette loi continuera de leur donner l'assistance-médicaments.

Ce n'est donc pas une loi qui vise seulement la situation créée par l'adoption de la loi fédérale en octobre mais qui continuera d'avoir une application au cours des années futures. Voilà donc, M. le Président, tout ce qu'il est possible de dire sur cette loi. J'en recommande, il va sans dire, son adoption expéditive.

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. Charron: M. le Président, il est exact, comme vient de le dire le ministre des Affaires sociales, qu'il n'est guère possible de dire plus sur cette loi que ce qu'il a dit lui-même, mais il aurait été possible de faire plus dans cette loi que ce qu'il a fait lui-même. Si je choisis d'intervenir à ce moment-ci dans ce débat de deuxième lecture, c'est justement pour indiquer que la portée de la loi, cette loi-ci ou une autre que le ministre aurait pu choisir de présenter, aurait pu être tout à fait différente lorsqu'il décidait de modifier de nouveau la Loi de l'assurance-maladie.

En fait, M. le Président, il n'a guère de choses à dire de plus que la nécessité de rétablir la justice. Voilà donc le fait. Cette Assemblée avait précédemment décidé que toute personne bénéficiaire de la Loi de l'aide sociale avait en même temps droit à une assistance-médicaments. Cette décision, je pense qu'aucun député de l'Assemblée ne veut y contrevenir, ni même la remettre en question. Au contraire, je pense que plusieurs d'entre nous espérons beaucoup plus l'étendre et l'élargir.

Or, l'initiative fédérale, celle-là aussi endossable, d'étendre aux conjoints des pensionnés l'allocation à laquelle ils ont droit, leur faisait perdre le statut de bénéficiaires de l'aide sociale et les écartait donc de ce qui nous avait apparu, à un moment ou à un autre, comme un strict minimum de justice à l'égard de ces personnes. Personne ne s'opposera donc à rétablir ce droit, mais nous ne faisons toutefois que rétablir un droit très restreint. Nous ne faisons, par cette loi, que rétablir la normale précédemment décidée par cette Assemblée, comme je le disais tantôt, mais nous ne procurons en rien à qui que ce soit de Québécois, aujourd'hui, un bénéfice de plus, un service de plus, une garantie de plus ou une assurance de plus que ce qu'il n'avait précédemment. La loi est à ce point technique qu'elle ne fait que rétablir et justice et faits.

Or, M. le Président, une société qui se permet des extravagances des plus olympiques pourrait en même temps faire plus pour les personnes âgées qu'elle ne le fait. Non seulement rétablir un droit qui a déjà vécu, mais l'étendre. Lors de la discussion des crédits du ministre des Affaires sociales, au printemps dernier, sans avoir la citation devant moi, je crois être fidèle à ses propos en rappelant que nous avions établi que, dans les catégories de personnes âgées, en fait, les deux tiers ou à peu près de ces personnes âgées recevraient déjà, actuellement, une assistance-médicaments.

Les unes, le premier tiers, parce qu'elles sont en même temps bénéficiaires d'un régime de supplément de revenu garanti, qui enchaîne l'assistance-médicaments. C'est le cas d'un tiers de ces personnes. Autrement dit, les personnes qui n'ont, comme unique revenu, que la pension de vieillesse ont donc en plus un supplément de revenu garanti qui leur assure une assistance-médicaments. L'autre tiers, c'est un tiers dont nous parlons actuellement, les assistés sociaux, de 65 ans ou plus ou moins qui, parce qu'ils sont bénéficiaires de l'aide sociale, ont déjà droit à l'assurance-médicaments.

Mais il reste un tiers des personnes âgées, pensionnées par le gouvernement fédéral, qui doivent encore gruger, à partir de leur propre budget, les sommes requises aux médicaments qu'ils doivent prendre.

Ce groupe de notre collectivité ne doit pas demeurer plus longtemps une exception. Quand j'examine les ressources et les possibilités de cette collectivité, je dis que ce groupe n'a pas à faire les frais d'une injustice qui, ailleurs, peut être transposée avec beaucoup plus de poids. Je crois que cette catégorie de personnes âgées devrait — la somme établie l'année dernière était de $9 millions — avoir droit, elle aussi, à une gratuité des médicaments. Le budget du Québec n'en serait pas bouleversé, aucunement. Il s'agit d'une somme qui peut atteindre au maximum, avons-nous fixé au printemps dernier, les $10 millions. Ce montant peut être payé par une société qui se permet d'investir des milliards de dollars dans des projets incontrôlés et dont les coûts sont inconnus encore quant à leur portée réelle, une société qui se permet de reprendre en main un chantier où le déficit connu est de $600 millions pour des édifices sportifs. Combien d'autres extravagances et dépenses pourrais-je aligner, que les députés de cette Assemblée connaissent également, mais qui sont toujours soutenues par le gouvernement, toujours défendues même par le gouvernement. Combien de ces extravagances sont parfois beaucoup plus coûteuses qu'un soin légitime, normal à assurer à cette catégorie de gens qui ont construit le Québec dans lequel nous vivons actuellement.

Il ne s'agirait pas, non plus, uniquement d'étendre la gratuité des médicaments à l'ensemble des personnes âgées et à leur conjoint de 60 ans et plus, mais aussi d'élargir — j'espère qu'au sein du ministère on s'y apprête — la liste des médicaments auxquels ceux qui bénéficient déjà de l'assistance-médicaments sont appelés à se limiter. Je veux faire état ici de mon expérience de comté, de mon expérience de député dans un

quartier de Montréal où plusieurs de mes concitoyens sont effectivement directement visés par ce projet de loi que nous sommes appelés à voter aujourd'hui. D'autres députés aussi pourraient intervenir.

Plusieurs de nos commettants, bénéficiaires de l'aide sociale ou du supplément de revenu garanti, donc ayant droit à l'assistance-médicaments en théorie, doivent quand même, à partir de leur revenu fort modeste, débourser des sommes pour des médicaments parce que ces médicaments ne sont pas compris dans la liste, parce que ces médicaments ne sont pas ceux reconnus par le ministère des Affaires sociales. La semaine dernière, j'ai eu l'expérience de me faire déposer sur mon bureau par — j'allais dire une patiente — une concitoyenne de mon comté, une boîte de pilules fort coûteuses non prévues et non couvertes par l'assistance-médicaments et qu'elle devait elle-même couvrir — c'était sa maladie, c'était sa prescription médicale — à partir d'un revenu fort modeste comme bénéficiaire de l'aide sociale.

Nous devons élargir cette liste, mais je sais que nous ne devons pas le faire à la bonne franquette. Je pense que le ministre conviendra que nos propos à la commission des affaires sociales, au printemps dernier, n'étaient pas de cette allure et ne faisaient pas cette demande. Il ne s'agissait pas d'inclure tous les médicaments sans examen, sans analyse, suffirait-il de la prescription de quelque médecin ou de quelque inventeur que ce soit. Nous n'avons jamais réclamé ce genre d'intervention de la part du gouvernement. Il faut que le gouvernement garde un contrôle d'analyse sur la qualité des médicaments prescrits, parce qu'entre autres choses il y a un but à maintenir permanent dans notre esprit lorsque nous nous attaquons à ce genre de problèmes, c'est la surmédicamentation dont plusieurs de ces personnes font souvent abus et parfois même sur le conseil de leur médecin.

Il est vrai qu'un certain nombre de médicaments déjà inclus dans la liste de ceux couverts par l'assistance-médicaments, connaissent des consommations abusives.

Par besoin psychologique ou par besoin de rassurer son patient, il se peut qu'un médecin prescrive, étant donné que c'est gratuit pour le patient, mais que c'est la collectivité qui défraie le coût, des médicaments non nécessaires. Il en va de la conscience comme du comportement professionnel de ces médecins, ce qui est autre chose. Je ne demande donc pas qu'on conduise à une surmédication, mais que cette liste, annuellement révisable et révisible, le soit effectivement pour encadrer des médicaments dont la prescription devient de plus en plus fréquente et qui, pour le moment, même si cette personne se classe dans des catégories de personnes âgées déjà visées par l'assistance-médicaments, demeurent hors de sa portée à cause du prix ou à cause de la prescription médicale qui convient.

Notre position demeure donc claire là-dessus; avant d'endosser des extravagances de dépenses publiques dont cette Chambre a été saisie à telle- ment d'occasions, il nous semble essentiel qu'une Loi modifiant de nouveau la Loi de l'assurance-maladie ne fasse pas que rétablir un droit précédemment reconnu par cette Assemblée à l'égard des personnes âgées. En plus de cela, elle doit apporter du nouveau, et le nouveau que cette loi aurait dû apporter — nous la soutiendrons, bien sûr, parce qu'il s'agit d'établir justice — c'est la gratuité des médicaments à l'ensemble des personnes âgées, sans distinction de leur source de revenus, donc mesure universelle, et en même temps à leur conjoint de 60 ans et plus pour suivre l'initiative fédérale dans ce domaine.

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Johnson.

M. Maurice Bellemare

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je voudrais ajouter quelques considérations à ce projet de loi no 250. C'est sûrement destiné à permettre à la Régie de l'assurance-maladie de payer le coût des services et des médicaments que fournissent les pharmaciens, sur ordonnance d'un médecin ou d'un chirurgien dentiste, à toute personne de 60 ans ou plus et de moins de 65 ans admissible à la pension de sécurité de la vieillesse.

M. le Président, je me réjouis de cette loi, parce qu'elle est conforme, je pense, à l'amendement qu'a apporté le gouvernement fédéral dans sa loi qui permet au conjoint qui a le surplus de bénéfice, le surplus de vieillesse de qualifier son épouse qui, dans des circonstances particulières, n'arrive pas à retirer suffisamment pour vivre.

Ma première considération c'est quand allons-nous, dans la province de Québec ou dans le pays — bien entendu, c'est une loi fédérale — adopter le principe de la pension de vieillesse avec un décalage d'un an par année, 65, 64, 63, 62 ans pour arriver à la pension de vieillesse à 60 ans? Pour couvrir tous ces gens...

Voulez-vous me regarder deux minutes, voulez-vous m'aider deux minutes? Parce que vous me dérangez un peu. C'est difficile de répondre à un ministre comme cela.

Il y a déjà plusieurs années que nous demandons que cette pension de vieillesse soit descendue à 60 ans pour aider tous ceux qui vivent présentement des situations extrêmement difficiles — j'en donnerai un exemple dans quelques instants — au point de vue financier, ceux qui sont exclus de ces bénéfices que leur accorde, aujourd'hui, la nouvelle loi.

Vous avez, par exemple, une veuve; son mari travaillant au CPR, comme employé de chemin de fer, depuis plusieurs années, meurt. Il laisse cette femme de 61 ans, par exemple, dans une situation extrêmement difficile, parce que la demi-pension qui est accordée ne permet pas de recevoir d'autres pensions. Et comme elle n'est pas suffisamment riche, mais qu'elle est dans un état moyen entre le trop que lui défend la loi et le nécessaire qu'elle peut obtenir, elle est dans une situation, jusqu'à 65 ans, extrêmement difficile pour vivre et elle n'a

pas les bénéfices que lui accorde cette nouvelle loi. Je dis donc qu'il y a une foule énorme; si je regarde la statistique, je trouve qu'il y a 12% de veuves de 60 jusqu'à 65 ans qui auraient droit à certains privilèges qu'accorde ce projet de loi no 250 et qui ne les ont pas.

Je ne dis pas que c'est un pourcentage épouvantable, extraordinaire, mais je dis que voici une classe qui représente un certain nombre de personnes qui sont veuves ou même veufs et qui ne peuvent pas bénéficier de ces avantages de la loi. Je crois que l'intention du gouvernement, actuellement, est de pouvoir faire bénéficier le conjoint pour autant qu'il est qualifié pour le supplément.

En ce qui regarde ce document, je pense que 12% de la population entre 60 et 65 ans ne peuvent toucher aucune prestation ou aucun revenu les aidant, soit en pharmacie ou en dentisterie. Ces gens sont actuellement dans une situation extrêmement précaire parce que, à part le strict nécessaire que leur apporte une demi-pension ou certains revenus de loyer qui, aujourd'hui, à cause des circonstances, ne représentent plus 12% d'intérêt sur un capital investi, mais bien 7% à cause des taxes et des nombreuses obligations qu'ils ont, parce que lorsqu'on fait réparer un logement aujourd'hui, je n'ai pas besoin de vous dire que cela coûte extrêmement cher et on est pris avec la loi de la régie des loyers qui ne peut, en certaines circonstances, être modifiée.

Je dis donc, M. le Président qu'en ce qui regarde la pension de vieillesse, on devrait penser plus que jamais à la ramener à 60 ans pour tout le monde, ce qui permettrait de bénéficier par le fait même de tous ces avantages sociaux, parce qu'à 60 ans, c'est difficile pour une femme ou une veuve d'aller travailler à la Place Des Rivières, chez Pollack ou dans un magasin. Je pense que, lorsqu'on a atteint un certain âge, on est moins préparé à aller chercher le supplément qui sera nécessaire pour la vie.

Deuxième chose. Il y a sûrement au ministère des Affaires sociales des statistiques qui nous montrent combien certains médicaments sont employés sans discernement. J'ai rencontré tout dernièrement un employé qui me disait: C'est effarant le nombre de dollars, centaines de milliers de dollars que coûtent les médicaments dans la province de Québec, contrairement à l'Ontario où il y a une différence énorme dans l'application, surtout pour les médicaments offerts à la clientèle. C'est une chose sur laquelle le gouvernement devrait avoir un oeil bien particulier. Dernièrement, dans un centre d'accueil, j'ai visité un malade qui était bien logé et j'ai vu sept bouteilles sur son bureau. J'ai dit à mon ami: Qu'est-ce que c'est? Sont-ce toutes des pilules que tu dois prendre? Il a dit: Oui. Celle-là à la demie de l'heure, l'autre au quart d'heure, parfois à toutes les cinq minutes. Il y avait sur chaque bouteille une prescription différente. Il fallait qu'il prenne tout cela dans la même journée.

M. Bienvenue: C'est cela qui le rend malade. M. Bellemare (Johnson): C'est ce qui le rend malade, c'est sûr. Mais voyez-vous l'abus, M. le Président? Sept sortes de pilules prises dans douze ou dix heures. Là il y a un abus. Et on voit les gens qui se versent cela dans les mains et hop! Vous avez peut-être vu cela, M. le ministre, des gens aux pilules? Visitez n'importe quel centre d'accueil ou n'importe quel hôpital, vous voyez à toutes les quatre ou cinq minutes... J'y suis allé à l'hôpital — j'ai été bien malade — et j'étais assez fatigué de les voir entrer avec un plat en argent et deux pilules. On n'avait pas fermé la porte qu'il en arrivait une autre qui disait: Cela aussi vous devez le prendre. J'ai dit: Laissez-moi la paix, vous allez me transformer en "piloman".

Non, mais c'est l'abus. Je l'ai peut-être dit dans des termes un peu humoristiques, mais je dis qu'il y a dans cela une trop grande distribution de pilules et pas assez pour ceux qui en ont véritablement besoin.

Il y a des sortes de maladies que je comprends mal. Quand une femme m'arrive chez nous, à mon bureau, et commence à m'expliquer la "téticorotomie", je ne sais pas ce que cela veut dire. Elle a dit: Ils m'ont refusé mes remèdes. Alors je dis à madame Charest, ma secrétaire: Voulez-vous téléphoner au bien-être social pour savoir si la "téticorotomie" est sur la liste ou non.

Les noms qu'on a trouvés aux pilules aujourd'hui sont fantastiques et les gens ont bien plus confiance aux noms qu'aux pilules. S'ils n'ont pas cette sorte, M. le Président, ils crèvent. C'est fantastique. Ils nous font des guerres épouvantables. Ils nous font écrire au ministre. Il faut que cette pilule soit sur la liste. Souvent, le ministre dit: Ecoutez, c'est seulement le nom qui est changé. Une aspirine, c'est un peu ce qu'on appelle du soda à pâte mais c'est fait en pilule et cela fait pareil.

C'est le problème que nous avons, actuellement, dans nos bureaux, des gens qui viennent nous voir pour des maladies imaginaires. Le docteur leur fait croire que cela prend une sorte de pilule bien épouvantable. Là, la dame part et dit au député: Vous savez, le service social ne veut pas me la donner. Je dis: Un instant, on va voir s'il vous refuse cela. On prend le téléphone et on nous dit: La même chose est contenue dans tel autre médicament qui est permissible.

Il se fait un abus de pilules, M. le Président, épouvantable. Je suis d'accord avec le député de Saint-Jacques quand il dit qu'on devrait être un peu moins généreux dans ce qu'on donne en médicaments. Vous savez, quand on arrive dans un centre d'accueil et qu'on voit sept bouteilles de suite, on commence à se poser des questions. Le gars, s'il n'est pas malade, il va l'être certain!

Troisièmement, le carnet de réclamations dont il est question dans le projet de loi est un carnet qui est distribué à tout le monde bien entendu par le ministère des Affaires sociales du Québec. S'il arrivait que ce carnet soit défectueux, brûlé ou perdu, qu'est-ce qui se produirait? Le ministre pourra peut-être me dire qu'immédiatement on lui en ferait imprimer un nouveau mais quel est le schéma? Des fois, vous savez, quand on veut faire

reconduire un nouveau permis ou un nouveau carnet de réclamations, on dit: Oui, oui. On va demander à Mlle Larouche. Mlle Larouche va téléphoner à M. Brodeur, M. Brodeur va déférer cela à M. Duclos et M. Duclos va nous dire: Ecoutez, vous allez vous adresser à M. Brodeur et... On nous fait faire la pirouette plusieurs fois. Le ministre sait cela. Ce n'est pas sa faute. C'est une bureaucratie qu'il endure et il en souffre. J'en suis convaincu. Mais elle existe quand même cette ritournelle.

Si c'était plus facile, rendu très facile. Quelqu'un perd son carnet de réclamations. On peut lui en émettre un facilement pourvu que son numéro d'assistance sociale soit dessus, etc. C'est une question que je me pose.

Le dernier point, M. le Président, c'est que je suis d'avis que les services qui sont accordés pour les chirurgiens-dentistes devraient être aussi catalogués. Le ministre sait de quoi je veux parler. Il y a des gens qui, souvent, pour toutes sortes de raisons, pour la beauté féminine même à 60 ans, se font arracher les crocs qu'ils ont pour se faire mettre de beaux dentiers. Cela se voit assez fréquemment.

J'ai eu l'autre jour un cas particulier à mon bureau. La femme est arrivée et a dit: Pensez-vous, M. Bellemare, que je pourrais avoir un beau dentier? J'ai dit: Oui, le ministre en paie. Si vous passez par le service. Elle avait 65 ou 66 ans. En vertu de la Loi de l'assistance sociale, elle avait le droit d'en avoir un.

Je n'ai pas besoin de vous dire que des cas comme cela arrivent très souvent. Je pense qu'il devrait y avoir, dans ce carnet de réclamations, peut-être un certain degré pour ceux qui le font par beauté ou bien pour s'arracher quelques crocs. En tout cas, je laisse au ministre le soin de me répondre.

Je suis bien heureux de la loi qui est adoptée. Elle est concordante avec la loi fédérale et elle modifie sensiblement l'assurance-maladie dans la province. Je voterai sûrement pour ce projet de loi si le ministre voulait aussi apporter quelques considérations à ceux qui, dans la province, à cause des demi-pensions, n'ont pas, entre 60 et 65 ans, les sommes voulues pour vivre.

Le Vice-Président (M. Blank): Est-ce qu'il y en a d'autres qui veulent parler avant que le ministre n'exerce son droit de réplique?

Le ministre des Affaires sociales.

M. Claude Forget

M. Forget: Merci, M. le Président. Je crois qu'une occasion comme celle-ci nous montre mieux que n'importe quelle autre que cette institution qui est la nôtre mérite bien son nom de Parlement. Lorsqu'une mesure apparaît qui, par exception peut-être, n'attire pas comme telle des remarques critiques de la part des membres de cette Assemblée et en particulier les membres de l'Opposition, on trouve bien, de toute façon, quelque chose à dire, que ce soit sur ce sujet ou sur un autre.

C'est un peu comme des pilules; souvent, ces discours ayant été faits, il faut un deuxième discours pour faire passer le premier, un peu comme parfois certaines pilules sont destinées à faire passer la première ou celle qui vient de précéder.

On a fait certains commentaires qui, même si on les reprend de discussions en commission parlementaire, doivent être relevés à ce moment-ci, puisque mon silence pourrait être interprété comme acquiescement, ce que je ne voudrais pas, étant donné que j'aimerais plutôt avoir le plaisir d'acquiescer à haute voix, si c'était le cas.

Lorsque l'on parle de l'extension de la couverture de l'assistance-médicaments, comme l'a fait le député de Saint-Jacques, on parle d'étendre la couverture d'un régime qui se préoccupe essentiellement, d'ores et déjà, de tous ceux qui peuvent être considérés comme les défavorisés, des personnes dont le revenu est très marginal. En effet, qui sont les bénéficiaires actuels de ce régime? Ils sont, d'une part, l'immense masse des bénéficiaires de l'aide sociale. Je dis immense à juste titre, parce qu'il s'agit, à l'heure actuelle, d'environ 400,000 personnes ou un peu plus. Ces 400,000 personnes sont toutes celles qui, encore une fois, bénéficient de l'aide sociale et ce jusqu'à l'âge de 65 ans, puisqu'à partir de 65 ans ils se trouvent, évidemment, à bénéficier des mesures de sécurité de la vieillesse, ce qui les rend non admissibles à l'aide sociale; sauf une exception, exception qui est désormais exclue, c'était cette catégorie des conjoints des bénéficiaires de la sécurité de la vieillesse, qui, eux, avaient moins de 65 ans. Ceux-ci sont désormais couverts, mais de toute manière ce n'est pas véritablement une exception, puisqu'ils se situaient en deça de 65 ans eux-mêmes.

Donc, les bénéficiaires de l'aide sociale, 400,000 personnes ou un peu plus; d'autre part, 300,000 autres bénéficiaires. Ces 300,000 bénéficiaires se composent, pour une moitié, de personnes qui ont pour seul revenu la pension de vieillesse et le supplément du revenu garanti pour les personnes âgées; 150,000 personnes, donc, qui n'ont pas de revenus autres que ceux qu'ils retirent des prestations de la sécurité de la vieillesse. Ces personnes ne sont pas affectées par cette mesure; elles sont déjà couvertes.

L'autre moitié de ces 300,000, soit 150,000, est constituée par des personnes qui ont un revenu en plus de la sécurité de la vieillesse. Elles ont un revenu qui leur permet, malgré tout, de retirer une partie du supplément; donc, un revenu modeste qui leur permet de bénéficier d'un revenu total, joint à la pension de vieillesse et au supplément, qui se situe à un niveau, malgré tout, assez confortable, étant donné les besoins des personnes de cet âge-là.

M. Bellemare (Johnson): Pour suivre le ministre, ce sont ceux qui ont 65 ans et plus?

M. Forget: C'est toujours ceux qui ont 65 ans et plus. Vous avez 300,000 personnes qui en bénéficient actuellement; 150,000 n'ont aucun revenu

sauf les pensions, 150,000 autres, la moitié donc, bénéficient d'un revenu en plus de la pension. Ce peut être un revenu provenant d'une hypothèque qu'ils ont et dont ils reçoivent le paiement des intérêts tous les trois mois ou tous les six mois ou tous les ans. Ce peut être une pension ou un régime supplémentaire de rentes qu'ils avaient comme employés d'une compagnie ou employés du gouvernement ou membres des forces armées. Ce peut être une pension d'une autre sorte, purement une annuité ou une rente quelconque qu'ils ont constituée durant leur jeunesse ou durant leurs années actives.

Ces montants leur permettent donc, joints à la pension de vieillesse, de bénéficier d'un revenu. Quel est l'ordre de grandeur de ces revenus? Si on considère la façon dont se calcule le supplément du revenu garanti pour les personnes âgées, on se rend compte qu'il s'agit de personnes seules, d'une part, qui ont un revenu de l'ordre de $5,000 environ, ou de couples qui ont un revenu de l'ordre de $7,000 par année.

Donc, jusqu'à ces niveaux ou à peu près — je cite ces chiffres de mémoire — on doit tenir compte de ce fait. Jusqu'à ces niveaux ou à peu près, les personnes âgées de 65 ans et plus bénéficient de la gratuité absolue des médicaments. Le seul tiers de la population âgée qui n'en bénéficie pas est donc constitué par ces 150,000 autres personnes âgées qui ont un revenu tellement élevé qu'elles ne peuvent recevoir aucune somme au titre du supplément de revenu garanti pour les personnes âgées, effectivement des personnes dont le revenu total dépasse les niveaux que je viens de mentionner.

On peut s'interroger à savoir si, à ce niveau de revenu, c'est une priorité nationale que d'accorder une couverture plus étendue de l'assistance-médicaments. Je recevais encore, il y a quelques jours, une plainte émanant de personnes qui voient comment fonctionne le régime actuel, même avec ses limites, et qui trouvent inacceptable par exemple que, lors d'une visite chez un pharmacien, une personne se présente et demande un approvisionnement de trois mois de ses médicaments. Elle utilise pour les payer sa carte d'admissibilité aux médicaments en disant qu'elle a besoin d'un approvisionnement de trois mois parce qu'elle s'en va en Floride, pour une période de temps prolongée, étant donné que nous sommes à l'automne. On peut évidemment dire qu'il s'agit là d'une erreur du système ou d'un cas isolé.

Sans aucun doute les circonstances dans lesquelles des personnes qui ont- des revenus inférieurs aux seuils que j'ai mentionnés peuvent se payer des voyages de ce genre, des séjours de ce genre à l'étranger sont extrêmement rares. Il est fort possible que nous soyons là en face d'une erreur administrative ou de ces délais inévitables dans l'émission ou /et le retrait des cartes d'éligibilité ou des carnets d'éligibilité qui accompagnent les révisions trimestrielles dans le programme fédéral.

Quoi qu'il en soit, il demeure qu'au-delà des seuils que j'ai mentionnés une certaine partie des bénéficiaires âgés ont des revenus discrétionnaires, de revenus qu'ils peuvent consacrer aux fins qu'ils souhaitent qui leur permettent une certaine marge de manoeuvre. Considérons en effet que, même pour les personnes âgées qui sont actuellement couvertes et qui bénéficient d'une couverture complète, le coût moyen par année de l'assistance-médicaments est de l'ordre de $60 par bénéficiaire. Si nous parlons d'un couple âgé qui bénéficie d'un revenu de $7,000 ou plus par année, c'est donc une dépense relativement insignifiante. Il en est de même pour une personne seule qui a un revenu de $5,000. Il y a, dans des budgets de cet ordre, des dépenses consacrées aux loisirs, consacrées à des fins qui ne sont pas absolument priotaires. Je crois que le coût des médicaments pour la plupart de ces bénéficiaires qui ont un certain revenu en plus des allocations de l'Etat ne constitue pas un fardeau insupportable.

Je suis prêt à reconnaître que certains malades chroniques, certaines personnes qui sont affectées par des maladies pour lesquelles la médication est extrêmement onéreuse doivent être mis à part quand on fait une affirmation comme celle-là.

D'ailleurs, nous avons, via les centres hospitaliers qui ont des cliniques externes spécialisées dans le traitement de certaines de ces maladies, un programme complémentaire de gratuité des médicaments lié spécifiquement au traitement de maladies de cette nature. Je peux citer, dans ce contexte, le traitement du cancer, le traitement du glaucome, qui est une maladie qui affecte particulièrement les personnes âgées, et une autre maladie dont nous ne parlerons pas ici, qui affecte principalement les enfants.

Donc, il y a des mesures qui peuvent être prises, qui sont spécifiques à certaines situations, pour faire face aux coûts excessifs de la médication pour certaines affections chroniques, et il y a déjà un programme qui s'applique depuis quelques années et qui permet de faire face à ces coûts. Mais, pour la plupart des bénéficiaires, le coût moyen que j'ai cité n'est pas de nature à constituer une difficulté majeure, une difficulté telle que l'Etat devrait en faire une priorité.

Le député de Saint-Jacques a aussi parlé de la liste et de son désir de voir s'élargir la liste des médicaments. Il y a eu de nombreuses discussions de cette question en commission parlementaire. J'ai eu l'occasion, au moment de ces discussions, de faire voir aux membres de la commission qu'il était pour le moins déraisonnable de faire une telle recommandation.

Considérons un instant les programmes d'assistance-médicaments qui sont en vigueur dans d'autres provinces du Canada et qui, pour la plupart, sont postérieurs au régime québécois. Dans le cas de la Saskatchewan, dans le cas du Manitoba, dans le cas de la Colombie-Britannique et même dans le cas de l'Ontario, nous avons des listes de médicaments. Nous nous sommes d'ailleurs entendus avec toutes ces provinces pour coordonner, dans toute la mesure du possible, la préparation et les dates de publication de nos lis-

tes, qui sont faites simultanément, désormais, dans les quatre provinces, mais nous pouvons observer une différence significative entre les listes en vertu desquelles nous assurons la couverture des médicaments au Québec et les listes qui sont utilisées par les autres provinces.

Cette différence est la suivante: le Québec compte dans sa liste entre 4,000 et 5,000 produits; les provinces qui ont un régime d'assistance-médicaments, au contraire, ne comptent dans leur liste qu'un nombre de produits qui varie entre 1,200 et 2,000. Nous avons donc plus de deux fois et demie, dans notre liste, le nombre de produits qu'on voit apparaître dans les listes d'autres provinces.

Les critères pour lesquels nous retenons un produit dans la liste sont bien connus puisqu'ils apparaissent dans la première page du formulaire de la liste de médicaments. Ce sont des critères scientifiques; ce sont des critères professionnels qui sont fort simples à expliquer quant à leur but. C'est d'exiger de chaque fabricant qu'il fasse la preuve de l'efficacité de son produit avant d'en accepter l'inscription à la liste.

Or, M. le Président, on ne réalise pas que n'importe qui peut mettre sur le marché n'importe quel produit pharmaceutique et qu'il n'a qu'à prouver qu'une chose, c'est que son produit n'est pas positivement nocif. Il n'a pas, en vertu de la réglementation fédérale, à faire la preuve de l'efficacité du produit. Il n'a qu'à démontrer qu'il ne tue ou qu'il ne rend personne malade, et c'est une preuve bien sommaire. C'est une preuve bien modeste pour mettre en vente des médicaments. Dans la liste qui nous sert d'instrument dans l'application du programme, nous avons jugé que ce critère était trop modeste, trop insuffisant et qu'il était absolument nécessaire d'obliger les fabricants à faire la preuve de l'efficacité de leurs produits.

C'est la preuve qui nous est faite pour les produits inscrits sur la liste.

Je ne vois pas au nom de quoi nous pourrions être invités à être plus généreux puisque tout produit qui répond à ce critère est automatiquement admis. Il y a des révisions tous les six mois et je n'ai personnellement pas d'objection que les révisions se fassent plus fréquemment à l'occasion, mais c'est une question de technique, c'est une question de procédure, de rapidité dans la publication des amendements à la liste. Cela n'affecte pas l'essentiel qui est de garantir aux bénéficiaires des régimes, pour lesquels nous payons les coûts, des produits pour lesquels on a pu prouver une efficacité. Qu'on ne dise pas qu'on exclut les produits composés, ce n'est pas vrai. Il est exact qu'au début les produits composés étaient exclus, mais ce n'est plus le cas. Il y a près de 1,000 produits composés qui apparaissent dans la liste. Encore là, cette forme d'administration du médicament où deux principes actifs se trouvent réunis dans le même produit n'est acceptée dans la liste que lorsqu'il y a des raisons médicales de favoriser une combinaison plutôt que des produits à l'état pur.

Sur cette question, je suis sûr que nous aurons l'occasion d'y revenir en commission. Je tenais, cependant, à faire cette mise au point parce que cette liste est, malgré tout, un instrument extrêmement valable et que, comparativement à d'autres régimes, elle est, s'il y a quelque chose, relativement généreuse.

Je ne m'étendrai pas non plus sur les exclusions que j'ai décrétées cet automne relativement à certains fabricants qui se sont livrés, vis-à-vis du gouvernement, à des manoeuvres fort douteuses et qui ont cherché à exploiter ce régime public de manière à fausser le mécanisme et à introduire des incitations économiques à l'utilisation de certains médicaments plutôt que d'autres. Ce sont des sanctions qui sont connues puisqu'elles ont été annoncées, mais qui ont un effet déjà très sensible dans l'administration de ce régime dans les prix qui nous sont offerts.

Un dernier point pour faire certains commentaires sur ce que le député de Johnson nous a dit, la pension de vieillesse à 60 ans. Il est clair que c'est un sujet qui n'a aucun rapport avec le projet qui est devant nous. Il y a beaucoup de choses que j'aimerais dire au moment opportun sur ce problème parce que je crois qu'il est fort dangereux de brandir de pareilles demandes et de pareilles promesses implicites sans vraiment faire connaître à la population les implications extrêmement onéreuses d'une telle proposition. Alors que notre population vieillit, alors que nous nous trouvons devant un problème qu'il faudra confronter tôt ou tard et pour lequel nous avons créé un comité d'études, lorsque nous sommes confrontés à un problème de financement des régimes actuels, pour les populations actuellement couverte, je crois qu'il est très imprudent et presque irresponsable de suggérer un abaissement général de l'âge de la retraite à 60 ans.

Qu'il faille faire des aménagements, qu'il faille envisager un régime plus flexible quant à la détermination de l'âge de la retraite, j'en suis. Mais faire cettre poposition sans avoir même l'idée de ce qu'il pourrait en coûter, et sans tenir compte du fait que si on prenait une pareille décision nous serions très bientôt dans la situation où pour chaque personne qui travaille et qui a un emploi au Québec, nous aurions une personne dépendante dans la société, c'est un fardeau absolument incroyable. Je crois qu'avant d'en faire une proposition ferme, le député de Johnson voudra bien y réfléchir.

Les autres indications, je les prends à titre de suggestions.

Afin de ne pas prolonger indûment nos travaux, je crois que, si le député de Johnson ou d'autres membres de cette Assemblée ont connaissance de difficultés dans l'émission des carnets de réclamation, ils sauront acheminer vers moi les difficultés que certains de leurs commettants, que certains de leurs électeurs peuvent avoir à cet égard. Ce n'est pas un problème d'envergure générale, puisque l'émission des carnets de réclamation se fait de façon automatique à partir des données qui nous sont fournies par le fédé-

ral sur l'inscription au régime de sécurité du revenu pour les personnes âgées. Dès la réception des rubans d'ordinateur, rémission des cartes se fait et est mise à la poste. Mais il peut y avoir des erreurs, il peut y avoir des pertes, il peut y avoir destruction accidentelle. Je n'ai eu connaissance d'aucune difficulté dans la réémission de carnets détruits, mais je suis sûr qu'on voudra acheminer vers moi les difficultés qui peuvent se manifester de ce côté.

Quant à l'utilisation des médicaments, c'est un sujet qu'on va réserver avec votre permission, M. le Président, pour une autre occasion.

Le Vice-Président (M. Blank): La deuxième lecture du projet de loi no 250 est-elle adoptée?

M. Charron: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi. Second reading of this bill.

M. Levesque: Est-ce qu'on a besoin du temps en commission ou non?

Alors, M. le Président, est-ce qu'on peut procéder aux écritures pour la commission plénière?

M. Charron: Nous réserverons la troisième lecture pour une autre occasion.

M. Levesque: D'accord.

Le Vice-Président (M. Blank): Le greffier va faire les entrées pour la commission plénière et la troisième lecture de ce projet de loi sera faite à la prochaine séance ou à une séance subséquente.

M. Levesque: M. le Président, nous aurons une sanction dans quelques instants. Ceux qui veulent y venir sont bienvenus. Deuxièmement, nous allons entreprendre ce soir l'étude en deuxième lecture du projet de loi au nom du ministre des Affaires sociales relativement aux services essentiels en cas de conflit de travail.

Le Vice-Président (M. Blank): Voulez-vous appeler ce projet de loi?

M. Levesque: Oui, nous pouvons l'appeler.

Projet de loi no 253 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Blank): Le ministre des Affaires sociales propose la deuxième lecture du projet de loi no 253, Loi visant à assurer les services de santé et les services sociaux essentiels en cas de conflit de travail.

M. Levesque: Un instant, M. le Président. Simplement pendant que la Chambre siège, à ce moment-ci, je voudrais m'assurer que, dans le projet de loi précédent, la formule sacrée a été prononcée. Est-ce qu'elle l'a été?

Une Voix: Non.

M. Levesque: Je demanderais donc au ministre des Affaires sociales de prononcer cette formule traditionnelle...

M. Charron: Avec mon consentement, M. le Président.

M. Levesque: ... avec le consentement des membres de cette Chambre, relativement au projet de loi précédent, le no 250.

M. Forget: M. le Président, je le fais volontiers. Le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet et il recommande son adoption par l'Assemblée, mais je crois que techniquement il ne s'agit pas, à strictement parler, de dépenses nouvelles.

M. Levesque: Simplement parce que le greffier ou secrétaire général semblait un peu hésitant, je crois.

Une Voix: On fera la même chose pour le projet de loi 253.

M. Levesque: C'est le président qui avait des doutes. Alors tous les doutes sont maintenant...

Le Vice-Président (M. Blank): Le ministre des Affaires sociales demande la suspension du débat jusqu'à vingt heures quinze minutes.

M. Levesque: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Blank): La Chambre suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.

(Suspension de la séance à 17 h 56)

Reprise de la séance à 20 h 19

Le Président: A l'ordre, messieurs!

Des Voix: Adopté!

Une Voix: Député de Johnson, adopté?

M. Bellemare (Johnson): Pas tout de suite. Laissez-moi toujours faire mon discours!

M. Veilleux: ... on l'adopterait en deuxième.

M. Bienvenue: Vous le ferez en troisième lecture!

M. Bellemare (Johnson): Je peux bien aller m'asseoir à la place de l'Opposition officielle!

Une Voix: Cela vous va bien!

M. Bellemare (Johnson): Non, non! Pas de tentative.

Le Président: A l'ordre, messieurs! M. Claude Forget

M. Forget: Le projet de loi que nous considérons ce soir vient résoudre un problème qui est présent à l'esprit de tous les Québécois dans la période que nous traversons. Ce n'est pas un problème fictif, un problème hypothétique ou imaginaire. C'est un problème réel qui a la réalité des événements que nous avons traversés il y a quelques années où cette menace que constitue, pour le public, une issue malheureuse à un processus de négociation évidemment difficile est encore présente à l'esprit de tous ceux qui en ont souffert directement ou qui ont pu observer chez les autres les conséquences fâcheuses, pour ne pas dire tragiques, de l'interruption des services essentiels dans le domaine de la santé, dans le domaine des services sociaux.

L'expérience nous enseigne, M. le Président, que la grève, lorsqu'elle frappe les établissements d'affaires sociales, touche l'ensemble de ces établissements et non pas seulement un petit nombre d'entre eux. Pas moins de 92% des établissements d'affaires sociales où se retrouvaient des employés syndiqués ont été affectés par des arrêts de travail en 1972. On pourrait croire qu'un tel événement n'affectera qu'un nombre symbolique de tels établissements puisqu'il s'agit d'une négociation à l'échelle provinciale et que le but présumé de la partie syndicale, dans un tel débat, est de sensibiliser le public à l'impossibilité où elle se trouve d'en arriver à une entente négociée.

Pour cela, il semblerait suffisant que certains établissements soient touchés.

Il semblerait suffisant, pour rassurer le caractère public, pour attirer l'attention des contribuables, de ceux qui devront éventuellement payer la note sur les difficultés, sur l'impasse dans laquelle on se trouve, mais non; c'est effectivement une mesure qui s'applique presque indistinctement à l'ensemble de nos établissements. C'est du moins ce que l'expérience nous enseigne.

L'expérience nous enseigne aussi que les services essentiels ne sont effectivement pas fournis dans environ la moitié des cas lorsqu'un tel conflit débouche sur la grève. C'est une situation, je pense, qui est assez sérieuse pour qu'on s'y arrête puisque tous les établissements, dans le secteur des affaires sociales, ne sont pas comparables. Certains d'entre eux, sans aucun doute, donnent des services qui, pour être d'une haute importance, ne sont pas à tout moment essentiels. En effet, certains donnent des services dits électifs et il est monnaie courante de voir que ces services sont reportés dans le temps à la convenance des bénéficiaires eux-mêmes ou à la convenance des établissements ou de leur personnel.

Il n'est donc pas tragique que, pour certains de ces établissements, les services qu'ils donnent normalement ne soient pas donnés. Mais on s'attendrait, d'autre part, à ce que certains autres établissements voient leurs services maintenus sans interruption et que, pour un certain nombre d'autres encore, certains de leurs services et non pas la totalité soient fournis sans interruption.

Je pense en particulier, M. le Président, aux services ou aux établissements où des personnes sont hébergées pour de longues durées, en raison d'un degré d'autonomie, d'une perte d'autonomie irrémédiable et très considérable. Qu'il s'agisse d'établissements psychiatriques, qu'il s'agisse d'établissements pour des malades chroniques, il y a là des situations qui ne souffrent pas une remise à plus tard dans les services qui leur sont donnés et où toute interruption de services risque d'avoir des effets irréparables sur leur état de santé, risque de les faire régresser vers une situation de dépendance encore plus grande, risque de les précipiter dans une aggravation de leur état.

Je pense, également, dans nos centres hospitaliers, à des services d'urgence, qu'il n'est pas concevable de ne pas fournir à la population, puisque les urgences majeures, au moins, on en conviendra sans aucun doute, doivent être l'objet d'une attention immédiate.

Certaines maladies subites doivent également recevoir le même traitement, si l'on peut dire. Or, les arrêts de travail dans le secteur des affaires sociales ont touché, encore une fois, non seulement l'ensemble des établissements, mais ils les ont touchés de façon largement indistincte sans tenir compte de la vocation propre à chacun d'entre eux et sans tenir compte du fait que certains d'entre eux ne peuvent pas, ne doivent pas interrompre leurs services au public.

Dans ce tableau, on peut s'interroger pour savoir si la négociation portant spécifiquement sur les services essentiels peut être une source de soulagement, peut permettre l'exercice normal, l'exercice civilisé du droit de grève. On est porté à se reporter, encore une fois, à l'expérience vécue il y a quelques années pour se demander, si effectivement, lorsqu'il y a eu négociation des services essentiels dans un établissement, il n'y a pas eu,

dans ces situations en particulier, dans ces établissements en particulier, un maintien plus satisfaisant des services essentiels. Si la réponse était affirmative, nous aurions, évidemment, la réponse à l'inquiétude que nous avons. Nous aurions une situation qui serait peut-être pénible, peut-être difficile à l'occasion, mais qui ne serait pas intolérable.

Or, on se rend compte, M. le Président, que, même là où il y a eu des négociations sur les services essentiels, il y a eu, dans à peu près la moitié des cas, une interruption de ces services. En d'autres termes, la négociation des services essentiels non assortie d'autres mesures a contribué seulement d'une façon négligeable à assurer ces services ou à prévenir leur interruption. Alors que, pour tous les établissements, les services essentiels ont été interrompus dans un peu plus de la moitié des cas, si l'on considère seulement les établissements où il y a eu négociation sur les services essentiels, ces services eux-mêmes ont été interrompus dans un peu moins de la moitié des cas. Donc, une différence d'à peine 10% entre les deux situations, différence trop faible pour nous justifier à entretenir l'espoir que la solution peut venir de ce côté.

Il y a aussi un autre élément que l'expérience nous fournit dans l'évaluation de la situation actuelle. Le droit de grève qui fut consacré par une loi il y a une dizaine d'années ou un peu plus, dans ce secteur comme dans les autres secteurs publics, s'adressait à l'époque à un processus de négociation qui était fondamentalement différent de ce qu'il est devenu depuis.

En effet, en 1964 ou en 1965, il n'était pas question de négocier à l'échelle provinciale. Il n'était donc pas question que de façon habituelle, de façon coutumière à tous les deux, trois ou quatre ans, selon la durée des conventions collectives, on en vienne à une confrontation globale, massive sur l'ensemble des établissements. Il était question à l'époque de conflits isolés, dans des établissements particuliers, mais il n'était pas question, encore une fois, d'une grève qui peut et qui a effectivement affecté la totalité des établissements durant la même période.

Si un établissement interrompt ses services, quelque essentiels qu'ils soient, si d'autres à côté continuent d'offrir leurs services à la population, il n'y a évidemment pas grand drame à une situation. Mais le problème est différent lorsqu'au contraire on se trouve dans une situation où tous sont frappés en même temps. C'est bien la situation dans laquelle nous nous sommes trouvés, il y a trois ans; c'est également la situation où nous risquons à nouveau de nous retrouver, à moins de prendre des mesures nouvelles.

L'expérience, donc, nous renseigne sur quelques éléments essentiels à la compréhension de ce projet de loi, nous renseigne sur le fait que le problème n'est pas seulement théorique, mais qu'il existe, qu'il a existé et qu'il peut se reproduire. Elle nous renseigne aussi sur le fait que, quels que soient les efforts qui sont faits, par les parties entre elles, sans aide extérieure, ces servi- ces ont des chances et de fortes chances de ne pas être donnés, le moment venu. Cela a été l'expérience du passé. L'expérience nous dit et l'état de la situation nous renseigne sur le fait que, si cette expérience doit se renouveler, elle se renouvellera dans le même cadre d'une négociation provinciale où les mesures envisagées ne peuvent pas être des mesures particulières adoptées à une situation particulière, mais doivent être de caractère général.

Devant ce problème, quelle solution pouvons-nous envisager? Nous pouvons envisager essentiellement deux types de solutions. La première, celle que nous n'avons pas retenue, mais celle que chuchotent beaucoup de personnes que préoccupe cette situation, consisterait dans la suppression pure et simple du droit de grève dans ce secteur. Je crois, pour ma part, que l'abus d'un droit ne justifie pas sa suppression. Sans aucun doute, des difficultés ont été constatées; sans aucun doute, ces difficultés sont extrêmement graves et parfois tragiques dans leurs conséquences. Il demeure que nous ne résoudrons rien par une suppression de ce droit qui a été conféré dans le passé aux employés des secteurs public et parapublic en abolissant un droit qui a peut-être été l'objet ou l'occasion d'abus dans le passé mais qui demeure une soupape de sûreté essentielle dans un processus normal de négociation.

Supprimer le droit de grève constitue ou constituerait un encouragement à l'utilisation d'autres stratégies pour gagner, par ces autres moyens, ce qu'il était impossible de gagner par une négociation normale. Ces autres stratégies, dans un tel contexte d'illégalité de la grève, seraient très certainement plus dommageables à l'intérêt public et dommageables à l'intérêt des personnes mêmes que nous voudrions ainsi protéger que ne le sont toute autre mesure ou même le statu quo. En effet, dans un contexte d'illégalité de toute grève il serait impossible, il serait impensable d'aménager des mécanismes de protection des services essentiels dans une situation qui est, par définition, illégale dans une telle hypothèse. C'est donc un chemin que nous n'emprunterons pas, c'est un chemin qui nous paraît sans issue. L'expérience des autres pays qui se sont aventurés dans cette voie n'est pas du tout encourageante puisqu'on sait que certains pays où ce droit a été supprimé législativement se retrouvent malgré tout avec des arrêts de travail aussi considérables ou plus considérables que ceux que nous connaissons.

Une autre solution, mais dans le même esprit, vise non pas à supprimer comme tel le droit à la grève mais à assortir son exercice de limite dans le temps. Il est certain que certains services sont essentiels dans un sens très immédiat où leur prestation immédiate dans une de ces suggestions particulières ne peut souffrir d'être retardée. Je crois qu'on peut imaginer sans peine que c'est là la situation des services d'urgence au sein des hôpitaux.

Il n'est pas question de remettre à plus tard ou

d'attendre un certain temps pour voir si la négociation ou d'autres méthodes ne produiront pas un retour à la normale. Il faut soigner des gens, il faut soigner des blessés, des traumatisés. On ne saurait différer en cela sans des conséquences qui dépassent de loin la gravité des problèmes qui sont l'objet de négociations. Mais il existe malgré tout, dans certains secteurs, des services qui sont essentiels en plus ou moins longue période. Il est clair que plusieurs services publics ne deviennent essentiels que dans ce sens, puisqu'on peut, pendant un certain temps, vivre, continuer d'exister à peu près normalement avec certains inconforts et avec certains risques, mais sans danger immédiat pour la santé de quiconque. Et à cet égard, la plupart des autres services publics appartiennent à cette catégorie, qu'il s'agisse des services d'utilité publique, de gaz ou d'électricité, de livraison d'huile à chauffage, etc. Il y a des stocks, il y a des capacités productives qui peuvent être maintenues pendant un certain temps à l'aide du personnel de cadre, avec un inconfort, avec des difficultés, certes, mais sans danger immédiat, tant et aussi longtemps que des réparations ou un entretien majeur ne vient pas mettre en péril la distribution des services.

C'est dans ces contextes que le droit de grève vient éventuellement, dans certaines circonstances, à trouver une limite lorsque le législateur retire, par une loi spéciale, lorsque le temps a trop couru, l'exercice d'un droit qui, dans son essence, n'est pas remis en cause. Mais, encore une fois, et je l'ai indiqué par les exemples que j'ai donnés, ni la première solution, qui est un retrait pur et simple du droit de grève, ni une limitation dans le temps de l'exercice de ce droit n'apparaissent des mesures appropriées pour résoudre les problèmes constatés dans le secteur des affaires sociales.

Si l'on voulait attendre que, par l'écoulement du temps, la situation, advenant une grève, ait pris un caractère de gravité suffisant pour que l'intervention du législateur soit rendue inévitable, je pense qu'à ce moment-ci nous choisirions de guérir un mal plutôt que d'essayer de le prévenir. Je pense que nous pourrions, à ce moment, à juste titre, mériter les reproches que l'on nous adresserait.

Il existe, cependant, une autre façon de considérer le problème et c'est cette autre solution que le projet de loi 253 cherche à concrétiser. Il apparaît essentiel d'aménager l'exercice du droit de grève pour lui restituer sa pleine valeur, dans un secteur comme celui des services de santé et des services sociaux, comme instrument normal de pression, tel que le Code du travail l'a destiné à être utilisé.

Un moyen de pression, comme une sanction, comme à peu près n'importe quelle autre mesure, n'est valable, n'est bon que s'il est croyable. On a tous à l'esprit l'exemple de lois ou de propositions législatives qui impliquent des pénalités tellement fortes, tellement disproportionnées avec l'offense que nul juge ou nul procureur général n'ose ou ne songe à les appliquer.

Il doit y avoir, entre l'objet que l'on poursuit et les moyens que l'on utilise pour sa poursuite, une certaine proportion. Or, c'est précisément le danger d'une situation non contrôlée dans le secteur des affaires sociales, c'est-à-dire celui de faire apparaître l'exercice, autrement normal dans toute autre circonstance, du droit de grève comme un instrument comportant des risques si considérables, impliquant pour des personnes, des individus, dans des situations difficiles, des risques si considérables, si peu commensurables avec les objectifs, en somme, particuliers, pécuniaires, de gain personnel que l'on poursuit dans une négociation que l'utilisation d'un tel moyen apparaît inappropriée, injuste, abusive.

Finalement on peut se demander dans quelle mesure ce sentiment de la difficulté d'utiliser la grève comme instrument de pression dans le cadre des négociations n'est pas présent à l'esprit de tous ceux qui participent à cette négociation d'un côté comme de l'autre.

Je crois que nous devons, M. le Président, envisager les négociations en cours dans le contexte où il faudra, par la négociation, clarifier le débat, en arriver à des positions qui soient, si possible, mutuellement avantageuses. En somme, la négociation n'a pas d'autre but que de poursuivre des fins qui soient mutuellement avantageuses aux deux parties.

La négociation n'est pas un exercice en destruction mutuelle; elle est un exercice qui vise à produire un consensus, un accord, un contrat de travail. Il est donc normal de rechercher, par la discussion des parties, à produire ce résultat final en vertu duquel chacun de son côté sera mieux en mesure de réaliser les objectifs qui lui sont propres.

Cependant, toute négociation a ses limites, toute négociation peut aboutir dans une impasse telle où il ne s'agit plus d'avantages mutuels, il ne s'agit plus d'un gain total des deux parties qu'il faut rendre maximum mais il s'agit, au contraire, de la victoire d'une partie et de la défaite de l'autre. C'est un résultat malheureux d'une situation de négociation mais elle nous est familière puisqu'elle se rencontre si souvent. C'est dans ce contexte qu'il faut prévoir, malheureusement, l'exercice du droit de grève.

Dans de telles situations, ce que gagne une partie, l'autre le perd et il n'y a presque aucun moyen imaginable pour en arriver à un tel résultat que l'exercice des moyens de pression légitimes que la loi offre aux parties, grèves et lock-out. Pour pouvoir les utiliser quand il n'y a plus d'autre recours, il faut s'assurer que leur exercice ne comporte pas, pour le public, public qui n'est pas partie à ces négociations, des dangers injustifiés, des dangers disproportionnés à l'intérêt de l'une ou de l'autre des parties.

Nous sommes en face d'une situation, à ce moment-là, qui appelle la mise en application de ce projet de loi. Son essence est facile à comprendre. Je ne m'y arrêterai que très brièvement.

Le Code du travail prévoit un délai de 60 jours après le dépôt d'un avis de désaccord. Cet avis est

déjà un certain constat d'impuissance des parties, au moins de l'une d'entre elles, à envisager un règlement pacifique, si vous voulez, des différends qui les opposent.

La loi donne alors 30 jours aux parties pour déterminer entre elles ce qui constitue des services essentiels. La loi, dans sa formulation, et fort prudemment, à mon avis, ne fournit aucune description, aucune ligne directrice précise de ce qui constitue les services essentiels. Ceci est laissé au jugement des parties dans un premier temps. Pourquoi? Bien sûr, il est facile de donner des exemples de services qui sont essentiels; il est sûr que, devant une femme qui doit accoucher d'un moment à l'autre, il y a certains services à donner, qu'on ne peut pas les différer, qu'on ne peut pas les retarder. Je pense que cet exemple est une bonne illustration de ce qu'est un service essentiel. Devant l'accidenté de la route qui a souffert un traumatisme important, il y a aussi des services immédiats à donner, des services qui sont essentiels à sa capacité future de réadaptation et où le temps est de l'essence même de la solution qu'il faut apporter. Mais, au-delà de ces illustrations, au-delà de ces exemples, il n'est pas prudent de chercher à préciser davantage ce que le sens commun nous indique comme étant essentiel, en général, ce qui, dans des situations particulières, va varier selon les circonstances du lieu et du moment, presque, en considérant à la fois l'ensemble du tableau sur le plan local ou régional, en considérant la clientèle qui est desservie par un établissement particulier et en considérant des questions aussi terre à terre que le type d'aménagement, le genre de services, le genre de relations qu'un établissement entretient avec d'autres.

C'est donc un jugement que les parties doivent porter et qu'elles doivent porter dans un délai de 30 jours à partir du dépôt de l'avis de désaccord. Si, au trentième jour, aucun accord de ce genre n'est intervenu sur les services essentiels et la façon dont ils doivent être fournis, quelqu'un d'autre intervient. Cette intervention extérieure est le fait du commissaire aux services essentiels. Le commissaire aux services essentiels, selon cette loi, n'est pas un fonctionnaire du gouvernement, n'est pas le représentant du ministre des Affaires sociales. Il est un intervenant essentiellement neutre, essentiellement non impliqué dans le conflit de travail qui oppose les parties. Son intervention cherche à faire aboutir les efforts infructueux des parties ou, à défaut de réussir, à décréter quels sont les services essentiels et quelle est la façon dont ils doivent être fournis.

Après, M. le Président, les autres étapes sont des étapes d'application, sont des étapes de surveillance dans l'exécution et si, en cours d'exécution, il apparaît aux parties ou il apparaît au commissaire ou à l'un de ses adjoints que cette décision relative aux services essentiels doit être modifiée, alors elle peut l'être immédiatement pourvu que cette modification soit agréée par le commissaire qui l'a rendue.

Il s'agit donc là d'une procédure qui s'inscrit dans le contexte d'une négociation, qui ne fait pas exception aux droits des parties de continuer leur négociation et de la faire déboucher si elles l'entendent ainsi vers une confrontation majeure, vers un conflit, vers une grève mais qui assortit, qui rend conditionnel l'exercice de ce droit de grève à la détermination de ce que constituent les services essentiels. L'intervention qui a lieu n'est pas une intervention de celui ou ceux qui pourraient être considérés comme les mandataires d'une partie dans cette modification mais, au contraire, comme des arbitres, en quelque sorte, comme des tiers essentiellement neutres et désintéressés dans le processus de négociation lui-même.

Il n'appartient donc pas à l'une des parties, selon ce processus, de déterminer quand les services essentiels sont menacés ou même s'ils le sont; il appartient à un tiers de poser ce jugement. La législation actuelle peut, du moins on pourrait le prétendre, nous offrir d'autres moyens de déterminer les services essentiels ou, au moins, de faire intervenir des tiers dans ce processus. En effet, l'article 99 du Code du travail prévoit que lorsqu'il y a un arrêt de travail réel ou appréhendé dans un service d'utilité publique, le lieutenant-gouverneur en conseil, le gouvernement, peut décider de nommer une commission d'enquête qui va essentiellement faire enquête, comme son nom l'indique, qui ne fera aucune recommandation cependant, qui n'arrivera à aucune conclusion et qui certainement ne prendra aucune décision mais qui est limitée à observer les faits, à prendre note des faits et présumément à saisir le ministre du Travail d'abord et peut-être l'opinion publique du fruit de ses constatations.

On peut supposer qu'à la suite de ces constatations des mesures sont prises. On invoque l'intervention d'un tribunal par la voie d'une injonction et on intervient effectivement pour limiter ou empêcher l'exercice du droit de grève dans un secteur particulier.

Cette façon de procéder, évidemment, est connue et je ne commenterai pas longuement son succès ou son insuccès pour résoudre les problèmes qui nous préoccupent aujourd'hui. Mais il n'est pas nécessaire d'être historien pour se rendre compte, à la simple lecture de ces dispositions, qu'elles sont déficientes à plusieurs égards. Elles sont déficientes, premièrement, sur le plan des délais, puisque cette commission doit faire rapport, mais elle fait rapport dans un délai imprécis, tout droit de grève étant suspendu dans l'intérim, cependant. Elle fait rapport seulement sur des faits qu'elle peut observer et ne se rend pas jusqu'à formuler des recommandations. Elle est déficiente, en plus, parce qu'elle ne débouche sur aucune décision, sauf par l'enclenchement d'un mécanisme additionnel, mécanisme qui est déclenché non pas par une partie impartiale, mais par celui même qui négocie et qui est lui-même, donc, impliqué dans ces négociations, c'est-à-dire le lieutenant-gouverneur en conseil.

Il m'apparaît, M. le Président, que la solution que nous recommandons dans ce projet de loi a beaucoup plus de chances de nous permettre de donner au public cette assurance à laquelle il a

droit d'obtenir des services minimums qui sont essentiels à la préservation de sa santé et de sa sécurité, dans le sens au moins où ces deux valeurs essentielles dans notre société peuvent être préservées par des services de santé et des services sociaux.

Cette mesure a plus de chances de nous donner une réponse qui est moins que toute autre sujette à la critique, peut-être justifiée, peut-être injustifiée, que l'on peut faire quand l'une des parties à la négociation peut choisir ou non d'intervenir et surtout choisit le moment de son intervention dans le déroulement d'une négociation. Il ne faut pas être prophète de malheur, sans aucun doute, et prédire la répétition de difficultés que nous avons connues. Il serait, cependant, irresponsable, à mon avis, de ne pas tenir compte de cette expérience pour prendre les mesures préventives qui semblent les plus justes, les plus appropriées à ce moment-ci.

Il serait déraisonnable de ne pas prendre les meilleures, si elles peuvent prévenir la répétition de ces événements, et d'attendre, au contraire, que la réalité, bonne ou mauvaise, confirme ou démentisse les craintes qu'on peut légitimement entretenir en ce moment. Or, ces craintes sont réelles, malgré l'espoir qu'on a pu fonder dans des offres gouvernementales qui, encore une fois, dans ce secteur des affaires sociales auquel je borne mes remarques ce soir, étaient raisonnables ou semblaient raisonnables. Devant la difficulté de négocier ces offres, devant la difficulté qu'un véritable débat s'engage à la table de négociations sur leur contenu, devant la stratégie qui apparaît dans les journaux, stratégie de guerre d'usure, stratégie de refus global de dialogue, on peut se demander si ces craintes ne sont pas malheureusement destinées à se voir confirmer.

Nous avons, je pense, dans cette mesure, encore une fois, non pas une loi qui vise à brimer la partie syndicale, non pas une loi qui vient, à la dernière minute, changer les règles du jeu et imposer une solution finale, mais une loi qui veut civiliser, qui veut humaniser, si l'on veut, l'exercice d'un droit de grève, une mesure susceptible, peut-être, de donner à la négociation un caractère plus réel. Nous ne voulons pas d'un règlement pourri qui suive une négociation pourrie. Nous aimerions voir, si nous ne pouvons pas nous entendre et faute de mieux, une vraie grève mais civilisée, contenue dans des limites raisonnables qui suivrait une véritable négociation sur le fond du problème, sans détour et avec l'esprit de réalisme que les confitions économiques nous imposent.

Voilà l'essentiel de ce que je souhaite dire à ce moment-ci dans le débat sur ce projet de loi. J'espère que le débat qui commence nous permettra de demeurer dans les bornes de ce qui fait l'objet de ce projet de loi. J'espère que nous pourrons parler du fond du sujet, qui est l'intérêt même du public, et ne pas se perdre dans des considérations de négociation qui ne nous fournissent pas l'occasion de prendre l'intérêt du public, ni de prendre les moyens nécessaires pour assurer sa protection dans un conflit où il n'est pas une par- tie, dans un conflit ou une négociation où il est souvent un observateur, souvent un spectateur et où nous devons éviter qu'il devienne une victime.

Le Vice-Président (M. Blank): Le député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. Charron: M. le Président, les dernières phrases du ministre des Affaires sociales seront en même temps notre introduction dans ce débat. Parce qu'il faut dire qu'effectivement le dépôt de ce projet de loi important, de la part du gouvernement, peut être l'occasion pour les membres de l'Assemblée d'intervenir non seulement sur l'objectif de ce projet de loi, mais sur la circonstrance qui amène son dépôt et donc l'ensemble de la négociation qui oppose—et le mot est choisi — l'Etat et ses employés des secteurs public et parapublic.

La première remarque que je ferai, M. le Président, c'est de dire que ce projet de loi, indépendamment des objections que nous aurons sur ses modalités, ce genre de projet de loi, l'esprit de ce projet de loi aurait dû intervenir non seulement dans cette négociation, mais dans la précédente également. La remarque n'est pas superflue puisqu'il s'agit de porter reproche, et véritablement reproche au gouvernement en place, puisqu'il était le gouvernement de la précédente négociation également, de ne pas être intervenu avec ce genre de mesures — et encore une fois, abstraction faite des modalités sur lesquelles je m'étendrai et j'interviendrai tout à l'heure — dans les négociations de 1972. Car qu'avons-nous vécu dans la négociation de 1972? Du côté patronal gouvernemental, incohérence. Incohérence marquée, d'abord, sur la question de ce qui était négociable et de ce qui ne l'était pas. Jamais, au cours des périodes précédant l'affrontement qui a marqué le printemps 1972, les députés de l'Opposition — et nous n'étions pas l'Opposition officielle à ce moment — n'ont été capables de savoir de la part du patron, de la part du boss et de la part du gouvernement, puisque c'était le même, en même temps, qu'est-ce qui était négociable et qu'est-ce qui ne l'était pas.

Vous me direz, si vous transposez ce genre d'approche dans le secteur privé: Beau départ de négociation! Non seulement était-ce un beau départ, mais devait-il nous conduire à la belle conclusion que nous avons connue en 1972. Il n'y avait pas eu de projet de loi de ce genre en 1972. Non seulement il n'y avait pas eu de projet de loi de ce genre en 1972; il y avait même eu le contraire, même eu le contraire. Le prédécesseur du ministre des Affaires sociales, l'ancien député de Louis-Hébert, Claude Castonguay — je m'en souviens encore comme si c'était hier, et je ne suis pas un des plus anciens de cette Assemblée, mais j'ai quand même vécu cette époque les yeux ouverts — la veille même, la veille même de la présentation de la fameuse loi 19, qui avait mis fin obligatoirement à l'exercice d'un droit légal de

grève dans les secteurs public et parapublic par les employés de ces secteurs, la veille même, répondant au député de Maisonneuve sur une question à cette Assemblée, disait que les services essentiels, dans le domaine hospitalier, lui paraissaient assurés et qu'il n'y avait donc pas raison, à son avis, de sonner l'alarme ou de crier à l'aide. De la part du gouvernement, le boss se transformant en juge, selon lui, tout semblait normal dans les centres hospitaliers, selon les réseaux d'information dont il disposait. La veille même, M. le Président! Et le lendemain, cette Assemblée était saisie d'une motion d'urgence abolissant les règles normales d'étude des travaux de l'Assemblée et du fait même de la présentation sous l'égide d'un nouveau ministre de la Fonction publique.

Cela aussi s'est posé du côté patronal pen-dans la dernière négociation: le changement de ministre au beau milieu de la "game", M. le Président.

Le ministre du Travail de l'époque devenait ministre de la Fonction publique et parrainait la loi 19 au milieu de cette Assemblée qui, la veille même, avait été assurée par le ministre des Affaires sociales que l'ensemble des services essentiels, dans le domaine de la santé des Québécois, aux prises avec cette difficulté de travail que connaissait l'Etat avec ses employés, ne semblait pas miner la qualité des services qu'ils devaient connaître. La veille même, M. le Président.

Si nous sommes disposés à accorder notre appui de principe au dépôt d'un tel projet de loi, c'est au moins pour éviter la fumisterie, le mensonge et l'hypocrisie qui ont marqué la dernière négociation de 1972. Donc, comme tout nouveau député, j'ai été, à l'époque, saisi. Je ne me ferai pas prendre au piège et l'Opposition officielle, le Parti québécois ne se fera pas prendre au piège deux fois. Si nous accordons notre accord de principe à ce projet de loi, c'est parce que nous convenons qu'effectivement il s'agit d'assurer un certain niveau de services essentiels dans certains niveaux de services publics, tout le monde en conviendra. Mais je n'oublirai jamais que jusqu'à la dernière minute, lors de la négociation de 1972, on m'a royalement menti dans cette Assemblée.

Pourquoi vingt-quatre heures auparavant, alors qu'on assurait que les services de santé étaient effectivement offerts et sécurisés pour l'ensemble de la population, pourquoi le lendemain, sans qu'un employé de plus n'ait débrayé, parce qu'ils étaient déjà tous en grève, sans qu'un incident majeur ne soit survenu dans un centre hospitalier du Québec, on arrive tout à coup et on décide: Assez, c'est assez? Je me rappelle encore du vocabulaire du funambule qui nous sert de premier ministre.

Je me rappelle encore de cette formule qui était intervenue à la dernière minute. Je ne veux plus vivre cette époque. Non seulement moi, comme député de l'Opposition et mes collègues, mais j'ai bien l'impression que les employés eux-mêmes et l'ensemble des Québécois, lors de la dernière négociation dans les secteurs public et parapublic de 1972, que l'opinion publique qué- bécoise a été manipulée de A à Z par le gouvernement québécois, de A à Z par les patrons.

M. Cournoyer: Menteur.

M. Charron: De A à Z par celui qui leur servait de ministre du Travail et à la rescousse du ministre de la Fonction publique, à l'époque. Cette époque est passée. Ce ministre de la Fonction publique est passé.

M. Cournoyer: Menteur! Je ne suis pas encore passé, je suis encore assis ici.

M. Charron: II est aujourd'hui une ruine trônant aux Richesses naturelles.

Le Président: A l'ordre! A l'ordre!

M. Burns: Je vous demande, M. le Président, de faire appliquer les articles 25 et 26 à l'égard du ministre des Richesses naturelles autrefois ministre du Travail. Le ministre se sent visé par les remarques du député de Saint-Jacques actuellement.

Il me semble que ce serait normal, s'il a des choses à dire, qu'il les dise après et quand le député de Saint-Jacques aura terminé.

M. Charron: M. le Président, mes propos sont exactement dans le corps de cette loi. Le ministre des Affaires sociales nous invite ce soir à prendre des mesures pour que soient déterminés les services essentiels qui doivent être assurés dans les services hospitaliers, dans les centres de services sociaux, en cas de grève.

Je dis que cette mesure est non seulement appuyable aujourd'hui, mais elle aurait dû intervenir lors du précédent conflit. Et parmi toutes les remarques très littéraires que nous a faites le ministre des Affaires sociales, il aurait pu dire, s'il n'avait pas été ministre des Affaires sociales, qu'il s'agissait effectivement d'un aveu, d'une confession sur la façon dont le gouvernement, lors de la précédente négociation, a manipulé l'opinion publique de A à Z. Je reprends mes propos sans aucune envie de les retirer, M. le Président.

C'est vrai qu'aujourd'hui, lors de cette négociation de 1975 qui s'annonce plus dure que celle de 1972, le minimum que le patron puisse faire, de l'autre côté — parce qu'il est aussi le gouvernement de tous les Québécois — c'est de prendre des mesures pour que quelqu'un — nous discuterons de ce quelqu'un à un moment donné — détermine ce qui doit être services essentiels.

M. le Président, venons-en au principe même du projet de loi. Il n'y a pas un Québécois qui ait un coeur dans le milieu du ventre qui pourrait nier, aujourd'hui, que, s'il y a des gens qui ne doivent jamais, en aucun temps, payer le fruit d'une stratégie politico-syndicale d'un gouvernement face à ses employés, c'est bien ceux, parmi nos concitoyens québécois, qui ont à souffrir dans leur santé, qui ont à être hospitalisés ou à être soignés. S'il y a quelqu'un de qui on ne doit pas abuser, s'il y a quelqu'un sur qui l'économie de cents et de

piastres ne doit quand même jamais porter, s'il y a quelqu'un qui n'a jamais choisi de se trouver dans un hôpital à Montréal, à Rimouski, à Québec ou à Gaspé au moment où intervient un conflit de travail entre le gouvernement et ses employés, c'est bien le pauvre gars, c'est bien la pauvre femme qui est tombée malade et qui est hospitalisée dans ce temps. C'est évident.

C'était évident en 1972, M. le Président. Il ne s'agissait pas de jouer avec eux. En 1972, il ne s'agissait pas de dire, en Chambre, que tous les services essentiels étaient assurés et, le lendemain matin, d'arriver avec une loi-matraque qui disait: Rentrez, les malades sont en train de mourir. Il ne fallait pas jouer avec eux comme avec des caves, comme l'a fait le gouvernement en 1972. Qu'il soit d'accord pour ne pas le faire en 1975, d'accord. Mais ce qu'il y a de malhonnête en même temps, c'est de penser qu'il n'y a que les syndiqués qui jouent avec eux comme avec des victimes. Je suis bien d'accord qu'un projet de loi vise à les écarter, à écarter le plus grand nombre de gens possible des méfaits.

Parce qu'il y a des méfaits à une grève de ce genre. Cela ne s'appelle pas services publics pour rien, c'est bien évident. Si cela s'appelle services publics, c'est parce que l'ensemble des citoyens, vous, moi, ma mère, mon frère et ma soeur peuvent n'importe quand en avoir besoin. Ce sont des services qui sont, si on décidait d'être larges, en tout temps essentiels. Le métro, aussi bien que les services hospitaliers, est, si on veut être très large d'esprit, essentiel à la vie normale des citoyens à Montréal comme dans l'ensemble du Québec. J'en conviens et l'Opposition conviendra de toute cette définition tout au long de l'étude de ce projet de loi.

Mais ce sont deux choses d'admettre que ce sont des services essentiels et, ensuite, d'établir un mécanisme qui non seulement les définira, mais assurera qu'ils seront effectivement maintenus dans l'exercice d'un droit de grève, par ailleurs légal, des employés de ces secteurs; sinon, les employés de ces secteurs deviendront, comme dans la bonne vieille époque, des bénévoles à qui on demandera de faire des sacrifices de plus que les employés de Gattuso ou les employés de Catelli. Pourquoi les employés de Gattuso ou de Catelli pourraient-ils faire des grèves pendant quatre, cinq, dix semaines pour s'assurer $0.10 de plus, si on retire à des gens qui sont dans des services essentiels — raison de plus pour bien les rémunérer, raison de plus pour bien les traiter — un traitement, des honoraires et un niveau de vie convenables? Ces services sont essentiels? Ils doivent être établis comme essentiels et les syndiqués sont même d'accord à établir qu'ils sont essentiels. Il faut écarter de ces gens qui sont dans les hôpitaux cette espèce de sort d'otages — le mot a été employé à la dernière occasion et je l'emploie ce soir volontairement — qu'ils peuvent devenir dans une période d'affrontement patronal-syndical, mais pas des otages uniquement de la partie syndicale. C'est trop beau. C'est le jeu qu'ils nous ont fait jouer à la dernière négociation.

Eux autres, ils étaient des gars bien corrects, qui avaient déposé des offres bien raisonnables et les gros méchants, ceux qui faisaient maltraiter le monde, ceux qui faisaient souffrir le monde dans les hôpitaux étaient ceux qui ne gagnaient même pas $100 par semaine et qui, en 1972, exigeaient $100 par semaine; c'étaient eux autres les méchants, ce n'était pas le gouvernement qui, lui, avait décidé de geler d'avance sa masse salariale et qui, d'autre part, gaspillait de l'argent dans la baie James, comprends-tu, $11 milliards, $12 milliards, cela ne nous dérange pas. Le ministre des Richesses naturelles ne sait même pas le prix de la baie James actuellement. Ou bien envoie donc de l'argent dans les Olympiques! Le fou à Drapeau a "parti" une patente; envoie, on embarque en arrière, pas de problème là-dedans! Mais quand il arrive des négociations avec ses employés, on serre la visse, le gouvernement n'a plus un cent, le gouvernement n'a plus d'argent, le gouvernement n'est plus capable d'en mettre plus que cela. Si les employés font la grève parce qu'ils veulent $100 par semaine — pas $34 millions comme Taillibert, $100 par semaine que les employés demandaient — ils maltraitent les gens qui sont dans les hôpitaux, ils font souffrir les pauvres malades et les pauvres vieux, comme si le patron n'avait rien à faire là-dedans.

Le patron de 1972 — comme celui qui est aussi pourri que celui de 1972, celui qui est en face de nous autres ce soir — avait très bien négocié ses affaires; parce que lui, le patron l'autre bord, il sait très bien une chose. Quand il est tanné de son rôle de patron, quand il s'aperçoit que son maquillage de patron commence à fondre et à couler, le patron se transforme en juge. Là il devient le gouvernement, comprends-tu. Il n'était pas le gouvernement auparavant, il était le bon patron et, comme disait le ministre de la Fonction publique, un des bons employeurs du Québec, un des gars qui continuent la discrimination entre hommes et femmes dans le secteur public et parapublic; un des gars qui continuent à maquiller les offres salariales qu'il offre; un bon employeur. Exactement dans le genre de ceux qu'on découvre dans n'importe quelle entreprise privée québécoise.

Lorsque cela ne fait plus son affaire, lorsque l'action et la solidarité syndicales ont ébranlé son masque, lorsque son hypocrisie lui dégouline le long du visage, il devient un juge et, de juge, il présente une loi à l'Assemblée au nom de l'intérêt public. Nous avons, vous comme moi, M. le Président, vécu cela en 1972. Vingt-quatre heures auparavant, il n'y avait rien d'alarmant, tout allait très bien, tout était sous contrôle; vingt-quatre heures après c'était l'urgence publique; il fallait abolir les règles normales de la Chambre; il fallait forcer les employés à retourner au travail.

Ce patron, en face de nous, n'est pas simplement un bon employeur, il est le plus hypocrite de tous les employeurs du Québec; parce qu'il a, parmi les privilèges de tous les employeurs du Québec, celui de se transformer en juge, à un moment ou à un autre.

Ce que vise le projet de loi 253 que nous avons, c'est de limiter les élans des syndiqués, bien sûr, nous en reparlerons, mais un tant soit peu de circonscrire l'action de l'employeur. Ce qui fait qu'un hypocrite comme l'ancien ministre de la Fonction publique, lors des négociations de 1972, ou l'ancien ministre des Affaires sociales ne pourront plus intervenir de la façon qu'ils l'ont fait. Je ne dis pas qu'ils sont des hypocrites, M. le Président, je ne dis pas...

Le Président: Un instant, un instant, on va mettre...

M. Burns: II m'a assez traité de menteur tout à l'heure, bonguienne!

Le Président: Un instant, ne nous énervons pas.

Ecoutez, quand même, il y a un règlement, il y a des règles du jeu qui existent. Si on fait sauter les règles, je pense que le jeu va également disparaître. Il y a quand même un minimum, je crois, un minimum; je ne suis pas là pour me lever à tout bout de champ, loin de moi l'idée de bâillonner, de restreindre le droit de parole de quiconque, cela n'a jamais été dans mes principes. Mais pour l'institution de l'Assemblée, pour ce qui en est de ses membres et de cette autorité qui est suprême, l'Assemblée nationale dans tout Etat, je pense bien que les députés qui interviennent, avec toute la liberté de parole qui leur appartient, doivent respecter certaines limites de notre règlement.

Il est dit qu'il "n'est pas permis d'attaquer la conduite d'un membre de l'Assemblée, sauf à l'occasion d'une motion mettant sa conduite en question, de se servir d'un langage violent ou blessant à l'adresse de qui que ce soit, ou irrespectueux pour l'Assemblée".

Je n'ai pas de leçon à donner à qui que ce soit, mais à la simple lecture de ces prescriptions, je pense bien qu'elles sont comprises par tous les membres de cette Assemblée.

M. Charron: M. le Président, j'admets amplement vos remarques. Vous admettrez que je suis probablement une des personnes les plus disposées dans cette Assemblée à respecter cette partie de notre règlement parce que j'en ai été très souvent victime moi-même. Je crois quand même qu'il est de notoriété publique dans cette Assemblée qu'il est permis d'afficher comme attitude hypocrite — je ne dis pas que l'ancien ministre de la Fonction publique l'est, à l'étape où il en est rendu, il n'est plus besoin de fesser dessus, mais je dis quand même...

Le Président: Les journalistes qui désirent rigoler peuvent aller rigoler non pas à la galerie, ici, mais dans leur tribune.

M. Charron: II existe, M. le Président, des attitudes qui sont difficilement qualifiables autrement que je l'ai fait. Quand cette Assemblée — et vous-même, M. le Président, qui en étiez membre — a vécu l'époque de négociations de 1972, quand un gouvernement vous affirme, moins de 24 heures avant d'intervenir de façon radicale dans un conflit de travail, qu'il n'y a pas raison de s'alarmer et que, le lendemain, les mesures les plus sévères sont appliquées sur le dos des syndiqués, vous vous demandez, si ce n'est pas de l'hypocrisie — j'en conviens, je retire l'expression — quel était en tout cas le degré de sincérité du gouvernement qui s'adressait à l'Assemblée la veille même, par la bouche de l'ancien ministre de la Fonction publique comme par la bouche de l'ancien ministre des Affaires sociales. En tout cas, tout cela est d'une vieille époque, tous ces hommes sont désormais disparus de notre histoire, mais il reste qu'un gouvernement conduit ses négociations non seulement à ce moment-là mais exactement aussi à partir du moment où il est patron. Parce que si le patron d'en face a ce pouvoir exorbitant à l'égard d'une masse de travailleurs qui sont par ce fait même des pôles pour l'ensemble des travailleurs, à un moment donné, de se transformer de patron en juge, il faut toujours bien circonvenir et circonscrire l'exercice exact de ce droit.

Or ce droit, le gouvernement l'exerce à partir du moment où il dépose ses offres. Le juge est derrière le masque des offres, il faut bien le voir. Parce que c'est un jeu de polichinelle, M. le Président, c'est un jeu de polichinelle que de déposer volontairement, volontairement, des offres inacceptables. Négocier pour la frime! Négocier sur les détails, négocier sur les arrangements mineurs, faire la tête dure, faire le "bucké", faire le gars qui refuse absolument de comprendre l'essentiel sur les points essentiels. Parce que tu sais très bien qu'il y a une loi 253, parce qu'il y a une loi 89 ou parce qu'il y a une loi X qui va intervenir à un moment donné, qui va permettre de te déguiser en juge. Tu t'en vas à l'Assemblée nationale, tu convoques les parties, tu dis: Venez donc négocier au lieu de faire des grèves tournantes, venez donc à la table de papa. Papa est prêt à vous écouter; papa est prêt à vous entendre. Papa est un bon gars, papa vous a déposé 8% sur la table. Papa ne peut pas faire plus parce que grand-papa ne veut pas qu'on ait plus de 10% et papa obéit à grand-papa. Mais venez donc jaser, faites donc pas de trouble. Le jeu dure, le jeu dure.

Si les syndiqués étaient des imbéciles, si les travailleurs de centrales syndicales étaient des idiots puis des innocents, ils marcheraient dans le jeu de papa. Ils iraient s'asseoir à la table et là ils gagneraient pour leurs travailleurs des augmentations marginales. Puis si ça ne fait pas, puis si ce n'est pas correct, et si vous n'êtes pas tranquilles, papa va sortir son gros masque de juge puis il va devenir un gouvernement. Et là, papa, quand il va devenir un gouvernement, il va s'attifer de tout l'attirail de l'intérêt public, comprends-tu, puis de toutes les patentes.

Papa il ne dira pas qu'il met $600 millions dans les Jeux olympiques. Il n'en parlera plus, papa, il n'en parlera plus. Papa, il ne dira pas qu'il met $11 milliards dans la baie James, il n'en parlera plus, papa; il va vouloir faire oublier cela.

M. Bacon: C'est un bon papa.

M. Charron: C'est un bon papa, un bon papa menteur. Un bon papa menteur qui s'adresse à ses syndiqués comme s'ils avaient huit ans, comme s'ils avaient neuf ans, comme si ce n'étaient pas des hommes mariés, des femmes mariées et des hommes qui prétendent être mariés, des hommes qui ont une vie normale, puis qui s'aperçoivent qu'en 1975 tu ne vis pas avec $7,000 ou avec $7,500 par année. Comme si ce n'étaient pas des hommes qui s'étaient aperçus que les compagnies, pendant le temps de l'inflation, ont augmenté leurs profits de 70%, 90%, 150%. Comme si ces gens-là n'avaient pas des revendications normales, comme s'ils n'avaient pas les yeux ouverts pour voir tout ce que papa a laissé faire pendant que papa ne négociait pas. Ce sont des imbéciles, les syndiqués. Il faut que tu les amènes. Tu dis: Ecoute, grand-papa a décidé que c'était 10% là, comme si les syndiqués n'avaient pas vu tout ce que tu as laissé faire, tout ce que tu as cautionné, tout ce que tu as laissé aller pendant des mois, puis des mois, tout l'engraissage des compagnies dont tu as profité, toute l'inflation dont tu as profité, parce que tu as refusé d'indexer les impôts, puis cela t'a juste rapporté plus d'argent dans ta caisse, comme si les syndiqués n'étaient pas des Québécois qui ont les yeux ouverts.

Non, tout d'un coup, wouah! l'austérité. Papa a décidé que c'était l'austérité, comprends-tu. Tout le monde s'est graissé, les députés, les juges, les sous-ministres; tout le monde s'est engraissé en masse. Là, ça arrive aux secteurs public et parapublic, papa, décide qu'il n'y a plus d'argent. Papa n'a plus d'argent. Puis papa, il décide qu'il te limite à 8%, puis il va négocier avec toi, parce qu'il veut que tu deviennes un adulte. Il veut que tu deviennes un homme, que t'apprennes à négocier. Mais, si tu exiges plus que ce que papa veut que tu exiges, ah! papa va devenir un juge. Là, quand papa va devenir un juge, "watch out"! Cela s'appelle le bill 253. Papa il ne rit pas avec cela. Papa va te mettre une "cenne" sur la table, puis, si tu ne la prends pas, la "cenne", t'en auras pas "pan-toute". C'est clair.

Tu as beau lui dire à papa: Ta maudite offre, elle ne vaut pas $0.05, parce que papa, il est un peu perdu, tu sais, dans les patentes. Papa, il a trop de dépenses, il a trop de chevaux à courir. Le gouvernement est en train de s'effondrer, papa est occupé à bien bien trop d'affaires. Dire comme cela: Moi, je ne travaille pas pour rien. Dans le secteur hospitalier, moi, je ne travaille pas pour rien. Les infirmières qui sont même pas aux deux tiers de ce que les infirmières ontariennes gagnent, moi, je ne continue plus là-dedans. Les employés manuels d'hôpitaux qui ne peuvent plus admettre de travailler à des salaires aussi bas que ceux qu'ils ont, ce ne sont pas des imbéciles. Ils sont justes conscients. Quand ils voient les ministres se voter des salaires de $55,000, $60,000 par année, ils ne sont pas caves. Ils disent: Je n'en demande pas tant que cela, mais, bon Dieu, m'a toujours ben vivre un peu.

Si c'est l'abondance, cela va être l'abondance pour tout le monde ou bien donc cela va être l'abondance pour personne. Puis, moi des patentes de laisser engraisser Esso, Shell, puis toutes des affaires de même, puis toutes les compagnies, puis, à un moment donné, quand ça arrive à mon tour, croc, la patente vient de tomber à terre, je ne marche pas là-dessus. Ce ne sont pas des caves, ceux qui disent cela. Ce ne sont pas des caves. Ils ont vu la "game". Ils ont vu la "game". Cela fait longtemps que le monde l'a vu, la "game", inquiète-toi pas. Ils l'ont vue, ils ont vu le jeu de tous les ministres, ils ont vu l'hypocrisie tomber d'un bord à l'autre, ils ont vu tout cela.

Là, il se prépare une grosse "game". Oui.

M. Bienvenue: Sur une question de règlement, le député de Saint-Jacques sait que je n'aime pas interrompre les députés en général, ni lui en particulier. Si le projet de loi portait sur les conditions salariales, les clauses normatives, je ne parle pas du reste, des employés d'hôpitaux ou des services publics qui se rattachent à la santé, je pense qu'il serait dans le cadre de la pertinence. Comme cela porte sur le maintien des services essentiels — c'est comme cela que j'ai perçu le principe du projet de loi — j'aime mieux prévenir, M. le Président, parce que, parfois, avec l'agilité et le talent qu'on lui connaît, on va dans Esso, dans Shell, dans le salaire des députés. J'aime mieux prévenir, M. le Président. Je sais que, proprio motu, vous pouvez intervenir, vous l'avez fait il y a un instant, mais je pense que je manquerais à mon devoir si je ne soulevais pas ce point-là.

M. Charron: M. le Président, je conviens qu'il y a peut-être des intentions politiques, mais peu importe. Je parlais de la possibilité d'exercice de droit de grève de la part de ces syndiqués, ce qui nous amène directement au projet de loi. Nous n'aurions pas besoin, ce soir, de mobiliser les énergies — ce qui est un bien grand mot — de cette Assemblée pour déterminer les services essentiels dans les secteurs public et parapublic si nous n'avions pas en tête, chacun d'entre nous, les risques de grève que cette collectivité court de la part de ces employés.

Je vous dis qu'effectivement, comme vient de le signaler le ministre de l'Immigration, nous courons de sérieux risques de grève, d'où l'à-propos de cette loi. Effectivement. Je ne sais pas si c'est de grève. Les syndiqués ont leurs propres organismes pour déterminer l'action qu'ils veulent mener, mais ce que je puis dire ce soir, c'est qu'ils sont parfaitement légitimés de demander plus que ce que leur a offert le gouvernement. Donc, en ce sens, il devient plus important pour cette Assemblée de préciser les services essentiels qu'il s'agit de maintenir. Le risque d'affrontement est véritablement profond, profond parce que — j'y reviens parce que le ministre de l'Immigration n'a pas réussi à me faire perdre le fil de mon idée — le patron c'est lui, depuis le départ, qui peut se convertir en juge. Il nous demande même, par le projet no 253, ce soir, de l'aider à le faire, de déterminer ce qu'il fait.

Si on s'en tenait aux modalités du projet de loi no 253, c'est exactement ce qu'il nous demande: Permettez-nous de devenir des juges avant le temps, permettez-nous, dès que nous sentirons la soupe chaude, d'enlever notre masque de patron et de devenir des juges. Si vous regardez l'article 10, M. le Président, je vous vois feuilleter le projet de loi, et si vous regardez l'article 11, le gouvernement se réserve le droit de choisir, dans le Tribunal du travail, qui va déterminer, qui va procéder à la conciliation et, selon l'article 11, à l'adjudication de ce qui s'appelle des services essentiels. C'est le patron qui va décider cela, vous savez. C'est le patron, c'est le "boss". Le "boss" qui est en face, qui a déposé des offres salariales que, pour le moment, il peut ignorer complètement. Cela peut uniquement faire partie de sa stratégie d'affrontement pour les conduire à la loi 253.

Je vous dirais, si c'était dans les propos de cette loi, et si ce n'était pas le ministre des Affaires sociales qui l'avait déposée, que si je regarde les offres salariales du gouvernement dans le domaine de l'éducation, c'est exactement — et là, je l'affirmerais — ce que veut le gouvernement. Exactement. Dans le domaine social, la stratégie patronale a été de diviser le cartel des affaires sociales; c'est visible aussi là-dedans. On a offert plus à un groupe de salariés du secteur des affaires sociales et on a offert beaucoup moins que la normale à un autre groupe. Autrement dit, diviser pour régner. Vous divisez l'adversaire, vous en engraisser une partie et vous affamez l'autre, ou à peu près, ce qui fait qu'il n'y a pas de crainte à y avoir de solidarité de l'autre côté parce qu'il y en a une qui est tellement bien graissée par la partie qui vient de sortir que les nécessités d'assurer les services essentiels paraissent moins urgentes. Vous me comprenez?

Ce que je veux dire, c'est que s'il faut déterminer les services essentiels qui doivent être assurés, on ne peut pas écarter, à moins d'être des imbéciles — libre aux membres de cette Assemblée de le devenir — la stratégie patronale actuelle dans ces négociations. Je vois le député de Frontenac qui s'intéresse à la définition de l'imbécilité. Je veux dire que si on négligeait...

M. Lecours: Les malades aussi.

M. Charron: ... la stratégie patronale d'offres actuelles...

M. Lecours: Je n'aime pas ça voir des malades.

M. Charron: ... pour s'en tenir uniquement au projet de loi no 253, cette Assemblée oublierait les conditions dans lesquelles la loi 253 peut s'appliquer.

La loi 253 s'appliquera s'il y a mésentente. Il y aura mésentente à deux conditions: II y aura mésentente si l'écart entre les offres salariales patronales et les demandes salariales syndicales est à un tel point séparé qu'effectivement il ne reste à penser comme moyen d'action ultime, qu'à l'exer- cice du droit de grève par les syndiqués ou l'exercice du droit de lock-out par les patrons.

Le ministre des Richesses naturelles qui a une certaine expérience dans le dossier, sait très bien qu'au départ, si on ne peut présager une grève très très très longue comme dans le cas de United Aircraft — ce qui est à peu près impensable dans le cas des secteurs public et parapublic, nous en conviendrons tous, à cause du secteur particulier dont nous parlons — si, au départ, il y a un océan entre les demandes et les offres, il ne s'agit pas d'être très fin limier, il ne s'agit pas d'être très fort devin pour dire que ce que le Code du travail permet comme exercice de droit de grève à des employés risque d'être utilisé. Ce n'est pas plus que cela, c'est juste de cela dont nous avons à parler ce soir. Le projet de loi no 253 en est lui-même un symbole. Si le gouvernement intervient ce soir pour nous dire de tout de suite présager des services essentiels et les établir, en tout cas d'établir des mécanismes qui permettront de les établir, c'est parce que le risque de grève est, le moins qu'on peut dire, à l'horizon. Effectivement, le patron n'a qu'à regarder ce qu'il a offert par rapport aux demandes devant lesquelles il se trouve pour dire qu'il faudrait négocier, et négocier "ben" gros et négocier "ben" fort, puis négocier "ben le fun" pour qu'on s'en sorte — je ne dis pas sans grève — mais en tout cas sans recours à d'autres moyens apparentés à la grève.

Dans le secteur de l'éducation, je me permets cette incartade, c'est mille fois plus visible. Je dirais que c'est mille fois plus voulu par le gouvernement. Mais tenons-nous-en à cela, nous aurons d'autres occasions d'en parler.

Mais, quelle sera l'attitude des syndiqués sur l'établissement de services essentiels? Voilà la question. Autrement dit, cette Assemblée est appelée à se prononcer sur la valeur de ce projet de loi. Quelle en est donc effectivement la valeur? Comment effectivement ce projet de loi pourra-t-il résoudre des choses, éviter le pire, pour employer l'expression consacrée par les journalistes? Comme si le pire était l'exercice d'un droit légal. Les syndiqués vont respecter une loi quand la loi va respecter les syndiqués. C'est clair. Moi, je marche de même et j'espère que tous les Québécois marchent comme cela aussi. Moi, je marche dans un "deal" quand le "deal" ne me prend pas pour un imbécile. C'est bien clair. Quand le "deal" me prend pour un cave, ou quand le "deal" veut m'enlever un droit que j'ai gagné par ma propre force, je ne vois pas pourquoi je marcherais là-dedans. Je ferais rire de moi au bout de la ligne, pas juste parce que j'ai peur de faire rire de moi, parce que je serais fourré au bout de la ligne et que j'aurais perdu au bout de la ligne. Moi, je marche dans des "deals" quand c'est "clean", comme on dit, quand c'est clair, quand c'est franc, quand c'est sincère. Quand on me demande de ne rien céder de ce que moi je trouve essentiel de conserver pour moi, ce que j'ai gagné, ce que j'ai été chercher par ma force, en me battant contre des "boss", c'est clair. Si vous me respectez comme cela, moi je suis prêt à négocier les services es-

sentiels, bien sûr. Parce que personne des syndiqués, M. le Président, n'est intéressé à paraître à nouveau comme on l'a fait de façon tellement dégoûtante, de la part du patron d'en face en 1972, comme un torsionnaire de personnes hospitalisées, ou de personnes en foyer d'accueil ou en centre d'accueil. Aucun syndiqué n'aime à subir cette image, parce que chacun sait que cette image n'est pas vraie, parce que chacun sait qu'au salaire qu'ils ont actuellement ils doivent encore faire preuve de beaucoup de dévouement pour rester dans ces institutions, et que ce n'est pas drôle de travailler là-dedans.

Pendant trois ans, ils travaillent avec des malades, avec des impotents parce que c'est leur métier, dans des "tatillonnages" administratifs invraisemblables, et à un bout de la ligne, quand ils décident uniquement d'utiliser leur droit de grève pour se gagner des conditions de travail qui soient supérieures, se faire crucifier en pleine face l'image de tortionnaires, il n'y a personne qui aime cela.

Les syndiqués avec lesquels l'occasion nous a été donnée d'entrer en contact, personne de ces syndiqués n'est intéressé à maintenir cette image. Autrement dit, personne de ces syndiqués n'est opposé au principe de cette loi. Tous sont d'accord pour assurer les services essentiels, mais pas pour que le "boss" les détermine, pas pour que le "boss " ou les acolytes que le "boss " aura choisis les déterminent.

Ils ne sont pas des caves. Il y a des travailleurs du secteur parapublic qui ont des syndicats plus forts, plus solides, plus tenaces que des travailleurs du secteur public. Il y en a qui voient plus loin que leur nez dans une convention collective. Que voulez-vous? C'est dommage qu'ils ne puissent pas tous se faire fourrer par le charme d'un ministre, mais c'est de même. On devra se résigner de l'autre côté à savoir qu'on ne négocie pas avec des imbéciles. Cela a peut-être demandé beaucoup d'énergie de l'autre côté, mais cette étape franchie, il faudra en tenir compte.

Les syndicats sont intéressés par une loi qui établira un mécanisme déterminant les services essentiels en cas de conflit de travail, à deux conditions. Premièrement, si les mécanismes établis par cette loi sont conciliables avec leurs droits acquis et avec le simple esprit de justice, ce qui veut dire, j'ouvre une parenthèse, M. le Président, une loi qui ne remet pas entre les mains du "boss" la détermination du juge. C'est clair. Là-dessus, ils ont raison, ils ont bien raison.

Le premier, si je peux juste prendre la comparaison de cette auguste Assemblée que vous présidez quotidiennement, M. le Président, si jamais un litige devait m'opposer fondamentalement à un membre ou au conglomérat qui m'entoure et que cela devait être tranché par un juge, le minimum que j'exigerais avant de me plier à sa volonté, c'est que le juge n'ait pas été choisi uniquement par la partie d'en face.

Je ne dis pas que vous me trouveriez intelligent, M. le Président, si je posais cette revendication. Vous penseriez que je me trouve uniquement civilisé et adapté au vingtième siècle. Effectivement, au vingtième siècle, les rapports entre humains, entre patrons et ouvriers, entre patrons et syndiqués veulent que le patron ait certains droits, mais quand même pas celui de nommer le juge. La deuxième condition pour laquelle les syndiqués accepteront la création d'un tribunal ou d'un juge devant déterminer les services essentiels, outre les mécanismes que je viens de définir, c'est parce qu'ils y ont un avantage. Effectivement, si cette loi sait être juste et apprend à fixer des mécanismes qui feront qu'elle deviendra respectable par toutes les parties, alors cette Assemblée vient du fait même d'être assurée qu'il n'y aura pas de loi de retour au travail forcé dans les secteurs public et parapublic lors de la prochaine négociation.

Autrement dit, c'est un soulagement pour tout le monde. Cette Assemblée vient d'apprendre qu'elle n'aura pas à forcer des travailleurs à abandonner un droit légal, ce gouvernement-patron vient d'apprendre qu'il n'aura pas besoin de se maquiller en juge, et les travailleurs syndiqués viennent d'apprendre qu'ils n'auront pas à faire une grève, peut-être.

M. le Président, je me permets cette incursion d'une minute dans l'exercice du droit de grève. Cette Assemblée et ses députés de la majorité ont souvent eu l'impression que les syndiqués, où qu'ils soient dans le Québec et ceux des secteurs public et parapublic encore plus parce qu'ils nous touchent encore plus, exercent avec un plaisir effréné, une joie débordante, l'exercice du droit de grève. Ce n'est pas vrai.

Il faut bien comprendre que les travailleurs, lorsqu'ils décident d'exercer ce droit, c'est en dernier ressort parce qu'ils y perdent. Ils y perdent beaucoup. Leurs familles y perdent. Ils le font dans l'espoir de gagner quelque chose à long terme. Mais au moment où ils entrent en grève, rien ne leur dit que le gain sera supérieur aux pertes encourues pendant le temps de l'action devant mener à ces gains. Ils ne le savent pas.

En fait, pour un travailleur entrant dans une grève, c'est la période d'insécurité maximale. Quel sera le fonds de grève? De quelle durée la grève sera-t-elle? A quelles conditions signerons-nous? Toutes ces choses sont absolument dans le noir au moment où ils enclenchent la grève. S'ils la font, c'est parce que c'est le moyen ultime d'action dans la disproportion entre les offres et leurs demandes et qu'ils se sentent très souvent poussés à la faire par l'action du patron. Cette chose doit être claire, M. le Président.

En particulier, je connais des travailleurs, dans mon comté, employés de commission scolaire, donc du secteur parapublic directement visé par cette loi, qui m'ont affirmé, au cours de la fin de semaine, lorsque je les ai rencontrés lors d'un événement social dans mon comté, qu'ils craignaient comme la peste de devoir faire la grève. Certains travailleurs me disaient craindre pour leur propre sécurité. Certains d'entre eux venaient de cette ville même où nous sommes ce soir, étaient déménagés à Montréal pour travailler et me disaient: Si la grève dure deux semaines, je suis

obligé de retourner à Québec chez mes parents. Je n'ai plus le moyen de vivre, je n'ai plus le moyen de payer mon appartement, je n'ai plus le moyen de payer mon électricité, je suis fini. Il faut penser que nous parlons de travailleurs de $115, $120 ou $125 par semaine. Ceux du secteur hospitalier également. Une grève les fait souffrir. S'ils la font, c'est juste par moyen ultime d'aller chercher une amélioration à très long terme sur une convention collective de trois ans, et il n'est même pas prouvé mathématiquement qu'ils y gagneront. C'est toute une décision, pour un travailleur, que d'aller voter oui dans l'urne au moment où il est consulté quand il sait qu'il a une famille à nourrir, quand il sait que les Fêtes approchent, quand il sait qu'il a des besoins à satisfaire et qu'il sait que le fonds de grève lui apportera peut-être $35 ou $40 par semaine. Où est-ce qu'on va "revirer" avec cela aujourd'hui? C'est parce qu'il a l'espoir que la solidarité syndicale lui apportera quelque chose.

Ils n'en veulent pas de grève, les employés des secteurs public et parapublic et les employés du secteur hospitalier dont nous parlons ce soir. Ils n'en veulent pas. Ils vont la faire à regret mais obligatoirement. Personne ne saura les blâmer.

C'est pour cela, M. le Président, que s'ils sont résignés à utiliser ce droit de grève, à un moment donné, et qu'en même temps les services essentiels sont assurés, ils sont au moins assurés que l'exercice de leur droit de grève leur apportera des fruits et qu'ils pourront la faire.

M. le Président, ce projet de loi, à mon avis, n'est approuvable que parce qu'il garantit le droit de grève dans des conditions normales et que les travailleurs doivent le considérer comme tel ce soir.

Autrement dit, l'excuse traditionnelle du patron, masqué en juge, à un moment donné, de se scandaliser que les services essentiels ne soient pas assurés et d'imposer, par le fait même, des conditions de travail que ces travailleurs n'ont pas acceptées et n'ont pas délibérément négociées avec leur employeur, nous pouvons espérer qu'à partir de cette loi ces offres disparaissent, mais à une condition, à la condition que le mécanisme déjà très discutable dans ce projet de loi qui établira des services essentiels soit amendé.

L'Opposition officielle apporte Son concours à ce projet de loi en deuxième lecture, parce que le principe — non seulement à nous, mais à tous les syndiqués, M. le Président, puis-je vous le rappeler — nous apparaît essentiel, mais à condition que des amendements substantiels soient apportés au projet de loi au cours de l'étude en commission.

Actuellement, les mécanismes amorcent une nouvelle démarche patronale, mais la concluent en queue de poisson, si vous voulez mon opinion, ou la concluent au désavantage des syndiqués. Vous rappelez-vous, M. le Président, cette loi, que cette Assemblée a été appelée à discuter je ne me rappelle plus à quelle époque, et qui fixait les cadres de négociations en cours; je ne me rappelle même plus le numéro de la loi, je l'ai cherché tout à l'heure.

M. Burns: Quarante-cinq.

M. Charron: Quarante-cinq, je pense, qui incluait le ministre des Affaires sociales et le ministre de l'Education, partenaires du ministre de la Fonction publique. C'était la loi 45. Quarante-cinq?

M. Forget: Quatre-vingt-quinze.

M. Cournoyer: La dernière, c'est la loi 95 qui amendait la loi 45.

M. Burns: Amendée par la loi 95.

M. Charron: M. le Président, cette loi connaissait des vices de forme. Je ne veux pas, ce soir, présenter l'Opposition comme des fins finauds qui ont toujours tout prévu! Mais, au moment où cela arrive, non seulement j'aurais tort de ne pas le signaler, mais, parce que cela peut servir d'avis à l'Assemblée, lorsque nous avons fixé les cadres de cette négociation qui disait que, lorsqu'au bout de 90 jours, la partie patronale et la partie syndicale ne se seraient pas entendues sur ce qui est négociable au niveau provincial et sur ce qui est négociable au niveau régional ou au niveau local, le patron se convertirait en juge, le député de Maisonneuve et moi-même avons dit: Cela ne marchera pas, cela ne marchera pas; il faudrait que ce soit le Tribunal du travail qui fixe cela. M. le Président, cela n'a pas marché, non plus. Ce n'est pas parce que le député de Maisonneuve et moi sommes des fins finauds. C'est parce que nous nous étions basés uniquement sur l'expérience des négociations de 1972. C'est bien évident que, si le ministre des Affaires sociales s'en tient aux mécanismes actuellement prévus dans le projet de loi no 253, avec lequel nous sommes disposés à convenir quant au principe, cela ne marchera pas non plus et on aura donné notre appui de principe sur rien, en fin de compte. C'est pour cela que je le dis sans ambages: On donne notre accord de principe parce qu'on croit, dans l'intérêt du Québec et des syndiqués eux-mêmes, que des services essentiels soient prédéterminés avant un affrontement, s'il doit venir, entre l'Etat et ses employés du secteur parapublic hospitalier et de tout l'ensemble du secteur parapublic, à la condition que les mécanismes en tiennent compte. Autrement, nous voterons contre en troisième lecture c'est simple; nous nous opposerons au projet de loi dans sa version finale.

Le principe est acceptable, mais pas de même, pas si c'est le "boss" qui décide, à un moment donné, de devenir un juge, de choisir qui va devenir juge. Wo, un boutte! Les syndiqués ne sont pas des imbéciles, M. le Président. Si on adopte ce projet de loi, voyez-vous dans quel esprit les syndiqués vont aller négocier par la suite?

Ils vont aller négocier en se disant: Cela ne nous donne pas grand-chose; cela ne nous donne pas grand-chose puisque le patron n'a qu'à se croiser les bras et, quand il va trouver que cela a duré assez longtemps, il va se transformer en juge.

Et ici, dans cette Assemblée, il se trouvera des députés de l'Opposition pour poser des questions au ministre de la Fonction publique et le ministre de la Fonction publique se lèvera et dira: Les syndiqués ne négocient pas de bonne foi. Il n'y a que le gouvernement de correct dans cette affaire-là. Je comprends qu'ils ne négocieront pas de bonne foi. Iriez-vous à l'abattoir, vous, M. le Président, si on vous disait: Tu as trois chances; au bout de la troisième il y a une guillotine qui te tombe sur la tête? Tu arrives pour la première, le patron reste les bras croisés; tu arrives pour la deuxième, le patron reste les bras croisés; tu arrives pour la troisième, le patron se transforme en juge et abat la guillotine. Iriez-vous de bonne foi, vous, M. le Président? Pensez-vous que les députés, ici, qui se sont négocié une augmentation de salaire l'année passée auraient négocié avec un "boss" de même? Le gars qui se donne des recours au bout de la ligne, c'est une négociation tronquée, truquée, fausse et indigne des syndiqués. Ils ont parfaitement le droit de la contester.

Les parties ne seront pas intéressées, dans cette loi, à faire des compromis devant celui qui, dans quelques jours, pourra devenir un juge si on devait s'en tenir aux mécanismes actuels, qui ne prévoit même pas de période d'audition pour les parties en cours, rien. Le patron nomme un juge et le juge tranche, sans même avoir entendu les parties. Il n'y a même pas dans ce projet de loi, M. le Président, ce que le Code du travail peut prévoir comme minimum dans des conflits — je le dis sans manque de respect à l'égard des travailleurs dans ces conflits — moins importants que celui-là, en tout cas qui touchent un moins grand nombre de gens que celui-là. Les travailleurs de Gattuso, qui étaient mon exemple de tantôt, M. le Président, ont toujours ce pouvoir de médiation et de conciliation en vertu du Code du travail s'ils décident d'en faire la demande. Mais ici, même pas! Comme le dira le gouvernement s'il y a une grève, regardez-le bien venir s'il y a une grève: Ils détiennent les malades en otages, ils font souffrir du monde, ils laissent saigner les malades. Ils vont nous dire tout cela et tout le chorus va se lancer là-dedans.

On n'a même pas offert à ces travailleurs la médiation et la conciliation normale que les autres travailleurs, à Gattuso, ou bien les "fabriqueurs" de moppes, de n'importe quoi, peuvent avoir. Je n'ai rien contre cela qu'ils l'aient. Mais je dis: Si ce sont vraiment des services essentiels, si ce sont vraiment des services qui touchent l'ensemble de la population, le moins qu'on puisse faire c'est de leur assurer le minimum de droits que les autres travailleurs ont dans des services moins importants. Ils ne l'ont pas; ils ne l'ont pas dans ce projet de loi.

Il viendra des mauvaises langues, M. le Président, qui diront — ce n'est pas moi ce soir qui le dis mais je le dirai bien à mon tour — que le gouvernement a conduit, à partir du retard qu'il a mis à déposer ses offres, jusqu'à l'accomplissement final d'un décret qui s'abattra sur la tête des travailleurs si jamais on doit s'en aller jusque-là. Au- trement dit de A à Z, le gouvernement aura agi volontairement et par calcul — selon la formule du premier ministre — bassement partisan, pour se sauver la face parce que c'est la seule place où il peut se la sauver. Calculer, manipuler et organiser un affrontement avec ses propres employés des secteurs public et parapublic. Quand il y aura des mauvaises langues qui diront cela, M. le Président, il faudra les écouter, il faudra les écouter. Il se trouvera bien quelque chanteur de charme dans cette Assemblée pour dire que c'est écoeurant ce que font les syndiqués, que c'est terrible ce que font les syndiqués.

Mais il faudra bien regarder les agneaux d'en face parce que les agneaux d'en face, M. le Président, poignés dans la corruption, poignés dans les "hot lines", poignés dans n'importe quoi, vont certainement se trouver un moyen de se sortir du trou. Et quel moyen avez-vous trouvé, dans ce gouvernement, de se sortir du trou sinon de taper sur les petits? Pas taper sur les gros, ils sont avec eux. ils en dépendent, ils sont élus avec eux.

Taper sur les petits. Taper sur les travailleurs syndiqués. Ils font souffrir les malades dans les hôpitaux, ils font crever de faim les pauvres vieilles qui sont dans les hospices, les méchants CSN, les méchants FTQ, on va tout avoir ce scénario-là, M. le Président. On l'a eu en 1972 à 24 heures d'intervalle, comme je vous le disais tantôt.

Cela se prépare déjà. Retard dans le dépôt des offres, offres inférieures à la normale attendue. Longueur, lenteur dans les négociations, et laissons aller. Laissons aller. A un moment donné, M. le Président, ce gouvernement, après avoir établi, si on devait s'en tenir aux versets du projet de loi no 253, qui sera juge, après avoir établi les services essentiels et parce qu'il jugera que les services essentiels ne seront pas établis ni respectés, décidera d'intervenir par un décret qui lui permettra de fixer des conditions de travail à des employés publics et parapublics pour trois ans, sans leur consentement, à des conditions inférieures à ce que la normale devrait être. Et tout cela pour dire que le gouvernement vient de sauver le Québec de l'anarchie syndicale encore une fois.

Leur jupon dépasse, M. le Président, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Ils ont fait la même chose trois fois déjà. Quand je les vois re-tontir au coin de Saint-Laurent puis de Sainte-Catherine, je ne peux pas me demander encore une fois ce qu'ils s'en viennent faire là. Merci, M. le Président.

Le Président: Le député de Rouyn-Noranda. M. Camil Samson

M. Samson: M. le Président, le projet de loi no 253, qui est en fait une réédition du projet de loi no 31, mais avec un peu plus de dents, est un projet de loi qui vient prévenir une situation qui pourrait devenir grave en cas de conflit de travail. M. le Président, bien sûr, ce projet de loi ne vient pas régler toute la situation économique au Québec. Il faudrait bien se comprendre. Ce projet de loi

s'inscrit dans le cadre d'un contexte particulier qui se prépare ou qui a déjà débuté.

J'aurais préféré, évidemment, que le gouvernement nous annonce une réforme en profondeur qui pourrait garantir à tous les travailleurs du Québec et à la population du Québec un sain revenu qui permettrait à tout le monde de vivre raisonnablement. Le domaine des services de santé, des services sociaux, c'est un domaine où les salariés ont, je pense, comme dans tous les autres secteurs de l'activité économique, le droit de s'attendre à une juste rémunération. La question qui se pose est de savoir si le gouvernement, comme employeur, parce que le gouvernement est employeur dans ce cas, qu'il le soit directement ou indirectement, de toute façon c'est lui qui paie la note — si le gouvernement comme employeur aura justement des offres à faire qui traiteront de façon raisonnable les salariés concernés. Nous sommes, à ce chapitre, encore dans l'abstrait. Nous ne savons pas si les règlements proposés aux salariés seront raisonnables. Nous ne savons pas si la négociation mènera à des règlements raisonnables. Ce que nous savons, à ce moment-ci, c'est qu'il y a des difficultés qui ont été vécues autant dans le domaine de la négociation avec les fonctionnaires que dans le domaine des négociations avec les gens de l'éducation.

Nous ne pouvons cautionner les façons de travailler de ce gouvernement. Nous ne pouvons cautionner le fait que, par des stratégies bien élaborées, les salariés se retrouvent devant des situations où ils n'ont pas tellement le choix des moyens. Finalement, consciemment ou inconsciemment, le gouvernement pousse ces salariés vers des actes que les salariés eux-mêmes ne voudraient pas poser. Ces actions ouvrent la voie toute grande à ceux-là qui, assis sur un autre genre de siège, ne recherchent pas de solution.

Je pense qu'il est valable de dire que le gouvernement ne fait pas tous les efforts, mais je pense aussi que nous devons avoir l'honnêteté de dire que, d'autre part, certaines gens, parce qu'il ne faut pas généraliser, utilisent aussi, à leur façon, les salariés. Ils les utilisent en se servant de la maladresse du gouvernement; cela devient, pour certaines personnes, un prétexte à pousser et à chauffer à blanc les salariés qui ont besoin de leur salaire pour boucler les deux bouts, pour boucler le budget familial. Ces gens-là sont finalement chauffés à blanc parce que le gouvernement leur sert sur un plat d'argent un prétexte pour semer l'agitation.

Qui sont les éternelles victimes de ces deux grands géants? D'une part, le gouvernement employeur, qui est un géant et, d'autre part, certaines centrales syndicales qui sont, à leur façon, aussi des géants. Le salarié se retrouve pris entre ces deux genres d'extrêmes, pris entre les deux. Le salarié qui veut améliorer son sort, et c'est légitime, n'a pas d'autre moyen que donner un mandat, une fois qu'il a été chauffé à blanc — parce que c'est comme ça que ça se fait encore — à des gens qui, n'ont pas peur de crier fort sur les tribunes que la négociation, pour eux, ça ne vaut pas grand-chose et qu'il faut absolument faire la grève et voire même la grève générale. Vous voyez dans quelle sorte d'engrenage les salariés du Québec sont pris. Qu'ils soient du secteur public ou d'un autre genre de secteur, ils ont tous le même problème, actuellement. Ils se retrouvent pris entre l'arbre et l'écorce régulièrement. Les seules victimes sont ceux qui se font serrer entre l'arbre et l'écorce, les salariés, les employés. Dans le cas présent, lorsque ces salariés sentent qu'ils n'ont pas justice, ils sont obligés d'avoir recours à un défenseur qui abuse aussi de la situation.

Je suis sûr que cela se fait de bonne foi par les salariés.

Quand il y a une grève, cependant, dans des secteurs aussi vitaux que les secteurs de la santé et des services sociaux, elle se fait en exerçant une pression non pas sur le gouvernement comme tel, mais sur les usagers de ces services, sur ceux qui ont besoin de ces services, sur les patients dans les hôpitaux, sur la population en général qui vit dans l'inquiétude. Ne sachant pas quel jour on tombera malade, M. le Président, si les services manquent, nous ne savons pas qui sera celui qui, demain, aura besoin de ces services. Autrement dit, cela amène une population, dans des conditions comme celles-là, à vivre dans l'insécurité totale. Qui sera la prochaine victime? C'est ce que nous nous disons quand il y a grève dans les hôpitaux. Parce que, quand il y a grève et que les services ne sont pas assurés, même avec les cadres qui font leur possible, il se peut — je n'accuse personne — que cette action posée mène au décès de certaines personnes. Nous nous rappellerons la grève de 1972. Nous nous rappellerons également qu'il a été cité en cette Chambre, à cette occasion, que, dans la ville de LaSarre, un patient avait été retourné chez lui sur une civière parce que les employés qui devaient donner et assurer les services essentiels, à ce moment, n'étaient pas là. Ce patient est décédé le même jour ou le lendemain. On ne peut pas dire que ce patient aurait vécu bien plus longtemps, même avec les soins. Nous n'avons pas tenté de faire la preuve de cela.

M. Bienvenue: Sur une question de règlement, M. le Président. Je ne vois aucune excuse pour que nous ne soyons pas plus nombreux en Chambre. Je vous souligne qu'il n'y a pas quorum.

Le Vice-Président (M. Blank): II n'y a pas de commissions qui siègent?

M. Bienvenue: II y en a une, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Blank): C'est vingt pour le quorum. On n'est pas vingt?

M. Bienvenue: Le député de Rouyn-Noranda a droit d'être entendu par ses collègues.

Le Vice-Président (M. Blank): Où est la commission?

M. Samson: Cela va peut-être en faire réfléchir quelques-uns.

Le Vice-Président (M. Blank): Où est la commission? Pouvez-vous aviser la commission de ne pas...

Une Voix: D'accord, on est assez.

Le Vice-Président (M. Blank): Nous allons sonner les cloches.

M. Samson: Je disais donc, M. le Président, que nous n'avons pas tenté de faire la preuve que cette personne aurait quand même survécu, mais un doute subsiste. Si les services essentiels avaient été maintenus dans ce cas, nous aurions augmenté les chances de ce patient de survivre, sûrement.

M. le Président, nous pourrions répéter ces exemples, il y en a d'autres ailleurs. Il y en a eu en 1972 de ces exemples aussi. Il y en aura d'autres si la même chose se répète. Bien sûr, ce n'est pas toujours drôle de faire son devoir dans de telles circonstances. Ce n'est pas drôle pour l'employé d'être obligé de donner les services alors qu'il voudrait exercer son droit de grève. Mais c'est encore moins drôle pour le patient qui cherche des services, qui en a besoin et qui ne peut pas en recevoir. Mais ce n'est pas drôle, non plus, pour le législateur, pour l'homme public qui est obligé de prendre des dispositions qui risquent de ne pas être populaires auprès des syndicats. Mais est-ce que — et c'est une question que je me pose — nous avons été élus en tant que législateurs, en tant que députés à l'Assemblée nationale pour les concours de beauté ou de popularité ou si nous avons été élus pour faire notre devoir?

Et quand je me pose cette question, M. le Président, je me permets d'apporter la réponse qui m'est dictée par ma conscience, c'est-à-dire faire mon devoir et mon devoir me dit qu'on n'a pas le droit de laisser toute une province dans un état où il n'y aurait pas de services essentiels de garantis dans le domaine de la santé.

M. le Président, j'ai été l'un de ceux qui, dernièrement, ont frotté un peu les oreilles du ministre de la Fonction publique dans le domaine des négociations. J'ai même frotté les oreilles du premier ministre une bonne journée en lui demandant de mettre quelque chose sur la table avant d'inviter ses gens à venir négocier. Je parlais des gens de l'éducation à ce moment. J'ai dit, et je me rappelle fort bien ce que j'ai dit à ce moment: Vous invitez du monde à la table et vous ne mettez rien sur la table. Mais ce n'est pas parce que le gouvernement ne fait pas tout son devoir que nous devons laisser aller la situation et créer un état anarchique.

La solution n'est pas plus dans le droit de lock-out que dans le droit de grève. La solution n'est pas plus dans le décret que dans la loi spéciale. La solution se rattache toujours aux problèmes économiques que connaît le Québec présentement. Quel que soit le projet de loi sur lequel nous discutons, on revient toujours avec la même rengaine parce que c'est toujours le même problème. Le gouvernement nous répond tout le temps: On serait bien prêt, mais on n'a pas d'argent. Quel que soit l'employeur dans le domaine public comme dans le domaine privé, bien sûr, les gens disent: On vous aime bien, vous êtes nos employés. C'est dommage, mais on n'a pas d'argent. C'est bien dommage, mais on manque de crédits. C'est dommage, mais on n'a pas les moyens.

Pourtant, M. le Président, on vit dans une province qui est censée être une des plus riches du Canada et sur le territoire qui est un des plus riches dans l'hémisphère nord-américain. A travers tout cela, devant cette abondance de productions possibles, devant cette abondance de biens et de services possibles, on a encore des économistes assez intelligents pour dire aux citoyens: Serrez votre ceinture, cela va brasser; serrez votre ceinture, on passe une période d'inflation; serrez votre ceinture, c'est l'austérité. Oui, M. le Président.

Je n'ai pas entendu dire que sur les terres avaient poussé moins de carottes cette année que l'an passé. Je n'ai pas entendu dire non plus que la terre sur laquelle nous vivons permet moins de productions que l'année passée, il y a deux ans ou il y a trois ans. Au contraire, nous augmentons notre production. N'est-ce pas imbécile un peu? Plus on produit, plus on augmente la production, plus on augmente l'abondance, plus on augmente les biens, plus on augmente la possibilité de services, plus on s'en passe de ces biens et services. Si nous voulions réellement régler un problème, il faudrait commencer par le commencement.

M. Bienvenue: Le député de Rouyn-Noranda m'excuserait-il une seconde? Je maintiens qu'il manque trop de députés pour l'entendre, M. le Président, et je vous demanderais de sonner les cloches pour qu'on ait le quorum en cette Assemblée.

Le Vice-Président (M. Blank): Nous avons quorum.

M. Samson: M. le Président, je continue en vous soulignant que rien ne sert... Vous êtes encore en train de compter, M. le Président? Je vais attendre que vous finissiez.

Le Vice-Président (M. Blank): Non, non, c'est fait.

M. Samson: Cela va?

M. Burns: Ne comptez pas le sergent d'armes.

Le Vice-Président (M. Blank): Non, non, je ne compte pas le sergent d'armes. Il y en a encore 22. Je me compte moi-même.

M. Burns: D'accord. Je vous compte.

M. Samson: Comptez-vous seulement pour un, M. le Président, parce que j'en vois encore seulement un.

Je disais donc, M. le Président, que rien ne sert...

M. Pilote: De courir.

M. Samson: Non, mais ce serait peut-être mieux que vous accouriez, par exemple, parce que vous manquez pas mal de monde ce soir.

Rien ne sert, M. le Président, de légiférer à la petite pièce comme cela si on ne s'attaque jamais à la racine du mal. C'est beau de fournir des aspirines pour les maux de bloc, mais les maux de bloc de la province de Québec se guériraient par autre chose que de l'aspirine. Le mal de bloc du salarié qui ne rejoint pas les deux bouts, le mal de tête de la famille qui ne bouche pas son budget, le mal de tête du petit marchand du coin qui est obligé d'aller déposer tous les lundis matin et à qui il manque de l'argent pour couvrir les chèques qu'il a faits dans la semaine, c'est une autre sorte de mal de tête qui ne se règle pas seulement par de l'aspirine. Le mal de tête des professionnels qui, malgré leur classe, ont aussi des maux de tête, le mal de tête de l'industriel qui, dans notre région, dans les scieries qui ont des difficultés, qui ont de graves difficultés présentement, ce mal de tête ne se guérit pas par de l'aspirine. Le mal de tête de tous les dirigeants d'entreprise ne se guérit pas par de l'aspirine non plus.

Mais, M. le Président, quand va-t-on arrêter d'offrir seulement de l'aspirine et quand va-t-on se décider à soigner la vraie maladie? Vous allez me dire qu'à l'occasion d'un débat comme cela, ce n'est pas le temps de remettre en question tout le système économique.

M. le Président, nous avons eu la semaine dernière ou il y a deux semaines, je pense, un débat sur les lois anti-inflation. Nous avons dit des choses qui ressemblent drôlement à ce que je dis ce soir. A chaque projet de loi qui nous est présenté, on retrouve toujours le même bobo, le même problème qui est en dessous de cela. Il n'y en a pas un qui est capable de me contredire là-dessus. Vous avez toujours le même problème. On est prêt à payer si on a de l'argent, on est prêt à vous donner le salaire qu'il faut, on est prêt à bien vous traiter, bien oui. Mais on n'a pas d'argent. On n'a jamais d'argent. C'est toujours le même problème.

M. le Président, vous pourriez, au lieu d'avoir 25 ministres à tous les jours, en Chambre, avoir un ruban — un "tape" — enregistré: On n'a pas d'argent, on n'a pas d'argent, on n'a pas d'argent. On ferait jouer cela. On poserait toutes les questions qu'on veut poser et le "tape" nous répondrait: On n'a pas d'argent, on n'a pas d'argent, on n'a pas d'argent. Cela équivaudrait aux réponses que le premier ministre nous donne tous les jours.

M. Burns: Ce n'est pas cela qu'on a?

M. Samson: C'est cela qu'on a. Pourquoi les amener ici tous les jours dans ce cas? Enregistrons-les, M. le Président!

Une Voix: Cela n'a aucun rapport avec le projet de loi.

M. Samson: M. le Président, je vais vous enregistrer aussi, vous, si vous continuez!

Le Vice-Président (M.Blank): Le bill aussi! Des Voix: Ha! Ha!

M. Samson: Mais un fait demeure, le principe de ce projet de loi est rattaché à un problème d'argent. C'est aussi clair que cela. Tant qu'on ne réglera pas cela, on ne réglera jamais rien ici. On va vous l'adopter votre petite loi, ne vous inquiétez pas! On va vous la laisser passer, parce que, dans le système actuel, dans le système que vous générez, dans le système dont le Parti libéral est responsable — et si cela peut vous faire du bien de vous le dire, ceux qui vous ont précédés n'étaient pas mieux — ce système est généré, M. le Président... Ne vous levez pas, vous n'améliorerez pas ma situation!

Le Vice-Président (M. Blank): Je vous ai laissé aller, cinq minutes, dix minutes, je pensais que vous faisiez un préambule et que vous en viendriez au sujet du projet de loi, les négociations concernant les services essentiels; on ne parle pas de la situation économique de la province.

M. Samson: Je regrette, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Blank): C'est très intéressant, je vous trouve très intéressant, mais vous ne parlez pas dans le contexte de ce projet de loi.

M. Samson: Je regrette, M. le Président, mais le contexte de ce projet de loi est un contexte de services essentiels en cas de grève. Il y a des grèves quand les gens ne sont pas satisfaits, quand les ouvriers ne sont pas satisfaits, quand les salariés ne sont pas satisfaits et ils ne sont pas satisfaits quand il n'y a pas assez d'argent. Quand je dis qu'il n'y a pas assez d'argent, je suis dans le sujet du projet de loi.

Toute la société québécoise va être prise avec cela et vous allez me dire, à moi, qu'on va me tracer un corridor? C'est bien dommage, mais il n'y a pas de corridor là-dedans.

Le Vice-Président (M. Blank): II n'y a pas de corridor là-dedans, c'est dans les notes explicatives.

M. Samson: Non, non, non, non.

Le Vice-Président (M. Blank): Excusez-moi, le principe du projet de loi c'est la détermination, le maintien des services essentiels de la santé, des services sociaux, la négociation des services essentiels, le respect des ententes dans cette matière. C'est limité à cela.

M. Samson: M. le Président, j'ai le droit de dire tout ce qui se rattache à cela.

Le Vice-Président (M. Blank): Directement.

M. Samson: Indirectement aussi, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Blank): Non, monsieur. J'ai déjà dit que vous enfreigniez le règlement. S'il vous plaît revenez au sujet du projet de loi ou votre temps sera terminé.

M. Samson: M. le Président, je regrette énormément que vous preniez ce ton fâcheux.

M. Burns: Je m'excuse, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Blank): J'ai le droit de rendre un jugement.

M. Burns: ... sur la question de règlement. Le Vice-Président (M. Blank): Oui, d'accord.

M. Burns: Bien sûr, M. le Président, que l'article 120 nous dit que le débat de deuxième lecture doit être restreint à la portée, à l'à-propos, aux principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de loi ou à toute autre méthode d'atteindre ces fins. M. le Président, ce que nous discutons ici, c'est un des problèmes fondamentaux de la société actuelle.

Le député de Rouyn-Noranda, je pense, en tout cas, je vous le soumets respectueusement, a raison lorsqu'il s'aperçoit que l'objet du projet de loi est la détermination, le maintien de services essentiels dans les services de santé et les services sociaux, et prévoit des dispositions particulières et complémentaires à celles du Code du travail, en cas de conflit de travail. Pourquoi, à un moment donné, ces conflits doivent-ils naître?

Le Vice-Président (M. Blank): Non, je ne suis pas d'accord avec vous.

M. Burns: Non, M. le Président, mais si on ne peut pas parler de raisons pour lesquelles les conflits doivent naître, à ce moment-là, vous nous imposez un corridor qui n'a rien à faire avec l'à-propos, la portée, les principes fondamentaux et la valeur intrinsèque du projet de loi. Ce que nous discutons ici, cela peut même aller jusqu'à dire: Comment se fait-il que le gouvernement ait une politique tellement antisociale que, véritablement, nous soyons forcés de discuter un tel projet de loi, ce soir ou demain ou la semaine prochaine ou dans deux mois?

M. le Président, il me semble que c'est clair; quand vous parlez de conflit dans ce domaine, quand vous parlez de la politique gouvernementale en matière de négociations collectives, vous êtes obligé nécessairement de déborder de cela. Je vous demande une certaine latitude quant à la possibilité, quand même. En tout cas, vous l'accorderez ou vous ne l'accorderez pas, M. le Président, mais je pense que vous devez nous accorder, à l'Opposition, une certaine latitude quant à la discussion de ce type de problème.

M. Bienvenue: Sur la question de règlement, M. le Président, vous avez peut-être remarqué que j'avais soulevé la question de la pertinence lorsque le député de Saint-Jacques est intervenu en cette Chambre.

Je ne l'ai pas fait, M. le Président, vous avez remarqué, dans le cas du député de Rouyn-Noranda parce que ce n'était pas désagréable ce qu'il disait et j'oubliais le règlement. Là, je vous mets en garde, M. le Président, dans le cas du député de Maisonneuve. Je soupçonne que ce n'est pas pour aider le député de Rouyn-Noranda qu'il fait cela mais en prévision de l'intervention qu'il fera lui-même.

M. Burns: M. le Président...

M. Bienvenue: Surveillez-le, M. le Président.

M. Burns: ... c'est pour les deux raisons; c'est pour aider le député de Rouyn-Noranda...

Le Vice-Président (M. Blank): Je prends acte de votre admission.

M. Burns: ... et c'est en prévision de mon intervention.

Le Vice-Président (M. Blank): J'ai pris acte de son admission.

M. Burns: C'est dans les deux buts mais je vous dis que dans l'immédiat c'est pour aider le député de Rouyn-Noranda, s'il veut bien que je l'aide.

Le Vice-Président (M. Blank): Non, non.

M. Burns: Mais éventuellement c'est également pour protéger mon droit de parole à moi, M. le Président, parce que je vais largement déborder le projet de loi. Si c'est vous qui présidez...

Le Vice-Président (M. Blank): Je vais changer de place avec un autre.

M. Burns: ... je vous avertis qu'à toutes les deux phrases vous allez être obligé de me rappeler à l'ordre, je vous garantis cela.

Le Vice-Président (M. Blank): Au député de Rouyn-Noranda, je n'avais aucune objection quand vous avez discuté de la question économique comme un préambule à votre argument sur ce projet de loi. Mais je trouve que 99% de votre argument est basé sur quelque chose qui n'est pas directement lié au projet de loi; cela va un peu trop loin et je vous ai laissé aller presque dix minutes sans vous arrêter. Mais, quand je trouverai que vous discuterez d'un sujet complètement différent du projet de loi, à ce moment-là je vous arrêterai. Je n'ai aucune objection, cela fait partie de votre débat mais pas pour le tout.

M. Samson: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Blank): Je ne veux pas qu'il y ait de précédent...

M. Samson:... sur la question de règlement, je voudrais bien calmement reprendre ce que vient de dire l'honorable député de Maisonneuve pour être certain qu'on a tous bien compris l'article 120. On y dit que le débat sur toute motion de deuxième lecture doit être restreint à la portée, à l'à-propos, aux principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de loi, ou — c'est là, M. le Président, que le législateur a prévenu — à toute autre méthode d'atteindre ses fins. A ce moment-là, je vous soumets respectueusement que j'utilise cette dernière partie de l'article 120, "toute autre méthode d'atteindre ses fins". C'est à partir de là que j'ai, je pense, le droit d'utiliser ce genre de comparaison mais je regrette que le règlement ne nous dise pas combien de minutes on peut utiliser ce "toute autre méthode pour atteindre ses fins"; ce n'est pas marqué dans le règlement, M. le Président. Si ce n'est pas marqué, cela doit être parce qu'on s'en sert quand on en a besoin.

Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de vous consulter pour préparer mon discours. Or, j'ai été obligé de le préparer moi-même et je suis obligé de me servir de mes arguments à moi. Je ne peux pas, à ce moment-ci, accepter qu'on me restreigne, parce que l'article 120 me le permet. Il me permet de vous dire que si les 33.8% du budget annuel du gouvernement qui...

Le Vice-Président (M. Blank): Sur le règlement ou...

M. Samson: Attendez un peu, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Blank): Est-ce sur le règlement ou sur votre...

M. Samson: C'est toujours sur le règlement. Il me permet même de vous dire que les 33.8% du budget annuel du gouvernement qui vont aux affaires sociales, si ces 33.8% ont été dernièrement ajustés par des augmentations, c'est justement parce qu'il y a un problème d'argent pour régler ces choses. M. le Président, je vous soumets respectueusement mon argumentation du système économique qui doit être changé et qui pourrait prévenir ces choses pour empêcher qu'on soit obligés de voter une loi comme cela; c'est pourquoi je vous soumets que cette argumentation est recevable.

Le Vice-Président (M. Blank): Je ne suis pas d'accord avec vous. Mon interprétation de "toute autre méthode d'atteindre ses fins", c'est que "ses fins" s'appliquent au principe direct du projet de loi. Ce ne sont pas des fins "at large". "Ses fins", c'est dans le projet de loi.

M. Samson: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Blank): Essayez d'être dans un corridor un peu plus large.

M. Samson: M. le Président, par respect pour la présidence, oui, parce que j'ai un grand respect pour la présidence, je ne continuerai pas plus longtemps cette argumentation de règlement. Mais je vais quand même vous dire que ce soir, si on est confrontés avec le projet de loi no 253 — est-ce que je suis dans le principe?

J'espère que oui. Bon, le projet de loi no 253, Loi visant à assurer les services de santé et les services sociaux essentiels en cas de conflit de travail. Est-ce que ce paragraphe porte bien sur le principe? Si vous me faites signe que oui, M. le Président, je vous dis qu'à ce moment-là cela me donne beaucoup de latitude, parce que le titre dit bien que c'est une loi "visant"; cela ne veut même pas dire que cela va régler le problème. Cela ne veut même pas dire que cette loi va assurer les services de santé et les services sociaux en cas de conflit. Cela ne veut même pas dire cela. Non, parce que, si on interprète le titre même de la loi— là, je parle du principe quand je parle du titre de la loi— c'est écrit "loi visant"; cela devrait être écrit "loi assurant", là on serait sûr que cela va assurer, mais c'est une "loi visant à assurer les services de santé et les services sociaux en cas de conflit de travail."

Or, M. le Président, je vous soumets qu'au sujet de ce projet de loi, dans les circonstances actuelles — je pense que c'est objectif, ce n'est pas charrier de le dire — on n'a pas le choix. Il nous faut nous assurer d'avoir un mécanisme qui fera qu'en cas de conflit de travail dans ce secteur la pression ne sera pas mise sur les patients, la pression ne sera pas mise, non plus, sur les bénéficiaires des services concernés, des services sociaux.

Mais cela ne règle pas le problème, par exemple. Tantôt, le ministre des Affaires sociales, dans son discours de deuxième lecture, a lui-même fait référence au droit de grève, en mentionnant qu'il n'avait pas l'intention de demander son abolition. M. le Président, à toutes fins pratiques, il aurait mieux valu que le ministre des Affaires sociales, en collaboration avec le ministre du Travail, prévoie un mécanisme plus permanent que celui-là, c'est-à-dire que des tribunaux du travail spécialisés en la matière, dans ce domaine comme dans d'autres domaines, puissent être établis aux fins de régler les litiges qui pourraient se présenter, de les régler en toute justice et équité. A ce moment-là, vous n'auriez pas plus besoin d'un projet de loi no 253, qui vise à assurer les services de santé et les services sociaux essentiels en cas de conflit de travail, que vous n'auriez besoin du droit de grève. C'est aussi clair que cela.

Mais, si on ne parle pas d'abolir le droit de grève, si on parle seulement d'avoir une loi permettant de faire à peu près n'importe quoi en cas de grève, à toutes fins pratiques, cela veut dire que le droit de grève de ces employés, il ne vaut plus rien. Il ne vaut plus rien, le droit de grève. Alors, s'il ne vaut plus rien, pourquoi ne pas avoir le courage de le dire carrément? Pourquoi ne pas avoir le courage de dire: Dans ce secteur, des grè-

ves on n'en veut pas? Je pense que cela, M. le Président, ce serait beaucoup plus réaliste, ce serait ne pas charrier avec les citoyens Québécois. Ce serait ne pas leur donner d'illusions inutilement. Ce serait leur dire carrément: Dans le secteur des services sociaux et des services de santé, comme dans le secteur policier, comme dans le secteur des pompiers, qui sont des services essentiels, on n'admet pas le droit de grève. Ayez donc le courage de dire cela aussi carrément que cela. Là, vous passerez au moins pour du monde qui est capable de se tenir debout.

Vous passerez, au moins, pour du monde qui est capable de faire face à la musique quand c'est le temps. Mais, si c'est votre intention de le faire, je vous encourage à le dire fort, mais je vous encourage, en même temps, d'amener un mécanisme qui va remplacer ce mécanisme que vous enlevez, car les ouvriers, les salariés dans tous les domaines ont droit à la justice, autant que l'employeur aussi a droit de ne pas être pris avec des injustices.

Toutes les questions de relations du travail, parce que cela relève des relations du travail, c'est toujours de l'arbitrage. Que l'arbitrage provienne de négociations, que l'arbitrage provienne d'une grève qui met des pressions ou que l'arbitrage provienne d'un tribunal spécialisé qui est capable d'entendre la cause et d'apporter une décision juste et valable, que ce soit n'importe quelle de ces solutions, il reste que c'est de l'arbitrage. Il reste que nous avons toujours deux parties, l'une en face de l'autre; il reste que nous avons la partie patronale et la partie syndicale. Dans d'autres cas où il n'y a pas de syndicat, vous avez quand même des salariés qui ont des droits. Quand on a recours à la grève, c'est parce qu'il y a litige; quand on a recours à la grève, c'est parce qu'il y a insatisfaction.

On doit aussi dire qu'il y a eu abus de recours à la grève pas par les salariés, mais par les personnes qui les dirigent, par exemple. Je vous dis aussi honnêtement que je vous l'ai dit tantôt que je veux que les salariés soient bien traités, mais je vous dis aussi d'une autre façon, que je n'admets pas les méthodes d'un Charbonneau, par exemple, qui va crier sur des tribunes qu'il ne viendra pas aux tables de négociation, qui veut absolument amener le monde dans la rue et, à ce moment-là, mettre de la pression sur tout le monde, les étudiants d'abord et les parents ensuite et le gouvernement. Pour faire quoi? Apporter une solution? Non. Ce n'est pas toujours la solution que ces gens recherchent, ils recherchent le trouble; quand ils ne le trouvent pas, il le crée de toutes pièces. Je pense que c'est vrai, il faut que ce soit dit quelque part. Il faut que quelqu'un ait le courage de dire cela.

Cela ne me dérange pas pour les prochaines élections. On me jugera d'après ce que j'ai fait et si on juge qu'avoir fait son devoir ce n'est pas correct, on me laissera chez moi à la prochaine élection. Mais tant et aussi longtemps que je serai ici, je vais dire ce que je pense carrément, en face, et consciencieusement. C'est mon devoir et c'est ce que je vais faire aussi. Je vous dis que je n'admets pas... J'ai posé des questions, j'ai même été dur à l'endroit d'un certain ministre, mais il reste que quand c'est le contraire qui se produit, quand c'est la partie syndicale qui charrie les employés pour les obliger à faire une grève, parce qu'ils savent que cela va faire de la pression sur le dos des assistés sociaux, sur le dos des malades dans un hôpital, à ce moment-là, je ne marche pas.

Je me rappelle 1972. C'est pourquoi on a le projet de loi no 253 aujourd'hui. Je me rappelle 1972 alors que même les fournisseurs de certains hôpitaux étaient victimes de représailles pour avoir fait quoi? Pour avoir transporté de la viande pour nourrir les malades dans les hôpitaux. On crevait les pneus des camions, on portait préjudice à ces transporteurs qui faisaient leur devoir. Ces gens-là ne faisaient que leur devoir, pourtant. Ces gens-là n'étaient pas pris dans le conflit. Ils n'avaient pas voulu ce conflit. Ils en étaient des victimes. C'est pourquoi, dans le projet de loi no 253, on parle aussi des organismes assimilés. Or, les organismes assimilés, ça peut être le transporteur, ça peut être le fournisseur, ça peut être quelqu'un qui a des choses à vendre et à livrer à certains hôpitaux.

C'est cela l'organisme assimilé dans le cas présent. On a usé de représailles contre les grévistes parce qu'ils ont faim, et il faut les comprendre. La faim a été créée parce que le salaire n'entre plus dans le foyer. La faim a été créée parce que le syndicat ne donne pas suffisamment d'allocations de grève. La faim a été créée comme c'est le cas, actuellement dans les grèves qui opposent les salariés avec les usines de papier de la province de Québec. Justement, lundi de cette semaine, en tant que député, je recevais une dame à mon bureau qui venait se plaindre que, il y a trois mois, son mari a perdu son emploi, parce que le syndicat de Lebel-sur-Quévillon, de la Domtar, a décidé de faire la grève, et lui, le petit gars avec sa femme, n'a pas le moyen de faire la grève. Depuis trois mois qu'il reste chez les beaux-parents et qu'il reste là par charité, parce qu'il n'a pas de bien-être social et aussi parce qu'il n'a pas d'assurance-chômage quand on est en grève, et également parce que le syndicat n'a pas d'allocation de grève à leur donner.

Sur le dos de qui se fait cette grève? Comme celle que nous pourrions prévoir dans ce service qui est un service essentiel, la grève se fait toujours sur le dos des salariés, toujours sur le dos du chef de famille qui travaille, soit à l'industrie, soit à l'hôpital, soit dans les services sociaux. Il y a toujours un grand perdant dans toutes les grèves, et le seul perdant c'est toujours le salarié qui perd deux mois, trois mois ou quatre mois de salaire, qui est obligé de faire comme ils ont fait à Asbestos, par exemple, quêter dans la rue pour avoir de quoi manger, pour ces gens qui étaient en grève.

Est-ce que nous allons permettre que cela continue bien longtemps? Je pense que nous avons raison de dire que ce n'est pas seulement le projet de loi no 253 que cela prend, mais également une refonte en profondeur du Code du tra-

vail du Québec qui permettrait d'avoir des tribunaux spécialisés pour tenir compte de ces conflits et pour prendre des décisions, décisions qui pourraient être justes et honnêtes envers les salariés. Décisions qui pourraient éviter finalement que nous donnions des armes dans les mains de personnes qui n'ont jamais recherché de solutions, dans les mains de personnes qui veulent absolument faire actuellement au Québec une seule et unique centrale syndicale. Pourquoi? Pour mieux nous assurer de faire une grève générale de n'importe quelle façon et en n'importe quel temps, pour paralyser l'économie du Québec, pour paralyser les Québécois.

Je pense que ces choses, il faut les dire aussi carrément qu'on les pense. De nos jours, quand on ne sait pas se tenir debout, je pense qu'on ne mérite pas d'être un élu du peuple. Et c'est de cette façon que je pense que nous avons raison, ce soir, parce que c'est aux salariés que nous pensons, nous allons leur éviter une grève probablement là, parce qu'ils vont voir que cela ne donne rien de descendre dans la rue avec des piquets et des pancartes, que cela ne donne rien non plus de crever un mois, deux mois et trois mois. Ils verront, et je pense que la population québécoise laborieuse est capable de faire la différence et est capable de voir le jeu d'un Char-bonneau qui prêche plutôt le marxisme, le maoïsme, qu'il prêche le droit du syndicat à être bien représenté ou le droit de l'employé à être bien représenté par son syndicat. C'est par pure comparaison avec le projet de loi actuel et avec les syndicats qui représentent ces gens que je vous parle d'un autre syndicat qui n'est pas meilleur, qui est pire encore et je dois faire cela.

Je pense que nous n'avons pas le droit — c'est aussi simple que cela — de laisser paralyser les services essentiels. Nous n'avons pas le droit. En 1970 — j'ai de la mémoire — nous avons eu un projet de loi spécial pour retourner des gens au travail, mais pas les employés d'hôpitaux. Tantôt j'ai entendu quelqu'un dire: Les "boss", les entrepreneurs, bien oui! Mais en 1970, pour ceux qui ont de la mémoire, on a voté un projet de loi spécial pour retourner les médecins spécialistes à l'ouvrage et ce n'était pas des employés à $100 par semaine, c'étaient des employés à pas mal' plus cher que cela. Mais notre devoir était d'assurer des services à une population et, parce qu'il y avait litige entre le gouvernement et les spécialistes de la santé, nous n'avions pas le droit de laisser le peuple québécois dans l'insécurité.

J'ai voté pour ce projet de loi en 1970, après avoir travaillé tant que j'ai pu pour défendre les droits des médecins spécialistes en désespoir de cause. Quand ils ont débrayé, j'ai fait ce que ma conscience m'a dicté et j'ai voté pour un projet de loi pour les obliger de retourner au travail. Je n'ai pas été bien populaire dans ce milieu après, je vous l'assure, mais il fallait le faire. Nous l'avons fait.

Aujourd'hui on a la même chose devant nous, mais je pense que c'est un peu trop vite. On n'est pas pris devant le problème. Il n'y a pas de grève pour le moment. C'est juste en cas qu'il y ait une grève. C'est un moyen de pression que je considère, pour le moment, indu parce qu'avec un projet de loi comme cela les négociations ne peuvent pas se faire avec des chances égales des deux côtés.

Avec un projet de loi comme cela, M. le Président, les négociations se font, pour les employés, avec une main attachée derrière le dos et c'est là l'erreur de ce projet de loi. Mais je conviens que le ministre est obligé de considérer aussi que nous serons probablement en période hors-session quand le problème se présentera et c'est en fonction de cette seule considération que j'accepterai de voter en faveur de ce projet de loi maintenant.

Mais, si nous étions au début de la session, je refuserais; je demanderais qu'on attende les négociations parce que ce projet de loi, ce seront des pressions sur les négociateurs de la partie syndicale. Une fois de plus — et je trouve cela très malheureux — nous donnons à des gens, je ne parle pas des salariés, je parle de certains de leurs leaders, nous leur donnons, une fois de plus, un prétexte qu'ils utiliseront pour d'autres fins. Si c'était utilisé pour le bien du salarié, je serais d'accord, mais ce prétexte sera utilisé pour d'autres fins.

C'est pourquoi je considère que ce soir on n'a pas tellement à être honoré du geste que nous posons, parce qu'indirectement, en voulant prévenir une situation qui pourrait être grave, nous allons permettre qu'une pression s'exerce sur les salariés. Nous allons permettre indirectement que les négociateurs ne fassent pas tout leur travail de négociation. Nous allons faire de la provocation et la provocation, malheureusement, on doit l'admettre, qu'elle vienne de la partie patronale ou de la partie syndicale, c'est toujours de la provocation et ce n'est jamais bon.

Ce soir, on joue à la provocation. Je le répète pour être bien compris. Il y a un risque de grève pendant la période où les députés ne seront pas ici, parce que la session est prorogée généralement avant les Fêtes et une autre session commence en février seulement. Cela va être une période où il n'y aura pas de session; cela prendra, à ce moment-là, une session spéciale qui coûte assez cher pour venir faire une loi spéciale, ce que je n'aime pas, non plus. C'est en considération de cela que j'accepte de voter en faveur de ce projet de loi ce soir. Je veux que ce soit bien compris. Si c'était au début de la prochaine session, je ne voterais pas pour. Je vous dirais: Attendez. Je pense que le ministre me comprendrait. Mais il reste que nous avons tous des enfants, de la famille. Nous comprenons et nous savons que tous tant que que nous sommes nous pouvons avoir besoin de ces services, à n'importe quel jour. Si nous pouvons en avoir besoin, il y a six millions de Québécois qui peuvent en avoir besoin aussi.

Nous légiférons pour donner, à ce moment-ci, une garantie de sécurité à six millions de Québécois. C'est en fonction de cela que nos considérations doivent s'exprimer. Déjà, le service de santé n'est pas tellement excellent. Dans plusieurs ré-

gions du Québec, il est même très défectueux. Mon honorable ami d'en face, le député d'Abitibi-Est, en sait quelque chose. Il a eu plusieurs problèmes, il en a peut-être encore. Il s'est donné corps et âme —-je le dis honnêtement — pour tenter d'amener dans sa région des médecins. Il n'a pas eu toute la réussite escomptée encore, ie pense. Je lui souhaite de l'avoir pour sa population. Je lui souhaite d'avoir cela.

M. le Président, c'est pour vous dire que déjà les services manquant, n'étant pas normaux dans toutes les régions du Québec, imaginez-vous ce qui arriverait si on permettait l'anarchie dans ce domaine? On ne peut pas faire cela, on ne peut pas le permettre. Si cette loi me garantissait qu'un seul citoyen québécois aura la vie sauve parce que j'ai voté pour, ce serait suffisant pour que je vote pour, M. le Président. Et il y en a 6,000,000 comme cela; il y en a 6,000,000 qui pourraient nous dire merci d'avoir voté cette loi. Ceux qui n'en auront pas besoin, évidemment, ne connaîtront pas le même besoin de nous dire merci, je les comprendrai, mais pour tous ceux qui en auront besoin, nous devons l'adopter.

Je vais voter pour la loi. Je vais voter pour aussi parce que cela va assurer les services essentiels dans le domaine de la sécurité sociale, dans le domaine des services sociaux. C'est tellement vrai que nous avons raison d'assurer ces services, que cela fait deux mois que nous crions après le ministre des Affaires sociales pour nous assurer d'avoir les chèques du bien-être social pour les gens qui attendent cela pour manger, dans le mois de novembre et le mois de décembre. Nous avons crié après le ministre des Affaires sociales pour avoir les chèques d'allocations familiales parce que les assistés sociaux ne pouvaient pas faire la quatrième semaine du mois; nous avons crié après lui de toutes les façons parce que certains assistés sociaux s'étaient vu couper les services d'électricité; nous avons crié encore après lui.

M. le Président, il faut être conséquent avec les gestes que l'on pose. Si j'ai réclamé, personnellement — et d'autres l'ont fait également — que le ministre des Affairés sociales prenne des dispositions spéciales, parce qu'il y avait une grève des postes pour donner ces services à des gens qui en avaient besoin, nous n'avons pas le droit, d'un autre côté, de rejeter du revers de la main une proposition qui nous assurera que nous n'aurons pas à revivre ces deux mois-là dans un autre domaine. Les postes, évidemment, cela ne mettait pas la santé des gens en jeu autant qu'une grève dans le domaine de la santé pourrait le faire, mais c'était quand même une chose qui a donné beaucoup de difficultés aux pauvres gens.

Or, M. le Président dans le projet de loi no 31 qui nous a été proposé et qui avait un principe semblable à celui du projet de loi no 253, il y avait des choses qui manquaient, je suis le premier à le reconnaître.

Il y a dans le projet de loi no 253 des sanctions de prévues parce que quand on fait une loi c'est pour l'appliquer. Et pour l'appliquer, il faut qu'il y ait des sanctions pour nous assurer que les gens vont la respecter. Dans toute société bien organisée, dans toute société civilisée, les lois doivent être respectées.

M. le Président, je sais que demain matin certains leaders syndicaux vont crier au meurtre parce qu'on a adopté cette loi ou qu'on s'apprête à l'adopter. Je dis que nous le faisons pour le bien de l'ensemble de la population et pour le bien même des salariés. Je m'engage à crier bien fort si les salariés n'obtiennent pas suffisamment justice. Je m'engage à continuer le combat mais du point de vue légal, c'est-à-dire à ma place, à mon siège et non dans la rue. C'est de cette façon que je m'engage à continuer à lutter en faveur de ceux qui n'obtiendraient pas justice. Mais entre-temps, je vous souligne, en terminant, qu'une injustice ne pourrait jamais se régler par une autre injustice.

Alors, s'il y avait injustice dans les propositions aux travailleurs, ce n'est pas en créant une autre injustice qui ferait que la vie des citoyens québécois serait en danger qu'on réglerait la première injustice. M. le Président, le tout dit en vous soulignant que ce soir nous garantissons par cette loi au moins les services essentiels et que tout citoyen québécois pourra se sentir en sécurité advenant qu'il subisse une maladie. Merci infiniment, M. le Président.

Le Président: Je voudrais accorder la parole pour l'ajournement du débat. Est-ce que l'honorable ministre voudrait exercer son droit de réplique?

M. Burns: M. le Président, il est onze heures actuellement.

Le Président: Oui mais je voudrais accorder la parole parce qu'on ne peut pas, au feuilleton, laisser cela en suspens.

M. Burns: II me semble, M. le Président, que...

Le Président: Cela ne se fait pas.

M. Burns: ... n'importe qui pourrait proposer.

Le Président: Est-ce que vous demandez la parole? On pourrait demander l'ajournement.

M. Burns: Non, sur la question de règlement, M. le Président.

Le Président: Bien, il est onze heures.

M. Burns: Je ne voudrais pas cependant que le ministre commence à exercer son droit de réplique. Il me semble que c'est automatique, M. le Président, le débat est fini.

Le Président: Ah non! Ecoutez, je dois vous dire...

M. Burns: S'il y a quelqu'un d'autre...

Le Président: Allez-y! Allez-y, ce n'est pas comme cela que ça se fait.

M. Burns: Oui mais regardez, M. le Président, si vous regardez l'horloge, je ne sais pas si vous avez le même point de vue que moi mais il est onze heures et deux minutes. On n'a même plus le droit de siéger.

Le Président: Bon, écoutez, est-ce qu'il y a un député qui demande la parole ou bien je vais l'accorder comme droit de réplique et ce sera le droit de réplique qui sera ajourné?

Est-ce qu'un député demande la parole? Je donne l'occasion à tout le monde, parce qu'on ne peut pas laisser au feuilleton le projet de loi en blanc, sans un opinant pour reprendre à la prochaine séance. C'est la coutume.

M. Burns: M. le Président, je demande l'ajournement du débat.

Le Président: J'accorde la parole au député de Maisonneuve et, maintenant, il est onze heures.

M. Bienvenue: M. le Président, il est bien admis, n'est-ce pas, que c'est le député de Maisonneuve...

Le Président: Qui a le droit de parole.

M. Bienvenue: C'est gentil de sa part, nous l'apprécions, mais...

Le Président: Avec le consentement unanime de la Chambre, est-ce que vous pourriez faire votre petite prière au lieutenant-gouverneur et le député de Maisonneuve aura le droit de parole?

M. Bienvenue: Maintenant qu'il est bien reconnu que c'est lui qui a le droit de parole, j'allais dire, M. le Président, que ce n'était pas pour faire sa réplique qu'il se levait, mais pour lire la petite prière du lieutenant-gouverneur.

Le Président: Je ne pouvais pas le deviner, par contre.

M. Bienvenue: Moi non plus.

Le Président: Cela aurait pu se faire quand même, lors de la réplique. Bien, vous préférez l'avoir immédiatement.

M. Forget: M. le Président, pour assurer la régularité de nos procédures, je désire amender, corriger ou compléter mes remarques...

M. Burns: On siège illégalement actuellement.

M. Forget: ... de deuxième lecture pour indiquer que le lieutenant-gouverneur en conseil a pris connaissance de ce projet et qu'il en recommande l'étude à l'Assemblée.

M. Burns: M. le Président, je vous demanderais de noter l'heure à laquelle cette petite prière a été faite. Il n'y a pas de consentement unanime. Non, non, je ne consens pas.

Le Président: Bon, il n'y a pas de consentement. Il n'y a pas de prière. Vous la referez à la prochaine séance, lors de votre réplique, et le droit de parole est accordé, à la reprise du débat, au député de Maisonneuve. Maintenant, il est onze heures vraiment.

M. Bienvenue: M. le Président, je voudrais donner un avis et faire un rappel d'une commission pour demain matin. Je voudrais donner avis que, le jeudi 11 décembre, à compter de neuf heures, à la salle 91-A, la commission des finances, des comptes publics et du revenu poursuivra l'étude des rapports du Vérificateur général et rappeler que, demain matin, à compter de dix heures, à la salle 91-A, la commission des consommateurs, coopératives et institutions financières entreprendra l'étude du projet de loi no 95, Loi modifiant la Loi concernant la Fédération de Québec, des Unions régionales, des caisses populaires Desjardins.

Enfin, M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain, quinze heures.

Le Président: L'Assemblée ajourne ses travaux à demain, quinze heures.

(Fin de la séance à 23 h 4)

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