L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

31e législature, 1re session
(14 décembre 1976 au 23 décembre 1976)

Le jeudi 16 décembre 1976 - Vol. 18 N° 3

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures seize minutes)

M. Richard (président): A l'ordre, messieurs!

Je voudrais demander au public qui veut assister aux délibérations de ne manifester sous aucune forme que ce soit. Je vous remercie de votre collaboration.

Dépôt de rapports de commissions élues. Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de motions non annoncées. Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

M. Burns: Article a), M. le Président.

Projet de loi no 78 Première lecture

Le Président: Le ministre des Affaires municipales propose l'adoption de la Loi prolongeant et modifiant la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires.

M. Tardif: M. le Président, le projet de loi no 78 vise à prolonger jusqu'au 30 juin 1978 l'application de la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires et y apporte certaines modifications, notamment l'intégration du personnel de la Commission des loyers à la fonction publique et une protection additionnelle pour le sous-locataire qui devient locataire à la fin du bail. De plus, le présent projet de loi prolonge d'une autre année le moratoire décrété en décembre 1975 sur les conversions en copropriété et sur d'autres formes de transformations d'immeubles occupés par des locataires. Il donne aussi droit à la prolongation des baux jusqu'au 30 juin 1978 aux locataires occupant des immeubles utilisés principalement à des fins de location résidentielle, sauf les causes ordinaires de résiliation de bail.

M. Lavoie: M. le Président, je crois que c'est le moment où il nous serait permis de poser une question au leader parlementaire du gouvernement, j'ai vu, à la fin des notes explicatives, que cela concerne spécialement le problème du développement domiciliaire Val Martin, à Laval. Le leader du gouvernement a-t-il l'intention d'inviter, peut-être, en commission parlementaire les représentants des locataires et des propriétaires après la première lecture pour pouvoir entendre les parties? Je crois que c'est le moment précis de poser cette question.

M. Burns: Je l'ai donc posée souvent cette question. La réponse est que, si nous voulons que ce projet de loi soit adopté dans les délais voulus, il faudra que cela ne se fasse pas après la première* lecture. La commission pourra décider si elle veut entendre, après la deuxième lecture, les gens en commission.

M. Levesque (Bonaventure): Le leader a appris rapidement.

M. Burns: Je vous ai souvent regardé faire.

Le Président: Cette motion de première lecture est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Adopté. M. Burns: Article c).

Le Président: Deuxième lecture, séance subséquente.

Projet de loi no 85 Première lecture

Le Président: Le ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement propose la première lecture de la Loi concernant la ville de Hull. M. le ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement.

M. Lessard: M. le Président, j'ai le plaisir de présenter le projet de loi no 85, Loi concernant la ville de Hull. Ce projet vise essentiellement à donner une description corrigée de certains lots du quartier no 4 de la ville de Hull.

M. Levesque (Bonaventure): ... vous étiez toujours contre la ville de Hull et ses projets de loi.

M. Lessard: Ce n'est pas notre projet de loi, c'est un autre.

M. Levesque (Bonaventure): Cela ne prend pas de temps.

Le Président: Cette motion de première lecture est-elle adoptée?

M. Lavoie: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, séance subséquente.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles. Dépôt de documents.

M. le ministre de l'Education.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Rapport annuel du Conseil des universités

M. Morin (Sauvé): J'ai l'honneur de déposer devant cette Assemblée le septième rapport annuel du Conseil des universités portant sur l'année 1975-1976.

Le Président: Rapport déposé.

M. le ministre des Affaires municipales.

Rapport annuel du ministère des Affaires municipales

M. Tardif: M. le Président, j'ai l'honneur de vous remettre les rapports d'activités du ministère des Affaires municipales et de la Commission municipale pour l'année terminée le 31 mars 1976.

Le Président: Rapport déposé. M. le ministre des Finances.

Rapports sur les mandats spéciaux

M. Parizeau: M. le Président, en vertu de l'article 42 de la Loi de l'administration financière, j'ai l'honneur de déposer l'état des rapports et des dépenses encourues au 13 décembre 1976 sur les mandats spéciaux autorisés depuis l'ajournement de l'Assemblée nationale.

Le Président: Rapport déposé. Le ministre des Finances.

Rapport annuel du Curateur public

M. Parizeau: M. le Président, il me fait plaisir, en outre, de déposer le rapport annuel du Curateur public pour l'année se terminant le 31 décembre 1975.

Le Président: Rapport déposé. Le ministre des Affaires sociales.

Rapport annuel du ministère des Affaires sociales

M. Lazure: M. le Président, j'ai le plaisir de déposer le rapport des activités du ministère des Affaires sociales pour l'année 1975/76.

Le Président: Rapport déposé.

Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre

Rapport annuel du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre

M. Couture: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le septième rapport annuel du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

Le Président: Rapport déposé.

Le ministre de la Fonction publique.

Rapport annuel de la Commission administrative du Régime de retraite

M. de Belleval: M. le Président, je dépose le rapport pour l'année 1975 de la Commission administrative du Régime de retraite.

Le Président: Rapport déposé. Période des questions orales.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Politique linguistique du gouvernement

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, j'ai une question à l'adresse du ministre d'Etat à la réforme parlementaire. Au moment où, hier en cette Chambre, le député de L'Acadie commentait une déclaration ministérielle — assez mineure, vous l'admettrez — du vice-premier ministre et ministre de l'Education, son présumé tuteur, le ministre d'Etat au développement culturel, annonçait que le gouvernement entendait réévaluer l'ensemble de la Loi sur la langue officielle. Le ministre peut-il nous dire si les ministres tuteurs doivent eux aussi se rapporter à cette Chambre? Je songe en particulier au principe de la responsabilité ministérielle. Puis-je demander au ministre d'Etat à la réforme parlementaire d'établir clairement devant cette Chambre — s'il y a quelqu'un qui s'est battu dans le passé pour cela, c'est bien lui, je lui rends hommage — s'il a l'intention de demander à ses collègues d'avoir un minimum de respect pour l'Assemblée nationale et de faire d'abord ici, aux représentants élus de la population, les déclarations qu'ils ont à faire et de pouvoir par la suite, cela va de soi, faire des représentations à la presse et donner les renseignements additionnels pertinents?

M. Burns: A cause de la nature de la question, non pas que je ne veuille pas y répondre, je pense, qu'elle s'adresse beaucoup plus à celui qui préside le Conseil exécutif. C'est pour cela que je demanderais au premier ministre de vous donner la réponse à cette question.

M. Levesque (Bonaventure): Je n'ai pas d'objection à ce que le premier ministre, comme chef du gouvernement, réponde à toutes les questions adressées aux ministres. Je n'ai pas d'objection et je comprends sa grande prudence.

Ma question ne portait pas sur le superétagement du Conseil des ministres; ma question s'adressait à celui qui est responsable de la réforme parlementaire. C'est justement à ce titre-là que je m'adressais à mon ami, le député de Maisonneuve. Je ne voulais pas que l'on commence, à ce moment-ci, le débat sur la Loi de l'Exécutif, débat qui pourra se faire dans les prochains jours, mais ce à quoi je m'opposais, c'est à la façon dont

on avait procédé pour annoncer, en dehors de cette Chambre, une politique qui me paraissait plus importante, dans ses conséquences, que celle que nous a annoncée le vice-premier ministre et ministre de l'Education, une politique qui, à mon sens, n'était que la toute petite fin ou le petit bout de l'iceberg.

M. Léger: A l'ordre!

Le Président: M. le chef de l'Opposition, oui.

M. Lévesque (Taillon): Cela prendra la forme... Je veux dire que, dès le commencement, si vous voulez, de la réalisation des politiques qui sont annoncées en ce qui concerne, par exemple, tout ce qui est relié à la loi 22, à la politique linguistique, à mesure qu'il y aura des décisions, même administratives, elles seront communiquées à la Chambre. D'ailleurs, je crois que le ministre d'Etat — pas tuteur — responsable, par mandat spécifique, de tout ce qui concerne la loi 22 aura, peut-être demain, une déclaration à faire qui est un changement administratif et qui, je crois, doit être communiqué à la Chambre. D'accord.

Pour ce qui est de la perspective générale de révision de la loi 22, moi, je crois qu'on est parfaitement autorisé, comme n'importe quel gouvernement, non seulement à ses débuts, à donner des intentions générales en public. Après tout, il n'y a pas beaucoup de semaines, c'étaient des choses que l'on discutait dans une autre arène et ces intentions générales sont bien connues. Quand viendra le moment de passer à l'action, il est évident que l'Assemblée nationale ne pourra pas être "court-circuitée"; ce n'est pas notre intention, non plus.

M. Levesque (Bonaventure): Une question additionnelle. Si je comprends bien le chef du gouvernement, est-ce qu'il veut dire, à ce moment-ci, que, lorsqu'il s'agira des superministres, qui n'ont pas à administrer, apparemment, quoi que ce soit, on ne pourra pas s'attendre à avoir, ici, dans cette Chambre, des déclarations ministérielles ou autres, qui donneraient suite à une volonté gouvernementale?

Il faudra attendre que les pupilles s'expriment selon les disponibilités du budget qu'ils administrent.

M. Lévesque (Taillon): Ecoutez, il y a déjà d'inscrite au feuilleton, parmi les questions écrites, une question dans le même sens du leader parlementaire, je crois; elle était là hier. Il y a déjà aussi, je crois, une question dans le même sens du député de Lotbinière et tout cela est relié aux explications qu'on aura à donner. Je crois que si on veut vraiment employer utilement la chance de développer cette perspective, toutes ces explications pourront être données et discutées, en plus, au moment où on discutera, justement, des amendements à la Loi de l'Exécutif qui sont reliés à cela.

Entre-temps, je me permettrais de faire remarquer au chef de l'Opposition que tuteurs, pu- pilles, superministres, ce sont plutôt des mots de propagande qui, actuellement, ne font pas beaucoup avancer le débat. Cela a été très clairement établi que les ministres sont tous égaux au moment de décisions au Conseil des ministres. Il n'y a pas de tuteurs, il n'y a pas de pupilles. Mais plutôt que de s'embarquer dans une discussion qui, déjà, est une discussion idéologique, est-ce qu'on ne pourrait pas attendre que la loi soit devant nous?

M. Lavoie: Une question supplémentaire. Je reviens à l'essence de la question même qui s'adressait au ministre responsable de la réforme parlementaire. Je voudrais bien qu'on conserve aux parlementaires leur statut privilégié d'interlocuteurs privilégiés de l'administration publique, et surtout, comme hier...

Le Président: Est-ce que vous pourriez poser une question, M. le leader parlementaire de l'Opposition?

M. Lavoie: Est-ce que le ministre d'Etat à la réforme parlementaire désire que les parlementaires demeurent des interlocuteurs privilégiés, surtout lorsque le Parlement siège, comme hier, et qu'on arrête d'administrer par des conférences publiques, par des conférences de presse?

Est-ce que vous êtes d'accord pour qu'on conserve ce statut aux parlementaires, surtout lorsque le Parlement est en session, afin que des expériences comme hier ne se répètent plus?

M. Burns: Ma réponse est oui. M. Lavoie: Merci.

Négociations du gouvernement avec les médecins vétérinaires

M. Picotte: Ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. Connaissant sans doute les problèmes qu'a présentement l'Association des médecins vétérinaires, en négociation avec le gouvernement du Québec, est-ce que le ministre de l'Agriculture pourrait faire le point sur ces négociations et, par la suite, nous faire connaître quand il prévoit une solution possible?

Une Voix: II était ici tantôt, évidemment.

M. Lavoie: Où est-il le ministre de l'Agriculture?

Une Voix: Voilà.

M. Garon: Vous avez l'air content de me voir.

M. Levesque (Bonaventure): On pourrait peut-être attendre quelques instants si l'honorable ministre...

Des Voix: A l'ordre!

M. Garon: II faut dire que j'ai une lourde succession à prendre dans le domaine de l'agriculture.

M. Levesque (Bonaventure): Ou c'est le ministre. Je pensais que c'était le ministre qui était lourd.

M. Picotte: Vous n'étiez pas prêt.

M. Garon: Oui, j'ai eu l'occasion de rencontrer les médecins vétérinaires au cours de la première semaine qui a suivi ma nomination. Par la suite, un mandat financier a été demandé au Conseil du trésor. Aussitôt que nous aurons obtenu le mandat financier, nous rencontrerons les médecins vétérinaires.

M. Picotte: Question additionnelle. Comme vous le savez sans doute, les agriculteurs, présentement, n'ont pas de pièces justificatives à l'effet qu'ils reçoivent les services professionnels d'un médecin vétérinaire. Est-ce l'intention du ministère de l'Agriculture de défrayer quand même les coûts des services que des agriculteurs reçoivent présentement, même s'ils ne peuvent pas présenter de factures au ministère de l'Agriculture? Sinon, le ministre prévoit-il obliger les médecins vétérinaires à donner ces pièces justificatives pour que lesdits agriculteurs se fassent rembourser?

Une Voix: II ne comprend pas le bonhomme.

M. Lavoie: On peut suspendre la séance, si vous voulez.

Une Voix: Voulez-vous un caucus?

M. Picotte: Est-ce qu'il y a un superministre qui s'occupe de ce point-là?

Une Voix: On siège demain.

Le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Garon: C'est la pratique qui a été établie. Maintenant, la pratique qui a été établie c'est celle que vous avez établie par arrêté ministériel et c'est celle qui est suivie.

M. Picotte: II peut prendre avis de la question, M. le Président.

M. Garon: Actuellement, on fonctionne de la façon que vous avez établie. On verra pour l'avenir.

M. Levesque (Bonaventure): Laquelle?

M. Garon: Ce sont les factures qui doivent être retournées au ministère.

M. Picotte: Ce n'est pas du tout ce que j'ai demandé. Je sais que ce sont des factures qui doivent être retournées au ministère...

Le Président: A l'ordre!

M. Picotte: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: J'aimerais bien que vous le demandiez au président quand vous voulez poser une deuxième question additionnelle.

M. Picotte: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Oui.

M. Picotte: Merci.

Le problème est que les médecins vétérinaires ne remettent pas de facture à l'agriculteur qui reçoit présentement des services professionnels. J'aimerais savoir si le ministère de l'Agriculture va quand même défrayer le coût de ces services professionnels, étant donné que l'agriculteur ne peut pas produire de facture, ou s'il va obliger les médecins vétérinaires à fournir à l'agriculteur les factures nécessaires pour qu'il puisse se faire rembourser.

M. Garon: Je prends avis de la question. Nous appliquons la politique que vous avez établie. On paie dès la réception des factures.

Le Président: Le député de Lotbinière.

Tenue du référendum

M. Biron: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Face à l'importance pour la stabilité politique et économique du Québec et pour les agents de l'économie d'être éclairés le mieux et le plus tôt possible sur la date du référendum, le premier ministre peut-il nous dire s'il est exact qu'il se donnerait jusqu'à un an de réflexion avant d'annoncer la date et les règles du référendum que son parti et son gouvernement ont promis à la population?

M. Lévesque (Taillon): Oui. Je remercie le député de Lotbinière de m'avoir donné un préavis rapide de la question; parce que cela me fait penser que déjà il y avait une longue question écrite, presque comme un scénario, qui était venue du leader de l'Opposition, qui aura, d'ailleurs, sa réponse dans les délais prévus.

Pour ce qui est de la précision que demande le député de Lotbinière, cela me permet de rectifier un titre qui ne correspondait pas tout à fait au texte ni surtout à l'intention qui avait présidé aux remarques que j'avais faites qui étaient, je crois, dans un éditorial, non pas un éditorial, mais une longue entrevue, dans un quotidien de Montréal.

Le titre était: Référendum dans un an. Alors, ce que j'avais dit et ce que je répète, c'est que nous avons un mandat — quant à nous, nous l'interprétons comme cela, parce que c'est un engagement — de tenir ce référendum à l'intérieur des quelques prochaines années, avant les prochaines élections.

La date doit être annoncée. Je pense que c'est là le minimum d'honnêteté, d'intégrité de n'importe quel gouvernement qui veut appliquer une politique comme celle-là. La date devra être annoncée de façon très claire et assez longtemps d'avance afin que tout le monde ait sa chance d'être pour ou contre — ce qui est normal — et équitablement.

Ce que j'ai dit à ce moment-là, c'était que ce soit dans quelques mois, dans un an (points de suspension). Cela peut aussi être dans un an et demi, dans deux ans, peu importe, pourvu que les délais permettent que cette date, clairement annoncée, donne à tout le monde le temps de se préparer pour le jour où le référendum sera tenu.

Cela répond-il à votre question?

M. Biron: Une question supplémentaire, M. le Président. Je voudrais savoir, justement, pour la stabilité économique du Québec, si le premier ministre a considéré la possibilité de tenir le référendum à la fin de son mandat normal de quatre ans, en même temps que la prochaine élection provinciale?

M. Lévesque (Taillon): Non, je ne peux dire que l'on exclut quelque hypothèse que ce soit, pourvu que ce soit à l'intérieur de la période durant laquelle court l'engagement que nous avons pris.

Jusqu'ici cette hypothèse n'a pas été étudiée.

M. Roy: M. le Président...

M. Lavoie: Question supplémentaire sur la même question principale.

Le Président: Question supplémentaire.

M. Lavoie: Le premier ministre ne considère-t-il pas que ce délai d'un an, ou de deux ans, ou de trois ans n'est pas quelque peu bizarre du fait que, déjà en 1973... Je vais répéter si vous voulez. Le premier ministre ne trouve-t-il pas bizarre ce délai d'un an, de deux ans ou de trois ans, soit pour l'annonce de la date du référendum, et après pour la tenue de ce référendum lorsque, déjà en 1973, le parti qu'il représente semblait prêt à faire face à cette séparation immédiate lorsqu'il a présenté son budget de l'an I?

M. Lévesque (Taillon): Pas de réponse ni de commentaire, M. le Président.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture.

M. Biron: M. le Président, question supplémentaire.

M. Bellemare: M. le Président, je vous avais demandé la parole.

M. Roy: Question supplémentaire, très bien.

Le Président: II ne faut tout de même pas abuser des questions supplémentaires, je vous le rappelle. Une dernière question supplémentaire.

M. Biron: M. le Président, celle-ci s'adresse au ministre d'Etat à la réforme parlementaire. Peut-il donner l'assurance aux partis d'Opposition que, lorsque le référendum se préparera, on pourra être traité exactement sur le même pied que le gouvernement concernant les ressources financières et humaines nécessaires pour se préparer pour le prochain référendum?

M. Burns: Ce que je peux dire pour le moment, c'est qu'il y aura une loi-cadre qui sera étudiée ici. A ce moment, chacun aura l'occasion de faire valoir son point de vue. Si quelqu'un se sent brimé, je pense que le gouvernement aura sûrement l'obligation de s'ajuster à cette situation.

Le Président: Question principale de M. le député de Beauce-Sud.

Propriétaires de petits abattoirs

M. Roy: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture Nous sommes informés que le ministre de l'Agriculture aurait rencontré ce matin les représentants de l'Association des propriétaires de petits abattoirs qui, comme on le sait, seraient soumis, selon la déclaration de l'ancien gouvernement, à la fermeture de leurs entreprises le 31 décembre si elles n'ont pas obtenu leur permis. M. le Président j'aimerais demander au nouveau ministre si son ministère serait prêt à retarder la date d'application de cette nouvelle réglementation étant donné que, selon les informations que nous avons — et j'aimerais savoir si elles sont exactes également — aucun des propriétaires de petits abattoirs n'a réussi à obtenir le permis puisque la nouvelle réglementation n'aurait pas encore été connue par eux.

M. Garon: A ce sujet, j'aurai une déclaration ministérielle à faire avant longtemps.

M. Roy: Peut-on demander au ministre si cette déclaration ministérielle va être faite au cours de la semaine ou si cela ira au début de la semaine prochaine?

M. Garon: D'ici la fin de semaine ou au début de la semaine prochaine.

M. Roy: Merci, M. le Président.

Le Président: Le député de Johnson.

Conflits de travail à l'Université Laval et à l'UQAM

M. Bellemare: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Education. Je voudrais

que le ministre, si c'est possible, fasse le point aujourd'hui sur la situation des universités, Laval d'abord, à Québec, et sur l'UQAM, à Montréal, où se situe présentement, d'une manière définitive, cette malheureuse grève qui dure dans les deux secteurs.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, voilà, en effet, des conflits de travail qui ont trop duré. Je voudrais assurer cette Chambre, aussi bien que le député de Johnson, que nul n'y est plus sensible, nul ne peut y être plus sensible que le ministre de l'Education.

Je suis tenu au courant des développements dans les deux cas, aussi bien celui de l'Université Laval que celui de l'UQAM, de jour en jour, pour ne pas dire d'heure en heure. J'ai pris soin de rencontrer toutes les parties dans les deux conflits. Je suis en mesure, cet après-midi — sans pour autant m'immiscer dans la négociation elle-même, pour les raisons que je mentionnerai tout à l'heure — de relater à cette Chambre, grosso modo, les faits, les points en litige dans ces deux conflits.

Pour ce qui est d'abord de l'Université Laval, on se souviendra que la grève a été déclenchée le 7 septembre, avant même l'inscription des étudiants. Un médiateur, le doyen Soberman, de la faculté de droit de l'Université Queen's a été agréé tant par l'administration universitaire que par le syndicat des professeurs, il y a déjà plusieurs semaines. En ce moment même, la médiation se poursuit — elle a duré, d'ailleurs, toute la nuit dernière — dans l'espoir d'en arriver si possible à une convention collective dûment signée par les parties.

On m'a informé quelques minutes avant que je pénètre dans cette enceinte, cet après-midi, qu'il demeure un certain nombre de points sur lesquels la médiation achoppe. Cela pourrait amener le médiateur à déposer un rapport dans lequel, je pense, il nous ferait part de ses conclusions et de ses recommandations, lesquelles devront, évidemment, être débattues par les parties. Les principaux points sur lesquels on achoppe à l'heure actuelle sont, me dit-on, les suivants: la question du grief sur le non-renouvellement du premier contrat; le type d'échelle fondé sur l'ancienneté, sur l'âge ou sur d'autres critères; les méthodes qui seront utilisées pour évaluer les professeurs; le rôle du directeur de département, son statut, sa place au sein de l'assemblée départementale. Il reste donc — il faut en être conscient — des points importants sur lesquels il n'y a pas encore d'accord. Si, par hasard, la médiation ne devait pas aboutir au cours des prochaines heures, à ce qu'on m'indique, le doyen Soberman remettra aux parties son rapport avec des recommandations. Du moins, j'ose l'espérer.

Il restera ensuite à régler la question du protocole de retour au travail, ce qui n'est pas, non plus, une mince étape à franchir, comme le député s'en rendra compte puisqu'il a autrefois eu l'expérience des relations de travail.

J'ose espérer — je ne puis aller plus loin que cela pour l'instant — compte tenu du fait que des milliers d'étudiants sont en cause et ont déjà perdu un semestre qu'il faudra espérons-le, rattraper d'une manière ou d'une autre, que ce conflit pourra être réglé avant Noël et je puis assurer cette Chambre que je m'y emploie de mon mieux. J'entends le député qui dit que c'est impossible; je ne le crois pas. Au contraire, je vais m'employer à ce que ce soit réglé avant Noël.

Des Voix: Ah!

M. Morin (Sauvé): Ah! Bien sûr, personne ne peut fermer les yeux sur le fait que je vois les parties, mais je ne suis pas le négociateur et je respecte l'autonomie des universités, en plus de respecter le Code du travail. C'est en fait le Code du travail qui s'applique, comme le ministre le sait, puisque la loi 95 ne s'applique pas aux négociations au niveau des universités. Je veux dire: L'ancien ministre, puisque justement les relations de travail étaient son premier souci à l'époque je vois que cela continue. Tant mieux.

M. le Président, je me tourne maintenant vers la question de l'UQAM. Les enseignants sont en grève depuis le 18 octobre dans ce cas, c'est-à-dire depuis cinq semaines après l'inscription des étudiants. Des rencontres exploratoires, qu'on a à tort qualifiées de conciliation ou de médiation dans certains journaux, des rencontres purement exploratoires ont eu lieu entre, d'une part, M. Bruno Meloche, et, d'autre part, MM. Gilbert, Matteau et Cheneval qui occupent diverses fonctions soit au sein de la FNEQ, soit au sein du SPUQ. Je pense que tout le monde connaîtra la signification de ces sigles.

A l'heure actuelle, je dois faire rapport à cette Chambre qu'il n'y a guère d'indice qu'on ait beaucoup progressé. Les questions en litige étaient les suivantes, du moins il y a une heure ou deux, puisque cela évolue évidemment d'heure en heure: l'embauche et l'évaluation des professeurs, l'octroi de la permanence, les promotions, la réglementation relative à la commission des études et enfin, bien sûr, les salaires; dans les deux cas, d'ailleurs, les salaires.

M. Bellemare: L'audition des griefs.

M. Morin (Sauvé): Oui, cela est inclus parmi les choses que je viens de mentionner.

M. Bellemare: Non, non.

M. Morin (Sauvé): II y a également une autre question qui est fort importante et sur laquelle je voudrais vous donner des indications très brèves. Le syndicat voudrait que certaines dispositions générales et particulières ayant trait à la commission des études soient incorporées dans la convention collective et puissent donc faire l'objet de négociations tandis que l'administration, de son côté, voudrait que les garanties accordées aux professeurs ne soient pas inscrites dans la nouvelle convention puisqu'elles sont déjà inscrites

dans les statuts de l'université. C'est là une question fort importante, on pourra en juger et qui, bien sûr, pourrait avoir des répercussions dans les autres universités, selon la solution qui interviendra.

M. le Président, je me résume. Le Code du travail s'applique à ce conflit puisque la loi 95 ne s'y applique pas. Les universités, dois-je le rappeler, sont des institutions autonomes. J'ai donc deux bonnes raisons, à ce stade des négociations, de ne pas m'immiscer dans le bien-fondé des revendications ou des réponses qui y sont apportées d'un côté comme de l'autre.

M. Bellemare: Question supplémentaire. D'abord, l'honorable ministre a dit que c'était à la suite d'une première convention à Laval. Je pense qu'il a erré. C'est la première convention qui est à se traiter présentement.

M. Morin (Sauvé): Je n'ai pas dit cela.

M. Bellemare: Vous n'avez pas dit cela? On relira le journal des Débats. La deuxième question est celle-ci. Je voudrais savoir de l'honorable ministre, quand il parle de griefs, s'il comprend dans sa réponse ceux qui sont dans l'administration, les professeurs qui donnent présentement des cours et les élèves qui suivent ces cours et savoir s'ils vont être pénalisés par la non-reconnaissance par l'université de ces choses-là.

Ma dernière question. Pourquoi, après l'avoir entendu, lui, dans ses jérémiades extraordinaires — vous savez, M. le Président, il en avait, des jérémiades — ne pas faire siéger la commission parlementaire? Cela fait longtemps qu'on l'a entendue sur des questions de bien moindre importance. La commission parlementaire, il faut qu'elle siège! Comprenez-vous, messieurs, de l'autre côté? Qu'est-ce qu'il fait, aujourd'hui?

Le Président: Le député de Johnson! Le député de Johnson! Je pense que ce n'est pas le temps propice pour faire un débat. Pourriez-vous poser une question, si vous avez une question à poser?

M. Bellemare: Merci. C'est la fougue, M. le Président, il faudrait que vous me pardonniez cela un peu. Après les avoir entendus comme je les ai entendus et à les voir ne rien faire, je vous garantis que cela me révolte un peu.

Le ministre pourrait peut-être, très gentiment, nous dire: Oui, M. le député de Johnson, nous allons immédiatement demander au premier ministre et au leader de convoquer la commission parlementaire pour que chacun des députés puisse entendre les parties. Cela s'éternise. Je demande au ministre de l'Education, lui qui était un prototype de ces commissions parlementaires, de bien vouloir nous dire s'il n'y a pas possibilité dans ce sens.

M. Morin (Sauvé): En fait de jérémiades, il me semble me souvenir d'un certain nombre auxquelles le député de Johnson lui-même s'est associé lorsque nous étions ensemble dans l'Opposition.

M. Bellemare: Oui, et je continue de vous appuyer.

M. Morin (Sauvé): Pour paraphraser le poète: J'en sais d'immortelles qui, dans sa bouche, étaient de purs sanglots!

En ce qui concerne les étudiants ou les professeurs qui ont continué de fréquenter les cours, il n'y a pas de réponse que je puisse donner là-dessus cet après-midi puisque ce serait, dans la perception que j'ai des choses, m'immiscer dans la négociation. J'ai dit, en réponse à la première des questions du député, que je n'avais pas l'intention de le faire.

Pour ce qui est de la commission parlementaire, à ce stade-ci des négociations, elle serait prématurée, ne ferait que jeter de l'huile sur le feu...

M. Bellemare: Ah! Ah!

M. Morin (Sauvé): ... et empêcherait les parties de négocier comme elles le font en ce moment.

M. Bellemare: Vous avez eu des...

M. Morin (Sauvé): Si jamais je me persuade que cela est un moyen propre à résoudre ces conflits, j'en parlerai avec mon collègue, le leader du gouvernement, et nous aviserons.

Le Président: Le député de D'Arcy-McGee.

Services de protection de l'environnement

M. Goldbloom: Ma question s'adresse au ministre de l'Environnement qui a annoncé à répétition qu'il augmenterait de 300 fonctionnaires le personnel des services de protection de l'environnement. Je voudrais lui demander ce qui est arrivé au juste quand il s'est présenté devant le Conseil du trésor?

M. Léger: Je remercie l'ancien ministre de l'environnement de me poser une question dont il connaît fort bien la réponse, puisqu'il a décidé de faire adopter, quand il était au pouvoir, des règlements sans se donner les outils pour les appliquer.

Maintenant, c'est mon rôle d'essayer d'appliquer une partie des règlements qu'il a mis en vigueur et d'essayer de faire adopter d'autres règlements pour qu'au moins on commence, à l'environnement, à réaliser des choses qui sont attendues depuis longtemps. A la question qu'il me pose, je dirais simplement que nous avons, au Conseil du trésor, discuté de cette possibilité d'obtenir le personnel accru et je puis l'assurer que, très bientôt, il aura une réponse qui lui démon-

trera que nous avons plus de personnel obtenu dernièrement qu'il n'en a obtenu pendant trois ans.

Le Président: Une question additionnelle.

M. Goldbloom: Une question additionnelle, M. le Président. Si je comprends bien, le ministre dit tout simplement qu'il est revenu bredouille. Je voudrais lui poser une question additionnelle en vertu de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Je voudrais lui demander: "Are you beginning to learn how the other half lives?"

M. Léger: Je n'ai pas saisi la deuxième partie de la question. Quant à la première...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, messieurs! J'ai demandé, tout à l'heure, au public de ne pas se manifester, de quelque façon que ce soit.

M. Léger: M. le Président, quant à la première partie de la question, je pense que l'ancien ministre sera heureux de savoir, au moment de l'étude des crédits du prochain budget, l'ampleur des effectifs des services de l'environnement.

Subventions aux municipalités

M. Grenier: M. le Président, je pourrais peut-être m'adresser à certains autres ministres mais je vais m'adresser au ministre des Affaires municipales pour une réponse plus précise. Est-ce l'intention du gouvernement de continuer les engagements qu'avait pris l'ancien gouvernement vis-à-vis des lettres qu'on récolte dans nos comtés, quand on fait du bureau le lundi? Il y a des engagements qui ont été pris par l'ancien ministre des Affaires municipales et de l'environnement et, aujourd'hui, on est obligé de répondre devant nos commettants que ce même ministre, après les élections, a dit qu'il n'y avait plus rien qui tenait. Alors, nous avons des documents à l'appui depuis quelque temps. Je pense que nos commettants ont raison de s'inquiéter, puisqu'ils ont pris des engagements vis-à-vis de leurs municipalités. Il y a eu des Pères Noël dans la dernière campagne, puis il y avait aussi des Bonhommes Sept Heures.

M. Tardif: M. le Président, j'aurai une déclaration ministérielle à faire sur le sujet des subventions aux municipalités. Tout ce que je peux dire à ce stade-ci, c'est que non seulement mon collègue, le député, mais moi aussi, je suis inondé, comme lui, de requêtes venant d'à peu près 250 à 300 municipalités qui ont reçu, entre le 18 octobre et le 15 novembre, comme par hasard, des promesses de subventions pour lesquelles aucun crédit n'était disponible. J'aurai des réponses à faire à ce sujet lors d'une déclaration ministérielle.

M. Goldbloom: M. le Président, une question de privilège.

Le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Goldbloom: Une question de privilège, M. le Président. Je voudrais apporter une précision à la situation; d'abord, le chiffre de 250 à 300 est nettement exagéré, il n'y a même pas 75 municipalités et, deuxièmement...

M. Mailloux: Ecoutez donc la réponse.

M. Goldbloom: ... il faut comprendre, M. le Président, que les subventions accordées aux municipalités l'ont été sur une base de dix années, le premier versement commençant dans une année financière suivant celle au cours de laquelle la lettre a été accordée. Puisque c'était l'intention du gouvernement de faire les ajustements nécessaires pour tenir compte de cela dans le budget de l'an prochain et puisque c'est à un autre gouvernement de décider du budget de l'an prochain dans tous ses détails, il convenait que je laisse à ce nouveau gouvernement le soin de faire, parmi les centaines et les centaines de municipalités qui formulent chaque année des demandes, son choix et son choix quant à l'ampleur du poste budgétaire en question.

Le Président: A l'ordre!

M. Burns: M. le Président, on dirait que le député ne se souvient pas qu'il n'a plus les moyens de faire des déclarations ministérielles.

Le Président: Voulez-vous vous asseoir, M. le leader parlementaire? Je pense que l'incident est clos.

Le député de Rouyn-Noranda.

Institutions parabancaires québécoises

M. Samson: Je voudrais adresser une question à l'honorable premier ministre. Sachant qu'à l'occasion de la dernière conférence des premiers ministres et celle des ministres des Finances le Québec a dû, en quelque sorte, défendre sa juridiction en ce qui concerne les caisses populaires et les institutions parabancaires québécoises, puis-je demander au premier ministre si c'est l'intention du gouvernement d'envisager la possibilité d'en venir à utiliser ces institutions québécoises comme agents financiers privilégiés du gouvernement?

M. Lévesque (Taillon): C'est très vaste comme perspective. Je vais prendre avis de la question et je vais étudier cela très sérieusement avec mes collègues.

M. Samson: Dois-je comprendre que le premier ministre me suggère de poser cette question à un des ministres aux priorités?

M. Lévesque (Taillon): Je pense qu'il aurait la même réponse.

M. Samson: Cela ne changerait pas grand-chose.

Le Président: Fin de la période des questions orales.

Affaires du jour.

M. Burns: Aux affaires du jour, j'ai consulté quelques-uns de mes collègues, malheureusement pas tous, de l'Opposition. J'aimerais connaître leurs intentions relativement à l'article 4) et à l'article 6). Je vais être très franc avec vous, si l'article 4), au feuilleton, et l'article 6) ne suscitaient pas de débat de deuxième lecture et si on pouvait procéder au vote immédiatement, j'appellerais ces articles, sinon, je vais appeler plutôt l'article 2).

Le Président: Le leader de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: Je suis d'accord pour que vous appeliez immédiatement l'article 2).

M. Burns: M. le Président, j'appelle l'article 2).

M. Bellemare: Comme leader parlementaire, je voudrais aussi donner ma version, si vous n'avez pas d'objection. J'ai consulté, comme m'a demandé le...

M. Lavoie: Question de règlement.

M. Bellemare: Oui, c'est vrai, je ne suis pas un parti reconnu encore. Vous n'avez pas besoin de...

M. Lavoie: Non, il ne s'agit pas de cela. Je crois que lors d'un message inaugural, s'il y a un discours qui est privilégié, c'est le discours du chef de l'Opposition officielle. Je vous inviterais à passer immédiatement à ce discours. Et après ce discours, si vous voulez qu'on discute des autres articles, nous sommes ouverts à toute suggestion constructive.

M. Burns: Je suis entièrement d'accord. C'est pour cela que j'ai appelé l'article 2).

Débat sur le message inaugural

Le Président: Prise en considération du message inaugural, M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Gérard D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): Mon premier devoir et l'un des plus agréables qui soit, c'est celui de vous offrir, à vous, M. le Président, au nom de tous les membres de l'Opposition officielle, nos sincères félicitations pour votre élection à la présidence de l'Assemblée nationale.

Je vous dis, dès maintenant, que c'est avec confiance et respect que l'Opposition officielle vous a accueilli et qu'elle continuera de vous ac- corder, à vous et à vos collaborateurs, une pleine et entière collaboration.

Je sais le soin particulier que vous avez mis, au cours des dernières semaines, à vous préparer à assumer vos responsabilités. C'est là une preuve additionnelle de votre volonté, de votre désir de bien remplir le rôle important qui vous est dévolu.

Vous devenez donc aujourd'hui, M. le Président, le gardien des droits des parlementaires du Québec et le premier responsable de la sauvegarde et de la promotion de l'autorité de l'Assemblée nationale elle-même.

Mes électeurs de Bonaventure m'ont permis de siéger en cette Assemblée depuis maintenant plus de 20 ans. Cette vie parlementaire m'autoriserait peut-être à dire ma conviction que c'est d'abord ici, en cette Assemblée, que le Québec se fait.

Ici, tout au long des années, j'ai vu des hommes et des femmes, tous d'authentiques Québécois, prendre sur eux les inquiétudes et les espoirs du peuble québécois. C'est ici en cette Assemblée qu'ont toujours fini par prendre forme les idées et les ambitions les plus nobles de la société québécoise.

Sans doute y a-t-il des moments — et il y en aura encore — où cette Assemblée peut paraître emprunter des voix bien éloignées de celles qu'elle doit suivre pour être à la hauteur de sa tâche.

On ne sait que trop que cette Assemblée peut être, à l'occasion, le lieu d'affrontements partisans, stériles, ou de discussions plus ou moins futiles. C'est notre responsabilité collective et individuelle d'éviter pareilles choses qui portent atteinte au prestige et à l'autorité de l'Assemblée nationale.

Bien consciente du rôle de l'Assemblée, M. le Président, l'Opposition officielle entend y assumer la plénitude de ses responsabilités. Avec beaucoup d'à-propos, en annonçant la formation de son Conseil des ministres, le premier ministre rappelait à tous ses collègues à qui il confiait une fonction ministérielle qu'ils étaient et demeuraient avant tout des députés membres de l'Assemblée nationale.

Je pourrais, évidemment, sourire en pensant à d'autres idées qui ont peut-être inspiré cette déclaration du premier ministre, mais je reviens en disant que je me plais à voir, dans ces remarques comme dans la désignation d'un ministre chargé de la réforme parlementaire, l'expression de la volonté du gouvernement de maintenir et de renforcer l'autorité de l'Assemblée nationale et le principe de la responsabilité ministérielle.

J'espère que le gouvernement y pensera deux fois avant de mettre de côté le système parlementaire pour le remplacer par un régime présidentiel, comme le propose le programme du Parti québécois.

Connaissant déjà les penchants hautement technocratiques de certains membres du Conseil des ministres, il serait pour le moins hasardeux de faire, des superministres que nous avons déjà, des super-hauts-fonctionnaires.

J'ai été au gouvernement pendant suffisamment d'années pour savoir jusqu'à quel point il est important, pour la bonne conduite même des affaires ministérielles, qu'un membre du gouvernement soit placé dans la même situation que n'importe quel autre député en cette Chambre, qu'il ait quotidiennement à répondre de ses actes devant l'Assemblée et qu'il puisse avoir l'occasion de connaître, dans sa circonscription, les besoins de ses commettants.

Le rôle de l'Opposition officielle, nous allons, M. le Président, le jouer pleinement. Notre guide unique sera l'intérêt supérieur du Québec et des Québécois. Là où il faudra approuver, nous n'aurons aucune hésitation à le faire. Là où il faudra critiquer, nous le ferons. Là où il faudra carrément nous opposer, nous aurons recours à toutes les subtilités de notre règlement pour marquer notre dissidence et amener le gouvernement à réviser ses buts, si possible.

Sur le plan proprement législatif, nous chercherons toujours, une fois le principe d'un projet de loi accepté, à souligner les limites de la législation gouvernementale en regard des besoins des Québécois.

Nous chercherons à nous assurer de l'application immédiate et efficace de toute la législation. Nous voulons, en effet, avant d'adopter un projet de loi, avoir l'assurance que le gouvernement a pris toutes les mesures administratives nécessaires pour mettre en vigueur la législation, qu'il a obtenu les autorisations budgétaires pertinentes— M. le ministre des Finances — et qu'il dispose d'un personnel suffisant — M. le ministre de la Fonction publique. Nous espérons également que le gouvernement donnera suite à l'engagement que nous avons pris de reconnaître aux membres de l'Assemblée nationale une participation plus directe — et j'attire l'attention de mon ami de Maisonneuve — et plus continue au niveau de la législation déléguée.

Sur le plan administratif et financier, l'Opposition officielle entend exercer un contrôle rigoureux des gestes de l'administration. Le règlement de l'Assemblée nationale nous fournit les moyens nécessaires à l'exercice de cette responsabilité. Nous comptons bien que nos amis d'en face donneront suite, maintenant qu'ils sont au gouvernement, aux suggestions qu'ils nous faisaient alors qu'ils étaient dans l'Opposition.

En somme, et c'est là la responsabilité de l'Opposition, nous ferons porter sur le gouvernement toute la pression nécessaire pour maintenir et accroître la qualité de l'administration publique québécoise et, surtout, pour amener le gouvernement à respecter les engagements pris au cours de la campagne électorale. Je le signale en passant, les engagements pris par les candidats du Parti québécois.

Nous avons déjà relevé à ce dernier titre des choses extrêmement intéressantes et que les électeurs de chacune des circonscriptions du Québec attendent avec impatience puisqu'on leur a dit qu'absolument rien n'empêchait leur réalisation immédiate. Money is no problem. On verra bien.

M. le Président, le règlement n'autorise aucun membre de cette Chambre à vous donner une directive. J'ai commencé également à m'en apercevoir. Je veux, cependant, dès aujourd'hui, vous inviter à profiter de la vaste expérience du leader parlementaire de l'Opposition officielle, le député de Laval. Vous aurez, bien sûr, à entendre des voix relativement autorisées de cette Chambre. Par exemple, celle de mon ami, le député de Maisonneuve, un homme d'une grande compétence qui a été associé de près à la préparation du code Lavoie et même celle du député de Johnson, bien que sa compétence se porte plutôt sur l'ancien règlement. J'en profite pour le remercier de m'avoir, à un moment donné, lorsque j'ai assumé les fonctions de leader parlementaire du gouvernement, passé son livre tout annoté, ce vieux règlement sur lequel il s'était penché tellement souvent et avec lequel il avait poursuivi des luttes épiques. Oui, mais, M. le Président, je ne vous dirai pas de vous en méfier, et là je parle des deux, ce sont des gens d'expérience. Je vous rappellerai simplement que celui qui, à mon sens, peut le mieux vous aider, celui qui connaît le mieux notre règlement, celui qui en est le père, celui qui connaît le mieux la nature de vos responsabilités, ce ne peut être que le député de Laval, M. le Président, sans doute l'un des meilleurs présidents qu'ait connus notre Assemblée. Je vous invite donc, M. le Président, sans vouloir exercer aucune pression — je vous prie de me croire — sur votre grande impartialité et votre grande intégrité, à l'écouter avec la plus grande attention.

Il y a, semble-t-il, des cycles dans la vie politique. En 1956, je devenais député de l'Opposition. Quatre ans plus tard, en 1960, je devenais membre du cabinet libéral et ce, pour six ans. En 1966 — vous remarquez, 1956, 1966 — j'étais de nouveau dans l'Opposition. Quatre ans plus tard, en 1970, j'étais de nouveau au pouvoir, dans le cabinet libéral, et ce, pour six ans. En 1976, M. le Président, me voici de nouveau dans l'Opposition, trois points de suspension.

M. Burns: Jusqu'à 1990.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je n'ai pas à être inquiet. Les mathématiques ne peuvent mentir...

Une Voix: C'est vrai.

M. Levesque (Bonaventure): ... et la façon avec laquelle vient de réagir le député de Maisonneuve indique bien qu'il n'a jamais été très fort en chiffres.

Le Parti libéral du Québec sera de nouveau au gouvernement du Québec et dès 1980 sinon avant. C'est enregistré au journal des Débats. Vous pourrez me corriger, mais attention, vous verrez. Tout cela pour dire, M. le Président, que, le 15 novembre dernier, le Parti libéral du Québec a dû laisser à d'autres, la direction des affaires publiques québécoises. J'offre mes félicitations à tous les nouveaux élus et particulièrement à celui qui, avec

moi, fut de cette équipe qu'on disait du tonnerre. Convenons, avec probablement plus de justesse, que cette équipe d'alors a au total bien servi le Québec et les Québécois. Le hasard a voulu que, l'un et l'autre, nous soyons les seuls survivants du cabinet Lesage et que nous nous trouvions maintenant, l'un en face de l'autre. J'ai eu la chance d'être un collaborateur étroit de deux premiers ministres, MM. Lesage et Bourassa, de qui je garde le meilleur souvenir. L'un et l'autre, dans des circonstances différentes, ont eu à assumer la direction des affaires publiques québécoises. Ils ont, à mon avis, tous les deux réussi à traduire, dans la réalité québécoise, les grands idéaux de réforme et de justice qui sont à la base de la philosophie et de l'action du Parti libéral du Québec.

Avoir à gouverner le Québec, c'est évidemment avoir la responsabilité de bâtir ici une société moderne et dynamique, une société qui garantit à ses citoyens une vie de qualité. C'est aussi et, par surcroît, assumer la responsabilité particulière d'assurer la défense et la promotion d'un héritage culturel qui nous est propre au sein du Canada et sur le continent nord-américain. Je sais, pour l'avoir vu de près, jusqu'à quel point cette dernière dimension de la condition québécoise peut être exigeante pour le chef...

Je ne peux laisser passer ce moment pour remarquer avec plaisir que la présidence...

M. Lavoie: ...vient de changer de sexe.

M. Levesque (Bonaventure): ...vient d'être témoin d'un certain changement. Je suis heureux de saluer le député de Vaudreuil-Soulanges, vice-présidente de l'Assemblée nationale.

M. le Président, je parlais justement de la promotion de l'héritage culturel qui nous est propre et je mentionnais que, pour l'avoir vu de près, je sais jusqu'à quel point cette dernière dimension de la condition québécoise peut être exigeante pour le chef du gouvernement québécois.

Je sais aussi que l'actuel premier ministre du Québec en est bien conscient. Sans partager plusieurs de ses convictions, nous lui souhaitons bien volontiers la meilleure des chances du monde. Je veux reconnaître au présent chef du gouvernement du Québec bien des mérites: son intelligence, son esprit de travail, sa ténacité. Je me dois cependant de lui rappeler que son option séparatiste n'est partagée que par une minorité de Québécois et qu'il entreprend ainsi la tâche de présider au gouvernement du Québec dans un climat d'incertitude tel que la réalisation de ses objectifs, en particulier dans l'ordre économique et social, se trouve, de ce fait, largement hypothéquée. C'est là, il me semble, la donnée fondamentale de la situation difficile dans laquelle se trouve placé le nouveau gouvernement du Québec. C'est une situation qui soulève deux grandes questions auxquelles il est d'une importance vitale d'apporter, sans délai, des réponses claires et précises, premièrement, la question de la séparation du Québec du reste du Canada et, deuxièmement, la question des orientations de la politique économique du gouvernement.

Là-dessus, j'en préviens immédiatement le premier ministre, l'Opposition officielle prendra tous les moyens dont elle dispose pour forcer le gouvernement à mettre cartes sur table et à le faire rapidement, car j'ai la conviction qu'il ne peut y avoir, dans les conditions présentes rien de pire que l'incertitude.

Je sais que le premier ministre est conscient que c'est toute la crédibilité de son gouvernement qui est aussi mise en cause. C'est en fait une question d'honnêteté et d'intégrité intellectuelle.

Je fais cet appel au premier ministre, non pas pour le simple plaisir de pouvoir ainsi, aux tout premiers jours de son gouvernement, réussir à l'embarrasser: c'est trop important pour cela; je lui fais cet appel parce que je sais — et il le sait tout autant que moi — que c'est ce même appel que lui adresse l'ensemble de la population québécoise qui se rend bien compte qu'il ne sera pas possible de répondre adéquatement à ses besoins économiques et sociaux tant et aussi longtemps que l'on ne sera pas parvenu, au gouvernement, à dire clairement où l'on va.

Or, il arrive que la conjoncture économique internationale impose des contraintes particulièrement sérieuses aux efforts qui doivent être faits pour faire face à des problèmes aussi concrets que le chômage et la protection du pouvoir d'achat des individus. Il arrive également que la conjoncture économique canadienne et québécoise restreint nécessairement la marge de manoeuvre financière du gouvernement, celle-là même dont il a absolument besoin pour répondre à des besoins sociaux que le parti ministériel, et tous les partis de l'Opposition, admettons-le, ont déjà reconnus comme prioritaires, par exemple les besoins des personnes âgées et le logement.

Quand je dis que le climat d'incertitude dans lequel le Québec est plongé risque de compromettre la réalisation des objectifs de développement du Québec, c'est à cela que je pense, aux nouveaux emplois qu'il faut créer, au pouvoir d'achat des gens qu'il faut protéger, aux besoins des personnes âgées, des familles, des plus démunis de notre société qu'il faut satisfaire. Comme je regrette, M. le Président, que, dans cette surabondance de déclarations d'intentions finalement assez naïves auxquelles se sont livrés nos amis d'en face, il ne s'en est pas trouvé pour avoir un minimum d'honnêteté intellectuelle pour dire aux Québécois les choses qui doivent être maintenant dites, dire si le gouvernement péquiste a toujours l'intention d'engager le Québec dans la voie de la séparation, dire lesquels parmi eux sont les irréductibles de l'indépendance, lesquels sont pour l'étapisme feutré du député de Louis-Hébert et lesquels — paraît-il qu'il s'en trouve — ne veulent rien savoir du séparatisme.

Où ces gens-là veulent-ils conduire le Québec? Au séparatisme? A un marché commun avec le reste du Canada? A un nouveau fédéralisme? Où ces gens-là nous mènent-ils? C'est important

de le savoir. Les décisions d'un gouvernement moderne ne peuvent être prises sans égard à l'avenir. Il faut être capable de prévoir ce que demain sera pour pouvoir prendre d'une façon éclairée et responsable les décisions qui s'imposent aujourd'hui. Je ne parle même pas de la question de savoir, pour les emprunts du gouvernement, de l'Hydro-Québec ou de la baie James, dans quelle monnaie les remboursements vont être faits; je parle de questions aussi simples que celles de savoir si, en érigeant un mur de Chine autour du Québec, on va avoir encore une société qui va partager les mêmes valeurs, le même système économique et social que le reste du Canada et que le continent nord-américain.

C'est important de le savoir et de le savoir maintenant, parce que cela a des implications majeures dans l'orientation future des politiques économiques, sociales et culturelles de l'Etat. En un mot, ce projet de société que vous dites avoir, quel est-il? Oui, quel est-il? C'est d'autant plus important de le connaître avec précision que vous proposez la séparation du Québec. Les entreprises ont des décisions à prendre. Les travailleurs et les citoyens dans leur ensemble s'interrogent eux aussi. Nul ne peut raisonnablement bâtir l'avenir dans l'incertitude.

Voilà, me semble-t-il, la question fondamentale à laquelle le gouvernement doit chercher à répondre le plus tôt possible. C'est important: c'est absolument vital.

De grâce, s'il vous plaît, cessez donc de prendre, comme vous le faites, littéralement d'assaut les media d'information pour éviter les vraies questions qui se posent aujourd'hui à vous. Cessez de nous parler de réorganisation, de réévaluation, de restructuration d'à peu près tout ce qui existe au Québec. Le monde a commencé avant vous et vous aurez peut-être à savoir, plus vite que vous ne le croyez, qu'il peut très bien continuer sans vous.

Je ne conteste pas les bonnes intentions dont nous ont fait part, depuis quelque temps, tout ce qu'il y a de ministres délégués, de ministres responsables, de ministres d'Etat, de ministres en titre et de ministres adjoints et changés de, etc. Je ne conteste pas leurs bonnes intentions. Je leur demande simplement de faire preuve de plus d'honnêteté et de plus d'intégrité intellectuelle. Vous le savez très bien, tout ce que vous envisagez de faire, dans vos secteurs respectifs, est directement lié à votre capacité à dissiper au plus tôt l'équivoque fondamentale qui résulte de votre option constitutionnelle. Que tous nos amis du Parti québécois en cette Chambre demandent aux superministres penseurs, qui forment le haut comité des priorités, qu'ils n'oublient pas la grande priorité, celle dont dépendent le bien-être et la sécurité de tous et chacun de vos électeurs, celle qui vous permettra à chacun, dans vos comtés, de tenir les promesses que vous avez faites, cette priorité de votre gouvernement, celle de lever au plus tôt l'hypothèque de l'incertitude. S'il vous faut vous astreindre à la technique de l'étapisme du député de Louis-Hébert, demandez à vos superministres penseurs de trouver les moyens de faire vite car vous aurez tôt fait de vous rendre compte que les pressions légitimes de vos électeurs se feront de plus en plus pressantes.

Vous avez tellement promis. Surtout, je m'adresse toujours aux "backbenchers" péquis-tes: N'allez pas vous imaginer que vos électeurs croiront bien longtemps les jérémiades que nous préparent les scénaristes fantômes qu'on dit être attachés au bureau du premier ministre et à qui on a confié le soin de préparer le scénario du référendum. Ce scénario, il est bien facile de l'imaginer. De ce qu'on appelait jadis le "bunker" on vous indiquera d'abord — écoutez-moi bien; je passe par vous, Mme la Vice-Présidente — de dire à vos électeurs que tout ce que vous ne pourrez pas tenir de vos promesses, c'est la faute de l'ancien gouvernement. N'oubliez pas cela. Cela va être la première chose qu'on va vous dire. Vous allez dire cela partout: C'est la faute de l'ancien gouvernement. Répétez après moi: C'est la faute de l'ancien gouvernement.

Une Voix: C'est la faute de l'ancien gouvernement.

M. Bellemare: II y en a un qui l'a répété.

M. Levesque (Bonaventure): Merci. On avait déjà commencé à le faire. On dira: C'est bien pire que ce à quoi nous nous attendions. Il faudra également tenir cette phrase bien précieusement dans votre bagage en fin de semaine. Vous voulez répéter après moi? On vous dira cela et vous répéterez cela à vos électeurs un certain temps. Et puis, dans un deuxième temps, directement du "bunker", on vous indiquera ensuite de dire à vos électeurs que tout ce que vous ne pourrez pas tenir de vos promesses, c'est la faute au fédéralisme. Répétez après moi: C'est la faute au fédéralisme.

Des Voix:C'est la faute au fédéralisme.

M. Levesque (Bonaventure): Premièrement, c'est la faute de l'ancien gouvernement et, ensuite, c'est la faute au fédéralisme. N'oubliez pas cela, c'est votre deuxième leçon. Apprenez bien cela. Ensuite, on vous dira la deuxième phrase, après celle-là: C'est épouvantable ce que l'on perd du fait même de notre appartenance au régime fédéral.

On vous dira cela et vous le répéterez pendant un certain temps, jusqu'au jour où quelques-uns d'entre vous réussiront à parler aux superministres penseurs, ce jour-là, pour leur dire que certains de vos électeurs vous auront répondu. Mais c'est vous maintenant, le gouvernement, c'est vous qui êtes responsables de l'administration. Alors, je vous prie de me croire, le jour du premier référendum sera arrivé et alors on vous indiquera une autre chose très importante. Pendant la durée du référendum, dites que vous êtes pour l'indépendance du Québec, cela, vous ne pourrez l'éviter, mais surtout, surtout, faites bien attention d'engager, de quelque façon que ce soit, votre

responsabilité personnelle et celle du gouvernement quant à l'issue, parce que malgré tout ce que l'on peut faire, on pense bien qu'on va le perdre, le référendum; alors il faudra faire bien attention à ce moment-là.

Et vous, mes chers députés péquistes, vous répéterez cela à vos électeurs et ces mêmes électeurs se demanderont alors comment un gouvernement battu sur un aspect aussi fondamental de sa politique peut bien avoir encore un semblant de légitimité pour demeurer le gouvernement et oser proposer aux Québécois qu'on reprenne ad infinitum le même scénario.

J'emprunte peut-être la voix de l'ironie, mais j'exagère à peine. C'est bien cela, la situation à laquelle nous avons et nous aurons à faire face, nous, députés ministériels, nous, de l'Opposition, et tous les Québécois. Je dis simplement, aujourd'hui, que ce scénario est dangereux et qu'il risque de causer un tort irréparable au Québec. Donc il importe que le gouvernement lève au plus tôt l'incertitude qui découle de son option constitutionnelle. C'est une priorité absolue.

Intimement liée à cette première incertitude de la politique gouvernementale, il en est une autre, tout aussi importante, qu'il importe de dissiper rapidement: Quelle sera la politique économique du gouvernement péquiste? Est-ce celle dont faisait état dans le Devoir du 3 novembre, le candidat de Gouin, devenu ministre de l'Industrie et du Commerce, quand il disait — je vais lui donner le temps de se rafraîchir la mémoire — je le cite et, si je ne le cite pas correctement, je le prierais de me le faire savoir: "Un gouvernement péquiste devra mettre la priorité absolue sur la relance de l'économie, ne pas lancer de nouveaux programmes sociaux avant quelques années et attendre plus longtemps encore, avant d'établir sa monnaie."?

Le moins que je puisse dire, c'est que l'influence du nouveau ministre de l'Industrie et du Commerce, sur ses nouveaux collègues, me semble bien faible. Leurs nombreuses déclarations depuis leur assermentation vont exactement dans le sens contraire.

Soyons bons joueurs et mettons cela sous le couvert de l'inexpérience et de la naïveté. Mais, est-ce de cette inexpérience, est-ce de cette naïveté dont le Québec a besoin présentement, dans la présente conjoncture économique, alors que la composition elle-même du cabinet offre aussi peu de garanties sur le plan économique? Convenons, un instant, d'oublier tout ce que l'on a entendu et que rien de tout cela n'est sérieux.

Imaginons même, pour un instant, que la relance économique intéresse le gouvernement.

Que nous offre de vraiment substantiel le nouveau gouvernement? Rien. Non, ne soyons pas injustes. Il y a le superministre, député de Fabre, qui nous a dit que l'objectif du gouvernement était de réduire le chômage à 3%. Quelques jours auparavant, le ministre de l'Industrie et du Commerce nous avait dit que c'était 4%. 3% ou 4%, sauf erreur, M. le Président, ce que l'on nous propose, maintenant, c'est en gros la création de deux fois 100 000 emplois par année.

M. Lavoie: 200 000 emplois.

M. Levesque (Bonaventure): Je donnerais bien un conseil amical à ce sujet à nos deux amis, mais ils n'en ont pas besoin. Le monde a commencé avec l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, du budget de l'an I et de l'an II, nous sommes passés à l'année 0. L'Opposition officielle entend apporter au gouvernement son entière collaboration dans la réalisation de tout objectif de relance économique qu'il pourrait nous proposer.

Pour nous, la relance économique, dans cette conjoncture internationale difficile que nous connaissons, c'est une priorité absolue. Nous attendons avec intérêt les projets concrets du gouvernement à ce sujet. Si vous le voulez, comme il s'agit d'une chose qu'il faut faire maintenant, qu'on cesse de faire la manchette avec le projet — si intéressant soit-il — de la zone franche de Mirabel.

Dans le domaine économique, il y a cependant une chose capitale, c'est la confiance. Cela m'apparaît la chose dont le gouvernement aurait pu s'occuper en tout premier lieu.

A l'exception d'une réunion plus ou moins secrète du premier ministre avec des représentants des milieux financiers, on n'a pas fait grand-chose à cet égard. Soit dit en passant, il serait intéressant d'entendre en cette Assemblée le premier ministre nous dire les propos qu'il a tenus à ces représentants des milieux économiques, bien qu'hier il ait commencé à lever lentement le voile sur cette réunion.

Leur a-t-il dit combien de référendums il prévoyait devoir tenir avant d'abandonner son idée de séparer le Québec du reste du Canada? Leur a-t-il dit ce que voulaient dire exactement les engagements de son parti consignés dans le programme du Parti québécois, édition 1975? On y parle, par exemple, de rapatrier les principaux centres de décision en s'appuyant prioritairement sur les entreprises publiques et coopératives et assurer au pouvoir public des moyens supplémentaires d'action: grand réservoir financier; outils d'intervention dans l'économie; plan de développement économique; réglementation des investissements étrangers et du système financier. On y parlait de démocratiser le fonctionnement de l'économie en favorisant les formes collectives d'organisation et en assurant la participation des entreprises aux décisions.

Est-ce la cogestion? Qu'on réponde donc à ces questions. On parlait, par exemple, dans ce programme, d'assurer la diffusion de l'information en rendant publics les dossiers économiques du gouvernement et en exigeant que toutes les entreprises incorporées publient leurs états financiers. On y parlait encore de favoriser, comme forme prioritaire d'intervention dans l'économie, une extension soutenue du secteur privé, entreprises d'Etat et mixtes, particulièrement dans les secteurs dont l'impact est majeur. Quels sont ces secteurs?

En somme, ce que je demande au premier ministre, ce qu'un très grand nombre de Québécois

demandent, c'est que son gouvernement entreprenne dans l'ordre économique son mandat sur la base de la confiance. Le premier ministre sait tout autant que moi que le monde des affaires est capable de faire la part des choses et que, sous réserve de la capacité du chef de gouvernement de maîtriser les dissensions au sein de son équipe et de lever l'incertitude du séparatisme — ce qui est absolument nécessaire de faire maintenant — c'est de partir, en matière économique, sur la base de la confiance, c'est-à-dire, sur la base des règles du jeu clairement établies et solidement défendues par le gouvernement. Autrement — et c'est ce que je crois le plus pour l'instant — si le gouvernement devait tarder à préciser ses orientations et sa politique économique, le monde des affaires va choisir d'attendre et de voir ce qui va arriver. Or, point n'est besoin de se faire prophète de malheur que cela serait désastreux pour le développement du Québec et le maintien de l'amélioration du niveau de vie des Québécois.

On pensera ce que l'on voudra dans certaines chapelles péquistes, les Québécois tiennent à leur niveau de vie qui est en fait l'expression la plus palpable de ce qu'une société est en mesure d'offrir à ses citoyens. J'ajoute simplement — et cela est singulièrement vrai — si le gouvernement devait tarder à se définir sur le plan économique, ce ne sont pas tellement les gens fortunés ou même ceux de la classe moyenne, non plus que les centaines de milliers de travailleurs des secteurs public et parapublic qui en souffriraient le plus, ce sont bien plutôt les gens de revenu modeste et les populations des régions éloignées, ceux-là mêmes que le gouvernement dit vouloir aider, qui seraient les premières victimes de l'imprévoyance et de l'irresponsabilité du gouvernement.

Pour conclure cette partie de mon exposé, je dirai que l'Opposition officielle demande au gouvernement de déterminer et de préciser dès maintenant son attitude en ce qui concerne le séparatisme et les orientations de sa politique économique.

Dans le contexte actuel, ce sont là des urgences qui sont intimement liées au progrès du Québec et à la sécurité économique et sociale des Québécois et de leurs familles.

L'Opposition officielle entend assumer, à cet égard, la plénitude de sa responsabilité et exercer toutes les pressions nécessaires pour amener le gouvernement à mettre immédiatement cartes sur table sur ces deux questions vitales.

Je vous indique, tout de suite, là où nous nous situons. Nous sommes contre le séparatisme et la socialisation à outrance de l'activité économique. Quant au reste, c'est-à-dire tous les autres engagements et promesses du Parti québécois et de ses candidats, nous donnons volontiers la chance au coureur, à condition qu'il coure parce qu'au rythme où il a promis, il aura grandement besoin de faire vite et qui fait vite parfois est forcé d'improviser et de parler bien fort et d'abondance pour camoufler son inaptitude à tenir parole.

Avec tous mes collègues de l'Opposition, nous serons là pour exercer une vigilance de tous les instants et forcer le gouvernement à se comporter en gouvernement responsable. C'est là une donnée fondamentale de la vie démocratique de notre société et nous entendons bien la respecter pleinement.

Le 15 novembre dernier, Mme la Vice-Présidente, les Québécois ont décidé de changer de gouvernement. En bons démocrates, les libéraux du Québec respectent cette décision de la majorité des Québécois. Quelles que soient les déceptions personnelles, bien légitimes, que nous puissions avoir, des intérêts supérieurs commandent maintenant au Parti libéral du Québec de se remettre sans tarder à la tâche et de témoigner ainsi, une fois de plus, de l'attachement des libéraux du Québec aux valeurs démocratiques de notre société.

C'est vers l'avenir que nous nous tournons maintenant. Cependant, avant de tourner la page sur les six années au cours desquelles le Parti libéral du Québec a eu à assurer la direction des affaires publiques québécoises, je me dois de souligner le travail acharné de tous mes collègues libéraux, ministres et députés, qui, même dans la défaite d'hier, peuvent être fiers de la contribution qu'ils ont apportée au progrès et au développement du Québec, et à l'amélioration de la qualité de vie des Québécois.

Je veux, en particulier, dire à celui qui a eu la lourde responsabilité de présider au gouvernement du Québec depuis 1970 toute notre admiration. Ce n'est pas le moment de rappeler aujourd'hui les réalisations de Robert Bourassa. Je veux, cependant, signaler qu'aucun premier ministre du Québec n'a eu, d'une façon aussi soutenue, à faire face à autant de difficultés que celles qu'il a connues.

Le Québec est une société extrêmement exigeante pour le chef du gouvernement. Je sais que le nouveau premier ministre en est conscient. Il a, je pense, déjà parlé de tue-monde pour décrire la tâche du premier ministre du Québec. En fait, peu de sociétés modernes ont à ce point changé aussi vite que la nôtre. Peu de sociétés modernes ont ainsi eu à faire face à des tensions sociales aussi intenses, tensions qui se manifestent avec d'autant plus de force que le Québec doit mener, sur le plan culturel, un combat de tous les instants.

Si le Québec a pu, au cours des six dernières années, en dépit de tout, connaître des progrès économiques, sociaux et culturels que personne ne peut nier, je crois sincèrement que, par-delà les engagements politiques de chacun, les Québécois savent que les qualités personnelles de Robert Bourassa ont compté pour beaucoup.

Le 15 novembre dernier, il a accepté, de la façon que l'on sait, le verdict de la population. Nous qui avons été ses collaborateurs, nous n'avons pas été surpris de son attitude courageuse. Je veux, aujourd'hui, lui transmettre, ainsi qu'à son épouse et à ses enfants, les meilleurs voeux de cette Assemblée.

Le Parti libéral du Québec doit donc se remettre à la tâche et, comme nos amis d'en face nous le disaient à l'époque, sans que nous les ayons

crus — ils avaient pourtant raison — Nous sommes l'Opposition officielle, c'est-à-dire le prochain gouvernement du Québec.

Le rôle de l'Opposition officielle, comme je l'ai indiqué tantôt, nous allons le jouer pleinement, en particulier d'abord en ce qui concerne le domaine économique et la question de l'indépendance du Québec. L'indépendance du Québec — est-il besoin de le rappeler? — dont les Québécois ne veulent pas. 60% ont voté contre le séparatisme et, parmi les quelque 40% des Québécois qui ont voté pour le Parti québécois, tout indique, les relevés d'opinions tout autant que les témoignages que nous entendons chaque jour, que beaucoup plus de la moitié des électeurs péquistes sont également opposés à l'idée de l'indépendance. Le Parti libéral, qui lui, a clairement l'option canadienne, doit donc s'engager, dès à présent, à se préparer à servir de nouveau le Québec et à prendre à la première occasion la relève du présent gouvernement.

De toute évidence, le gouvernement péquiste, ceux et celles qui le composent, son programme et ses premières heures en témoignent, le gouvernement péquiste, dis-je, s'enfermera très vite dans l'univers clos des structures technocratiques et de l'organisation à outrance des rapports économiques sociaux et individuels. Ce sera — et j'en ai la conviction — l'orientation fondamentale de sa politique et de son action comme l'illustre déjà si bien le superbe étagement des nouvelles responsabilités ministérielles.

Dans ces conditions, de plus en plus de gens au Québec seront amenés à prendre fermement parti en faveur de la liberté individuelle et du sens des responsabilités du citoyen. Le Parti libéral du Québec—j'en ai la conviction — peut être le lieu de rassemblement de tous ceux-là qui croient que l'individu et l'humain passent avant l'organisation des systèmes et des structures. Au modèle suédois que nous propose, en fait, le Parti québécois, le Parti libéral du Québec devra opposer l'expérience suédoise, une expérience bien concrète décriée par tout un courant d'opinions en Suède et rejetée par le peuple suédois lui-même lors des dernières élections dans ce pays. Le Parti libéral du Québec devra rappeler au Parti québécois que le seul modèle de société qui convienne au Québec est celui qui nous invite à continuer de partager fondamentalement, dans l'ordre des valeurs, celles qui sont propres au continent nord-américain sur lequel nous nous situons. Un tel modèle de société — j'en ai la conviction — est par ailleurs tout à fait compatible avec la réalisation des objectifs d'affirmation et de promotion des valeurs culturelles qui sont nôtres au sein du Canada.

Prendre le parti de la liberté individuelle au Québec, cela a déjà une signification précise. Est-il, en effet, tellement osé de s'inquiéter, dès à présent, d'un certain conformisme de la pensée qui s'est installé presque à demeure dans des milieux qui devraient être les derniers à se plier à ce conformisme? Est-il tellement trop osé de s'inquiéter de cette quasi-unanimité des valeurs politiques, économiques, sociales et culturelles que véhiculent une grande partie de la production culturelle et artistique québécoise ainsi que certains grands prophètes du monde de l'enseignement, du syndicalisme et de la fonction publique? Comment est-il simplement possible que si peu de gens, dans ces milieux pourtant épris de liberté, fassent entendre un autre son de cloche? Je sais qu'il y a la situation particulière dans laquelle la société québécoise est placée au sein du Canada et sur le continent nord-américain. Il faut le comprendre. L'histoire et les réalités démocratiques, économiques, sociales et culturelles des Québécois l'explique aisément. J'admets tout cela, mais je me demande s'il s'agit là d'un signe de santé sur le plan de la créativité, de l'imagination et du dynamisme d'un peuple. Est-ce là le signe d'une société libre? Je ne le crois pas. Il fut pourtant une époque pas tellement lointaine où un gouvernement a trouvé dans une situation analogue une base d'opération extrêmement intéressante pour lui et qui, on se le rappelle, avait été si vertement dénoncée à l'époque par l'actuel ministre des Affaires culturelles et des Communications. Aujourd'hui, quand je me trouve en face d'un gouvernement péquiste, je ne peux m'empêcher de souligner le danger que courent ces milieux de devenir en quelque sorte la chose du gouvernement. Le Québec de 1976 n'est pas celui de 1950. Le Québec est irrémédiablement ouvert sur le monde heureusement.

Il n'en demeure pas moins que, dans l'ordre politique dans lequel je me situe, je me dis qu'il est important de souhaiter qu'il se trouve encore au Québec suffisamment de gens de ces milieux pour prendre leurs distances et pour mener avec ouverture d'esprit une réflexion sur l'avenir qui sache, bien sûr, reconnaître toute son importance à notre condition de Québécois, mais qui soit capable d'aller au-delà pour témoigner de valeurs plus universelles et probablement plus humaines. C'est, en tout cas, dans cette perspective et encore une fois dans le domaine politique où nous nous situons que le Parti libéral du Québec entend profiter de son séjour dans l'Opposition pour "se ressourcer"— si vous me permettez l'expression — en n'hésitant pas, quant à lui, à s'inscrire, au besoin, en faux contre tous ceux-là qui, d'une façon consciente ou non, convieraient le Québec à revivre une expérience des années 1950 qui, quant à moi, a été tout à fait concluante.

Je ne crois pas qu'il y ait lieu de dramatiser à ce sujet; d'autant moins que des voix autorisées des milieux auxquels je me réfère ont déjà signalé le danger, en particulier en ce qui concerne l'intervention absolument saugrenue du Conseil national du Parti québécois dans le processus de décisions de l'Etat. Si je comprends bien, tout cela va se régler samedi, mais, enfin, nous attendrons.

Je souhaite simplement que des voix tout aussi nombreuses de ces milieux sauront témoigner de leur attachement aux valeurs démocratiques de notre société lorsqu'il s'agira de dire au gouvernement qu'on ne peut se servir de l'appareil gouvernemental pour faire accepter à la population une option constitutionnelle dont elle ne veut

pas. Si, comme on l'a dit, un référendum se prépare, il faudra alors dire à nos amis d'en face qu'avant que l'Assemblée nationale ne l'ait autorisé spécifiquement, un référendum ne se prépare pas avec les fonds publics. Il faudra, M. le Président, que l'Assemblée nationale l'autorise et à ce moment, comme l'a mentionné il y a quelques minutes, dans une question, le chef de l'Union Nationale, il va falloir que nous ayons, de part et d'autre, les moyens financiers et techniques pour bien souligner le pour et le contre, voir les deux côtés de la médaille. C'est là une question d'honnêteté, d'intégrité intellectuelle dont je parlais tout à l'heure. C'est là une responsabilité à laquelle le gouvernement devra être de plus en plus sensible, parce que c'est l'avenir de toute une société qui se joue. Nous n'avons pas l'intention d'être dans une situation que créerait le gouvernement et qui s'éloignerait des principes de justice qui doivent présider à ce grand choix du peuple québécois. Dans l'ordre économique et social, je crois que le Parti libéral du Québec devra orienter son effort de réflexion en adoptant une attitude essentiellement pragmatique.

Je pense bien que l'on peut certainement affirmer que dans la plupart des pays occidentaux — et en tout cas très clairement en Amérique du Nord — un courant nettement majoritaire de l'opinion a depuis longtemps reconnu les dangers et les limites d'une approche trop idéologique des problèmes de développement et de croissance économique d'une société moderne. Je crois que le Parti libéral du Québec, comme il l'a fait au cours des six dernières années, doit continuer d'éviter recueil des dogmatismes et des systèmes préétablis. L'économie québécoise est une économie ouverte. Elle doit le demeurer parce que les Québécois, quoi qu'on puisse en dire, y trouvent des avantages considérables. D'ailleurs, cette ouverture n'est-elle pas, en fait, à l'échelle du Québec, que l'expression de la réalité inéluctable de l'interdépendance sans cesse accrue des économies modernes?

Il ne saurait alors être question, pour le Parti libéral du Québec, de songer à doter le Québec d'un système économique fondamentalement différent de celui du reste du Canada et de l'Amérique du Nord. Il est bien évident, cependant — et l'action du Parti libéral du Québec de 1960 à 1976 et de 1970 à 1976 en témoigne — que le Québec doit appuyer, peut-être davantage qu'ailleurs, son développement sur l'Etat, toute une série de raisons historiques, démographiques et économiques nous le suggèrent.

L'expérience québécoise, à cet égard, nous indique, par contre, qu'il faut être bien prudent et lucide dans ce domaine, éviter par-dessus tout de croire aux solutions-miracles. L'Etat ne peut être une panacée à tous nos problèmes économiques.

Fondamentalement, c'est le dynamisme de l'entreprise qui est le facteur déterminant de la croissance économique. C'est ce que le Parti libéral du Québec a toujours dit et c'est ce qu'il devra continuer de défendre. Il importe toutefois, comme je l'ai indiqué tantôt, que le Québec puisse appuyer ses efforts de développement économique sur une action soutenue et éclairée des pouvoirs publics. Je dirais que, dans ce domaine comme dans les autres, il faut avoir suffisamment de lucidité et de clairvoyance pour conditionner toute intervention de l'Etat dans la vie économique à l'épreuve d'une analyse rigoureuse des coûts et bénéfices. Là comme ailleurs, les montants d'argent ou les deniers publics doivent être dépensés d une façon productive, productive en terme économique, c'est-à-dire une question de stricte rentabilité, productive également en terme social, c'est-à-dire une question d'emplois créés ou assurés, une question d'impact sur la région, la ville ou le village en cause.

C'est sur cette base qu'au gouvernement du Québec nous avons voulu fonder notre action, lorsqu'il s'est agi pour nous de créer la Société de développement industriel, d'investir des sommes additionnelles importantes dans SIDBEC, REXFOR, SOQUEM, SOQUIP ou d'appuyer des projets particuliers comme Tembec et Cabano. L'interdépendance des économies modernes, le rôle déterminant de l'entreprise privée et l'intervention éclairée et responsable de l'Etat dans la vie économique m'apparaissent donc être les voies les plus sûres du progrès et du développement économique du Québec.

Je sais bien que nos amis d'en face opposeront à cela le refrain du contrôle de l'économie québécoise par les Québécois et pour les Québécois. On connaît déjà trop bien leur chanson. On voit déjà ce que cela donne. Maintenant qu'ils sont au gouvernement, alors qu'ils disaient avoir la réponse à peu près à tout, ils semblent maintenant n'avoir réponse à rien.

Dans le domaine économique, sur le plan concret, c'est le vide absolu, le vide de leur refrain du contrôle de l'économie québécoise par les Québécois et pour les Québécois. Quand je les entends parler de nationalisation et d'entreprises d'Etat, je me demande vraiment s'ils pensent aux bénéfices concrets que la population et les travailleurs en tireraient.

Je me demande s'ils se rendent compte des montants d'argent, des deniers publics considérables qui seraient nécessaires et qu'ils consacreraient à acheter des usines existantes sans créer un seul emploi nouveau. Quand je les entends parler de réglementation de ceci ou de cela, je me demande s'ils savent simplement comment une entreprise fonctionne, quelles sont les exigences de la concurrence et du marché et les contraintes de la technologie et du crédit.

Quand je les entends parler des multinationales, je me demande s'ils savent comment, très concrètement, aujourd'hui, demain, l'an prochain, les jeunes diplômés de nos universités trouveraient de l'emploi au Québec s'il n'y avait pas chez nous de grandes industries à haute technologie.

Prendre en main les leviers économiques québécois, je ne crois certainement pas que nous puissions y parvenir en cherchant à séparer le Québec du reste du Canada. Nous aurons bien en main les leviers économique québécois quand,

collectivement et individuellement, nous choisirons de nous engager à faire du développement économique la grande priorité de notre société, celle qui est à la base du progrès social et culturel de toutes les sociétés modernes.

Le Parti libéral du Québec a choisi cette voie en 1970 et des progrès considérables ont été accomplis. Le Parti libéral du Québec doit encore aujourd'hui et dans l'avenir être le parti de la croissance économique, une croissance économique fondée sur des entreprises québécoises dynamiques et pouvant compter aussi sur l'apport du capital étranger, une croissance économique façonnée par une meilleure éducation économique de notre population, une croissance économique appuyée sur des relations de travail responsables, une croissance économique qui nous sera assurée dans la mesure même où les Québécois sauront épargner et investir dans l'avenir de leur société.

C'est alors, et alors seulement, que les politiques et programmes économiques de l'Etat pourront prendre leur signification véritable. Le développement de la croissance économique est la base du progrès social. Je le répète. C'est la base du progrès culturel de toutes les sociétés modernes, incluant la nôtre.

Nos honorables amis d'en face vont, dans les prochains mois, comprendre toute la signification de cette règle première, fondamentale, de la condition des collectivités modernes, eux qui se lancent dans des promesses plus ou moins irréalistes et dont ils n'ont pas l'air de savoir qu'il faut que cela se finance. Il y a des besoins sociaux prioritaires dans notre société. Nous les avons énumérés dans notre dernier programme électoral, les principaux étant ceux des personnes âgées, l'habitation et le logement, la santé et la sécurité des travailleurs, le revenu des agriculteurs, l'enfance et la famille, le consommateur, le domaine des sports et des loisirs et l'amélioration de la qualité de l'éducation et des services de santé et des services sociaux.

Sauf erreur, tous les partis politiques représentés en cette Chambie sont à peu près tombés d'accord sur un tel programme social. Nous avons, bien sûr, dit à la population québécoise la manière dont nous entendions le réaliser. Il y a, à ce niveau, des divergences entre nous dont nous aurons sans doute l'occasion de parler.

En ce qui concerne le Parti libéral du Québec, nous nous sommes volontairement abstenus de prendre des engagements que nous jugions irréalistes et qui étaient au-delà de la capacité de payer des contribuables québécois, capacité, il ne faut pas l'oublier, qui est directement tributaire de !a situation économique. Sans doute parce qu'ils ne prévoyaient jamais être portés au pouvoir, nos amis d'en face — manifestant, vous l'admettrez, Mme la Vice-Présidente, à cet égard, un sens de l'éthique politique assez douteux — n'ont pas eu la même honnêteté intellectuelle, la même réserve, le même sens des responsabilités. Ils sont aujourd'hui, pris avec leurs promesses. Aussi, n'est-il pas surprenant de les voir maintenant littéralement prendre d'assaut les media d'information comme pour masquer leur incapacité d'agir.

Ce que la population québécoise attend du gouvernement, ce n'est pas qu'on lui promette ciel et terre; c'est qu'on identifie clairement les priorités sociales, qu'on en établisse le coût exact et qu'on détermine un échéancier précis de réalisation. Je veux bien que, dans son ardeur juvénile, le nouveau gouvernement réussisse à faire des manchettes avec des comités d'étude à qui on fixe des délais qu'on veut impératifs; je n'en tiens pas grief au gouvernement: il vient d'arriver. Je lui dis simplement que les Québécois, demain, exigeront beaucoup plus que cela.

C'est le Parti libéral du Québec qui a fait la réforme de l'éducation, c'est le Parti libéral du Québec qui a fait la réforme sociale. Le nouveau gouvernement ne doit pas oublier qu'il doit voir à ce que ces deux grands projets de notre société continuent d'être menés et administrés avec efficacité. Il va falloir que les ministres passent un peu plus de temps dans leurs ministères pour prendre, à cet égard, les décisions qui s'imposent. C'est regrettable pour eux, mais la plupart de ces décisions ne justifient pas de conférence de presse. Elles n'en sont pas moins importantes. Ce sont des questions de bonne et de saine administration de la chose publique. Ce sont des questions qui mettent en cause toute la crédibilité, auprès de la population, des programmes concernés.

Mal administrés, les programmes existants perdent très vite leur signification. Assurez-vous de la bonne gestion des programmes existants avant de vous lancer, comme vous le faites, dans toutes les directions à la fois.

Il est un autre aspect de la réalité québécoise au sujet duquel je voudrais dire quelques mots; c'est celui des relations entre les francophones et les non-francophones du Québec. Je représente en cette Chambre un comté qui est précisément composé d'une majorité de parlant français et d'une minorité, d'environ 15%, de parlant anglais. Depuis vingt ans que je suis ici, j'ai servi les électeurs de Bonaventure du mieux que j'ai pu.

Je crois pouvoir dire en cette Chambre, que si j'ai pu me mériter ainsi la confiance de mes électeurs, c'est en grande partie parce que je me suis toujours fait un point d'honneur de reconnaître à tous et à chacun de mes concitoyens, les mêmes droits. Pour moi, tous, sans distinction aucune, de langue, de religion ou de fortune, sont des citoyens à part entière du Québec, tous sont d'authentiques et de véritables Québécois. Je suis de ceux qui croient que, malgré tout ce que l'on peut en dire, le Québec a connu, au cours de toutes ces années, des progrès remarquables dans à peu près tous les domaines.

Une nouvelle société québécoise est apparue, une société ouverte sur le monde, dynamique, créatrice et soucieuse de satisfaire aux exigences de l'idéal de justice et de liberté qui constitue notre héritage commun. Cette nouvelle société québécoise dont nous pouvons à juste titre être fiers, chaque Québécois l'a bâtie de ses mains, de son travail et de son amour du Québec.

Oui, le Québec existe aujourd'hui, sans même que nous ayons eu besoin de nous séparer du reste du Canada. Le Québec existe dans le coeur et

l'esprit de tous les Québécois, c'est-à-dire les Québécois de langue et de culture françaises, et, au même degré, dans le coeur et l'esprit des Québécois de langue et de culture anglaises, et de tous ceux-là qui ont choisi de venir, chez nous, partager nos ambitions et nos espoirs.

La dernière élection générale a mis en relief l'existence d'un fait politique et social d'une importance majeure pour l'avenir de notre société et dont il me faut faire état, aujourd'hui, en cette Assemblée, afin que nous acceptions tous ensemble d'y accorder une attention particulière. En effet, la dernière élection générale au Québec a été l'occasion pour plus d'un million de Québécois non francophones de projeter au premier plan de la discussion de nos affaires publiques, le sentiment qu'ils avaient d'être considérés chez eux, au Québec, comme des citoyens de second rang.

Mon propos n'est pas ici de chercher à démontrer qui, du Parti libéral du Québec, du Parti québécois ou de l'Union Nationale, a recueilli le plus grand nombre de suffrages de ce groupe de Québécois. Je cherche tout simplement, et d'une façon beaucoup plus positive, à dire à cette Assemblée et à tous les partis politiques qui y sont représentés, qu'il y a là quelque chose de très sérieux. Je sais bien que l'on a parlé de certaines dispositions de la Loi sur la langue officielle et que cette question a pris une place très importante du débat public. Nous aurons l'occasion, le premier ministre l'a déjà indiqué, de nous en saisir, et ce, au cours des prochains mois. Je voudrais dire, aujourd'hui, à cette Chambre, que le problème qui se pose à nous me semble beaucoup plus profond que cela. C'est la conviction qu'ont acquise mes collègues libéraux qui ont eu à rencontrer leurs électeurs non francophones et à discuter avec eux.

Pour le bien comprendre, et pour pouvoir y apporter des solutions adéquates, il faut, je pense, reconnaître que dans ce que nous avons entrepris, ici au Québec, depuis 1960, pour moderniser notre société et nous donner des institutions politiques, économiques, sociales et culturelles adaptées à nos besoins, nous n'avons collectivement pas su associer suffisamment nos concitoyens non francophones à la réalisation des grands objectifs que nous poursuivions, et ces derniers n'ont pas non plus suffisamment cherché à s'inscrire dans le mouvement qui prenait son élan.

Il n'y a pas de blâme à jeter sur quiconque. Je crois que c'est là un fait indiscutable qu'il faut avoir le courage et l'honnêteté de reconnaître. Ainsi, par exemple, chacun d'entre nous se rappelle les débats que nous avons eus ici, en cette Assemblée, sur la création du ministère de l'Education, la formation des communautés urbaines, la restructuration scolaire de l'île de Montréal, l'intégration des forces policières et la réforme des services de santé et des services sociaux. Dans ces occasions, avons-nous senti vraiment que, de part et d'autre, nous faisions oeuvre commune? Nous touchions pourtant alors à des choses qui rejoignaient directement chaque citoyen dans sa vie quotidienne.

Ne devons-nous pas le reconnaître, sans le vouloir et en toute bonne foi, alors, nous pouvions donner à certains de nos concitoyens l'impression d'être ignorés et que tôt ou tard nous devions nous attendre à ce que ces gens-là expriment leurs inquiétudes légitimes. N'est-ce pas un peu à cela que tous les partis politiques en cette Chambre ont eu à faire face lors de la dernière campagne électorale?

Quant à moi, je crois qu'il s'agit là d'un problème sérieux dont il faut nous occuper sans délai parce qu'il met en cause les valeurs les plus fondamentales de notre société. Il ne devrait jamais y avoir au Québec de citoyens de seconde classe. Les Québécois sont trop attachés à l'idéal démocratique. Ils ont un sens trop élevé de la justice et de l'égalité pour le tolérer. J'entends bien qu'au niveau du Parti libéral du Québec, on entreprenne, dès maintenant, de trouver une façon de corriger cette situation. Je ne doute pas que ce soit là aussi le désir des autres formations politiques du Québec.

J'ai donc cherché, aujourd'hui, à dire à cette Assemblée, au nom des centaines de milliers de libéraux du Québec que, dans la défaite du 15 novembre dernier, ils demeuraient tous profondément attachés aux grandes valeurs démocratiques de la société québécoise. Les libéraux du Québec demeurent fiers d'avoir, depuis 1960, pendant plus de douze ans, vu leur parti apporter une contribution extrêmement positive au progrès du Québec et à l'amélioration de la qualité de vie des Québécois. Les Québécois ont décidé de se donner un nouveau gouvernement, les libéraux acceptent, sans amertume aucune, le verdict et, sans délai, ils entendent assumer pleinement leur rôle d'Opposition officielle et profiter de ce séjour dans l'Opposition pour, une fois de plus, entreprendre la tâche de réunir, au sein du Parti libéral du Québec, une nouvelle équipe d'hommes et de femmes qui à la première occasion seront prêts à servir le Québec.

J'ai voulu dire au nouveau gouvernement certaines choses qui m'apparaissaient essentielles. Ne cherchez pas à imposer aux Québécois le séparatisme dont ils ne veulent pas. Comprenez l'importance majeure qu'il y a dès maintenant, de vous consacrer à apporter des solutions concrètes et immédiates aux problèmes économiques des Québécois en définissant clairement vos orientations économiques et en créant un climat de confiance.

J'ai indiqué, enfin, à cette Assemblée, les grandes orientations qui m'apparaissaient devoir guider le Parti libéral du Québec au cours des prochaines années, orientations qui se préciseront et qui se compléteront à l'intérieur des structures du parti, des structures démocratiques du parti.

Je souhaite, enfin, la meilleure des chances possible au nouveau gouvernement. L'Opposition officielle combattra votre option constitutionnelle. Elle jouera à plein son rôle d'Opposition officielle dans tous les domaines. Ne nous avez-vous pas dit et redit depuis 1973 que l'Opposition officielle, c'est le prochain gouvernement, nous sommes bien d'accord. Cependant, dans l'immédiat, nous

devons constater que le gouvernement actuel n'a pas encore posé de geste de nature à dissiper le climat d'incertitude qu'a provoqué dans tous les milieux sa politique, tant sur le plan économique que constitutionnel. Ceux qui hier avaient des réponses à tout semblent maintenant n'avoir de réponse à rien. En conséquence, je propose en concluant cet exposé que cette assemblée regrette que le gouvernement n'ait rien fait pour dissiper le climat d'inquiétude et d'incertitude qui est absolument néfaste au bien-être des Québécois et de leur famille. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Lotbinière.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: Mme la Présidente, au moment où avec émotion je prononce mon premier discours dans cette enceinte de l'Assemblée nationale du Québec, mes premières pensées vont à l'endroit des gens de mon pays, des gens de Lotbinière, à l'endroit de celles-là et de ceux-là qui m'ont fait l'insigne honneur de m'accorder leur confiance.

J'entends, et je veux le redire ici, être digne de leurs sentiments à mon égard et, ici, tout comme dans mon comté, semaine après semaine, jour après jour, j'entends être le représentant de tous les électeurs de Lotbinière sans distinction aucune, quant à moi, du choix qui a été le leur le 15 novembre dernier.

M. le Président, avant de livrer ce message qui est le mien aujourd'hui, au nom de mes commettants et en tant que chef de l'Union Nationale, je tiens à vous souhaiter plein succès dans l'exercice de vos difficiles fonctions, à vous assurer de ma collaboration franche, pleine et entière, ainsi que de celle de mes députés dans le rôle d'arbitre qui est le vôtre. Nous croyons au respect de l'autorité et je vous assure que nous respecterons la discipline et les règles que vous voudrez bien imposer.

Vous voudrez bien assurer aussi vos collègues, le vice-président de cette Assemblée, le député de Prévost, et le président de l'Assemblée nationale, de ce même tribut de respect de ma part à leur endroit.

Je sais que vos formations professionnelles vous ont préparés adéquatement a bien remplir le poste que l'on vous a confié et que vous en répondrez débat après débat avec impartialité et diplomatie. La voie en ce sens a été bien tracée par votre prédécesseur immédiat qui, si l'on se fie, à ce jour, à son intervention lors de la séance d'ouverture de l'Assemblée nationale, était plus à l'aise et mieux inspiré, à tout le moins, dans son fauteuil du dernier Parlement que dans celui de leader de l'Opposition officielle.

Nous voici dans un nouveau Parlement, pour ne pas dire dans un Parlement nouveau, où tous, de quelque formation politique que nous soyons, nous avons à déplorer l'absence d'hommes ou de femmes qui, sans déshonneur pour autant, ont connu la défaite électorale, privant ainsi la collec- tivité québécoise, dans plusieurs cas, d'une compétence sûre. C'est le prix d'un changement, un changement qui nous vaut un nouveau gouvernement, un cabinet et un conseil de ministres tout neufs et un premier ministre tout renouvelé dans sa parure, à qui ainsi qu'à tous les élus du 15 novembre dernier j'offre mes félicitations les plus sincères.

J'assure le premier ministre du Québec de notre collaboration positive, dynamique, sincère et efficace dans l'administration du Québec. Ce changement nous vaut également une Opposition nouvelle et une Union Nationale revivifiée. Hier, quelque 5% du suffrage et un député; aujourd'hui, tout près de 20% des voix et onze députés. Quel chemin parcouru en bien peu de temps, et ceci — je tiens à le signaler à l'attention de tous les députés de cette Chambre — grâce, notamment, au travail inlassable et au dévouement fécond d'un des plus grands parlementaires de toute l'histoire de ce Parlement, le doyen de l'Assemblée nationale, que je remercie de son amitié, le député de Johnson.

Je suis fier de diriger une équipe où se retrouvent côte à côte, riches d'une expérience parlementaire, les députés de Johnson, de Mégantic-Compton, notre whip, de Brome-Missisquoi — son élection, sans pour autant diminuer ici son mérite personnel, est en quelque sorte un hommage à la mémoire du regretté ex-premier ministre du Québec, l'honorable Jean-Jacques Bertrand — et de Richmond. L'Union Nationale déjà regroupe d'ex-adhérents à d'autres formations politiques et comme autant d'espoirs nouveaux, mais tout aussi motivés et représentatifs, les honorables députés de Bellechasse, de Gaspé, de Huntingdon, de Nicolet-Yamaska, de Pointe-Claire et de Saint-Hyacinthe.

Autant nous de l'Union Nationale, et ce dans le même esprit qui nous a animés tout au cours de la récente campagne électorale, nous voulons être une Opposition à la fois positive, constructive et vigilante, autant nous voulons placer les intérêts supérieurs et collectifs du Québec d'abord et du Canada également au-dessus des intérêts à court terme et à long terme de notre parti.

C'est à toute la population du Québec que nous voulons répondre de nos faits et gestes. C'est auprès d'elle et avec elle, d'abord, que nous prendrons notre orientation, que nous dessinerons le chemin à parcourir, la stratégie même à suivre. Le parti qui est nôtre ne sera qu'un outil, pas moins, mais pas plus. En tant qu'élus du peuple, nous ne pouvons servir deux maîtres.

C'est pourquoi, incidemment, contrairement à certains de nos amis, nous n'avons ni maître, ni frère à Ottawa, tout au plus des cousins. Notre conseil national à nous, Mme la Vice-Présidente, est l'électorat québécois dans son ensemble. C'est pourquoi il ne faut pas s'en surprendre. Sans négliger les travaux parlementaires qui nous incombent, nous parcourrons sans relâche, et dès le début de 1977, l'ensemble du territoire québécois, en contact constant avec les citoyens du Québec, à leur écoute réelle, anxieux de mieux connaître

encore leurs besoins, leurs aspirations et leurs appréhensions. Nous voulons ainsi nous assurer d'une représentativité authentique de l'ensemble des Québécois car il nous importera de connaître, en tout temps, le pouls des Québécois, de tous ceux qui vivent au Québec, comme il nous importe de bien interpréter dès maintenant les leçons du 15 novembre dernier.

M. le Président, que faut-il conclure du 15 novembre dernier sinon que de constater et d'apprécier que le peuple du Québec, dans une proportion de quelque 66%, deux Québécois sur trois, a exprimé clairement une volonté de changement, se prononçant à 41% des suffrages exprimés pour un nouveau gouvernement? La vague, 70 élus, qui a porté le Parti québécois au pouvoir n'a eu d'égal que le mécontentement, l'insatisfaction profonde des Québécois. Les sondages nous avaient parlé de 66% d'insatisfaits à l'endroit des ministériels libéraux.

Les Québécois ont donc opté non pas pour un changement radical du système économique, non pas pour un changement brutal de régime constitutionnel, mais pour une administration plus saine de leur province, de leur gouvernement et, avouons-le, pour un coup de barre en avant dans maints dossiers qui pourrissaient littéralement dans l'indécision chronique et, enfin également, pour un style de gestion plus ouvert, plus démocratique et pour un gouvernement dans lequel ils croyaient se retrouver davantage.

L'interprétation, par trop enthousiaste d'ailleurs, de plusieurs de nos amis d'en face, dans certains de leurs propos publiés depuis leur victoire du 15 novembre, le cheminement idéologique du PQ, son programme actuel, l'hypothèse des nationalisations, sa raison d'être habilement dissimulée au cours de la récente campagne électorale, des déclarations antérieures de plusieurs de ces têtes d'affiche, voilà autant de facteurs qui contribuent à provoquer, sinon à alimenter, à nourrir l'incertitude qui prévaut actuellement dans plusieurs couches de notre population, dans plusieurs secteurs de notre société, notamment dans le milieu des affaires et de l'industrie, piliers, qu'on le veuille ou non, de notre économie, et partenaires, de toute façon, de notre progrès social.

Le Québec et son gouvernement — je ne l'apprends à personne, je l'espère — n'a pas les moyens ni le droit, avec un taux de chômage de 10% dont 25% chez les moins de 25 ans, avec un déficit de $1 milliard, de même prendre le risque de prêter flanc, sinon de provoquer, encore moins de voir s'installer un climat d'inquiétude. Je lance donc aujourd'hui un appel pressant au nouveau gouvernement et au nouveau premier ministre du Québec à l'effet qu'ils s'emploient, sans délai, et sur toutes les tribunes pertinentes à la fois, à éliminer l'incertitude qui prévaut actuellement à la suite de l'élection du 15 novembre dernier. Trêve de promesses à gogo, trêve de déclarations ministérielles quotidiennes davantage vagues, équivoques ou ambivalentes que génératrices de consensus fécond, de grâce pour une période de temps qui soit la plus longue possible. Que des décisions et des gestes posés, pensés, réfléchis et cohérents marquent l'action du gouvernement. Il ne faudrait quand même pas que l'incohérence ou encore l'activisme succède à l'indécision chronique des ministériels sortant de charge. La chance au coureur, nous en sommes. Cela veut dire à l'intérieur des règles du jeu, mais pas si cela veut dire hors piste ou encore courir prématurément à perdre haleine.

Que le Parti québécois s'essouffle vite, je le veux bien, mais pas le peuple du Québec ni l'économie, d'autant plus qu'elle est déjà essoufflée. Que l'on profite donc de la lune de miel pour paver la voie, d'autant plus qu'il y a davantage mariage d'amour que de raison, à un bonheur durable entre administrateur et administré et non pas pour mettre la province dans le pétrin. Quant à nous de l'Union Nationale, la priorité va à l'économie. C'était le cas au cours de la récente campagne électorale et c'est toujours le cas. Nous déplorons incidemment, tout comme le président du Conseil du patronat du Québec, M. Pierre Des Marais, l'absence en règle générale d'hommes honnêtes... pardon d'affaires au sein du Parti québécois. Avec la volonté d'assurer la sécurité aux Québécois, nous offrons notre collaboration au gouvernement qu'ils ont choisi.

C'est donc dans cet esprit que nous multiplions et multiplierons nos rencontres au Québec et éventuellement ailleurs au pays et même aux Etats-Unis, auprès de représentants de l'un ou l'autre des agents économiques. L'économie, pour nous, à l'Union Nationale, est le chemin le plus sûr pour travailler à l'égalité des chances pour tous. La revalorisation du capital humain, selon nous, passe par la relance économique, relance bâtie avec les partenaires actuels de l'économie. L'une et l'autre sont intimement liées. La relance économique, au Québec, tous s'accordent à le dire, doit passer par la relance de la petite et moyenne entreprise. La petite et moyenne entreprise au Québec est l'industrie agro-alimentaire. On me permettra de m'interroger ici sur son essor à court terme quand on nous faisait avant hier, d'Ottawa, dans le cadre de la conférence fédérale-provinciale sur les perspectives de l'agriculture, l'annonce d'une baisse de revenu net des agriculteurs en 1977.

Au Québec, la PME est également en certains cas l'industrie du textile dont le nouveau ministre québécois de l'Industrie et du Commerce nous dit qu'il suffit d'en favoriser la localisation, la modernisation, le recyclage. Je lui souhaite bonne chance quand on sait que les réponses de l'industrie du textile sont déjà toutes prêtes et témoignent de ceci: l'industrie n'attend rien d'autre de la part du gouvernement du Québec qu'un soutien face à Ottawa, au moins égal à celui dont les industriels de l'Ontario, province non séparée, jouissent depuis plusieurs années. Je lui souhaite bonne chance à notre ministre de l'Industrie et du Commerce quand on sait que Yarntex, Beau-Fil, de Louiseville, PME familiale, a dû fermer ses portes récemment, soit le 1er décembre dernier, jetant sur le pavé quelque 200 travailleurs. Pourtant,

Beau-Fil fonctionnait sur une base rentable dans un genre de produits quasiment uniques. Le problème: Québec. L'administration libérale, me dira-t-on, est intervenue trop tard alors qu'Ottawa s'était déjà avancé pour $400 000. Résultat: Beau-Fil n'a pu satisfaire à l'échéance qui était sienne pour acquérir l'entreprise. A Québec, on avait joué avec le dossier du MIC à la SGF, de la SGF au MIC et du MIC à la SDI. Incidemment, M. le ministre, il va falloir mettre de l'ordre là-dedans.

La PME au Québec, et ce selon les dossiers mêmes du MIC, c'est 4500 petites industries qui emploient moins de 50 personnes et qui représentent 21% de la main-d'oeuvre et 19% du volume d'affaires industrielles de la province de Québec. Au Québec, la PME est aussi l'industrie touristique, l'industrie hôtelière. Comme l'a dit le nouveau ministre québécois du Tourisme le 3 décembre dernier, il ne faut pas oublier que le tourisme étranger constitue un apport appréciable en devises étrangères. C'est bien important quand on établit la balance des paiements. Oui, la PME c'est cela et tout cela. C'est par là que doit passer la relance économique au Québec et c'est par là que doit passer la revalorisation du capital humain. Et pourtant, grande déception. Le discours inaugural ne nous en parle pas, pas un mot, silence.

Bien sûr, nous croyons comprendre que 1977 nous apportera des réponses. L'on nous dira sans doute que le tout est à l'étude ou encore que l'éventuelle politique d'achat du gouvernement sera orientée vers les PME, etc. D'accord, mais en attendant que ces mesures, leur bienfait et leur éventuelle action aient une influence sur les PME, celles-ci risquent de trouver le temps long ou encore, pour certaines, de fermer leurs portes, parce que le même gouvernement n'a pas étudié sérieusement, comme le lui avait recommandé son propre ministre de l'Industrie et du Commerce, les effets directs et indirects sur l'entreprise de la hausse du salaire minimum à $3 l'heure, décrétée pour le 1er janvier 1977, d'autant plus que presque toutes les entreprises dites nationales et multinationales paient déjà plus que le salaire minimum. Cette mesure frappe donc en plein front les PME québécoises.

Il aurait été souhaitable, comme l'écrivait récemment l'éditorialiste Mathias Rioux, que les ministres du nouveau gouvernement provincial coordonnent davantage leurs déclarations et surtout qu'ils expliquent clairement comment ils entendent concilier les intérêts de l'entreprise avec ceux des travailleurs.

Le ministre de l'Industrie et du Commerce a parlé d'autres méthodes pour hausser le revenu minimum, comme de dégrèvements sélectifs d'impôt ou même de transferts directs. Pour répondre aux besoins urgents des PME, récemment, M. Jean Sexton, professeur agrégé en relations industrielles à Laval et spécialiste en main-d'oeuvre, a proposé la formation de bureaux sectoriels de main-d'oeuvre, parce que, a-t-il précisé, souvent la taille et les moyens techniques et financiers des PME ne leur permettent pas de se livrer à l'exercice de la planification de leurs besoins en main-d'oeuvre.

Quant à moi, je dis — et c'est partie de notre programme à l'Union Nationale — que c'est le temps de réévaluer les programmes d'enseignement en matière économique afin de donner aux jeunes Québécois le goût et le sens de l'entreprise. Je précise même ici — autre volet de notre programme — que c'est le temps d'inclure dans les programmes d'enseignement des stages d'apprentissage de sorte que l'étudiant puisse accéder au marché du travail dans le secteur d'activité qu'il a choisi avec, en plus de ses connaissances théoriques, une expérience pratique reconnue.

Cette approche de liaison école-travail, en plus de favoriser les jeunes, les étudiants, leur donne un débouché viable sur le marché du travail. Voilà ce qui peut précisément aider la petite et moyenne entreprise québécoise à se donner les services de techniciens, de spécialistes en administration, en mise en marché, en génie, etc., qu'autrement elle ne pourrait se permettre.

Enfin, n'est-il pas immoral de laisser actuellement en chômage des jeunes — 25% chez les moins de 25 ans — qui, par leur formation, pourraient aider à l'essor de la petite et moyenne entreprise québécoise?

J'aurais une suggestion à faire au gouvernement en ce sens. Pour une période d'un an, le ministère de l'Industrie et du Commerce, à ses frais, pourrait certainement engager plusieurs centaines de jeunes techniciens ou administrateurs présentement en chômage et les répartir dans tous les PME québécoises afin d'aider leur développement économique.

Laissez-moi aussi vous dire, Mme la Présidente, ma grande déception de voir que ni dans le discours inaugural ni dans le budget supplémentaire présenté par M. le ministre des Finances, le gouvernement n'a prévu une aide appréciable pour l'agriculture du Québec, l'agriculture qui, pourtant, est la base fondamentale même de l'économie québécoise, l'agriculture qui est une petite entreprise qui appartient véritablement à des Québécois, et qui connaît une période de crise et de marasme. Il est important que le gouvernement se penche, de toute urgence, sur le problème de l'agriculture au Québec et spécialement sur le problème des producteurs laitiers en vue de mettre à leur disposition les montants d'argent et l'aide technique nécessaires pour leur permettre de reprendre les quotas de production de l'année 1975.

Il est impensable qu'une industrie comme l'agriculture recule d'un pas dans l'ère moderne d'aujourd'hui.

Voilà au total quelques réflexions en marge de l'appel que je lançais tantôt au gouvernement pour qu'il s'attaque prioritairement à la relance économique s'il veut vraiment éliminer l'incertitude.

Notre souci pour la relance économique ne nous fait pas oublier pour autant l'autre relance dont il est question depuis quelques temps, celle du débat constitutionnel ou, à tout le moins, celle de la reprise des conférences fédérales-provinciales. Mardi, se terminait à Ottawa une conférence des onze premiers ministres du Ca-

nada. Les réactions vont de l'insatisfaction au mécontentement en passant par la satisfaction pour l'Ontario et pour le Nouveau-Brunswick. Il y a eu un compromis; un pas réel vers la décentralisation a été parcouru. Le front commun des provinces, s'il n'a paru que temporaire, aura été suffisamment fort pour amener Ottawa à un compromis qu'il n'avait, apparemment, même pas anticipé. Beaucoup reste à faire, bien sûr, mais il faut, d'ores et déjà, signaler des progrès réels.

Premièrement, les provinces auront plus d'autonomie dans les programmes d'éducation post-secondaire et de santé. Deuxièmement, il reste que la proposition d'un transfert de points d'impôts répond à l'une des demandes répétées des provinces, ce qui constitue, sinon un succès, du moins un net progrès par rapport aux visées résolument plus centralisatrices du début des années soixante. C'est d'ailleurs l'avis du chroniqueur Marcel Pépin de la Presse. Il n'y a donc, à mon avis, pas de raison valable, pour le nouveau gouvernement du Québec, pour son ministre des Finances en particulier, de jouer la grande victime. Peu est gagné de la dernière ronde des négociations, mais tout n'est pas perdu.

Bien sûr, nous appuyons les demandes légitimes et combien fondées du gouvernement du Québec pour qu'Ottawa participe à nos coûts de police, pour qu'Ottawa, surtout, accepte — et nous y reviendrons — de rouvrir le dossier du déficit olympique et d'accroître sa part dans le partage du coût de ce déficit car, comme cela augure, le Québec, et Montréal en particulier, continuera de payer ce déficit bien après 1983. Bien sûr, nous nous opposerons toujours à ce qu'Ottawa, sous prétexte d'accroître l'efficacité de sa politique monétaire, prenne en main l'un de nos meilleurs outils collectifs, nos caisses populaires, nos coopératives d'épargne et de crédit.

Il va falloir, sur ce dernier point notamment, qu'Ottawa, et pour le temps qu'il est encore là, M. Trudeau, substitue la souplesse et la rationalité à l'autoritarisme et à l'arbitraire, mais il va falloir aussi que le gouvernement actuel du Québec comprenne que toute forme d'association implique une négociation et que toute négociation implique, hélas, des tiraillements. Comme le disait Marcel Adam dans la Presse du 13 décembre dernier, si le gouvernement péquiste n'accepte pas mieux le caractère fastidieux mais normal de toute négociation, je vois mal comment il pourrait mener à bien celle, autrement plus difficile et frustrante, qu'il se propose d'entreprendre si jamais le Québec choisit la séparation et que le Canada accepte une nouvelle association économique. Encore que, quoique nous ne doutions pas de sa bonne foi, le gouvernement péquiste devra choisir, dans ses relations avec Ottawa, l'intérêt à long terme des Québécois et non pas l'intérêt à court terme du Parti québécois. Incidemment, disons ici que les libéraux provinciaux sont bien mal placés aujourd'hui pour s'en prendre à "la gang" à Trudeau. C'était hier, à nos côtés et au côté du Parti québécois, qu'il fallait dénoncer la centralisation à outrance d'Ottawa, tout comme il ne revenait pas à un porte-parole du Parti libéral, parti qui a privé, par le bill 22, de leurs droits acquis 1,4 million de Québécois d'expression anglaise, d'oser faire la leçon à qui que ce soit quant à l'utilisation de l'une ou l'autre des deux langues officielles du Canada en ce Parlement. Nous avons compris que la brièveté du discours inaugural pouvait expliquer qu'il n'ait été rédigé qu'en français.

Aujourd'hui, pour autant, je fais la suggestion au premier ministre de voir à ce que, tout au moins, une partie du prochain discours inaugural soit formulée en langue anglaise et ce, dans un souci d'équité et de respect le plus élémentaire pour nos compatriotes québécois de culture et d'expression anglaises qui, à nos côtés, génération après génération, ont contribué et contribuent encore à bâtir le Québec et le Canada.

Quant à l'Union Nationale, en lieu et place de la séparation du Canada prônée par le gouvernement québécois au pouvoir, nous préconisons la signature d'un nouveau contrat constitutionnel, et déjà nous nous mettons à la tâche, pour définir notre conception du Canada de demain, un Canada qui ne devra plus reposer sur le statu quo mais prendre sa vie, sa forme, dans les régions, dans les personnalités des provinces qui le composent. Nous voulons relever le défi de promouvoir et de défendre le bien canadien de demain. Ce faisant, nous travaillerons dans la ligne et la continuité d'un Maurice Duplessis, d'un Jean Lesage ou d'un Daniel Johnson.

En 1867, ce sont les provinces qui ont décidé, d'un commun accord, de donner naissance à la Confédération canadienne. Nous sommes donc les créateurs et les constituants du fédéralisme canadien et nous devons, de temps à autre, nous pencher sur notre oeuvre et faire en sorte de la parfaire et de l'adapter aux besoins modernes. On sait combien les changements ont été rapides et profonds en ces dernières années, pas seulement chez nous, mais dans le monde entier. Nous pouvons, par conséquent, nous inspirer de ce qui se fait ailleurs, tout en nous rappelant qu'il n'existe pas deux pays identiques et que c'est à nous, à nous seuls, qu'il appartient de bâtir le Canada dans lequel nous voulons vivre.

Je crois que, pour procéder avec un maximum de clarté et d'efficacité, il est important que nous sachions distinguer, dès le départ, entre deux catégories de problèmes. Il y a d'abord tous les problèmes qui n'ont aucun rapport direct avec la langue ou la culture, autrement dit, ceux où les intérêts du Québec coïncident avec ceux des autres provinces, le fédéralisme demeure une formule valable pour résoudre ce genre de problèmes. Le Canada est un pays géographiquement si vaste et si diversifié que, même si sa population était culturellement homogène, il ne saurait être convenablement administré par un gouvernement unique. C'est dire qu'il y a certains domaines dont toutes les provinces voudront conserver la maîtrise. Il y a également certains domaines que le Québec, aussi bien que les autres provinces, peut trouver intérêt à confier à une direction commune. Il ne s'ensuit pas que le partage des compétences, tel qu'établi

en 1867, pour un pays largement rural, dont la population dépassait à peine trois millions d'habitants, soit encore celui qui convienne le mieux au Canada d'aujourd'hui. La constitution actuelle contient des anachronismes de forme et bien des dispositions périmées. Chose encore plus grave, à cause de ces obscurités, souvent même de ces silences sur les vrais problèmes d'aujourd'hui, elle n'est plus un instrument dynamique de coordination et de progrès. Les Pères de la Confédération ne pouvaient pas prévoir les formidables changements technologiques qui devaient transformer les structures de la société et le rôle des gouvernements.

Ils ont agi, à partir des réalités de leur temps, pour élaborer ce qui était déjà notre cinquième constitution depuis 1760. A moins d'agir en fonction des réalités d'aujourd'hui, comme l'ont d'ailleurs fait une cinquantaine d'autres pays depuis la fin du dernier conflit mondial, en se donnant de nouvelles constitutions, je n'entends pas par là qu'il faille détruire tout ce qui a été patiemment édifié pendant un siècle et recommencer à zéro.

Il nous reste cependant que même en ce qui concerne les problèmes qui ne mettent pas directement en cause nos particularismes culturels, les changements à faire demeurent assez nombreux et assez profonds pour nécessiter l'élaboration d'une constitution nouvelle. Le Canada n'est pas seulement une fédération de dix provinces, il est aussi la demeure de deux communautés linguistiques et culturelles. Il me semble que cette dualité culturelle devrait être accueillie non pas comme un facteur de division ou d'isolement, non pas comme un mal nécessaire qu'il faudrait s'efforcer de circonscrire dans toute la mesure du possible, mais bien comme une faveur exceptionnelle de l'histoire qui confère au Canada une double dimension. Elle met en rapport direct et intime non seulement avec le monde anglophone, mais encore avec plus de 20 nations qui ont part à la langue et à la culture française.

La constitution du Canada nouveau doit proclamer l'association de nos deux communautés culturelles et linguistiques et établir clairement les droits collectifs de ces deux communautés. Il faudra établir un organisme permanent, une sorte de véritable tribunal constitutionnel qui devra surveiller l'application de ces droits collectifs.

Oui, résolument, nous nous attaquons et nous devons tous nous attaquer à rebâtir un Canada viable où ce soit davantage respirable pour chaque province. Pour l'heure, le Parti québécois n'a pas le droit d'usurper son mandat de vrai gouvernement québécois, lui, qui, toute la dernière campagne électorale durant, a caché volontairement, certains diront pour des fins électorales, son vrai visage séparatiste, ne parlant alors jamais de séparation. Le Parti québécois n'a pas le droit, dis-je, d'usurper son mandat et de plaider maintenant à la course vers le référendum, vers l'indépendance. Qu'il s'en tienne à son mandat strict!

Revenant sur ma question formulée en Chambre, au premier ministre, cet après-midi, je demande formellement au gouvernement, dans le but d'éviter, premièrement la menace d'une stagnation économique et, deuxièmement, la perte d'investissements précieux à une période de notre histoire où nous traversons une crise économique désastreuse avec le taux de chômage le plus élevé dans l'histoire du Québec, en somme, dans le but de mettre fin immédiatement à l'incertitude économique et politique qui règne actuellement au Québec, que le premier ministre reporte la tenue du référendum sur l'opinion des Québécois, quant à la séparation du Québec, à la fin de son mandat normal de quatre ans. C'est dans l'intérêt de tous les Québécois que je fais cette suggestion au premier ministre. En même temps, alors, les Québécois se prononceront, premièrement par référendum sur leur option constitutionnelle et deuxièmement, comme dans toute autre élection générale, sur leur choix d'un gouvernement qui devra tenir compte du résultat du référendum et agir en conséquence. Il y va de la mission première qui est la nôtre, comme élus du peuple, de voir à l'élimination de l'incertitude, donc de la recherche d'une stabilité politique et économique, de meilleures garanties pour le présent gouvernement, de voir, avec succès pour la population, à des tâches bien plus urgentes que la séparation.

Il m'apparaît que le projet aussi grandiose et vital qu'est celui, quelle que soit notre option, de dessiner pour tout un peuple, ici au Québec et partout au Canada, une nouvelle association canadienne vaut bien quatre ans de préparatifs de part et d'autre et surtout de consultation; que la consultation au référendum sur ce projet ne vaut pas le sacrifice que coûterait en emplois, en investissements et autrement un climat d'incertitude qui durerait trop longtemps.

Nous entreprenons donc, ensemble, un travail difficile, mais exaltant. Je crois que c'est aussi une oeuvre de foi qui doit se réaliser dans la coopération, l'enrichissement mutuel et l'affirmation de notre identité.

Moi, pour l'instant, j'ai le goût de voir fonctionner un vrai gouvernement et de collaborer avec lui.

Motion de censure

M. Biron: Avant de terminer, je voudrais déposer une motion pour que cette Assemblée blâme le gouvernement pour ne pas avoir annoncé immédiatement les mesures concrètes pour assurer la relance économique du Québec et atténuer le degré élevé de chômage qui sévit à l'heure actuelle.

La Vice-Présidente (Mme Cuerrier): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Camil Samson

M. Samson: Mme la Présidente, je devrai, au cours de mes premières paroles, féliciter la présidence, cela veut dire le nouveau président, vous-même ainsi que votre collègue vice-président. Je sais, peut-être, sinon plus que certains, au moins autant que certains autres, comment ce travail est

difficile, comment ces fonctions sont difficiles. Il s'agit de maintenir l'ordre dans cette Assemblée. Parfois nous avons certains débats qui surchauffent un peu cette Assemblée et où il est difficile à la présidence de pouvoir maintenir un climat qui veut que cette Assemblée soit bien celle des Québécois et où règne un sain parlementarisme.

Toutefois, vous avez toute ma collaboration. Bien sûr, au cours de ce prochain mandat, que plusieurs d'entre nous, j'espère tous, exerceront ensemble, j'espère que le rôle de la présidence ne sera pas trop difficile.

Nous avons eu, avec la venue d'un nouveau gouvernement, un discours inaugural qui, bien sûr, est un discours inaugural qui paraîtra dans les annales du Québec comme étant un peu particulier. Ce n'est pas un discours inaugural auquel on nous a habitués, en tout cas. J'ai, avec beaucoup de bonne volonté, cru comprendre que ce n'est pas là la politique du nouveau gouvernement.

Je me demande jusqu'à quel point, cependant, ce nouveau gouvernement n'est-il pas, sinon autant, plus rusé que l'ancien — il a peut-être appris plus vite que les autres — pour nous arriver avec un discours inaugural qui ne reflète rien de la politique de ce gouvernement. C'est un peu comme si on assistait au grand ménage des Fêtes. Avant les Fêtes on passe le balai. On va tout imputer à l'ancien gouvernement.

Remarquez bien que je suis parmi ceux qui seraient tentés de vous dire qu'on n'a pas tout à fait tort. Cela ne veut pas dire que cela soustrait l'actuel gouvernement de ses responsabilités immédiates.

Dans le discours inaugural, il n'y avait pas autre chose que la volonté de ce gouvernement de terminer la session qu'on avait commencée au cours de l'hiver 1976. C'est comme cela que je perçois cela. Quand on nous parle d'une session pour... Je voudrais souligner à mes honorables amis du Parti québécois qu'il ne serait peut-être pas bon d'applaudir trop vite parce que cela a peut-être l'effet du boomerang qu'ils vont retrouver tantôt, mais il demeure que je les remercie de l'avoir fait.

Quand on nous dit que cette session servira à régler des questions qui sont urgentes, bien sûr, j'en suis. Il y a des lois qui doivent être adoptées avant la fin de l'année, et cela était prévu dans le dernier budget. Il y a également le budget supplémentaire qui était non seulement prévisible, mais déjà annoncé depuis longtemps. Il y aura peut-être quelque chose de nouveau au cours de cette mini-session, mais ce qui me paraît le plus nouveau, quelque chose de réellement nouveau qui dépasse tout ce que ce gouvernement pense avoir trouvé de nouveau, c'est votre élection, Mme la Présidente, au poste de vice-présidente de cette Assemblée. Cela, c'est du nouveau, mais, quant au reste, c'est du réchauffé.

Je pense que, malgré le fait que cette session ne durera pas longtemps, en principe du moins, malgré le fait que cette session ne devrait pas durer longtemps, nous sommes en droit, nous de l'Opposition autant que ceux qui se retrouvent du côté ministériel, de nous attendre, au moins, à des politiques annoncées. Bien sûr, il est plus facile, pour le gouvernement d'attendre pour annoncer ses politiques après les Fêtes, au mois de février, peut-être au mois de mars. C'est plus facile parce que cela va lui donner un peu plus de temps pour se préparer. Je les comprends, Mme la Présidente, et vous allez admettre avec moi qu'il faut les comprendre; ils ne pouvaient pas être prêts, ils ne s'attendaient pas d'être élus. Cela a été une surprise dont les premières victimes ont été les membres du gouvernement eux-mêmes.

J'avoue qu'elle a quand même été plus agréable que d'autres genres de surprises que d'autres ont connues.

Au début de ce mandat, Mme la Présidente — vous m'excuserez pour le lapsus, je ne serai pas le seul à en faire pendant les premiers temps, mais cela va venir, on va s'habituer vite. Surtout à votre sourire... il n'y a pas de coalition de prévue.— Mme la Présidente, je pense que déjà, au début du mandat de ce gouvernement, comme il était convenu, il y a eu conférence fédérale-provinciale où l'honorable ministre des Finances, le premier ministre se sont rendus tour à tour à Ottawa avec le ministre des Affaires intergouvernementales et ils ont obtenu le résultat qui est devenu, en quelque sorte, le résultat traditionnel des conférences fédérales-provinciales. Ce n'est pas parce que c'est un nouveau gouvernement qu'ils ont obtenu plus de succès, ce n'est pas non plus parce que c'est un nouveau gouvernement qu'ils en ont eu moins que les autres d'avant. Il est devenu une tradition que ces conférences fédérales-provinciales sont presque des conférences où le grand-père invite les provinces pour leur dire ce qu'il veut faire. Il n'est pas prêt à les écouter trop trop. Il l'a encore prouvé une dernière fois; il a la tête dure, le grand-père.

Or, le résultat a été exactement le même que ceux obtenus par ceux-là qui les ont précédés. Ce qui veut dire que ce n'est pas nécessairement suite à ce nouvel échec — cela n'en est rien qu'un de plus — cela veut dire que la question qu'on doit poser n'est pas nécessairement celle où on doit se demander si on doit, à l'avenir, penser en termes de fédéralisme ou de séparatisme. Je pense que c'est mal poser la question. On doit plutôt, en tant que Québécois, poser la question d'une autre façon. C'est ma profonde conviction.

Sommes-nous capables, en toute sérénité, de réclamer et d'obtenir les outils qui sont nécessaires au gouvernement du Québec pour assurer la survivance des Québécois, survivance avec un grand S, survivance économique, politique, sociale, culturelle, et tout cela en dehors de débats émotifs? C'est comme cela que je pose la question.

Mme la Présidente, avec tout le respect que je vous dois et la permission de mes collègues, je demanderais la suspension du débat et je vous donnerai la réponse à vingt heures quinze.

La Vice-Présidente (Mme Cuerrier): Cette Assemblée est suspendue jusqu'à vingt heures quinze.

(Suspension de la séance à 18 heures)

Reprise de la séance à 20 h 27

Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!

Le député de Rouyn-Noranda.

Hommages à M. Réal Caouette

M. Samson: M. le Président, avec la permission des membres de cette Chambre et la vôtre, avant de continuer mon discours, je voudrais dire quelques mots en hommage à un grand parlementaire canadien qui vient de décéder à cinq heures vingt, ce soir. Il s'agit de M. Réal Caouette, âgé de 59 ans, un homme qui était engagé en politique depuis environ 40 ans. Il avait été élu à la Chambre des communes pour la première fois en 1946. Réélu en 1962, il était le chef du parti du Crédit social du Canada.

Il a eu l'occasion de faire sa marque comme défenseur des libertés individuelles. C'est d'ailleurs sous sa direction que les créditistes ont entamé et poursuivi à ce moment-là, au Parlement canadien, une lutte que je considère historique en faveur du fait français au Canada.

A l'instar de plusieurs grands hommes politiques, il a accompli son devoir jusqu'à la fin. Il a payé de sa vie le choix qu'il avait fait de lutter pour ses convictions. Réal Caouette est celui qui m'a tracé la voie en politique. Il fut pour moi un professeur et un exemple car son ardeur au travail n'avait d'égale que sa grande sincérité.

A Mme Caouette, à ses enfants et à toute la famille, qu'il me soit permis d'offrir, au nom du Ralliement créditiste du Québec, en mon nom personnel et en celui de mon épouse, nos plus sincères condoléances.

M. Burns: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Burns: Je voudrais, au nom du gouvernement, me joindre aux propos que vient de tenir le député de Rouyn-Noranda. Peu importent les opinions politiques de quelque personne que ce soit, je pense qu'on est obligé de reconnaître que, d'abord et avant tout, Réal Caouette a toujours été un Québécois qui a marqué plusieurs années de la vie politique au Québec, qui y a consacré sa vie, ses efforts selon ce qu'il pensait devoir arriver de ce Québec.

Je me joins au député de Rouyn-Noranda pour, au nom du gouvernement, adresser mes plus sincères condoléances à sa famille, et à ses amis.

Je pense, j'espère, en tout cas, que c'est quelque chose qui sera un voeu unanime du Parlement d'adresser de telles condoléances à sa famille et à ses amis.

Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, vous me permettrez, au nom de l'Opposition offi- cielle, d'ajouter un témoignage à l'endroit de ce grand Canadien, de cet authentique Québécois dont nous avons appris il y a quelques instants le décès. M. Caouette a été sûrement un des hommes politiques qui a été le plus actif, un des hommes qui s'est le plus consacré à la défense de ses convictions, et ce n'est pas sans émotion que nous avons appris qu'il nous avait quittés.

Je me le rappelle en particulier en 1956, lorsqu'il faisait partie des rangs de ceux qui avaient un combat à mener, et c'est en 1956 en particulier que j'ai eu l'occasion de le connaître davantage; mais j'ai également eu l'occasion de suivre sa carrière politique et d'admirer encore une fois sa persévérance et sa foi profonde dans le Canada. Il a été un défenseur inconditionnel du fédéralisme canadien. Je voudrais souligner en particulier son ardeur au travail et, en même temps dire que jusqu'à la fin, il a suivi l'actualité politique, même sur son lit d'hôpital; il a voulu être présent jusqu'à la fin.

Je crois que nous pouvons tirer des leçons très profitables de l'exemple qu'il a voulu donner à la vie politique, à la vie parlementaire, et je suis convaincu que je me fais le porte-parole non seulement de l'Opposition officielle, mais également de l'ensemble de la députation en offrant avec ceux qui m'ont précédé, nos condoléances les plus vives et les plus sincères à l'endroit de Mme Caouette, des enfants, de la famille et de tous ses électeurs et électrices, qui avaient toujours pour lui une dévotion indéfectible.

Le Président: M. le député de Lotbinière.

M. Biron: M. le Président, je veux joindre ma voix et celle de l'Union Nationale à la voix des autres chefs de parti ici pour offrir nos vives condoléances à la famille de M. Caouette.

Monsieur Caouette a marqué la politique fédérale surtout à cause de grandes qualités comme la ténacité, en particulier. Je me souviens, j'étais tout petit gars, à l'époque. Réal Caouette nous parlait du revenu minimum garanti. Il y a cru toute sa vie, il s'est battu pour cela. Il nous parlait aussi de la pension de vieillesse à l'âge de 60 ans pour justement récompenser un peu ceux qui ont bâti notre pays. Il y a tenu toute sa vie aussi.

Je pense aussi que Réal Caouette a innové énormément en politique. Qu'on se souvienne de son bénévolat et du bénévolat des membres de son parti à travers le pays. Qu'on se souvienne des campagnes de financement populaire que le Crédit social a menées. Finalement, je pense qu'aujourd'hui d'autres partis politiques ont pu copier ces innovations de Réal Caouette et du Crédit social du Canada.

Je veux joindre ma voix à celle de mon parti pour offrir nos sympathies à la famille de M. Caouette et au parti du Crédit social du Canada et en particulier à son chef M. André Fortin, député de Lotbinièreà la Chambre des communes à Ottawa. Nous vous offrons nos sympathies.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Je viens d'apprendre avec tristesse le décès d'un grand homme politique qui a su défendre avec courage et énergie ses convictions politiques et qui a su travailler dans l'intérêt de sa population, dans l'intérêt du Québec, comme de travailler dans l'intérêt du pays tout entier.

Je pense que cet homme politique constitue pour tous les hommes politiques, quels qu'ils soient et de quelque formation politique que ce soit, un exemple de courage, de ténacité, d'énergie puisqu'il n'a pas choisi la voie la plus facile pour défendre ses convictions et ses politiques.

Je pense que beaucoup de Québécois et beaucoup de Canadiens aujourd'hui lui doivent beaucoup. C'est pourquoi, je veux joindre ma voix à celle de ceux qui m'ont précédé pour offrir à sa famille, à Mme Caouette l'expression de mes plus vives condoléances et cela en mon nom personnel, au nom des électeurs de Beauce-Sud, au nom des membres du Parti national populaire, en somme, au nom de toute la population du Québec.

Le Président: Le député de Rouyn-Noranda. M. Samson: M. le Président...

M. Burns: M. le Président, avec la permission du député de Rouyn-Noranda, cela va être très bref. Je m'excuse et j'espère que cela ne sera pas compté sur le temps du député de Rouyn-Noranda.

Je veux simplement faire part à la Chambre d'une entente qui existe entre tous les partis représentés dans cette enceinte relativement à la journée de demain et je souhaiterais — et j'en ferai la proposition — que cela devienne un ordre de la Chambre, que la Chambre siège demain à compter de 10 heures pour suspendre ses travaux à 12 h 30 et reprendre à 14 h 15 pour terminer au plus tard — ce qui laisse entendre que cela pourrait se terminer avant si les travaux que nous avons prévus et dont nous avons discuté avec les partis de l'Opposition se terminaient avant — à cinq heures demain après-midi, soit à 17 heures.

Alors, j'en fais motion pour que cela devienne un ordre de la Chambre.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée? M. Lavoie: D'accord. Adopté.

Le Président: J'en fais un ordre de l'Assemblée.

Le député de Rouyn-Noranda.

Débat sur le message inaugural (suite) M. Camil Samson

M. Samson: Avant de suspendre les débats pour le dîner, j'expliquais aux membres de cette Chambre que, quant à moi et au parti que je représente, la vraie question qui devrait se poser, plutôt que de parler en termes, sur le plan constitutionnel, de fédéralisme ou de séparatisme, puisque, selon moi, c'était mal poser la question, la vraie question, c'est: Dans quelle proportion sommes-nous capables, en toute sérénité, de réclamer et obtenir les outils qui sont nécessaires au gouvernement du Québec pour assurer la survivance des Québécois dans le domaine économique, politique, social, culturel, et le tout en dehors des débats émotifs?

La réponse que j'aurais à ce genre de question — et c'est la coïncidence des événements que nous venons de connaître qui me ramène à vous dire que cette réponse, nous ne l'avons pas trouvée hier, ni aujourd'hui — la réponse qu'on amène à cette question, c'est que le Québec devrait, dans le cadre de la Confédération canadienne, pouvoir contrôler les juridictions qui lui sont utiles et nécessaires. Cela veut dire un statut spécial pour le Québec.

Nous considérons donc que, dans ce contexte, il est important que le Québec puisse contrôler son crédit. Il est également important qu'il puisse contrôler sa fiscalité directe, son commerce et son immigration.

M. le Président, puisque nous avons rendu, il y a à peine quelques instants, un dernier hommage à un grand parlementaire canadien, je me réfère à lui, car c'est sous sa direction qu'en janvier 1964, le Parti créditiste, parti fédéral seulement à ce moment, avait adopté pour la première fois sept résolutions à l'occasion d'une assemblée générale de ses membres. Ces résolutions sont revenues régulièrement à chaque congrès. C'est donc pour vous dire jusqu'à quel point il y a déjà longtemps que notre parti considère — puisque ces propositions et ces résolutions étaient venues d'un parti qui, à l'époque, n'oeuvrait pas sur la scène politique provinciale, mais uniquement sur la scène politique fédérale — qu'il y a des gens, dans d'autres Parlements, qui partagent aussi les opinions que je viens d'émettre.

Il est absolument de la plus haute importance que le fédéralisme canadien modifie ses cadres après plus de cent ans de confédération; il est normal que nous ayons besoin de revoir ce texte. Il est normal que nous puissions, en tant que Canadiens, en tant que Québécois, nous ajuster à la nouvelle réalité. Cette nouvelle réalité est que le Québec est la seule province canadienne où nous avons une majorité indéniable de francophones. C'est donc une province différente des autres sur le plan culturel, sur le plan linguistique. Bien sûr, pour obtenir tout ce que nous réclamons sur les plans linguistique et culturel, nous avons besoin de leviers économiques suffisamment forts, car le meilleur moyen de protéger une culture et de protéger notre langue, c'est par l'économique. En voulant donner certains exemples, malgré que les exemples soient souvent boiteux, on a souvent entendu dire que la langue est pratique pour deux choses: pour parler, bien sûr, mais également pour véhiculer la nourriture à l'intérieur du corps.

Si on ne l'utilise pas de cette dernière façon, c'est bien rare qu'on soit capable de parler longtemps. Donc, il nous faut absolument pouvoir l'utiliser d'abord et avant tout pour être capables de nourrir le corps et de rester en vie et, après

cela, deuxièmement, on est capable de revendiquer et de conserver ses droits linguistiques, si on est bien en vie.

M. le Président, compte tenu des circonstances particulières, je ne parlerai pas plus longtemps sur le message inaugural, mais j'estime que mon devoir en tant que parlementaire et membre de l'Opposition est d'être vigilant. Quant aux lois qui nous seront présentées, compte tenu de leur teneur, objectivement et positivement, si ces lois rencontrent les objectifs, les principes que je viens d'énoncer, je n'aurai pas honte de voter en leur faveur. S'il arrive qu'on nous présente des lois qui ne correspondent pas à mes opinions ou à celles de gens que je représente, ce sera mon devoir de voter contre, de faire la lutte contre. Je veux assurer cette Chambre que, comme membre de l'Assemblée nationale, je considère mon rôle comme celui d'un membre élu qui représente un comté, qui représente une partie de la population. Pour moi, il n'est pas question de savoir si on est au pouvoir ou dans l'Opposition officielle ou le deuxième parti de l'Opposition ou le troisième ou le quatrième; ce qui m'intéresse, c'est de savoir dans quelle proportion tous ceux, ici présents, sont capables, en fonction des objectifs primordiaux de la nation, de passer au-delà de certains intérêts de parti et personnels parfois pour en arriver à défendre d'abord et avant tout les droits des Québécois. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: Merci, M. le Président. Mes premières paroles seront pour vous féliciter, M. le Président, de votre nomination à ce poste important de présider aux travaux de l'Assemblée nationale. Je veux vous offrir ma plus entière collaboration pour que les travaux de cette Chambre se déroulent dans l'ordre et dans le respect mutuel afin que tous et chacun des députés membres de cette Assemblée nationale, de quelque formation politique que ce soit, puissent s'exprimer en toute liberté selon les dispositions de notre règlement et être en mesure de défendre les intérêts et les droits des gens qui les ont mandatés pour les représenter ici.

Je veux adresser également des félicitations à Mme la Vice-Présidente ainsi qu'à M. le Vice-Président de leur élection à ces postes. Il est également convenu que mon appui et ma collaboration vous sont offerts.

M. le Président, je veux aussi rendre hommage et remercier les électeurs de Beauce-Sud qui, pour la troisième fois, m'ont accordé leur confiance. Je veux leur rendre cet hommage particulier puisqu'ils m'ont quand même donné, en pourcentage de votes exprimés, la plus belle majorité du Québec. Je ne dis pas cela pour m'en glorifier personnellement, mais bien pour leur rendre cet hommage particulier, parce que cette victoire a été leur victoire à eux.

Ce mandat, j'ai l'intention de le remplir dans le meilleur intérêt des électeurs de mon comté et de travailler également dans le meilleur intérêt du Québec, sans oublier évidemment de travailler pour l'amélioration des conditions de vie de tous les Québécois, tant sur le plan culturel qu'économique et social.

Il y a un mois, la population du Québec s'est donné un nouveau gouvernement, a choisi une nouvelle équipe pour diriger ses destinées. Elle a mis sa confiance en quelque chose de nouveau. Dans un régime démocratique, le peuple est souverain. C'est le peuple qui a la possibilité de choisir. Et notre révolution à nous, au Québec — il est heureux qu'il en soit ainsi — c'est la boîte de scrutin; notre arme, c'est le crayon. C'est par ces moyens que la population peut décider de changer de gouvernement, voire même de changer de régime politique. Ce choix, il faut le respecter et j'ai bien l'intention de le respecter.

J'entends aussi collaborer et apporter mon appui à toute mesure susceptible de répondre aux besoins et aux aspirations des Québécois. J'ai l'intention également d'appuyer des projets de loi qui sont présentés par le gouvernement, qui répondent aux idéaux, aux objectifs, aux principes que j'ai toujours défendus dans cette Assemblée au cours des deux mandats précédents.

J'ai également l'intention d'appuyer les mesures administratives que le gouvernement entend prendre et auxquelles il s'est déjà engagé puisque dans bien des cas, alors que ce parti, alors que ce gouvernement, cette équipe ministérielle siégeait du côté de l'Opposition, nous avons dû bien souvent faire front commun et nous avons appuyé, ensemble, bien des mesures.

J'ose espérer et je souhaite que le nouveau gouvernement maintienne son attitude, maintienne ses prises de position. A ce moment-là, je compte bien lui apporter ma collaboration, toute la collaboration nécessaire. Cependant, j'ai bien l'intention, également, de faire valoir mon point de vue si, toutefois, des mesures gouvernementales n'étaient pas susceptibles de répondre aux principes, comme je l'ai dit tout à l'heure, que j'ai défendus dans cette Assemblée.

J'entends bien pouvoir exercer mes droits de député, mes droits de parlementaire. Je n'ai pas l'intention d'abuser de mon poste dans l'Opposition pour faire de l'obstruction systématique. J'entends travailler avec tous les membres de cette Assemblée dans le meilleur intérêt du Québec et dans le meilleur intérêt de tous les Québécois.

Ce gouvernement a à faire face à un défi, un défi nouveau que je qualifierais d'historique puisque le Québec est à un tournant de son histoire et nul ne peut en arrêter la marche. Il s'agit de l'orienter, il s'agit de le diriger. C'est pourquoi il faudra de la clarté dans les objectifs et de la précision dans les moyens, surtout beaucoup de prudence et de sagesse. Qu'il suffise de nous rappeler comment un gouvernement, fort de l'appui de 55% de la population et de 102 députés sur 110 à l'Assemblée nationale, peut se retrouver le lendemain d'une élection. Qu'il suffise de nous rappeler que

la population du Québec est notre juge, que le peuple du Québec est souverain. C'est pourquoi les lois que nous adopterons en cette Chambre, les mesures administratives que le gouvernement adoptera seront de nul effet si cela ne répond pas aux besoins de la population du Québec ou encore si la population du Québec n'y croit pas.

C'est pourquoi je pense qu'il est important que tous et chacun d'entre nous, ici, dans cette Assemblée, tant du côté ministériel que du côté de l'Opposition, prenions bien soin d'examiner sérieusement les responsabilités que nous avons devant nous et que nous regardions ensemble le défi —je dis bien —historique qui se pose au Québec d'aujourd'hui.

Il y a, en plus, plusieurs questions qui demandent des réponses à court terme. Il est évident qu'il est plus facile de poser des questions que de trouver des réponses. Je pense que la question linguistique démontre clairement le sérieux de ces problèmes. En moins de dix ans, deux gouvernements se sont fait hara-kiri sur cette question et elle n'est pas réglée. Je ne pense pas qu'elle soit réglée demain non plus. Est-ce qu'on a pris les bons moyens? C'est une question que nous devons nous poser tous ensemble. Pour ma part, je répète ce que j'ai déjà dit à cette Assemblée au moment où la dernière loi, la loi 22, a été présentée. J'ai dit que je n'y croyais pas, j'ai dit que ce n'était pas par une loi de ce genre que nous allions régler le problème. Je pense que les événements, malheureusement, m'ont donné raison puisque j'avais dit au gouvernement qu'il était en train de s'enliser dans un bourbier dans lequel il ne verrait jamais le fond. Je regrette même que les événements m'aient donné raison sur cette question. Celle-ci n'est pas réglée et il va falloir travailler, chacun de son côté, écarter les considérations de politique partisane et travailler tous ensemble au-dessus des considérations de parti, dans le meilleur intérêt du Québec.

Il y a également la question constitutionnelle pour laquelle il va également falloir se mettre à table pour offrir à la population une formule qui réponde aux besoins et qui tienne compte de la réalité. M. le Président, le gouvernement du Québec est le seul gouvernement, parmi les dix gouvernements provinciaux, qui a la responsabilité de la survie d'une culture, la survie d'une nation, la survie d'un peuple comme tel. Aucun autre des dix gouvernements provinciaux n'a cette responsabilité. Ce n'est pas le gouvernement de l'Ontario, ce n'est pas le gouvernement du Nouveau-Brunswick ni celui de la Colombie-Britannique qui a à assurer la survie de la culture anglaise, de la culture des anglophones au Canada. Par contre, le Québec, lui, comme gouvernement, est le gouvernement des Québécois, le gouvernement des francophones. Il a une responsabilité plus grande que tous les autres gouvernements des autres provinces à ce niveau, puisque c'est le seul — je dis bien et je répète — le seul gouvernement qui est capable de garantir et d'assurer la survie de la culture française, la survie de la nation canadienne-française, la nation québécoise.

C'est pourquoi ce gouvernement ayant plus de responsabilités, il va de soi qu'il a besoin de plus de pouvoirs. Ces pouvoirs, il va falloir se les donner; il y a des pouvoirs que nous pouvons nous donner immédiatement. Je compte bien et j'espère que la nouvelle équipe se mettra immédiatement à la tâche — du moins il semble y avoir beaucoup de bonnes intentions de ce côté — pour qu'on se donne les outils, qu'on se donne les moyens de relever ce défi qui se pose devant nous. Quant au statu quo, je pense qu'il n'est plus possible pour longtemps. Peu importe les opinions personnelles qu'on peut avoir, je pense qu'il est important qu'on se rende compte de l'évidence.

M. le Président, il y a également les relations de travail. Nous avons vécu des événements au Québec, au cours des derniers mois, qui ont fait mal, qui ont fait mal à une bonne partie de notre population. Il y a une bonne partie de cette population qui en a même été marquée. Je pense que personne, M. le Président, n'est intéressé au Québec, que ce soient les travailleurs, que ce soient les gens de la Fonction publique, les gens des secteurs parapublics, les citoyens du Québec ou les contribuables, personne, dis-je, n'est intéressé à revivre ces événements. C'est pourquoi il faudra se mettre à table également et trouver de nouvelles formules de façon que les droits de ces travailleurs de l'Etat soient respectés, mais également les droits du citoyen afin que celui qui paye pour des services, qui paye pour tous ces services, que ce soit dans le domaine de l'éducation, dans le domaine de la santé ou d'autres, puisse avoir les services pour lesquels il paye et pour lesquels lui-même n'a aucun pouvoir, face justement à ces grands syndicats, face également aux demandes de ces groupes organisés.

C'est pourquoi le gouvernement devra se mettre à table et trouver de nouvelles formules de façon que nous n'ayons pas à revivre les événements malheureux que nous avons vécus au Québec dans le domaine du travail. Quant au Code du travail, on l'a dit, on l'a répété à plusieurs reprises, je me souviens des demandes que nous avons faites au cours du dernier Parlement et je me souviens très bien que les représentants du Parti québécois qui forment l'équipe ministérielle actuelle étaient d'accord également pour y demander des modifications.

Nous osons espérer que, pendant la période de temps où on va préparer la prochaine session, on sera en mesure de préparer une législation qui permettra aux membres de l'Assemblée nationale de se mettre à table et d'apporter au Code du travail les modifications qui s'imposent et qui ont été réclamées par tout le monde.

Je ne voudrais pas abuser de ce temps de parole, mais j'aimerais également parler un peu de l'économie en général. On sait que les problèmes économiques au Québec sont nombreux. L'économie rurale en a pris pour son rhume au cours des dernières années. Je pense que la santé de l'économie rurale est un indice de la santé économique d'une nation tout court. C'est pourquoi je

compte bien que les titulaires des ministères à vocation économique qui auront à travailler aux dossiers touchant l'économie rurale en particulier — je veux parler de l'agriculture, du secteur des terres et forêts, de l'industrie minière, je veux parler également des ressources naturelles en général — sauront mettre leurs efforts en commun pour tâcher d'arriver à des formules susceptibles de relancer l'économie rurale du Québec de façon que les populations qui habitent toutes ces belles régions de notre territoire et qui sont près de nos ressources naturelles, de cet immense potentiel que nous avons à notre disposition, puissent travailler pour en arriver à ce que tous les agents d'économie puissent se mettre à la tâche de façon à pouvoir améliorer l'économie du Québec, puisque plus l'économie du Québec sera forte, plus évidemment notre pouvoir de négociation, de marchandage, de persuasion sera fort.

Dans n'importe quelles relations, que ce soit dans les relations de travail, dans les relations interprovinciales ou dans les relations internationales, il y a toujours un rapport de force qui compte. Lorsqu'il faut commencer par "clencher" la porte ou cogner à la porte en commençant par commander, évidemment, on se place dans une situation vulnérable à ce moment-là, et quand on se place dans une situation de faiblesse, c'est assez difficile de revendiquer, c'est assez difficile d'exiger. Si nous voulons être en position de force pour négocier à tous les niveaux où ce sera nécessaire de négocier pour faire en sorte que tous nos Québécois, où qu'ils soient et quels qu'ils soient, puissent travailler à bâtir ce Québec de demain, c'est pourquoi, en terminant, j'invite tous les membres de cette Assemblée à travailler positivement dans le meilleur intérêt du Québec et des Québécois. Je dis que l'intérêt du Québec doit être placé bien au-dessus des intérêts de la partisanerie politique. Merci.

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

M. Burns: M. le Président, je propose l'ajournement du débat sur le discours ou le message inaugural, comme vous le voudrez.

Le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée?

M. Lavoie: Adopté.

M. Burns: Adopté.

Le Vice-Président: Motion adoptée.

M. Burns: M. le Président, j'appellerais l'article 6).

Projet de loi no 70 Deuxième lecture

Le Vice-Président: Le ministre des Finances propose la deuxième lecture de la Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts et modifiant la Loi concernant l'application de la Loi sur les impôts.

M. le ministre des Finances.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: Lors du dépôt, le 11 mai 1976, du discours sur le budget 1976/77, le précédent gouvernement — je m'excuse, M. le Président, c'est une question de procédure — proposait, à la lumière des conclusions d'un comité interministériel composé de fonctionnaires des ministères des Finances et du Revenu, de modifier les différentes facettes de la fiscalité de certaines compagnies de portefeuille, telles les corporations de placement, les corporations de fonds mutuels, les corporations de placement appartenant à des personnes ne résidant pas au Canada.

En conséquence, ces corporations seraient traitées, en pratique, de la même façon qu'elles le sont aux autres niveaux, canadien et québécois. De plus, le statut fiscal dont jouissaient ces corporations, soit un taux d'imposition de un vingtième de un pourcent, leur sera retiré et ce taux sera portée 12%.

Cette proposition aura pour objectif de rendre plus équitable le régime fiscal touchant ces catégories de compagnies. En outre, le précédent gouvernement se proposait de modifier la Loi sur les impôts aux fins d'élargir certaines dispositions de la Loi concernant les particuliers et de les rendre applicables à l'année d'imposition 1976. La déclaration TP-1 1976 et le guide qui l'accompagne incorporent déjà ces modifications et sont donc imprimés. Le projet de loi que je présente aujourd'hui, soit la Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts et modifiant la Loi concernant l'application de la Loi sur les impôts, en plus d'adopter la mesure fiscale du discours sur le budget de 1976/1977, relativement aux compagnies de portefeuille, prévoit donc les dispositions suivantes qui ont pour objet: a) de relever de $2500 à $3500 le maximum de la déduction permise comme contribution à un régime enregistré de retraite; b) de relever le maximum de la déduction pour frais de garde d'enfants, lequel sera le double de celui qui prévaut sous la loi actuelle; c) de permettre à un particulier, selon certaines circonstances, de réclamer le montant de la déduction pour invalidité d'une personne à charge; d) de permettre le report, entre conjoints, de la totalité ou d'une partie de certaines déductions permises aux fins du calcul du revenu imposable, la déduction à l'égard d'un revenu d'intérêt ou d'un revenu de retraite, des frais médicaux ou d'exemptions en raison de l'âge; e) de relever de $2500 à $3500 le maximum de la déduction dont peut se prévaloir un employeur à l'égard des versements qu'il fait à une fiducie régie par un régime d'intérêt sans différé; et f) de relever de $2500 à $3500 dans le cas d'un particulier participant à un régime enregistré de retraite, et de $4000 à $5500 dans les autres cas, le maximum du montant admissible en déduction dans le calcul du revenu d'un particulier qui verse des primes à un régime enregistré d'épargne-retraite, et finalement, de prévoir de nouvelles règles déterminant, comme je l'ai indiqué précédemment, le revenu imposable, le taux d'imposition et la qualification de certaines compagnies de portefeuille.

Toutes ces dispositions, sauf la dernière, ont donné lieu, sous le précédent gouvernement, à un certain nombre d'instructions qui avaient été données, quant à l'impression, comme je le disais tout à l'heure, des formules d'impôt. Ce travail d'impression est terminé et il va de soi que si, dans la mesure où nous ne proposons pas rapidement à l'occasion de cette mini-session, les propositions dont on vient de parler, il aurait fallu, littéralement, faire réimprimer toutes les formules.

Je terminerai en soulignant que le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'étude à l'Assemblée.

Le Président: Le député de Jean-Talon. M. Raymond Garneau

M. Garneau: Je pense que cette Chambre comprendra facilement que mon intervention en deuxième lecture sur le projet de loi à l'étude sera très courte étant donné que j'aurais probablement fait le même discours que celui que vient de faire le ministre des Finances si le résultat des élections du 15 novembre dernier avait été différent.

M. Claude Dubois

M. Dubois: M. le Président, vu la nature très technique de ce projet de loi et compte tenu du fait qu'il s'agit, en grande partie, de mesures de concordance avec la législation fédérale en matière d'impôts, je serai bref. A la lecture de ce projet de loi, on constate qu'il s'agit, dans l'ensemble, de mesures fiscales pour venir en aide aux petits contribuables et à ceux de la classe moyenne. A titre d'exemples je peux citer l'élargissement de la déduction de frais de garde d'enfants, les montants admissibles en déduction pour invalidité d'une personne à sa charge, la hausse du maximum du montant versé à un régime enregistré de retraite qui est admissible en déduction dans le calcul du revenu d'un particulier, la hausse du maximum du montant versé à un régime d'intéressement différé qui est admissible en déduction dans le calcul de revenu d'un particulier. Voilà, en somme, une série de modifications à la loi actuelle qui auront un effet bénéfique direct sur la situation financière de plusieurs contribuables et, en conséquence, nous n'avons d'autre choix, dans l'intérêt du bien-être des Québécois, que d'appuyer le gouvernement à ce stade de l'adoption de ce projet de loi.

Lors de l'étude article par article, en commission parlementaire, j'indiquerai, au besoin, au ministre du Revenu les points qui méritent le plus grand éclaircissement et qui nécessitent une explication additionnelle de sa part. Mais, pour le moment, M. le Président, je voudrais profiter de cette occasion pour rappeler au ministre du Revenu et à tous les membres de l'équipe ministérielle que, malgré ces modifications que nous accueillons avec plaisir, il demeure néanmoins que le Québec jouit toujours, à l'heure actuelle, de la réputation de la province la plus taxée au Canada.

Il appartient au gouvernement d'agir dans les meilleurs délais pour mettre fin à cette situation qui pénalise injustement les contribuables québécois. Au cours de la campagne électorale, le Parti québécois a fait plusieurs promesses aux électeurs. Parmi celles-ci, il y en a une qui revêt un caractère d'urgence et qui touche directement le domaine fiscal. Je fais allusion à la promesse, tant de fois répétée par le Parti québécois lorsqu'il était dans l'Opposition, d'indexer l'impôt sur le revenu des particuliers. Cette mesure de justice sociale qui nous mettrait sur le même pied que tous les citoyens canadiens doit absolument devenir une réalité. C'est avec empressement que j'exhorte le ministre et ses collègues à agir le plus tôt possible en ce sens. Merci.

Le Vice-Président: Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté.

Motion de déférence à la commission des finances

M. Burns: Article 4. C'est vrai, je m'excuse. Je propose la déférence de ce projet de loi à la commission parlementaire des finances, comptes publics et revenu.

Le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée?

M. Burns: Adopté.

M. Lavoie: Quand siégera-t-elle?

M. Burns: C'est la semaine prochaine.

M. Lavoie: La semaine prochaine. Adopté.

Le Vice-Président: Adopté.

M. Burns: Article 4, M. le Président.

Projet de loi no 47

Deuxième lecture

Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires municipales propose la deuxième lecture du projet de loi no 47 autorisant les municipalités à percevoir un droit sur les mutations immobilières.

M. le ministre des Affaires municipales.

M. Guy Tardif

M. Tardif: M. le Président, le projet qui est devant cette Assemblée vise à fournir aux municipalités une source de revenus additionnels en leur ouvrant un nouveau champ fiscal, à savoir la possibilité d'imposer un droit sur les transferts des immeubles au taux de 3/10 de 1% sur la valeur de

la contrepartie de ce transfert jusqu'à concurrence de $50 000 de valeur et de 6/10 de 1% de l'excédent.

Ce projet est présenté d'une part, parce qu'il était déjà dans le discours du budget de l'ancien ministre des Finances, mais aussi il est présenté ici parce qu'il est, selon nous, justifiable et parce qu'il s'inscrit dans le sens des politiques mises de l'avant par le Parti québécois.

Il est justifiable, d'une part, parce que des transferts de propriétés coûtent aux municipalités de l'argent alors que celles-ci ne touchent rien et que vendeurs, promoteurs, arpenteurs, constructeurs, sans parler des notaires, perçoivent un droit lors des mutations d'immeubles. D'autre part, également, les améliorations apportées par les municipalités depuis les infrastructures, les rues, l'éclairage, les parcs et les services offerts par celles-ci contribuent à la plus-value des propriétés qui changent ainsi de main. Ce projet nous apparaît donc justifiable, mais il nous apparaît aussi en accord avec la politique du Parti québécois; cela, pour deux raisons. D'une part, il vise à donner aux municipalités une source de revenus directs différents de leurs revenus de transferts qui se sont accrus de façon à créer, dans les municipalités, un état véritablement de dépendance. D'autre part, en laissant aux municipalités la décision de prélever ou non cette taxe, ce projet respecte l'autonomie municipale.

Quant à la nature du projet dont les modalités ont déjà été données, je dois dire qu'il existe une taxe semblable en Ontario où l'on prélève 3/10 de 1% sur les premiers $50 000 et 6/10 de 1% sur l'excédent de $50 000. Avec cette différence, toutefois, que cette taxe en Ontario est obligatoire. Le rendement de cette taxe, maintenant, selon évidemment révolution du marché et si toutes les municipalités du Québec décidaient de se prévaloir du droit qui leur serait donné, le rendement de cet impôt pourrait se situer entre $20 millions et $25 millions par année. Ces droits porteront sur la valeur de tout immeuble transféré et seront payables par l'acquéreur sur réception d'un avis de cotisation de la municipalité où l'immeuble est situé. Toutefois, aucune municipalité ne pourra lever ces droits sans avoir au préalable adopté un règlement à cet effet et donner avis au registrateur au moins deux mois avant leur entrée en vigueur. Ils ne pourront être abolis en deçà d'un an de leur entrée en vigueur.

Sur le plan des exonérations, les droits sur les transferts d'immeubles ne s'appliquent pas aux transferts visés par les exonérations suivantes:

Premièrement, les transferts impliquant des personnes ayant entre elles certains liens de parenté ou impliquant certains organismes gouvernementaux;

Deuxièmement, les transferts n'impliquant aucun changement dans la propriété réelle des intérêts concernés;

Troisièmement, les transferts affectant certains immeubles à vocation agricole ou industrielle;

Quatrièmement, les transferts exonérés pour des raisons administratives.

Quant à certaines autres considérations, on peut dire que le rendement, évidemment, de cet impôt, comme je l'ai mentionné, connaîtra des fluctuations annuelles assez élevées. La région métropolitaine de Montréal, quant à elle, drainera environ 50% du rendement total de cet impôt. Quant au taux de croissance annuelle, il sera plutôt faible. Nous sommes bien conscients qu'il s'agit là d'une mesure très partielle qui ne dispensera pas d'une réforme de la fiscalité municipale, mais, dans la mesure, encore une fois, où ceci nous apparaît justifiable et en accord avec la politique du Parti québécois visant à donner aux municipalités une plus grande autonomie, nous avons donc repris cette mesure de l'ancien gouvernement. Je vous remercie.

Le Vice-Président: M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Victor Goldbloom

M. Goldbloom: M. le Président, à l'instar de mon collègue de Jean-Talon, je pourrais dire que, si le résultat du 15 novembre avait été différent, j'aurais fait à peu près le même discours. C'est une réponse à une demande formulée maintes fois par les municipalités du Québec et notamment par celles qui sont membres de l'Union des municipalités du Québec, c'est-à-dire par les cités et villes. On se rappellera, M. le Président, que la ville de Québec, dans un projet de loi privé, a demandé un tel droit, mais avec un chiffre beaucoup plus important que celui que l'on retrouve dans le projet de loi actuel.

Nous avons, à l'époque, trouvé que c'était exagéré de percevoir, sur une transaction immobilière, un droit aussi élevé. Nous n'avons quand même pas, à l'époque, rejeté le principe, il s'est retrouvé dans le discours du budget de cette année et c'est pour cette raison qu'il y avait un processus qui était mis en marche à l'intérieur du ministère, qui nous mène à l'adoption aujourd'hui, en deuxième lecture, de ce projet de loi.

Je pense, M. le Président, que, puisque le débat en deuxième lecture porte sur le principe, le principe ayant déjà été établi par le gouvernement précédent, je n'ai pas autre chose à dire, sauf de me garder la réserve de pouvoir aller dans les modalités qui n'avaient pas été décidées en détail par l'ancien gouvernement lors de l'examen en commission plénière ou élue, selon le cas. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Johnson. M. Maurice Bellemare

M. Bellemare: M. le Président, c'est pour ajouter juste un mot aux déclarations qui viennent d'être faites par l'honorable ministre et dire que nous sommes d'accord sur le principe de ce projet de loi que nous avons nous aussi ajouté, en des termes un peu caractéristiques, dans notre programme électoral, pensant que cela rendrait sûrement de grands services aux municipalités et

particulièrement ce pouvoir discrétionnaire qu'on laisse entre les mains des municipalités sans aucune obligation, parce que, comme on le dit dans la loi, on peut, par règlement du conseil, imposer un droit de transfert d'immeubles à un tiers de 1% et tout le surplus jusqu'à $50 000 à un sixième de 1%.

Je crois que, dans les exonérations aussi, quand on viendra devant la commission parlementaire, nous pourrons peut-être faire au ministre des suggestions quant aux exonérations qui sont comprises. Je pense que le ministre verra d'un bon oeil ces quelques suggestions que nous pourrons apporter, parce qu'il y aura peut-être des questions très importantes au point de vue des familles, des relations familiales, surtout quand il s'agira d'exonérer des personnes physiques. Je crois que nous ferons les suggestions avec le meilleur souci de trouver la meilleure solution.

D'avance, M. le Président, je suis d'accord pour dire que notre parti reconnaît le principe de ce bill et nous serons favorables quand nous serons appelés à voter en faveur.

Le Vice-Président: M. le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: M. le Président, le projet de loi qui vient de nous être présenté par le ministre des Affaires municipales avait, bien sûr, été annoncé lors du derniers discours du budget de la part du ministre des Finances.

M. le Président, quelques mots seulement pour dire qu'au moment où ce projet de loi avait été annoncé, j'avais beaucoup de réserve. Evidemment, parce qu'il était impossible d'en connaître toutes les modalités. Il est évident et nous admettons très bien qu'il faut absolument trouver des moyens pour venir en aide aux municipalités du Québec qui sont aux prises avec des difficultés financières qui sont en quelque sorte dans un étau financier. Il faut s'efforcer de trouver une forme de revenus additionnels.

Cependant, il a été bien dit, tout à l'heure ici, à cette assemblée, que les cités et villes avaient demandé, depuis longtemps, l'établissement d'une taxe, telle que formulée dans ce projet de loi et que, par contre, l'Union des conseils de comté s'y opposait.

Il est évident que le premier principe que nous retrouvons dans la loi respecte la liberté des municipalités. Autrement dit, les municipalités seront libres de bénéficier de cette loi ou de ne pas s'en prévaloir. Je pense que le principe de liberté mérite quand même qu'on y apporte une attention spéciale et qu'on en tienne compte dans le vote qui sera pris ou dans la décision que nous serons appelés à prendre.

Cependant, j'aurais une observation à faire au nouveau ministre des Affaires municipales.

Il ne faudrait pas, dans les municipalités où on ne se prévaut pas des dispositions de cette loi, que les notaires soient obligés de remplir ou de faire remplir les formules nécessaires aux personnes qui voudront, en quelque sorte, transférer ou vendre leur propriété. Ainsi ils ne seraient pas surchargés par des frais administratifs additionnels, par des frais légaux additionnels, les frais que ceci pourrait exiger du fait que le notaire serait obligé de remplir un formulaire, de remplir un questionnaire et de le faire parvenir au bureau d'enregistrement qui, lui, doit en tenir compte.

Comme je ne pourrai pas, malheureusement, assister au débat en commission parlementaire, je tiens quand même à aviser les membres de cette Assemblée qui font partie de la commission et qui seront présents de faire en sorte qu'on prévoie dans la loi de ne pas obliger les notaires, lorsque des contrats seront faits pour des propriétaires dans des municipalités qui ne seront pas concernées par ce projet de loi, à demander des frais additionnels.

M. le Président, c'est la réserve que j'avais à faire étant donné les circonstances. Les exonérations qu'on retrouve dans la loi, je pense, comprennent les catégories de personnes, les catégories de propriétaires que je voulais protéger en m'opposant au projet de loi au moment où il a été annoncé à cette Assemblée. Etant donné que ces dispositions sont contenues dans le projet de loi, étant donné qu'il s'agit de nous rendre aux demandes des cités et villes du Québec qui veulent, autrement dit, une source additionnelle de revenu, j'appuierai le projet de loi.

Le Vice-Président: Mesdames, messieurs, personne n'a invoqué le règlement. Le député de Beauce-Sud a dépassé le principe. Je l'ai accepté pour montrer jusqu'où la présidence peut aller dans son impartialité. Il a énoncé, dans le fond, presque des amendements au projet de loi.

Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. Bellemare: Adopté.

M. Roy: Je m'excuse, M. le Président, c'est un lapsus. Je voulais dire que je voterais en faveur.

Le Vice-Président: Parfait. Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. Lavoie: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

Motion de déférence à la commission des affaires municipales

M. Burns: Je propose que ce projet de loi no 47 soit déféré à la commission parlementaire des affaires municipales.

M. Bellemare: Quand siégera-t-elle?

M. Burns: La semaine prochaine.

M. Bellemare: Avant Pâques?

M. Burns: Avant Pâques, sûrement.

Le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée?

M. Lavoie: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Burns: Je m'apprête à proposer l'ajournement des travaux, pour aujourd'hui, jusqu'à demain matin. Selon l'ordre qui a été donné tout à l'heure par la Chambre, nous siégerons de 10 heures, demain matin, à 12 h 30 alors que nous suspendrons jusqu'à 14 h 15 pour terminer au plus tard, et j'espère avant, à 17 heures demain après-midi.

M. Garneau: Est-ce que le leader du gouvernement me permettrait de lui dire que, s'il assure la Chambre et l'Opposition officielle qu'il n'a pas l'intention d'appeler la loi 83, l'article 7) et s'il n'avait pas l'intention d'appeler la commission avant la semaine prochaine, je ne m'opposerais pas à son adoption en deuxième lecture. Si cela peut l'aider, quant à moi, pour autant qu'il m'assure que la commission des finances ne siégera pas avant la semaine prochaine, je n'aurais pas d'objection à ce que l'article 7) franchisse l'étape de la deuxième lecture.

M. Burns: D'accord, je peux assurer le député de Jean-Talon que je n'appellerai aucune commission parlementaire avant la semaine prochaine. Si on m'assurait qu'à l'article 7) il n'y a pas de discours de deuxième lecture, à ce moment-là, j'appellerais l'article 7).

M. Garneau: L'article 5) aussi.

M. Burns: La Loi de l'administration financière.

Le Vice-Président: M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, dans le même ordre d'idées, le projet de loi — je n'ai pas le numéro devant moi — qui concerne la ville de Hull, qui est purement technique, pourrait subir le même sort à condition que la commission parlementaire siège seulement la semaine prochaine.

M. Burns: Je peux vous assurer, à mon tour, qu'il n'y aura pas de commission parlementaire autre que celle qui siégera demain, qui est la commission plénière qui examinera les crédits supplémentaires. Je n'ai pas l'intention, avant la semaine prochaine, de faire siéger des commissions parlementaires.

Le Vice-Président: M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Pour ce qui est de l'article 5), la Loi des droits sur les transferts de terrains et de l'article 7) Loi modifiant la Loi de l'administration financière, aucun discours, M. le Président.

M. Burns: M. le Président, je suis inquiet, j'ai peur qu'on ajourne ce soir. Pas de danger?

M. Bellemare: Non, non, pas de danger, non, non.

M. Burns: Parce que, vous savez, j'ai le coeur faible de ce temps-ci; il ne faudrait pas m'énerver trop trop. Il ne faudrait pas me faire des surprises comme cela.

M. Bellemare: Vous êtes attiré par d'autres tentations ailleurs.

Le Vice-Président: Le député de Laval.

M. Lavoie: M. le Président, pour prouver la collaboration temporaire et complète mais surtout temporaire de l'Opposition officielle, si l'Union Nationale est d'accord, il pourra en être de même de l'article 5), le projet de loi no 65, à la condition également que la tenue de la commission ne se fasse pas avant la semaine prochaine.

M. Burns: M. le Président, avant de faire ma motion d'ajournement, je peux peut-être vous indiquer justement quel est le menu des travaux de demain ou...

M. Bellemare: M. le Président, je suis obligé de m'opposer, parce que j'ai un de mes députés qui sur ce bill a préparé un discours, c'est le député de Pointe-Claire.

M. Burns: C'est l'article 5), le projet de loi... M. Bellemare: C'est l'article 5)...

M. Burns: D'accord.

M. Bellemare: ...sur les transferts de terrains.

M. Burns: Seulement les projets de loi où vous ne croyez pas devoir faire un discours de deuxième lecture.

M. Bellemare: L'article c), c'est le bill qui nous a été distribué cet après-midi, la loi 85. C'est simplement un projet qui vise à donner une description corrigée de certains lots du quartier no 4. Je n'ai aucune objection.

M. Burns: Est-ce que cela vaut également pour l'Opposition officielle concernant le projet de loi 85?

M. Lavoie: Le projet de loi 85, c'est Hull. M. Burns: Oui. M. Lavoie: Oui.

M. Bellemare: Nous sommes rendus à l'article 11.

M. Lavoie: Oui.

M. Bellemare: Le bill 77.

M. Lavoie: On va attendre après Pâques.

Une Voix: Ou la Trinité.

M. Burns: Je ne voyais pas d'urgence à ce projet de loi.

M. Bellemare: On va demander au président de faire une motion.

M. Burns: M. le Président, avec votre permission, je remercie les collègues de l'Opposition pour leur collaboration. Grâce à ces consentements, je vous demanderais d'appeler, s'il vous plaît, l'article 7.

Projet de loi no 83 Deuxième lecture

Le Vice-Président: L'article 7. M. le ministre des Finances propose la deuxième lecture du projet de loi 83, Loi modifiant la Loi de l'administration financière.

M. le ministre des Finances.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: II s'agit essentiellement d'une clarification apportée à la Loi de l'administration financière à la suite de l'opposition, si l'on peut dire, d'avis juridiques quant à l'application de cette loi ou l'incorporation en vertu de cette loi des dispositions relatives à certains emprunts garantis par le gouvernement de Québec, singulièrement celui de SIDBEC.

Il s'agit de confirmer que, lorsque le gouvernement garantit le remboursement d'un emprunt, l'exécution d'obligations en général, on s'oblige à payer une somme d'argent et que la loi prévoit le paiement des sommes requises à même le fonds consolidé du revenu, les articles 47 et 48 de la Loi de l'administration financière ne s'appliquent pas.

Ces derniers articles stipulent que tous les contrats comportant l'obligation de payer une somme d'argent ne sont valides que si le Contrôleur des finances certifie qu'il existe un solde disponible sur un crédit existant. Mais il va de soi que si une loi spécifique, comme c'est le cas du bill 22 applicable à SIDBEC, prévoit que les sommes seront disponibles, la garantie du gouvernement peut s'appliquer.

L'article 66 semblait dire cela, mais ne le disait peut-être pas d'une façon suffisamment claire. Ce qui est proposé dans ce bill, c'est simplement de clarifier la portée de l'article 66.

Le Vice-Président: Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. Bellemare: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Le Vice-Président: Adopté. Le leader du gouvernement.

M. Burns: Etant donné les indications qu'on m'a données du côté de l'Opposition, même si le projet de loi, techniquement, ne devrait pas être appelé avant demain, je présume qu'il y a consentement pour que le projet de loi inscrit au nom du ministre des Travaux publics... Oh! c'est vrai, je m'excuse, il faudra que j'apprenne à toujours les faire, ceux-là.

Motion de déférence à la commission des finances

M. Burns: Je propose que le projet de loi 83 soit déféré à la commission parlementaire des finances, des comptes publics et du revenu.

Le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée?

M. Lavoie: Adopté.

M. Burns: Alors, je reviens à ce que je disais, M. le Président...

Le Vice-Président: Oui, M. le leader parlementaire.

M. Burns: Ce matin, le ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement a proposé la Loi concernant la ville de Hull. En son absence et avec le consentement de la Chambre, je pourrais m'en faire le proposeur.

Le Vice-Président: Le projet de loi no 85? M. Burns: Oui, le projet de loi no 85.

Projet de loi no 85

Deuxième lecture

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire du gouvernement, au nom du ministre des Travaux publics et de l'Approvisionnement, propose I adoption en deuxième lecture du projet de Loi no 85 concernant la ville de Hull.

M. le leader du gouvernement.

M. Burns: M. le Président, je souhaite que ce projet de loi soit adopté.

Le Vice-Président: La motion en deuxième lecture est-elle adoptée?

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Le Vice-Président: Adopté.

Motion de déférence à la commission des transports

M. Burns: Nous revenons, et je remercie, effectivement... Ma motion, c'est vrai, je vais m'atta-cher quelque chose au dos. Je propose que ce projet de loi no 85 soit déféré à la commission des transports, des travaux publics et de l'approvisionnement.

Le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée?

Une Voix: Adopté.

Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.

M. Burns: Demain, après la période des questions, nous reprendrons le débat concernant le discours inaugural. Dès qu'il sera terminé, nous...

M. Marchand: Ce soir?

M. Burns: Non, pas ce soir. Immédiatement après, nous entreprendrons l'étude de l'article 1, c'est-à-dire la commission plénière sur l'étude des crédits supplémentaires.

Il est à espérer que nous puissions régler ce problème avant cinq heures, et, si c'est fait à ce moment, on pourra quitter à n'importe quel moment. Si ce n'est pas terminé avant cinq heures, on reviendra lundi après-midi avec la continuation du débat relativement aux crédits supplémentaires.

Le Vice-Président: Le député de Laval.

M. Lavoie: M. le Président, est-ce que je comprends bien qu'après les affaires courantes demain matin, le premier ministre demandera au président d'être reconnu pour faire son intervention sur le message inaugural dès la reprise du débat?

M. Burns: On vous dévoile nos batteries, c'est effrayant. On gouverne à ciel ouvert vous devez trouver que c'est nouveau, cela vous surprend?

M. Lavoie: II faudrait vous rappeler ma question et votre engagement de ce matin, que les conférences de presse soient un peu arrêtées et qu'on administre au Parlement. Le ciel ouvert est au Parlement également.

M. Burns: Oui, oui, d'ailleurs, M. le leader de l'Opposition, le premier ministre a l'intention, je pense, en tout cas j'ai entendu dire qu'il avait l'intention de vous en toucher un mot demain justement. Evidemment, le premier ministre a l'intention de demander au président de le reconnaître à la première occasion qui lui sera fournie après la période des questions.

Le Vice-Président: Le député de Johnson.

M. Bellemare: Faites-vous ce soir votre motion spéciale en vertu de l'article 30, deuxièmement, pour demander à la Chambre de siéger lundi ou la ferez-vous seulement demain?

M. Burns: Demain.

M. Bellemare: D'accord.

Le Vice-Président: Dois-je comprendre que M. le leader du gouvernement, avec toutes ses phrases, a fait une motion d'ajournement à demain, dix heures?

M. Burns: M. le Président, je la fais actuellement. Je propose que la Chambre ajourne ses travaux à demain, dix heures.

Le Vice-Président: Messieurs, un instant! M. le leader de l'Opposition et député de Laval.

M. Lavoie: Je veux intervenir pour concourir à la motion.

Le Vice-Président: Cette motion est-elle adoptée?

M. Lavoie: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. Madame, messieurs, ajournement à demain dix heures.

(Fin de la séance à 21 h 36)

Document(s) associé(s) à la séance