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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le mardi 3 juin 1980 - Vol. 21 N° 106

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures huit minutes)

Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes. Déclarations ministérielles. Dépôt de documents.

M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Rapport annuel de SIDBEC

M. Duhaime: M. le Président, je désire déposer le rapport annuel de SIDBEC pour l'exercice financier 1979.

Le Président: Merci. Rapport déposé. M. le ministre de l'Environnement.

Rapport du Conseil consultatif des réserves écologiques

M. Léger: M. le Président, j'ai le plaisir et l'honneur de déposer le rapport du Conseil consultatif des réserves écologiques pour l'année se terminant le 31 mars 1979.

Le Président: Merci. Rapport déposé.

Avis de la Commission de la fonction publique au Conseil du Trésor

J'ai l'honneur de déposer, conformément à l'article 30 de la Loi sur la fonction publique, douze avis de la Commission de la fonction publique au Conseil du trésor sur certains règlements.

Dépôt de rapports de commissions élues. Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Motions non annoncées, mais auparavant, période des questions. M. le chef de l'Opposition officielle.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Le renouvellement du fédéralisme canadien

M. Ryan: M. le Président, je ne veux pas tourner le fer dans la plaie, mais il est difficile de ne pas nous rappeler que si les travaux de l'Assemblée nationale ont été interrompus depuis la mi-avril, ce fut à cause d'un référendum sur l'avenir politique du Québec. Le référendum a maintenant eu lieu. Il a donné lieu à l'expression claire et nette du refus des Québécois d'accorder au gouvernement le mandat de négocier la souveraineté-association.

Le gouvernement avait formulé sa question de la manière la plus molle et la plus séduisante possible. Il avait répété à satiété...

Une Voix: ... différente.

M. Ryan: II avait répété à satiété, pendant la campagne, que tout Québécois favorable au changement ou au déblocage constitutionnel se devait de voter oui, même s'il n'était pas favorable à la souveraineté-association. Malgré cela, les Québécois ont refusé dans une proportion voisine de 60% d'accorder au gouvernement le mandat demandé; ils ont refusé du même coup la souveraineté-association. Les Québécois étaient invités — c'est l'un des rares points, je pense, sur lesquels on s'entendait de part et d'autre dans ce débat — à choisir la direction dans laquelle ils voulaient que l'on engage leur avenir politique. Ils ont clairement indiqué leur volonté que le Québec continue à se développer librement en faisant partie de l'ensemble fédéral canadien, que le régime fédéral canadien soit modifié de manière à mieux répondre aux besoins du Québec et du Canada d'aujourd'hui et que les chefs politiques s'entendent sur les changements qui devraient être apportés à notre système de gouvernement.

Or, au lendemain du référendum, nous nous trouvons dans la situation paradoxale suivante: d'un côté...

Des Voix: ...

Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Ryan: Nous sommes d'excellente humeur, M. le Président!

D'un côté, le premier ministre s'apprête à participer, au plan canadien, à des entretiens convoqués à l'initiative du gouvernement fédéral et au cours desquels il nous assure qu'il essaiera loyalement de collaborer au renouvellement du fédéralisme canadien. D'autre part, le premier ministre reste le chef d'un parti et d'un gouvernement, dont on sait très bien qu'ils n'ont jamais eu aucune foi, aucune espèce de foi ou de confiance dans les possibilités de réformer le fédéralisme canadien. De cette situation paradoxale découle une question à trois volets, que je voudrais adresser au premier ministre. Premièrement, le gouvernement va-t-il se confiner à une attitude attentiste et négative, comme l'ont laissé entendre certains des

collègues du premier ministre, en particulier son voisin de droite? Est-ce là uniquement ce que les Québécois sont en droit d'attendre de leur gouvernement au lendemain du référendum? Et, s'il adopte une attitude constructive, comment la con-ciliera-t-il avec ses propres principes et convictions souverainistes?

Deuxièmement, quelles propositions concrètes le gouvernement entend-il déposer à la table des négociations au sujet du forum de la négociation, au sujet du processus de la négociation? Troisièmement, quelles propositions concrètes le gouvernement entend-il formuler quant au fond, quant au contenu de l'entreprise de révision et par quels moyens, si tel devait être le cas, entend-il légitimer ces propositions aux yeux de son propre parti, aux yeux de l'Assemblée nationale et aux yeux de la population tout entière?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): La première chose que je dirais, M. le Président, c'est que le chef de l'Opposition peut continuer, comme il l'a fait pendant toute la campagne et même au moment du débat référendaire, à faire ce que moi j'appellerais très simplement calomnier la question; nous l'avons rédigée, M. le Président, de la façon qui nous paraissait à la fois la plus honnête et la plus démocratique possible. Cela étant dit, cette question a obtenu comme réponse, c'est évident, un non majoritaire. A partir de là, on n'a pas le mandat que demandait la question. On revient au statu quo ante c'est-à-dire qu'on est le gouvernement du Québec avec un mandat de gouvernement provincial. Avec ce mandat de gouvernement provincial, la première partie de la question du chef de l'Opposition, c'était: Est-ce qu'on va adopter une attitude attentiste, négative, ou est-ce qu'on va essayer d'agir positivement, et si on agit positivement, enfin, si on agit de façon active et non pas passive, comment cela peut-il se concilier avec nos convictions souverainistes?

Pour ce qui est de se contenter d'attendre ou d'écouter, je l'ai déjà dit et je vais le répéter; il est évident que c'est faux pour la suite, mais, au départ, c'est exact. Je pense que, pour le commencement, c'est nécessaire de commencer par voir à cette réunion du 9 juin qui a été convoquée par le premier ministre fédéral lui-même et par un premier ministre fédéral qui a obtenu — et je pense que cela a été un des éléments les plus décisifs de la campagne référendaire — un mandat ou enfin qui est venu chercher un mandat en mettant, comme il a dit, sa tête sur le billot, une sorte de chèque en blanc sur le fédéralisme renouvelé dont on parle depuis treize ans, au moins depuis treize ans.

Partant de là, il est assez normal que l'initiative du premier ministre Trudeau, et en fonction de cet engagement solennel qu'il a pris et qui a, jusqu'à un certain point, déterminé le résultat du référendum, lui appartienne et que, face à la population, il commence d'abord par mettre ses cartes sur la table, quelles qu'elles soient. Après quoi, ce que nous avons toujours fait depuis 1976 — je le ferai remarquer au chef de l'Opposition — non seulement nous réagirons, ce qui est normal, mais nous participerons, comme je l'ai dit, de bonne foi. Nous participerons positivement et nous aurons justement à pousser, et activement, non seulement le point de vue du Québec dans le contexte ou dans la conjoncture, mais aussi ce qui est le devoir permanent, je pense, de tout gouvernement provincial du Québec depuis M. Godbout, en tout cas, c'est-à-dire défendre et promouvoir au maximum dans toute perspective de renouvellement les intérêts du Québec et ses aspirations.

Je diraisqu'en ce qui concerne la conciliation de cette attitude, qui deviendra, aussi vite que cela paraîtra indiqué, non seulement active mais très concrète, il y a peut-être une meilleure défense possible des intérêts du Québec dans l'option elle-même du Parti québécois que dans certaines des attitudes de nos amis d'en face et de leurs alliés fédéraux.

Il y a une chose certaine, c'est qu'à partir de notre option — et Dieu sait que cela m'a paru concrètement prouvé à maintes reprises depuis 1976 — en tout cas, les Québécois sont sûrs d'une chose; c'est que, quelle que soit la façon dont on prétendrait entamer et poursuivre le renouvellement du fédéralisme depuis si longtemps mentionné, chose certaine, ce n'est pas avec des gens comme nous qu'on va affaiblir le Québec. Je n'en dirais peut-être pas autant pour ceux qui nous font face.

Je pense que ce que je viens de dire, jusqu'à un certain point, est de notoriété publique.

Maintenant, pour ce qui est de la deuxième partie de la question du chef de l'Opposition, c'est-à-dire qu'est-ce qu'on proposerait ou qu'est-ce qu'on aurait à proposer sur le sujet, si j'ai bien compris, du forum et du processus, il y a certaines choses fondamentales sur lesquelles il est évident que le Québec devrait insister, le cas échéant, et devra insister, parce que cela va sûrement se présenter, c'est-à-dire la question absolument centrale et qui rejoint d'ailleurs l'essentiel des aspirations d'un peuple différent, dans n'importe quelle formule de fédéralisme qu'on prétendrait renouveler, la question centrale du partage des pouvoirs. On n'est pas rendu là, on n'est rendu ni au forum, ni à la façon dont serait abordé le processus; attendons quand même pour voir que, d'abord — je le répète pour la nième fois — M. Trudeau remplisse au moins le début de son engagement et commence à remplir ce chèque en blanc qu'il a demandé aux citoyens. (15 h 20)

La seule chose, en ce qui concerne le processus, sur laquelle on s'est déjà engagé — et c'est un engagement ferme qui va être tenu, lui, contrairement à d'autres engagements depuis un certain nombre d'années — c'est que la population va être tenue au courant, quel que soit le processus, sinon par tous les participants, du moins de façon très certaine par le Québec, de la façon dont cela évolue — ce qui devrait rassurer jusqu'à un certain point non seulement les ci-

toyens, mais également nos amis des Oppositions — en détail et avec tous les textes à l'appui. Maintenant, quant à la troisième partie de la question du chef de l'Opposition, pour ce qui est du contenu, à part les quelques mots que j'ai dits jusqu'ici à propos de la division ou du partage des pouvoirs, je pense que la question est prématurée. On n'a pas encore développé des positions précises là-dessus en fonction de la conjoncture, comme elle va se présenter, mais une chose est certaine, il n'y aura pas de cachettes là-dessus, non plus.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: D'abord, je suis content d'apprendre que le gouvernement se propose de fonctionner avec une transparence maximale. J'espère qu'il appliquera cela à certaines questions qui n'ont jamais reçu de réponse dans cette Chambre et, en particulier, qu'il consentira à nous donner enfin tous les documents qui sont restés secrets dans les tiroirs depuis des mois, sur lesquels on devait avoir une réponse qu'on n'a pas obtenue encore. J'espère que la transparence sera plus grande que celle qui a été observée pendant les deux années 1978 et 1979...

Des Voix: A l'ordre! C'est la période des questions.

M. Ryan: ... alors que le ministre des Affaires intergouvernementales avait participé à des travaux de commissions sur lesquels on n'a jamais eu de rapports.

Maintenant, je voudrais demander au premier ministre s'il a eu des conversations avec le premier ministre du Canada depuis le jour du référendum. Aurait-il des informations à nous communiquer quant au programme des discussions de la rencontre qui aura lieu la semaine prochaine et quant à l'échéancier éventuel de conversations sur la réforme constitutionnelle?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je dois dire qu'il y a d'abord eu cette tournée éclair, précédant ses quelques jours de vacances, du ministre fédéral de la Justice et, à un certain point de vue, directeur général de la campagne du non, M. Chrétien, qui a fait le tour de l'ensemble des capitales au moment où nous-mêmes avions des réunions extrêmement importantes, et cela se comprend parce que c'étaient presque les lendemains ou les surlendemains du référendum. A ce moment-là, on a demandé à M. Chrétien de surseoir jusqu'au début de la semaine dernière; il a trouvé plus pressant de prendre des vacances, ce qui est parfaitement son droit. Après cela, tout ce que j'ai eu comme communication — maintenant, peut-être que mon collègue pourra ajouter quelque chose — c'est une invitation normale qui est venue directement de M. Trudeau et à laquelle, forcément, la réponse c'est qu'on y sera le 9 juin.

Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): II ne répond pas, lui?

M. Ryan: Est-ce qu'il a des choses à ajouter?

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce qu'il a des choses à dire?

Le Président: M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin (Louis-Hébert): Je remercie nos collègues d'en face de l'appréciation qu'ils nous manifestent aussi ouvertement. Vous aurez souvent l'occasion de nous applaudir comme cela.

Je ne me levais pas parce qu'il n'y a pas tellement à ajouter; c'est justement la raison qui fait que je suis resté assis. Je vais ajouter une précision: à aucun moment M. Chrétien n'a communiqué par téléphone avec moi; le seul renseignement précis que nous avons eu sur la conférence qui doit se tenir nous est arrivé par un téléphone de fonctionnaire après que M. Trudeau eut déclaré à la Chambre des communes à Ottawa qu'il attendait la réponse du Québec à une lettre ou un message qui n'était pas encore venu. De sorte que nous n'avons eu aucune communication, au moment où je vous parle, qui soit de nature à nous donner avec précision, autrement que dans le télex qu'on a reçu, le contenu de cette conférence.

Cet après-midi, je dois faire procéder, par mon ministère, à des appels téléphoniques ici et là pour qu'on sache un peu mieux de quoi il retournera lundi le 9 juin.

M. Le Moignan: Question additionnelle, M. le Président.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Le Moignan: Une question additionnelle, M. le Président.

M. Levesque (Bonaventure): Si on me le permet, une question adressée au premier ministre: Lorsque le premier ministre a été interrogé au cours de la campagne référendaire sur l'attitude qu'il prendrait dans l'éventualité d'un non comme réponse des Québécois à la question posée, le premier ministre avait dit: Bien, on procédera à des négociations, on tournera en rond. Est-ce que le premier ministre considère que l'attitude qu'il prend présentement fait partie de cette description qu'il donnait avant la réponse?

Dans les propos qu'il vient de tenir — et je le cite: "à partir de notre option" — qu'est-ce que le premier ministre veut dire par là, "notre option"? Est-ce qu'il parle comme chef du Parti québécois;

est-ce qu'il parle comme chef de gouvernement? Lorsqu'il parle de "notre option", si je comprends bien, il veut dire qu'il maintient lui-même, individuellement, personnellement, comme chef de gouvernement et comme chef de parti, la souveraineté-association qui a été rejetée catégoriquement par les Québécois.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense que je reconnais ce que vient de citer approximativement le député de Bonaventure. Alors, je vais le répéter de façon que ce soit plus clair tout en répondant ensuite à sa question. Je dis simplement ceci à propos de notre option. Je dis: Notre option elle-même, telle qu'elle existe dans notre programme politique et qui est une option — je pense qu'on l'admettra — de pouvoirs maximums pour le Québec, cette option, en soi, est une garantie que ce n'est pas à des gens comme nous, peut-être à d'autres qui ne sont pas loin de nous, mais sûrement pas à des gens comme nous qu'on ferait accepter le moindre affaiblissement des pouvoirs du Québec ou le moindre recul sur la promotion des droits du Québec dans quelque contexte de renouvellement du fédéralisme que ce soit et — je le répète — on ne peut probablement pas en dire autant pour d'autres. C'est une garantie, en tout cas, que les Québécois ont et cette garantie existe depuis 1976. Nous revenons, jusqu'à ce que les électeurs aient à juger de quel gouvernement ils veulent pour le Québec, nous revenons exactement là où nous étions. On n'en avait pas fait un absolu de cette option. On en avait tellement peu fait un absolu...

Des Voix: Ah!

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. Lévesque (Taillon): On en avait tellement peu fait un absolu que je vais me permettre de citer ce que je disais deux jours avant les élections dans la dernière communication normale qu'on avait comme chef de parti à ce moment-là avec les citoyens: "Comme bien d'autres — et je le répéterai mot à mot — j'espère de tout mon coeur qu'on y arrivera à devenir vraiment maîtres chez nous politiquement, économiquement, culturellement comme font tous les peuples qui veulent sortir de l'insécurité et de l'infériorité collectives, ce qui n'exclut ni l'amitié ni les associations d'égal à égal avec ceux qui nous entourent. Mais si les électeurs nous font confiance le 15 novembre — c'était en 1976 — nous nous sommes engagés à ne pas le faire sans le consentement majoritaire des Québécois par la voie éminemment démocratique d'un référendum, c'est-à-dire un vote spécifique quand les pour et les contre — y compris les plus inattendus des contre — auront eu tout le temps et toutes les tribunes nécessaires pour éclairer l'opinion. Le 15 novembre donc, ce que nous offrons, ce que nous devons offrir, c'est, aussi longtemps que les Québécois ne se seront pas prononcés sur la suite, tout simplement un nouveau gouvernement provincial le moins mauvais possible".

Nous sommes revenus exactement là puisque le mandat que nous avons demandé a été refusé. Donc, pour ce qui est du gouvernement, son option est en veilleuse. Elle n'est pas plus en veilleuse pour le Parti québécois qu'elle ne l'était avant, mais cela nous oblige, nous, de bonne foi et en défendant et en faisant la promotion maximale des intérêts du Québec, à participer à ces négociations qui vont venir, comme on l'a fait d'ailleurs assidûment en tenant compte de notre programme politique qui nous ordonne aussi, tant qu'on est un gouvernement provincial, de défendre l'autonomie du Québec, de la promouvoir en continuant de le faire à l'intérieur du processus tel qu'il se déroulera. Un point c'est tout.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale. (15 h 30)

M. Le Moignan: M. le Président, ma question supplémentaire s'adresse également au premier ministre. Le premier ministre dit qu'il n'a pas l'intention d'abdiquer ses responsabilités de bon gouvernement, si j'ai bien compris. Quand le premier ministre va se rendre à Ottawa, tenant compte que, dans le passé, le Québec a toujours assumé son rôle de leadership dans les conférences fédérales-provinciales, et même si la balle, comme l'a dit le premier ministre, est dans le camp du fédéral... Quand je parle d'abdiquer les responsabilités, le premier ministre n'a pas l'intention — je l'imagine — de laisser le fédéral bâtir à notre place. Je voudrais, avant le départ du premier ministre pour Ottawa, qu'il nous rassure sur certaines propositions — il faut que les Québécois, tout de même, se retrouvent dans les propositions, à 60% du vote — que le gouvernement va aller défendre et nous dise de quelle façon la conception du gouvernement va rimer et s'ajuster avec le fédéralisme renouvelé ou avec une nouvelle constitution que tout le monde désire.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je crois que je peux rassurer, en tout cas, le député de Gaspé sur ses questions qu'il a posées avec tellement d'insistance, presque d'une façon angoissée, tout en étant membre inconditionnel, sauf erreur, du camp du non, au premier ministre fédéral et qui, sauf erreur, n'ont pas eu la moindre réponse, pas un soupçon de l'ombre du commencement d'une réponse. On s'inspirera, entre autres, des questions du député de Gaspé qui n'a pas tenu à obtenir des réponses. C'est justement là ce qui illustre bien ce qu'on doit faire. Il faut tout de même se rappeler le premier ministre du Canada — je prends l'extrait sonore qui a passé à la télévision — et toute sa machine fédérale qui ont littéralement tassé, pour devenir déterminant dans la campagne référendaire, ce qui était officiellement le camp provincial du non. Voici ce que disait tex-

tuellement le premier ministre du Canada, dans son intervention la plus — je crois — déterminante de toute la campagne négative qui s'est terminée le 20 mai: "Ici, je m'adresse solennellement à tous les Canadiens des autres provinces. Nous mettons notre tête en jeu, nous, députés québécois, parce que nous disons aux Québécois de voter non et nous vous disons, à vous des autres provinces, que nous n'accepterons pas ensuite que ce non soit interprété par vous comme une indication que tout va bien et que tout peut rester comme c'était auparavant. Nous voulons du changement, nous mettons nos sièges en jeu pour avoir du changement. C'est textuel. Seulement, est-ce que c'est le genre de changement qui répondra, entre autres, aux questions du député de Gaspé et aux choses préconisées depuis des années et des années par tous les gouvernements du Québec qui ne se sont pas littéralement aplatis dans le sens des intérêts du Québec? Cela reste à voir. Et la première façon de le voir ça va être d'abord d'écouter comment le premier ministre fédéral amorce — au moins amorce — le contenu concret de ce chèque en blanc à propos duquel il a mis sa tête sur le billot. Cela ne nous empêche pas de travailler et je peux assurer le député de Gaspé, comme d'autres dans cette Chambre, qu'il y a des dossiers qui sont prêts, il y en a d'autres qui sont en marche et il y a déjà des choses qu'on a vues — et qui sont plutôt inquiétantes — émerger, comme, si vous voulez, premiers indices de l'attitude d'Ottawa. Mais une chose certaine c'est que, démocratiquement, quand le premier ministre d'un gouvernement élu fait irruption dans une campagne référendaire pour dire: Dites non, ça voudra dire oui et le reste du pays devra tenir compte des aspirations du Québec, moi, je lui fais confiance jusqu'à nouvel ordre, mais pas plus que jusqu'à nouvel ordre, attendons!

Le Président: Une brève dernière question, M. le chef de l'Union Nationale.

M. Le Moignan: Dernière et courte question, M. le Président. Quand le premier ministre du Québec cite le premier ministre du Canada, peut-être aussi pourrait-il se souvenir de l'engagement solennel pris par M. Trudeau. Je voudrais que le premier ministre du Québec, lors d'une rencontre, lui rappelle son engagement solennel de s'atteler à une véritable refonte de la constitution. Je pense que c'est ça qu'il est important de retenir.

M. Lévesque (Taillon): Je pense qu'on ne risque pas de l'oublier, M. le Président!

Le Président: M. le député de Portneuf.

Mise en tutelle de la CECM

M. Pagé: M. le Président, j'avais une question qui s'adressait à celui qui, hier, était indépendantiste et qui, aujourd'hui, veut s'identifier comme un futur père de la Confédération; étant donné qu'il est trop fâché, étant donné qu'il patine un peu trop, M. le Président, je vais la poser non pas au premier ministre, mais au ministre du Travail.

En fin de semaine, le gouvernement, par une attitude tout à fait arbitraire, une attitude qui témoigne d'un abus de pouvoir, a, encore une fois, piétiné l'autonomie des commissions scolaires en imposant la tutelle à la Commission des écoles catholiques de Montréal, la plus grosse commission scolaire du Québec. Le gouvernement a désigné un tuteur avec ultime mandat de signer une convention collective, à l'intérieur de laquelle on pourrait peut-être avoir d'autres questions tout à l'heure.

Comme première question au ministre du Travail, M. le Président, j'aimerais lui demander quelle est la nature des engagements que le ministre du Travail a pris, si c'était personnel ou encore si c'était au nom du gouvernement, envers l'Alliance, au début du conflit, lorsque celui-ci s'est engagé à ce que le conflit se règle dans les meilleurs délais. J'aimerais qu'il rende, aujourd'hui, publique la teneur de ses engagements.

Le deuxième volet de la question, M. le Président: pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas suivi le processus qui était normalement prévu au Code du travail, entre autres, l'arbitrage? Le gouvernement a passé la semaine à taxer la Commission des écoles catholiques de Montréal de mauvaise foi, mais la Commission des écoles catholiques de Montréal avait quand même proposé de remettre tout ça à l'arbitrage, le problème qui demeurait en litige. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas choisi cette voie plutôt que d'imposer une tutelle, à deux jours de la mise en nomination des commissaires? Il a voulu politiser le débat, témoignant ainsi d'une attitude arbitraire et tout à fait intransigeante.

M. le Président, je termine là-dessus, ce sont ces mêmes gens qui, à la fin de tout ce débat, viendront nous dire que l'autonomie des commissions scolaires, c'est important, alors que vous l'avez bafouée, vous l'avez piétinée, la semaine dernière.

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: M. le Président, essentiellement, il ne s'agit pas des commissions scolaires, mais d'une commission scolaire, et je pense qu'il faut ramener ce problème dans sa perspective qui est celui d'un conflit de travail qui mettait en cause et pouvait mettre en péril l'année scolaire d'une centaine de milliers d'écoliers de Montréal. Deuxièmement, l'intransigeance constatée par celui qui vous parle ainsi qu'un enquêteur, ainsi que tous les officiers ou fonctionnaires principaux du ministère du Travail ainsi que du ministère de l'Education, des représentants de la Commission des écoles catholiques de Montréal qui était en train d'avoir comme effet de priver de cours et peut-être de mettre en péril l'année scolaire des enfants... Il fallait donc que le gouvernement agisse, c'est ce que nous avons fait. Est-ce qu'il y a eu des engagements pris à l'égard de l'Alliance? Aucun engagement, ce n'est pas comme cela

qu'on fait cela au ministère du Travail, on n'a jamais fait cela comme cela. Je comprends qu'il y a des gens qui ont la propension à se mettre la tête sur le billot ou d'autres à mettre leur siège en jeu, je me rends compte que le député de Portneuf a peut-être la tendance, lui, à se mettre les pieds dans les plats. Essentiellement, il n'y a pas eu d'engagement.

M. Pagé: M. le Président, le ministre vient aujourd'hui avec un air tout à fait mielleux nous dire: Les pauvres étudiants n'avaient pas de cours. Je conviens qu'encore une fois, cette année, une couple de millions de jours-école-élève ont été perclus. Ce n'est pas là la question, M. le Président. Le problème, c'est que le gouvernement avait différents choix. Premièrement: Loi spéciale. Deuxièmement: Arbitrage. Et, troisièmement, ce n'est pas ce qu'il a choisi, il a choisi la tutelle pure et simple et de piétiner l'autonomie de la Commission des écoles catholiques de Montréal: Ce qu'on vous demande, c'est pourquoi vous avez choisi ce moyen. C'est cela qu'on demande.

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: M. le Président, nous avons choisi ce recours parce que nous pensions que c'était le meilleur pour sauver l'année des enfants. Faute de faire face à une commission scolaire qui assumait ses responsabilités, le gouvernement a dû les assumer à la place de la commission scolaire. Essentiellement, je rappellerai au député de Portneuf et à ceux que cela intéresse que la conciliation a été demandée à la demande des deux parties, que le 30 avril les représentants de la Commission des écoles catholiques de Montréal et du syndicat me faisaient parvenir un télégramme conjoint dans lequel ils me disaient qu'ils voulaient une conciliation qui, au besoin, se transformerait en médiation selon l'évaluation qu'en feraient les conciliateurs et le ministre du Travail. C'est exactement ce que nous avons fait. C'est cependant dans ce processus de bonne foi — et celui qui vous parle, comme ses fonctionnaires, comme le gouvernement et le syndicat, tout le monde était de bonne foi — c'est dans ce processus que la CECM, elle, a fait preuve d'une incapacité d'assumer ses responsabilités en brisant de façon unilatérale une médiation qui était engagée. En ce sens, à partir de ce moment, on comprendra qu'il fallait faire tout ce qui était possible, dans les circonstances, pour permettre aux enfants de retrouver leurs cours, qu'il fallait, également, trouver une solution qui soit équitable.

Que la CECM ait rejeté le rapport de conciliation, c'était son droit en vertu du Code du travail. Ce n'est pas cela que j'ai mis en doute. Ce que j'ai mis en doute, cependant, c'est à partir du moment où on s'est engagé dans une médiation et que la CECM a agi d'une façon qui me semble carrément irresponsable, disons-le, j'étais en droit de me demander ce qui se passait à la CECM et c'est ainsi que mon collègue de l'Education et les autres membres du Conseil des ministres avons été appelés à réévaluer le dossier et que le ministre, en tant que responsable de l'instruction publique, a vu à faire appliquer l'article 14 de la Loi de l'instruction publique. Je pense qu'il a des commentaires là-dessus. (15 h 40)

Le Président: M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, me permettez-vous d'ajouter deux mots à la réponse de mon collègue?

Je pense que si le gouvernement n'était pas intervenu au cours de la fin de semaine, nos amis d'en face auraient été les premiers, aujourd'hui, à nous accuser de ne pas prendre nos responsabilités. J'entends d'ici le député de Portneuf ou le député de Marguerite-Bourgeoys nous dire: Qu'est-ce que le gouvernement fait pour régler ce problème? L'année scolaire est en jeu!

Effectivement, il faut constater en premier lieu que les négociations étaient dans une impasse totale. L'enquêteur que j'ai nommé la semaine dernière nous a fait rapport qu'en dépit des efforts qu'il a pu déployer pour rapprocher les parties — car il y a eu effort de rapprochement en même temps qu'enquête — le tout s'est soldé par une impasse totale. C'est le premier fait qu'il faut avoir à l'esprit. Le second, la fin de l'année est en vue, les examens commencent dans quelques jours, les élèves n'ont pas eu l'occasion de faire la révision qui s'impose avant les examens.

Le gouvernement n'avait pas le choix devant une impasse qui aurait pu durer encore deux ou trois semaines, les examens qu'il aurait fallu refaire pour la CECM, puisque une fois que les examens ont été rendus publics, on ne peut pas les utiliser une seconde fois. Le gouvernement n'avait pas le choix.

Je voudrais ajouter deux mots sur la question de l'arbitrage. D'abord, je ferai observer au député de Portneuf que dans la convention collective qui a été signée par l'administrateur tuteur, il est prévu justement qu'il y aura arbitrage quant à l'application des critères de capacité et d'ancienneté dans les cas de l'enfance en difficulté — ce qu'on appelle l'orthopédagogie — dans le cas également de l'enseignement professionnel, dans le cas, notamment, au secondaire, de disciplines comme la natation ou la musique. L'arbitrage est donc prévu dans la convention collective.

Pour le reste, l'Alliance ayant accepté d'abord la conciliation, s'étant rangée devant le rapport de conciliation, ayant accepté la médiation puis le rapport de médiation, comment peut-on exiger d'un syndicat qui a eu ce comportement-là qu'il se soumette ensuite à un arbitrage qui remettrait en question tout ce qui avait été obtenu par la conciliation et la médiation.

C'est mal connaître le déroulement des relations de travail et des procédures prévues au Code du travail que de poser des questions comme celle-là.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Justement, le ministre vient de parler du Code du travail. Ce qui frappe là-dedans, c'est que vous êtes allé déterrer un paragraphe de la Loi de l'instruction publique, si je comprends bien, qui n'a absolument rien à voir avec les relations de travail.

Les relations de travail sont régies par des lois qui sont spécifiques, qui sont propres à ce domaine. Quand on arrive à une impasse, il y a des débouchés que nous connaissons tous: cela peut être l'arbitrage, cela peut être la loi spéciale, mais il n'y a jamais personne qui a suggéré honnêtement, depuis une quinzaine d'années, qu'on pouvait recourir à un expédient comme celui-là pour sortir le gouvernement d'embarras.

Je voudrais demander au ministre s'il entend continuer à chercher dans les lois à gauche et à droite des petites échappatoires comme celle-là pour se sortir d'une situation quand il est mal pris. C'est tout à fait contraire à l'esprit de cet article — je pense que c'est l'article 14 de la loi — que d'y recourir pour des fins comme celle-là, et dans les circonstances où on l'a fait.

Le Président: M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je m'oppose à l'interprétation fort restrictive que le chef de l'Opposition veut donner à l'article 14 de la Loi de l'instruction publique. C'est un article d'application générale qui fait que le ministre de l'Education, dans des circonstances comme celles où nous nous trouvions, a le droit de nommer un enquêteur pour lui faire rapport sur l'administration d'une commission scolaire.

M. le Président, la loi ne limite pas ces enquêtes seulement aux questions financières; la loi dit bien: Tout ce qui intéresse l'administration d'une commission scolaire. Or, les relations de travail sont l'une des principales questions qui relèvent de l'administration d'une commission scolaire. Et lorsque — si le chef de l'Opposition veut bien me donner l'occasion de répondre à sa question — nous nous trouvons devant des circonstances aussi cruciales que celles auxquelles nous faisions face en fin de semaine, avec l'année scolaire de 100 000 enfants dans la balance, si nous n'avions pas agi, j'entends d'ici le chef de l'Opposition nous blâmer de ne pas avoir pris nos responsabilités.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale. Pour un consensus national québécois

M. Le Moignan: Question principale, M. le Président, et je l'adresse encore une fois au premier ministre. C'est une question que je qualifierais de très constructive.

A la suite du débat que les Québécois viennent de vivre et pour éviter à l'avenir la division parmi ces derniers, dans le but de construire ensemble notre avenir collectif québécois, je voudrais demander au premier ministre s'il a l'intention de convoquer une commission parlementaire, au cours des prochains jours où seraient réunis les membres de toutes les formations politiques et où nous pourrions étudier, avec le gouvernement, les propositions essentielles, principales que le gouvernement du Québec aimerait défendre lui-même lors des rencontres qui auront lieu entre le fédéral et le provincial. Cela est bien important si on veut dégager ce consensus national québécois nécessaire pour faire face à une telle négociation. J'aimerais connaître l'opinion du premier ministre à qui j'adresse ma question.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Le député de Gaspé, comme d'autres, se souviendra sûrement qu'il y a eu ce genre d'exercice et qu'il avait été loin d'être inutile. Si j'ai bonne mémoire, en 1978, au moment où il y avait une liste de 14 ou 15 sujets à partir desquels il y avait des positions très précises et très concrètes du Québec qu'il s'agissait de discuter, à ce moment-là, je pense que l'exercice important de la commission parlementaire avait été très utile à tout le monde. Il n'y a rien qui exclut que cela puisse se produire, mais le député de Gaspé comprendra qu'on attend quand même. On commence par écouter ce qui va sortir d'Ottawa qui a pris l'initiative du renouvellement, y compris peut-être les réponses aux questions tellement insistantes et angoissées du député de Gaspé, et tout de suite après, on pourra possiblement se reposer la question dans les jours qui suivront le 9 juin.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Le Moignan: Question additionnelle, M. le Président.

Est-ce que le premier ministre serait prêt — au moment de cette commission, si jamais elle siège — à déposer un énoncé de politique clair et sans équivoque dans lequel il nous donnerait, comme gouvernement, la conception qu'il se fait du fédéralisme renouvelé, de cette nouvelle constitution, de la révision de la constitution?

Pour discuter en commission parlementaire, si on veut faire un front commun de tous les partis politiques, il faudrait que le gouvernement dépose une base sur laquelle nous pourrons discuter. Est-ce là l'intention du premier ministre?

Tout à l'heure, il a parlé de partage des pouvoirs, de partage des ressources fiscales; il n'y a pas que cela là-dedans, il n'y a pas que du rapiéçage, il y a beaucoup d'autres aspects. Est-ce que le gouvernement est prêt à s'engager, si nous avons ladite commission, pour avoir la collaboration de tous les partis de l'Opposition, à nous donner quelque chose de positif sur lequel nous pourrions nous entendre? Quand il va retourner à Ottawa, au cours de l'été, par exemple, là, le gouvernement sera investi, sera fort de l'appui de tous les partis politiques et je pense que cela ajouterait beaucoup aux négociations.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Tout ce que je puis dire au député de Gaspé, c'est que j'espère qu'il ne fait pas d'optimisme délirant sur les consensus éventuels. Une chose est certaine, aussitôt qu'on aura des choses à définir concrètement, s'il paraît indiqué, après le 9 juin et avant la prorogation de la session, de convoquer une commission parlementaire, on le fera avec ce qui sera disponible. C'est tout ce que je puis dire pour le moment.

M. Shaw: M. le Président...

Le Président: M. le député de Pointe-Claire.

Demande d'arborer le drapeau du Canada en Chambre

M. Shaw: My question, Mr President, is directed to you. On the 20th of May passed, the people of Québec spoke very strongly for Canada. I would like to... They have spoken for Canada. I am asking you, Mr President, when, considering this decision, are you going to replace the Canadian flag on the "fauteuil".

Le Président: M. le député de Pointe-Claire, I will not replace the Canadian flag because it is not there.

M. Shaw: Mr President, I would like to... following this question, it is my understanding, Mr President, that the Canadian flag has always had its presence in this House until the arrival in power of this government. It is custom in all the other Houses of the governments of provinces of this country. The people of this province, on the 20th of May, spoke quite clearly in saying that they were proud to be Canadians. I know it bothers you, I know it bothers you but they did so. I am asking you a simple question: When are you going to demonstrate the symbolism of respecting that decision by placing the Canadian flag to the left of the Speaker? (15 h 50)

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je suis dans cette Assemblée pour la onzième année et il n'y a jamais eu de drapeau canadien dans cette Assemblée. Le député de Bonaventure, qui est ici depuis une vingtaine d'années, y a-t-il déjà eu un drapeau canadien dans cette Assemblée?

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je veux d'abord souligner un fait, je pense, qui est fort important, peut-être moins important que l'objet de la question du député de Pointe-Claire, mais qui est assez significatif. C'est que vous voyez maintenant le Parti québécois qui pose des questions au Parti libéral du Québec.

Maintenant, pour répondre à la question du leader parlementaire de l'Opposition — du gouvernement — qu'il me soit permis tout simplement de lui dire que je n'ai pas, personnellement, remarqué qu'il y ait un, deux ou trois drapeaux. Ce que j'aimerais lui répondre, c'est qu'il me semble que la suggestion du député de Pointe-Claire correspondrait à un voeu tout à fait normal de la population qui a signifié, par 60% — et c'est clair — et 95 comtés sur 110, qu'on rejetait la souveraineté-association et qu'on voulait voir le Québec demeurer à l'intérieur du Canada.

Alors, il me semble qu'il n'y aurait aucune objection; au contraire, cette suggestion est très positive et voudrait tout simplement refléter un voeu que vient d'exprimer le peuple souverain.

Le Président: M. le député de Laval. M. Lavoie: M. le Président...

M. Lévesque (Taillon): Sans en faire un débat de fond...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): ... j'ajouterais simplement ceci, si on me le permet. On peut rigoler tant qu'on voudra et on peut s'amuser aussi avec des espèces d'absences de mémoire extraordinairement diplomatiques — je pense que le député de Bonaventure sait sacrement bien quelle est la réponse — mais il y a une chose plus profonde que cela. C'est que je crois que le drapeau, pour autant qu'il y a un symbole important de toute une collectivité, est ici pour symboliser que dans les domaines de sa souveraineté le Parlement du Québec, l'Assemblée nationale, a cette souveraineté et ne dépend d'aucune autre. Je pense qu'on devrait en tenir compte aussi et ne pas commencer à faire des farces plates autour des résultats du référendum en les étirant de ce côté, franchement.

M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle, pour une question de privilège.

M. Levesque (Bonaventure): Le premier ministre vient d'insinuer qu'il y avait chez nous, ou dans les propos que j'ai tenus, quelque chose qui puisse attaquer la souveraineté du Québec dans les domaines de sa juridiction. M. le Président, je suis ici depuis bientôt 25 ans et j'ai toujours été un défenseur acharné de la souveraineté du Québec dans les domaines de sa juridiction. Mais cela ne m'empêche pas d'avoir, vis-à-vis de mon pays, un respect dont je ne rougis pas et qui est partagé par l'immense majorité du Québec.

Le Président: M. le député de Laval, brièvement, puisque le temps est écoulé.

M. Lavoie: Très brièvement, M. le Président. Sur la même question, j'avais eu à l'esprit, il y a quelque temps, de vous poser cette question et

j'attendais les crédits de l'Assemblée nationale. Il est vrai qu'avant l'élection du 15 novembre 1976 il n'y avait aucun drapeau près du fauteuil de la présidence.

Ma question est la suivante: Nous avons tous le respect du drapeau du Québec, qui est à votre droite. Est-ce votre décision, depuis que vous êtes président de cette Assemblée nationale. Avez-vous décidé vous-même d'y installer le drapeau du Québec? Ceci est le premier volet de ma question. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, si c'est vous, dans l'affirmative, qui avez décidé, ou si cela vient du gouvernement que ce drapeau qui est le nôtre soit là — c'est le deuxième volet de ma question — n'y aurait-il donc pas lieu, si ce drapeau est là comme drapeau du Québec, qu'il y ait également à votre gauche, comme dans d'autres Parlements canadiens dans les autres provinces, le drapeau du Canada à côté de votre fauteuil parce que nous sommes Canadiens et Québécois, M. le Président?

Le Président: Si ma mémoire est fidèle... Une Voix: C'est le président...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Si ma mémoire est fidèle, M. le député de Laval, en effet, dès les tout débuts de mon mandat, je crois que j'ai fait installer — parce que cela réapparaissait tout à fait normal — le drapeau du Québec dans l'Assemblée nationale du Québec. C'est une situation de fait, qui dure bientôt depuis quatre ans et qui, à ma connaissance, n'a jamais soulevé non seulement de protestations, mais le moindre commentaire. Si on veut modifier cette situation de fait, j'attendrai que l'Assemblée en exprime le désir majoritairement.

Aux motions non annoncées. M. le député d'Outremont.

Démission du député d'Outremont, M. André Raynauld

M. Raynauld: M. le Président, je veux vous rassurer tout de suite, cette déclaration sera à peine plus longue que les préambules à mes questions dont vous m'avez parfois tenu rigueur, mais toujours avec la plus grande bienveillance.

En effet, M. le Président, j'ai pris la décision de me retirer de l'arène politique et de laisser mon poste de député d'Outremont. J'ai été amené à le faire maintenant à la suite d'un certain nombre de considérations dont les plus importantes sont les suivantes. Je ne me suis jamais considéré un parlementaire de profession et de carrière; je n'y ai pas été assez longtemps pour cela. Si je suis venu à la politique active, c'est principalement pour défendre mes convictions sur le fédéralisme canadien. Dans cette perspective, l'échéance du référendum a été pour moi une échéance historique et capitale. Il était donc naturel à mes yeux qu'elle devînt une occasion privilégiée d'évaluation et de réflexion. Cette réflexion m'a amené à conclure que j'avais accompli l'essentiel des engagements que j'avais pris envers mes électeurs et mon parti. J'ai donc pensé que je pouvais de nouveau me consacrer à mes travaux professionnels d'économiste qui, sans contredit, correspondent davantage à mes goûts, à mes qualités, sinon à mes travers.

Du reste, le fédéralisme, qui avait été la raison déterminante de mon engagement initial, a remporté une victoire éclatante dans presque tous les comtés de la province. Face à une volonté populaire aussi nettement affirmée, les bases sont jetées pour un renouveau de notre régime fédéral. Ce résultat ne me surprend pas. La sagesse populaire a perçu qu'il faut étendre et non restreindre le domaine de la loi dans notre univers dont nous commençons à peine à saisir les limites. Elle a compris qu'il faut renforcer et non affaiblir les institutions politiques capables d'assurer un partage plus équitable des richesses et une égalité concrète des citoyens plutôt qu'une égalité des gouvernements dans un monde qui tolère encore la faim et la servitude.

M. le Président, le devoir le plus agréable qu'il me reste à remplir est celui d'exprimer du fond du coeur ma reconnaissance à tous ceux qui, de près ou de loin, ont facilité mon travail et ma vie de parlementaire. A vous d'abord, M. le Président, qui tenez les rênes de cette Assemblée avec autorité, humour et sang-froid; au personnel de l'Assemblée nationale ensuite, des plus prestigieux qui sont ici avec nous aux plus humbles qui s'empressent de répondre à tous nos besoins, sans oublier ceux et celles qui ont été mes collaborateurs immédiats, que ce soit à mon bureau de Québec ou à celui d'Outremont. (16 heures)

Mes remerciements les plus cordiaux s'adressent aussi au chef du parti auquel j'ai l'honneur d'appartenir, pour avoir accepté les redoutables responsabilités qui sont les siennes, et à mes collègues de pupitre qui m'ont apporté la chaleur de la fraternité et de l'amitié, ce qui m'a souvent rappelé d'ailleurs celle de ma vie de collégien et de pensionnaire. Je veux tous les rassurer que je continuerai de travailler au sein du Parti libéral pour faire triompher les idéaux qui nous ont rassemblés et qui nous rassemblent encore.

Je veux aussi exprimer ma fierté et ma gratitude d'avoir pu représenter la population du comté d'Outremont. C'est une des plus grandes sources de satisfaction pour un député que de faire connaissance et souvent de se lier d'amitié avec des milliers de ses concitoyens, de connaître leurs succès et leurs problèmes, de se familiariser avec toutes les institutions, regroupements et activités communautaires, puis de rencontrer, semaine après semaine, ceux qui font l'activité politique de base par pure conviction, dévouement et abnégation.

Enfin, je veux rendre un hommage particulier à mon épouse qui, sur cette route politique difficile entre toutes, a été une compagne de tous les instants. Elle y a mis son énergie, son enthousiasme, sa foi, et cela même au-delà de ses forces. Je veux donc la remercier.

Le Président: Merci, M. le député d'Outremont.

M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, c'est avec émotion et regret que je me lève en ce moment pour faire suite à l'intervention que nous venons d'entendre. Je perds, à titre de chef de l'Opposition officielle, un collègue et un collaborateur très précieux. Je perds aussi mon député à l'Assemblée nationale puisque, à titre de résident d'Outremont, j'avais l'honneur d'être représenté à l'Assemblée nationale par le député qui vient de démissionner. Je perds aussi un ami de très vieille date. J'ai connu le député d'Outremont au temps où il était étudiant en relations industrielles et en économie à l'Université de Montréal, il y a déjà une trentaine d'années. Il m'a été donné de suivre sa brillante carrière depuis ce temps à chacune de ses étapes. J'ai pu le connaître comme professeur et comme directeur du département d'économie à l'Université de Montréal où il a laissé des traces remarquablement durables. Je l'ai connu aussi comme président du Conseil économique du Canada où il a accompli un travail exceptionnel, et enfin comme député d'Outremont et surtout comme critique financier et économique de l'Opposition officielle et de notre parti.

M. le député d'Outremont était un économiste, et le demeure évidemment, de grande classe qui a été pour nous tous un guide précieux dans l'examen des questions très difficiles que nous avons eu à examiner, surtout en rapport avec le débat référendaire. Il est un travailleur acharné. Sa liste de publications spécialisées est pratiquement interminable. Il est connu d'un bout à l'autre du continent, en Europe également. Tout le monde reconnaît son indépendance d'esprit, sa rigueur intellectuelle et sa grande probité. J'ai personnellement beaucoup bénéficié de sa loyauté inconditionnelle, y compris dans les moments où nous devions discuter parfois d'opinions qui n'étaient pas les mêmes de part et d'autre; il avait toujours une très grande loyauté. Je signale enfin qu'il est un citoyen également attaché au Québec et à son pays, le Canada.

M. Raynauld a joué un rôle clé dans la préparation des nombreuses études documentaires que notre parti a mises au jour en préparation du débat référendaire. On l'a vu souvent croiser le fer en cette Chambre avec notre bon ami d'en face, le ministre des Finances. Je crois que leurs discussions n'ont jamais enlevé quoi que ce soit à la gentilhommerie de leurs rapports. Je pense que nous manquerons, à cet égard, des éléments très importants. C'est cette expérience qu'il m'a été donné de vivre en cette Chambre. Je me réjouis de constater que le député démissionnaire continuera de collaborer à l'oeuvre de notre parti; l'oeuvre de notre parti se situe dans la ligne de ses convictions profondes et de sa pensée. Je me réjouis de constater que, tout en cherchant son avenir dans des voies qui répondent plus immédia- tement peut-être à ses exigences professionnelles, son concours continuera d'être acquis dans la discussion des grandes questions qui affectent notre avenir à tous.

Je voudrais enfin, avant de terminer, adresser des remerciements tout spéciaux à Mme Raynauld qui nous fait l'honneur de sa présence aujourd'hui et qui a été victime récemment d'une maladie très sérieuse, et qui a accordé non seulement à son mari, mais aussi à l'Association libérale d'Outremont et à notre parti, 'au cours des dernières années, un appui indéfectible et exceptionnellement efficace.

Le Président: Merci, M. le chef de l'Opposition.

M. le premier ministre.

M. René Lévesque

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense que je n'ai pas la moindre hésitation, pas plus qu'aucun d'entre nous, à me joindre à ce que vient de dire le chef de l'Opposition, pour l'essentiel. C'est non seulement un homme de bonne compagnie, mais un homme de haute formation et dont la carrière professionnelle a été jalonnée de réalisations suffisamment importantes pour qu'on sache qu'on subit une perte ici, à l'Assemblée nationale, mais c'est un autre secteur de la société qui y gagnera d'ici quelques jours ou d'ici quelques semaines.

Le chef de l'Opposition avait raison, je crois, d'évoquer l'indépendance d'esprit et la rigueur intellectuelle, si j'ai bien saisi les deux expressions, comme deux des caractéristiques, on pourrait dire professionnelles et personnelles aussi, du député d'Outremont en temps normal. C'est peut-être cette indépendance d'esprit et cette rigueur intellectuelle qui en ont pris un coup depuis quelques années, la lutte partisane étant ce qu'elle est, les contraintes étant ce qu'elles sont. C'est peut-être pour ça que je n'irai pas jusqu'à dire qu'il était malheureux dans son rôle politique, mais on avait l'impression qu'il n'était pas toujours aussi à l'aise qu'il pouvait l'être dans d'autres secteurs. Cela paraissait souvent — c'est lui qui l'a évoqué — dans les préambules, pendant la période des questions, ce qui ne l'a pas empêché d'enrichir beaucoup de nos débats en matière budgétaire, en matière financière.

Je ne me hasarderai pas à commenter ce qu'il a dit sur le fédéralisme, puisqu'il considère que sa mission est accomplie de ce côté; on pourra y revenir. Mais que ce soit de ce côté où il a été très répandu pendant les années qui ont précédé son entrée en politique ou que ce soit de nouveau à l'université ou que soit ailleurs, je pense qu'on doit tous — le ministre des Finances a tenu à le faire, s'il en a l'occasion, dans quelques minutes, plus en détail — être d'accord pour lui souhaiter le succès le plus complet possible dans sa nouvelle carrière, avec un retour complet à l'indépendance d'esprit, à la rigueur intellectuelle et à l'objectivité scientifique, ce qui sûrement devrait encore continuer à enrichir notre société. Bon succès.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale. M. Michel Le Moignan

M. Le Moignan: Quelques paroles seulement, M. le Président. Je me souviens très bien qu'à la veille des élections fédérales de 1976 on parlait d'André Raynauld comme d'un homme de grandes promesses. Je n'avais pas eu l'occasion de rencontrer M. le grand économiste, président du Conseil économique du Canada, mais, la politique étant ce qu'elle est comme vient de le dire le premier ministre, le député d'Outremont nous quitte aujourd'hui. C'est avec regret que nous apprenons son départ. Ses raisons sont tout à fait personnelles et nous avons remarqué chez lui un homme de travail, un homme très positif, un homme qui a certainement apporté une très belle contribution à nos travaux parlementaires, surtout à nos commissions parlementaires.

Nous le voyons donc partir avec regret et nous lui souhaitons un avenir prospère dans la voie qui l'attend. En même temps, je suis sûr qu'il va contribuer à fournir au Québec et au Canada une contribution certainement appréciable au cours des années à venir. Pour nous, on se console de sa disparition, de son départ en disant que "partir, c'est mourir un peu". Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le chef de l'Union Nationale.

M. le ministre des Finances. (16 h 10)

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, je remercie l'Assemblée de fournir l'occasion de dire quelques mots à l'occasion du départ du député d'Outremont. Je le fais à plus d'un titre. Nous partageons la même carrière depuis 25 ans. Nous avons, depuis un quart de siècle, développé un certain nombre de liens d'amitié et nous nous sommes retrouvés dans cette Assemblée de part et d'autre.

Je pense qu'on se doit de souligner le sérieux avec lequel M. Raynauld a invariablement discuté des dossiers économiques, fiscaux et financiers que nous avons eu à traiter ici. Je ne pousserai pas l'humilité jusqu'à dire qu'il avait habituellement le dessus, mais je dois noter, cependant, qu'il a toujours fait notre admiration par sa capacité de rebondissement. La vie publique, pour un économiste, n'est pas facile. Le métier lui-même fait que, d'une part, les choses dont nous avons à traiter sont assez compliquées. D'autre part, nous avons tous le péché mignon de les compliquer davantage par notre langage et quand il s'agit de traduire cela en politique en termes clairs, on se pose constamment la question de savoir si, en simplifiant, on ne trahit pas et si, en essayant de faire comprendre, on ne devient pas faux. C'est une des difficultés qui ne sera jamais complètement résolue. Je dois dire simplement à M. Raynauld qu'en simplifiant, en essayant de faire comprendre les thèses qu'il défend, il aura, je pense, indiqué qu'on peut exercer ce métier et faire de la politique en même temps.

Ceci étant dit, il me reste, au nom, je pense, de tous ceux de cette Assemblée, à lui souhaiter la meilleure des chances et nos meilleurs voeux pour les années qui viennent. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le ministre des Finances.

M. Raynauld, vous avez la parole.

M. André Raynauld

M. Raynauld: Juste un mot, M. le Président, pour remercier ceux qui ont eu de si bonnes paroles à mon endroit. Le député de Gaspé, d'abord. Je veux aussi dire que j'ai été très sensible au rappel du chef du Parti libéral de notre très très longue amitié et à celui de notre travail et de notre étroite coopération et collaboration depuis plusieurs mois. Je suis également sensible aux observations que le ministre des Finances a pris l'initiative de faire. S'il est vrai qu'on est toujours pris entre des tâches pédagogiques et des tâches de vérité, lorsqu'on ajoute la politique par-dessus cela, cela devient des difficultés très grandes. Je voudrais également peut-être parler des maladresses auxquelles M. le premier ministre a fait allusion lui-même de son côté, mais je voudrais lui dire que vers la fin, apparemment, cela s'améliorait de mon côté un peu. A cet égard, je voudrais lui dire, sans malice, que c'est à la suite de notre grande victoire au référendum que j'ai décidé de me retirer et que, j'espère, le gouvernement en arrivera à la même conclusion bientôt.

Le Président: Nous en sommes à l'enregistrement des noms sur les votes en suspens. Il n'y a pas de vote en suspens aujourd'hui.

Proposition de débat sur l'attitude que

le gouvernement entend adopter à la

rencontre des premiers ministres

Je dois maintenant donner lecture d'un avis qui m'a été communiqué dans le délai prévu par notre règlement.

Québec, le 3 juin 1980, M. le Président, conformément à l'article 78 de notre règlement, je désire vous informer qu'avant l'appel des affaires du jour de la séance d'aujourd'hui j'ai l'intention de proposer que soit tenu un débat pour discuter la position que le gouvernement québécois entend adopter à la rencontre des premiers ministres sur la réforme constitutionnelle qui se tiendra le 9 juin 1980.

Il s'agit donc d'une affaire importante de la compétence de l'Assemblée dont l'étude s'impose d'urgence et qui ne pourra être discutée dans un délai raisonnable par d'autres moyens.

Veuillez agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs. Et c'est signé du chef de l'Opposition officielle et député d'Argenteuil.

M. le chef de l'Opposition officielle, je vous indique immédiatement que je suis entièrement d'accord avec vous sur certains points de votre lettre, c'est-à-dire qu'il s'agit manifestement d'une

affaire déterminée, importante et d'intérêt public, qu'il s'agit également, quoique nous n'en sommes pas à l'extrême limite d'urgence, d'une question qui est assez urgente et qui, normalement, toutefois si elle devait être discutée, devrait l'être avant le 9 juin. Cela se conçoit assez aisément.

La seule chose sur laquelle j'ai encore des doutes, et c'est là-dessus que je voudrais que vous m'éclairiez, ce sont les possibilités, ce que vous évoquez d'ailleurs dans votre requête, dans votre avis, d'en discuter à un autre moment avant la date d'échéance. M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: M. le Président, je ne suis pas un expert des règlements de cette Chambre, comme vous le savez, j'ai pris conseil avant de vous écrire. Je n'aurais pas eu cette témérité autrement, vous connaissez ma modestie. Les faits vous sont bien connus, ce n'est pas nécessaire de vous les rappeler, je les évoque très très brièvement seulement pour vous donner le contexte.

Nous avons eu le référendum du 20 mai, il y a cette convocation adressée par le premier ministre du Canada au premier ministre du Québec et des autres provinces. La réunion doit avoir lieu le 9 juin prochain à Ottawa. Etant donné que nous sommes entrés dans la période de juin, nous n'avons pas les recours habituels. Nous n'avons pas la motion du mercredi, nous n'avons pas les possibilités de faire valoir nos opinions par les autres voies dont nous disposons en temps normal. Il nous a semblé, par conséquent, après étude sérieuse, que la motion que je vous soumets présentement était le recours le plus indiqué pour ce genre de débat et je vous soumets en toute simplicité que, si vous décidiez par exemple que ce débat ne devrait avoir lieu que demain ou après demain, cela me serait parfaitement égal. Il me semble que, si nous voulons que le gouvernement puisse tirer profit des opinions qui seront émises par les membres de cette Chambre, peut-être le plus tôt ce débat aura lieu, le mieux ce sera pour tout le monde. C'est simplement cet ordre de considération qui a inspiré ma démarche.

M. Charron: M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Si vous me le permettez. Le chef de l'Opposition vient lui-même de répondre préalablement à la question que j'allais lui poser en lui disant que, évidemment, avant le 9 juin, ce débat peut avoir lieu à un autre moment. Mais je voudrais informer l'Opposition officielle que la journée de jeudi après la période de questions, normalement, nous devrions, selon l'organisation des travaux, revenir aux quatre heures et quelque 42 minutes de débat sur le discours du budget qui avait été lui aussi laissé en suspens. Les chefs de parti, que je sache, n'ont pas encore participé à ce débat; si l'occasion paraîtrait au chef de l'Opposition convenable à ce moment, je puis l'assurer que le premier ministre sera présent lors de ce débat jeudi et pourra donc ainsi fournir la réponse que sollicite le chef de l'Opposition.

Le Président: Dans ces conditions, cela me paraît même plus équitable, mais à une condition, M. le leader parlementaire du gouvernement, c'est qu'il y ait un engagement afin que vous appeliez le discours du budget.

M. Charron: J'en prends l'engagement, M. le Président.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce qu'on peut, à ce moment-ci, vu l'engagement pris par le leader parlementaire du gouvernement, être sûrs qu'il n'y aura pas d'autres procédures qui pourraient, à ce moment, retarder l'horaire de nos travaux?

M. Charron: La seule, ce serait que le président accorde un débat d'urgence.

M. Levesque (Bonaventure): Oui. Est-ce qu'on a une garantie minimale de temps, autrement dit, M. le Président?

Le Président: Si le discours du budget est appelé, cela ne pose pas de problème.

M. Charron: Après la période des questions, donc vers 11 heures en matinée jeudi. (16 h 20)

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): II y avait une autre objection, M. le Président, malgré que nous apprécions cette ouverture, si vous voulez. Le chef de l'Opposition avait l'intention de parler normalement sur le discours sur le budget et ceci pourrait le priver de son droit. Je ne sais pas comment concilier son désir de parler et sur la motion d'urgence qu'il propose et également sur le discours du budget.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition, j'imagine qu'il n'y aura peut-être pas trop de problèmes. J'ai regardé dans la jurisprudence avant et toutes les décisions. Cela m'agaçait beaucoup. Si le chef de l'Opposition avait déjà parlé sur le discours du budget, je pense que j'aurais accordé immédiatement le débat d'urgence. J'ai fait vérifier et il ne s'est pas encore exprimé sur le discours du budget.

Dans toutes les décisions que j'ai consultées, il y a une jurisprudence absolument constante qui n'évoque jamais le fait qu'un membre ne se soit pas exprimé sur le discours du budget ou sur le discours inaugural. Ce n'est jamais évoqué, mais j'ai l'impression qu'il y aura peut-être possibilité

d'entente avec le leader parlementaire du gouvernement. Dans ces conditions, puisque jeudi le discours du budget sera appelé et que la garantie nous en est donnée, je pense qu'on va attendre à jeudi alors qu'on disposera de 4 h 42 plutôt que de 1 h 30 ici, ou à peu près.

M. Levesque (Bonaventure): Je ne sais pas si le leader parlementaire du gouvernement écoutait à ce moment-là, mais j'ai compris, M. le Président, que votre suggestion serait que nous pourrions trouver un moyen de permettre, à l'intérieur des 15 heures, cependant, prévues pour le débat sur le discours du budget, un certain moment où le chef de l'Opposition pourrait intervenir, même brièvement, dans le débat sur le discours du budget sans tenir compte du temps que personnellement il aurait pris; qu'il ait parlé deux fois, autrement dit.

M. Charron: Oui, mais en vertu même du règlement, M. le Président, le chef de l'Opposition a droit à une heure d'intervention à l'intérieur du débat. S'il choisissait de faire 45 minutes sur le sujet qu'il évoque aujourd'hui et qu'il garde ses brefs commentaires... En deux moments, je n'ai pas d'objection puisque cela conviendra à tout le monde.

M. Levesque (Bonaventure): On pourrait en faire un ordre de la Chambre, M. le Président.

M. Charron: Non, ce n'est pas nécessaire.

M. Levesque (Bonaventure): A ce moment-là, le chef de l'Opposition parlerait à deux reprises et n'importe qui, en Chambre, pourrait s'y opposer.

Une Voix: Pas dans le même discours.

M. Levesque (Bonaventure): Non, pas dans le même discours. Pas deux interventions dans le même discours.

Le Président: Parce que, aujourd'hui, il n'aurait droit qu'à 20 minutes.

M. Levesque (Bonaventure): Ce n'est pas sur le temps, M. le Président, c'est...

Le Président: C'est sur la possibilité de parler deux fois.

M. Levesque (Bonaventure): ... de parler, même à l'intérieur de la même heure, deux fois et, peut-être quelques jours plus tard, encore 15 minutes, s'il prend 45 minutes. C'est normal.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Je me suis peut-être avancé. Ce qui me console, c'est que le leader de l'Opposition ne m'a pas corrigé; donc, on devait avoir tous les deux la même opinion. Je disais que le chef de l'Opposition avait droit à une heure en vertu du règlement; or, à ce qu'on me dit, c'est à 30 minutes qu'il aurait droit. Si je lis le troisième paragraphe de l'article 127, M. le Président — vous l'avez comme moi — c'est une heure; alors, je ne m'étais pas trompé.

Ce que j'offre pour le moment, pour "clairer" la cuisine, c'est qu'on s'en tienne à l'heure à laquelle le chef de l'Opposition a droit, ce à quoi le premier ministre a droit aussi. S'il choisit de le faire en deux moments, nous en conviendrons.

Le Président: Aux avis à la Chambre, M. le leader parlementaire du gouvernement.

Travaux parlementaires

M. Charron: M. le Président... En vertu de l'article 34? Oui, bien sûr.

M. Forget: Dès le dépôt du projet de loi amendant le Code civil, en mars, je crois, j'avais demandé au ministre de la Justice de même qu'au leader du gouvernement quelles dispositions ils étaient prêts à prendre pour permettre l'examen le plus convenable possible d'une loi amendant le Code civil de façon très générale et très fondamentale. On avait pris en délibéré, du côté du gouvernement, la possibilité même de créer une commmission spéciale de la nature de celle qui avait fait le travail lors de la révision du Code de procédure civile il y a un bon nombre d'années et on devait nous donner une réponse. Est-ce qu'il ne serait pas approprié que le gouvernement nous indique ses intentions quant à la procédure qui sera utilisée pour étudier le Code civil et, en particulier, ouvrir la possibilité qu'une telle commission parlementaire puisse entendre des gens avant la deuxième lecture?

M. Charron: Mme la Présidente, sur ce sujet même, au cours de la fin de semaine dernière, le gouvernement s'est entendu sur une proposition à faire aux partis d'Opposition. Je n'ai pas l'intention de la faire ici pour le moment. Je veux simplement dire qu'il y aura, en cours de semaine, comme à toutes ces périodes de fin de session, une rencontre des leaders parlementaires et, à cette occasion, de mon vis-à-vis de Bonaventure et, par la suite, du caucus, vous connaîtrez cette proposition que nous voulons faire.

La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Ce qui nous a surtout ramenés à cette reprise de la session, c'est évidemment le fait que l'étude des crédits n'est pas terminée. Donc, tous les travaux de la Chambre, cette semaine comme la semaine prochaine, seront prioritairement consacrés à cette tâche.

Je donne donc avis que, ce soir, la Chambre ne siégera pas afin de permettre à trois commissions d'avancer dans le travail de l'étude des

crédits. Au salon rouge, ce sera la commission des loisirs; à la salie 81-A, la commission de l'environnement et à la salle 91-A, la commission de l'éducation entamera son travail.

Cet après-midi, toutefois, la Chambre s'adonnera à l'étude des projets de loi au nom du ministre du Revenu, qui sont au feuilleton. J'indiquerai dans quelques instants l'ordre dans lequel les quatre lois, au nom du ministre du Revenu, seront appelées. Je fais motion pour que, jusqu'à 18 heures, pendant que l'Assemblée étudiera ces lois, puissent se réunir la commission des loisirs et la commission de l'environnement, aux deux salles que j'ai indiquées, afin qu'elles reprennent l'étude des crédits de ces ministères respectifs.

La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est adoptée?

Une Voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté.

M. Charron: Ce soir, dans l'avis que j'ai donné, ces deux commissions continuent et s'ajoute la commission de l'éducation à la salle 91-A, de 20 heures à 24 heures.

La Vice-Présidente: Les deux commissions peuvent maintenant siéger.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Je vous prierais d'appeler, Mme la Présidente, et j'en donne avis tout de suite si je peux avoir l'attention de mon vis-à-vis de Bonaventure pour un instant, l'ordre dans lequel vont venir les projets de loi. Je prends les articles au feuilleton, les quatre projets de loi du ministre du Revenu: l'article 9, l'article 17, l'article 16 et l'article 15. Je vous prie donc d'appeler l'article 9, Mme la Présidente.

Projet de loi no 80 Deuxième lecture

La Vice-Présidente: A l'article 9 du feuilleton d'aujourd'hui, il s'agit de la motion de deuxième lecture de M. le ministre du Revenu, proposant que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 80, Loi modifiant la Loi sur les droits successoraux et modifiant de nouveau la Loi sur les impôts.

M. le ministre du Revenu.

M. Michel Clair

M. Clair: Mme la Présidente, le 22 décembre 1978, une nouvelle loi sur les droits successoraux était sanctionnée. Cette loi, concrétisant la réforme des droits successoraux et de l'impôt sur les dons, introduite par le discours sur le budget du mois d'avril de la même année, était en grande partie de droit nouveau. C'est ainsi qu'au fil des mois et à la lumière des commentaires qui ont été accumulés, nous avons été amenés à modifier certaines règles ou à en préciser l'application.

Le projet de loi no 80 que nous étudions aujourd'hui en deuxième lecture donne suite aux mesures annoncées par la déclaration ministérielle du 21 décembre 1979 de mon collègue, le ministre des Finances. Parmi toutes les modifications qui y sont contenues, une des plus significatives est certainement la nouvelle exemption de $75 000 en faveur du bénéficiaire d'une succession qui est le père ou la mère de la personne décédée ou de son conjoint. Ceci vient compléter le système d'exemption qui s'applique actuellement en mettant les père et mère sur le même plan que les enfants qui bénéficient eux aussi actuellement d'une exemption de $75 000 chacun.

D'autre part, les organismes de charité, les associations culturelles ou de sport amateur qui sont déjà exemptés du paiement de droits lorsque des biens leur sont transmis en pleine propriété, pourront bénéficier de cette même exemption lorsque l'usufruitier ou l'usager du bien légué est le conjoint de la personne décédée. (16 h 30)

Par exemple, si je laisse tous mes biens à une congrégation religieuse, mais en laissant l'usage à mon conjoint sa vie durant de cesdits biens, cette congrégation bénéficiera d'une exemption totale des droits successoraux. Par contre, si je laisse l'usage de ces mêmes biens à mon frère ou à un ami, les droits ordinaires devront être payés par la congrégation. Voilà encore, je pense, Mme la Présidente, un moyen par lequel nous cherchons à encourager les dons aux organismes et associations poursuivant des buts charitables au Québec en reconnaissant le caractère spécifique des organismes de charité.

D'autre part, les conjoints eux-mêmes bénéficient d'une exemption complète lorsque des biens leur sont transmis directement ou lorsqu'ils sont bénéficiaires d'une fiducie créée pour leur bénéfice exclusif leur vie durant. Par exemple, si dans mon testament on retrouve une telle fiducie en faveur de mon conjoint et que le seul bien laissé en fiducie est un immeuble à revenus, mon conjoint n'aura à payer aucun droit successoral sur cet immeuble. Par contre, si je crée une fiducie au bénéfice de mon conjoint et de mes enfants, mes biens ne seront pas complètement exemptés, mais toutefois, chaque bénéficiaire profitera d'une exemption de $75 000.

Conséquemment à ces modifications, il nous fallait de plus modifier les dispositions correspondantes de la Loi sur les impôts et ce, afin d'harmoniser les dispositions concernant les dons et les successions.

Enfin, le délai de prescription pour que nous puissions émettre un avis de cotisation est modifié. Ces changements permettront au ministère d'agir lorsque des renseignements sont portés à sa connaissance n'importe quand, mais le forcera également à agir plus rapidement en ramenant à deux ans le délai dans lequel le ministère du Revenu pourra émettre un nouvel avis de cotisation après avoir pris connaissance de nouveaux renseignements.

Les autres amendements apportés par le projet de loi no 80 sont de nature encore plus technique et permettent de clarifier certaines dispositions ou d'élargir leur champ d'application. Nous pourrons voir cela en détail au moment de l'étude article par article. Je désire cependant annoncer immédiatement, Mme la Présidente, que j'aurai alors quelques amendements techniques à apporter, à présenter lors de l'étude en commission parlementaire.

En terminant, Mme la Présidente, j'aimerais insister sur un point qui suscite encore bien des commentaires tant de la part de l'Opposition que de certains groupes bien identifiés de la société québécoise. Cette question est la suivante: Pourquoi le gouvernement du Québec continue-t-il à percevoir des droits successoraux? Les revenus engendrés par les droits successoraux peuvent sembler, à première vue, une source de moindre importance par rapport aux autres sources de revenus et à laquelle le gouvernement pourrait renoncer facilement. Pour un ordre de grandeur, ces revenus étaient, l'an dernier de l'ordre de $40 000 000, ce qui n'est pas insignifiant.

Il y a quelques raisons qui motivent notre choix, Mme la Présidente, de maintenir les droits successoraux. D'abord, cela découle de cette idée de l'équité sociale que se fait notre gouvernement. Il nous apparaît normal et sain, dans une société démocratique, de demander à des contribuables qui ont joui leur vie durant d'un système économique et fiscal qui a accéléré l'accroissement de leurs capitaux de payer en contrepartie une certaine redevance à l'Etat après leur décès. Celui-ci peut ainsi améliorer la situation de groupes plus démunis avec les sommes ainsi perçues. En ce sens, notre politique est identique à celle de plusieurs gouvernements dits sociaux-démocrates à travers le monde. D'ailleurs, même le fisc américain perçoit toujours des droits sur les successions.

Les provinces canadiennes, pourrait rétorquer l'Opposition, ont abandonné ce champ d'imposition fiscale depuis un certain temps. Ce phénomène s'explique facilement, Mme la Présidente. D'une part, les gouvernements sociaux-démocrates ne pleuvent pas à l'ouest de l'Outaouais et, d'autre part et surtout, le Québec est le seul gouvernement provincial qui possède un appareil administratif structuré et organisé pour percevoir directement ses impôts.

L'existence du ministère du Revenu québécois a permis à la société québécoise de développer sa propre expertise en ce domaine et de contrôler ce secteur complexe à des coûts très minimes. Si d'autres provinces ont abandonné ce champ, c'est pour beaucoup et probablement justement à cause de cette lacune majeure pour elles que représentait l'inexistence de cette structure administrative sophistiquée. De ce fait, les coûts de perception étaient beaucoup trop élevés par rapport aux revenus gagnés. Mme la Présidente, certaines provinces étudient actuellement assez sérieusement, semble-t-il, la possibilité de se doter de ministères du Revenu provinciaux com- me le Québec l'a fait depuis 20 ans, afin de percevoir comme nous directement leurs taxes et impôts, une fois ces appareils créés, je ne serais pas surpris que l'on réinstalle l'impôt sur les successions sans délai.

En terminant, Mme la Présidente, j'aimerais simplement rappeler à mes collègues de l'Opposition que je pourrai mettre rapidement à leur disposition certains amendements techniques qui seront étudiés en commission parlementaire lors de l'étude article par article.

Voilà, Mme la Présidente, les commentaires que je voulais faire au moment de l'étude en deuxième lecture du projet de loi no 80.

La Vice-Présidente: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Merci, Mme la Présidente. Nous venons d'entendre un discours archiparfait du camouflage de ce gouvernement en ce qui concerne la politique des droits successoraux du gouvernement. Avant de parler de cette question, je veux simplement encadrer la situation dans laquelle le ministre du Revenu se trouve et rappeler un peu à la population la situation dans laquelle on était lors du discours du budget et dans l'économie du Québec avant de quitter cette Chambre il y a quelques semaines.

Il faut situer le débat, parce que c'est essentiel pour comprendre les décisions du ministre dans les lois qu'on va discuter cet après-midi. Nous sommes devant le pire exemple — l'exemple le plus parfait — de mauvais gouvernement que nous ayons jamais vu au Québec; un déficit record...

M. Clair: J'invoque le règlement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Sur la question de règlement, M. le ministre du Revenu.

M. Clair: J'invoque le règlement, Mme la Présidente, parce que je crois qu'on a devant nous un projet de loi précis. Le député est mal venu d'essayer de reprendre des discussions générales. Notre règlement dit fort bien que le discours en deuxième lecture doit porter sur les principes du projet de loi. Sans être désagréable pour mon collègue, il y aura d'autres moments pour faire des remarques d'ordre général, s'il veut le faire, mais, à ce moment-ci, il faudrait discuter du principe du projet de loi.

La Vice-Présidente: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Sur la question de règlement, Mme la Présidente. Je pense que l'exemple de la pertinence du débat qui a été établi lors du débat sur la question référendaire peut servir pour les fins de nos débats pour l'avenir.

Une Voix: Non!

La Vice-Présidente: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, il y a un article 120 du règlement, je vous demanderais de vous y conformer, s'il vous plaît!

Une Voix: Vous n'êtes pas à la bibliothèque ici.

La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît, M. le député.

M. Scowen: Mme la Présidente, je vais terminer mes commentaires sommaires très brièvement. Nous sommes devant un projet de loi et ce projet de loi doit être compris dans le cadre d'un déficit prévu pour cette année de $2 500 000 000, et il sera plus élevé que ce montant, parce que ce déficit est basé sur un taux de croissance de 1,5%. Or, c'est maintenant clair qu'il n'y aura pas de croissance économique au Québec cette année. Le ministre des Finances lui-même, il y a quelques semaines, nous a admis qu'il faut prévoir au moins $75 000 000 de plus...

La Vice-Présidente: M. le député, vous pouvez toujours intervenir sur le discours du budget, mais nous sommes actuellement à faire le débat sur la motion de deuxième lecture du projet de loi no 80 concernant les droits successoraux. Je ne vous relirai pas l'article 120, mais je vous demanderais, s'il vous plaît, de vous en tenir à la pertinence du débat, M. le député.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Oui, M. le leader, sur la question de règlement sans doute?

M. Levesque (Bonaventure): Si vous me le permettez. Oui, c'est simplement parce que j'étais un peu à l'écart et que je n'ai pu intervenir sur la question de règlement soulevée par le ministre du Revenu. Mme la Présidente, je ne veux mettre en doute quoi que ce soit quant à la portée de la décision que vous avez rendue. (16 h 40)

Puis-je soumettre respectueusement qu'il s'agit présentement d'un projet de loi qui donne suite à un énoncé du ministre des Finances, qui était le discours du budget, et dans lequel le ministre des Finances faisait part des moyens qu'il entendait prendre pour faire face aux dépenses de l'année? Parmi ces moyens il y avait des mesures d'ordre fiscal et on retrouve une partie de ces moyens dans les projets de loi que nous avons à étudier cet après-midi. Dans les circonstances, il est très difficile, Mme la Présidente, et je le soumets respectueusement, de dissocier une politique budgétaire comme celle contenue dans le discours du budget des projets de loi qui sont présentés à cette Assemblée et qui donnent suite au discours du budget; il est bien difficile de passer à côté de l'article 120 qui, je le rappelle, mentionne que le débat sur toute motion de deuxième lecture doit être restreint à la portée, à l'à-propos...

La Vice-Présidente: Aux principes fondamentaux.

M. Levesque (Bonaventure): Je sais que vous le savez par coeur, Mme la Présidente! ... aux principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de loi, ou à toute autre méthode d'atteindre ses fins. J'insiste particulièrement...

La Vice-Présidente: ... du projet de loi, M. le leader.

M. Levesque (Bonaventure): Oui, à toute autre méthode d'atteindre les fins du projet de loi, en effet. Or, le projet de loi découle essentiellement du discours du budget du ministre des Finances; c'est pourquoi il est dans l'ordre, pas peut-être de faire porter toute l'intervention, comme on le ferait dans le débat sur le discours du budget, mais je pense qu'il faut avoir une certaine latitude, à ce moment-ci, parce que ces projets de loi découlent justement du discours du budget. Je pense bien qu'on a le droit de parler du discours du budget dans le sens de se demander — c'est ça, un discours du budget — quels sont les moyens que prendra le gouvernement afin de faire face aux obligations contenues dans les crédits qu'on votera à ce gouvernement.

Il est bien normal, Mme la Présidente, lorsqu'on étudie les projets de loi qui découlent des déclarations contenues dans le discours du budget, qu'on puisse référer au discours du budget; référer, je ne dis pas de passer complètement son temps là-dessus.

M. Bertrand: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le leader adjoint.

M. Bertrand: Sur la question de règlement, je voudrais simplement vous faire valoir qu'il me semble, d'abord, que l'article 120 parle par lui-même.

Deuxièmement, si les règlements de l'Assemblée nationale prévoient la tenue d'un discours sur le budget, d'un débat sur le budget, c'est que justement ce discours ou ce débat sur le budget est censé permettre à tous les parlementaires d'apprécier le budget dans son ensemble ou même d'entrer dans certaines particularités. Si justement il y a une loi prévue aux fins, pour le ministre du Revenu, d'expliquer un des aspects de l'application de ce budget, je pense que le règlement doit être appliqué intégralement et ne pas laisser place au discours que le député de Notre-Dame-de-Grâce voulait faire dans le cadre du discours sur le budget.

La Vice-Présidente: Sur la question de règlement, M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Sur la question de règlement, Mme la Présidente; si j'ai bien compris le député de Notre-Dame-de-Grâce et le député de Bonaventure, ils devraient être en mesure de relier la loi qui est présentée à cette Assemblée nationale aux

moyens dont le gouvernement aurait besoin pour financer son déficit. Or, étant donné que cette loi propose des réductions de taxes, je ne vois vraiment pas en vertu de quoi on peut utiliser cette loi pour financer un déficit; la loi annonce des baisses de taxes.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, parlant sur cette question, que je jugerais pertinente, en d'autres circonstances, de la part du ministre des Finances, puis-je simplement rappeler ceci? Ce n'est pas une question de savoir — parce qu'ici on part d'un principe — si on peut en ajouter ou en enlever, et qu'on peut parler seulement si on en enlève, alors qu'on ne pourrait pas parler si on augmente. Ce n'est pas ça; peut-être que le député de Notre-Dame-de-Grâce — attendons ce qu'il a à dire — a des suggestions pour dire: Voici, vous pourriez diminuer davantage les droits successoraux et par contre trouver d'autres moyens. Je ne parle pas au nom du député de Notre-Dame-de-Grâce, mais au moment où j'interviens dans ce débat, sur une question de règlement, je suis comme vous, Mme la Présidente, j'ignore quels sont les moyens qu'entend suggérer l'honorable député de Notre-Dame-de-Grâce.

La Vice-Présidente: A la suite de vos suggestions, M. le leader, nous avons quand même lu l'article 120 du règlement qui dit bien que vos propos doivent être restreints à la portée du projet de loi, aux principes fondamentaux, à la valeur intrinsèque. Je vous demanderais, M. le député... Bien sûr, on pourrait comprendre qu'il y ait, à un certain moment, une incidence vers le budget, mais je vous demanderais simplement de vous en tenir à l'esprit du règlement et de ramener vos propos au projet de loi no 80. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Merci, Mme la Présidente, et merci à tous ceux qui ont fait une contribution à cette question de règlement. Je n'ai pas l'intention de poursuivre cette démarche que j'ai faite, sauf de dire que nous aurons beaucoup d'occasions dans les semaines à venir de parler de cette question de bon gouvernement, quand nous sommes devant un gouvernement qui nous a promis un déficit de $2000 par famille cette année. Mme la Présidente, je vais retourner directement à la question des droits successoraux. Le ministre a dit, quand il a justifié son intention sur les droits successoraux, que le Québec est la seule province sociale-démocrate à l'est de l'Outaouais. Mme la Présidente, il y a une autre province sociale-démocrate...

M. Clair: Question de privilège.

La Vice-Présidente: Sur une question de privilège, M. le député...

M. Scowen: S'il vous plaît, madame.

M. Clair: Question de privilège. Le député,

Mme la Présidente, me cite mal. C'est pour rétracter les propos qu'il me prête. Je n'ai jamais dit — en vertu de l'article 96, est-ce que cela fait l'affaire du député de Nicolet-Yamaska?...

M. Gratton: Question de règlement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Je vais régler la chose, si les gens veulent bien m'apporter leur collaboration.

M. Gratton: Question de règlement.

La Vice-Présidente: Je pense, M. le député, que votre intervention va aller dans le même sens que la mienne. Si cela n'est pas le cas... M. le député, est-ce que je pourrais vous demander la même collaboration que celle que j'entends vous accorder maintenant? Je vous dis que si les propos que je vais tenir maintenant ne correspondent pas à ceux que vous alliez tenir, je vous accorderai la parole sur la question de règlement. M. le ministre, je vous demanderais, si vous voulez invoquer l'article 96, puisque le député de Notre-Dame-de-Grâce ne permet pas maintenant que vous le fassiez, d'attendre à la fin de son intervention.

M. Gratton: Question de règlement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Votre question de règlement, puisqu'elle ne coïncide pas avec ce que j'en avais attendu.

M. Gratton: Merci, Mme la Présidente. Je voulais simplement vous demander de demander au ministre du Revenu, lorsqu'il entend invoquer l'article 96 pour rétablir des faits, qu'il ne fausse pas la façon de procéder en prétendant avoir une question de privilège quand il n'en a pas une.

M. Clair: Que le député de Gatineau fasse de même avec les questions de règlement.

La Vice-Présidente: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Je remercie de nouveau tous mes collaborateurs dans ce débat. Je vais essayer de continuer de parler du fond, Mme la Présidente.

Il existe au Canada une deuxième province sociale-démocrate, la Saskatchewan, et la Saskatchewan a enlevé tous les droits successoraux. Quand le premier ministre de la Saskatchewan s'est fait demander comment, dans une province socialiste, il pouvait accepter de ne pas avoir de droits successoraux, il disait deux choses en réplique. Il disait: Nous sommes socialistes, mais nous ne sommes pas stupides. Il disait, deuxièmement: Si vous voulez traire une vache, il faut que vous l'ameniez d'abord dans votre propre pâturage. Mme la Présidente, les effets de ces droits successoraux sont néfastes pour la popu-

lation du Québec et surtout pour les personnes que nous voulons davantage privilégier, les entrepreneurs, les propriétaires des petites et moyennes entreprises québécoises. Nous avons soulevé ce problème à maintes reprises; nous sommes la seule province du Canada à imposer des droits successoraux, une taxe successorale aux entrepreneurs, aux propriétaires des compagnies québécoises de notre province.

Imaginez-vous, Mme la Présidente, une personne de la Beauce, du Saguenay, de Montréal qui commence à 30 ans à développer une compagnie, qui travaille, qui fait exactement ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce, exactement ce que le ministre d'Etat au développement économique veut qu'on fasse ici, soit développer nos propres entreprises québécoises. Cette personne se trouve, à la fin de sa carrière, le seul entrepreneur canadien, le seul de toutes les provinces qui soit obligé de liquider une partie de sa compagnie dans les brefs délais — bien sûr, des délais sont accordés — pour trouver de l'argent à payer au fisc.

Mme la Présidente, il y a trois raisons qui ont été soulevées, au cours des années passées, pour justifier les droits successoraux. Premièrement, c'est une source de revenu; deuxièmement, le cas a été soulevé, il est important d'avoir des droits successoraux pour harmoniser le droit de gain de capital, les taxes de gain de capital; troisièmement, il a été souvent allégué que celle-là était d'ordre symbolique.

Le ministre a révélé, aujourd'hui, clairement que ce n'est pas pour les fins de revenu parce qu'il est infime, très petit, le total qu'on perçoit dans ce domaine. Il n'a même pas essayé de nous expliquer que c'est nécessaire pour faire la concordance avec les taxes de gain de capital. C'est clair que ce n'est pas le cas. Il y a d'autres moyens de le faire. Il a dit clairement à la population du Québec et à la population du Canada... Il faut rappeler que la population du Québec et la population du Canada peuvent circuler entre les deux, les Québécois sont libres de partir et aller habiter en Ontario et le contraire. Il a dit clairement aujourd'hui, à toute la population, qu'il a l'intention de garder les droits successoraux au Québec pour des raisons purement symboliques. Il a dit: Nous sommes un parti social-démocrate, nous sommes le seul ou presque le seul, et si vous voulez rester au Québec, sous un gouvernement du Parti québécois, il faut que vous acceptiez d'avoir un gouvernement social-démocrate qui va percevoir des impôts, non pas parce que c'est quelque chose d'intéressant en termes de fonds, mais pour des raisons symboliques. On veut dire, à vous, les entrepreneurs québécois, pour des raisons symboliques: Quand vous mourrez, vos enfants, votre femme vont liquider une partie de votre compagnie pour payer au gouvernement du Québec une somme qui équivaut à 20% ou 25%, qui réduit d'une façon infime dans cette nouvelle loi, sous forme d'impôt, avec le résultat très souvent que la compagnie sera obligée de vendre une partie ou la totalité aux autres.

D'un seul coup, on encourage les entrepreneurs à agir ailleurs, on encourage les vaches à chercher un autre pâturage, on encourage les jeunes, les enfants des parents qui ont construit quelque chose à ne pas s'intéresser à cette compagnie.

Je sais très bien que le ministre peut dire en réplique que, oui on a assoupli la loi; oui, on donne des délais raisonnables; oui, il y a des limites, des plafonds et des planchers. Cela existe, il y a des exceptions, on n'a pas des droits successoraux à 100%, Dieu merci, mais le fait que c'est la seule province au Canada, dans ce marché libre, dans ce pays où nous avons le droit complètement libre de déménager d'une partie à l'autre, nous sommes le seul endroit à garder ces droits successoraux et seulement pour des fins symboliques.

Le symbolisme coûte trop cher. Il faut devenir concurrentiel. Il faut commencer à arrêter de défavoriser les entrepreneurs québécois qui commencent depuis maintenant quinze ou vingt ans à se lever et à faire des choses intéressantes dans beaucoup de domaines et qui se trouvent à la fin de leur carrière devant le mur du fisc québécois.

Pour ces raisons, vous pouvez imaginer que nous n'avons pas l'intention de voter en faveur de ce projet de loi. Nous aurons des choses plus spécifiques à dire durant l'étude article par article. Merci beaucoup.

La Vice-Présidente: M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Merci, Mme la Présidente. Le gouvernement du Parti québécois nous avait déjà présenté — on s'en souvient — un projet de loi issu d'une déclaration ministérielle du ministre des Finances aux environs du mois de décembre dernier. Ce projet de loi, qui porte le no 80, apporte, bien sûr, quelques modifications d'ordre technique, mais aussi une exemption, comme l'a dit le ministre du Revenu tout à l'heure, de $75 000 pour les père et mère des personnes qui décèdent.

Je dois avouer qu'étant donné que le gouvernement tardait à présenter ce projet de loi en deuxième lecture j'espérais voir dans le discours du budget du représentant du ministère des Finances l'abolition purement et simplement des droits successoraux. De fait, il y a eu des mesures annoncées lors de ce budget, sauf que ce ne furent pas celles que j'espérais; des changements de chiffres et à peu près rien de plus. Nous retrouvons donc, par l'entremise du projet de loi no 104, ces modifications annoncées lors du discours...

M. Clair: J'invoque le règlement, Mme la Présidente.

M. Goulet: Je comprends ce que le ministre veut dire.

M. Clair: J'invoque le règlement, Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: M. le ministre du Revenu.

M. Clair: ... simplement pour dire que le député a sûrement fait erreur; on étudie actuellement le projet de loi no 80.

M. Goulet: Le ministre conviendra avec moi que l'un n'ira pas sans l'autre, mais j'en conviens. ... lors du discours du budget qui viennent, en quelque sorte, compléter ce que le projet de loi no 80 nous annonce.

Je ne cache pas ma déception devant des changements que je qualifie de timides de la part du gouvernement. Il y a longtemps que l'Opposition et surtout la classe de gens touchés par ces droits successoraux réclament leur abolition purement et simplement. Il est inutile de rappeler également au gouvernement que nous restons la seule province au Canada à continuer d'imposer des droits successoraux. Je suis d'avis que cette forme d'imposition est une certaine nuisance et fait un certain tort à la province de Québec sur le plan économique, et rapporte assez peu de choses dans son concret.

Cet acharnement de la part du gouvernement à continuer de percevoir des droits de succession incite certaines personnes du Québec à partir vers d'autres provinces, à quitter pour l'étranger. Ce qui est désolant, c'est que ces gens font partie, en majorité, du groupe de ceux qui sont les plus dynamiques pour l'essor de notre économie, de notre société. Donc, c'est plus qu'une perte démographique, mais une perte sur le plan de notre prospérité.

Le ministre des Finances, lors du discours du budget, et le ministre du Revenu, aujourd'hui, pourront rétorquer qu'on a changé profondément la taxation et que maintenant on ne taxe pas la succession, mais les bénéficiaires, ce qui, d'après lui, est beaucoup plus aléatoire étant donné que le bénéficiaire hésitera à quitter la province, ne sachant pas qu'il est effectivement bénéficiaire. Vous me permettrez de douter de la valeur de cet argument parce qu'il est loin d'être établi qu'une telle mesure est un frein à l'exode de groupes ou de certaines personnes.

J'admets cependant que tout bon gouvernement doit contribuer, dans toute la mesure du possible, par son attitude et ses politiques, à une répartition toujours plus équitable des richesses. L'image qui me vient à l'esprit est le Robin des Bois des temps modernes qui enrichit les pauvres en appauvrissant les riches. Un élément de cette richesse qu'on veut répartir est les droits successoraux que seul le gouvernement du Québec au Canada perçoit en ce moment. Mais est-ce vraiment un élément essentiel à la répartition de la richesse ou si on préfère que les revenus que le gouvernement retire des droits successoraux constituent une part primordiale de son revenu?

On sait également que la catégorie de citoyens affectés par les droits successoraux est essentiellement composée, comme le disait mon collègue de droite, d'entrepreneurs, de gestionnaires, de rentiers et aussi, bien sûr, de créateurs d'emplois. Or, cette catégorie de citoyens est caractérisée par une très grande mobilité sociale. Aujourd'hui, on sait qu'un déménagement n'effraie plus les jeunes, ni les moins jeunes, surtout s'il est compensé par un avantage matériel tangible. Je tiens, cependant, à apporter une précision. Je n'affirme pas que parce que le gouvernement du Québec reste le seul à percevoir des droits successoraux ces gens vont quitter le Québec à tout prix; ce n'est pas ce que je veux dire. Je fais seulement une évaluation du danger que comportent les droits successoraux sur une certaine catégorie de gens caractérisée par une mobilité mais aussi par un dynamisme pour l'économie d'une région ou même d'une province. (17 heures)

Personne n'aime payer des impôts et chacun, on le sait, prend les moyens mis à sa disposition pour alléger son fardeau fiscal. Je dirais même, sans me tromper, que les gens à hauts revenus ont plus tendance à vouloir payer moins d'impôts que les classes moins fortunées; peut-être aussi que les possibilités de réduire leurs charges fiscales sont plus à leur portée, j'en conviens. Mais, dans les faits, même si le gouvernement, en s'entêtant à vouloir maintenir les droits successoraux, réussissait à accroître son revenu, les quelques malheureux millions qu'il gagnerait lui coûteraient extrêmement cher. En effet, les départs qui risquent de se produire peuvent compromettre, dans une certaine mesure, la santé et le dynamisme de notre économie.

Comme je le disais auparavant, la catégorie de gens frappés par les droits successoraux est constituée d'entrepreneurs, de gestionnaires qui sont d'importants créateurs d'emplois et, dans le même ordre d'idées, sont parmi les plus mobiles. Alors, je vous pose tout simplement la question: Est-ce que le gouvernement peut prendre ce risque? Est-ce qu'on doit se demander également si cette imposition ne pénalise pas, au fond — je pense que c'est l'essentiel — le mérite, le travail et même l'initiative personnelle et également l'épargne. C'est vrai qu'un bon gouvernement se doit de voir à une répartition juste des richesses, mais il faut que les mesures qu'il prend soient assez souples pour ne pas provoquer un exode des gens fortunés. Par le fait même, ce seront les moins nantis qui devront payer la note.

En terminant, je qualifie ces changements de très très timides; ils sont loin de fournir tout ce que l'on espérait mais, quand même, étant donné que ce sont des petits changements qui vont dans le sens que nous aurions aimé qu'ils aillent mais de façon plus grande, nous souscrirons à ce projet de loi en deuxième lecture.

La Vice-Présidente: M. le député de Pointe-Claire.

M. William Shaw

M. Shaw: Mme la Présidente. Il would like to take a few minutes to express some of my concerns about bill 80, which, in a sense is

improving some of the characteristics of the succession duties which this government has chosen to retain.

Succession duties which previous governments had agreed, with the governments of the other provinces of Canada, should be progressively eliminated in return for the application of a capital gains tax a number of years ago. An accord that was worked in fairness to the double form of taxation that is represented by succession duties and or capital gains. Perhaps this is even more evident, Madam President, in this period of stagflation, where the equity represented by real estate and other holdings has so dramatically increased over the past decade, where succession duties, at 25% on some holdings now, represent the total capital investment at the original period of time and has nothing to do with the debt generation and the taxes that were paid on the acquiring of this equity over the period that this money has been acquired.

But this government chooses to continue this form of double taxation. In other words, Madam President, in acquiring this equity, the tax payer . has already paid his taxes; he has paid his corporate taxes and his personal income tax. He has generated and accumulated an amount of money. The only part of his equity that he can suggest is free of taxation are exchanges made in the sale of his own private home. Every other area of income has been, at one time or another, subjected or can be, in the future, subjected to taxation.

For this reason, the governments of the provinces accepted that the concept of this very unfortunate kind of tax were so counterproductive that they should be eliminated from the national, the Canadian tax scene. It was interesting that the Minister of Revenue suggested that social democratic parties thought that the retention of succession duties was part of a platform of socialism because it truly identifies this kind of direction of this government but it does not, in fact, coincide with the truth as my honourable colleague from Notre-Dame-de-Grâce has noted, that the other socialist government in Canada, the New Democratic Party in the province of Saskatchewan eliminated its succession duties because it knows of the disadvantages of retaining succession duties in a country where the other provinces no longer hold these taxes.

I can recall just a few years ago, Madam President, when the only province in Canada that did not have succession duties was the province of Alberta and the phenomena that were developing at that time for people who had capitalized their equity and decided to transfer these funds to the province of Alberta in order to avoid taxation. And just one item, Madam President, in this single area of taking cash in bank and other holdings which generate income, which is subject to taxation, having moved it from the province of Québec or another province to the province of Alberta has reduced that form of income from the government's potential tax basis.

But this government does not seem to understand. It knows how to spend. There is no question about it with an increasing spending since this government has come to power of 70% and yet, at the same time, we have had a basic increase in revenues of only 34%, and most of this due to the fact that we have only increased taxes and inflation. We are still the heaviest taxed province in this country and one which is accumulating a very dangerous level of deficit position.

Madam President, if there was something positive about succession duties, if there was a general policy across this country of succession duties, then the government's attitude of retaining these taxes would make some sense. But, Madam President, when you have the only province in Canada that retains this tax and when the people of this province have every opportunity to capitalize their investment and move their capital from this province prior to an anticipated passing, we are losing primary income generators on which the taxes that would be generated would far greatly exceed those that would be garnered by retaining succession duty in this province. But, for some reason, perhaps in the background, in the training of the Minister of Finance and the Minister of Revenue, the succession duty seems to be a hallowed area, an area that they must retain, an opportunity to hit again the achiever and yet, this very attitude is the attitude that is giving this government an image, not only in Canada, but internationally of one that acts unfairly in order to accumulate its taxes and collect its taxes. One example, Madam President, given to me today of this government giving the right to the Montreal urban community to collect taxes from the West Island communities for the purposes of providing transportation to our community. They give the right to tax and they give no guarantee of service. Very fine. This attitude that an arbitrary right to tax is one thing, but the right to service, the right to protection of the rights of the citizens we set aside. (17 h 10)

We had an example today, Madam President — a few days ago — of a complete ignoring of our constitution when the Minister of Education decided to just by-pass our section 93 and take away the rights guaranteed in the constitution to commissioners of schoolboards. This, Madam President, is the style of this government. C'est un style qui, franchement, va fonctionner à rencontre des besoins des Québécois. Je trouve incroyable qu'un homme à la formation de celle du ministre des Finances ne comprenne pas tous les effets non productifs du fait que nous gardions les impôts successoraux pour les citoyens du Québec, du fait que, chaque fois que les épargnes sont déménagées dans les autres provinces pour éviter les droits successoraux qui, en même temps, sont enlevés au point de vue de taxes — taxes foncières, impôts et même les taxes de corporations... Ces taxes sont enlevées parce que les gens sont aussi craintifs d'avoir à payer des droits

successoraux lors d'un décès. Ils vont vendre leur compagnie, convertir leur compagnie sous forme d'argent et le faire déménager hors du Québec. C'est le résultat d'une continuité d'une taxe successorale dans notre province. Nous avons conclu une entente avec les autres provinces. Nous allons abandonner cette forme de taxe pour les Québécois, mais ce gouvernement a complètement contredit cette direction. Mme la Présidente, pour les besoins des Québécois, pour garder et attirer dans notre province des investisseurs qui sont la base de notre économie, il faut que nous soyons en concurrence avec les autres provinces canadiennes en abolissant les taxes successorales.

Madam President, I will terminate simply in saying that it is impossible for me to support any law that purports to continue succession duties in this province. Fundamentally, because I know that this is, first of all, a remaking of a fundamental contract with other provinces to abolish such taxes and, secondly, it acts counterproductively for Quebecers. Thank you.

Le Vice-Président: Merci. M. le ministre des Finances.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, effectivement, le Québec a décidé de suivre, sur le plan des droits successoraux, l'orientation prise par les Etats-Unis, plutôt que celle qui a été prise par les autres provinces du Canada. Je tiens à souligner cela parce que, en voulant singulariser le Québec par rapport aux autres provinces canadiennes — on ne le rappelle pas suffisamment souvent — aussi bien au niveau fédéral qu'au niveau des Etats aux Etats-Unis, de tels droits existent. C'est un choix que nous avons fait d'être plutôt voisins des Etats-Unis que voisins des provinces canadiennes là-dessus.

On nous dit, d'autre part, que ces impôts successoraux rapportent peu d'argent. Alors, on dit: Pourquoi voulez-vous être la seule province au Canada à avoir des impôts successoraux et, de toute façon, pourquoi voulez-vous avoir de tels droits puisqu'ils rapportent peu d'argent? Il est très curieux qu'on ne renverse pas l'argument. On ne dit pas: A part l'Alberta qui n'a aucune taxe de vente sur quoi que ce soit, est-ce qu'il y a d'autres provinces qui ont aboli la taxe sur les meubles? Pourtant, on pourrait nous dire: Cela coûte peu d'argent. Des droits successoraux permettent de financer plus de la moitié de l'abolition de la taxe sur les meubles qui a été décidée dans le dernier discours du budget. A part l'Alberta, nous sommes la seule province à faire cela.

Oui, il y a des choix sur le plan des politiques fiscales; on a décidé qu'il était plus important, au Québec, d'abolir des taxes de vente que tout le monde paie sur des biens considérés de première nécessité que d'abolir l'impôt successoral. C'est effectivement un choix, nous en sommes assez fiers, M. le Président.

On nous dit aussi: Des impôts successoraux comme ceux-là vont inciter les propriétaires de grosses fortunes à se déplacer, à aller ailleurs. C'est qu'on n'a pas lu la loi, M. le Président. Il faudrait que les bénéficiaires, eux, prennent le risque d'aller ailleurs jusqu'à ce que celui qui leur transmet la succession décède, avec tous les risques humains que cela comporte, M. le Président. En fait, il faut bien comprendre que ce que nous taxons, c'est le bénéficiaire, ce n'est pas l'héritage.

On nous dit aussi: Ces droits successoraux représentent une double taxation. Non, ça n'est pas exact, ce n'est pas une double taxation. Au Canada, le gain de capital est taxé à la moitié des taux des autres revenus. Donc, d'avoir un impôt sur le gain de capital plus faible que l'impôt sur le revenu et d'ajouter à cela des droits successoraux est parfaitement compatible avec l'idée d'aborder l'augmentation de capital comme étant une matière taxable. Il n'y a pas là de double taxation, il y a complémentarité.

Enfin, on nous dit: De tels impôts minent le développement normal des petites et des moyennes entreprises. Là, M. le Président, on ne m'en voudra pas de revenir aux chiffres, il arrive à certains moments que les chiffres soient utiles et permettent d'éviter des abstractions qui, à certains moments, frisent la démagogie.

Prenons, par exemple, en vertu de la nouvelle loi telle que présentée aujourd'hui par le ministre du Revenu, le cas d'un père qui laisse à son fils unique une exploitation agricole ou une entreprise dont la valeur nette est de $500 000; on conviendra que c'est assez coquet. Ce fils unique aurait à payer, sur ces $500 000, $23 450 d'impôt sur les successions et aurait sept ans pour les payer. Il est évident que s'il ne s'agit pas d'un fils unique, mais si le père a plusieurs enfants, là, cet impôt s'efface.

Qu'on vienne nous dire, dans ces conditions, qu'on met en péril la survie des petites et des moyennes entreprises, ça n'est simplement pas exact quand on regarde les chiffres.

Je terminerai en disant simplement ceci, en réaction à une affirmation du député de Pointe-Claire. Le député de Pointe-Claire disait: Le fardeau fiscal des Québécois est le plus élevé au Canada et c'est par toute une série de mesures, comme ces impôts successoraux, qu'on est arrivé à ces résultats. Je voudrais simplement souligner une chose. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, le fardeau fiscal moyen du Québécois était 20% au-dessus du fardeau fiscal moyen de l'Ontarien. Au point où nous en sommes en 1980, le fardeau fiscal du Québécois est toujours plus élevé que celui de l'Ontarien, mais il n'est pas plus élevé que de 10%. Depuis que nous sommes au pouvoir, nous avons réduit l'écart de moitié ce qui, on en conviendra, n'est pas un résultat négligeable, au contraire, et nous avons bien l'intention de continuer dans cette voie. Voilà, M. le Président, ce que je voulais dire sur ce projet de loi.

M. Shaw: Est-ce que je pourrais poser une dernière courte question au ministre des Finances, s'il vous plaît?

Le Vice-Président: Avec le consentement unanime, puisque vous avez écoulé vos 20 minutes.

M. Shaw: Sur l'exemple du cultivateur héritant d'une ferme de $500 000, vous avez dit que le cultivateur doit payer un montant et a sept ans pour le payer. Comment trouve-t-il ce montant? Doit-il vendre sa ferme pour ce faire?

M. Parizeau: M. le Président, d'abord, ce n'est pas le cultivateur qui doit payer les $23 000, c'est son fils; il paie $23 000...

Une Voix: ...

M. Parizeau: M. le Président, est-ce que j'ai une question, des interventions et des interruptions ou une question seulement? (17 h 20)

Donc, le fils d'un cultivateur ou d'un propriétaire de petite entreprise reçoit en héritage une valeur nette d'un demi-million. Il a $23 000 à payer et sept ans pour payer, c'est-à-dire, s'il le veut, à peu près $3000 par an. Il est évident que n'importe qui qui est capable d'administrer un capital de cette ampleur qu'il reçoit en héritage ne doit pas normalement trouver cela une charge trop lourde.

Le Vice-Président: M. le ministre du Revenu. M. Michel Clair

M. Clair: M. le Président, au début de son intervention, mon collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce nous a accusés de camouflage. Sans vouloir aller bien loin à la suite de cette accusation, j'aimerais simplement lui rappeler que son collègue, le député démissionnaire d'Outremont, proposait, justement au moment de l'étude du discours sur le budget, plutôt de hausser les impôts, d'augmenter les impôts. Je ne sais quel était le choix personnel du député de Notre-Dame-de-Grâce. Visiblement, j'apprends aujourd'hui que ce n'était pas par le biais des droits successoraux, mais plutôt par le biais d'autres impôts, j'imagine. Toujours à propos de ces accusations de camouflage, pendant la campagne référendaire que nous avons vécue, nous avons entendu le chef de l'Opposition proposer tout de blanc, tout d'un coup, de façon inattendue, l'abolition du ministère du Revenu du Québec. Si on suivait le député de Notre-Dame-de-Grâce...

M. Scowen: M. le Président...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Scowen: Le ministre lui-même m'a rappelé il y a seulement une heure à la pertinence du débat. Je pense que j'ai le droit de lui demander de suivre ses propres suggestions.

Le Vice-Président: M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, ce que j'étais en train de dire, c'est justement qu'effectivement si le Québec est en mesure aujourd'hui de faire un choix et de maintenir les droits sur les successions et d'avoir par là des entrées d'argent à un coût minime, c'est justement parce qu'on a un ministère du Revenu au Québec et la raison majeure pour laquelle les autres provinces ont renoncé à des droits successoraux, c'est que la rentrée d'argent était peu élevée par rapport au coût élevé de perception dans les autres provinces. Si on suivait la logique du député de Notre-Dame-de-Grâce et de son chef, il y aurait effectivement 5500 fonctionnaires au ministère du Revenu du Québec qui perdraient leur emploi et, en plus de cela, on serait incapable de maintenir des droits sur les successions, ce qui est une façon, à notre avis, beaucoup plus juste, beaucoup plus équitable de financer les dépenses de l'Etat que d'augmenter les impôts particuliers ou de refuser d'abolir des taxes de vente comme on l'a fait au cours de ce présent budget. Mme la Présidente, d'autre part, le député de Notre-Dame-de-Grâce et mon collègue le député de Bellechasse ont affirmé en quelque sorte qu'on faisait un très mauvais sort aux entreprises au Québec. J'aimerais lui rappeler que si les droits successoraux étaient un champ de taxation, il y a d'autres champs de taxation au Québec qui sont utilisés et où le gouvernement du Québec a également adopté une attitude différente.

J'aimerais rappeler, pour le bénéfice des députés de Notre-Dame-de-Grâce et de Bellechasse, par exemple, que le régime d'épargne-actions, qui est très populaire au Québec, n'existe qu'au Québec. J'aimerais lui rappeler également qu'en ce qui concerne les petites entreprises, dont l'impôt sur les droits, les profits des sociétés est actuellement ce qui concerne les petites entreprises de 12%, celles qui peuvent se prévaloir de la Loi sur les stimulants fiscaux appliquée par le ministère du Revenu également peuvent réduire ainsi de moitié, de 50%, leur impôt payable lorsqu'elles font des investissements. C'est également au Québec seulement que cela se passe, ce qui fait, en pratique, que cela donne un taux d'imposition réelle dans ce cas de 6% et non pas de 12%. En ce qui concerne la grande entreprise au Québec, elle ne paiera donc que 23% depuis le discours sur le budget. J'aimerais rappeler à mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce qu'en Ontario, selon le type d'entreprise, il est de 13% ou de 14%. Au Manitoba et en Colombie-Britannique, il est de 15%. En Saskatchewan et à Terre-Neuve, il est de 14%. A propos de la Saskatchewan, mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce faisait dire au premier ministre Blakeney de la Saskatchewan qu'il était peut-être socialiste, mais qu'il n'était pas stupide.

Par rapport à cette affirmation, je répliquerai au député de l'Opposition que nous ne sommes ni socialistes, ni stupides, mais que nous avons une approche rationnelle en matière fiscale et en

matière de stimulation des entreprises. D'autre part, le ministre des Finances a justement donné l'exemple d'une entreprise familiale, par exemple une ferme qui est transférée à un fils sur un héritage d'un demi-million.

Le ministre des Finances a expliqué que le fils héritier n'aurait que $23 450 de droits à payer et qu'il aurait sept ans pour le faire. Je pense qu'il y a toute une distance entre les affirmations du député de Notre-Dame-de-Grâce et du député de Bellechasse et la réalité. Je ne pense pas que ce soit en répandant des rumeurs, en brassant des épouvantails quant aux entreprises, quant à l'impôt sur les successions, quant aux droits sur les successions qu'on va favoriser l'avancement du Québec. C'est, je pense, irresponsable que de tenter de faire croire, comme l'ont fait mes deux collègues, qu'il y a là quelque chose qui nuirait considérablement au développement économique du Québec et qui ferait en sorte que des gens s'en iraient du Québec pour ces raisons.

D'autre part, le député de Bellechasse a dit, si je l'ai bien compris, que les petites gens étaient peut-être moins intéressées à diminuer leurs impôts. Je ne comprends pas quelle serait la logique derrière cette affirmation. En tout cas, ce n'est pas celle que nous avons. Nous, nous pensons que les petits contribuables ont droit tout autant que les grandes entreprises, ceux qui ont des revenus imposants, à des réductions d'impôt, et c'est la philosophie de base qui animait le ministre des Finances au moment du discours sur le budget en exemptant de la taxe de vente des biens d'une première nécessité et en maintenant plutôt l'impôt sur les successions, les droits successoraux comme on les appelle plus précisément, plutôt que de les abolir et de maintenir la taxe de vente sur des biens de première nécessité.

Enfin, le député de Bellechasse s'est également demandé: Est-ce que le gouvernement ne pénalise pas là le mérite et l'initiative personnels? Il n'y a pas loin de cette question à l'affirmation que certains ont faite, il y a quelques semaines, en disant que le gouvernement devrait renoncer à utiliser les politiques fiscales pour redistribuer la richesse dans un Etat. Je pense que ce n'est pas notre approche; on pense qu'effectivement, on peut se servir des politiques fiscales pour redistribuer la richesse, pour permettre aussi aux petites gens de pouvoir bénéficier de la richesse collée tive du Québec. Je pense que ce n'est pas la voie que nous proposait le député de Bellechasse que nous suivrons dans les prochaines années.

Je vous remercie, M. le Président. Ce sont là les commentaires que je voulais faire.

M. Goulet: En vertu de l'article 96. En vertu de l'article 96, M. le Président, je pense que le ministre du Revenu... Je voudrais rétablir certains faits à la suite des propos qu'il vient de tenir.

Le Vice-Président: Très brièvement.

M. Goulet: Oui.

Ce que j'avais dit, je le cite au texte, parce que, justement, j'avais un texte: Je tiens cependant à apporter une précision suivant laquelle je n'affirme pas que, parce que le gouvernement du Québec reste le seul à percevoir des droits successoraux, ces gens vont quitter le Québec. J'avais bien pris la peine de le préciser, ce ne sont pas des épouvantails à moineaux; j'avais ajouté ceci: Je fais seulement une évaluation du danger que comportent les droits successoraux sur une certaine catégorie de gens caractérisée par une mobilité. Alors, c'est loin de l'interprétation que vient d'en faire le député. C'est pour cela que, justement, je vais voter pour ce projet de loi. Que demandez-vous de plus?

Le Vice-Président: Je vous remercie.

Est-ce que la deuxième lecture du projet de loi no 80, Loi modifiant la Loi sur les droits successoraux et modifiant de nouveau la Loi sur les impôts, sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

M. Scowen: Sur division.

Le Vice-Président: Adopté sur division.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Le Vice-Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission permanente du revenu

M. Bertrand: Alors, M. le Président, je fais maintenant motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire permanente du ministère du revenu.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté.

M. Bertrand: Article 17, M. le Président.

Projet de loi no 104 Deuxième lecture

Le Vice-Président: J'appelle donc la motion de deuxième lecture du projet de loi no 104, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les droits successoraux.

M. le ministre du Revenu

M. Michel Clair

M. Clair: M. le Président, nous venons d'étudier en deuxième lecture le projet de loi no 80. Or, avec le projet de loi no 104, c'est encore de successions que nous allons parler.

Ce projet de loi, qui ne contient que quelques articles, veut rendre la Loi des droits successoraux conforme aux annonces faites lors du dernier discours sur le budget du ministre des Finances d'alléger certains éléments de cet impôt.

En effet, le projet de loi no 80 déposé en première lecture avant Noël ne pouvait contenir les dispositions ou les modifications qu'allait proposer le discours sur le budget du mois de mars 1980.

Nous nous retrouvons donc aujourd'hui avec l'étude de deux projets de loi qui, dans le temps, n'ont pu être fondus en un seul. Les modifications proposées ont trait pour la plupart à l'augmentation des exemptions de base applicables aux héritiers d'une succession ouverte après le 25 mars 1980. C'est ainsi que, pour les héritiers en ligne directe, père, mère, enfants, l'exemption personnelle qui était de $75 000 depuis le 19 avril 1978 est portée à $85 000 à partir du 25 mars 1980.

Lorsqu'il s'agit d'héritiers en ligne collatérale, frères, soeurs, cousins ou de tiers, cette exemption est triplée. Elle était, depuis la réforme, de $5000; elle est aujourd'hui de $15 000 avec le projet de loi no 104. (17 h 30)

Enfin, la loi prévoit actuellement que, dans le cas de transmission aux enfants de biens agricoles ou d'actions de corporations privées, habituellement familiales, les droits exigibles sont réduits de moitié et un délai de sept ans est accordé pour payer. A cela s'ajoute, depuis le 25 mars 1980, une exemption de $200 000. Ainsi, la valeur de ces biens transmis pourrait être réduite jusqu'à concurrence de $200 000; cela devrait peut-être convaincre enfin ceux qui croient que le gouvernement rend difficile la transmission de la petite entreprise familiale des parents à leurs enfants.

Je rappelle à nouveau l'exemple: Un père qui laisse à son fils ou à sa fille unique une ferme ou un commerce d'une valeur de $500 000, sur cet héritage de $500 000, l'enfant en question n'aura à payer que $23 450 de droits et il aura sept ans pour les payer. Il n'y a rien là de bien effrayant, à mon avis.

Les autres modifications que propose ce projet de loi sont d'ordre technique et ont pour seul objet de clarifier la loi. Encore une fois, quant à ce projet de loi no 104, j'aurai l'occasion, lors de l'étude en commission parlementaire, de proposer des amendements mineurs. Il me fera plaisir de les mettre à la disposition de mes collègues le plus rapidement possible.

Le Vice-Président: Merci.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Merci, M. le Président. Il s'agit, en effet, d'une deuxième tranche du même projet de loi. Je vais profiter de l'occasion pour faire quelques commentaires sur l'ensemble. Comme vous le savez, M. le Président, aujourd'hui, c'est deux contre un dans ce débat. Le ministre des Finances et le ministre du Revenu sont présents de l'autre côté, alors que nous sommes temporairement dépourvus de notre expert dans le domaine des Finances. Je vais donc essayer d'agir seul contre ces deux géants, de l'autre côté, au meilleur de ma compétence.

Le premier point que je veux souligner touche les détails de ce projet de loi. Je pense que tout le monde doit être conscient que la mesure visant à augmenter l'exemption personnelle de $75 000 à $85 000 est simplement une indexation d'à peu près 7% par année; ce n'est pas impressionnant, c'est quelque chose qui devait arriver de toute façon. La valeur de l'argent canadien a diminué plus que cela depuis deux ans. Ce n'est pas du tout sensationnel.

En ce qui concerne la nouvelle exemption de $200 000, je trouve que c'est une mesure franchement assez positive. J'ai été porté à me poser la question quand le ministre, dans son premier discours sur le projet de loi no 80, parlait d'une question symbolique et de la vraie nature de son gouvernement social-démocrate, de la nécessité, à cause de son éthique, de garder un droit successoral. Maintenant, il essaie de diluer, de diminuer, il a terminé en disant: Regardez, mesdames et messieurs, ce n'est rien d'effrayant! C'est difficile de comprendre où ils sont, si ces gens veulent vraiment tenir à leurs propres principes ou s'ils veulent faire penser aux gens, qui sont de vrais sociaux-démocrates, qu'ils sont de leur côté et aux capitalistes qu'ils sont de leur côté aussi.

Je pense qu'il me sera permis de rappeler brièvement le débat sur la souveraineté-association, alors que ces gens essaient de dire que, d'un côté, ils étaient pour la souveraineté-association, et que de l'autre côté, ils disaient qu'ils étaient simplement pour aller négocier la Confédération. Comme mon collègue de Portneuf l'a dit, c'était beau, cet après-midi, de voir le premier ministre essayer de devenir un nouveau père de la Confédération.

Je pense que l'essentiel est que, comme dans le projet de loi sur la souveraineté-association, c'est un projet de loi symbolique qui veut garder le symbolisme qui veut que la propriété ne puisse passer d'une génération à l'autre sans être taxée par l'Etat.

Je pense comprendre l'idée de fond. En effet, M. X. a travaillé toute sa vie, il a gagné beaucoup d'argent. Il a le droit de le dépenser, mais pourquoi le donner à son petit-fils Robert qui n'a rien fait de sa vie? Alors, comme vous pensez dans des termes assez théoriques, c'est beau, l'idée est bonne.

Mais, M. le Président, malheureusement, ce n'est pas comme cela dans la vie. Ce qui arrive beaucoup plus souvent dans la réalité, c'est que le monsieur qui a travaillé pendant 30 ans a essayé de développer une compagnie dans une ville ou un village du Québec. Il a probablement une cinquantaine ou une centaine d'employés qui travaillent, avec des familles qui sont soutenues par ces salaires. C'est un ensemble. Au moment du décès

du père, qui est le patron, les fils sont obligés de trouver du comptant, du "cash", pour payer les droits successoraux. C'est très souvent le cas — et je l'ai vécu moi-même — que dans les petites et moyennes entreprises on n'a pas beaucoup de liquidité. On est obligé de trouver un autre actionnaire, souvent quelqu'un avec qui vous préférez ne pas faire des affaires, ou d'aller à la banque chercher une hypothèque non pas pour investir davantage dans la compagnie, non pas pour la rendre plus rentable, plus productive, mais simplement pour permettre de sortir du capital de la compagnie pour payer le gouvernement des sommes qui — même le ministre l'a dit aujourd'hui — sont dérisoires tenant compte de l'enveloppe budgétaire du gouvernement.

Mais, pour la compagnie, c'est quelque chose. C'est un affaiblissement de la force économique de cette compagnie, c'est une fuite de capitaux de la compagnie qui pourraient être utilisés autrement, à des fins productives, pour des investissements, pour l'agrandissement. Le jeune Robert qui est le bénéficiaire, qui est obligé de chercher cet argent, ne bénéficie pas. Il est obligé, parce qu'il a décidé de rester au Québec, de travailler dans l'entreprise familiale; il est obligé d'affaiblir la compagnie, de mettre en jeu les emplois, il n'est pas en position d'ajouter de nouveaux emplois. C'est la réalité, M. le Président.

Quand on parle de la sociale-démocratie, c'est ce qu'on critique, comme le disait M. Blakeney par ce bel exemple que si vous voulez vraiment faire la traite d'une vache, il faut que vous ameniez cette vache dans votre propre pâturage. Si vous voulez avoir une compagnie dans la province de Québec, que vous pouvez imposer, qui peut créer des emplois qui pourraient être imposés aussi, si vous voulez avoir cette richesse que vous pouvez utiliser pour aider à supporter les plus démunis, il faut avoir cette vache dans votre propre pâturage. C'est ce que les gens de l'autre côté ne comprennent pas. Il faut que j'admette que, de temps en temps, je suis porté à espérer qu'ils gardent cette attitude d'hostilité envers l'entreprise privée, cette attitude d'hostilité envers le secteur privé, le système du marché, parce que cela va rendre très difficile leur rentrée de l'autre côté de cette Assemblée nationale après une prochaine élection générale. J'espère qu'ils ne vont pas mettre trop d'eau dans leur vin pour ce qui concerne cette politique et d'autres semblables — et ils en ont plusieurs — avant de se présenter devant le public.

En terminant, je veux soulever seulement deux ou trois points qui ont été ajoutés au débat il y a quelques minutes par le ministre des Finances, lors du débat sur le projet de loi no 80. Il a dit, et je demande à la population de décider jusqu'à quel point elle trouve que cet argument est bon: Nous avons décidé, ici, au Québec, dans notre politique de droits successoraux, de ne pas suivre les politiques des autres provinces du Canada mais de suivre la politique des Etats-Unis. Trouvez-vous que c'est un bon argument? Pensez-vous que le Québec, à l'intérieur d'une fédération de dix pro- vinces, doit copier les politiques fiscales des Etats d'un autre pays? Est-ce que vous pensez que cela a du sens? (17 h 40)

Dans quelques minutes, vous serez en face d'un projet de loi d'à peu près 100 pages, un autre projet de loi du ministre du Revenu qui est en effet un effort pour faire la concordance entre les lois fiscales québécoises et celles du Canada. Tout le monde sait très bien que si vous êtes à l'intérieur d'une fédération canadienne, le gros bon sens exige que vous essayiez d'harmoniser vos lois fiscales, non seulement avec le Texas, non seulement avec l'Illinois, non seulement avec la Californie, mais avec les provinces voisines, qui ont parfaitement le droit d'accueillir vos citoyens et de vous envoyer les leurs. Je pense que c'est primordial.

Il y a un autre et dernier point que le ministre des Finances a soulevé. Je ne l'admets pas à 100% dans le cadre du projet de loi no 80, mais parce que le ministre des Finances a parlé de cela, je vais le soulever aussi. Il disait que le gouvernement du Québec, depuis deux ans, a réussi à réduire de 10% l'écart entre les impôts payés par les contribuables québécois et les contribuables de l'Ontario. Je suis d'accord, mais il faut que tout le monde sache comment c'est fait. Cela a été fait, M. le Président, non pas en diminuant les dépenses, non pas en augmentant l'investissement ici au Québec pour nous permettre d'avoir plus d'impôts de sources diverses, cela a été fait en augmentant le déficit du gouvernement du Québec. En effet, il a diminué votre impôt légèrement tout simplement en mettant un fardeau plus lourd sur vos enfants.

En terminant, M. le Président, je veux simplement vous rappeler de nouveau à vous et aux autres qui sont ici que le gouvernement va encourir cette année un déficit d'à peu près $2000 par famille, de loin le plus grand qu'on ait jamais vu au Québec. Ce n'est pas difficile de réduire les taxes si vous voulez simplement augmenter le déficit. N'importe qui peut le faire, mais pas sur une base permanente. Merci beaucoup.

Le Vice-Président: M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Oui, M. le Président, très rapidement. Vous avez compris tout à l'heure que les propos que j'ai tenus sur le projet de loi no 80 s'adressaient également au projet de loi no 104. Je pense que je n'ai pas été le seul. Je pensais qu'on étudierait ces deux projets de loi en même temps et je pense même que le ministre des Finances, lors de sa réplique, a donné la réplique sur les deux projets de loi. Les propos que j'ai tenus étaient inhérents au projet de loi 104. Quant à nous de l'Union Nationale, votre vote sera le même que pour le projet de loi no 80, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le ministre des Finances.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, dans certains des propos que tenait tout à l'heure le député de Notre-Dame-de-Grâce, il y a un certain nombre de choses, je pense, qu'on ne peut pas laisser passer parce qu'il s'agit de questions d'orientation générale de la politique gouvernementale et il est quand même important qu'on rectifie les interprétations qu'il en a données.

Il a parlé de l'hostilité du présent gouvernement à l'égard de l'entreprise privée. Je pense, M. le Président, que c'est faux. Ce n'est pas exact et je dirais même que ce n'est même pas dans l'intérêt public de soulever une question comme celle-là dans les termes qu'il a utilisés.

Si je comprends le sens de son argumentation, ce qu'il tenait à dire essentiellement, c'était ceci: Lorsque le propriétaire d'une petite entreprise lègue son entreprise à son fils, le fils, manquant de liquidités pour payer les droits successoraux, sera obligé de se départir d'une partie des actions de l'entreprise. Je pense avoir démontré, dans mon intervention précédente à l'occasion du projet de loi no 80, à quel point, pour des entreprises dont la valeur nette est de l'ordre de $500 000 — ce qui, encore une fois, n'est pas négligeable; on parle de la valeur nette — les impôts successoraux à payer sont très faibles et peuvent être étalés pendant sept ans. Ce n'est tellement pas dans notre intérêt de chercher à gêner le développement de la petite et de la moyenne entreprise que justement à l'occasion du projet de loi no 104, on fait intervenir une exemption spéciale nouvelle de $200 000 dans les cas de petites entreprises.

J'irai plus loin que cela. Nous sommes très conscients, comme gouvernement, bien plus conscients que les gouvernements antérieurs l'ont été, du manque de liquidités, du manque d'équités, du manque de capital-actions qu'il y a dans un bon nombre de petites et de moyennes entreprises du Québec. C'est vrai que depuis des années au Québec on déplore que la plupart des petites et des moyennes entreprises ont trop de dettes, pas assez d'équités, doivent énormément d'argent à la fois aux banques, à des créanciers privés et à d'autres entreprises, et qu'en période de très haut taux d'intérêt comme ce que nous avons connu récemment, cela représente pour ces entreprises non seulement un fardeau écrasant, mais un très grand risque pour leur survie.

C'est la raison pour laquelle le présent gouvernement est le premier gouvernement au Québec à avoir introduit un programme d'épargne-actions sur lequel les commentaires partout ailleurs au Canada sont extraordinairement favorables, que le gouvernement fédéral de M. Clark avait commencé à imiter timidement jusqu'à ce que les électeurs le renvoient dans l'Opposition, qui n'existe nulle part ailleurs au Canada, qui a été fait ici et qui permet aussi bien à des entreprises d'une certaine taille, bien sûr, mais de plus en plus fréquemment à l'heure actuelle à des petites et à de moyennes entreprises de trouver enfin les liqui- dités dont elles ont besoin comme entreprises. Encore une fois, cette mesure d'épargne-actions a été saluée non seulement ici au Québec, mais un peu partout au Canada comme étant une trouvaille assez remarquable pour faire en sorte que justement la petite et la moyenne entreprise trouve enfin le capital-actions qui lui a toujours manqué. Dans ce sens, qu'on vienne parler de l'attitude du présent gouvernement comme en étant une d'hostilité à l'égard de l'entreprise privée, vous comprendrez, M. le Président, que je ne peux pas accepter cela. Cela n'est simplement pas vrai.

Je terminerai simplement sur un mot quant à la diminution des impôts. Le député de Notre-Dame-de-Grâce disait: Le présent gouvernement a réduit les impôts. C'est vrai, je suis heureux de le lui entendre dire. D'autre part, il a dit "légèrement". Après avoir réduit de moitié l'écart entre le fardeau fiscal ontarien et le fardeau fiscal québécois que ces gens d'en face nous ont laissé — ce sont eux qui nous ont laissé un fardeau fiscal québécois 20% plus élevé qu'en Ontario — qu'on vienne nous dire: Passer de 20% à 10%, c'est-à-dire couper l'écart de la moitié, c'est une légère diminution, dans l'esprit du député de Notre-Dame-de-Grâce, je me demande ce que serait une grosse diminution!

Les gens d'en face ont pris six ans pour monter le fardeau fiscal des Québécois au plus haut niveau au Canada; ils nous ont laissé un Québec — et ça leur a pris six ans pour faire ça, parce que ça ne se fait pas du jour au lendemain — avec le plus haut fardeau de toutes les provinces canadiennes. On réduit l'écart avec l'Ontario de moitié, ils disent: Oui, une légère diminution. Enfin, on sourit, M. le Président, on sourit et on se rassoit. Merci.

Le Vice-Président: M. le ministre du Revenu. M. Michel Clair

M. Clair: M. le Président, je commencerai ma réplique en enchaînant sur ce qu'a dit mon collègue, le ministre des Finances, puisque le député de Notre-Dame-de-Grâce dit: Oui, diminution légère, mais augmentation fantastique des déficits. Voyons, M. le Président, un bon critère pour savoir si c'est vrai qu'on a diminué les impôts en endettant le Québec. Je cite un extrait du discours sur le budget de mon collègue, le ministre des Finances; le député de Notre-Dame-de-Grâce pourra le lire, c'est à la page 13. "En 1975, les emprunts totaux du secteur public québécois représentaient 9% de la production nationale — c'est l'année avant les Olympiques. L'année suivante, celle des Jeux olympiques et des feux d'artifice, on atteint presque 12%; en 1977, première année complète du présent gouvernement, on est légèrement au-dessous de 8%! L'année suivante on tombe encore un peu, soit à 7,5% et, en 1979, nous glissons au-dessous de 7%." Quand le député de Notre-Dame-de-Grâce affirme que, si on a réduit les impôts, c'est en endettant le Québec,

la preuve est faite que son affirmation est fausse, M. le Président. (17 h 50)

D'autre part, M. le Président, le député de Notre-Dame-de-Grâce semble confondre, en matière de politique fiscale, l'harmonie et la servilité. Si on suivait à la lettre ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce propose et ce qui semble être la politique officielle de son parti, pour attirer les vaches dans le clos du Québec, on devrait toujours s'aligner uniquement en fonction des décisions fiscales du gouvernement du Canada et des autres provinces.

M. le Président, comme le soulignait mon collègue, le ministre des Finances, tout à l'heure, le gouvernement de l'Alberta n'a pas attendu les permissions du gouvernement fédéral pour abolir la taxe de vente; il n'y a pas de taxe de vente en Alberta. Est-ce que pour avoir une uniformité, une servilité à l'égard de tout ce qui se passe au Canada, le gouvernement d'Alberta devrait, demain matin, imposer une taxe de vente qui doit être en moyenne de 8% au Canada?

M. le Président, le fait de maintenir des droits successoraux, comme le gouvernement fédéral le fait, comme le gouvernement des Etats-Unis le fait, dénote qu'on a une politique en matière fiscale au Québec et cette politique n'est pas de la servilité à l'égard des décisions du gouvernment d'Ottawa, mais c'est de l'harmonie et une harmonie qu'on ne peut éviter dans le régime actuel, puisqu'il serait totalement inopportun d'avoir deux régimes fiscaux totalement différents. La meilleure preuve qu'on continue à faire de l'harmonie au niveau des politiques fiscales c'est que, dans l'étude d'un des prochains projets de loi, l'immense majorité du contenu de ce projet de loi consistera à ajuster des dispositions des lois fiscales québécoises à celles du gouvernement d'Ottawa; ça, ça s'appelle de l'harmonisation de nos dispositions en matière fiscale; ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce proposait ça s'appelait tout simplement de la servilité. Il y a une différence entre de l'harmonie et de la servilité; on est prêt à pratiquer l'harmonie, mais non pas la servilité, M. le Président.

D'autre part, au début de ses commentaires, le député de Notre-Dame-de-Grâce nous a dit que l'exemption de $75 000 qui passe à $85 000, ce n'était que de l'indexation, mais il oublie, cependant, celle qui concerne les collatéraux, frères, soeurs, cousins qui, elle, passe de $5000 à $15 000. C'est multiplié par trois, pour le bénéfice du député de Notre-Dame-de-Grâce, et celle-là constitue beaucoup plus que de l'indexation puisqu'elle est multipliée, comme je viens de le dire, par trois. Je suis content, cependant, de voir que le député de Notre-Dame-de-Grâce a accueilli d'une manière beaucoup plus positive l'exemption de $200 000 en ce qui concerne certaines entreprises. D'autre part, le député a affirmé que souvent les droits successoraux mettaient dans le chemin, à proprement parler, des entreprises parce que le ministère du Revenu se précipiterait sur les entreprises qui n'auraient que quelques heures pour régler la note. Mon collègue, le ministre des Finances, l'a rappelé dans son exemple, cela peut durer jusqu'à sept ans, M. le Président.

Enfin, je voudrais terminer sur une note d'humour: Le député de Notre-Dame-de-Grâce, reprenant son exemple de la vache, qui semble provenir du premier ministre de l'Alberta, disait: Pour traire la vache, d'abord faut-il qu'elle soit dans son champ. Je dirai simplement au député de Notre-Dame-de-Grâce qu'à partir des autres intérêts qu'on peut avoir, un impôt sur les sociétés moins élevé que dans la plupart des autres provinces canadiennes, un régime d'épargne-actions, une loi sur les stimulants fiscaux, cela constitue d'autres moyens pour attirer la vache à lait dans son clos, et il n'y a pas, comme il semble le penser, qu'un seul moyen d'attirer la vache à lait dans son pâturage, M. le Président.

Le Vice-Président: Est-ce que la motion de deuxième lecture du projet de loi no 104, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les droits successoraux, sera adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Sur division. Le Vice-Président: Adopté sur division.

Le Secrétaire-adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Le Vice-Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission permanente du revenu

M. Bertrand: Je ferai maintenant motion, M. le Président, pour que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire permanente du revenu.

Le Vice-Président: La motion sera-t-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté.

M. Bertrand: M. le Président, nous n'aurions pas objection, à ce moment-ci, à ajourner nos travaux à demain matin, 10 heures.

Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a consentement unanime?

M. Levesque (Bonaventure): Oui, M. le Président.

Le Vice-Président: De consentement, les travaux de l'Assemblée sont ajournés à demain matin, 10 heures.

Fin de la séance à 17 h 55

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