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Version finale

31e législature, 6e session
(5 novembre 1980 au 12 mars 1981)

Le jeudi 12 mars 1981 - Vol. 23 N° 29

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures dix-sept minutes)

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

Si vous voulez bien, nous allons prendre un petit moment de recueillement.

Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

Communiqué conjoint et résolution

du comité de coopération interparlementaire Belgique-Québec

J'ai le plaisir de déposer le communiqué conjoint et les résolutions du 16 au 20 février 1981, à Québec, de la troisième session du comité mixte de coopération interparlementaire entre le Conseil de la communauté française de Belgique et l'Assemblée nationale du Québec.

M. le ministre délégué aux Affaires parlementaires.

Rapport annuel de l'Office franco-québécois pour la jeunesse

M. Charron: Mme la Présidente, j'aimerais déposer le rapport annuel 1979 de l'Office franco-québécois pour la jeunesse, section de Québec.

La Vice-Présidente: Le rapport est déposé.

M. le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières.

Rapport du Surintendant des assurances

M. Johnson: Mme la Présidente, je dépose le rapport du Surintendant des assurances du ministère sur la tarification en assurance automobile au Québec pour 1980. Il s'agit évidemment de la tarification dans le secteur privé pour les dommages matériels.

La Vice-Présidente: Le rapport est déposé.

Dépôt de rapports des commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

M. le leader du gouvernement.

Rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés

M. Charron: Mme la Présidente, j'aimerais donner un avis à la Chambre, qui vient du greffier en loi, concernant le projet de loi qui portait le numéro 207 et qui concerne la succession de Jean-Louis Brissette. Il est conforme à l'avis et tous les avis ont été publiés après le dépôt du projet de loi au secrétariat des commissions.

De même, madame, si vous le permettez, je solliciterais la permission de déposer un projet de loi qui apparaît en appendice aujourd'hui, soit celui qui concerne la ville de Gatineau.

La Vice-Présidente: Consentement? M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, nous sommes très heureux d'apporter notre collaboration. Mais, est-ce que le ministre qui me demande cela le fait parce qu'il ne peut attendre à mardi? Est-ce qu'il y a une urgence particulière?

M. Charron: Non, pas du tout. Si vous insistez, on le fera mardi.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la

Présidente, à la façon dont leader parlementaire du gouvernement vient de répondre, je pense que nous pouvons tirer nos conclusions et nous allons sûrement donner notre consentement afin que le premier ministre ne change pas de nouveau d'idée et ne retarde pas de nouveau les élections pour s'accrocher au pouvoir.

La Vice-Présidente: Alors, consentement. (14 h 20)

M. Charron: Madame, je lis les notes du greffier en loi. Projet de loi 255, ville de Gatineau. Il est conforme à l'avis et celui-ci est suffisant en nombre. Il a toutefois été déposé après le jour d'ouverture de la session et plus de six mois se sont écoulés depuis la publication des avis.

Je propose donc qu'on puisse déposer ce projet de loi avec cette dérogation.

La Vice-Présidente: Adopté.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

M. Charron: Je demanderais, madame, de permettre de déposer le projet de loi au nom du député de Papineau, concernant la ville de Gatineau.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la

Présidente, je pense que nous venons d'assister à une dérogation de notre règlement. C'est à un député et non à un ministre de proposer la première lecture d'un projet de loi d'ordre privé.

M. Charron: Comme il est en appendice, je ne pouvais pas demander à Mme la Présidente d'appeler l'article b) ou c) ou d). Il est en appendice. Je demande à Mme la Présidente d'appeler le député de Papineau pour présenter son projet de loi.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, il est coutumier que, dans un cas comme celui-là, le leader parlementaire du gouvernement vous fasse parvenir copie du projet de loi et c'est à vous, madame, de reconnaître celui qui doit présenter le projet de loi. Cela ne doit pas être un ministre.

La Vice-Présidente: M. le député de Papineau.

M. Gratton: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Oui, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Mme la Présidente, si cela pouvait simplifier les choses, il me fait plaisir de présenter le projet de loi au nom du député de Papineau qui est absent.

M. Charron: Très bien.

Projet de loi no 225 Première lecture

La Vice-Présidente: Ce sera M. le député de Gatineau au nom de M. le député de Papineau qui proposera la première lecture du projet de loi privé no 255, Loi concernant la ville de Gatineau. Adopté?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Première lecture, adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

M. Charron: Je tiens à rassurer le député de Bonaventure, même si c'est le député de Gatineau qui vient de déposer le projet de loi, que c'est tout conforme au règlement. Il ne sera jamais ministre.

L'article c) du feuilleton, Mme la Présidente.

M. Gratton: Mme la Présidente, je m'excuse. Pourrais-je demander, en vertu de je ne sais trop quel article, si le leader du gouvernement nous annonce par là la possibilité de la nomination du député de Papineau comme ministre?

Projet de loi no 207 Première lecture

La Vice-Présidente: M. le député de Laprairie, au nom de M. le député de Sainte-Marie, propose la première lecture du projet de loi privé no 207, Loi concernant la succession de Jean-Louis Brissette. Adopté?

Une voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Première lecture, adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement, auriez-vous une motion pour une commission parlementaire?

M. Charron: Non, rien d'autre, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Questions orales des députés

Une voix: Pour les trois premiers.

Renvoi à la commission des affaires municipales

M. Charron: Oui, il faut les déférer en commission effectivement. Alors, le premier projet de loi déposé, celui portant le numéro 255, je propose qu'il soit déféré à la commission des affaires municipales.

M. Caron: Toujours le 13 avril? M. Charron: Toujours le 13 avril.

La Vice-Présidente: Adopté, à la commission des affaires municipales? Adopté.

Renvoi à la commission de la justice

M. Charron: Et que le projet de loi no 207 soit déféré à la commission parlementaire de la justice.

La Vice-Présidente: Proposition adoptée?

Une voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. Questions orales des députés.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Mesures fiscales à l'égard des entreprises

M. Lalonde: Mme la Présidente, je pense que le premier ministre s'est réjoui trop vite du fait qu'on n'ait pas encore posé de questions sur la SHQ. On aura toute la campagne électorale pour en parler. Entre-temps, que le ministre fasse la lumière sur la supposée offre de $50,000 qui avait été faite par le gouvernement pour acheter le silence d'un témoin et qu'il nous dise aussi qui sont les deux mystérieux personnages qui se cachent sous le nom de code "Soleil levant" et "Soleil couchant"? C'est peut-être beaucoup moins drôle dans la réalité, M. le Président. Ma question s'adresse - étant donné, naturellement, l'importance du budget et toute la population qui en est affectée -au ministre des Finances. Plus on regarde le budget, M. le Président, plus on s'aperçoit qu'il s'agit d'une vaste opération de camouflage. On impose les charges maintenant et on donne les allégements ou les bonbons plus tard, en 1982, par exemple.

Ainsi, le monde des affaires a réagi très négativement à la réforme de la fiscalité des entreprises. Il y en a qui l'appellent un désastre. Cela cadre très mal avec le sommet économique sur Montréal pour lequel le gouvernement a dépensé des centaines de milliers de dollars, alors qu'on vient de donner un coup de massue justement sur la tête des entreprises.

Ainsi, la contribution aux services de santé entre en vigueur le 1er avril, dans quelques jours, la taxe sur le capital le 1er juillet, mais l'allégement de l'impôt sur les profits c'est le 1er janvier. Êtes-vous si cassé que cela, M. le ministre? Réellement, le bilan financier, M. le Président, que le ministre nous présente me fait penser au bilan financier de feu le journal Le Jour. Vous vous en souvenez? Le ministre pourrait-il nous dire pourquoi il est allé faire un hold-up de cette envergure dans les poches des entreprises, au moment où elles sont prises pour payer les charges maintenant mais qu'elles ne pourront profiter de l'allégement que l'an prochain?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, après le soleil levant, le soleil couchant et le jour, c'est la pleine lune. Le député de Marguerite-Bourgeoys oublie dans sa question une chose - elle a son importance - c'est que pour toutes les petites et moyennes entreprises, au sens de la loi fédérale de ce terme, l'allégement, le crédit d'impôt sur leurs profits, le taux nominal tombe de 13% à 3% le 1er juillet.

Il est tout à fait clair que les mesures qui entrent en vigueur à l'égard des entreprises commencent au 1er avril et se terminent, pour l'année financière en cours, le 1er janvier. C'est à ce moment que la dernière mesure est prise: c'est un crédit de 5% d'impôt sur les grandes compagnies, et il y en a une de prévue l'année suivante, un allégement encore de 2 1/2%. Pourquoi procédons-nous petit à petit comme cela? Pour une raison très simple. C'est que pour les compagnies, dans leur ensemble, la réforme que nous avons annoncée est très très profitable. Une fois la réforme terminée, si on s'arrêtait à un crédit d'impôt de 7,5% pour les grandes corporations, elles paieraient à peu près $100 millions de moins que ce qu'elles paient aujourd'hui, et, si on allait à 10%, elles paieraient $185 millions de moins.

Le député de Marguerite-Bourgeoys me demande: Pourquoi faites-vous entrer vos mesures les unes après les autres? Compte tenu des avantages que cela représente pour les entreprises du Québec, je fais ça par décence, M. le Président.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Est-ce que le ministre veut dire que ces mesures vont profiter aux entreprises maintenant? Et alors pourquoi la réaction si négative du milieu des affaires et combien...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député. (14 h 30)

M. Lalonde: N'est-il pas vrai que, pendant ces trois mois pour les petites et moyennes entreprises, et pour les neuf mois pour les autres entreprises, elles vont payer des charges sans en avoir l'avantage? C'est une question à laquelle le ministre devrait au moins apporter des chiffres; n'est-il pas vrai qu'il va chercher là au moins quelques centaines de millions dans les entreprises actuellement, sans qu'il y ait de retour, c'est-à-dire sans que l'allégement ait pris effet pour tenter de contrebalancer cet effet?

Le Président: M. le ministre. Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, lorsque le gouvernement précédent, auquel appartenait le député de Marguerite-Bourgeoys, a décidé lui aussi de doubler les contributions d'employeurs aux services de santé, il n'a accordé aucun allégement de quelque ordre

que ce soit, jamais. Et là, le député de Marguerite-Bourgeoys me reprocherait d'attendre trois mois pour donner un allégement? Le contraste est grand entre ceux d'en face, qui, quand ils ont agi de la même façon, n'ont jamais accordé un allégement d'impôt sur les profits, et nous, qui en donnons un à partir des trois mois qui suivent la mesure et qui s'accentue avec le temps. Mais que nous reproche-t-on?

Oui, évidemment, il y a certains représentants d'associations d'affaires qui, à l'heure actuelle, ne sont pas très contents. Je dois dire que compte tenu - comment dire? - des positions politiques que nous leur connaissons, des déclarations qu'ils font en public, celui qui est peut-être le plus vociférant aujourd'hui parmi ces représentants de groupes d'hommes d'affaires disait il y a quelques mois: Le principal rôle de notre association, ce doit être de battre le gouvernement. On n'attendait quand même rien d'autre de lui ce matin.

M. Lalonde: Pour l'information du ministre, c'est le président de la Chambre de commerce, qui accompagnait les ministres, il y a quelques jours, à un sommet économique, qui a dit que ce budget est un désastre. Il s'agit de M. Lortie.

Une voix: Qui?

M. Lalonde: M. Pierre Lortie.

Des voix: Ah!

M. Lalonde: Alors, M. le Président, une autre question additionnelle.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député.

M. Lalonde: Elle est étrange... M. Blank: ...

M. Lalonde: ...quand même, la remarque du député de Roberval. Pourquoi trouve-t-on justement, dans le milieu des affaires, tant de personnes qui veulent défaire ce gouvernement? Il y a d'excellentes raisons.

M. le Président, comme dernière question, je voudrais parler de l'allocation de disponibilité. Encore là, c'est une promesse que le chef de l'Opposition a trouvée intéressante. Mais dans le même cadre de camouflage...

Le Président: À l'ordre! M. le député.

M. Lalonde: Dans la même tendance de camouflage de ce budget, M. le Président, cette allocation de disponibilité annoncée en grande pompe avant-hier va prendre effet quand? Pas cette année, en 1982. Je voudrais demander au ministre de rassurer les femmes qui ont réagi ce matin, entre autres, le Conseil du statut de la femme, à savoir que cette mesure pourrait défavoriser la femme au travail. Est-ce exact et a-t-il l'intention d'apporter des modifications à sa décision?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, effectivement, il y a quelques textes qui sont apparus dans les journaux ce matin et qui expriment des craintes, à savoir que quelqu'un qui est au travail à l'heure actuelle pourrait, avec l'allocation de disponibilité, en avoir moins. Ces craintes sont basées simplement sur un calcul mal fait. J'ai l'intention d'ailleurs d'intervenir auprès de certaines de ces personnes, qui sont tout à fait de bonne foi, mais qui ne comprennent pas très bien comment, sur le plan de l'impôt, cela fonctionne.

L'exemption personnelle, à l'heure actuelle, pour chaque enfant, est de $2000, mais l'exemption effectivement demandée est en moyenne de $1200, ce qui n'est pas du tout la même chose. Dans ce sens-là, le système que nous proposons est évidemment remarquablement avantageux pour l'ensemble des femmes qui ont des enfants en bas âge, pour une raison très simple. Nous y mettons dix fois plus d'argent que ce que représentent les sommes des exemptions personnelles pour frais de garde pour les enfants de moins de six ans. Dix fois plus d'argent, $185 millions au lieu de $19 millions. C'est évidemment très avantageux.

Le Président: Question additionnelle, M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, il y a une précision que j'aimerais recevoir de la part du ministre des Finances. Le ministre des Finances a annoncé qu'à partir du 1er avril la contribution des employeurs au financement des programmes de santé passera de 1,5% à 3%.

M. Lavoie: 100% d'augmentation.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, le ministre dit un peu plus tard: Cependant, il y aura compensation. Un peu plus tard, il parle de la compensation et cela aux employeurs qui sont incorporés. La question que je lui pose est la suivante: Qu'est-ce qui arrive de la compensation lorsque l'employeur n'est pas une corporation au sens de la loi fédérale de l'impôt sur les corporations?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Ou au sens de la loi provinciale des corporations.

M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le Président! Je lis ce que le ministre lui-même a dit. Je comprends qu'il a bien peur de parler du fédéral mais c'est dans son texte qu'il dit " au sens de la loi fédérale de l'impôt sur les corporations."

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Oui, l'expression "au sens de la loi fédérale " a trait aux petites entreprises.

Une voix: Petites et moyennes.

M. Parizeau: II est évident que, pour une entreprise qui n'est pas incorporée, elle n'a pas de profits au sens de cette loi et la façon pour elle de profiter des avantages ou des soulagements que je viens d'indiquer, c'est, effectivement, de s'incorporer. Ce n'est pas une opération...

Il y aura... Il est évident que, sur ce plan, il y a toute une série de dispositions dans nos lois qui font qu'à certains moments il est un peu plus avantageux de s'incorporer, un peu moins avantageux de s'incorporer. Là, il y a évidemment un choix à faire sur un plan rigoureusement comptable: Quelle est la formule la plus avantageuse? C'est tout.

Le Président: Dernière question additionnelle.

M. Levesque (Bonaventure): Simplement une nouvelle précision. Le ministre nous dit: Les employeurs n'ont qu'à s'incorporer. Je lui demande s'il n'y a pas d'autres lois du Parlement, de l'Assemblée nationale, qui empêchent des groupes de s'incorporer.

Le Président: M. le ministre.

M. Parizeau: J'attendais celle-là, M. le Président. Il s'agit en particulier des ordres professionnels. Il y a certains ordres professionnels qui, en vertu de nos lois, ne peuvent pas s'incorporer. Dans ces cas, c'est-à-dire, par exemple, les bureaux d'ingénieurs ou d'avocats - je n'en connais pas la liste complète, mais il y a un certain nombre de ces bureaux de professionnels - ils seront placés à peu près dans la même situation où nos amis d'en face les avaient placés quand ils avaient doublé aussi la contribution des employeurs aux services de santé.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que je peux me permettre d'ajouter, en réponse à la question du leader de l'Opposition, que nous avons adopté, au mois de décembre dernier, une nouvelle loi sur les corporations qui rend l'incorporation extrêmement facile?

Le Président: Question principale, M. le député de Saint-Laurent.

Mise en vigueur du nouveau droit de la famille

M. Forget: Après ces questions, dirigées vers la pleine lune du gouvernement, j'en ai une qui s'adresse au premier croissant, le ministre de la Justice.

M. Lavoie: Au premier croissant? Une voix: C'est le dernier croissant!

M. Forget: Ce dernier a reçu récemment de Me Blanchard, le bâtonnier du Barreau du Québec, une longue lettre qui invitait le ministre à beaucoup de prudence dans la mise en vigueur de la loi 89, la loi qui porte sur les modifications du Code civil au chapitre du droit de la famille. Je me permet de citer une très brève phrase de cette lettre, vers la fin, où Me Blanchard, au nom du Barreau, dit au ministre: "Nous estimons qu'il est préférable que la promulgation même partielle de la loi 89 soit différée jusqu'à l'adoption des modifications nécessaires à cette loi et au Code de procédure civile." (14 h 40)

En particulier, en annexe à cette lettre, on trouve la description des différents chapitres de la loi 89 qu'il serait absolument hors de propos ou hors d'ordre ou inopportun de promulguer. Je cite, entre autres, au chapitre cinquième, Des nullités de mariage, les articles 423 à 439; au chapitre huitième, De la séparation de corps, les articles 525 à 537; au titre deuxième, Du divorce, les articles 538 à 571, et au chapitre deuxième du titre troisième relativement à l'adoption, les articles 595 à 632.

Effectivement, dans la publicité que le ministère de la Justice a fait paraître dans plusieurs journaux du Québec il y a quelques jours, on découvre que le ministre s'est rendu à l'avis que le Barreau lui a donné et a omis, dans sa promulgation, ces chapitres que le Barreau lui déconseillait absolument de promulguer.

Cependant, il faut retenir que ce n'est qu'un pis-aller. Le Barreau attirait également l'attention du ministre sur l'inopportunité d'une promulgation même partielle et il concluait sur cela en disant qu'une promulgation trop rapide de cette loi pourrait entraîner la société dans un chaos juridique, administratif et constitutionnel, et produire l'effet contraire à celui recherché. Effectivement, je crois qu'on produit, par cette promulgation partielle, une situation de grande confusion; pour employer une expression chère au premier ministre, une

situation dans laquelle une chatte ne retrouverait pas ses petits.

Je me demande si le ministre de la Justice pourrait nous indiquer une seule raison, dans ce contexte-là, autre que celle que lui inspire le calendrier électoral, pour avoir fait cette promulgation partielle après avoir attendu jusqu'à deux ans pour donner suite aux recommandations de l'Office de révision du Code civil.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, il me fait plaisir de répondre au premier "décroissant rouge" de l'Opposition, et de l'informer que la décision qui a été prise par le Conseil des ministres concernant la mise en application de certaines parties du nouveau Code de la famille, l'a été avant même que nous recevions l'avis du barreau. C'est un décision que nous avons voulue prudente, qui ne donne pas ouverture à des batailles juridiques ou constitutionnelles et dans ce sens, je suis heureux que le barreau, pour une certaine partie, soit d'accord avec le gouvernement. Le député me demande une raison pour laquelle nous mettrons en vigueur dès le 2 avril les dispositions annoncées concernant le Code de la famille. Je peux lui en donner au moins trois qui me semblent de toute première importance.

Je tiens à dire que je ne céderai en aucune façon aux pressions qui peuvent être faites par certains dirigeants du barreau ou par les membres de l'Opposition libérale, à savoir de ne pas mettre en pratique ou en vigueur certaines parties du Code civil dès le 2 avril. Je ne vois pas au nom de quel principe l'Opposition libérale pourrait me demander d'adopter une attitude qui aurait comme effet que persisteraient au niveau de la population des injustices, des inégalités et qui empêcheraient, autrement dit, d'assurer certaines protections qui étaient demandées depuis longtemps. Je m'étonne de voir l'Opposition libérale me demander de retarder l'application partielle du Code civil. Je vais vous donner les trois raisons.

Premièrement, les mesures que nous mettrons en vigueur auront pour effet de consacrer dans notre Code civil l'égalité juridique de l'homme et de la femme dans la direction morale et matérielle de la famille. Cette promulgation permettra de faire en sorte que les enfants soient sur un pied d'égalité dès leur naissance, ce qui n'était pas le cas auparavant à cause des critères de légitimité et d'illégitimité. Également, cette mise en vigueur permettra d'assurer ce qui était demandé depuis longtemps par tous les groupes féminins et par une société qui se respecte, à savoir, une protection de la résidence familiale. Je pense que ces trois raisons majeures, M. le Président, sont suffisantes pour m'étonner de cette demande de l'Opposition qui aurait pour effet que persistent certaines inégalités et certaines injustices qui ont déjà été dénoncées dans le passé. Cette application a déjà trop tardé et vous pouvez être convaincus d'une chose, faites les pressions que vous voudrez, cela va entrer en vigueur, le gouvernement a pris sa décision là-dessus.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, nous aurions tous aimé - j'en suis sûr - que le ministre de la Justice fasse montre du même zèle envers la suppression des injustices que celui qu'il prétend soudainement avoir relativement à cette proclamation partielle d'un projet de loi. Cela dit, n'est-il pas vrai qu'il condamne nos concitoyens - pour qui, malheureusement, les problèmes de droit sont déjà assez compliqués - à vivre dans le domaine du droit familial avec deux codes civils qu'ils vont devoir essayer de comprendre et de concilier parallèlement l'un à l'autre, créant ainsi une confusion encore plus grande que celle que nous avons pu connaître dans ce domaine jusqu'à maintenant?

Deuxièmement, le ministre de la Justice est incapable, à l'heure actuelle, même de nous donner des indications sur le moment où les dispositions encore plus importantes d'amendements au Code civil, mais qui ne sont pas promulguées cette fois-ci, pourraient éventuellement l'être. Les préparatifs en vue de les promulguer supposent de très longs travaux, supposent l'amendement au Code de procédure civile et supposent même, si on veut embrasser la totalité du problème du droit familial, des ententes d'ordre constitutionnel et la composition d'un tribunal de la famille. On est bien loin du compte. Dans cet empressement maladif pour promulguer immédiatement les dispositions mineures d'un projet d'ensemble, je pense que le ministre de la Justice fait lui-même une injustice à nos concitoyens en les plongeant dans une confusion encore plus grande que celle qui a entouré toutes ces questions jusqu'à aujourd'hui.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, - je tiens à le répéter - je me demande au nom de quel principe l'Opposition peut se réclamer pour demander au ministre de la Justice d'empêcher la mise en vigueur de certaines dispositions qui ont pour effet de corriger des inégalités et des injustices et d'assurer une protection à des citoyens et des citoyennes du Québec, entre autres - je le

dis et je le répète - l'égalité juridique de l'homme et de la femme au niveau de la sécurité, de la direction morale et matérielle de la famille, la protection de la résidence familiale et l'égalité des enfants dès leur naissance. Il n'y a absolument aucun principe dont peut se réclamer l'Opposition pour me demander de faire une telle chose que nous ne ferons pas comme gouvernement.

Ce qu'a dit tout à l'heure le député de Saint-Laurent est complètement faux. Il faudrait quand même lire comme il faut la lettre du Barreau à laquelle il fait allusion. Ce que le Barreau dit explicitement, c'est que si nous avions mis en vigueur les chapitres concernant le mariage, la séparation de corps et l'adoption, à ce moment-là, il y aurait eu une confusion parce qu'il y aurait eu des problèmes constitutionnels. Il aurait pu y avoir danger d'une sorte de système parallèle au niveau du droit, soit deux systèmes de droit. C'est justement ce que nous n'avons pas fait et c'est ce que j'indiquais tout à l'heure au député de Saint-Laurent. Nous avons pensé à l'application de cette loi en faisant preuve de prudence de manière qu'il n'y ait aucune bataille juridique et aucune bataille constitutionnelle. Dans ce sens, nous avons justement donné suite à des recommandations du Barreau.

Concernant d'autres dispositions qui demandaient des amendements au Code de procédure civile, encore là, nous avons été d'une extrême prudence parce que nous ne les avons pas proclamées et elles ne le seront pas tant que les amendements au Code de procédure civile ne seront pas faits. Je suis en mesure de dire au député de Saint-Laurent que cela ne pourra tarder puisque, déjà, nous serions en mesure de déposer très rapidement des amendements au Code de procédure civile qui nous permettraient de mettre en vigueur les dispositions reliées à ces amendements. (14 h 50)

Je demanderais au député de Saint-Laurent de prendre quelques instants pour me dire, encore une fois, quel principe il peut invoquer pour me demander de ne pas mettre en vigueur des dispositions qui corrigent des inégalités et des injustices qui durent depuis trop longtemps.

Le Président: Dernière question additionnelle, M. le député de Saint-Laurent, très brièvement.

M. Forget: M. le Président, il serait trop long de rouvrir le débat sur l'ensemble de la loi, mais j'aimerais quand même renouveler, à l'attention du ministre, l'affirmation qu'a faite le barreau et qui est contraire à la sienne, à savoir que le barreau s'oppose à une promulgation même partielle, et il le fait au nom d'un principe qui est très clair, celui d'éviter de créer une confusion plus grande pour le citoyen, dans les lois qui l'affectent directement, que ce n'est déjà le cas pour la plupart des citoyens moyens.

Je reviens à ma question à laquelle le ministre n'a pas répondu tout à l'heure; il pourra répondre aux deux éléments, s'il le souhaite. Il reste qu'en faisant cette promulgation partielle, le gouvernement n'est absolument pas en mesure aujourd'hui de nous dire à quel moment les autres parties de cet ensemble de mesures et de changements au Code civil seront promulguées parce que ça suppose énormément de travaux à faire et énormément de modifications qui peuvent être adoptées ici ou ailleurs. Cela indique très bien que cette adoption partielle est dictée par un seul critère, celui de l'imminence des élections dans le cadre desquelles on veut pouvoir dire qu'on a fait enfin un peu quelque chose, le moindrement possible, et affirmer qu'on n'a pas été totalement inactif en dépit de l'incurie prolongée du gouvernement à cet égard.

Le Président: M. le député de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, je m'étonne vraiment des propos du député de Saint-Laurent, qui a quand même été très élogieux à l'endroit de l'ensemble de cette loi, et le Barreau également. Vous pourriez peut-être lire un autre petit paragraphe de la lettre adressée par le Barreau et qui dit ceci: "Nous ne pouvons néanmoins que nous réjouir de l'implantation d'une telle réforme du droit de la famille."

Dans l'ensemble, le Barreau se réjouit de cette loi, mais il nous met en garde contre le danger de promulguer certains chapitres, certains articles qui pourraient ouvrir un débat constitutionnel ou un débat juridique, ce que nous avons fait avant même qu'il ne nous le demande. Il poursuit en disant que son opinion serait de ne mettre d'aucune façon la loi en vigueur, même partiellement. Là-dessus, M. le Président, je ne suis pas d'accord avec certains dirigeants - et je dis bien certains dirigeants - du Barreau, parce que d'autres échos beaucoup plus raisonnables sont venus à nos oreilles. Je ne suis pas d'accord avec certains dirigeants du Barreau et je ne suis pas d'accord avec l'Opposition officielle pour retarder la mise en vigueur des dispositions que nous pouvons adopter sans problème. Vous n'avez évoqué absolument aucun principe, aucune raison qui puisse permettre à un gouvernement qui se respecte de retarder la correction de certaines injustices qui durent déjà depuis trop longtemps.

Le Président: Question principale, M. le

député de Nicolet-Yamaska.

Accession à la propriété

M. Fontaine: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. Cela fait quatre ans et demi que le gouvernement est au pouvoir, et ça fait presque aussi longtemps qu'il y a une baisse dans le domaine de la construction. On nous dit que depuis 1976 la construction a subi une baisse d'à peu près 50% dans le domaine de l'habitation. Également, il faut tenir compte de la diminution du nombre d'emplois à Hydro-Québec pour les prochaines années, ce qui cause un taux de chômage très important dans le domaine de la construction.

On connaît les difficultés qu'ont les jeunes couples à acquérir des maisons et ce, bien sûr, à cause des hauts taux d'intérêt et également, à cause, du coût très élevé des maisons. Nous, de l'Union Nationale, avons pensé, dans notre programme politique, à mettre sur pied un programme d'accès à la propriété dont le but sera de fournir une aide directe de l'État pour couvrir la différence entre un taux d'intérêt de base fixé par l'État et le taux réel du marché hypothécaire.

M. le Président, le ministre délégué à l'Habitation, le 17 novembre 1980, alors qu'il était devant l'Association des constructeurs du Québec, parlait d'un programme d'accès à la propriété en disant: "Une politique globale de l'habitation n'est pas pour demain. Les constructeurs devront, au préalable, se contenter d'autres mesures, a la pièce, comme un programme provincial pour favoriser l'accession à la propriété, ce qu'entend réaliser, pour le printemps prochain, le ministre Guy Tardif, délégué à l'Habitation."

On continuait, un peu plus loin: "Pourtant, le ministre Tardif s'est contenté de leur expliquer les bases de son programme d'accession à la propriété, tout en avouant qu'il n'en connaissait pas les modalités. Il aura aussi l'argent nécessaire, même s'il ne peut dire combien, ni d'où il viendra. Il a, en somme, demandé aux constructeurs de faire confiance à sa réputation de ministre qui livre sa marchandise."

M. le Président, comment se fait-il qu'à la veille des élections - il ne faut pas se conter d'histoires, c'est pour demain -dans le discours sur le budget du ministre des Finances, cette semaine, il n'y ait aucune mention qui soit faite d'un programme d'accession à la propriété, qui avait été publicisé par le ministre délégué à l'Habitation?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je pense qu'il n'y a aucun mystère autour du fait que le gouvernement actuel a manifesté son intérêt pour un programme d'accession à la propriété, il y a déjà quelques mois. Effectivement, nous avons fait un bon bout de chemin dans l'examen des formules d'un programme d'accès à la propriété et je pense qu'à l'heure actuelle on s'approche du point où on va savoir exactement dans quoi on s'engage et qu'est-ce qu'on peut faire.

Je pense qu'il serait tout à fait normal...

Une voix: Quand c'est mûr...

M. Parizeau: ...à partir du moment où un tel programme est à peu près mis sur pied et est mûr, qu'à un moment donné on ait, d'une part, à l'annoncer, et, d'autre part, à en indiquer le rythme d'exécution. J'imagine que d'ici peu de temps on aura l'occasion d'en reparler.

M. Fontaine: M. le Président, j'aimerais poser une question additionnelle au ministre des Finances et je me reporte, encore une fois, au texte qui citait le ministre Tardif: "Le ministre entend tout mettre en oeuvre, il dit avoir le feu vert du premier ministre Lévesque pour que ce programme ait force de loi avant la prochaine reprise du marché de l'habitation qui coïncidera avec la fin de l'hiver."

M. le Président, comment concilier la déclaration du ministre des Finances aujourd'hui, qui nous annonce qu'il y aura quelque chose de dévoilé bientôt à ce sujet, et celle du ministre délégué à l'Habitation qui nous dit que ça prend un projet de loi déposé devant l'Assemblée nationale pour mettre en vigueur un tel programme? M. le Président, comment croire à la crédibilité de telles annonces qui nous seront faites en pleine campagne électorale, alors que le ministre a déclaré que ça prenait une loi?

La Vice-Présidente: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Mme la Présidente, puisque le député de Nicolet-Yamaska fait référence spécifiquement à une déclaration de mon collègue, le ministre d'État à l'Aménagement et délégué à l'Habitation, je pense qu'il serait plutôt normal qu'on lui passe la réponse.

La Vice-Présidente: M. le ministre délégué à l'Habitation.

M. Tardif: Mme la Présidente, cela me fait plaisir que le député de Nicolet-Yamaska me donne l'occasion de lui rappeler un certain nombre de faits, puisque, au mois de décembre, en effet, j'ai déposé ici, dans

cette Chambre, le projet de loi 13 et que l'Opposition - puisqu'on en était quand même en fin de session, on avait besoin d'un consentement de l'Opposition - a refusé de donner son consentement pour que ce projet de loi soit adopté. Il n'a donc pas été adopté.

Mme la Présidente, je pense que les obstacles législatifs qui pouvaient se poser, vous en portez l'odieux.

La Vice-Présidente: M. le député de Nicolet-Yamaska. (15 heures)

M. Fontaine: Mme la Présidente, lorsque le ministre et le leader parlementaire du gouvernement ont décidé d'ajourner la Chambre, il n'y avait rien qui les empêchait de nous faire siéger plus vite pour faire adopter les projets de loi qu'ils voulaient faire adopter. Deuxièmement, je voudrais demander aujourd'hui au ministre délégué à l'Habitation à quel endroit précis, dans le budget qui nous a été présenté cette semaine par le ministre des Finances, on trouve les crédits nécessaires à l'application du programme qui va être annoncé demain ou dans les prochains jours.

M. Tardif: À aucun endroit, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Mme la Présidente, puisque la question du député de Nicolet-Yamaska m'était d'abord envoyée et que cela faisait allusion à mon collègue, le ministre d'État à l'Aménagement, je lui ai remis une partie de la réponse, mais je voudrais maintenant la terminer. Tout à coup que, effectivement, le financement d'un programme comme celui-là n'impliquerait pas de crédits budgétaires pour 1981-1982! Il y a bien des façons de financer un programme. Si ce n'est pas dans les crédits budgétaires, cela ne pourrait-il pas, par exemple, être dans les crédits extra-budgétaires? Il y a un surplus. J'entends le député de Laval dire: Ou dans les déficits! Il tombe mal. Dans les crédits non budgétaires, il y a un surplus de $1 milliard. Je m'excuse.

Le Président: Question principale. Mme la députée de L'Acadie.

Aide aux handicapés visuels

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. Il était ici il y a quelques instants. Je pourrais toujours la poser au premier ministre. Il est arrivé.

Le 16 février dernier, une lettre était adressée à tous les députés de l'Assemblée nationale par le Regroupement des aveugles et des semi-voyants du Québec, et était intitulée: 15,000 handicapés visuels demandent justice. En fait, ce que ce regroupement demandait, c'était que s'applique enfin l'extension du programme de réadaptation avec les aides mécaniques et autres pour les handicapés visuels. Le ministre des Affaires sociales avait annoncé un échéancier en trois étapes. La dernière étape devant s'adresser aux personnes de 35 ans et plus devait débuter en novembre 1979. Depuis ce temps, on n'a pas de nouvelle. Le regroupement s'inquiète, puisque ce sont des personnes plus âgées et dont le fonctionnement est diminué à cause de problèmes visuels.

Je voudrais demander au ministre des Affaires sociales de nous dire la raison pour laquelle il n'a même pas accusé réception de la lettre que lui envoyait le regroupement, et deuxièmement, quelles sont ses intentions. Veut-il remplir la promesse qu'il avait faite, probablement en novembre 1979, selon laquelle les handicapés visuels de 35 ans et plus feraient partie de ce programme de réadaptation?

Le Président: M. le ministre.

M. Lazure: Non, M. le Président. Je dois dire d'abord que j'ai rencontré les porte-parole du regroupement il n'y a pas longtemps, lors d'une visite à l'Institut Nazareth et Louis-Braille, situé à Longueuil, dans la région de Montréal. J'ai répondu en personne à la requête, si vous voulez, qui était arrivée au ministère, qui n'est pas en soi une nouvelle requête. Il est bien entendu que les handicapés visuels souhaitent que ce programme, qui était commencé par étapes, depuis un certain temps, couvre l'ensemble de tous les handicapés visuels, de la même façon que tous les handicapés souhaitent que les services soient multipliés. Cependant, l'échéancier qui avait été élaboré à l'époque était un projet et nous comptons toujours pouvoir, dans un avenir prochain, étendre cette aide financière aux handicapés visuels qui ont besoin d'aide mécanique ou d'autres sortes d'aide.

Je dois dire, M. le Président, que, dans le budget du ministère des Affaires sociales, il y une somme de $1 million d'argent nouveau, en plus des fonds, des programmes qui existent déjà et qui ont été augmentés d'environ 11%, qui a été affectée au budget de l'Office des personnes handicapées. Nous étudions actuellement la possibilité d'affecter à même les fonds de l'Office des personnes handicapées, en partie en tout cas, des montants qui permettraient de mettre en vigueur la troisième et dernière phase de ce programme pour handicapés visuels.

Le Président: Question additionnelle,

Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais avoir une réponse plus directe du ministre. Il parle d'intention d'affecter de l'argent à l'office et on sait qu'il y a une foule d'organismes pour personnes handicapées qui font appel à l'office et les prévisions budgétaires sont quand même restreintes, quand le ministre nous parle de $1 million. C'est ce groupe qui est particulièrement affecté, dont le fonctionnement social et économique est diminué dès que ces gens sont atteints de cécité ou deviennent, comme on les nomme maintenant, des demi-voyants.

Je voudrais demander au ministre si, pour l'année 1981-1982, les handicapés visuels seront retenus en priorité par l'Office des handicapés et, si c'est son intention, de l'indiquer dans ce sens à l'office ou, sinon, si ces personnes doivent penser qu'elles devront attendre peut-être 1982, 1983 ou 1984. Elles attendent depuis 1979 et elles voudraient avoir une réponse ferme de la part du ministre.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: M. le Président, la réponse, c'est que nous allons faire l'impossible pour que cela se réalise au cours de l'année budgétaire 1981-1982. Je dois dire que les handicapés visuels, à part ce programme d'aide mécanique, reçoivent déjà de notre gouvernement des subventions importantes. Au chapitre du transport, par exemple, en 1976, quand nous sommes arrivés au pouvoir, le transport adapté aux handicapés n'était pas défrayé du tout par le gouvernement du Québec. Depuis quatre ans, nous avons appuyé, subventionné les commissions de transport métropolitain dans toutes les régions du Québec. Ensuite, nous avons établi des centres de travail adaptés pour les handicapés de toutes sortes, y compris les handicapés visuels. Il y a actuellement 35 centres de travail adaptés, au Québec, pour handicapés physiques et mentaux - quand on dit "physique", cela inclut les handicapés visuels - où ces milliers de personnes handicapées touchent le salaire minimum, au lieu de toucher, comme elles le faisaient auparavant, $20 par semaine.

M. le Président, la députée de L'Acadie aborde un problème très précis. Il est urgent de régler ce problème, j'en conviens, mais, durant tout ce temps, nous avons pris des mesures pour aller à l'essentiel. Il faut d'abord que les personnes handicapées puissent se déplacer et qu'elles puissent aussi trouver du travail.

Finalement, si on revient aux handicapés visuels, je rappelle à cette Assemblée qu'il y a environ deux mois, nous avons accordé une subvention à une école de dressage de chiens-guides pour handicapés visuels. C'est la première fois que nous aurons, au Québec, des chiens-guides dressés en français pour les handicapés visuels de langue française.

Des voix: Bravo!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous vous plaît!

M. Lazure: M. le Président, puisque l'Opposition semble faire des gorges chaudes et trouver cela très drôle - je vois le député de Rouyn-Noranda arborer un grand rire - il faut dire que les handicapés visuels, du Québec, jusqu'à il y a deux mois, devaient se rendre aux États-Unis et y passer trois ou quatre mois pour obtenir un chien guide qui était entraîné en anglais dans une école de formation américaine. Nous avons pensé qu'il était temps que les handicapés visuels, puisqu'ils sont des citoyens à part entière, aient un chien guide éduqué, au Québec, en français, dans la langue de la personne qui est aveugle. (15 h 10)

Une voix: C'est moi qui ai suggéré cela.

Le Président: S'il vous plaît! Fin de la période des questions. À l'ordre! M. le député de Gouin, j'essaierai de vous reconnaître mardi prochain.

M. Tremblay: Merci!

Le Président: Motions non annoncées.

M. Charron: M. le Président, je vous avais donné avis...

Le Président: Effectivement, j'ai été informé qu'il y avait deux compléments de réponse, l'une de la part du ministre du Travail à une question du député de Portneuf et une autre du ministre de l'Environnement à une question du chef de l'Opposition officielle.

M. le ministre du Travail.

Grève à la Reynolds, antibriseurs et permis de coupe de bois

M. Marois: M. le Président, on se rappellera que j'ai pris avis hier d'une double question du député de Portneuf. L'une portait sur des plaintes concernant des antibriseurs de grève, plaintes logées par des travailleurs syndiqués dans le conflit qui oppose les travailleurs forestiers à certaines entreprises. Le deuxième volet portait sur des droits de coupe additionnels qui auraient été accordés à certaines entreprises.

En ce qui concerne le premier point, le

député comprendra que je suis parmi ceux qui se sont couchés au soleil levant, attendant et suivant de très près ce qui se passait au Cap-de-la-Madeleine dans le conflit de la Reynolds, cette nuit. En passant, je suis heureux d'annoncer que les travailleurs syndiqués ont accepté, par un vote de 62%, le rapport des médiateurs et que la compagnie l'a aussi accepté. Ceci étant dit, je m'excuse auprès du député. Il comprendra, M. le Président, j'en suis sûr, que je n'ai malheureusement pas eu le temps, ce matin de prendre connaissance du rapport de l'enquêteur, mais je vais le faire dans les meilleurs délais possible.

En ce qui concerne le deuxième point, les droits de coupe prétendument additionnels accordés à certaines entreprises, nous avons une réponse très précise à donner au député et je vais laisser mon collègue, le ministre de l'Énergie et des Ressources, lui communiquer cette réponse. Allez-y.

M. Bérubé: M. le Président, brièvement. En fait, pour tous les permis de coupe accordés à l'industrie forestière, il y a une destination des bois qui est spécifiée et aucun industriel ne peut, sans l'autorisation du ministère, transférer des bois à une autre usine qui serait, par exemple, en grève et qui ne pourrait pas bénéficier de ces approvisionnements. Aussi, dès que les représentants du syndicat m'ont contacté pour se plaindre de certains transferts supposés, puisqu'ils n'en avaient pas la preuve, et qu'ils m'ont demandé de faire enquête, nous avons fait enquête, plus particulièrement dans le cas d'un transfert de bois entre la société Kruger et la société CIP de manière à pouvoir vérifier. Il est bien évident qu'il est passablement difficile, après coup, de s'assurer que du bois dans la cour d'une usine vient d'un parterre de coupe qui n'était pas destiné à une usine en particulier mais à une autre.

Toutefois, j'ai immédiatement demandé a mes fonctionnaires de surveiller tous les transferts de bois et, effectivement, nous avons pu saisir un transfert de bois entre la société Reed et la société Québec North Shore qui devait impliquer 25,000 cordes et nous l'avons bloqué. Il ne s'est pas fait plus qu'un transfert d'à peu près 300 cordes et, en fait, je peux dire que, présentement, c'est sous contrôle.

Le Président: Dernière question, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Une question additionnelle au ministre de l'Énergie et des Ressources. Vous évoquez que vous avez vérifié les transferts de droits de coupe entre les compagnies Kruger et CIP. Est-ce que vous avez vérifié les transferts entre les compagnies Consolidated-Bathurst et CIP?

Le Président: M. le ministre.

M. Bérubé: Oui, M. le Président, ils ont tous été vérifiés. Mais, comme je le disais dans ma réponse initiale, il est très difficile, une fois que les transferts ont été faits, s'ils ont effectivement été faits, d'identifier le bois dans une cour et d'avoir une preuve absolument irréfutable qu'il y a effectivement eu violation de la loi. Toutefois, à ce moment, j'ai demandé à mon ministère de surveiller de très près les entreprises pour qu'il ne s'en reproduise plus, s'il s'en était produit.

M. Pagé: Une dernière question additionnelle au ministre du Travail. La loi 45, ça va bien? La loi "antiscabs", ça va bien, oui, avec cela?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Marois: M. le Président, on est en train de procéder, après plus de deux ans de rodage, à une première nord-américaine, les mesures antibriseurs de grève au Québec. Le député de Portneuf sait fort bien que c'est une première nord-américaine et, si je comprends bien ce que le député de Portneuf insinue par sa question, peut-être qu'il y aurait lieu maintenant de procéder à une évaluation rigoureuse, à la suite de l'expérience née de cette mesure et je comprends que nous aurions l'accord de l'Opposition officielle, quand on se retrouvera, qu'elle sera encore l'Opposition officielle pour, le cas échéant, prendre les mesures qui s'imposeraient pour faire en sorte que sur la base de l'évaluation et de l'expérimentation menées, on puisse, le cas échéant, resserrer le tout.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement, brièvement, s'il vous plaît.

Assainissement des eaux

M. Léger: M. le Président, je voudrais donner une réponse aux trois questions que le chef de l'Opposition a posées mardi concernant les programmes d'assainissement des eaux pour la grande région de Montréal. On relit le texte aux pages 2050 et 2054 du journal des Débats.

Les trois questions portaient sur les sujets suivants. On reprochait au gouvernement d'avoir fait des engagements financiers au-delà de la période des élections pour rembourser les paiements de l'assainissement des eaux. Deuxièmement, le gouvernement du Québec n'allait pas assez vite dans ce domaine. Et, troisièmement, on aurait favorisé des amis dans les comtés de Taillon, Chambly et Terrebonne.

Premièrement, M. le Président, je dois dire que les engagements pour les paiements

de l'assainissement des eaux, c'est selon la même procédure que celle que le gouvernement libéral avait, c'est-à-dire le remboursement, dans une période de vingt ans, pour la dette que les municipalités ont contractée. Mais nous avons apporté deux améliorations. Nous, nous remboursons aussi l'intérêt, chose que le Parti libéral du temps ne faisait pas. Deuxièmement, nous avons augmenté la subvention à 90%, alors que les ententes signées par le gouvernement libéral n'étaient qu'à 66%.

On a reproché aussi au gouvernement de ne pas aller assez vite dans ce domaine. Je dois quand même dire que nous avons pour $1,300,000,000 de protocoles signés et $600 millions de dépensés. On peut dire que les quinze ans de retard que le Québec avait dans l'assainissement des eaux, sous le gouvernement libéral précédent, ont été repris rapidement. Je ne comprends pas que le chef de l'Opposition puisse nous dire qu'on ne va pas assez vite là, alors qu'il voudrait avoir un moratoire pour les éleveurs de porc dans la Yamaska, chose qu'il a prétendue lors de l'élection partielle. Il a deux façons un peu incohérentes de voir la situation.

Troisièmement, le chef de l'Opposition a parlé de favoriser des amis au niveau des contrats dans Taillon, Chambly et Terrebonne. J'aimerais lui dire que les contrats qui ont été donnés à la firme qui a été choisie, ce sont des contrats qui sont passés par le fichier central et, mieux que cela, le maire de Boisbriand, candidat libéral du parti de M. Ryan, a lui-même choisi, comme maire de la ville, la même firme pour faire les travaux à Boisbriand.

Le Président: À l'ordre! La période des questions est terminée.

Motions non annoncées.

Enregistrement des noms sur les votes en suspens.

Avis à la Chambre.

M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Aucun, M. le Président.

Le Président: Aucun avis. Affaires du jour. M. le leader de l'Opposition officielle, de même que les membres de l'Assemblée, j'aimerais que vous m'informiez de la question avec débat qui sera discutée le vendredi 20 mars 1981.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, nous avons pensé demander au leader parlementaire du gouvernement si, à l'occasion de la commission qui sera appelée le 13 avril, nous ne pourrions pas avoir en même temps la question avec débat.

M. Charron: C'est une très bonne idée, mais en soirée seulement.

M. le Président: Je vous prierais d'appeler la reprise du débat sur la motion de M. Parizeau.

Débat sur le discours sur le budget

Le Président: La reprise du débat sur la motion de M. Parizeau, proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement.

M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, c'est un peu dommage que nous abordions un sujet aussi grave dans une atmosphère aussi survoltée de préoccupations électorales. Le gouvernement ayant fait l'effort de présenter un budget sans qu'on sache s'il aurait le courage de pousser jusqu'au bout le débat qui doit suivre la présentation du budget, il faut quand même procéder à l'examen minutieux du document, et nous allons le faire avec le plus d'objectivité possible. (15 h 20)

Étant donné qu'il s'agit du cinquième budget présenté par le ministre actuel des Finances, il est normal qu'on profite de l'occasion pour faire en même temps un bilan de la performance économique et financière du gouvernement actuel.

Quand il a accepté sa tâche, le ministre des Finances s'engageait d'abord à stimuler par des mesures législatives et autres le dynamisme de l'économie. Il avait pris l'engagement répété à maintes reprises d'exercer un contrôle plus serré sur le mouvement des dépenses publiques, et il s'était enfin engagé formellement à assainir les finances de l'État, prétendant les avoir trouvées, à son arrivée au pouvoir, dans un état lamentable.

Il s'engageait enfin - il l'a répété souvent - à répartir les charges fiscales et les obligations financières que la vie en commun fait peser sur les citoyens dans un esprit de justice et d'équité.

C'est à la lumière de ces critères généraux que nous examinerons ensemble ce qui s'est effectivement produit au cours des quatre dernières années. Je voudrais commencer par un examen général de la performance du gouvernement au plan de l'économie. L'économie constitue, évidemment, la toile de fond sur laquelle on doit essayer d'interpréter et d'analyser la performance plus limitée du gouvernement en matière de fiscalité et de finances publiques.

Les porte-parole du gouvernement actuel aiment se vanter d'avoir fait fonctionner l'économie du Québec à un rythme dynamique au cours des quatre dernières années. On se demande souvent sur quoi ils s'appuient pour formuler de

semblables prétentions. Mais, aujourd'hui, l'occasion est très propice pour procéder à un examen rigoureux de ces prétentions gouvernementales. À première vue, on cite souvent un chiffre familier. On affirme - et je trouve ces chiffres dans le dernier discours du budget que nous avons entendu avant-hier - que le produit intérieur brut du Québec aurait progressé, au cours des cinq dernières années, à peu près au même rythme que le produit national brut pour l'ensemble du pays.

De fait, les statistiques, pour la période de 1976 à 1980, indiquent que le produit national brut a progressé, au Canada, de 10,8% par année, en moyenne, tandis qu'au Québec il a progressé de 10,4% par année. C'est un décalage de quatre dixièmes de point qui ne manque pas d'importance, étant donné les ordres de grandeur avec lesquels nous traitons. Mais, quand même, disons qu'à ce seul point de vue le gouvernement aurait partiellement raison de se vanter de sa performance, si ce n'était pas un ensemble de circonstances qu'oublient toujours de rappeler les porte-parole gouvernementaux. En effet, pendant cette période, il s'est produit au Canada une conjoncture économique difficile qui a particulièrement frappé l'Ontario et qui, par conséquent, n'a pas procuré dans l'ensemble du pays le rythme d'accroissement économique auquel on était habitué pendant les périodes précédentes.

Il y a eu, de plus - je ne dis pas qu'on oublie de le mentionner, j'affirme qu'on omet sciemment d'en faire état - des politiques de protection du gouvernement fédéral à l'endroit de certaines industries implantées au Québec, en particulier les politiques de contingentement en matière de textile et de vêtement qui ont contribué à maintenir en santé ces industries qui étaient jusque-là déclinantes.

Il y a eu des politiques de taux de change de l'État fédéral qui ont donné un coup de pouce très important aux exportations du Québec, surtout dans le domaine des pâtes et papiers. Il y a eu enfin - et ceci explique la faiblesse du décalage à ce seul chapitre - le gonflement extraordinaire des déficits et de l'endettement qui a produit de l'activité à court terme, mais également des obligations très lourdes pour l'avenir.

C'est pour ça que si l'on veut se faire une juste idée des progrès accomplis il ne faut pas s'en tenir à ce seul indicateur très général pour procéder à une analyse précise. C'est ce que je vais faire en invoquant un certain nombre de critères ou d'indicateurs qui sont très familiers au ministre des Finances, même s'il en parle de manière plutôt succincte ou à la volée, par les temps qui courent.

Parlons d'abord de la croissance de la population. La ressource la plus importante d'une société, c'est sa population. Cela passe avant tout le reste. Cela passe avant le pétrole, avant l'électricité, avant l'agriculture. Les ressources humaines sont l'actif le plus important dont dispose une société. Or, que s'est-il produit au Canada et au Québec, à ce chapitre, de 1976 à 1980? Pendant que la population augmentait de 82,000 unités dans les provinces atlantiques, de 306,000 en Ontario, de 295,000 dans les provinces des Prairies et de 170,000 en Colombie-Britannique, elle augmentait seulement de 69,000, en quatre ans, dans la province de Québec. Le taux d'augmentation pour les provinces atlantiques a été de 9%, pour la province de l'Ontario, sur laquelle s'apitoyait l'autre soir le ministre des Finances - je vais lui en reparler dans un instant - de 33%, pour le Québec, de 7,5%.

Le ministre nous disait l'autre jour que, quand nous parlons des mouvements migratoires qui ont été tellement nocifs pour le Québec, nous avons perdu net, au cours des quatre premières années du régime péquiste, 123,933 personnes. C'est-à-dire que le nombre de personnes qui ont quitté le Québec pour aller vers d'autres provinces a été supérieur de 123,933 au nombre des personnes qui sont venues s'implanter au Québec, alors qu'entre 1971 et 1976, le rapport avait été infiniment plus favorable. Il y avait eu une année difficile en 1970, c'était l'année des troubles d'octobre, et cela se comprend, 40,000 personnes. Il y a eu un déficit net de 40,000 cette année-là. Mais, si vous regardez les cinq années qui ont suivi, vous arrivez à un déficit net d'à peu près 6000 ou 7000 par année. Tandis que, pour les quatre années dont j'ai parlé, le déficit net était de 31,000 contre un déficit net de 7000 sous le régime libéral précédent.

Le ministre s'apitoyait l'autre jour sur l'Ontario. Il nous disait: On parle des personnes qui ont quitté le Québec, on ne parle pas de celles qui ont quitté l'Ontario. J'allais dire comme la fable de La Fontaine: Quittez ce souci qui vous honore mais qui ne répond à rien de réel. L'augmentation de la population, au cours des dix dernières années, a été en Ontario de 844,000, tandis qu'au Québec, elle a été de 273,000, c'est-à-dire un taux d'augmentation en Ontario, pour cette période, la dernière décennie, de 10,9%, tandis qu'au Québec, le taux d'augmentation a été de 4,5%.

Un gouvernement qui vient se vanter de sa performance devant des résultats comme ceux-là, c'est un gouvernement qui a besoin de retourner à l'école pour apprendre autre chose que des discours de rhétorique, pour apprendre à compter pour le vrai.

On s'est fait rebattre les oreilles, à maintes reprises, au cours des derniers mois, par le ministre d'État au Développement économique et par le ministre des Finances -

qui a été plus discret cependant, je dois le reconnaître, il est plus modeste et plus sobre en général - au chapitre des investissements. On nous affirme, on nous chante sur tous les tons que les investissements vont très bien au Québec. Ainsi que le soulignait mon collègue de Laval, hier, depuis le référendum, M. le Président, c'est vrai qu'il y a eu un progrès des investissements, c'est vrai qu'à Montréal les travaux de construction ont repris ces derniers mois, parce que les investisseurs se sont dit: Les Québécois ont fait un choix clair pour le fédéralisme canadien, ils confirmeront ce choix très bientôt à l'occasion de l'élection générale qui s'en vient. Après avoir perdu quatre ans, on comprend qu'ils ne veuillent pas attendre davantage et qu'ils aient commencé à mettre en chantier des projets qui, souvent, attendaient depuis longtemps.

Mais, regardons ce qui s'est produit en matière d'investissements au Canada et au Québec, au cours des cinq dernières années, toujours les années de la gestion péquiste. Au chapitre des investissements totaux, l'accroissement des immobilisations a été de 10,9% par année, pour l'ensemble du Canada. Pour le Québec, il a été de 6,6%. Pour l'Ontario, sur lequel s'apitoyait le ministre des Finances, il a été de 8,8%. Pour les provinces atlantiques, il a été de 8,1%. Pour les provinces des Prairies, il a été de 15,6% et pour la Colombie-Britannique, de 15,3%. Par conséquent, le Québec a traîné derrière toutes les autres provinces, toutes les autres régions en matière d'investissements. (15 h 30)

Maintenant, regardons seulement les investissements privés. Grâce surtout à une décision majeure prise par le gouvernement libéral précédent et qu'avaient vivement dénoncée, dans le temps, le ministre actuel des Finances et le premier ministre du gouvernement péquiste, si ce n'avait été de cette décision qui a permis de poursuivre à la Baie James des travaux très importants, le Québec aurait été encore beaucoup plus en retard en matière d'investissements. Notre retard a été quelque peu soutenu par l'ampleur des investissements publics. Mais si vous regardez seulement les investissements privés, M. le Président, le rythme annuel de croissance, pour l'ensemble du Canada, a été de 11,8%; au Québec, de 1976 à 1980, il a été de 4,5%; dans les provinces atlantiques, 7,9%; en Ontario, 8%; évidemment, dans les provinces de l'Ouest, ça a été entre 15% et 16%. Par conséquent, au chapitre des investissements privés, quand nous vous disions que les entreprises ne faisaient pas d'investissements, quand nous vous disions que la construction ne fonctionnait pas au Québec et qu'on entendait, de l'autre côté de la Chambre, des ricanements, c'est qu'on ne connaissait même pas l'évolution de la véritable réalité économique, on se nourrissait de chiffres abstraits, tirés on ne sait d'où, et je défie qui que ce soit, de l'autre côté de la Chambre, de contredire ces chiffres qui sont puisés à des sources incontestables.

Nous avons souvent parlé de la construction domiciliaire, je ne veux pas m'y attarder longuement; c'est la même chose, c'est une chute pénible d'année en année. La construction résidentielle a connu au Québec, depuis cinq ans, un déclin lamentable. En 1976, le nombre d'unités de logement mises en chantier avait été de 68,000; en 1977, ça baisse à 57,000; en 1978, à 43,000; en 1979, à 41,000 et, en 1980, à 29,000.

Nous étions autrefois, en 1975-1976, à peu près à 25% de l'ensemble canadien; pour l'année 1980, nous aurons été à 18,3% de l'ensemble canadien, alors que tout le monde sait que notre proportion de la population est d'un peu plus de 26%, ce qui veut dire que nous sommes bien en deçà de la part qui nous reviendrait logiquement.

Parlons maintenant de l'emploi: on va prendre tous les critères, les uns après les autres.

Prenons la création nette d'emplois au Québec, par rapport à l'ensemble du Canada: De 1973 à 1976, le Québec a eu 22,1% de tous les emplois nouveaux créés au Canada. De 1977 à 1980, 17,9% seulement.

On se vante souvent des résultats obtenus pendant l'année 1979, qui fut une année particulièrement favorable, mais ce que nos amis du gouvernement oublient toujours de souligner, c'est qu'ils passeront à l'histoire comme les spécialistes de la création d'emplois à temps partiel. Si nous prenons seulement les emplois à temps plein, nous constatons que la performance du Québec, au cours des quatre dernières années, a été bien inférieure à ce que voudraient nous faire croire les prétentions du gouvernement. Je donne quelques chiffres rapides.

Entre 1961 et 1976, nous avons créé au Québec 63,000 emplois à temps plein en moyenne par année, et 6000 emplois à temps partiel. Entre 1977 et 1980, 30,250 emplois à temps plein, deux fois moins d'emplois à temps plein, créés par le gouvernement péquiste au cours des quatre dernières années, par comparaison avec la performance du gouvernement qui l'avait précédé.

Évidemment, le nombre des emplois à temps partiel - je vais vous en dire un mot tout de suite - lui, a grimpé de 6000 par année à 22,500. Il y en a qui se satisfont de ça, c'est leur droit, mais je pense que le public exige davantage; le public sait très bien qu'un emploi à temps plein, ce n'est pas comme ces emplois à temps partiel généralement passagers et transitoires dont on se satisfait, faute d'autre chose.

On a beaucoup parlé du programme

OSE. Mon collègue de Laval faisait remarquer, hier, qu'il n'en était pas question dans le discours du budget. Je ne veux pas insinuer qu'il y aurait le moindre désaccord entre le ministre d'État au Développement économique, qui est chargé de ce programme, et le ministre des Finances, qui est resté très discret au sujet du programme OSE, mais je voudrais profiter de la circonstance pour rétablir certains faits.

Le programme OSE, au cours des trois dernières années, 1978, 1979 et 1980, a permis de créer, d'après les prétentions du gouvernement, 20,311 emplois permanents au total. De ce nombre, 12,433 ont été créés en 1978, 5077 en 1979 et seulement 2801 en 1980. C'est une chute lamentable. Les emplois à temps partiel, les emplois temporaires: 14,000 en 1978, 14,700 en 1979 et 13,800 en 1980, pour un total de 42,910, c'est-à-dire deux emplois temporaires ou à temps partiel pour un emploi à temps plein. C'est cela, en deux mots, le bilan du programme OSE. Si l'on faisait l'estimation du coût de chacun de ces emplois, on s'apercevrait que, pour faire, très souvent, travailler des amis du régime à temps partiel, cela coûte plus cher que s'ils avaient un travail ordinaire dans le secteur privé.

Nous porterons à l'attention de nos concitoyens, pendant la campagne électorale, un bon nombre de ces projets de paille, ces projets enveloppés dans de belles boîtes de carton, mais qui n'ont apporté aucun accroissement véritable de l'économie, sinon des sursis de revenu souvent à des personnes qui étaient très proches du gouvernement.

Maintenant, si on a encore des doutes du côté gouvernemental, je vais ajouter une nouvelle statistique qui peut être intéressante: la création d'emplois à temps plein au Québec par rapport à l'ensemble du Canada. Peut-être pourrait-on affirmer que, tout compte fait, ce n'est pas l'idéal, ce n'est pas aussi bien qu'en 1971 et 1976, mais que c'est aussi bien que le reste du Canada. On a entendu ce refrain souvent de l'autre côté de la Chambre. Regardons ce qui s'est passé du côté de l'ensemble du Canada.

Le taux annuel de création d'emplois à temps plein a été substantiellement supérieur dans l'ensemble du Canada à ce qu'il a été au Québec. Il a été, pour l'ensemble du Canada, de 2,39%, c'est-à-dire que, chaque année, le nombre d'emplois à temps plein a augmenté de 2,39% pour l'ensemble du Canada, tandis que pour le Québec il a augmenté de 1,30%.

Une chose particulièrement significative, M. le Président, la création d'emplois à temps plein pour les hommes a été particulièrement faible, soit 40,000 emplois pendant quatre ans, à peine 10,3% du total canadien correspondant pour les emplois qui vont généralement à des responsables de famille sous notre régime économique et social actuel. On s'est beaucoup vanté. À entendre pérorer le ministre d'État au Développement économique, on penserait que l'industrie secondaire a accompli au Québec, ces dernières années, des bonds extraordinaires. En réalité, le nombre d'employés dans ce secteur a plafonné de 1976 à 1979. Il a décliné de près de 8000, au cours de la dernière année, pendant que dans l'ensemble du Canada il augmentait sensiblement.

Tout le monde a remarqué que dans son discours du budget le ministre des Finances a glissé très vite sur la question du chômage, une question au sujet de laquelle il aimait beaucoup, autrefois, quand il était dans l'Opposition, donner de brillantes conférences de presse. Mais maintenant ce sont de brillants raccourcis. On va regarder quand même les chiffres; je pense que c'est important qu'on les présente en toute objectivité, encore une fois, et sans aucune espèce de coloration.

Le taux de chômage au Québec, entre 1973 et 1976, fut en moyenne de 7,6% par année. Au cours des quatre années de la gestion péquiste, cette moyenne s'est élevée à 10,2% par année, c'est-à-dire une augmentation de 2,6%. J'entendais le ministre s'étonner l'autre jour de ce que les allocations sociales ont coûté plus cher en 1980-1981 qu'il ne l'avait prévu. Il avait oublié d'ajouter un certain nombre de chômeurs de plus qui sont venus se greffer au contingent déjà trop nombreux de chômeurs que nous avons au Québec. Le nombre de chômeurs était en moyenne de 196,000 personnes de trop entre 1973 et 1976. Or, aujourd'hui, il est de 296,000 à 300,000, c'est-à-dire une croissance de l'ordre de 48% à 50%. Je n'ai pas vu ça dans le discours du budget l'autre soir, c'est une chose sur laquelle on a glissé très vite, encore une fois. (15 h 40)

En outre, l'écart du taux de chômage entre le Québec et l'Ontario s'est agrandi d'une façon très significative depuis que le Parti québécois est au pouvoir et ce, même si le taux de chômage ontarien s'est accru d'une manière plus rapide, en raison particulièrement des difficultés de l'industrie automobile. Cet écart était de 2,3 points de pourcentage entre 1973 et 1976. Il est maintenant de 3,3, c'est-à-dire une augmentation d'un point de pourcentage. Cette augmentation signifie un chômage déguisé d'environ 15,000 unités de plus. Si l'on considère le nombre considérable de personnes qui ont quitté le Québec pendant la même période, ça veut dire une augmentation réelle de chômage, par rapport aux données démographiques de 1975, encore plus élevée, M. le Président.

On remarque que le taux de chômage est particulièrement élevé au Québec chez

les hommes de 15 à 24 ans. Le Parti québécois excelle à faire porter des drapeaux aux jeunes de 15 à 24 ans, à leur faire signer des pétitions, et parfois ils sont trop jeunes pour comprendre vraiment la signification profonde des engagements qu'on leur demande. Des fois ce sont des parents qui signent ça pour tout le monde. On ferait mieux de leur trouver des emplois, on ferait mieux de leur procurer des emplois. Au Québec, en 1980, le taux de chômage, chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans, est de 17%. En Ontario de 11,2%. Et, pour l'ensemble du Canada, de 12,1%. Le taux de chômage chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans est en constante progression depuis trois ans et il est plus élevé au Québec, évidemment, que dans tout le reste du pays.

Un dernier indice. Le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières m'écoute, je l'apprécie beaucoup. Il a été ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre pendant une bonne partie du mandat du gouvernement péquiste. Souvent il a voulu nous faire croire que le dossier du Québec, sous sa gestion, avait connu une impressionnante amélioration.

Malheureusement, quand on prend les chiffres dans une perspective plus large, ils tiennent un tout autre langage. C'est vrai qu'à d'autres périodes le Québec a eu le championnat des jours de travail perdus en raison de grèves, de lock-out ou d'arrêts de travail d'une forme ou de l'autre.

Entre 1974 et 1976, on dit souvent que le Québec avait le championnat, ce n'était pas vrai, c'était la Colombie-Britannique qui l'avait. Elle avait perdu, pendant cette période, en moyenne 238,000 jours par année, 238 jours par 100 salariés, et le Québec 199. En 1977, nous reprenons le championnat, 60 jours perdus au Québec par 100 travailleurs, contre 34 en Ontario, 16 en Colombie-Britannique, 27 dans les provinces atlantiques, 9 dans les Prairies. En 1978, nous perdons brièvement notre avance, nous avons 84 jours perdus, l'Ontario 88, la Colombie-Britannique 49, les provinces atlantiques 87 et les Prairies 67. En 1979, nous reprenons la tête du peloton avec 133, l'Ontario 74, la Colombie-Britannique 69, les Prairies 29, les provinces atlantiques 31.

Pour les trois années 1977 à 1979, la moyenne s'établit ainsi: Le Québec, 92 jours perdus par 100 salariés, l'Ontario 65, la Colombie-Britannique 45, les Prairies 35 et les provinces atlantiques 48.

En chiffres absolus, il y a eu moins de grèves à travers tout le Canada, entre 1976 et 1981, qu'il n'y en avait eu pendant la période précédente. C'est un phénomène général qui se constate également aux États-Unis. Que le Québec ait participé à ce mouvement général, il n'y a personne qui doive s'en frotter la bedaine d'aise. C'est un phénomène général auquel nous avons participé comme tout le monde. Ce qu'il importe de souligner, c'est que comparativement, quand on met les données d'une province en regard de celles des autres provinces, le Québec a conservé et même accentué, pendant les années de la gestion péquiste, ces années de gestion imprégnées d'un soi-disant préjugé favorable à l'endroit des travailleurs, son championnat et sa position en tête du peloton.

Je pense en avoir dit assez à ce sujet pour faire voir clairement que ce que nous soutenons de ce côté-ci, depuis quatre ans, est confirmé par les statistiques les plus fiables, les plus abondantes, c'est-à-dire que sous la gestion du Parti québécois et de l'actuel ministre des Finances le Québec, au plan économique, a reculé sur à peu près tous les fronts. Quand il a réussi à ne pas reculer, c'est à peine s'il a réussi à se maintenir laborieusement en place.

Il n'est pas étonnant, sur une toile de fond comme celle-là, que la performance du Québec en matière de finances publiques n'ait pas été spécialement reluisante; elle a même été la plus lamentable, très probablement, de toute l'histoire politique du Québec depuis les débuts de la Confédération. Cela commence, évidemment, par un phénomène que vous connaissez. Le gouvernement actuel en est un à tendance fortement interventionniste dont le programme politique est rempli à tous les paragraphes, à toutes les pages de propositions recommandant une intervention plus forte du gouvernement dans les affaires des citoyens et, en particulier, dans l'économie.

Malgré une conversion tardive à un certain respect envers l'entreprise privée, la préférence profonde de nos amis d'en face va vers une économie de type socialisée où les agents étatiques exerceront une influence prépondérante. Ce n'est pas étonnant, dans ces conditions, que la part de la production de biens et de services au Québec qui est accaparée par l'État québécois et ses nombreux organismes ait continué d'augmenter au cours des dernières années.

En 1976-1977, la part du revenu personnel de chaque citoyen, pour chaque dollar gagné par chaque citoyen, la part qui allait au gouvernement en 1976-1977 était de 27,4%; en 1980-1981, elle sera de 30,1%, une augmentation de près de trois points de pourcentage. La part du produit intérieur brut qui allait au gouvernement était de 23,2% en 1976-1977; elle sera, en 1980-1981, de 25,7%. Je signale qu'en Ontario la part de la production absorbée par le secteur public provincial est de l'ordre de 16% comparativement à 25,7% au Québec, c'est-à-dire une différence de neuf points de pourcentage.

Nous avons souvent parlé de la performance budgétaire du gouvernement. Je

pense qu'il est bon de faire le point avant que nous nous quittions probablement pour des affrontements plus décisifs que celui de cet après-midi et de ces jours-ci. Sous les six années dont fut responsable le gouvernement précédent, les déficits gouvernementaux atteignirent chaque année en moyenne la somme de $450 millions. Chaque année, $450 millions de déficit. Les déficits pour les cinq années de gestion du gouvernement péquiste - M. le Président, j'ai de la peine à mentionner ce chiffre parce que je me demande si je ne souffre pas d'une quelconque manie des grandeurs, parce qu'il me semble qu'il est impossible qu'on ait progressé à ce point; si je me trompe, j'invite mes amis d'en face à me corriger immédiatement - auront été, ensemble, de $10 milliards, c'est-à-dire une moyenne de $2 milliards par année. C'était $450 millions entre 1970 et 1976; là, c'est de $2 milliards par année, c'est-à-dire plus de quatre fois plus. (15 h 50)

Pour comprendre ce que cela veut dire, il faut se mettre les pieds sur la terre, se demander ce que cela représente pour chaque citoyen, M. le Président. Faisons des calculs rapides. Quand c'était un déficit de $450 millions par année, cela représentait un déficit, pour chaque famille de quatre personnes, d'environ $300 par année. Cela veut dire que chacun d'entre nous, comme chef de famille, était plongé dans le déficit par son gouvernement de $300 par année. On pouvait continuer de fumer des cigarettes bien tranquillement. On disait: On réussira à "revaucher" cette affaire. Ce n'était pas la fin du monde.

Savez-vous qu'au cours des cinq dernières années la charge qui vient s'ajouter aux obligations de chaque famille a monté à $1333 par année à partir de $300 que c'était il y a à peine cinq ans? Inutile de vous dire que la dette du Québec a monté en conséquence. La dette du Québec, quand nos amis du Parti québécois ont pris le pouvoir, était de l'ordre d'à peu près $5 milliards. Là je donne des chiffres ronds parce que je ne veux pas m'attarder dans les détails. Elle était, dis-je de l'ordre d'à peu près $5 milliards.

Or, quand on aura terminé l'exercice fiscal dont le ministre des Finances a assumé la responsabilité morale en déposant un budget l'autre soir, la dette directe du Québec sera de $15 milliards, c'est-à-dire trois fois plus, M. le Président, qu'elle ne l'était lorsque le Parti québécois a pris le pouvoir. Et ramenons cela encore au niveau d'une famille pour qu'on se comprenne très clairement. Cela veut dire que, quand l'exercice 1976-1977 s'est terminé... Là, je donne six mois de grâce au gouvernement actuel, je les impute au gouvernement précédent; il a besoin de ce petit crédit de six mois, parce que la performance qui a suivi a été tellement mauvaise, M. le Président. Au 31 mars 1977, la dette directe était d'à peu près $3300 par famille. Savez-vous de combien elle sera au 31 mars 1982? Même quand nous aurons pris le pouvoir, nous ne pourrons pas renverser la vapeur du jour au lendemain, j'en parlerai tantôt, cela va prendre un petit peu de temps, mais c'est une fausseté qu'on a corrigée. C'est de valeur que vous n'ayez pas été là pour écouter. Savez-vous combien la dette va représenter par famille de quatre personnes au 31 mars 1982, et ça, c'est à supposer que le déficit ne soit pas supérieur à ce qui a été annoncé, c'est-à-dire qu'il soit seulement de $3 milliards et non pas de $3,5 milliards ou de $4 milliards comme nous le prédisons dès ce soir si ce gouvernement allait rester en place? Cela veut dire que la dette sera de $10,000 par famille, M. le Président. Elle était de $3,300 au moment où le ministre actuel des Finances a pris la responsabilité des finances publiques de la province de Québec.

Est-il surprenant que, dans ces conditions, le coût de la dette ait monté de manière spectaculaire? Vous savez, si vous allez emprunter à une caisse populaire pour vous acheter une maison, elle va vous donner l'argent, cela paraît très bien, vous avez un beau chèque pour payer la personne de qui vous achetez la maison. Mais, après cela, on vous dit: Tu vas payer des intérêts maintenant. Et vous constatez, quand vous payez vos intérêts, que vous remboursez très peu de capital et que vos versements, c'est un peu partout la même chose, représentent 80%, 90%, 95%, parfois, des déboursés que vous faites seulement pour l'intérêt. Alors, au Québec, le coût de la dette, le coût des intérêts était à peu près de $500 millions au 31 mars 1977, pour l'exercice 1976-1977. Savez-vous de combien il sera dans le prochain budget? Au-delà de $1.5 milliard, trois fois plus. Mais $1,5 milliard par année, cela veut dire que, chaque jour qui passe, M. le Président, c'est $4 millions que le Québec doit envoyer strictement pour payer les intérêts sur sa dette.

Je reviens à ma comparaison des familles tantôt, c'est un fardeau fiscal de $1000 par famille de quatre personnes qui découle de cette dette, chaque année, du point où elle en est rendue actuellement. C'est par conséquent $1000. Chaque famille, au début de la journée, doit mettre $3 de côté pour payer les intérêts sur la dette du ministre des Finances du Québec. C'est seulement la dette directe. Je ne parle pas de la dette indirecte, de toutes les obligations qui ont été assumées par ailleurs par le gouvernement. Chaque jour qui passe, ça, c'est le fardeau réel que nous devons supporter pour justifier la manie des grandeurs d'un gouvernement qui n'a pas été

municipalités aussi. Mettons donc dans le même contingent les responsables de commissions scolaires, embarquez donc les hôpitaux aussi, embarquez Hydro-Québec. Je voudrais donc me couvrir derrière tout ce monde pour que mon mal apparaisse moins grave.

M. le Président, on peut faire la compilation pour l'ensemble si cela peut satisfaire le ministre des Finances ou le réconforter quelque peu dans sa situation extrêmement désagréable. Vous constatez encore ici que la part du produit intérieur brut, c'est-à-dire de l'ensemble des biens et services que nous produisons par notre travail, tout le monde, au cours d'une année, la part du produit intérieur brut qui allait pour la dette publique consolidée au Québec était de 37% en 1976. La dette représentait 37% de tout ce que nous produisions dans une année. Savez-vous combien elle représente à la fin de 1980? C'est passé à 44%, une augmentation de près de 20%, M. le Président.

Le ministre des Finances nous dit: C'est vrai, tout cela, mais j'ai hérité d'une succession terrible. J'ai hérité d'une succession extrêmement hypothéquée. Il faut que vous me compreniez. Mon travail a consisté, depuis que je suis en poste, à réduire les dépenses du gouvernement, à ramener les dépenses à un niveau raisonnable. Je n'ai cessé de multiplier les directives dans tous les sens et j'ai reçu une magnifique coopération de mes collègues. Il nous répète cela chaque année depuis déjà cinq ans maintenant. Que disent les chiffres, M. le Président? Des compilations ont été faites par le Conference Board, un organisme de recherche indépendant du gouvernement, sur les dépenses encourues par les différents gouvernements canadiens en 1980 et 1981. Cette étude du Conference Board établit que les dépenses publiques provinciales sont substantiellement plus élevées au Québec qu'ailleurs au Canada et plus particulièrement qu'en Ontario, et cela après les quatre années de gestion du ministre des Finances. C'est le diagnostic auquel en arrive le Conference Board. Les dépenses provinciales par personne étaient au Québec, en 1980-1981, de $2721. En Ontario, savez-vous de combien elles étaient, M. le Président? $1948, c'est-à-dire à peu près 50% de moins. Je ne le croyais pas moi-même tant que je ne me suis pas mis à analyser ces chiffres avec mon crayon et ma petite calculatrice. En éducation, cela nous coûte $709 par tête; en Ontario, $483. Pour la santé, $622, en Ontario, $550. Je veux rendre hommage à ce sujet à la Régie de l'assurance-maladie du Québec dont les autorités ont fait un effort magnifique pour contenir la croissance des dépenses. C'est un des secteurs au Québec, la Régie de l'assurance-maladie, où le taux d'accroissement des dépenses, surtout des dépenses administratives, a été le mieux contenu depuis quelques années. C'est probablement parce qu'il s'agit d'un organisme qui échappe au contrôle direct du gouvernement et qu'il a été doté par la loi d'une relative autonomie.

Je pourrais continuer. Je pense que c'est assez clair de ce côté-ci. Le ministre des Finances a reconnu lui-même dans son budget de 1979-1980 qu'il en coûtait alors $500 de plus par élève au Québec qu'en Ontario pour des fins d'éducation seulement.

Il y a une chose plus intéressante. Là, c'est Statistique Canada. Statistique Canada a fait des études sur le mouvement des dépenses dans le secteur de l'éducation et dans les autres au cours des années. Ils ont publié récemment des statistiques sur l'évolution comparative des coûts en éducation. Ils ont pris deux critères: le coût des services d'éducation en dollars par personne et le coût des services d'éducation en dollars par personne de 5 à 20 ans, c'est-à-dire, d'un côté, ce que cela coûte à chaque citoyen pour financer l'éducation et, de l'autre, ce que cela coûte pour chaque citoyen qui est aux études. Dans le premier cas, en 1976, ça coûtait $723 par personne pour faire fonctionner toute l'éducation au Québec; en Ontario, ça coûtait $647. C'est-à-dire qu'au Québec ça coûtait $1.17 pour chaque dollar qu'on dépensait en Ontario. Nous, qui avons une production annuelle d'au moins 10% à 15% inférieure à celle de l'Ontario, dépensions $0.17 de plus par dollar que nos amis de l'Ontario. C'étaient probablement les fruits des théories lumineuses de M. Gaulin et d'autres personnes qui ont toujours été très proches du gouvernement actuel; ils font semblant de s'opposer, mais, au fond, ils vous appuient, ils vont voter pour vous encore la prochaine fois. Ce ne sont pas les enseignants, les enseignants sont capables de beaucoup plus de discernement. (16 heures)

En 1980 - ce sont des chiffres de Statistique Canada - $1133 par personne au Québec contre $881 en Ontario, c'est-à-dire une différence de 40%. Cela nous coûte $1.40 par personne au Québec, en 1980, alors que ça coûte $1 en Ontario, c'est-à-dire $0.40 de plus, et c'était $0.17 de plus il y a cinq ans. Il n'est pas étonnant qu'on arrive avec des déficits comme ceux des deux dernières années, M. le Président, quand on a une performance comme celle-là en matière d'évolution des coûts.

Le ministre nous a dit souvent qu'il avait réduit les taxes au Québec. C'est une affirmation très intéressante, et on souhaiterait tous qu'elle fût vraie. Ce que le ministre a fait, ça a été autre chose. Cela a été un jeu de jonglerie avec certaines modalités de la fiscalité. Il a donné certains avantages ici, certains avantages là; il s'est

repris de telle manière, il s'est repris de telle autre. Dans l'ensemble, nous affirmons, de ce côté-ci de la Chambre, que le fardeau fiscal a augmenté sous le gouvernement actuel au lieu de diminuer. Pour chaque tranche de $100 de revenu encaissé par les Québécois, la part qui va à l'impôt sur le revenu est plus grande aujourd'hui qu'elle ne l'était au début du mandat du gouvernement actuel. Pour la première année de son mandat, le gouvernement avait réussi une performance convenable, il avait réussi a diminuer cette part de chaque tranche de $100 qui allait à l'impôt. Mais, au cours des quatre années suivantes, cela a été un vrai renversement de l'affaire, et aujourd'hui, sur la foi de chiffres que nos services de recherche ont établis ces jours derniers, j'affirme que la tranche de $100 de revenu doit sacrifier une portion plus importante que jamais à l'État québécois sous forme d'impôt.

Nous constatons également une autre chose très significative. Quand on regarde l'évolution des dépenses gouvernementales, on se dit: Si toutes ces dépenses avaient augmenté pour stimuler l'économie, par exemple, si on avait augmenté le volume des dépenses pour multiplier l'activité économique dans tous les domaines, cela aurait été un moindre mal, ça aurait été quand même un mal pour un bien, à tout le moins. Quand on regarde les statistiques, on est amené à des constatations qui sont assez déroutantes. On constate que la mission économique est peut-être, de toutes les missions gouvernementales, celle qui a été la plus mal traitée par le gouvernement actuel au cours des cinq dernières années.

Entre 1970 et 1971, la mission économique avait connu un taux d'accroissement annuel de son budget de l'ordre de 19,7%. Entre 1977 et 1982, le taux d'accroissement aura été de 9%, c'est-à-dire moins de deux fois moins, deux fois plus bas qu'au cours de ces années. Inutile de vous dire que, dans l'ensemble du budget gouvernemental, le même phénomène est constaté: la mission économique occupait 14,2% de l'ensemble du budget en 1976-1977, dernière année budgétaire du gouvernement précédent. En 1981-1982, d'après les chiffres déposés par le ministre des Finances mardi soir, 11%; la part de la mission économique dans l'ensemble du budget gouvernemental est tombée à 11%, de 14,2% qu'elle était. Si vous voulez savoir où est allée la différence, vous devez regarder surtout du côté de la mission gouvernementale, c'est-à-dire la bureaucratie, la paperasse, les superstructures, les voyages, la propagande de toute sorte, qui s'est enrichie aux dépens des dépenses de véritable nature économique.

Un autre indice le confirme d'ailleurs, M. le Président, on mesure la santé d'une entreprise à la qualité des investissements qu'elle fait. C'est la même chose pour une famille. Si le père de famille a un revenu convenable, qu'il épargne raisonnablement, vous le voyez s'acheter une maison, vous le voyez s'acheter une voiture, vous le voyez s'acheter un camp d'été, etc., quand il n'a pas d'argent ou quand il fait beaucoup d'argent mais qu'il dépense tout cet argent, il reste locataire, il n'a jamais aucun des biens qu'il envie souvent chez les autres.

Chez les entreprises, on prend une partie des revenus de chaque année pour procéder à des améliorations d'équipement, pour renouveler les bâtisses, pour faire des installations nouvelles, pour accroître, en somme, la capacité de production de l'entreprise. Or, que s'est-il passé sous le gouvernement actuel? Sous le gouvernement précédent, les dépenses en capital, c'est-à-dire les dépenses d'immobilisation, de construction d'immeubles publics, de construction de routes, de construction de ponts, de construction d'infrastructures nécessaires à la bonne marche de la collectivité, représentaient 5,8% du budget total. C'est en 1976-1977 et c'est une moyenne qui avait été assez bien conservée pendant les années précédentes. La part du budget qui allait aux dépenses d'immobilisation augmentait de 13% par année, c'était un taux d'augmentation inférieur au taux d'augmentation des dépenses publiques en général, mais quand même très convenable.

Or, qu'est-ce qui est arrivé sous le gouvernement péquiste? J'hésite encore à le dire, parce qu'on se demandera où j'ai puisé ces statistiques. Or, c'est dans les états financiers du Québec, M. le Président, et dans les documents budgétaires déposés par le ministre des Finances lui-même. Sous le gouvernement péquiste, la part des dépenses en immobilisation est tombée de 5,8% à 2,8%. Savez-vous quel a été le taux annuel d'augmentation? moins 1,6%; moins 1,6%; c'est honteux. Les équipements du Québec sont en train de vieillir sous le gouvernement actuel. Je vois ces gens essayer de se rattraper en multipliant les promesses dans toutes les directions. Je vais vous en parler tantôt. Mais sous les cinq années du régime péquiste, il faudra accuser un vieillissement, une détérioration du stock de capital public au Québec dont le ministre des Finances devra porter la responsabilité principale.

Cela est particulièrement évident dans le domaine routier. Dans le domaine routier, les budgets pour la construction de routes, dans les années de 1971 à 1976, étaient, en moyenne, de $500,000,000 par année, parfois un peu moins, parfois un peu plus; en 1975-1976, on avait même un budget de $747,000,000, mais depuis ce temps, on est descendu à une moyenne à peine supérieure à $500,000,000, ce qui veut dire, quand on tient compte d'une inflation d'au moins 35% qui est survenue pendant cette période, qu'il

y a eu une diminution des dépenses consacrées à l'amélioration de notre stock routier au Québec.

Je pourrais continuer, M. le Président, sur ce chapitre, mais je pense que j'en ai dit assez pour que l'on comprenne mieux. J'ai encore un aspect à traiter qui est très important, je m'excuse de revenir là-dessus. Un jour, j'ai dit au responsable de nos services de recherche: Moi, il y a quelque chose que je ne comprends pas, les budgets augmentent de manière spectaculaire, les déficits deviennent astronomiques, ça nous coûte de plus en plus cher, le ministre des Finances nous dit qu'il a diminué les effectifs de la fonction publique. Là, il y a quelque chose que je ne comprends pas, il y a soit un miracle qui se fait quelque part ou une espèce d'absence de compréhension quelque part. J'essaie de comprendre ça depuis quelques mois. (16 h 10)

J'avais demandé au service de recherche de notre groupe parlementaire de me fournir des éclaircissements là-dessus. J'en arrive à certaines constatations que je vous livre pour votre information et celle de nos concitoyens. J'ai l'impression qu'il y a méprise quelque part. J'ai l'impression, quand le ministre des Finances nous dit qu'il a réussi à réduire les effectifs de la fonction publique et du secteur public et parapublic, qu'il parle toujours de ce qu'on appelle dans le jargon administratif du gouvernement "des postes autorisés".

C'est vrai qu'en ce qui touche les postes autorisés, il y a eu diminution dont peut faire état avec raison le ministre des Finances. Mais ce qui compte, ce ne sont pas les postes autorisés, ce sont les postes à occuper, ce sont les postes pour lesquels il y a des noms sur les listes de paie. Je peux bien autoriser 200 emplois pour les services de recherche du Parti libéral du Québec, si j'ai un budget pour 25 emplois, cela ne change absolument rien.

Vous regardez les effectifs réels, les effectifs qui sont sur les listes de paie et vous constatez ceci: quelque 7000 personnes de plus apparaissaient sur les listes de paie des ministères en 1980 qu'en 1976, d'après une étude faite par Statistique Canada et publiée sous le numéro 72,007 et 72,005. En plus, si l'on ajoute à cela - j'ai parlé des listes de paie des ministères - les listes de paie des organismes gouvernementaux directement supportés par le gouvernement, ce qui inclut les sociétés d'État, c'est probablement 13,000 personnes de plus qu'il faut compter à l'emploi du gouvernement du Québec.

La rémunération brute de l'ensemble des fonctionnaires est passée de $1,200,000,000 en 1976 à $2 milliards en 1980, soit un taux d'augmentation de près de 13% par année. Autre constatation très préoccupante, la rémunération par employé a augmenté de $5800 en quatre ans, soit 9,2% par année, alors que, pour l'ensemble de l'économie du Québec, la progression n'était que de $4000 ou ou de 7,6% par année. En 1980, avec l'entrée en vigueur de la dernière convention collective dans le secteur public, l'augmentation moyenne aura été de près de 15,7% par employé en comptant tous les avantages qui ont été concédés, en plus des augmentations salariales.

Enfin, nous avons un tableau ici que nous publierons au cours des prochaines semaines, et dans lequel il est clairement établi que, pendant la même période, le gouvernement ontarien est parvenu à geler les effectifs de sa fonction publique, pour un taux de croissance de six dixièmes pour cent par année. La fonction publique du Québec n'est inférieure en effectifs à celle de l'Ontario que de 8%, alors que la population du Québec est inférieure de 36% à celle de l'Ontario. En plus, la rémunération moyenne des fonctionnaires ontariens était de $16,280 par employé en 1980, soit $3250 de moins qu'au Québec. Il n'est pas étonnant dans ces conditions que, pour la première fois en 1980, l'ensemble des salaires et rémunérations payées pour la fonction publique québécoise ait dépassé l'ensemble des rémunérations payées par le gouvernement ontarien pour sa fonction publique.

Je regarde l'évolution des postes autorisés, des postes d'employés figurant effectivement sur les listes de paie du gouvernement. Je trouve la confirmation de ce que je vous disais tantôt. Pour les ministères, c'est passé de 62,283 en 1976 à 69,330 en 1980. Pour les autres secteurs du gouvernement ajoutés à la fonction publique, c'est de 89,609 à 102,409.

Je crois avoir terminé cette partie de mon exposé. Il est encore très clair que l'objectif d'assainissement des finances publiques que s'était fixé le ministre des Finances et qu'il avait semblé devoir atteindre au cours de sa première année de gestion a été perdu de vue par la suite et nous nous retrouvons aujourd'hui avec la situation désastreuse que tous connaissent, c'est-à-dire un deuxième budget consécutif comportant un déficit de $3 milliards, avec la probabilité d'un déficit qui s'élèvera à $3,5 milliards ou $4 milliards à la date du 31 mars 1982, si le gouvernement actuel devait rester en place.

Les mesures fiscales annoncées par le gouvernement vont-elles améliorer la situation des contribuables au point que s'est vanté de réaliser le ministres des Finances? Ils nous a présenté un ensemble de mesures qui, d'après lui - je comprends qu'il ait intérêt à présenter toutes ces mesures sous leur jour le plus favorable - sont de nature à aider les contribuables. Prenons ces mesures

l'une après l'autre. Je vais procéder très vite, parce qu'il n'y en a pas beaucoup de vraies.

Prenons l'indexation des exemptions d'impôt sur le revenu, et non pas de tout l'impôt. Cela comporte une grosse différence, M. le Président. Bien des gens ne sont peut-être pas au courant que, partout ailleurs au Canada, on indexe les tables d'impôt, mais qu'au Québec, on indexe seulement les exemptions. Cela veut dire que pour la dernière année on a payé, seulement à cause de cela, $125 millions de plus au Québec que les contribuables des autres provinces, en tenant compte des différences de population et de revenu. C'est une différence de l'ordre de $125 millions. Remarquez bien que la nouvelle indexation qu'annonce le ministre des Finances s'appliquera à compter de 1982 et aussi que le taux d'inflation pour la dernière année a été d'à peu près 10%. On prévoit, pour l'année 1981, un taux d'inflation qui sera encore de l'ordre de 9,5%, 10%, peut-être 10,5%. Il n'y a personne qui peut le prédire avec assurance, mais ici, on prédit 7,5% seulement, ce qui veut dire qu'encore l'année prochaine, encore cette année, le gouvernement va s'enrichir aux dépens des contribuables. Les contribuables vont souffrir d'une réduction de leur pouvoir d'achat pendant que le ministre des Finances et ses collègues vont continuer de s'engraisser.

Le ministre des Finances nous annonce une nouvelle réduction de l'impôt de 2%. Il nous avait déjà fait beaucoup de tapage publicitaire avec une réduction de 3% annoncée l'an dernier. Il annonce toujours ses réductions huit mois, un an d'avance pour pouvoir les publiciser deux, trois, quatre fois, un peu à l'image du ministre de l'Environnement chez qui c'est cinq ou six fois.

Une voix: Des milliards.

M. Ryan: Lui parle de milliards. Ici, il est bien important que tout le monde sache que les 2% ne vont s'appliquer qu'au 1er janvier 1982, c'est-à-dire qu'on va vivre les neuf premiers mois du nouvel exercice sans bénéficier d'aucune espèce d'avantage, comparé à ce qui avait déjà été annoncé et décidé dans le budget antérieur.

Le ministre des Finances nous annonce une allocation pour les mères de famille qui ont charge d'enfants âgés de 0 à 6 ans. J'applaudis avec force, M. le Président, à toute l'initiative de quelque gouvernement que ce soit qui vise à soulager le fardeau fiscal des familles. Notre fiscalité n'a pas suffisamment tenu compte de la dimension familiale. Tout ce que nous pourrons faire dans cette direction au cours des prochaines années sera l'accomplissement d'un devoir élémentaire de justice. Mais mieux vaut ne pas se réjouir trop vite dans ce cas-ci. C'est encore une autre de ces mesures "across the board", comme on les appelle, des mesures qui s'appliquent à tout le monde indistinctement. On choisit une tranche de la population; on applique la mesure à tout le monde indistinctement. Que les gens aient de gros besoins, des ressources abondantes ou qu'ils n'en aient point, on dit à tout le monde: On va vous donner un beau boni de $400, de $500 ou de $600. Voyez comme nous sommes généreux! En pratique, M. le Président, je considère qu'il aurait été plus judicieux d'offrir une allocation de cette nature aux mères de famille qui ont charge d'enfants de 0 jusqu'à douze ou quinze ans, mais à celles qui en ont véritablement besoin. Je pense qu'on en viendra à des mesures judicieuses, dans ce domaine, le jour où un gouvernement aura assez de force et de courage pour examiner tout l'ensemble du problème, les exemptions au titre des charges familiales, les allocations familiales, les nouvelles formes d'allocations qu'envisage le ministre. Je ne dis pas que nous favorisons ceci ou cela; nous ferons des propositions à la population pendant la campagne électorale. (16 h 20)

Je dis au ministre que de vouloir procéder d'une manière "piecemeal", à la pièce détachée, comme il l'a fait dans son budget, ce n'est pas digne de son intelligence. Je remarque, en outre, que ces allocations ne seront versées - et je serais ravi d'être contredit sur ce point par le ministre des Finances - les allocations promises aux mères de famille chargées d'enfants de zéro à six ans ne seront touchables, à toutes fins utiles, qu'après la clôture du prochain exercice financier. Si je comprends bien, les allocations que vous annoncez aux mères de famille, M. le ministre des Finances, ne seront versables qu'en 1982 et à une date assez avancée en 1982, c'est-à-dire en même temps que le remboursement ou l'accusé de réception du rapport d'impôt. Si je m'étais trompé et si ces passages de votre discours étaient moins clairs que les autres - et je ne veux pas vous imputer quelque intention que ce soit -et si les allocations devaient être versées dès cette année, je souffrirais très joyeusement d'être contredit sur-le-champ.

Le ministre des Finances ne s'est point vanté; et je vois qu'il est très silencieux, j'apprécie le respect qu'il porte à l'orateur, mais je lui donnais la permission de me contredire là-dessus, j'en aurais été très heureux.

Je continue, M. le Président. Le ministre des Finances n'a pas parlé de la taxe sur l'essence. Les 20% qu'il nous a refilés la dernière fois dans son budget était un truc ingénieux, mais si mes calculs sont exacts, ça rapportera $100 millions de plus au gouvernement en 1981. Il n'en a pas parlé de celui-là. Inutile de vous dire que cette

taxe est plutôt régressive et que les petits, qui doivent financer leurs voyages d'automobile et leur chauffage, seront appelés à payer beaucoup plus au titre de cette taxe qui va rapporter, encore une fois, $100 millions de plus au cours de la prochaine année.

La taxation des entreprises maintenant. L'impôt de 3% sur les salaires, c'est du joli, savez-vous; j'ai fait des calculs et, encore une fois, je serais très heureux... Oui.

Le Vice-Président: M. le ministre, je pense que, sur l'invitation du chef de l'Opposition, vous voulez prendre la parole.

M. Parizeau: M. le Président, je remercie le chef de l'Opposition de m'avoir demandé si j'avais un commentaire sur une de ses phrases. Je cherchais le passage pertinent dans le discours sur le budget. Maintenant que je l'ai trouvé, est-ce que je peux garder son autorisation de confirmer? Page 32. On dit clairement, au sujet de ces allocations de disponibilité, page 32, qui seront versées à toutes les femmes qui ont des enfants de moins de six ans, que cette allocation sera payée en un seul versement annuel, sur demande, en retournant un court formulaire inclus dans l'envoi des chèques d'allocations familiales de février prochain. C'est donc très clair, il n'y a pas d'ambiguïté.

Le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Ryan: En 1982, c'est bien ça. M. le Président, je n'ai pas davantage compris en écoutant le ministre le lire. On va continuer. Il aura l'occasion... C'est 1982.

M. Lavoie: Vous aviez raison. Février prochain, c'est 1982. Le chef avait raison.

Le Vice-Président: À l'ordre.

M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Ryan: C'est très juste, mais je ne savais pas à quelle date ce discours avait été écrit. Cela fait bien des fois qu'il y a des élections avortées. Alors, je me disais: peut-être qu'il y a une erreur de calendrier de la part du ministre.

C'est 1982, par conséquent. Encore une fois, beaucoup de vent, beaucoup de bruit pour peu de choses. Pour les neuf premiers mois de l'exercice, rien de nouveau sous le soleil pour les contribuables à ce titre.

Maintenant, passons aux entreprises. Je comprends le ministre, avec le déclin qu'a connu l'économie québécoise sous sa gouverne, de ne plus faire confiance à l'impôt sur les profits des sociétés pour financer le gouvernement. Je le comprends. Il s'est dit: on va aller les prendre à la source, on va les taxer à la feuille de paie, on va les taxer dans le journal même des salaires pour ne pas qu'elles puissent se sauver, pour attraper tous, sans rémission, ceux qui font des profits, ceux qui n'en font pas, les gros, les petits. On va les attraper à la source. Une taxe à l'emploi, M. le Président, chose très odieuse, qu'on n'emploie que dans des circonstances et pour des besoins très spéciaux. Et je donne des exemples.

On a cela depuis longtemps pour la Commission des accidents du travail. On comprend parce que c'est une fin de financement de tout le traitement des accidentés du travail directement reliée au travail. On comprend que pour cette raison exceptionnelle, il y ait un impôt relié directement au journal des salaires.

On l'a fait pour l'assurance-maladie, parce qu'on s'était dit: On va la mettre contributoire 50-50, l'employeur-l'employé, quand cela a été institué. Encore là, cela se comprenait. Mais je me souviens des discussions qui ont eu lieu dans le temps. On s'était dit: II faut garder cela au plus bas niveau possible, parce que c'est très dangereux pour la santé des entreprises. On l'avait mis à huit dixièmes pour cent à ce moment-là, des deux côtés. Ensuite, on l'a passé à 1,5%. Cela a été une augmentation importante. Mais là, on le passe à 3%.

J'ai fait des calculs, à la lumière des documents de la Régie de l'assurance-maladie, qui sont disponibles. J'en suis venu à la conclusion qu'on n'avait pas besoin de cette augmentation pour financer l'assurance-maladie en 1981. Quant à l'assurance-maladie, avec la contribution de 1,5%, avec la part qui vient du gouvernement fédéral, sous forme de points d'impôt et de remboursement et avec le paiement des honoraires qui sont versés par d'autres ministères du gouvernement en vertu de contrats passés avec la régie, la régie pouvait très bien financer toute son activité pour l'exercice 1981-1982.

Quand le ministre nous présente cette taxe nouvelle de 1,5%, il nous présente cela comme un fonds de santé. Il va accrocher l'assurance-hospitalisation. C'est très habile. Mais finalement, il crée l'impression, dans le public que c'est parce que l'assurance-maladie, cela coûte bien cher et qu'il faut faire quelque chose, parce que, autrement, on s'en va chez le diable. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai, M. le ministre. Je viens de faire la démonstration du contraire. Et je crois que le ministre des Finances qui connaît ces choses-là peut-être mieux que vous, serait heureux de me le confirmer.

Je dis que ce genre de taxation est un genre de taxation dangereux, auquel il ne faut recourir que pour des motifs graves. Cette fois-ci, le gouvernement y recourt pour des motifs reliés à la bonne santé du fonds

général du revenu plutôt qu'à la bonne santé du régime d'assurance-maladie en propre. S'il voulait créer un fonds distinct pour l'assurance-hospitalisation, il pouvait présenter une loi en conséquence et nous dire: On a besoin d'un fonds distinct, autonome, etc. Mais ce n'est pas cela. On va chercher dans le journal des salaires des impôts qui s'en vont directement au trésor, dans le fonds consolidé du revenu et dont on pourra faire ce qu'on voudra. C'est bien beau de dire que cela va être "earmarked", que cela va être indiqué pour les fins de santé, mais une fois que c'est rendu là, on en fera ce qu'on voudra.

Je dis que ce genre de taxation est dangereux parce que d'abord, cela frappe davantage les secteurs et les genres d'entreprises qui ont une forte concentration de main-d'oeuvre. L'industrie du textile, par exemple, n'est pas une industrie qui prend une capitalisation très poussée, des équipements les plus coûteux, mais c'est une industrie qui a beaucoup de main-d'oeuvre. Par conséquent, il ne faut pas être grand clerc pour se rendre compte qu'elle va être touchée plus lourdement qu'un autre type d'industrie qui a moins de personnel et plus d'équipements très coûteux.

Les petites entreprises qui sont sur le bord de la rentabilité vont payer la même chose que les grosses entreprises à ce point de vue. Elles vont payer la même chose que les grosses entreprises. Toutes les entreprises vulnérables, cela fait des charges additionnelles qu'on vient leur imposer à ce moment-ci. Et tout cela, inutile de vous dire que le coût en sera refilé éventuellement par tous ceux qui ont les reins assez forts pour le faire: aux contribuables, aux consommateurs. Ceux qui n'ont pas les reins assez forts pour le faire débarqueront de la circulation; ils se feront éliminer par le jeu de la concurrence. Ceux qui ont les reins assez forts vont le refiler aux contribuables.

Moi, je dis au ministre des Finances qu'il aurait été mieux d'avoir la franchise d'aller le chercher directement dans la poche du contribuable plutôt que de se servir des entreprises, pour taxer les contribuables. Qu'il taxe les entreprises pour les bénéfices qu'elles font, c'est normal, c'est compréhensible. Mais s'il veut taxer les salaires, qu'il ait le courage de dire aux citoyens: Nous allons chercher tel pourcentage sur votre feuille de paie, pour que vous preniez votre charge des impôts et des frais de fonctionnement du gouvernement.

L'effet sur l'emploi risque d'être désastreux. C'est évident qu'en logique élémentaire, une taxe comme celle-là incitera les entreprises à recourir davantage à des équipements modernes, à diminuer la main-d'oeuvre, à éliminer le plus possible de main-d'oeuvre, pour la remplacer par des équipements qui ne tomberont pas sous le coup de cette taxation, soi-disant pour les fins de la santé. (16 h 30)

La taxe sur le capital, j'en dirais la même chose. C'est une taxe dont l'effet ne peut être que de désinciter ceux qui seraient normalement inclins à investir. Il me semble qu'au moment où nous devons ranimer des investissements privés à la suite de la période d'anémie que nous venons de traverser, ce n'est pas le moment pour faire une chose comme celle-là.

Le ministre nous dit: C'est vrai que je vais taxer d'un côté. Je vais aller piger dans le journal des salaires pour être bien sûr d'être très proche de la caisse des entreprises. Il se rapproche de la caisse des entreprises. Il dit, d'autre part: Je vais vous réduire vos impôts sur les profits. Mais ces réductions-là sur les profits, ça ne vient qu'en janvier 1982, alors que la taxe sur la santé entre en vigueur dès le 1er avril 1981, c'est-à-dire neuf mois avant l'autre.

Il n'est pas étonnant, dans ces perspectives, que le ministre anticipe des revenus supplémentaires de plusieurs centaines de millions de dollars au cours de la période de neuf mois qui va s'écouler du 1er avril jusqu'au 1er janvier prochain. En somme, M. le Président, tout ce qui est avantage apparent pour le contribuable est reporté au 1er janvier 1982, à toutes fins utiles, et tout ce qui est charge nouvelle entre en vigueur immédiatement. C'est ça le génie de notre ministre des Finances et de son gouvernement. On donne l'impression d'alléger le fardeau fiscal des contribuables et des entreprises, mais, pendant les quelques mois où on espère s'accrocher encore au pouvoir, on augmente les charges pour essayer d'améliorer une performance dont la qualité générale a été singulièrement lamentable.

En ce qui regarde les municipalités, ce n'est pas tellement mieux. Le ministre des Finances et le ministre qui est maintenant chargé de l'aménagement du territoire et qui a été longtemps aux Affaires municipales avaient promis solennellement que les "en-lieu" de taxes commencés avec la loi 57 portant sur la réforme de la fiscalité municipale allaient se continuer et atteindre le seuil de 100% au cours des cinq prochaines années.

Après être si bien parti, on s'attendait à de nouveaux allégements cette année, mais c'est tout le contraire. Il n'y a absolument rien cette année de ce côté-là. Tout ça est renvoyé au prochain gouvernement. Je pense que vous ne faites pas erreur là-dedans, mais je vous signale que vos promesses auront été de courte durée.

En plus, le ministre ajoute des charges additionnelles de $15 millions à $20 millions aux municipalités découlant de la taxe de la santé. C'est tout le monde qui va payer la

taxe de la santé: Hydro-Québec, les municipalités, les commissions scolaires, tout le monde. Alors, ici, non seulement ne leur donne-t-il pas de revenus nouveaux, mais il leur ajoute des obligations fiscales. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que le président de l'Union des municipalités, M. Maurice O'Bready, le maire de Sherbrooke, ait publié une déclaration dans laquelle il s'inquiète beaucoup du resserrement des ressources financières des municipalités qui va découler de cette politique plutôt chiche du gouvernement pour le prochain exercice. Certaines indications budgétaires - je cite M. O'Bready ici - "laissent actuellement croire que plusieurs administrations locales ont déjà utilisé toute la marge de manoeuvre que leur accordait la réforme effectuée sous l'empire de la loi 57. Sans transferts supplémentaires, ces villes se retrouvent donc en difficulté."

Je voudrais ajouter à ces propos du président de l'Union des municipalités un commentaire encore beaucoup plus grave, c'est qu'actuellement, c'est par milliers et par milliers qu'on compte les contribuables qui reçoivent des comptes de taxes très substantiellement accrus par rapport à l'année précédente. C'est peut-être un des problèmes les plus aigus que traverse actuellement le Québec et auquel le ministre des Finances, dans son budget, paraît être demeuré complètement indifférent.

Les sociétés d'État, maintenant. On dit que les sociétés a caractère concurrentiel paient des impôts comme les autres dans la mesure où elles deviennent rentables. Pas d'objection. Je pense que c'est quelque chose de raisonnable. Ce que je comprends moins, c'est qu'on fixe arbitrairement un taux de 20% sur les dividendes à payer, alors que, dans tous les cas, il s'agit d'entreprises dont la rentabilité est toute récente. Dans les entreprises dont la rentabilité est récente, une règle de bon sens élémentaire, de prudence minimale indique qu'en général, les petits surplus qu'on commence à faire, on les garde pour l'amélioration de l'entreprise et non pas pour l'engraissement du principal actionnaire.

J'aurais souhaité que cette mesure ait fait l'objet, de l'aveu explicite du ministre, d'une consultation avec les responsables de ces entreprises et avec la commission parlementaire de l'industrie et du commerce. Il me semble que ça aurait été bon de procéder au préalable à des explorations. Mais, tout en admettant le principe, je trouve que le contexte des circonstances dans lesquelles on introduit cette mesure prête beaucoup à discussion.

Je voudrais maintenant parler du cas d'Hydro-Québec. Actuellement, c'est le contribuable qui bénéficie de l'avantage dont jouit le Québec au titre des ressources hydroélectriques. Nous payons moins cher pour notre approvisionnement en énergie hydroélectrique, parce que nous sommes les propriétaires de nos réserves d'énergie hydroélectrique et de la grande entreprise qui a le mandat d'assurer leur exploitation rationnelle. On dirait que le gouvernement veut maintenant s'approprier cet avantage à ses fins à lui. On dirait que le gouvernement est malheureux parce que c'est le contribuable qui jouit de cet avantage. Il voudrait que ce soit lui, le gouvernement. Je commence à penser que c'est vrai que c'est le gouvernement et non pas la population qui est propriétaire d'Hydro-Québec. Au lieu que ce soit l'ensemble de la population qui continue à jouir de cet avantage, il semble que le gouvernement préférerait - le ministre des Finances l'a presque dit - que les tarifs soient augmentés au prix international des autres formes d'énergie. Le ministre de l'Énergie et des Ressources nous a déjà dit pratiquement en toutes lettres que le Québec était capable, il se brassait les bretelles, on y va avec l'Alberta à fond de train. Moi j'aime mieux la politique sur ce point qui consiste à répartir sur l'ensemble des Canadiens les avantages d'une richesse que nous avons comme celle-là. Je dis au gouvernement - j'ai parlé du pétrole, ne vous trompez point...

M. Lavoie: Arrêtez donc d'interrompre.

M. Ryan: Non, ils ont été bien corrects, franchement.

M. le Président, il n'y a pas beaucoup de monde de l'autre côté, ils sont occupés à préparer les élections. Mais les quelques-uns qui sont là sont très aimables et très courtois.

Je vous signale, M. le Président, qu'ils sont à peu près six ou sept et que nous, nous étions au complet pour écouter le ministre des Finances, l'autre soir. C'est la différence entre l'attitude libérale et l'attitude péquiste.

Une voix: II ne doit plus rester grand...

Le Vice-Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: II reste beaucoup de votants, ne vous inquiétez pas. Il reste bien des votants de notre côté.

Le Vice-Président: S'il vous plaît!

M. Ryan: II en arrive d'autres, cela change à chaque heure.

Je m'aperçois que, déjà, on a commencé à procéder à un siphonnage des ressources d'Hydro-Québec qui est rendu pas mal loin. Les "en-lieu" de taxes vont déjà chercher à peu près $60 millions à Hydro-Québec. Le ministre a-t-il voulu laisser entendre que dans dix ans les "en-lieu" de taxes devront être payés dans les deux mois

qui suivent la clôture de l'exercice financier, qu'Hydro-Québec devra payer deux fois la somme de $60 millions au cours de la prochaine période? C'est une question sur laquelle il pourra fournir des précisions. Mais comme la proposition est formulée actuellement, je pense qu'il est dangereux qu'on aille faire un autre siphonnage de $60 millions du côté d'Hydro-Québec.

L'application de la taxe sur le capital à Hydro-Québec pourrait entraîner des déboursés annuels de l'ordre de $90 millions, suivant les estimations qui m'ont été fournies par des personnes familières avec ces choses. Déjà le gouvernement se sert d'Hydro-Québec pour aller chercher $100 millions dans les poches des contribuables sous forme de taxe de vente. Sur chaque facture d'électricité que nous payons il y a une petite taxe de vente de 8% qui est ajoutée. Cela fait au bas mot $100 millions par année. Hydro-Québec va devoir payer la taxe de santé comme les autres. Déjà, M. le ministre des Finances, je vous suggère de vous rappeler que le siphonnage est pas mal avancé et qu'avant d'imposer ce que vous appelez une redevance, il faudrait y penser deux fois et se demander s'il n'est pas préférable, plutôt que de satisfaire l'orgueil ou la fierté de l'actionnaire principal, de continuer de fournir à Hydro-Québec la marge de souplesse administrative dont elle a besoin pour conserver l'excellente cote dont elle a joui sur les marchés financiers depuis longtemps et qui a contribué à mettre, dans l'économie du Québec, une santé plus grande que celle que nous aurions eue autrement. (16 h 40)

Un autre point dont je dois parler, parce que la vérité l'exige, c'est le chapitre où le ministre des Finances, dans son discours, a traité des revenus en provenance du fédéral. Je pense que c'est la première fois depuis longtemps qu'on voyait un ministre des Finances avouer franchement et explicitement que, dans l'ensemble de ses revenus, il y en a environ 30% qui viennent de paiements de transfert du gouvernement fédéral. Mais le ministre des Finances commet une omission que je voudrais porter à son attention, pour qu'il ne la répète point pendant toute la campagne électorale; surtout que, je pense, lui n'a pas trop d'inquiétudes, mais il y a de ses collègues qui pourraient être enclins à des attitudes plus superficielles.

Quand le ministre des Finances nous dit que les revenus de paiements de transfert, en provenance du fédéral, n'ont augmenté que de 3,8% l'an dernier, il oublie de préciser qu'il parle alors uniquement des paiements en espèces qui sont faits par le gouvernement fédéral. Il ne parle pas du tout du rendement des points d'impôt qui ont été transférés au Québec en vertu des mêmes ententes fiscales, sous l'empire desquels des paiements en espèces sont faits au Québec.

Si l'on tient compte de l'ensemble des revenus qui dérivent des ententes fiscales, on s'aperçoit que le taux d'augmentation, pour la dernière année, a été supérieur à 10% et non pas de 3,8%; ça, c'est différent. Je pense qu'il est important de dire tous les faits.

Encore une fois, on pourrait continuer là-dessus, mais je pense que la leçon est claire, la conclusion est nette; les avantages que prétend procurer le ministre des Finances aux contribuables sont des avantages à retardement, dont les effets ne se feront sentir que dans l'année très hypothétique, dans son cas et dans le cas du gouvernement actuel, de 1982, tandis que la plupart des charges nouvelles qui découlent du budget présenté par le ministre des Finances l'autre soir auront effet et grèveront les contribuables et les entreprises à compter des mois prochains et, en général, à compter soit du 1er avril ou du 1er juillet prochain.

Quelles sont les priorités de ce gouvernement pour 1981-1982? Je devrai passer vite là-dessus, Mme la Présidente - il y a pourtant énormément de choses à dire, mais je pense que ça ne vaut pas la peine de nous étendre trop là-dessus ici, parce que c'est le sujet dont nous allons discuter principalement pendant la campagne électorale - car il y a tellement peu de chances que nos amis d'en face soient encore là après l'élection, que tout ceci pourrait passer pour avoir été une discussion assez vaine.

Il y a cependant un certain nombre de sujets sur lesquels je voudrais retenir très brièvement l'attention.

D'abord, le ministre nous parle de coupures budgétaires. Si je me souviens bien, il y a à peu près deux ou trois paragraphes consacrés aux coupures budgétaires. C'est un effet spectaculaire, $1 milliard; Imaginez, il coupe, avec son grand couteau d'argentier général, $1 milliard et il a trouvé à peine deux ou trois paragraphes pour nous en parler dans son budget.

Je signale à l'attention du ministre des Finances que le gouvernement Reagan, aux États-Unis, a été plus responsable; quand M. Reagan a présenté tout un programme de coupures budgétaires, il a eu au moins la décence de donner toute la liste des programmes, d'indiquer les coupures précises proposées pour chaque programme et de dire en quoi devraient consister ces coupures. Le New York Times, il y a environ deux semaines, publiait une section de six pages dans laquelle on donnait toutes les informations présentées par le président des États-Unis au Congrès, au moment où il lui demandait de consentir à ces coupures budgétaires.

Nous, tout ce à quoi nous avons eu droit, ça a été les quelque deux ou trois

paragraphes contenus à la page 28 du discours sur le budget, et qui ne nous éclairent pas beaucoup sur la nature des coupures envisagées ou imposées. Pour savoir à quoi s'en tenir, il faut aller aux sources. Par exemple, on va prendre l'Éducation et les Affaires sociales, ce sont les deux domaines les plus importants.

Dans le domaine de l'Éducation, il semble qu'on ait décidé de sabrer dans des activités qui sont considérées comme très importantes par toutes les personnes le moindrement versées dans les questions d'éducation, c'est-à-dire dans des programmes comme les programmes de classes d'accueil, les programmes d'éducation des adultes, les programmes visant le développement accéléré des milieux défavorisés, etc. Je remarque que, de manière très générale, la réaction des milieux compétents en matière d'éducation a été très négative devant ces mesures. Le président du Conseil supérieur de l'éducation n'est quand même pas une nouille. Le président du Conseil supérieur de l'éducation a été, pendant quatre ans, l'adjoint principal de l'ancien ministre de l'Éducation. Ce serait bien...

Une voix: ...

M. Ryan: Cela vous a pris du temps à vous en apercevoir. Il y en a d'autres que vous avez éloignés pas mal plus vite que celui-là.

Une voix: La vieille méthode de rouge...

La Vice-Présidente: M. le député, s'il vous plaît!

M. Ryan: Écoutez ce que dit M. Jacques Benjamin, président du Conseil supérieur de l'éducation et titulaire d'une fonction qui garantit son impartialité, Mme la Présidente, et une fonction dont l'impartialité a toujours été respectée depuis qu'elle existe, à ma connaissance: "Les compressions budgétaires qui auraient été réclamées par le Conseil du trésor seraient d'une telle envergure que la réalisation du plan d'action gouvernemental serait compromise. Déjà, en 1980-1981, les compressions budgétaires n'ont pas manqué d'avoir des effets sur les politiques d'éducation en milieu défavorisé et les politiques d'éducation des enfants en difficulté d'apprentissage.

Mme Lavoie-Roux: Cela est grave.

M. Ryan: "La réalisation de ces deux politiques pourrait être encore davantage compromise en 1981-1982. Les compressions budgétaires qui frapperont le secteur de l'éducation en 1981-1982 risquent, nous semble-t-il, de sonner le glas du renouveau de l'éducation auquel avait souscrit le Conseil supérieur de l'éducation car elles ont pour effet non pas de s'attaquer au superflu, mais de s'attaquer à l'essentiel, et plus particulièrement à bon nombre des priorités d'actions que le gouvernement lui-même s'est engagé à réaliser à compter de 1979."

J'ai eu l'occasion de rencontrer, l'autre jour, des personnes qui sont responsables des services d'éducation des adultes dans les commissions scolaires du Québec. Je n'arrive pas à comprendre que le gouvernement ait décidé de sabrer de manière aussi radicale dans les programmes d'éducation des adultes, en particulier dans la part, somme toute, plutôt mineure que le gouvernement provincial fournit au financement des programmes d'éducation des adultes. Vous savez que, encore actuellement, la majorité des budgets de ce côté provient de subventions fédérales, mais la part du gouvernement québécois qui était à peine de $50 millions est coupée de plus de la moitié. Je tire d'un document qui a été porté à ma connaissance les conclusions suivantes. De 40,000 à 50,000 usagers des services de formation professionnelle à temps partiel des commissions scolaires seront privés de services. Cette clientèle regroupe des travailleurs industriels, des employés de bureau, des travailleurs autonomes qui souhaitent améliorer leurs qualifications professionnelles. Seront également affectés près de 50,000 usagers de la formation générale à temps partiel. Ce sont des gens qui veulent recevoir un complément d'étude, qui veulent se qualifier en ayant accès à un diplôme d'études secondaires qui leur ouvrira ensuite l'accès à des fonctions plus intéressantes dans la vie ou d'études plus avancées. Seront également affectés plus de 150,000 usagers de la formation socioculturelle, lesquels seront privés de services. Cette clientèle regroupe des usagers défavorisés et favorisés, etc. Je tiens toutes ces données d'un organisme qui regroupe toutes les personnes ayant la charge des services d'éducation des adultes dans les commissions scolaires.

Je recevais, ces jours derniers, une lettre du comité des parents et des autorités de la Commission scolaire des Montagnes -pas des Deux-Montagnes, des Montagnes -située dans la magnifique région de Témiscouata, dans la ville de Dégelis. Je suis obligé de vous donner lecture d'une bonne partie de cette lettre parce qu'elle parle abondamment, elle parle très éloquemment. "Nous, membres du comité de parents de la Commission scolaire des Montagnes - je pourrais vous citer beaucoup d'autres lettres reçues de source semblable à travers tout le Québec - avons appris avec stupéfaction les intentions de coupures budgétaires annoncées par le gouvernement. Notre déception est vive et très grande et nous entendons bien

démontrer notre désapprobation face aux mesures draconiennes employées par le gouvernement. Considérant que le ministère de l'Éducation nous situe dans un milieu économiquement faible, qu'étant une petite commission scolaire ayant plusieurs écoles à desservir et un minimum de personnel de support à fournir aux élèves et aux parents, que les services éducatifs essentiels ne sont pas diminués, mais éliminés de façon radicale, considérant que vos restrictions budgétaires éliminent tous les supports dans l'application des programmes de français et d'éducation. De français et d'éducation; mettez un peu moins de français dans votre propagande politique, mettez-en un peu plus pour le bon apprentissage du français dans les écoles et vous servirez bien mieux le Québec.

Je continuerais, Mme la Présidente, mais le temps se fait court. "Comment croire, concluent ces parents déçus, que le gouvernement du Québec a pour objectif, selon le livre orange, de vieille mémoire, d'adapter le système scolaire en fonction des besoins propres des milieux défavorisés, de personnaliser l'école, son organisation et son fonctionnement? "Comment croire le ministère de l'Éducation lorsqu'il prend dans le livre orange l'engagement écrit de fournir aux commissions scolaires en milieu défavorisé les fonds pour l'engagement d'une personne ressource pour la participation des parents au primaire, lorsqu'il n'assure même pas le maintien de cette intervention? Comment entrevoir une cohésion entre ce que ces gens disent et ce qu'ils font?"

Inutile, Mme la Présidente, de rappeler que, depuis la conclusion de l'entente collective l'an dernier, un malaise profond n'a cessé de se creuser entre les commissions scolaires et le gouvernement quant aux répercussions budgétaires de certaines concessions qu'a faites le gouvernement lors de la négociation et dont le coût a été transféré suivant une méthode hélas trop familière de l'autre côté de la Chambre aux commissaires d'écoles qui n'avaient pourtant rien eu à voir dans la décision qui a consisté à accorder ces concessions.

Maintenant, en matière d'affaires sociales, on ne peut pas se fier aux estimations qui sont présentées par le gouvernement et je voudrais signaler que les personnes âgées risquent de souffrir très sérieusement des compressions et des coupures budgétaires imposées par le ministre des Finances dans son budget. Sur le taux d'accroissement des budgets consacrés aux services à domicile, nous sommes tous d'accord que la meilleure façon de réduire à long terme les coûts des services aux personnes âgées consiste à fournir une aide plus tangible aux familles qui acceptent de prendre la responsabilité de garder chez elles des personnes âgées. Or, les budgets, de ce côté-là, vont diminuer ou augmenter d'une manière si minime que, finalement, on n'augmente aucunement l'effort qui est mis de ce côté par la communauté.

Le programme de soutien aux familles d'accueil, les familles qui acceptent de recevoir des vieillards chez elles, même si ce ne sont pas des membres de la famille, accuse lui aussi une baisse de crédits. On sait que ce service des familles d'accueil constitue une ressource supplémentaire pour l'hébergement d'adultes en institution, cela va de soi. On diminue.

Au chapitre des foyers d'hébergement, situation plus confuse encore. Dans son discours d'ouverture lors de l'étude des crédits de 1980-1981, le ministre des Affaires sociales annonçait l'ouverture de 3507 places pour le 31 mars 1981. Vérification faite, c'est seulement 2000 places, soit 57% du total annoncé, qui étaient ouvertes au moment où nous nous parlons actuellement.

D'ailleurs, dans la Presse du 26 février dernier, on s'est chargé de contredire le ministre et de lui réapprendre à compter, Mme la Présidente.

Je dois terminer sur ce chapitre-ci, parce que j'ai d'autres choses non moins importantes à dire. Il me semble qu'après avoir souligné tous ces points, il est important de rappeler brièvement ce qu'ont été certaines caractéristiques de ce que j'appellerai la méthode péquiste de gestion des affaires publiques. Première caractéristique: augmentation du fardeau fiscal réel imposé aux contribuables. J'illustre ceci par le chiffre suivant que je prie le ministre des Finances de noter: Pour chaque tranche de $100 de revenu, un contribuable payait, en 1976-1977, $13.41 en impôts et redevances de toutes sortes à l'État provincial: $13.41. Pour l'exercice 1981-1982, d'après nos calculs, ces redevances, ces charges seront de $13.95, c'est-à-dire une augmentation de $0.54 pour chaque tranche de $100. Là, on ne joue pas avec telle exemption ou telle petite catégorie, on prend l'ensemble du paquet. C'est ça que ça donne en réalité. Premier point. Deuxième point. Les écarts de prévisions dans les calculs présentés par le ministre des Finances ont été constants, ce qui nous amène à mettre en doute sérieusement la crédibilité du témoin par ailleurs très agréable et très sympathique qu'a toujours été pour nous, de ce côté de la Chambre, le ministre des Finances.

En 1977-1978, l'écart entre le déficit qu'il avait annoncé et celui qu'il a dû avouer a été de 38%. Le déficit réel a été de 38% plus élevé que ce qu'il avait entrevu. En 1978-1979, il a été de 42% plus élevé que ce qu'il avait entrevu. En 1979-1980, il a été de 25% plus élevé. En 1980-1981, il le sera d'au moins 30%, peut-être un peu plus, parce qu'il

reste encore deux mois pour lesquels nous devons connaître le détail des opérations financières, ce qui vous donne un record, un dossier assez peu reluisant en matière de précisions conjecturelles.

Troisième point. La négociation des conventions collectives. On a négocié les conventions collectives trop vite, l'an dernier, et on s'est trop pressé de régler ces conventions avant le référendum. Dans bien des secteurs, on doit payer aujourd'hui le prix de concessions qui ont été faites sans examen. Le ministre lui-même a déjà confessé dans cette Chambre qu'il avait accordé à la CEQ 1600 postes de trop sans justification lors de la négociation de la convention collective. Aujourd'hui, des commissions scolaires, partout dans la province de Québec, se lamentent de devoir porter elles-mêmes le fardeau financier découlant de certains engagements qui ont été pris au niveau de la convention provinciale.

Autre caractéristique de la gestion péquiste: la prolifération des contrôles, de la réglementation et de la bureaucratie. Je pense que c'est le directeur de la Chambre de commerce de la province de Québec qui a relevé qu'en 1980 seulement on avait publié dans la Gazette officielle du Québec plus de 7000 pages de législation et de réglementation de toute sorte. 7000 pages! Dans les neuf premier mois de 1980, on a publié plus de 300 nouveaux textes législatifs et réglementaires.

Autre caractéristique de votre gestion, M. le ministre des Finances: l'appauvrissement déplorable du stock de capital public au Québec. Je l'ai souligné tantôt, je n'y reviens pas, mais je vous préviens tout de suite que les administrations qui suivront celle-ci, qui auront la tâche de ranimer l'économie, devront faire du rattrapage, parce que nous avons perdu du terrain au cours des dernières années, comme nous en avions perdu sous une ancienne administration que le gouvernement péquiste a très souvent eu tendance à imiter à mesure qu'il avançait dans le goût du pouvoir.

Accroissement des budgets de propagande, perte de pouvoir d'achat pour les assistés sociaux. Pendant qu'on multiplie et qu'on gonfle les budgets consacrés à la propagande, c'est drôle que pour les assistés sociaux on trouve le moyen d'être chiche et extrêmement calculateur. En 1978, pendant que l'inflation était de 9,5%, les allocations sociales étaient augmentées de 8,3%, ce qui entraînait une perte de pouvoir d'achat pour des gens qui n'étaient pas capables de la subir. En 1979 et 1980, les deux ensemble, inflation de 10%; augmentation des allocations sociales, 7%. Nouvelle perte d'achat de 3% pour les bénéficiaires des allocations sociales. Là, on a fait un ajustement au début de l'année parce qu'on voyait venir l'élection; on a appris à comprendre ce qu'était le taux réel d'augmentation du coût de la vie, on ne voulait pas faire face à des manifestations partout au Québec. Mais pendant les trois années qui ont précédé, j'affirme, en m'appuyant sur des chiffres dûment vérifiés, que le pouvoir d'achat des assistés sociaux a été sacrifié à d'autres décisions qui entraînaient souvent des avantages démesurés pour des catégories plus favorisées de la population.

Augmentation des coûts de fonctionnement de l'État québécois. J'en ai fait la démonstration tantôt.

Tendance à faire financer certaines dépenses de l'État par d'autres organismes qui n'en sont pas responsables. Je vous donne deux preuves. D'abord, les municipalités. Vous connaissez le programme d'assainissement des eaux. Qu'est-ce qu'on a essayé de faire? On a dit aux municipalités: On vous accorde une subvention de tant, on vous la versera dans six mois ou un an, on ne le sait pas pour l'instant. Allez emprunter, payez les intérêts vous-mêmes et on vous donnera la subvention plus tard, quand vous aurez payé les intérêts et que l'argent aura perdu de son pouvoir d'achat à cause de l'inflation. Je ne sais pas si cela a été corrigé depuis. II y a eu beaucoup de représentations de la part des autorités municipales. C'est une façon de procéder qui est absolument inadmissible. (17 heures)

J'ai une lettre ici d'un administrateur d'hôpital. Je m'excuse, Mme la Présidente, c'est un administrateur d'hôpital anglophone. Peut-être qu'il n'a pas droit de cité auprès de certaines gens du gouvernement de nos jours, à voir la propagande dégoûtante qu'on fait circuler sur le Parti libéral dans la région de Québec, essayant de faire croire que le Parti libéral serait un parti anglophone parce que nous aurons sept candidats anglophones dans la prochaine élection. Sept candidats, ça c'est terrible, vous n'êtes pas capables d'en avoir un qui a du bon sens, de votre côté. Il nous dit: II y a une directive qui a été envoyée aux hôpitaux leur disant: Arrangez-vous avec vos déficits. Allez voir la banque. Trouvez-vous des emprunts. Nous autres, on va vous garantir ça moyennant bonne conduite. On vous dit: Si, au bout d'un an, deux ans ou trois ans, vous avez eu bonne conduite, après ça, on vous financera ces déficits. Ce n'est pas une manière de procéder pour un gouvernement qui respecte les institutions. C'est une manière à peine voilée de les mettre en tutelle, Mme la Présidente, mais il y a pire que ça encore.

On se dépêche de lancer des projets de travaux publics. De ces temps-ci, il y en a un peu plus. On fait venir les entreprises, on demande des soumissions, on dit: Dépêchez-

vous. Il faut que le premier ministre puisse aller présider à un vernissage, à une bénédiction ou à un lancement. Il faudrait que M. le ministre Untel ou M. le député Untel puisse être présent. On dit: Vous allez commencer les travaux, on va vous payer, nous autres, seulement après le 1er avril. Ils ne seront même plus là, Mme la Présidente. Je vais vous citer un extrait d'un contrat qui a été imposé à un entrepreneur par les négociateurs du gouvernement. La partie de première part - c'est un projet qui a fait la manchette des journaux ces derniers temps -soit le ministre des Transports, ne sera responsable que du remboursement d'une somme maximale de $100,000 pour les travaux exécutés, même si leur valeur est supérieure, et ceci jusqu'au 31 mars 1981. Savez-vous quand cela a été signé, ce contrat? Pas la semaine dernière, le 24 novembre 1980. Cela fait longtemps que vous jouez ce jeu. Vous ne nous aviez pas dit cela. Il n'était pas question de ça dans le discours sur le budget, Mme la Présidente. C'est un projet d'une valeur de $15 millions à $18 millions, ce n'est pas des "peanuts", comme on dit. L'entrepreneur est obligé de financer le gouvernement pour avoir accès au privilège d'effectuer des travaux publics.

On dit, d'autre part: La partie de seconde part convient que ce montant de $100,000 représente un montant de fiducie applicable à ce contrat jusqu'au 31 mars 1981 et qu'elle ne pourra exiger de paiement d'intérêts ou réclamer des dommages en compensation à la partie de première part sur tous les montants en excédent de celui de la fiducie qui pourraient devenir dus avant le 31 mars 1981. On a déjà posé des questions là-dessus, mais il n'y a personne qui comprenait de l'autre côté. Mais là, on vous donne le dossier, on vous le met sur la table. Il y en a plusieurs qui viennent se plaindre à nous. Il y a bien des entrepreneurs, Mme la Présidente, qui ne veulent plus transiger avec ce gouvernement à cause de choses comme celle-ci, à cause de comptes qui prennent tellement de temps à être acquittés que finalement on est acculé à la faillite ou à des difficultés sérieuses.

Maintenant, autre tendance très caractéristique de ce gouvernement, surtout dans la mesure où nous approchons de l'échéance électorale, tendance à engager l'avenir en faisant des promesses inconsidérées dans toutes les directions. Je vous écoutais, M. le ministre des Finances, avec beaucoup d'intérêt. Vous signaliez, l'autre jour, que pour les travaux routiers vous n'en mettriez pas trop encore l'année prochaine. Vous avez une politique de ce côté que je n'accepte pas mais que je comprends. Votre collègue, le ministre des Transports, il a des transports joliment plus généreux que les vôtres. II a commencé à publier des brochures. Il n'y en a que deux qui sont sorties. Je pense, Mme la Présidente, que les autres, n'ont pas osé parce qu'ils savaient qu'ils feraient rire d'eux. Ce serait un éclat de rire général à travers le Québec. Là, dans l'une, pour la région de Québec - cela va compenser pour la propagande mensongère du Parti québécois dans cette région, nous autres, c'est de la vraie; on la dénonce - pour trois ans, ils ont donné à peu près $65 millions de travaux. Savez-vous combien il en promet pour deux ans? $180 millions. J'en ai un autre ici, c'est la région de l'Outaouais. Mon collègue, le député de Gatineau, serait intéressé à savoir ce qui nous attend dans cette région. Une mince pitance de $85 millions en trois ans. À peu près $28 millions par année. Mais là, pour les deux prochaines années, pour sauver le siège de Mme la députée de Hull, pour essayer de récupérer le député de Papineau, pour essayer d'avoir un petit peu de votes dans le comté d'Argenteuil, c'est $186 millions pour deux ans, Mme la Présidente. $93 millions par année à la veille des élections, alors que ce sont $28 millions par année depuis trois ans. Des farces, des plaisanteries. Il me semble que le ministre des Finances est plus sérieux que cela. J'ai fait compiler une liste et si vous vous promenez tous... J'allais dire tous, mais il n'y en a encore que six ou sept. Les questions de chiffres ne les intéressent pas. Ils ne comprennent pas grand-chose. Ils mettent $1 million à côté d'un autre, Mme la Présidente, c'est tout pareil.

Savez-vous combien ils ont contracté d'endettement au cours des derniers mois en se promenant à gauche et à droite, tellement ils ont peur du sort qui les attend quand ils vont avoir à affronter le candidat libéral à l'élection? Je suis rendu à $694 millions. Je comprends que ce sont des gars qui veulent s'accrocher au pouvoir longtemps, mais ce sont des plaisanteries incroyables, Mme la Présidente. C'est un autre trait caractéristique de cette administration. Je le regrette profondément parce que j'ai toujours beaucoup aimé... Je pourrais vous nommer des entrepreneurs qui ont été "approchés" par des ministres, pas par vous, parce qu'il n'y a personne qui veut parler avec vous.

Mme la Présidente, je termine rapidement. Le budget que nous a présenté le ministre des Finances l'autre jour est un budget de toute évidence à tendance inflationniste qui va contribuer à accentuer la spirale de l'inflation, vu la très large part de ce budget qui aboutira à un déficit et à un nouvel accroissement de l'endettement public. C'est un budget de camouflage où les bonnes choses qu'on annonce aux contribuables ne se réaliseront qu'en 1982 et où les charges nouvelles qu'on leur inflige s'appliqueront à compter du 1er avril. C'est un budget détourné - je n'ose pas employer une expression plus forte - parce que ce

qu'on n'ose plus aller chercher dans la poche du contribuable, on veut continuer de faire croire qu'on a réduit les impôts, on va maintenant le chercher auprès des entreprises et des régies d'État, de la Régie de l'assurance-maladie, de la régie qui s'appelle Hydro-Québec, etc. Ce sont des moyens détournés pour éviter de dire franchement aux contribuables: Vous ne donnez pas assez, il nous en faut un peu plus pour arriver à réduire le déficit. C'est un budget malsain pour les entreprises, éventuellement aussi pour les contribuables et l'économie. Un budget malsain pour les sociétés d'État. Un budget détaché de la réalité concrète. J'ai cherché en vain dans tout le discours du budget les pronostics du ministre sur le taux de l'accroissement de l'économie pour la prochaine année. D'habitude, l'an dernier, il était toujours très assuré: Je prévois. Cette année, aucune prévision de ce côté. Je comprends sa modestie devant les résultats de la dernière année.

C'est un budget qui porte aussi la marque de l'option fondamentale du Parti québécois. Le ministre n'a pas eu peur de dire que lui, il demeure franchement séparatiste et souverainiste. Il a dit qu'il continuait, à toutes fins utiles, à poursuivre cet objectif. J'espère qu'il aura le courage ainsi que les députés d'en face de le dire ouvertement à la population au cours de la prochaine campagne électorale, que vous ne camouflerez pas votre objectif et vos intentions véritables pendant encore quatre ans.

Voilà les chiffres que nous devrons tous retenir de ce que j'appellerai l'ère Parizeau, cette époque qui s'annonçait brillante, qui avait été accueillie dans un climat d'euphorie qui nous portait à croire qu'enfin nous étions peut-être arrivés à la Terre promise.

Ce que nous retiendrons de cette période sera d'abord le chiffre de $10 milliards de déficit accumulé pendant cinq ans, c'est-à-dire deux fois plus que n'en avaient jamais accumulé tous les autres gouvernements ensemble au cours des 114 années qui se sont écoulées depuis les débuts de la Confédération. C'est absolument vrai.

Deuxièmement, nous retiendrons le chiffre de l'augmentation de la dette publique. La dette publique était de $5 milliards au 31 mars 1977. Au 31 mars 1982, à moins de changements majeurs, elle sera de $15 milliards, ce qui veut dire une dette moyenne, comme je l'ai dit plus tôt, de $10,000 par famille. Une famille moyenne de quatre personnes doit porter une partie de la dette fédérale. Elle doit porter une partie de la dette de Québec. Elle doit porter une partie de la dette municipale, une partie de la dette des hôpitaux, une partie de la dette d'Hydro-Québec aussi. Ajoutez tout cela ensemble. Seulement pour le gouvernement du Québec, pour ses dettes et ses emprunts dont est directement responsable le gouvernement du Québec, cela va être rendu à $15 milliards, alors que c'était à peine $5 milliards, il y a cinq ans. Cela ne vous énerve pas du tout, et j'espère que le public va vous dire que vous seriez très dangereux, si vous aviez à rester davantage au pouvoir. Il est temps que nous revenions à une plus grande sobriété. (17 h 10)

Mme la Présidente, nous, du Parti libéral, voulons que les Québécois cessent d'être les chômeurs les plus nombreux au Canada. Nous voulons qu'ils cessent d'être les contribuables les plus lourdement taxés. Nous voulons qu'ils cessent d'être les contribuables les plus lourdement endettés de tout le Canada. Nous voulons qu'ils soient fiers de leur gouvernement, de leurs finances publiques et qu'ils acceptent leur part de responsabilités sans avoir toujours l'impression d'être écrasés par un État en constante expansion et qui s'engraisse à leurs dépens. C'est pourquoi nous offrirons à nos contribuables une politique qui reposera d'abord sur l'objectif d'une discipline véritable, et non pas apparente ou artificielle, dans les dépenses publiques. Deuxièmement, une politique de croissance de l'économie axée sur la mise en valeur des ressources inépuisables du secteur privé, et de cet accroissement de l'économie, dériveront des revenus accrus qui permettront à l'État de financer plus confortablement ses dépenses sans être obligé d'augmenter continuellement la dette ou les impôts.

Troisièmement, quand on nous accuse de faire des promesses qui vont entraîner des dépenses faramineuses, je pense qu'on déforme la réalité parce que, dans le livre rouge que nous avons publié, nous avons bien veillé à éviter des promesses comme celles que j'ai énumérées tantôt, des promesses de $700 millions seulement au titre des routes, comme vous les avez multipliées à travers le Québec au cours des dernières semaines. Nous promettons à nos concitoyens, également, une politique de fiscalité franche et limpide. Il n'y a rien de plus malsain pour la bonne qualité des finances publiques que ces politiques détournées, ces accroissements indirects de charges fiscales qui portent le contribuable à s'endormir en pensant qu'on allège son sort alors qu'au fond il continue de caler dans l'eau sans encore avoir la chance de toujours s'en apercevoir.

Finalement, nous offrirons également une politique de défense originale, créatrice et vigoureuse des intérêts du Québec dans les prochaines négociations fiscales avec les autres gouvernements du Canada, qui seront peut-être les plus importantes qui soient survenues depuis très longtemps. Le ministre des Finances y a fait allusion, et c'est très bien. Je voudrais rappeler, à ce sujet, que tous les gains importants qui ont été faits en

matière de partage fiscal au Canada l'ont été généralement sous des gouvernements libéraux à Québec. C'est sous un gouvernement libéral que la formule de l'"opting out" et que des formules très originales de partage des revenus fiscaux ont été mises au point, et c'est sous un gouvernement libéral que nous arriverons à mettre au point de nouveaux arrangements qui respecteront les prérogatives propres du Québec, qui mettront en valeur nos capacités, notre aptitude à diriger nous-mêmes nos affaires au Québec.

Motion de blâme

Sur la foi du dossier accablant que nous avons examiné ensemble cet après-midi, je propose en conclusion que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement du Parti québécois pour avoir présenté un budget qui, en raison d'un nouveau déficit d'au moins $3 milliards et d'une politique fiscale incohérente, hypothèque dangereusement l'avenir des Québécois, compromet gravement l'équilibre des finances publiques et la santé de notre économie particulièrement au chapitre de la création d'emplois, et le considère donc inapte à conduire les affaires du Québec.

La Vice-Présidente: M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Merci, Mme la Présidente. À l'aube d'une élection générale, le gouvernement du Parti québécois noue présente un budget qui se voudrait être en même temps le couronnement de plus de quatre ans et demi de pouvoir et le fer de lance d'une nouvelle campagne électorale qui s'annonce pour bientôt, même pour les prochaines heures.

Est-ce que la population se laissera séduire par un budget électoraliste? Il faut bien admettre que, traditionnellement, les gouvernements ont toujours eu tendance à nous présenter un budget tape-à-l'oeil en prévision d'une élection prochaine. Celui-ci ne fait pas exception. Mais les temps ont changé et le Parti québécois aussi, il faut bien l'admettre, Mme la Présidente.

Élu en 1976 sous l'étiquette d'un bon gouvernement, le Parti québécois allait, pour justifier son qualificatif de bon gouvernement, multiplier les interventions de l'État dans l'économie: commissions d'enquête, agences de contrôle, augmentation de la paperasse, augmentation de la réglementation, augmentation des taxes des entreprises, etc., etc. Son préjugé favorable aux syndicats, surtout - on se le rappellera -après les grèves du secteur public de 1976, était un élément sécurisant pour la population. La réalité, comme on a pu le constater, est tout autre. Nous avons encore vécu des moments pénibles et nous gardons toujours le championnat des grèves et des lock-out.

Le déficit de $1 milliard en 1976, pour un bon gouvernement - on se le rappellera -était, semble-t-il, inacceptable, tout comme le taux élevé de nos taxes, tout comme le taux élevé du chômage. Pourtant, la réalité de 1981 est encore pire que celle de 1976. Ce bon gouvernement nous a donné, en réalité, des déficits toujours croissants, un taux de chômage encore croissant, un fardeau fiscal des plus élevés au Canada et aussi une perte de notre pouvoir d'achat.

J'admets volontiers que le gouvernement a fait des efforts pour diminuer notre fardeau fiscal, mais ces efforts étaient plutôt timides si on les compare à l'effort fiscal des Québécois.

On aurait pu croire que le dernier budget du gouvernement actuel apporterait des remèdes aux malaises dont souffre le Québec: chômage, ralentissement de l'économie, réduction du pouvoir d'achat, etc., mais, malheureusement, madame, il n'en est rien dans ce budget.

Est-ce que c'est là le bilan d'un bon gouvernement? Tout le climat négatif qu'a provoqué le Parti québécois avant la tenue du référendum, dans le but de faire accepter son option indépendantiste, n'a eu comme effet que du chômage accru, une faible création d'emplois, une faiblesse dans les investissements et dans la croissance économique.

Le budget que nous présente le ministre des Finances aujourd'hui, le cinquième de ce gouvernement, ne corrige aucunement les erreurs passées. Au contraire, on a même réussi à faire passer son message indépendantiste à l'intérieur de ce budget. Un parti politique qui veut défendre l'autonomie du Québec à l'intérieur du Canada et qui, en même temps, préconise la souveraineté, je me demande où est sa logique. Où est la cohérence entre la pensée et l'action? Comment un gouvernement peut-il défendre les intérêts du Québec dans le fédéralisme et défendre, en même temps, son option indépendantiste? C'est tromper la population que d'agir ainsi et c'est aller à l'encontre de la volonté du Québec de rester dans la Confédération.

En fait, on pourrait résumer les années du gouvernement du Parti québécois en une détérioration du pouvoir d'achat des consommateurs, à cause, bien sûr, de la politique fiscale qui prévaut au Québec, de l'escalade du déficit provincial, de l'instauration d'un climat peu propice aux investissements et aussi d'une croissance économique peu justifiée justement à cause de cette option indépendantiste.

Encore en 1981, le Conference Board

nous promet un taux d'inflation qu'on n'avait pas connu depuis les années trente; 11,7% est prévu pour l'année en cours. La situation pour le consommateur québécois sera d'autant plus pénible puisqu'il devra y faire face avec un pouvoir d'achat réduit, un pouvoir d'achat qui n'a cessé de diminuer parce que le gouvernement québécois a toujours refusé d'indexer complètement l'impôt sur le revenu des Québécois. En effet, en période inflationniste, me dis-je, le gouvernement du Parti québécois a augmenté considérablement ses revenus en n'indexant que partiellement l'impôt sur le revenu des particuliers. Pourquoi? Parce que l'impôt sur le revenu est progressif. Plus le revenu est élevé, plus le taux d'imposition est élevé. Le revenu d'un individu peut augmenter à la suite d'un ajustement de salaire, tenant compte du coût de la vie. Si l'impôt n'est pas indexé, cet individu fera face à un taux d'imposition plus élevé, même si son pouvoir d'achat n'a pas augmenté à la suite de la hausse de ce revenu. Le résultat net après impôt sera une perte de pouvoir d'achat. (17 h 20)

Bien sûr, le Parti québécois nous promet des réductions d'impôt, dans ce discours du budget. Il faut se rappeler que ces réductions d'impôt ne seront applicables qu'après le 1er janvier 1982, c'est-à-dire presque dans un an. Donc, pour ce qui est de 1981, ce budget ne donne rien. Pendant ce temps, en 1981, durant l'année en cours, on verra encore une réduction du pouvoir d'achat des contribuables québécois. Pourtant, on se rappellera que le premier ministre du Québec nous avait bien dit qu'il allait préserver ce pouvoir d'achat des contribuables québécois.

L'Union Nationale trouve inacceptable que le Parti québécois profite de l'inflation pour augmenter les revenus de l'État, le même parti qui, avant les élections de 1976, on se le rappellera, était un fervent partisan de l'indexation de l'impôt sur le revenu des particuliers. Ce qui me fait dire que plus les gouvernements passent, plus c'est pareil!

Encore là, le gouvernement ne tire pas tous ses revenus des impôts des particuliers. Il y a tout le lot des taxes indirectes qui touchent les citoyens tous les jours. H y a les impôts des sociétés, les droits successoraux, etc. Le gouvernement du Parti québécois est très subtil. On l'a vu lors des derniers budgets, le ministre des Finances a indexé sommairement nos exemptions personnelles. Je dis bien "sommairement" parce que, lorsque le ministre des Finances nous annonce que, dans un an, on indexera vos exemptions personnelles de 7,5% et que le taux d'inflation est de plus de 12% ou est prévu pour plus de 12%, on se retrouve avec plus de 4,5% dans le trou. Voilà ce que nous propose l'actuel ministre des Finances.

D'un autre côté, il modifiait la forme de taxation sur l'essence pour la mettre au pourcentage du montant, ce qui a pour effet qu'à chaque augmentation du prix du carburant qui, soit dit en passant, ne cessera d'augmenter - en tout cas, cela augmente à tous les jours - le gouvernement du Québec ajoutera cette augmentation, 20%, sous forme de taxe directe. Donc, le consommateur qui vient juste de subir une augmentation du prix de l'essence aura également à subir une augmentation de taxe. Pour $0.10 d'augmentation, le gouvernement ajoute $0.02, donc le consommateur paiera $0.12 de plus pour son essence au lieu de $0.10. N'est-ce pas là une augmentation de taxes?

Il en va de même pour la taxe sur les repas. Comment se fait-il que nous devions payer une taxe de 10% - non pas de 8% comme sur tous les autres articles, que ce soit essentiel ou pas pour l'individu - sur les repas excédant $3.25, repas pris à l'extérieur de la maison? Premièrement, on le sait, pour $3.25, les repas sont de moins en moins copieux, surtout qu'on prévoit pour le secteur d'alimentation cette année des augmentations de prix de l'ordre de 15%. Donc, on peut prévoir moins de choses dans nos assiettes. Deuxièmement, vous savez comme moi que manger est essentiel à la vie des êtres humains, alors pourquoi une taxe supérieure à l'ensemble des produits sur le marché? Pourquoi 10% au lieu de 8%, comme c'est le cas pour les autres produits? Je trouve que c'est injustifié et injustifiable que de taxer les repas de cette façon.

N'aurait-il pas été plus justifiable d'accorder une réduction de taxes sur les repas plutôt que sur certains autres biens de consommation, des biens que l'on achète une fois tous les quinze ou vingt ans et qui profiteront surtout aux manufacturiers ontariens, parce que c'est là où se trouve la majorité de l'industrie? Cette mesure n'aura d'autre effet que de créer ce que j'appelle des "jobs" dans une province voisine qu'on appelle l'Ontario, quand on aurait pu stimuler ici l'industrie touristique de la restauration et créer également des emplois dans cette industrie. Pourtant, la table au Québec est associée étroitement, depuis toujours, à sa culture, une culture si chère au Parti québécois et, du même coup, si mal servie par lui.

Dans son discours, le ministre des Finances nous annonce une augmentation de taxes sur les cigarettes d'environ $0.04 le paquet de 25. Le but premier de cette mesure, bien sûr, étant d'éponger la dette olympique. Soit, c'est un produit non essentiel à la vie des citoyens et je suis d'accord avec cette forme de taxe. À un moment donné, il faut que les gouvernements aillent chercher des fonds et je pense que la cigarette est un bien moins essentiel que la nourriture, non pas pour le premier ministre, mais pour l'ensemble des citoyens du Québec.

Mais où je ne suis pas le ministre, c'est qu'il ne taxe pas les boissons alcooliques. Pourtant, ce sont deux produits - la publicité nous le rappelle - dont le danger croît avec l'usage, non essentiels à la vie des citoyens. Mais il est vrai, on se le rappellera, que la Société des alcools est un monopole qui appartient à l'État dont les profits sont versés à part entière à l'État. Donc, toutes mesures qui ont pour effet de réduire la vente de ses produits ont un effet négatif sur la rentrée d'argent dans les coffres de l'État. Et comme le dit si bien le ministre des Finances: II y a assez de recettes inférieures prévues à la Société des alcools, dû en particulier aux changements apportés par le gouvernement fédéral à la taxation des vins et des spiritueux. Il ne faut donc pas toucher à la vache à lait de l'État. Le ministre est passé complètement à côté. Taxons, dit-il, comme il le fait dans son budget, plutôt l'entreprise privée.

Des taxes, des taxes, toujours des taxes, un peu plus et, si cela continue, je pense qu'on va même taxer l'air que nous respirons. On vous taxe de la naissance jusqu'à la mort, puis on taxe à nouveau ce que vous laissez à vos enfants, parce qu'il faut bien dire en passant que nous sommes la seule province au Canada où nous avons encore l'impôt sur les successions.

Une voix: C'est vrai.

M. Goulet: Et cette année encore, le gouvernement n'apporte aucune modification à la situation présente. Il est vrai que ce n'est pas une mesure électoraliste. Il faut se le dire, ce ne sont pas tous les Québécois qui reçoivent un héritage pendant l'année.

On n'a qu'à regarder certains titres de journaux pour se rendre compte de l'ampleur de ce phénomène des taxes: "Deux jours par semaine - je dis bien: Deux jours par semaine - vous ne travaillez que pour payer vos impôts et vos taxes." "Les impôts grimpent deux fois plus vite que le produit intérieur brut." "Les taxes ont augmenté de 302% en 18 ans au Canada. Pendant ce temps, vos revenus n'augmentaient que de 231%". Dans le fond, les Québécois qui entendent le ministre des Finances leur donner des réductions de taxes sont victimes en réalité - il faut se le dire bien franchement entre nous - d'une illusion fiscale.

J'ai parlé tout à l'heure de la taxe sur l'essence où le gouvernement vous accordait une réduction de taxe d'un côté puis ajoutait une taxe progressive de l'autre. Plus l'essence va augmenter, plus on paiera de taxes. Je vais vous donner un autre exemple où les Québécois subissent une illusion fiscale. Je parle naturellement des déficits du gouvernement qui atteindront les $3 milliards pour l'année financière qui se termine et, quant à l'année budgétaire que nous entreprendrons prochainement, le ministre a prévu $3 milliards et ce ne sera pas loin de $4 milliards.

Financer les déficits par des emprunts n'est qu'une façon de reporter à plus tard l'augmentation d'impôts. Il faudrait que les Québécois soient bien conscients de cela. C'est reporter à plus tard l'échéance où le gouvernement devra rembourser ses dettes. Et qui devra payer ces dettes que nous contractons aujourd'hui? Ce nos enfants; ce sont vos enfants; ce sont les enfants de tous les Québécois. (17 h 30)

Or, certains vont m'accuser de jouer avec les sentiments et de toucher aux cordes sensibles des gens, mais n'est-ce pas là une question d'équité? Nous devons nous poser la question: Avons-nous le droit de faire payer par d'autres qui sont absents du débat les frais des services publics que l'on consomme actuellement? Voilà la question fondamentale que nous devons nous poser à l'aube de cette élection générale.

On se rappellera le débat qui a entouré les dépenses publiques, l'automne dernier. On se le rappellera. La principale critique que l'on formulait alors était que le gouvernement finançait ses dépenses courantes par des emprunts à long terme, bien sûr, ce que le ministre des Finances a finalement admis lors du fameux débat qui opposait le député de Gouin au ministre des Finances, on se rappellera ce débat, un certain vendredi matin. Cela signifie, madame, en d'autres termes, que le gouvernement utilise sa carte de crédit, comme le ferait n'importe quel individu pour faire ses achats, mais a la différence que l'individu, à la fin du mois, paiera son compte de dépenses pour ne pas accumuler de dettes, tandis que le gouvernement, lui, contractera un prêt à long terme pour payer ces mêmes dettes. C'est là la différence, madame, entre la carte de crédit utilisée par le consommateur et la carte de crédit utilisée actuellement par le gouvernement du Québec.

On trouverait normal, madame, qu'un gouvernement emprunte pour financer ses immobilisations de même qu'un individu puisse emprunter pour financer l'achat d'une maison. C'est normal que le gouvernement emprunte pour financer ses immobilisations comme je pourrais emprunter pour l'achat d'une maison. Mais, madame, ce qui se produit actuellement, c'est que le gouvernement emprunte à long terme pour financer ce qu'on pourrait appeler ses biens de consommation, pour financer - comme je le disais avant hier - sa commande d'épicerie, et ça, c'est illogique, c'est tout à fait illogique, c'est inacceptable.

Le ministre des Finances nous annonce maintenant qu'il s'est trompé dans ses

prévisions. Cela, ce n'est pas nouveau, c'est la cinquième fois. Notre grand argentier peut se targuer de maintenir un coefficient d'erreur de plus de 30% dans ses prévisions de déficit. Le ministre des Finances actuel, lors du budget de l'an dernier, prévoyait $2,3 milliards de déficit. C'est de l'argent, $2,3 milliards de déficit. J'avais dit, à ce moment, suivant les tendances passées, que nous allions atteindre les $2,8 milliards de déficit. Je vous invite, madame, à consulter le journal des Débats; un an jour pour jour, je faisais une telle affirmation en Chambre. Je m'excuse aujourd'hui auprès de la population d'avoir été trop optimiste parce qu'après seulement dix mois nous sommes rendus à $2,975 milliards. Est-ce possible de constater une telle chose? Bien oui, le ministre l'a affirmé avant-hier: $2,975 milliards, c'est-à-dire $3 milliards, prochainement, de déficit. Incroyable! Tout à fait incroyable!

Cette année, l'honorable ministre des Finances prévoit $2,97 milliards. Il n'a pas osé dire $3 milliards, parce que $2,97 milliards, ce n'est pas loin de $3 milliards. Le ministre prévoit $2,97 milliards de déficit. Moi, je dis que ce déficit sera d'au moins $3,8 milliards. Je vous le dis en passant, je ne mets pas de maximum, je n'ose plus mettre de maximum parce qu'avec ce gouvernement on ne sait pas où on peut s'arrêter. Je le prédis; malheureusement, cette année, si le passé est garant de l'avenir, nous aurons, avec ce gouvernement, tout près de $3,8 milliards à $4 milliards de déficit. En plus d'être les gens les plus taxés au Canada, on sera également les plus endettés.

Pourtant, on se rappellera que, au début du mandat du gouvernement du Parti québécois, le ministre des Finances clamait à qui voulait l'entendre qu'il fallait effectuer un redressement des finances du gouvernement. Comme il le disait si bien, il faut siffler la fin de la récréation. Le ministre disait qu'il fallait réduire le déficit avant de penser à accorder une réduction de taxes pour les contribuables. Cela fait cinq fois qu'il aurait pu le faire, madame, cinq occasions qu'il a eues. Le déficit a commencé à $1 milliard la première année et on sera rendu, à la fin de l'année, à tout près de $4 milliards.

J'admets volontiers que ces bonnes intentions furent reflétées lors du premier budget de 1977-1978, qui a sûrement aidé par la mesure imposant une taxe de 8% sur les vêtements d'enfants, on se le rappellera, mais, "perd rien qui sait attendre", on peut dire que les autres budgets, par l'ampleur croissante des déficits, nous donnent un peu l'image que le gouvernement a d'une bonne gestion des fonds publics.

Le ministre des Finances justifie ces déficits croissants par la conjoncture économique, alléguant que le gouvernement ne doit pas appliquer un frein lorsque l'économie tourne au ralenti. C'est la façon dont s'y prend le ministre des Finances pour expliquer ses déficits. Cette explication, je le dis franchement, est pleine de bon sens, pourvu que les déficits encourus servent effectivement à stimuler l'économie et à créer des emplois. Mais qu'en est-il en réalité?

Les budgets précédents confirment la tendance sociale-démocrate du gouvernement actuel. On constate avec tristesse, pour nos nombreux chômeurs, que les dépenses en capital du gouvernement, qui créent justement de l'emploi, ont diminué depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement du Parti québécois.

En 1976-1977, elles représentaient environ 5,8% du budget. En 1980-1981, elles ne représentent plus que 3,4%, et cette année encore, il y a une diminution de $581 millions à $555 millions par rapport au budget précédent. La mission économique par laquelle on peut stimuler l'emploi et l'économie générale ne représentait plus que 11,7% en 1980-1981, alors qu'elle était, on se le rappellera, de 14% en 1976-1977. Cette année, Madame, 10,9%. Devinez où sont allés les crédits? À la mission éducative, à la mission culturelle, à la mission sociale? Je me demande s'ils ne sont pas allés à la mission publicité, Mme la Présidente.

Pourquoi des déficits aussi considérables pour le gouvernement du Québec? Parce que le Parti québécois a perdu complètement le contrôle des dépenses publiques.

Que penser du fameux trou de $500 millions en éducation? Que penser du coût de $500 plus élevé pour éduquer son enfant au Québec comparativement à l'Ontario? Que penser de l'aveu même du ministre des Finances, qui dit que les contribuables québécois sont surtaxés? Il l'a avoué encore cette semaine. Que penser des chiffres que le ministre nous a distribués, où il admet que par $100 de revenu personnel, les contribuables versaient $13.03 d'impôt en 1976-1977 contre $13.13 en 1980-1981? Et on a diminué les impôts? Que penser de la dette du gouvernement, qui représentait environ $5 milliards en 1977-1978 et qui représentera, à la fin de l'exercice financier 1981-1982, plus de $15 milliards? Cela commence à faire des sous. Ceci veut dire que cela coûte au contribuable, l'endettement du gouvernement actuel, je l'ai dit l'autre soir, entre $5 millions et $7 millions par jour. Imaginez-vous ce qu'on pourrait faire avec $5 millions à $7 millions d'intérêt par jour, dans nos comtés. Imaginez cela un instant. Cela vous fait sourire? De $5 millions à $7 millions par jour, à 110 comtés, on aurait notre tour au moins trois fois par année. Imaginez-vous ce que cela représenterait. Incroyable!

Pourtant, avec une augmentation du

déficit, on devrait voir une diminution de taxes, une diminution du fardeau fiscal, des mesures pour relancer l'économie. Mais, il n'en est rien, comme les chiffres le démontrent et comme le démontre le dernier budget, parce que justement - c'est malheureux de le constater - le Parti québécois a perdu le contrôle des dépenses du gouvernement.

En cette période de stagnation de l'économie où on prévoit un taux de croissance pour le Québec inférieur à 1%, n'aurait-il pas été plus opportun d'amener des mesures pour stimuler l'économie?

Que nous donne ce budget pour créer de l'emploi? Rien. Au contraire, on coupe le budget des rentes, on coupe les dépenses en capital, on coupe donc la création d'emplois. J'aurais aimé voir dans ce budget une mesure d'accès à la propriété, qui aurait eu pour effet de stimuler la construction et permettre à des gens d'accéder à la propriété ou de la conserver.

L'Union Nationale, dans son document de travail, dans son programme officiel, est consciente de l'importance de la construction; pour 10,000 unités de logement au Québec, on créerait 20,000 emplois directs. C'est là une mesure pour stimuler l'emploi et l'économie. On l'a, la solution là-dedans. Il s'agit de l'appliquer tout simplement.

Le gouvernement nous dit également qu'il nous accorde une réduction d'impôt. Il faut faire quelques petits calculs. D'un côté, on remarque que ses revenus vont augmenter de plus de 16% et que ses dépenses vont augmenter de 13%. C'est donc dire qu'il ira chercher encore plus d'argent dans nos poches et réduira du même coup notre pouvoir d'achat qui est considérablement amoché par les temps qui courent.

On nous annonce dans ce budget une indexation de 7,5% de nos exemptions de base, non pas pour 1981 - et l'année 1981 débute - mais pour 1982, quand on sait en plus que l'inflation sera d'environ 12% en 1981. On vient de se faire jouer encore de 4,5% rien qu'à ce niveau, Mme la Présidente. (17 h 40)

Le gouvernement actuel a tellement confiance dans l'entreprise privée qu'au lieu de taxer les profits, on est rendu qu'on taxe son capital. On est rendu qu'on taxe ses dépenses et qu'on taxe ses emprunts. S'il fallait qu'on décide de taxer les emprunts du gouvernement - je vous l'ai dit l'autre jour -ce serait la catastrophe au Québec. On double la contribution de l'employeur au régime de santé, la faisant passer de 1,5% à 3% de la fiche de paie de l'entreprise. Imaginez l'effet sur l'entreprise. Plus tu engageras du personnel, plus cela te coûtera cher vis-à-vis de l'État. Plus tu emprunteras pour financer l'expansion de ton entreprise, plus tu seras taxé.

Est-ce que ce sont des mesures pour stimuler l'économie? Voyons donc! J'ai plutôt l'impression qu'on vient de donner à l'économie un autre coup d'épée dans le dos. On connaît maintenant le vrai visage du gouvernement actuel: prendre toujours plus de place dans l'économie aux dépens de l'entreprise privée, Mme la Présidente. Voilà ce que ce gouvernement a fait depuis quatre ans et demi. Encore une fois, le budget de cette année nous en apporte la preuve.

Je vous ai mentionné tout à l'heure que le gouvernement ne taxait pas les boissons alcooliques, de peur de diminuer ses revenus. Maintenant, à la place de ça, il veut faire payer une redevance à Hydro-Québec. Pourquoi? Il faut se poser la question. Parce qu'il veut utiliser Hydro-Québec, fierté des Québécois, qui, on se rappellera, a été fondée par le gouvernement de l'Union Nationale en 1944, nationalisé, ensuite, par un autre gouvernement, pour payer ses dettes et augmenter le capital-actions des autres sociétés d'État, pour augmenter l'emprise de l'État sur l'économie et étouffer, tant qu'on peut, l'entreprise privée. C'est ça un gouvernement qui proclame la souveraineté? Voyons! Cela n'a aucun bon sens.

Le gouvernement actuel a tellement confiance, également, dans notre jeunesse qu'il lui coupe les vivres. En effet, en plus d'effectuer des coupures aux universités, on aura des coupures qui auront pour conséquence probable de diminuer la recherche qui se fait actuellement, une recherche essentielle au développement du Québec. Le Parti québécois vient de diminuer pour environ $10 millions les bourses aux étudiants. On a l'impression que le gouvernement veut limiter l'accès à l'université. En tout cas, on a raison de se formuler des questions à cet effet. Peut-être à cause du fait qu'il vient de couper les vivres aux universités? Cela se comprend. De ce côté-là, il peut y avoir une certaine logique. Il y aura eu beaucoup d'autres endroits, M. le Président, où il aurait été préférable de couper. Au chapitre de la propagande, par exemple, et au chapitre de la publicité, on aurait pu couper et laisser ça aux étudiants au niveau de leurs bourses d'études. On a dépensé $10 millions dans pas grand temps au niveau de la publicité et de la propagande.

Le gouvernement, M. le Président, a tellement perdu le contrôle des dépenses qu'il est obligé d'ordonner à l'ensemble de ses ministères de couper leurs dépenses pour un total de $1 milliard pour l'aider à préparer son budget. Le chef du Parti libéral disait tout à l'heure - là-dessus, il avait raison -qu'aux États-Unis, le président Reagan a dit, lui, à quel endroit il coupait. Mais, ici, on ne savait tellement plus où l'argent coulait qu'on a ordonné à tout le monde de couper. Alors, c'est la preuve flagrante qu'on avait perdu complètement le contrôle des dépenses

du gouvernement.

M. le Président, l'évolution des comptes publics québécois suit des tendances inquiétantes et c'est malheureux de le constater. Le choix des structures administratives entraîne une diminution constante du contrôle des dépenses publiques par le peuple et ses représentants. On a, par exemple, la Caisse de dépôt et placement qui a été créée par l'État provincial pour servir à différer les taxes de deux façons. Premièrement, dans la mesure où l'État ne lui paie pas sur ses emprunts le plein taux d'intérêt du marché, il taxe les futurs retraités dont les rentes seront moins élevées ou bien les futurs contribuables devront verser la différence. On n'a pas le choix, M. le Président. Deuxièmement, lorsque le gouvernement finance ses activités à même la caisse, il évite l'imposition de nouvelles taxes. Ainsi, l'extension du secteur public peut se poursuivre sans que n'intervienne la sanction de l'électorat qui sera mis devant le fait accompli à l'occasion du discours sur le budget de l'année suivante et même peut-être dans deux ans. Encore une fois cette année, le gouvernement péquiste compte puiser énormément dans les coffres de la Caisse de dépôt, soit plus de $1 milliard.

De plus, les organismes parapublics et sociétés d'État du gouvernement sont largement autonomes, ils n'ont donc pas à défendre leur budget devant l'électorat ce qui fait qu'il y a encore moins de contrôle de l'État. C'est pourquoi l'Union Nationale réclame depuis tant d'années une commission parlementaire qui aurait justement le mandat d'étudier l'autonomie financière et administrative des sociétés d'État et d'y avoir accès et d'y avoir un contrôle plus serré.

Actuellement, on reporte malheureusement aux générations futures une part de plus en plus importante de nos dépenses. Cependant, on risque de créer du même coup des difficultés sociales du fait que la population du Québec est vieillissante. Il y aura donc de moins en moins de gens pour payer ces dettes et les rentes des retraités.

On risque même en plus de voir le fardeau de la dette publique augmenter plus rapidement que ne laisse supposer le montant de la dette. Tout simplement parce que les emprunts dont l'échéance s'échelonne de deux à cinq ans augmentent très rapidement. Ils devront donc être renouvelés fréquemment. Ceci aura pour conséquence deux choses: d'abord, le coût de la gestion de la dette publique qui va augmenter considérablement; également si les taux d'inflation demeurent élevés, l'État devra en assumer le coût parce que les renouvellements entraîneront un ajustement des taux d'intérêt.

Sans compter que les emprunts effectués sur les marchés étrangers risquent d'être coûteux, dans les prochaines années, parce qu'ils comportent un risque de variation des taux du change. Cette année encore on compte emprunter pour plus de $1,200,000,000 sur les marchés internes et étrangers, donc un risque encore plus important d'accroître le coût de la dette réelle.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, et bien d'autres, l'Union Nationale propose de revenir à un budget équilibré. Bien sûr, cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais c'est possible et cela prend beaucoup de bonne volonté, cela prend surtout de la volonté politique.

Le premier ministre du Québec peut bien rétorquer qu'un budget équilibré, c'est absurde, comme il l'a si bien dit à Roberval, il y a quelque temps. Je lui dirai simplement: Est-ce que c'est si absurde que cela pour un ménage, pour une famille d'équilibrer son budget familial? Est-ce que c'est si absurde que cela d'ajuster ses dépenses en fonction de ses revenus et non faire le contraire, d'ajuster les revenus en fonction des dépenses, comme le fait le gouvernement actuel?

Le ministre des Finances, de son côté, va sûrement nous dire qu'en période de ralentissement économique, le gouvernement ne doit pas réduire ses dépenses.

J'ajouterai à cela qu'il ne doit pas hausser les taxes non plus, parce qu'un tel geste a pour effet de réduire le pouvoir d'achat des contribuables, ça, on le sait, donc baisse du niveau d'activité économique d'une région ou d'un peuple. Ce que notre grand argentier n'a malheureusement pas fait cette année. Les chiffres sont d'ailleurs là pour le prouver: $13.03 par $1000 de revenu personnel que les contribuables payaient en impôts en 1976-1977, contre $13.13 en 1980-1981. Ce sont là les chiffres que le ministre nous a lui-même donnés. On se rappellera que l'annonce des réductions n'est que pour l'année 1982, M. le Président; le cadeau n'est pas pour tout de suite et probablement que ce n'est pas ce gouvernement qui aura à l'administrer, alors, vous voyez où on en est rendu.

Quant au déficit que le gouvernement doit encourir pour stimuler l'économie, permettez-moi d'être un peu sceptique à cet égard. Premièrement, les dépenses ont été faites surtout au niveau des dépenses courantes et non en immobilisations qui sont des dépenses créatrices d'emplois et que les fortes hausses salariales consenties en 1976 aux employés du secteur public, ainsi que - il faut l'admettre malheureusement - une faible productivité des employés de l'État sont les principales explications du niveau actuel des dépenses gouvernementales. (17 h 50)

Deuxièmement, j'aimerais que le ministre des Finances puisse dans sa réplique

nous chiffrer l'impact de tels déficits sur l'économie et sur l'emploi. On nous dit: On ne doit pas fermer les valves quand l'économie est en stagnation, mais j'aimerais qu'on nous donne des chiffres à savoir comment on a pu stimuler l'économie et l'emploi et justifier de tels déficits. N'oublions pas, M. le Président, que, depuis que le gouvernement péquiste a pris le pouvoir, le taux de chômage est passé de 8% en 1976 à 10% en 1980 et que les déficits n'ont cessé de croître. N'oublions pas non plus que l'économie du Québec est une économie ouverte, ce qui a pour effet que les dépenses sortent des limites géographiques de la province, les fuites entre les économies des régions canadiennes sont très fortes. Donc si, par exemple, l'Ontario ou même les États-Unis, nos voisins américains, appliquent des restrictions budgétaires, comme c'est le cas actuellement aux États-Unis, on risque de créer des emplois à l'extérieur. C'est comme si, avec un budget expansionniste, le gouvernement du Québec donnait des coups d'épée dans l'eau, M. le Président. Bien sûr, il va attraper un poisson de temps en temps, mais sûrement pas à tout coup.

Encore là, par sa réduction de la taxe sur les cuisinières et les réfrigérateurs, il va créer certains emplois chez nous, mais il risque d'en créer davantage en Ontario. Il aurait mieux valu appliquer cette mesure aux repas, ce qui aurait stimulé notre industrie de la restauration et notre industrie touristique, domaine qui est extrêmement important pour l'économie du Québec.

J'aimerais bien que le ministre des Finances me donne des chiffres sur l'impact qu'ont eu ces milliards de dollars de déficits accumulés sur l'économie interne d'emploi et de relance économique au Québec, je serais curieux de connaître ces chiffres.

Pour ma part, je ne suis pas économiste, mais je me rends compte que le principe d'un déficit au compte courant, lorsque ce ne sont pas des dépenses créatrices d'emplois, ce principe de déficit au compte courant est difficile à accepter même dans un contexte d'inflation et de chômage. Pourquoi? Tout simplement parce qu'il est difficile à administrer. Le principe du déficit accru ne dit pas non plus à quels niveaux de chômage et d'inflation un déficit au compte courant devient acceptable ni pendant combien de temps il doit être maintenu. Voilà le problème, M. le Président, pour expliquer ces déficits. À partir du moment où on accepte des déficits au compte courant, il faut savoir qu'on diminue d'autant plus la marge de manoeuvre du gouvernement pour l'avenir et c'est un danger.

L'Union Nationale a fait son choix là-dessus. Elle veut que l'État revienne au principe du budget équilibré et cela de façon graduelle, en réaménageant les crédits de façon à favoriser les mesures visant à stimuler l'économie et en limitant le taux de croissance des dépenses de l'État au taux de croissance de l'économie. Malheureusement, cette année encore, le gouvernement prendra plus d'importance dans l'économie en accroissant ses dépenses à un taux plus élevé que celui de l'économie. Cela n'est pas bon d'agir ainsi.

Cela est faisable, le ministre des Finances l'a prouvé en ordonnant des coupures de l'ordre de $1 milliard dans divers ministères; cela est faisable en augmentant la productivité et l'efficacité de l'appareil gouvernemental. Pouvoir fonctionner et offrir le même rendement et les mêmes services avec des ressources moindres, une bonne gestion des fonds publics passe par là et je pense que personne ne peut contredire une telle affirmation.

Je vais vous donner un seul exemple du manque de coordination des différents ministères qui entraîne l'inefficacité et, par le fait même, ce déficit toujours grandissant. Un peu avant Noël, je voulais obtenir des informations concernant le nombre de grèves et de jours-hommes perdus durant l'année pour le secteur privé et le secteur public. Alors, je téléphone au Bureau de la statistique du Québec pour l'information. Ce qu'on a pu me donner comme information n'était malheureusement pas à jour ni complet. De plus, M. le Président, on m'a avisé que, de toute façon, l'information était puisée dans Statistique Canada. N'ayant pu obtenir les renseignements désirés, je m'adresse alors au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre du Québec où, par son service de la statistique, j'ai pu obtenir l'information complète, à jour et par secteurs d'activité.

Je me suis donc demandé comment il se fait que le Bureau de la statistique du Québec prend ses informations à Statistique Canada alors que le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre du Québec a toutes les informations pertinentes, toutes les informations requises à ce sujet. Manque de communication et manque de coordination entre les ministères. Je vois sourire mes collègues. Ici, nous pourrions vous citer des exemples comme celui-là pendant des heures. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres mais qui illustre assez bien le travail qu'il y a à faire dans ce domaine-là. C'est pourquoi l'Union Nationale croit qu'il est possible de revenir à un budget équilibré. On tend à cela aux États-Unis et c'est possible également de le faire au Québec. L'adoption de ce principe accordera bien sûr la primauté de l'individu du secteur privé sur l'État. On se doit d'arrêter la croissance du secteur public aux dépens du secteur privé, et ça, M. le Président, c'est un engagement de notre formation politique.

Il faut que le gouvernement maintienne

une croissance contrôlée de la dette publique également. Il ne faut pas oublier que la dette totale du secteur public québécois se situe actuellement à $15,000 par famille, en 1980, selon un prospectus publié par HydroQuébec. Et si on ajoute à ça les $3 milliards de déficit de cette année, je vous demande de faire le compte, c'en est apeurant.

Il est donc urgent, extrêmement urgent de mettre un frein à un endettement sans cesse croissant. Il ne serait pas sage pour l'État d'utiliser entièrement son pouvoir d'emprunt, car en période économique difficile, il ne disposerait d'aucune marge de manoeuvre et ne pourrait favoriser la reprise. Ainsi, il n'est pas sage d'emprunter à long terme afin de financer des dépenses courantes. Il n'est pas sage d'agir ainsi.

Si le gouvernement préfère un déficit et des emprunts croissants, c'est qu'il espère cacher à i'électorat le coût réel de ses services, de crainte qu'il soit jugé trop sévèrement et surtout à l'aube d'une élection générale.

Pourquoi la population ne connaîtrait-elle pas les coûts réels des services qu'elle obtient du gouvernement? Vous avez compris, je fais allusion ici à la Régie de l'assurance automobile, par exemple. Ainsi, les citoyens pourraient juger du coût d'un accident d'automobile et juger s'il y a lieu d'étendre ce système ou de le réduire. N'est-il pas raisonnable de lier le prix de l'assurance à son coût au Heu d'en camoufler une partie et de le faire payer sous d'autres formes de taxes? Un conducteur qui cause plus d'accidents que le conducteur moyen ne devrait-il pas payer une prime plus élevée et ne pas recevoir une subvention des autres conducteurs plus prudents?

Pour un parti qui se veut social-démocrate, n'est-il pas curieux que tous les conducteurs, quel que soit leur revenu, paient une même prime d'assurance à la Régie de l'assurance automobile quand on sait que ces mêmes conducteurs ne recevront pas la même indemnité lors d'un accident d'automobile car ils n'ont pas tous les mêmes revenus? Tout le monde paie la même prime d'assurance, mais personne ne reçoit la même indemnité parce qu'on est payé par le biais de notre chèque de paie. Il y a là une incohérence totale, une incohérence flagrante.

J'aimerais maintenant toucher un sujet d'importance capitale, particulièrement dans les comtés à vocation agricole. Je veux dénoncer aujourd'hui les normes gouvernementales dans tous les secteurs qui s'appliquent sans distinction à une population urbaine ou rurale et qui ont comme conséquence de priver de services la population d'un milieu agricole ou d'un milieu rural, tel celui que j'ai l'honneur de représenter, ou encore d'imposer à cette même population des coûts exorbitants pour un même service, pour un service comparable à ce qu'on peut retrouver dans une ville.

Je pense sincèrement qu'il doit y avoir changement et je demande que l'on assure à nos concitoyens des milieux ruraux - cela devrait être un engagement de la part des partis politiques lors d'une campagne électorale comme celle que nous amorcerons dans les prochaines heures - des services égaux et sans coût exorbitant. Il faut comprendre que c'est le gouvernement, par sa législation, qui fixe le genre d'économie qui peut s'épanouir dans une région donnée. Prenons l'exemple du zonage agricole, une mesure collectivement nécessaire. Si vous vous souvenez bien, M. le Président, notre principale critique, au moment de l'étude de cette loi, était celle-ci et elle demeure: Nous faisons et nous ferons porter par une minorité, soit les agriculteurs ou les gens qui habitent les régions rurales, le coût d'une mesure utile à l'ensemble des Québécois. C'est vrai et cela se confirme tous les jours. (18 heures)

Je vais essayer de vous faire comprendre la simple réalité qu'affrontent nos gens qui habitent en milieu rural. Par la politique de zonage agricole, par exemple, le gouvernement a dit: À partir de maintenant, l'essentiel de l'économie de telle ou telle région sera l'agriculture. On n'a plus le choix, c'est le gouvernement qui a décidé. Il faut prévoir pour nourrir notre population et le gouvernement a décidé que dans telle région la principale économie sera dorénavant l'agriculture.

Première conséquence directe pour ces régions: Cela pénalise les populations à l'intérieur de ces régions. Je m'explique. Si on regarde les chiffres depuis l'adoption de la loi sur le zonage agricole, on s'aperçoit que la progression de la population en milieu rural est soit en régression ou arrêtée, tout simplement. Il n'y a pas eu d'augmentation. Là est tout le mobilisme, M. le Président. Toutes les politiques gouvernementales sont établies en fonction d'une norme de population et ne tiennent absolument pas compte de l'espace géographique.

On met un compas. On va chercher 30,000, 50,000 ou 60,000 habitants et on prend une décision. C'est ça la différence fondamentale entre la ville et le milieu rural: en ville, il y a du monde et les technocrates gouvernementaux ne veulent pas comprendre cette différence. Ils veulent maintenir l'application en milieu rural de normes qui ne devraient être valides que pour le milieu urbain et c'est là le problème majeur que nous vivons, M, le Président, dans nos régions rurales.

À la ville, le travailleur peut occuper un espace aussi restreint que 50 ou 100 pieds carrés pour remplir son emploi; en milieu rural, de par la loi, l'emploi principal, c'est une terre, pour produire au bénéfice de toute la société québécoise; ça fait pas mal moins

de monde et les Québécois doivent être conscients de la discrimination que subit la population du milieu agricole. Dans un mille carré, pour cultiver une terre, M. le Président, bien sûr qu'il y a moins de travailleurs que dans une usine à Montréal pour gagner le même salaire familial.

Vous voulez d'autres exemples de cette discrimination? Je vais vous en donner, M. le Président.

On va prendre l'école. En ville, vous en avez au moins une par quartier et même deux ou trois par quartier. En milieu rural, M. le Président, on ne compte plus les écoles primaires qui sont fermées et le mouvement en est rendu au niveau secondaire où on vit actuellement des fermetures d'écoles secondaires, où il faut maintenant regrouper trois, quatre, cinq et même six villages pour pouvoir maintenir une école secondaire ouverte. Les élèves, M. le Président, en sont rendus - je ne parle pas d'élèves au niveau universitaire, je parle d'élèves au niveau primaire et au niveau secondaire, premier cycle - on le vit actuellement à faire 50,75 et même 100 milles par jour pour recevoir l'enseignement et, en plus, ils sont limités dans le choix de leur option.

M. le Président, moi je dis: II me semble que c'est assez; il faut que la décision ne soit pas uniquement prise en fonction de critères économiques, mais tienne compte également des facteurs sociaux qu'implique l'économie d'une région, économie imposée souvent par un gouvernement.

Par exemple, la norme, je donne un exemple, est d'un professeur par 24 ou 25 élèves, mais cette norme pourrait en milieu rural être modifiée en tenant compte de la densité de la population en milieu rural. Mais la question demeure: Pourquoi un étudiant de milieu rural n'aurait-il pas droit au même éventail, à la même quantité d'options, aux mêmes services, aux mêmes droits que ceux d'un étudiant demeurant en zone urbaine, et je parle toujours aux niveaux primaire et secondaire. Pourquoi, M. le Président, un élève de niveau primaire ou secondaire, premier cycle, chez nous, n'aurait-il pas droit aux mêmes services parce que son père est agriculteur, parce qu'il y a moins de densité de population dans un milieu? Pourquoi cet élève n'aurait-il pas droit aux même services que l'élève de Montréal ou de Québec? A-t-on besoin de l'agriculture ou si on n'en a pas besoin? Si on en a besoin, qu'on le démontre clairement. Il faut absolument trouver une formule pour décentraliser ces décisions et ne pas appliquer de normes au niveau provincial, mais être conscient que cela prend une formule pour calculer le coût d'un service en milieu urbain et que cela prend une autre formule pour calculer le coût d'un service en milieu rural.

Vous avez le commissaire d'écoles, par exemple, à qui le gouvernement impose de prendre des décisions seulement en fonction de critères économiques. Ce commissaire d'écoles est obligé de prendre ce genre de décisions et de fermer des écoles, comme on le voit chez nous actuellement, et de condamner les élèves à faire la route à tous les jours puisque - il faut se le rappeler, M. le Président - les autobus jaunes ne relèvent pas de son budget. Donc, c'est mieux pour le commissaire de décider que l'élève fera 50 ou 75 milles par jour pour aller suivre des cours plutôt que de prendre un professeur, l'amener dans le village, et dire à l'élève : Toi, on va te donner des cours ici. On en est rendu à ce genre de décisions, M. le Président. Il ne faut pas en vouloir aux commissaires d'écoles. Ils n'ont pas le choix. Ils sont obligés d'appliquer les normes gouvernementales. C'est là qu'est le problème fondamental, un problème que l'on vit tous les jours.

Un autre exemple, la protection contre les incendies. On peut vous en donner, des exemples, en quantité. Lorsqu'un village, seul, veut se doter d'un camion d'incendie, il n'est subventionné qu'à 25%, et si deux ou trois municipalités se groupent pour avoir le même camion qui va peut-être être à dix, douze ou quinze milles du lieu de l'incendie, le gouvernement dit: On va donner 75% de la subvention. Ainsi un individu à la campagne, pour une maison qui a la même évaluation qu'une maison en ville, risque de voir brûler sa propriété parce que le camion d'incendie est à dix milles du lieu de l'incendie tandis qu'en ville, parce qu'il y a la densité de population, le camion d'incendie est collé sur la maison. Ce sont des exemples réguliers. Et le problème...

Une voix: ...

M. Goulet: Non, ce n'est pas cela, mais quand vous dites: On subventionne un camion d'incendie pour tant de population, chez nous, un camion d'incendie va servir pour quatre villages, tandis qu'en ville, il va servir pour un coin de rue. C'est facile à comprendre.

Une voix: ...

M. Goulet: Oui, mais ce sont des choix politiques à faire. On ne fera pas de l'agriculture dans la ville de Westmount et on n'en fera pas autour du parlement ici. Si un agriculteur cultive 150 ou 200 hectares, vous comprenez que, dans un mille carré, il y aura moins de population que dans la ville de Québec. Quand vous déterminez vos normes, si vous dites: C'est un service pour tant de population, vous voyez que ça ne tient plus debout dans le milieu rural. Le problème, c'est que, chez nous, dans un mille carré, il y a beaucoup moins de monde pour payer ces 25% que dans la ville de Québec où l'achat d'un camion à incendie va être

réparti peut-être sur 550 contribuables, tandis que, chez nous, il sera réparti sur 75 contribuables. Au lieu de coûter, disons, $100 de plus d'augmentation de taxe par contribuable durant l'année, cela va en coûter $400 de plus. Les municipalités n'ont pas le choix.

D'autres exemples, la grille d'évaluation et de pondération du ministère des Transports tient toujours compte de la densité de la population et de la densité de la circulation. Est-ce qu'on devra être condamné à manger de la poussière le restant de nos jours parce que nous vivons dans des milieux ruraux et qu'on ne répond pas aux normes de densité de la population? Il faut se poser la question: Est-ce qu'on veut des agriculteurs ou si on n'en veut pas? On veut continuer de nourrir notre population ou on ne veut pas? Est-ce que, parce qu'un type a choisi la profession d'agriculteur, il va manger de la poussière toute sa vie, contrairement à celui qui est en ville et qui, parce qu'il travaille dans une manufacture, va bénéficier de tous ces services? Je ne pense pas. M. le Président, ce n'est pas acceptable.

Ce que je veux vous faire comprendre, c'est que les normes de population, quand on parle de densité de population, on ne les rencontrera à peu près plus jamais dans nos régions. Du fait que la vocation principale de nos régions est l'agriculture, ça prend pas mal plus de place que de gens.

M. le Président, je termine là-dessus; je pense que je peux parler jusqu'à 18 h 15 ou 18 h 20. Un exemple assez facile à comprendre dont j'ai discuté, d'ailleurs, à plusieurs reprises avec le ministre des Affaires municipales, c'est au niveau du réseau - je ne ferai pas le même lapsus que le chef du Parti libéral - d'aqueduc et d'égouts qui est subventionné actuellement à 75% par le gouvernement provincial. Le problème, c'est que ça coûte pas mal plus cher en milieu rural qu'en ville parce qu'il y a moins de citoyens pour se partager la facture. Un réseau d'aqueduc, chez nous, dans un mille, peut desservir peut-être 300 clients, tandis que, dans les régions rurales, il va desservir peut-être 100 clients. La clause 75-25, c'est que les 25% qui seront payés par l'usager, en ville, ça peut représenter environ $100 et dans, des milieux ruraux, comme chez nous, ça peut représenter $400. La norme 75-25 n'est pas applicable en milieu rural uniquement parce que la population est moins dense. (18 h 10)

Pourquoi un travailleur résidant en milieu rural devrait-il payer $400 pour avoir droit à l'eau potable alors que le travailleur de la ville paie $60, $70 ou $100 pour y avoir droit. Comment se fait-il, par exemple, que la pomme de terre qui est cultivée chez nous soit subventionnée à $1 du sac pour l'envoyer aux consommateurs à Montréal? Pourquoi, en retour, chez nous, est-ce qu'on ne nous aiderait pas davantage pour avoir de l'eau potable de façon que ça ne nous coûte pas $400 par usager, mais plutôt $100? La fameuse pomme de terre qu'on envoie à Montréal, qui coûte $1 de moins du sac, parce qu'elle est subventionnée, quand on l'achète chez nous, elle est cultivée chez nous, on n'en bénéficie pas de ce dollar. Il devrait y avoir un échange et c'est là que je dis que les calculs ne devraient pas se faire de la même façon, parce que nous n'avons pas la même densité de population.

M. le Président, l'économie du comté, pour plusieurs comtés ruraux, l'économie rurale repose sur l'agriculture, bien sûr; de toutes les régions, on nous demande de les comprendre. Pour ma part, j'entends bien me porter à la défense de leurs préoccupations, la préoccupation du monde rural, M. le Président, parce que ces préoccupations sont vraies, tout simplement.

D'autres exemples, au niveau des foyers d'hébergement, la norme provinciale est de 6%, c'est-à-dire 6 places dans un foyer d'hébergement par cent personnes âgées dans la région. La majorité des gens du troisième âge, chez nous, doivent quitter leur milieu naturel, c'est-à-dire leur village, doivent se déraciner de leur communauté où ils ont passé 50 ans ou 60 ans de leur vie et s'expatrier à deux ou trois villages plus loin. Ils n'ont pas le transport en commun, ils n'ont pas les mêmes services qu'en ville. En ville, 6 places pour 100 personnes âgées, vous pouvez avoir un foyer d'hébergement dans le quartier et même s'il est dans le quartier voisin, souvent, c'est un coin de rue à côté.

Notre personne âgée qui a passé 50 ans ou 60 ans de sa vie dans ce quartier pourra, en prenant sa marche, retourner dans son quartier ou encore prendre le métro ou l'autobus et tout simplement aller faire une petite tournée. Chez nous, M. le Président, partir d'un village du bas du comté pour aller dans un village du centre du comté, il faudra faire peut-être 30 milles, 40 milles ou 50 milles. Il n'y a pas de service de transport en commun à toutes les heures, comme ça. Il y en a pour relier les grands centres, bien sûr, un bon service, mais il n'y en a pas entre villages.

Cela veut dire que notre bon monsieur, notre bonne madame devra s'expatrier dans deux ou trois villages plus loin et finir ses jours là, c'est inacceptable. Encore là, toujours justifiées par la densité de la population, ces normes ne sont pas applicables chez nous.

Je pense que l'aide gouvernementale doit être calculée différemment, que la demande vienne d'un milieu rural ou d'un milieu urbain. Il y a certainement possibilité de trouver une formule empirique quelconque de redistribution plus équitable. Nous croyons qu'une formule devrait être mise sur pied qui

permettrait l'égalisation des coûts. C'est là le problème entre un citoyen du monde rural et un citoyen de la ville, le même coût pour le même service. Bien sûr, je ne demanderai pas que l'Université Laval ou l'Université de Montréal déménage à Saint-Germain-de-Bellechasse. Non, ce n'est pas ce qu'on demande. Entre cela et des services de base comme un service d'aqueduc et d'égouts, comme un foyer d'hébergement, comme un HLM, comme le droit à l'éducation de nos enfants aux niveaux primaire et secondaire, je pense que ce n'est pas exagéré. Qu'on dépasse la norme arbitraire et injuste et qu'on partage le coût réel. Il y a certainement moyen de trouver une formule pour partager le coût réel entre les citoyens de la ville et les citoyens des milieux ruraux. Le citoyen rural veut être traité avec justice et, selon le langage que vous connaissez bien, vous autres, il veut être traité d'égal à égal avec son concitoyen de la ville. D'égal à égal, vous savez ce que cela veut dire? Cela fait quatre ans et demi que je vous entends dire cela.

D'un autre côté, nous imposons l'utilisation du territoire et consacrons un certain espace géographique à une vocation agricole. De l'autre, nous demandons à ces populations de s'astreindre à des normes auxquelles elles ne peuvent faire face puisque ce sont des normes de densité de population que nous ne retrouvons que dans les grands centres, que dans les grandes villes.

La justice, ce n'est pas la norme. La justice, c'est le coût du service, c'est le coût égal pour un service égal. Voilà la justice que nous devrions trouver en milieu rural. Les régions rurales joueront au cours des prochaines décennies un rôle primordial afin d'assurer la subsistance de notre peuple. En effet, chez nous, en milieu rural, c'est avec nos agriculteurs que nous pourrons fournir à toute la population cette nourriture essentielle à la survie de tout être humain. J'invite le gouvernement à en être conscient. Vous autres, vous le faites, mais vous ne le dites pas, c'est ce qui est votre problème. Un lapsus, M. le Président;

Les péquistes l'ont dit depuis quatre ans et demi, ils l'ont dit avant d'être au pouvoir, mais ils ne l'ont jamais fait. Nos concitoyens qui nous écoutent ce soir dans leur salon avaient compris, sauf quelques ministres en face qui étaient découragés de voir ce qui se passait, mais le monde ordinaire avait compris.

J'invite le gouvernement à en être conscient et ainsi à arrêter de considérer les populations rurales comme des gens de deuxième classe. Notre raison d'être est aussi importante que celle de n'importe quel citoyen des villes, M. le Président. Notre raison d'être en milieu rural est aussi importante que celle de n'importe quel citoyen, qu'il vienne de Westmount ou qu'il vienne de Bellechasse.

Motion de blâme

En terminant, à la suite de la lecture de ce cinquième budget déficitaire présenté par ce gouvernement... Mon collègue de Nicolet me dit le sixième. Un budget n'a pas été déficitaire, c'est celui de l'an I qui n'a jamais été administré, mais les autres ont tous été administrés. Là, on a vu que ce n'était pas la même chose dans la réalité. Dans le concret, ils ont tous été déficitaires. M. le Président, cela mérite...

Une voix: 31%.

M. Goulet: ... que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement d'avoir augmenté le déficit des opérations budgétaires à un taux inacceptable au lieu de consacrer les ressources financières et administratives de l'État à des mesures concrètes et imaginatives en vue de relancer l'économie du Québec et de créer des milliers d'emplois pour venir en aide au nombre croissant de chômeurs dans toutes les régions du Québec. Voilà, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président: M. le ministre d'État au Développement économique.

M. Landry: M. le Président, je demande la suspension du débat jusqu'à 20 h 30.

Le Vice-Président: Je m'excuse, cette suspension est-elle adoptée?

M. Lamontagne: À 20 h 15.

M. Landry: À 20 h 30.

M. Lamontagne: Un instant!

Le Président: M. le ministre.

Une voix: 20 heures.

Une voix: Cela va.

Le Vice-Président: Oui, ne vous inquiétez pas. De la part du ministre d'État au Développement économique, j'ai tenu comme acquis qu'il demandait la suspension du débat.

Une voix: Oui.

Le Vice-Président: La suspension du débat est-elle adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Oui. Le Vice-Président: Adopté.

M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Je propose la suspension de la Chambre jusqu'à 20 h 15.

M. Levesque (Bonaventure): On m'a dit 20 h 30.

M. Charron: 20 h 20, M. le Président.

Le Vice-Président: Cette motion de suspension des travaux jusqu'à 20 h 20 est-elle adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. Il y a donc suspension des travaux jusqu'à 20 h 20.

(Suspension de la séance à 18 h 19)

(Reprise de la séance à 20 h 22)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir. M. le ministre d'État au Développement économique.

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, je constate que l'Opposition officielle est virtuellement absente de cette Chambre. Ils sont allés courir Dieu sait où; il y a exactement trois députés de l'Opposition officielle.

Des voix: Quatre.

M. Landry: Quatre. Je les comprends, cependant, parce que s'ils savaient d'avance ce que j'ai l'intention de dire d'eux, à votre face et à celle du public québécois, ils ne seraient pas venus, pas un.

Nous avons entendu, au cours de ce débat sur le budget et à ce stade, un certain nombre d'orateurs de l'Opposition officielle. Je ne les relèverai pas tous, il y en a qui ont été carrément fantaisistes. De ceux-là, je n'en dirai rien, sauf d'un, car c'est mon voisin, le député de Laval, qui a dit des choses extrêmement drôles, qu'on peut lire au journal des Débats d'hier, que tout le monde a entendues et auxquelles je voudrais quand même brièvement répondre, ne serait-ce que pour faire ressortir la pensée cohérente du Parti libéral du Québec.

Le député de Laval a dit hier en cette Chambre que même le sommet de Montréal était une opération séparatiste. Remarquez que je n'en aurais pas parlé, du sommet de Montréal. Ceux qui en ont fait l'éloge l'ont fait tellement abondamment qu'il n'était plus nécessaire pour le gouvernement d'en parler, justement pour n'en pas faire une opération politique. Mais dans le même souffle, après avoir dit que le sommet de Montréal était une opération séparatiste, le député de Laval m'a reproché de ne pas l'avoir invité. Nous aurions eu un fait historique fantastique: le député de Laval à une opération séparatiste.

Voyons le sérieux de cet homme, voyons ce qu'il en est. Je vais vous citer un certain nombre de séparatistes notoires sur le sujet du sommet de Montréal. M. Pierre DesMarais II, ancien président du Conseil du patronat du Québec, président de la Communauté urbaine de Montréal dit, en terminant le sommet: "M. le Président, alors que j'avais mentionné publiquement et malheureusement, au mois de novembre, que j'avais certaines craintes quant au succès de ce sommet, je dois tout de suite corriger et dire - d'ailleurs, je l'ai mentionné il y a à peu près une semaine -que je sentais que ce serait un succès énorme, et je pense que cela l'a été, avec la collaboration des intervenants non seulement de l'extérieur, mais des intervenants du gouvernement qui ont été présents à pratiquement toutes les sessions".

Un autre séparatiste, le professeur Pierre Laurin, directeur des Hautes études commerciales, dit: "Alors moi, je n'hésite pas en tout cas à affirmer que le présent sommet constitue un succès retentissant et je pense qu'on peut affirmer qu'il n'y a aucune ville de grande taille au Canada qui, actuellement, connaît un dynamisme aussi grand que celui de Montréal."

Et, autre séparatiste que je pouvais vous citer, mais que tout le monde a déjà entendu, toujours le député de Laval, en bon voisin, dit une autre chose extrêmement drôle. Il laisse entendre que le gouvernement a sacrifié, dans le présent budget, une de ses opérations les plus vitales et les plus importantes, qui a donné du travail à des milliers et des milliers de Québécois et de Québécoise, l'opération solidarité économique. Il disait hier: On ne veut plus oser, on n'ose plus maintenant. Or, les crédits, comme chacun le sait, sont partie intégrante du discours sur le budget. La grande opération solidarité économique est continuée dans le présent budget pour $118 millions. Le député de Laval est un notaire, c'est une profession de rigueur et d'exactitude, c'est bien la première fois que je vois passer un notaire à côté de $118 millions. Mais c'est ce qu'il a fait hier!

Ceci dit, d'un des meilleurs fantaisistes, mon voisin le député de Laval, passons maintenant à d'autres intervenants: le chef de l'Opposition.

Lui, il n'était pas drôle durant ses deux heures cet après-midi, mais il était assez réjouissant pour le gouvernement. En effet, il a mis deux heures à prouver trois choses inestimables pour l'information de la population et pour le gouvernement, surtout en cette période préélectorale.

J'ai entendu le chef de l'Opposition,

avec beaucoup d'émotion, faire la preuve, assez involontairement, mais d'une façon forcément sincère, de l'efficacité du gouvernement en matière économique, comme jamais personne ne l'a faite au cours des quatre dernières années. La démonstration est simple, M. le Président, il a levé le nez, vous vous en souvenez, sur 12,000 emplois permanents créés par l'opération solidarité économique dans une seule année. Il a parlé d'emplois à temps partiel, d'emplois permanents, minimisant les 12,000 emplois permanents.

Savez-vous que cette année-là, qui était une année moyenne, il s'était créé, dans l'ensemble de l'économie du Québec, 48,000 emplois? Or la seule opération solidarité économique, une des opérations du gouvernement, en crée 12,000, le quart. Depuis des années que je m'intéresse aux questions économiques, au cours de toutes les réflexions qui se font dans les facultés d'économie, on se demande encore comment un gouvernement pourrait hausser de 25% le nombre des emplois en un an. Le chef de l'Opposition officielle, d'une façon admirable, a fait la preuve que c'est ce que nous avions fait avec la grande Opération solidarité économique.

Le chef de l'Opposition officielle nous a également rendu un autre service inestimable dans une période préélectorale. C'est d'avoir prouvé par ses erreurs grossières... Je vais les reprendre une par une, pas toutes parce que j'en ai relevé 17, mais je vais en citer trois ou quatre. Il nous a fait la preuve, par ses erreurs grossières, lui qui est son propre critique financier, qu'il ne connaissait guère ni l'économie ni les finances.

Première erreur. Le chef de l'Opposition officielle a dit, cet après-midi, en parlant de la taxe sur les produits pétroliers: "Inutile de vous dire que cette taxe est plutôt régressive et que les petits qui doivent financer leurs voyages d'automobile et leur chauffage..." Le critique officiel de son propre parti ne sait pas que l'huile à chauffage n'est pas et n'a jamais été taxée.

Des voix: Ah!

M. Landry: C'est une erreur de débutant pour quelqu'un qui ambitionne la direction de l'ensemble des affaires du Québec.

Le chef de l'Opposition a fait une autre erreur grossière carrément contraire au texte du discours sur le budget, à croire qu'il ne l'a pas lu. Il a dit: "Les réductions d'impôt sur les profits des corporations, cela vient seulement en janvier 1982 alors que la taxe sur la santé entre en vigueur dès le 1er avril, c'est-à-dire neuf mois avant l'autre." S'il avait simplement lu le discours sur le budget, il y aurait vu qu'effectivement, à partir du 1er juillet, l'impôt sur les profits de toutes les petites et moyennes entreprises, au sens de la loi fédérale, sera réduit d'un crédit d'impôt de 10%. 80% des entreprises du Québec vont bénéficier de cela à partir du 1er juillet. C'est une baisse du taux de l'impôt de 13% à 3%, ce qui fait de l'impôt sur les petites et moyennes entreprises le plus bas de tout ce continent. On ne peut pas prétendre connaître les finances publiques et passer à côté de cela. (20 h 30)

Autre erreur grossière, la troisième. Rassurez-vous, je ne mentionnerai pas les 17 ou 20 que j'ai relevées. Le chef de l'Opposition dit que pour chaque tranche de revenu de $100 un contribuable payait, en 1976-1977, $13.41 en impôt et, pour l'exercice 1981-1982, "d'après nos calculs, dit-il - on a bien vu qu'ils étaient faux par la suite - ces redevances seront de $13.95". La réalité est tout autre. De 1970 à 1976, dans un gouvernement dont faisait partie un certain nombre de nos amis d'en face, le taux a augmenté de $12.37 à $13.03 par $100. Or, de 1977 à 1980, sous notre gouvernement, le taux a baissé de $13.72 à $13.15. Erreur grossière dans la lecture des événements.

Le chef de l'Opposition s'est également trompé sur la création d'emplois dans le secteur manufacturier, et là, s'est trompé au point de poignarder dans le dos l'économie du Québec. Il a dit en particulier: " En réalité, le nombre d'emplois créés dans ce secteur, l'industrie secondaire, a plafonné de 1976 à 1979 et il a décliné de près de 8000 au cours de la dernière année". Or, qu'est-il arrivé en 1979? 32,000 emplois nouveaux dans ce secteur, l'année record de tous les temps. D'aucune manière on ne peut parler de plafonnement. Jamais, dans l'histoire des statistiques, il ne s'était créé autant d'emplois.

Quand on interprète la réalité économique d'une façon aussi erronée, on devrait avoir la décence de ne pas prétendre être son propre critique financier, car celui qui a comme critique financier le chef de l'Opposition officielle lui-même a un très mauvais critique financier.

Le chef de l'Opposition nous en a dit plus long, et pour ça aussi je lui suis extrêmement reconnaissant. En cette période particulièrement, il dit d'avance, à vous, M. le Président, aux parlementaires et à l'ensemble de la population, que sous son gouvernement, il aurait augmenté les taxes et il va augmenter les taxes.

Dans le Devoir d'hier, M. Ryan a laissé entendre qu'il augmenterait les taxes. Disons que le Devoir n'est plus aussi bien dirigé, il a pu se tromper, mais la Presse d'hier, elle, dit: " II aurait fallu avoir le courage - citant M. Ryan - de demander aux contribuables de payer les dépenses de l'État." Qu'est-ce que

cette périphrase, si ce n'est pas pour dire: Nous aurions et nous allons augmenter les taxes? De toute façon le journaliste poursuit: " Hausser les impôts?" "No answer" a répondu le chef libéral agacé - je comprends - à la question posée en français.

Déjà, l'an dernier, sur ce point, la pensée libérale est cohérente. Déjà l'an dernier, ce brave M. André Raynauld qu'on regrette déjà beaucoup, avait dit à une question, en conférence de presse où le chef de l'Opposition assistait en opinant du bonnet: " Oui, c'est cela, il faut hausser les impôts, c'est cela." Nous sommes avertis, la population est avertie, l'obsession de l'Opposition officielle, c'est de hausser les impôts et de hausser les taxes, alors que nous, on s'évertue à faire le contraire depuis quatre ans et demi.

Revenons maintenant aux points positifs de ce budget après avoir écouté les propos fantaisistes qu'on a entendus au cours du court débat jusqu'à maintenant. D'abord, un budget pour les familles. Ce gouvernement, qui ne s'est jamais caché de ses intentions, a eu, dès le départ, un préjugé favorable aux classes moyennes, aux couches populaires, et il l'a montré en indexant les exemptions de base, c'est-à-dire en mettant fin à un "hold-up" systématique et secret que le gouvernement libéral antérieur avait perpétré pendant des années en indexant les exemptions de base de 7,5%, en réduisant les impôts d'une façon continue, mais en particulier sur deux ans, de 5% dans les deux derniers budgets. Quatre ans de baisse de suite. Cela ne s'est pas vu depuis le début de la révolution tranquille. Des gens qui rêvent jour et nuit d'augmenter les taxes seront comparés avec des gens qui, depuis quatre ans et demi, les baissent.

Sans compter, d'ailleurs, l'abolition de la taxe de vente sur les cuisinières et sur les réfrigérateurs, qui s'ajoute aux exemptions et à l'abolition à jamais de la taxe de vente sur les textiles, sur les vêtements, les chaussures et les meubles. On se souvient que, récemment, les libéraux ont versé des larmes de crocodile sur les secteurs traditionnels, mais quand nous aidions les secteurs traditionnels, on entendait les théoriciens d'en face, naguère, nous parler de "phasing out". Pour nos textiles, vêtements et chaussures, à cause des centaines de milliers de travailleurs qui y sont, ce sont des emplois et des industries qui doivent être puissamment aidés et c'est exactement ce que nous avons fait.

Nous avions aussi fait campagne en 1976 sur la triple couronne où nous avaient conduit les gouvernements antérieurs. Une de ces couronnes était l'impôt sur le revenu des particuliers où les Québécois étaient écrasés sous les taxes. Maintenant, nous sommes heureux de dire que, pour la première fois cette année, un contribuable marié avec deux enfants et gagnant jusqu'à $23,000, $23,000 et moins - on est probablement rendu à 80% de la population du Québec - ne sera pas le champion des taxés au Canada; il paiera moins cher de taxes qu'en Ontario en particulier, une province à laquelle on se compare souvent.

On a fait grand état du déficit aussi. On va en parler brièvement pour comparer d'abord au fédéral, ceux que le chef de l'Opposition officielle appelle le "boss". Le "boss", c'est lui qui va dire s'il était élu: "Boss, come back to the negotiation table". Qu'est-ce qu'il fait, le "boss"? Le "boss", il a 25% de son budget en déficit, tandis que le gouvernement du Québec en a 15% dans le budget Parizeau de cette année. Si les libéraux étaient élus, ils auraient le choix entre imiter le "boss" dans le déficit, c'est-à-dire le doubler, ou ne pas, pour une fois, imiter le "boss" et écraser le peuple sous le fardeau des taxes. Voilà la logique qu'on a entendue durant deux heures, cet après-midi.

Si vous n'aimez pas les comparaisons avec votre "boss" d'Ottawa, on va vous comparer avec vos devanciers et le ministre des Finances de vos devanciers, d'ailleurs, que le chef de l'Opposition officielle, je dois le reconnaître humblement, n'a pas en affection particulière. Le dernier budget Garneau était de $10 milliards. Son déficit total était de $2 milliards. Si notre collègue, le ministre des Finances, avait administré comme les libéraux, dont plusieurs ont fait partie du précédent gouvernement, sur un budget de $20 milliards, cette année, notre budget, si nous avions suivi les traces du devancier Garneau, aurait un déficit de $4 milliards, alors que dans la réalité, nous avons moins de $3 milliards. Comparez-vous, les libéraux. Comparez-vous au "boss", comparez-vous à vos devanciers.

Les emprunts, maintenant. Chacun sait, M. le Président, que l'on juge un niveau d'emprunt suivant ses capacités de payer. Celui qui gagne un salaire de $25,000, il peut emprunter plus que celui qui gagne un salaire de $12,000, cela va de soi. Or, quelle est la comparaison salaire pour un peuple, pour une nation, pour une économie? C'est la production intérieure brute. En 1976, les libéraux nous avaient endettés pour 12% de la production intérieure brute, emprunt par rapport à notre salaire collectif. En 1980, on a très sagement ramené cela à 8%. On emprunte suivant nos moyens et sur le fantastique produit national brut québécois, bien sûr, mais sans dépasser les normes de la sagesse que les administrations précédentes avaient mises au rancart depuis longtemps. En fait, cette année, en 1981-1982, le gouvernement du Québec empruntera, même si notre PNB a continué à monter, pour $500 millions de moins que l'an dernier. (20 h 40)

Inutile, M. le Président, de repasser en

détail tout ce qui a été dit par le chef de l'Opposition et tout ce qui a été dit dans le discours sur le budget par mon collègue des Finances. Adoptons une vieille maxime en termes d'économie et de finances et en termes de sagesse de vie: On juge un arbre à ses fruits. Je vais vous soumettre quelques-uns de ces fruits, M. le Président, et quelques appréciations. Je vous cite un texte: "C'est un fait que l'économie du Québec a progressé plus rapidement que celle de l'Ontario au cours des trois dernières années à la suite de la victoire du Parti québécois en novembre 1976." Quelle publication? Publication officielle du Parti québécois ou de la SNQ? Le Financial Times de 1979, au mois de décembre, reconnaît à la face de tout le Canada que, pour la première fois dans l'histoire économique, de Halifax à Vancouver, le Québec et son économie ont progressé plus rapidement que l'Ontario, et il souligne que c'est sous un gouvernement du Parti québécois.

D'ailleurs, le Conference Board avait déjà noté que de 1976 à 1980, alors que le PNB ontarien montait de 6,5%, celui du Québec montait de 10%, presque le double. 212,000 emplois nets de plus au Québec en quatre ans; 10,000 emplois de plus créés par année que de 1970 à 1976, alors qu'on s'en faisait promettre 100,000, si chacun a la mémoire assez aiguisée. En 1980, le Québec, de toutes les provinces du Canada, est la province - et c'est un autre précédent historique, ce n'est jamais arrivé - qui a créé le plus d'emplois, 68,000 emplois en 1980, plus que l'Ontario et plus que l'Alberta également. Jamais un tel record n'a été atteint précédemment.

Quant à la région de Montréal, à laquelle on a fait quelques allusions, déjà, en 1979 et en 1980, Montréal a été le champion de toutes les régions avec la création de 70,000 emplois. J'ai entendu nos amis d'en face faire des gorges chaudes en disant hier que tout cela était survenu après le référendum. Rien n'est plus faux, ce sont les chiffres de 1979 et 1980. Surtout, toute la population a pu entendre, au sommet économique de Montréal, le COPEM, c'est-à-dire Chambre de commerce et Board of Trade, proclamer à la face de tout le monde que le virage, à Montréal, s'est produit en 1979. Le président du comité exécutif de la ville de Montréal a fourni des statistiques significatives sur la construction. Alors que les taux d'intérêt limitent la construction dans l'ensemble du continent, Montréal, en 1979, a battu tous ses records, sauf dans le secteur institutionnel pour les Olympiques, pour la construction résidentielle, commerciale et industrielle.

Le budget, c'est le support de la politique économique. La politique économique, je viens de vous résumer, hors de tout doute, M. le Président, ses fruits qui sont manifestes. Alors que notre continent connaît sa pire crise économique depuis 1929, depuis la vraie crise, alors que notre continent n'a jamais, depuis 1929, été à ce point perturbé sur le plan économique, nous avons la fierté de dire à la population qu'il n'y a pas un autre espace économique sur l'ensemble de ce continent qui a aussi bien résisté à l'averse en pleine période de crise et qui s'est développé que le périmètre du Québec, parce que bien gouverné, bien géré et bien administré autant sur le plan économique que sur le plan financier.

Nos amis d'en face, s'ils veulent jamais comprendre quoi que ce soit à la gestion et au développement, devraient d'abord s'enlever de la tête le vieux préjugé qu'il n'y a que les autres qui peuvent nous développer, comme j'entendais le député de Notre-Dame-de-Grâce le dire à la télévision, lors d'une entrevue où il disait qu'il faut ouvrir les frontières et que, notre développement repose sur le fait que les autres viendront nous développer. Rien n'est plus faux. Cette théorie est fausse au Québec comme ailleurs.

Dans le domaine linguistique comme dans le domaine social, comme dans le domaine économique, il n'y a qu'une seule philosophie de développement, c'est celle que nous avons pratiquée et qui est dans le discours sur le budget. Pour bâtir le Québec, il vaut mieux le faire, comme nous l'avons fait depuis quatre ans et demi, debout plutôt qu'à genoux.

Dissolution de la Législature

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, si j'ai le consentement et en vue du 13 avril prochain, pour la première fois, sauf erreur, cette Assemblée nationale et aussi, grâce à la télévision, nos concitoyens qui suivent les débats seront les premiers au courant du message que M. le lieutenant-gouverneur a signé tout à l'heure et que j'ai maintenant l'honneur de vous remettre.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): J'espère que vous n'allez pas nous enlever ce qu'on espère, M. le Président.

Le Président: Chers collègues, j'ai pris connaissance de la proclamation du lieutenant-gouverneur. Ce message est très simplement la proclamation en vertu de laquelle la 31e Législature est maintenant dissoute.

Merci.

(Fin de la séance à 20 h 47)

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