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Version finale

32e législature, 2e session
(30 septembre 1981 au 2 octobre 1981)

Le jeudi 1 octobre 1981 - Vol. 25 N° 2

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Président: À l'ordre, messieurs! Un moment de recueillement, s'il vous plaît.

Veuillez vous asseoir.

Nouveau diagramme

Avant de procéder aux affaires courantes, je voudrais déposer le nouveau diagramme de l'Assemblée nationale du Québec.

Affaires courantes.

Période de questions orales des députés.

M. le député de Richmond.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

La situation dans l'industrie de l'amiante

M. Vallières: Ma question s'adresse au ministre de l'Énergie et des Ressources. Compte tenu que plusieurs centaines de travailleurs, dans le secteur de l'amiante, ont été mis à pied dernièrement de façon permanente - plusieurs milliers de façon temporaire - l'économie des régions d'Asbestos et de Thetford Mines, en particulier, est fortement affectée par cette situation. C'est par centaines que les jeunes doivent quitter ces régions pour aller travailler ailleurs.

Je demanderais au ministre s'il a entrepris des démarches, et à quel niveau, pour s'enquérir de la gravité de la situation dans ce secteur; quelle action entend-il prendre pour éviter que cette situation déplorable ne tourne en véritable catastrophe financière? J'aimerais qu'il nous indique si son plan va s'inspirer de celui qui a été annoncé dans le secteur du fer sur la Côte-Nord et que nous attendons toujours et s'il reconnaît l'urgence d'une action du gouvernement dans ce secteur au moment où on se parle.

Le Président: M. le ministre.

M. Duhaime: II est bien certain que la question du député, en ce qui a trait à l'amiante aujourd'hui, indique bien que nous vivons une situation de mauvaise conjoncture. Ce que nous constatons depuis un an surtout, possiblement même sur deux années, règle générale, pour les compagnies productrices, c'est une chute des marchés. Aux États-Unis, principalement, pour certaines compagnies, cela s'est produit dans une proportion qui pourrait atteindre jusqu'à un tiers de leurs ventes.

Par ailleurs, sur d'autres marchés plus faibles, il y a progression. J'ai en tête, par exemple, un nouveau marché qui se développe aux Indes et avec la Chine. Il n'y a pas de compensation sur des niveaux équivalents. Cette mauvaise conjoncture est reliée à deux facteurs. Le premier: la situation économique aux États-Unis de façon générale, à cause de la politique des hauts taux d'intérêt qui a un impact direct sur la construction, non seulement la construction domiciliaire, mais la construction en général. Vous admettrez avec moi que, sur le plan des décisions qui pourraient se prendre à Washington au niveau des hauts taux d'intérêt, je n'ai rien à voir.

Il y a un troisième élément aussi auquel nous travaillons. C'est de faire en sorte que l'amiante et la fibre d'amiante retrouvent en quelque sorte leurs lettres de noblesse non seulement sur le continent nord-américain, mais sur tous nos marchés d'exportation. En ce sens, les fonctionnaires de mon ministère, en collaboration avec ceux de la Société nationale de l'amiante, voyagent tant aux États-Unis qu'en Europe et font des démarches auprès des autorités de la Communauté économique européenne en particulier, de façon plus précise en Allemagne, pour faire en sorte que ce qui était considéré comme quelque chose d'inéluctable il y a peut-être quelques années, à savoir que la fibre d'amiante pourrait être bannie de certains marchés, ne se réalise pas. Je puis dire là-dessus, M. le Président, que c'est avec optimisme que ce dossier évolue. (10 h 20)

Est-ce qu'il y a dans l'immédiat des mesures à prendre pour que les activités et les niveaux d'emploi dans les mines puissent être non seulement maintenus et augmentés? Je répondrai essentiellement, M. le Président, que nous vivons presque une fatalité conjoncturelle. Bien sûr que le député ne sera pas satisfait de ma réponse, mais je puis dire, M. le Président, que dans les semaines qui viennent le gouvernement prendra une décision majeure donnant suite à ce qui a déjà été arrêté dans le dossier de l'amiante. Plutôt que de maintenir de hauts niveaux d'exportation sur une matière première, exportation à l'état brut, nous pourrons commencer véritablement à envisager la transformation chez nous d'une ressource naturelle et je pense que la création d'emplois va être en proportion, c'est-à-dire nécessairement à la hausse. Je pense cependant être honnête en disant, M. le Président, que nous aurons à vivre dans

les prochains mois et je dirais pour quelques années, deux ou trois ans, des heures difficiles avec l'ensemble de ce dossier, non seulement en ce qui a trait à Asbestos, mais avec l'ensemble des compagnies productrices de fibre d'amiante qui sont essentiellement pour l'instant, pour une qrande partie de leur production, tournées vers des marchés d'exportation.

M. Vallières: Une question supplémentaire, M. le Président.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Richmond.

M. Vallières: Question additionnelle, M. le Président. Puisque le ministre nous parle de quelques semaines pour l'annonce d'interventions et d'actions du gouvernement, je voudrais lui indiquer que le 27 mai, en cette Chambre, je posais une question au même ministre et c'est le ministre Landry qui a pris la relève pour nous indiquer qu'aux environs du 15 juin, il y aurait un plan de relance pour la région de Sept-Îles-Port-Cartier. On attend toujours ce plan de relance.

Dans la réponse du ministre, ce que je constate - et il me contredira si ce n'est pas le fait - c'est l'affirmation que nous allons pendant deux ou trois ans, si nous sommes optimistes, peut-être quatre ans, si on est pessimiste, peut-être cinq ans, laisser des régions comme Thetford-Mines et Asbestos dépérir et mourir à petit feu. M. le Président, je demande au ministre s'il est dans son intention de mettre de l'avant un plan d'action qui va viser à créer de l'emploi à court et à moyen terme dans les villes amiantifères, en particulier dans le secteur de l'amiante, pour éviter que ces régions ne se vident littéralement de leur élément le plus dynamique, soit la jeunesse.

Le Président: M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, on peut préparer, au gouvernement, des plans d'action. J'en prépare, bien sûr, régulièrement. Dans les activités minières, en particulier, il y a une espèce de fatalité. À partir du moment où une mine commence des activités, elle est en quelque sorte condamnée à mourir un jour, à partir du moment où on arrive au fond du baril, et aussi ces activités sont directement reliées à la conjoncture sur les marchés internationaux. La situation du fer, en quelque sorte, représente à peu près fidèlement ce que nous vivons sur les marchés de l'amiante. C'est un effondrement, non seulement sur la demande en volume, mais aussi quant au prix. Le minerai de fer du Québec fait face, sur les marchés internationaux, à une concurrence qui nous vient, entre autres, du Brésil où les teneurs sont plus élevée. Les Brésiliens ont décidé d'avoir une politique de prix qui nous place dans une situation hautement difficile.

Est-ce que le député suqgère que le gouvernement mette quelques millions de côté, pour qu'on entreprenne systématiquement de faire tourner artificiellement ces opérations en empruntant et en faisant une politique de stockage? Cela ne serait pas réaliste.

Nous suivons de très près la situation. Est-ce qu'il y a des formules de rechange? Nous avons répondu, oui. Lorsque mon collègue, le ministre d'État au

Développement économique, sera prêt à faire l'annonce du plan de relance pour la Côte-Nord, il le fera en temps utile.

Pour ce qui est de l'amiante, je l'ai dit tout à l'heure, il est évident qu'un plan d'action existe, et que ce plan d'action, avant d'être mis à exécution, doit attendre que nous ayons réglé de façon définitive le dossier d'Asbestos Corporation. Le premier ministre indiquait, en juin dernier - vers la fin de la session, je crois - que le dossier d'Asbestos Corporation serait réglé cet automne. Je puis confirmer devant l'Assemblée que le dossier d'Asbestos Corporation sera certainement réglé cet automne.

Le Président: Le député de Richmond, question additionnelle, sans préambule.

M. Vallières: Est-ce que le ministre, puisqu'il veut donner l'exemple dans le monde entier de l'usage de l'amiante, irait aussi loin qu'exiger que dans toutes les constructions gouvernementales au Québec, l'on utilise ce produit?

Le Président: Brièvement, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Duhaime: M. le Président, cela m'étonne qu'un libéral sugqère à notre gouvernement d'intervenir directement dans un champ de libre concurrence qui appartient à l'heure actuelle au secteur privé, parce que le gouvernement s'apprête à devenir propriétaire d'une mine d'amiante. Que nous puissions privilégier cette mine en particulier, ce produit, qu'est-ce qu'on fait des fabricants de fonte, par exemple, dans ma région de Trois-Rivières? Cela n'a aucun sens. M. le Président, il est hors de question...

Le Président: À l'ordre s'il vous plaît!

M. Duhaime:... que nous exigions de la part des municipalités qu'elles contruisent leur réseau d'égout et d'agueduc en utilisant l'amiante pour avoir droit à des subventions. Si c'est ce que vous avez en tête, la

réponse, c'est non.

Cependant, il est de plus en plus démontré, et c'est là qu'est la difficulté sur les marchés internationaux, que l'amiante coûte cher, c'est certain, mais sa fiabilité et sa durabilité sont là.

Nous pensons, de côté-ci, que les produits concurrentiels à l'amiante, je pense au mica, par exemple, qui est en train de se développer, ont le droit de vivre aussi, ils ont droit de cité. Nous croyons devoir maintenir cette concurrence légitime entre différents produits. Nous croyons, cependant, que l'amiante sera en mesure de faire son chemin, de retrouver son marché au fil des années. Je ne me fais pas d'illusion, M. le Président, je l'ai dit tout à l'heure, si on sait le moindrement lire les chiffres, les exportations sont à la baisse. C'est un effondrement sur les marchés mais c'est conjoncturel. Je dis: Dans combien de temps? C'est la question que j'ai posée à des experts à mon ministère. Dans combien de temps on vivra le redressement? On m'a répondu: Deux ans, trois ans, peut-être même davantage.

Je pense que c'est mon devoir de dire ces faits ici, à l'Assemblée nationale. Jamais le gouvernement n'envisagera d'obliger qui que ce soit à se porter acquéreur de la fibre d'amiante pour avoir droit à quoi que ce soit. Je ne suis pas convaincu que, sur le plan constitutionnel, nous aurions le droit de le faire.

Le Président: Deux dernières questions additionnelles. M. le député d'Outremont, sans préambule, et M. le député de Frontenac, sans préambule éqalement. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le ministre, n'est-il pas vrai que la situation que vous avez décrite comme une conjoncture est une situation qui va de pis en pis, puisque de plus en plus d'États américains ont décidé de bannir l'amiante et que les Européens l'ont fait dans la même façon? N'est-il pas vrai que cette opposition puisse s'apparenter un peu, beaucoup à l'opposition qu'on peut trouver à l'énergie nucléaire et que, de fait, il aurait fallu que le gouvernement intéresse les clients de ces États pour faire la promotion de l'amiante? N'est-il pas vrai que le ministre retarde, au mois de septembre de l'an prochain, l'organisation d'un séminaire dans ce sens et que ce séminaire aurait dû avoir lieu bien avant cette date?

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: M. le Président, je dirais ceci avant de répondre à la deuxième question. Le député d'Outremont est en train de prendre des mauvaises habitudes avec le compagnonnage qu'il vit depuis quelques années. Il dit: De plus en plus d'États américains bannissent l'amiante. Vous rendez-vous compte que vous êtes en train de dire, ce que je qualifierais de mensonge? Voulez-vous me nommer un seul État américain, la date et le numéro de l'arrêté en conseil, s'il y en a un, ou une seule loi aux États-Unis qui a banni l'amiante, comme tel, celui que nous, nous frabriquons au Québec? Quand vous répétez de pareilles sornettes, vous êtes un de ceux qui, inconsciemment ou consciemment, se font l'avocat de tous ceux qui travaillent pour qu'un bannissement se fasse sur ce marché.

Pour ce qui est du séminaire sur l'amiante, M. le Président, et sur la promotion...

Une voix: Les travailleurs de l'amiante. (10 h 30)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Duhaime: Chaque fois que quelqu'un se lève à l'Assemblée nationale ou ailleurs sur d'autres tribunes et répète de pareilles choses, cela signifie qu'à chaque discours il y a des emplois à Thetford qui sont menacés. C'est ce que cela veut dire. Les travailleurs... J'ajouterai ceci...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Duhaime: J'ajouterai ceci: Récemment, à Genève, un des leaders syndicaux importants du Québec a dit publiquement que, quant à lui, il se ferait désormais l'un des promoteurs et l'un des défenseurs du dossier de l'amiante.

M. Fortier: Question de règlement.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Vous avez terminé votre réponse, M. le ministre?

Dernière question additionnelle, M. le député de Frontenac.

M. Duhaime: M. le Président, pour l'information complète du député d'Outremont qui a souvent besoin de renseignements et, une fois qu'il les a, quitte l'Assemblée où se déroulent les travaux je voudrais lui dire ceci: La "Environmental Protection Aqency" aux États-Unis vient de recommander l'utilisation de l'amiante par rapport à d'autres produits concurrentiels. Je mets le député d'Outremont au défi de nous dire, soit demain ou aujourd'hui, le nom d'un État américain où l'amiante a été banni.

Le Président: M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, ma

question s'adresserait au premier ministre. Le ministre de l'Énergie et des Ressources rappelait tout à l'heure la déclaration du premier ministre au mois de juin dernier, ici à l'Assemblée nationale, proclamant la décision ferme et irrévocable du gouvernement d'acquérir la Société Asbestos Limitée et ce, à l'automne. Or, nous y sommes à l'automne. Après des arrêts de travail au mois de février dernier ainsi qu'au mois d'août, et ce qu'il y a de plus important, arrêts de travail qui se reproduiront à partir de lundi prochain pour deux semaines, de nouveau deux semaines au mois de novembre et trois semaines au mois de décembre à la Société Asbestos Limitée. Le premier ministre pourrait-il préciser un peu plus la date où, et cela au profit des syndiqués de l'Asbestos Limitée... Les travailleurs de l'Asbestos voudraient savoir quand exactement le gouvernement a l'intention de prendre possession de la Société Asbestos Limitée pour remonter cette compagnie et remettre les travailleurs au travail.

Une voix: Confiez cela au comité des fêtes nationales!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense que tout le monde peut comprendre le souci que peut avoir le député de Frontenac de voir les choses aller rapidement, parce qu'on sait les coups répétés sur la tête, les épreuves qu'ont vécues les travailleurs de l'amiante, surtout dans la région de Thetford, ce qui fait que je ne rappellerai même pas au député que l'automne, cela va jusqu'au 21 décembre. Mais je vais lui dire plutôt ceci: il y a un mémoire conjoint du ministre de l'Énergie et des Ressources et du ministre des Finances qui, je pense, est en chemin pour le Conseil des ministres et qui doit venir la semaine prochaine au Conseil des ministres. J'ai comme l'impression que cela devrait être décisif.

Le Président: Merci. Question principale, M. le député de Laprairie.

Le dossier de la fête nationale

M. Saintonge: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au premier ministre. "La fête nationale du Québec doit être - je cite ici le premier ministre - le moment particulier pour célébrer la joie de notre appartenance à une communauté vivante, riche et fière. "

Une voix: Très bien. Des voix: Riche!

M. Saintonge: Le gouvernement péquiste a mis sur place le comité organisateur de la fête nationale et les comités régionaux pour développer cette fierté, mais, depuis un peu plus de deux ans, le gouvernement péquiste se serait servi de cette structure pour mettre en place ce qui semble être un système de patronage péquiste...

Une voix: C'est vrai.

M. Saintonge:... bien organisé. À titre d'exemple, les principaux postes au comité régional de Montréal auraient été détenus, cette année, par des membres de l'entourage du ministre Charron.

De même, les employés du comité régional de Montréal auraient travaillé ardemment à la réélection du député de Saint-Jacques. Le directeur général du comité régional et le contrôleur auraient occupé tour à tour le poste de président du PQ-Saint-Jacques. Également, l'attaché politique du ministre de l'Immigration aurait bénéficié, en juin dernier, d'une libération par le ministre pour aller organiser à Paris les festivités de la fête nationale, toutes dépenses défrayées...

Une voix: II est allé suspendre les cadres!

M. Saintonge:... et son salaire était défrayé par le ministère à titre de vacances anticipées pour l'an prochain. Également, les propriétaires d'une agence de publicité, qui obtiendraient annuellement d'importants contrats du Parti québécois, recevraient depuis deux ans d'alléchants contrats du comité organisateur de la fête nationale. Cette année, ils en auraient obtenu pour plus de 180 000 $. Le gouvernement péquiste, par l'entremise de certains ministres, aurait donc favorisé de ses largesses deux catégories d'amis péquistes. Premièrement, les amis du Parti québécois et les amis de certains ministres péquistes auraient bénéficié d'avantages pécuniaires. Le deuxième bénéficiaire serait le Parti Québécois lui-même et le gouvernement péquiste.

En effet, le comité référendaire du oui et le Parti québécois lors de la dernière campagne électorale, auraient reçu des avantages comme du personnel payé, du matériel, des voitures dont les frais ont été acguittés par le ministère des Travaux publics en nette dérogation à la loi du financement des partis politiques.

Le Président: Question s'il vous plaît.

M. Saintonge: Voici ma question.

Comment donc, M. le premier ministre, allez-vous faire le nettoyage dans ce dossier, alors que vous êtes vous-même en conflit d'intérêts à titre de bénéficiaire et à titre

de tordeur de bras ou de vendeur sous pression lors de l'opération commandite des chars du défilé? N'y aurait-il pas lieu de décréter une enquête publique indépendante et complète pour faire toute la lumière sur ce qui semble être un réseau de patronage politique?

A cet égard, l'Opposition, lors de l'étude des crédits en commission parlementaire, avait demandé au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche une enquête sur ces faits. Cette demande d'enquête a également été renouvelée par écrit auprès du ministre en appui à une requête présentée par trente-sept comités organisateurs de la région de Montréal. Cette requête, appuyée par plus de 1500 signatures, a été remise au député de Maisonneuve et au ministre du Loisir.

Le Président: Question s'il vous plaît.

M. Saintonge: C'est donc l'intégrité même du gouvernement qui est mise en doute.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plait! M. le député de Laprairie, vous savez que je vous permettrai des questions additionnelles, je vous demanderais, s'il vous plaît d'adresser vos questions. Le préambule a été passablement long. Le président a été tolérant, et je vous reconnaîtrai pour des questions additionnelles. Alors, votre question s'il vous plaît.

M. Saintonge: Ma question est la suivante: Quand l'enquête publique aura-t-elle lieu dans cette affaire, M. le premier ministre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, les efforts du député sont méritoires pour essayer de donner une fresque, mais j'ai trouvé plus équilibré, malgré que ce n'était pas très plaisant à lire, ce qui a paru dans la presse depuis quelques jours. Cela donnait, je pense, un éclairage un peu plus complet.

Dans un instant, je vais demander à mon collègue responsable du dossier de la fête nationale, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche de répondre plus précisément à la question et de dire ses intentions.

Personnellement, je dirai simplement ceci. Premièrement, tandis que, en public heureusement, la fête a été extraordinairement réussie, elle a été une catastrophe au point de vue administratif, au point de vue budgétaire. Cela nous révèle une chose, c'est qu'on ne peut pas continuer comme cela, il faut un nettoyage, et il faut aussi qu'il y ait des contrôles extrêmement sévères à supposer qu'on doive encore consacrer des fonds publics è l'organisation de la fête.

Pour ce qui est du rôle de vendeur sous pression que j'ai joué avec d'autres, c'est très simple, ce qui est arrivé. Environ trois semaines avant la fête on s'est fait dire tout à coup que sur la quinzaine de chars allégoriques qui avaient été préparés pour relancer le fameux défilé, la grande parade, si on veut, de Montréal. Il y avait quand même un million de gens dans les rues de Montréal, je pense que c'a été un succès. Mais il reste que seulement trois de ces chars avaient trouvé des commanditaires. (10 h 40)

C'est vrai, on a décidé de l'essayer. Cela voulait dire 500 000 $ de déficit de plus, possiblement. Il y a des gens, à Montréal, à qui on a demandé de faire leur effort, de trouver des commanditaires et de les trouver le plus vite possible, avant qu'il ne soit trop tard. Cela a réussi. Il paraît que là-dedans s'est glissé quelqu'un qui a eu une commission de 100 000 $, un dénommé Cusson. Je vous avoue que l'avoir su - on n'imagine pas ces choses tant qu'on ne les a pas vues - j'aurais probablement établi certaines conditions à notre concours.

Pour résumer - je ne veux pas étirer trop ce que j'ai à dire - ç'a été mon rôle, avec quelques autres, et je dois vous dire que je recommencerais si on était aux prises avec le même problème. Pour ce qui est de l'ensemble de l'organisation de la fête, et surtout de ce qu'il faut faire, sans compter qu'il faut faire la lumière sur ce qui s'est passé, je demanderais au ministre responsable du dossier de vous répondre.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Question additionnelle?

M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Lessard: M. le Président, je pense, comme le soulignait le premier ministre, qu'à cause d'un tournant, cette année, à la fois le défilé et la fête du Vieux-Fort, la fête nationale a été un succès. Cependant, il y a eu des événements que nous reconnaissons et que nous devrons corriger.

M. Rivest: II nous sauve de la catastrophe.

M. Lessard: Maintenant, M. le Président, il faut dire ceci.

M. Fortier:...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Lessard: M. le Président, il faut dire ceci. Le Comité organisateur de la fête nationale est un comité à but non lucratif,

autonome...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Lessard: M. le Président, ce comité est d'ailleurs autonome dans sa gestion quotidienne vis-à-vis du gouvernement. Ce Comité organisateur de la fête nationale n'est pas, non plus, fermé à la participation populaire. Dans chacune des régions du Québec, dans quinze régions du Québec, toute la population est invitée, à l'occasion d'une assemblée générale, à former les comités organisateurs dans ces régions. Quel que soit le parti politique, les gens sont invités à venir voter pour former leur comité organisateur. Ce n'est donc pas un comité fermé, le comité national vient de toutes les régions du Québec et cinq membres sont nommés par l'ensemble des régions du Québec. Les libéraux, comme les péquistes, comme les rouges, comme les bleus ont le droit de participer à la nomination des gens au niveau du comité régional.

Ce n'est pas notre faute, M. le Président, si les péquistes s'intéressent a la fête nationale du Québec pendant que les libéraux s'intéressent à la fête de la Confédération. Ceci ne veut pas dire que des faits qui ont été relatés dernièrement dans le journal La Presse doivent être passés sous silence. Il y a des choses que je n'accepte pas et chacun de ces faits sera scruté et est actuellement scruté. Un vérificateur a été nommé, un comptable a été nommé et j'attends, d'ici à la fin d'octobre, le rapport comptable sur ces faits, rapport qui sera déposé à l'Assemblée nationale, comme chaque année un rapport financier de la fête nationale est déposé à l'Assemblée nationale. Rappelons-nous que, l'an dernier, nous avons eu un surplus de 347 000 $.

En ce qui concerne l'enquête... C'est exact, M. le Président, qu'au mois de juin dernier, quelques jours avant la fête nationale, j'ai reçu, de la part d'un comité regroupant les comités locaux de Montréal, une demande de mise en tutelle du comité organisateur de Montréal, du comité régional de Montréal. À ce moment, je lui ai demandé de me donner des faits m'indiquant qu'il y avait malversation. Or, je n'ai jamais reçu de réponse à cette question. Est-ce que le Parti libéral...

Une voix:...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lessard:... voudrait que nous enquêtions chaque fois qu'un comité mécontent ou qu'un groupe de personnes mécontentes signe une requête sans nous donner de faits précis? Soyez convaincus d'une chose - en collaboration avec le ministre de la Justice - si des faits nous prouvent qu'il y a eu malversation, la justice poursuivra son cours.

Certaines mesures ont déjà été prises et d'autres viendront, en particulier l'engagement du directeur général qui, cette année, se fera par concours.

Deuxièmement, et tout le monde...

Des voix:...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lessard:... toute personne pouvait se présenter, et 53 personnes se sont présentées au concours.

En terminant, M. le Président...

Des voix:...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, vous pouvez continuer maintenant.

M. Lessard: En terminant, M. le Président, les représentants libéraux, lors de la dernière commission des engagements financiers, m'ont posé un certain nombre de questions et, en collaboration avec le président du Conseil du trésor, nous nous sommes entendus pour que, vers la fin d'octobre, lors de la prochaine commission des engagements financiers, je sois présent et je pourrai... parce qu'il y a un certain nombre de faits et il ne faut pas prendre tous ces faits à la lettre. Il y a un certain nombre de faits sur lesquels on fait des vérifications et, vers la fin d'octobre, M. le Président, on pourra répondre à toutes les questions, sans pour autant excuser un certain nombre de choses qui ont été faites et qui, j'espère, ne se renouvelleront pas l'année prochaine.

Le Président: Question additionnelle, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais adresser une question additionnelle au premier ministre. Il ne se le rappellera peut-être pas, mais, s'il consulte le journal des Débats de juin et juillet 1977, il verra que je lui posais des questions sur de soi-disant anomalies qui se seraient produites dans l'organisation des fêtes de la Saint-Jean. On disait alors que des fonds des fêtes de la Saint-Jean auraient servi à l'organisation d'un congrès du Parti québécois.

C'étaient des rumeurs, j'en conviens, mais j'avais quand même soulevé le problème à trois reprises avec le premier ministre. Et les réponses - ce serait intéressant que les membres de la Chambre les consultent -ressemblent étrangement aux réponses qu'on a aujourd'hui: Il ne faut pas faire des

enquêtes pour le plaisir d'en faire et on va demander au Vérificateur général de voir ça bien en détail, après qu'on aura eu un autre rapport qui, en fait, est ce rapport annuel dans lequel les gens se trouvent en conflit d'intérêts, quand il s'agit de juger leur propre administration des fêtes nationales, enfin, d'un domaine comme celui-là. (10 h 50)

Ce que je demande au premier ministre, c'est ceci. Entre 1977, alors que, déjà, il y avait eu un signal - dans quelle mesure il était sérieux, je ne suis pas en mesure d'y répondre; c'est au gouvernement de répondre - et les années qui ont suivi, est-ce qu'on s'est inquiété de la façon qu'étaient administrés des fonds qui étaient consacrés à la fête nationale, des fonds qui sont allés en augmentant et qui servent non pas une cause qui est légitime et à laquelle nous souscrivons, mais qui servent à des fins partisanes? Je pense qu'on ne peut pas se contenter des réponses du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, alors que ceci est un problème qui semble continuer depuis quatre années. Je voudrais demander au premier ministre et réitérer la demande de mon collègue de Laprairie: Est-ce qu'on aura une enquête impartiale, que ce soit celle du Vérificateur général ou d'un autre, où les gens ne seront pas en conflit d'intérêts? Tant que ce sera le gouvernement lui-même qui est un gouvernement du Parti québécois, je pense qu'on ne peut dire qu'on peut se contenter de rapports comme ceux-là pour rétablir des faits; on n'aura jamais vraiment la vérité et on continuera sur la même voie dans laquelle on avait commencé il y a déjà quatre ans.

Une voix: Très bien.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais répondre très brièvement d'abord à Mme la députée en lui rappelant, ce qu'elle n'ignore pas, que les allégations sur des fonds du budget de la fête nationale qui auraient pu servir à être détournés, à toutes fins utiles, pour servir à un congrès du parti... Je pense qu'elle doit se souvenir que ce qui avait été écrit, à ce moment-là, est allé devant les tribunaux et le journal a été condamné à une amende et cela a été arrêté là parce que cela n'était pas vrai.

Pour ce qui est de faire enquête, ce dont on parle, je ne peux pas vous donner une réponse plus claire que celle qu'a donnée le ministre tout à l'heure. Si vous admettez qu'à la fois, à la fin d'octobre - il faudrait que ce ne soit pas plus tard - on aurait le rapport comptable, enfin, le rapport de vérification qui sera déposé et il y aura aussi toutes les réponses qui pourront être fournies à la douzaine de questions que l'Opposition a posées déjà là-dessus, à partir de là, on verra. Je ne vois pas pourquoi on décréterait une enquête tout de suite. D'ici trois semaines à un mois environ, on va avoir ce qui sera disponible. S'il y a lieu après de faire une enquête, en conscience, on verra et je ne vois pas pourquoi on hésiterait le moindrement si cela paraît indiqué, sans compter les procédures là où cela serait indiqué aussi.

Mme la députée a également évoqué des années qui ont précédé. Je pense qu'il serait normal qu'on permette à celui qui était responsable du dossier pendant ces années-là - c'est assez récemment que le ministre actuel du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a été chargé de l'organisation, enfin, de la surveillance, si on veut, de ce qui se passe dans ce domaine - mon collègue, le leader parlementaire, qui était en charge du dossier et qui tient à répondre ou à évoquer certaines choses, de me succéder.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je voudrais d'abord dire que j'ai été ministre responsable de la fête nationale de 1978 et de 1979. Mais, pour celle de 1977, je réitère

Mme la députée a peut-être raison d'évoquer ce qu'elle avait elle-même soulevé à l'Assemblée, mais elle a peut-être oublié la conclusion - qu'à ce moment-là, le premier ministre avait nié ces faits. On ne s'est pas contenté de les nier ici. Nous avons poursuivi - je ne me rappelle plus qui, exactement, a poursuivi, je pourrais apporter l'information ou mon collègue qui est responsable du dossier maintenant pourra la fournir très bientôt - devant les tribunaux parce que c'était faux; nous avons gagné notre cause devant les tribunaux et le journal en question a dû verser une amende.

Ceci dit, pour montrer qu'à l'occasion, il y a de l'exagération dans des pseudoaccusations ou des liens qu'on fait, je ne veux pas dire que l'article et la série d'articles actuels sont du même ordre d'un bout à l'autre, quoique je sois en mesure de dire, pour la période qui me concerne, qu'il y a effectivement eu aussi des exagérations, même s'il y a des faits aussi très réels qui sont examinés à mesure.

Ce que je peux dire, en ce qui me concerne - puisque cette formule de la fête nationale organisée par les différentes régions a été mise en pratique pendant que j'étais le ministre responsable de la fête -c'est que, quand je suis arrivé dans ce dossier, j'ai pris le président du comité organisateur qui était là; je n'en ai pas nommé un autre. Il était là depuis 1975; il avait été nommé par l'administration précédente; il m'apparaissait compétent; je

l'ai gardé. J'ai gardé les deux permanents qu'il y avait à la fête nationale; je ne les ai pas changés. Les deux années où j'ai été responsable, comme ministre, de la fête nationale, je n'ai embauché personnellement personne. J'ai mis en place un conseil d'administration, cinq personnes nommées par le Conseil des ministres, des personnalités qui ont accepté d'y aller. Le reste du conseil d'administration, par le mécanisme même, n'était pas du tout notre choix. C'étaient des délégués que différentes régions choisissaient et nous déléguaient. Je les ai rencontrés au conseil d'administration une fois, lors de leur première réunion, pour leur souhaiter bonne chance.

Toutes les décisions administratives, par la suite, c'est-à-dire l'embauche de personnel, non pas permanent parce qu'il y en a très peu, mais occasionnel, dans les quatre ou cinq semaines qui précèdent la fête, c'est ce conseil d'administration qui les prenait, qui choisissait entre les différents candidats.

J'affirme de ma place que je n'ai jamais recommandé quiconque au conseil d'administration. Je ne me suis aucunement mêlé de ceux qui étaient embauchés, ni au niveau des régions, ni au niveau de l'administration nationale. Que certains des membres de mon parti et de l'association de comté de Saint-Jacques aient postulé ces postes et aient été retenus par le conseil d'administration que je n'avais pas nommé et que je ne contrôlais pas, oui, c'est vrai. Mais je n'y peux rien. Je ne peux pas interdire à ces gens de postuler un poste vacant et pour lequel ils se pensent aptes. Certains avaient tort de penser qu'ils étaient aptes à le remplir, effectivement, je le reconnais, parce que lorsqu'ils se sont trouvés à ces postes de responsabilité, ils ont manqué à l'efficacité que cela nécessitait et cela a causé le problème de cette année.

Je ferai remarquer que pour les trois années précédentes, 1978, 1979 et 1980, non seulement on n'a pas eu de déficit, mais lisez le rapport financier que vous avez entre les mains et vous verrez que nous avons terminé et clôturé nos états financiers avec un surplus. C'est la première année qu'il y a eu un tel relâchement. Il est plus que regrettable. Les gens qui sont incompétents à ces postes doivent être changés, qu'ils soient membres de l'association du Parti québécois de Saint-Jacques, de n'importe quel parti politique ou de n'importe quelle association. Je ne changerai pas d'avis sur cette question.

Je veux soulever un dernier point à propos d'une exagération dans l'article, en ce qui me concerne. Quand on dit que des membres de l'association du Parti québécois de Saint-Jacques auraient été payés par le comité organisateur de la fête sur le territoire de Montréal et auraient travaillé de façon permanente à mon organisation électorale en 1981, à ma connaissance, c'est le contraire qui s'est produit. Je suis prêt à faire des vérifications, mais je me souviens qu'un de ces membres, employé par la fête nationale à Montréal, était aussi dans le comité d'organisation de mon comté. On lui donnait des responsabilités dans l'organisation de notre parti. Il nous a demandé de le libérer de ses engagements partisans, parce qu'il ne pouvait pas les remplir, étant surcharge de travail dans l'organisation où il se trouvait. C'est donc le contraire; plutôt que d'avoir quitté la fête pour s'en aller dans l'organisation, il nous a demandé de le libérer de notre organisation parce qu'il ne pouvait pas cumuler les deux jobs. Nous avons accepté et nous avons demandé à un autre militant de prendre sa place. C'est un souvenir très précis que j'ai.

Qu'on me dise que ce soit le contraire, j'aimerais bien qu'on m'en donne la preuve au-delà de l'affirmation.

M. Forget: M. le Président...

Le Président: Dernière question additionnelle, M. le député de Saint-Laurent.

M. Godin: M. le Président, question de privilège.

Le Président: M. le ministre de l'Immigration, question de privilège.

M. Godin: Puisque le député de Laprairie...

M. Lalonde: Encore!... Les antichambres de ministre, qu'est-ce que...

M. Godin:... a mentionné le cas d'un membre de mon cabinet. Je confirme qu'effectivement, il a eu des vacances anticipées, ce qui est une coutume universelle que toute entreprise, publique ou privée, pratique couramment.

Donc, par conséquent, il n'y a rien là. Que la presse en fasse une demi-colonne, je trouve cela absolument aberrant.

Le Président: Dernière et brève question additionnelle, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Étant donné le développement dans la réponse du leader du gouvernement, vous me permettrez une certaine liberté dont je n'ai pas l'intention d'abuser.

Nous venons d'assister à un plaidoyer. Si c'est un plaidoyer pour celui qui parle et pour les collègues du côté gouvernemental, il cherche à se transformer en jugement. C'est

exactement ce que ma collègue de L'Acadie disait tout à l'heure. Dans cette affaire-là, il est évident que les ministres impliqués par les décisions qu'ils ont assumées au titre de la fête nationale, successivement ou conjointement, sont à la fois juges et parties.

Des propos qui viennent d'être tenus, on doit retenir qu'on est en face d'un problème où il n'y a pas seulement de la fumée, mais également du feu. Des faits ont été admis. Comment peut-on interpréter ces faits? Je pense qu'il n'incombe pas actuellement aux ministres de se disculper eux-mêmes. Ils pourront plaider leur cause devant un corps indépendant, devant l'Assemblée nationale si tant est qu'il y ait des choses répréhensibles. (11 heures)

Je pense qu'il est tout à fait indécent de nous dire aujourd'hui qu'un organisme que le gouvernement a nommé, qui reçoit du gouvernement l'ensemble de ses fonds était par après entièrement autonome dans les décisions qu'il a prises et les nominations qu'il a faites.

Une voix: C'est une question complémentaire!

M. Forget: Je crois que nous devons avoir - et c'est ma question - une enquête publique ou, au moins, dans les plus brefs délais, un rapport du Vérificateur général comme début d'enquête qui soit soumis à la commission des comptes publics. J'inviterais le leader du gouvernement à donner suite, dans les plus brefs délais, aux promesses qu'il nous a faites récemment en commission parlementaire de donner à la commission des comptes publics, dans des dossiers comme celui-là, justement, les moyens nécessaires pour faire un travail impartial et en profondeur.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je n'ai pas saisi le point d'interrogation qu'il y avait à la fin, j'ai aussi eu l'impression d'entendre un plaidoyer, et c'est normal. Je vais répéter simplement ceci, et c'est le ministre responsable du dossier qui l'a dit: S'il y a quoi que ce soit, tout de suite, demain ou dans les jours qui viennent, qui semble demander l'intervention du ministère de la Justice, une enquête sur des faits, cela va être fait. Deuxièmement, d'ici la fin d'octobre, vous aurez les réponses à la douzaine de questions que vous avez posées. Troisièmement, il est évident qu'on va avoir aussi la vérification initiale comptable de ce qui s'est passé au point de vue des chiffres.

M. Forget:... rapport.

M. Lévesque (Taillon): Oui, d'accord, qui a quand même été commandé à un bureau réputé, extérieur au gouvernement.

M. Forget:... payé...

M. Lévesque (Taillon): Règle générale, ces gens-là ne travaillent pas comme bénévoles. Je voudrais quand même terminer en disant ceci. Je suis prêt à accepter d'avance, avec la seule condition que cela semble vraiment indiqué, la suggestion que vient de faire - on s'est déjà servi de ce moyen et je crois qu'il est normal - le député de Saint-Laurent. Le moindrement que cela paraîtrait indiqué, on pourrait commencer tout de suite, vers la fin d'octobre, aussitôt qu'on verra clair un peu nous aussi dans tout cela, par le Vérificateur général qui, en général, aussi, comme vous le savez, ne ménage pas le gouvernement -c'est son rôle, d'ailleurs - quand il s'agit de nous dire nos vérités. On verra à ce moment-là.

Le Président: Fin de la période des questions.

Affaires du jour.

M. le leader du gouvernement.

Reprise du débat sur la motion réclamant que le gouvernement fédéral

renonce à sa démarche unilatérale concernant la constitution du Canada

M. Charron: M. le Président, conformément à la motion adoptée hier, nous devons reprendre le débat sur la motion du premier ministre. Je crois que la parole était au député de Vachon.

Le Président: M. le député de Vachon avait demandé l'ajournement du débat. M. le député de Vachon.

M. David Payne

M. Payne: M. le Président, ce n'est pas avec un enthousiasme exagéré qu'il y a 114 ans le Québec a décidé de partager l'actuel système fédéral. Il s'agissait effectivement d'un risque calculé. Il s'agissait d'un geste de bonne foi de la part des Québécois. C'est un peu pour cela qu'aujourd'hui on est appelé à condamner l'approche actuelle du gouvernement fédéral à Ottawa. C'est pour cela que nous reprochons au gouvernement fédéral de bafouer les droits des Québécois, lui qui se foute des droits linguistigues des Québécois, du développement culturel des Québécois. Ce même gouvernement d'Ottawa a montré dernièrement, il y a même guelgues jours à peine, du mépris pour la Cour suprême du Canada en refusant d'admettre une distinction dans notre système constitutionnel entre les lois et les conventions constitutionnelles, d'une part, et,

d'autre part, la séparation des pouvoirs -mais le partage des pouvoirs aussi - entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces.

Il a montré également du mépris envers le parti d'Opposition en face de nous, il a montré du mépris envers le Parlement de la Grande-Bretagne lorsqu'il a dit que la meilleure chose était de se boucher le nez et de passer vite, retourner cela au Canada, le "BNA Act". Je dois dire, en passant, que ce n'était pas un geste tout à fait poli. Je dis en passant que nous avons dans les tribunes en haut quatre parlementaires de Grande-Bretagne, et je les salue. J'aimerais particulièrement parler de ces conventions constitutionnelles parce que c'est en Grande-Bretagne que nos institutions actuelles et notre constitution de BNA Act trouvent leur inspiration. En Angleterre, il faut s'en souvenir, il n'y a pas de constitution écrite. Nous avons là-bas des lois comme nous en avons ici, mais là-bas comme ici, normalement, il y a une grande tradition qui respecte les conventions constitutionnelles. Ces conventions constituent parfois une force plus vigoureuse que ia loi même. Notons en passant que c'est le lieutenant-gouverneur qui demande au chef du parti qui a qagné les élections de former le gouvernement, qui lui, par force, devient premier ministre, mais selon la loi cela aurait pu être n'importe qui.

En ce qui concerne la formation du gouvernement, c'est bien sûr la majorité, mais si la majorité qui forme le gouvernement se voit battue en Chambre sur une question importante et de fond, par exemple, sur le budget - on a vu ça dernièrement avec le gouvernement Clark -la convention, pas la loi, veut et même exige que le gouvernement démissionne. Ce qu'on voit ici, effectivement, c'est une rupture avec le passé, un mépris pour les traditions d'où le gouvernement d'Ottawa trouve son inspiration. Il n'est pas besoin d'aller plus loin que la British Constitution, que j'ai eu le plaisir de lire le mois dernier. On peut y trouver toutes sortes de conventions constitutionnelles qui sont plus fortes, plus impératives que la loi. J'aimerais bien envoyer une copie à notre gouvernement d'Ottawa; deux copies, parce que je suis sûr qu'elles ne se trouvent pas dans la bibliothèque, même en payant s'il le faut. C'est le même mépris qu'il a montré justement pour le rapport Kershaw publié dernièrement. Ce rapport ne vient pas de nous autres, pas du gouvernement du Québec. Le contenu est clair, M. le Président, et la conclusion est d'autant plus claire parce que ça saute aux yeux. Ça dit: Minute Ottawa!

C'est un petit peu comme si M. Trudeau, le premier ministre du Canada, décidait de jouer aux cartes avec ses amis, les partenaires des provinces. Il joue, sort les cartes, les brasse et les passe. Il voit sa main, il n'aime pas sa main, il n'aime pas les cartes. Il décide de tricher. Alors, il triche. Il voit ça. Tout le monde joue, l'argent est sur la table. La convention veut, M. le Président, pas la loi, que, dès que ton argent est sur la table, tu le laisses là. Ce qu'il fait, il joue. Il passe les cartes. Il joue et triche un petit peu. Tout le monde dit: On est un peu abasourdi. Qu'est-ce qui se passe? Il se lève, fâché. Il perd. Il ramasse la cagnotte et se sauve avant qu'on ne sache où il est, il est déjà rendu à la banque. Il se tourne vers nous et dit: Qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce que c'est votre problème? Minute, minute! Nous avons un problème actuellement parce que lui change les règles du jeu lorsqu'il ne peut pas tricher. Lorsqu'il n'est pas permis de tricher devant nos yeux, qu'est-ce qu'il fait? Il sacre le camp. Il va à Londres, comme il l'a promis ce matin. Il a dit: Je vais discuter avec Mme Thatcher. Mme Thatcher sera au courant de tout ce qui se passe au Québec actuellement. Lui se trouve sur une plage de Fidji, je ne sais où. Qu'il vienne chez nous au moins pour quelques jours, pour qu'on puisse se serrer la main.

Il y a aussi une autre bonne tradition chez nous en Angleterre. Je suis en mesure de le dire parce que je suis Québécois, mais d'origine britannique. Lorsqu'on était jeune -on était beaucoup dans la famille - on avait l'occasion parfois d'être invité par d'autres familles, dans leurs maisons. Il n'y avait pas de loi, mais la convention, qui était drôlement forte, nous obligeait à rester jusqu'à la fin, et c'était long, c'était fatigant, c'était tannant, mais il fallait rester nous autres, les enfants. Il ne fallait pas trop parler, il fallait écouter, il fallait manger. Parfois, on n'aimait pas trop le menu, mais on mangeait. Ce n'était pas la meilleure chose pour la constitution, je dirais. (11 h 10)

Des voix: Ah! Ah!

M. Payne: Ce qui arrive, c'est que tu dis: Mais mon Dieu! M. Trudeau nous invite à manger. On s'assoit autour de la table. On s'assoit avec lui. On mange. On n'aime pas tellement le menu. On mange mal, franchement, mais il ne faut pas trop le dire, parce que notre cuisine québécoise n'est pas tout à fait la même. Je l'apprécie moi-même aussi davantage ces derniers jours, mais ce qui arrive, c'est qu'on s'assoit à la table et lui, à un moment donné, dit: J'ai fini de manger, le repas est terminé. Il fiche le camp. Il retourne à Londres. Il appelle Mme Thatcher et dit: Mme Thatcher, j'aimerais manger chez vous. Il n'a même pas fini de manger chez nous.

Des voix: Ah! Ah!

M. Payne: C'est sérieux. Je pensais à cela hier soir et, franchement, je préfère, je pense - là encore, depuis les derniers jours -peut-être qu'un jour, ce serait mieux de manger chez nous. C'est ce qu'on disait quand on était enfant. Parfois - on disait cela entre nous, les enfants, pas devant nos parents - c'est mieux de manger à la maison. On mange mieux. On peut être nous-mêmes, chez nous, dans notre maison.

En tout cas, ce n'est pas cela, le sens de la proposition d'aujourd'hui, mais cela montre un peu le mépris de M. Trudeau lui-même envers les Québécois, qui a triché devant les Québécois, qui a promis ici, à moins que je n'aie mal compris la situation, qui a triché en disant: Je vais renouveler votre affaire, mais qui négociait quelque chose pour renouveler quelque chose en prenant et en diminuant les pouvoirs et les droits des provinces. Les Québécois ne seront sûrement pas prêts à accepter cela. À ce moment-là, je pense que M. Trudeau devrait revenir chez nous et négocier avec nous, mais il faut, avant que je passe quelques mots à mes collègues en anglais - c'est important aussi - souligner particulièrement l'importance du fair play dans la grande tradition britannigue de laquelle s'inspirent, comme je le disais, beaucoup de nos traditions canadiennes, mais la motivation et le manque de fair play du fédéral ont été démontrés - je m'en souviens très bien - lors des plaidoyers devant la Cour suprême. L'avocat de la couronne - si je me souviens bien, il s'appelait M. Robinette - arrive là et dit quelque chose comme cela, je l'ai même devant moi: II n'était pas désirable, disait-il, que la cour se prononce sur la question de l'existence d'une convention constitutionnelle. Je comprends donc! L'écriture était sur le mur. Il était prêt à parler de lois, mais pas de convention. Une convention, c'est un pacte entre les deux parties. Cela ne veut pas dire que l'une des parties ne peut pas changer les règles du jeu, mais, à ce moment-là, ce n'est plus la même partie. C'est vrai, M. Trudeau, ce n'est plus le même "deal". Il n'y a pas de "deal", parce que tu triches et tu triches davantage les Québécois. C'est ce que je trouve comme Québécois anglophone, mais Québécois avant tout. Je trouve cela dégoûtant et peu acceptable en notre Chambre et nous, les Anglais, les francophones, on a tout à perdre avec la proposition qui est sur la table à Ottawa aujourd'hui. C'est pour cette raison que cela ne m'étonne pas qu'hier, on a vu le début d'un consentement unanime pour passer le message à Ottawa. Il y a un ministre de la Justice qui se fiche prétentieusement de la constitution. II se fiche de la tradition britannique.

Une voix: Le ministre de la Justice fédéral.

M. Payne: J'ai été vraiment intéressé hier par un long entretien avec les parlementaires britannigues. Là, c'est important, les conventions.

Because it was not with any enthusiasm that we got into Confederation in Québec and the contempt recently demonstrated by the prime minister of Canada to the Supreme Court's decision, refusing to admit a formal distinction between constitutional agreements and conventions, on the one hand and, on the other hand, law was to me, Mr Speaker, a clear indication of a lack of respect for our institution. All the more important because, a couple of hours later, what he said was, through the voice of the Minister of Justice: The Opposition of course is going to sleep in the same bed as the PQ. Again, a disrespect for our own institution, a disrespect also for the Parliament of Great Britain: Hold your noses, boys, and just pass it back. I am not too sure that the Government of Mrs Thatcher is so guickly going to say no to the recommendation of the Kershaw report which I will not go into. I am not too sure also that she is going to find it too easy to say: We have nothing to do with the problem. The very fact that Canada itself recommended that it should not be brought back in 1931, if I remember, means in fact that one of the parties to the pact is an outsider who does not want to be a member but in fact is part of the problem; that is the problem that faces Westminster at the moment. And I am not too sure that the Westminster Government will not say: Mr Trudeau, are you sure you have done your home-work? And if you want to change the very nature of the constitution, will you not first, as a préambule, admit the fact that there are two parts to that constitution? The traditional part, which is so very clearly laid out, talked about, spelled out, discussed in Britain and in Canada for many many years. And what does the minister of Justice say? And I am not too sure that the same message coming from Ottawa will not be the same that is coming from Québec today and came from the Supreme Court three days ago. The same message: Minute Ottawa, just a minute, hold it, let us down and see what we are changing because it is a very easy idea and speciously easy to sell, the idea that the constitution and that the so-called chart of human rights is something which is good for everybody: It is good for the poor, it is good for the elderly, it is good for the handicapped.

My contention, Mr Speaker, is that we have a better chart of rights here, for example, and a better opportunity to protect all rights in Québec than any federal government. But on the basis of the principle itself, fine! Let us negociate it.

I am not too sure that Westminster too

will be too impressed by the fact that Mr Trudeau, first of all, in scenario number 1, did not even want to go to the Supreme Court. And I am not too sure that he will be impressed by the fact that the first reaction came one hour after the judgment was brought down. I am not too sure that that same Westminster Parliament should be impressed by the fact that they have walked over the interest to the provinces to reach some kind of consensus, and a consensus in a Confederation, according to the very notion implicit in the idea, is that there is an agreement. If one party breaks that agreement, then there is no longer, evidently, an agreement. But more important than that, it is a different federalism under which we are living.

I was saying in French, a few minutes ago: It is like somebody that shuffles the cards, plays the cards, puts some on the table, puts his money on the table. That is a convention, there is no law that says you are going to leave your money on the table until the end of the game. But that is what you do, that is what a gentleman does, that is fair play, you play, you do not cheat, you look at your hand and you play it. But not Mr Trudeau; he looks at his hands, decides to cheat a little bit, he scoops the pool and he is off to the bank before we had time to say bonjour. That is not the way - I suppose they would say in Westminster: It is not cricket. And here we say: Gentlemen, play ball. But be serious, play it seriously.

To conclude, I was telling the same idea, more seriously, but more importantly also the fact that in Britain, a constitution is something other than law. The very fact that the minister, for example, is named, in fact he is named by the Crown, if I am not mistaken. There is no law. The leader of a particular party is invited to form the government, just like he is invited the resign if you get beaten on a question of principle, or the question of the budget, like Clark was a few months ago, a year ago. That is constitutional convention, and it is important. What the judges were saying the other day was: Minute Ottawa! Hold it. Just a minute. Leave by that notion, that philosophy, that spirit. It is more than a spirit, if you go against it, it is unconstitutional. That is the crisis that we face. (11 h 20)

So, our recommendation to Mr Trudeau is that he should come home, preferably not stop off in London on his way back, but should come back to consult the provinces before he consults Mme Thatcher, before he tells her what has been going on during his absence. We recommend that he sits down with us and talks about some of the things contained in these important tomes because they are not nursery rhymes, Mr. President. This is the basis of the constitution that he intends to change. And I do not think that Québécois, French or English, will be duped by that kind of approach, because the result of that is one of two thinqs: Either we get anarchy, in other words no basic constitution, or we get monarchy, Louis XIV. "L'État, c'est moi", M. Trudeau. That is not really division because if he wants to change something, well, we can live with it if it suits us as well. We will settle for it.

We are becoming more and more incline to believe on all sides of this House, I think, that Québec knows that its own way goes in a certain direction, and we know best. I read and I read again this green paper or this report from the Foreign Affairs Committee and all I can read is the same message that the Québec Government has been putting out for the last two years: Hold it, Ottawa, because the very nature of the constitution is its risk. And if Quebecers feel gypped by the present situation, I wonder just to what extent Westminster is going to say: It is the fault of Québec. Will they not rather say: What is Québec's interest, what is Alberta's interest, what is Manitoba's interest and what was the real interest 114 years ago of those who wanted to develop this land? And we will answer for ourselves here, in Québec, that we know who we are, what we are, where we are going. We know what our aspirations are, we know what our hopes are. We know what our potential is, and we have got some kind of humble feelings for the future potential of Québec. We can do it, and we can do it with ourselves, with the Opposition. We can discuss, we can build the Québec that we know. But it cannot be discussed in Westminster and it cannot be decided in Westminster. But Westminster can certainly do one thing, and I am certain they will do it if ever, which I doubt, it will ever get to Westminster, they will say: Just a minute, Ottawa. Have you really done your homework, because we are not going to plunge Québec or the rest of Canada into a worst mess than we presently have at the moment? Thank you.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

Question de privilège

Le dossier de la fête nationale

M. Claude Charron

M. Charron: M. le Président, je m'excuse auprès du député de D'Arcy McGee; j'en ai pour une minute. C'est sur une question de privilèqe. Je suis tout à fait malheureux d'avoir très involontairement... Je tiens à m'excuser devant tous les membres de l'Assemblée et, en particulier, auprès de

Mme Lavoie-Roux, à qui je viens de parler au téléphone pour lui transmettre l'information que je m'apprête à donner à la Chambre. Je me suis trouvé à donner une mauvaise information tout à l'heure au sujet de la poursuite qui avait été intentée par le Parti québécois contre le journal La Presse, à la suite des articles auxquels se référait Mme la députée de L'Acadie. Il n'y a pas eu encore jugement en cette matière, il y a toujours espoir d'un règlement hors cour. La poursuite est inscrite depuis 1978, elle devrait donc être prochainement entendue devant la Cour supérieure, c'est une poursuite en diffamation. Nous ne changeons pas notre opinion, nous considérons toujours qu'il s'agit là d'une diffamation, mais j'ai présumé, semble-t-il, et bien involontairement, de la conclusion ou du tribunal, ou d'un éventuel règlement hors cour en disant à la Chambre que c'était terminé. Je m'en excuse.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de D'Arcy McGee.

Reprise du débat sur la motion du premier ministre

M. Hébert Marx

M. Marx: M. le Président, depuis le dépôt de ce projet fédéral sur la constitution, en octobre 1980, j'ai toujours dit, dans mon comté, à l'extérieur de mon comté, à l'Assemblée nationale, partout, que ce projet est invalide et inconstitutionnel. J'ai dit que le projet fédéral sur la constitution contrevient au principe fédéral au Canada.

Ce principe est défini par le professeur Wreare, de l'Université Oxford, dans son livre sur le fédéralisme canadien. Il a écrit et je cite: "Dans un système fédéral, chaque ordre de gouvernement est souverain dans sa sphère de compétence, et un ordre de gouvernement ne peut pas empiéter sur la compétence de l'autre ordre de gouvernement. "

Cela veut dire, par exemple, que, si le service des postes au Canada fonctionne mal, comme il fonctionne aujourd'hui, le Québec ne peut pas établir de service postal, parce que celui-ci est de la compétence fédérale exclusive. Dans un autre sens, l'éducation est de la compétence exclusive des provinces, et le gouvernement fédéral ne peut pas adopter de loi qui porte sur l'éducation dans la province de Québec. Comme le gouvernement fédéral suggère d'adopter des dispositions qui portent sur l'éducation dans son projet constitutionnel, ces dispositions sont inconstitutionnelles.

Dans leur jugement, les neuf juges de la Cour suprême ont clairement dit que ce projet constitutionnel empiète sur les compétences provinciales. Ils ont dit que ce projet fédéral sur la constitution va réduire les pouvoirs des provinces sans leur consentement. Les juges sont très clairs sur ce point. J'aimerais citer un passage de leur jugement: "Le principe fédéral est inconciliable avec un état des affaires où l'action unilatérale des autorités fédérales peut entraîner la modification des pouvoirs législatifs provinciaux. Il irait vraiment à l'encontre du principe fédéral qu'un changement radical de la constitution soit décidé à la demande d'une simple majorité des membres de la Chambre des communes et du Sénat canadien. "

Ce n'est pas la première fois que la Cour suprême du Canada dit non à une action unilatérale du fédéral sur un projet constitutionnel. En effet, en 1978, le gouvernement fédéral a proposé dans un projet constitutionnel de modifier le Sénat sans le consentement des provinces. À ce moment, la Cour suprême a dit au gouvernement fédéral: Vous ne pouvez pas procéder seul. Vous avez besoin du consentement des provinces pour modifier la constitution canadienne dans ce sens. Il y a quelques jours, la Cour suprême a dit: "C'est ce processus unilatéral même qui va à l'encontre du principe fédéral. "

La raison pour laquelle le projet fédéral est inconstitutionnel est pour moi très simple. Si on veut modifier la constitution, il faut respecter deux règles. Il y a, premièrement, la règle qu'on trouve dans la loi écrite et, deuxièmement, on a la règle qu'on trouve dans la loi non écrite. Dans la loi écrite actuelle, il n'y a rien qui empêche le fédéral de procéder comme il aimerait le faire, et il n'y a pas non plus de disposition qui permette au fédéral de procéder comme il aimerait le faire, c'est-à-dire que la loi écrite est neutre. Mais la loi non écrite, c'est-à-dire les conventions constitutionnelles, empêche le gouvernement fédéral de procéder d'une façon unilatérale dans la modification de la constitution. Cette loi non écrite, qu'on appelle convention constitutionnelle, est, de l'avis de la Cour suprême du Canada, parfois plus importante que la loi elle-même, c'est-à-dire que la loi non écrite est parfois plus importante que la loi écrite. (11 h 30)

Je vais vous donner deux exemples, M. le Président, pour vous démontrer pourquoi la loi non écrite est parfois plus importante que la loi écrite. Pour qu'un projet de loi devienne loi au gouvernement fédéral, il faut que ce soit adopté, premièrement, par la Chambre des communes, deuxièmement, par le Sénat et il faut que le projet de loi soit signé par le gouverneur général. Cela prend ces trois institutions avant de pouvoir avoir une loi valide.

Mais supposons que le gouverneur

général se lève un jour et dise: Aujourd'hui, je ne veux pas signer les projets de loi du gouvernement. Il n'y a rien dans la constitution qui puisse le forcer à signer ces projets de loi. Les cours ne peuvent pas ordonner au gouverneur général de siqner ces projets de loi, mais il y a une convention constitutionnelle qui veut que, quand un projet est présenté par la Chambre des communes et par le Sénat, le gouverneur général signe toujours. Mais ce ne sont pas les tribunaux qui administrent cette loi non écrite, c'est une convention constitutionnelle qui est toujours respectée au Canada.

Un deuxième exemple. Supposons que le gouvernement fédéral demande à la Cour suprême du Canada: Le gouverneur général peut-il dissoudre le Parlement et prendre tout le pouvoir pour lui-même et, en fait, peut-il agir en tant que dictateur? La Cour suprême va vérifier la constitution canadienne, va vérifier l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et la Cour suprême va dire: Mais, dans la constitution canadienne, les règles écrites veulent que ce soit le gouverneur général qui détienne tout le pouvoir. C'est la règle écrite. Mais la règle non écrite va dans le sens que le gouverneur général ne détient en fait que très peu de pouvoir et qu'il agit toujours sur l'avis du premier ministre.

Notre système démocratigue repose sur le respect des conventions constitutionnelles. Je répète - je pense que cela mérite d'être répété - que la Cour suprême du Canada a statué que le projet fédéral est inconstitutionnel. Six juges sur neuf étaient de cet avis et les trois juges du Québec étaient de cet avis avec la majorité. Il faut souligner qu'une convention constitutionnelle lie les deux ordres de gouvernement; la convention constitutionnelle lie le gouvernement fédéral et la convention constitutionnelle lie les gouvernements provinciaux. Un de ces gouvernements ne peut pas dire: Aujourd'hui, j'ai décidé que la convention constitutionnelle ne me lie pas.

En tant que professeur de droit constitutionnel, en tant que député à l'Assemblée nationale, je ne peux que m'opposer à ce projet fédéral, projet juqé inconstitutionnel par la Cour suprême du Canada. Le peuple canadien, le peuple québécois veut que ses leaders politiques s'entendent. Il me semble que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux doivent reprendre leurs discussions et ils doivent trouver une voie commune, une voie pour rapatrier la constitution canadienne sans délai.

Mr Speaker, the Supreme Court of Canada decided, by a six to three majority, that the Federal Constitutional Package is unconstitutional. Why? The Supreme Court said that to modify the Canadian Constitution, one has to respect a double rule. There is the written rule and there is the unwritten rule. The written rule, the law, does not permit, does not, I should say, prevent the Federal Government from sending the constitutional package to London. The written law however does not permit the gouvernment to send its contitutional package to London. The written law is neutral on this point.

However, the unwritten rule, the constitutional convention that is in force in Canada at this time prevents the federal government from acting in a unilateral fashion to repatriate and modify the Canadian constitution.

The Supreme Court of Canada said that this constitutional convention is more important than the written law, because if constitutional conventions are not respected in our democratic system, really our whole system would fall apart and we would be living in another type of system.

Let me give you two examples. There is nothing in the British North America Act that says that the Governor General must sign a bill that has been adopted by the House of Commons and the Senate. He could very well refuse. We could wake up one morning and say: I am not signing any bills today; or he can simply say: I do not like that particular bill, therefore I am not going to sign and therefore that bill will never become law.

However, there is a constitutional convention which requires that the Governor General sign a bill that has been adopted by the House of Commons and the Senate. There is nothing in the BNA Act that says that he has to sign such a bill, but a convention of the Constitution that has always been respected in Canada requires that be so act.

Another example. Suppose that the federal government would ask the Supreme Court whether or not the Governor General can dissolve Parliament and exercise all government authority on his own. Well, if the government asks the Supreme Court that question, the Supreme Court would look at the BNA Act and would simply find that the head of government in Canada is the Queen or the Governor General; it would find that in Canada, all power is exercised by the Governor General. It would say: yes the Governor General can dissolve Parliament, the Governor General can act as a dictator, the Governor General by virtue of the BNA Act can be the dictator of Canada. But it would also have to add that there is the constitutional convention in force in Canada, an unwritten rule, stronger than the written rule which would prevent the Governor General from acting in that fashion. We have to respect those unwritten rules.

As the constitutional lawyer, as a professor of constitutional law and as a

member of this House, I must oppose the federal constitutional package judged inconstitutional by the Supreme Court of Canada. I am joining members in seven other provincial Legislatures from all parties who have voted similar measures. In fact, the Québec Liberal Party played a leading role and a large part in drafting the motion that it is now before this House.

Both parties in this constitutional dispute must give a bit. The federal government must make certain concessions and the provincial governments must make certain concessions. There must be a compromise so that we can bring home the Canadian constitution without undue delay.

Etant donné ce que je viens d'exposer, il va sans dire que je voterai pour la motion devant la Chambre.

M. le député de Sauvé mon ancien collègue à l'université de Montréal, vous avez posé la question, mais en novembre 1980... D'aucuns peuvent se poser cette question; Pourquoi le Parti libéral n'a-t-il pas voté avec le gouvernement à cette épogue? La différence entre novembre 1980 et aujourd'hui est très simple. En novembre 1980, le caucus, votre caucus n'a pas voulu accepter les amendements à la résolution que le premier ministre lui-même a acceptés.

Nous avons proposé les amendements, le premier ministre a accepté ces amendements, votre caucus, vos radicaux n'ont pas voulu que le premier ministre accepte nos amendements, donc c'était impossible pour nous de voter pour une résolution sur laquelle nous n'étions pas d'accord. (11 h 40)

Aujourd'hui, la situation est tout à fait différente parce que ce n'est pas vous qui avez rédigé la motion qui est devant cette Chambre, c'est plutôt nous qui l'avons rédigée, et c'est pourquoi nous allons voter pour. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, je voulais vous interrompre parce qu'il y a une interférence dans le micro. C'était dans ce but que je me levais, non pas pour vous empêcher de terminer votre intervention.

M. Marx: Je vais reprendre seulement ma réponse au député de Sauvé pour que ce soit très clair, parce que le député de Sauvé m'a demandé: Pourquoi n'avez-vous pas voté pour la motion en novembre 1980? Ma réponse est bien simple, nous avons proposé des amendements à la motion...

Le Vice-Président (M. Jolivet): II y a du boycottage.

M. le député, nous avons demandé de vérifier d'où provient cette interférence, mais je vous permets de continuer.

M. Marx: Pour la...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Pour le moment, nous allons suspendre quelques instants pour essayer de trouver la source de ce bruit.

(Suspension de la séance à 11 h 42)

(Reprise de la séance à 11 h 46)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous pouvons reprendre nos travaux, la source du bruit étant maintenant découverte et arrêtée. M. le député de D'Arcy McGee, si vous voulez bien terminer votre intervention.

M. Marx: Oui, j'espère que cette fois ce sera possible de compléter mon intervention.

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est réglé, on a arrêté les travaux.

M. Marx: J'espère que le ministre des Travaux publics et le ministre des Communications sont à leur travail.

Je veux répondre à une question qui a été posée par le député de Sauvé. Il m'a demandé pourquoi nous n'avions pas voté pour la résolution en novembre 1980. Ma réponse était bien simple mais, comme ce sont des têtus, de l'autre côté de la Chambre, j'aimerais la répéter.

En 1980, nous étions prêts à voter sur la motion déposée par le gouvernement, mais nous avons apporté certains amendements. Le premier ministre lui-même, ici, a dit au chef de l'Opposition officielle: Je suis prêt à accepter ces amendements, mais le soir il a eu une rencontre avec son caucus et les radicaux d'arrière-ban ont dit: M. le premier ministre, ne faites pas ça. Vous connaissez le résultat, le premier ministre est revenu le lendemain et il a retiré les paroles qu'il avait dites la veille. Donc, c'était impossible pour nous de voter sur une motion avec laquelle nous n'étions pas d'accord.

Mais, cette fois-ci, ce n'est pas la motion du gouvernement, parce que c'est l'Opposition officielle qui a rédigé en grande partie cette motion. Donc, étant donné que c'est notre motion, c'est bien facile de voter en faveur de cette dernière. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci, M. le député. M. le ministre des Finances.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, je ne pourrai malheureusement pas être en Chambre demain midi à l'occasion du vote,

en raison de la conférence fédérale-provinciale des ministres des Finances qui va se tenir à Ottawa. Cependant, en partie à cause de ça, j'ai pensé dire quelques mots sur le débat engagé autour de la proposition présentée par le premier ministre.

Je dois dire d'ailleurs que je n'ai pas du tout de compétence particulière dans le domaine du droit constitutionnel, comme celui qui m'a précédé - lui en a une, et une sérieuse - ou comme mon voisin de droite, le vice-premier ministre. J'aborde donc cette question comme un non-instruit, peut-être, mais peut-être aussi au nom de tous ceux qui ont été à l'école, ont appris à l'école comment fonctionnait leur système politique. J'y suis allé à l'école, moi, à un moment où le Parti québécois n'existait évidemment pas, où on ne parlait pas d'indépendance du Québec et où la souveraineté, quand on en parlait, avait un sens bien particulier. On nous disait, à tous ceux qui apprenaient l'histoire sur les bancs de l'école, que, dans certains domaines, le gouvernement fédéral était souverain. (11 h 50)

Dans ce sens-là, le terme "souveraineté" permettait d'expliquer la constitution canadienne et notre système de gouvernement. On nous disait: Dans la défense nationale, le gouvernement fédéral est souverain; dans les affaires étrangères, il est souverain. Au contraire, pour ce qui a trait à la langue, aux écoles, au droit civil, ce sont les provinces qui sont souveraines.

Depuis 1931, depuis le traité de Westminster, on se disait: Les Britanniques n'ont plus rien à voir avec cela. D'autre part, ces souverainetés dont je viens de parler sont, pour employer un mot à la mode, enchâssées dans la constitution. Cela ne peut pas changer autrement que par accord entre les participants.

Vous voyez, M. le Président, je ne cherche pas ici - comment dire? - à entrer dans des termes très légaux. C'est cela qu'on a appris. Nous, comme Québécois, on tenait pour acquis que ce document qu'était la constitution, effectivement, nous protégeait sur certains plans. Quand, de temps à autre, il y avait des empiétements, comme on disait autrefois, du gouvernement fédéral dans des champs de compétence et de souveraineté provinciales, on comprenait tout naturellement que les premiers ministres du Québec qui se sont succédé et que l'Assemblée nationale protestaient en disant: Ce que vous faites est illégal; vous n'avez pas le droit d'entrer dans ces champs puisque la constitution nous les réserve. Encore une fois, le point de vue que j'exprime ici, c'était le point de vue des non-instruits, si on veut, sur le plan constitutionnel, mais on s'entendait à peu près tous là-dessus.

C'est dans ce sens, M. le Président, que la décision de la Cour suprême, lundi, personnellement, m'a bouleversé. J'ai appris, lundi, des choses que je ne savais pas du tout. On m'a dit, lundi, dans un premier temps, que, bien sûr, il y a des conventions constitutionnelles, que ces conventions constitutionnelles ont une grande importance, que le gouvernement fédéral, en violant ces conventions, se conduit d'une façon abominable, mais on ajoute: C'est légal. À partir du moment où j'apprends, lundi, comme beaucoup de citoyens, que, légalement, le gouvernement fédéral a le droit de faire ce qu'il veut faire, tout à coup, des perspectives complètement nouvelles apparaissent. Ce n'est plus le pays dont on m'avait parlé depuis que je suis petit gars. C'est tout à fait autre chose. À la limite, on aurait donc vécu dans une sorte de fédéralisme par inadvertance. C'est-à-dire que, si un gouvernement fédéral, il y a dix ans ou quinze ans, avait voulu procéder de la même façon et, pourquoi pas, abolir les provinces...

Ce n'est pas aberrant ce que je dis. Un juge de la Cour suprême a posé la question au procureur du gouvernement fédéral en disant: Voulez-vous dire, dans votre démonstration, que, si le fédéral voulait abolir les provinces, légalement, il pourrait le faire? Oui, dit le procureur. Attention! Ce n'est pas du tout le genre de fédéralisme qu'on nous avait raconté. Il a tenu tant que les conventions étaient respectées et, un bon jour, un gouvernement fédéral, pour les motifs qu'il a, décide qu'il refuse d'obtempérer, qu'il refuse ces conventions et que, légalement, il a le droit de changer cela. Je vous avouerai que j'ai eu un choc et j'imagine que beaucoup de gens l'ont eu aussi.

Évidemment, on nous dit: Londres va peut-être arrêter cela. Et beaucoup de gens souhaitent que Londres arrête cela. Mais, là encore, je suis profondément bouleversé par une conclusion comme celle-là. D'abord, c'est terriblement embarrassant, je le reconnais, pour le gouvernement de Londres de s'immiscer dans ce genre de processus; eux qui, depuis 32 ans, n'ont plus rien à voir avec l'usage de la langue urdue aux Indes ou avec l'usage du swahili en Afrique orientale, on leur demande, à la fin du XXe siècle, de déterminer à quelles conditions la langue française sera utilisée au Québec. Faut le faire.

J'avais pensé que le traité de Westminster nous dégageait de l'intervention de ce qu'il faut bien appeler l'ancienne puissance coloniale. Il y a probablement peu de gens, dans cette Assemblée nationale, qui ont le degré de sympathie que je peux avoir pour les Britanniques. Je pense les connaître pas mal, j'ai vécu chez eux longtemps, mais de là à me faire dire en 1981 qu'ils pourraient refuser d'obtempérer à ce que le Parlement canadien lui demande, ça me

paraît énorme.

Je comprends que c'est commode, mais c'est quand même énorme. Ce qu'on nous dit, en somme, c'est que, comme Québécois, nous pouvons, soit être manqés grillés à Ottawa ou bouillis à Londres. Mais une chose apparaît clairement, c'est que légalement, on n'est pas dans le coup. Il y aurait donc des gens à Ottawa qui présenteraient des propositions et des gens à Londres qui les accepteraient avec sympathie, hésitation, en se bouchant le nez ou en le gardant ouvert.

Et nous, là-dedans? Le peuple du Québec... L'Assemblée nationale, où est-elle là-dedans? Elle passerait son temps à des jérémiades en disant: Mais c'est affreux, il y a des gens qui ne jouent pas selon les règles, il y a des gens qui refusent des conventions. Que c'est dommage! Parce que c'est dans cette situation qu'on nous a placés. Ce ne serait plus, depuis lundi, légalement, de la compétence du gouvernement du Québec de déterminer un certain nombre de choses fondamentales à l'égard de la langue et de l'éducation.

Je voudrais, à cet égard, M. le Président, revenir sur une conversation que j'ai eue il y a quelques mois avec un journaliste très connu de notre milieu, dont les allégeances politiques sont aussi très connues. Il me disait: Mais c'est effrayant ce qu'Ottawa est en train de faire. Je lui réponds: Enfin, cher ami, vous encensez Ottawa depuis dix ans. Il dit: Oui, mais regardez les conséquences des qestes d'Ottawa sur la loi 101. C'est insensé. J'ai dit: Cher ami, depuis trois ans, vous dites dans tous vos éditoriaux que la loi 101, c'est une ordure. Il dit: Oui, mais c'est notre ordure. C'est tout à fait fondamental.

Cet homme, qui est un adversaire acharné du gouvernement au pouvoir reconnaît cependant, ou reconnaissait jusqu'à lundi, que la question d'utilisation de la langue française, que les écoles sujettes aux limitations qui sont dans la constitution actuelle, que toutes ces questions relevaient de l'Assemblée nationale du Québec.

Il rêvait sans doute au jour où son parti politique prendrait le pouvoir. C'est parfaitement légitime. Il rêvait du jour où son parti politique changerait la loi 101. C'est parfaitement légitime. Mais dans son esprit, c'est ici que cela se faisait. Et, depuis lundi, on nous dit que, légalement, ça pourrait se faire ailleurs.

Dans ces conditions, M. le Président, il était inévitable que l'Assemblée nationale se réunisse, soit rappelée, il était inévitable qu'on ait devant nous la proposition que nous avons. Nous ne pouvons pas perdre notre temps en jérémiades. L'Assemblée nationale n'est pas un mur des lamentations.

Nous avons à affirmer que nous n'accepterons pas cette façon unilatérale de procéder. Nous avons, en somme, à réaffirmer les pouvoirs des élus du peuple québécois à l'Assemblée nationale du Québec sur un certain nombre de dispositions, sur une façon de vivre, sur un certain nombre de droits qui sont ceux du peuple québécois.

Il y en a qui nous disent maintenant: Retournez négocier. Des négociations avec le gouvernement fédéral, M. le Président, il y en a de tous les genres.

Je suis, par exemple, impliqué à l'heure actuelle dans des négociations avec le gouvernement fédéral pour les nouveaux arrangements fiscaux, qu'on traduit d'ailleurs parfois en français par les accords fiscaux fédéraux-provinciaux. Drôles d'accords! Il s'agit d'une loi fédérale. Le gouvernement fédéral l'amende comme il veut. Les négociations se poursuivent dans le cadre suivant. Nous, du gouvernement fédéral, vous écoutons, les provinces. Nous sommes prêts à recevoir vos suppliques et quand nous avons reçu suffisamment de suppliques, nous nous considérons comme suffisamment informés et nous présentons un projet d'amendement aux arrangements fiscaux à la Chambre des communes. C'est une forme de négociation avec Ottawa. (12 heures)

Si, sur le plan constitutionnel, c'est ce qu'on nous demande, il n'en est pas question! Nous n'allons pas nous transformer en pleureuses pour aller à Ottawa leur dire que, vraiment, ne pas respecter les conventions, ce n'est pas qentil! Retourner négocier à Ottawa, dans le sens de la proposition que nous avons devant nous, implique donc qu'Ottawa reconnaisse l'existence de ces conventions et accepte de s'y soumettre, de continuer à s'y soumettre comme il l'a fait jusqu'à maintenant. Autrement, les demandes qu'on nous fait pour aller négocier sont des demandes de bavardaqe.

Il est donc important, comme le dit la proposition que nous avons devant nous, que le gouvernement fédéral accepte, dans ce cas, de reconnaître que les conventions existent. Dans la mesure où, effectivement, le gouvernement fédéral reconnaît cela, il n'y a pas de raison qu'on n'accepte pas, dans un cadre connu, de poursuivre des négociations dont on sait d'ailleurs à quel point elles sont difficiles.

On nous suggère depuis quelques jours, de façon instante, de faire des compromis. Mais entendons-nous. Il y a des choses sur lesquelles on peut faire des compromis, comme toute personne raisonnable, mais il y a d'autres choses sur lesquelles on ne peut pas faire de compromis. Il est évident, par exemple, que sur le plan de la langue et des écoles on ne peut pas nous demander certaines choses. On se trouve un peu dans la situation du bonhomme dont le voisin convoite sa femme. On dit: Faites donc un compromis. Le compromis serait: Je te la passe une fois par semaine. Ce n'est pas un

compromis! Si c'est ce genre de compromis qu'on nous demande, la réponse est claire, c'est: Non!

Demandons sérieusement au gouvernement fédéral s'il respecte les conventions et, dans la mesure où il est prêt à les respecter, bien sûr, il y a un certain nombre de choses qui peuvent donner lieu à des explications ou, en tout cas, à une amorce de négociation pour qu'on puisse voir si vraiment ça vaut la peine. Je pense qu'il faut pratiquer l'exercice de bonne foi et, à cet égard, ce paragraphe de la résolution ne me choque aucunement.

Il est clair que dans l'état actuel des choses, devant ce danger, à mon sens, critique que crée la décision de la Cour suprême depuis lundi, nous avons une sorte de tâche sacrée: Faire en sorte, comme représentants du peuple québécois, qu'on prenne les mesures nécessaires pour que ce coup de force n'ait pas lieu, pour que ce coup de force n'atteigne aucunement ces droits fondamentaux du peuple québécois dont tous les Québécois ont conscience et dont, jusqu'à maintenant, ils avaient tous considéré que fondamentalement ils en étaient les détenteurs, les propriétaires et cela, à vie.

Cette tâche, nous avons continué à l'assumer depuis le débat d'hier soir. Je tiens à dire toute la profonde admiration que j'ai eue hier soir pour le débat tel que présenté d'abord par le premier ministre et, ensuite, par le chef de l'Opposition. Il y a peu de moments, dans l'histoire de l'Assemblée nationale, où nous pouvons laisser de côté nos luttes non seulement légitimes, mais nécessaires, pour essayer de défendre les intérêts fondamentaux de la patrie. Nous le faisons actuellement et je pense que le peuple québécois peut trouver dans son Assemblée nationale l'expression à la fois de ses besoins et de ses aspirations les plus fondamentales. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Charlevoix.

M. Raymond Mailloux

M. Mailloux: Tantôt, j'écoutais les paroles d'introduction de l'honorable ministre des Finances qui se plaignait de n'avoir pas toute la compétence de son voisin de droite. Si je me réfère aux difficultés qu'il doit surmonter en ce moment, je me demande si je ne dois pas simplement penser à l'expérience que la vie m'a apprise dans le but d'intervenir dans un débat aussi vital pour le Québec. J'espère le faire avec le moins de démagogie possible, m'en tenant strictement, non pas à des attaques à l'endroit de l'un ou de l'autre, mais à la connaissance que j'ai du problème. Au cours des 19 années que j'ai siégé dans cette Chambre, j'ai pu me rendre compte de ce qui se passait à travers l'ensemble des discussions qu'il y a eu, à travers tous les régimes politiques qui ont présidé aux destinées du Québec dans ce régime fédéral.

M. le Président, depuis bientôt 20 ans, j'ai l'insigne honneur de représenter dans cette Assemblée la population de Charlevoix, citoyens québécois qui sans exception ou presque, devrais-je dire, sont des parlant français. J'aurais souhaité que mon action durant cette période fut plus bénéfique qu'elle ne l'a été en fait. Ils en avaient tellement besoin. Je n'ai pas la prétention de ne m'être jamais trompé. Loin de là. Quand c'est arrivé, je présume, comme le disait tantôt mon collègue de D'Arcy McGee, il devait y avoir des circonstances atténuantes. Lors de la dernière campagne électorale, dans Charlevoix comme à travers l'Est du Québec et le Québec métropolitain, s'il y a un sujet sur lequel je me suis particulièrement étendu, c'est celui du problème constitutionnel et de la position du Parti libéral du Québec d'aujourd'hui et de celle qui fut la sienne à travers les deux dernières décennies ou presque, les quatorze ans dont j'ai été particulièrement témoin.

Quand je constate, M. le Président, à travers le Québec le plus typiquement français les résultats que nous avons obtenus le 14 avril dernier, force m'est de constater que l'assurance que nous donnions à nos concitoyens en tant que fédéralistes de la défense que nous prendrions de nos droits face à toute intrusion du gouvernement fédéral qu'on a mis en doute notre capacité de nous démarquer. Et s'il y a sur la scène fédérale des gens qui ont parié dans cette optique, ils connaissent très mal la conception que sous-tend la politique du Parti libéral du Québec, même partageant l'option fédéraliste. C'est d'ailleurs de ces vues dont le député d'Argenteuil a traité en partie dans son intervention.

M. le Président, quelle fut depuis les années soixante l'action du PLQ et d'un autre parti fédéraliste qui entre 1966 et 1970 ont présidé aux destinées du Québec? Je disais durant la campagne électorale ma fierté d'être libéral et la raison à l'appui de cette prétention. J'ai alors donné des exemples de certaines actions qui dans le respect des compétences de chacun se sont déroulées et des prises de position que, face au gouvernement fédéral, il nous a fallu prendre et qu'il a fallu que Daniel Johnson et Jean-Jacques Bertrand prennent. En prenant mes notes, M. le Président, on me permettra en deux ou trois minutes de faire quand même une rétrospective de ce régime, en respectant les compétences de chacun, en dialoguant et parfois dans des affrontements assez violents, gestes qui ont été posés et qui aujourd'hui sont, je pense, assez bénéfiques pour l'ensemble des Québécois de toute expression. Qu'il me suffise de

mentionner qu'au moment où, tout de suite après soixante, le régime de rentes fédéral a été institué, le Québec lui-même s'est soustrait à cette obligation et a mis en place son propre régime de rentes et la caisse de dépôt qui a suivi. Qu'on se rappelle également dans les débuts des années soixante toutes les formules d'"opting out" qui ont été négociées avec le gouvernement central. Le gouvernement du Québec a pu par cette formule aller de l'avant dans des champs de compétence qui lui étaient reconnus par la constitution. (12 h 10)

Je pense qu'on pourrait également se rappeler les prémisses qui avaient été posées par l'honorable Paul Sauvé précédemment, dans le domaine universitaire, et que les gouvernements successifs ont améliorées par la remise de points d'impôt qui ont permis au Québec, dans un domaine qui lui était spécifique, de bien voir à ce que ces sommes qui étaient accordées par le fédéral soient dépensées de la façon déterminée, par le gouvernement provincial. On se rappelle également le régime des allocations familiales fédérales et on se rappelle le régime d'allocations familiales typiquement québécois qui a également été mis en place.

M. le Président, devrais-je rappeler également qu'au cours de l'année 1970, je pense, l'assurance-maladie qui avait des normes fédérales qui permettaient aux provinces... Je pense que les critères qu'on a mis en place, à ce moment-là, ont permis au Québec d'avoir à peu près le régime qui a été qualifié, je pense, par un juge - je ne sais pas si c'est le juge Hall - d'à peu près le meilleur régime possible. M. le Président, sous le règne du dernier premier ministre libéral, M. Bourassa, dans des circonstances qui auraient pu être semblables à celles que l'on voit présentement, c'est devant la possibilité ou l'éventualité d'un qeste unilatéral qu'à Victoria, le premier ministre Bourassa a apporté une fin de non-recevoir à un geste qui pouvait compromettre les compétences du pouvoir provincial.

M. le Président, je pense que de tels exemples prouvent quand même hors de tout doute que, quand deux ordres de gouvernement veulent dialoguer dans le respect des compétences de chacun, il y a une possibilité de faire progresser ce régime. Des exemples récents avec l'Alberta et la Colombie britannique, dans des domaines aussi importants que l'énergie, prouvent, tel que le disaient, à la suite du jugement de la Cour suprême, certains analystes, que c'est peut-être pièce à pièce qu'il nous faudra aller de l'avant dans la réforme de la constitution et des ententes fédérales-provinciales. Je pense que ce sont des exemples qui prouvent quand même que, quand il y a un peu de bonne volonté des deux côtés de la médaille, il y a possibilité d'aller de l'avant.

M. le Président, j'en arrive au vote que nous serons appelés à donner d'ici demain. La Cour suprême, le plus haut tribunal du pays, que personne ne pourra cette fois qualifier de tour de Pise, je pense, s'est prononcée et je ne sache pas que qui que ce soit veuille mettre en doute sa compétence, la profondeur du jugement qui a été rendu et le soin qu'on a mis à préparer ce jugement. M. le Président, premièrement, la compétence des provinces et leurs pouvoirs sont-ils affectés par ce rapatriement unilatéral? La réponse qui fut donnée ne prête pas à discussion, c'est neuf à zéro. Ce geste est-il légal? Tantôt, le ministre des Finances, évidemment, l'a peut-être gualifié, mais la réponse de la Cour suprême, c'est oui. Est-il constitutionnel? La réponse est non. Il est inconstitutionnel dans son ensemble, en vertu des conventions.

M. le Président, au moment où je serai appelé à voter comme député du Québec, représentant non pas uniquement une majorité de francophones de Charlevoix, mais représentant, aussi à l'intérieur du Parti libéral, une majorité de francophones en cette terre d'Amérique, devrais-je être influencé par ce que j'ai déjà appelé ma répugnance à faire lit commun avec une formation politique dont l'option est à l'opposé de mes convictions? L'honorable député de D'Arcy McGee a donné tantôt une réponse. Je ne voudrais même pas donner une réponse à cette interrogation. Cela donnera-t-il des arguments à l'option de ceux que nous combattons et qui sont de l'autre côté de la Chambre? Je pense que ce n'est pas le moment de me poser cette question comme député représentant Charlevoix à la Législature du Québec. M. le Président, les militants n'admettront-ils pas une telle volonté d'unité dans la résolution qui est présentée? Cette question ne me vient pas à l'esprit présentement, face au problème que nous avons a discuter. Est-ce que cela sera mal interprété? Il me semble avoir déjà dit, au moment où je refusais, en novembre de voter avec le Parti québécois, dans le même souffle, si on veut relire le discours au cours duquel j'avais prononcé ces paroles, j'avais affirmé de façon catégorique, comme tous mes collègues qui étaient dans cette Chambre à ce moment là, que jamais le Parti libéral du Québec ne se soumettrait -c'est le même message que nous avons donné partout à travers le Québec durant la campagne électorale - quelle que soit l'action unilatérale que voudrait entreprendre le gouvernement fédéral, à une telle volonté de la part du gouvernement fédéral et que nous la combattrions de toutes nos forces. C'est ce que nous avions dit à ce moment là également.

M. le Président, je réponds malgré tout cela ayant à ce moment et sans cesse

proclamé que nous n'accepterions jamais, comme Parti libéral du Québec, un rapatriement unilatéral qui spolie les pouvoirs du Québec. Comme la réponse qu'a donnée Rourassa en 1971 à Victoria à une telle démarche, je dis sans restriction, un non catégorique à une telle tentative de réduire les attributions de cette Assemblée, comme l'affirme non pas le premier ministre du Québec, non pas le premier ministre du Canada, mais le plus haut tribunal du pays.

M. le Président, on me permettra en terminant de faire deux ou trois constatations. On ne siège pas pendant près de vingt ans dans une Assemblée à écouter et à interpréter les paroles, les gestes et les actions de politiciens sans regarder d'un oeil très critique, ce qui se passe sur la scène politique. Après le jugement de la Cour suprême, je ne voudrais pas tâcher de répondre à des arguments ou à des déclarations qui furent faites par le ministre de la Justice du gouvernement fédéral. C'est son droit d'avoir certaines appréciations. Je ne voudrais pas forcément interpréter les paroles qu'il a prononcées. J'ai écouté, comme la plupart de tous les Québécois, d'aussi loin que la Corée, le premier ministre du Canada qui, dans une circonstance assez grave, a donné un message. Ce que je veux dire, je le dis comme politicien ayant reqardé et analysé l'image qu'on veut donner, l'arrière-scène et l'arrière-pensée. Je dis au premier ministre du Canada que s'il est conscient du jugement qui fut rendu à ce moment et de l'importance de ce jugement en dehors de ce qu'il veut projeter comme image rassurante, qu'il aille plus loin que l'image et qu'il fasse les concessions nécessaires qui respectent la compétence de chacune des provinces du Canada. Qu'il aille plus loin.

D'un autre côté, je suis peut-être mal placé pour donner des conseils au premier ministre du Québec. Quand je regarde également l'image du premier ministre du Québec, je comprends qu'il a peut-être des raisons de se réjouir du jugement qui lui permet, étant donné que tout ceci est inconstitutionnel dans nos conventions, il faudrait que le premier ministre du Québec prenne éqalement, il a le droit d'avoir à la télévision l'image qu'il veut donner, mais il faudrait également, dis-je, qu'en arrière-scène, il fasse certains pas qu'il a promis de faire lors de la campagne électorale, alors qu'il a promis de respecter et de faire en sorte que son parti aqirait comme gouvernement respectant le cadre fédératif tant et aussi longtemps que le Québec n'aurait pas décidé autrement.

M. le Président, on a certaines raisons de douter de l'ensemble de ce gui s'est fait dans le Canada depuis un certain temps. Je suis de ceux qui croient même comme fédéraliste que quand le gouvernement central a permis que l'Ontario soit soustrait de l'article 133, c'est une iniquité inacceptable pour le Québec, le Québec ayant toujours respecté ses minorités et leur ayant garanti des droits à nul autre pareil dans le Canada. (12 h 201

Je pense que si on avait voulu réellement faire en sorte d'avoir la plus grande crédibilité possible à travers le Canada, ce n'était pas par des à-côtés semblables qui incitaient la majorité d'une province à ne pas respecter les droits de la minorité qui existe en Ontario. Ce n'est pas par des gestes semblables qu'on peut faire progresser, je pense, le renouvellement de la constitution. Si, par hasard, dans le Québec, la loi 101 va au-delà de ce qu'elle aurait dû aller, il appartiendra, un moment donné, au peuple de décider si le Québec a outrepassé la volonté des concitoyens qu'il a à administrer.

M. le Président, en conclusion, je dis ceci et sans restriction: Des journalistes, des éditorialistes ont commenté la position du député d'Argenteuil et chef du Parti libéral, dont on a dit qu'il avait fait un virage à gauche; si on pense que c'est une position nouvelle dans la défense des droits du Québec, ayant siégé sous Jean Lesaqe, sous Daniel Johnson, sous Jean-Jacques Bertrand et sous Robert Rourassa, j'ai toujours constaté une continuité dans les actions du Parti libéral. Je souligne celles de mon collègue de Ronaventure et d'autres avec lesguels j'ai siégé à l'exécutif. Cela a toujours été une continuité dans la défense des droits du Québec, à l'intérieur du cadre fédératif, mais dans le respect de la légalité, dans le respect des conventions. C'est à ça qu'on appelle actuellement les deux ordres de gouvernement, c'est dans ce sens qu'on les appelle à agir.

M. le Président, quoiqu'on dise de la position du Parti libéral et de son chef, c'est la position que, dans les 20 dernières années, nous avons défendue. C'est la position que nous défendons dans le moment, qui nous a été indiquée par l'ensemble des militants, non seulement en conseil général mais dans toutes les directives qui furent données depuis 1960 et auxquelles j'ai participé. Je pense, M. le Président, que c'est une continuité. On me permettra peut-être, en terminant, de faire allusion à quelqu'un avec qui, tantôt, j'étais au téléphone pour lui demander une information, un personnage qui fut respecté à l'infini, dans le Québec, et par ceux gui siègent de ce côté-ci de la Chambre, et par ceux qui siègent de l'autre côté, que je ne nommerai pas mais qu'on identifiera assez facilement. Il fut ministre pendant une période de trois ou quatre années dans un des ministères les plus importants, il est de la région métropolitaine de Québec et, comme fonctionnaire, il fut

attaché à des institutions comme le Régime de rentes et la Caisse de dépôt. Il ne se pose pas de question sur la position du Parti libéral du Québec. Il n'y a qu'une seule voie qui est tracée c'est de voter contre la tentative qui est faite actuellement d'enlever les pouvoirs que le gouvernement fédéral s'apprête à enlever à la Législature du Québec. C'est pour cette raison que je voterai pour la résolution.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Gilles Baril

M. Baril: M. le Président, nul n'est besoin de rappeler l'état de crise majeure dans lequel nous plongerait la mise en application du projet centralisateur du gouvernement fédéral qui agirait, en quelque sorte, en se recroquevillant dans le tunnel étroit et sordide, il faut bien le dire, de l'interprétation étroitement légaliste de l'avis de la Cour suprême du Canada et ce, en bafouant, en écartant du revers de la main toutes les pratiques et les traditions qui ont prévalu depuis le début de la Confédération. Cette crise que provoque le geste inqualifiable du gouvernement Trudeau est d'autant plus grave, M. le Président, que ce sont les jeunes de mon âge, de ma génération, la première génération issue de la révolution tranquille, qui auraient à porter une grande part du fardeau, advenant le cas où ils auraient à se démêler dans l'écheveau étroitement serré de ce nouveau Canada unitaire dont rêve, bien sûr, M. Trudeau.

Laissez-moi, M. le Président, si vous le voulez bien, caricaturer la situation dans laquelle se trouve le projet constitutionnel actuel de M. Trudeau, suite à l'avis de la Cour suprême. C'est un peu comme si vous conduisiez une auto et que vous arriviez à un feu vert. Vous avez le droit de passer parce que le feu est vert, mais, par hasard, se trouvent dans la rue des personnes qui traversent cette même rue. Que faites-vous? C'est légal de passer, mais, dans le fond, c'est absurde et immoral. Le projet Trudeau, c'est pareil. Ce dont il faut se servir dans cette situation, c'est de son bon sens. Si vous me le permettez, le Québec d'aujourd'hui est un chêne qui a qrandi depuis plusieurs siècles et qui tente, de toute sa splendeur et de ses énergies, de résister à l'anéantissement par la forêt érablière canadienne.

Nous nous rappellerons tous que, lorsque le Québec accepta, et ce, de justesse, par surcroît, de faire partie du Canada, il avait bien pris soin de s'assurer que son Assemblée nationale, c'est-à-dire celle-ci, aurait la souveraineté d'exercer des pouvoirs dans plusieurs domaines, notamment et surtout dans le domaine de la langue d'usage et d'enseignement. Cela constituait, à l'époque, un prérequis essentiel et fondamental, une condition indispensable à l'adhésion du Québec à la fédération canadienne, et ce, parce que la langue du XIXe siècle, comme au XXe siècle, est la racine qui va puiser dans l'identité et dans la personnalité collective de notre société québécoise. Voilà qu'une véritable tornade centralisatrice se lève et tente de déraciner le Québec pour ensuite le voir moisir et décrépir sous la force du temps. En termes clairs, le projet Trudeau s'attaque à la racine même de notre existence collective. C'est plus dangereux. C'est clairement une menace à court, à moyen et à long terme pour l'ensemble de la collectivité québécoise.

Vous savez, M. Trudeau prétend que son projet de charte linguistigue va sauver les francophones habitant hors du Québec, que le Canada sera maintenant vraiment bilinque, d'un océan à l'autre. C'est faux. Nous nous devons de dénoncer ce mensonge de M. Trudeau. D'ailleurs, M. Trudeau lui-même s'opposait et dénonçait le caractère éphémère des protections légales lorsqu'il disait, dans un livre très remarquable, Les cheminements de la politique, qu'il écrivit en 1957, alors qu'il travaillait à Cité libre: "Ni la Cour suprême, ni même une charte des droits ne peut nous protéger contre les déficiences démocratiques de nos élus qui nous gouvernent. " L'application de l'article 133 qui qarantit le bilinguisme constitutionnel n'est imposée qu'à trois provinces, le Nouveau-Brunswick, le Manitoba et le Québec.

Tout d'abord, le Nouveau-Brunswick; j'y ai vécu quatre ans durant lesquels je me suis lié solidairement avec le combat politique que mènent actuellement les Acadiens pour une plus grande autonomie collective. Le projet Trudeau ne leur accorde absolument rien de plus. Les Acadiens du Nouveau-Brunswick ont déjà tous leur réseau scolaire francophone, de l'élémentaire à l'université, en passant par les collèges communautaires et les écoles de métier. Je puis en témoigner pour y avoir fait une partie de mes études à l'université acadienne, à l'Université de Moncton. Le combat des Acadiens du Nouveau-Brunswick a maintenant dépassé le stade de la lutte pour l'éducation en français. Il se mène maintenant sur d'autres fronts. Pour plusieurs et pour une bonne partie de ces gens, tout particulièrement les Acadiens, il y en a même qui réfléchissent sur la possibilité, l'éventualité d'une onzième province acadienne à l'intérieur même d'une confédération. Bref, l'article 133 appliqué au Nouveau-Brunswick ne change absolument rien à la situation qui y prévaut actuellement.

Il faut aussi parler des Franco-Ontariens. Comme vous le savez, mon comté,

celui de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, est allongé le long de la frontière ontarienne, la même où bon nombre de Franco-Ontariens habitent. Je peux dire que leur survivance n'a rien de très solide. Des 600 000 Franco-Ontariens, plus de la moitié des francophones hors du Québec sont noyés dans une mer anglophone de plus de 8 000 000 d'habitants en Ontario. Dans leur cas, le réseau d'éducation est encore très embryonnaire; dans leur cas, l'application de l'article 133 serait évidemment bénéfique, mais M. Trudeau a reculé et la raison en est bien évidente: un marchandage de plus bas niveau. (12 h 30)

Lorsque M. Trudeau dit que ce sont les provinces qui sont immorales en tentant de marchander plus de pouvoir en retour de droits individuels, il devrait peut-être commencer à regarder dans sa cour ce qu'il fait lui-même.

En effet, comment expliquer, sinon par le marchandage, le fait que l'Ontario, province où réside la plus grande minorité francophone en nombre au Canada, ne soit pas soumis à l'article 133? C'est clair, M. Trudeau a troqué, a mesquinement échangé des droits linguistiques des Franco-Ontariens en retour de l'appui du gouvernement de l'Ontario pour son projet. C'est clair et net que M. Trudeau s'en prend vicieusement à cet effet au Québec. Non seulement le fait-il sur le dos et au mépris des Franco-Ontariens, mais plus encore, cela s'inscrit dans un dessein diabolique de minoriser à jamais le Québec en nous rapetissant, en nous arrachant et en nous volant nos droits, comme jamais aucun premier ministre canadien n'a tenté de le faire dans toute l'histoire du pays.

M. le Président, la dernière fois que j'ai entendu M. Trudeau dire "Just watch me", comme il l'a dit lors de sa conférence de presse à partir de Séoul, lundi dernier, c'était peu de temps avant de faire suspendre les droits fondamentaux de l'ensemble des citoyens, des Canadiens en votant et en appliquant la Loi sur les mesures de guerre au Québec.

Les projets tyranniques de cet homme sont une constante menace pour le Québec. Qui ne se rappele ce mercredi soir fatidigue alors que M. Trudeau a mis son siège et celui de ses 74 députés libéraux fédéraux du Québec en jeu pour faire croire aux Québécois et aux Québécoises qu'il renouvellerait le fédéralisme? Quel marchand d'illusions! N'est-ce pas, aujourd'hui, que nous devons subir la trahison fondamentale de cet homme qui s'acharne à vouloir littéralement amoindrir et exterminer le Québec?

M. le Président, à plusieurs reprises à l'occasion de plusieurs tentatives de rapatriement de la constitution, les gouvernements fédéraux successifs ont essayé de mettre les menottes au Québec. Et maintenant, on essaie de passer le rouleau compresseur sur le Québec. Il faut se rappeler qu'un peuple qui qrandit est un peuple qui s'épanouit, qui se répand et non qui se referme.

M. le Président, dans le contexte exceptionnel qui nous réunit à l'Assemblée nationale aujourd'hui, ma démarche n'est pas seulement celle d'un simple député de la majorité parlementaire, mais celle aussi d'un jeune qui se veut la voie des générations montantes, car, dans ce contexte douloureux, ce sont aussi les jeunes d'aujourd'hui qui auront à assumer l'héritage d'un tel coup de force.

Vous savez, M. le Président, nous devons beaucoup à l'éveil collectif des années soixante. Ces années, tout particulièrement caractérisées par la révolution tranquille, ont exercé une influence incontestable sur la génération dont je suis issu. Elles ont doté le Québec des moyens de s'appartenir et de s'exprimer et ont inculqué aux jeunes du Québec une mentalité axée vers l'avenir, vers l'affirmation collective de notre identité culturelle.

M. le Président, tous les efforts de nos parents durant les années soixante pour moderniser le Québec, pour en faire un pays à notre image, toutes ces énergies, avons-nous le droit aujourd'hui de les renier et de céder nos droits les plus vitaux et les plus légitimes? Je dis non. Je crois que les Québécois et les Québécoises sont aussi de notre avis. Nous n'avons pas parcouru autant de chemin en tant que société, nous n'avons pas préparé un lendemain aussi prometteur à notre jeunesse pour nous résigner à un avenir de mendiants. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Merci, M. le Président. J'ai l'intention de voter pour la motion. Parce que je représente un comté anglophone et que la majorité, je pense, des anqlophones ne sera pas d'accord avec le geste que j'ai l'intention de poser, il s'impose que je vous donne la plus qrande partie de mon discours dans la langue anglaise. Mais, avant de commencer, je veux vous dire qu'il est compréhensible que les anqlophones soient aujourd'hui pour la motion de M. Trudeau. Comme jamais auparavant, ils sont isolés du gouvernement québécois. C'est une situation un peu analoque à la situation dans laquelle les francophones se trouvaient il y a quinze ans devant le gouvernement fédéral. Nous sommes devant une discrimination cruelle quant à l'emploi dans la fonction publique, il n'y a que 2% d'anglophones dans la fonction publique. Nous sommes incapables d'avoir de

l'information, des communications dans notre langue. Il y a une limitation dans l'accès à nos propres écoles. Même maintenant nous sommes devant la nécessité d'effacer même notre propre langue des affiches à l'extérieur de nos magasins et de nos institutions.

Le député qui m'a précédé a dit: II y a des gens en Acadie qui songent sérieusement aujourd'hui à la création d'une onzième province francophone. Pour les mêmes raisons, je peux vous dire qu'il y a des anglophones du Québec qui pensent aujourd'hui sérieusement à la possibilité d'une création d'une onzième province anglophone à l'intérieur du Québec. Je dois vous dire que vous nous auriez fourni beaucoup de vocabulaire pour notre dictionnaire, pour la réalisation d'une telle affaire.

I am planning to vote yes to this motion and I think that the first thing I had better try to do is tell you why. First of all, I would like to read the motion that we are proposing because we are not voting for the Parti québécois, we are voting for the words in this particular motion, and it says: The Supreme Court of Canada having decided that the Federal proposal respecting the Constitution of Canada decreases the powers of the National Assembly of Québec and that unilateral action by the Federal Government, although legal, is unconstitutional, being contrary to the conventions, this Assembly demands that the Federal Government renounce its unilateral course of action, is opposed to any action that could impair the rights and affect the powers of this Assembly without its consent and requests that the Federal and Provincial governments resume negotiations immediately with full respect for the principles and conventions that must apply to any modification of the Canadian Federal system.

In my opinion, that is a resolution that could have been presented by the leader of any Liberal, Union Nationale, Social Credit government of this province and could be just as easily presented by the Prime Minister of Saskatchewan, New Brunswick, Nova Scotia or any other Canadian province. It has been developed in collaboration between the two parties. It specifically states that the negotiations should take place within the federal system and with respect to the federal system, and I think we should respect it.

I must say that the members of my association do not agree with me. Yesterday, sixteen of them meet in my office to discuss the matter at my suggestion and when I received the results of the conversation by phone, they told me that fifteen out of have the sixteen thought that I should vote, said they would vote against the motion and the sixteenth had not made up his mind yet.

But, they also said, and I greatly appreciate this, that they wanted me to vote and speak in accordance with my own convictions and my own judgment. I am very proud of that but the first thing I want to do, I think I owe it to the English speaking people in my riding and in the rest of Québec, is to say briefly what their arguments would be. What they say is: First of all, what Mr. Trudeau wants is good. Rapatriation, a charter of human rights, some reasonable language guarantees across the country, and they say you wanted too, it is in your beige paper, that you, the Liberal Party, wanted. (12 h 40)

The second thing they say is: Yes, it may be unilateral, and now, maybe the Supreme Court has said it is unconstitutional, but it is only going to happen once because the new charter itself makes sure that this unilateral action can never happen again.

The third thing they say is that Québec's Government already has too many powers, and I think I have explained to you in the introduction why they feel this way.

The fourth thing they say is that, in resisting Mr. Trudeau, you are also helping the Parti québécois, a party which, for five years, has demonstrated its disregard, its dislike, and often its hatred of this English language community.

Finally, they say: In supporting the Parti québécois on this motion, you are supporting a party which has demonstrated repeatedly and openly that it does not even believe in federalism. They say: Do not look at the worlds on the paper, look at the hand that wrote those words. Within the face of all of those arguments, there are probably a few more too, but I think that resumes the basis of their arguments, why should I vote the other way?

First of all, it is not because I am against the charter or repatriation, and, secondly, it is not because I have any affection for the Parti guébécois. For those of you who are not members of the National Assembly, who have experiences with the Parti québécois in your living rooms, on television and in the newspapers, I can assure you that, spending four years face to face with them here in the National Assembly, would not change our opinion on them one bit. So, I am not doing it because I like the Parti guébécois, and I am not doing it because I do not like Mr Trudeau. I am doing it because I think at vote in favor of this motion is best for us as English Quebeckers, and is best for us as Canadians. I think it is the right thing to do. In the brief time I have got, I would like to give you four reasons.

The first reason is that, in my opinion, the realization of this project to Mr Trudeau is not going to make things any better for the English in Québec, and it will probably make them worse. First of all, let

us remember that the realization of the Charter of human rights in general terms is not a matter of great urgency. This is not a country, and Québec is not a province where basic human rights are denied on a daily basis. We seldom even have appeals to the charter in the laws of Canada and Québec which exist today. This is not a totalitarian State.

So, do not expect that the day the charter is implemented you will see your life change importantly. It is a long term goal but it is not a matter of vital importance. The main change that would take place is in the area of language, English-speaking parents, from all over Canada would have the right to send their children to schools here in Québec, provided that they were citizens. It would mean another couple of thousand children a year probably eligible to go to the English schools. But, in my opinion, it would create a period of social turmoil between the people who were viscerally opposed to this, for reasons that I do not agree with, and it would mean that the constitution or the federal government would be imposing this rule on an educational institution which is controlled entirely by the provincial government.

I would think that for two, three, four years, you would see social unrest and the creation of a climate, here in Québec, which would make things very much more unpleasant and very much more difficult for the English language community, and if it solved that problem, it is the only one it would solve; it would not solve the problem at Dawson College or the problem of the Ville-Marie social services, it would not change the laws on signs, it would create a climate here in which English would be set against French which, in my opinion, would not improve our situation. I may be wrong, but my judgment tells me that that is what would happen.

The second reason is that I think the realization of this charter is not going to strenghten Canada, it is probably going to weaken it. And, in this respect, I would ask the English speaking people of Québec to think a bit about the Supreme Court. The Supreme Court handed down a decision, this week, which, in my opinion, should be read by the Canadian people, even if it is 400 pages long. It is a magnificent document, it is a well-balanced document, it is a document in which the judges respect the Canadian federal principle. What they said essentially is that there is no legal reason why you cannot do what you are doing, but it would be wrong to do it.

I want to quote just three short sentences from this majority opinion of the Supreme Court judgment; they were talking about conventions, because it is in terms of conventions that this act of Mr Trudeau's was wrong. They say: "It should be more in mind that, while they are not laws, some conventions are more important than some laws" - and they give examples. As you know, even the role of the Prime minister is not defined by law. As you know, there is no law that requires Westminster - the Government of England - to give us back our constitution; if we ask, it will be done on the basis of a convention, a convention that they do not interfere in our affairs. Conventions are very important in the British system of law which governs this country and this province. Then, they go on to say, and I quote again: "Constitutional conventions, plus constitutional law, equal the total constitution of the country". Therefore, if you try to repeal or change the constitution strictly on the basis of law, it is unconstitutional. What is being proposed by Mr Trudeau is unconstitutional.

Another and final quotation: "It is true that Canada would remain a federation if the proposed amendment became law, but it would be a different federation, made different at the instance of the majority of the Federal Parliament acting alone. It is this process itself which offends the federal principle. " I think anybody who has had the privilege of traveling across the country -and certainly anybody who did it with the Pépin-Robarts Commission, as I did, a few years ago - realizes that this huge country, as large as Russia, with extreme diversity in its regions, cannot be held together by a rigid central constitution. In my opinion, Canada can become a great country, but Ottawa can never become a great country. It is going to have to be a country made up of a kind of federation where important powers remain with the provincial governments and where, above all, the Supreme Court respects that delicate balance. That is what they have done there and I think that, before we make up our minds on this thing, we should ask ourselves: If the Supreme Court says it is wrong, should we not just say: Perhaps they have got something there.

There are eight provinces, not just Québec, who are against this. When I support this motion, I am not supporting Mr. Lévesgue. I am supporting the Supreme Court and I am supporting a certain vision of Canada. I am not supporting the Parti québécois Government. I am supporting this institution, the National Assembly of Québec.

It is true there is a risk, our act may be exploited by the members of the Parti québécois for their own purposes. Churchill and Roosevelt trusted Stalin at Yalta and they were wrong. America trusted Germany after the Second World War and put in effect the Marshall Plan and they were right. But I think, when in doubt, do the right thing. And I personally prefer to defend a position which, I think, is right even if the

people I find myself associated with are not those that I hope to be associated with in many other issues. If the Parti québécois exploits it and distorts our decision, I think the people of Québec are sufficiently aware and intelligent to understand what is going on. (12 h 50)

A third reason for supporting this is that I think a negative vote by the Liberal Party on this matter is going to make it impossible for our party to remain credible with hundreds of thousands of French-speaking Quebeckers who are committed to neither party, but who are deeply committed to the maintenance of a strong provincial government which will defend their rights. In other words, I think the chances are very strong that if we vote against this motion we will be incredible with the people, the majority of the people, who live in the 80 counties that the Liberal Party, at present, does not represent in this National Assembly.

I think that there are hundreds of thousands of young Quebeckers, Francophones mainly, who believe that a provincial representative, a person appointed to this National Assembly is appointed to represent first and foremost the interests of the provincial government. They are not interested in a party really, unfortunately, which writes, beige papers which are highly balanced and present visions of the perfect country. To the Québec elector, that is a job for the political scientists. They expect to elect a federal representative who will represent them at the federal government and a Québec representative who will represent them at the Québec Government, and they expect that the balance will be achieved in the give-and-take and the debate between the two.

I happen to agree with that. If I had wanted to become a federal member of Parliament, I suppose I could have worked in that direction, heaven only knows whether I would have made it, but I chose the other. And long as I am here, I am going to put the interests of Québec first. And I think strongly, and after listening to my colleagues and after travelling widely throughout the province of Québec, that is essentially what French-speaking Quebeckers expect from their provincial representatives and I hope that it is what the English-speaking population of Québec expects as well.

In that light, I just do not think anyone can expect that a provincial deputy can remain credible in suggesting that powers that are in the constitution and belong to the provincial government be taken away without their authority.

So, in my opinion, if we vote against this motion, we are not a credible party with a very large segment of the population and we will have far too little time and far too little credibility to point out the glaring errors, the glaring weaknesses that are beginning every day to show themselves in the administration of the present government.

And a fourth and final point, I think a negative vote in that sense is going to create a climate in Québec here and in this National Assembly where it is going to be extremely difficult for us to do what we want to do and what we must do in the coming months. And that is point out these glaring errors, the incompetence of the government in the area of public administration, their inability to manage the economy, their disregard of hundreds of thousands of citizens to whom they promised the moon over the last five years and they are now in position of taking it away in a totally disorganized way, incapable of pointing out the many examples of patronage of the most classical kind that are begining to creep in all through this government.

If every time we raise these issues, we have to face the charge that we are simply a subsidiary of the federal government, I wish we were in a sense, they have not done a single thing to help us in the last five years, but, anyway, if we have to face the exagerated demagogic distortions based on a negative vote in this motion, it is going to make it almost impossible for us to talk credibly to the population of Québec about the economy.

So, these are my reasons, and I am not sure I am right, but my experience, my judgment and my instincts all tell me that this course of action is best for the English Quebeckers and best for all Quebeckers and best for this institution, which is the National Assembly, best for my party and best for Canada. And I have great faith that all Quebeckers are going to recognize this gesture that the Liberal Party is posing today and, as I said earlier, I have great faith that they are going to recognize and judge severely any efforts by the Parti guébécois to exploit or distort the meaning of what we are doing. I may be wrong, but I prefer to act today on the basis of that faith and that optimism.

In conclusion, Mr President, on Friday night, when I get to the bus terminal in Montreal, I do no know if the people from NDG are going to be there with shot guns or whether I will have another 20 years as their deputy, but I want to thank them sincerely for allowing me to speak my own opinion today and I want to tell them that I am very proud to be their deputy. Thank you.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: M. le Président, compte tenu de l'heure, je demanderais la suspension

du débat.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance 12 h 57)

(Reprise de la séance à 15 h 07)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Reprise du débat sur la motion suivante: La Cour suprême du Canada ayant décidé que le projet fédéral concernant la constitution du Canada réduit les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec et que l'action unilatérale du gouvernement fédéral bien que légale est inconstitutionnelle parce que contraire aux conventions, cette Assemblée réclame du gouvernement fédéral qu'il renonce à sa démarche unilatérale, s'oppose à tout geste qui pourrait porter atteinte à ses droits et affecter ses pouvoirs sans son consentement, et demande au gouvernement fédéral et à ceux des provinces qu'ils reprennent sans délai les négociations dans le respect des principes et des conventions qui doivent régir les modifications du régime fédéral canadien.

La parole est au député de Joliette-Montcalm.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, qui aurait pu croire qu'après 114 ans d'histoire, l'Assemblée nationale du Québec serait forcée de se réunir d'urgence pour réaffirmer sa détermination de conserver le minimum de pouvoirs qu'elle détient? Il est vrai que ce n'est pas d'aujourd'hui, M. le Président, que le Québec a à lutter pour conserver ses pouvoirs. On n'a qu'à se rappeler le slogan de M. Duplessis: Jamais je laisserai Ottawa nous voler notre butin! Tous les chefs politiques québécois qui ont succédé à M. Duplessis ont eu à livrer des batailles, à lutter pour rétablir certaines situations, pour maintenir certains droits, mais, plus souvent qu'autrement, c'était pour conserver les maigres pouvoirs que nous détenons. Aujourd'hui, après 114 ans, nous revivons le scénario de l'autodéfense. On est réuni d'urgence, non pas pour se battre pour corriger des anomalies observées depuis des années, mais bien pour dire au gouvernement d'Ottawa: Tu ne diminueras pas les maigres pouvoirs que nous avons. Tu ne décideras pas seul du nouveau partage des pouvoirs. Tu ne nous imposeras pas de nouvelles règles du jeu qui risquent de modifier de fond en comble nos politiques économiques, nos politiques sociales, nos politiques culturelles.

Une majorité de Québécois et de Québécoises ont cru, M. le Président, à une dernière chance en mai 1980. Bien sûr, ils se rappellent tous les engagements solennels. Nos 74 libéraux fédéraux ont mis leur sièqe en jeu, M. le Président, pour faire croire aux Québécois qu'un non voulait dire un oui au changement en faveur du Québec. Les Québécoises et les Québécois se rappellent aussi, M. le Président, l'engagement solennel du chef du Parti libéral fédéral, M. Trudeau. Rappelez-vous que sur un ton solennel lui aussi, avant le 20 mai, M. Trudeau prenait l'engagement de mettre son siège lui-même en jeu et, en plus, il donnait un avertissement grave au reste du Canada. C'est à peu près dans ces mots qu'il disait au reste du Canada: Messieurs les Anglais, tenez-vous-le pour dit, il va falloir trouver un compromis acceptable pour les Québécois. C'est sur ces promesses que les Québécois ont voulu lui donner une dernière chance, M. le Président, mais je vous dirai carrément que, malgré le fait que la Cour suprême ait unanimement, neuf sur neuf, dit: C'est vraiment inconstitutionnel, c'est vraiment illégitime, cela enlève vraiment des pouvoirs aux provinces, M. Trudeau, fidèle à lui-même, continue de faire fi de ses engagements antérieurs. Ce n'est pas la première fois qu'il fait cela, M. le Président. Ce n'est pas étonnant. Rappelez-vous qu'il a défait l'équipe Stanfield sur le gel des salaires. Quelques mois après, M. Trudeau gelait les salaires. Rappelez-vous qu'il a défait le gouvernement Clark en promettant une hausse maximale de 0, 14 $ pour le pétrole. On est rendu à environ 0, 50 $ présentement. Fidèle à lui-même, pas longtemps après, encore là, M. Trudeau a fait fi de ses engagements comme il fait toujours fi de ses engagements. M. le Président, les Québécoises et les Québécois ne sont pas dupes. On peut tromper un certain nombre de personnes pendant un certain temps, mais on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps.

M. Trudeau est pressé d'agir, à part cela, et il faut s'interroger sur le pourquoi de son empressement. Il est pressé d'aqir pour diminuer les pouvoirs de tous les gouvernements provinciaux, mais en particulier de celui du Québec. Il faut admettre que son empressement est dû au fait que le Québec, depuis les années soixante, a tenté de se donner des politiques dans tous les secteurs et d'une façon encore plus particulière, depuis 1976, il faut bien l'admettre, nous avons réussi à nous bâtir une politique linguistique cohérente, à penser à un développement économique à court, à moyen et à long terme, en plus d'avoir en chantier des politiques de développement social qui assureront aux Québécoises et aux Québécois une plus qrande maîtrise dans tous les domaines. M. le Président, on n'a qu'à penser à la loi sur la langue qui touche à la fois la langue de travail et la langue

d'enseignement. On n'a qu'à penser au plan de redressement économique, à l'aide aux pâtes et papiers et au renouvellement de la machinerie dans le domaine du textile. On n'a qu'à penser aux programmes d'aide aux petites et moyennes entreprises. On n'a qu'à penser à la priorité d'emploi pour nos travailleurs dans le domaine du bâtiment et de la construction. On n'a qu'à penser à la politique d'achat chez nous. Toutes des mesures qui sont en péril à cause du plan Trudeau.

C'est parce que nous désirons nous organiser pour un meilleur développement qu'Ottawa veut agir vite et nous empêcher de poursuivre ce développement cohérent. Qui aurait cru qu'en 1981, le gouvernement du Québec serait forcé de convoquer l'Assemblée nationale pour, une fois de plus, manifester sa volonté de ne laisser personne empiéter sur ses pouvoirs léqitimes? Les Québécois et les Québécoises, de par nature, sont très conciliants. De par nature, également, on est porté à toujours donner une chance additionnelle. De par nature, on est patient, sauf que notre patience a des limites.

Quand je vois tout ce qui se passe, je suis porté à comparer cette situation avec ce qu'on vit quotidiennement dans le monde du travail. Je ne peux que me reporter dans le passé et comparer cette situation avec la situation que vivent certains groupes de travailleurs qui, de bonne foi, ont négocié des ententes, ont conclu des conventions collectives, ont discuté ferme et, du jour au lendemain, verraient, par exemple, un patron violer unilatéralement le contenu d'un contrat collectif.

Je ne peux m'empêcher de penser à l'action d'un groupe de salariés qui verrait son employeur changer la clause d'ancienneté et dire: Dorénavant, le plus jeune entre avant le plus vieux, ou vice versa. La patron qui dirait: Demain matin, je change unilatéralement les bénéfices marginaux; au lieu d'avoir 10% de participation à l'assurance collective, ce sera 5%; au lieu d'avoir trois semaines de vacances après cinq ans, ce sera deux semaines après dix ans. On comprendrait la réaction des salariés. Il faudrait interpréter cette réaction comme en étant une de légitime défense.

C'est un peu la situation qu'on vit présentement. On a une entente négociée supposément entre deux peuples égaux et, du jour au lendemain, on voit, unilatéralement, un gouvernement qui veut changer les règles du jeu. Ces mêmes travailleurs et travailleuses québécois qui ont arraché, de peine et de misère, certains droits dans certains cas et, en particulier, dans le secteur privé - dans le secteur privé, les batailles furent encore plus dures comprennent aujourd'hui, peut-être plus que toute autre personne au Québec, l'importance du sapin qu'on tente de nous passer. Eux aussi, ce sera avec solidarité qu'ils appuieront leur gouvernement, qu'ils appuieront leur Parlement. Et c'est avec solidarité qu'ils agiraient, s'ils étaient confrontés à de telles situations. C'est avec cette même solidarité que, tous ensemble, nous pourrons empêcher le gouvernement d'Ottawa d'agir, M. le Président. Il ne faut pas oublier que, sous des apparences légales, mais combien illégitimes et inconstitutionnelles, c'est à partir de cette apparence de légalité que M. Trudeau veut aller vite. Il l'a dit lui-même en conférence de presse: Je vais agir rapidement. Je vais agir rapidement pour changer, faire gober à la vapeur des changements qui affecteront toute notre destinée, et malgré que la plus haute cour du pays ait dit, à neuf sur neuf, que ça enlevait des pouvoirs aux provinces et, à six contre trois, que c'était inconstitutionnel.

M. le Président, est-ce que c'est parce que c'est légal... Mon ami de Rouyn-Noranda-Témiscamingue disait ce matin: Est-ce que, parce que le Code de la route prévoit que c'est légal de passer à un feu vert, il est normal d'écraser l'enfant qui traverse la rue? Est-ce que, parce que légalement je détiens un permis de port d'arme, je peux en tout temps, M. le Président, faire chanter qui je veux à la pointe du revolver? Est-ce que, parce que c'est légal, je peux passer près d'un autobus scolaire qui n'a pas ses clignotants allumés? Est-ce que je ne dois pas prendre des précautions, même si ses feux ne sont pas clignotants, lorsque je passe ou je double un autobus scolaire?

M. le Président, c'est un peu la situation; cela a peut-être l'air un peu quétaine de l'exprimer de cette façon, mais ce que je veux faire comprendre, c'est que, sous le couvert de la légalité, on est en train de bouleverser la normalité des choses, on est en train de faire gober aux Québécois, sous le couvert de la légalité, que c'est pour leur bien qu'on fait ça.

La légitimité, pour moi, M. le Président, prime d'autant plus que cette léqitimité est appuyée par la plus haute cour du pays.

M. le Président, trop souvent dans le passé, nous avons entendu de la bouche de certains leaders politiques le slogan suivant: Nous voulons bâtir un Québec fort dans un Canada uni. Ces mêmes leaders politiques, qui ont crié ce slogan, sont en train d'affaiblir un Québec dans un Canada déchiré. Il va falloir le leur dire, à notre façon.

Quant à nous, c'est bien évident que nous nous battrons avec la dernière des énergies pour faire échec à cette conception totalitaire, à cette conception d'une politique centralisatrice qui vise, à toutes fins utiles,

à diminuer nos pouvoirs et plus particulièrement au Québec, qui risque de mettre en péril ce qu'on s'est donné de peine et de misère, à savoir notre développement économique, notre développement politique, notre développement culturel, et qui risque aussi de porter atteinte à notre identité de Québécois et de Québécoises.

Depuis toujours, M. le Président, le gouvernement d'Ottawa tente de s'approprier les avoirs des provinces. Depuis toujours également, nous devons lutter et ce n'est pas aujourd'hui que nous cesserons, d'autant plus que c'est dans un cas de légitime défense que nous le faisons, en sachant que le geste posé - je le répète - est inconstitutionnel et enlève des pouvoirs aux provinces. Pour ajouter l'injure à l'insulte, ce sera Londres qui nous votera ce cadeau empoisonné.

M. le Président, on n'est pas ici, contrairement à ce que l'ont laissé entendre certains députés de l'Opposition, pour agrandir notre maison. On n'est pas ici pour discuter si on fait une allonge, si on pose une annexe. On est ici tout au plus pour sauver les meubles. C'est cela le sens de la motion qui est présentée devant nous. Pour sauver les meubles, nous avons besoin de la solidarité des Québécoises et des Québécois. Je fais appel à l'ensemble du monde du travail organisé en particulier pour qu'il se solidarise derrière le gouvernement, derrière le Parlement, pour qu'on puisse gagner cette bataille. (15 h 201

II est évident que l'Assemblée nationale du Québec se doit aussi d'être solidaire. Je viens d'apprendre à l'instant, avant de commencer à cette Assemblée, qu'il y en a déjà un qui s'est désisté et qui votera contre. J'ose croire que la très grande majorité, puisque maintenant l'unanimité est impossible, se solidarisera autour de cette motion du premier ministre du Québec et que nous pourrons assurer la sauvegarde de nos droits en luttant tous ensemble. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoix-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir aujourd'hui d'intervenir sur la motion qui est devant nous et avec laquelle je suis d'accord. Je reviendrai un peu plus en détail sur certains des points.

Ce qu'il est intéressant de réaliser, c'est que la Cour suprême déclarait, dans un vote unanime, que le projet fédéral concernant la constitution réduit les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec et que l'action unilatérale du gouvernement, c'est-à-dire une action qui se fait sans le consentement des provinces, même si elle est légale, est inconstitutionnelle parce que contraire aux conventions. Que de jargon! Je dirai aux personnes qui nous écoutent ce qu'il m'a fallu faire; surtout que je me vois devant l'ex-professeur de droit constitutionnel, je vais être encore plus gênée d'exposer le cheminement que j'ai fait pour essayer de comprendre cette distinction entre ce qui est légal et ce qui est constitutionnel ou inconstitutionnel selon les conventions.

Si j'ai fait cet effort j'espère que peut-être je pourrai aider un peu certains de mes concitoyens qui sont aussi profanes que moi dans ce domaine constitutionnel.

Je pense que ce que la Cour suprême a établi... Je voudrais faire une parenthèse à ce moment-ci, M. le Président, pour souligner l'importance de nos institutions juridiques. C'est intéressant de voir que la Cour suprême, qui, à plusieurs reprises, a été contestée dans cette enceinte par le parti ministériel, rend aujourd'hui une décision qui nie ce qu'affirmaient souvent nos amis, à savoir que la Cour suprême était comme la tour de Pise, qu'elle penchait toujours du même côté, c'est-à-dire qu'elle était toujours défavorable au Québec et aux provinces et toujours favorable au gouvernement fédéral.

Je pense qu'on a à ce moment-ci l'exemple évident d'une institution, la plus haute instance juridique du pays, qui a rendu un jugement qui m'apparaît très sage, compte tenu des éléments qui y sont contenus, devant un problème à caractère social et politique que je dirais presque explosif.

Ce que la Cour suprême a voulu établir - je ne voudrais pas que les qens pensent que c'est de mon cru, alors je ferai référence tout à l'heure à une partie du jugement proprement dit - c'est que la constitution a deux bases. C'est comme si elle avait deux pieds. D'un côté elle a une base légale et, de l'autre côté, elle a une base ou un pied qui repose sur les conventions.

Quelle est cette base reliée aux conventions par rapport à celle qui est dite légale? M. le Président, la position que je prends aujourd'hui, je la prends en fonction de mes convictions personnelles, mais aussi en fonction de ce que je juge bien humblement, à tort ou à raison - j'espère que ce sera à raison - être l'intérêt des Québécois et l'intérêt de l'ensemble du pays pour lequel je me suis débattue beaucoup depuis cinq ans.

Cette base légale, c'est une loi britannique qui remonte à 1867 et qui a été, à ce moment-là, établie par un consensus, si je puis dira, entre un certain groupe d'hommes et le résultat fut l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. À ceci vient aujourd'hui s'opposer, je ne devrais pas dire

s'opposer, je devrais dire s'associer ce qu'on appelle la base des conventions qui s'ajoute à cette base strictement juridique de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui remonte à 1867.

Quelles sont ces conventions? Je dirais que ces conventions ont été créées par les ententes entre les Canadiens, leur solidarité, leurs aspirations, leurs objectifs qui n'ont pas toujours été convergents. Ces ententes, dans les faits, sont beaucoup plus conformes aux consensus des Canadiens au cours des années. Ce sont des consensus, ce sont des ententes, ce sont des liens qui se sont tissés au fil des ans dans l'évolution de la constitution canadienne. C'est tout récemment, il y a quelques jours, que la Cour suprême du Canada, dans un vote de sept sur neuf, a reconnu que ces conventions ont un rôle tout aussi important que l'aspect juridique.

À mon point de vue, ce qui est le résultat, comme je le disais tout à l'heure, des ententes, des objectifs que les Canadiens ont voulu réaliser ensemble, me paraît beaucoup plus important aujourd'hui - c'est un jugement personnel; je pense qu'il ne faudrait peut-être pas en parler en termes d'importance relative l'un à l'autre - mais au moins tout aussi important que ce qui est strictement une loi, du caractère légal de la constitution.

À cet égard, je voudrais simplement faire référence à la page 14 du jugement de la Cour suprême, ce tribunal dit qu'on devrait se rappeler que, bien qu'elles ne sont pas des lois, les conventions peuvent être aussi importantes que certaines lois. Leur importance dépend de la valeur ou du principe qu'elles ont pour mission de sauvegarder. Aussi, elles forment une partie intégrale de la constitution et du système constitutionnel. Elles sont même dans le préambule de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique alors qu'on disait que les provinces du Canada, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, avaient exprimé leur désir d'être unies fédéralement ou être unies dans une fédération avec une constitution similaire au principe qui est à la base de celle de la constitution du Royaume-Uni. Je pense que tout le monde ici a entendu dire à plusieurs reprises que la constitution britannique n'est pas basée sur une loi, mais repose sur des conventions. Même au moment de 1867, on accordait une importance à cet aspect des conventions.

Ils ajoutent - ces sages juges - C'est pourquoi il est parfaitement approprié ou raisonnable de dire que violer une convention est poser un geste inconstitutionnel, bien qu'il n'entraîne pas de conséquences légales directes. Mais les mots "constitutionnel" et "inconstitutionnel" peuvent être utilisés dans un sens légal strict et les juges résument en disant: "Les conventions constitutionnelles ajoutées à la loi constitutionnelle sont égales à la constitution totale de ce pays. " En d'autres termes, c'est que la Cour suprême vient de dire: Les conventions et la loi sont les deux pieds de la base de la constitution de notre pays et elles forment le tout de la constitution canadienne. Mais, en revenant sur cette explication que j'ai tenté de donner entre ce qu'étaient les conventions qui reposent sur les ententes, la progression collective que les Canadiens ont faite entre eux, leur solidarité, ceci m'apparaît extrêmement important. (15 h 30)

Je trouve extrêmement dangereux que le gouvernement fédéral veuille aller de l'avant uniquement en se reposant sur l'aspect que la Cour suprême reconnaît comme la loi. Parce que la loi, c'est la loi britannique dont je parlais tout à l'heure, mais les conventions sont beaucoup plus collées à la vie des Canadiens, correspondent beaucoup plus à ce qu'est vraiment la constitution et que les Canadiens les ont eux-mêmes élaborées et développées entre eux.

Dans ce sens, je pense que le gouvernement fédéral, d'une certaine façon, en allant à l'encontre de ces conventions que les Canadiens ont tissées entre eux, en se reposant uniquement sur une base légale, une loi de 1867, il m'apparaît, pose un geste qui risque d'avoir des conséquences extrêmement pénibles évidemment pour le Québec, mais aussi pour l'ensemble du pays.

Le deuxième élément, au-delà de l'inconstitutionnalité ou de cette explication des conventions et de la loi, élément qui pour moi est peut-être encore plus important, et ça c'est une évaluation subjective, je le reconnais, c'est la réduction des pouvoirs de l'Assemblée nationale dont fait état le jugement de la Cour suprême. Je pense qu'il faut rappeler que même l'Acte de l'Amérique du Nord britannique a institué deux ordres de gouvernement dont chacun est souverain dans son domaine respectif et est investi en conséquence d'une autorité exclusive et inviolable dans les matières conférées à sa compétence. L'épanouissement de la société québécoise, je dirais, de la culture française au Canada et en Amérique du Nord, passe obligatoirement par le respect intégral des prérogatives de l'Assemblée nationale. Ceci ne veut pas dire que toute modification aux domaines respectifs des pouvoirs fédéral et provincial ne puisse être faite, bien au contraire, puisque cette redéfinition de pouvoirs entre les deux ordres de gouvernement est à l'origine même de toute la question constitutionnelle. Toutefois, ces modifications ne sauraient être apportées sans le consentement des provinces et, dans le cas qui nous préoccupe, sans le consentement explicite du Québec par la voie de son Assemblée nationale. D'autres l'ont dit avant moi, les gouvernements qui se sont

succédé au Québec n'ont cessé de combattre des tentatives d'ingérence dans l'exercice des pouvoirs de l'Assemblée nationale ou encore toute tentative de les modifier sans son consentement. Je pense que c'est le geste que l'Assemblée nationale veut poser de nouveau; elle demande au gouvernement fédéral, avant de continuer d'agir dans la ligne où il se trouve, d'examiner sérieusement les conséquences.

Je voudrais, sans vouloir refaire ici l'histoire du Québec et du Canada - et c'est peut-être pour cette raison que, pour moi, venir modifier, éroder ou diminuer les pouvoirs de l'Assemblée nationale sans son consentement est inacceptable. Il faut rappeler que le Québec forme à l'intérieur de l'ensemble fédéral canadien une société distincte par la langue, la culture et les institutions. Le Québec est le foyer principal de l'épanouissement des citoyens de langue et de culture françaises et le Québec doit pouvoir continuer de se reposer sur l'autorité de l'Assemblée nationale, qui lui a permis de se doter d'un cadre de vie et d'un réseau d'institutions qui sont l'expression de sa culture distincte.

Là-dessus, je suis un peu en désaccord avec l'image que j'ai senti qu'on voulait projeter chez certains de l'autre côté de l'Assemblée nationale en disant qu'on était une petite Assemblée nationale faible et pauvre et avec cela, en plus, qu'on va disparaître. Je pense que la question est sérieuse, mais cela vient un peu aussi en contradiction avec la reconnaissance du développement et des pouvoirs que l'Assemblée nationale a exercés en particulier depuis 1960. Je pense qu'il n'y a personne de l'autre côté de l'Assemblée qui niera qu'au Québec... Et, ici, je cite un paragraphe d'un document de ma formation politique: "Au Québec, les lois, le système judiciaire, les associations volontaires, les arts, les lettres et la culture, la presse et les médias, les syndicats et les coopératives, le système d'enseignement, le réseau des services hospitaliers, sociaux et sanitaires, les institutions religieuses, les institutions municipales, les institutions économiques - je ne les nommerai pas - financières et industrielles sont autant d'expression de la personnalité propre des Québécois qui ont pu prendre naissance et se développer sous l'influence principale, voire souvent exclusive, du gouvernement québécois et de l'Assemblée nationale. " Je ne voudrais pas que de l'autre côté - ne leur imputerai pas de motifs, M. le Président - peut-être pour faire avancer une certaine cause, on essaie de diminuer même ce que nous avons réalisé. Si je tiens à conserver les pouvoirs de l'Assemblée nationale, M. le Président, c'est pour qu'on continue dans cette direction. Je pense qu'on a avancé d'une façon extraordinaire depuis 20 ou 25 ans. Il faudrait peut-être parler maintenant de 25 ans. Mais je ne voudrais pas que, pour rendre l'image plus noire, on vienne diminuer, en fait, ce que notre Assemblée nationale a été capable de faire.

Lorsque la population du Québec nous a mandatés pour la représenter à l'Assemblée nationale - je pense qu'elle n'en était peut-être pas tout à fait consciente - je pense qu'elle nous a implicitement demandé d'être les gardiens et les gardiennes des pouvoirs de l'Assemblée nationale et, par le truchement de cette Assemblée, les gardiens et les gardiennes des droits de tous les citoyens et citoyennes du Québec, quelle que soit leur origine. Il y a, chez certains de nos concitoyens de langue anglaise et de diverses communautés ethniques, un sentiment qui n'est peut-être pas sans fondement; peut-être n'avons-nous pas toujours été aussi vigilants à leur endroit que nous aurions dû l'être, pour des raisons historiques que je ne veux pas développer. Ils ont une tendance à penser que, peut-être, leurs droits, comme citoyens du Québec et comme citoyens canadiens, même à l'intérieur du Québec, peuvent être mieux protégés par le gouvernement fédéral. Je comprends très bien leur réaction d'inquétude de penser que, tout à coup, nous mettons l'accent sur les prérogatives de l'Assemblée nationale; il n'y a pas contradiction entre les deux.

Je veux leur dire qu'ils sont ici des citoyens, des citoyennes à part entière et qu'ils participent à l'enrichissement du Québec, au développement du Québec. On ne pourrait pas, ici, citer tout ce qu'ils ont contribué, au Québec. De la même façon que l'Assemblée nationale doit défendre les droits de ceux qui sont - c'est l'ancien ministre de l'Immigration qui les appelait ainsi - les Québécois de vieille souche; elle a les mêmes responsabilités à leur endroit, que celles qu'elle assume à l'endroit de ceux qui sont ici depuis plusieurs générations.

M. le Président, en terminant, je voudrais simplement dire un mot sur peut-être la propension du gouvernement à une certaines propagande. Le premier ministre nous a dit qu'il n'y avait aucune exagération là-dedans, je vais prendre sa parole. Il reste que, quand même, quand on parle, par exemple, de tous les désavantages de la mobilité de la main-d'oeuvre - je ne prendrai que cet exemple compte tenu du temps - je ne suis pas sûre qu'on n'exaqère pas un peu. Si on pense qu'il y a au moins 200 000 Québécois qui sont allés qagner leur pain en Alberta durant les dernières années - peut-être même davantage, j'essaie de ne rien exagérer - je pense que, probablement, les Albertains qui ont donné de l'emploi à leurs gens, sont aussi capables de donner de l'emploi à d'autres. Je pense que ceci ne s'est pas fait au détriment du Québec. Le même raisonnement pourrait valoir à l'égard d'autres provinces.

Avant de s'enfermer dans une position où, finalement, il y aurait une frontière entre les provinces quant à la mobilité de la main-d'oeuvre, je demanderais au gouvernement d'y réfléchir deux fois et d'être prudent dans ce genre de propagande. Le reste, je ne l'ai pas examiné parce que ça demande beaucoup de données et je ne les ai pas. Mais je ne voudrais pas que le gouvernement pense que, par un vote positif à la motion qui est devant nous, nous souscrivons à quelque propagande que ce soit qui n'aurait pas pour objectif principal de défendre les enjeux qui sont en cause dans la motion que nous discutons aujourd'hui, mais qui aurait pour objet indirect, avoué ou non avoué, de promouvoir la cause de l'indépendance ou de la souveraineté du Québec. (15 h 40)

M. le Président, je voudrais dire à mes électeurs, qui, je le sais, pour un certain nombre, veulent qu'aucune atteinte ne soit portée ni au Québec ni au Canada, mais qui ont de la difficulté à concilier les deux dans un débat comme celui-ci, que mon vote n'est pas un vote pour un homme ou pour un parti; c'est un vote de principe. C'est dans ce sens que j'appuie la motion qui est devant nous. Je sais que les électeurs, qui peuvent avoir quelque inquiétude, pourront se rassurer quand ils sauront que nous serons extrêmement vigilants pour voir quelle utilisation le gouvernement pourrait faire de cette unanimité ou quasi-unanimité que nous aurions dans cette Chambre à l'égard de la motion.

M. le Président, comme Québécoise et comme Canadienne, j'ai toujours défendu, à l'intérieur du Québec, dans la mesure où j'occupais des fonctions plus ou moins importantes ou dans mes activités professionnelles, les droits de tous les citoyens et citoyennes du Québec et j'ai toujours voulu leur assurer que ces droits puissent leur permettre de vivre comme citoyens libres à l'intérieur du Québec, mais aussi à l'intérieur du Canada.

Et à ceux qui s'inquiètent - je termine là-dessus, M. le Président - du fait que nous appuyons cette motion, que nous soyons peut-être contre une charte des droits, je dirai que nous sommes, comme formation politique, en faveur d'une charte des droits à être insérée dans une constitution, mais je pense qu'on ne pourra pas insérer dans une constitution une charte des droits qui ne rencontrerait pas l'assentiment des gens qui devront l'appliquer.

Ici, je veux revenir sur, une exagération, à mon point de vue, du ministre de la Justice qui, hier, évidemment dans un élan oratoire, disait: On piétinerait les droits et libertés, parce qu'on a une charte - qui va être perfectionnée encore, d'ailleurs; ça demande toujours du perfectionnement - et que, tout à coup, cette autre charte viendrait en contradiction avec celle que nous avons. Je pense qu'on peut établir dans une constitution une charte de droits fondamentaux sur lesquels on peut s'entendre, si on est de bonne volonté de part et d'autre. Ceci n'exclut pas pour le Québec la possibilité d'ajouter à cette charte ou même d'avoir sa propre charte qui ajoute aux droits fondamentaux qui seraient déjà définis dans une constitution canadienne.

M. le Président, encore une fois, je suis heureuse de voter pour cette motion. J'ai l'impression de faire ce que la population attend de nous. Pour certains, c'est difficile, peut-être de le juger à court terme, mais je pense que, à moyen et long terme, c'est le seul geste que nous puissions poser aujourd'hui pour assurer l'épanouissement du Québec, pour assurer la paix et la quiétude mais, surtout et également, pour assurer l'avenir de ce grand pays pour lequel, ici, de ce côté de l'Assemblée nationale, nous n'arrêterons pas de nous battre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Arthabaska.

M. Jacques Baril

M. Baril (Arthabaska): J'essaierai, à l'intérieur du temps qui m'est alloué, M. le Président, de vous expliquer les raisons pour lesquelles je me dois, au nom de tous les Québécois et Québécoises du comté d'Arthabaska, de m'opposer à tout geste qui pourrait porter atteinte aux droits du Québec et affecter nos pouvoirs sans notre consentement. J'essaierai de le faire avec calme, mais ça ne sera pas facile, surtout après avoir écouté, avec quelle répugnance, le ministre fédéral de la Justice commenter le jugement de la Cour suprême.

D'abord, je vous dirai que, depuis lundi, le 28 septembre dernier, des gens de tous les coins de mon comté appellent à mon bureau, tout indignés d'avoir entendu - comme je le disais tout à l'heure - les commentaires de l'honorable ministre de la Justice fédéral et Solliciteur général du Canada, M. "Johnny" Chrétien, comme il y a de plus en plus de gens qui l'appellent.

À la suite des commentaires que M. Chrétien faisait sur le jugement de la Cour suprême, quelqu'un me disait: Un grand rideau noir vient de tomber sur les provinces. Jamais, M. le Président, je n'aurais imaginé que le ministre fédéral de la Justice aurait pu avoir l'audace d'interpréter à son avantage le jugement de la plus haute cour du Canada.

En effet, M. Chrétien se vantait, tout époumoné même, d'avoir amené tout son gouvernement à appuyer le projet de M. Trudeau parce que, disait-il - je cite à peu

près ses paroles - Je le savais, moi, ministre fédéral de la Justice et Solliciteur général du Canada, que nous avions le droit d'adopter ce projet.

Pourtant, ce n'est pas tout à fait ce que le jugement dit. Le jugement dit: Aucune loi ne requiert le consentement des provinces, mais, par contre, aucune loi ne permet au gouvernement fédéral de changer quelque chose. Vous voyez dans quel cul-de-sac on se retrouve.

Le jugement va plus loin. Le jugement parle d'une convention. Une convention, c'est un accord, une entente qui existe entre partenaires. Sur ce point, le jugement dit que le consentement des provinces du Canada est constitutionnellement nécessaire à l'adoption du projet de résolution portant adresse commune à Sa Majesté la reine relativement à la constitution du Canada et que l'adoption de cette résolution sans ce consentement serait inconstitutionnelle au sens conventionnel, soit au sens de l'entente qui existe. Mais M. Chrétien s'en fout, il s'en qarde bien.

Comment expliquer ce geste? Comment croire en cet homme qui a fait miroiter toutes sortes de belles choses pour le Québec? Quand ce dernier se moque du jugement de la plus haute instance judiciaire au Canada, comment croire que ce gars-là va défendre les droits des Québécois?

Je me réjouis énormément de constater que, pour une des rares fois, nos collègues d'en face, à cause d'une situation dramatique, s'opposent majoritairement avec le gouvernement du Québec à ce projet fédéral. Je pense que nous pouvons dire que c'est le début de la fin de l'empiétement du gouvernement fédéral sur le pouvoir des provinces, mais il ne faut pas se laisser avoir pour autant. Au référendum du 20 mai 1980, vous vous rappelez ce que les Trudeau, Chrétien et compagnie nous avaient promis. Je ne vous rappellerai aucune de ces promesses parce que j'aime bien respecter le droit des personnes qui les avaient crues et je ne veux surtout pas tourner le fer dans la plaie.

Mais j'aimerais quand même mettre la population en garde parce que les députés fédéraux, pour se défendre de leur geste illégitime, disent ceci: "II faut faire vite, les gens sont tannés d'entendre parler de constitution et, lorsque cela sera fait, on pourra passer à autre chose et s'occuper d'économie. "

J'entendais ces mots prononcés par votre député fédéral, M. Claude Tessier. C'est vrai que le monde est tanné. Moi aussi, je suis tanné d'en parler et d'en entendre parler, mais il ne faut quand même pas se laisser avoir. Je demanderais à nos 73 supposés Québécois élus à Ottawa: Qu'avez-vous fait pour redresser l'économie du Québec? On vous connaît, on connaît votre rengaine, mais cela ne poigne plus, cela ne poigne plus tellement, votre affaire. Vous êtes conséquents dans vos qestes. Après les dossiers de Ford, de Chrysler, de Massey Ferguson, de LaPrade, de F-18 et j'en passe, voilà que nos 73 défenseurs du Québec laissent rouler de nouveau le dossier Volkswagen vers l'Ontario. (15 h 50)

Que faites-vous pour les taux d'intérêt excessifs? Qu'attendez-vous pour apporter de l'aide aux propriétaires de maisons? Que faites-vous pour la famille qui voit monter son remboursement hypothécaire de 500 $ à 750 $ par mois, M M. les députés fédéraux?

Sacrifiez donc une journée de vos loisirs pour faire du bureau de comté, ça vous ramènera peut-être à la réalité. Vous calculerez, avec un chômeur, comment il peut faire pour vivre et payer sa maison. Cela vous permettra ainsi d'exiger des programmes d'aide de votre gouvernement pour les plus démunis.

C'est curieux, depuis le temps où le projet d'Ottawa était devant les tribunaux, vous auriez pu, messieurs, et vous auriez dû trouver le temps pour aider l'économie du Québec. Vous l'avez pris ce temps pour encore aider l'économie de l'Ontario au détriment de celle du Québec.

Le ministre de l'Agriculture fédéral, M. Eugene Whelan, député de l'Ontario, a trouvé le temps, lui, pour donner 80 000 000 $ aux producteurs de céréales à cause des pertes qu'ils avaient supposément subies à cause de l'embargo sur la livraison des grains en Russie. Pourtant, à la suite de la grève des manutentionnaires de grains, il y a environ deux ans, les producteurs québécois ont payé jusqu'à 50 $ la tonne de plus pour leur moulée. Le fédéral n'a pas dédommagé.

M. Whelan, je l'admets, est un bon ministre. Il pense aux siens et il les aide. Pourquoi nos 73 élus ne font-ils pas un peu comme s'ils étaient des Québécois d'abord? Imaginez-vous ce que le Québec ferait avec une petite partie de ces sommes.

Je m'arrêterai ici, M. le Président, pour demander à tout le monde de toute allégeance politique de s'opposer au projet fédéral. Je demanderai à tout le monde du comté d'Arthabaska et du comté fédéral de Lotbinière d'écrire, de téléphoner ou de rencontrer notre député fédéral, M. Jean-Guy Dubois. Je suis certain qu'il aura une oreille attentive à nos revendications; nous serons plus nombreux à lui faire comprendre que, pour l'avenir du Québec, il doit voter contre son chef. Il reste deux semaines pour réfléchir. Je sais que ce n'est pas toujours facile, mais il vaut mieux se plier à la volonté de ceux et celles qui nous ont élus.

C'est évident que ce n'est pas facile pour nous de retourner à la table négocier un vieux système démodé, mais tant que nous n'aurons pas obtenu de la population le

pouvoir de faire autre chose, nous respecterons les règles du jeu.

Quant à moi, M. le Président, j'ai été élu par et pour les Québécois. Si le gouvernement fédéral veut nous enlever des pouvoirs durement acquis par nos ancêtres, il faudra qu'il me passe sur le corps parce que moi, je ne me laisserai pas avoir.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak M. Polak: M. le Président...

Une voix: J'espère qu'il va nous réveiller.

M. Polak:... comme les péquistes, je crois beaucoup dans les sondages. Depuis deux jours, j'ai fait un sondage avec le député de Verdun en parlant avec beaucoup de personnes dans la belle ville de Québec, qui, d'ailleurs, ont massivement voté péquiste la dernière fois.

On nous a dit: II y a un débat extraordinaire, d'urgence. Est-ce qu'il s'agit du problème économique, est-ce qu'il s'agit de discuter les coupures budgétaires? Nous sommes tous pour cela, c'est parfait. On a dit: Non, non, ce n'est pas pour cela que nous sommes venus, nous sommes ici pour discuter des problèmes constitutionnels. Ils ont dit: Encore une fois, un drapeau pour couvrir la marchandise. C'est juste un petit sondage, mais je pense que c'est significatif de quelque chose.

Avant d'aborder la discussion sur le contenu de la résolution qui est devant l'Assemblée, il faut d'abord que la population soit au courant de ce que je considère être la vraie raison de la vitesse extraordinaire avec laquelle le gouvernement procède. Ayant déjà attendu 54 ans, une semaine ou deux de plus n'auraient pas fait une grande différence, surtout si, d'une manière objective, on voulait se placer au niveau des vrais intérêts du Québec.

Je suis convaincu que le gouvernement tente, par cette rapidité, cette semaine, d'exploiter une certaine division au sein des libéraux, y inclus nos militants. Cependant, la vraie division existe dans le Parti québécois: on n'a qu'à voir les différents courants d'opinion qui y existent. C'est bon de se le faire rappeler. Il y a à peine une semaine, une résolution était adoptée par l'association locale péquiste d'un comté bien représenté ici par un ministre du sexe féminin. Ce comté réclamait la déclaration immédiate par le gouvernement de la souveraineté du Québec au cas où le jugement de la Cour suprême déciderait 100% en faveur du fédéral. Je me demande comment cette députée, qui représente cette association et est appuyée par ses militants, va voter vendredi, en conscience.

Un deuxième courant existe, dans de nombreux comtés péquistes, de gens qui demandent au Parti québécois dans beaucoup de résolutions, de ne plus faire campagne à l'avenir, sur la souveraineté-association, mais purement et simplement sur la souveraineté, en laissant tomber le mot "association". J'aimerais savoir comment les députés qui représentent ces comtés voteront, en toute conscience, vendredi. Que la presse pose des questions à nos députés qui sont, à certains points de vue, déchirés, d'accord, il y en a plusieurs. Mais je pense que c'est à peu près le temps que la presse commence à poser des questions de l'autre bord pour connaître leurs vraies opinions et leurs problèmes de conscience. Cela existe.

Il y a un troisième groupe, parmi les péquistes, qui croit encore en la formule de la souveraineté-association. Quelle que soit la manière d'analyser toutes ces formules, il y a une chose que toutes les formules ont en commun, c'est le bris du pays.

M. Landry: Et l'indépendance du Québec!

M. Polak: Pour tous les députés libéraux et pour tous nos militants, ceci n'est pas négociable. Jamais! Il n'y a aucun doute que le Parti québécois, avec la rapidité avec laquelle il exige un vote vendredi, a bien pensé à son congrès qui se tiendra en fin de semaine à Jonquière. Je suggère au premier ministre - je suis content de savoir qu'il est venu m'écouter - que le seul mandat que la résolution de notre Assemblée lui confie est d'avoir, dans le plus bref délai, des négociations entre le fédéral et les provinces. On demande que M. Lévesque y aille non pas pour y faire échec, mais pour trouver une formule acceptable aux parties en cause.

L'opinion publigue, après la résolution qui sera acceptée sans doute vendredi, suivra les paroles et les gestes du gouvernement. Nous, de notre côté, nous serons ici, à l'Assemblée, pour vous rappeler continuellement le vrai sens de la résolution qui, d'ailleurs, dans son texte final - je pense que le public n'a pas encore compris cela - est présentée, à toutes fins utiles, par les libéraux. Je vous expliquerai plus tard pourquoi et comment.

Une voix: Comme cela, vous votez contre? (16 heures)

M. Polak: Non, je ne vote pas contre du tout, je vote pour, mais vous votez pour notre résolution.

Maintenant, il faudrait parler d'une façon objective de la décision rendue par la Cour suprême. C'est bizarre que le chef du

Parti québécois, le premier ministre, M. René Lévesque, qui a toujours déclaré que la Cour suprême était une tour de Pise qui ne penche que dans une direction, fasse maintenant l'éloge de la sagesse de six juges sur neuf quant à la réponse à certaines questions. En toute objectivité, le jugement donne raison aux deux parties, c'est-à-dire au fédéral sur le plan légal et aux provinces sur le plan des conventions constitutionnelles, ce que le public nomme l'immoralité du geste.

Il ne faut pas sous-estimer la force des conventions. Savez-vous, M. le Président, quand ils commencent à rire de l'autre côté, c'est parce qu'ils ont peur de ce que je dis. Continuez à rire; moi, je continue à parler. Je parle de la force des conventions constitutionnelles que les six juges déclarent et je cite le jugement: Le principe fédéral est irréconciliable avec un état des affaires où l'action unilatérale des autorités fédérales peut entraîner la modification des pouvoirs législatifs provinciaux. Je suis d'accord avec ça. Si jamais, M. le Président, le temps est propice et le moment est venu de négocier d'une manière positive, c'est maintenant. Une partie, c'est-à-dire le fédéral, a un argument légal en sa faveur qui l'autorise même à procéder unilatéralement et l'autre partie, c'est-à-dire les provinces, a l'argument essentiel de la convention constitutionnelle.

D'ailleurs, MM. Favreau et Trudeau comprenaient la pesanteur de cet argument quand ils ont dit en 1965 dans un livre blanc: "Le Parlement du Canada ne devrait pas modifier la constitution en touchant aux rapports fédératifs sans avoir auparavant consulté les provinces et obtenu leur assentiment". Sans doute, ce sont justement ces paroles qui ont inspiré M. Trudeau de réagir au jugement de la Cour suprême pendant sa première conférence de presse quand il s'est montré conciliant au point de vue des négociations finales. Je crois beaucoup dans ces négociations et je ne vois dans la résolution devant nous qu'un geste positif d'amener M. Trudeau à cette table de négociations. Je doute fort, cependant, que M. Lévesque ait la vraie intention de négocier de bonne foi et, ultérieurement, il ne désire que le bris du pays. Une telle attitude est un autre pas dans la stratégie étapiste qui va se terminer au moment où M. René Lévesque sera président de la république du Québec.

Personnellement, je ne pourrai jamais renoncer au principe du fédéralisme canadien. Mais ça ne voudrait pas dire du tout que nous sommes la cinquième roue du carrosse de M. Trudeau. Si c'est vrai, ce que j'ai lu dans les journaux, à savoir que M. Chrétien, le ministre fédéral de la Justice, aurait appelé M. Ryan un fou, je n'accepte pas une telle remarque et je suis certain qu'aucun membre de cette Assemblée n'accepte une telle remarque. Je crois que M. Chrétien, lui, commettrait - et je vais être poli - un acte de folie en refusant de néqocier avec les provinces. Moi, j'ai été élu pour représenter ici à l'Assemblée nationale, M. le Président, les intérêts des Québécois et Québécoises et je suis autant capable que M. Lévesque de le faire d'une manière objective, mais, pour moi, en souscrivant entièrement à une position prise il y a à peine deux semaines à notre conseil général où nous avons affirmé que nous sommes d'abord élus pour représenter les intérêts du Québec, mais ceci toujours dans le cadre d'une fédération canadienne.

When it comes to protecting the rights of minorities, I assure you that those minorities are very vocal and well represented in the Liberal party, that we understand and that we live their fears and anxieties and that we shall fight for a better Québec and all of its citizens. We shall never renounce, not one of us, to the Canadian federalism. That, to all of us, is simply not negotiable. In my view, the breaking up of our country shall never become acceptable to the majority of all Quebeckers. However, Mr. Trudeau must also realize that the population wishes him to sit down with the premiers and negotiate. If Mr. Lévesque torpedoes any such successful and positive negotiations, the public opinion will judge him and will praise us for having requested such negotiations by not only supporting the present resolution but by being instrumental, us, the Liberal Party of Québec, in drafting the final and real text.

M. le Président, en relisant maintenant le texte de la résolution qui est devant nous, ce texte ne veut aucunement dire que nous votons avec le PQ, mais que nous votons -et c'est le vrai sens de ce texte - pour les intérêts du Québec en demandant à M. Trudeau et aux provinces de négocier immédiatement. On pourrait peut-être appeler cela tordre le bras de M. Trudeau, mais c'est d'ailleurs le message qui ressort clairement du jugement de la Cour suprême.

En ce qui concerne le texte même de la résolution, c'est maintenant rendu public dans les journaux et dans les médias que notre parti, le Parti libéral, a apporté des amendements substantiels au projet de résolution qui a été soumis en premier lieu. Le projet de résolution disait, et je cite, c'est le premier projet qui a été soumis, la vraie pensée du Parti québécois: "Que l'action unilatérale du gouvernement fédéral est inconstitutionnelle. " Le texte s'arrête là. Mais les mots de ce texte soumis par le gouvernement péquiste sont malhonnêtes, parce que ce texte a omis une partie aussi importante du jugement de la Cour suprême qui a décidé que M. Trudeau avait raison sur le plan légal.

M. le Président, c'est tricher la population que de se servir d'une manière

partisane d'une partie seulement de la conclusion essentielle du jugement de la Cour suprême. C'est le Parti libéral ici, de ce côté de la Chambre, qui a réussi à faire insérer dans le texte de la résolution qui est devant nous que l'action du gouvernement fédéral était aussi légale.

C'est le premier changement d'importance. De plus, - deuxième changement - le texte original du projet devant nous, qui a été publié dans les journaux et qui nous a été soumis, disait clairement, et je cite: "Que cette Assemblée refuse - c'est le mot qui était dans le texte - tout geste qui pourrait porter atteinte à nos droits. "

Une telle terminologie est totalement inacceptable parce que la conséquence logique de ce raisonnement amènerait à la seule conclusion que le gouvernement serait prêt à aller jusqu'à la désobéissance civile.

C'est le Parti libéral, c'est nous, de ce côté-ci de la Chambre, qui avons réussi à faire amender ce texte en changeant le mot "refuse" par le mot "s'oppose". J'espère, et je le répète, que M. Lévesque a bien compris le sens de cet amendement. Hier soir, pendant son discours, il est allé assez loin en spéculant sur les conséquences et dans son esprit, le mot "refuse" primait peut-être encore, mais le mot est là maintenant, "s'oppose". Il y a une différence. (16 h 10)

Finalement, M. le Président, le grand changement, le point essentiel de la résolution, c'est l'amendement et l'insertion d'un texte et d'un troisième paragraphe qui ne se trouvaient aucunement dans le texte original. Le troisième paragraphe, c'est notre paragraphe, c'est le paragraphe du Parti libéral, et j'en suis fier. On l'a accepté et il est là. Il est important qu'on lise ce texte - parce que ce n'est pas tout le monde, parmi le public, qui le connaît - qui a été suggéré par nous et qui fait partie de la résolution. Pour la première fois, nous avons réussi à le faire insérer. Cela ne vient pas de vous, c'est notre résolution. Voici ce texte: "... et demande au gouvernement fédéral et à ceux des provinces qu'ils reprennent sans délai les négociations dans le respect des principes et des conventions qui doivent régir les modifications du régime fédéral canadien. " C'est fort, mais c'est là-dedans!

Ce texte est clair. Il ne donne aucun mandat à M. Lévesque de briser le pays, mais lui dit de demander des négociations immédiates. Il serait préférable d'expliquer cela à vos militants, en fin de semaine, au congrès de Jonquière.

Le premier ministre a parlé, hier, dans son discours, d'un petit livret qui s'appelle Minute Ottawa! Je l'ai, ici, devant moi. D'ailleurs, il est distribué dans les magasins de la Société des alcools, selon les ordres du gouvernement; j'en ai eu un quand j'ai acheté une bouteille de vin il y a trois jours, alors que j'étais nerveux. Je peux dire aux péquistes que le vin était bon, je suis d'accord là-dessus. Mais je considère que ce texte est incendiaire; c'est une déclaration de guerre. C'est vrai que ce petit livre a été distribué avant le jugement de la Cour suprême, et peut-être le premier ministre du Québec était-il convaincu d'une victoire totale de M. Trudeau devant la Cour suprême. Donc, le livre, c'est la guerre. Maintenant, on a le jugement, et M. Lévesgue en cite une page avec grande appréciation pour la sagesse des juges.

Peut-être est-il temps, s'il reste encore de l'argent dans les coffres de l'État, de publier à nouveau ce même livre en prenant en considération, cette fois, la décision de la Cour suprême et, ce qui est le plus important, en prenant en considération le texte de la résolution qui est devant nous, lequel a été amendé par le Parti libéral, comme je l'ai expliqué, d'une telle manière qu'il est devenu un texte, à toutes fins utiles, soumis par nous, ne l'oublions pas. Le nouveau petit livre devrait s'intitulier comme suit: "Minute Ottawa! j'arrive, il faut se parler. " Cela, ce serait objectif.

M. le Président, je ne ferai pas trop de commentaires sur le contenu du livre, le temps manque. Mais quand on affirme, dans ce petit livre, que la position de M. Trudeau sur la mobilité de la main-d'oeuvre aurait des effets absolument néfastes sur la situation de l'emploi pour les travailleurs du Québec et que les chantiers du Québec seraient envahis, je suggère que ceci, encore une fois, est une approche partisane de petite politique. On a oublié de dire qu'il y a des milliers de travailleurs québécois qui gagnent très bien leur vie sur les chantiers d'une autre province et qui en sont fiers. Ils sont souvent allés travailler là parce que le présent gouvernement, par la ruine économique de notre province, n'a pas réussi à créer des emplois pour eux. Ce sont les raisons pour lesquelles ils sont là.

Je termine, M. le Président, en vous expliquant le vrai sens de la résolution que je suis prêt à accepter. Je suis fier que ce soit nous qui ayons rédigé le texte final que vous avez accepté. Je suis prêt à l'appuyer, mais nous vous reparlerons, à l'avenir, et à toutes les occasions possibles, du contenu et du vrai sens de cette résolution. Que les journaux arrêtent de nous considérer comme ayant voté avec les péquistes. On ne votera jamais avec les péquistes, mais on vote pour une résolution libérale dans l'intérêt du Québec et du Canada.

D'ailleurs, c'est le seul sens et la seule interprétation qu'on puisse donner à ce texte en toute objectivité. Lisez-le. Ceux qui ont ri, lisez-le pour vous rappeler le contenu du

texte. Nous ne sommes pas dans le même lit que les péquistes, mais nous sommes dans le lit - j'apprécie ça de temps en temps être dans un lit, mais pas avec vous autres - de presque toutes les provinces canadiennes en cherchant une formule équitable pour les provinces, pour le Québec et pour un fédéralisme renouvelé. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Taschereau.

M. Richard Guay

M. Guay: Merci, M. le Président. Vous me permettrez de ramener le débat à un ton un peu plus serein, comme il était auparavant.

Une voix: Plus sérieux aussi.

M. Guay: Plus sérieux, me dit-on.

Je pense que la population sait déjà et est à même de comprendre que le texte qui a été rédigé a fait l'objet de négociations entre les deux partis. De là à dire que c'est un texte libéral, c'est quand même complètement ridicule.

Par contre, si le député de Sainte-Anne est heureux du chanqement qui fait que le mot "refuse" a été remplacé par le mot "s'oppose", je l'invite à consulter un dictionnaire; il constatera sans doute que le mot "s'oppose" est tout aussi fort, pour ne pas dire plus, que le mot "refuse".

M. Polak: S'objecte.

M. Guay: II est très énervé, le député de Sainte-Anne, aujourd'hui!

M. le Président, nous sommes donc réunis en session d'urqence, en session exceptionnelle. Pourquoi? Parce que, malgré le jugement de la Cour suprême qui lui est, somme toute, défavorable, le gouvernement d'Ottawa, le gouvernement de M. Trudeau a décidé d'aller de l'avant - c'est ce que le ministre de la Justice a annoncé, c'est ce que le premier ministre fédéral a annoncé -avec un coup de force constitutionnel qui siphonnerait, sans leur consentement, les pouvoirs des Assemblées législatives des provinces et, en ce qui nous concerne, de l'Assemblée nationale du Québec.

C'est curieux que, dans la situation actuelle, au moment où tous les Canadiens -et par conséquent tous les Québécois - sont confrontés à des problèmes économiques d'une gravité telle qu'il faut remonter à la crise des années trente pour y trouver un rapport, à des taux d'intérêt de 18% et 20%, à des hypothèques qui sont tellement élevées que des Canadiens et des Québécois sont obligés de vendre leur maison, à un taux d'inflation de 13% qui fait que les ménages, les familles ont de la difficulté à joindre les deux bouts, à un chômage anormalement élevé, au moment où le Canada - le Québec, par conséquent - est en pleine crise économique et au moment où on aurait pensé, du gouvernement d'Ottawa, puisque c'est sa responsabilité...

L'Acte de l'Amérique du Nord britannique, que M. Trudeau veut faire modifier, est très clair là-dessus. Les pouvoirs exclusifs du gouvernement d'Ottawa sur la monnaie, sur les banques, sur l'intérêt sont clairement énoncés dans l'article 91. La crise économigue actuelle qui confronte tous les Canadiens, c'est la responsabilité du gouvernement fédéral.

On aurait pensé, dans une situation comme celle-là, que le gouvernement fédéral se serait empressé de chercher à remédier à la situation. Mais non, on fait comme s'il n'y en avait pas. Le ministre des Finances fédéral tantôt rencontre les banques, on "parlotte", on "jasouille", mais, finalement, les problèmes concrets que vivent les familles québécoises et les familles canadiennes au jour le jour ces temps-ci, on s'en moque comme de l'an quarante. Non seulement on ne règle pas les vrais problèmes, mais on a décidé d'en créer un et de plonger le pays dans la pire crise constitutionnelle qu'il ait jamais vécue. Et ça, c'est le gouvernement fédéral, le gouvernement d'Ottawa qui l'a décidé.

Appelé à porter un jugement sur la question, le plus haut tribunal du pays, la Cour suprême, déclare que la façon de procéder unilatérale d'Ottawa, sans le consentement des provinces impliquées, est inconstitutionnelle au sens des conventions. Mais la cour ajoute que la constitution du pays est formée à la fois de conventions et du droit constitutionnel et que le gouvernement d'Ottawa devrait agir en vertu des deux et non pas uniquement en vertu de la moitié, si l'on veut, en vertu de la stricte légalité du droit constitutionnel. Il doit aussi agir en vertu des conventions, parce que ces conventions font partie de ce qui nous gouverne quotidiennement et, le jour où on abandonne ces conventions, où on les balance par-dessus bord, c'est tout l'édifice administratif, toute la confiance des citoyens dans leur gouvernement qui s'estompe. (16 h 20)

Sait-on seulement, M. le Président, à titre d'exemple de ces conventions, que dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, notre constitution, il n'est nulle part mentionné le poste qu'occupe M. Trudeau? Le poste de premier ministre n'existe pas dans la constitution. Il n'existe pas en droit. C'est une convention. Les pouvoirs, en fait, sont plutôt conférés au gouverneur général, le représentant de la reine, mais s'il fallait qu'il les exerce, ce serait un scandale. Pourquoi? Parce que, en vertu d'une autre convention, le gouverneur général a cédé ses

pouvoirs depuis longtemps au premier ministre.

Sait-on même que si M. Trudeau est au pouvoir aujourd'hui à Ottawa, c'est en vertu d'une convention, celle qui a fait que quand M. Clark était premier ministre, ayant été battu en Chambre sur son budget, il a démissionné et il y a eu des élections? Il n'y a rien, nulle part dans la constitution, qui obligeait M. Clark à faire cela, ni à démissionner ni à déclencher des élections. C'est purement une convention, importante, on en convient. M. Trudeau devrait le reconnaître. C'est grâce à elle s'il est revenu au pouvoir plutôt que d'être à la retraite aujourd'hui. Pourtant, aujourd'hui, M. Trudeau nous dit: Les conventions, vous savez, il faut s'adapter.

Les conventions n'existent pas seulement dans le domaine constitutionnel. C'est une chose qui, quotidiennement, régit nos vies. Quand on rencontre quelqu'un, on lui serre la main. Il n'y a pas de loi qui dit cela, il n'y a pas de règlement qui l'oblige ou l'interdise. C'est une convention qui fait qu'on serre la main à quelqu'un quand on le rencontre. Demain matin, on peut balayer les conventions et dire: II faut s'adapter, il faut s'ajuster et on peut changer, on peut même à la place lui cracher dessus. Ce serait un comportement assez curieux et, pourtant, c'est le comportement qu'a choisi M. Trudeau, de cracher sur les provinces au moment où, constitutionnellement, d'après la Cour suprême, il faudrait que le fédéral, Ottawa et les provinces se serrent la main pour en arriver à un accord. Au contraire, M. Trudeau fait fi de l'accord des provinces et, manifeste une fois de plus son mépris pour les provinces.

On nous dit - c'est un argument du très raffiné M. Chrétien - qu'il y a urqence dans la demeure. Cela fait 54 ans, paraît-il, que cela dure. La population du Canada en a soupé. Elle est tannée, elle est excédée. C'est d'une urgence épouvantable d'agir; la dignité du Canada fait qu'on ne peut plus attendre une seule journée avant que sa constitution soit à Ottawa.

Les gens qui m'en ont parlé dans mon comté m'ont dit: L'Acte de l'Amérique du Nord britannique ne fait manger personne. Je pense qu'ils ont raison. Il me semble que, si on a réussi à vivre jusqu'à maintenant pendant 113 ans avec un Acte de l'Amérique du Nord britannique qui n'était pas ici, on peut continuer, 114, 115 ans, enfin, jusqu'à temps que le problème se règle par consensus, avec le consentement des parties impliquées. Où est l'urgence? Si l'on veut vraiment rapatrier - le premier ministre l'a indiqué hier dans son discours - si c'est uniquement une question de rapatriement et de formule d'amendement, M. Trudeau n'a qu'à signer l'accord des huit provinces et le problème va être réglé sans qu'il y ait crise, sans qu'il y ait tout ce bouleversement, et le gouvernement fédéral va peut-être s'occuper des problèmes des citoyens au jour le jour. Non. La vérité, c'est qu'on veut profiter, sous le couvert du rapatriement contre lequel personne n'est, au fond, de cette situation pour demander à Londres de siphonner les pouvoirs des provinces. En d'autres mots, ce qu'Ottawa ne peut pas faire directement, il demande à Londres de le faire.

La Cour suprême, là-dessus, a un passage qui est intéressant et qui rappelle la nécessité de respecter les conventions lorsqu'elle dit: "Le but de cette règle conventionnelle - celle d'avoir l'accord des provinces - est de protéger le caractère fédéral de la constitution canadienne et d'éviter l'anomalie par laquelle la Chambre des communes et le Sénat pourraient obtenir, par simple résolution, ce qu'ils ne pourraient validement accomplir par une loi. " En d'autres mots, ils ne peuvent pas le faire par la loi s'ils le font directement. Ils font une résolution et ils demandent à Londres de faire "la sale job" pour eux et puis de leur envoyer cela. Voilà la situation. L'urgence de M. Chrétien et de M. Trudeau, ce n'est pas pour rapatrier. Ce n'est pas vrai. C'est qu'on a décidé d'aller siphonner les pouvoirs des provinces et d'affaiblir, par le fait même, l'Assemblée nationale du Québec.

On invoque, pour justifier cela, l'appui de la population, les pressions populaires pour que la constitution soit rapatriée. Mais c'est mentir à la population. C'est mentir effrontément à la population. Le gouvernement Trudeau n'a jamais sollicité de mandat pour faire ce qu'il fait et il ne l'a jamais obtenu. Lors des dernières élections fédérales, il n'a jamais été question, de la part du Parti libéral fédéral que l'on pose ce geste pendant le mandat qui vient. Il n'a aucun mandat pour agir de la sorte.

Quand on lui dit: Allez donc chercher un mandat, faites un référendum, faites une élection générale, il dit: Non, non, non, non. Oh! Que non! Et on sait très bien pourquoi. La population n'en veut pas, ça me semble assez clair.

Quels sont les analystes qui n'ont pas, au lendemain du 13 avril dernier, attribué en partie à l'attitude du gouvernement Trudeau le résultat du vote des Québécois qui voulaient ici un gouvernement qui défendrait le Québec contre ce coup de force? Et si ce n'était pas assez clair, reportons-nous aux élections fédérales complémentaires de Joliette et de Spadina, cet été Spadina, M. le Président, c'est l'Outremont de Toronto, pour le Parti libéral fédéral. Cela ne se perd pas. Pourtant, ils l'ont perdu, ils ont réussi à le perdre.

Dans Joliette, M. LaSalle, qui avait été élu avec 500 voix la dernière fois, a eu une majorité écrasante, cette fois-ci, de 13 000 voix. Il me semble que si c'est ça l'appui de

la population au gouvernement Trudeau, c'est un drôle d'appui.

De toute façon, tous les sondages sont très clairs. La population n'en veut pas et le gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale du Québec sont pleinement justifiés aujourd'hui d'étudier une résolution s'opposant à ce coup de force absolument inadmissible, illégitime et contraire aux règles constitutionnelles du pays.

Au fond, ce à quoi nous assistons, M. le Président, et c'est dommage, c'est qu'au moment où le Canada vit une crise économique, au moment où les Canadiens ont besoin de nouvelles politiques économiques, d'une nouvelle direction économique, pour créer de l'emploi, pour abaisser les taux d'intérêt pour pouvoir payer leurs hypothèques, pour diminuer le taux d'inflation pour que les familles puissent joindre les deux bouts, au moment où c'est ça que devrait faire le gouvernement fédéral, parce que c'est sa responsabilité, on voit plutôt un gouvernement soumis aux obsessions d'un homme, M. Trudeau, qui, depuis longtemps, a décidé qu'il allait mettre le Québec au pas. Peu importe que ce soit une priorité ou non, peu importe que ça corresponde aux besoins et aux désirs de la population, cela n'a aucune importance.

Entre-temps, celui-ci, comme on le sait, voyage de par le vaste monde. Le dialogue Nord-Sud, comment construire entre les pays industrialisés et les pays sous-développés un nouvel ordre économique, c'est très bien, je suis tout à fait pour ça, je n'ai rien contre, sauf qu'il me semble assez curieux qu'on consulte et qu'on conseille les autres sur un nouvel édifice alors que la maison brûle ici même au pays.

Je n'ai rien contre le fait que le premier ministre fédéral ait des rencontres avec ses homologues, mais je me dis qu'il pourrait peut-être revenir à Ottawa de temps à autre, parce que, en lisant les journaux, on apprend qu'il était en Arabie Saoudite, en Europe, en Algérie, au Kenya, en Corée, d'où il a daigné s'adresser à nous, en Australie, à l'heure actuelle, aux États-Unis. Quelqu'un pourrait peut-être lui dire, lorsqu'il passera à Ottawa pour changer de valise, qu'il y a des problèmes sérieux ici au Canada et que la constitution et le coup de force constitutionnel, ça ne répond pas d'une part à ce que les Canadiens et les Québécois veulent sur le plan constitutionnel, et que c'est créer un problème, alors qu'on ne règle pas le problème de l'heure, qui est du domaine économique et qui est de la responsabilité du gouvernement fédéral.

Si M. Trudeau peut agir ainsi, hélas, mon collègue d'Arthabaska l'a souligné, c'est avec la complicité passive, béate, des 72 ou 73 anonymes invertébrés qui constituent le caucus libéral fédéral du Québec, dont on entend rarement parler, qui, de toute évidence, ne défendent pas les intérêts du Québec, mon collègue l'a souligné tantôt, dans le dossier Volkswagen et dans combien d'autres dossiers! Eux qui sont élus par la population pour défendre les intérêts du Québec à Ottawa, ils sont en train de se rendre complices de ce que le député de Saint-Laurent, de l'autre côté de cette Chambre - et je pense qu'il a raison - a appelé un coup d'État, l'usurpation, carrément l'usurpation du pouvoir par le gouvernement d'Ottawa, par le premier ministre Trudeau.

On peut se demander à quoi sert d'élire ces gens pour défendre nos droits à Ottawa, si tout ce qu'ils savent faire, c'est ça. (16 h 30)

En tout cas, M. le Président, si jamais ça devait passer, ce coup de force unilatéral d'Ottawa, il faudra sûrement modifier en même temps l'hymne national parce que, vous le savez, celui-ci se termine ainsi, parlant du Canada: "Ta valeur, de foi trempée, protégera nos foyers et nos droits". C'est la version canadienne-française du Ô Canada: Le Canada protégera nos foyers et nos droits. Avec les taux d'intérêt en vigueur et avec le coup de force du gouvernement fédéral, il faudra changer cela pour: Nous évincera de nos foyers et violera nos droits.

Pour ma part - et je termine là-dessus - à titre de simple député et de représentant des électeurs de Taschereau, fier de l'être, honoré du mandat qu'ils m'ont confié à une deuxième reprise, sans me prendre pour un autre - un député, c'est un député, sans plus sans moins - je puis vous dire, pour employer une expression anglaise bien connue, que le coup de force de M. Trudeau, il va passer "over my dead body". Je puis vous dire que quant à moi, tant que je siégerai en cette Chambre, jamais je ne m'y soumettrai. Je pense qu'en cela je me fais le fidèle reflet de la volonté des citoyens de Taschereau, ce comté où se trouve le berceau de la Nouvelle-France, soit le Vieux-Québec, Notre-Dame-des-Victoires, les quartiers de Saint-Sauveur, Saint-Roch et Saint-Jean-Baptiste, le centre-ville de notre capitale nationale. Je vous dis que jamais, au grand jamais, pour ma part, je ne m'y soumettrai.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est encore une fois, comme membre de la fournée du 13 avril des nouveaux députés en cette Chambre, un privilège toujours renouvelé d'assister, de façon presque répétée et, je dirais, quotidienne, à des moments historiques. Je présume que nous sommes choyés, nous, les nouveaux députés, d'avoir connu d'abord une mini-session maxi

complète et maxi pleine de toutes les interventions et toutes les actions qu'un gouvernement doit faire et entreprendre. Nous avons eu droit à un re-discours du rebudget dès notre arrivée, à des moments historiques parce que je pense que c'était la première fois - je ne veux pas m'étendre là-dessus - que de l'avis même du premier ministre un budget était présenté en catastrophe. Je crois que c'était un précédent historique que, bien tardivement, onze membres du gouvernement se soient joints, avec retard, je le dis, à la motion de blâme que j'avais le plaisir de présenter en cette Chambre.

M. Lalonde: Ils avaient voté contre.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ils n'avaient pas, effectivement, voté avec nous à l'époque, mais l'intersession leur a peut-être porté conseil.

Je suis heureux de voir que des ralliements peuvent s'effectuer à l'Assemblée nationale, des ralliements partiels ou tardifs, mais des ralliements quand même. C'est assez surprenant, finalement, de voir le ralliement des gens qui sont ici, aujourd'hui, devant les événements que nous connaissons, alors qu'on est parfaitement en droit de demander: Où étiez-vous, messieurs du gouvernement, depuis treize ans maintenant, je crois, que votre parti existe? Depuis 1968, alors que les partis du Québec tentaient, tous, de renouveler la fédération canadienne, où étiez-vous? Vous fondiez un parti qui était voué à la séparation politique, à l'indépendance politique du Québec.

Où étiez-vous, alors que le Parti libéral du Québec, plus particulièrement depuis quatre ans, est devenu le seul parti politique canadien qui a proposé un modèle de révision globale de la fédération canadienne? Vous qualifiiez alors nos efforts de torchons. Où étiez-vous, à ce moment-là? Que disiez-vous des institutions fédérales comme la Cour suprême, lorsqu'elle rendait des décisions qui n'avait pas l'heur, évidemment, d'aller dans le sens de la promotion de votre option d'indépendance politique du Québec? J'aime autant, par respect pour l'institution de la Cour suprême, grâce à qui, d'ailleurs, nous sommes ici aujourd'hui, grâce à laquelle nous pouvons constater ou être les témoins d'un ralliement dans cette Chambre, j'aime autant ne pas répéter ce que nous entendions de l'autre côté de la Chambre à propos de la Cour suprême.

Mais aujourd'hui nous avons devant nous, de façon plus particulière, une manifestation des démarches d'un gouvernement fédéral. Il ne faut pas confondre et je pense qu'il est extrêmement important que tous les électeurs, toute la population du Québec, voient la distinction qui peut exister entre le régime fédéral lui- même et les manifestations auxquelles il peut donner lieu. Nous avons devant nous aujourd'hui une motion qui émane des deux côtés de la Chambre finalement, qui nous appelle à nous prononcer sur une démarche précise, non pas à faire un jugement de valeur quant au régime fédéral dans lequel les Canadiens et les Québécois vivent.

Nous avons demandé tous, et nous les premiers, aux tribunaux de constater si, oui ou non, comme nous le prétendions, la façon canadienne de régler les choses pour l'avenir et de rebâtir ensemble était la marque de la démarche du gouvernement fédéral actuel et c'est de ça qu'on parle. Cette institution fédérale qu'est la Cour suprême, qui regroupe des juristes de toutes les parties du Canada, a décidé que la démarche du gouvernement fédéral actuel n'est pas conforme à la façon canadienne de faire les choses. Nous nous sommes opposés, dès le départ, nous du Parti libéral du Québec, à la façon de faire, à la faveur d'un ensemble de circonstances que nous connaissons trop bien surtout depuis cinq ans, du gouvernement fédéral actuel. Nous nous y sommes opposés avec d'autres gens, encore des conversions tardives dans le cas de M. Broadbent qui n'est pas péquiste, je pense, de M. Clark et de ses troupes, qui ne sont pas péquistes et des gouvernements unanimes, par le biais de leur Législature, de sept autres provinces canadiennes.

Nous avons donc devant nous une manifestation, peut-être pour des raisons purement politiques et ponctuelles, à laquelle peut se livrer à un moment donné un parti politique dans l'histoire. Mais je pense que c'est faire bien peu de cas de cette distinction extrêmement importante entre la démarche du gouvernement libéral fédéral, disons-le, et, par ailleurs, la façon éventuelle dont nous pourrons régler les choses entre Canadiens à l'intérieur d'un régime fédéral. Quand je vois, malheureusement, cette confusion qui est entretenue par le gouvernement du Québec, je déplore vivement qu'on tente de confondre dans l'esprit de la population le régime fédéral lui-même qui permet à des intérêts divers de coexister avec la démarche devant laquelle nous sommes aujourd'hui et d'invoquer, étrangement d'ailleurs, graphiquement le drapeau britannique qui constitue finalement un des remparts derrière lesquels nous pouvons, nous de la Législature ici au Québec, nous réfugier.

Nous faisons appel en ce moment à Londres. La Cour suprême a fait appel à des traditions britanniques que nous avons adoptées, nous les Canadiens, afin de faire évoluer notre système. Il ne faut pas confondre. (16 h 40)

Je trouve extrêmement malheureux que le gouvernement de ces temps-ci utilise la

propagande, peut-être pour répondre à de la propagande, propagande qui émane des gens qui sont chargés de la démarche de l'autre côté, qui ont réussi eux aussi à entretenir peut-être pas de la confusion, mais de la sursimplification des véritables enjeux, à tel point qu'on est en train de nous expliguer que ce n'est pas tellement l'auto de la constitution canadienne qui sera changée, mais simplement la plaque qui se lit aujourd'hui "Grande-Bretagne" et qu'on transformera, selon le gouvernement fédéral, en plaque canadienne sans changer la carrosserie ou quoi que ce soit. Après, on ira apparemment au garage. Ce n'est pas le cas. On est en train de changer l'auto. On est surtout en train, entre autres, d'empêcher l'Assemblée nationale du Québec de changer les pièces dans la voiture et d'y inclure peut-être un manuel d'instructions en français, à certains égards.

Devant cette manifestation ponctuelle aujourd'hui, nous avons l'occasion comme parlementaires ici, à Québec, de nous prononcer sur une motion qui doit, à mon sens, satisfaire à trois conditions: nous permettre, à mes collègues et à moi-même, tous ensemble ici, de réaffirmer que nous vivons en régime fédéral et que ce régime fédéral a bien servi les Canadiens et les Québécois, mais peut encore mieux les servir. Je ne vois rien dans cette motion qui m'empêche de réaffirmer constamment que je crois que le fédéralisme canadien constitue la meilleure garantie de notre prospérité et de notre liberté à nous tous, Québécois et les autres Canadiens.

Je pense qu'il est important également que, pour l'avenir, cette résolution, cette motion, si elle était appuyée par un parlementaire qui siège ici, lui permette de continuer à explorer les façons de changer la fédération canadienne sans pour autant l'abolir bêtement et simplement. Cette motion me permet à moi, pour l'avenir, de continuer à travailler dans le sens où j'ai toujours travaillé. Troisièmement, cette motion ne doit certainement pas me donner l'occasion de me déclarer péquiste. Je ne vois rien de particulier dans cette motion tout de même qénérale qui permette à quiconque de prétendre que je suis devenu membre du Parti québécois ou sympathisant péquiste ou, de toute façon et de façon plus générale, un des adeptes de la souveraineté du Québec. Je me permettrai à ce moment-ci de faire un peu comme notre collègue, le député de Vachon, et réaffirmer ces principes pour nos concitoyens de langue anglaise.

What this motion really does is enable all of the Members who sit here, certainly myself and my colleagues on this side of the House, to reaffirm that we believe that the Canadian federation and federalism constitute the best way for Quebeckers and Canadians to prosper and to maintain their freedom and liberties. I think, secondly, that for the future, it should enable us to keep on working to improve the Canadian federation and thirdly, most certainly, this motion should not enable anyone in his right mind to claim that I am now a member of the PQ. I think what is central to the whole issue is that the Supreme Court has told all Canadians that the way the present federal government is behaving is not the Canadian way. I happen to support the Canadian way and I happen to believe that this particular motion before the House enables me to state that quite clearly.

Avec une réserve extrêmement importante, c'est que l'appui à cette motion doit s'accompaqner d'une vigilance afin que l'Assemblée nationale ne se retrouve pas un jour en face d'une situation où le gouvernement, s'en prévalant ou l'invoguant, puisse prétendre poser des actions ou prendre des initiatives qui font progresser la thèse du parti que le gouvernement représente, le Parti québécois. Des observateurs ont souligné qu'il est bien beau de s'opposer à ce à quoi la Cour suprême nous justifie de nous opposer, mais il faut encore y donner du contenu, et le contenu, du côté ministériel, laisse grandement à désirer si on recherche une solution au renouvellement de la fédération canadienne. C'est donc notre rôle d'être vigilants.

Par ailleurs, j'inviterais également les membres de la presse à diffuser les expressions de notre vigilance. Je trouve proprement invraisemblable qu'on puisse écrire qu'un appui à cette motion nous met tous dans une situation extrêmement difficile, tous, autant que nous sommes, ici, des deux côtés de la Chambre, et nous rend incapables de nous soustraire à des initiatives du gouvernement afin de faire promouvoir, par référendum ou élection référendaire, la souveraineté du Québec. Ma réponse à cela est fort simple: Toute initiative du gouvernement invoguant cette motion afin de faire progresser par référendum ou voie référendaire son option de souveraineté sera combattue, comme nous l'avons toujours fait, par nous du Parti libéral du Québec.

Il me semble clairement et nettement que notre obligation, comme parlementaires, c'est de dire: La manifestation à laquelle nous assistons de la part d'un gouvernement aujourd'hui au pouvoir à Ottawa doit être contrée par cette Chambre. On réduit nos pouvoirs, on réduit notre champ d'action traditionnel, ce qui serait - on verra un jour - acceptable si nous pouvions y consentir. Mais nous n'y consentons point, et il me semble que, en toute logigue, on doit, à ce moment-là, s'y opposer. Vous me permettrez, M. le Président, d'annoncer tout de suite que, lors du vote, j'entends appuyer cette motion de la Chambre.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Claude Morin

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je ne sais pas si c'est le hasard qui fait bien les choses, mais il faut, avant d'aller plus loin, que je signale un fait qui m'est plus proprement personnel, ce sont vraiment les circonstances qui m'y amènent. II y a exactement dix ans, aujourd'hui, 1er octobre, à cinq heures de l'après-midi - non pas à 4 h 50, donc, je suis dix minutes en avance - je démissionnais de mon poste de sous-ministre des Affaires inter- gouvernementales, à l'époque où M. Bourassa était au pouvoir. Je me souviens tout particulièrement de l'heure qu'il était et, alors que je pensais un peu à l'avenir, je me disais: Dans dix ans, dans vingt ans, où est-ce que je serai? Qu'est-ce que je ferai? Quand on démissionne d'un poste comme celui-là, on se demande toujours, évidemment, ce que l'avenir nous réserve.

Ce que je n'avais jamais pensé qu'il se produirait, c'est exactement ce qui arrive aujourd'hui non pas que je sois ici comme député ou ministre, on ne sait jamais, mais qu'on se trouverait, à l'Assemblée nationale, dans une situation pire, et de loin, que celle qui, à l'époque, m'avait décidé à quitter le poste que j'occupais. Il y avait deux raisons: d'une part, je n'étais pas d'accord avec le gouvernement en place à ce moment-là et, d'autre part, j'en étais venu à la conclusion, après trois ans de régime de M. Trudeau à Ottawa, qu'avec un bonhomme comme lui, avec ses attitudes, on n'arriverait à rien. J'avais décidé, par la suite, d'opter pour la formation politique à laquelle j'appartiens, ce que je n'avais pas décidé, bien sûr, au moment où j'ai démissionné, parce que j'avais l'intention de quitter tout ce qui se rapprochait de près ou de loin de la vie politique. (16 h 50)

Donc on est rendu ici, aujourd'hui, en session spéciale, extraordinaire et urgente de l'Assemblée nationale, pour décider ensemble, au-delà des partis, d'une motion qui, au fond, est élémentaire et qu'on n'aurait même pas, dans des circonstances plus normales, besoin de présenter à qui que ce soit.

Si on a besoin de la présenter, si on a besoin de se réunir ici, si on a besoin de passer par tout ce processus assez spectaculaire, quand même, de réunir l'Assemblée nationale, c'est qu'il y a des choses qui se sont produites et qui nous ont incités à agir de la sorte.

J'ai plutôt l'intention - parce que je ne suis pas un grand orateur comme certains que j'ai écoutés tout à l'heure, et je pense même à certains de nos collègues d'en face chez qui je vois des qualités que je n'avais pas vues jusqu'à maintenant - de m'arrêter à une couple de choses, avec preuves à l'appui, pour montrer que non seulement les choses n'ont pas changé, mais que c'est pire qu'il y a dix ans et pire quant à la méthode d'action du gouvernement fédéral. Tout ce que je vais avancer est facile à prouver, j'ai les preuves devant moi.

Je viens de dire que ça fait dix ans que j'ai quitté mon poste de sous-ministre. J'ai toujours en main un éditorial très élogieux de M. Ryan que je citerai à un moment donné, mais je ne pense pas que ça s'impose dans les circonstances.

La première chose que je veux mentionner, M. le Président, c'est qu'il y a eu depuis un tas d'années des négociations constitutionnelles. Il y a une série de ces négociations constitutionnelles qui a commencé littéralement le lendemain du référendum, qui s'est poursuivie l'été dernier, jusqu'au mois de septembre, et dont on connaît maintenant la suite.

Je veux caractériser ce qui s'est passé l'été dernier. Je dis carrément - vous verrez tantôt pourquoi - que nous avons tous ensemble été témoins, nous l'avons su après coup, d'une tricherie politique permanente de la part du gouvernement fédéral actuel. C'est ça qui nous amène ici aujourd'hui.

Tricherie permanente, pourquoi?

D'abord, premier élément au dossier. Là, je prends une coupure du journal La Presse du 15 mai 1980, où il y avait une phrase célèbre, qui va peut-être finir par devoir être appliquée: "Nos sièges en jeu. Trudeau". C'est-à-dire: Nous promettons une réforme constitutionnelle si les Québécois disent non; si les Québécois disent non, ça voudra dire oui, si les Québécois disent oui, ça voudra dire non. Vous vous souvenez de la logique circonstantielle de l'époque. Tout le monde a compris, à ce moment. Moi le premier, je me souviens d'avoir entendu ça ce soir-là et de m'être dit: Peut-être est-il arrivé une conversion, un chemin de Damas. Au moins la tenue du référendum aura servi à ça, peut-être arrivera-t-il avec des idées que je n'ai jamais vues jusqu'à maintenant, qu'on n'a jamais vues au Québec et que, partiellement, on va améliorer le système dans le sens qui a été celui que les Québécois ont désiré depuis toujours. C'est ce qu'on a pensé, c'est ce que beaucoup de Québécois ont pensé à l'époque. Premier élément, promesses faites au mois de mai. La suite des événements montre que les promesses, non seulement n'ont pas été tenues, mais qu'on a été collectivement -ceux qui étaient pour le oui comme ceux qui étaient pour le non - victimes passives d'un mensonge de taille.

II y a donc eu des négociations qui ont été entreprises l'été dernier et qui ont duré tout l'été, auxquelles mon ami Claude Charron de même que Marc-André Bédard

ont participé, qui se sont poursuivies pendant tous les mois d'été, à chaque semaine, pendant trois jours. Je ne sais pas si on s'imagine ce que c'est trois jours par semaine à discuter de constitution pendant l'été, alors qu'il y a d'autres occupations. Franchement, il faut avoir un transistor mental de travers pour aimer ça! Mais, que voulez-vous, c'est ce qu'il fallait faire, c'était ce qu'on appelle notre devoir d'État. D'accord, on l'a fait.

On trouvait que le gouvernement fédéral avait quand même des attitudes d'une rigidité surprenante, compte tenu des promesses référendaires. Même que les autres provinces aussi étaient surprises de ça. Par conséquent, cela a été assez facile, au cours de l'été, sur les douze ou treize sujets qu'il y avait à l'ordre du jour, de réunir la plupart des provinces - ou même toutes dans certains cas - ensemble dans une position commune qui s'opposait à celle d'Ottawa. Pourquoi? Parce qu'on n'avait jamais été témoin d'une rigidité comme celle-là. On aurait dit, pendant l'été, qu'ils faisaient exprès pour que le processus avorte - pour que tout le monde comprenne ce que je veux dire - pour que l'entreprise "s'effoire".

Voici que cependant, à la fin de l'été -plus exactement au début de septembre - on me remet un document, qui est devenu célèbre par la suite et qui est un document secret du gouvernement fédéral, marqué "ministers' eyes only", seulement pour les yeux des ministres. Comme j'étais ministre, à l'époque, je me suis dit: Cela s'applique à moi! C'était un rapport au cabinet sur les discussions de l'été et la perspective qui s'ouvre devant soi. Incidemment, ce document finit par une citation de Machiavel. Ce n'est pas moi qui invente cela; c'est là et c'est disponible, je le montre. Quand j'ai vu cela, j'en ai parlé à M. Lévesque. Sa réaction, comme la mienne, a été: Êtes-vous sûr que vous n'êtes pas en train de vous faire embarquer dans une affaire qui n'a pas de bon sens? Cela ne se peut pas. Eh bien, cela se pouvait. C'est vrai, il existe. C'est le document du gouvernement fédéral dans lequel on dit: Si vous voulez gagner tel point, il faudra séparer telle province de l'autre, promettre telle chose à X pour que Y soit mal pris, etc., briser le front commun des provinces. C'est tout cela qui est écrit là-dedans où on planifiait, à toutes fins utiles, l'échec qui est arrivé et où on planifiait aussi le coup de force qui est survenu par la suite. Ce coup de force, je ne sais pas pourquoi, mais peut-être que j'avais eu une intuition, parce que j'ai découvert, en fouillant dans mes papiers, que le 13 mai 1980, déjà, il y avait une citation de moi, évidemment, qui disait: "Claude Morin dénonce le coup de force du fédéral. " C'était le début de l'iceberg. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, à l'époque, on en avait parlé.

Pendant le référendum, il y avait une résolution à Ottawa sur le rapatriement de la constitution et on avait été surpris que cela arrive. On a vu par la suite que c'était quand même quelque chose qui avait une certaine base puisque cela s'est réalisé par la suite, comme tentative en tout cas. Donc, c'était planifié, le document est là.

Ensuite, on a assisté à toute une évolution des événements qu'on n'avait jamais vue où là, vraiment, on a été tous ensemble - je vais vous donner des preuves -victimes de mensonges. C'est le coup de force qui est arrivé. Je vous donne l'exemple d'un mensonge. Encore la semaine dernière, à l'émission Politique provinciale de Radio-Canada - je pense que cela a passé à une heure du matin; j'étais là, mais j'espère que pas trop de gens l'écoutaient ou encore beaucoup de gens auraient dû écouter - c'est M. Chrétien qui a dit ceci, à peu près textuellement - je mets au défi Radio-Canada de nous sortir la bobine, pas au défi parce que ce n'est pas Radio-Canada qui est en faute dans ce cas-là, mais j'aimerais qu'on l'écoute tous ensemble - Nous voulons, par la charte des droits, faire que dans les autres provinces les Canadiens francophones aient les mêmes avantages que les Québécois anglophones ont au Québec et préserver au Québec les droits qu'on va accorder aux francophones des autres provinces. En d'autres termes, traiter les deux sur le même pied. C'est un mensonge absolu. Pourquoi? Parce que le projet fédéral, vous le savez, vous vous en souvenez - cela a même insulté certains de nos amis libéraux -n'applique pas le coup de force à l'Ontario, en ce sens qu'il n'applique pas à l'Ontario l'imposition du bilinguisme. "Chrétien se refuse à imposer le bilinguisme à l'Ontario, mais s'en prend toujours à la loi no 101"; c'est dans la Presse. Et ainsi de suite: "Trudeau avoue qu'il ménage Davis par crainte de perdre son appui. " Si cela n'est pas du cynisme, je me demande ce que c'est. "Trudeau ne peut se passer de l'appui de Bill Davis. " "Il serait impensable de vouloir imposer le bilinguisme en Ontario, soutient Trudeau. " C'est dans la Presse.

Deux poids deux mesures. Le projet que le fédéral pousse de l'avant est injuste pour nous parce qu'il veut nous couper la loi 101 et injuste pour les francophones de l'Ontario parce qu'il ne leur donne rien en échange. De toute façon, ce sont eux-mêmes que j'ai vus il y a deux ou trois semaines qui, publiquement, ont pris position pour dire que c'était inacceptable comme projet et que cela ne leur donnait rien en Ontario. Vous le voyez encore dans leur propagande; je suis sûr que nos amis fédéraux réunis en caucus au mont Orford vont encore nous en sortir la semaine prochaine pour nous dire qu'ils protègent les francophones des autres

provinces. Mensonge.

S'ils se contentaient de mentir de cette façon, ce serait déjà inacceptable, mais ils sont en train d'exporter le mensonge aussi. Autre preuve ici. Là, ils se sont enferrés de plus en plus. Au début de l'année, je ne sais pas si vous vous en souvenez, en 1981, il y a eu un commencement de débat, à savoir: est-ce que la Grande-Bretagne va accepter éventuellement, si jamais M. Trudeau va de l'avant, le projet fédéral de résolution? Tout à coup, dans le Globe and Mail - cela ne venait pas de nous autres - a commencé à sortir une série de documents montrant que le gouvernement fédéral disait à Londres des choses qu'il ne disait pas ici et ici des choses qu'il ne disait pas à Londres. C'est-à-dire qu'il mentait à Londres et mentait ici aux Canadiens et aux Québécois. Ici, "L'Opposition à Ottawa accuse Trudeau d'avoir caché une partie de ses intentions à Mme Thatcher. " C'est dans le Devoir du 12 février 1981. Donc, l'Opposition l'accuse d'avoir menti à Mme Thatcher. Mais cela ne suffit pas. Ce sont les Anglais maintenant qui, dans le Globe and Mail, disent: "British denies Trudeau's assertions of blanket approval on patriation. " Ce sont les Anglais qui nient ce que M. Trudeau a dit en ce qui concerne leur approbation automatique. Ici, c'est à Ottawa qu'on dit à M. Trudeau: Vous n'avez pas dit la vérité à Mme Thatcher, et ainsi de suite. (17 heures)

Le Parlement britannique, le gouvernement britannique s'est trouvé pris dans une situation où on lui disait des choses comme, par exemple, que le projet avait été promis aux Québécois au moment du référendum. Des représentants britanniques m'ont dit: "Qu'est-ce que vous avez à chialer? C'est ça que M. Trudeau vous a promis au référendum. "

Je défie qui que ce soit dans cette salle, et ceux qui nous écoutent aussi, de me montrer à quel endroit M. Trudeau nous aurait promis qu'il arriverait avec ça au référendum. Mais, en Grande-Bretagne, il leur disait... M. Chrétien y est allé, M. Roberts, ministre de l'Environnement, qui s'occupait de l'Environnement en Grande-Bretagne, j'imagine, est allé dire la même chose: C'est une promesse faite lors du référendum qu'on procéderait de la sorte. Je pense que tout le monde a compris que, là aussi, il y avait un mensonge.

Finalement, on nous a dit que Mme Thatcher avait promis que le rapatriement se ferait - je ne sais pas si vous vous souvenez, c'était vers Noël l'année dernière où on disait que cela allait venir - dans les jours qui viennent. Tout à coup, Mme Thatcher dit: Thatcher n'a rien promis, et ainsi de suite. J'en ai trop long pour que ça dure plus longtemps, mais mensonges ici, mensonges en Grande-Bretagne, mensonges qui continuent plus officiellement, ça, ce sont des discussions.

J'écoutais cet après-midi à la télévision dans mon bureau, parce que je suis ça avec une grande attention, et je voudrais en passant remercier nos amis libéraux, cela nous pose un petit problème et je vais faire la même chose qu'eux. Ils ont montré la brochure Minute Ottawa! à tel point, d'ailleurs, que là on n'en a plus, il va falloir en faire réimprimer d'autres. Je vais la faire réimprimer, si je suis capable de placer ça dans la maquette, avec la citation maintenant de la Cour suprême qui dit: Chers messieurs du Québec, tout ce que vous avez dit là, c'est bien, mais c'est encore pire. Nous, nous n'avions pas dit - puisqu'on n'était pas sûrs, on attendait un peu le jugement - comme le jugement le dit, que ça pouvait remonter jusqu'à détruire des lois québécoises même d'avant la Confédération. On va mettre cette citation si on est capables.

Je reviens à mon sujet, on nous a reproché d'avoir publié ça, alors que la Cour suprême n'avait pas encore donné son avis. On avait des avis juridiques de tout le monde et les avocats fédéraux avaient dit devant la Cour suprême, au mois d'avril dernier, qu'eux-mêmes acceptaient que ça changeait les compétences des provinces et que ça affectait la juridiction du Québec. Ils l'avaient dit et tout le monde était d'accord là-dessus au mois d'avril. Donc, on a le droit de le dire là-dedans. D'accord.

Mais les fédéraux n'ont pas attendu le jugement de la Cour suprême. Ils ont préparé, je ne sais pas si vous vous en souvenez, au moment où la Cour suprême était saisie du dossier, une brochure qui s'appelle: Le rôle du Royaume-Uni dans la modification de la constitution canadienne; en anglais: The Role of the United Kingdom in the Amendment of the Canadian Constitution.

Pourquoi ça? C'est pour répondre à un fameux rapport que vous avez certainement noté dans les journaux, le rapport Kershaw, qui disait que ça n'avait pas de bon sens, le projet fédéral. Ils disent des choses comme celles-ci. Il faudrait quand même aujourd'hui manquer totalement de sens de l'humour pour ne pas apprécier ce que je vais vous lire. Il est clairement dit ici, à la page 3, dans le résumé des conclusions: "II n'existe aucun principe constitutionnel fondé soit sur les conventions, soit sur la nature du fédéralisme, soit sur quoi que ce soit d'autre - on ne prend pas de chance - qui puisse exiger que le gouvernement et le Parlement du Canada doivent obtenir le consentement des provinces pour des modifications de l'ordre de celles qui sont actuellement proposées. "

En somme, on affirme là-dedans qu'on n'a pas besoin du consentement des

provinces, qu'il n'y a pas de principe constitutionnel qui l'exige. Cela a été publié par le gouvernement fédéral pour distribution en Grande-Bretagne et usage ici, à l'intérieur du Canada, alors que la Cour suprême vient de dire le contraire. Ils n'ont pas attendu le jugement. J'aimerais que certaines des critiques prématurées qu'on nous fait des fois s'adressent aussi à nos amis fédéraux.

On dit aussi, deuxièmement, une autre chose. On parle des modifications qui sont apportées par le projet fédéral et on dit -cela n'est presque pas croyable, mais je vous le lis, page 3, 25ème ligne: "Si elles touchent à la structure fédérale du pays, aux relations fédérales-provinciales - tenez-vous bien! - c'est seulement en vue d'accroître le pouvoir législatif des provinces en matière de ressources naturelles. "

Il y a les paragraphes 43 et 44 qui en discutent plus longuement et la citation antérieure, c'est le résumé des paragraphes 63 à 71. Cela a été publié par nos amis fédéraux en réponse au rapport Kershaw, c'est-à-dire qu'on affirme là-dedans des choses qui sont des mensonges. Peut-être qu'à l'époque ils ne savaient pas que ce ne serait pas vrai. D'accord, très bien, mais ils l'ont fait avant la Cour suprême, eux autres, et ils continuent de le dire aujourd'hui.

Dans un discours de M. Chrétien, l'année passée, on retrouve cette affirmation à la page 7, le 6 octobre: "Les propositions constitutionnelles du gouvernement fédéral ne modifient pas le partage des pouvoirs au Canada. " C'est catégorique. Or, c'est ce qui a été refusé par la Cour suprême, qui a dit tout à fait le contraire.

Ce qui est amusant, c'est qu'en Grande-Bretagne, ils ont dit aux Britanniques: Ce qui importe, c'est que rien ne nous empêche, sur le plan constitutionnel au Canada, d'agir de la sorte. Il n'y a rien qui nous en empêche. Des conventions, il n'y en a pas, etc. Ils ont expliqué cela pendant un an aux Britanniques. Et là, la Cour suprême vient dire: Minute Ottawa! les conventions vous empêchent d'aller de l'avant. Qu'est-ce qu'ils font? Ils disent: Les conventions, ce n'est pas important, c'est la légalité qui importe. Je n'ai pas besoin de vous dire façon Grande-Bretagne, ils ne sont pas capables de suivre cette logique qui s'apparente à la logique du oui qui veut dire non et du non qui veut dire oui du mois de mai 1980.

Mensonges pendant toute cette négociation dont on a été témoin. Le dernier et le plus récent, je ne peux pas encore dire que ce soit un mensonge, on va le voir prochainement, mais je vous dis que l'expérience nous rend pour le moins prudents, M. Trudeau s'exprime plus poliment que son ministre de la Justice lundi dernier, évidemment, ce n'est pas un critère, mais, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?

On prend les unités de mesure qu'on a! Cela ne faisait pas une demi-heure qu'on avait entendu à la télévision - et, "entendu", il faut être optimiste pour utiliser cette expression, avec le son qu'on avait - la décision de la Cour suprême. Une demi-heure après ou quelque chose comme cela, une heure au plus, alors qu'il a dit qu'il n'avait pas lu le jugement, M. Chrétien était à la télévision, déjà, disant qu'il n'avait pas lu le jugement, disant aussi que c'était légal et qu'il fonçait dans le tas, le tas étant l'Angleterre, en l'occurrence!

Le soir, message "extrême-oriental" qui dit la même chose et dans lequel, aussi, on retrouve cette volonté d'aller de l'avant, mais avec une mention qui disait à peu près ceci: Si les provinces ont quelque chose à dire, c'est sûr que je suis bien prêt à les écouter, pourvu que ça ne change rien. C'est ce que voulait dire le message. Il y en a qui ont vu dans cette politesse relative quasiment l'aube d'un temps nouveau. Je pense que c'est vrai que l'être humain a besoin d'espoir, parce que la moindre apparence d'espoir chez certaines personnes engendre une euphorie inexplicable.

Avec tout ce qui s'est passé, alors que ça fait maintenant dix ans et cinq minutes que j'ai démissionné de mon poste, la situation est pire aujourd'hui qu'avant. On a été témoin de mensonqes avec des preuves à l'appui. J'en ai bien d'autres, je n'ai pas eu le temps de toutes les ramasser. À part cela, cela aurait ennuyé tout le monde que je répète la même chose, c'est toujours cela. Dix ans après, on se retrouve où? On se retrouve ici, réunis, alors que - vous aviez un peu raison de le dire hier - on aurait tellement d'autres choses à faire! Qu'est-ce que vous voulez? Ce n'est quand même pas notre faute! Mais ce serait notre faute, si on n'agissait pas.

Devant cela, justement, qu'est-ce que le Québec a fait? Ce n'est pas aujourd'hui qu'on s'est réveillé, on a vu venir, on a déjà vu neiger. On s'est réuni avec les autres provinces et il y en a qui ont dit l'année passée: Vous ne serez jamais capables d'avoir l'accord des autres provinces, ce n'est pas possible, cela fait partie des impossibilités constitutionnelles. D'accord, mais cela a marché. Moi-même, j'étais surpris. Des fronts communs, ça ne dure pas longtemps, c'est éphémère par définition. Celui-là, cela va faire un an bientôt. C'est un autre anniversaire qu'on va célébrer, il y a bientôt un an qu'il dure: six provinces d'abord, sept ensuite et finalement, huit. À tout bout de champ, quelqu'un venait me dire: Penses-tu que ça va se maintenir, le front commun? Chaque fois que quelqu'un avait le malheur de dire quelque chose qui était un peu différent dans une autre province, parce qu'ils font affaires avec des populations qui n'ont pas nécessairement les mêmes priorités

que nous, on disait: Grave danger au front commun! On m'interviewait à la radio et à la télévision, on me demandait: Pensez-vous que ça va se maintenir?

Quand M. Lougheed a signé l'autre jour son accord pétrolier, grande rumeur de dissension au sein du front commun. Il a signé l'accord pétrolier, il était donc d'accord avec Ottawa sur le reste. Bien non, il l'a dit le soir même, cela n'a rien à voir avec la constitution. Donc, l'accord est maintenu, mais pourquoi est-il maintenu? Il n'y a rien d'éternel dans la vie, mais il y a des choses solennelles. Le 15 avril dernier, deux jours après nos élections, on est allé à Ottawa. Comme d'autres, on aurait peut-être voulu se reposer, mais on est allé à Ottawa. On y est allé mettre fin à une ronde de négociations interprovinciales pour signer ce qu'on appelle un accord constitutionnel. J'ai ici, dans la pochette qui nous a été donnée à l'époque, le document: Accord constitutionnel. Constitutional Accord.

Lors de cet accord constitutionnel -vous avez eu la cérémonie à la télévision, une heure de temps, le 15 avril, de 11 heures à midi - huit premiers ministres du Canada ont apposé leur signature à un plan pour mettre fin à la menace qui pesait sur tout le monde. Leurs signatures sont ici. Ces gens-là sont sérieux, ils ont signé cet accord. On est sérieux, nous aussi. On y tient. C'est pour ça qu'on prend l'attitude qu'on prend aujourd'hui. (17 h 10)

J'en parlais hier chez le leader de l'Opposition qui disait: Est-ce que vous avez averti les autres provinces que vous réunissiez l'Assemblée nationale? Cela avait l'air qu'on faisait quelque chose d'illégal ou de non conventionnel. Voyons donc! Cela fait des mois qu'ils savent que si c'est nécessaire, on va la réunir, l'Assemblée nationale, parce qu'on ne prend pas de chance au Québec. On ne l'aurait peut-être pas réunie seulement à la suite de la décision de la Cour suprême, mais à la suite de l'attitude d'Ottawa, je pense que ça s'imposait. Notre attitude est gouvernée par ça. Nous tenons à ça et nous allons continuer. Cette semaine, justement, lors de la réunion que j'aurai avec mes collègues, ce sera notre base d'entente et on aura le temps d'en parler. Le chef de l'Opposition, dont j'ai bien aimé le discours hier - même s'il y avait des passages sur lesquels je n'insisterai pas - tenait à ce qu'on ait une discussion à un moment donné sur la nature de cet accord et qu'on le compare à autre chose. Rien oui! C'est sûr qu'on pourra en parler. Le débat n'a pas pu avoir eu lieu jusqu'à maintenant, c'est évident. On a signé ça le 15 avril, au mois de juin on a eu les crédits, après ça il y a eu l'été et on est réuni en catastrophe à cause de ce qui se passe à Ottawa.

On y reviendra. Mais nous, nous tenons à notre parole et les autres provinces ont confiance en nous. C'est une chose aussi qu'on oublie de noter des fois que les autres provinces ont confiance en nous parce qu'on n'a jamais procédé par la tricherie, qui est devenue la marque de commerce d'Ottawa. Je voulais dire ces deux choses. Je ne suis pas un grand orateur, je l'ai dit tantôt. Il y a des gens qui peut-être s'expriment mieux que moi. Je voudrais terminer par une citation et une interrogation. La citation: "J'ai beaucoup réfléchi et j'ai compris qu'il fallait un homme nouveau", citation du 26 novembre 1979 de M. Pierre Elliott-Trudeau. Ma réflexion, mon interrogation c'est: Peut-être qu'il avait raison. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: M. le Président, j'ai écouté le ministre des Affaires intergouvernementales nous dire que ça fait dix ans et quinze minutes - si j'ai bien compris - qu'il est convaincu qu'il n'y a absolument rien à faire, qu'on est dans un cul-de-sac, que ça fait dix ans et quinze minutes qu'il simule de faire quelque chose, et je me demande bien pour quelles raisons on se trouve ici aujourd'hui. Le chef de notre parti a dit hier, je crois qu'il faut le souligner, que le Parti québécois n'avait pas encore un début de programme de rénovation ou de changement de la constitution du Canada. Ce n'est pas surprenant en entendant mon collègue d'en face nous dire qu'on est dans un cul-de-sac, qu'il n'y a rien à faire, qu'il est allé là pour la frime et de nous dire maintenant que tout ça c'est la faute du gouvernement à Ottawa. M. le Président, que si nous avons des problèmes, dans le moment, il se peut que nos gens d'Ottawa en aient créé, mais il faut dire que nos amis d'en face en ont créé pour lonqtemps.

M. le Président, je crois qu'en démocratie il est important non seulement de prendre des décisions démocratiques, mais également important de les justifier à nos électeurs et à la population qui nous a élus. Chacun d'entre nous, chacun à sa manière, essaie dans ses propres mots de décrire la situation à laquelle nous faisons face, d'expliquer la conjoncture, la démarche que cette Assemblée est en train de faire, la motion sur laquelle nous devons voter et d'expliquer son vote. Pour ma part, je le dis maintenant, je voterai pour cette résolution parce que je crois qu'il est important d'affirmer les droits traditionnels du Québec.

Pour une fois - je crois qu'il faut le souligner - la motion qui est devant nous est une motion que, pour ma part, j'ai appréciée

parce qu'elle est simple dans la façon dont elle est rédigée. Vous savez, nos électeurs nous disent souvent que nos textes sont ditryrambiques, compliqués, complexes, mais je crois que quiconque se donne la peine de lire le texte de la motion peut comprendre que la démarche que l'on propose est honnête, déterminée et juste. Que demande-t-on dans cette motion? On demande, premièrement, que le gouvernement fédéral renonce à sa démarche unilatérale. Nous l'avons dit de ce côté-ci de la Chambre depuis longtemps et nous le redisons aujourd'hui. Nous demandons au gouvernement fédéral de ne pas procéder d'une façon unilatérale. Nous nous opposons à tout geste qui pourrait porter atteinte à nos droits et affecter les pouvoirs de cette Assemblée sans notre consentement. Finalement, nous demandons au gouvernement fédéral et aux provinces de reprendre sans délai les négociations dans le respect des principes et des conventions. Voilà essentiellement les trois objectifs que nous nous proposons ensemble sur lesquels cette Assemblée doit voter demain et qui exigent notre acquiescement.

Je crois que ce pourquoi nous sommes ici aujourd'hui est extrêmement important et, pour moi, ce l'est pour deux raisons. Non seulement il faut préserver ce que nous avons - j'entendais le député de Joliette tout à l'heure parler de sauver les meubles - mais je crois que cela va beaucoup plus loin que cela, parce qu'il s'agit également, M. le Président, de préserver le genre de fédération que nous voulons ici au Canada. Je reviendrai un peu plus longtemps tout à l'heure là-dessus.

La conjoncture, quelle est-elle? Il ne faut pas sous-estimer la gravité de la situation; c'est que la démarche fédérale, éventuellement, affectera substantiellement les pouvoirs et les droits de l'Assemblée nationale du Québec. Lorsque nous disons ceci, il faut bien comprendre qu'il s'agit des droits et pouvoirs de la population du Québec et cela, c'est chacun d'entre nous, c'est tous et chacun, Québécois et Québécoises, Canadiens vivant au Québec. Ce sont nos droits. Ce sont les pouvoirs que nous avons et je crois qu'il faut le souligner. Ce sont des droits et des pouvoirs que nos ancêtres ont acquis souvent à la suite de chaudes luttes pour préserver notre héritage culturel et les pouvoirs dont nous avons besoin pour nous épanouir au Canada. Je crois, M. le Président, que, quel que soit le genre de fédération dans laquelle nous vivrons dans l'avenir, il est essentiel que le Québec possède les leviers nécessaires pour permettre aux Canadiens vivant au Québec, aux Québécois et aux Québécoises de s'épanouir dans cette province.

Quant à nous du Parti libéral du Québec, nous sommes convaincus qu'aucun changement aux droits et pouvoirs de cette Assemblée ne peut se faire sans notre consentement. Cette position n'est pas nouvelle. Elle a toujours été défendue par les chefs de notre parti depuis de nombreuses années, comme l'a si bien illustré ce matin mon collègue de Charlevoix. Nous ne permettrons pas, que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons ou de mauvaises intentions, que l'on puisse toucher aux droits traditionnels du Québec sans notre consentement, d'autant plus - la Cour suprême l'a souligné - que dans le passé, lorsqu'il s'est agi de faire des modifications à la constitution canadienne qui affectaient les droits et pouvoirs du Québec ou d'autres provinces, le consentement des provinces avait toujours été acquis. Alors qu'aujourd'hui la proposition du gouvernement fédéral pourrait modifier les droits et pouvoirs de cette Assemblée d'une façon encore plus substantielle que tous les changements qui ont été effectués dans le passé, cette fois-ci, ces changements pourraient se faire d'une façon unilatérale sans notre consentement; cela ne peut se faire. Il est donc normal, M. le Président, que l'Assemblée nationale du Québec se prononce, que le Parti libéral du Québec se prononce et que moi-même, en tant que député, j'appuie cette proposition et cette motion.

On a dit que le jugement de la Cour suprême était complexe et j'en conviens. Personnellement, j'ai parcouru les nombreux textes qu'on nous a remis, mais je crois, comme plusieurs l'ont dit dans cette Chambre, qu'on peut quand même simplifier le jugement et le ramener à des éléments essentiels. On a dit que, d'une part, la constitution reposait sur des lois et, d'autre part, sur des conventions. Pour ma part, lorsque j'ai à parcourir un texte aussi complexe, j'aime bien aller directement aux conclusions et je crois que la réponse donnée par la Cour suprême est très simple. (17 h 20)

La question était celle-ci: "Y a-t-il une convention constitutionnelle au terme de laquelle la Chambre des communes et le Sénat du Canada ne peuvent, sans le consentement préalable des provinces, demander à Sa Majesté la reine de déposer, devant le Parlement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande, un projet de modification de la constitution du Canada qui a une effet sur les relations fédérales-provinciales ou les pouvoirs, les droits ou les privilèges que la constitution du Canada accorde ou garantit aux provinces?" Réponse de la Cour suprême: Oui, il existe une convention. C'est une réponse toute simple, et tout le monde peut la comprendre.

Deuxième question: "La constitution canadienne habilite-t-elle, par convention, le Sénat et la Chambre des communes du Canada à faire modifier la constitution

canadienne sans l'assentiment des provinces?" Réponse encore toute simple et toute claire: Non.

On n'a pas besoin d'être expert, et la députée de L'Acadie, tout à l'heure, le soulignait, plusieurs d'entre nous ne sommes pas des experts en constitution, mais il me semble, M. le Président, que cette réponse du oui et du non fait que chacun d'entre nous et que chacun des citoyens de cette province peut comprendre que le jugement qui a été rendu par la Cour suprême, lundi dernier, est extrêmement important et mérite le plus grand respect.

Au sujet des conventions, plusieurs députés ont donné des exemples pour démontrer que tout le régime fédéral dans lequel nous vivons est imprégné de conventions. À titre d'exemple, à la page 8 du même document, on souligne justement: "Selon une exigence fondamentale de la constitution, si l'Opposition obtient la majorité aux élections, le gouvernement doit offrir immédiatement sa démission. " Il y a plusieurs autres exemples qu'on pourrait souligner et qu'on donne dans le texte. Je n'en cite qu'un autre: II y a une convention fondamentale, dont on a parlé ci-dessus - à la page 13 - où on offre un autre exemple du conflit entre droit et convention. Si, après une élection générale où l'Opposition a obtenu la majorité des sièges, le gouvernement refusait de donner sa démission et s'accrochait au pouvoir, il commettrait par là une violation fondamentale des conventions.

Il faut donc rendre hommage à l'intégrité, au sérieux, au prestige de la Cour suprême, et reconnaître que cette fois-ci, comme plusieurs fois dans le passé, une institution fédérale nous aide grandement à préserver nos droits et nos pouvoirs. Je crois qu'il faut le souligner, plusieurs l'ont souligné avant moi et je veux le souligner personnellement. Bien sûr, je l'ai dit tout à l'heure, la reconnaissance qui est faite par la constitution repose sur le droit et sur les conventions. Il s'agissait, comme mon collègue de Saint-Laurent l'a dit hier, d'un animal à deux pattes. On peut ne pas aimer cette conclusion de la Cour suprême, mais il faut quand même reconnaître que notre constitution a deux pattes et qu'il faut absolument respecter ces deux données sur lesquelles elle repose.

Le plus haut tribunal s'est prononcé et il faut respecter son jugement. Mais que nous dit-il en pratique? Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire qu'il est légal pour le gouvernement fédéral de procéder comme il a l'intention de le faire, avec l'appui de la Chambre des communes et du Sénat, et qu'ainsi, sur le plan légal, nul ne peut prendre d'injonction pour éviter ce qui pourrait arriver si le gouvernement fédéral procédait. Mais la plus haute cour du Canada nous dit également, en ce qui a trait aux conventions, qu'il n'y a pas de recours légal possible puisque c'est une convention et que, par définition, il s'agit là d'un recours qui n'est que politique.

De fait, M. le Président, à la page 42, on dit: "Les conventions, de par leur nature, s'élaborent dans l'arène politique et il revient aux acteurs politiques, et non à cette cour, de fixer l'étendue du consentement provincial nécessaire. " C'est donc dire - c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui - que la seule façon pour nous, de cette Assemblée, d'indiquer notre désaccord à une démarche unilatérale d'Ottawa ne peut se faire que par une manifestation politique de cette Assemblée. C'est ce qui explique justement la motion qui est devant nous et la raison pour laquelle le Parti québécois et le Parti libéral du Québec appuieront cette motion. Bien sûr, l'objectif que nous poursuivons est de dire au gouvernement fédéral de ne pas procéder d'une façon unilatérale et de faire en sorte que les changements qu'il a l'intention de faire soient appuyés par les provinces et par le gouvernement lui-même.

J'ai dit au début que la raison pour laquelle je voulais m'exprimer dans ce débat, M. le Président, c'est que non seulement il s'agit de préserver ce que nous avons, mais qu'il s'agit également de poser un geste qui pourra influer sur le genre de Canada, sur le genre de fédération dans laquelle nous vivrons à l'avenir.

Il faut bien le souligner, il y a deux philosophies en jeu. Notre chef, M. Ryan, le député d'Argenteuil, l'a souligné, hier, il y a une première philosophie qui veut que les conventions ne sont pas contraignantes et que, se plaçant d'un strict point de vue légal, le gouvernement fédéral pourrait procéder dans cette démarche. Mais ceci dit davantage, parce qu'il signifie également que, selon cette philosophie, le gouvernement fédéral aurait un rôle prépondérant à jouer dans la fédération canadienne, alors que, jusqu'à maintenant, chacun des gouvernements, disions-nous - c'est ce que nous avons appris et que le ministre des Finances a souligné ce matin - ce que nous avons tous appris, c'est que les provinces, d'un côté, le gouvernement fédéral, de l'autre côté, sont souverains chacun dans son domaine respectif.

Alors, la démarche unilatérale d'Ottawa non seulement affecterait nos droits et nos pouvoirs, mais elle signifierait d'une façon marquée que le genre de fédération dans laquelle nous vivrions à l'avenir serait une fédération différente de celle dans laquelle nous avons vécu jusqu'à maintenant.

Pour ma part, ce n'est pas le genre de fédération que je désire, ce n'est pas le genre de fédération que les Québécois désirent pour eux, je crois, et ce n'est pas

le genre de fédération que le Parti libéral du Québec désire instaurer et qui est définie dans son livre beige.

L'autre philosophie, celle de notre parti, c'est celle qui désire instaurer une réelle fédération canadienne où chaque ordre de gouvernement est souverain dans ses domaines respectifs bien précis, dans des sphères de juridiction respectives.

Ceux qui prétendent que le Parti libéral du Québec devrait appuyer le gouvernement fédéral parce que la démarche fédérale répond aux objectifs du livre beiqe se trompent grandement, soit qu'ils ne l'aient pas lu, soit qu'ils soient mal informés.

M. le Président, je dois de plus vous avouer que, pour certains de nos concitoyens surtout pour ceux qui favorisent un système fédéral - l'appui à donner à une philosophie ou à l'autre ne serait d'après eux qu'un simple concours de beauté ou de popularité entre le chef du Parti libéral du Canada et le chef du Parti libéral du Québec.

Je ne peux comprendre que, sur un sujet aussi sérieux, on ramène la discussion à des données aussi frivoles, lorsqu'il s'agit de l'avenir d'une nation. Je crois qu'il faut aller au-delà des chefs de parti qui nous dirigent dans le moment, il faut aller au-delà des politiciens qui sont dans cette Chambre et dans la Chambre fédérale. Il faut constater que les politiciens passeront; les politiciens qui sont ici retourneront un jour à la vie privée, mais la constitution que nous aurons à l'avenir, pour régler nos faits et gestes et pour déterminer le régime fédéral dans lequel nous vivrons, restera.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je dois appuyer cette motion et que nous devons, nous du Parti libéral du Québec, voter pour cette motion, puisque nous voulons que le Québec et le Canada vivent encore pendant des années. C'est là le voeu le plus sincère que j'exprime et c'est la raison pour laquelle je voterai pour cette motion. Je vous remercie. (17 h 30)

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la ministre d'État à la Condition féminine.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: M. le Président, je dois dire, en commençant mon intervention, que je suis bien consciente que ce débat vient bousculer un peu, sinon beaucoup, nos concitoyens et nos concitoyennes qui ont, tant à cause des taux d'intérêt que de l'inflation et de la valeur du dollar, bien d'autres priorités en ce moment. Je dois même avouer que, comme députée, comme membre de ce gouvernement, je voudrais bien avoir d'autres préoccupations aujourd'hui que la motion qui nous occupe.

Mais parce que je représente ici des citoyens et des citoyennes du Québec, parce que je suis Québécoise, je ne peux pas laisser Ottawa piétiner les droits et les intérêts du Québec. Je ne veux pas, M. le Président, que des générations de Québécoises et de Québécois nous reprochent de ne pas avoir clamé très fort que la véritable faillite, c'est ce pays tout entier qui y sera bientôt plongé. Moi, j'ai le goût du Québec, un Québec dont nous portons l'héritage à travers notre langue, notre accent, notre écriture, notre folklore.

Je ne peux pas non plus passer sous silence le rôle primordial des femmes du Québec dans notre histoire. Elles ont été les gardiennes de notre culture. Elles l'ont transmise de génération en génération, que ce soit par l'enseignement, que ce soit par la création. Comment ignorer ces oeuvres remarquables qui sont nées de leurs mains en réponse aux besoins de la vie quotidienne et qui constituent les fondements mêmes de nos arts et de notre tradition populaire?

Je n'ai pas lu l'histoire de ce peuple; je n'ai pas vu mes parents, mes grands-parents se battre, défendre ce que nous sommes avec dignité, fierté, acharnement, pour faire en sorte que mes enfants soient empreints de la culture des autres, de la culture de nos voisins, de la culture de l'assimilation. Je veux que mes enfants, comme tous les enfants du Québec, partagent notre héritage, nos traditions, nos racines les plus profondes, et notre différence aussi.

Je vais me permettre de citer un passage qui introduisait notre livre blanc sur la politique culturelle québécoise. On disait ceci: "Le plus grave désastre qui puisse menacer un peuple n'est pas l'anéantissement militaire. C'est l'indifférence de ses membres à la forme de son avenir. " Je répète: "C'est l'indifférence de ses membres à la forme de son avenir. "

Nous sommes-nous bien demandé quelle forme prendra effectivement notre avenir si le projet Trudeau aboutit? Quels seront ses effets à long terme? Ce qui agace, ce qui choque profondément dans la démarche unilatérale d'Ottawa, c'est, bien sûr, qu'on veuille nous priver de pouvoirs essentiels, de droits fondamentaux, mais c'est surtout que, ce faisant, on cherche à rapetisser le peuple du Québec, et avec un mépris parfois tellement inconscient qu'il n'est que plus haïssable; profond mépris pour notre tradition, notre culture, notre développement, notre combativité. Car c'est bien de cela dont il s'agit, un acharnement inlassable qui nous a permis de prendre en main nos affaires, notre développement économique, nos affaires culturelles, nos richesses collectives, une maturité de plus en plus grande qui s'est exprimée dans "l'entrepreneurship" québécois, dans nos institutions, dans notre ouverture sur le monde.

II y a, du côté d'Ottawa, une panique de plus en plus grande dû au fait que nous pourrions assumer et que nous assumons notre différence, notre refus de rentrer dans le moule du tout à l'égalité canadienne. Est-ce cette même crainte qui pousse Ottawa à vouloir nier les droits de l'Assemblée nationale. Cette Assemblée solennelle qui représente notre culture politique, c'est la seule de nos institutions politiques qui appartienne en propre à l'ensemble des Québécois et des Québécoises, la seule qui a pour rôle exclusif de défendre nos droits, nos aspirations et nos intérêts.

Quels sont encore ces droits fondamentaux, nos pouvoirs que le projet fédéral va bafouer? J'en rappelle quelques-uns, pas pour tourner le fer dans la plaie, mais pour évoquer ce que serait pour nous l'avenir si ce projet constitutionnel prenait force de loi une fois ratifié au Parlement de Londres.

Cet avenir qu'on nous propose, il n'est même pas garant de notre passé puisque même notre législation actuelle pourrait être remise en cause. L'adoption de la constitution Trudeau nous amènera nécessairement à reculer de façon importante sur la langue de travail et d'enseignement, sur l'aide apportée à la petite et à la moyenne entreprise, sur la politique d'achat, sur la protection du territoire agricole. Le soin jaloux, j'allais dire l'entêtement que nous avons mis, depuis des siècles, à protéger notre langue, nos institutions, nos valeurs mêmes s'arrêterait donc ici dans quelques mois? Il est à peu près certain que cette érosion de notre identité, cette mutation de notre culture va se passer tout doucement et, pour longtemps, très longtemps, les raz-de-marée constitutionnels ne pourront plus nous atteindre et les velléités de changement non plus.

Est-ce bien là le fruit empoisonné que nous voulons léguer à nos enfants et aux générations à venir? Oui, j'ai le goût du Québec. Un Québec qui innove, qui va de l'avant, qui s'est donné des instruments pour occuper sa place. Un Québec qui se distingue par ses ressources naturelles, par son potentiel humain, par son imagination collective. Aujourd'hui, j'ai aussi le goût d'un Québec qui se souvient, qui serre les rangs quand sa volonté propre est en danger, quand sa survie est menacée.

Pour ne pas trahir ce Québec, ne pas trahir ce que je suis, je demande aux parlementaires des deux côtés de cette Assemblée de dire bien fort à Ottawa qu'ensemble nous nous opposons à toute démarche qui vise à entraver notre avenir, à violer nos traditions au sens constitutionnel comme au sens plus viscéral du terme.

Une fois de plus nous sommes à la merci d'Ottawa. Il ne s'agit plus de régler un différend passager ou des difficultés économiques conjoncturelles, si importantes soient-elles. C'est de l'essence même de notre peuple qu'il est question. Et là-dessus, parce que nous sommes Québécois, parce que nous sommes Québécoises et ne serait-ce que pour cette raison, nous devons refuser de toutes nos forces, par tous les moyens démocratiques, les desseins d'Ottawa. Nous devons résister, M. le Président, avec ce bel acharnement qui nous a permis au cours des siècles de devenir ce que nous sommes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Matapédia.

M. Léopold Marquis

M. Marquis: M. le Président, c'est un geste très important que je suis appelé à poser à ce moment-ci en prenant la parole devant mes collègues de l'Assemblée nationale du Québec à l'occasion du débat sur la motion du premier ministre, motion qu'il vaut la peine de répéter: "La Cour suprême du Canada ayant décidé que le projet fédéral concernant la Constitution du Canada réduit les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec et que l'action unilatérale du gouvernement fédéral bien que légale est inconstitutionnelle parce que contraire aux conventions, cette Assemblée réclame du gouvernement fédéral qu'il renonce à sa démarche unilatérale, s'oppose à tout geste qui pourrait porter atteinte à ses droits et affecter ses pouvoirs sans son consentement et demande au gouvernement fédéral et à ceux des provinces qu'ils reprennent sans délai les négociations dans le respect des principes et des conventions qui doivent régir les modifications du régime fédéral canadien. "

C'est un geste important parce que ce débat passera sûrement à l'histoire à cause des événements qui ont obligé le gouvernement à convoquer cette session extraordinaire. Ces événements, ce sont, d'une part, le jugement de la Cour suprême du Canada et, d'autre part, les premières réactions du ministre de la Justice, Jean Chrétien, du premier ministre Trudeau et de nos députés et ministres à Ottawa, membres de l'équipage du bateau fédéral qui, à l'exemple du Titanic, ne craint rien et file droit sur un iceberg. Le Titanic fédéral avec, comme capitaine, le premier ministre Trudeau, comme second, un certain Jean Chrétien, comme apprenti timonier, un M. Joyal, se lance, plein de confiance et de suffisance, sur l'océan du fédéralisme sans se soucier des mises en garde sévères de l'amirauté, personnifiée par la Cour suprême du Canada, ni de l'opinion éclairée d'autres membres importants de l'équipage que sont les premiers ministres des huit provinces qui voient venir l'écueil et supplient le capitaine

de les écouter avant qu'il ne soit trop tard.

Cet écueil, cet iceberg qui attend le navire fédéraliste, c'est le mépris à l'égard des conventions constitutionnelles que l'ensemble de la population du Canada, et du Québec en particulier, ne pourra accepter de la part de ceux qui nous dirigent à Ottawa. Cet exemple du Titanic illustre bien ce qui attend le régime fédéral si le rapatriement unilatéral, avec la formule d'amendement et la charte des droits telle que prévue dans le projet de loi fédéral, se concrétisait au cours des prochains mois. Peu importe que la Cour suprême ait jugé que le projet fédéral n'est pas illégal, ce qui est important, c'est qu'il est inconstitutionnel.

Je cite un passage du jugement de cette cour: "Sans exprimer d'opinion sur son degré, nous en venons à la conclusion que le consentement des provinces du Canada est constitutionnellement nécessaire à l'adoption du projet de résolution portant adresse commune à Sa Majesté la reine relativement à la constitution du Canada et que l'adoption de cette résolution sans ce consentement serait inconstitutionnelle au sens conventionnel", (page 48 du jugement).

M. le Président, le Parlement de Londres fonctionne uniquement à partir de conventions et cela a déjà été démontré dans cette Chambre. Le Parlement fédéral fonctionne en grande partie selon des conventions. L'Assemblée nationale du Québec fait constamment appel à des conventions, à des traditions, à des précédents dans son fonctionnement quotidien et c'est tellement vrai que nous, les nouveaux députés, ça nous prend quand même quelques années avant de nous habituer réellement à tous ces précédents et à toute cette tradition qui existent dans cette Chambre.

De plus, j'ajouterais que, dans chacune de nos institutions paroissiales, dans chacun de nos organismes régionaux, je dirais même dans chacune de nos familles, il existe des conventions, des règles de conduite, des traditions qui n'ont aucun aspect légal, mais que chacun des membres se fait un devoir de respecter en sachant très bien que les transgresser leur amènerait la réprobation générale, ce qui est beaucoup plus difficile à supporter qu'une simple sanction légale. M. le Président, le jugement de la Cour suprême est connu et mes collègues en ont cité de larges extraits. Nous respectons ce jugement. Mais permettez-moi quelques commentaires un peu imagés sur les attitudes de MM. Chrétien et Trudeau au cours des heures qui ont suivi ce jugement. M. Chrétien a enfourché un bronco. M. Trudeau, quant à lui, a plutôt monté un chameau. Le premier, comme vous le connaissez bien, est parti en coup de vent, un saut par ci, un saut par là. Une déclaration irresponsable par ci, un commentaire farfelu par là.

Ceci avant même d'avoir lu le jugement et d'en avoir compris le sens et évalué les conséquences. Comme résultat, et vous le voyez dans les derniers jours, il s'est retrouvé complètement désarçonné. Le deuxième, moins pressé, a pris le temps de dormir et de faire reposer sa monture car, vous le savez, le voyage est long de Séoul à Melbourne. Il s'est donc présenté à nos yeux, lors de sa conférence de presse, frais et dispos, mais légèrement endormi. Un journaliste m'en a d'ailleurs fait la remarque. Monté sur son chameau, il nous regarde de haut. Assis entre les deux bosses, il n'en voit qu'une, celle de la légalité. Il oublie l'autre, celle de l'inconstitutionnalité du geste qu'il s'apprête à poser. Mais, voulant quand même être bon prince, il nous tend un rameau d'olivier. Il est pressé, mais pas autant que Chrétien. Il est même prêt à écouter les réactions des provinces, pas à négocier. Il veut bien condescendre à arrêter temporairement sa monture, mais il n'est pas disposé à descendre sur le plancher des vaches, pardon! sur le plancher des chameaux afin de discuter d'égal à d'égal avec ce pauvre populo. Tant pis si on n'est pas d'accord avec lui, notre maître et seigneur file vers Westminster!

M. le Président, je m'excuse de paraître traiter avec léqèreté un sujet aussi sérieux que celui-là, mais nos amis du fédéral, nous de l'Est du Québec sommes habitués à ne pas les prendre au sérieux. Rappelons-nous les aventures rocambolesques que nous avons connues depuis plusieurs années et vous comprendrez que les promesses de ces gens nous laissent complètement indifférents. Voici quelques exemples. Le port de Gros-Cacouna, aventure en sept volumes et dont la parution du prochain tome coïncidera probablement avec la date de la prochaine élection fédérale. Les gens de Rivière-du-Loup en savent quelque chose. Deuxième exemple, le sel des Iles-de-la-Madeleine, ou l'art de noyer le poisson, dont une édition revue et corrigée est patiemment attendue par les Madelinots quelque part avant la fin des années quatre-vingt. La papeterie de la vallée de la Matapédia pour laquelle Pierre de Bané a manqué d'argent pour respecter ses engagements. Le tome I ne paraîtra donc jamais; on dit que le tome II est en préparation. (17 h 50)

Un dernier exemple, le gazoduc dans l'Est du Québec. Cette aventure pourrait sans doute être aussi captivante que la conquête de l'Ouest. Malheureusement, les auteurs Lalonde et MacEachen craignent les Indiens du Bas-Saint-Laurent qui pourraient les empêcher de poser leurs tuyaux pour se rendre plus rapidement à Canso. On nous promet là-dessus une édition résumée de ce grand projet sous forme de fascicule, car

l'Est du Québec ne mérite pas la version originale.

Vous croyez, M. le Président, que les gens de ma région, après tous ces cauchemars, après toutes ces promesses sans lendemain, après toutes ces duperies à saveur électorale ou référendaire, ont encore confiance dans la bonne foi de ceux qui nous dirigent à Ottawa? Eh bien, non. Nous avons cependant confiance dans le geste qui sera posé par les membres de cette Assemblée nationale qui, nous l'espérons tous, unanimement, vont voter pour la motion présentée par le premier ministre du Québec. Ce sera pour nous infiniment plus rassurant que toutes les branches d'olivier qui nous sont régulièrement tendues par nos élus à Ottawa. Nous commençons à savoir chez nous quoi faire avec nos branches de sapin et d'épinette. Nous ne saurions comment transformer en papier ces trop nombreuses branches d'olivier. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: M. le Président, je demande la suspension du débat, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Y a-t-il consentement?

Des voix: Oui, consentement.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Consentement. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 52)

(Reprise de la séance à 20 h 10)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

M. le député de Huntingdon.

M. Claude Dubois

M. Dubois: M. le Président, je m'adresse à mes électeurs du comté de Huntingdon. Vous tous qui avez supporté le renouvellement de mon mandat lors de la dernière élection générale, vous méritez d'emblée que la confiance que vous m'avez témoignée vous soit aujourd'hui rendue. Défendre les intérêts supérieurs du Québec, dans un cadre fédératif canadien, est et demeurera le mandat que vous m'avez confié et que je respecterai. Je me sens donc très à mon aise en me portant, ce jour-même, à la défense de l'intégrité de nos institutions politiques canadiennes qui incluent infailliblement le maintien de nos coutumes, de nos conventions, de nos droits et de nos pouvoirs qui, depuis 113 ans, font partie intéqrante de notre constitution. Dans cet ensemble canadien, repose la raison d'être de notre Assemblée nationale provinciale.

Ma position dans ce débat est tout à fait cohérente avec le verdict prononcé par la Cour suprême du Canada qui, elle-même, a établi clairement que les conventions, les droits, les pouvoirs et privilèges conférés par la constitution du Canada aux provinces en sont affectés. Pareillement pour sept autres provinces canadiennes fédéralistes rejetant la proposition Trudeau et faisant front commun pour dénoncer sa démarche unilatérale.

Pour moi, l'héritage le plus précieux et le plus cher, contrairement aux responsables du gouvernement actuel, c'est bien ces 113 années de coexistence dans ce pays qui est le mien, qui nous ont permis d'accéder, comme peuple, au premier rang mondial au chapitre de la tolérance et des droits et libertés individuelles.

Je confesse, cependant, ma répugnance à avoir à voter conjointement avec les membres péguistes sur cette question, car les intérêts et les valeurs que nous défendons de part et d'autre sont diamétralement opposés. Sachez bien que je n'ai aucune affinité avec les représentants du Parti québécois qui, eux, se servent illégitimement de cette situation pancanadienne pour mieux mousser leur option indépendantiste. Il faudrait être borné pour penser autrement.

Le grand paradoxe sous nos yeux, c'est de voir l'ennemi d'un système se porter à la défense de ce même système. M. le Président, aussi bien préciser tout de suite que ce gouvernement séparatiste tente, depuis cinq ans, de diviser pour mieux régner. Il en ressort clairement que sa démarche précipitée dans cette Assemblée nationale a pour but, entre autres, de nous éliminer, nous qui formons la seule Opposition.

À première vue, je serais tenté de rejeter toute forme d'association venant des destructeurs de mon pays. Il est bien évident qu'ils voudraient nous faire tomber dans un piège et que ce micmac nous soit fatal.

M. le Président, leurs combines et leurs manigances ne m'effraient guère. C'est en me tenant debout, toujours conscient, respectueux et honnête envers moi-même et aussi envers tous ceux qui sont profondément Canadiens que je vais accomplir dignement la tâche qui m'échoit. Mon geste d'aujourd'hui s'inscrit dans le respect des valeurs fondamentales auxquelles je crois profondément. Jamais je n'échapperai à mon devoir de citoyen canadien et membre de cette Assemblée nationale.

Mr Speaker, the motion being presently debated in this House gives me an opportunity to express my gratitude to the residents and electors of Huntingdon, who

have honoured me by giving me their trust and support.

Based on this mutual respect, and also on the mandate given to me as defender of your rights and liberties at the Québec Government level, I have today duties and responsabilities to exercise, which go far beyond simple politics. In fact, our constitutional conventions, our powers, our riqhts and our unwritten laws are being endangered by the Federal Government's decision to modify unilaterally the powers of the Québec National Assembly, as well as those of all provincial Legislatures in Canada.

Seven other provinces have also strongly objected in their own way. The Supreme Court has rendered a clear decision in which nine out of nine judges declared that provincial powers and rights will be affected. The essence of the resolution is to ask the Federal Government to stop its unilateral action and also to let them know that we are opposed to any decision that would adversely affect our powers and rights. Furthermore, we are asking the Federal Government to resume negotiations with the provinces.

Being, as you know, a strong federalist, respectful of the 113 year old Constitution of Canada, it is my duty and responsibility to defend our most precious heritage, which is the actual federal framework. Although I must admit my reluctance to voting in the same direction as will be the PQ members, my vote goes strictly in support of the Supreme Court decision and well in line with the action of seven other provincial governments.

Mr Speaker, more than ever I distrust the members of the separatist Lévesgue Government and their hypocritical practices. I know they want to discard our party from the provincial scene, they want to trap us constantly. I know they are the ennemy of my country, I know they want to divide our people to better strengthen their hold on the people. I know they are separatists dedicated to the destruction of Canada. I know they are playing a vicious game, trying to defend something in which they do not believe. But, Mr Speaker, those schemes and booby traps will sooner or later blow up in their face.

Mr. Speaker, the actual resolution being debated is what we drafted and I wonder how this PQ Government can, in fact, ask Ottawa to stop its unilateral action while the pequistes themselves often talk of unilaterally taking Québec out of Canada.

Let us review together the lack of judgment and the incoherence of this Government. The long established conventions and rights protecting Anglophones and ethnic groups have vanished. This was all done unilaterally by the present Government. The actual Government wants to abolish our present school system as well as private schools.

Mr Speaker, how can this Government ask that Québec rights be upheld when the same Government withdraws rights from its own citizens? I also could stress the fact that huge spendings and deficits was a way of life up until the April 13th election. Thev built up a 10 000 000 000 $ deficit in order to get elected and we know who will pay to cover this deficit. It is you and I.

Maintenant, M. le Président, je termine en indiquant que j'appuierai cette motion puisque je crois sincèrement, contrairement à ce façon pensent les gens d'en face, que la fédération canadienne et toutes ses institutions, notre Confédération, l'Assemblée nationale du Québec et toutes les Législatures provinciales méritent mon attachement, mon respect et ma volonté de les conserver intacts dans un cadre fédératif uni.

Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Voilà maintenant près de cinq ans que je siège dans cette Assemblée comme député de Verchères, comme représentant de cette circonscription électorale. Je dois vous dire que je n'ai pas vu souvent le premier ministre actuel et le chef de l'Opposition actuel faire front commun, particulièrement contre Ottawa. Je n'ai pas l'impression, après avoir entendu le député de Huntingdon, qu'on va voir ça souvent dans l'avenir. (20 h 20)

Je n'ai pas non plus entendu souvent les deux mêmes chefs politigues utiliser le même langage pour dénoncer le gouvernement fédéral. Pourtant, hier soir, c'est exactement ce qui est arrivé ici dans ce Parlement. J'ai vu, comme des milliers de Québécois et de Québécoises, ces deux hommes, adversaires irréconciliables à bien des égards, partager le même point de vue sur une question de fond.

J'ai entendu, comme des milliers de gens, hier soir, René Lévesque et Claude Ryan qualifier le projet Trudeau et la démarche du gouvernement fédéral d'immoraux et d'illégitimes. Ce sont des termes que d'abord a utilisés le premier ministre et qu'a ensuite utilisés le chef de l'Opposition. Ce sont des mots graves, ce sont des accusations sérieuses que ces deux dirigeants politiques québécois ont proférées hier soir.

J'aimerais prendre le peu de temps qui m'est attribué, M. le Président, pour approfondir les raisons pour lesquelles le premier ministre et le chef de l'Opposition ont parlé à la fois d'immoralité et

d'illégitimité. À mon avis, il y a trois raisons principales qui justifient l'emploi de ce vocabulaire particulièrement dur. La première raison est la suivante: Ottawa agit inconstitutionnellement. On s'en doutait un peu, maintenant c'est clair. Et même en le sachant maintenant, le gouvernement fédéral entend mener à terme son projet envers et contre tous.

D'abord il agit inconstitutionnellement parce qu'il brise l'une des conventions les plus fondamentales qui régissent le fonctionnement de notre système politique. Cette convention - on l'a dit, et je pense que c'est important de le répéter - c'est la nécessité d'obtenir l'accord des provinces, des gouvernements provinciaux et des Parlements provinciaux pour modifier les responsabilités et les pouvoirs que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique leur a attribués en 1867. Cette convention n'a pas force de loi parce qu'elle n'est pas écrite, mais elle fait partie intégrante de la constitution. En effet, contrairement à ce que beaucoup de gens croyaient jusqu'à lundi, jusqu'au jugement de la Cour suprême, la constitution, cela ne comprend pas uniquement le texte de la loi anglaise de 1867; cela comprend aussi plusieurs conventions, c'est-à-dire plusieurs règles non écrites fondées sur la coutume, fondées sur des précédents. Même si ces règles ne sont pas écrites, ne sont pas incluses dans le texte de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, ces conventions sont importantes, à tel point que la Cour suprême elle-même a dit qu'elles étaient plus importantes que beaucoup de lois.

À ce propos, je pourrais citer un passage du jugement de la Cour suprême qui dit: "II faut garder à l'esprit, toutefois, que, bien qu'il ne s'agisse pas de lois, certaines conventions peuvent être plus importantes que certaines lois. Leur importance dépend de la valeur ou du principe qu'elles sont censées protéger. En outre, elles forment une partie intégrante de la constitution et du régime constitutionnel. " La Cour suprême ajoute: "II existe un consensus général qu'une convention se situe quelque part entre un usage ou une coutume, d'une part, et une loi constitutionnelle écrite, d'autre part. Il y a un consensus général que si on cherchait à fixer cette position avec plus de précision, on placerait la convention plus près de la loi que de l'usage ou de la coutume. II existe également un consensus général qu'une convention est une règle que ceux à qui elle s'applique considèrent comme obligatoire. " "C'est pourquoi il est tout à fait juste de dire, poursuit la Cour suprême, que violer une convention revient à faire quelque chose d'inconstitutionnel, même si cela n'a aucune conséquence juridique directe. "

On pourrait se demander, dans le cas qui nous concerne, pourquoi l'accord des provinces est-il devenu partie intégrante de la constitution canadienne? À cela aussi, la Cour suprême a voulu apporter une réponse non équivoque. "Le but de cette règle conventionnelle est de protéger le caractère fédéral de la constitution canadienne et d'éviter l'anomalie par laquelle la Chambre des communes et le Sénat pourraient obtenir, par simple résolution, ce qu'ils ne pourraient validement accomplir par une loi. "

Le caractère fédéral c'est d'abord et avant tout l'existence, dans notre système de fonctionnement politique de deux ordres de gouvernement. Ici, il faut rappeler que le caractère fédéral de la constitution et l'existence d'une province distincte, la nôtre, ayant un parlement propre, jouissant de l'entière souveraineté, dans différents domaines individuels et collectifs des gens d'ici étaient déjà, pour les gens du Québec, du moins pour une majorité, selon tous les historiens, un compromis en 1867. Le chef de l'Opposition l'a rappelé à juste titre hier, l'idée première du principal promoteur du projet constitutionnel en 1867, John Macdonald, qui fut le premier premier ministre du Canada, était à toutes fins utiles de réunir ensemble les colonies britanniques du Canada sous l'autorité d'un seul gouvernement. Face à cette volonté non pas d'avoir un système fédéral, mais d'avoir un système unitaire où les francophones seraient minoritaires, à peine 40 ans après la défaite du parti des patriotes de Louis-Joseph Papineau et de l'abolition de l'autonomie politique du Québec, qu'on appelait alors le Bas-Canada, les leaders québécois d'alors, les leaders canadiens-français d'alors ont bataillé ferme pour obtenir un système de gouvernement où notre peuple retrouverait au moins une partie de l'autonomie qu'il avait perdue 40 ans auparavant.

Beaucoup de gens, comme le chef du Parti libéral de l'époque, Antoine-Aimé Dorion, auraient préféré avoir une autre formule de gouvernement, un autre système que le système fédéral, beaucoup plus de pouvoirs. Comme nous, du Parti québécois, aujourd'hui, on ne cache pas nos couleurs, ces gens croyaient à l'époque - Antoine-Aimé Dorion et tous ceux qui le secondaient -qu'il y avait beaucoup mieux pour le Québec et le Canada que le système fédéral de gouvernement. Mais, dans le contexte de l'épogue, avoir gagné une constitution à caractère fédéral était déjà un progrès énorme et, par la suite, nos dirigeants ont dû aussi batailler ferme pour consolider d'abord ces minces acquis et obtenir que l'on reconnaisse d'abord leur souveraineté limitée, qu'on accepte de ne pas modifier ces pouvoirs limités sans leur consentement et qu'on évite aussi, de cette façon, d'ouvrir la porte à l'abolition plus ou moins progressive des provinces, c'est-à-dire de mettre en cause le caractère fédéral de la constitution.

Cinq fois, M. le Président, on a changé la constitution en modifiant les pouvoirs législatifs des provinces, dont le Québec. Cinq fois, le Québec avec d'autres a réclamé et obtenu d'Ottawa qu'il obtienne son approbation d'abord avant de le faire. C'est cette règle du jeu, c'est cette convention qui n'a pas été écrite, mais qui est devenue tellement fondamentale, tellement importante, qui a amené la Cour suprême à préciser, et je le rappelle, que "certaines conventions comme celles-là sont plus importantes que bien des lois". Voilà pourquoi il faut parler et on peut parler d'illégitimité du projet fédéral.

On aurait pu croire qu'après le jugement de la Cour suprême, le gouvernement fédéral se serait amendé un peu, aurait reconnu ses torts et aurait accepté de respecter comme c'est son devoir, comme on nous l'aurait demandé à nous, comme on nous l'a déjà demandé à nous, comme le soulignait le chef de l'Opposition hier, de respecter, dis-je, la constitution dans sa globalité. MM. Trudeau et Chrétien ont préféré choisir la voie de l'inconstitutionnalité. Ils ont préféré continuer à "bulldozer" envers et contre tous. Ils ont préféré choisir la voie du coup d'État. Le terme est très fort, mais il a été employé par la Cour suprême elle-même dans son jugement.

Cela était grave. Il faut se rendre compte, et je pense que les citoyens et les citoyennes qui nous écoutent doivent se rendre compte que ce que le gouvernement fédéral fait actuellement serait inacceptable dans d'autres pays. En Angleterre, par exemple, un premier ministre qui irait malgré la constitution et malgré les conventions serait amené à quitter ses fonctions. C'est la première raison pour laquelle, M. le Président, on peut parler d'illégitimité et d'immoralité. La seconde raison tient au fait que, depuis le début de ce coup de force, depuis plus d'un an et même depuis le jugement de la Cour suprême du Canada, lundi dernier, le gouvernement fédéral a camouflé et continue de camoufler systématiquement les conséquences véritables de son projet. (20 h 30)

À ce propos, le jugement de la Cour suprême est aussi très explicite et aussi très révélateur, parce que, contrairement à ce qu'on pensait nous-mêmes de ce côté-ci de la Chambre, cela va beaucoup plus loin que tout ce qu'on a pu dire, que toutes les interventions qui ont pu être faites dans cette Chambre, notamment lors du débat de l'automne dernier.

La Cour suprême dit: "Si le projet de charte des droits devenait loi, chacun des chefs de compétence législative provinciale pourrait être touché. En outre, la charte des droits aurait un effet rétrospectivement de même que prospectivement, de sorte que les lois édictées par une province à l'avenir, de même que celles édictées dans le passé, même avant la Confédération, seraient susceptibles d'être attaquées en cas d'incompatibilité avec les dispositions de la charte des droits. Cette charte, poursuit la Cour suprême, diminuerait donc l'autorité législative provinciale sur une échelle dépassant l'effet des modifications constitutionnelles antérieures pour lesquelles le consentement des provinces avait été demandé et obtenu. Concrètement, M. le Président, cela veut dire quoi? Cela veut dire que des centaines de lois, des centaines de règlements qui ont été adoptés par ce Parlement depuis des générations, même avant 1867, pourront devenir illégaux, inconstitutionnels, pourront être contestés devant les tribunaux. Les tribunaux pourront ordonner leur modification sinon leur abolition pure et simple. C'est ce que cela veut dire, M. le Président, et c'est ce que la Cour suprême confirme. Est-ce que le gouvernement Trudeau a expliqué cela aux gens? Est-ce qu'il a parlé des conséquences de son projet politique? Sur la politique d'achat préférentielle du gouvernement du Québec, est-ce qu'il a dit aux gens que 71 programmes québécois d'aide aux entreprises du Québec seront attaqués éventuellement? Est-ce qu'il a dit aux agriculteurs du Québec que tous les régimes d'assurance-stabilisation en vigueur seront affectés? Est-ce qu'il a dit aux consommateurs du Québec que ceux-ci perdront des droits et des protections que leur donnent actuellement des lois du Québec, des lois provinciales du Québec? A-t-il dit aux Québécois que les programmes de francisation des entreprises oeuvrant chez nous devront être éventuellement abolis?

Le ministre des Affaires intergouvernementales cet après-midi a fait allusion à un mémo interne du cabinet fédéral, du gouvernement fédéral, mémo qui a été rendu public il y a un an et qui faisait voir la stratéqie particulière du gouvernement fédéral. En fait, ce qu'il faut savoir, c'est qu'il y a eu trois documents qui, à des moments donnés, ont été rendus publics en l'espace de quelques semaines par des journalistes.

J'aimerais vous citer, M. le Président, quelques phrases qui n'ont pas été citées par le ministre cet après-midi et qui sont particulièrement significatives de l'intention du gouvernement fédéral. On disait, dans les textes stratégiques du gouvernement fédéral, textuellement ceci: II faut mettre la pression sur les gouvernements provinciaux et bien préparer l'opinion publique à ce qui va suivre. Il faut mettre les provinces sur la défensive et utiliser les gouvernements provinciaux les uns contre les autres. Il faut éviter qu'on puisse dire que le gouvernement fédéral a voulu délibérément l'échec des

négociations constitutionnelles pour mieux agir à sa guise. Il faut préparer le terrain des idées à un rapatriement unilatéral ou à un référendum le cas échéant. Il faut également parler abondamment des droits de la personne, vu l'émotivité des gens face à ce sujet. Il faudra aussi jouer avec les options d'opposition de façon à répandre l'image d'une lutte saine entre des partenaires d'affaires finalement unanimes à bâtir ensemble un grand pays. Et il faudrait finalement une campagne publicitaire prolongée destinée uniquement au Québec et aux francophones hors Québec. Or, on apprenait dans les journaux, pas plus tard qu'hier, qu'effectivement M. Chrétien s'apprête à lancer cette campagne publicitaire uniquement pour les Québécois et uniquement pour les francophones hors Québec. On me dit même que c'est commencé. On cherche en somme, M. le Président, à nous faire croire à nous et même aux autres que les francophones hors Québec auront plus de protection, alors qu'en réalité c'est faux. On cherche à nous faire croire qu'on veut sauver les Canadiens français ailleurs au Canada, alors que c'est faux. On cherche à nous faire croire, à nous ici au Québec, qu'on aura plus de possibilités d'emplois par la suite; pourtant, c'est faux. Tout cela, M. le Président, est immoral. C'est immoral parce qu'un gouvernement élu n'a pas le droit de camoufler les véritables conséquences de ses projets, surtout quand ces conséquences sont aussi lourdes que celles qui sont décrites par le jugement de la Cour suprême.

La troisième raison pour laquelle on doit parler d'immoralité et d'illégitimité -c'est peut-être la plus importante et celle qui a été le moins abordée par le premier ministre et le chef de l'Opposition, hier -c'est que le comportement d'Ottawa est profondément antidémocratique. Le gouvernement Trudeau a-t-il demandé aux gens un mandat spécifique pour faire ce qu'il fait? A-t-il obtenu ce mandat? A-t-il procédé à un référendum? A-t-il posé une question? A-t-il consulté les gens lors des dernières élections? En 1979, M. Trudeau a perdu les élections et, quelques semaines après, il a déclaré qu'il n'était plus l'homme de la situation. Les revirements politiques étant ce qu'ils sont, quelques semaines plus tard, il s'est retrouvé en pleine campagne électorale à la tête de son parti et, à aucun moment pendant la campagne électorale fédérale de l'hiver 1980, il n'a été question de constitution.

Qu'est-ce qui a suivi la campagne électorale? La campagne référendaire. C'était là peut-être une meilleure occasion, plus spécifique, pour le premier ministre fédéral, d'indiquer ses intentions, ses projets véritables. Tous les gens qui nous écoutent, tous les hommes et les femmes du Québec, tous les citoyens et les citoyennes qui ont voté en mai 1980 et qui ont participé, vécu la campagne référendaire, comme nous et comme tous les gens de cette Assemblée l'ont vécue, savent que M. Trudeau n'a pas spécifié ses intentions. Non seulement n'a-t-il pas spécifié ses intentions, mais il a plutôt laissé entendre le contraire de ce qu'il fait actuellement et de ce qu'il veut faire.

En démocratie, M. le Président, il y a une autre convention fondamentale. Le vice-premier ministre, qui est un expert en droit constitutionnel, me disait cet après-midi: C'est plus qu'une convention, celle-là; c'est un principe de base: pour effectuer des changements majeurs, il faut obtenir auparavant un mandat clair. Est-ce qu'on aurait accepté que le Parti québécois et que René Lévesque procèdent unilatéralement, changent les règles du jeu et imposent la souveraineté-association aux Québécois sans un mandat spécifique? Est-ce qu'on aurait accepté ça? Est-ce que M. Trudeau aurait accepté ça? Est-ce qu'il serait prêt maintenant à accepter ça? Pourtant, lui qui donne des leçons de démocratie aux dirigeants politiques de son pays et d'un peu partout dans le monde, sans mandat se propose de changer le système politique actuel.

Il est vrai, disait la Cour suprême, que le Canada resterait une fédération si les projets de modification devenaient loi. Mais ce serait une fédération différente, devenue telle à la demande d'une majorité des Chambres du Parlement fédéral agissant seule. Ce serait une fédération qui a été refusée par tous les gouvernements du Québec depuis 1867. M. Trudeau n'a pas le mandat d'agir, M. le Président, mais nous -et je termine sur ça - nous avons le mandat d'intervenir. Tous les membres de cette Assemblée nationale, du simple fait qu'ils soient députés ici, ont le mandat implicite de s'opposer à ce coup de force. Plus spécifiquement les gens de ce côté-ci, les députés du Parti québécois ont non seulement un mandat implicite; ils ont même obtenu un mandat explicite parce que cette question était sur la table des enjeux électoraux, il y a à peine quelques mois. Les Québécois se sont prononcés et ils nous ont donné ce mandat de nous opposer. M. le Président, jusqu'au bout, nous nous opposerons parce que ce coup de force est illégitime, parce que ce coup de force est immoral et qu'il ne doit pas passer. Merci.

Le Président: M. le député de Rousseau. (20 h 40)

M. René Blouin

M. Blouin: M. le Président, je dois dire, et cela n'arrive pas souvent dans cette Assemblée, que l'unanimité ou la quasi-

unanimité qui est en train de se faire autour de ce débat fondamental a quelque chose non seulement d'important, mais d'émouvant aussi, parce que par-delà nos divergences politiques et par-delà les diverses solutions que proposent nos partis politiques respectifs quant à l'avenir du Québec, tous, au moins -c'est cela qui est fondamental, et voilà ce dont nous discutons - s'entendent pour dire que l'Assemblée nationale, en aucun cas, ne devra devenir moins forte qu'elle ne l'est actuellement. Cette solidarité que nous sommes en train de faire est un premier pas, est un exemple qui indique aux citoyens et aux citoyennes du Québec à quel point l'heure est grave et à quel point il est temps de resserrer les rangs et, plus que jamais, de se tenir debout devant le gouvernement d'Ottawa.

Beaucoup de citoyens et de citoyennes du Québec et de partout au Canada ont été surpris d'apprendre ce que contenait ce jugement de la Cour suprême, surpris parce que beaucoup ne s'attendaient surtout pas que la Cour suprême confirme que le projet d'Ottawa consistait effectivement à diminuer les pouvoirs et les droits du Québec et de toutes les provinces du Canada. Beaucoup furent surpris parce que la version fédérale, M. Trudeau, en particulier, avait toujours soutenu le contraire. Devons-nous vraiment être surpris de cette attitude de M. Trudeau? Je ne crois pas. En effet, est-ce la première fois que M. Trudeau se livre à ce genre de pratique qui, le moins qu'on puisse dire, se rapproche davantage - il faut bien l'admettre - du mensonge que de la franchise? Cette attitude de la part du premier ministre fédéral n'est pas nouvelle.

Pour illustrer cette attitude du premier ministre Trudeau, nous allons revenir un peu en arrière, au début des années soixante-dix, et analyser un peu quelle avait été l'attitude du premier ministre fédéral lors des élections fédérales au cours desquelles le Parti conservateur, pour essayer de stopper un peu l'inflation qui galopait encore à cette époque, avait proposé aux citoyens et aux citoyennes du Canada tout entier un programme de contrôle des prix et des salaires. Pendant toute la campagne électorale, le premier ministre Trudeau avait utilisé toutes les tribunes qui étaient mises à sa disposition pour traiter de simpliste et d'absurde ce projet. Il avait, avec tout le talent qu'on lui connaît, convaincu les citoyens et les citoyennes du Canada que le contrôle des prix et des salaires, cela n'avait pas de bon sens. Il a été élu. Quelques mois seulement après son élection, c'était lui qui imposait le contrôle des prix et des salaires à tous les citoyens et citoyennes du Canada. M. Trudeau s'était-il vraiment trompé, ou avait-il plus simplement trompé la population?

Un peu plus près de nous, en 1979, le

Parti libéral fédéral dirigé par M. Trudeau défait en Chambre les conservateurs sur un point bien précis. Les libéraux fédéraux dans leurs discours, avec leur chef en tête, prétendaient que l'auqmentation de 0, 18 $ le gallon d'essence que proposaient les conservateurs était proprement immorale. Ils ont défait les conservateurs qui, évidemment, comme cela doit toujours se faire, ont respecté ce que nous venons d'apprendre, qui s'appelle une convention constitutionnelle. Ils ont donc abandonné le pouvoir et sont retournés en élection générale. Encore une fois, au cours de toute la campagne électorale, le premier ministre Trudeau se promenait partout pour expliquer aux gens à quel point 0, 18 $ d'augmentation d'essence, cela ferait mal à tout le monde. Il y avait dans les journaux - je m'en rappelle comme si c'était hier - des annonces pavées par le Parti libéral du Canada dont M. Trudeau est le chef. On voyait un chauffeur de taxi qui disait: Pas 0. 18 $ de plus par gallon d'essence! Je ne serai plus capable d'arriver! Votez libéral!

Que s'est-il passé après? M. Trudeau a encore une fois convaincu les citoyennes et les citoyens que 0. 18 $ le qallon, c'était trop. On se demande si cette capacité de M. Trudeau de convaincre les citoyennes et les citoyens est un talent ou plutôt un vice. Encore une fois, quelle a été son attitude après, lorsque la campagne électorale a été terminée et que les électeurs et les électrices canadiens lui eurent redonné le pouvoir? En moins de 18 mois, ce n'est pas de 0. 18 % qu'a augmenté le gallon d'essence, mais bien d'au-delà de 0. 52 $.

Cette volte-face, qui pouvait ressembler à une erreur dans le dossier du contrôle des prix et des salaires, lorsqu'on connaissait moins le comportement politique de M. Trudeau, ressemble de plus en plus à une tromperie consciente et calculée.

Ce qui est encore plus grave, c'est que, depuis bientôt quatorze ans, si ce n'est pas au-delà, M. Trudeau traîne avec lui un profond et prolongé mensonge. Il prêche en effet, depuis 14 ans que nous l'écoutons, le renouvellement du fédéralisme canadien. Ce débat, comme c'était normal, est devenu très vif, particulièrement lors de la période référendaire au Québec, en mai 1980. Les plus ardents acolytes des deux thèses qui s'opposaient et qui étaient proposées aux citoyens lors du référendum allaient irrémédiablement dans le sens de la consolidation des droits et des pouvoirs du Québec. Voilà ce qui se dégageait des thèses avancées ou, du moins, des discours que nous entendions dans les deux camps, que ce soit celui qui sollicitait le non au référendum ou

celui qui sollicitait le oui.

Quant à nous, est-il utile de le répéter, nous recommandions que les lois, les impôts et les relations extérieures dépendent du Québec et qu'une association économique soit établie entre le Québec et le Canada ayant comme principe l'égalité des peuples. Mais, à la fin de ce débat qui a duré près de deux mois, à la toute fin, le mercredi précédant le vote du 20 mai, M. Trudeau vint enfin. Lui qui avait suivi le débat d'assez loin jusque là décidait de plonger au coeur du débat. Il s'est rendu au centre Paul-Sauvé assister et participer à un rassemblement des partisans du non. C'est alors qu'il a expliqué à tous ceux qui avaient mené cette lutte, quel que soit le côté de la clôture où ils se situaient pour essayer de défendre ou à tout le moins d'augmenter un peu les droits et les pouvoirs du Québec, c'est alors qu'il a dit à ceux-là avec, dans la voix, les trémolos qu'on lui connaît: Je vous donne ma parole, dites non et fiez-vous à moi, ce sera oui. Tous ceux et celles qui ont entendu ce message, M. le Président, et qui, encore une fois, se sont laissé envoûter par les mensonges cyniques de M. Trudeau se rappellent ces moments.

Est-il possible et imaginable qu'on se moque ainsi des gens en abusant de leur bonne foi, eux qui se fiaient, comme c'est normal, à la parole donnée? Le non qui devenait soudainement un oui au renouvellement du fédéralisme est devenu, dans les jours qui ont suivi le référendum, un oui à une diminution des pouvoirs du Québec et à un abandon des principes mêmes du fédéralisme. Il faut le faire. Personne n'avait compris que ce non signifiait: Oui, nous allons diminuer les droits et les pouvoirs du Québec. Tous ceux et celles qui veulent comprendre davantage - parce que c'est très compliqué - où le Québec serait touché en particulier peuvent se procurer une petite brochure qui est très instructive à cet égard et qui s'intitule: Minute Ottawa! (20 h 50)

Qui pouvait prévoir cette fourberie? Personne ne l'avait prévue. Il a fallu, récemment, que la Cour suprême confirme, à neuf juges sur neuf, que le projet Trudeau diminue effectivement et expressément les droits et les pouvoirs du Québec pour que cessent enfin les mensonges. Le projet d'Ottawa vise essentiellement à arracher des pouvoirs aux provinces et, notamment, à affaiblir celles-ci dont, évidemment, le Québec. C'est finalement la Cour suprême du Canada qui aura identifié les menteurs dans ce débat. Avait-on le droit d'abuser ainsi de la bonne foi des gens en leur mentant en plein visage? Aucune loi ne l'interdit, il est légal de mentir. Mais les conventions humaines interdisent un pareil comportement. Elles interdisent à M. Trudeau, à peine quelques semaines après le référendum, de bluffer systématiquement les dix premiers ministres des provinces et les populations qu'ils représentent en les invitant soi-disant à négocier une dernière fois.

M. le Président, on a appris très rapidement que cette conférence constitutionnelle n'était, en fait, qu'une farce, un coup monté, puisqu'un document, dont on a abondamment parlé, émanant des bureaux du gouvernement fédéral et rendu public à la suite d'une fuite, montre à quel point M. Trudeau et ses acolytes avaient soigneusement orchestré l'échec de cette conférence pour justifier son désir d'agir unilatéralement, c'est-à-dire, comme l'a jugé la Cour suprême, inconstitutionnellement.

Je m'arrêterai très rapidement sur quelques exemples, en fait, de ce qu'il y a derrière les mensonges de M. Trudeau, c'est-à-dire derrière le projet d'Ottawa. Il faut savoir que le projet du gouvernement fédéral pourrait rendre illégale la politique québécoise d'aide aux industries, de même que la politique d'achat chez nous, qui maintient et crée des milliers d'emplois chaque année au Québec. Il faut savoir que le projet Trudeau abolirait les règlements favorisant les professionnels et les fournisseurs québécois. Il faut savoir que le mensonge d'Ottawa cache le fait que les privilèges d'emplois pour les grands chantiers d'ici, tels que la Baie-James, ne pourraient plus s'appliquer et que notre main-d'oeuvre ne serait donc plus protégée. En tout, plus de 100 lois visant à avantager les Québécois et les Québécoises pourraient être directement touchées par ce projet d'Ottawa, et, sur le plan économique, pourrait nous faire perdre des plumes en centralisant les politiques économiques encore davantage à Ottawa, ce qui, évidemment, contribuerait à favoriser encore plus l'Ontario.

On a assez insisté, au cours de ce débat, sur les dangers du projet Trudeau en ce qui concerne le projet linguistique. S'il est un domaine où le Québec ne cédera jamais un pouce, c'est bien celui de la langue. Tous doivent se rappeler que l'Assemblée nationale du Québec est le seul Parlement francophone d'Amérique et que toute diminution des pouvoirs du Québec à cet égard serait proprement immorale.

Oui, M. le Président, nous avons été trop souvent et trop fortement trompés par M. Trudeau, trompés depuis 14 ans, avec une accélération tactique du mensonqe depuis deux ans. C'est comme si - je termine sur cet exemple - sachant les effets que cela peut avoir sur notre santé collective, M. Trudeau nous disait: J'ai l'intention d'isoler les dix maisons provinciales, et particulièrement celle du Québec, avec de la mousse d'urée formaldéhyde constitutionnelle. M. Trudeau sait que cette mousse constitutionnelle aura des effets négatifs certains sur la population québécoise. Il

connaît les effets toxiques de son projet sur notre santé collective, mais que le Québec s'affaiblisse et s'étouffe ne le bouleverse pas.

Maintenant que la Cour suprême a reconnu que le projet d'Ottawa est toxique pour le Québec, qu'Ottawa se le tienne pour dit, M. le Président: la mousse d'urée formaldehyde constitutionnelle, non merci!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Beauce-Sud.

M. Hermann Mathieu

M. Mathieu: Merci, M. le Président. Je crois de mon devoir, à titre de député de Beauce-Sud en cette Assemblée nationale, d'apporter mon humble contribution à ce débat historique. Je désire profiter de l'occasion pour réfléchir brièvement sur les questions suivantes. Premièrement, pourquoi sommes-nous réunis aujourd'hui?

Deuxièmement, quels sont les véritables enjeux du débat? Troisièmement, quelle est la position constitutionnelle du Parti libéral du Québec. Quatrièmement, de quelle manière voter face à cette motion?

Pourquoi sommes-nous réunis ici aujourd'hui? À la suite du jugement de la Cour suprême du Canada rendu il y a trois jours, le gouvernement a décidé de convoquer en catastrophe l'Assemblée nationale pour entériner la motion présentement débattue. Y a-t-il vraiment urgence à ce point? Sans doute la situation est importante, mais le gouvernement aurait pu attendre au moins le retour au pays de M. Trudeau. Si l'on veut parler d'urgence, que l'on parle d'urgence dans la relance économique, d'urgence dans le règlement des déficits, l'endettement du Québec, le chômage surtout chez les jeunes, les coupures de budget en agriculture, en affaires sociales, surtout de la faillite des producteurs de porcs, pour lesquels le gouvernement n'a rien fait et qui tombent comme des mouches; et je pourrais continuer.

Cependant, revenons à la motion présentement à l'étude. Celle-ci fait suite au jugement de la Cour suprême, jugement d'une extrême importance qui stipule, premièrement, que le projet fédéral affecte les droits des provinces; deuxièmement, que le projet fédéral est constitutionnel au sens de la loi, mais anticonstitutionnel au sens des conventions qui ont toujours prévalu depuis la Confédération; troisièmement, qu'il existe une convention non écrite selon laquelle le consentement des provinces est nécessaire pour affecter leurs droits.

Est-il besoin de rappeler les trois principaux éléments du projet fédéral qui sont: rapatriement de la constitution, insertion d'une formule d'amendement et imposition d'une charte des droits?

Quels sont les véritables enjeux de ce débat? Il appert des déclarations d'à peu près tous les gouvernements provinciaux que les notions de rapatriement et de formule d'amendement ne causent pas de problèmes majeurs invincibles. Cependant, l'imposition unilatérale, dans la constitution canadienne, d'une charte des droits qui dépouille le Québec d'une partie de ses pouvoirs législatifs et constitutionnels est purement inacceptable.

Ai-je besoin de rappeler que nous sommes, nous du Parti libéral du Québec, en faveur du principe d'une charte des droits? Mais, comme les droits des provinces sont sacrés, nous ne pouvons comme membres de l'Assemblée nationale accepter l'imposition d'une charte qui enlève des pouvoirs aux provinces, sans l'accord de celles-ci. Nous préférons un Canada sans charte qu'une charte sans Canada. Le véritable enjeu, ce n'est pas d'appuyer Trudeau ou Lévesque, mais de défendre les pouvoirs législatifs et constitutionnels du Québec menacés par le projet fédéral, selon les termes mêmes de la Cour suprême ci-dessus évoqués. (21 heures)

Depuis la conquête de 1760, les Canadiens français ont conquis de haute lutte les pouvoirs que détient actuellement l'Assemblée nationale du Québec, que ce soient les étapes de 1763 avec le Traité de Versailles, 1774 avec l'Acte de Québec, 1791 avec l'acte constitutionnel, 1840 avec l'Acte d'union et 1867, la Confédération. Et nous, élus à l'Assemblée nationale, en 1981, sommes les dépositaires, les fiduciaires des pouvoirs du Québec. En tant que membres de cette Assemblée, pouvons-nous accepter que les pouvoirs du Québec soient diminués sans le consentement de l'Assemblée nationale ou du peuple du Québec?

Je suis conscient, comme membre de la collectivité québécoise, que le vote que j'aurai à donner dépasse mon humble personne, qu'il dépasse même mon parti. C'est l'institution suprême des Québécois qui est affectée. Par mon vote, je dois m'élever au niveau des intérêts supérieurs du Québec, comme le commande le serment que j'ai prêté après mon élection.

Quelle est la position constitutionnelle du Parti libéral du Québec? Notre parti a démontré, par sa riche tradition, qu'il est résolument québécois, attaché au Québec. N'est-il pas l'instigateur du réveil de la conscience québécoise depuis 1960, en particulier? La foi au Canada constitue, cependant, le second volet de la position de notre parti. Enfin, notre parti croit en l'existence du fédéralisme et affirme que le Québec doit continuer à s'épanouir au sein d'un Canada fédéral.

L'on me permettra de demander aux autorités fédérales compétentes de bien prendre conscience de la gravité du geste

qu'elles s'apprêtent à poser. Je leur demande d'imaginer le scénario qui se déroulera si les étapes d'Ottawa et de Westminster sont franchies sans modification. Les conséquences seront d'une extrême gravité et pour l'avenir du Québec et pour l'avenir du Canada. Il est impérieux pour les autorités fédérales de retourner avec les provinces à la table de négociation et de respecter les conventions et les règles du jeu établies depuis le début du Canada.

De quelle manière voter? Pour la bonne intelligence de nos téléspectateurs, il est bon de faire lecture de la motion présentement à l'étude. "La Cour suprême du Canada ayant décidé que le projet fédéral concernant la constitution du Canada réduit les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec et que l'action unilatérale du gouvernement fédéral, bien que légale, est inconstitutionnelle parce que contraire aux conventions, cette Assemblée réclame du gouvernement fédéral qu'il renonce à sa démarche unilatérale, s'oppose à tout geste qui pourrait porter atteinte à ses droits et affecter ses pouvoirs sans son consentement et demande au gouvernement fédéral et à ceux des provinces qu'ils reprennent sans délai les négociations dans le respect des principes et des conventions qui doivent régir les modifications du régime fédéral canadien. "

Est-il nécessaire de rappeler que cette motion porte l'empreinte de notre parti? Elle aurait été certainement endossée par les Lesage, Johnson, Bertrand et, aujourd'hui même, M. Robert Bourassa, ex-premier ministre, a mentionné qu'il était de notre devoir également de l'entériner.

En conclusion, M. le Président, le 20 mai 1980, dans le but de sauver le Canada, j'ai dit non au projet de séparation en indiquant au Parti québécois que mon non était québécois. Dans un esprit de continuité, toujours pour sauver le Canada, je dis non au projet fédéral et, aujourd'hui encore, mon non est tout aussi québécois. C'est pourquoi je voterai en faveur de la motion et mon vote n'est pas en faveur du PQ, mais en faveur du Québec et, à longue échéance, en faveur du Canada.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont.

M. Jean-Guy Rodrigue

M. Rodrigue: M. le Président, dans les remarques qu'il nous a faites à l'ouverture de cette session, le leader de l'Opposition a soulevé des doutes à l'instar d'un certain nombre de ses collègues par la suite, sur l'opportunité et l'urgence de la convocation de l'Assemblée nationale pour débattre de la motion qui nous est soumise.

Il est vrai que la convocation de l'Assemblée nationale en de si courts délais et la présentation d'une motion du type de celle que nous débattons présentement sont exceptionnelles, mais c'est que nous sommes dans une situation tout à fait exceptionnelle, M. le Président.

La Cour suprême du Canada vient de rendre un jugement où elle stipule que le projet de réforme constitutionnelle d'Ottawa réduit les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec et que ce projet est inconstitutionnel selon les conventions admises dans le régime parlementaire que nous connaissons, même si, à strictement parler, il n'est pas illégal, pour la simple et bonne raison que ces conventions sont distinctes du droit et que leur application ne relève pas des tribunaux. C'est ça que nous a dit la Cour suprême dans son jugement et c'est ce que le ministre de la Justice nous a expliqué hier dans son discours sur la motion qui est devant nous.

Or, à la suite de ce jugement, le premier ministre et le ministre de la Justice du gouvernement d'Ottawa ont déclaré qu'ils iraient de l'avant avec leur projet de réforme constitutionnelle sans se soucier de l'accord des provinces et ce même si le tribunal suprême a déclaré dans son jugement que "le consentement des provinces du Canada est constitutionnellement nécessaire à l'adoption de ce projet. "

Devant l'attitude du gouvernement d'Ottawa, qui bafoue sans vergogne toutes les règles constitutionnelles, nous ne pouvons pas et ne devons pas rester muets. Notre rôle, comme députés de l'Assemblée nationale du Québec, est de défendre et de sauvegarder les pouvoirs que nous a confiés le peuple du Québec. Nous devons le faire avec fermeté et tout de suite.

M. le Président, la motion qui est devant nous déclare que cette Assemblée s'oppose à tout geste qui pourrait porter atteinte à ses droits et affecter ses pouvoirs sans son consentement. Une telle déclaration apparaîtra à plusieurs comme une évidence. Ils auront l'impression que cela va de soi et ils se demanderont pourquoi, diable, sonner le branle-bas de combat, puisque c'est si évident.

Mais, M. le Président, c'est que jamais les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec et, par voie de conséquence, les pouvoirs du peuble du Québec lui-même n'ont été menacés de la sorte. Le projet constitutionnel d'Ottawa nous attaque dans ce qui est essentiel pour assurer notre survie et notre épanouissement comme peuple, c'est-à-dire le droit de prendre nous-mêmes les décisions qui conditionnent notre présent et orientent notre avenir. (21 h 10)

Quand on examine attentivement le projet d'Ottawa, on se rend compte que la charte des droits et la formule

d'amendement qu'il contient, que MM. Trudeau et Chrétien veulent introduire dans la constitution canadienne, permettrait à Ottawa d'annuler des lois présentes ou futures adoptées par cette Chambre. Elle permettrait également à Ottawa de compromettre les programmes que s'est donnés et que se donnera le Québec à l'avenir pour assurer son développement économique, social et culturel. Elle placerait le Québec dans une position où il lui serait impossible de planifier son avenir en fonction de ses besoins et de ses aspirations propres. Je crois que cela a été abondamment illustré par les collègues qui m'ont précédé dans ce débat et, à l'instar du député de Sainte-Anne qui lui a fait une très belle publicité, j'invite les personnes qui nous écoutent et qui aimeraient avoir des informations plus détaillées à ce sujet à lire la brochure Minute Ottawa; qui donne de nombreux exemples de ce que j'affirme.

Cette charte des droits et la formule d'amendement qui l'accompagne, à cause de leurs effets, sont inacceptables pour le Québec, mais il y a pire. En plus des menaces qu'elle laisse planer sur les pouvoirs de cette Assemblée, cette charte des droits est, à mon sens, pernicieuse. Quand on la lit attentivement, on se rend compte que c'est une charte des droits sélective. Dans le domaine linguistique, elle imposerait des contraintes au Québec, mais pas à l'Ontario. Pourtant, à ce qu'il me semble, la minorité anglophone du Québec, qui contrôle déjà toutes ses institutions socioculturelles, n'a pas besoin d'une charte des droits pour durer et prospérer. Pourtant, elle serait couverte par une telle charte, mais cette même charte des droits laisserait sans protection réelle les francophones de l'Ontario et d'ailleurs qui sont victimes, eux, d'une assimilation lente et insidieuse, mais qui n'en demeure pas moins réelle pour autant.

C'est ce qui me fait dire que la charte des droits d'Ottawa, ce n'est pas une véritable charte des droits. La charte des droits d'Ottawa, à mon sens, c'est une charte des passe-droits. En plus d'enlever des pouvoirs au Québec, ce qui est déjà inacceptable en soi, elle ne protège même pas ceux qui en auraient le plus besoin, du moins sur le plan linguistigue. Le premier ministre Trudeau nous dit: Acceptez cela et on discutera après. Quand on sait de quelle façon cet homme discute, à coup de diktats, quand on connaît la volonté de centralisation à outrance qui l'anime, on ne peut s'empêcher d'être renversé par le cynisme d'une telle proposition. Si c'est cela que le leader de l'Opposition a qualifié d'ouverture de Trudeau, lors de l'inauguration de ce débat, il a fait preuve, je pense, d'une grande naïveté.

M. Levesque (Bonaventure): Merci.

M. Rodrigue: Mais celui qui s'est surpassé dans tout cela, c'est le ministre fédéral de la Justice, M. Jean Chrétien. M. Chrétien a trouvé le moyen, au cours de la même conférence de presse, de dire qu'il fallait être légaliste pour la partie du projet constitutionnel d'Ottawa qui doit se jouer au Canada et constitutionnaliste pour la partie qui devra se jouer à Londres par la suite. Il faut vraiment le faire! Cela se passait lundi après-midi, soit quelques heures à peine après la divulgation du jugement de la Cour suprême. Voici d'ailleurs ce que le Journal de Montréal nous en rapporte dans son édition du mardi 29 septembre: "Quelques minutes seulement après la publication du jugement de la Cour suprême, le ministre Jean Chrétien a annoncé que le gouvernement poursuivra son offensive unilatérale pour rapatrier la constitution et y enchâsser une charte des droits. "

Une heure plus tard, en conférence de presse, le ministre fédéral de la Justice a déclaré que le projet constitutionnel serait ramené devant le Parlement dès la rentrée, puis acheminé vers le Sénat avant de l'envoyer à Londres. Pour M. Chrétien, le projet fédéral est légal. Rien d'autre ne compte. M. Chrétien avait oublié un petit détail, qu'il juge sans doute sans importance, à savoir que la Cour suprême, quelques heures plus tôt, avait déclaré que le projet d'Ottawa est inconstitutionnel parce que contraire aux conventions.

Mais, lorsqu'il se retourne vers Londres, là, tout à coup, M. Chrétien découvre qu'il existe des conventions constitutionnelles en régime parlementaire de type britannique qui parfois sont aussi sinon plus importantes que des lois. En réponse à une question d'un journaliste qui l'interrogeait sur ce qui allait se passer à Londres, voici ce qu'a dit M. Chrétien. Cela se passait au cours du même après-midi, à la même conférence de presse et je cite le même article. M. Chrétien dit ceci en réponse à la question: "Et là les Britanniques devront respecter la convention qui a fait qu'à 22 reprises en 54 ans ils ont répondu favorablement à la requête d'Ottawa les yeux fermés. "

Mais si c'est vrai à Londres, comment se fait-il que ce ne le soit pas à Ottawa? Nous sommes toujours en régime parlementaire britannique, que je sache. Comment peut-on soutenir que les conventions constitutionnelles doivent s'appliquer à Londres, mais pas à Ottawa? Chrétien nage en pleine contradiction. Ce n'est, d'ailleurs, pas la première fois. Je n'en suis pas surpris outre mesure, M. le Président, mais enfin, il me semble qu'il y a des limites aux pirouettes qu'un homme politique peut se permettre. Quant à moi, M. le Président, le ministre de la Justice d'Ottawa a largement dépassé cette limite et depuis longtemps.

M. le Président, devant la situation dans laquelle nous place le projet de réforme constitutionnelle d'Ottawa et devant la volonté nettement exprimée par MM. Trudeau et Chrétien d'aller de l'avant coûte que coûte et sans l'accord des provinces avec ce projet, il est plus que jamais nécessaire que les Québécois et les Québécoises et en particulier les membres de cette Assemblée parlent d'une façon unanime et avec force.

Dans ces circonstances, que nous n'avons pas voulues, mais qui nous sont imposées, il est indispensable que les députés de cette Assemblée défendent les pouvoirs que le peuple du Québec leur a confiés. C'est ce que j'ai l'intention de faire, M. le Président, en votant pour la motion qui est devant nous et j'invite tous mes collègues de cette Chambre à faire de même.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Laurier.

M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. Nous sommes appelés ici, à l'Assemblée nationale, afin de prendre position concernant le projet constitutionnel fédéral, à la suite de la décision de la Cour suprême il y a trois jours. Pour la plupart de nous, Canadiens québécois et Canadiennes québécoises, toutes ces discussions semblent confirmer, j'ai l'impression, un sentiment qu'on retrouve souvent exprimé par nos concitoyens à l'égard des politiciens, soit que nous sommes peut-être les seuls à nous comprendre et qu'on parle pour se faire écouter nous-mêmes. Il y a plusieurs de nos concitoyens et concitoyennes qui sont finalement, M. le Président, tannés d'entendre parler de constitution depuis des années. Moi aussi, j'aurais de beaucoup préféré être ici à l'Assemblée nationale pour parler de choses qui nous touchent tous dans le quotidien de la vie: les taux d'intérêts, l'effritement de nos services sociaux et de santé à la suite des coupures que je qualifierais d'irresponsables et d'insoucieuses de ce gouvernement. (21 h 20)

Tout au moins, j'aurais souhaité que cette session soit prolongée après l'adoption de cette motion pour qu'on puisse traiter de ces choses qui nous concernent directement dans notre vie quotidienne. Malheureusement, il ne dépend pas de l'Opposition de convoquer la Chambre et de décider du menu législatif. Il est donc clair que nous sommes consignés pour cette courte session à un menu composé uniquement de constitution. Il arrive pourtant qu'en dépit de cette manoeuvre du gouvernement afin d'éviter de faire face à ses responsabilités et à l'Assemblée nationale, en dépit de cela, la question demeure vitale pour l'Assemblée nationale, pour le Québec et le Canada tout entier.

Je voudrais donc, M. le Président, exposer devant mes concitoyens et les électeurs de Laurier les raisons qui me motivent à voter pour cette résolution. Je le fais en étant très conscient que la qrande majorité des fédéralistes comme moi ont une méfiance profonde envers le Parti québécois. Il est évident qu'il y a une contradiction fondamentale quand un gouvernement dont le but principal est de démanteler le pays est appelé à intervenir dans un processus qui vise essentiellement à renouveler la fédération canadienne. Notre chef, M. Ryan, a souligné cette contradiction hier d'une manière que je qualifierais d'éloquente et avec une qrande clarté d'esprit.

Le gouvernement actuel nous appelle à l'Assemblée nationale afin de protéger les pouvoirs légitimes de l'Assemblée nationale dans le cadre de l'esprit fédéral tandis qu'il y a des ministres de ce même gouvernement qui apportent leur appui à des motions du Parti québécois visant à la déclaration unilatérale de l'indépendance.

Il y a là, j'en conviens, non seulement de quoi se méfier, mais aussi, je le crois sincèrement, de quoi être dégoûté sur le plan de la sincérité qu'ont ces gens quant au respect de la volonté populaire et des conventions, un mot qui est devenu d'un très grand usage ces jours-ci. Au moment même où le premier ministre du Québec nous incite, et je cite la motion "à demander au gouvernement fédéral et aux provinces, -donc, à lui-même - de reprendre sans délai les négociations dans le respect des principes et des conventions qui doivent régir les modifications du régime fédéral canadien -entre parenthèses, je n'ai jamais entendu tant parler de la bouche des députés du gouvernement du Canada et de la fédération qu'hier et aujourd'hui - le même premier ministre parle à ses militants en les exhortant à promouvoir plus que jamais leur option fondamentale, la souveraineté du Québec.

Au moins, la députée ministre de La Peltrie a eu le courage - peut-être pas à l'Assemblée nationale, mais à une réunion du Parti québécois - de se lever pour voter en faveur d'une motion pour que le gouvernement déclare unilatéralement l'indépendance du Québec. Il y a là de quoi y penser. Au moins, cette personne a eu le courage intellectuel de se lever et de s'afficher clairement et je dirais même plus l'honnêteté de le faire, même si elle était cachée dans un petit coin de la salle, semble-t-il, selon les journaux.

On a fait grand état ces jours-ci de la situation dans laquelle se trouve le Parti libéral du Québec, le Parti libéral québécois. On entend dire que nous nous embarquons dans un bateau avec le Parti québécois et

que nous sommes tiraillés. C'est vrai. C'est tout à fait vrai que nous sommes tiraillés et c'est tout à fait vrai que nous nous trouvons dans une situation difficile. Nous ne pouvons pas en toute légitimité accepter le projet constitutionnel qui réduirait les pouvoirs de l'Assemblée nationale de façon unilatérale, un projet que le plus haut tribunal du pays, la Cour suprême, a décrit comme inconstitutionnel au sens des conventions, conventions qui ont d'ailleurs régi 22 autres modifications de la même constitution, un projet qui est désavoué par sept autres provinces tout à fait fédéralistes, un projet qui est désavoué par l'Opposition officielle à Ottawa et un projet qui, depuis lundi, a même perdu l'appui du Nouveau Parti démocratique à Ottawa.

Le Parti québécois n'a pas de programme de réforme du système fédéral canadien. Il a uniquement un programme de séparation du Québec du reste du Canada. Depuis quelques jours, depuis le budget, il n'a même pas un programme social-démocrate. Il a réussi en mettant en veilleuse, c'est-à-dire en camouflant ses vraies intentions pour une période donnée, une période qui a duré jusqu'au 13 avril, cyniquement, la croyance fondamentale, et cela en dit beaucoup sur l'intégrité morale de ce parti qui a réussi pourtant à se faire réélire. Il est donc aujourd'hui le gouvernement légal et, en dépit de moyens illégitimes, le gouvernement légitime du Québec. C'est cela qui nous place dans une position difficile, effectivement, mais nous ne sommes pas venus à l'Assemblée nationale seulement pour porter le titre de député, M. le Président. Nous sommes élus pour donner une direction à une société, à une collectivité que nous représentons, et pour affronter de façon responsable et surtout honnête des situations difficiles.

La motion que nous étudions aujourd'hui exprime des choses que le Parti libéral du Québec défend depuis plus de vingt ans et véhicule depuis plus de vingt ans. On retrouve dans chacun de ses paragraphes les thèses que nous, du Parti libéral du Québec, nous défendons et mettons de l'avant. Le Parti québécois ne peut pas en dire autant. Il accepte pourtant encore une fois de prétendre et de feindre la sincérité. On a tellement parlé de l'autre côté, de la façon dont le gouvernement fédéral feint la sincérité et des gestes que M. Trudeau est capable de poser à la télévision de Séoul! Mais le Parti québécois accepte encore une fois de prétendre et de feindre la sincérité dans l'espoir qu'il pourra encore une fois manipuler le public dans sa démarche vers la séparation du Québec. Comment s'explique autrement son acceptation à reprendre sans délai les négociations dans le respect des principes et des conventions qui doivent réqir les modifications au système fédéral canadien? N'importe quelle interprétation le moindrement moralement honnête du texte ne peut que conduire à la conclusion que cela veut dire qu'on accepte de travailler de bonne foi à renouveler la fédération canadienne dans son ensemble. C'est clair que l'interprétation truquée du texte peut dire: Oui, on va modifier le système fédéral sans le Québec. Ce n'est pas cela le Canada.

La position du Parti libéral du Québec, c'est de travailler de bonne foi avec une croyance profonde dans l'ensemble canadien, afin de construire un pays, avec sa propre constitution, avec sa propre charte des droits et libertés, un Canada pleinement respectueux de la réalité d'aujourd'hui et un Canada dans lequel le Québec peut continuer à s'épanouir davantage.

En écoutant les discours des chefs, hier, je me sentais profondément fier de la sincérité, de la dignité et de l'éloquence du chef du Parti libéral du Québec. Il n'avait aucunement besoin de chercher des mots pour faire correspondre ses paroles avec ses croyances. Il n'avait pas besoin de chercher des mots qui laissaient entendre deux ou même trois choses à la fois pour être bien couvert de tous les côtés. Il était d'une grande conviction intellectuelle et surtout d'une intégrité morale absolue. Est-ce que les députés du Parti québécois peuvent en dire autant de la position dans laquelle ils se trouvent? C'est-à-dire avoir à travailler de bonne foi à rebâtir le Canada tout en voulant sortir le Québec de la fédération, eux qui se lèvent souvent durant ce débat, un après l'autre, pour essayer de reprendre le débat référendaire, le débat qui a été terminé le 20 mai 1980 avec le résultat qu'on connaît tous.

Pour ce qui est de M. Trudeau, je le considère comme un grand homme, un homme qui également a des convictions qu'il véhicule d'une manière éloquente et même élégante. Je lui reproche pourtant une intransigeance, dans ce dossier, qui a soulevé un opposition presque unanime à travers le pays de la part des institutions politiques que sont les provinces et les partis politiques. Le Canada a une très courte histoire dans l'histoire de l'évolution du monde, et au cours de cette période nous avons appris que la voie de notre survie et de notre épanouissement, c'est le dialogue et la négociation de bonne foi. Un homme d'État comme M. Trudeau doit donc aussi faire, à mon point de vue, preuve de souplesse, de sensibilité et ne pas se laisser aveugler par le manque évident de bonne foi du Parti québécois. (21 h 30)

La position exprimée par la motion pour laquelle je voterai est bonne. Nous, ici, à l'Assemblée nationale du Québec, de ce côté-ci de la Chambre, Canadiens et fiers de l'être et profondément attachés au Québec,

nous avons un devoir. C'est celui de travailler avec tout notre coeur à donner au peuple québécois l'occasion de s'épanouir pleinement, avec fierté, en progressant au sein de cette fédération canadienne. Pour ce faire, j'en suis plus convaincu que jamais, notre premier devoir est, et doit toujours être de démasquer, finalement, le Parti québécois dans ses vraies intentions parce que, eux, ils n'ont pas le courage de le faire eux-mêmes.

Nous avons tenu un référendum, il y a un an et demi, à la suite duquel la population du Québec a répondu clairement non au Parti québécois. Ce dernier avait choisi un référendum parce qu'un référendum lui donnait une occasion de plus de s'accrocher au pouvoir à une élection ultérieure où il camouflerait sa vraie conviction. On dirait presque qu'il avait honte de son option tellement il en a peu parlé durant son élection.

Les membres du parti ministériel ont beaucoup parlé des propos de M. Trudeau, le 20 mai dernier, qu'il mettait son siège en jeu. Si les membres du Parti québécois ont le courage de leurs convictions, qu'ils mettent leur siège en jeu en faisant face à la population avec la vraie question, de façon honnête et claire sur cette affaire. Qu'ils arrêtent de prendre des airs de sincérité, empruntés des meilleures écoles de comédiens, qu'ils confrontent le peuple québécois en toute honnêteté et qu'ils nous laissent en finir une fois pour toutes avec ces histoires qui nous empêchent d'aller véritablement de l'avant.

I would also like to say a few words in English, partly because there is, I suppose, a tradition that if you want to be understood, you speak in the language that people understand you in. And I want some people to understand this. I want to speak to those of you who are sitting there watching what normally are 122 Members of the National Assembly talking once more about the constitution. You may will be saying: Enough! Let us get it over with, let us finish and get on to talking about the things that are really there to talk about: the economy, what is happening to our social services, that kind of thing. I basically agree. I would much rather be here dealing with the government about what they are doing in terms of the progress that we are supposed to be seeing in Québec. The present government however, has chosen to call this National Assembly in an emergency session to deal with what I have to acknowledge is an urgent matter and has refused to let us deal with other matters that are equally important and urgent.

This is an urgent matter even if it is not something that we can touch, that we can see and that we can put a dollar sign to. We are before a situation today where a separatist government has found a legitimate federalist objection to the resolution of the constitutional impasse in this country. The Supreme Court of Canada has declared that the federal package is unconstitutional, although there is no legal obstacle to Mr. Trudeau proceeding with his package. It is a typical Canadian situation. Only in Canada can something be both unconstitutional and legal at the same time. And certainly only in Canada can we find a separatist government using the supreme federal institution which the Supreme Court is to give its objections a certain legitimacy, but that is Canada, you know. We are also very keenly aware, on this side of the House, that in front of us, on the other side, are sitting 80 Members, Mr. Speaker, 79, if we impute an objectivity to your part, that are devoted fundamentally to one and only one basic principle when it comes down to the crunch. And that is the declaration of independence of Québec at some point down the line.

We know that just as we know that there is very little within, I hope and I believe, I think, a legal framework that they will not do to get there. And we also know that we have a duty to fight that end with every legal and legitimate means at our disposal. You know, it shocked me a bit to hear somebody saying early today, on the other side of the House: Over my dead body will this get there! That certainly is not the kind of talk that we need to hear at this point, Mr. Speaker.

Today, we are debating a motion which would have this House raise its voice in objection to the unilateral action which results in diminishing the rights of this Assembly. The same motion calls on the federal and provincial governments to find a negotiated settlement and to sit down and talk. In a framework that is respectful of the constitutional traditions of Canada, which the Supreme Court of Canada has declared would be violated, we, of the Liberal Party of Québec, have a profound belief in the future of Canada and a fundamental attachment to Québec within Canada. We want Canada to have its constitution brought home, and we agree that it must be brought home from England with an amending formula and something, in other words, that will allow us, once it is here, to adapt it to over modern day as a nation. We also fundamentally believe that a charter of human rights should be included in our constitution.

That, in a sense, is the essence of a liberal philosophy, a philosophy on which there is a fundamental difference with the Government, who refuses to accept a charter of human rights. We want a Canadian Constitution and we want a united Canada. These two elements are what leads us today, as paradoxical as it may seem, to vote in favour of the motion presented by the Parti

québécois, because Canada is not united on this. Seven other provinces, as well as Québec, object to the Federal Government deciding unilaterally what form the charter of human rights will take. The Supreme Court of Canada stated on Monday that they have reason to object. The essence of our country in one of compromise and negotiation in good faith.

The federal NPD, since Monday, has withdrawn its support from the package. The Progressive Conservatives think it is wrong. Seven provincial governments other than Québec think it is wrong. Yet, and it is true that we have all probably had our fill of constitution talk, If we all must exercise our responsibilities and tell people what we believe on an issue as fundamental as this. We all must find room in our hearts and in our minds to solve this issue in a spirit of compromise and serenity. I do not believe for one moment in the sincerity of the Parti québécois in this matter. Despite that, however, we have a responsibility, as Quebeckers and as Canadians, to recognize that the charter of human rights, which is really the central issue in this problem, cannot be something that is decided unilaterally by one institution and one man. It is an essential element of a constitution for the future of Canada.

The Québec Liberal Party position on that is clear and quite different from the PQ's. It must, however, be a unifying force which must be written with the consent of the federalist forces of Canada.

Il est important, M. le Président, que nous puissions avoir prochainement au Canada une constitution canadienne avec une charte des droits et libertés. Il est aussi important, pourtant, que le Québec et les forces fédéralistes dans tout le Canada et le Québec puissent être d'accord sur le contenu de cette charte. Je vote donc pour cette résolution, parce que je crois que les intérêts du Québec et du Canada seront mieux servis en cherchant une résolution négociée à ce problème et parce que je crois que l'intérêt du Québec est également l'intérêt du Canada dans ce dossier. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre d'État au Développement culturel.

M. Jacques-Yvan Morin

M. Morin (Sauvé): M. le Président, une chose me frappe, tandis que j'écoute ces débats. Il me semble les avoir déjà entendus plusieurs fois.

Ce n'est pas la première fois que, dans cette Assemblée et à l'extérieur, nous sommes affrontés aux desseins d'Ottawa. Ce n'est pas la première fois que nous nous trouvons dans cet état de légitime défense, dans cet état d'urgence, a-t-on dit pour justifier cette motion. Notre mémoire collective - j'en vois plusieurs ici qui se souviendront des événements que j'évoquerai - est pleine de crises comme celle que nous vivons actuellement dans cette Assemblée. (21 h 40)

Contentons-nous, si vous le voulez bien, de remonter en arrière, 20 ans ou 30 ans peut-être - on pourrait aller au-delà et trouver des crises même pires que celle-ci -à l'époque qui suit la seconde guerre mondiale, à l'époque des tentatives de centralisation des pouvoirs par la bureaucratie fédérale et le pouvoir fédéral. Ou retournons simplement à l'époque où cette Assemblée commençait à prendre ses responsabilités, où le gouvernement du Québec, à l'époque de la révolution tranquille, voulait faire en sorte que les Québécois s'occupent de leurs affaires, développent ce pays pour les Québécois, par les Québécois. Dès cette époque, les crises ont commencé à se multiplier.

Je n'ai pas besoin de retourner avant 1964, à l'époque où le pouvoir fédéral avait concocté un mode d'amendement constitutionnel que d'aucuns ici auront encore à l'esprit: la fameuse "formule Fulton-Favreau" qui avait pour effet, notamment, de bloquer l'évolution du Québec, de soumettre son évolution au veto du gouvernement fédéral ou d'un groupe d'autres provinces. Il était sans doute inévitable que les affrontements deviennent de plus en plus systématiques, de plus en plus durs aussi. Ce n'est pas par hasard que cette première tentative, d'après la guerre, d'imposer au Québec un mode d'amendement constitutionnel rigide, a été conçue en 1964 et dans les années qui ont précédé. C'était une réponse politique à la révolution tranquille, une réponse au grand dessein de l'équipe gouvernementale de l'époque d'affirmer les droits du Québec, de lutter contre la centralisation et de nous donner ici, à nous-mêmes, les grands moyens de notre développement collectif. Ce n'était donc pas par hasard.

Mais, à cette époque-là, il faut bien constater que la lutte ne s'était pas déroulée dans cette Assemblée. De fait, en catimini, le gouvernement du Québec de l'époque avait, pour ainsi dire, consenti, pas tout à fait officiellement, à accepter cette formule d'amendement constitutionnel. Il a fallu qu'à l'extérieur de l'Assemblée les citoyens se mobilisent pour faire échec à ce projet. Évidemment, ce n'était que partie remise et, tant que nous serons minoritaires, ce sera toujours partie remise. Il s'en est fallu de très peu qu'à cette époque le Québec accepte l'espèce de camisole de force qu'on a voulu nous faire enfiler. Daniel Johnson et l'Opposition de l'époque ont joué un rôle important, mais ne perdons pas de vue que c'est l'opinion publique qui, à cette époque-

là, a fait échouer la manoeuvre.

Deux ans plus tard, M. Trudeau apparaissait sur la scène politique. C'était vers 1967 ou 1968. Dès son apparition, on a vu recommencer les manoeuvres. À peine la formule Fulton-Favreau était-elle bien morte, au début de 1966, à peine avait-elle été écartée que M. Trudeau remettait la question à l'honneur. Bientôt on voit apparaître, deux ans plus tard ou trois ans plus tard à peine, le projet qu'on a appelé la charte de Victoria, la pseudo-charte de Victoria. Celle-ci était peut-être plus souple, quant au mode d'amendement, en tout cas, que la formule Fulton-Favreau, mais elle avait quand même pour effet - et on aurait pu voir les couleurs de M. Trudeau dès ce moment - de soumettre l'évolution constitutionnelle du Québec au bon vouloir d'Ottawa et des autres provinces, d'une majorité qualifiée plutôt que de l'unanimité. C'était une tentative de freiner le Québec, d'empêcher qu'il ne puisse remettre en question le vieux système vermoulu dont on nous avait dotés en 1867.

M. le Président, nous l'avons échappé belle cette fois aussi. Cependant il y a eu un certain progrès. Cette fois, cette Assemblée a été mêlée à l'affaire, alors qu'auparavant tout s'était passé à l'extérieur et sous la pression de l'opinion publique. Vous vous souviendrez du soir où le premier ministre de l'époque, un premier ministre libéral, est entré dans cette Chambre et, de cette place, a annoncé que le gouvernement du Québec refusait le projet de charte de Victoria. Ce soir-là - j'ai été témoin de la chose - toute cette Assemblée s'est levée debout, jusqu'au dernier député, pour applaudir le premier ministre, parce qu'il reflétait la légitimité profonde du Québec.

Ce n'était encore que partie remise. Tant que nous serons minoritaires dans ce pays, nous aurons à faire face à des tentatives de cette sorte. Bien sûr, ça devait se produire à nouveau. Que voulez-vous? Le Québec continue de grandir, le Québec mûrit, les Québécois, de plus en plus, ont confiance en eux-mêmes; de plus en plus, ils veulent développer ce pays par eux-mêmes, pour eux-mêmes, s'occuper de leurs propres affaires. De surcroît, en 1976, quel sacrilège aux yeux de M. Trudeau: le Parti québécois arrive au pouvoir avec un programme précis de changements constitutionnels à soumettre à la population.

M. le Président, peu importe le contenu du programme, l'essentiel, c'est que nous étions prêts à le soumettre à la population et à accepter le verdict parce que la légitimité des institutions de ce pays l'exige. Avez-vous remarqué que c'est à ce moment-là que M. Trudeau commence à parler de solution unilatérale? On dirait que chaque fois que le Québec fait mine de prendre ses affaires en main, chaque fois qu'il devient clair qu'il va agir, il faut juguler ses efforts, l'empêcher de remettre en question le vieux régime et, si c'était possible, lui tordre le bras une fois pour toutes et qu'on n'en parle plus, qu'il accepte d'être une province comme les autres dans l'ensemble canadien!

M. Trudeau a engendré la crise avec ses menaces d'unilatéralisme. J'entendais le chef de l'Opposition qui disait hier: D'où vient cette crise? Comment cela a-t-il commencé? Eh bien, c'est une très vieille histoire, ça n'a pas commencé avec la formule Fulton-Favreau. Je ne vais pas ce soir la refaire dans son entier, je me contente de constater que, chaque fois que le Québec a voulu remettre en question les vieilles institutions, les vieilles manières de faire et qu'il a voulu moderniser le gouvernement, chaque fois, il s'est heurté à des tentatives de le refréner, de le comprimer, de le réduire à merci, si la chose eût été possible. La chose évidemment a fini par tourner au drame. Il fallait bien qu'on en vienne là, puisque la logique de M. Trudeau est exactement le contraire de la logique de cette Chambre, des deux côtés, semble-t-il, enfin presque.

Après le référendum, après un semblant de négociation, ce qu'on pourrait appeler quasiment un avortement planifié - c'est le document Kirby, le fameux document de stratégie secrète qui nous l'apprend - le naturel est revenu au galop et, alors que, pendant le référendum, on n'avait pas parlé d'unilatéralisme, au contraire - je ne reviens pas sur tout ce que mes collègues ont dit là-dessus - nous sommes retombés dans les solutions unilatérales et inconstitutionnelles. (21 h 50)

Cette fois, il était pressé d'aboutir, le premier ministre fédéral, parce qu'il savait bien que le résultat du 20 mai avait été obtenu avec des mensonges. Avant que les Québécois n'aient le temps de se réveiller, il fallait agir vite, régler l'affaire, pendant que le Québec était dans un état de quasi-prostration, en tout cas dans une posture délicate, en profiter pour lui régler son cas une bonne fois pour toutes. Bien sûr, il fallait aussi frapper le Parti québécois qui, bientôt, allait faire face à des élections, tenter de le déloger. Mais c'est bien pire que cela, ce que M. Trudeau a tenté de faire depuis le référendum, ç'a été essentiellement de réduire le Québec, ses pouvoirs économiques, culturels, linguistiques, pour assurer le vieux rêve de John A. Macdonald, dont il s'est fait l'héritier. Le chef de l'Opposition citait hier un discours de l'an dernier, qui était tout à fait caractéristique: Mr. Trudeau veut y assurer la prépondérance d'Ottawa dans tous les domaines qui ont de l'importance et même dans certains domaines qui relèvent de la compétence exclusive du Québec et des provinces.

Voici donc le Québec une fois de plus sur la défensive. Ce n'est pas la première fois et il ne faut pas s'en étonner: quand on n'arrive pas à se dire oui à soi-même, il faut bien s'attendre un peu à avoir à dire non, de temps à autre, à ceux qui essaient des entreprises contre vous ou de vous dire quel sera votre avenir, de gré ou de force.

Cette fois-ci, cependant, je pense que nous avons fait quelques pas en avant. C'est la première fois, à ma connaissance - et je pense avoir vécu les quinze ou vingt dernières années assez intensément sur ce plan - que l'Assemblée nationale traite officiellement et solennellement de la question. C'est la première fois également que, des deux côtés de la Chambre, il semble y avoir une identité de vues non pas sur les objectifs ultimes - chacun conserve son programme - mais au moins sur le péril immédiat, sur cette tentative de diminuer le Québec. Enfin, nous allons peut-être nous retrouver presque unanimes.

Il y a aussi autre chose, M. le Président. C'est la première fois que nous ne sommes pas seuls. Je vous rappellerai qu'au temps de la formule Fulton-Favreau et au temps de la charte de Victoria, nous étions radicalement seuls. Nous ne le sommes plus. Pourquoi? Parce que M. Trudeau, pour venir à bout du Québec, a été obligé de s'en prendre à toutes les provinces. C'est là que les choses ont commencé à aller vraiment mal pour lui. Bien sûr, pour abaisser le Québec, il ne pouvait, en toute logique, faire autrement que couper tout ce qui dépassait, et dans toutes les provinces.

Nous ne sommes plus seuls. Nous avons constitué un front commun avec sept provinces et nous avons même convenu d'un mode d'amendement constitutionnel avec ces provinces. Qu'on ne vienne pas nous dire, comme le disait le chef de l'Opposition hier, que nous n'avons rien fait, que nous n'avons pas négocié. Nous y avons consacré des semaines, des mois. J'ai des collègues qui en ont perdu leurs cheveux! M. le Président, ce n'est pas une allusion à quiconque en particulier. C'était simplement pour dire qu'on ne peut nous accuser de n'avoir pas fait d'efforts. J'en connais qui ont passé l'été à la table de négociation.

Il y a deux provinces, bien sûr, qui ne sont pas d'accord. Je n'ai pas besoin de les nommer; tout le monde les connaît. Ce sont celles qui profitent le plus du régime actuel. L'Ontario, en particulier, pour qui le régime a littéralement été pensé, qui est, en quelque sorte, le centre de l'empire commercial et industriel canadien, l'Ontario pour qui le Québec, l'Ouest, l'Est, sont à la fois des réservoirs de matières premières pour ses industries et des marchés pour ses produits finis. Il ne faut pas s'étonner que l'Ontario soit de mèche avec le pouvoir fédéral. C'est cette province qui profite du système. C'est elle qui domine la fonction publique fédérale. J'ai eu l'occasion d'en être deux fois membre et je sais ce dont je parle. Au fond, il ne faut pas s'étonner: Ottawa et Toronto sont un peu comme les deux faces d'une même tête. On ne sait plus très bien, d'ailleurs, à certains moments laquelle des faces nous parle. Et, de surcroît, c'est l'Ontario qui, dans les projets actuels de M. Trudeau, échappe aux obligations de bilinguisme qu'on impose au Québec. On voit bien, M. le Président, à qui tout cela profite; on voit bien à qui le crime profite. Il ne faut pas s'étonner, donc, que nous ne soyons pas dix provinces contre les projets de M. Trudeau. Il fallait bien que tout ce système profitât à quelqu'un.

S'en prendre à huit provinces, néanmoins c'est tout un programme et le faire en faisant fi des règles conventionnelles, des règles fondamentales du fédéralisme, c'est, évidemment, jouer avec le feu. Voilà ce qui est en train, je pense, de perdre M. Trudeau. Il veut tellement avoir raison du Québec qu'il est obligé de s'en prendre aux autres provinces et de le faire en foulant aux pieds littéralement les principes qui servent de fondement au système politique canadien. Cela est d'une extrême gravité parce que, quand on s'en prend de la sorte aux fondements d'une société et d'une société démocratique, on joue littéralement avec le feu.

Il ne faut pas s'étonner que le projet de M. Trudeau ait abouti devant les tribunaux, ça devait se produire tôt ou tard. Il a tout fait pour l'éviter. Je pense bien qu'étant juriste lui-même il se doutait bien de ce qui allait arriver.

M. le Président, je vois que déjà le temps achève. Je voudrais m'étendre sur une idée qui sous-tend la décision de la Cour suprême et qui me paraît extrêmement importante, c'est l'idée de légitimité. Me permettez-vous quelques propos là-dessus?

Qu'est-ce que c'est que la légitimité? Ce sont de grands mots et beaucoup de gens se demandent le sens de cela. Eh bien, la légitimité, c'est ce que chaque être humain estime être correct et juste, au fond de lui-même, quant à la façon dont est gouvernée la société. Pourquoi, par exemple, la monarchie rèqne-t-elle en Grande Bretagne? Parce qu'elle est légitime, parce qu'elle est profondément acceptée et, je dirais même, qu'elle va de soi, pour ainsi dire, pour les Britanniques. Pourquoi la république a-t-elle remplacé la monarchie, en France? Parce qu'elle est devenue une nouvelle légitimité, parce que, à travers la Convention, elle a affirmé la démocratie, nouveau principe fondamental. La monarchie avait tout simplement cessé d'être légitime, à leurs yeux. Ce sont ces sentiments profonds qu'il y a dans chacun de nous qui justifient l'existence des sociétés, qui font que nous

avons la paix sociale, que nous acceptons de vivre dans tel ou tel régime de gouvernement. Il y a un auteur du siècle dernier ou du début de ce siècle qui a appelé cela "les génies invisibles de la Cité". On ne les voit pas, mais ils sont là, au fond des institutions.

On peut, dès lors comprendre la gravité exceptionnelle des gestes de M. Trudeau. Il s'en prend au fondement même de la société à la légitimité des institutions. Comme l'écrivait tout récemment un ancien collègue de l'Université de Toronto, le professeur Peter Russell, dans le Globe and Mail, il y a quelques jours, "les conventions constitutionnelles constituent l'aspect moral de nos rapports politiques. " C'est fort bien dit, mais la cour a ajouté que ces conventions ne sont pas seulement morales, elles sont constitutionnelles. Autrement dit, la moralité politique informe et fonde les institutions et quand on touche à cela, eh bien, on risque d'ébranler tout l'édifice, jusque dans ses fondements.

La démarche d'Ottawa est donc contraire à la morale politique, elle est illégitime, puisque M. Trudeau n'a aucun mandat, que je sache, pour agir de la sorte et elle est, en conséquence, inconstitutionnelle aux yeux des juges. Je dirais, sans jeu de mots, que c'est une condamnation sans appel du comportement de M. Trudeau. (22 heures)

J'espère que ce sera notre dernier geste de légitime défense mais je n'en suis pas sûr. Tant que nous serons minoritaires dans ce pays, il nous faudra bien faire face à de sinistres projets à notre endroit. Nous aurons probablement l'occasion d'en reparler, des deux côtés de cette Chambre. Je suis heureux que, cette fois-ci, nous voyions les choses du même oeil. Cela m'a rappelé certains combats avec le chef de l'Opposition, à l'époque de la formule Fulton-Favreau et de la charte de Victoria.

En attendant - ce sera ma conclusion -nous sommes disposés à négocier, mais pas à n'importe quelles conditions. M. Trudeau doit renoncer à l'unilatéralisme. Il doit renoncer à empiéter sur les pouvoirs du Québec et des autres provinces. Il doit enfin écouter ce que nous avons à lui dire, puisque nous nous sommes mis d'accord avec les autres provinces et il y a même unanimité des provinces sur une dizaine de points.

M. le Président, nous irons négocier, mais, au fond, nous le ferons par devoir et parce que nous avons pris l'engagement de le faire. Nous tenterons d'obtenir des résultats, mais ce sera, de toute évidence, très difficile. En tout cas, je veux que vous sachiez une chose, en ce qui nous concerne de ce côté-ci de la Chambre, et j'espère, de l'autre côté, de façon permanente désormais, nous sommes prêts à lutter contre toutes les formules Fulton-Favreau, contre toutes les chartes de Victoria, tous les projets illégitimes par lesquels on prétendrait amoindrir le Québec et diminuer ses pouvoirs si modestes et pourtant si essentiels au développement de notre peuple. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, comme on l'a maintes fois répété, il est maintenant d'ores et déjà assuré que, malgré le jugement de la Cour suprême qui affirme, comme plusieurs l'ont dit avant moi, très clairement que le projet unilatéral d'Ottawa viole expressément ce qu'on connaît maintenant de plus en plus, les conventions constitutionnelles établies, le gouvernement d'Ottawa a remis en marche le rouleau compresseur centralisateur qu'il avait momentanément arrêté en attendant justement ce jugement de la Cour suprême. Il se prépare avec une arrogance méprisante à l'égard des gouvernements des provinces et des Parlements des provinces, et avec l'élégance du bulldozer, à réduire de façon substantielle l'autonomie et les pouvoirs pourtant déjà insuffisants de cette Assemblée, de ce Parlement.

Il est assez déconcertant, M. le Président, de constater que ce sont ceux-là mêmes qui se sont toujours affichés comme les défenseurs patentés du régime fédéral, les Trudeau, les Chrétien, qui s'apprêtent à perpétrer une action que la cour elle-même qualifie d'irréconciliable avec le principe même du régime fédéral. En somme, à Ottawa, actuellement, M. le Président, on assiste à ce spectacle assez invraisemblable: les héroïques missionnaires, les grands prêtres du fédéralisme sont en train d'apostasier leur foi en foulant aux pieds les fondements mêmes du régime fédéral, situation qui peut apparaître comme étant pour le moins inusitée, situation, toutefois, qui est loin d'être nouvelle, car, lorsqu'on examine l'histoire du régime fédéral, M. le Président, on se doit de faire la constatation suivante: Ottawa a non seulement toujours manifesté des intentions très claires et constantes d'accaparer soit des pouvoirs nouveaux qui n'étaient pas prévus en 1867, soit des pouvoirs qu'on avait réservés parfois exclusivement aux provinces, mais il a également, effectivement et très concrètement, à de nombreuses reprises, procédé à des empiétements dans des domaines qui sont sous la juridiction des provinces. On pourrait ici longuement énumérer toute la série des empiétements d'Ottawa, depuis 1867, dans les domaines

fiscal, culturel, social, des communications, etc. Je vous ferai grâce de cette énumération.

Je soulignerai que, face à ces empiétements, face à ces intrusions d'Ottawa, face à cet envahissement d'Ottawa dans des champs de juridiction provinciale, face à tout cela, tous les gouvernements qui se sont succédé au Québec ont toujours considéré la résistance à ces offensives, l'opposition à ces manoeuvres centralisatrices comme étant un devoir national. C'est ainsi que de Mercier à Bourassa, en passant par Taschereau, Duplessis, Lesage, Johnson, les divers gouvernements successifs du Québec ont toujours défendu l'autonomie du Québec, c'est-à-dire les droits et les pouvoirs du Québec, déjà trop limités, déjà trop insuffisants, prévus par la constitution de 1867.

C'est parfois à cause des circonstances ou de la conjoncture, comme les guerres, par exemple, que les gouvernements du Québec se révélaient impuissants, incapables d'empêcher dans les faits un empiétement d'Ottawa, incapables d'arrêter ou de stopper une offensive centralisatrice. Ils se refusaient, en tout cas, énergiquement à consacrer dans la constitution par des amendements appropriés tel ou tel empiétement, telle ou telle intrusion d'Ottawa, de sorte que si le gouvernement du Québec a dû parfois se résigner à des empiétements d'Ottawa, par exemple, dans le domaine de la culture ou dans le domaine de l'éducation - pensons à la querelle autour des subventions aux universités à l'époque de Duplessis - jamais il n'a consenti à ce que soient reconnus au fédéral et inscrits dans la constitution des pouvoirs nouveaux ou des transferts de pouvoirs, par exemple, en matière de culture ou en matière d'éducation. C'est dans cette perspective que se situe le projet constitutionnel d'Ottawa. Incapable de faire accepter par les provinces, et surtout, bien sûr, par le Québec, sa vision centralisée, uniformisée du Canada, incapable de faire accepter par la voie de la négociation une réduction des pouvoirs des provinces, Ottawa a décidé d'imposer sa vision des choses et sa conception du Canada et de procéder, de son propre chef et sans leur consentement, à une diminution substantielle des pouvoirs et des droits des provinces. Comment? De quelle façon? Par quels moyens? Par le biais, comme vous le savez, d'une charte des droits.

La charte des droits devient ainsi entre les mains d'Ottawa un instrument de centralisation, un outil de centralisation, un moyen de confiscation des pouvoirs des provinces. Reconnaissons l'habileté de la manoeuvre, à condition, cependant, que cela se fasse vite, ce qui n'est pas le cas. Reconnaissons la manoeuvre, car, de prime abord, personne n'est porté naturellement à s'opposer à une charte des droits. Qui est contre la liberté de la presse? Qui est contre la liberté de parole? Qui est contre l'égalité devant la loi? Qui est contre la liberté de culte? Personne, évidemment, n'est contre ces libertés fondamentales. Telle est la première réaction spontanée de sympathie du citoyen face à une charte des droits. Les fédéraux ont voulu profiter et se servir de ce préjugé favorable des citoyens à l'égard d'une charte des droits pour atteindre d'autres fins que celle de protéger les droits et libertés individuelles. Au fond, posons-nous la question. Pourquoi est-on si pressé à Ottawa d'adopter une charte des droits, tellement pressé qu'on entend procéder de façon unilatérale, sans le consentement des provinces? (22 h 10)

Cela semble tellement urgent, tellement pressant qu'on piétine sans vergogne les principes de base de la plus élémentaire démocratie, à commencer par les Parlements élus des dix provinces. Est-ce que, par hasard, les droits fondamentaux, les libertés individuelles seraient menacés au Canada ou dans les dix provinces, au Québec? La liberté de parole, la liberté de conscience, la liberté de la presse serait-elle violée systématiquement actuellement par les provinces, au Québec? Est-ce que les droits individuels sont actuellement suspendus par l'une ou l'autre des dix provinces? Bien sûr que non; tout le monde le sait. Au contraire même, le Québec, par exemple, comme d'autres provinces, dispose déjà d'une Charte des droits et libertés de la personne d'une ampleur et d'une précision tout à fait remarquable et qu'on s'apprête à améliorer. Pas plus tard que la semaine prochaine, il y aura une commission parlementaire sur le sujet.

Alors, pourquoi est-ce donc si urgent d'adopter une charte des droits? La réponse est maintenant très claire et très simple. C'est que c'est l'instrument choisi par Ottawa pour enlever au Québec des pouvoirs que l'on convoite, que l'on convoitait depuis fort longtemps et que l'on n'avait pas réussi à accaparer par d'autres moyens. Par exemple, Ottawa n'a jamais accepté que le français devienne la seule langue officielle du Québec. Il n'a jamais accepté que le Québec assure vigoureusement sa sécurité collective, culturelle en restreignant efficacement l'accès à l'école anglaise. Trudeau ne s'est jamais gêné pour le dire. Ottawa n'a jamais digéré la loi 101, tout le monde le sait. Alors, il a tout simplement décidé de mettre la hache dans la loi 101 par le biais de la charte des droits dont l'effet de l'article 23 sera d'ouvrir les écoles anglaises à tous les immigrants anglophones, d'où qu'ils viennent, dès le moment où ils deviendront citoyens et d'enlever au Québec les pouvoirs exclusifs en matière de langue

d'enseignement. C'est cela, un effet de la charte.

Autre exemple tout aussi significatif: le gouvernement d'Ottawa, prétendant que trop d'obstacles entravent ce qu'il appelle l'union économique canadienne, s'est donné comme mission - je cite un texte fédéral - "de garantir dans la constitution la liberté de mouvement et le droit d'établissement des citoyens, ainsi que leur droit de gagner leur vie et d'acquérir des biens dans toutes les provinces, quelle que soit la province où ils sont. " C'est un texte fédéral. On peut lire plus loin dans le même texte: "II est essentiel, pour mieux fonder l'union économique dans la constitution, d'interdire, dans les lois, règlements et pratiques pertinents, la discrimination fondée sur la province de résidence des personnes", ce qu'on appelle nous dans beaucoup de nos programmes la préférence accordée à nos concitoyens québécois en matière d'achat, de biens et de services pour les professions, les travailleurs de la construction. Ce qu'on appelle la préférence à nos concitoyens, à Ottawa, ils appellent cela de la discrimination et ils sont contre cela. On retrouve ce principe dans l'article 6 de la charte des droits. À première vue, c'est un beau et c'est un grand principe, n'est-ce-pas, la liberté de mouvement et d'établissement. Mais ce qu'il faut bien savoir, c'est que cette clause rendrait inapplicable toute la politique d'achat du Ouébec considérée par Ottawa comme étant une pratique restrictive, répréhensible.

Ceux qui disent et ceux qui disaient que nous exagérions en affirmant que la politique d'achat du Québec serait inapplicable si la charte des droits s'appliguait n'ont qu'à suivre la logique même d'Ottawa, son raisonnement. C'est dans les textes d'Ottawa; c'est un texte de juillet 1980: "Document de travail soumis par le gouvernement du Canada sur les pouvoirs touchant l'économie". D'abord, on y dit très clairement que la politique d'achat des provinces - plusieurs autres provinces ont une politique semblable - c'est de la discrimination répréhensible. On indique ensuite que l'un des moyens d'éliminer ces politiques d'achat et cette discrimination, c'est de garantir la liberté de mouvement et d'établissement, et on retrouve, dans l'article 6 de la charte, une clause sur la liberté de mouvement et d'établissement.

Or, il n'est pas inutile, M. le Président, de donner quelques renseignements sur notre politique d'achat, qui donne la préférence - à Ottawa, on dit la discrimination - aux fournisseurs et aux entreprises du Québec en matière d'achat de biens et de services par le gouvernement. Et on verra que la question constitutionnelle, c'est aussi une question de pain et de beurre, quoi qu'en disent certains.

Depuis 1977, la part des achats gouvernementaux effectués auprès d'entreprises guébécoises est passée de 55% à 75%. Cet accroissement représente guelque 400 000 000 $ réinjectés dans l'économie et des centaines d'emplois pour les chômeurs du Québec. On estime que, pour chaque tranche de 100 000 000 % d'achats par le gouvernement, l'État contribue à créer ou à maintenir de 2000 à 3000 emplois permanents. À Hydro-Québec, où on appligue une telle politique depuis des années, on a contribué à la prospérité et souvent même à la création d'un millier d'entreprises fournissant des pylônes, des fils, des transformateurs, toutes sortes d'appareils.

En 1979, à Hydro-Québec, 557 000 000 $ d'achats à 77% québécois. En 1980, 750 000 000 $ d'achats, seulement pour les huit premiers mois, à 81% québécois et, avec son plan de 55 000 000 000 $ et plus d'investissements pour les dix prochaines années, on estime qu'Hydro-Québec va générer près de 75 000 emplois directs et indirects.

Le Québec s'est donc donné, avec sa politique d'achat - le Québec et ses sociétés d'État - un outil efficace de développement et de croissance économique qui génère des milliers d'emplois au Québec.

Or, tout cela est désormais mis en cause et risque d'être anéanti si la charte des droits vient à s'appliquer. Le projet Trudeau a donc pour effet de priver le Québec des rares instruments de développement économique dont il dispose et, entre nous, quand on connaît le caractère néfaste des décisions économiques d'Ottawa, le chantier de LaPrade, Ford qui s'installe en Ontario, Volkswagen qui suit, Gros Cacouna qu'on oublie, le F-18 qui favorise d'abord l'Ontario, etc., quand on connaît les décisions économiques néfastes prises par Ottawa, ce n'est sûrement pas aux fédéraux qu'il faut se fier pour développer l'économie du Québec. C'est nous qui sommes les mieux placés pour assurer le développement économique du Québec. Or, par la charte des droits, on nous enlèverait les quelques instruments, les quelques outils de développement économique dont on dispose.

M. le Président, le projet Trudeau a été déclaré inconstitutionnel par la Cour suprême. Cette dernière a également reconnu que le projet d'Ottawa opérait un chambardement dans la juridiction des pouvoirs et, cela, au détriment des provinces. Malgré cela, malgré le jugement sévère de la cour sur la démarche fédérale, Ottawa persiste à vouloir imposer unilatéralement, tout seul, sans l'accord des provinces, cette réduction désastreuse des pouvoirs de ce Parlement. Si l'expression "coup de force" a un sens, c'est bien maintenant, qu'elle en a

Vous vous souvenez que certains, il y a quelques mois, nous reprochaient d'exagérer en parlant de coup de force fédéral. Avec le jugement de la Cour suprême, jugement sévère sur la démarche unilatérale d'Ottawa, on ne peut pas parler d'autre chose que d'un coup de force et il est évident et il est triste de voir que ce coup de force est dirigé par celui qui se prétendait le champion de la démocratie dans les années cinquante. Devant un pareil coup de force, sans précédent dans l'histoire du régime fédéral, le Québec est dans un état de légitime défense et cette Assemblée nationale et tous ses membres se déshonoreraient s'ils n'exprimaient pas, de façon solennelle, leur volonté inébranlable de défendre avec acharnement ses propres pouvoirs menacés, les seuls pouvoirs qui appartiennent réellement et véritablement au peuple québécois. Comme le disait le premier ministre, lundi soir, "à condition qu'on serre les rangs et qu'on se montre solidaires tout le long du chemin qui reste à parcourir, nous demeurons convaincus que cela ne passera pas". Merci, M. le Président. (22 h 20)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Henri.

M. Roma Hains

M. Hains: M. le Président, la Cour suprême du Canada a déclaré légale la démarche de M. Trudeau sur le rapatriement de la constitution tout en la déclarant, cependant, contraire aux conventions constitutionnelles.

De l'avis des juges, il y aurait là des conséquences importantes sur le partage des pouvoirs et, par conséquent, sur l'équilibre des relations fédérales-provinciales au Canada. Donc, toute solution aux problèmes actuels doit tenir compte de ces deux dimensions, légale et conventionnelle, dont l'existence a été rappelée et démontrée dans le jugement du plus haut tribunal canadien.

Devant cette décision de la Cour suprême, pris d'une hâte fébrile, le gouvernement du Québec a convoqué l'Assemblée nationale pour déposer une motion de résistance aux visées et aux desseins de M. Trudeau concernant le rapatriement unilatéral de la constitution et l'insertion d'une charte des droits.

Notre chef et notre leader parlementaire ont dénoncé avec force cette précipitation frénétique du gouvernement qui procède avant même d'attendre les réactions politiques à travers les provinces et le pays tout entier.

Dans une première rencontre, les députés libéraux ont examiné la motion du gouvernement dont l'approbation était l'objet de la session spéciale. Elle avait l'air innocente, mais elle ne faisait aucune mention de reprise de négociations et n'offrait aussi aucune ouverture d'entente possible, se réfugiant dans un rejet formel et catégorique.

Dans un ultime effort pour réaffirmer nos positions devant cette attitude négative du Parti québécois, nous avons passé au crible la résolution gouvernementale. Nous avons amendé le texte proposé par une formule qui est devenue la motion officielle du gouvernement. Nous y avons ajouté, entre autres, le dernier paragraphe de la résolution où on fait état d'une reprise des négociations entre Ottawa et les provinces.

C'est donc sur une motion libérale que nous allons voter. Ce n'est pas M. Ryan qui est monté dans le bateau de M. Lévesque, comme disait aujourd'hui un journaliste, mais c'est bien le premier ministre qui est monté à notre bord avec son équipaqe. Nous n'avons pas étendu, cependant, le tapis rouqe. Evidemment, et c'est là notre drame, nous sommes dans le même paquebot, en route vers Ottawa, mais nous avons chacun nos cabines privées, ne voulant point attraper le virus séparatiste contre lequel, pourtant, nous sommes considérablement vaccinés.

Une voix: Immunisés.

M. Hains: Notre messaqe voguera donc vers la capitale fédérale pour demander à M. Trudeau de rouvrir les négociations et de chercher, avec les provinces, un terrain d'entente dans une dernière tentative et dans une dernière chance de conciliation des droits et des privilèges de chacun.

Cette motion que les libéraux ont amendée et corriqée est, en tout, conforme à notre programme et aux décisions du conseil général de notre parti politique lors de nos assises des 19 et 20 septembre dernier. "Il est résolu - disait la motion - que le Parti libéral du Québec exprime clairement son opposition à toute démarche unilatérale d'Ottawa et demande au gouvernement fédéral de reprendre les négociations avec les provinces. "

Nous savons - et c'est là peut-être notre déchirement - que des électeurs à travers la province et aussi, peut-être, de mon comté nous reprocheront d'être montés dans cette galère avec nos adversaires, mais, pour suivre notre programme et les résolutions de notre conseil général et pour sauver notre province et notre pays, nous n'avions pas d'autre choix.

Notre option fédéraliste n'en sera pas ébranlée, ni amoindrie. Nous voulons plus que jamais vivre dans notre Canada, défendre nos droits et lutter contre le séparatisme. On dit que l'adversité grandit les convictions ou bien les détruit. Dans notre cas, cette période cruelle et difficile ne fera qu'aviver

notre patriotisme canadien et décupler notre détermination de vaincre les visées indépendantistes du Parti québécois.

Il n'y a aucune antinomie, aucune contradiction entre notre démarche actuelle et notre attachement le plus profond à notre pays. Nous aimons notre Canada et nous aimons aussi notre Québec. Ce sont deux amours que nous ne voudrons jamais voir séparés. Aujourd'hui, nous combattons pour le respect mutuel de nos droits et de nos privilèges dans un esprit d'ouverture à la négociation.

En déposant cette résolution, M. le Président, entre les mains du gouvernement péquiste, nous leur remettons une arme dangereuse pour leur crédibilité et leur efficacité. Nous, du Parti libéral, tous nos électeurs et tous les Québécois, nous allons suivre les démarches et les actions de ce gouvernement et nous serons les juges de leurs actions et de leur agir comme de leur bonne foi et de leur intégrité. Nous ne les envoyons pas à Ottawa pour une confrontation, mais bien pour une négociation. C'est une lourde tâche que nous leur confions, connaissant bien leurs intentions et leurs menées antifédéralistes. Ils ont accepté de prendre notre motion et toutes les conséquences qu'elle comporte. Ils ont accepté cette résolution et cette arme pourra devenir leur instrument de destruction s'ils font preuve de mauvaise foi et de rejet systématique de toute entente et de tout compromis.

En terminant, M. le Président, puis-je dire que les membres du Parti québécois sont sur notre bateau, avec notre résolution et, s'ils brisent notre entente, pas nécessairement cordiale, mais indispensable, nous les passerons vite par-dessus bord, essayant autant que possible de noyer à tout jamais le séparatisme à qui nous aurons fourni gracieusement le bateau et les armes de sa propre destruction. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Marquette.

M. Claude Dauphin

M. Dauphin: M. le Président, j'aimerais profiter de ces quelques minutes qui me sont accordées pour expliquer à la population du Québec et plus spécialement à mes électeurs du nouveau comté de Marquette les raisons qui nous justifient, en tant que membres de l'Assemblée nationale du Québec, de voter, des deux côtés de cette Chambre, en faveur de la motion qui est présentement devant nous à cette Assemblée.

Premièrement, j'aimerais insister sur le fait que, lorsque nous voterons sur la résolution, ce ne sera pas un vote contre le fédéralisme canadien, mais, bien au contraire, un vote pour que l'on respecte les principes même du fédéralisme canadien. En effet, nous avons au Canada deux ordres de gouvernement, soit un gouvernement fédéral qui est souverain dans ses domaines respectifs de compétences léqislatives et des gouvernements provinciaux qui, eux aussi, sont souverains dans leurs domaines respectifs de compétences.

Je me souviens, lorsque j'étais à l'université, qu'il y avait un professeur très célèbre, constitutionnaliste, historien, bibliothécaire, on ne savait pas comment l'intituler, M. Jean-Charles Bonenfant. J'ai suivi quelques cours avec M. Bonenfant et, s'il vivait encore, ce cher M. Bonenfant, je suis certain qu'il serait de notre avis et voterait lui-même pour cette motion. (22 h 30)

La résolution que nous voterons demain a comme principal objectif de faire comprendre au gouvernement fédéral que sa démarche de modification de la constitution n'est pas la bonne et que l'on s'oppose à ce que des pouvoirs législatifs nous soient enlevés comme entités provinciales. Nous demandons également dans cette motion que le gouvernement fédéral convoque dans les plus brefs délais une conférence fédérale-provinciale afin qu'on puisse s'entendre et mener à bien toutes nos orientations.

Nous ne sommes pas la seule province à s'opposer au projet de résolution constitutionnelle du gouvernement fédéral puisqu'il y a déjà la majorité des provinces qui ont adopté des motions et que deux formations politiques, au niveau fédéral, soit le NPD, tout récemment, et le Parti conservateur, qui ne sont pas du tout des partis voués à l'indépendance du Québec, sont éqalement en opposition, au même titre que nous, au projet de résolution fédéral.

Encore récemment, soit lundi, la Cour suprême du Canada, qui est le plus haut tribunal du pays, déclarait légal le geste fédéral, mais inconstitutionnel sur le plan des conventions reconnues par la cour elle-même.

Lorsque je me suis présenté en politique provinciale, mon but ultime était naturellement de faire progresser le Québec à tous les niveaux à l'intérieur du Canada, mais pas du tout d'attendre de se faire enlever des pouvoirs législatifs. En tant que membres de l'Assemblée nationale, c'est évident qu'on ne peut l'accepter.

Le Parti libéral du Québec, lors de son dernier conseil général à Québec, a adopté une résolution présentée par la commission jeunesse du parti et a adopté à l'unanimité ladite résolution. Étant responsable du dossier jeunesse dans ma formation, je peux dire qu'il y a eu unanimité dans toute la province, chez tous ceux que j'ai rencontrés, pour proposer cette résolution que M. Ryan nous a lue hier soir et que mon collègue de Saint-Henri vient de mentionner. Sans vous les lire de nouveau - puisqu'on les a

entendues deux fois, je ne vous les répéterai pas - il faut que la population sache cependant - et c'est très clair dans mon esprit et dans celui de mon parti - que ce vote n'est pas pour le Parti québécois, c'est un appui au Québec, à la population du Québec et à son Assemblée nationale.

Avant de terminer, il faut dire aujourd'hui au gouvernement du Québec qu'il devra employer tous les efforts pour renouveler le fédéralisme canadien s'il veut respecter le vote référendaire du 20 mai 1980 et également par respect pour la démocratie. Même si nous avons certaines réticences à voter avec le gouvernement actuel, personnellement, je n'ai pas d'autre choix que de voter pour la motion qui nous est présentée, vu la gravité de la situation.

Si vous me permettez, M. le Président, je vais dire seulement quelques mots en anglais.

My dear friends of the English language, as you know, the government has called us into an emergency session not to try and resolve the serious economic problems which we face, but rather to discuss the constitution.

However, the federal government, by its act, has placed us in a very difficult situation. As you know, the Supreme court has decided that the federal plans have reduced the powers of the provinces and this, without their consent. As a Member of the National Assembly, I cannot accept the federal package. But I assure you that my vote is not a vote for the "Parti québécois" or for independence, but a vote for Québec within Canada. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Prévost.

M. Robert Dean

M. Dean: M. le Président, j'ai été élu par la population de Prévost, le 13 avril dernier, fondamentalement et primordialement, à la suite du référendum du 20 mai, pour défendre et promouvoir les droits, les intérêts et les pouvoirs du Québec. Le gouvernement du Parti québécois détient ce mandat clair et net du peuple québécois dans ce sens, parce que cette question a été discutée clairement et longuement au cours de la campagne électorale et, aujourd'hui, devant le coup de force d'Ottawa, le Québec est en état de légitime défense contre ce coup de force et n'importe quel membre de l'Assemblée nationale digne de ce nom se doit de voter pour la résolution qui est la résolution peut-être la plus sérieuse que l'Assemblée nationale ait eu à adopter dans toute son histoire dans le sens de défendre l'existence même du peuple québécois et de son Assemblée nationale.

Après des siècles de refus acharné de mourir, le peuple francophone du Québec a lutté depuis 50 ans, sous la direction des premiers ministres successifs, Duplessis, Lesage, Johnson, Bertrand et Bourassa, chacun à son époque, chacun à sa façon et quel que soit son parti politique; les gouvernements du Québec ont lutté pouce par pouce, pièce par pièce pour arracher la reconnaissance, pour faire valoir la promotion et la défense des droits du Québec, de son statut de société unique en Amérique du Nord, parce que francophone, et pour faire reconnaître et développer les droits de l'Assemblée nationale du Québec comme premier instrument politique de la population du Québec.

Voilà que le coup de force du gouvernement Trudeau vient balayer les acquis de plus de trois siècles de présence française en Amérique du Nord et 114 ans de pacte confédératif, mais, à la suite de ce coup de force, voilà qu'on aboutit à la décision de la Cour suprême du Canada qui, à neuf contre zéro, dit que, oui, les droits et pouvoirs des provinces, dont et surtout le Québec, sont diminués par le coup de force d'Ottawa et, à six contre trois, oui, que la tradition, les conventions et le principe même du fédéralisme sont violés et brimés par ce coup de force.

On voudrait nous faire croire que cette question n'a aucune importance, que cela fatigue le monde, que ce n'est pas important, que les problèmes économiques, le chômage et l'inflation sont importants. Bien sûr, M. le Président, les problèmes économiques sont importants, mais je voudrais réfléchir avec les gens de mon comté de Prévost et avec toutes les Québécoises et tous les Québécois qui leur ressemblent sur les conséguences de ce coup de force d'Ottawa, justement tel que vu par la Cour suprême du Canada par surcroît, réfléchir justement sur les questions qui touchent la masse de la population de près, leur dignité et leur identité même comme francophones, leur inquiétude face aux problèmes de travail, de chômage, de main-d'oeuvre, de sécurité du revenu contre les difficultés de la vie. Le comté de Prévost est à forte majorité ouvrier, avec un taux tragiquement élevé de chômage et d'assistance sociale avec sa part ou son pourcentage approprié de petits commerçants et de propriétaires de petites entreprises de tous les âges. En cela, ces gens ressemblent à toute la population du Québec. Je demande aux personnes, Québécoises et Québécois de l'âge d'or, qui ont vécu les années trente, quarante et cinquante, qui, dans le travail et, M. le Président, dans les forces armées à la défense du Canada, ont connu l'humiliation et le mépris parce que francophones, ont connu l'humiliation et le mépris parce qu'ils ne parlaient pas ou pas assez bien l'anglais,

qui ont vécu les promotions refusées, les postes refusés, les emplois refusés ou perdus parce que pas bilingues, et il fallait comprendre que "bilingue" égalait "francophone qui parle l'anglais". Le contraire n'était pas vrai et ne tombait pas dans la définition de "bilingue"... (22 h 40)

Une voix: Ce n'est pas vrai, ça. C'est faux!

M. Dean: Je fais appel aux travailleurs de General Motors, de Pratt and Whitney et de tant d'autres qui ont lutté sans succès sur des lignes de piquetage pour pouvoir parler français à leur travail. Je fais appel aux francophones qui peuvent maintenant accéder à des postes de cadres dans les compagnies où, traditionnellement, ils étaient maintenus dans des emplois subalternes, sans égard à leur compétence, parce qu'ils étaient francophones. Tous ces gens, les travailleurs et les travailleuses d'hier et d'aujourd'hui, qui partagent la fierté collective grâce à la loi 101, tout en respectant les droits acquis de la minorité anglophone, les Québécoises et Québécois à forte majorité francophone, peuvent maintenant parler français au travail, dans le commerce, dans l'administration et dans toute la vie.

À ce pas en avant, à neuf contre zéro, les juges de la Cour suprême ont dit que les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec de légiférer ce genre de législation étaient diminués. Depuis cinq ans, le gouvernement du Québec a une stratégie de développement économique axée sur les petites et moyennes entreprises. Il favorise dans ses subventions et dans ses politiques les entreprises québécoises qui créent des emplois et qui, effectivement, ont créé des milliers d'emplois à un niveau qui dépasse depuis quelques années les six ou sept principaux pays industriels au monde dans la création d'emplois.

Un groupe d'hommes d'affaires québécois, francophones et anglophones, qui, il y a quatre ans, ont pris en main une usine fermée à Waterville, dans les Cantons de l'Est, par une multinationale et l'ont transformée en entreprise rentable, sauvant par le fait même 350 emplois, ont fait le coup une deuxième fois à Saint-Jérôme en prenant en main l'ancienne usine d'Uniroyal, une autre multinationale, en sauvant encore 350 emplois, avec la possibilité de faire de deux petites entreprises une moyenne et, avec les investissements qui s'en viennent, de permettre à cette entreprise d'occuper une partie importante du marché. La Cour suprême du Canada, à neuf contre zéro, a décidé que le pouvoir du gouvernement du Québec d'adopter de telles politiques serait diminué par le coup de force de Trudeau.

Le gouvernement a légiféré pour protéger et donner priorité aux Québécois et aux Québécoises pour des emplois au Québec dans différents domaines. Les travailleurs de la construction de la Baie-James, par exemple, financée par nos taxes où on dit: Les Québécois et Québécoises vont travailler d'abord. Dans le secteur public, chez les fonctionnaires du gouvernement, à HydroQuébec, dans les hôpitaux, les centres d'accueil, on donne priorité à l'embauche des Québécoises et des Québécois. À neuf contre zéro, la Cour suprême du Canada nous dit que le pouvoir du Québec de favoriser l'emploi chez nous de notre monde est diminué. C'est comme si on obligeait un père qui veut que son enfant tonde le gazon à demander des soumissions des enfants du voisin sur une base égale à ses enfants pour tondre le gazon chez lui.

Création d'emplois. Par les programmes OSE et d'autres, le gouvernement du Québec a favorisé la création d'emplois pour les jeunes pour les assistés sociaux aptes au travail et pour d'autres groupes défavorisés de notre société, selon nos méthodes, selon nos priorités. Encore neuf à zéro, la Cour suprême du Canada a dit que le pouvoir du gouvernement du Québec de créer des programmes comme cela est diminué par le coup de force d'Ottawa.

Mais il y a une chose encore plus qrave, M. le Président. J'ai eu l'honneur et le privilège d'assister tout récemment à une conférence fédérale-provinciale dans le domaine de la main-d'oeuvre, de la création d'emplois et du chômage. À cette conférence et à d'autres conférences, il y a des siqnes partout que, parallèlement au coup de force constitutionnel d'Ottawa, il y a un coup de force financier et, dans le domaine des politiques de main-d'oeuvre qui s'en viennent d'Ottawa, une politique qui vise à étouffer le Québec financièrement et les autres provinces, à leur laisser de moins en moins de marge de manoeuvre avec les taxes que paient les citoyens de chacune de ces provinces pour que le gouvernement d'Ottawa puisse imposer ses politiques et ses priorités en matière de travail et de main-d'oeuvre, de chômage, de sécurité du revenu et de sécurité sociale et cela est axé sur une politique pour les années quatre-vingt de mobilité de la main-d'oeuvre "from coast to coast", bilingue s'il vous plaît!

M. le Président, on a déjà un taux de chômage plus élevé au Québec qu'ailleurs dû à des politiques du gouvernement d'Ottawa à travers des gouvernements et à travers des partis politigues différents, depuis des années, qui favorisent l'Ontario surtout au détriment du Québec. La ligne Borden poussait le développement des raffineries de pétrole vers l'Ontario au lieu de l'Est de Montréal.

L'industrie automobile: 25% à 30% du marché; 8% des emplois au Québec dans le montage, 1% dans les pièces et encore, pour

comble de malheur, la récente expérience de Volkswagen. Si on avait seulement notre juste part de l'emploi dans l'industrie automobile au Canada, M. le Président, on verrait la création de plus de 20 000 emplois. Il y le F-18, les avions ADAC où on vient encore de favoriser Uplands au lieu de Gatineau, le gazoduc et j'en passe.

Devant ce chômage chronique qui afflige des Québécois et des Québécoises, M. le Président, la réponse au coup de force du gouvernement d'Ottawa dans le domaine de la politique de main-d'oeuvre pour les années quatre-vingt, c'est de dire: Au lieu de créer des emplois au Québec, que les Québécois aillent ailleurs pour travailler. Pour des projets de construction, peut-être; ce sont des postes temporaires et, si on parle anglais et on possède le métier qui est en demande ailleurs, il y a des possibilités pour des Québécois de travailler temporairement ailleurs, "from coast to coast", toujours en anglais s'il vous plaît.

Mais si on parle d'emplois permanents, je demande aux chômeurs et aux chômeuses, du comté de Prévost, de la Côte-Nord, de la Gaspésie ou de n'importe quel comté de n'importe quelle région du Québec si c'est ce qu'ils désirent, aller travailler ailleurs, en dehors du Québec.

Les travailleurs de Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, depuis toujours, subissent cet arrachement humain; à défaut d'emplois, ils sont obligés d'aller en Ontario et dans l'Ouest pour travailler, avec tout ce que ça représente de déchirement de leur coin de terre, des difficultés personnelles, familiales, des changements de mode de vie et, pourtant, ils parlent anqlais.

Mais si on parle français, en plus de cet arrachement de son coin de terre, de tout ce qu'on a de plus cher, de nos villaqes, de nos villes, de nos quartiers d'origine, le francophone qui s'expatrie dans les autres provinces, en vertu d'une politique de mobilité de main-d'oeuvre "from coast to coast", en plus de perdre toutes ses valeurs humaines fondamentales, perd ce qu'il a de plus profond dans son être, son identité, sa langue et sa culture. (22 h 50)

Ce coup de force constitutionnel d'Ottawa, plus la mobilité "from coast to coast", ce beau pays bilingue dont on rêve, ça donne quoi? Cela donne, en vertu des décisions de la Cour. suprême, que l'anglophone du reste du Canada qui viendrait au Québec - selon l'opinion à neuf à zéro des juges de la Cour suprême, parce que la loi 101 ne compte plus - aurait ses écoles anqlaises, ses hôpitaux, ses services sociaux et, par dessus le marché, il continuerait à travailler en anglais. Parce c'est ce qui va arriver, dès que la loi 101 sera affaiblie. Mais le francophone qui va ailleurs, aura-t-il des hôpitaux français? Aura-t-il des services sociaux en français? Aura-t-il du travail en français? Non, il va travailler en anqlais.

Il y en a qui se leurrent avec la possibilité que s'il y a assez de francophones regroupés, on va avoir des écoles françaises. Qu'est-ce que ca donne? Je connais des francophones qui ont quitté le Québec ou la partie francophone du Nouveau-Brunswick pour aller en Ontario ou ailleurs et, en dix ans, ils ne sont plus francophones parce que leurs enfants, qui sont complètement anglicisés, ont honte de parler français, ils sont intéqrés dans le milieu, parce que toute la vie qui les entoure est en anglais. C'est normal, il s'agit de provinces anglophones.

M. le Président, la politique des années quatre-vingt, et ce coup de force économique et humain qui s'ajoute au coup de force constitutionnel, la politique "bilingual from coast to coast", à mon avis, représentent une deuxième dispersion des Acadiens. Au lieu de fourrer les gens sur un bateau pour les écraser, on va les attirer par ordinateur à des postes bien payants dans ce pays bilingue "from coast to coast" si illusoire. Pour moi, une telle politique, avec les conséquences du coup de force constitutionnel, c'est, à très courte échéance, la mort du dernier foyer de francophones de l'Amérique du Nord qu'est le Québec.

Pourtant, les juges de la Cour suprême, à 9 contre 0, disent que les pouvoirs qu'a actuellement, tant bien que mal, dans un contexte actuel très limité, l'Assemblée nationale du Québec d'établir les politiques de main-d'oeuvre, les politiques de création d'emplois, les politiques de sécurité sociale sont diminués. Du peu qu'on a, on aura encore moins, M. le Président.

Devant ce coup de force constitutionnel d'Ottawa, légal, bien sûr, mais tellement immoral et illégitime, j'ai confiance que les Québécois et les Québécoises feront bloc. La solidarité, cela nous connaît.

Les personnes âgées qui ont formé des groupes de l'âge d'or pour se défendre et se faire valoir dans notre société, les travailleurs et travailleuses qui se sont syndiqués pour défendre leurs droits léqitimes, les simples citoyens, locataires, assistés sociaux, groupes de handicapés qui ont fondé des associations et des comités pour revendiquer et défendre leurs droits légitimes, les employeurs et hommes d'affaires québécois qui se sont également regroupés pour concurrencer les multinationales et leur faire face, sont capables de s'unir dans un mouvement de solidarité sans limite, plus solidaires que jamais derrière l'Assemblée nationale qui, tout le monde le souhaite, va à l'unanimité, adopter une résolution de défense de nos droits individuels et collectifs et des droits de l'Assemblée nationale comme instrument politique primordial du peuple québécois. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Jean-Talon.

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: M. le Président, l'Assemblée nationale est de nouveau réunie aujourd'hui en session spéciale ou extraordinaire pour discuter d'une résolution qui, je pense, cherche à traduire les préoccupations de la société québécoise comme les préoccupations également de très nombreux Canadiens, en dehors du Québec, face à la proposition fédérale de changement de l'ordre constitutionnel canadien.

Bien des gens se demandent pourquoi cette résolution, pourquoi tout ce branle-bas constitutionnel, dans la mesure où, pour la première fois depuis de très nombreuses années improductives de discussions constitutionnelles, on nous dit qu'enfin nous aurons rapatrié chez nous notre constitution canadienne qui est depuis plus de 100 ans sous l'autorité du Parlement britannique, qu'enfin nous aurons une formule pratique d'amendement constitutionnel et qu'enfin nous aurons une charte des droits qui consacrera dans la constitution quelques-unes des grandes libertés humaines et démocratiques auxquelles nous attachons tous le plus grand prix.

Je pense, M. le Président, qu'en essayant de répondre brièvement, forcément, ce soir, à cette interrogation de tant de gens, je pense, dis-je, qu'il est extrêmement important de placer en première ligne la donnée fondamentale du problème et cette donnée fondamentale n'est pas ailleurs et ne peut pas être ailleurs que de l'exprimer et de la ramener à celle même de la notion du fédéralisme.

D'ailleurs, les passages sans doute les plus éloquents du jugement de la Cour suprême, les difficultés que la Cour suprême a identifiées au coeur même de la résolution fédérale, mettent en cause, au dire même de la Cour suprême, la pratique et les principes mêmes du fédéralisme canadien.

Le régime fédéral canadien, de par sa nature même, et les gens le comprennent très bien, comprend essentiellement l'instauration de deux niveaux de gouvernement, le gouvernement fédéral et le gouvernement des provinces à qui la constitution confie, pour le mieux-être de l'ensemble des citoyens, des responsabilités précises. La pratique même de ce fédéralisme a amené, comme question de fait, depuis de très nombreuses années, les deux niveaux de gouvernement à chercher à harmoniser, toujours en fonction du mieux-être de l'ensemble des citoyens du pays, les actions respectives de l'un et de l'autre niveau de gouvernement, bien sûr, en trouvant des harmonisations qui, parfois, malheureusement, n'ont pu se faire dans un certain nombre de domaines et, en particulier, dans le domaine économique.

En discutant, au niveau de cette Assemblée, la proposition fédérale et en la situant de la seule manière qu'elle doit être située, c'est-à-dire dans la perspective, du fédéralisme et du fédéralisme canadien, cette volonté que tous mes collègues de ce côté-ci de la Chambre partagent, cette détermination qui fait sans doute la première raison d'être du Parti libéral du Québec, de chercher à moderniser et à améliorer notre fédéralisme canadien, je pense qu'on peut honnêtement faire une analyse complète des éléments de la résolution fédérale, sans se faire d'illusion - cela est très important -sur les discours qui, dans le contexte actuel, peuvent se recouper - ceux des qens d'en face comme ceux de ce côté-ci - sans se faire la moindre illusion, dis-je, sur la différence fondamentale qui caractérise l'action politique du Parti libéral du Québec et du Parti québécois, dans la mesure où le Parti québécois est voué à la séparation politique du Québec, à l'indépendance politique du Québec exprimée sous le vocable variable dans le temps et selon les circonstances de la souveraineté-association. (23 heures)

La chose est tellement vraie que quelques heures seulement après le vote que nous prendrons demain, ces gens d'en face qui, à les écouter, semblent avoir à coeur le fédéralisme canadien, ces mêmes personnes iront à Jonquière endosser et raffiner leur option de la souveraineté politique du Québec. Je pense bien qu'aucun Québécois ne peut et ne doit être trompé par l'attitude ambiguë du gouvernement du Parti guébécois. Les circonstances et seulement les circonstances peuvent lui permettre pour un temps limité de jouer un jeu qui, sur le plan du courage et de la franchise, comporte énormément de failles, de jouer double jeu, c'est-à-dire de faire semblant de s'intéresser au maintien et à l'amélioration du fédéralisme canadien d'une part et, en même temps, en s'adressant à ses militants, d'évoquer la souveraineté et l'indépendance politique du Québec.

D'un autre côté, M. le Président, lorsque nous étudions tous les éléments de la proposition fédérale, lorsque nous soulignons les difficultés et les problèmes que cette résolution pose, nous le faisons dans la perspective unique du fédéralisme canadien. Cette démarche que nous entreprenons tient à notre volonté déterminée d'apporter une contribution à l'amélioration du fédéralisme canadien pour le mieux-être des Québécois et le mieux-être de l'ensemble des Canadiens. En cela, M. le Président, nous ne vous cacherons pas que nous sommes beaucoup plus à l'aise, lorsque nous souligqnons ces difficultés de la résolution fédérale, pour rejoindre les premiers ministres des provinces

qui eux-mêmes contestent certains éléments de la résolution fédérale, parce que nous savons que des hommes comme MM. Lougheed, Peckford et Bennett partagent avec nous la même ambition de franchir, de surmonter les obstacles présents pour assurer la pérennité du régime fédéral canadien. Et les gens du Parti québécois, le gouvernement actuel du Québec, ne peuvent avoir cette prétention, parce que le gouvernement est voué à la séparation politique du Québec.

M. le Président, parce que nous croyons au fédéralisme, parce que le régime fédéral, de par sa nature même, comporte deux niveaux de gouvernement, lorsque nous évoquons le caractère unilatéral de la démarche fédérale, il me semble que ce caractère unilatéral pose, simplement en termes de fédéralisme, un problème au sujet duquel nous ne pouvons être indifférents. Qu'on cherche à modifier la constitution canadienne, fort bien, et nous en sommes, mais nous plaidons et nous allons continuer de plaider que cette modification à la constitution canadienne doit se faire en accord avec le gouvernement fédéral et avec les gouvernements des provinces. En cela, la Cour suprême a confirmé cette attitude historique du Parti libéral du Québec et c'est cette attitude que nous allons continuer de défendre en cette Chambre.

Au sujet du rapatriement de la constitution. Le Parti libéral du Québec est favorable au rapatriement de la constitution. Nous voulons, comme tous les Canadiens - et je doute fort que les gens de l'autre côté soient intéressés à la chose - et nous tenons, comme Canadiens, à ce que le Canada puisse disposer de sa constitution, que le Parlement britannique n'ait plus aucune espèce d'autorité, mais lorsque nous le disons, nous ne le disons pas simplement du bout des lèvres, comme les gens d'en face, nous le disons parce que c'est une conviction profonde et une orientation de fond du Parti libéral du Québec. Lorsque nous parlons de la formule d'amendement, lorsque nous examinons les implications que cette formule d'amendement a pour le Québec, lorsque nous exigeons un droit de veto pour le Québec sur les amendements constitutionnels, nous ne le faisons pas, comme les gens d'en face, simplement du bout des lèvres, nous le faisons parce que nous croyons que, dans la perspective du renouvellement du fédéralisme, c'est une chose essentielle pour protéger les droits des Québécois et des Québécoises.

M. le Président, lorsque nous parlons de la charte des droits, nous ne faisons pas - et je ne le ferai pas - que souligner les difficultés considérables que cette charte pose aux pouvoirs des provinces. Nous reconnaissons également, nous lisons... J'ai écouté les discours de nos amis d'en face, mais pas un seul n'a souligné que, dans la proposition fédérale, il y a toute une série de dispositions au titre de la charte des droits qui ne posent aucun problème au titre des pouvoirs des provinces. Pensez simplement à l'article 2, aux libertés fondamentales: la liberté de conscience et la liberté de religion, la liberté de pensée et de croyance, la liberté de réunions pacifiques, la liberté de presse, la liberté d'information. Cela ne pose strictement aucun problème. Quand le Parti québécois dénonce les aspects de cette charte, il doit au moins reconnaître que, dans la perspective de la construction d'un Canada meilleur et pour la protection même des citoyens du Québec, c'est une valeur incontestable dans la résolution fédérale.

Même chose pour les droits démocratiques qui sont inscrits dans la proposition fédérale. Cela ne pose aucun problème constitutionnel et la Cour suprême l'a confirmé. J'aimerais bien que, du côté du gouvernement péquiste, on ait au moins l'honnêteté de le dire à nos concitoyens, parce qu'ils ont droit à cette information et, depuis le début, vous ne cessez de le taire.

Les difficultés que mes collègues ont soulignées et que le chef du Parti libéral a soulignées ne tiennent pas non plus aux droits judiciaires. On évoque la décision de la Cour suprême neuf contre zéro disant que les droits des provinces seraient diminués -je vais en dire un mot dans quelques instants - mais la même question aurait pu être posée: Est-ce que la charte des droits porte atteinte aux droits du fédéral? Quand on parle des droits judiciaires contenus actuellement dans le Code criminel, les mandats de perquisition, le droit pour un inculpé d'obtenir un procès juste, ce sont des compétences que le gouvernement fédéral abandonne. La charte limite, au sujet des droits judiciaires, les pouvoirs et les responsabilités du gouvernement fédéral. De l'autre côté, on n'en parle jamais. Mais cela, non plus, ne pose pas de problème aux Québécois et aux provinces.

Là où le problème existe - regardez l'ensemble du dossier, nos concitoyens ont droit à l'ensemble de la vérité - c'est au niveau de la liberté d'établissement et de la liberté de circulation. Là, il y a des problèmes sérieux et les gens l'ont évoqué. En particulier lorsque l'on pense aux politiques de main-d'oeuvre, les données concrètes et objectives de la réalité québécoise au titre de la main-d'oeuvre, de la formation professionnelle et de la mobilité, rendent difficilement acceptable et, à mon avis, totalement inacceptable, certainement pas imposé d'une façon unilatérale ce qui est dans la charte fédérale. Il y a d'autres exemples que je vais donner, mais, comme on l'a signalé, au niveau des programmes d'aide à nos entreprises qui ont comme critères selon nos

lois et nos règlements, le critère de résidence, le critère de la participation québécoise, au niveau des programmes de stabilisation dans le domaine agricole, au niveau de la politique d'achat, lorsque nos corps publics accordent une préférence aux Québécois, je pense que ce sont des politiques légitimes pour le Québec. (23 h 10)

Tel que rédiqé, c'est cela le sens du jugement de la Cour suprême et c'est là le coeur des difficultés que la charte fédérale pose. Cela va certainement mettre en cause les droits des provinces, et c'est cela que la Cour suprême affirme. Mais des dispositions analogues, contrairement à ce que le discours péquiste semble laisser croire, à savoir que ce ne serait dirigé que contre le Québec... Il faut le dire à nos concitoyens pour qu'ils comprennent pourquoi des premiers ministres des autres provinces, comme M. Lougheed, M. Peckford, M. Bennett et les autres s'opposent. Les autres provinces du Canada ont des dispositions analogues également. Quand on en parle de l'autre côté, c'est comme si le premier ministre du Canada avait fait ce projet de charte pour frapper seulement l'Assemblée nationale du Québec. Les aspects inacceptables de la charte du premier ministre du Canada frappent l'ensemble des provinces et c'est pour ça que les provinces ont tellement de réticences à ce titre et, ça, ce sont des points.

Mais ce que je veux souligner finalement, M. le Président - nous devons nous prononcer en ce moment, parce que le gouvernement, pour toutes sortes de raisons stratégiques, nous demande de le faire à ce moment-ci - c'est que M. Bennett, actuellement, parcourt le pays, consulte les provinces. M. Bennett, est du qroupe des dissidents et il accepte - fait extrêmement significatif - de rencontrer le premier ministre de l'Ontario et le premier ministre du Nouveau-Brunswick, qui approuvent à ce jour la résolution fédérale, qui ne sont même pas des provinces dites dissidentes comme le Québec et les sept autres provinces. Qu'est-ce que M. Bennett va aller faire, si ce n'est d'essayer de recueillir un consentement? Pour ma part, je le dis le plus franchement possible, à la suite de la tournée de M. Bennett je souhaite que l'on pourra obtenir un consensus des provinces et je souhaite que le gouvernement du Québec, cette fois-là, oubliera son chapeau souverainiste et indépendantiste et qu'il ira jusqu'au bout de la logique dans laquelle il s'est inscrit, à l'encontre de bien des militants du Parti québécois que la chose inquiète. J'espère que le gouvernement du Québec sera logique avec lui-même, si on peut s'entendre au Canada, et que le premier ministre du Canada pourra accepter qu'il y ait le rapatriement de la constitution, qu'il y ait la formule d'amendement et la charte des droits. Si le premier ministre du Canada insiste pour inclure les dispositions qui, actuellement, posent les problèmes considérables que j'ai évoqués et que plusieurs de mes collègues ont évoqués, qu'on emprunte la technique de ce qu'on appelle "l'opting in", c'est-à-dire que les dispositions pourront être maintenues dans la charte, mais que les provinces n'y seront soumises que par leur décision propre, la décision propre de leur Assemblée nationale. J'ajoute que j'espère que jamais l'Assemblée nationale du Québec n'acceptera ça sans qu'il y ait eu au préalable une discussion, des accords avec les autorités fédérales pour dire: Tel type de disposition au titre de la mobilité de la main-d'oeuvre nous pose tel problème; nous y tenons; nous avons telle affaire, et discuter avec des dossiers. J'évoque cette possiblité et, au fond, presque d'une façon sceptique, parce que je suis convaincu, tous mes collègues libéraux sont convaincus, que le gouvernement du Parti québécois, ce gouvernement dont on connaît l'orientation, ne souhaite qu'une chose et ne recherche qu'une chose: trouver à empêcher toute possibilité de progrès du fédéralisme canadien. C'est la situation objective dans laquelle ces gens sont placés. Vous êtes contre le fédéralisme canadien. La chose ne vous intéresse plus. Vous avez déjà accepté de renoncer au Canada. Alors, les discours que vous tenez sur le texte de la résolution, en public, les discours que vous allez tenir en fin de semaine face à vos militants péquistes et souverainistes... J'ai bien hâte de voir dans quelle mesure vous recevrez ce gouvernement qui dit participer de bonne foi aux discussions constitutionnelles, dans quelle mesure il pourrait, M. le Président, simplement obtenir un accord tacite - je n'en demande pas beaucoup - simplement chercher à obtenir un accord tacite des militants péquistes pour négocier de bonne foi le renouvellement de la fédération canadienne. Cela, vous le savez très bien et la population du Québec le sait très bien, vous n'en voulez pas. Vous profitez actuellement d'une conjoncture politique qui vous est favorable.

Bien sûr, profitez-en, sauf qu'en fin de compte, il ne faudra jamais oublier que la décision des Québécois et des Québécoises de dire: Nous voulons ou non rester à l'intérieur du Canada, vous ne pourrez pas l'éviter tout le temps. Vous allez arriver, à un moment donné, au jour fatidique, à cette minute de vérité. Je n'ai aucun doute, personnellement, quelles que soient les difficultés actuelles, que la population du Québec va continuer, comme le Parti libéral l'invite à le faire depuis tellement d'années, à affirmer sa fierté québécoise et aussi à affirmer sa fierté d'appartenir à un pays qui, sur le plan international, jouit d'une réputation

exceptionnelle. C'est un pays extraordinaire et ce pays-là s'appelle le Canada.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Nicolet.

M. Yves Beaumier

M. Beaumier: Je pense, M. le Président, qu'il y aurait beaucoup de choses à dire en réponse aux propos du député de Jean-Talon. J'aimerais tout simplement faire remarquer qu'en ce qui concerne la charte des droits, ce à quoi on s'oppose, au fond, ce n'est pas à ce que la charte nous donnerait et que nous avons. La liberté d'expression, la liberté religieuse, nous l'avons. Ce à quoi on s'oppose, c'est ce que la charte nous enlèverait et ça on s'y oppose.

Cela dit, M. le Président, il m'aurait fallu beaucoup d'imagination et passablement de cynisme pour prévoir qu'en accédant à cette Chambre, je serais appelé à défendre comme une dernière chemise des droits et des pouvoirs depuis toujours reconnus au peuple québécois et bien gardés dans cette Assemblée, la seule où, d'ailleurs, ce peuple est réellement chez lui.

Toutefois, on n'a vraiment pas à se surprendre de ce qui arrive, quand on sait qui est l'homme qui a fomenté un tel complot. J'aimerais rappeler ici, et c'est le temps ou jamais d'avoir de la mémoire, que cet homme, l'actuel premier ministre d'Ottawa, agit et entend agir encore en fonction de motifs qui sont toujours les siens, toujours les mêmes et toujours aussi clairs.

Permettez-moi dans ce sens de porter à votre attention un texte que M. Trudeau écrivait en 1967 en préface à son propre livre Le fédéralisme canadien et la société canadienne-française. Préface où, d'ailleurs, selon son habitude, M. Trudeau se faisait largement éloge à lui-même. Il écrivait qu'après avoir travaillé au syndicalisme ouvrier de 1952 à 1960, il le quittait parce que "ce mouvement avait commencé à lui inspirer des inquiétudes quand un trop grand nombre de ses cadres se sont mis à véhiculer le nationalisme". Il écrivait - toujours dans cette même préface - qu'il était entré en politique en 1965 parce que - écoutez bien -"le gouvernement Lesage et l'opinion publigue québécoise - ça fait quand même beaucoup de monde - avaient fait de l'autonomie un absolu. "

Il écrivait éqalement qu'il avait tourné le dos au Parti NPD parce que - je le cite encore - "un trop grand nombre de ses adhérents dans le Québec exigeaient de troquer le socialisme contre le nationalisme. "

Tout cela pour vous dire, M. le Président, que ce n'est pas par hasard, ce n'est pas non plus un accident de parcours, si c'est le même homme qui, aujourd'hui, directement d'Ottawa ou de Londres, selon le cas, fait une ultime tentative pour atteindre en son coeur même la collectivité québécoise, c'est-à-dire son Assemblée nationale. M. Trudeau n'a jamais accepté quelque affirmation que ce soit de la collectivité nationale québécoise et il continue. Mais ce n'est pas tout, cet homme est également capable de fonctionner sans mandat et parfois même à l'encontre de ses mandats. On l'a vu en 1974, on l'a vu en 1979, on l'a vu en 1980. Je me demande où le premier ministre du gouvernement d'Ottawa a trouvé la légitimité de l'action qu'il a entreprise unilatéralement. (23 h 20)

J'ai suivi, comme bien d'autres, la dernière campagne électorale fédérale qui a fait ressortir M. Trudeau. Jamais il n'avait été question, durant cette campagne, de constitution. C'était le tabou complet, la tombe, comme on dit. Le seul mandat qu'il a reçu - et c'est de notoriété publique - a été un mandat de pétrole et non pas un mandat de constitution. Il a été élu sur une question de mazout tout simplement. Au fond, ce fut l'élection peut-être la plus bitumineuse de l'histoire du Canada. En ce sens, je pourrais dire qu'il a été élu beaucoup plus pour ses pompes que pour ses oeuvres, avec un succès tel que les 0, 18 % de M. Clark sont devenus les 0, 52 $ de M. Trudeau.

Que cet homme soit fondamentalement contre la nation québécoise, soit, qu'il fonctionne sans mandat, passe encore, mais il y a encore pire. Je me rappelle - et vous vous rappelez sans doute, M. le Président -que, lorsque nous étions jeunes, l'un de nos jeux d'enfants consistait à apprendre le mot que l'on disait le plus long de la langue française. Ce mot, au singulier, était: anticonstitutionnellement. Quand on apprenait à le baragouiner, les plus vieux riaient de nous et nous, on riait des plus jeunes. On avait appris le mot, non le sens. Nous ne savions ni ne pouvions imaginer à quel moment ni à quel endroit ce mot pourrait bien nous être utile.

Aujourd'hui, nous l'apprenons et nous l'apprenons durement. C'est ce même mot qui fonde le droit et le devoir de cette Assemblée d'opposer une fin de non-recevoir à la démarche d'Ottawa. Dans cette optique, il importe qu'au travail fait par cette Chambre, et qui va quand même, semble-t-il, malgré quelques torsions, malgré quelques tortures de quelques-uns, dans le sens d'un large consensus, que s'ajoute également le refus de tous les Québécois et de toutes les Québécoises à toute diminution du pouvoir de notre et de leur Assemblée.

Dans ce sens et en tant que président des députés de la région Mauricie-Bois-Francs, je demande instamment aux députés libéraux de ma région de se ressaisir et d'arrêter ce train fatal. J'aimerais dire à

MM. Lajoie, Leduc, Yanakis, Veillette et Dubois - vous remarquerez que je laisse de côté M. Chrétien - qu'ils sont éminemment concernés par la décision qui sera prise et leur siqnaler, si besoin est et en tout bon conseil, que ce plan s'apparente, comme disait le fabuliste, à la peste dont nous risquons tous d'être atteints; mais nous, nous n'en mourrons point, parce que cela ne passera pas.

Vous savez, M. le Président, les vacances parlementaires nous ont permis de contacter bon nombre de nos concitoyens et de nos concitoyennes et je puis vous assurer que nos gens et que mes gens, ceux qui ont une histoire et un métier qui les ont enracinés profondément au territoire québécois et à ses valeurs, n'accepteront pas pareille chose non seulement par conviction, mais parce que c'est une atteinte à leur propre économie. À titre d'exemple, j'aimerais tout simplement signaler que le projet de M. Trudeau menace pas moins de 24 programmes agricoles et que si la charte fédérale passe, des lois comme celle de la protection de nos terres agricoles, des régimes comme ceux de l'assurance-stabilisation devront être revus en profondeur. Cela, les gens de mon comté ne le prendront pas, M. le Président.

Je crois que bien d'autres choses pourraient être dites, mais permettez-moi de conclure en vous disant que je m'apprête le plus rapidement possible - et j'inviterais tous les Québécois et les Québécoises à le faire -à apprendre à mon tour à nos enfants ce mot toujours le plus long, mais devenu le plus dangereux de notre langue française, le mot "anticonstitutionnellement", en attendant de pouvoir apprendre enfin à nos enfants un mot peut-être plus court, plus simple et tellement plus profond. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: M. le Président, à titre de député membre de l'Assemblée nationale du Québec, je me dois de dénoncer le coup de force d'Ottawa. Ce geste aurait pour effet de réduire notre Parlement au statut de gouvernement régional.

Nous serions en effet incapables de protéger raisonnablement le peuple québécois, puisque nous serions amputés de toute autonomie, limités dans nos pouvoirs, restreints dans nos actions, et surtout contrôlés de façon inacceptable. Députés présents dans cette enceinte, nous sommes la continuité du pouvoir législatif du Québec. Depuis le début, les élus de l'Assemblée nationale ont lutté pour protéger les droits et les pouvoirs du Québec.

Aujourd'hui, ce qui est dangereux, c'est que, si Ottawa réussissait son coup de force, les députés du Québec seraient soumis à Ottawa au lieu d'être au service des Québécois et des Québécoises. Il serait impossible de voter des lois pour le peuple du Québec sans l'accord d'un pouvoir extérieur à très grande majorité anglophone. C'est ce pouvoir à Ottawa qui veut nous imposer des amendements extrêmement graves. Il veut le faire sans tenir compte des conventions. Pourtant, ce sont ces conventions qui sont à la base même de cette constitution qui nous régit.

Les juges de la Cour suprême le mentionnent d'ailleurs avec insistance lorsqu'ils déclarent, et je cite: II faut garder à l'esprit toutefois que, bien qu'il ne s'agisse pas de lois, certaines conventions peuvent être plus importantes que certaines lois.

Lundi dernier, M. Chrétien, ministre de la Justice à Ottawa, déclarait à peu près ceci: Maintenant que ce n'est pas déclaré illégal, nous allons poursuivre le plus rapidement possible notre projet. Je me pose une question sur l'utilisation que les gens d'Ottawa font de la justice, à savoir si la justice s'applique toujours de la même façon dans des circonstances politiques différentes.

Revenons un peu en arrière, plus précisément en décembre 1979. M. Joe Clark, alors premier ministre du Canada, est battu lors d'un vote sur le budget. M. Clark déclenche alors des élections. Mais, pourtant, rien dans la loi ne l'y obligeait; seule la convention reconnue dans la constitution. Je me demande ce qu'aurait fait M. Chrétien, surtout M. Trudeau, advenant que M. Clark, à l'exemple de nos fédéralistes d'aujourd'hui, décide de ne pas suivre la convention et de se réfugier derrière la légalité. Je suis curieux de le savoir. J'ai l'impression qu'ils auraient contesté et exigé le respect de la convention et de la moralité, car sans ce respect, ne l'oublions pas, M. Trudeau ne serait pas premier ministre; il ne serait même plus député puisqu'il avait déclaré qu'il n'était plus l'homme de la situation.

Revenons maintenant à la présente session spéciale. Certains nous reprochent de procéder trop rapidement. Je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit; par contre, je vais apporter un commentaire personnel. Je crois que les citoyens et les citoyennes du Québec doivent être satisfaits et rassurés de voir que leur gouvernement est efficace. On constate à quel point il connaît bien la situation, ce qui témoigne du travail assidu effectué depuis près d'un an. À preuve, la brochure Minute Ottawa! qui est tout à fait compatible avec l'esprit de la Cour suprême. J'invite tous les Québécois et toutes les Québécoises à la lire attentivement.

Étant donné l'importance et la gravité du débat actuel, il aurait été dangereux d'attendre et de laisser l'initiative à Ottawa.

De plus, comme la session réqulière doit commencer bientôt, il est normal que ce problème important soit discuté indépendamment d'autres préoccupations, car n'oublions pas que c'est le fonctionnement même de cette Assemblée nationale qui est menacé. (23 h 30)

Je tiens aussi à adresser une mise en garde à ceux qui se complaisent à parler d'effritement du consensus des huit provinces opposées au coup de force d'Ottawa. Ce consensus ne peut être que renforcé, puisque le jugement de la Cour suprême leur donne raison sur presque tous les points. Premier point: le jugement reconnaît que la démarche unilatérale des libéraux fédéraux porte atteinte aux droits et aux pouvoirs des provinces, ce que les libéraux fédéraux n'ont jamais admis, jusqu'à ce qu'ils se présentent devant la cour.

Le deuxième point. La Cour suprême reconnaît que le coup de force est inconstitutionnel.

Le troisième point. Le jugement admet que le coup de force n'est pas illégal, mais renchérit et ajoute pour affirmer que ce coup de force, c'est ce processus même qui va à l'encontre du principe fédéral.

J'aimerais maintenant prendre quelques minutes pour voir quelles seraient les principales conséquences, pour les citoyens et les citoyennes du Québec, à ce coup de force d'Ottawa.

Il y a, bien sûr, les effets sur notre vie culturelle. On reviendrait aux vieilles chicanes linguistiques, qui ont été si pénibles dans le passé, sans parler de l'incertitude dans laquelle on plongerait la majorité francophone, la formule d'amendement attaquant la loi 101 dans plusieurs de ses règlements. Elle touche même le secteur de l'éducation, pourtant réservé exclusivement au pouvoir provincial. Mais ce que je trouve scandaleux, c'est qu'Ottawa veuille imposer le bilinquisme au Québec, mais évidemment pas à l'Ontario. Encore une fois, deux poids, deux mesures.

Dans un souci d'homoqénéité, de canadianisation, le Québec deviendrait vite un Nouveau-Brunswick culturel, dont M. Chrétien a déjà parlé d'ailleurs.

Non seulement dans le domaine culturel, mais dans le domaine économique Ottawa met en péril tous les instruments économiques que le Québec s'est si chèrement donnés depuis 1960. Les risques, pour les Québécois et les Québécoises, sont énormes. Que l'on pense seulement à la politique d'achat du gouvernement, qui favorise les petites et les moyennes entreprises québécoises. Plusieurs dizaines d'entre elles vivent directement de leurs contrats avec le gouvernement et les sociétés d'État. Des milliers d'emplois en dépendent. Mais, avec la formule d'amendement fédérale, une simple plainte de quiconque, au Canada, se sentirait lésé viendrait faire en sorte que nos taxes serviraient à développer les autres provinces, ce qui ferait augmenter le chômage au Québec, encore une fois. La priorité accordée à nos travailleurs sur les chantiers de construction pourrait être illégale.

Notre politique d'autosuffisance alimentaire serait définitivement compromise. On constate vite qu'il ne serait plus possible de bâtir un Québec fort et un Québec à notre goût. Le tout serait pensé en fonction de l'ensemble canadien. On voit vite ce que cela signifie. On comprend plus facilement maintenant l'intérêt pour l'Ontario de supporter sinon de diriger Ottawa dans son projet unilatéral de centralisation.

Par contre, je suis heureux de constater qu'il semble se dégager une unanimité de cette Assemblée pour s'opposer au coup de force d'Ottawa. Je considère, de toute façon, qu'il s'agit simplement d'un geste normal. C'est notre dignité de Québécois et de Québécoises qui en dépend, autrement nous serions indignes de siéger ici.

Advenant la réussite d'Ottawa dans son projet odieux, il n'y aurait plus de Québécois, mais des Canadiens français de l'Est.

Je vais conclure en disant qu'il faut répondre à un coup de force semblable par la solidarité. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Westmount.

M. French: M. le Président, je vous demande la suspension du débat.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader parlementaire.

M. Charron: M. le Président, je propose que la Chambre ajourne ses travaux à demain, dix heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): La

Chambre ajourne ses travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 23 h 36)

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