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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 7 juin 1984 - Vol. 27 N° 103

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir.

Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclaration ministérielle, ni de présentation de projets de loi.

Dépôt de rapports de commission; il n'y a pas de dépôt.

M. Bédard: Au nom du ministre de la Justice, qui sera en retard de cinq ou dix minutes, je voudrais déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé afin de procéder à l'étude détaillée des projets de loi privés 228, 240, 238, 206, 221, 208 et 236.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement, je n'ai pas d'objection à ce que le ministre de la Justice fasse beaucoup de choses, mais l'usage dans cette Chambre n'est pas à l'effet que les ministres soient des rapporteurs de commissions. Je comprends que le ministre de la Justice ait pu être membre de la commission pour la durée de l'étude de ces projets de loi privés. Il serait certainement plus orthodoxe de faire en sorte que le président de la commission ou son vice-président ou un membre de la commission soient le rapporteur de la commission.

M. Bédard: Pour régulariser dans le sens de ce que vous dites, on pourrait peut-être faire en sorte que le dépôt soit réputé avoir été fait par le député de Vachon.

Le Président: Ou le vice-président de la commission, M. le député de Jean-Talon. Il s'agit du rapport de la commission des institutions dont vous êtes vice-président, le président de la commission étant absent. M. le député de Vachon.

M. Payne: Si vous permettez, il me ferait plaisir, comme chef d'équipe de la commission des institutions, de déposer le rapport. Non? Est-ce que c'est déposé?

Le Président: Nous n'allons pas nous compliquer l'existence indûment. Nous allons faire le dépôt au nom de M. le député de Vachon, mais j'attire l'attention de la commission des institutions, puisque c'est dans le cas de la commission des institutions que ce genre de situation se produit régulièrement. Normalement, l'article du règlement dit bien que le président de la commission et le rapporteur de la commission; bien sûr qu'il peut désigner quelqu'un d'autre comme rapporteur, et en l'occurrence, le vice-président serait tout indiqué. Mais la commission des institutions est la seule commission où ce genre d'incident s'est produit. J'aimerais bien qu'à l'avenir, soit le président soit le vice-président présente le rapport de manière plus orthodoxe. La disposition permettant à un autre membre de la commission d'être le rapporteur est exceptionnelle, mais ne vise pas à enlever la responsabilité au président.

M. Bédard: M. le Président, question de règlement. Nous sommes d'accord avec votre point de vue. Si le vice-président de la commission, membre de l'Opposition, voulait déclarer avoir déposé le rapport, nous serions d'accord.

Le Président: En attendant, M. le député de Saint-Hyacinthe.

Vérification des engagements financiers

du ministère de l'Agriculture, des

Pêcheries et de l'Alimentation

M. Dupré: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé le 1er juin 1984 afin de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour les mois de février et mars 1984.

Le Président: Rapport déposé. M. le président de la commission de l'aménagement et des équipements.

Étude des projets de loi 243, 215, 213, 210, 207, 242 et 216

M. Fallu: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé les 24, 30 et 31 mai 1984 afin de procéder à l'étude détaillée des projets de loi privés 243, Loi concernant l'érection de la municipalité de Saint-Pierre-de-Lamy, 215, Loi concernant la ville de Saint-Bruno-de-Montarville, 213, Loi modifiant la charte de la ville de Granby, 210, Loi concernant la ville de Saint-Laurent, 207, Loi modifiant la charte de la ville de Laval, 242, Loi concernant la ville de Rimouski, et 216, Loi modifiant la charte de la ville de Québec.

Les projets de loi ont été adoptés avec amendements.

Le Président: Rapport déposé. M. le vice-président de la commission des institutions.

Étude des projets de loi 228, 240, 238, 206, 221, 208 et 236

M. Rivest: M. le Président, le président et le vice-président de la commission des institutions se rendent volontiers à vos remarques. Nous abandonnerons notre délégation d'office.

J'ai l'honneur, M. le Président, de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 24 et 30 mai 1984 afin de procéder à l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé 228, Loi concernant les Soeurs de Sainte-Anne, 240, Loi concernant la Banque Nationale du Canada, 238, Loi concernant un immeuble situé dans la municipalité de la paroisse de Saint-Télesphore, 206, Loi concernant la succession de Homer Morton Jaquays, 221, Loi concernant la Coopérative d'habitation Artémis de Québec, 208, Loi concernant certains recours de Victor Auclair en matière de responsabilité médicale ou hospitalière et 236, Loi concernant certains lots du cadastre officiel de la paroisse de Pointe-aux-Trembles.

Le Président: Rapport déposé. M. le vice-président de la commission de l'économie et du travail.

M. Fortier: M. le Président, je devais remettre un rapport, mais je ne l'ai pas en main. Avec votre consentement, aussitôt que je l'aurai reçu du secrétariat, il me fera plaisir de le déposer en Chambre.

Le Président: Y a-t-il consentement pour que ce rapport soit déposé ultérieurement ou à la prochaine séance?

M. Rivest: D'accord.

Le Président: II y a consentement pour que nous le déposions plus tard? Bien.

Ce qui nous mène à la période des questions des députés avant laquelle je me permets de vous rappeler qu'il y aura, à l'issue de la période des questions, un certain nombre de votes qui ont été reportés.

M. le député de Laporte.

Questions et réponses orales La situation de M. Pierre Allard

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme nous annonçait hier que M.

Pierre Allard, que le ministre avait nommé à la Société des alcools du Québec, a remis sa démission à la suite du rapport d'inspection de la caisse du Mouvement Desjardins révélant les tractations financières de M. Allard, alors qu'il dirigeait les destinées de la Coopérative des travailleurs de Manseau. Cette démission n'a surpris personne puisque le rapport d'inspection était très incriminant pour M. Allard. Nous avons demandé au ministre hier si la démission de M. Allard était définitive ou s'il ne s'agissait que d'une suspension temporaire de ses fonctions à titre de responsable du dossier de la transformation des succursales de la Société des alcools du Québec en coopératives. La réponse du ministre a été très évasive, mais, selon les journaux de ce matin, il semble, d'après le président de la Société des alcools du Québec, que M. Allard n'aurait été relevé que temporairement de ses fonctions et qu'il compterait reprendre ses fonctions à la Société des alcools du Québec dans un, deux ou trois mois, d'après le journal. Le ministre a-t-il l'intention d'exiger la démission immédiate et définitive de M. Pierre Allard de ses fonctions à la Société des alcools du Québec ou de continuer la politique de patronage qu'il a instituée à l'endroit de son ex-organisateur ou ex-président de l'association péquiste du ministre?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, je réalise encore ce matin que le député de Laporte veut cacher son incompétence en matière d'industrie et de commerce en continuant sa campagne de vomissure et de salissage. Je pense que même ses collègues autour de lui ont, de temps en temps, des haut-le-coeur de l'entendre et de le sentir. C'est facile de salir un citoyen québécois en profitant de l'immunité parlementaire et en lançant n'importe quoi contre lui. M. Allard a demandé au président de la Société des alcools du Québec d'être relevé de ses fonctions pour ne pas nuire au projet des coopératives de commerce. C'est ce que j'ai dit hier. C'est l'information que j'avais reçue du président de la Société des alcools. Je n'ai pas parlé hier au président de la Société des alcools après notre discussion d'hier matin puisque j'étais au Conseil des ministres et, hier soir, j'avais un projet de loi ici, à l'Assemblée nationale, mais ce que je sais du président de la Société des alcools du Québec, c'est que M. Allard a été relevé de ses fonctions à sa demande personnelle, afin de ne pas nuire au projet de coopératives de commerce et à cause de la campagne démagogique, de salissage et de vomissure du député de Laporte à l'Assemblée nationale.

Le Président: M. le chef de l'Opposi-

tion.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, vous avez entendu comme moi les propos tenus par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Ce sont des propos indignes d'être tenus dans cette Chambre, particulièrement par un ministre. Je demanderais bien simplement mais avec fermeté que ces propos absolument non fondés, injustes et non parlementaires soient retirés par le ministre.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'Opposition, j'allais me lever au moment où vous l'avez fait vous-même, afin d'inviter les honorables députés à avoir recours au Larousse ou au Petit Robert ou à quelque dictionnaire de la langue française qu'ils souhaitent, de manière à trouver des termes plus élégants. Hier, nous avons eu droit à la diarrhée; ce matin, nous avons droit à la vomissure. Il me semble que ce que le corps humain fait de moins élégant n'est pas nécessairement ce que nous devrions retrouver ici en cette Chambre comme expressions dans la bouche des députés. Il y a sûrement d'autres termes, d'autres expressions plus raffinés et plus élégants que les députés peuvent employer en cette Chambre. M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): J'insiste pour que le ministre ait recours au Petit Robert, comme vous le suggérez, et utilise d'autres propos et qu'il retire ceux qu'il a tenus ici et qui sont indignes d'un ministre de la couronne.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, s'il fallait procéder de cette façon, je pense, en termes de propos inadéquats et inappropriés tenus par un député en cette Chambre, que le député qui pose la question de la part de l'Opposition devrait être capable de retirer les accusations très graves qu'il a prononcées contre M. Allard. D'autant plus qu'hier le ministre de la Justice invitait le député de Laporte à faire parvenir le rapport ou les renseignements qu'il avait en main au ministre de la Justice pour voir si, effectivement, quelqu'un en cette Chambre pouvait se permettre de traiter de fraudeur et de tous les qualificatifs M. Allard, un citoyen québécois qui, à mon sens, est innocent jusqu'à preuve du contraire.

Si on parle de responsabilité, je veux bien qu'on nous fasse certaines remarques de ce côté-ci, mais je pense que l'essentiel des remarques devrait être fait du côté de l'Opposition par rapport à des accusations qu'on porte et par rapport à des promesses par lesquelles on s'engage à donner des documents au ministre de la Justice pour appuyer les dires du député de Laporte.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: Alors, que le député de Laporte s'exécute, parce que...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: ...que je sache, il n'a pas encore fait parvenir les documents en question au ministre de la Justice.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Le député de Laporte ne fait que son devoir. Deuxièmement, il a, en effet, fait parvenir les documents au ministre de la Justice. Je pense que le leader parlementaire du gouvernement est mal informé, il devrait s'informer auprès de son collègue. Troisièmement, cela ne change rien aux propos tenus par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, propos absolument indignes dans cette Chambre. S'il y a d'autres propos qui ne font pas l'affaire du leader parlementaire du gouvernement, il devrait se lever au moment où ces propos ne font pas son affaire.

Le Président: Sur la question de règlement.

M. Bédard: La question n'est pas de savoir si les propos dont on parle font l'affaire du leader du gouvernement ou de quelque membre que ce soit de l'Assemblée nationale. Le chef de l'Opposition a fait certaines remarques sur le vocabulaire employé par les membres de l'Assemblée nationale; quand on parle de vocabulaire, on parle aussi de la réputation de certains individus qui peuvent être touchés.

Le Président: M. le leader du gouvernement...

M. Bédard: C'est pour cela que je dis que le député de Laporte ne peut continuer ses accusations en Chambre sans...

Le Président: ...il me semble que mon intervention, tantôt, aurait dû avoir pour effet de clore ce chapitre désagréable. Je considère, quant à moi, que c'est le cas.

M. le député de Laporte, en complémentaire.

M. Bourbeau: Le refus du ministre de

relever de ses fonctions d'une façon définitive M. Pierre Allard, à la suite des révélations du rapport d'inspection et de vérification de la caisse populaire, rapport que j'ai fait parvenir hier au ministre par messager, et son appui indéfectible à M. Allard, en dépit de sa démission, jusqu'à maintenant, signifie-t-il que le gouvernement appuie les pratiques et les agissements financiers de M. Pierre Allard alors qu'il dirigeait la coopérative de Manseau?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: Le député de Laporte continue à sentir la même chose que tout à l'heure.

Le Président: Il me semblait, tantôt, avoir été très clair et je vous invite à retirer ces dernières paroles.

M. Biron: Je retire mes paroles, M. le Président. Je regarderai dans le dictionnaire Robert...

Le Président: Et sans commentaire.

M. Biron: ...pour trouver autre chose.

J'ai dit, hier, comme j'ai toujours dit, que je n'avais pas engagé M. Allard à la Société des alcools. Ses services ont été retenus par la direction de la Société des alcools pour un projet bien spécifique. C'est M. Allard lui-même, à la suite de la campagne de démagogie du député de Laporte et pour ne pas nuire au projet de développement de coopératives de commerce, qui a demandé au président de la Société des alcools du Québec d'être relevé de ses fonctions. C'est ce que j'ai dit hier matin, ce sont les dernières informations que j'ai eues depuis. Pour le reste, c'est au président de la Société des alcools et à la direction d'en décider. Ce que je sais, c'est qu'il a demandé lui-même d'être relevé de ses fonctions. Il s'est ni plus ni moins sacrifié pour que le projet de coopératives de commerce puisse continuer. (10 h 20)

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Une dernière question à ce sujet, M. le Président. Le ministre est-il prêt à reconnaître que la nomination de M. Pierre Allard à la Société des alcools du Québec, à la suite de ses déboires nombreux et continuels à titre de gestionnaire de la Coopérative des travailleurs de Manseau depuis 1975 et de ses nombreux déboires personnels, tant sur les plans politique que financier, constituait un acte adminis-trativement dangereux, tant pour la propre crédibilité du ministre et du gouvernement que pour la sécurité de la gestion des fonds publics?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: Dans ce cas-là, ce serait dangereux d'élire M. Robert Bourassa comme premier ministre, puisque sa famille a été impliquée dans deux faillites au cours des dernières années.

Les services de M. Allard ont été retenus pour organiser un projet spécifique de coopérative de commerce par la direction de la Société des alcools. Personnellement, je n'ai rien eu à voir dans ce choix. M. Allard a été choisi par la Société des alcools pour ce projet spécifique et, hier, il a demandé d'être relevé de ses fonctions à la suite de la campagne de salissage et de démagogie du député de Laporte.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Le ministre continue à parler de M. Allard comme ayant été relevé de ses fonctions. Est-ce que le ministre peut dire à cette Chambre s'il a démissionné définitivement de la Société des alcools du Québec?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: J'ai dit hier matin, M. le Président, que ma dernière discussion avec le président de la Société des alcools a eu lieu hier matin. Le président m'a avisé que M. Allard avait demandé d'être relevé de ses fonctions. Ce sont les dernières informations que j'ai. Je n'ai pas reparlé au président de la Société des alcools dans la journée d'hier. Alors, je vous livre exactement les informations que j'ai, d'autant plus que la lettre, ou des parties de la lettre de M. Allard ont été publiées ce matin dans les journaux.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Étant donné que le ministre est responsable devant cette Chambre de l'administration de la Société des alcools du Québec, n'est-il pas troublant de le voir nous dire ce matin qu'il ne peut répondre à une question aussi simple que celle-ci: A-t-il, oui ou non, démissionné définitivement?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: J'ai répondu hier matin très clairement que j'avais parlé avec le président de la Société des alcools du Québec à 9 h 55. Je n'ai pas reparlé avec lui dans la journée d'hier, ni ce matin. Alors, vous me permettrez de vérifier auparavant s'il y a d'autres développements. Mais je vous ai fait part de la demande expresse de M. Allard lui-même, pour ne pas nuire au projet de coopératives de commerce et pour mettre fin à la campagne de salissage et de démagogie du député de Laporte.

Le Président: M. le député de Laporte, question principale?

M. André Roberge

M. Bourbeau: M. le Président, question principale au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Le 3 mai 1984, il y a un mois environ, un individu nommé André Roberge plaidait coupable, à la Cour des sessions de la paix à Québec à une accusation de détournement de fonds d'une somme excédant 130 000 $, admettant ainsi avoir commis un acte criminel prévu à l'article 296 du Code criminel. M. Roberge connaîtra sa sentence le 18 juin prochain.

Le même individu avait été radié provisoirement de la Chambre des notaires du Québec pour les mêmes raisons qui ont mené subséquemment...

M. Bédard: Question de règlement.

M. Bourbeau: ...à son aveu de culpabilité...

Le Président: Un rappel au règlement, M. le député.

M. le leader du gouvernement.

Une voix: Attention, attention.

M. Bédard: Question de règlement, parce que je veux avoir bien compris le député de Laporte qui, je crois, a mentionné que l'individu n'avait pas eu sa sentence. Est-ce que c'est le cas?

Des voix: ...

M. Bédard: Non, mais qu'il n'avait pas eu sa sentence?

Des voix: C'est cela.

Une voix: II a plaidé coupable.

M. Bédard: M. le Président, je crois qu'il est tout à fait normal de s'informer de la teneur correcte des propos du député de

Laporte, parce qu'à partir du moment où la sentence n'est pas encore prononcée, je crois qu'on est dans un processus judiciaire et tout ce qui peut être dit peut être de nature à influer sur des décisions ultérieures à prendre. Je veux simplement mettre en garde le député de Laporte sur ses propos de manière que ce ne soit pas considéré comme une intervention dans le processus judiciaire.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Le député de Laporte n'a fait que transmettre à cette Chambre des renseignements qui sont fondés, qui sont de nature publique, et, à ce moment-ci, jusqu'au moment où il a été interrompu par le leader parlementaire du gouvernement, il n'y a rien dans ce qu'avait dit le député de Laporte qui puisse, en aucune façon, inquiéter, à mon sens, le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: Je suis d'accord avec le chef de l'Opposition que, dans ce qui a été dit, il n'y a rien. C'est simplement en termes de préavis et de prudence, M. le Président.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, étant donné que j'ai été interrompu et vu l'importance de la question, je vais la reprendre. Je tiens en main le document d'aveu de culpabilité. Cet individu, M. André Roberge, plaidait coupable à une accusation de détournement de fonds - c'est indiqué dans le document - d'une somme excédant 130 000 $, admettant avoir commis un acte criminel. M. Roberge connaîtra sa sentence le 18 juin prochain.

Le même individu avait été radié provisoirement de la Chambre des notaires du Québec pour les mêmes accusations qui ont mené subséquemment à son aveu de culpabilité en vertu du Code criminel, la décision ayant été rendue par le comité de discipline de la Chambre des notaires le 11 mars 1981. Je peux déposer le certificat de la Chambre des notaires.

J'aimerais demander au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme si M. André Roberge est ce même individu que le ministre aurait nommé à titre de délégué

spécial à une conférence sur les possibilités d'investissements au Québec tenue en France en septembre 1981, soit plus de six mois après que ledit André Roberge eut été rayé des cadres de la Chambre des notaires pour des raisons d'escroquerie et de fraude pour lesquelles il a finalement plaidé coupable le mois dernier. Est-ce vraiment le même individu?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, si je me souviens, je pense que cela date de trois ans alors que quelques industriels étaient venus me voir et se proposaient - ou c'était un commissaire industriel mais cela fait tellement longtemps qu'il faudrait que je vérifie dans mes notes - d'aller à une conférence spéciale en France. Ils m'avaient demandé de nommer M. Roberge comme délégué spécial - c'était à la demande même des industriels - pour une période de temps.

Si je me souviens, j'avais répondu oui à leur demande, quelque chose comme cela. Mais j'ai été informé quelques jours plus tard par mes fonctionnaires qu'il y avait une suspension de M. Roberge par la Chambre des notaires. Immédiatement après, j'ai envoyé un télégramme pour annuler la nomination que j'avais faite comme délégué spécial. Cela s'est passé dans l'espace de quelques jours. J'ai été avisé quelques jours après par mes fonctionnaires et le télégramme est parti immédiatement pour annuler la nomination que j'avais faite.

M. Bourbeau: M. le Président.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Le ministre a-t-il pris connaissance de la photocopie de la lettre que je viens de lui faire parvenir par l'intermédiaire d'un messager et signée par M. Rodrigue Biron, datée du 15 septembre 1981 et adressée à M. Guy Beaudoin, délégué commercial du Québec à Paris, dans laquelle il confirme, sous sa signature, la nomination de M. André Roberge à titre de délégué spécial à la conférence d'Aix-en-Provence sur les possibilités d'investissements au Québec? Le ministre pourrait-il nous dire si cette lettre est bien une photocopie authentique de l'original qui porte la signature du ministre Rodrigue Biron?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, c'est ce que je viens de dire, que j'avais donné une lettre à la demande de quelques industriels. Aussitôt que j'ai été avisé qu'il y avait une suspension - vous me permettrez de ne pas connaître tous les notaires qui sont suspendus au Québec. Il y en a peut-être d'autres qui devraient être suspendus, par exemple! Aussitôt que j'ai été informé, j'ai immédiatement, la même journée, dans l'heure qui a suivi, fait parvenir un télégramme pour annuler la lettre que j'avais émise.

M. Doyon: Question complémentaire, M. le Président,

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, ma question s'adresse de nouveau au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Comment le ministre peut-il justifier avoir nommé personnellement un tel individu comme son délégué spécial à une conférence internationale sur les possibilités d'investissements au Québec alors qu'il était de notoriété publique dans les milieux les moindrement informés, dont devrait faire partie le ministre précisément, que cet individu était un véritable escroc, ayant été reconnu comme tel par la Chambre des notaires six mois auparavant? Ce n'était pas la veille. Six mois auparavant. Le ministre ne considère-t-il pas que la nomination d'un tel individu pour nous représenter en France a constitué une véritable insulte à l'intelligence et à l'intégrité des Québécois? Qu'est-ce que le ministre a à répondre à cette question?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: Je pense que le député de Louis-Hébert aurait dû écouter les deux réponses que j'ai données précédemment. Lorsque des industriels ou des commissaires industriels ou des promoteurs de développement économique s'en vont à un congrès, habituellement ils me demandent une lettre de présentation avant, surtout si c'est un congrès international. Les gens m'avaient demandé une lettre pour M. Roberge. Je ne connaissais pas personnellement M. Roberge, mais aussitôt que j'ai été avisé qu'il y avait quelque chose contre lui - j'ai agi à la demande d'industriels ou de commissaires industriels, si je me souviens, mais cela date de trois ans - j'ai envoyé un télégramme dans l'heure qui a suivi pour annuler la nomination que j'avais faite. (10 h 30)

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Le ministre ne le connaissait pas mais il l'a délégué personnellement. M. le Président, j'aimerais poser une question additionnelle au premier ministre. M. le premier ministre, compte tenu de

l'attitude invraisemblable du ministre dans le dossier Biron et frères où il a scandaleusement renversé les décisions de ses fonctionnaires...

Le Président: M. le député. Il s'agit d'une question complémentaire. Posez votre question, mais le fait de commencer une question par "compte tenu" et d'en mettre pendant plusieurs secondes et même des minutes, cela constitue un préambule qui n'est pas permis en vertu du règlement. La question, M. le député.

M. Bourbeau: Je pense que tous les députés font des questions complémentaires avec un "compte tenu". J'en ai entendu plusieurs.

Le Président: Question principale, M. le député de Laporte.

La direction du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme

M. Bourbeau: Question principale au premier ministre. Compte tenu de l'attitude invraisemblable du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme dans le dossier Biron et frères, il a scandaleusement renversé les décisions de ses fonctionnaires pour favoriser les...

Le Président: M. le député, oui, c'est une question principale, mais je vous rappelle malgré tout - dans vos questions, ce n'est pas la première fois que cela se produit -l'article 77 du règlement...

M. Pagé: M. le Président.

Le Président: Oui, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Je viens d'entendre mon collègue, le député de Joliette, utiliser un terme qui est non parlementaire, qui est disgracieux à l'égard de notre collègue et je lui demande d'être assez gentilhomme pour retirer ses paroles. Vous l'avez assez bien entendu, vous étiez assis en arrière, vous.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Chevrette: J'ai effectivement utilisé un terme antiparlementaire. Je le retire. Je suis sûr qu'il a été bien compris.

Le Président: Je vous rappelle que lorsqu'on retire un terme antiparlementaire, que l'on n'aurait pas dû prononcer, on doit le faire sans commentaire.

L'article 77, M. le député de Laporte: "Les questions ne peuvent comporter ni expression d'opinion, ni argumentation; être fondées sur des suppositions..." Je vous fais grâce du reste. Les questions qui comportent des commentaires, que ce soit au début, pendant ou à la fin, constituent une violation du règlement.

M. Bourbeau: Je vais me limiter à des faits. Compte tenu de l'attitude du ministre dans l'affaire Biron et frères - il avait favorisé les intérêts financiers de son propre frère; compte tenu de son attitude dans l'affaire de Pierre Allard, où il a nommé son organisateur politique à la Société des alcools du Québec en dépit de ce qu'on sait; compte tenu de son attitude dans le dossier André Roberge, où il a délégué en France, pour nous représenter, un véritable escroc qui a plaidé coupable en vertu d'une accusation criminelle, le premier ministre est-il prêt à reconnaître que le député de Lotbinière est devenu administrativement dangereux pour le gouvernement et pour la sécurité des finances publiques? Le premier ministre a-t-il l'intention, en toute décence, de procéder à des changements à la direction du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et dans quel délai?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je déplore, pour l'Opposition, qu'on ait nommé le député de Laporte, sauf erreur, porte-parole du secteur de l'industrie, du commerce et du tourisme. Je renverrais plutôt la question au chef de l'Opposition ou au chef extérieur du Parti libéral. Peut-être serait-il indiqué de trouver quelqu'un qui traite du sujet industrie, commerce, tourisme, mais pas quelqu'un qui est devenu un spécialiste de fabrication de calomnies et qui continue à en tisser tous les jours.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Vu que le premier ministre m'a mis en cause, je lui demande moi-même, à ce moment-ci, s'il ne croit pas que les questions posées par le député de Laporte étaient pleinement justifiées, étant donné les suites données à ces questions? Sans ces questions, M. Allard serait probablement encore en fonction. Si les questions n'avaient pas été posées par le député de Laporte, d'autres situations inacceptables continueraient. Est-ce que le premier ministre ne croit pas nécessaire de s'interroger justement sur les capacités du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme de continuer à occuper son poste?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je ferai remarquer au chef de l'Opposition, quant au cas qu'il a invoqué spécialement - le reste est littéralement de petites allégations sans le moindre fondement sérieux du député de Laporte - celui de M. Allard, que depuis trois ou quatre jours, suivant la période des questions, je me dis qu'il y a des gens qui abusent de l'immunité parlementaire. Je voyais des commentaires à propos d'un certain incident aujourd'hui dans les journaux. Je crois que l'Opposition, dans le cas de M. Allard qui n'a été condamné pour rien, donne un bel exemple, un exemple juteux, de l'abus de l'immunité parlementaire.

Cela étant dit, je pense que quiconque ayant suivi son action depuis quelques années serait d'accord avec moi pour dire que, parmi les ministres de l'Industrie et du Commerce qui ont produit les meilleurs résultats, qui ont travaillé le plus assidûment à la promotion du développement économique du Québec, se trouve l'actuel député de Lotbinière.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, à la suite des propos que vient de tenir le premier ministre, dois-je conclure ou est-ce que la population doit conclure que l'exemple donné par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme est celui qui incarne le mieux - étant donné les applaudissements - le genre de ministre, la qualité de gouvernement que nous avons devant nous? Autrement dit, est-ce que le premier ministre identifie son administration à celle du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qu'il cite en exemple?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): En ce qui concerne sa participation à une équipe, à titre de ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, ma réponse est oui.

Le Président: Question principale, M. le député de Saint-Hyacinthe.

Les affirmations du député de Frontenac dans un document déposé en Chambre

M. Dupré: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de la Justice. J'ai lu in extenso le document déposé en cette Chambre par le député de Frontenac, document d'intérêt public, sur l'administration de la justice. Considérant les graves accusations portées contre l'appareil judiciaire au Québec, je demande au ministre de la Justice ce qu'il a l'intention de faire à la suite de ces accusations.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, le sujet soulevé par le député de Saint-Hyacinthe à la suite du dépôt d'un document par le député de Frontenac, qui évoque certains événements intervenus dans la vie du citoyen Grégoire, soulève à mes yeux, a priori, un problème de fond. Peut-être est-il important de rappeler en cette Chambre -nous semblons le vivre par rapport à d'autres sujets depuis quelques jours - qu'il y a un pouvoir exécutif, un pouvoir législatif et un pouvoir judiciaire dans notre société. Nous sommes organisés, depuis 400 ans, autour d'un régime qui présuppose l'indépendance réciproque de ces pouvoirs et nous devons les respecter les uns et les autres. (10 h 40)

Les allégations du député de Frontenac sont multiples, nombreuses; elles touchent de nombreux domaines et elles mêlent indistinctement les responsabilités alléguées, prétendues ou présumées de différents aspects relevant de l'exécutif ou du judiciaire. Je crois que le pouvoir judiciaire doit être respecté dans tous les sens du mot "respecté", à l'égard de son indépendance comme à l'égard des comportements que nous devons avoir à son endroit.

Par ailleurs, en ce qui concerne le pouvoir exécutif, dont je réponds pour une partie devant cette Assemblée nationale, je dirai qu'à aucun moment un haut fonctionnaire du ministère de la Justice n'est intervenu dans le déroulement du processus judiciaire normal qui affectait le citoyen Grégoire dans ses démêlés avec la justice dans le cadre des accusations que nous connaissons, ni au niveau du choix du procureur, ni au niveau du choix du texte de loi utilisé, ni au niveau du tribunal choisi, ni au niveau, par définition évidemment, du choix des juges.

Par ailleurs, un certain nombre d'allégations qui relèvent, elles, directement de l'administration de la justice toucheraient des pressions présumées qui auraient été faites auprès d'un avocat associé à celui qui défendait le citoyen Grégoire et des vérifications sont en cours. Je peux cependant affirmer à ce jour qu'aucun haut fonctionnaire du ministère de la Justice n'est intervenu pour faire des pressions auprès de l'avocat ou de l'associé de M. Grégoire. Dans les circonstances, M. le Président, je crois qu'il y aurait peut-être un certain mérite à ce que nous placions les choses comme elles doivent l'être pour réitérer que, du côté de l'administration de la justice, l'ensemble des allégations et de ce tissu assez complexe d'allégations où se mêlent des sentiments en même temps que des présomptions de fait seront vérifiées en ce qui concerne la dimension de l'administration de la justice.

Le Président: M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, sur une question de privilège, je voudrais répéter...

Le Président: M. le député de Frontenac, si vous voulez évoquer une question de privilège, vous devez me faire part, en vertu d'une jurisprudence de plusieurs mois déjà, du privilège que vous évoquez avant même de prendre la parole. Lequel des privilèges, en vertu de la Loi de l'Assemblée nationale, en vertu du règlement ou en vertu de la tradition, évoquez-vous?

M. Grégoire: Sur la tradition, M. le Président. Mon cas ayant été cité, je voudrais faire une simple mise au point.

Le Président: M. le député, votre cas a pu être évoqué, mais il ne l'a pas été de manière que vos privilèges aient pu être violés a priori et, à moins que vous ne m'indiquiez quel est le privilège que vous invoquez, je ne puis vous accorder la parole sur une question de privilège.

M. Grégoire: Je voudrais poser une question supplémentaire, M. le Président. Étant donné que je crois, comme le ministre de la Justice, que nous avons au Québec peut-être une des meilleures justices au monde et qu'il n'a jamais été question pour moi dans mon document...

Une voix: ...

M. Grégoire: Oui. ...d'accuser en quoi que ce soit la magistrature dans son ensemble ou de dénigrer l'appareil judiciaire...

Le Président: M. le député de Frontenac, quand je dis "sans préambule", il me semble que les deux mots se comprennent facilement. La question, s'il vous plaît!

M. Grégoire: Ma question supplémentaire est bien simple, M. le Président. Le ministre de la Justice veut faire une enquête pour savoir quel est le haut fonctionnaire - je le répète - qui n'est pas relié au ministère de la Justice - et je ne l'ai jamais prétendu non plus...

Le Président: M. le député de

Frontenac, pas de préambule. Cela se comprend. Ce n'est pas compliqué. Pas de préambule, la question, s'il vous plaît.

M. Grégoire: Je voudrais dire au ministre de la Justice, s'il veut savoir le nom du haut fonctionnaire en question, qu'il n'a qu'à demander à son collègue, l'ancien ministre de la Justice ou à deux autres... Des voix: ...

Le Président: En dehors du commentaire, vous vous êtes levé sur une question complémentaire et je n'ai pas entendu de question. J'ai entendu beaucoup de choses, mais pas de question.

M. Grégoire: L'actuel ministre de la Justice s'est-il renseigné auprès de l'ancien ministre du nom de ce haut fonctionnaire?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai dit et je répète qu'aucun haut fonctionnaire du ministère de la Justice n'a fait de pressions, quelles qu'elles soient, auprès du procureur. Par ailleurs, j'ai dit que ces allégations, celles qui touchent l'exécutif et qui, encore une fois, sont peu nombreuses, sont sous vérification et j'aurai sans doute une réponse précise à donner d'ici 24 heures.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: En question supplémentaire, M. le Président. Le ministre de la Justice n'est-il pas d'accord que les allégations et les accusations, dans le document du député de Frontenac, diffusées par les médias, sont de nature à jeter le discrédit sur l'administration de la justice? Par conséquent, n'est-il pas du devoir du ministre et non pas seulement de l'Exécutif de vérifier ces allégations et ces accusations et de faire rapport à l'Assemblée nationale?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je me permettrai d'être un peu étonné de la façon dont le député de D'Arcy McGee formule sa question en ce qui a trait à l'administration de la justice, c'est-à-dire le ministère de la Justice, les fonctions policières et, je dirais, à un moindre degré, les procureurs de la couronne, qui bénéficient d'une forme d'indépendance particulière dans notre système.

Je répondrai effectivement aux allégations qu'on évoque, que l'ensemble des choses est sous vérification depuis que nous avons pris copie de ce document de 80 pages. À l'égard de la magistrature, je demanderais au député de reconnaître avec moi qu'il faut, par respect de la magistrature, par respect de l'indépendance du système judiciaire dans notre société, ne pas évoquer et ne pas revenir ici sur ce qui relève de la magistrature. Les juges ont cru

bon jusqu'à maintenant de commenter ou de ne pas commenter ce sujet. Je dois respecter ces décisions.

Effectivement, au fur et à mesure que l'on pousse dans le contexte que l'on connaît, avec l'utilisation des immunités que confère l'appartenance à ce corps législatif, si ces choses continuent, c'est l'ensemble du système de la magistrature, du système de l'administration de la justice et de la qualité des relations qui existent dans une société démocratique entre ces pouvoirs qui peut être mis en cause.

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Je puis dire que nous apprécions la réponse du ministre de la Justice à la dernière question qui a été posée. Nous avons abordé et nous discutons depuis quelques jours un sujet qui est fondamental dans notre société.

Des voix: Question! Question!

M. Pagé: M. le Président, question principale.

Des voix: Question!

Le Président: C'est votre choix, si vous voulez la poser sous forme de question principale.

L'intégrité et l'indépendance de la magistrature

M. Pagé: Question principale, M. le Président. Dans une question précédente, cette semaine, et portant sur un autre sujet, je me référais au principe fondamental, dans notre société, du droit pour tout prévenu à un procès juste et équitable. Ce principe s'appuie évidemment sur un autre principe qui est aussi fondamental, soit l'indépendance de la magistrature, magistrature à laquelle on doit croire, comme société, ce qui commande l'intégrité, le respect, etc.

À la lumière des déclarations d'un de nos collègues, sous le couvert de l'immunité parlementaire, où des attaques et des propos graves et sérieux ont été portés à l'égard de la magistrature, qu'est-ce que le ministre de la Justice entend faire pour protéger et sécuriser surtout l'ensemble des Québécois sur le principe fondamental de l'intégrité et de l'indépendance de la magistrature au Québec? Vous ne pouvez pas demeurer silencieux à la suite d'une telle attaque.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, quant à l'indépendance et à l'intégrité de la magistrature ainsi que de l'ensemble du processus judiciaire qui implique les substituts du Procureur général dans les causes en matière pénale ou criminelle, je dis et je réaffirme que cette indépendance a été respectée et que le respect que nous devons à la magistrature devrait nous amener à utiliser de façon parcimonieuse, à l'Assemblée nationale, notre temps de parole là-dessus. (10 h 50)

II est très clair que les allégations nombreuses, multiples et pas toujours interreliées du député de Frontenac, sous le couvert de son immunité parlementaire, éclaboussent ou risquent d'éclabousser le système dans lequel nous vivons. La meilleure assurance que nous pouvons avoir que l'autorité, le respect et la crédibilité de la magistrature sont maintenus est de tenir pour acquis qu'elle est indépendante et de réitérer pour nous, du Conseil exécutif, notre foi en ce principe d'indépendance de la magistrature. Je souhaite, comme membre de l'Assemblée nationale, comme membre du pouvoir législatif, que nous réitérions notre foi en cette indépendance de la magistrature; c'est ça, l'arme, en démocratie, à l'égard de la protection de la magistrature.

Le Président: Question principale? M. Ryan: Non, question additionnelle.

Le Président: Question additionnelle, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Le député de Frontenac ayant affirmé que des témoins se seraient parjurés et auraient été manipulés par la police à l'occasion du procès dont il a été l'objet, le ministre de la Justice peut-il donner l'assurance à cette Chambre qu'il soumettra aux députés, à l'Assemblée nationale, dans les plus brefs délais, un rapport complet et circonstancié sur cet aspect des plaintes qui ont été formulées par le député de Frontenac?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): Je peux donner l'assurance que cette dimension, la dimension policière qui, elle, relève de l'administration de la justice proprement dite et de l'Exécutif, fera l'objet de vérifications; ces choses, d'ailleurs, ont déjà été enclenchées. Par ailleurs, quant au rapport que je serai appelé à faire à la Chambre, je dirai que la situation dans laquelle je serai pour faire un tel rapport pourrait être extrêmement délicate si devaient découler de cette enquête des poursuites. On serait encore dans cette même position, absolument aberrante, où, avant que des gens comparaissent devant les tribunaux, on se met à parler de cela à

l'Assemblée nationale. Cela implique ça, le respect du processus judiciaire et le respect du processus de séparation des pouvoirs.

Cela dit, sous une forme quelconque, je pourrai faire rapport; je ne peux pas ici, cependant, et on le comprendra pour ces raisons, m'engager à déposer ce qui pourrait constituer hypothétiquement, possiblement ou probablement, selon le cas, la base d'une preuve qui, elle, devrait être, ou pourrait être soumise par la suite à des tribunaux ou des tribunaux administratifs.

Le Président: M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Le ministre a-t-il pris l'initiative de demander à l'auteur de ces plaintes de lui fournir des renseignements plus détaillés, plus précis que ceux qui sont contenus dans le document déposé devant cette Assemblée? Est-il prêt à prendre l'engagement de le faire dans les plus brefs délais, afin que le devoir de cette Assemblée de faire la lumière par tous les moyens raisonnables - je comprends les circonstances dont a fait mention le ministre - soit satisfait?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): L'enquête suivra son cours comme elle doit être faite, et comme elles sont faites habituellement. S'il est jugé utile, en cours de route, d'interroger un certain nombre de personnes pour les fins de cette enquête, nous le ferons. Encore une fois, je ne veux pas rentrer ici dans le détail du quotidien de comment on procède à l'égard d'une enquête. Je dis simplement que les vérifications et les enquêtes nécessaires seront faites.

Le Président: M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Le ministre pourrait-il dire s'il va donner instruction aux enquêteurs de la Sûreté du Québec de prendre contact dans les plus brefs délais avec l'auteur des plaintes dont a été saisie l'Assemblée?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): Mon sous-ministre et mes collaborateurs au ministère de la Justice, de même que les hauts fonctionnaires du ministère de la Justice, connaissent le métier. Il n'est pas dans mes habitudes de traiter directement avec les enquêteurs de la Sûreté du Québec. J'ai donné des instructions afin que des vérifications soient faites. Les moyens nécessaires pour faire ces vérifications seront pris sous l'autorité du ministère de la Justice et de la Sûreté du Québec, le cas échéant.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee.

Saisies de vin vendu illégalement?

M. Marx: Question principale. Je pose à nouveau une question que j'ai déjà posée le 30 mai et qui concerne la Société des alcools du Québec qui a l'exclusivité des vins et des spiritueux sur le territoire du Québec. Or, il semble qu'il existe au Québec un important commerce illégal où des individus vendent des vins à vil prix sur un marché noir qui échappe au contrôle de la Société des alcools du Québec. Ce trafic prive évidemment le Trésor du Québec de sommes importantes puisque les taxes forment environ 75% du coût d'une bouteille de vin.

Ma question, qui s'adresse au ministre de la Justice, est la suivante: Est-il exact que la Sûreté du Québec et/ou la police de la Communauté urbaine de Montréal a procédé, au cours des deux ou trois dernières années, et plus précisément au cours des derniers mois à plusieurs saisies de quantités importantes de vin vendu illégalement au Québec. Si sa réponse est affirmative, combien de saisies ont été effectuées et quelle quantité de vin a été saisie?

Le Président: Brièvement, M. le ministre de la Justice. La période de questions se termine.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je me souviens effectivement de la question du député. Il m'en a entretenu d'ailleurs derrière le trône, me demandant si j'allais lui fournir une réponse. Au moment où nous nous étions quittés - c'était le 30 mai, je crois - j'avais l'impression que le député allait inscrire une question au feuilleton, étant donné qu'elle est extrêmement détaillée, concernant les quantités, le nombre de saisies, les personnes impliquées, etc. Il semble qu'il se contenterait plutôt d'une question d'ordre général. Je dois lui dire que les rapports que j'ai eus là-dessus ne sont que préliminaires. Oui, effectivement, je peux confirmer qu'il y a eu un certain nombre de saisies. Quant aux détails qu'exige le député, je devrais être en mesure de lui en fournir un peu plus tard, d'ici à quelques jours. Mais je l'assure que je lui fournirai des détails avant la fin de la session.

Le Président: La période de questions est terminée.

M. Marx: Oui, mais...

Le Président: Demain, M. le député.

M. Marx: II reste encore deux minutes.

Le Président: Non, non, au contraire.

C'est exactement le contraire, M. le député. Nous sommes en retard de deux minutes.

M. Marx: Est-ce que je pourrais avoir un consentement pour...

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour que le député pose une question complémentaire?

M. Marx: Le ministre est d'accord.

Le Président: Un instant! Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: Non.

M. Marx: Question de règlement.

Le Président: Oui, M. le député.

M. Marx: Le ministre me signale que je dois poser ma question additionnelle en arrière du trône.

Le Président: II n'y a pas de rappel au règlement, en l'occurrence. Si le ministre vous invite à l'en entretenir ailleurs, c'est une question qui ne concerne pas cette Chambre.

Il y a un certain nombre de votes que nous devons prendre, si les députés qui sont encore à l'extérieur veulent bien entrer en Chambre. Tandis que nous attendons les députés, M. le vice-président de la commission de l'économie et du travail pourra faire le dépôt du rapport de la commission qu'on attendait tantôt.

Dépôt du rapport de la commission

qui a procédé à une consultation de REXFOR sur le projet de loi 66

M. Fortier: M. le Président, il semble que le rapport ait été retardé sur le bureau des messagers. Il me fait plaisir de le déposer maintenant. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 5 juin 1984 afin de procéder à une consultation particulière de REXFOR sur le projet de loi 66, Loi modifiant la Loi sur la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestiers du Québec.

Mise aux voix de la motion de censure,

dé la motion proposant que l'Assemblée

approuve la politique budgétaire du

gouvernement et des rapports des

commissions qui ont étudié les crédits

Le Président: Bien. Le rapport est déposé.

Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure de M. le député de Vaudreuil-Soulanges: "Que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement pour avoir trompé les attentes de la population en présentant un budget dépourvu de toute mesure significative propre à réduire le fardeau fiscal déjà excessif des Québécois, à activer l'investissement et à soulager des centaines de milliers de nos concitoyens qui sont présentement victimes du chômage et du sous-emploi."

Que les députés qui sont pour cette motion de censure veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque (Bonaventure), O'Gallagher (Robert Baldwin), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Ciaccia (Mont-Royal), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Ryan (Argenteuil), Vaillancourt (Orford), Mme Bacon (Chomedey), M. Marx (D'Arcy McGee), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Middlemiss (Pontiac), Assad (Papineau), Caron (Verdun), Blank (Saint-Louis), Hains (Saint-Henri), Polak (Sainte-Anne), Saintonge (Laprairie), Fortier (Outremont), Rivest (Jean-Talon), Pagé (Portneuf), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Bourbeau (Laporte), Lincoln (Nelligan), Dubois (Huntingdon), Sirros (Laurier), Bissonnet (Jeanne-Mance), Dauphin (Marquette), Kehoe (Chapleau), Houde (Ber-thier), Mme Bélanger (Mégantic-Compton). (11 heures)

Le Président: Que les députés qui s'opposent à cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Bédard (Chicoutimi), Jolivet (Lavio-lette), Mme Marois (La Peltrie), MM. Pari-zeau (L'Assomption), Laurin (Bourget), Johnson (Anjou), Landry (Laval-des-Rapides), Bé-rubé (Matane), Marcoux (Rimouski), Lazure (Bertrand), Gendron (Abitibi-Ouest), Biron (Lotbinière), Dean (Prévost), Ouellette (Beau-ce-Nord), Martel (Richelieu), Bordeleau (Abi-tibi-Est), Tardif (Crémazie), Garon (Lévis), Léonard (Labelle), Fréchette (Sherbrooke), Brassard (Lac-Saint-Jean), Duhaime (Saint-Maurice), Chevrette (Joliette), Paquette (Ro-semont), Rancourt (Saint-François), Leduc (Fabre), Proulx (Saint-Jean), Gauthier (Rober-val), Blouin (Rousseau), Boucher (Rivière-du-Loup), Rodrigue (Vimont), Gagnon (Champlain), Beaumier (Nicolet), Dussault (Château-guay), Desbiens (Dubuc), Fallu (Groulx), Perron (Duplessis), Rochefort (Gouin), Marquis (Matapédia), Baril (Arthabaska), Laplante (Bourassa), Charbonneau (Verchères), Champagne (Mille-Îles), Blais (Terrebonne), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Dupré (Saint-Hyacinthe), Lachance (Bellechasse), Brouillet (Chauveau), Beauséjour (Iberville), Payne (Va-chon), Paré (Shefford), Tremblay (Chambly), Lafrenière (Ungava), Grégoire (Frontenac).

Le Secrétaire: Pour: 30

Contre: 55

Abstentions: 0

Le Président: La motion de censure est donc rejetée.

Je mets maintenant aux voix la motion de M. le ministre des Finances proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement. Même vote mais inversé. Alors, la motion de M. le ministre des Finances est donc approuvée. Bien sûr, sur division.

Je mets maintenant aux voix les rapports des commissions qui ont étudié les crédits budgétaires des ministères du gouvernement du Québec pour l'année 1984-1985. Ces rapports sont... Même vote que pour la politique budgétaire? Adopté sur division.

M. le député de D'Arcy McGee, je m'excuse. On est en plein vote et vous devez conserver votre siège. M. le ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional, très heureux de vous voir de retour mais il faut que vous restiez à votre siège.

Projet de loi 89 Adoption

M. le ministre des Finances présente le projet de loi 89, Loi 3 sur les crédits, 1984-1985. L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir de ce projet de loi? Adopté.

L'Assemblée adopte-t-elle ce projet de loi, le projet de loi sur les crédits? Adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté sur division.

Mise aux voix du principe du projet de loi 70

II reste maintenant à mettre aux voix la motion de M. le ministre de l'Énergie et des Ressources proposant que le principe du projet de loi 70, Loi sur la location de forces hydrauliques de la rivière Péribonca à Aluminium du Canada, Limitée, soit maintenant adopté. Y a-t-il lieu de voter? Adopté à l'unanimité? Un vote? C'est unanime. C'est ce que je demande. J'ai plusieurs intervenants à ma droite. Peut-on me dire si on veut ou non avoir un vote par appel nominal?

M. Bédard: Vote enregistré, M. le Président.

Le Président: Bien. Que les députés qui sont favorables à cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Bédard (Chicoutimi), Jolivet (Laviolette), Mme Marois (La Peltrie), MM. Parizeau (L'Assomption), Laurin (Bourget), Johnson (Anjou), Landry (Laval-des-Rapides), Bérubé (Matane), Marcoux (Rimouski), Lazure (Bertrand), Gendron (Abitibi-Ouest), Biron (Lotbinière), Dean (Prévost), Ouellette (Beauce-Nord), Martel (Richelieu), Bordeleau (Abitibi-Est), Tardif (Crémazie), Garon (Lévis), Léonard (Labelle), Fréchette (Sherbrooke), Brassard (Lac-Saint-Jean), Duhaime (Saint-Maurice), Chevrette (Joliette), Paquette (Rosemont), Rancourt (Saint-François), Leduc (Fabre), Proulx (Saint-Jean), Gauthier (Roberval), Blouin (Rousseau), Boucher (Rivière-du-Loup), Rodrigue (Vimont), Gagnon (Champlain), Beaumier (Nicolet), Dussault (Châteauguay), Desbiens (Dubuc), Fallu (Groulx), Perron (Duplessis), Roche-fort (Gouin), Marquis (Matapédia), Baril (Arthabaska), Laplante (Bourassa), Char-bonneau (Verchères), Champagne (Mille-Îles), Blais (Terrebonne), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Dupré (Saint-Hyacinthe), Lachance (Bellechasse), Brouillet (Chauveau), Beauséjour (Iberville), Payne (Vachon), Paré (Shefford), Tremblay (Chambly), Lafrenière (Ungava), Lévesque (Bonaventure), O'Gallagher (Robert Baldwin), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Ciaccia (Mont-Royal), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Ryan (Argenteuil), Vaillancourt (Orford), Mme Bacon (Chomedey), M. Marx (D'Arcy McGee), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Middlemiss (Pontiac), Assad (Papineau), Caron (Verdun), Blank (Saint-Louis), Hains (Saint-Henri), Polak (Sainte-Anne), Saintonge (Laprairie), Fortier (Outremont), Rivest (Jean-Talon), Pagé (Portneuf), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Bourbeau (Laporte), Lincoln (Nelligan), Dubois (Huntingdon), Sirros (Laurier), Bissonnet (Jeanne-Mance), Dauphin (Marquette), Kehoe (Chapleau), Houde (Berthier), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Grégoire (Frontenac).

Le Secrétaire: Pour: 85

Contre: 0

Abstentions: 0

Le Président: La motion est donc adoptée.

Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement, à moins qu'il n'y ait une motion de déférence.

M. Bédard: M. le Président...

Le Président: Je vais attendre que la gare centrale se calme. Ni ajournée, ni suspendue mais certainement en effervescence. Peut-on laisser les députés qui désirent poursuivre le travail législatif le faire en silence?

M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, j'ai quelques avis à donner touchant les travaux de l'Assemblée nationale. Tout d'abord,

jusqu'à 13 heures...

Le Président: Je m'excuse, y a-t-il lieu de faire une motion de déférence du projet de loi dont nous venons d'adopter le principe?

M. Bédard: Oui, M. le Président.

Le Président: La commission de l'économie et du travail.

Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Bédard: Je ferais motion pour déférer le projet de loi à la commission de l'économie et du travail.

Le Président: Le projet de loi 70. Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté. (11 h 10)

Le Président: Adopté.

M. le leader du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Bédard: M. le Président, jusqu'à 13 heures aujourd'hui, à la salle 91, je voudrais donner l'avis selon lequel la commission de l'aménagement et des équipements se réunira afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 76, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les transports.

Également, jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle 81, la commission de l'économie et du travail se réunira afin de procéder, d'abord, à l'étude détaillée du projet de loi 70, Loi sur la location de forces hydrauliques de la rivière Péribonca à Aluminium du Canada, Limitée, pour ensuite poursuivre ses travaux avec l'étude détaillée du projet de loi 87, Loi sur les permis de distribution de bière et de boissons gazeuses.

Conformément à l'article 136 du règlement de l'Assemblée nationale, cette commission sera présidée par le président de séance.

Enfin, M. le Président, de 16 heures à 18 heures, la commission de l'aménagement et des équipements sera réunira afin de procéder à l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé suivants: le projet de loi 239, Loi concernant la ville de Saint-Eustache et le projet de loi 224, Loi concernant la ville de Val-d'Or.

Le Président: Pour ce qui est de la présidence de la commission par un président de séance, c'est dans la motion de déférence que la chose doit être faite. C'est une décision de l'Assemblée et non pas un avis du leader du gouvernement. J'ai eu l'occasion de le signaler l'autre jour et, s'il y a consentement à cet effet de la part de l'Assemblée, la motion de déférence que nous avons adoptée tantôt à la commission de l'économie et du travail pourrait inclure la disposition en vertu de laquelle la commission sera présidée par un président de séance. Il faut que cela fasse partie de la motion. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Oui. Étant donné que je suis concerné - on m'a dit que la présidente était absente - je n'aime pas beaucoup la façon dont cela a été fait, mais, dans un esprit de collaboration, je vais donner mon consentement.

M. Bédard: M. le Président.

Le Président: Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: Concernant les deux avis en ce qui a trait aux projets de loi 239 et 224, ce sont des avis aux fins que la commission de l'aménagement et des équipements se réunisse, mais qui valent pour le 13 juin, de 16 heures à 18 heures.

Le Président: Je conclus que la motion de tantôt a été adoptée telle que modifiée et que le président de séance en fait partie.

D'autre part, de 20 heures à 22 heures ce soir, à la salle 80, la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre poursuivra la vérification des engagements financiers dans le domaine de sa compétence.

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

M. Pagé: M. le Président.

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Nous avons eu au début de la semaine le plan de travail de la semaine. Des changements sont survenus ou seraient survenus. Le leader du gouvernement pourrait-il à ce moment-ci nous confirmer les projets de loi qui seront appelés aujourd'hui et dans quel ordre? Quelles sont vos intentions pour aujourd'hui?

M. Bédard: M. le Président, je crois que tout a été dit hier soir par le leader adjoint et, jusqu'à preuve du contraire, il n'y a pas de changement.

M. Pagé: Devons-nous comprendre, M. le Président - il aurait peut-être été plus simple pour le leader du gouvernement de répéter pour le bénéfice des députés qui sont

ici - qu'on amorcera ce matin l'étude en deuxième lecture du projet de loi 75, tout d'abord; ensuite, l'étude en deuxième lecture du projet de loi 83 concernant le Code de procédure civile, et, par la suite, l'étude du projet de loi 80 créant l'Ordre national du Québec. C'est cela? C'est ce qui vient aujourd'hui?

M. Bédard: M. le Président, tel que je l'ai dit tout à l'heure, ce que vient de nous dire le whip de l'Opposition est très conforme aux avis qui avaient été donnés hier et à l'ordre qui avait également été indiqué par le leader adjoint. Cela demeure dans cet ordre-là, à moins que des circonstances nous amènent à intervenir au moment de la présentation de chacun des projets de loi, mais j'en avertirai d'avance l'Opposition pour qu'elle puisse agir en conséquence.

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: On m'avait informé à l'entrée de la Chambre, avant le début de la période de questions, par le biais du bureau du leader, que possiblement, le projet de loi 80 serait appelé seulement demain, après la période de questions, lors de la séance de vendredi.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: Cela demeure dans l'ordre des possibilités, parce qu'on ne peut pas prévoir ce qui va arriver pour les deux projets de loi qui précèdent. Normalement, si on a le temps, on devrait engager l'étude du projet de loi 80. S'il y a un changement, j'en informerai suffisamment à l'avance l'Opposition pour qu'elle puisse agir en conséquence.

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, dernière question. Pour le bénéfice des collègues qui doivent se rendre dans leur comté, ce soir ou demain, pour y faire du bureau et rencontrer leurs électeurs ou pour participer à des activités, est-ce que le leader du gouvernement prévoit que l'Assemblée nationale se réunira le lundi 11 juin prochain?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, je serai en mesure demain ou vers la fin de l'après-midi de mieux répondre à cette question. Mais, normalement, je donne une première indication dans le sens que l'Assemblée nationale se réunirait mardi prochain, à 10 heures. Par contre, je ne voudrais pas que cela soit coulé dans le ciment. C'est sous réserve d'autres évaluations qui pourraient être faites. Je donne simplement une indication.

Projet de loi 75 Adoption du principe

Le Président: Cela va. Ce qui nous mène donc aux affaires du jour et à l'adoption du principe du projet de loi 75, Loi modifiant la Loi sur les assurances et d'autres dispositions législatives. Je cède la parole à M. le ministre des Finances.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, le projet de loi que nous avons devant nous vise à modifier assez profondément les pouvoirs des compagnies d'assurances qui sont sous juridiction du gouvernement du Québec.

C'est l'aboutissement d'un très long cheminement et, d'autre part, une sorte de point de départ vers d'autres changements qui s'appliqueront à d'autres types d'institutions financières. On me permettra donc d'essayer de tracer un peu les perspectives de ce qui a amené la loi 75 et d'indiquer, à partir de cette loi, certaines des étapes que nous entendons franchir dans les mois qui viennent.

Le système financier canadien, comme celui de beaucoup de pays, a été longtemps basé sur ce qu'on a appelé "les quatre piliers", c'est-à-dire les banques, les compagnies d'assurances, les compagnies de fiducie et le courtage mobilier, qui peut prendre d'un pays à l'autre la forme de banques d'affaires, par exemple. Les lois ont habituellement traduit cette division très stricte entre les quatre piliers, étant bien entendu qu'une catégorie d'entreprises voyait, de par sa loi, ses activités définies et ses pouvoirs de placement également définis. Ce type de législation séparait en quelque sorte les quatre piliers, les quatre secteurs, de façon très claire, les uns des autres.

Certaines de ces lois sont fort anciennes et n'ont pas été substantiellement changées depuis un très grand nombre d'années, sauf cependant au Canada, la Loi sur les banques. La Loi sur les banques a été profondément remaniée depuis - je pense que, si on peut situer le moment des premiers grands remaniements, il faudrait le placer en 1954. On se souviendra peut-être qu'avant cette date les banques à charte, par exemple, ne faisaient pas de crédit hypothécaire comme elles en font maintenant. Elles avaient le droit de faire des prêts personnels, mais avec un plafond de taux d'intérêt de 6%, qui faisait que la plupart des banques n'en faisaient pas. Sauf erreur, il n'y avait, je crois, qu'une seule banque à charte qui faisait des prêts

personnels avant 1954. (11 h 20)

À l'occasion de la révision de la Loi sur les banques, en 1954, en 1967 et à plusieurs reprises depuis, on a élargi constamment les pouvoirs des banques à charte. Alors que, au contraire, dans le cas des trois autres piliers, peu de choses étaient faites. On a vu, dans ces conditions, la concurrence provoquer des déplacements de poids, dans le système financier, d'une très grande ampleur. Permettez-moi de vous rappeler, à cet égard, qu'en 1967 encore, de l'ensemble des actifs des sociétés financières, les banques à charte en faisaient à peu près 37% et les compagnies d'assurances, avec les caisses de retraite qu'elles administrent, à peu près 37% aussi, alors qu'aujourd'hui, l'actif total de toutes les compagnies d'assurances représente à peu près la moitié de l'actif total de la Banque Royale. On voit tout de suite le déplacement considérable qui s'est fait sur le plan des masses.

Des pressions sont exercées depuis déjà un certain temps de la part d'institutions financières, comme les sociétés d'assurances et les sociétés de fiducie, pour demander un élargissement de leurs pouvoirs. Ce sont des pressions qui se sont manifestées partout au Canada et dont on a vu - j'en parlerai tout à l'heure aussi - aussi certains effets très puissants aux États-Unis. Essentiellement, les sociétés d'assurances ou les sociétés de fiducie disaient: Nous sommes placées graduellement dans une situation concurrentielle de plus en plus défavorable, nous n'avons pas l'élargissement périodique des pouvoirs dont disposent les banques à charte et nous voudrions que la législation soit modifiée.

Est apparu à travers ces pressions et à travers ces discussions un concept dont l'expression maintenant circule partout, encore qu'elle soit fausse, qu'elle soit tout à fait inappropriée, mais puisqu'elle circule partout, il faut bien l'utiliser. On a commencé à parler de déréglementation en ce sens que chaque type d'institution financière pourrait graduellement faire non seulement ses opérations traditionnelles, mais certaines opérations des autres catégories d'institutions financières. Les compagnies d'assurances, par exemple, pourraient faire des opérations de fiducie, ramasser des dépôts, s'engager dans des valeurs mobilières et en vendre, comme si c'était un courtier. La déréglementation, c'est cela.

Le mot, évidemment, est tout à fait inapproprié. Ce n'est pas parce qu'on ouvrirait les portes entre les types d'institutions financières que les pouvoirs publics les réglementeraient moins. La déréglementation, cela ne veut pas dire que les pouvoirs publics cessent de surveiller les entreprises financières en question; cela veut tout simplement dire qu'on fait tomber les barrières entre les quatre piliers. Je tenais à préciser cela; comme j'aurai à parler de réglementation à plusieurs reprises et que l'on s'en sert maintenant, dans ce débat, dans un sens aussi précis, il est important de ne pas créer de confusion.

Aux États-Unis, ce type de déréglementation a beaucoup avancé. On sent vraiment, bien que le rythme soit différent, parce que les États, et non seulement le pouvoir fédéral, ont des pouvoirs dans ce domaine, qu'ils avancent plus ou moins rapidement. Il est clair, par exemple, que l'État de New York a pris une grosse avance par rapport à d'autres États américains. Mais le sens du mouvement est très clair.

Au Canada, on a eu tendance davantage à hésiter. En dépit des pressions faites par les institutions financières depuis de nombreuses années, il est clair que le gouvernement fédéral n'est pas convaincu qu'il doit s'orienter vers une déréglementation rapide et importante. Il a de la difficulté, j'en conviens, à dire s'il est pour ou s'il est contre. Il hésite. Les déclarations du ministre d'État aux Finances, chargé des institutions financières, M. MacLaren, depuis quelques mois, traduisent assez bien ce degré d'hésitation. Un comité de conseillers du ministre MacLaren, à Ottawa, a été constitué de représentants de diverses espèces d'institutions financières pour lui présenter certaines recommandations. Mais on sent très bien - je pense que c'est tout à fait clair pour tout le monde - que des gestes un peu importants à Ottawa ne sont pas pour demain.

La réflexion au Québec est avancée depuis déjà pas mal de temps à cet égard. En fait, sans faire de bruit et sans que cela soit toujours noté, il y a eu une forme de déréglementation à l'égard du grand concurrent au Québec du système bancaire, c'est-à-dire les coopératives d'épargne et de crédit. Le Mouvement Desjardins, par exemple, s'est fait consentir, depuis maintenant 18 ans des élargissements de pouvoirs continuels pour être en mesure, en particulier par ses filiales, de faire des transactions qui ne sont pas seulement de la réception de dépôt. Je vous rappelle que c'est seulement depuis 1966 ou 1967 que le Mouvement Desjardins a pu acquérir en bonne et due forme une société de fiducie, la Société de fiducie du Québec. Il a développé son secteur des assurances par l'Assurance-vie Desjardins, par exemple, et par d'autres sociétés.

En somme, le législateur ici, à Québec, a toujours compris - et c'était tout à fait normal - que, puisque les banques et les caisses populaires étaient à ce point en concurrence, puisque les banques relevaient exclusivement de la juridiction fédérale, il était normal que ce qui relève de la juridiction du Québec, c'est-à-dire les caisses

populaires, ne soit pas brimé ou encarcané dans la concurrence que ces institutions livrent tous les jours au système bancaire. Mais à l'égard du reste des institutions financières, nous avons jusqu'à maintenant peu avancé, disons, jusqu'à il y a deux ans. Un certain nombre de choses ont été mises en branle au Québec depuis deux ans.

Je vous rappellerai, M. le Président, que nous avons eu de longues discussions ici, à l'Assemblée nationale - discussions fort intéressantes, d'ailleurs - quant au rôle du ministère des Institutions financières. Ce ministère, qui date aussi de 1967, avait comme caractéristique de suivre, si vous me passez l'expression, plusieurs lièvres à la fois. Il était engagé dans la protection du consommateur, il avait à livrer des permis dans toute espèce de groupes professionnels et, d'autre part, il avait à assurer la surveillance d'un certain nombre d'institutions financières. Nous avons, comme vous le savez, aboli ce ministère. On a envoyé au ministère de l'Habitation, qui est devenu le ministère de l'Habitation et de la Protection du consommateur, tout ce qui concernait la protection du consommateur. Nous avons envoyé aussi la surveillance du secteur immobilier à ce ministère et on a créé le poste d'inspecteur général des institutions financières au Québec. C'est donc dire que, par cette institution - si vous me passez l'expression - nous avons été en mesure de beaucoup mieux nous équiper pour surveiller le fonctionnement des institutions financières et, d'autre part, préparer un certain nombre de modifications à la législation dans le sens de la déréglementation.

Il y a eu plusieurs lois dans le secteur des institutions financières qui ont été adoptées depuis quelques années ici, mais je pense que cela n'est que petit à petit que cette idée de déréglementation a commencé à être perçue dans un cercle assez grand comme avançant assez rapidement au Québec. Je vous rappellerai, par exemple, qu'en juin 1983, dans le sillage de sa nouvelle loi, la Commission des valeurs mobilières autorisait des prises de contrôle des courtiers en valeurs mobilières par d'autres sociétés et, en particulier, bien sûr, par d'autres institutions financières. C'était un geste très important. Pour la première fois, on permettait qu'une institution financière puisse acheter le contrôle d'un courtier, chose qui peut se faire aux États-Unis mais qui, jusqu'à maintenant, était impossible chez nous, comme d'ailleurs dans le reste du Canada. Je vous rappelle que dans le reste du Canada, par exemple, un courtier d'une autre institution financière ne peut prendre plus de 10% du capital-actions d'un courtier. C'est encore le concept de bien séparer les piliers qui continue de jouer dans les autres provinces canadiennes.

D'autre part, nous avons permis par règlement - je ne parle pas des changements de lois - récemment, il y a deux mois, sauf erreur - je me trompe peut-être un peu de date, mais enfin, il y a deux mois ou deux mois et demi - la création par les sociétés d'assurances sous juridiction du Québec de holdings en aval en nous inspirant, d'ailleurs, d'une formule mise au point dans l'État de New-York, substantiellement modifiée, qui permet pour la première fois aux mutuelles d'assurances au Québec - et Dieu sait si nous avons des mutuelles intéressantes et importantes - de pouvoir, grâce à ce holding en aval, trouver des fonds sur le marché public autres que leurs fonds propres. Il ne faut pas oublier qu'une mutuelle ne peut émettre des actions par définition, puisqu'elle n'a pas d'actions. Mais, par le truchement d'un holding en aval, il est possible maintenant pour les mutuelles sous juridiction québécoise, les sociétés d'assurances mutuelles, de s'alimenter en fonds sur le marché public pour la première fois. Il y a d'autres avantages d'ailleurs au holding en aval que celui-là, mais celui-là est important. (11 h 30)

Donc, nous avons posé des gestes qui ne représentaient pas, comment dire? sur le plan de la législation des amendements majeurs, mais qui indiquaient dans quel sens nous nous orientions. Nous avons devant nous aujourd'hui le premier pan de législation important dans le sens d'une déréglementation assez rapide, déréglementation qui n'est pas totale. Je pense que, bien qu'il faille avancer dans ce domaine, il ne faut pas non plus prendre le mors aux dents, si on me passe l'expression.

Bien sûr - j'y reviendrai tout à l'heure - dans certains milieux, on considère qu'au Québec on avance très rapidement parce que ces milieux ont l'habitude d'autres juridictions qui n'avancent pas du tout, ce qui ne veut pas dire qu'encore une fois nous devons ouvrir toutes les vannes avant d'avoir quand même expérimenté certaines formules. Je vais vous en donner un exemple, M. le Président.

On a longuement réfléchi à cette question de savoir si on devrait permettre à une société d'assurances de recevoir des dépôts directement. On a préféré faire en sorte que, si une société d'assurances veut recevoir des dépôts, elle doit passer par le contrôle d'une société apte à recevoir des dépôts. En somme, on dit à une compagnie d'assurances - je reviendrai sur les pouvoirs tout à l'heure: Si vous voulez acheter une société qui, elle, est habilitée à recevoir des dépôts, en acheter le contrôle, très bien, mais c'est trop tôt pour mettre dans un projet de loi que toute société d'assurances pourrait recevoir des dépôts, disons, comme une banque. Donc, il n'est pas question de dire: Nous passons d'une façon de

compartimenter très rigide à quelque chose où tout est possible demain matin. Non, pas à ce point-là, mais, néanmoins, nous avançons passablement. Examinons certaines des dispositions du projet de loi 75 à cet effet.

Il y a un changement, je pense, très important dans les pouvoirs d'une société d'assurances. Elle pourra, à partir du projet de loi 75, entrer dans des champs d'activité qui, jusqu'à maintenant, lui étaient fermés; j'en donnerai quelques exemples. Elle pourra, en vertu de ce nouveau projet de loi, exercer à l'égard des contrats de rente qu'elle administre et des sommes assurées qu'elle conserve pour les bénéfices d'autrui, les activités qu'une compagnie de fidéicommis peut exercer en vertu de la Loi sur les compagnies de fidéicommis et pour lesquelles d'autres lois lui reconnaissent compétence, fournir le financement des primes d'assurance et des cotisations de rente, offrir des services de dépôt et de garde de valeurs, offrir en vente les produits d'une institution financière - c'est important comme disposition, offrir en vente les produits d'une autre institution financière -faire du crédit-bail, gérer des immeubles. Il y a un pouvoir intéressant qui n'est pas nouveau dans notre loi, et qui n'est pas nouveau, d'ailleurs, dans la loi canadienne, mais qu'il importe de souligner, c'est-à-dire que le ministre peut autoriser les sociétés financières, comme ces compagnies d'assurances visées par le projet de loi 75, à faire d'autres activités. Le ministre a un droit d'ouvrir le champ davantage. C'est une disposition qui nous vient, d'ailleurs, de la loi fédérale des assurances où ce pouvoir existe. Il n'a pas été exercé jusqu'à maintenant, mais il existe là-bas de façon précise.

Changement aussi quant au pouvoir de placements d'une compagnie d'assurances. Traditionnellement, les compagnies d'assurances sont soumises à des espèces de standards de critères qualitatifs. Voici quel genre de placements sont autorisés, dit la loi actuelle. Que ce soient des actions, des obligations, que ce soient des titres de cet ordre, la loi actuelle définit des critères qualitatifs qui permettent de considérer que ceci est un placement régulier et que cela n'est pas un placement régulier autorisé et doit entrer dans ce qu'on appelle la clause omnibus.

Nous avons, après passablement de réflexion et de consultation là-dessus, décidé de nous débarrasser, dans la nouvelle loi, de ces vieux critères et de remplacer cela par des critères plus souples qui font appel essentiellement à une gestion normale de portefeuille avec cependant un certain nombre de ratios qui assurent une diversification suffisante de l'actif de la société d'assurances entre un certain nombre de placements. Mais il n'y a pas de doute que nous nous appuyons considérablement sur une forme d'administration des placements qui, à première vue, doit être responsable, sans être liée aux critères qualitatifs d'autrefois. Des ouvertures comme celle-là sont évidemment considérables. Elles sont très importantes pour le caractère concurrentiel, le développement, la croissance des institutions financières visées.

D'autre part, ces avantages qui sont donnés sont liés à un autre aspect du projet de loi tout aussi important et qui est celui d'une extension et d'un approfondissement des contrôles de l'inspecteur général des institutions financières. On ne peut donc pas considérer ici qu'il n'y a que des avantages pour les compagnies, d'un côté, et que, d'autre part, les contrôles de l'inspecteur resteraient ce qu'ils sont en vertu de la loi actuelle ou même reculeraient. J'y faisais allusion précédemment. Au contraire. Ce dont nous parlons ici, c'est une sorte... Je ne pourrais pas présenter cela comme un échange mais, enfin, objectivement c'en est un. Nous élargissons vos pouvoirs mais, d'autre part, l'inspecteur général des institutions financières, au nom de l'intérêt public, va vous suivre d'une façon très précise et aura des pouvoirs d'intervention qui sont assez musclés. Je pense d'ailleurs qu'une opération ne va pas sans l'autre.

À partir du moment où cette loi 75 a été déposée, il fallait s'attendre à beaucoup de réactions, des réactions qui seraient manifestement de nature ou d'orientation opposée. Je le disais tout à l'heure et je le souligne à nouveau, il faut comprendre que ces dispositions s'appliquent aux institutions qui sont sous juridiction du Québec. Elles ne s'appliquent donc pas aux autres. Toute institution qui serait sous juridiction, par exemple, du gouvernement de l'Ontario ou du gouvernement fédéral canadien n'a pas accès à ces dispositions et continue d'être soumise à des restrictions très précises.

Nous pourrons y revenir lorsque nous examinerons article par article le projet de loi mais les réactions, on peut en dire, aujourd'hui en tout cas, à peu près ceci: Les institutions d'assurances sous juridiction québécoise ont été très consultées sur le projet, ont fait des représentations extrêmement favorables dans un bon nombre de cas, des modifications de propositions dont un bon nombre ont été adoptées parce que cela relevait du sens commun et, dans certains cas, de règles de prudence qui nous étaient tout à fait acceptables. Dans l'ensemble, cependant, on peut dire que le milieu québécois des entreprises visées considère ceci comme un projet de loi qui fait considérablement avancer la législation de leur point de vue.

On me reproche, parmi certains d'entre eux, de ne pas aller assez loin. Par exemple, sur la question de la réception directe des

dépôts, il y en a qui auraient bien aimé que j'aille plus loin encore. Mais enfin! Il vaut tout de même mieux ne pas aller trop vite dans ce domaine.

À l'opposé, certaines institutions financières qui ne sont pas sous juridiction du Québec sont à la fois embarrassées par ce que nous sommes en train de faire ici, reconnaissant cependant que le gouvernement fédéral devrait bouger et qu'il n'est pas normal que le gouvernement fédéral n'ait pas fait avancer sa législation de son côté. Depuis quelque temps, nous avons eu droit à un certain nombre de représentations. Par exemple, après avoir reçu de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes, toute la société canadienne et non pas le chapitre de Québec - le chapitre de Québec, bien sûr, a fait des commentaires dont je parlais tout à l'heure - les associations canadiennes, après nous avoir envoyé une lettre nous disant: C'est très bien ce que vous faites et voici un certain nombre de propositions de changement dont nous avons adopté plusieurs d'ailleurs, tout récemment, il y a trois ou quatre jours, on commençait à mettre la pédale douce en disant: Vous allez bien vite au Québec, compte tenu de ce qui se passe de l'autre côté. (11 h 40)

D'autre part, l'Association des banquiers, hier, me remettait un mémoire qui a été rendu public ce matin disant: Arrêtez tout au Québec. Vous devriez participer aux négociations fédérales-provinciales pour mettre au point une sorte de loi commune. Remarquez, qu'à l'heure actuelle, en dépit des offres de collaboration que j'ai déjà présentées lors d'une réunion fédérale-provinciale des ministres des Finances, il n'y a pas d'invitation de ce genre sur la table. Le comité qui a été organisé en janvier dernier par M. MacLaren, à Ottawa, ne sollicite aucune province à venir y participer. C'est un peu embêtant de voir qu'une association de banquiers préjuge du fait qu'il y a un cénacle fédéral-provincial pour discuter de ces choses alors qu'il n'y en a pas.

Évidemment, il faut comprendre ce qui se passe. Nous sommes en face d'intérêts, dans l'état actuel des lois fédérales et dans la loi 75, je ne dirais pas qu'ils sont incompatibles, mais ils sont très différents. Il est clair que nous allons donner au Québec des- avantages sur le plan financier qui sont considérables et que les sociétés sous juridiction ailleurs qu'au Québec n'auront pas. Depuis quelque temps, je reçois toute espèce d'articles de journaux venant d'un peu partout au Canada qui reflètent cela de façon tout à fait remarquable et, à certains moments, d'ailleurs, je dois dire un peu exagérée. Le président de l'Association des banquiers canadiens qui m'envoyait ce mémoire, hier, a déjà indiqué dans le

Financial Times ceci. Je le citerai en anglais: "Robert Macintosh - c'est tiré du Financial Times du 27 février dernier -president of the Canadian Bankers Association, claims it is destructive for one province to grant special powers to local firms. Obviously, the whole strategy is to booster Québec based institutions." Toute la stratégie, dit M. Macintosh - je traduis librement la dernière phrase - est destinée à renchausser, appuyer les institutions qui sont basées au Québec.

Oui, M. le Président, et bien sûr. Je n'ai pas fait cela pour renchausser les entreprises du Manitoba. Je m'excuse, je suis le ministre des Finances ici. Ce genre d'intervention, on l'a vue revenir à plusieurs reprises au mois de mai dernier toujours -dans le Globe and Mail -de M. Macintosh, président de l'Association des banquiers canadiens. "Financial institutions are sap if they cannot see the game of the Pequiste Government of Québec. We are going to tear this country to pieces if we allow the province to continue to intervene." C'est-à-dire, les institutions financières sont des imbéciles si elles ne peuvent pas voir le jeu du gouvernement péquiste du Québec. Nous allons littéralement détruire ce pays si nous permettons aux provinces de continuer à intervenir. C'est tout de même extraordinaire. Les pouvoirs sur certaines institutions financières que nous avons au Québec, nous les avons toujours eus, ce n'est pas des pouvoirs que nous avons depuis trois ans. La première Loi sur les assurances du Québec remonte, j'imagine probablement à la fin du XIXe siècle. Devant ce conflit, c'est-à-dire devant cette loi que nous préparons et le mouvement que nous amorçons, il est tout à fait clair qu'il y a un certain nombre de gens, ailleurs qu'au Québec, qui n'aiment pas cela.

Nous avons certains commentaires charmants à cet égard et j'allais dire tout à fait explicites de gens qui disent: Les entreprises au Québec vont faire davantage d'argent et cela va changer les règles de la concurrence dans tout le Canada. C'est bien possible, mais il faudrait aussi constater que certains de ceux qui le critiquent de l'extérieur du Québec, ce projet de loi 76, ils sont les premiers, d'ailleurs, à reconnaître que le gouvernement fédéral devrait bouger.

Je citerais à nouveau M. Macintosh qui m'envoyait ce document hier en me demandant d'attendre et de ne pas bouger. Je cite toujours l'article du Globe and Mail que je mentionnais tout à l'heure: "The situation would not have happened if the Federal Government had had the guts to define banking, Mr. Macintosh said. The lack of a definition in federal banking laws left the door open for Québec to give the widest possible interpretation to what it could do in

the financial field." Tout cela vient, dit M. Macintosh, du fait que le gouvernement fédéral n'a pas eu les "guts" de définir ce qu'est l'activité bancaire et c'est ce manque de définition qui permet au Québec de donner l'interprétation la plus large quant à ce qu'il peut faire dans le domaine financier. Voilai Nous sommes devant un projet de loi qui, je pense, sert les intérêts des institutions financières québécoises remarquablement et qui provoque les réactions que je viens d'indiquer en dehors du Québec, mais je pense que c'est compréhensible.

Il y a cependant une question qu'il faut aborder. Tout cela, jusqu'à maintenant, peut sembler très technique et mettre en cause l'équilibre entre les institutions financières, mais nous n'avons pas parlé du consommateur. Il faut quand même, chaque fois qu'on dépose un projet de loi de ce genre, se poser la question suivante: Le consommateur sera-t-il mieux servi? Or, le fait est que, justement, un des problèmes de la fragmentation des institutions financières en différentes catégories, c'est que cela a amené le consommateur à être forcé de s'adresser à beaucoup d'intermédiaires financiers successifs pour régler ses propres affaires. Le monde a évolué. Il fut un temps où les transactions financières de la plupart des gens étaient relativement simples. On prenait une police d'assurance-vie, une police d'assurance-incendie et, pour beaucoup de gens, cela s'arrêtait là, peut-être avec un fonds de retraite dans l'entreprise où on travaillait.

Or, là, il s'est passé bien des choses. Une foule de gens dans notre société ont des régimes enregistrés d'épargne-retraite, achètent des actions, ont de l'argent à placer - parce qu'il y a quand même pas mal de gens qui ont commencé à avoir de l'argent à placer - veulent emprunter des sommes assez importantes de temps à autre, autrement que par le truchement, par exemple, d'une hypothèque. Devant la multiplicité des besoins financiers des gens se dessine, grâce à la déréglementation, la possibilité d'avoir - appelez cela des magasins à rayons financiers, si l'on veut -en tout cas, des établissements ou quelqu'un peut entrer et dire: Voici ce dont j'ai besoin. On lui dit: Allez au guichet 3 ou allez au bureau 4 et on vous fournira tous les services dont vous avez besoin, ou la plupart, en tout cas, des services dont vous avez besoin. Cela me paraît un élément important: un meilleur service au consommateur.

Deuxièmement, nous allons, bien sûr, renforcer, grâce à des lois comme le projet de loi 75, certaines institutions financières; elles vont devenir plus solides. Dans ce sens, cela va contribuer à une meilleure concurrence. La concurrence entre de très grandes entreprises financières, qu'elles soient canadiennes, américaines ou d'envergure mondiale, et de petites entreprises locales québécoises, ce n'est pas souvent, en tout cas, véritablement de la concurrence. Nous avons besoin, au Québec, d'un certain nombre d'institutions de chez nous qui ont atteint une grande taille et qui sont en mesure de livrer une concurrence et d'augmenter le degré de concurrence qui existe à l'heure actuelle. La concurrence ne consiste pas à avoir quelques géants et une multiplicité de petites entreprises. La concurrence consiste à être en mesure d'avoir passablement d'entreprises qui ont du muscle, des opérations diversifiées et l'aptitude à servir, de façon diversifiée, le client. Est-ce que cela veut dire que toutes les petites entreprises disparaîtraient? Non. Ce que cela va amener, bien sûr, c'est le maintien d'un bon nombre de petites entreprises, mais probablement beaucoup plus spécialisées qu'elles ne le sont. Il ne faut pas oublier que la loi 75 n'oblige pas; elle autorise. Nous allons sûrement avoir un certain nombre d'institutions financières qui vont essentiellement avoir à se spécialiser pour continuer leurs opérations, ce qui, là encore ne serait, je pense, qu'utile dans la société où nous vivons.

Donc, ce n'est pas seulement une loi qui a des implications financières sur les institutions. C'est une loi qui, je pense, au fur et à mesure que les années vont passer, va avoir des répercussions intéressantes quant au consommateur lui-même, au citoyen. (11 h 50)

Où allons-nous à partir de là? Je pense que la voie est tout à fait claire. Nous devons maintenant donner aux sociétés de fiducie des pouvoirs élargis, comme ceux qui apparaissent dans la loi 75 à l'égard des sociétés d'assurances. Nous allons, en somme, étape par étape, modifier un certain nombre de lois dans un cadre plus large que celui de la loi 75, à proprement parler. Sur quel genre de périodes de temps? Je pense qu'il serait utile, simplement pour assurer la cohérence au mouvement que nous donnons et pour maintenir un équilibre correct entre les catégories d'institutions, que, d'ici un an ou un an et demi, l'essentiel du travail soit terminé, quitte ensuite à voir de quelle façon - ces lois ne sont jamais parfaites, n'est-ce pas? On ne peut pas tout prévoir -la situation évolue et à procéder, dans les années qui suivront, à des ajustements, mais qui, à ce moment-là, seraient peut-être plus marginaux que les changements, quand même assez fondamentaux, que représente la loi 75.

Voilà la présentation en deuxième lecture que je pensais devoir faire de cette loi. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Merci, M. le Président. Nous sommes devant un projet de déréglementation d'une partie importante d'une industrie qui est en évolution rapide. Ce n'est certainement pas la première ni la dernière étape de cette déréglementation ou de ce décloisonnement. Quant à moi, le ministre n'a pas très bien éclairé cette Chambre, aujourd'hui, quant aux conséquences de ce projet de loi.

Au départ, je dois vous dire que, il y a quelques semaines, j'ai demandé au ministre d'accepter de convoquer une commission parlementaire portant sur le sujet de ce décloisonnement des institutions financières, des quatre piliers, ce qu'il a refusé du revers de la main. En réponse, il a dit: Laissons la mise en marche là où elle est. Elle est trop directement dans l'intérêt du Québec pour chercher à la reporter. Je dois vous dire que j'ai trouvé cette attitude arrogante et mal avisée, en tenant compte de l'importance de ce projet de loi et des conséquences pour toute la population.

Donc, nous avons l'intention, ce matin, de soulever un certain nombre de questions assez importantes au ministre, duquel nous allons exiger des réponses avant de prendre position pour ou contre ce projet de loi, en troisième lecture. Quand même, nous pouvons dire, au départ, qu'on n'est pas ici dans le blanc ou le noir. Nous recherchons un équilibre. Cet équilibre, le ministre croit l'avoir trouvé dans son projet de loi. Nous recherchons un équilibre entre la liberté d'action des compagnies et la protection du consommateur, entre la concurrence et un désir d'éviter la concentration excessive des pouvoirs dans les institutions, un désir de favoriser les compagnies d'assurances sans trop défavoriser les autres institutions financières, un désir de donner quelques droits aux actionnaires et de les assurer, sans entraîner des coûts administratifs trop élevés, un désir de donner aux institutions une plus grande flexibilité en garantissant aussi la solvabilité, une plus grande ouverture envers le reste du monde dans ces domaines qui sont en grande transformation partout, sans permettre un contrôle étranger trop étendu, un désir d'encourager la diversification sans trop entraîner des conflits d'intérêts.

Je vous donne cette liste seulement pour indiquer que nous ne sommes pas ici dans le blanc ou le noir. C'est une question d'un juste équilibre. C'est sur la recherche de cet équilibre et les conclusions du ministre à la recherche de cet équilibre qu'on va juger le projet de loi. Il est nécessaire de le juger dans le temps de même qu'à l'endroit où cela se situe aussi. C'est cet aspect que je veux aborder immédiatement.

Je veux répéter que cela ne doit pas être non plus une loi de politique partisane. Je pense que le ministre, sauf pour les quelques flèches qu'il a envoyées aux institutions centrales, a évité cela ce matin et je vais essayer de l'éviter moi aussi.

Je veux, au départ, remercier les membres de l'industrie, les avocats et les autres personnes qui m'ont renseigné - et mes collègues, dernièrement - sur les différents aspects de ce projet de loi. J'ai bien apprécié leur collaboration.

Pour situer la proposition et l'industrie du Québec dans son contexte, je pense que tout le monde doit comprendre que l'industrie des institutions financières est une vaste entreprise au Canada. C'est un secteur qui compte des actifs qui dépassent 500 000 000 000 $. Il y a les assurances, les fiducies, les banques, les courtiers en valeurs mobilières et d'autres institutions. Les institutions à charte québécoise comptent pour à peu près 35% à 40% des actifs de toutes les compagnies d'assurances ici, au Québec. Effectivement, nous avons ici des compagnies à charte québécoise dont les sièges sociaux sont au Québec; nous avons des compagnies québécoises à charte fédérale, comme l'Assurance-vie Desjardins, et nous avons, finalement, des compagnies d'assurances qui sont des compagnies de l'Ontario surtout, comme la London, la Manufacturers, la Sun, qui sont très importantes au Québec.

Nous avons à peu près le tiers des compagnies qui seront touchées par le projet de loi 75. Je le dis parce que je veux qu'on comprenne que nous avons une grande obligation à respecter sur deux points: nous devons regarder notre situation concurrentielle, nous devons accepter le fait que les compagnies qui sont touchées par ce projet de loi sont minoritaires au Québec, sont minoritaires en ce qui concerne les polices d'assurance des Québécois, mais elles sont quand même très importantes.

Je le dis pour deux raisons: il est, premièrement, très important que l'on offre à ces compagnies l'occasion d'entrer en concurrence avec les autres compagnies qui font affaires ici; pour ces raisons, on appuie en principe l'idée du ministre de déréglementer, de décloisonner par ce projet de loi. Il faut aussi admettre que nous ne sommes pas seuls. Si on décide de faire cavalier seul dans ce domaine, on doit le faire pour le bénéfice de ces compagnies, mais on doit savoir aussi qu'il y a beaucoup de détenteurs de police d'assurance au Québec qui ne sont pas liés à ces 33 compagnies québécoises touchées par ce projet de loi. Si on décide de faire la guerre avec une association comme l'Association canadienne des banquiers, il faudra attendre qu'eux, un jour, décident de faire cavalier seul avec des conséquences qui pourraient

même être néfastes pour les compagnies qu'on veut encourager. Il est donc essentiel qu'on se rende bien compte de la situation concurrentielle dans laquelle les compagnies impliquées dans ce projet de loi se trouvent.

Il faut tenir compte aussi qu'au Québec, il existe des différences de taille entre les compagnies à charte québécoise. Nous avons une compagnie, La Laurentienne, qui a des actifs qui dépassent 3 000 000 000 $. Nous en avons d'autres qui sont régies par le même projet de loi et qui ont des actifs qui ne dépassent pas 50 000 000 $ ou encore moins. Le ministre a brièvement mentionné que les petites compagnies vont s'arranger en se spécialisant. Nous n'avons pas été très impressionnés par cette analyse superficielle des conséquences qu'un tel projet de loi peut avoir pour les petites et moyennes sociétés ou compagnies québécoises d'assurance-vie et d'assurances générales. Nous y reviendrons tantôt pour poser des questions.

Je veux aussi situer le projet de loi dans le temps. Comme l'a dit le ministre, nous sommes dans une période de grand décloisonnement de ces quatre piliers des institutions financières partout, aux États-Unis, en Europe et, dans un sens, dans le reste du Canada. Même si je suis d'accord pour dire avec le ministre qu'à Ottawa, ils vont tranquillement pas vite. Ces changements sont causés par le développement de nouvelles technologies qui permettent le transfert des actifs et des sommes d'argent à gauche et à droite, un peu partout dans le monde, souvent, sans le contrôle d'aucune juridiction politique. (12 heures)

C'est aussi une conséquence des changements dans les attitudes et les valeurs des consommateurs. Je pense qu'un exemple spécifique, ce sont les attitudes changeantes de la population envers les diverses formes de produits des compagnies d'assurance-vie. Il y a aussi le désir de plusieurs compagnies en Amérique du Nord d'intégrer leurs activités et de faire des fusions avec d'autres. Il est impensable d'imaginer que le gouvernement doit essayer d'empêcher cette restructuration du marché par la réglementation. Quant à moi, la réglementation gouvernementale doit être neutre, ne doit ni encourager ni décourager ces changements structurels dans notre économie, pas plus dans le domaine financier que dans n'importe quel autre domaine de notre économie. Dans ce sens, je ne peux qu'être en accord avec le ministre, mais j'aimerais qu'il regarde davantage d'autres secteurs de notre économie au Québec qui sont aussi eux-mêmes trop réglementés et qu'il applique le même dosage de médicaments à ces industries aussi.

Comme le ministre l'a dit: Sans consultation, sauf avec lui-même, il a décidé il y a quelques années d'amorcer cette réforme. Je le répète: On trouve de notrecôté irresponsable qu'il l'ait fait en cachette, qu'il ait refusé de discuter avec la population, qu'il ait refusé de soulever les questions très importantes qui sont implicites ces changements, et on répète qu'il n'esdanst pas trop tard pour ouvrir tous ces changements à un plus grand débat public.

Pour répondre directement au projet de loi et aux éléments qui y sont contenus, je vais maintenant passer à quelques critères que, je pense, on doit regarder attentivement dans cette évaluation. Premièrement, il faut accepter que, dans ce projet de loi, on cherche un équilibre quant à la liberté pour nos compagnies québécoises d'évoluer selon leurs propres exigences et leurs propres opportunités dans le marché. Les exigences du marché doivent être primordiales, et on doit les laisser libres. Cependant, nous avons une autre responsabilité, parce que la réglementation gouvernementale existe surtout pour protéger les assurés, les actionnaires et les compagnies elles-mêmes. Si la solvabilité des compagnies n'est pas garantie par la réglementation gouvernementale, c'est l'industrie québécoise qui peut en souffrir, non seulement les détenteurs de polices d'assurance. Si nous avons une loi qui laisse trop de trous, qui permet aux compagnies de faire les choses qui vont lesmettre en position financière difficile, c'est la crédibilité de toute l'industrie et du gouvernement qui sera en cause.

Je n'ai qu'à vous rappeler l'expérience malheureuse des caisses d'entraide il y a deux ans. Vous vous souvenez combien cela peutavoir de conséquences pour l'industrie même. Il est important pour les compagnies québécoises, autant que pour les actionnaires, que cet équilibre ne permette pas une latitude dans la réglementation qui conduise à des choses malheureuses pour tout le monde.

J'aimerais examiner le projet de loi sur la base de six critères, si vous voulez. Deux touchent la question de la liberté et quatre touchent la question de la protection. Du côté de la liberté des compagnies, je vais examiner le projet de loi en me demandant si nous avons donné assez de flexibilité à ces compagnies. Deuxièmement, je voudrais parler brièvement de la question d'équité. Est-ce que ce sont des changements équitables?

Du côté de la protection et de la solvabilité des compagnies, il y a quatre éléments: la solvabilité même - est-ce que les règlements vont garantir cette solvabilité? - les possibilités de conflits d'intérêts qui n'ont pas été touchées par le ministre, les droits des actionnaires ou des "mutualistes", si vous préférez - c'est une question importante que le ministre n'a pas abordée dans son discours - et un aspect

secondaire mais important, soit les parties du projet de loi qui n'étaient pas touchées, surtout toute la question des droits de vente de ces produits qui est assez importante.

Je commence par la question de la flexibilité. Le ministre a dit - je pense qu'on peut être d'accord - qu'il va très loin. Il a mis une dose importante de changements dans la flexibilité qui est accordée aux sociétés. Il a parlé brièvement de l'État de New York qui est allé très loin. Si vous faites une analyse comparative entre le projet du ministre des Finances et celui de New York, vous allez voir qu'à plusieurs égards on va même plus loin que l'État de New York qui, d'après l'opinion du ministre lui-même, est allé beaucoup plus loin que la plupart des États américains. Donc, s'il y a des gens qui se posent des questions sur l'étendue de ces changements, je pense qu'on ne peut pas les traiter d'irresponsables. Il y a des changements dans le champ d'action des compagnies, les activités qu'elles peuvent faire. Il y a des changements dans la manière dont elles peuvent faire leurs investissements. Il y a des changements dans la structure financière, autant pour le côté passif que pour le côté actif.

Nous avons un certain nombre de questions.

La première a peut-être été un peu éclaircie par le ministre dans son discours. Il a dit: Nous n'avons pas l'intention de permettre aux compagnies d'assurances de prendre les dépôts. Malheureusement, avec une rédaction malhabile ou peut-être incompétente, qui est devenue un peu la marque de commerce du ministère des Finances récemment, on lit, à l'article 33.1, que toute compagnie d'assurances peut offrir des services de dépôt. Le ministre nous dit que les mots ne veulent pas dire ce qu'ils disent, mais, pour tous ceux qui n'étaient pas partie à la rédaction de ce projet de loi, offrir des services de dépôt, cela veut dire offrir des services de dépôt.

Il y a un autre article qui donne le droit aux compagnies d'assurances d'exercer les activités d'une compagnie de fidéicommis, au complet. J'ai reçu l'assurance par d'autres personnes que ce n'était pas l'intention du ministre. Il y a, finalement, un article qui dit qu'une compagnie d'assurances peut exercer toute autre activité autorisée par le ministre. Il nous donne une liste de sept activités et il ajoute une clause qui lui permet d'ajouter n'importe quelle autre activité. Je pense que le bon sens dicte qu'il aurait pu dire simplement "exercer toute activité permise par le ministre", et il n'aurait pas eu besoin de faire une autre liste. Il y a beaucoup de questions à poser à ce sujet.

Il y a d'autres questions, entre autres, concernant les pourcentages qu'il a finalement décidé d'utiliser dans ce projet de loi pour limiter les catégories d'investissements que les compagnies peuvent faire. Je ne vais pas tous les répéter. C'est surtout basé sur le principe des 4% de l'actif d'une compagnie dans une seule institution, une compagnie de qui il veut acheter les actions. Pourquoi 4%? Comment se fait-il qu'il est arrivé à 4%? À New York, si je ne m'abuse, c'est 2%. Nous avons l'intention de demander beaucoup d'éclaircissement au ministre pour justifier les pourcentages qu'il a utilisés.

Du côté du passif, il y a deux éléments qu'on trouve inquiétants et sur lesquels on pose des questions, l'un plus que l'autre. Il y a une capacité pour les compagnies d'augmenter leur pouvoir d'emprunt - c'est quelque chose qu'on peut discuter - mais il y a, pour la première fois, le droit pour des compagnies d'assurance mutuelle d'émettre des actions privilégiées. On n'a pas été capable de trouver une seule personne au Québec qui soit capable de justifier cet aspect du projet de loi. Le ministre lui-même, dans son discours, a dit qu'un des avantages d'un holding en aval, c'est précisément parce qu'une mutuelle ne peut pas émettre des actions et qu'un holding en aval va donner le droit à ces compagnies de chercher du financement à l'extérieur. Dans le projet de loi, cet aspect pose de nombreux problèmes et on n'a trouvé personne qui soit capable de comprendre comment le ministre va les régler.

Il y a aussi la question des holdings en aval. Ce n'est peut-être pas une mauvaise idée, mais cela remet en question, pour nous, tout le rôle des sociétés mutuelles et de leurs dirigeants. Cela peut donner lieu à une espèce de "pyramidage" qu'il sera très difficile de contrôler, même avec un inspecteur général très compétent et bien équipé. (12 h 10)

En résumé, nous avons une série de questions à poser à propos de la flexibilité que le ministre propose d'accorder. J'ai mentionné les plus importantes. Nous avons une autre question à poser dans ce même domaine. Pourquoi le ministre a-t-il permis aux compagnies d'assurances générales d'avoir droit aux mêmes critères d'investissements que les compagnies d'assurance-vie? Tout le monde accepte le fait que la structure financière et l'échéancier des polices des compagnies d'assurances générales ne sont pas du tout les mêmes, mais les deux sont dans le même panier de lois et de réglementations et il y a même des dirigeants de compagnies d'assurances générales qui ne comprennent pas du tout pourquoi ou comment ce projet de loi pourrait être utile à cette partie très importante de l'industrie.

Je passe maintenant au deuxième aspect que je voulais soulever qui touche liberté qui est donnée à ces compagnies par

ce projet de loi: la question de l'équité. Le ministre n'a presque rien dit dans son discours. Mais je le répète: Nous avons, au Québec, une grande diversité de compagnies en ce qui regarde leur taille, qui sont de charte québécoise. Il y a des compagnies qui représentent le un soixantième de la taille des plus grandes compagnies établies chez nous et ce projet de loi va avoir des effets très importants sur ces compagnies.

Le ministre a dit: Ce n'est pas à nous de décider ce qu'ils vont faire. Je le comprends mais si le ministre adopte cette attitude, à la limite, il devra dire, un jour, plus tard, quand l'Association canadienne des banquiers proposera au gouvernement fédéral que toutes les banques à charte au Canada aient le droit de vendre des polices d'assurance-vie et d'assurances générales, qu'il a fait son lit, aujourd'hui, face aux écarts entre les grandes et les petites au Québec. Il ne peut pas légitimement dire qu'on ne peut pas permettre aux banques à charte de vendre des polices d'assurance parce qu'elle sont trop grandes et ont trop de pouvoir s'il a posé un geste contraire dans l'application d'une loi qui met des compagnies qui ont 60 fois plus d'actifs que d'autres dans le même panier de ce projet de loi.

Il y a aussi - je le répète - la nécessité de regarder attentivement la question de l'équité entre les compagnies d'assurances, les fiducies et les banques. Le ministre nous dit qu'on va amender la Loi sur les fiducies peut-être dans un an ou un an et demi. C'est assez long, un an et demi. Il y a un paquet de choses qui peuvent arriver. Je pensais que le ministre aurait pris ses responsabilités en déposant une loi sur les fiducies dans les prochaines semaines ou les prochains mois. Il reste à voir si le ministre peut nous expliquer comment cette grande distinction entre les niveaux à la recherche d'une espèce de concurrence illimitée peut se justifier et comment il entend mener la bataille pour les compagnies québécoises face aux grandes institutions non seulement canadiennes, mais internationales qui vont faire affaire ici. Il est essentiel que les choses qui sont dites à l'intérieur du Québec au sujet de ce projet de loi puissent être défendues à l'extérieur aussi. On ne peut pas avoir deux poids, deux mesures; nous ne serons pas crédibles.

Je passe maintenant à l'aspect de la protection. Je dois dire que la protection est, pour nous, l'aspect le plus important et le plus inquiétant dans le projet de loi. Parce que le ministre, de son propre aveu, est allé très loin dans le sens de libéraliser la réglementation au bénéfice des sociétés, je pense qu'il est essentiel que l'Opposition aille assez loin dans l'autre sens afin de s'assurer que les épargnants, les détenteurs de polices, les actionnaires dans ces compagnies soient protégés.

J'espère, mais je doute fortement que le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur va intervenir dans ce débat. Je trouve que ce serait normal parce que la société La Laurentienne, seulement, a 300 000 détenteurs de polices au Québec. Si le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur est absent du débat, je pense que cela sera une indication même plus claire que c'est malheureusement le rôle de l'Opposition de prendre la part des centaines et des centaines de milliers de Québécois qui vont voir leur protection changer d'une façon radicale dans ce projet de loi.

Je veux parler de cette question de la protection sous l'angle de quatre critères, si vous voulez. Le premier, c'est la question de la solvabilité. Comme vous le savez, on a été témoin récemment de la faillite non seulement des caisses d'entraide, mais de quelques compagnies d'assurances générales ici au Québec et ailleurs. On parle de la possibilité qu'il y en ait d'autres. Jusqu'à maintenant, le détenteur d'une police d'assurance au Québec avait toujours l'impression que sa police d'assurance était quelque chose de solide. Je pense qu'il faut accepter que ce projet de loi va la rendre moins solide. Le ministre propose deux choses pour garantir la solvabilité. Il propose une autosurveillance accrue de la part des compagnies, le comité de vérification, une évaluation indépendante annuelle un peu plus serrée et d'autres aspects qu'on retrouve en général raisonnables et acceptables.

Il y a une deuxième question sur laquelle on se pose beaucoup plus de questions. C'est le rôle d'un inspecteur général. Je dois vous dire que c'est l'inspecteur général des institutions financières au Québec qui va avoir le droit d'assurer le gouvernement, l'Assemblée nationale et la population que ces compagnies sont gérées d'une façon responsable et que toutes ces libertés nouvelles qu'on va leur accorder ne vont pas créer de problème. Cela est une grosse commande. Je veux me situer dans le contexte, parce que le poste d'inspecteur général des institutions financières a été créé il y a à peine 18 mois. C'est une institution toute nouvelle. Quand le ministre l'a créée, dans son discours, il a lui-même mentionné qu'il avait des inquiétudes quant au système d'administration et de surveillance des institutions financières au Québec. Il a dit: "Jusqu'ici nous n'avions vraiment pas réussi à mettre au point le genre d'organismes, et de structures de surveillance des institutions financières qu'il fallait."

Il disait qu'il avait remarqué à l'intérieur de notre système de surveillance des sociétés d'assurances au Québec - il ne

disait pas le laxisme - des possibilités de s'arranger que traditionnellement on trouve au Québec à l'égard des mécanismes de surveillance. Cela est inquiétant, parce que le ministre a remarqué l'existence de ce laxisme - j'appelle cela ainsi - il y a à peine 18 mois quand il a décidé de reconstituer le bureau de l'inspecteur général des institutions financières et du Surintendant des assurances. Il a dit: "Ce que nous proposons aujourd'hui -c'était il y a à peine 18 mois - consiste essentiellement à démanteler le ministère des Institutions financières et des Coopératives et à le remplacer par quelque chose qui nous paraît un peu plus efficace et un peu plus utile que ce que nous avions jusqu'à maintenant." Le ministre lui-même, il y a 18 mois, indiquait qu'il était très insatisfait du système de surveillance et qu'il était obligé de le refaire complètement. Maintenant, il donne à cette institution toujours fragile un projet de loi qui va entraîner la nécessité de surveiller des choses qui n'ont jamais été surveillées.

Je pense surtout à toute cette question de regarder les investissements et les prêts dans toutes sortes de filiales, les holdings en aval, qui sont beaucoup plus libres que ce qu'on a dans le projet de loi actuel. Sur la question de la possibilité de maintenir la solvabilité de ces compagnies par les inspections et la surveillance des institutions gouvernementales, on a besoin d'être rassurés. (12 h 20)

Un deuxième sujet qui n'est pas moins important c'est la question des conflits d'intérêts. C'est une question qui a été soulevée dans le mémoire soumis hier par l'Association canadienne des banquiers au ministre et le simple fait que c'est venu d'Ottawa ou de Toronto ne minimise pas son importance. Avec l'élargissement des pouvoirs et du champ d'activité des compagnies d'assurances, il est inévitable qu'on va assister à la possibilité de conflits d'intérêts accrus. Ils existent déjà et on peut imaginer toutes sortes de possibilités que ces conflits d'intérêts augmentent. Je sais que ce n'est pas l'intention de la Législature, ce n'est même pas possible d'éviter toutes ces possibilités, mais le fait de proposer un projet de loi semblable et de ne pas dire un seul mot ce matin au sujet même de la préoccupation du ministre, avec les conflits d'intérêts qui peuvent arriver et qui peuvent créer des problèmes que même le meilleur inspecteur général au monde ne peut pas prévenir, je trouve cela légèrement irresponsable.

Il y a un troisième aspect de la protection qu'il faut affermir au Québec et c'est la question des droits des actionnaires. Le ministre a fait quelques efforts. Il y a un article dans le projet de loi qui essaie de reconnaître davantage les droits des personnes qui sont des détenteurs de polices d'une compagnie mutuelle ou des détenteurs de polices de participation et de leur donner plus de représentativité, mais, si je ne m'abuse, les représentations qui ont été faites par les compagnies d'assurances du Québec elles-mêmes avaient pour but d'encourager le ministre à biffer ces articles. Elles voyaient là des problèmes d'administration. Elles disaient que ces articles pouvaient créer des inconvénients et elles voulaient donc que le ministre les enlève. Reste à voir si le ministre va accepter leur proposition, mais, même avec les articles qui sont dans le projet de loi pour protéger et donner des droits aux personnes qui sont, finalement, les propriétaires des épargnes investies, le ministre aurait été obligé d'aller beaucoup plus loin qu'il ne va même dans le projet de loi.

Il y a, par exemple, comme je l'ai dit, dans certaines de ces compagnies, des centaines de milliers d'actionnaires, des mutualistes, entre guillemets et on voit souvent aux assemblées générales 200 ou 300 personnes ou plus. En effet, je pense que, dans un sens, les compagnies mutuelles veulent le meilleur des deux modes. Elles veulent continuer de garder leur statut de compagnie mutuelle qui a, si vous parlez des principes et de la philosophie d'une société ou d'une compagnie mutuelle, des implications quant à la nature de la compagnie qui sont très importantes. Entre autres choses, on peut imaginer que la responsabilité d'une telle société doit être simplement de s'assurer que les polices d'assurance peuvent être payées quand elles arrivent à échéance et le fait que ces compagnies commencent à s'installer dans d'autres genres de commerces de toutes sortes n'est pas prévu dans l'esprit d'une mutuelle.

Je ne dis pas que c'est quelque chose de très clair, mais il y a quand même un tas de questions qui sont posées depuis longtemps et auxquelles on n'a jamais trouvé de réponse. Mais comment justifier le décloisonnement pour tous les actionnaires de toutes ces compagnies et comment s'assurer qu'ils peuvent avoir un droit de regard sur l'administration de leur compagnie dans une industrie qui est assez complexe? C'est là toute une autre série de questions auxquelles le ministre n'a pas touché dans son discours. Je serais étonné - c'est possible que je me trompe - que le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur arrive dans les prochaines minutes pour parler en profondeur de ces questions. Je pense que c'est un aspect auquel le gouvernement n'a simplement pas touché et pour lequel il n'a manifesté aucun intérêt jusqu'à maintenant.

Finalement, dans la Loi sur les assurances, il y a le chapitre VI qui parle

des responsabilités et de la réglementation des agents et des courtiers. La distribution de ces produits d'assurance est assujettie aujourd'hui à des bouleversements aussi radicaux que l'industrie ou les compagnies. Pas un mot n'est dit sur cet aspect. Il y a un article dans le chapitre VI - je pense que c'est l'article 334 - qui donne la permission au Surintendant des assurances d'approuver des activités additionnelles de la part des agents et des courtiers. Mais quelles sont les activités additionnelles qu'on leur permettra de faire? Qu'est-ce qu'on va faire avec les compagnies qui vont commencer à utiliser leur propre personnel plutôt qu'un agent ou un courtier? Toutes ces questions sont très importantes dans le sens où vous voulez suivre l'évolution du marché de ces produits qui n'est pas touchée du tout. Voilà pour les grandes questions.

Il y a des sujets additionnels qui sont aussi soulevés dans le projet de loi. Je vais mentionner les plus importants et les moins importants. Je pense qu'il faut simplement rappeler au ministre que nous avons l'intention de poser aussi quelques questions sur ces derniers.

Il y a la nécessité de revoir la législation, ici à l'Assemblée nationale, tous les cinq ans. Chapeau! Je trouve que c'est une initiative qui suit un peu la politique bancaire d'Ottawa qui est bonne. Il y a une nouvelle série de règles pour la constitution d'une corporation, incluant le capital qui doit être versé au départ. Il y a des personnes qui trouvent que le chiffre de 3 000 000 $ mentionné par le ministre est excessif; d'autres trouvent que ce n'est pas assez. Sur ce point, on pourra discuter du problème avec le ministre.

Il y a le transfert de la responsabilité du gouvernement au ministre pour la création et la surveillance de ces compagnies avec lequel on est en accord. Par ailleurs, il y a un élément que je dois mentionner ici en passant et c'est un point absent du projet de loi. Le chapitre IV du titre 3 touche les sociétés mutuelles et les sociétés de secours mutuel, les petites sociétés mutuelles, qu'on retrouve un peu partout au Québec. Le ministre ne les a pas mentionnées. Pour ma part, je pense à ces compagnies parce qu'elles sont présentes ici depuis longtemps. Elles sont bien enracinées dans notre système d'institutions financières. Avec le projet de loi qui va rendre les grandes compagnies beaucoup plus concurrentielles, ces compagnies vont voir leur rentabilité et leur marché touchés d'une façon directe. Nous aimerions savoir pourquoi le ministre n'a pas touché cet aspect très important pour essayer de rendre plus souple le fonctionnement de ces petites compagnies qui sont quand môme très importantes. Est-ce qu'il ne pense pas que faire l'une sans faire l'autre peut créer des distorsions et des problèmes très importants?

En conclusion, nous pouvons dire, comme point de départ, que nous trouvons que le ministre a raison de proposer un amendement à la Loi sur les assurances à ce moment-ci. Je trouve aussi que l'orientation générale est bonne. Qu'on appelle cela le décloisonnement, qu'on appelle cela la déréglementation ou une nouvelle réglementation, c'est assez clair. La direction est bonne. C'est pourquoi nous avons l'intention d'appuyer le projet de loi en deuxième lecture.

Quand même, nous avons un nombre très important d'interrogations dont quelques-unes sont plus importantes que les autres. Au bénéfice du ministre, je vais les énumérer avant de terminer. Premièrement, l'équité entre les grandes compagnies, les petites compagnies et les autres institutions financières, ici et au Canada, et les effets qu'une telle démarche unilatérale, sans consultation avec le fédéral, peuvent avoir dans l'avenir. En effet, quand vous faites quelque chose unilatéralement, il faut attendre une réaction qui sera probablement unalitérale à son tour. Est-ce que le ministre a pensé à ces possibilités et aux effets que cela peut avoir pour les mêmes compagnies qu'on veut aider aujourd'hui? (12 h 30)

Deuxième question: Pourquoi ce projet de loi, conçu pour les compagnies d'assurance-vie surtout, va-t-il s'appliquer aux compagnies d'assurances générales?

Troisième question: Quelles sont les possibilités de conflit d'intérêts à l'intérieur des nouvelles compagnies qui vont voir le jour à la suite de cette loi?

Quatrième question: Toutes les questions qui touchent le droit des actionnaires.

Cinquième question: Pourquoi ne pas avoir prévu quelque chose pour le contrôle et la réglementation des ventes?

J'arrive au moment le plus important de ma réplique. L'aspect le plus important sur lequel nous avons l'intention d'insister est celui-ci. Je dois dire à ce moment-ci que nous allons insister à un point tel que, si nous ne sommes pas satisfaits, nous avons l'intention de le dire vigoureusement et publiquement lors du débat sur le rapport de la commission parlementaire ici, en Chambre, et en troisième lecture. On s'intéresse à la protection du consommateur et aux détenteurs de polices au Québec. Si le ministre ne peut nous satisfaire, si les droits et la sécurité de ces personnes, Québécois et Québécoises, ne sont pas protégés d'une façon adéquate par ce projet de loi, on va le dire ici, en Chambre, lors de l'étude en troisième lecture.

Pour que ce soit très clair, cinq aspects nous inquiètent beaucoup: 1) le droit d'une société mutuelle d'émettre des actions

privilégiées; 2) le pourcentage en équité, en immobilier, en filiale, en holding en aval, en toutes sortes de choses, toutes sortes d'investissements qu'on ne peut réaliser vite, au besoin; est-ce que les pourcentages assez généreux sont justifiés? 3) les problèmes que peut entraîner la création des holdings, ce qui peut possiblement encourager les dirigeants de ces entreprises à oublier les épargnants et les actionnaires dans les sociétés au profit d'une course à la gloire dans plusieurs domaines économiques; 4) une meilleure définition des champs d'activité prévus à l'article 33.1, que j'ai déjà mentionnée; 5) une assurance de la capacité de surveillance du bureau de l'inspecteur général.

Je répète que si, sur ces points, le ministre ne peut rassurer l'Opposition, après avoir refusé de convoquer une commission parlementaire, après avoir négligé d'en parler dans son discours - je suis presque certain qu'on aura droit à un discours du ministre de la Protection du consommateur qui va nous indiquer que le gouvernement n'a pas pensé à cela non plus - si, à la fin de ce débat, il reste encore des inquiétudes, nous sommes profondément convaincus que nous avons la responsabilité d'éviter un autre désastre financier des épargnes des Québécois. Nous allons souligner ces points d'une façon vigoureuse et soutenue.

En attendant que le ministre puisse nous rassurer, je lui souhaite bonne chance avec son projet de loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Roberval et adjoint parlementaire du ministre des Finances.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: Je suis un peu, beaucoup, profondément déçu de l'intervention de mon bon ami et collègue, le député de Notre-Dame-de-Grâce, car je me serais attendu, au cours d'un débat en deuxième lecture, qu'il nous dise, comme porte-parole officiel de l'Opposition en cette matière, si l'Opposition était pour ou contre le principe. Bien sûr, normalement, les règles parlementaires veulent qu'on discute du principe d'un projet de loi à ce moment-ci. Les règles parlementaires veulent également qu'on évite de faire l'étude de la loi article par article, mais il m'a semblé, sauf le respect que je dois à mon collègue, que c'était là l'essentiel du propos qu'il tenait. Il s'est posé énormément de questions, mais des questions qui avaient trait à des aspects très fragmentaires de la loi sans véritablement indiquer les véritables couleurs, les véritables intérêts qu'entend défendre le parti de l'Opposition dans ce débat. Bien sûr, on nous a entretenus de la protection du consommateur. C'est une chose à laquelle nous avons songé et pour laquelle nous avons prévu un certain nombre de mesures, mais fort peu sur le principe lui-même.

Il y a un projet de loi qui prévoit un décloisonnement - je préfère le terme "décloisonnement" à celui de "déréglementation" dans le domaine financier. Tellement souvent a-t-on eu l'occasion dans cette Chambre d'entendre des discours fort intéressants et fort pertinents sur une déréglementation, sur un élargissement du champ d'activité dans différents domaines que j'aurais cru que, devant ce geste extrêmement important pour l'avenir des institutions financières québécoises, ce geste extrêmement important également dans le service aux citoyens du Québec, l'Opposition se serait dite enchantée du principe même de déréglementer un secteur d'activité qui, malheureusement, depuis trop longtemps, vit ou évolue dans le même cadre législatif. On reviendra plus tard aux interventions et aux interrogations du député de Notre-Dame-de-Grâce, si le temps nous le permet, pour présenter à la population l'essentiel de ce qui doit être compris dans ce projet de loi.

Il fut un temps hélas trop rapproché, où les activités financières de la plupart des Québécois étaient réduites, à toutes fins utiles, à échanger leur chèque de paie à la fin de la semaine, à faire un dépôt souvent modeste dans une caisse populaire et à se payer, bien malgré soi dans certaines circonstances, un fonds de retraite. C'était à peu près dans bien des cas l'essentiel de notre activité économique. Pendant ce temps, d'autres, soit en raison de facteurs historiques ou pour des questions de formation, investissaient. D'autres personnes ici au Québec ou au Canada s'intéressaient davantage à l'ensemble des activités du monde financier. Il aura fallu attendre la révolution tranquille au Québec, avec l'accroissement de la scolarité des gens et un éveil plus particulier autour des questions financières, principalement autour des thèmes de prise en main des Québécois, de l'économie même du Québec par les Québécois, il aura fallu attendre, dis-je, toute cette période assez longue pour que l'évolution fasse en sorte que les Québécois soient maintenant de grands consommateurs de produits financiers. On se rappellera le succès phénoménal du régime d'épargne-actions que le ministre des Finances a introduit dans un récent budget et qui a fait en sorte que ces Québécois et ces Québécoises qui, auparavant, étaient en minorité à investir dans le domaine du financement des entreprises, se sont tout à coup montrés intéressés à une nouvelle activité d'ordre financier. (12 h 40)

Compte tenu de cette évolution sociale, compte tenu de cet intérêt manifeste des Québécois à mieux gérer leur portefeuille, puisque de plus en plus de Québécois ont maintenant un portefeuille à gérer, que ce soit dans le domaine des assurances, de l'achat d'actions, d'obligations ou de toute autre activité financière, il fallait bien ajuster tout le système financier aux services nouvellement exigés. Également, on a fait état tout à l'heure de la triste expérience, de la dure expérience des caisses d'entraide économique. Il aura peut-être fallu une expérience aussi dure pour montrer l'urgence de retoucher en profondeur l'ensemble du fonctionnement du système financier québécois et du contrôle financier.

Dans cette perspective, le gouvernement a présenté un ensemble de mesures législatives dont le projet de loi 75 est partie intégrante et il y aura également une suite dans d'autres domaines du monde financier. Qu'il me suffise de rappeler aux citoyens la création, l'an dernier, du bureau de l'inspecteur général qui était un premier geste, peut-être le plus spectaculaire à ce moment-là, de rajeunissement et de modernisation de tout l'appareil de contrôle et de surveillance pour assurer la sécurité des citoyens qui semblait tant préoccuper le député de Notre-Dame-de-Grâce. Cette structure nouvelle du bureau de l'inspecteur général a permis, en simplifiant bien des procédures, en simplifiant aussi l'appareil, la complexité de l'appareil, d'assurer un contrôle unifié des institutions financières, un contrôle qui est beaucoup plus sérieux, qui est beaucoup plus rigide à certaines occasions et qui permet une meilleure protection du public et en même temps aussi aux institutions financières, à cause de la légèreté des services offerts, de penser à d'autres activités, se sachant mieux encadrées, mieux protégées et mieux surveillées de la part du gouvernement. Il y a eu également la Loi sur les valeurs mobilières et la Loi sur l'assurance dépôts. Il y a eu quelques mesures législatives importantes qui étaient les premiers pas dans cette perspective d'adapter le système financier aux besoins nouveaux des Québécois et des Québécoises qui, maintenant, gèrent des portefeuilles. C'étaient les premières étapes.

Il y a aussi des changements à venir. Je reviendrai tout à l'heure sur le projet de loi 75, mais il y a une loi qui s'en vient sur les caisses d'épargne et de crédit, qui est attendue par cette section du monde financier avec beaucoup d'impatience. Il y aura également une loi sur les sociétés de fiducie ainsi qu'un certain nombre de modifications qui seront apportées aux lois pour faciliter tout le travail de surveillance de l'inspecteur général.

Dans un contexte où, déjà, des pas législatifs importants ont été faits pour adapter le système aux Québécois et aux Québécoises épargnants, gérants de portefeuille - il y a aussi d'autres pas à venir - nous voilà au coeur du débat sur le principe d'accepter le projet de loi 75, celui qui permet et qui donne aux compagnies d'assurances des pouvoirs beaucoup plus étendus et beaucoup plus adaptés à ce nouveau contexte.

Le projet de loi permettra un certain nombre de choses aux compagnies d'assurances qu'il convient de rappeler rapidement et que nous aurons l'occasion, pour le bénéfice du député de Notre-Dame-de-Grâce qui se pose des questions très légitimes à ce sujet, d'expliquer davantage en commission parlementaire, à l'étude article par article. Nous l'aurons l'occasion de préciser la nature de toutes ces activités nouvelles afin de satisfaire pleinement tous ceux qui pourraient se poser des questions.

Cependant, les compagnies d'assurances pourront dorénavant exercer certaines activités de fiducie, par exemple, pour la gestion des fonds de retraite et également des activités de fiducie qui permettront de gérer des montants d'argent qu'ils ont déjà, des montants d'assurances.

M. le Président, les compagnies d'assurances pourront également offrir un service de garde des valeurs, ce qui n'est pas possible actuellement. Ce projet de loi permettra également à ces géants du monde financier que sont les compagnies d'assurances de faire - c'est peut-être là un aspect extrêmement intéressant de la loi - la mise en marché de produits financiers offerts par d'autres institutions. Bref, cela leur permettra d'élargir leur champ d'action aux besoins des Québécois et des Québécoises qui épargnent, qui ont de l'argent à placer, qui ont des emprunts à faire, qui veulent gérer convenablement leur portefeuille. Ils pourront également faire de la gestion d'immeubles. Cela n'était pas autorisé avant. Il y avait énormément de dispositions législatives qui étaient contraignantes à ce niveau. Ils pourront faire du prêt hypothécaire conjoint. Ils pourront étendre leurs activités, multiplier les occasions de faire fructifier l'argent de ceux et celles qui leur confient leurs économies.

Outre ces aspects techniques, il y a un certain nombre d'effets qui vont être produits par la loi 75. Tout d'abord, comme on le sait, il y a des compagnies qui sont à charte fédérale, d'autres, à charte provinciale. Il y a des compagnies qui sont de l'extérieur du Québec, d'autres du Québec même, qui ont leur siège social ici et dont la majeure partie des activités se déroulent ici. Les effets de la loi seront certainement d'intéresser davantage d'institutions financières d'abord à posséder une charte du Québec parce que la loi vise ces entreprises.

Cela intéressera également les entreprises à avoir des activités réelles au Québec, à être présentes, à être des entreprises québécoises. Cette loi 75 permettra à des entreprises québécoises qui appartiennent à des Québécois de conserver la ou les premières places dans le monde financier, de conserver une place prépondérante, place qu'on a voulu qu'elles occupent bien consciemment.

Les Québécois et les Québécoises sont fiers de savoir que des entreprises québécoises sont dans les premières positions dans le monde financier. Ce sont des géants du monde financier. Je pense qu'elles trouvent correct que leur gouvernement se préoccupe que ces mêmes institutions conservent leur place privilégiée et, même, améliorent, si c'est possible, leur position concurrentielle sur les marchés financiers. Le temps est fini où la finance se faisait par les autres et où les Québécois se contentaient des travaux d'autre nature. Maintenant, chacun et chacune des citoyens et citoyennes du Québec est conscient que le monde financier, ce n'est pas sorcier; on est capable d'y occuper une place et le gouvernement doit faire en sorte de protéger nos institutions pour que la place qu'on y occupe s'améliore constamment.

Également, M. le Président, cela permettra à des entreprises qui ont des surplus importants d'argent de placer de façon plus polyvalente cet argent, dé travailler différemment avec les économies des contribuables. Cela est souhaitable. Cela permettra à d'autres entreprises d'aller se chercher des fonds, d'aller se chercher le capital nécessaire pour prendre une expansion à laquelle ils ont droit et qui est bien légitimement désirée.

Je me servirai d'une traduction d'un article du Financial Times, du 27 février, où on faisait état de la déréglementation qui se produit au Québec maintenant. On va essayer de voir de quelle façon, si les effets qu'on prévoit dans la loi sont perçus comme ça outre frontières. Premièrement, M. MacLaren, ministre d'État aux Finances dans le cabinet fédéral, avait désigné une commission consultative chargée d'étudier la question. La réaction n'a pas tardé, puisque M. Jean-Pierre Bernier, qui est conseiller auprès de l'Association canadienne des assureurs-vie, a dit: Plus MacLaren attend, plus notre agonie se prolonge. Ce qui se fait actuellement au Québec nous rappelle tout simplement depuis combien de temps nous attendons du gouvernement - fédéral, dans ce cas - qu'il modifie nos lois. Je peux dire qu'un conseiller spécial auprès de l'Association canadienne des assureurs-vie regardant ce qui se passe au Québec rappelle que cela fait 50 ans qu'il n'y a pas eu de modification importante dans ces lois et que le fait que le ministre d'État au fédéral attende pour mettre sur pied un comité d'étude a prolongé l'agonie des compagnies d'assurances. Je crois que cela prouve une chose c'est que les entreprises québécoises à partir de la même logique devraient, normalement, bénéficier très largement d'une déréglementation comme celle qu'on étudie aujourd'hui. (12 h 50)

On cesse leur agonie. On leur permet de se mettre à la page, selon les dires mêmes d'un conseiller spécial auprès de l'Association canadienne des assureurs-vie. Également, les pouvoirs spéciaux qui sont donnés aux entreprises du Québec dans le domaine des assurances sont perçus dans cet article comme un geste destructif parce que, en quelque sorte, c'est un soutien aux entreprises québécoises. On dit: Le président de l'Association des banquiers canadiens, M. Macintosh, affirme que l'octroi par une province de pouvoirs spéciaux aux entreprises relevant d'elle est un geste destructif. Pourquoi est-ce un geste destructif? Manifestement, dit-il, toute cette stratégie vise à soutenir les institutions québécoises. Pour le président de l'Association des banquiers canadiens, tout projet de loi qui vise à soutenir les institutions québécoises plus rapidement qu'on ne le fait ailleurs est un geste destructif. Il va falloir que certains des citoyens et des citoyennes qui nous écoutent se posent des questions quant à la perception que certaines personnes du monde financier canadien ont du développement au Québec. Le moins qu'on puisse dire, en tout cas, c'est qu'on peut s'interroger là-dessus.

Également, une troisième citation du même article. Celle-là est tout à fait particulière. M. John Rhind, le président de la compagnie Confederation Life de Toronto, se dit inquiet par les mesures prises par le Québec parce que, selon lui, celles-ci pourraient entraîner une expansion soudaine des affaires dans la province de Québec et susciter le chaos dans le système financier. M. le Président, encore là, si les mesures qui sont susceptibles d'entraîner une expansion soudaine des affaires au Québec sèment le chaos dans le monde financier canadien, ne devrait-on pas se poser des questions comme citoyens du Québec? Ne devrait-on pas se demander si ceux et celles qui n'osent pas se prononcer en faveur du principe d'une déréglementation au Québec et, par la même occasion, n'osent pas se prononcer sur le principe d'un élargissement des affaires financières au Québec et par le fait même, leur intérêt serait d'éviter qu'on ne fasse le chaos dans le monde financier? Trop longtemps, au Québec, il y a eu des gens qui ont empêché les Québécois et les Québécoises de faire le chaos dans le monde financier. Cette période est terminée. Le gouvernement du Québec, désirant soutenir les nouvelles préoccupations des Québécoises et des Québécois qui sont maintenant

devenus des épargnants, des hommes d'affaires et des femmes d'affaires, va de l'avant et rajeunit les institutions financières. En terminant, M. le Président - puisque vous m'indiquez que mon temps achève, malheureusement - je dois dire que, si ce projet de loi est bon pour les entreprises... Et les titres des journaux le prouvent: "Le projet de loi 75 pourra générer une explosion des affaires pour les institutions québécoises." C'est le Devoir économique. "Parizeau exaucera la plupart des voeux des sociétés d'assurances à charte québécoise". Les affaires du samedi 24 mars. C'est un projet de loi qui est bon pour les institutions financières québécoises, qui va amener une explosion des affaires dans les institutions financières québécoises, qui se soucie également de donner aux citoyens et aux citoyennes du Québec la protection et les services dont ils ont besoin dans la perspective d'une prise en charge de leur économie. Si voter pour un principe de loi comme celui-là, c'est semer le chaos dans le système canadien, ce gouvernement est bien prêt, à l'avantage des Québécoises et des Québécois, à semer le chaos dans le monde financier canadien. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Le député de Notre-Dame-de-Grâce m'a demandé, en vertu de l'article 205, de faire une brève intervention prévue par l'article.

M. Scowen: C'est en vertu de l'article 205 de notre règlement, M. le Président, qui permet à un député de donner une brève explication sur des propos qui ont été mal compris ou déformés. Je ne ferai aucun commentaire sur la qualité du discours du député qui m'a précédé, mais, au début de son discours, il a prétendu qu'au nom de mon parti je n'avais pas parlé du principe du projet de loi et que je n'avais pas pris position pour le parti sur le projet de loi. Je dois lui dire que j'ai parlé pendant au moins cinq minutes de notre appui au principe de ce projet de loi. J'ai donné une longue série de raisons expliquant notre appui. J'ai annoncé que le Parti libéral, l'Opposition, avait l'intention de voter pour ce projet de loi en deuxième lecture. S'il ne m'a pas écouté, il me fera plaisir de le refaire n'importe quand.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, étant donné l'heure à laquelle nous nous trouvons, je demanderais la suspension du débat, quitte à réserver mon intervention lorsque nous reviendrons à la séance suivante.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci.

Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Adoption de rapports de commissions

M. Blouin: Conformément à l'article 259, paragraphe 2, nous devons mettre aux voix les rapports des commissions qui ont procédé à l'étude détaillée de projets de loi privés qui ont été déposés ce matin. Après m'être entendu à ce sujet avec le leader de l'Opposition, nous en proposons maintenant l'adoption.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.

M. Blouin: Je propose alors que nous suspendions nos travaux jusqu'à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. Donc, suspension de nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 57)

(Reprise de la séance à 15 h 3)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez prendre place. M. le ministre.

M. Brassard: M. le Président, je comprends que c'est le député de Vaudreuil-Soulanges qui a demandé la suspension du débat.

Projet de loi 75

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Rancourt): Nous allons donc poursuivre sur l'adoption du principe du projet de loi 75, Loi modifiant la Loi sur les assurances et d'autres dispositions législatives. M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je vous remercie, M. le Président. Je suis content, comme beaucoup d'entre nous ici, qu'il y ait eu une suspension de quelques heures depuis que le député de Roberval a parlé; cela va me permettre, même à cause de la provocation dont il a fait preuve, de parler un peu moins longtemps de lui et un

peu plus longtemps du projet de loi. Je vais dire tout de suite, comme mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce l'a dit et comme le ministre d'ailleurs, que nous sommes pour le principe de cette loi 75 et que nous allons voter pour ce principe en deuxième lecture.

Je dirais même que nous avons expliqué - je le ferai quant à moi et mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce l'a certainement fait -beaucoup plus longuement que le ministre, et de façon beaucoup plus organisée et cohérente, pourquoi nous sommes pour ce projet de loi en deuxième lecture. On attend encore, du côté des ministériels, les raisons qui démontreraient qu'ils comprennent quelque chose au marché financier et qui font qu'ils acceptent d'appuyer ce projet de loi. Une chose est certaine, le député de Roberval a manifesté très rapidement quelles étaient les limites de ses connaissances; il a remplacé son discours d'appui au principe de ce projet de loi par une charge à fond de train, dont lui-même et quelques-uns de ses collègues ont le secret, quant à l'existence d'un régime de services financiers partout au Canada.

Je n'en veux comme exemple que la façon dont il a interprété les oppositions que manifestent notamment les banquiers à ce qu'ils disent être un morcellement du marché financier parce que le Québec, à ce moment-ci, fait un pas en avant - je le dis, c'est pour cela qu'on appuie le projet de loi -solitaire, sans coordination avec le fédéral qui, incidemment, ne bouge pas tellement rapidement, et sans coordination avec d'autres provinces. Ce dont se plaignent les institutions financières canadiennes, c'est qu'on n'en soit pas encore rendu à un degré de coordination qui permettrait à tout le monde d'avancer à la même vitesse, donc, de s'assurer d'un certain équilibre. Ce n'est pas une charge à fond de train contre le Québec que font par exemple les banques et leurs représentants, c'est une charge ou très certainement une série de plaintes particulièrement virulentes dans certains cas à l'endroit du morcellement potentiel que les provinces, les dix provinces prises individuellement, pourraient créer sur le marché financier.

Je n'en prends qu'un seul exemple et on verra, en l'occurrence, qu'il n'est pas de l'intérêt du Québec de procéder de cette façon quant à un autre secteur, celui du courtage en valeurs mobilières, les courtiers qui nous vendent des actions. Le décloisonnement, la déréglementation permettrait - la Loi sur les assurances le confirme - à des compagnies qui ne sont pas des courtiers en valeurs d'acheter plus de 10% des actions d'un courtier en valeurs. Or, dans tout le Canada, ces règlements ne sont pas changés. Les règlements administrés par l'Association des courtiers en valeurs, le corps réglementaire de ces mêmes courtiers - on ne parle pas de gouvernement - prévoit qu'il ne faut pas, pour des raisons de conflit d'intérêts, pour toutes sortes de raisons, qu'un courtier en valeurs soit la propriété, quant à plus de 10%, d'une seule personne. L'effet pour une compagnie d'assurance du Québec d'acheter plus de 10% d'une boîte de courtage en actions fait en sorte que cette boîte, basée au Québec, dont la propriété quant à plus de 10% est dans les mains d'une seule personne ne peut fonctionner ailleurs qu'au Québec. Je ne trouve pas que ce soit à l'avantage d'un courtier en valeurs de limiter son marché au marché québécois. Quand on parle de morcellement, d'absence de coordination, c'est à ces choses-là qu'on pense. À tel point que, d'ailleurs, une compagnie d'assurances, La Laurentienne, a acheté une participation dans une maison de courtage, mais elle a limité son intervention financière à moins de 10%, parfaitement consciente que les règlements de l'industrie n'ont pas encore changé pour permettre un décloisonnement plus massif que celui qui existe aujourd'hui au Canada.

Deuxièmement - et vous verrez pourquoi nous sommes pour le projet de loi 75 - je refuse d'accepter ce que le député de Roberval a dit, que les Québécois étaient des ignorants et des rétrogrades en matière d'administration financière, en matière de compétence dans le monde des affaires jusqu'à l'arrivée du PQ au pouvoir. C'est essentiellement l'objet des propos du député de Roberval tout à l'heure qui prétend que, jusqu'à ce que le PQ arrive au pouvoir, les Québécois n'étaient nulle part en matière de services financiers, qu'on avait absolument de gens comme lui qui ne connaissent rien là-dedans pour nous développer.

Il y a des maisons qui sont rendues aujourd'hui à des stades de développement tel dans certaines industries de services financiers que c'est manifestement depuis 10 ans, 15 ans ou 20 ans que ces sociétés sont en train de se développer. Donc, le projet de loi 75 reflète beaucoup plus une réalité financière, une réalité du monde des affaires qui s'est bâti depuis 20 ou 25 ans. C'est dans ce sens que la loi 75, étant donné qu'elle permet à des sociétés de se lancer dans des activités beaucoup plus diversifiées, de faire des acquisitions qu'autrement elles ne pouvaient pas faire, de permettre aux consommateurs d'avoir accès à certains services au même endroit, en théorie, ce qui était impossible autrefois, c'est pour cela que, les conditions du côté de l'industrie, du côté de l'offre de services étant maintenant réunies, la loi reflète cette réalité. Elle reflète cette réalité des compétences nouvelles qu'on retrouve quand même depuis presque une génération au Québec dans des institutions financières qui administrent l'épargne des Québécois, des institutions financières qui ont créé des instruments

nouveaux d'épargne pour répondre à certains éléments de changement, la sophistication et la préparation des consommateurs comme tels, qui peuvent avoir des besoins nouveaux, mais également dans beaucoup de cas, y compris ce que le député et le ministre avant lui ont cité, le fait que la complexité incroyable des impôts un peu partout en Amérique, dans le monde moderne, a rendu presque nécessaire l'utilisation de formules extrêmement compliquées pour les gens qui veulent faire des investissements à un coût raisonnable.

De cette façon, on a vu qu'à la longue des maisons de spécialistes - comme on l'a souligné un peu plus tôt - se sont amenées, sont maintenant dans le portrait et que, par ailleurs, on s'en va également dans la direction où de grands groupes contrôlés par quelques personnes, sur la force des épargnes de centaines de milliers de Québécois, sont en mesure de mettre leurs ressources au bénéfice des consommateurs par des programmes de formation beaucoup plus complets afin de rendre un meilleur service. C'est cela la loi de la concurrence. Si on veut s'assurer que l'épargne des Québécois soit attirée vers certains véhicules - il y a déjà dans le marché des maisons de spécialistes qui s'adressent à ces services -les très grandes maisons doivent faire un effort de formation et s'assurer de la meilleure compétence possible de leurs représentants, de leurs employés qui transigent avec le public. De cette façon, on en arrive à avoir un marché extrêmement complet où il y en a pour tout le monde. Dans l'intérêt du consommateur, c'est très certainement ce qu'il faut avoir à l'esprit. Est-ce que le consommateur, l'épargnant, qui a besoin de différents services financiers a devant lui un marché où il y a quand même assez de variété et où il pourra se servir selon ses besoins?

C'est vrai qu'on est en train d'offrir beaucoup de variété aux consommateurs, mais ce que j'aimerais dire à ce moment-ci, c'est que la loi, qui reflète, comme je le disais, l'état de préparation des institutions financières, précède beaucoup le marché. Le marché, les consommateurs, les épargnants n'en sont pas encore rendus à être grimpés dans les rideaux ou sur les toits de leur maison pour réclamer le décloisonnement des institutions financières. C'est parce que les institutions sont prêtes à offrir ce service, que la technologie de communication requise est en place ou peut l'être très rapidement, que le degré de technologie d'information nécessaire pour l'administration de sociétés regroupant toutes sortes de services financiers est disponible, que des gens sont formés pour l'administrer. C'est ce qui est en train d'arriver. Ce ne sont pas les consommateurs qui sont en train de demander que le projet de loi 75 soit adopté le plus rapidement possible. Chose certaine dans ce cas, si ce n'est pas parce que les consommateurs réclament que des compagnies regroupent sous leur parapluie un tas de services financiers ce n'est très certainement pas pour s'assurer, comme on peut le dire à quelques reprises, comme on a pu le voir, pour créer ce qu'on appelle en anglais un "one stop financial market", c'est-à-dire ce que le ministre appelait un magasin à rayons qui, sous un même toit, regrouperait tous les services financiers possibles et imaginables pour les consommateurs.

La loi 75 n'a donc pas véritablement cet effet. C'est beaucoup plus par des permissions qu'elle donne maintenant. Elle donne à des sociétés, qui sentent qu'elles en ont les moyens et la capacité, l'occasion de se diversifier, de ne plus être une simple mutuelle d'assurances mais également d'avoir un intérêt dans une compagnie de courtage, dans une compagnie de fiducie et, à la lecture même du projet de loi, une compagnie mutuelle d'assurances pourrait être propriétaire de plusieurs magasins McDonald ou de dépanneurs ou de quoi que ce soit jusqu'à certaines limites de pourcentages de ses actifs.

Donc, à mon sens, ce qui est susceptible de se produire à moyen terme très certainement, c'est d'assister à une diversification des sociétés d'assurances, notamment les sociétés mutuelles d'assurances qui vont se servir des dispositions permissives qui sont dans la loi maintenant afin de modifier les caractéristiques qu'on leur connaît maintenant.

Mais cela appelle un commentaire, à savoir si toutes les sociétés d'assurances vont pouvoir se diversifier de cette façon. La loi ne fait aucune distinction entre les différentes sortes de compagnies d'assurance-vie, d'assurances générales. Elle ne fait pas de différence quant à la grosseur. Mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce a souligné que certaines ont 50 000 000 $ d'actif. La plus grosse a 3 000 000 000 $ d'actif parmi la trentaine de sociétés qui peuvent se prévaloir de ces dispositions. Il y en a qui sont 60 fois plus grosses que d'autres dans le marché. Il faut donc voir quelles sont celles qui sentent qu'elles ont les capacités, l'expérience, la compétence de se diversifier.

Mais il existe un risque là-dedans. On peut éternellement faire confiance à des gens qui ont bâti des grosses entreprises qui les ont fait prospérer, qui en ont fait bénéficier les épargnants, sauf que, si on permet à tous, quel que soit le degré de compétence et de capacité de se diversifier qu'ils ont atteint, de le faire, on devra nécessairement s'assurer que les plus polyvalents, les plus compétents le feront, en s'assurant, par ailleurs, que ceux qui ne pourraient peut-être pas le faire avec autant de succès soient mieux surveillés et contrôlés.

C'est à ce titre que nous avons surtout parlé de notre appui au principe, évidemment. Je viens de dire pourquoi: l'industrie est prête et c'est souhaitable. Nous espérons très certainement que le ministre, dans sa réplique, pourra commencer à ouvrir des voies de réponse à nos questions. Nous avons parlé de la nécessité du contrôle et de la surveillance de ces institutions. Contrôle parce que c'est primordial. Tout le succès des services financiers repose sur le degré de confiance que les consommateurs peuvent avoir dans la survie, la solvabilité, la qualité de l'administration, la qualité des succès possibles, la performance en général qu'une société qui administre nos épargnes peut atteindre. Dans ce sens, c'est tellement important de jouer avec l'épargne des gens, car l'épargne, c'est ce qui reste lorsqu'on a gagné sa vie, qu'on a payé pour des besoins essentiels, qu'on a commencé à dépenser pour se loger et toutes ces choses. Il en reste quelquefois un peu. On l'épargne et on compte dessus pour plus tard. C'est ce morceau de travail, si on veut, qu'on met de côté pour l'avenir afin de se procurer une protection pour sa famille, pour ses biens ou pour sa retraite.

C'est à ce titre qu'il est parfaitement important, surtout parfaitement pertinent d'abord, de parler des mesures de contrôle et de surveillance qui doivent être importantes, qui doivent être, je dirais, un souci constant d'un gouvernement responsable à l'égard de la façon dont les sociétés qui administrent nos épargnes se comportent. Cette surveillance peut prendre deux formes: des éléments de contrôle qu'on retrouve dans la loi; les plafonds d'investissements qu'une société visée par la loi 75 peut atteindre: 4% des actifs de cette société au maximum dans une seule filiale, à titre d'exemple, ou 15% des actifs d'une telle société dans une forme, un ensemble d'activités composé de plusieurs filiales. C'est ce genre de limites qui ont été fixées dans la loi et qu'on y retrouve et qui se distinguent - on aura des réponses éventuellement, je le présume, du ministre - de la législation, fort progressive déjà, que l'État de New York a adoptée sur laquelle, à maints égards, le projet de loi 75 est calqué. Les seuils d'investissement permis dans l'État de New York pour les sociétés d'assurances semblables à celles visées par le projet de loi 75 sont respectivement de 2% et 10%, alors que c'est de 4% et de 15% qu'on parle ici dans le projet de loi 75. De cette façon, on peut par la loi fixer certains mécanismes ou seuils de contrôle.

On peut également le faire par les institutions qu'on met en place. Au point de vue de la surveillance de ces institutions, il s'agit, évidemment, de l'Inspecteur général des institutions financières dont il faut souhaiter, pour un sain équilibre, pour un maintien de la confiance dans la santé de nos institutions financières, qu'il sera doté des ressources adéquates, des moyens, des budgets, des inspecteurs et des programmes de formation, parce que le marché change beaucoup. Nous parlions de nouveaux instruments de services financiers. Il faudrait quand même que le contrôleur et l'inspecteur soient au moins aussi compétents que ceux qui offrent au consommateur ces nouveaux services financiers.

Donc, nous avons parlé assez longuement des questions qui nous préoccupaient quant aux mécanismes de contrôle et de surveillance qui viendront compléter le projet de loi 75 qui, dans son principe même, n'appelle pas de discussions. Quant à moi, c'est un progrès. Cela reflète l'état d'avance, de succès d'un grand nombre, de quelques dizaines d'institutions financières basées ici au Québec. Dans ce sens, je ne vois pas pourquoi on devrait s'opposer à ce que des gens qui ont démontré leur compétence grâce à leurs talents - comme on peut le voir d'après la croissance de ces entreprises et le succès qu'elles ont connu -puissent se diversifier s'ils peuvent le faire avec compétence, offrir ainsi une gamme plus large de services aux consommateurs.

(15 h 20)

Mais je reviens au point initial: les consommateurs n'ont pas demandé de changement. Les consommateurs, donc, doivent être assurés, devant les effets de concentration, auxquels on ne peut absolument pas échapper, entre les mains d'un nombre restreint de personnes de certains pouvoirs d'administrer notre épargne, que ces pouvoirs qui ont des effets directs sur le degré de concurrence, donc, sur la liberté de choix du consommateur, doivent être l'objet de certains contrôles et de certains mécanismes de surveillance sur lesquels nous entendons passer un peu de temps, chose certaine, en commission parlementaire.

Tout en ayant à l'esprit, en conclusion, qu'en matière de services financiers il faut s'assurer qu'on maintient un équilibre, on aura un marché complet, un marché efficace s'il y a, d'une part, un certain choix pour les consommateurs et, d'autre part, un maintien de la confiance des consommateurs que toutes les sortes de services financiers leur sont disponibles, qu'ils sont également encadrés et donnent les mêmes chances aux mêmes coureurs ou à des coureurs qui sont sur la même piste.

C'est dans ce sens-là que nous avions, à l'origine, trouvé que le ministre, quant à la loi 75, allait très rapidement, beaucoup trop rapidement, dans la mesure où on n'avait encore rien fait ou rien décidé quant aux sociétés de fiducie. Encore une fois, ce sont des institutions très fortes qui administrent des milliards de dollars

d'épargne au Québec, qui sont contrôlées par des sièges sociaux ici même au Québec, en nombre croissant - même situation que dans le monde de l'assurance - mais qui, du jour au lendemain, le lendemain de l'adoption de la loi 75, de son entrée en vigueur, seront désavantagées parce qu'il y aura maintenant dans le portrait des institutions qui auront le droit de se lancer dans toutes sortes de services financiers pendant que d'autres institutions, alors qu'elles pourront être l'objet de tentatives de prise de contrôle par des sociétés d'assurances, ne pourront pas, quant à elles, diversifier leurs services autant que les sociétés d'assurances.

Dans ce sens-là, nous prétendions que le ministre allait trop rapidement, étant donné qu'il n'allait que dans une seule voie à la fois, alors que les sociétés de fiducie également réclament le même genre de traitement. Le ministre nous a promis que, d'ici un an, un an et demi, il verrait à faire adopter des modifications aux lois constitutives qui régissent les sociétés de fiducie, de telle sorte qu'elles pourront, elles aussi, profiter des efforts, des pas en avant que la déréglementation ou le décloisonnement fait depuis quelques années. Sauf que tout ce que je sais des promesses du ministre des Finances, c'est que les livres blancs se font attendre malgré des promesses répétées, que la loi sur le Vérificateur général remonte maintenant, quant à sa promesse de révision, à 1977. Sept ans, cela me paraît très long. Le ministre parle d'un an ou d'un an et demi. Nous le prions, cette fois-ci, de faire diligence, après lui avoir demandé de retarder, afin que tout ce paquet de diversifications de nos services financiers, qui reflètent la nouvelle réalité de la compétence des Québécois dans ces matières, que cet équilibre entre les différents services financiers soit maintenu. Je vous remercie, M. le Président.

Une voix: Très bien.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Roberval.

M. Gauthier: En vertu de l'article 205 du règlement, j'aimerais corriger brièvement certains propos que le député de Vaudreuil-Soulanges m'a attribués au début de son intervention. Le député de Vaudreuil-Soulanges a dit que le député de Roberval avait affirmé que les Québécois étaient des ignorants dans le monde financier. Ce que j'ai dit, effectivement - j'ai la vérification ici - c'est que de plus en plus de Québécois étaient impliqués dans le domaine, entre autres, de l'achat d'actions à cause du programme d'épargne-actions du ministre. J'ai également dit que les Québécois étaient de plus en plus habiles et impliqués dans le monde financier et que, pour cela, il fallait apporter les ajustements législatifs qu'on apporte aujourd'hui. J'ai dit également, en terminant, que même si outre Outaouais on disait que provoquer une explosion d'affaires au Québec, c'était faire le chaos...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; J'ai un rappel au règlement du député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En vertu de l'article du règlement qu'invoque le député, il s'agit de rétablir les paroles qu'il aurait dites et à l'égard desquelles il aurait été mal cité. Il répète essentiellement les mêmes propos qu'il a tenus un peu plus tôt aujourd'hui. Je ne vois pas en quoi il redresse quoi que ce soit.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Pour la bonne compréhension de chacun, l'article 205 se lit comme suit: "Tout député estimant que ses propos ont été mal compris ou déformés peut donner de très brèves explications sur le discours qu'il a prononcé."

Deuxième paragraphe: "II doit donner ces explications immédiatement après l'intervention qui les suscite", tel que M. le député de Roberval l'a fait. "Elles ne doivent apporter aucun élément nouveau à la discussion, ni susciter de débat."

Je prie donc le député de Roberval de ne rien ajouter à ce qu'il a déjà dit.

M. Gauthier: J'avais terminé, M. le Président, sauf qu'on a coupé ma dernière phrase. Je voudrais simplement la compléter, tel que me le permet le règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Rapidement, M. le député.

M. Gauthier: J'avais dit que, même si de l'autre côté de l'Outaouais, on disait que cette loi provoquerait beaucoup d'affaires au Québec et que cela créerait le chaos dans les marchés financiers canadiens, ce gouvernement était prêt, à cette condition, à créer le chaos.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Un nouvel intervenant, M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, à mon tour, d'intervenir quelques minutes sur le projet de loi 75, Loi modifiant la Loi sur les assurances et d'autres dispositions législatives. Le projet de loi 75, à mon avis, est très important parce qu'il a justement pour objet d'élargir les pouvoirs des compagnies d'assurances et

d'adapter en conséquence la surveillance et les contrôles des institutions financières. C'est important, il ne faut pas se le cacher, étant donné qu'il faut s'assurer un juste contrôle sur l'épargne de tous les Québécois et de toutes les Québécoises. Pour s'assurer cette surveillance et ce contrôle, on retient dans la loi, entre autres, qu'on oblige tous les assureurs à former un comité de vérification au sein de leur conseil d'administration et à aviser sans délai l'Inspecteur général des institutions financières de la démission, du non-renouvellement de mandat ou de la destitution en cours de mandat du vérificateur ou de l'actuaire responsable de l'évaluation.

On s'aperçoit donc que si, par la loi 75, on donne à nos institutions financières québécoises plus de pouvoirs, c'est pour s'assurer en même temps une vérification et un contrôle afin que l'épargne des Québécois soit entre bonnes mains et afin qu'il n'y ait pas plus de danger pour les gens de continuer à placer leur argent.

Il est aussi important de rappeler que la loi donne des pouvoirs à beaucoup d'entreprises, parce qu'il y a au Québec présentement 33 compagnies d'assurances à charte québécoise et les actifs de ces 33 compagnies sont d'au-delà de 3 300 000 000 $. C'est un montant d'actif excessivement important pour ces entreprises et c'est de l'argent qui doit être précisément réinvesti au Québec.

Dans le domaine financier, à mon avis, les Québécois ont déjà fait leurs preuves. On n'a qu'à penser à quelques entreprises pour s'en rendre compte. Qu'on pense aux caisses populaires Desjardins, qu'on retrouve sur tout le territoire québécois au service des Québécois et qui gèrent des dizaines de milliards de dollars, en plus d'être partout, comme je viens de le dire, et d'offrir toute une gamme de services aux Québécois. Donc, on a fait nos preuves sur l'ensemble du territoire.

Il y a la Caisse de dépôt et placement aussi, gérée par les Québécois et qui a une force telle aujourd'hui que même le gouvernement fédéral se sent obligé d'intervenir pour l'empêcher de prendre le contrôle de certaines grandes entreprises pancanadiennes. Il y a aussi la Société générale de financement qui gère un portefeuille - et je pense que c'est important de le rappeler à certains moments - qui est presque l'équivalent de celui de Power Corporation. Dans le domaine des finances, les Québécois ont donc fait leurs preuves. Ils sont capables, ils l'ont prouvé de façon tangible au sein des entreprises que je viens de nommer, mais aussi au sein de beaucoup d'autres entreprises, dont les 33 compagnies d'assurances à charte québécoise. (15 h 30)

Si l'expérience est reconnue, la capacité a été prouvée, les institutions, à l'heure actuelle, sont prêtes à ces changements. À titre d'exemple, j'aimerais seulement citer quelques coupures de journaux - je pense que c'est important de le faire. On en retrouvait un écho dans le journal "Les Affaires" du samedi 24 mars 1984, sous le titre "Parizeau exaucera la plupart des voeux des sociétés d'assurances à charte québécoise." On ajoutait que "Le ministre est prêt à satisfaire à peu près à toutes les demandes des compagnies d'assurances à charte québécoise." On retrouvait aussi le titre suivant dans le journal "La Presse" de Montréal du jeudi 26 avril 1984: "Les assureurs ne craignent pas les supermarchés financiers." On peut y lire: "Les compagnies d'assurances ne craignent pas la formation de supermarchés financiers avec décloisonnement des secteurs d'activité à l'exemple américain, car elles sont présentement déjà dans la quasi-totalité des familles canadiennes avec leurs douze millions d'assurés.

Il ne faut pas s'inquiéter de la venue du projet de loi 75, parce que, comme je viens de le citer avec des exemples d'extraits de journaux, les entreprises sont prêtes et désirent ces changements et ce que fait le ministre en proposant le projet de loi 75 répond, finalement, à des demandes et à des besoins.

Vous savez que notre système financier repose, en fait, sur quatre piliers qui sont, entre autres, les banques et les caisses populaires, les fiducies, les sociétés d'assurances et les courtiers en valeurs mobilières. Il est évident que, pour que ces quatre piliers puissent fonctionner et donner un service complet à l'ensemble des citoyens qui investissent leur argent, il doit y avoir des normes et une réglementation. La réglementation des institutions financières est née et s'est propagée un peu partout dans le monde pour atteindre deux objectifs principaux. De ces douze objectifs le premier est de protéger les consommateurs et d'instaurer la confiance dans le système financier. C'est la première des choses; c'est important, parce que c'est l'argent, précisément, des consommateurs qui est déposé dans ces institutions qui forment les quatre piliers de notre système financier.

Le deuxième objectif principal, c'est de permettre aux différentes institutions financières de répondre aux besoins de l'offre et de la demande de capitaux sur la base d'une saine concurrence. C'est évident qu'il faut permettre aussi à ces entreprises qui gèrent l'argent des contribuables d'être bien gérées et de faire des profits avec cet argent, de façon à donner un meilleur service à toute la collectivité.

Pour atteindre ces deux objectifs, le ministre des Finances a présenté, depuis

quelques années, plusieurs projets de loi. Le dernier qu'on est en train de discuter, c'est le projet de loi 75, mais il y en a eu plusieurs au cours des dernières années et je pense qu'il serait bon, brièvement, d'en rappeler quelques-uns.

Il y a eu la Loi sur les sociétés d'entraide économique sanctionnée en 1981, la Loi sur l'assurance-dépôts, adoptée en 1981; la Loi concernant certaines caisses d'entraide économique, adoptée en 1982; la Loi sur les coopératives, sanctionnée en juin 1982, la Loi sur les valeurs mobilières et la Loi sur l'Inspecteur général des institutions financières, en 1982 et, finalement, en 1983, la Loi modifiant la Loi sur l'assurance-dépôts. Comme on peut le voir, au ministère responsable des institutions financières on s'occupe vraiment de ce secteur d'activité qui est primordial. Il ne faut pas oublier -c'est reconnu - que les Québécois sont des gens qui économisent beaucoup et, par le fait qu'on économise beaucoup et qu'on dépose l'argent dans des institutions qui, souvent, sont contrôlées par des gens de l'extérieur du Québec, cela fait en sorte que les Québécois sont exportateurs d'argent. Les Québécois sont reconnus comme un des peuples au monde qui s'assurent le plus. Si on met notre argent entre les mains de sociétés, c'est normal qu'on s'assure que ces sociétés vont l'administrer le mieux possible, que les sociétés vont aussi être en mesure de faire fructifier le plus possible cet argent et aussi de participer au développement économique du Québec avec l'argent qu'elles ont à leur disposition.

Comme on l'a vu, l'ensemble du secteur est prêt à ces changements. Le projet de loi 75 vient s'insérer dans un ensemble de mesures, de lois adoptées depuis 1980. Aujourd'hui, on complète ou on continue, parce que ce ne sera pas tout à fait complet. D'autres mesures devront venir au cours de l'automne 1984 et en 1985, mais on va dans le même sens de donner plus de pouvoirs aux institutions québécoises.

Le projet de loi 75, qu'on étudie présentement, est basé ou repose sur plusieurs points importants. Entre autres, on profite de l'expérience vécue avec les caisses d'entraide économique. C'est évident qu'il fallait en tenir compte et cela nous permet d'apporter des changements. On tient compte aussi de la Loi canadienne sur les banques. Pour l'élaboration du projet de loi 75, on a tenu compte du projet de loi fédéral sur la révision de la Loi sur les compagnies fiduciaires et, évidemment, de la réforme de la législation de l'État de New York qui a été adoptée en juillet 1983. Ce n'est pas quelque chose qui n'a pas été étudié ou quelque chose qui apporte beaucoup de risques. C'est un changement qui a fait ses preuves ailleurs, aux États-Unis, et qu'on retrouve même à l'intérieur de certaines lois fédérales qui n'ont pas été adoptées, mais qui font quand même partie de projets de révision. Ce sont des choses qui, à mon avis, vont dans la bonne direction.

Le projet de loi 75 permet aux institutions québécoises de mieux répondre aux besoins nouveaux du marché. Il ne faut pas l'oublier, il faut que nos institutions se modernisent, parce que les besoins des contribuables, des consommateurs, des épargnants québécois changent. C'est comme le reste.

Il y a une foule de choses qui changent dans la société québécoise. C'est sûr qu'il y a le vieillissement de la population. Donc, si la population vieillit, peut-être qu'il y aura moins de constructions résidentielles; s'il y a moins de ménages, c'est évident. Il y a donc le vieillissement de la population qui vient changer une foule de choses. Il y a le développement industriel et commercial aussi qui est changeant, qui évolue constamment. Il y a le fait qu'on offre continuellement de nouveaux programmes financiers, que ce soient les régimes d'épargne-retraite, que ce soient les régimes d'épargne-actions. Il y a aussi la diversification des produits financiers. Cela évolue continuellement, constamment.

Finalement, ce que fait le projet de loi 75, c'est qu'il vient nous permettre de moderniser, d'adapter nos institutions financières québécoises, de répondre aux besoins de 1984. À mon avis, c'est clair et net dans le projet de loi 75, cela va permettre aux institutions d'assurances québécoises, les compagnies d'assurances à charte québécoise, de participer à l'expansion économique du Québec. Si on est en pleine relance, si on a besoin d'argent, si on a besoin d'investir chez nous, faisons-le par l'entremise d'institutions financières québécoises.

Pour ce faire, le projet de loi 75 accorde aux compagnies d'assurances, que ce soient des compagnies d'assurances de personnes ou des compagnies d'assurances générales, le pouvoir d'exercer les activités non reliées à l'assurance, donc d'exercer de nouvelles activités qui étaient réservées à d'autres auparavant.

À titre d'exemple des nouveaux pouvoirs qui sont accordés aux sociétés d'assurances à charte québécoise, il y a les pouvoirs d'emprunt qui sont élargis. Il y a les pouvoirs d'hypothéquer qui, eux, sont limités. Il est maintenant autorisé par le projet de loi 75 d'émettre des obligations non garanties et les restrictions concernant le capital-actions sont abolies. Ce sont quelques-uns des points importants du projet de loi 75 qui permettent ainsi aux entreprises d'avoir plus de pouvoir, d'exercer d'autres activités qui vont leur permettre, comme je le disais tantôt, de répondre mieux aux besoins des Québécois, de gens qui mettent leur argent dans ces entreprises,

mais qui vont surtout permettre précisément aux sociétés d'assurances à charte québécoise de participer à l'expansion économique du Québec.

M. le Président, grâce au projet de loi 75, les consommateurs peuvent effectuer toutes leurs transactions financières au même endroit, donc à un guichet unique. Dans un contexte moderne comme celui qu'on connaît en Amérique du Nord, dans un contexte de 1984 où on connaît les guichets automatiques, où la rapidité est à la mode, où les gens veulent avoir un service complet partout où c'est possible dans des domaines similaires, au niveau des investissements, à partir de maintenant, il y aura un guichet unique. On pourra effectuer toutes ses transactions financières à un seul et même endroit grâce au projet de loi 75.

Comme je le disais un peu plus tôt dans mon intervention, ceci permettra progressivement la création de supermarchés financiers qui offriront une gamme complète de services financiers. Ces changements profonds éviteront des démarches aux épargnants, leur permettant de trouver au même endroit tous les services auxquels Us sont en droit de s'attendre, et favoriseront la concertation des institutions financières et la naissance, je l'espère, d'un nouveau géant dans ce domaine.

De plus, il était écrit dans le projet de loi, et c'est retenu que les compagnies d'assurances à charte fédérale ou d'une autre province pourront être converties en compagnies à charte québécoise si elles y sont habilitées par la loi en vertu de laquelle elles sont formées. J'espère que cela va se produire sur une grande échelle pour permettre précisément qu'au Québec on investisse davantage et qu'il y ait de plus en plus d'entreprises de ce genre qui puissent profiter de la loi 75, pour le développement économique de tout le Québec. (15 h 40)

Ainsi, grâce à cette loi, le Québec se met à l'heure des États-Unis. Encore une fois, dans un secteur aussi névralgique que le domaine traitant des institutions financières donc du capital de l'investissement de l'argent, le Québec innove et donne l'exemple aux autres gouvernements du pays. J'en suis fier et je suis certain que ce sera un autre levier important pour le développement économique du Québec. C'est la raison pour laquelle je vais voter avec fierté pour le projet de loi 75. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: À l'instar de mes collègues, qui ont parlé sur ce projet de loi, le député de Notre-Dame-de-Grâce et le député de

Vaudreuil-Soulanges, je suis certain que tous ceux qui ont étudié ce projet de loi ou qui ont travaillé dans ce domaine se réjouissent du principe d'une libéralisation d'un secteur qui, pendant beaucoup d'années, a été surréglementé, il faut l'admettre, et qui a peut-être été surprotégé. Il est un fait que le mouvement mondial tend à déréglementer le secteur des assurances comme le secteur financier des compagnies de fiducie, des banques, etc. On a vu ici même au Canada le grand départ, par exemple, du secteur banquier ce qui a permis à une soixantaine de banques étrangères de venir s'établir chez nous et faire concurrence à nos banques à charte dans de nombreux secteurs. En fait, le secteur des banques s'élargit de plus en plus avec les conditions favorables qui sont faites à ces banques étrangères pour transiger.

Ce mouvement, de déréglementation graduelle de tout notre système économique, nous les libéraux qui nous plaignons que le gouvernement s'ingère de plus en plus dans les affaires des compagnies privées, nous ne pouvons que nous en réjouir. Le fond même du principe, de créer un secteur d'assurances qui sera moins réglementé, qui aura plus de flexibilité, de favoriser nos compagnies d'assurances au Québec qui ont démontré au cours des années beaucoup d'innovation, beaucoup d'intelligence et qui ont fait une concurrence à la fois innovatrice, originale à des compagnies étrangères beaucoup plus grosses qu'elles-mêmes, tout ce qui pourrait solidifier ce secteur, tout ce qui pourrait le rendre plus dynamique, plus diversifié dans ses actions, nous ne pouvons que nous en réjouir.

Tout de même, nous ne pourrions passer sous silence, comme Opposition, les avantages à quelque chose, comme ce projet de loi dont le principe est sûrement un pas en avant. Il y a aussi beaucoup de choses qu'il faudrait souligner, mais il y a toujours l'autre côté de la médaille qui est peut-être plus important surtout lorsqu'on a tendance, comme l'a fait le député de Shefford, à regarder seulement le côté de la médaille qui présente les avantages d'un projet de loi. On a peut-être tendance à oublier qu'un projet de loi de 450 articles, est de nature à susciter beaucoup de questions. Il me semble que c'est notre rôle ici et non pas seulement de dire: bon, c'est très bien, il faut déréglementer les compagnies d'assurances; l'État de New York l'a fait, le fédéral va le faire bientôt. Nous on est à l'avant-garde, on le fait, et, à ce moment, on se dit bon, on va se donner une médaille parce qu'on est à l'avant-garde du progrès au Québec et il faut le faire avant les autres. Il faut le faire parce que c'est la chose qui va décupler le pouvoir de nos compagnies d'assurances, de nous créer un supermarché financier où toutes nos transactions pourront se faire au

même guichet. On dit: tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Je pense qu'il y a des questions fondamentales qu'il faut se poser, qu'il faut poser au ministre des Finances avant que le projet de loi ne soit étudié article par article pour que nous puissions savoir vraiment si les anxiétés, si aux questions que se sont posé mes collègues ici - le député de Notre-Dame-de-Grâce et le député de Vaudreuil-Soulanges - on aura des réponses étoffées et si on va pouvoir répondre à nos préoccupations quant à ce projet de loi.

En fait, la question clé, c'est le système économique dans lequel nous vivons. Le système économique ne se vit pas en vase clos. Les compagnies d'assurances, comme tous les secteurs de services, sont, par la nature même de leurs affaires, le secteur le plus internationalisé qui existe au monde. C'est peut-être les compagnies d'assurances qui sont le secteur le plus international qui existe dans le commerce international, parce que l'assurance n'existe que par rapport à la réassurance. La réassurance n'existe que par rapport à la réassurance des réassureurs. C'est un secteur qui, vraiment, s'échelonne dans tous les pays. Ce n'est pas un secteur qu'on peut réduire et mettre en vase clos. C'est un secteur immense, vaste, où toutes les compagnies d'assurances s'entretiennent et s'enchevêtrent dans un secteur de réassurance qui est immense et qui est à l'échelle mondiale.

Donc, même le sens profond de l'assurance est international. C'est certainement un sens interprovincial. Ce qui, peut-être, nous incite à nous interroger, c'est le fait de dire: Ici, nous avons des compagnies à charte provinciale et alors là, la charte québécoise qu'il faudra favoriser par ce projet de loi, naturellement, c'est bénéfique pour notre société québécoise; donc, nous allons les appuyer. Là, nous sommes tout à fait d'accord, mais, en posant ce geste, il faut nous dire aussi qu'en créant un genre de "cross holdings", de compagnies de fiducie, de compagnies financières, de compagnies d'assurances, de notre Caisse de dépôt qui est enchevêtrée dans toutes celles des grosses sociétés multinationales - par exemple, Power Corporation, qui a des intérêts très significatifs dans certaines compagnies d'assurance-vie et autres - on met sur pied un grand secteur de supermarchés financiers, comme l'a décrit un peu le député de Shefford, qui a des avantages en vertu du projet de loi 75.

Il faut donc se dire que ce genre de chose est une forme quelconque d'une espèce de politique d'achat chez nous, un genre de protectionnisme dans l'industrie des services qui, en même temps, donne l'idée à d'autres de faire la même chose. On peut concevoir qu'à la longue, la même chose se fera dans les autres provinces. On a déjà vu, dans l'État de New York, que la chose s'est faite. Mais là, il faut ouvrir une parenthèse. Par exemple, dans l'État de New York, où un projet similaire a été fait, la question des chartes des compagnies aux États-Unis est bien moins dictincte qu'elle ne l'est au Québec et au Canada, où on a des compagnies à charte provinciale et à charte fédérale. Là, il faudrait se poser la question suivante: Qu'arrive-t-il aux compagnies qui ont des chartes étrangères et qui ont apporté un acquis vraiment positif au développement des investissements au Québec? On peut parler de la Prudentielle d'Amérique ou des grosses compagnies d'assurance-vie ou d'assurance générale américaines et autres qui sont arrivées ici, qui sont de bons citoyens corporatifs, qui ont investi des millions et des centaines de millions, peut-être même des milliards de dollars au cours des années dans notre économie. Va-t-on en arriver, à un moment donné, à faire un genre de compromis qui ne les défavorisera pas par rapport à leurs acquis comme citoyens corporatifs chez nous?

Il faut se dire que nous aussi, on va vendre chez nous, que nous aussi, à un moment donné, quand on aura créé notre supermarché financier, où on aura des "cross holdings" de toutes ces compagnies bancaires, de fiducie, d'assurances, de finance, lesautres aussi feront la même chose et qu'il faudra transiger avec elles. Nous nous demandons en même temps, comme l'a souligné mon collègue de Vaudreuil-Soulanges, si, en créant ce genre de grand système financier où les compagnies d'assurances, de fiducie et autres compagnies financières vont s'enchevêtrer dans un grand système, on ne va pas en même temps priver le consommateur d'une concurrence qu'on essaie de provoquer par le projet de loi 75. Peut-être que le paradoxe même du projet de loi 75 sera de créer un genre de monopole où les plus gros de ce système, qui ont des actifs parfois quatre ou cinq fois plus gros que les actifs des plus petits, se trouveront presque dans une situation de monopole, où ils pourront investir à leur gré dans un système qui sera beaucoup plus libre, où un genre de déréglementation va favoriser les gros au détriment des petits, faire un monopole où toutes les compagnies de fiducie, les compagnies financières, les grosses compagnies d'assurances, vont détenir un tel pouvoir dans le marché qu'elles vont pratiquement être en position de délimiter les coûts que paieront les consommateurs. (15 h 50)

Est-ce qu'il ne faut pas se poser la question: comment allons-nous permettre que ce monopole ne se crée pas? Le député de Shefford disait: Peut-être qu'il faudrait élargir la loi 75 pour permettre à toutes les compagnies des autres provinces, aux compagnies étrangères de venir ici. Mais

alors, là, il faudrait savoir comment on va faire cela et favoriser en même temps nos compagnies québécoises. C'est la grande question. On ne peut pas avoir les deux. Il faut établir un certain équilibre à un moment donné. Il faut se demander comment cet équilibre se fera. Il faudra aussi se demander, comme l'a déjà fait mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, si on parle d'un guichet financier unique, comme le soulignait le député de Shefford tout à l'heure, où quelqu'un va faire le "shopping" de toutes ses affaires financières, que ce soient de l'épargne-actions, que ce soit des polices d'assurance, que ce soit du crédit-bail ou des dépôts financiers dans un système où une compagnie d'assurances sera la même chose qu'une banque, sera la même chose qu'une compagnie de fiducie. Si l'on crée un système d'uniformité à un moment donné où on aura un guichet unique, il faut alors se poser une question: Quand nous avons au Canada un système de banques à charte fédérale qui est tellement puissant - car il y a des compagnies qui ont des actifs de milliards et de milliards de dollars, qui concurrenceront peut-être avec une toute petite compagnie d'assurances dont l'actif sera de 50 000 000 $ - qui va gagner cette bataille de guichet unique?

Est-ce que, précisément, le système que nous favorisons, où nous essayons de favoriser l'industrie de chez nous, sera maintenant en compétition avec des superbanques qui vont, elles aussi, pouvoir entrer sur ce marché financier, si la logique suit le cours des choses? On ne peut pas faire une déréglementation dans un seul sens. Toute déréglementation doit se faire sur une échelle uniforme, d'une façon logique. Autrement, ce n'est pas de la déréglementation. Si on commence cela dans un secteur, il faut le poursuivre dans tous les secteurs, comme on l'a fait dans les secteurs fiduciaires et autres, ici et ailleurs.

C'est là qu'à un moment donné il faudra qu'il y ait une étude approfondie de ce qui se fait là-dedans. Cela m'avait frappé, en lisant le rapport de l'État de New York sur toute la question de la déréglementation de l'industrie de l'assurance à New York... Le rapport soulignait ceci et je pense que cela vaut la peine d'être cité: "Moreover, we do not pretend to be able to foresee the changes in the world of financial services that may take place in the future. For these reasons, we believe that the Insurance Board should provide the Superintendant, the Governor of the State and the legislature with supplementary studies and advices on the questions that we have suggested for further study. In addition, we believe that it should monitor the economic and regulatory setup affecting financial institutions and recommend any further changes in insurance law that may be needed to keep New York domicile compagnies strong and competitive". Ils finissent par dire: "And to protect policy holders and consumers".

En fait, dans l'étude new-yorkaise, c'est la constatation première de dire: Ce qu'il faut d'abord faire, par notre déréglementation, c'est de ne pas oublier la personne pour laquelle les compagnies d'assurances oeuvrent en premier lieu, la personne pour laquelle, nous, comme gouvernement, nous servons en fait. C'est la personne qui s'assure, le client, le consommateur. En fait, on citait ici l'historique de l'État de New York. C'est un historique riche en protection du consommateur où l'État de New York, pardessus tout, a eu un historique d'une protection du consommateur par rapport à l'industrie de l'assurance qui va très loin et qui a été très rigide à un certain moment et qui continue à être rigide. Ce rapport fait état de l'association très étroite qu'il y a entre le surintendant des assurances à New York, qui a des pouvoirs très grands au sein de la commission de l'assurance de New York, et les mouvements de consommateurs, soit les deux grands mouvements de consommateurs dans l'État de New York qui sont soutenus par l'État, le Consumer Protection Board et le Consumer Advisory Council.

C'est sur ce point que nous nous posons quelques questions. Moi-même, j'ai eu l'occasion, pendant l'étude des crédits des institutions financières d'antan, avant que le ministère soit aboli, d'avoir des discussions sur cette question de la protection de l'assureur et de l'assuré avec le ministre des Finances. Par exemple, il faut faire une distinction entre le système qui régit nos compagnies d'assurance-vie et nos compagnies d'assurances générales. Là, notre loi ne fait pas de différence. On pourrait dire que l'État de New York non plus n'a pas fait de différence entre les compagnies d'assurance-vie et les compagnies d'assurances générales, mais pourquoi ne nous poserions-nous pas la question? Je sais qu'en Amérique - le fait est que c'est un secteur dans lequel j'oeuvrais moi-même, je parle donc en connaissance de cause - on se pose beaucoup de questions depuis qu'on a déréglementé le secteur financier et le secteur des assurances pour permettre à des compagnies d'assurances de posséder des compagnies dans le secteur financier et vice versa. De gros trusts se sont formés, les compagnies d'assurances ont été achetées par de grosses multinationales, comme IT&T, etc., justement pour leur fournir un véhicule à travers le secteur financier. C'était une façon pour elles d'avoir un "cash flow" additionnel.

Que s'est-il passé? Je peux citer un cas présent qui est en instance de vérification par la Securities and Exchange Commission

des États-Unis, de l'État dans New York. Une compagnie se trouve aujourd'hui dans une position presque critique par rapport à ce que l'on appelle des "long term liabilities". Ce sont des responsabilités civiles portant sur plusieurs années, 20, 30 ou 40 ans, des responsabilités qu'on ne peut calculer très scientifiquement du point de vue de leur passif. Il y avait un tel passif de "long term liabilities" dans cette compagnie d'assurances générales qu'on a été obligé de revendre le passif à des réassureurs spécialisés dans ces cas. En fait cela a produit une manigance des états financiers et c'est simplement après, par une recherche du Securities and Exchange Commission, qui a remarqué qu'il y avait quelque chose de drôle dans ce passif par rapport aux actions en Bourse, que cette compagnie a subi une enquête sur cette question.

Je souligne ce cas pour vous dire que dans le secteur des assurances générales, nous avons eu plusieurs faillites au Canada. Une ou deux se sont produites très récemment parce que ces compagnies n'étaient peut-être pas assez surveillées; il y avait un manque de surveillance. Là, nous allons dire: On passe tout cela à un vérificateur, à un système de vérification interne. Nous sommes d'accord pour dire qu'il devrait y avoir un système de vérification interne, mais nous avons affaire à un secteur tout à fait particulier où il esttrès difficile de contrôler les actifs par rapport à ce qui est dû à des clients. Ce n'est pas quelque chose qui se passe à court terme, c'est quelque chose, dans l'assurance-vie, qui a des échéances parfois remises à 30 ans, 40 ans et même 50 ans plus tard. Dans l'assurance générale, c'est la même chose pour les cas de responsabilité civile.

C'est pourquoi nous disons au ministre qu'il nous faudra revoir cette question. Je sais que l'article 425 de la loi prévoit une révision de tout le système prévu par la loi 75 dans cinq ans. Je pense qu'il faudra se demander s'il ne faudrait pas faire cela à plus brève échéance. Je me souviens, lorsque je m'occupais de l'environnement, avoir suggéré au ministre, dans une loi, qu'on fasse rapport à l'Assemblée nationale à chaque année... Je m'excuse, c'était dans le cadre de l'étude du régime des pensions, avec le ministre qui est maintenant le ministre délégué aux Relations avec les citoyens, qui avait accepté ma suggestion.

Dans un secteur où on se dirige vers quelque chose de tout à fait nouveau, qui n'a pas été testé, comme ça n'a pas été testé pour l'État de New York, comme ce ne sera pas testé pour nous et comme ce ne sera pas testé pour le fédéral, à moins de le revoir d'année en année, on devrait penser à un système de révision à chaque année. On ne peut dire, dans une situation tellement complexe, qu'on connaît toutes les réponses.

Pourquoi ne pas faire une révision de cette loi à chaque année? On pourrait peut-être faire une révision en profondeur tous les trois ans ou tous les cinq ans. Laisser cette loi, sans en connaître les effets et les conséquences, pour cinq ans d'affilée, ce qui veut dire pour un autre mandat, peut-être celui d'un autre gouvernement - espérons-le -c'est trop loin. Il faudra le faire avec beaucoup plus de fréquence.

Nous posons beaucoup de questions au ministre. Nous lui demandons pourquoi, par exemple, comme l'a souligné mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, il a permis des placements dans l'actif des holdings des compagnie en aval jusqu'à 50% quand les compagnies d'assurances elles-mêmes avaient été très satisfaites de demander 30%. Elles n'espéraient pas avoir 30%. Pourquoi leur donner jusqu'à 50%? Il faut au moins faire un test de cette loi avant d'aller plus loin. On a posé des questions concernant le bureau de l'inspecteur général qui est tout à fait nouveau pour suivre une loi qui a tellement de conséquences, qui est tellement complexe. (16 heures)

Si on se réfère encore une fois à l'État de New York, historiquement, le système de surveillance et de contrôle de l'État de New York a peut-être été le plus fort dans tous les États-Unis, et peut-être dans le monde entier et nous démontre qu'il faut un système de contrôle. Je pourrais aussi citer au ministre les derniers problèmes qu'a connus Lloyds, le plus gros - et de loin -conglomérat d'assurances dans le monde entier, qui a un historique qui va depuis le XVIIIe siècle, qui a été créé en 1790. Lloyds a connu des problèmes financiers tellement graves récemment que le gouvernement britannique a été obligé de s'ingérer dans la chose. Il y avait beaucoup de situations complexes où des réclamations à long terme ne pouvaient pas être suivies. Il y a eu des fraudes dans le système et, à un moment donné, ils ont réalisé qu'il fallait réorganiser toute la machine.

Ce sont des questions tellement complexes qu'on se demande s'il ne faudrait pas, précisément, faire des contrôles beaucoup plus sérieux. C'est pourquoi nous demandons au ministre, en plus de toutes les questions qu'ont posées mes collègues, une révision beaucoup plus fréquente de cette loi, peut-être d'année en année, avec une révision plus profonde à tous les trois ou cinq ans. J'espère que nous, à ce moment-là, on sera en mesure de faire cette révision, parce qu'on sera du côté où vous êtes aujourd'hui. Je suis sûr que ce sera le cas. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Bellechasse.

M. Claude Lachance

M. Lachance: Merci, M. le Président. Depuis quelques années, le Québec a entrepris de moderniser ses lois en matière d'institutions financières. Je pense que cette décision était bien à-propos et adéquate. Avec le projet de loi 75, nous voyons que le ministre des Finances ne craint pas d'innover, d'aller de l'avant dans un secteur très important pour l'économie du Québec.

La nécessité de revoir ces lois est apparue assez clairement, par exemple, avec le dossier des caisses d'entraide économique. La loi sur les sociétés d'entraide est venue, en plus de résoudre un problème précis, établir des méthodes de contrôle des institutions en ce qui concerne les normes de liquidité, d'excédent, d'inspection des affaires, etc. Il y a eu aussi la création du bureau de l'inspecteur général des institutions financières qui a mis en place un système de surveillance et de contrôle unifié de diverses institutions financières exerçant leurs activités au Québec. Par la suite, on a eu la Loi sur les valeurs mobilières et la Loi sur l'as-surance-dépôts qui ont également été revues.

On peut penser que, selon les indications du ministre des Finances, la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit et la Loi sur les fiducies seront, à leur tour, un peu plus tard d'ici la fin de l'année 1984, apportées devant cette Chambre pour être modernisées afin de faire un tour d'horizon qui va compléter les efforts dans ce sens.

Le projet de loi 75 que le ministre des Finances a déposé dans cette Chambre le 19 avril dernier n'est pas très volumineux en ce qui concerne le nombre d'articles: il y en a 84. Quant à sa portée, par exemple, il aura des effets très importants par rapport à ce que nous connaissons présentement. Ainsi, il va permettre aux compagnies d'assurances à charte québécoise d'offrir dorénavant toute une gamme de services comme le prêt hypothécaire, la gestion des fonds de pension, la gestion des régimes d'épargne-actions, la gestion de régimes enregistrées d'épargne-retraite ainsi que la garde des valeurs.

Les avantages qui vont découler de l'adoption de cette mesure sont, à mon avis, très concrets. Ainsi, le décloisonnement des services financiers au Québec va permettre aux institutions québécoises de mieux répondre aux nouveaux besoins du marché qui, comme dans n'importe quelle sphère de l'activité, évoluent au rythme des ans. En effet, certains phénomènes comme le vieillissement de la population, le développement industriel et commercial, la création de programmes fiscaux tels le REER et le régime d'épargne-actions, la diversification et la personnalisation des produits financiers font en sorte que la clientèle souhaite de plus en plus être capable d'organiser son épargne de façon intégrée.

Deuxièmement, les changements apportés par le projet de loi 75 vont permettre aux capitaux québécois de participer à l'expansion économique dans divers champs d'activité au bénéfice de la clientèle et de l'ensemble de la population du Québec, en somme de faire fructifier les capitaux des Québécois au Québec.

Dans cette nouvelle pièce législative, on note, M. le Président, le souci du gouvernement du Québec de permettre aux institutions financières québécoises de profiter d'une meilleure capitalisation et, dans cette optique, le projet de loi 75 permettra aux compagnies mutuelles d'assurance sur la vie, par exemple, d'avoir accès à des sources de capitalisation à la mesure de leurs activités. Elles seront, en effet, autorisées à émettre des actions privilégiées.

Je me suis plu à regarder dans les médias d'information quel a été l'impact de l'annonce de ces différentes mesures qui ont été présentées en cette Chambre en avril. Les réactions, dans l'ensemble, sont fort positives, principalement de ce côté-ci de la frontière québécoise. Quant aux réactions de l'autre côté de la frontière, j'en ferai état tout à l'heure. Évidemment, elles sont diverses et elles ont plutôt tendance à être négatives.

Le Journal de Québec du samedi 10 mars 1984, environ un mois avant la présentation du projet de loi, titre: "Institutions financières, Parizeau s'oriente sur les États-Unis". L'article fait référence à une déclaration du ministre des Finances, à une allocution qu'il prononçait devant le congrès annuel de l'Institut canadien des actuaires. M. Parizeau disait, à ce moment-là, qu'il avait l'intention de s'orienter sur ce qui se passe particulièrement aux États-Unis et dans l'État de New York en particulier.

Le journal Les Affaires du samedi 24 mars 1984 titre: "Parizeau exaucera la plupart des voeux des sociétés d'assurances à charte québécoise". Encore là, on fait allusion aux démarches que les compagnies d'assurances ont faites au cours des derniers mois et des dernières années auprès du gouvernement du Québec et en particulier auprès du ministre des Finances, afin de revoir, de moderniser tout ce qui touche ce secteur important de notre économie.

Le Soleil du vendredi 20 avril 1984 titre: "Décloisonnement des institutions financières; compagnies d'assurances plus libres".

Le Devoir, section économique, du samedi 21 avril 1984 titre: "Assurances: certains observateurs canadiens sont inquiets" et, en plus gros titre, "Le projet de loi 75 pourra générer une explosion des affaires pour les institutions québécoises".

Enfin, la Presse du jeudi 26 avril 1984, sous la signature de Jean Poulin, titre: "Les

assureurs ne craignent pas le supermarché financier".

M. le Président, il y a beaucoup d'épargnants, vous le savez sans doute, qui possèdent plusieurs comptes de banque ou de caisse populaire, un régime d'épargne-retraite auprès d'une fiducie, un régime d'épargne-actions avec un courtier. Ils doivent aussi rencontrer leur assureur pour acquérir une police d'assurance. Avec ce que nous amène le ministre des Finances, tout cela va changer. Oui, parce que, bientôt, les consommateurs vont pouvoir effectuer toutes ces transactions au même endroit, à un guichet unique, à mesure que va se poursuivre le processus de décloisonnement des marchés financiers québécois. En gros, ce décloisonnement consiste à permettre à un type d'institutions financières de poursuivre des activités qui étaient auparavant la chasse gardée d'un autre type d'institutions. Ainsi, une fiducie pourra jouer le rôle de courtier en valeurs mobilières de la même façon qu'un supermarché vend des graines pour le potager et qu'une pharmacie peut vendre des billets de Loto-Québec. On va arriver ainsi progressivement à la création de supermarchés financiers qui vont offrir une gamme complète de services financiers. Ces changements profonds n'ont pas pour but unique d'éviter des pas et des démarches aux petits épargnants, mais ils vont - c'est important - favoriser la concentration des institutions financières et la naissance de nouveaux géants. C'est certainement ce qui va se produire au cours des prochains mois et des prochaines années. (16 h 10)

Je pense que le temps où on se contentait ici au Québec de regarder passer le train ou de se faire dire par d'autres de l'extérieur: "Vous, les Québécois, vos bebelles et dans votre cour", ce temps est révolu. Non seulement on veut prendre le train des années quatre-vingt, quatre-vingt-dix et de l'an deux mille, mais on veut construire le train, on veut construire également la voie ferrée pour savoir où on va, comment on y va, de quelle façon on y va.

À la lumière des réactions qui existent de l'autre côté de l'Outaouais, je constate qu'il y a des inquiétudes. Je vais en faire état ici. Par exemple, je vais faire référence à un article paru dans The Financial Times du 27 février 1984 et je vais me permettre de citer des propos contenus dans cet article en français, où le journaliste, Jacquie McNish a dit ceci en parlant du président de la compagnie Confederation Life de Toronto, M. John Rhind.

M. Rhind se dit inquiet devant les mesures prises par le Québec parce que, selon lui, celles-ci pourraient entraîner une expansion soudaine des affaires dans la province et susciter le chaos dans le système financier. C'est bien évident que lorsqu'il parle de chaos c'est une façon de dire que cela va les déranger quelque part. Je cite toujours l'article en question: "Le Québec est en train de détraquer le système entier, affirme M. Rhind. Tous vont profiter de cette énorme brèche dans la digue. Ils vont faire leurs affaires à partir du Québec." Que c'est donc terrible! Que c'est donc dérangeant! Que c'est donc inquiétant!

M. le Président, si c'est le genre d'inquiétude que M. Rhind peut avoir, cette inquiétude me sourit, elle me plaît parce que si cela les dérange, j'interprète cela comme étant un bon signe que le Québec veut maintenant prendre sa place au soleil comme toutes les nations industrialisées.

Hier, je recevais, à titre de président de la commission du budget et de l'administration, une copie d'un mémoire de l'Association des banquiers canadiens qui touche précisément le projet de loi 75. Je vais vous faire grâce de tout ce qu'il y a là-dedans. C'est quand même assez volumineux. Je vais simplement vous citer l'article 1 de ce mémoire. On y dit ceci: "Le Québec devrait retarder temporairement l'adoption du projet de loi 75 et participer, de concert avec le gouvernement fédéral et les autres provinces, à une révision de la réglementation des marchés financiers."

Lorsqu'on constate une telle chose de l'Association des banquiers canadiens, on voit jusqu'à quel point ce qui est devant la Chambre, le projet de loi 75, peut vraiment déranger. J'interprète cela, encore une fois, comme une façon de vouloir tenter de noyer le poisson et tenter de s'aligner sur quelque chose qui n'a pas été prévu ailleurs, en particulier du côté d'Ottawa.

M. le Président, non seulement je demande au ministre des Finances d'aller de l'avant avec le projet de loi 75 qui va nous permettre vraiment d'innover et d'être à l'avant-garde au Québec, mais j'incite très fortement le ministre des Finances, qui est responsable devant le gouvernement de tout ce secteur, à aller de l'avant avec d'autres mesures du même genre, ce qui va permettre au Québec de faire sa place et permettre aussi aux centaines et aux milliers de jeunes qui sortent de nos universités, de nos cégeps, de nos écoles, et qui ont une orientation du côté économique de pouvoir s'affirmer dans le futur. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Ungava.

M. Marcel Lafrenière

M. Lafrenière: Merci, M. le Président. Nous discutons aujourd'hui de la loi modifiant la Loi sur les assurances et d'autres dispositions législatives. Ce projet de loi a pour objet d'élargir les pouvoirs des compagnies d'assurances et d'adopter, en conséquence,

les règles de surveillance et de contrôle de ces institutions financières. Ce projet favorisera leur expansion en leur permettant d'offrir un éventail plus varié de services et de diversifier leur orientation.

Il est vrai que ce projet de loi modifie profondément les cadres juridiques connus en ce qui a trait aux compagnies d'assurances. En effet, lorsque la réglementation des institutions financières a commencé à se préparer au cours du siècle dernier, au Québec comme un peu partout dans le monde, cette réglementation s'est articulée autour de deux objectifs fondamentaux. Tout d'abord, protéger le consommateur et instaurer la confiance dans le système financier. Deuxièmement, permettre aux différentes institutions financières de répondre aux besoins de l'offre et de la demande de capitaux sur la base d'une saine compétition. Ces objectifs ont été atteints par l'institution du principe de la séparation des fonctions. Il existait alors des besoins précis auxquels le respect de ces principes permettait de répondre, comme le financement industriel et commercial, l'administration fiduciaire ou la protection de l'assurance.

À la fin des années soixante, en 1969, le gouvernement fédéral terminait la refonte de la Loi sur les banques et permettait à ces institutions d'envahir le champ du prêt hypothécaire et du prêt à la consommation en levant la limite imposée sur les taux d'intérêt qui pouvaient être demandés. La conséquence directe en fut la quasi-disparition des compagnies de finances et le déclassement des compagnies d'assurances comme rivales des banques. Les banques ont vu ainsi leurs pouvoirs libéralisés et ont pu envahir les champs d'activité nouveaux alors que les autres institutions financières ne pouvaient riposter à cause des contraintes légales qui continuaient de s'appliquer à elles. De plus, certains besoins identifiés au siècle dernier n'ont plus la même importance aujourd'hui, que ce soit l'administration fiduciaire, qui ne représente plus la principale activité des compagnies de fiducie, ou la protection d'assurances largement assurée aujourd'hui par les régimes d'Etat ou par des régimes d'avantages sociaux offerts par les employeurs qui ne sont pas toujours assurés.

Les compagnies d'assurance-vie étaient spécialisées dans la collecte d'épargne à long terme et leurs contrats garantissaient un rendement fixe sur de longues périodes. Exemple, les contrats individuels de rentes. Avec la flambée des taux d'intérêt, les compagnies d'assurances, qui n'ont pas le droit d'accepter de dépôts, ont été coincées par les compagnies de fiducie et les banques autorisées à participer au régime enregistré d'épargne-retraite. Enfin, la population manifeste des besoins d'assurances qui s'orientent vers d'autres besoins d'épargne que les compagnies d'assurance-vie pourraient combler à cause de leur expertise, de leur force de vente et de l'ampleur encore intéressant de leur actif, pour peu que le législateur leur permette d'acquérir une certaine polyvalence. Le projet de loi fait donc partie d'une importante réforme des institutions financières entreprise au Québec depuis 1981. La nécessité de revoir les lois en matière d'institutions financières est apparue clairement avec le dossier des caisses d'entraide économique. Il y a eu aussi la création du bureau de l'inspecteur général des institutions financières qui a mis en place un système de surveillance et de contrôle unifié de diverses institutions financières exerçant leurs activités au Québec. Ce regroupement permet d'envisager une plus grande polyvalence des institutions québécoises sans que le public épargnant risque d'être lésé.

Déjà la Loi sur les valeurs mobilières et la Loi sur l'assurance-dépôts ont été revues. Comme annoncé, d'ailleurs, par le député de l'Assomption, la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit et la loi sur les fiducies seront modernisées au plus tard cette année et l'an prochain pour compléter le tout. Ce projet devrait permettre le décloisonnement entre les quatre principales sortes d'institutions financières: banques à charte, sociétés de fiducie, compagnies d'assurances et compagnies de valeurs mobilières. Le projet de loi propose donc qu'une compagnie d'assurances ne soit autorisée à pratiquer, en sus des catégories d'assurances prévues à sa charte, que des activités relevant clairement de la juridiction québécoise, comme des activités fiduciaires, des activités de financement de primes, de mise en marché de produits, d'autres institutions ou d'autres activités autorisées par le ministre.

Par le biais des filiales, les compagnies d'assurances pourraient diversifier leurs activités. Traditionnellement, on a considéré que les actifs des compagnies d'assurances devaient servir à la protection des assurés et qu'en conséquence ils ne devraient pas être engagés au profit d'autres créanciers. Cette notion a pris des proportions telles que le financement des compagnies d'assurances, spécialement des compagnies mutuelles est devenu très difficile. En effet, par définition, une compagnie mutuelle, est une compagnie sans capital-actions. Or 15 des 33 compagnies québécoises et parmi les plus importantes sont des compagnies mutuelles. Il faut donc tenter d'innover pour enrayer la difficulté, introduire une forme de capitalisation sans renoncer au caractère mutualiste des entreprises. (16 h 20)

Dans le cas des compagnies à capital-actions, la diversification peut se faire au

sein d'un groupe dirigé par un holding. Toutefois, dans le cas d'une compagnie mutuelle d'assurances, l'absence de capital-actions empêche la participation à un groupe. Or, nos principales compagnies d'assurances, comme je viens de le mentionner, sont des compagnies mutuelles. Cet aspect prend donc une importance primordiale. Le projet de loi devrait donc permettre aux compagnies d'assurances sur la vie d'avoir accès à des sources de capitalisation à la mesure de leurs activités. Elles seront, en effet, autorisées à émettre des actions privilégiées. D'ailleurs, les modifications récentes au règlement d'application de la Loi sur les assurances visaient aussi à permettre à ces compagnies de créer des holdings en aval, connus aussi sous l'expression de "downstream holdings". Ces holdings permettraient de créer des compagnies destinées à gérer leurs placements, tout en étant autorisées à émettre du capital-actions. Avec le décloisonnement des activités, le contrôle de l'actif et du passif de chacune des compagnies d'assurances deviendrait primordial. Il est donc nécessaire de se donner des moyens d'intervention rapides et efficaces pour pallier toute situation d'insuffisance avant que la situation ne devienne alarmante.

En assurance générale, la stabilité financière des compagnies est un problème constant. Cette industrie est soumise à des soubresauts cycliques. Depuis quelques années, on parle beaucoup d'exiger que les réserves en assurance générale soient établies par les actionnaires, responsables de l'évaluation comme c'est le cas en assurance de personnes. Il s'agit d'une évaluation souhaitable qui répond à un besoin, non seulement d'une certification professionnelle de réserve, mais aussi d'une divulgation complète des données, méthodes et hypothèses sous-jacentes à leurs calculs. Le projet de loi oblige tous les assureurs à former un comité de vérification au sein de leur conseil d'administration et à en aviser sans délai l'inspecteur général des institutions financières de la division du non-renouvellement de mandat et de la destitution en cours de mandat du vérificateur ou de l'actuaire responsable de l'évaluation. Selon le projet de loi, les courtiers de compagnies d'assurances devront comme les compagnies d'assurances sur la vie, maintenir des réserves certifiées par un actuaire responsable de l'évaluation. En outre des états requis par la loi, tout assureur devra fournir sur demande de l'inspecteur général les états de renseignements supplémentaires qu'il estime nécessaires.

Je voulais souligner quelques-uns des changements importants introduits par le projet de loi. En terminant, je ne saurais passer sous silence que cette réforme est une autre manifestation de la préoccupation du gouvernement du Québec à l'égard de l'assouplissement de la loi ou, pour reprendre un terme cher au député de D'Arcy McGee, de notre volonté de déréglementer le secteur des institutions financières. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des Finances, dans votre droit de réplique.

M. Jacques Parizeau (réplique)

M. Parizeau: M. le Président, pour terminer ce débat en deuxième lecture au sujet d'un projet de loi dont nous avons eu l'occasion, je pense, de constater l'importance aujourd'hui, je voudrais revenir à l'intervention du député de Notre-Dame-de-Grâce qui était le premier intervenant de l'Opposition et qui posait un certain nombre de questions quant aux intentions sous-jacentes du projet de loi. Il demandait, d'autre part, un certain nombre d'éclaircissements. Je pense qu'un bon nombre des questions qu'il a posées présentent beaucoup d'intérêt et si on me le permet, en réplique, j'aimerais essayer de répondre aux questions qu'il avait soulevées. Je ne voudrais d'ailleurs pas trahir l'expression qu'il a donnée de certaines questions et si, à un moment donné, pour une raison ou pour une autre, le député de Notre-Dame-de-Grâce pense que je ne traduis pas correctement sa pensée et qu'il veut me corriger, je l'accepterai très volontiers au fur et à mesure que le discours se déroulera.

La première question qui a été soulevée, je pense, avait trait à la facilité ou à la possibilité pour des compagnies sous juridiction québécoise qui sont de taille tout à fait différente de profiter également des dispositions de la loi. Il est tout à fait clair que de très grandes sociétés - je pense à l'Industrielle ou à la Laurentienne - vont profiter des dispositions de la nouvelle loi. Sans aucune espèce de difficulté, elles pourront s'adapter très rapidement. Mais ce que soulevait le député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est dans quelle mesure une société qui, par exemple, aurait 50 000 000 $ d'actif est capable d'en profiter autant. Est-ce qu'on ne va pas créer une sorte de déséquilibre entre les deux catégories?

Pour une part, je pense qu'il est inévitable qu'il y ait une sorte de déséquilibre de cet ordre-là, simplement parce qu'il est dans la nature des choses qu'une petite entreprise ne peut pas avoir autant de facilité à se diversifier qu'une très grande. Cependant, il ne faut pas oublier que beaucoup de ces petites sociétés ont comme caractéristique de fonctionner dans les régions, auprès de clientèles qui sont relativement bien circonscrites. Elles ont probablement le même intérêt, ces sociétés plus petites, à fournir une grande variété de

services à cette clientèle très circonscrite ou dans la région où elles oeuvrent. Je pense qu'il ne faut pas tenir pour acquis qu'il y aurait une sorte de déséquilibre trop prononcé dans l'utilisation de la loi.

La deuxième question qui a été soulevée avait trait à ces sociétés, québécoises indiscutablement, mais qui ont une charte fédérale. Qu'est-ce qui va leur arriver? L'exemple donné par le député de Notre-Dame-de-Grâce était l'Assurance-vie Desjardins, L'Assurance-vie Desjardins, pour diverses raisons - il y a fort longtemps d'ailleurs - a effectivement eu une charte fédérale. La charte fédérale est un peu comme une trappe à homards. Il est très facile de l'obtenir. On l'obtient sur simple demande, mais, pour la changer, il faut une loi privée à Ottawa. On aura noté d'ailleurs que dans la loi 75, nous prévoyons une disposition en vertu de laquelle une société qui voudrait changer de charte, enfin, changer le lieu de sa charte, pourrait, sur simple demande, être admise à une charte québécoise.

Cependant, il n'y a pas de doute que les avantages de la loi 75 sont tellement grands que certaines sociétés qui fonctionnent au Québec, dont l'essentiel des activités se fait au Québec, auraient probablement un avantage ou découvriront assez rapidement un avantage à avoir une charte québécoise. Je vous avouerai que je ne vois pas beaucoup d'autres solutions que de simplement faire en sorte qu'elles demandent un projet de loi privé à Ottawa, pour changer le lieu de leur charte. Je ne serais pas étonné que cela se fasse. Il faudra, je pense, considérer cela comme quelque chose de tout à fait normal, si cela se produit et quand cela se produira.

Il faut bien comprendre que la loi 75 ne peut pas s'appliquer à autre chose qu'à des sociétés qui sont sous la juridiction du Québec; autrement, nous poserions un geste qui violerait à la fois la constitution et les lois du pays. Je ne pense pas que cela pose de problème sérieux, sauf celui d'avoir à demander un projet de loi privé à Ottawa, en disant: Nous ne voulons pas avoir notre charte d'Ottawa mais plutôt l'avoir de Québec.

J'ai actuellement quelques exemples. J'ai un certain nombre de réactions de sociétés à charte fédérale, dont je sais qu'elles se posent sérieusement la question de savoir où leur charte devrait être localisée dorénavant.

La troisième question était très importante. Il s'agit essentiellement de ceci: Si nous déréglementons, dans le sens que je donnais à cette expression ce matin, entre les institutions financières non bancaires, est-ce qu'il ne sera pas normal que les banques demandent le même genre de déréglementation et puissent entrer dans ce genre de secteur? Je pense: Oui, effectivement. Je pense qu'on aurait tout à fait tort de s'imaginer qu'on va déréglementer entre un certain nombre d'institutions financières et que l'on tenterait une sorte d'opération pour empêcher les banques, si tant est qu'elles puissent obtenir cela d'Ottawa. Là, évidemment, nous n'avons rien à dire comme gouvernement de province à cet égard, mais, enfin, il serait tout à fait paradoxal que, comme gouvernement de province, nous cherchions à exercer des pressions pour décider Ottawa à ne pas permettre aux banques à charte de diversifier leurs activités. Je pense qu'il faut une certaine cohérence ici. Dans la mesure où on juge que la concurrence est profitable aux consommateurs, il faut qu'elle s'applique aux quatre piliers, non pas seulement à trois sur quatre. Il y a simplement une question à la fois de logique et de cohérence et de savoir quel objectif on poursuit. (16 h 30)

Le député de Notre-Dame-de-Grâce a examiné un certain nombre de dispositions très spécifiques de la loi, en particulier, de l'article 33.1. Je pense ici pouvoir lui fournir un certain nombre de réponses qui me paraissent, dans le temps qui m'est imparti, peut-être un peu simples, mais que nous pourrons poursuivre en commission davantage quand nous examinerons ces articles l'un après l'autre.

La première question a trait à la perception directe de dépôts. J'ai indiqué que cela ne me paraissait pas très mûr ni acceptable pour le moment que les institutions financières non bancaires acceptent directement des dépôts. Qu'elles achètent une société habilitée à recevoir des dépôts, qu'elles en prennent le contrôle, oui, très bien, mais pas pour recevoir des dépôts directement.

La position à cet égard demeure. Évidemment, dans l'article 33.1, il est prévu qu'une société financière pourra vendre le produit d'une autre institution financière. En somme, rien n'empêcherait une compagnie d'assurances de dire à telle banque: Voulez-vous installer une succursale dans mes locaux? Bien sûr. Est-ce que vous m'autorisez à vendre en votre nom certains produits? Bien sûr. Mais là, il faut bien comprendre qu'il s'agit d'un contrat passé par une institution financière avec une autre institution financière et, sur le plan de la gestion, cela reste tout à fait distinct.

Si je comprends bien l'interrogation du député de Notre-Dame-de-Grâce, il disait: Oui, mais pourtant, à un endroit dans la loi paraît cette idée qu'une institution financière peut recevoir des dépôts. Ce n'est pas tout à fait ça. L'allusion qu'il faisait à cet effet à l'un des paragraphes de l'article 33.1 est que l'institution financière peut assurer des services de dépôt et de garde de

valeurs. Il y a une ambiguïté terrible là-dedans, il faudra qu'en commission on examine cela. Ce que je veux dire ici, ce n'est pas le dépôt d'argent, c'est le dépôt de valeurs et leur garde. Peut-être qu'effectivement la rédaction est ambiguë; il faudra la corriger.

Je note que dans la traduction anglaise du texte, c'est encore plus ambigu. J'ai eu un certain nombre de représentations à cet égard et il est clair qu'on doit corriger cela. Ce que l'on veut dire ici, c'est le coffret de sûreté, ce n'est pas le dépôt bancaire.

Autre question, toujours dans l'élargissement des champs d'activité des sociétés d'assurances. Il y a une ambiguïté ici. Je pense que le député de Notre-Dame-de-Grâce est sous l'impression qu'une société d'assurances pourrait exercer tous les pouvoirs d'une société de fidéicommis et sans limite. Il ne s'agit pas de cela. Nous avons essayé d'être aussi clairs que possible; s'il faut l'être davantage, on le sera encore. Il s'agit de pouvoirs de fidéicommis complémentaires qui découlent d'autres lois que la fidéicommis proprement dite; par exemple, des lois fiscales, l'administration des REER. Il ne s'agit pas, pas pour l'instant en tout cas, de donner tous les pouvoirs d'une compagnie de fidéicommis à une compagnie d'assurances, mais un certain nombre de pouvoirs de fidéicommis et, en particulier, des pouvoirs qui relèvent d'autres lois comme les lois fiscales.

Une autre question qui a été soulevée a trait au pourcentage établi dans la loi quant à la répartition des actifs. On me demandait de justifier chacun de ces pourcentages. Là, je pense qu'on serait peut-être mieux de faire cela en commission, compte tenu du temps qui m'est imparti. Il faudrait qu'on prenne chacun des pourcentages; je pense pouvoir fournir un certain nombre de justifications, d'explications pourquoi chacun de ces pourcentages est ce qu'il est et pas autre chose. Cela me paraîtrait un peu difficile, cet après-midi, de reprendre chacun des pourcentages un à un. On fera sûrement cela en commission. Il devrait y avoir moyen de satisfaire nos amis d'en face de l'utilité et du bien-fondé d'un bon nombre de pourcentages que nous avons mis dans ce projet de loi.

Autre question qui a été posée: Pourquoi donne-t-on aux compagnies mutuelles d'assurances sur la vie le droit d'émettre des parts privilégiées, alors que le holding en aval a aussi le droit de faire la même chose? Là, on revient à une des observations antérieures qui avaient été faites où on disait: Est-ce qu'une compagnie de 50 000 000 $ d'actif va pouvoir profiter de la loi autant qu'une compagnie qui a 3 000 000 000 $ d'actif? Une compagnie ayant 3 000 000 000 $ d'actif va avoir un avantage indiscutable à organiser un holding en aval et, vraisemblablement, va faire émettre les parts privilégiées à ce niveau, alors que la compagnie qui n'a que 50 000 000 $ d'actif peut trouver un intérêt, évidemment, à émettre les parts privilégiées directement. On ouvre donc les deux portes, parce qu'on se rend très bien compte qu'il peut y avoir des situations différentes à cet égard.

Il faut bien comprendre que puisque la loi n'oblige pas, qu'elle permet l'émission d'actions privilégiées à deux niveaux, il n'y a pas de raison de s'inquiéter des conséquences susceptibles de se produire. Chacune des compagnies déterminera à quel niveau elle veut intervenir.

On m'a posé une autre question quant à l'uniformisation des critères applicables aux compagnies d'assurance-vie et aux compagnies d'assurances générales. Pourquoi sont-ils les mêmes? En effet, je reconnais ici qu'on pourrait avoir des critères différents, sauf que dans une optique de déréglementation, cela paraîtrait un peu bizarre, cela irait vraiment dans le sens contraire du mouvement. D'autre part, il faut bien reconnaître que, dans l'ensemble, ces compagnies d'assurance-vie ou d'assurances générales ont été traitées jusqu'à maintenant de façon assez uniforme quant aux critères. Rétablir une distinction entre les deux catégories de compagnies ne me paraît pas nécessairement approprié.

Je pense que le député de Notre-Darne-de-Grâce avait tout à fait raison de souligner que dans le cas des mutuelles, les exigences administratives qu'on leur imposait à l'égard de leurs propriétaires, c'est-à-dire les propriétaires de polices, les exigences administratives quant aux convocations d'assemblée ou de choses comme cela étaient vraiment trop lourdes. Depuis que le projet est connu publiquement, on nous a fait un certain nombre de représentations à cet égard et nous avons accepté de faire des modifications. L'Opposition recevra probablement à la fin de l'après-midi ou demain matin au plus tard les papillons qui ont trait à ces amendements. Je pense qu'en tout état de cause, l'observation du député de Notre-Dame-de-Grâce était parfaitement justifiée.

Il me reste à discuter de deux ou trois questions qui sont de nature un peu différente. On fait beaucoup état, parmi ceux qui trouvent que la loi 75, et, d'une façon générale, la déréglementation, qu'elle se fasse aux États-Unis ou qu'elle se fasse ici, va trop vite et va peut-être un peu trop loin. On fait grand état de la question des conflits d'intérêts. Lorsqu'on parle de conflits d'intérêts au niveau des entreprises - je ne parle pas ici du service public ou de la vie politique dans laquelle on vit - il y a des situations de fait qu'on ne peut éviter.

Le conflit d'intérêts a une signification

tout à fait différente. Mais cela garde un sens assez spécifique à l'égard des activités de fiduciaires, par exemple, indiscutablement. C'est une des raisons pour lesquelles il me paraît tellement important que la déréglementation procède surtout par filiale plutôt que par activité directe. On aura noté dans ce projet de loi que, dès que les activités autres que les activités jusqu'à maintenant traditionnelles d'une société d'assurances dépassent 2% du chiffre d'affaires, le ministre peut imposer l'établissement d'une filiale. L'établissement de filiales présente un avantage. C'est que les rapports deviennent plus facilement observables et que les contrôles, les examens deviennent beaucoup plus faciles à faire. Dans ce sens, tout en reconnaissant, premièrement que, dans le cas d'institutions financières existantes, le conflit d'intérêts est très fréquent, qu'il peut y avoir une sorte d'élargissement de ce problème par la déréglementation, je pense qu'il y a, dans la mesure où on continue de mettre l'accent sur les filiales et le contrôle des filiales par les autorités publiques, moyen de réduire le problème assez substantiellement. Pas complètement; je ne serais pas prêt à dire qu'on peut le réduire complètement, mais je ne vois pas, de toute façon, comment, même dans la vie de tous les jours et dans l'état des lois existantes, on pourrait éviter ces conflits totalement.

Le député de Notre-Dame-de-Grâce posait une question tout à fait pertinente à l'égard des intermédiaires dans le domaine des assurances. La loi, telle que nous l'avons devant nous, porte sur les compagnies d'assurances. Il est évident que le gouvernement reçoit des pressions depuis fort longtemps de groupes d'intermédiaires, agents d'assurances, courtiers d'assurances - essentiellement courtiers d'assurances d'ailleurs pour modifier leurs pouvoirs, pour modifier les rapports que ces courtiers peuvent avoir entre eux, d'une part, et entre les compagnies, d'autre part.

M. le Président, c'est une question à laquelle je ne peux pas toucher et je préfère être ici tout à fait candide à cet égard comme, pour des raisons essentiellement familiales - je suis né dans un milieu de courtiers d'assurances; je suis dans cette famille, dans la famille à laquelle j'appartiens, une sorte de mouton noir; ils sont tous courtiers - ce serait, pas crédible, en un certains sens invraisemblable que, comme ministre, je m'adresse à des questions qui touchent ce genre de personnes. Ce que j'ai dit d'ailleurs, de façon très générale, à tous ces milieux - et j'adopte exactement la même attitude à leur égard que je peux adopter en cette Chambre - c'est: Attendez le prochain ministre; vous verrez cela avec lui, à moins qu'il y ait un consensus. C'est-à-dire que je n'hésiterais pas à venir en cette Chambre proposer des amendements, à un moment donné, à la loi qui régit ces personnes si un consensus apparaissait et était facile à démontrer, mais, autrement, on comprendra, M. le Président, pour des raisons évidentes, que, là, je dois dire: Suite au prochain ministre.

M. le Président, il reste une question que je voulais traiter rapidement, mais de façon quand même suffisamment accentuée, et qui a trait à l'inspection et au contrôle, par les pouvoirs publics, par l'Inspecteur général des institutions financières, de ces nouvelles structures que nous allons voir apparaître.

Comme je le disais ce matin, il me paraît absolument essentiel qu'au nom de l'intérêt public, les contrôles, la surveillance et l'inspection deviennent, d'année en année, le plus accentué possible, le plus rigoureux possible. Nous avons connu un accident très sérieux dans notre société qui a été la crise des caisses d'entraide. Cette crise des caisses d'entraide aura révélé, je pense, à quel point il est fondamental que nous ayons, d'une part, les pouvoirs juridiques nécessaires d'intervention dans le fonctionnement des institutions financières et, d'autre part, l'expertise, le personnel et les connaissances nécessaires pour être capables de suivre ces institutions financières à la piste.

J'ai déjà eu l'occasion de dire en cette Chambre à quel point j'avais été frappé de voir qu'au fur et à mesure des années, l'Inspecteur général des banques à Ottawa a acquis une connaissance du fonctionnement des banques, une qualité de surveillance du fonctionnement bancaire qui est tout à fait exceptionnelle. Le Surintendant des assurances, à Ottawa, pendant des dizaines d'années, a aussi réussi à surveiller de très près le fonctionnement du régime. Qu'il y ait eu des accidents, je n'en disconviens pas. Ce que nous avons cherché à faire au Québec depuis deux ans, c'est d'établir un poste d'inspecteur général des institutions financières qui soit aussi craint - je n'hésite pas à utiliser cette expression - que les deux personnes en poste à Ottawa, dont je parlais tout à l'heure, l'ont été, qui soit aussi efficace dans le travail d'inspection que ce que nous avons été en mesure d'observer à Ottawa depuis plusieurs dizaines d'années.

Lorsque des exemples remarquables apparaissent quelque part, il n'y a pas de raison de ne pas les suivre. Lorsque des lois sont adoptées et fournissent les pouvoirs nécessaires d'inspection, il n'y a pas de raison de ne pas les imiter. Lorsque des structures administratives sont mises au point, qui ont l'efficacité qu'on a vue à Ottawa, je ne vois pas pourquoi on ne viserait pas le même objectif. C'est dans ce sens, comme on le sait, M. le Président, que, depuis deux ans, j'ai adopté une loi à l'égard de l'Inspecteur général des institutions

financières. Nous avons aboli l'ancien ministère. Nous avons modifié la Loi sur l'assurance-dépôts. Il y a toute une série de gestes qui ont été posés, destinés précisément à faire en sorte qu'au moment où la déréglementation commence à prendre une certaine vigueur au Québec, l'inspection, la surveillance des institutions financières, au nom de l'intérêt public, par l'inspecteur général, peut être aussi rigoureuse et aussi efficace que possible.

M. le Président, je pense que mon temps est épuisé. Je remercie l'Opposition de ses remarques et ceux qui en ont fait du côté ministériel. Je conclus ma réplique de cette façon. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que le principe du projet de loi 75, loi modifiant la Loi sur les assurances et d'autres dispositions législatives, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Fréchette: M. le Président, le principe ayant été adopté, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration pour en faire l'étude détaillée. Dans la même motion, je voudrais que la commission soit présidée par un président de séance.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint.

M. Fréchette: Peut-être est-il utile de signaler dès maintenant que l'étude en commission devrait normalement se faire mardi après la période de questions. M. le Président, je vous prierais d'appeler l'article 10) du feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 83 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Jolivet): Article 10). C'est donc l'adoption du principe du projet de loi 83, Loi modifiant le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives. La parole est au ministre de la Justice.

M. Pierre-Marc Johnson M. Johnson (Anjou): M. le Président, le lieutenant-gouverneur a pris connaissance du projet de loi 83 et en recommande l'adoption par l'Assemblée nationale.

M. le Président, le projet de loi 83 que nous étudions aujourd'hui a pour objet principal d'apporter au Code de procédure civile des modifications qui, à nos yeux, sont de nature à réduire les délais préalables à l'audition des causes, principalement en Cour supérieure, et plus particulièrement dans le district de Montréal. Ces mesures se situent dans le prolongement de celles qui étaient apportées en 1982 et 1983 et qui avaient eu pour effet d'augmenter la juridiction de la Cour provinciale, d'augmenter le nombre de juges de la Cour supérieure, de modifier la procédure applicable en matière d'injonction et de recours extraordinaire ainsi que de favoriser une plus grande utilisation de la procédure de l'interrogatoire au préalable.

Avant de nous arrêter sur ces mesures que nous apportons par ce projet de loi, je crois qu'il convient de dresser un tableau de la situation qui a prévalu et qui prévaut toujours à la Cour supérieure et, particulièrement celle qui prévaut dans le district judiciaire de Montréal en matière civile.

En effet, le problème des délais préalables à l'audition n'est pas nouveau. Si on se rapporte aux allocutions prononcées par les différents juges en chef ou juges en chef associés ou adjoints de la Cour supérieure, il s'agit d'un problème chronique qui remonte au moins à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Plus spécifiquement, il ressort qu'au début des années soixante-dix, les délais approchaient déjà près de trois ans à la Cour supérieure à Montréal alors qu'aujourd'hui ils sont globalement inférieurs à deux ans. Cependant, nous savons que cela constitue des moyennes et, à ce titre, ces moyennes ne permettent pas de rendre compte complètement de l'acuité particulière de certains problèmes auxquels la Cour supérieure de Montréal est confrontée actuellement.

Ainsi, en matière familiale, quelque 15 000 demandes de mesures provisoires dans le seul district judiciaire de Montréal sont portées chaque année au rôle de cette cour. On sait que ces demandes portent principalement sur la garde des enfants, sur l'obligation alimentaire et sur l'obligation de cohabitation pendant que les conjoints sont en instance de divorce ou de séparation de corps. En raison de l'importance de ces demandes, de la très forte charge émotive qui se rattache à ce contexte du débat de rupture familiale, on devrait pouvoir normalement entendre ces questions d'une façon urgente. Or, on constate qu'elles ne peuvent l'être avant cinq ou six semaines, lorsqu'elles ne sont pas contestées, et avant près de trois mois, lorsqu'elles sont contestées. On imagine facilement dans quelle situation

difficile sont alors situées les personnes impliquées dans ce qui est déjà une situation assez dramatique sur le plan familial. Ces délais, au lieu de favoriser la conciliation des parties, accroissent les tensions, les tiraillements souvent au détriment des enfants. Dans ces conditions, comment s'étonner que ces délais soient considérés par certains comme une atteinte à leurs droits en tant que justiciables pour ne pas dire un délit de justice. (16 h 50)

De même, en matière civile générale, les délais qui sont préalables à l'audition sont inacceptables. Ainsi, parmi les quelque 5600 causes qui étaient portées au rôle de la Cour supérieure à Montréal en 1983, seulement 30% ont été entendues. Évidemment, 49% ne l'ont pas été parce qu'il y a eu des règlements hors cour, mais il y avait également des désistements pour 21% des cas, ou des désistements dans les 49% que j'évoquais, ou encore 21% qui ont fait l'objet de remise. On constate que des causes ne sont pas près d'être entendues ou n'auraient pas dû être portées au rôle parce qu'elles auraient pu être réglées hors cour. Et tout cela encombre. Les rôles retardent l'audition des causes qui sont réellement, elles, prêtes à être entendues. Il en résulte que le délai préalable à l'audition des causes dont on estime la durée d'audition à deux jours est de plus de trois ans et demi, et celui qui est relatif à des causes dont on estime que la durée d'audition sera entre trois et neuf jours peut être de sept ans et demi. Même les causes urgentes qui sont placées sur un rôle spécial doivent attendre deux ans avant d'être entendues, si la durée prévue de l'audition est de trois à neuf jours. En comparaison, les délais de la Cour provinciale à Montréal sont globalement de neuf mois et demi.

Toutefois, ces problèmes que je viens d'évoquer, si importants qu'ils soient pour justifier notre intervention, ne doivent pas nous amener à conclure que les délais sont généralisés à la Cour supérieure de Montréal ou encore que les délais sont généralisés sur le territoire à toutes les cours supérieures, et ce en toutes les matières. Hormis les deux domaines que je viens de mentionner, à savoir, les mesures provisoires en matière familiale et les catégories de causes civiles exigeant une plus longue durée d'audition, on ne saurait parler d'un problème dans les matières qui touchent l'administration, les faillites, ou la cour de pratique. De même, à la chambre criminelle: on sait que la chambre criminelle, à Montréal en particulier, fait presque l'envie de l'ensemble des autres provinces.

À titre d'exemple, en matière de faillite, les requêtes pour libération sont entendues en trois semaines. Dans le cas des assises criminelles, deux mois. Dans le cas des procès de nouveau en Cour supérieure, deux semaines, sans compter, on le sait, nous n'y touchons pas ici, le remarquable travail qui a été fait à la Cour des sessions de la paix, depuis un certain nombre d'années. La Cour des sessions, en particulier, encore une fois, dans le district très encombré de Montréal, fonctionne à un rythme beaucoup plus qu'acceptable, à un rythme remarquable. C'est donc à la situation particulière qui touche les délais en matière familiale ou en matière civile générale à la Cour supérieure et plus particulièrement à Montréal que nous tentons de remédier par ce projet.

Quels sont les moyens que nous nous donnons? Nous apportons, notamment, une augmentation du nombre de juges à la Cour supérieure de district. Il est évident qu'avec un nombre accru de juges, la Cour supérieure de Montréal pourra entendre un plus grand nombre de causes, pourra donc ainsi réduire les délais préalables à l'audition, dont j'ai fait état tout à l'heure. Cependant, l'expérience des dernières années a démontré que cette mesure ne saurait à elle seule s'avérer efficace, en raison d'une situation qui s'est malheureusement constamment maintenue au fil des années. Ainsi, tous s'accordent à déplorer le fait que trop souvent une partie tente de prendre par surprise l'autre partie, ce qui n'encourage pas les parties à divulguer leurs preuves réciproquement. Un tel système n'est pas de nature à inciter les parties à se parler, à échanger des informations et à rechercher des règlements à l'amiable.

Faute de dispositions précises au Code de procédure civile, des causes qui ne sont manifestement pas prêtes à être entendues sont portées au rôle, ce qui retarde l'audition des autres causes qui, elles, pourraient être entendues. Un des objectifs importants, donc, de ce projet de loi vise à amener les parties à préparer réellement leur cause à l'avance et à divulguer l'ensemble de la preuve qu'elles entendent présenter et, donc, de produire tous les documents au soutien de leurs prétentions. Le dossier étant alors complet, les parties seront à même de mieux circonscrire le débat, d'évaluer le bien-fondé de leur cause et de décider avant même la mise au rôle si elles doivent passer à l'étape de l'audition ou, au contraire, en arriver à un règlement hors cour ou se désister.

Dans une allocution qu'il prononçait devant l'Association du Jeune Barreau de Montréal en 1981, M. le juge en chef Jules Deschênes, à l'époque, faisait de cette obligation de bien préparer sa cause un des premiers devoirs qui s'imposent au procureur. "L'observance, disait-il, de ce commandement implique des conversations antérieures avec l'avocat adversaire, une entente sur des questions non contestées, l'échange de documents, toutes choses extrêmement

recommandables." Et il soulignait: "Le temps des surprises est passé."

Pour parvenir à cet objectif, le projet de loi vient donc préciser le pouvoir des juges d'adopter des règles de pratique qui touchent la mise au râle des causes et le délai de production des documents. Ces règles de pratique pourront prévoir, selon les besoins particuliers d'une cour ou d'un district judiciaire, l'obligation qui est faite aux parties de produire un certificat d'état de cause, fixer les conditions et les modalités de la production de ce certificat ainsi que préciser les documents qui doivent être préalablement produits. C'est ainsi, par exemple, que les rapports médicaux ou les rapports d'un employeur sur l'état du traitement d'un employé, les dépositions d'interrogatoires préables, les rapports d'examens médicaux et les rapports de témoins experts devront être produits au greffe dans le délai et suivant les conditions et les modalités prévues dans les règles de pratique, à moins, évidemment, que le tribunal n'en décide autrement dans un cas particulier, cette disposition étant là pour assurer plus de souplesse.

L'obligation qui est faite aux parties de produire préalablement tous les documents au soutien de leurs prétentions, donc, de procéder à la divulgation préalable de leur preuve est, j'en suis conscient, une nouvelle façon de procéder qui impliquera un changement réel dans la pratique quotidienne des avocats, en général, et dans la mentalité de celles et ceux d'entre eux qui s'opposent à la divulgation préalable des preuves. Cependant, dans la mesure où les causes ainsi préparées à l'avance pourront être entendues rapidement, je peux affirmer qu'il y a, à cet égard, un consensus qui, on le sait, tant chez les juges que chez les avocats, dans le cas de la préparation de ce projet de loi, a fait l'objet de longues consultations par celui qui vous parle. Par ailleurs, la divulgation préalable des preuves aura un effet positif sur le déroulement de l'instruction en permettant aux parties d'évaluer d'une façon plus réaliste leur cause et en favorisant des règlements hors cour avant la mise au rôle. De plus, le certificat d'état de cause étant plus complet et permettant une meilleure appréciation du temps d'audition des causes, le maître des rôles pourra alors préparer les rôles d'une façon plus réaliste. Quant aux causes qui se rendront à l'étape de l'enquête et audition, la durée de leur instruction s'en trouvera donc diminuée. Dans ce contexte, il y a lieu de s'attendre à une réduction qu'évalue, en particulier, le juge en chef Gold de la Cour supérieure du Québec à environ 30% du nombre des causes qui, actuellement, sont portées au rôle et font, par la suite, l'objet d'un règlement hors cour ou d'un désistement. À moyen terme, il est donc permis d'espérer, grâce à cette mesure, une réduction équivalente des délais qui sont préalables à l'audition, dans la mesure où la cause dans laquelle ils sont impliqués en matière civile est portée au rôle et doit avoir une audition, les justiciables obtenant ainsi, je crois, un meilleur service de l'appareil judiciaire. (17 heures)

Le projet de loi vise également à réduire les délais qui sont préalables à l'audition des demandes de mesures provisoires en matière familiale. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, les demandes en divorce, en séparation de corps, et, généralement, les demandes principales en matière familiale sont habituellement accompagnées de demandes de mesures provisoires qui demandent au tribunal de statuer, entre autres, sur la garde des enfants, sur l'obligation alimentaire et sur l'obligation de cohabitation. Le tribunal ne se prononce alors que provisoirement, afin de sauvegarder les droits en attendant évidemment l'instruction de la cause de divorce ou de séparation.

Les demandes de mesures provisoires constituent environ 60% des 25 000 requêtes qui sont mises annuellement au rôle de pratique de la Cour supérieure en matière familiale dans le district judiciaire de Montréal. L'audition d'une de ces demandes se poursuit parfois sur plusieurs jours. L'encombrement des rôles qui en résulte est tel que, dans ce dernier district judiciaire, encore une fois, il importe de le rappeler, le délai moyen avant que ces demandes, lorsqu'elles sont contestées, puissent être entendues est de plus de trois mois. Encore une fois, nous sommes ici en matière provisoire. Or, il s'agit ici de requêtes qui devraient être entendues d'urgence. Ces longs délais ne contribuent certainement pas à réduire la charge émotive qui est sous-jacente à la plupart de ces procédures en matière familiale. Ils contribuent, au contraire, à accroître, comme je le disais, les tiraillements et les tensions entre les parties qui, à toutes fins utiles, dans bien des cas, ont décidé de mettre un terme à leur vie commune. Ils s'adressent alors à la justice pour assurer, pendant le déroulement de cette procédure, qu'on y sauvegarde les intérêts pécuniaires des uns et des autres ainsi qu'on statue provisoirement sur les droits des enfants.

Les demandes de mesures provisoires impliquent actuellement la présentation d'une preuve qui, parfois, s'étend sur plusieurs jours. Par la suite, cette preuve est reprise lors de l'audition de la demande principale. Il en résulte souvent une répétition, un dédoublement des procédures qui entraîne des délais supplémentaires. De plus, la présentation d'une preuve orale n'est pas toujours de nature à inciter les parties à

bien circonscrire le débat ni à favoriser la conciliation entre elles, notamment dans les questions de nature matérielle au niveau des obligations alimentaires.

Afin de contribuer à une diminution des délais en cette matière, le projet de loi introduit donc, lors de l'audition de ces demandes provisoires, un mode de preuve qui, à nos yeux, sera plus efficace puisqu'il privilégiera la preuve écrite. C'est ainsi que les parties feront leur preuve notamment au moyen d'affidavit qui soit détaillé en établissant tous les faits au soutien de leur prétention. Ce mode de preuve a été introduit en matière d'injonction et de recours extraordinaires par le chapitre 28 des lois de 1983 et s'est avéré un succès. Il devrait en être de même en matière familiale où, tout comme en matière d'injonction, ce sont surtout des questions de fait qui sont en cause ici.

Toutefois, contrairement à la règle qui est applicable en matière d'injonction, où les parties ont le choix entre la preuve par affidavit et la preuve orale, le projet de loi prévoit que la preuve orale sera soumise à l'autorisation du tribunal, sauf, cependant, lorsque la mesure provisoire qui est en cause se rapporte à la garde, à la surveillance ou à l'éducation de l'enfant. Dans ce dernier cas, en effet, les parties pourront présenter une preuve orale sans permission du tribunal, car les mesures qui y sont visées ont habituellement une incidence importante sur le plan humain. Il importe que les parties et leurs témoins aient la possibilité, si elles le désirent, de se faire entendre de vive voix par le tribunal qui statuera sur ces questions.

Quant aux mesures plus économiques, comme le versement d'une pension alimentaire, l'attribution du domicile conjugal ainsi que toute la preuve en termes de besoins comme de revenus que cela sous-tend, les parties devront obtenir l'autorisation du tribunal, si elles veulent recourir à une preuve orale. L'introduction de ce mode de preuve devrait donc contribuer à diminuer les affrontements émotifs entre les parties, à encourager des règlements hors cour et à accélérer l'audition des demandes de mesures provisoires, amenant ainsi la réduction de délais préalables à l'audition.

Par ailleurs, la conférence préparatoire à l'instruction constitue, quant à elle, un instrument très utile pour accélérer l'audition des causes. Celle-ci a pour objet de circonscrire le débat, c'est-à-dire de déterminer quels sont les points en litige et de permettre aux parties d'évaluer la durée probable de l'instruction.

Cette conférence est alors l'occasion pour les parties de faire certaines admissions, d'accepter de réduire à l'essentiel la présentation de leur preuve à l'audience et parfois même d'en arriver à un règlement de la cause sans pour autant qu'il y ait eu audition et procès proprement dit devant le juge.

De plus, dans la mesure où ces conférences sont tenues dans les types de causes où les délais préalables à l'audition sont les plus longs, elles peuvent favoriser une meilleure gestion de la préparation des rôles. La conférence préparatoire constitue donc un excellent instrument de réduction des délais qui sont préalables à l'audition; cependant, certaines lacunes dans son fonctionnement en réduisent actuellement l'efficacité.

Premièrement, cette conférence doit être nécessairement présidée par un juge, ce qui exige donc que celui-ci soit disponible pour ce faire. S'il est disponible pour ce faire, il n'est pas disponible pour entendre des causes. Or, le temps qu'il y consacre en pratique est autant de temps de moins à réserver à l'audition de la cause dont il est saisi.

Deuxièmement, les parties sont tenues de déterminer les points en litige, mais elles ne s'en tiennent malheureusement, parfois, afin de ne pas révéler tous les arguments à la partie adverse, qu'à des généralités, ce qui diminue par définition, encore une fois, l'efficacité du processus de la conférence préparatoire.

Ce projet de loi modifie donc le Code de procédure civile afin de prévoir que la conférence préparatoire puisse être convoquée et présidée non seulement par le juge du procès ou un autre juge désigné par le juge en chef, mais également pour que l'on puisse procéder à la nomination, pour les fins d'une conférence préparatoire, d'un juge à la retraite ou d'un avocat d'un certain nombre d'années de pratique, ceux-ci étant nommés par le juge en chef pour les fins de ces conférences.

Par ailleurs, afin d'amener les parties à discuter le plus précisément possible du litige, le projet de loi vient préciser que cette conférence a pour but de définir non pas les points véritablement en litige, qui est la formulation que l'on retrouve aujourd'hui, mais bel et bien les questions de droit et de fait véritablement en litige et notamment, donc, de discuter de l'opportunité, pour les parties, de fournir la liste des autorités qu'elles entendent soumettre.

Sur le fait qu'une conférence préparatoire puisse être présidée par une personne autre qu'un juge, je voudrais souligner une expérience pilote en cours, encore une fois, dans le district judiciaire de Montréal, à la Cour supérieure. Un certain nombre de juristes éminents, dont d'anciens juges de la Cour suprême ou d'anciens bâtonniers, s'occupent et s'activent à cette expérience. Le bilan définitif ne pourra être dressé que lorsque l'expérience aura pris fin, c'est bien évident, mais les indications

préliminaires que nous avons - c'est ce que nous confirmait le juge en chef Gold lors de nos entretiens - sont extrêmement positives.

Toutefois, l'expérience repose sur une base essentiellement volontaire puisque, en vertu du Code de procédure civile, actuellement, les parties ne peuvent être obligées de se soumettre à la convocation d'une conférence préparatoire que si elle est présidée par un juge. Le fait de permettre à une personne autre qu'un juge de convoquer et de présider des conférences préparatoires permettra donc de réduire de façon systématique l'utilisation de ces conférences quand le besoin s'en fera sentir.

Ainsi, la tenue systématique de conférences préparatoires dans le cas de causes dont la durée prévue d'audition est de trois à neuf jours permettra une réduction des délais, croit le juge en chef, de 20%. Cette réduction n'est pas négligeable si on considère que le délai préalable à l'audition dans cette catégorie de causes était, comme je l'ai mentionné au début, 1983, en Cour supérieure, de sept ans et demi. (17 h 10)

Toujours dans l'optique d'une réduction des délais d'audition en Cour supérieure, le projet de loi propose également une augmentation de la juridiction de la Cour provinciale. Cette cour, comme on le sait, qui abat un boulot assez remarquable, a vu sa juridiction financière augmenter d'une façon connue des membres de cette Assemblée depuis quelques années. Nous porterons donc la juridiction de la Cour provinciale en matière civile de 10 000 $ à 15 000 $. Cependant, nous conserverons l'appel dans le cas des causes de plus de 10 000 000 $ entendues en Cour provinciale.

Afin que cette augmentation de juridiction, qui se traduira notamment en matière civile par une réduction de près de 35% des causes en Cour supérieure qui seront transférées en Cour provinciale, afin, dis-je, que cette augmentation de la juridiction de la Cour provinciale n'occasionne pas un blocage et, à toutes fins utiles, nous fasse passer le problème dans des vases communicants d'une cour à l'autre, nous ferons passer la juridiction de la division des petites créances de cette cour de 800 $ à 1000 $. Il en résultera une réduction de près de 4500 dossiers de la Cour provinciale sur une base annuelle. Ces dossiers seront désormais entendus devant cette division des petites créances et le délai d'audition, on le sait, est plus court, malgré certaines difficultés qu'on a connues

Il y a quelque temps, mais au sujet desquelles des mesures administratives seront prises, notamment au niveau de la médiation.

Le projet de loi modifie également le Code de procédure civile afin de permettre au tribunal de rejeter en tout état de cause une action ou une procédure qui est frivole ou manifestement mal fondée lorsque l'interrogatoire le démontre, ou lorsque la partie qui a intenté l'action ou produit la procédure refuse de se soumettre à un tel interrogatoire. Cette mesure, qui élargit une exception déjà prévue au Code de procédure civile et qui est relative au rejet d'une défense frivole, permettra de réduire le nombre des actions ou procédures qui allongent inutilement l'audition des causes.

Enfin, si je mentionnais précédemment qu'une augmentation du nombre des juges ne constitue pas la seule solution au problème des délais préalables, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit là d'une mesure qui devrait avoir des effets positifs, et le nombre de juges de la Cour supérieure du district de Montréal sera donc porté de 71 à 78.

Telles sont donc les modifications principales que nous proposons au Code de procédure civile afin de contribuer à la réduction des délais préalables à l'audition des causes et, encore une fois, je le dis, en collaboration pour ne pas dire presque à la demande du juge en chef de la Cour supérieure, le juge Gold, et avec je ne dirais pas l'unanimité, peut-être même pas le consensus, mais sûrement le concours à des compromis de l'ensemble des intervenants du monde du barreau et de la magistrature par le biais du comité tripartite qui réunit les représentants du ministère de la Justice, de la magistrature et du barreau.

Je dirai que si cela en dérangeait un certain nombre, qu'on me permette de citer cette phrase du juge en chef Gold récemment. Il disait que "pour réussir, il n'est pas suffisant d'exprimer des voeux pieux, il faut changer les attitudes, les habitudes et les préjugés." Il ne le disait pas, mais il parlait aussi des lois. Mais surtout, disait le juge Gold, "il faut lutter avec acharnement contre la tyrannie du statu quo."

Le projet apporte par ailleurs un certain nombre de modifications à d'autres dispositions qui ne sont pas directement relatives aux délais. Il permet, par exemple, à titre exceptionnel, la représentation des parties par avocats devant la division des petites créances de la Cour provinciale.

Par ailleurs, le projet de loi, sans affecter en lui-même le principe du huis clos, modifie le Code de procédure civile afin de permettre aux juges de déterminer par des règles de pratique les conditions et les modalités d'application du huis clos à l'égard des avocats et des stagiaires. En effet, malgré une décision de la Cour suprême en 1981, qui indiquait que le huis clos ne s'appliquait pas aux avocats et aux officiers de justice lorsqu'ils agissent aux fins de l'administration de la justice, certaines difficultés d'application de cette règle sont survenues et il y a lieu d'y remédier.

Enfin, le projet de loi modifie la Loi sur les connaissements sous deux aspects. D'abord, il simplifie et déjudiciarise les règles de publicité des avis de vente et de l'enchère des biens en stock qui ont fait l'objet d'une cession de façon à ce qu'il ne soit plus nécessaire que les journaux dans lesquels ces avis sont publiés soient désignés par le juge ou le protonotaire. Deuxièmement, compte tenu de l'existence d'un registre central pour tout le Québec des cessions de biens en stock et de la nécessité d'uniformiser les heures durant lesquelles ces cessions peuvent être enregistrées, le projet de loi autorise le ministre de la Justice à fixer, par arrêté ou pour toutes les divisions d'enregistrement, les heures pendant lesquelles ces avis pourront être présentés pour enregistrement. Nul doute que ces modifications permettront une entrée en vigueur prochaine plus harmonieuse des dispositions qui sont relatives aux cessions de biens en stock.

En terminant, M. le Président, je voudrais signaler que je déposerai un amendement au projet de loi 83 afin de modifier le Code civil en ce qui concerne les baux emphytéotiques. Je n'ai pas à vous rappeler l'importance qu'a prise, depuis un certain nombre d'années, cet instrument juridique qu'est le bail emphytéotique dans la réalisation de projets d'envergure de nature immobilière au Québec. Il suffit de mentionner, pour s'en convaincre, Place Desjardins, Place Ville-Marie, Bonaventure ou Dupuis, Jardins Mérici ou aménagement du mont Sainte-Anne. Il est commun, dans la pratique des baux emphytéotiques, de stipuler diverses clauses qui imposent au preneur ou au locataire certaines obligations reliées notamment au paiement des taxes, aux assurances, au partage des indemnités d'expropriation, à la cession de ses droits ou à la sous-location.

Or, la Cour d'appel du Québec, dans un récent jugement, a décidé qu'un bail emphytéotique ne peut contenir de dispositions limitant ou restreignant les droits de propriété du preneur emphytéotique pour la durée du bail. De telles dispositions seraient incompatibles avec la notion de bail emphytéotique et il en résulterait que la quasi-totalité des baux ainsi contractés dans les 20 ou 30 dernières années pourraient être considérés comme des baux ordinaires. La situation juridique des parties actuellement liées par un tel contrat est donc absolument bouleversée par ce jugement et, en effet, puisque ces baux sont considérés comme des baux ordinaires, le preneur n'a donc acquis que des droits personnels et ne pouvait consentir de sûreté sur le fond. Quant à ceux qui envisagent d'avoir recours au bail emphytéotique, ils en perdent la possibilité faute de pouvoir assurer une certaine garantie des droits du bailleur.

L'insécurité juridique de cette situation n'est pas de nature à rassurer les investisseurs immobiliers. Or, ne pas intervenir aurait pour effet de laisser les parties incertaines sur leurs droits et les créanciers incertains sur leurs créances. C'est pourquoi l'amendement au projet de loi proposera de reconnaître la pratique actuelle du bail emphytéotique et de rendre compatibles avec la nature de ce bail les dispositions restrictives au droit de propriété du preneur. Cet amendement viserait non seulement les contrats qui interviendront à l'avenir, mais également ceux qui sont en cours d'exécution. Somme toute, l'amendement proposé déclare quel a toujours été l'objet du droit à cet égard, étant compatible avec l'intention des parties lors du contrat.

Les mesures qui sont donc contenues dans ce projet de loi apportent des solutions concrètes, notamment à cet important problème des délais préalables à l'audition devant nos tribunaux, et devraient favoriser à nos yeux une meilleure administration de la justice au profit des justiciables du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de D'Arcy McGee. (17 h 20)

M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, M. le Président. Le projet de loi 83 est intitulé, Loi modifiant le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives. Le but de ce projet de loi est bien décrit aux notes explicatives, au premier paragraphe, et je cite: "Ce projet de loi a pour objet principal de modifier le Code de procédure civile afin de réduire les délais préalables à l'audition des causes, notamment en Cour supérieure." Pour vraiment compléter ce paragraphe, il faudrait ajouter: dans le district de Montréal.

M. le Président, l'Opposition a soulevé ce problème des délais à maintes reprises. L'Opposition a eu à rendre publics des documents et des conférences de presse pour souligner ce problème. Nous avons à Montréal, en matière civile, une justice escargot. Avec ce projet de loi, le ministre n'est guère sorti de sa coquille. En effet, le ministre est bien timide dans ses réformes. Je ne veux pas être dur pour le ministre parce qu'il est nouveau à ce poste. Ce n'est pas lui qui est vraiment responsable de ce projet de loi. C'est un projet de loi qui, j'en suis sûr, était déjà au ministère quand il a été nommé ministre.

Ce gouvernement est maintenant au pouvoir depuis sept ans. Ils avaient un ministre de la Justice, le député de Chicou-timi, qui a été ministre de la Justice pendant sept ans. Depuis sept ans, nous

n'avons jamais vu un plan d'ensemble, un plan cohérent en ce qui concerne l'administration de la justice, l'administration des palais de justice et l'administration de la justice par rapport aux délais. Depuis que je suis député à l'Assemblée nationale, depuis presque cinq ans maintenant, à chaque session, le ministre vient avec un petit projet de loi pour faire des modifications au Code de procédure civile ou au Code civil ou, même, il fait des modifications au bill omnibus qu'il dépose à chaque session. Mais ce sont des réformes de "patchage". C'est pour boucher un trou ici et là. Le ministre n'a jamais présenté un plan d'ensemble, un plan cohérent. Je pense qu'on souffre de cela maintenant.

En mai 1982, l'Opposition a rendu public un rapport intitulé "Les lenteurs de la justice, une injustice." Je répète que c'était en mai 1982. Le ministre - pas ce ministre-ci, mais son prédécesseur - a déjà donné suite à un certain nombre de suggestions de l'Opposition. Le 5 janvier 1984, l'Opposition a produit un deuxième rapport qu'elle a intitulé "La Cour supérieure de Montréal, une justice difficilement accessible." Dans ce rapport de janvier 1984, nous avons cité un certain nombre de chiffres en ce qui concerne les délais à la Cour supérieure de Montréal. Ce sont des chiffres que nous avons eus du ministère de la Justice. Par exemple, nous avons souligné qu'en matière civile il y avait des délais de 88 mois. Je pense que c'est un peu exagéré d'avoir des délais de 88 mois, mais nous avons souligné toutes ces statistiques qui se trouvent dans ce rapport.

M. le Président, cela me gêne de répéter ce que l'ancien ministre de la Justice a donné en réponse à ce rapport. Cela me gêne parce que l'ancien ministre de la Justice a blâmé tout le monde. Sa réaction était que les délais étaient la faute de tout le monde, la faute des avocats, la faute de l'Opposition, la faute des justiciables, mais ce n'était pas la faute du ministre de la Justice. On voit aujourd'hui que le ministre de la Justice a une certaine responsabilité en ce qui concerne ces délais et même si l'ancien ministre de la Justice, au mois de janvier 1984, n'a pas voulu prendre ses responsabilités en disant: Je vais essayer d'améliorer la situation. On voit aujourd'hui que c'était nécessaire pour lui de déposer un projet de loi et d'essayer de trouver des solutions à un certain nombre de problèmes.

Ce projet de loi traite, comme je l'ai dit, du problème des délais à la Cour supérieure dans le district de Montréal. À mon avis, il y a cinq modifications importantes. J'aimerais discuter de ces cinq modifications. Premièrement, on fait des modifications à ce qu'on appelle communément la Cour des petites créances.

On va augmenter la juridiction de cette cour de 800 $ à 1000 $. Cela ne va pas changer grand-chose parce que la Cour des petites créances est une division de la Cour provinciale; donc, les dossiers seront en quelque sorte acheminés d'un bureau à l'autre dans la même cour. Cela ne va pas changer quoi que ce soit en ce qui concerne les délais. De toute façon, il n'y a pas de problème grave de délais à la Cour provinciale dans le district de Montréal. On prévoit aussi que ce sera possible pour le juge qui siège en Cour des petites créances, de nommer des avocats pour les adversaires, avec un avocat pour la défense, quand il s'agit d'une question de droit et ces avocats seront payés par le gouvernement. De plus, il sera nécessaire, pour qu'on nomme ces avocats, d'avoir le consentement du juge en chef. Je ne sais pas pourquoi on a proposé ces modifications. Le ministre n'en a pas expliqué la nécessité. On n'a pas de préjugé contre et on va poser ces questions au ministre lors de l'étude article par article du projet de loi.

Il y a un autre problème en Cour des petites créances que le ministre n'a même pas soulevé. Prenons la petite et la moyenne entreprise. Supposons qu'on a une petite compagnie et cette compagnie a des créances de 100 $, de 200 $, de 250 $, etc. Si cette compagnie décide de poursuivre pour être payée de ses créances, il faut qu'elle engage un avocat et que l'avocat dépose un bref d'assignation en Cour provinciale, que le bref soit signifié par huissier, etc. Il va de soi que cela coûte cher. Il y a des déboursés. Engager un avocat pour aller en Cour provinciale, cela coûte de l'argent. Pour une créance de 100 $, souvent, cela ne vaut pas la peine. Il arrive que, souvent, les compagnies ne peuvent pas faire valoir leurs droits de poursuivre quelqu'un pour une créance de 100 $, 200 $ ou 250 $. Il y a beaucoup d'individus, de citoyens qui, malheureusement, savent cela et qui se foutent de leurs dettes de 100 $, de 200 $ envers une compagnie parce qu'ils savent qu'en pratique ils ne seront pas poursuivis.

Je pense qu'il faut que le ministre se penche sur ce problème. En effet, j'ai une lettre du cabinet du ministre, datée du mois de février 1984, où quelqu'un dans son cabinet a dit que le ministère va étudier l'opportunité de modifier la Loi des petites créances pour combler le problème que je viens de souligner. J'ai reçu moi-même beaucoup de plaintes d'individus qui sont souvent des propriétaires de compagnie et qui disent qu'il faut que la loi soit changée. J'aimerais aussi demander au ministre de peut-être faire une étude comparative pour voir ce qu'on fait ailleurs, parce que la Cour des petites créances, quoique cela ait été proposé et adopté par un gouvernement libéral il y a une dizaine d'années, n'a pas

été inventée au Québec; cela a plutôt été inventé aux États-Unis. Je pense qu'il serait utile que le ministre commande une étude comparative pour voir comment cela fonctionne dans d'autres provinces et surtout aux États-Unis, dans d'autres juridictions, quels sont les problèmes et comment ils ont résolu les problèmes que je viens de souligner et que nous avons ici.

Deuxième modification. Le ministre a dit qu'on va augmenter la juridiction de la Cour provinciale de 10 000 $ à 15 000 $. Cela aura très peu d'effet sur la Cour supérieure dans le district de Montréal et dans d'autres districts, parce qu'il y a très peu de causes entre 10 000 $ et 15 000 $ qui seront transférées de la Cour supérieure à la Cour provinciale. Peut-être que dans le district de Montréal, cela va éliminer la nécessité d'entendre les causes qui seront entendues par un juge qui travaille à la Cour supérieure à mi-temps, mais cela n'aura pas un grand effet sur le rôle de la Cour supérieure du district de Montréal.

De plus, en augmentant la juridiction de la Cour provinciale comme on le fait, on risque de se heurter à un problème constitutionnel. Vous savez que par la constitution, la Loi constitutionnelle de 1867, on ne peut pas transférer la juridiction ou des causes qui sont de la juridiction de la Cour supérieure à la Cour provinciale; la juridiction que la Cour supérieure a exercée en 1867 ne peut pas être transférée à un autre tribunal comme la Cour provinciale. Il y a un argument, bien sûr, qui permettrait une augmentation de la juridiction de la Cour provinciale. Car il y a une quinzaine d'années peut-être on a augmenté la juridiction de la Cour provinciale de 200 $ à 400 $. Or la Cour suprême du Canada s'est prononcée sur cette augmentation et sur ce transfert de juridiction de la Cour supérieure à la Cour provinciale et, entre autres, les juges de la Cour suprême ont dit que l'Assemblée nationale pouvait faire une telle modification étant donné l'inflation qu'on avait depuis des années. Donc, c'était permis. Depuis, on a augmenté la juridiction de la Cour provinciale jusqu'à 10 000 $ en 1982 et aujourd'hui, on est en train d'augmenter la juridiction de cette cour de 10 000 $ à 15 000 $. Je me demande si nous avons vraiment eu au Québec une inflation de 50% depuis deux ans. Je vais poser cette question au ministre des Finances, mais je pense que c'est peut-être un peu exagéré. J'aimerais seulement m'assurer que le ministre a bien pris la précaution de demander un avis juridique à ses conseillers en ce qui concerne le problème possible de la constitutionnalité d'une augmentation de cette nature en ce qui concerne la juridiction de la Cour provinciale.

Troisième modification, nous avons ici l'institution de conférences préparatoires à l'instruction présidée par des avocats d'expérience, des juges à la retraite, etc. C'est une pratique qu'on a essayée à Montréal, depuis quelques mois. Je pense que cela fonctionne assez bien à Montréal. Ce sont des conférences en vue d'une meilleure préparation des dossiers. Je pense que c'est une bonne idée. Il va sans dire que cela va avoir l'effet de réduire les délais. C'est une modification souhaitable que l'Opposition appuie sans réserve.

La quatrième modification, c'est aussi une modification souhaitable. On prévoit l'introduction de la preuve par affidavit de certaines demandes. La modification a pour objet de simplifier la procédure. C'est le député de Sainte-Anne qui explicitera ce sujet, étant donné son expérience comme plaideur devant les cours de justice. Il a une certaine expérience et il va nous expliquer quelles sont les difficultés de procéder de cette façon et quels sont les avantages et, en somme, quels en sont les désavantages.

Comme cinquième modification, on prévoit l'addition de sept nouveaux juges à la Cour supérieure de Montréal, c'est-à-dire qu'on va porter le nombre des juges de 71 à 78. Vous savez que ces nominations à la Cour supérieure de Montréal sont faites par le gouvernement fédéral. Est-ce qu'on a trop de juges à Montréal ou pas assez? Le ministre n'a pas produit une étude. Le ministre n'a jamais produit une étude pour nous dire quel est le problème. Est-ce qu'on en a trop ou est-ce qu'on n'en a pas assez? Dans quelle cour, etc.?

J'aimerais vous suggérer qu'il y a de telles études. Dans le journal "The National", d'octobre 1981 - le "National" est le journal du barreau canadien - Me René Dussault, qui est professeur de droit, mais qui est aussi un ancien sous-ministre de la Justice, a comparé le nombre de juges en Ontario avec le nombre de juges au Québec. Il s'agit d'un tableau qui se trouve à la page 30 de ce journal. Il ne faut pas oublier que l'Ontario a 30% de plus de population que le Québec. On y donne le total des juges, le total pour 1981, j'imagine. Le total au Québec était de 400 juges. 126 juges nommés par le gouvernement fédéral et 274 juges nommés par le gouvernement provincial. En Ontario, il y avait 404 juges; 187 nommés par le gouvernement fédéral et 217 nommés par le gouvernement provincial de l'Ontario. Donc, la comparaison est qu'en Ontario, où il y a 30% de plus de population qu'au Québec, il y avait 404 juges et que nous en avions 404, à ce moment-là.

Il me semble qu'il est bien clair qu'en Ontario, il y a moins de juges per capita qu'au Québec. À cela, le ministre peut rétorquer que cela est vrai mais qu'en Ontario, il y a plus de juges nommés par le fédéral, c'est-à-dire plus de juges dans les

cours dites supérieures ou dans les cours de comté. Cela est vrai. Mais s'il y a plus de juges dans une cour et que nous avons peut-être trop de juges dans une autre cour, c'est-à-dire que si on prend le nombre global de juges au Québec et en Ontario et si nous avons le même nombre de juges qu'en Ontario, peut-être faudrait-il couper un certain nombre de juges au Québec. J'ai déjà dit, lors de l'étude sur les lenteurs de la justice, que dans certains districts judiciaires certains juges attendent les procès, attendent les dossiers. (17 h 40)

Pour conclure sur ce sujet, on attend que le ministre de la Justice nous propose un plan d'ensemble en ce qui concerne la nomination des juges, le nombre de juges dont on a besoin au Québec, dans quelle cour et ainsi de suite, ce qu'il n'a jamais fait. Le Parti libéral du Québec a déjà suggéré, il y a quelques années, qu'il serait souhaitable de modifier la constitution afin de permettre au Québec de nommer les juges de la Cour supérieure. La raison, c'est pour éviter des conflits de juridiction qu'on appelle, en droit constitutionnel, les conflits de l'article 96.

Vous savez bien, M. le Président, que l'article 96 de la constitution du Canada prévoit que les juges des Cours supérieures et des Cours de comté - nous n'avons pas de Cours de comté au Québec - sont nommés par le gouvernement fédéral. Le problème se pose, par exemple, quand nous établissons une régie ou un office au Québec. Avons-nous la compétence de le faire? Il y a quelques mois, quelqu'un a contesté la juridiction de la Régie du logement du Québec. Heureusement, la Cour suprême du Canada a déclaré que l'Assemblée nationale avait la compétence voulue pour établir cette régie. En Ontario, dans une cause semblable, la Cour suprême du Canada a dit que l'Ontario n'avait pas la même compétence que le Québec pour établir une telle régie.

Si nous voulons établir au Québec, par exemple, un tribunal de la famille, nous sommes empêchés de le faire à cause de ce problème de juridiction entre la Cour supérieure et la Cour provinciale et, en ce qui concerne le pouvoir de l'Assemblée nationale, la compétence de l'Assemblée nationale de nommer des juges. C'est pourquoi nous avons suggéré que les juges des Cours supérieures au Québec soient nommés par le gouvernement du Québec.

Comme je viens de le dire, le ministre propose la nomination de sept nouveaux juges. Aujourd'hui - je l'ai déjà souligné à maintes reprises - les juges que nous avons au palais de justice de Montréal n'ont pas assez de soutien administratif, c'est-à-dire qu'il y a des juges qui manquent de secrétaire, il y a des juges qui ne peuvent travailler après leur nomination parce qu'ils n'ont pas de bureau, ils n'ont même pas de bureau avec un pupitre pour travailler. Par exemple, essayez de téléphoner à un juge; il n'y aura pas de réponse. Savez-vous pourquoi? Parce qu'il y a des juges qui n'ont pas de secrétaire à temps plein dans leur bureau. Imaginez-vous un député ou un ministre qui n'aurait pas de secrétaire à temps plein! Le problème aussi, c'est qu'il y a des jugements qui traînent parce que les juges n'ont pas de secrétaire à temps plein pour dactylographier ces jugements. Récemment, j'ai appris que des juges qui ont été nommés à la Cour supérieure de Montréal n'avaient même pas de bureau. Tout était dans des boîtes sur le tapis, parce qu'ils n'avaient pas d'étagères, etc. Je pense que c'est au ministre de corriger cette situation pour prévoir des conditions adéquates pour que les juges puissent travailler. On va nommer plus de juges, mais on ne prévoira pas de soutien administratif pour ces juges.

Nous avons aussi suggéré qu'il faudrait penser à donner plus de pouvoirs aux juges en ce qui concerne l'administration des palais de justice. Je vous réfère, par exemple, à l'étude de l'ancien juge en chef de la Cour supérieure du Québec, M. le juge Jules Deschênes. Son étude s'intitule "Maîtres chez eux". Dans cette étude, le juge en chef a suggéré qu'on donne plus de pouvoirs aux juges de contrôler surtout l'administration des palais, des rôles, etc.

Si on fait la comparaison avec d'autres juridictions, avec d'autres cours, on verrait qu'ailleurs, effectivement, on donne plus de pouvoirs aux juges de contrôler, par exemple, l'administration de leur palais de justice. Je peux vous donner l'exemple de la Cour suprême du Canada et de certains États américains, ou même de certaines provinces canadiennes où les juges ont plus de pouvoirs dans certains domaines que nos juges du Québec.

Un autre point concernant ces modifications. J'ai ici le document de travail du 26 avril 1984, "Modifications au Code de procédure civile". C'est l'avant-projet de ce projet de loi. Il m'est tombé entre les mains par hasard, parce que vous savez que le ministre le fait circuler à tout le monde sauf à l'Opposition. C'est toujours comme cela. Dans cet avant-projet de loi, on a prévu de donner un certain pouvoir aux protonotaires, c'est-à-dire qu'on a prévu de donner aux protonotaires le pouvoir de décider des mesures provisoires, c'est-à-dire de donner aux protonotaires du Québec le même pouvoir que les "masters" de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick. Je vois que, dans le projet de loi tel que déposé, cette disposition est disparue. J'aimerais demander au ministre pourquoi. Pourquoi a-t-on mis cette disposition sur les protonotaires dans l'avant-projet de loi et quand on arrive au

projet de loi, cette disposition disparaît? En donnant un tel pouvoir, par exemple, aux protonotaires de la Cour supérieure de Montréal, cela ferait une économie de quelques juges. Cela est sûr et certain. J'aimerais, encore une fois, demander au ministre pourquoi c'est disparu et de fournir à l'Opposition et à la population en général des études qu'il a sûrement commandées sur cette question de donner plus de pouvoirs au protonotaire.

J'ai parlé de cinq modifications, mais j'en ajoute une sixième qui touche le huis clos. En effet, l'article premier du projet de loi prévoit que ce serait possible pour les juges d'établir des règles en ce qui concerne le huis clos à l'égard des avocats et des stagiaires, au sens de la Loi sur le Barreau. Car des juges ont interprété la règle du huis clos comme ayant l'effet d'exclure les avocats. D'autres juges ont dit: Non, cela n'exclut pas les avocats. D'autres juges ont dit que cela exclut les stagiaires. D'autres juges ont dit: Non. Donc, il y avait plus d'une jurisprudence en ce qui concerne le huis clos à l'égard des avocats et des stagiaires. Il a fallu que le ministre intervienne et statue sur ce problème. Ici, on donne au juge le pouvoir d'adopter des règles de pratique en ce qui concerne les avocats et les stagiaires sur cette question.

Le huis clos soulève d'autres problèmes. Vous savez, M. le Président, qu'en matière familiale, l'ancien ministre de la Justice, pas l'actuel ministre de la Justice, a introduit dans notre droit le huis clos intégral, c'est-à-dire qu'en toute matière familiale il y a le huis clos intégral. À l'époque, nous n'étions pas d'accord avec le huis clos intégral et nous ne sommes pas d'accord avec le huis clos intégral aujourd'hui non plus. Nous avons souligné, dans le journal des Débats du 29 avril 1982, et je cite: "Finalement, sur le plan pratique, prenons le palais de justice de Montréal. La plupart des divorces au palais de justice de Montréal sont des divorces non contestés. Aujourd'hui, un juge peut passer environ 40 à 50 divorces par jour. Avec le projet de loi du ministre de la Justice, cela sera impossible parce que, après chaque procès non contesté, il sera nécessaire de faire entrer les avocats, les parties et, après chaque procès, il sera nécessaire de vider la salle d'audience. (17 h 50) "J'ai déjà consulté des juges sur cette question, M. le Président, mais je vous assure que les juges qui passent de 40 à 50 divorces non contestés aujourd'hui, au Palais de justice de Montréal, auront la possibilité d'en passer seulement 10 à 15, peut-être 20, mais cela va rendre la justice plus inefficace au Palais de justice de Montréal. J'aimerais demander au ministre où on va mettre les 200 personnes qui se trouvent aujourd'hui dans une salle d'audience à Montréal en attendant leur divorce non contesté? Est-ce qu'on va les mettre dans les couloirs? Est-ce que le ministre a déjà pensé à cela? S'il faut vider les salles d'audience, où va-t-on mettre tout ce monde au Palais de justice de Montréal?" Fin de la citation.

En effet, cela pose un certain nombre de problèmes et je ne pense pas que le ministre ait résolu ces problèmes encore. Il y a d'autres problèmes. Le problème des témoins experts que cette règle du huis clos exclut de la salle d'audience. Est-ce que ce serait souhaitable pour le témoin expert d'être présent lors du témoignage des autres témoins? Je vous pose cette question parce qu'elle m'a été posée par des avocats qui pratiquent au Québec.

En 1982, nous avons proposé qu'en première instance les audiences concernant les procédures en matière familiale se tiennent à huis clos, à la demande d'une des parties, à moins que le tribunal n'ordonne une audience publique s'il l'estime utile dans l'intérêt de la justice. Dans le cas de l'alinéa précédent, le tribunal doit toutefois admettre tout journaliste qui en fait la demande. Je pense qu'il va de soi qu'un procès est public. Pour sauvegarder ce procès public, il faut prévoir que tout journaliste ait accès aux procès devant nos tribunaux.

J'ajouterai qu'il n'est pas nécessaire de permettre aux journalistes de publier tout. On peut bien prévoir l'interdiction de la publication des noms des parties. Je conviens que, même si un journaliste a le droit d'assister à un procès en matière familiale, cela ne justifie pas qu'il publie les noms des parties. Mais de prévoir la possibilité pour les journalistes d'assister au procès, cela nous garantit un procès public et ouvert. Avec la règle du huis clos intégral - je me demande si cela existe ailleurs en Amérique du Nord; je ne pense pas qu'un règlement de huis clos intégral en matière familiale existe - je me demande si on peut parler encore d'un procès public, d'un procès ouvert. Je souligne ce problème pour la cinquième ou sixième fois dans cette Chambre. J'espère que le ministre va reprendre ce règlement, ces articles et revoir si ce n'est pas utile et nécessaire de faire d'autres changements à part ceux qu'on trouve dans le projet de loi devant la Chambre.

M. le Président, j'aimerais souligner -je pense que c'est important de le souligner - que les procès en matière criminelle ne souffrent pas de délais, c'est-à-dire que les délais sont normaux au Québec en ce qui concerne le droit criminel. Devant la Cour supérieure de juridiction criminelle, dans le district de Montréal, les choses vont très bien, c'est-à-dire que le juge en chef a mis le nombre de juges qu'il faut en matière criminelle pour que tout aille vite et il faut aussi ajouter qu'à la Cour des sessions de la paix la justice est une justice expéditive. Je

pense que c'était important de souligner ces faits à la population parce que le problème est que c'est surtout en matière civile devant la Cour supérieure de Montréal que le ministre essaie de régler en partie ce projet de loi.

Il y a d'autres problèmes dans d'autres districts judiciaires que le ministre ne touche pas par son projet de loi. J'ai toujours des plaintes de certains barreaux ruraux. J'espère qu'à un moment donné, le ministre va se pencher sur les problèmes qui se trouvent dans d'autres districts judiciaires.

Nous avons parlé de l'augmentation du nombre des juges, mais il faut aussi prévoir la meilleure utilisation des ressources, la meilleure utilisation du personnel administratif dans nos palais de justice, une meilleure utilisation et une meilleure répartition des salles d'audience. Par exemple, en 1982, les 87 salles du palais de justice de Montréal étaient utilisées en moyenne à 65% du temps. Il était possible d'utiliser ces salles pour encore 35% du temps. Enfin, nous voterons pour le projet de loi parce qu'il y a des améliorations et surtout des améliorations qui vont modifier d'une façon avantageuse la situation à Montréal. On attend toujours un plan global et cohérent sur le problème de l'administration des palais de justice en ce qui concerne les délais, etc. Depuis sept ans, on manque de planification au Québec. Il n'y a jamais eu de planification depuis sept ans, jamais un livre blanc. Le dernier livre blanc remonte à 1975 et cela a été fait par le ministre de l'époque, Me Jérôme Choquette. J'ai l'impression que, depuis ce temps le ministre réagit aux problèmes soulevés soit par les médias, soit par l'Opposition et, à chaque session, il revient avec une petite modification à tel code, à l'autre session, avec une petite modification à l'autre code, et ainsi de suite. Je pense qu'il est souhaitable que le ministre se penche d'une façon cohérente et globale sur le problème de l'administration de la justice. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: Merci, M. le Président. Considérant l'heure, je demande la suspension du débat, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de suspension est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le ministre et leader adjoint.

M. Fréchette: M. le Président, avant de vous soumettre une motion pour suspendre nos travaux, avec le consentement du leader adjoint de l'Opposition, je fournirais certains renseignements ou avis touchant les travaux de la semaine prochaine quant aux commissions parlementaires. Dans la soirée, nous allons continuer le débat qui est en cours actuellement et, si le temps nous le permettait, nous devrions aborder le projet de loi 80.

Quant à la semaine prochaine, je voudrais donner les avis suivants. Le mardi 12 juin, après la période des questions, la commission du budget et de l'administration procédera à l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé suivants: les projets de loi 231, 202, 209, 211 et 212. Finalement, je veux modifier l'avis qui a été donné ce matin concernant les projets de loi 239 et 224. La commission de l'aménagement et des équipements se réunira, tel que mentionné ce matin, afin de procéder à l'étude détaillée des projets de lois privés que je viens de mentionner, mais la date qui aurait dû être mentionnée est le mercredi 13 juin 1984, de 16 à 18 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, avis...

M. Fréchette: Ces choses étant dites, je fais motion pour la suspension de nos travaux.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: Nous avons reçu des indications il y a quelques minutes au bureau du leader de l'Opposition à savoir que le projet de loi 80 ne serait pas appelé après l'adoption du projet de loi qui fait l'objet de l'étude en deuxième lecture actuellement.

Deuxièmement, le ministre nous a confirmé les travaux de la semaine prochaine. Est-ce qu'il pourrait nous indiquer les travaux qu'il entend appeler demain, après la période de questions, parce qu'on doit siéger jusqu'à 13 heures, compte tenu que vous avez un congrès en fin de semaine?

Troisièmement, pourriez-vous nous confirmer si l'Assemblée se réunit lundi ou si, par l'avis que vous venez de donner, on doit comprendre que la Chambre va se réunir seulement mardi et auquel cas, à quelle heure?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre et leader adjoint.

M. Fréchette: M. le Président, quant à la dernière question du député de Portneuf, je ne sais pas si celui-ci était ici ce matin quand cette question a été abordée par un de vos collègues ou par vous, le leader du gouvernement vous a indiqué à ce moment-là que, toutes choses étant normales, nous

devrions nous réunir mardi matin, à 10 heures. Toujours au moment où on se parle, le député de Portneuf a des renseignements qui ne me sont pas parvenus encore. Mais quant à la troisième question, cela resterait ce qui a été annoncé ce matin. Donc, les travaux de la Chambre devraient reprendre mardi à 10 heures, sous réserve que des changements puissent se produire, ce dont je ne suis pas informé au moment où on se parle.

Quant aux deux autres aspects, aux deux autres questions du député de Portneuf, je devrai, immédiatement après la suspension des travaux, aller aux renseignements, renseignements que je pourrais sans délai transmettre au bureau du député de Portneuf ou au bureau du député de Charlesbourg.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 3)

(Reprise de la séance à 20 heures)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez prendre place. M. le leader adjoint.

M. Blouin: M. le leader adjoint, nous poursuivons donc le débat sur le Code de procédure civile; à cet égard, je vous demande, M. le Président, de reconnaître le député de Saint-Hyacinthe, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Avant de céder la parole au député de Saint-Hyacinthe, j'aimerais vous indiquer que nous poursuivons le débat sur le principe du projet de loi 83, Loi modifiant le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives.

M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Maurice Dupré

M. Dupré: Merci, M. le Président. Juste avant la suspension des débats, j'écoutais le député de D'Arcy McGee. Il est peut-être un grand théoricien, je ne connais pas son passé, mais je doute qu'il ait, pendant plusieurs années, parcouru les corridors et les chambres du palais de justice. Quand vous parliez des délais et des remises, dont je discuterai tantôt, de ce côté, vous étiez pas mal loin. Comme grand théoricien, cela faisait très bien, mais dans la réalité, c'est une tout autre chose.

Vous avez émis un souhait, à un moment donné. Vous avez dit qu'il serait bon de demander un changement de la constitution canadienne afin que nous puissions, au Québec, avoir le choix de nos juges à la Cour supérieure et dans les autres cours. Je tiens à dire au député de D'Arcy McGee qu'il y a un moyen très simple pour qu'au Québec on puisse choisir nos juges et être maîtres dans nos cours, c'est de faire la souveraineté du Québec.

Le projet de loi 83 que nous étudions ce soir modifie le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives. Les grandes lignes de ce projet de loi ont pour objet principal premièrement, de réduire certains délais; deuxièmement, de porter la juridiction de la Cour provinciale de 10 000 $ à 15 000 $ en maintenant toutefois l'appel de plein droit à 10 000 $.

Il introduit aussi un nouveau mode de preuve que j'aborde immédiatement; je reviendrai un peu plus tard sur les deux premiers points.

Une chose est certaine, la présentation d'une preuve orale n'est pas toujours de nature à circonscrire les débats ni à favoriser la conciliation. Afin de contribuer à une diminution des délais en matière de demande de mesures provisoires lors de ces auditions, notre projet de loi 83 introduit donc un mode de preuve plus efficace, privilégiant la preuve écrite. C'est ainsi que les parties feront leur preuve notamment au moyen d'affidavits détaillés établissant tous les faits au soutien de leurs prétentions. Ce mode de preuve a été introduit en matière d'injonction et de recours extraordinaire par le chapitre 20 des lois de 1983 et s'est révélé un franc succès. Considérant qu'en matière familiale tout comme en matière d'injonction, ce sont surtout des questions de fait qui en sont la cause, il devrait en être de même.

En matière d'injonction, on a tout de même un choix entre la preuve par affidavit et la preuve orale. Mais notre projet de loi prévoit que la preuve orale est soumise à l'autorisation du tribunal, sauf lorsque la mesure provisoire en cause se rapporte à la garde, à la surveillance ou à l'éducation des enfants. Dans ce dernier cas, les parties pourront présenter une preuve orale sans permission du tribunal car les mesures qui y sont visées ont une incidence importante sur le plan humain et il importe que les parties et leurs témoins aient la possibilité, s'ils le désirent, de se faire entendre de vive voix par le tribunal.

Au cours de son allocution, le député de D'Arcy McGee a fait mention, lorsqu'il a parlé du huis clos, qu'il était dommage de voir les gens dans les corridors au lieu de les voir à l'intérieur. Je pense que lorsque des drames familiaux se déroulent, le côté humain est beaucoup plus important que de savoir si les gens doivent être assis à l'extérieur, ou dans les corridors, ou à l'intérieur de la chambre.

Quant aux mesures plus économiques, comme le versement d'une pension

alimentaire ou l'attribution du domicile conjugal pendant l'instance, les parties devront obtenir l'autorisation du tribunal pour recourir à la preuve orale. L'introduction de ce mode de preuve devrait contribuer à diminuer les affrontements émotifs entre les parties, encourager les règlements hors cour et accélérer l'audition des demandes de mesures provisoires, amenant ainsi une réduction des délais préalables à l'audition. L'expérience en droit administratif nous indique clairement que les résultats sont excellents et dépassent même toutes les prévisions, ayant moi-même été président d'un tribunal administratif pendant plus de dix ans.

Considérant les retards, les arrérages de la Cour supérieure se retrouvent dans le district de Montréal; dans le reste du Québec, sauf quelques exceptions, on peut affirmer qu'il n'y a pas trop de problèmes, la concentration de plus de 60% des avocats du Québec, c'est-à-dire au-delà de 6000 d'entre eux, pratiquant effectivement dans le district de Montréal. Bien que nous ne fassions pas exception en Amérique du Nord, nous ne faisons que suivre la frénésie du litige. Les gens croient que c'est à la cour que tout doit se régler et même les gouvernements s'orientent dans le même sens. Nous n'avons qu'à nous rappeler la nouvelle constitution canadienne; elle n'était pas sitôt signée que les politiciens fédéraux s'engagaient à défrayer les frais de cour et les honoraires de n'importe qui voulant bien le leur demander, et ce pour à peu près n'importe quelle raison et sous le moindre prétexte. Juste un exemple: l'argent offert aux aborigènes pour poursuivre les gouvernements provinciaux.

Si nous parlions de nos retards à Montréal. C'est véridique, mais dans deux domaines seulement: premièrement, en matière familiale, surtout les mesures provisoires et, deuxièmement, en matière civile ordinaire au fond, surtout dans des causes de longue durée. Dans les autres domaines, il est tout de même bon de savoir et souhaitable que tout le monde sache que la Cour supérieure de Montréal est plutôt à jour, à commencer par la chambre criminelle, qui fait mieux que toutes les cours supérieures au Canada et même ailleurs, la chambre de pratique, la cour administrative, la chambre des faillites, les chambres civiles dans les matières urgentes.

Émile Cola, dans le Devoir, en janvier 1984, disait: "II est cependant toujours heureux pour certains de trouver des boucs émissaires afin de se donner bonne conscience. Pour les uns, c'est la faute des juges; pour les autres, ce sont les avocats et pour les malins, c'est la faute du gouvernement provincial qui a su créer toutes sortes de tracasseries administratives, etc. Tout ce beau monde, ensemble, doit faire chacun sa part et le dépôt de ce projet de loi sera certes un pas en avant."

Bien que beaucoup d'efforts au début de l'année furent faits par les juges de la Cour supérieure en acceptant 40 causes en rôle supplémentaire, cela faisait tout de même un total impressionnant de plus de 2000 dossiers sans pour autant régler tous les problèmes. Le fait d'augmenter de 7 le nombre de juges à la Cour supérieure avec ce projet de loi 83 et de passer de 71 à 78 juges ne fera sans aucun doute qu'améliorer la situation dans le district de Montréal.

Ces nouveaux juges se consacreront en grande partie aux demandes de mesures provisoires en matière familiale. On sait qu'il y a au moins 500 avocats par année de plus dans la province et que la majorité de ces avocats pratiquent à Montréal. C'est un peu en corrélation avec les médecins. En somme, plus il y a d'avocats à Montréal, plus la cour est congestionnée. Plus il y a de médecins à Montréal, plus il y a de malades. C'est un exemple, mais il reste que plus il y a de médecins, chaque année, chaque fois qu'il y en a des nouveaux, ils font toujours 100 000 $ ou 200 000 $ de plus. Puis, l'année suivante on arrive avec une autre série, avec un autre groupe de finissants. Ils s'installent encore dans la région de Montréal, ils font encore entre 150 000 $ et 200 000 $ et, pendant tout ce temps, il y a encore plus de malades. C'est un peu la même chose pour les avocats.

Je voudrais tout de même rappeler à cette Chambre que la division des petites créances, pour les plus profanes, relève de la Cour provinciale. Le nouveau montant maximal des petites créances va passer de 800 $ à 1000 $. Au début c'était 300 $ et lorsque j'étais, entre autres, à l'aide juridique, ce montant est passé à 500 $, puis à 800 $, et aujourd'hui il passera à 1000 $ avec le projet de loi 83. Cela permettra à des centaines de citoyens et de citoyennes d'avoir recours à ce tribunal assez expéditif et à faibles frais. (20 h 10)

Jusqu'à maintenant, les justiciables n'avaient pas le droit de se faire représenter ou accompagner par un avocat à la Cour des petites créances. Cependant, encore avec cette loi, M. le Président, de façon exceptionnelle, lorsqu'une cause soulèvera une question complexe sur un point de droit seulement, la représentation par avocat sera permise et les coûts de représentation seront entièrement facturés au ministre de la Justice, tout en respectant les honoraires qui sont payés pour l'aide juridique.

Poursuivant les buts premiers de cette procédure de recouvrement des petites créances et, en même temps, apportant une certaine solution à ces problèmes, et dans le prolongement de ce que cela a rapporté ces dernières années qui n'avait, entre autres,

qu'étendu la juridiction de la Cour provinciale, augmenté le nombre de juges de la Cour supérieure tout en touchant à l'injonction et aux recours extraordinaires comme l'évocation et le mandamus, ces mesures dont j'ai discuté et quelques autres que renferme le projet de loi 83, ne feront qu'améliorer l'administration de la justice, des juges, des avocats; mais, en premier, ce sont les citoyens qui en bénéficieront.

Comme je le disais tantôt, le nombre d'avocats augmente de plus de 500 et les procédures se multiplient - c'est sûr que certains de ces tribunaux s'engorgent - en plus de la venue de nombreuses créations depuis un certain nombre d'années, comme l'aide juridique, qui affectent indirectement les recours spéciaux. C'est sûr que plus il y a de cours de tribunaux administratifs - à un moment donné il y a le bref d'évocation, il y a d'autres procédures qui sont entendues par la Cour supérieure - à ce moment, indirectement, cela amène des charges supplémentaires au tribunal de la Cour supérieure. Pour évaluer le système, il faut le vivre quotidiennement, avec ses délais, avec ses remises, entre autres, le choix des juges - cela arrive souvent que les avocats, sachant que ça va être tel ou tel juge qui va être sur le banc, vont essayer de faire des remises qui, malheureusement et trop souvent, sont acceptées - avec ses absences et bon nombre de causes mal préparées. Le monde des juges et des avocats est un monde bien à part avec ses traditions, avec ses us et coutumes et que l'on ne peut évidemment pas transformer en un tour de main. Aujourd'hui même, on pourrait réduire les délais si la procédure était beaucoup plus souple ce qui n'est pas impossible.

Les exceptions préliminaires devraient se faire toutes en même temps et au début des procès. L'honorable juge Gold se demande bien pourquoi on persiste à croire ce mythe et c'est un mythe qu'en gardant sa preuve jusqu'à la dernière minute, on est capable de passer un sapin à la partie adverse et quelquefois au juge pour gagner une mauvaise cause et faire perdre à son adversaire une bonne cause. Est-ce qu'une cause est un jeu de cache-cache où l'on fait l'impossible pour éviter que la vérité sorte? Enfin, la vérité sortira quand même, mais dans notre système actuel, on paiera un prix extrêmement lourd pour ce privilège. Encore une fois, je mentionne que les remises demandées et accordées, les procès scindés et une justice de plus en plus lente et plus lourde. La force de l'un fait la faiblesse de l'autre. Le vieux dicton est toujours aussi vrai qui dit que "les pires règlements valent le meilleur jugement." Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: Merci. On parle sur le principe du projet de loi 83, Loi modifiant le Code de procédure civile. Il s'agit d'un projet de loi fait pour réduire les délais dans les causes devant la Cour supérieure et surtout devant la Cour supérieure du district de Montréal. Notre porte-parole en la matière, M. le député de D'Arcy McGee, je suis très content qu'il soit venu ici ce soir pour m'écouter et vérifier si tout ce que je dis est vrai; évidemment, c'est lui l'expert en la matière. Ce soir, je ne donne qu'un peu de mon expérience comme avocat, parce que, savez-vous, M. le Président, je suis encore avocat à temps partiel à Montréal. De temps en temps, on pense qu'on ne sait pas ce qu'il y a de certain pour l'avenir en politique. La pratique légale, au moins, c'est très souvent plus certain.

Quant à ce projet de loi, comme le député de D'Arcy McGee l'a dit cet après-midi, nous sommes en principe favorables à une telle réforme pour accélérer les délais des procès parce que la situation était vraiment devenue très difficile et très pénible pour les justiciables. Comme il l'a dit, il a considéré cela comme un pas timide et je voudrais analyser un peu ce que veut dire ce projet de loi; sur le plan pratique, pour les Québécois et les Québécoises qui doivent en bénéficier.

M. le Président, en préparant mon discours, il y a à peu près sept ou huit aspects que je voudrais toucher. Je ne sais pas si j'aurai le temps de le faire, mais je vais tenter de le faire.

Le premier aspect, c'est ce qu'on appelle le huis clos. Je me rappelle très bien, M. le Président, comme le député de D'Arcy McGee l'a dit cet après-midi, quand on avait parlé du huis clos, que nous avions averti le ministre de la Justice. On avait dit: Soyez prudent avec votre fameux huis clos, parce qu'il disait: Le huis clos, cela concerne les matières familiales, les procès de séparation et de divorce. Désormais, on aura des procès à huis clos. Personne ne peut entrer, sauf les avocats, pas d'autres personnes, pas de journalistes ni même un autre avocat, ni même un stagiaire ou un jeune avocat qui veut apprendre le métier. On l'avait averti. Le député de D'Arcy McGee avait donné un avertissement. Il a lu, cet après-midi, ses notes de 1982 et, moi, je l'avais averti dans le temps sur le plan pratique.

Le ministre a ri de nous dans le temps. Il a dit: Vous ne connaissez rien là-dedans. Vous ne comprenez pas. Moi, je sais cela mieux que vous. On avait raison parce que, ce soir, on nous présente des amendements dans le projet de loi 83. Qu'est-ce qu'on dit maintenant? On vous avait avertis, il y a deux ans. On a dit: Soyez prudent, monsieur.

Vous allez voir. On avait la tête dure, mais, maintenant, on voit qu'on avait raison, parce qu'on dit dans le projet de loi: En ce qui concerne les avocats et les stagiaires, il y aura maintenant une exemption. Ils peuvent assister à un procès en droit familial, en matière familiale, et ils ne sont pas liés par le huis clos.

Évidemment, c'est bien normal, parce que pour un jeune avocat stagiaire la meilleure manière d'apprendre comment plaider devant un tribunal, c'est d'écouter une cause. J'ai un fils qui travaille à mon bureau maintenant comme jeune avocat à Montréal et il n'a pas tellement d'expérience de la façon de plaider devant les tribunaux dans des causes de divorce ou de séparation parce qu'il n'avait pas le droit, comme stagiaire, comme jeune avocat, de voir un autre procès. Le député de D'Arcy McGee et moi-même avions déjà parlé de cela, dans le temps. Maintenant, on dit: Vous aviez raison, messieurs. On va changer le projet de loi et ils auront désormais le droit d'aller écouter ces causes, justement pour apprendre. Les autres avocats ont le droit d'écouter une cause devant un tribunal. C'est très important parce que, comme avocat, on apprend très souvent en écoutant et en assistant au procès d'une autre personne. Beaucoup de choses sont dites au point de vue de la jurisprudence.

Je suis très content de voir que le député de Trois-Rivières arrive en Chambre. C'est probablement pour me faire l'honneur d'écouter ce discours, parce qu'il est un homme qui veut apprendre et qui doit apprendre. Je sais qu'il est pour une réforme parlementaire qui contribue au mieux-être des justiciables québécois. Je ne suis pas habitué à être applaudi par les péquistes. S'il vous plaît! Je suis tout de même un homme partisan, mais j'apprécie bien que vous réalisiez que j'ai bien préparé mon discours de ce soir. Quand même, réalisez, messieurs, que je suis un libéral et que je suis là pour vous faire quitter vos fonctions parce que nous voulons prendre votre place bientôt, dans l'avenir. (20 h 20)

Le deuxième aspect de la réforme est qu'on augmente la juridiction de la Cour provinciale de 10 000 $ à 15 000 $. C'est inscrit dans le projet de loi. Quand j'ai commencé à pratiquer le droit, je m'en souviens très bien, la Cour provinciale s'appelait la Cour de magistrat. La juridiction, à l'époque, était de 200 $. On plaidait des causes de 1 $ à 200 $ devant la Cour de magistrat. On préparait la cause comme on prépare maintenant une cause de 5000 $ ou 10 000 $. Le député de D'Arcy McGee a fait référence, cet après-midi, au problème constitutionnel parce que c'est bien beau pour la province de dire: On augmente la juridiction de la cour. On est parti de 200 $ et on est maintenant rendu à 15 000 $. Il a fait référence à un problème constitutionnel parce que vous allez vous brûler les doigts, à un moment donné, comme il l'a dit cet après-midi. Quand la cause a été plaidée devant la Cour suprême, celle-ci a décidé que la province de Québec avait le droit d'augmenter la juridiction de la cour parce que le facteur de l'inflation a vraiment nécessité une augmentation de la valeur. Cela a plus de bon sens qu'on ait une cour qui ne juge pas que les causes de 200 $. Jusqu'à 10 000 $, cela va encore, mais jusqu'à 15 000 $, je n'en suis pas certain.

J'avertis le ministre de la Justice, comme le député de D'Arcy McGee l'a fait déjà cet après-midi: Préparez-vous à une autre contestation devant les tribunaux. Un avocat va attaquer cette juridiction, qui est augmentée de 10 000 $ à 15 000 $, en demandant aux tribunaux: Où est-ce qu'on arrête, à 15 000 $, à 30 000 $, à 50 000 $? À quel moment doit-on arrêter? Où est le maximum?

Quoi qu'il en soit, on veut augmenter la juridiction de 10 000 $ à 15 000 $ pour enlever un fardeau à la Cour supérieure et le transmettre à la Cour provinciale. Comme le député de D'Arcy McGee l'a dit: Combien de causes sont en jeu? Pas tellement. Personnellement, je pense qu'on peut faire confiance à nos juges de la Cour provinciale, les juges nommés par le gouvernement provincial, de notre compétence, pour dire: On peut augmenter la juridiction et peut-être enlever un part du fardeau qui pèse sur la Cour supérieure, bien que cela ne réglera pas le problème de la congestion des rôles.

Il y a une mesure que je trouve très intéressante dans le projet de loi. Très souvent, les péquistes nous disent: Vous, de l'Opposition, n'êtes là que pour critiquer; vous êtes négatifs, pas une de nos lois n'est bonne, vous ne voulez pas l'admettre, pas du tout. Le député de D'Arcy McGee l'a dit et je le répète, quand il y a quelque chose de bon dans vos lois, on est là pour vous dire: Oui, on vous félicite, même si vous êtes en train de copier les idées du député de D'Arcy McGee.

Je me rappelle très bien la Loi sur les coroners. Le député de D'Arcy McGee avait émis tellement d'idées là-dessus que le ministre a copié ses idées pour rédiger une nouvelle loi. Je ne me gêne pas, je félicite le député de D'Arcy McGee d'avoir réussi à convaincre le ministre de la Justice de présenter une nouvelle Loi sur les coroners. C'est un peu la même chose ici. Le député de D'Arcy McGee est tout de même un homme qui a beaucoup d'expérience en la matière, c'est un professeur de l'Université de Montréal que je respecte beaucoup et qui a poussé le ministre de la Justice à accepter ses idées pour régler nos problèmes. Si vous

réglez les problèmes à l'aide de nos suggestions, tant mieux pour la population. Il y a une mesure intéressante dans ce projet de loi par laquelle un avocat pourra aller devant la cour, après l'adoption de ce projet de loi, sur une simple requête. On présente une requête devant la cour de pratique, on dit au juge: Voici, M. le juge, j'ai poursuivi quelqu'un et je pense que la défense est frivole. Quelqu'un conteste ma demande d'une manière frivole et je vous demande, M. le juge, de rejeter cette demande.

Auparavant, cette possibilité existait seulement dans les cas de défense frivole contre des actions sur compte, sur chèque, sur loyer, sur salaire. Maintenant, c'est devenu plus large et, indépendamment de la nature de la réclamation, on a le droit d'aller devant la cour sur simple requête et de demander à la cour de rejeter une demande parce qu'elle est frivole. C'est une bonne mesure, nous y sommes favorables et nous l'appuyons. Nous ne sommes pas gênés de dire: On vous félicite, c'est quelque chose de positif, de bon, même si cela vient de notre côté.

Une autre amélioration: devant la Cour supérieure - et surtout à Montréal où le problème est très grave - quand une cause est prête à être plaidée, avant de la plaider, il faut produire ce qu'on appelle un certificat d'état. Les avocats disent: Je suis prêt à appeler la cause, j'ai tant de témoins, la cause va prendre tant de temps; je prévois que j'aurai six témoins, que la cause va durer deux jours; il y aura deux témoins experts et quatre témoins ordinaires. Ensuite, la défense répond en disant: Nous, on pense que notre cause va prendre une journée, parce qu'on a tant de témoins, tant d'experts. Ensuite, les causes sont jointes et sur ce, inscrites au rôle.

Qu'est-ce qui arrive avec ce fameux certificat d'état de cause? Les avocats en défense ne sont pas fous. Très souvent, un avocat en défense - c'est peut-être malheureux de le dire - son devoir, c'est d'essayer de bloquer la cause et plus cela prend du temps avant que la cause soit plaidée, tant mieux. Si je poursuis quelqu'un pour 25 000 $ devant la Cour supérieure, que j'ai un bon droit d'action et que l'autre partie se défend en disant: Je ne vous dois pas cet argent, ayant toutes sortes de motifs, toutes sortes de raisons pour ne pas payer, je prépare mon certificat d'état de cause. Je dis, comme avocat de la demande, que j'ai besoin de trois témoins pour faire ma preuve, que cela peut prendre une journée et que je suis prêt à plaider cette cause. L'avocat en défense appelle alors le maître de rôle et demande quel est le délai le plus long des causes. Le maître de râle dit: La cause qui prend deux jours et demi demande quatre ans avant d'être entendue. Il reçoit mon certificat et voit que, pour moi, cela prend une journée. Il n'est pas fou, il dit: Moi, je pense que cela prend une journée et demie pour faire ma défense, avec tant de témoins, tant d'experts, etc. Il peut toujours faire une erreur et personne ne peut le blâmer. Donc, la cause vient devant le maître de rôle après un total de deux jours et demi, parce que j'ai pris une journée pour moi; lui, une journée et demie; total: deux jours et demi. Cela veut dire trois ans et demi ou quatre ans. Cela veut dire pour lui en défense quatre ans de paix, quatre ans sans faire face à la justice, quatre ans pour se cacher, quatre ans pour se faire départir de son actif, quatre ans pour s'organiser, quatre ans pour faire vraiment - quand je gagne ma cause - les démarches de telle manière que mon recours, à toutes fins utiles, devienne inutile. C'était la situation. Ce sont peut-être des avocats non scrupuleux qui se servent de ces procédures, mais, soyons très honnêtes, cela arrive surtout dans un grand district comme celui de Montréal où toutes sortes de choses se passent.

Maintenant, on change un peu ce système dans le projet de loi 83, parce qu'on dit que, quand on prépare le certificat d'état de cause, il faut que l'avocat dise en même temps qu'il est prêt à plaider la cause. C'est une amélioration. Cela veut dire que, du moment qu'il signe le certificat, théoriquement, il doit être prêt à plaider le lendemain, tandis que, jusqu'à maintenant, on pouvait dire: Oui, j'ai préparé mon certificat, mais je ne suis pas prêt à plaider tout de suite, parce que cela me prend du temps à m'organiser, à obtenir des témoins, etc. Ce sont des améliorations certaines en faveur de la justice pour qu'une cause soit entendue plus tôt qu'auparavant.

Il y a la fameuse conférence préparatoire. J'ai déjà assisté à ce genre de conférence et auparavant, ce n'était pas une chose qui avait du poids. On a mis un peu de dents à cette fameuse conférence préparatoire, parce que le juge appelle les avocats pour dire: Venez devant moi dans une conférence préparatoire pour expliquer quelle sorte de cause, combien de témoins cela prendra. Il va vérifier le certificat et il va dire: Vous avez dit que vous aviez besoin de douze témoins, mais vous pourriez le faire avec trois témoins. Ne me dites pas que cela prend trois jours; je pense que vous pouvez faire votre preuve dans une journée. Donc, il y a une manière de réduire les délais dans cette conférence préparatoire. De plus, on donne maintenant une possibilité aux avocats qui ont une expérience de plus de dix ans - donc, théoriquement, je pourrais être invité à devenir l'un de ces avocats qui... Je ne suis pas un juge à la retraite, comme le député de D'Arcy McGee le sait, mais un avocat d'au moins dix ans de pratique. Donc, théoriquement, je pourrais être appelé pour, précisément, présider une

conférence préparatoire.

Dans le projet de loi, je cherchais à savoir ce qu'on fait avec ces avocats d'au moins dix ans de pratique qui président de telles conférences. Est-ce qu'ils sont payés? Est-ce qu'ils font cela gratuitement par devoir vis-à-vis du barreau et la population? Très souvent, les avocats font très souvent des devoirs pour aider le barreau, pour aider les justiciables. Je n'ai rien trouvé dans le projet de loi. J'étais curieux. Lorsqu'on étudiera plus tard le projet de loi article par article, je suis certain que le député de D'Arcy McGee va demander: Pour attirer des avocats de première classe, qu'est-ce que vous allez faire avec ces messieurs-là, parce qu'ils vont donner de leur temps, ils vont être là tout un lundi après-midi pour écouter des gens en conférence préparatoire? Est-ce qu'ils sont remboursés par le gouvernement? Est-ce qu'ils sont payés ou s'ils font cela par bonté ou par devoir civique? (20 h 30)

M. le Président, un autre point très important et, là, je vais avertir le ministre de la Justice. Quand je parle de droit familial, en matière familiale, je parle des séparations et des divorces. Vous savez, à Montréal, c'est malheureux de le dire, mais de nos jours, l'institution du mariage, ce n'est pas fort. Il y a beaucoup de problèmes. Il y a beaucoup de séparations. Il y a beaucoup de divorces. Il y a des problèmes concernant la garde des enfants, les pensions alimentaires, le domicile, à qui cela appartient, etc. Parce que cela prend énormément de temps, il y a des juges qui sont entièrement occupés à écouter ces demandes-là qui, très souvent, prennent beaucoup de temps et exigent beaucoup de témoins et beaucoup d'énergie.

On fait une innovation par le projet de loi. On dit: Monsieur, désormais, vous pourrez procéder par affidavit. Par affidavit, cela veut dire que quelqu'un fait une déclaration sous serment, signée sous serment, sur la Bible, en disant: J'affirme le fait suivant; je suis la femme requérante et mon mari m'a trichée. J'ai trois enfants; j'aimerais bien avoir la garde des enfants parce que je suis mieux en mesure de prendre soin de mes enfants que mon mari qui est parti avec une autre femme, etc. Au lieu de faire toute cette preuve avec témoins, comme on le fait présentement, on pourra procéder par affidavit. Il y a un certain avantage à procéder par affidavit. Cela va plus vite. On n'a pas besoin de produire des témoins physiquement devant la cour. Je veux avertir le ministre de la Justice et lui dire qu'il y a tout de même un danger. Par exemple, un témoin témoigne personnellement devant la cour; je peux l'interroger ou le contre-interroger. Si quelqu'un témoigne, je peux dire: Madame ou monsieur, vous avez dit tout à l'heure telle et telle choses; voulez-vous confirmer? Je peux l'interroger; la personne est devant moi. Maintenant, par affidavit, on a un document. C'est facile. Je ne dis pas que les gens vont mentir en procédant par affidavit, mais ils vont dire: Au meilleur de ma connaissance, je crois que. Il y a toujours moyen d'y échapper et c'est peut-être plus facile, dans un document, dans un affidavit, de ne pas dire toute la vérité que directement devant un tribunal, devant un juge qui vous regarde, devant l'avocat de l'autre partie qui peut vous contre-interroger.

Évidemment, le projet de loi a prévu qu'on permette maintenant une preuve orale - cela veut dire interroger les témoins -mais c'est seulement en matière de garde des enfants, de surveillance et d'éducation des enfants. Quand il s'agit de garde d'enfants, de surveillance et d'éducation des enfants, la loi permet, indépendamment de la preuve par écrit, une preuve orale. Donc, j'ai le droit d'amener un professeur qui dirait: Je pense que c'est mieux que la garde de l'enfant soit accordée à monsieur plutôt qu'à madame, parce que c'est mieux pour la sécurité et le bien-être de l'enfant. Je peux encore faire cette preuve-là. Mais, dans d'autres domaines, par exemple, la pension alimentaire - c'est un élément grave -l'argent que la personne paie, le juge a le droit de dire: Je défends la preuve orale; je ne vous le permets pas; j'en ai assez; j'ai vu le document concernant les revenus de monsieur; j'ai vu le document, l'affidavit concernant les besoins de madame; je juge qu'il doit payer tant à sa femme. Je vous avertis. Je vous le dis: Soyez prudent avec cela, M. le ministre; permettez toujours que quelqu'un puisse être contre-interrogé verbalement devant la cour.

M. le Président, je vois que vous me faites signe. Il me reste une minute ou une minute et demie. Je voudrais simplement dire que les réclamations à la Cour des petites créances, division petites créances de la Cour provinciale, sont augmentées, par le projet de loi, de 800 $ à 1000 $. Je souscris entièrement au raisonnement du député de D'Arcy McGee quand il dit: Qu'est-ce que cela change? C'est le même juge. C'est le juge de la Cour provinciale qui change de chapeau. Au lieu d'être juge de la Cour provinciale, devant des parties représentées par des avocats, il est juge devant des personnes qui plaident en équité. Mais c'est encore le même juge. Ils sont tout le temps occupés.

C'est malheureux que j'aie seulement 20 minutes parce que c'est une matière fascinante, même si c'est technique. Je suis très heureux que le député de D'Arcy McGee m'ait demandé de l'appuyer, de faire un petit discours sur le plan pratique. Quant à nous, nous sommes pour le principe et on le dit carrément, surtout quand on est en train

de copier les initiatives du député de D'Arcy McGee, mais toujours en vous avertissant et en disant: II y a des problèmes là-dedans. Écoutez-nous pour que, la prochaine fois, vous n'ayez plus besoin de revenir avec des amendements comme aujourd'hui. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): J'ai deux personnes. M. le ministre du Travail et député de Sherbrooke...

M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: M. le Président, j'aurais volontiers cédé mon droit de parole au député de Vachon. Je le vois me concéder le même droit.

Permettez-moi quelques commentaires sur le projet de loi en discussion, la loi 83 qui, de toute évidence, va faire l'unanimité de cette Chambre. Je voudrais, si vous me le permettiez, revenir quelque peu sur l'intervention du député de D'Arcy McGee à l'intérieur de laquelle on a retrouvé des questions fort intéressantes. Le député de D'Arcy McGee a soulevé des points qui nécessitent une réflexion et qui permettent également d'approfondir certains des aspects de cette loi 83.

Par exemple, il s'est posé des questions sur la constitutionnalité de la loi au niveau de cette augmentation de la juridiction de la Cour provinciale, qui passerait de 10 000 $ à 15 000 $. Il a également soulevé une question relativement à la possibilité pour les petites et moyennes entreprises de se prévaloir des dispositions de la loi et de pouvoir présenter des recours, particulièrement en matière de poursuite sur comptes devant la cour d'accès ou la Cour des petites créances. Je suis convaincu que le ministre de la Justice, lorsqu'il exercera son droit de réplique, va revenir sur les questions qu'a posées le député de D'Arcy McGee.

Quant à moi, je voudrais retenir une conclusion générale qui se dégage des observations ou de l'argumentation qu'a développée le député de D'Arcy McGee. J'espère qu'il ne considérera pas que mes propos sont de mauvais goût quand je lui dirai, par exemple, que ses remarques procèdent de l'évaluation de quelqu'un qui a sans doute une connaissance approfondie de la théorie du droit, de la façon dont c'est écrit dans nos différents codes, mais qui n'a sans doute pas souvent pris sa mallette le matin pour aller de son bureau jusqu'au palais de justice. Si je me trompe, tant mieux, mais je vous réitère que c'est la conclusion générale à laquelle j'arrive après analyse de l'intervention du député de D'Arcy McGee.

Je me permets de relever un exemple ou un aspect de son intervention qui m'amène à la conclusion dont je viens de parler. Le député de D'Arcy McGee a soulevé le fait qu'il ne faudrait pas qu'il y ait de huis clos en matière matrimoniale et, à l'appui de son argumentation, il a invoqué deux raisons bien précises. Je les ai notées. Je ne crois pas faire erreur en les relevant.

Il a d'abord dit: On ne peut inscrire dans la loi qu'il y ait huis clos parce que, dit-il, il n'y aurait plus de place dans les corridors des palais de justice. C'est là un des premiers arguments qu'a soulevés le député de D'Arcy McGee. Le deuxième argument, toujours à l'appui de cette même thèse a été de nous dire que, parce qu'il y a ce huis clos et parce qu'il doit y avoir un va-et-vient continuel dans chacune des causes à l'intérieur des chambres d'audience, les juges ne pourraient pas rendre plus de 40 à 50 jugements par jour en matière de divorce. (20 h 40)

Ce sont les deux arguments que le député de D'Arcy McGee a invoqués quant à la thèse qu'il soutient en matière de huis clos. Quant à moi, j'ose espérer qu'il n'est pas allé au fond de sa pensée, qu'il n'a pas, non plus, développé son argumentation jusqu'à la limite pour soutenir cette thèse parce que - je reviens à mes remarques préliminaires -quiconque a eu l'occasion d'aller dans les palais de justice pour des parties, en matière matrimoniale, sait très bien que les traumatismes, les charges émotives dont parlait le ministre de la Justice cet après-midi proviennent très précisément et dans plusieurs cas, sinon dans tous les cas, du fait que les auditions sans huis clos se font en présence de tout le public qui est intéressé à assister à cette audition.

Il me semble que c'est moins traumatisant pour des personnes de pouvoir attendre dans les corridors que de devoir étaler toute leur histoire personnelle devant un auditoire qui est là pour attendre que son tour vienne. Il faut aussi avoir pratiqué ce métier pendant un certain temps - et le député de Sainte-Anne y a fait référence, d'ailleurs - pour réaliser, savoir reconnaître que ce traumatisme dont je parle s'empare très facilement des hommes, des femmes et des enfants à qui on fait appel pour agir comme témoins ou qui sont les parties impliquées dans les causes. Pour plusieurs justiciables, le simple fait de savoir que demain, par exemple, on doit se rendre au palais de justice, qu'on va devoir aller devant le juge pour raconter son histoire, cela devient, en soi, très traumatisant et c'est la raison pour laquelle je ne comprends véritablement pas les motifs qu'invoque le député de D'Arcy McGee, encore une fois, à l'appui de sa thèse sur le huis clos.

Sa deuxième argumentation est encore plus inquiétante, si je l'ai bien interprétée et bien comprise. Il nous signale que du fait qu'il y ait ce huis clos - et je présume qu'il faisait référence de façon plus particulière à

la situation qui prévaut au palais de justice de Montréal - les juges, dans l'état actuel des choses ou dans l'état qui prévalait avant l'adoption de la loi, au mois de juin dernier, pouvaient rendre, dit-il, de 40 à 50 jugements par jour et, maintenant, ce lot de jugements dans une même journée va diminuer parce qu'il y a le huis clos. Faut-il comprendre de l'observation du député de D'Arcy McGee que la qualité de la justice est proportionnelle à la quantité de jugements qu'une cour va rendre? Je comprends et je suis très heureux de voir, de réaliser que le député de D'Arcy McGee est en train de me dire que non, ce n'est pas cela et que c'est à une autre situation qu'il faisait référence lorsqu'il a développé cette argumentation. J'espère que, dans le cours du débat, il aura l'occasion de préciser sa pensée à cet égard.

Le député de D'Arcy McGee a aussi fait une autre affirmation qui m'a vraiment surpris. Cela me surprend d'autant qu'il a affirmé avec une certaine autorité, avec une certaine conviction - j'espère qu'à cet égard aussi il aura le temps et l'occasion de préciser sa pensée... J'ai compris que le député de D'Arcy McGee, dans les études qu'il a menées, dans les statistiques qu'il a recueillies, en était venu à la conclusion que dans certains districts judiciaires les juges attendent les causes. Là, il y a une double question qui se pose. Est-ce que, dans certains districts judiciaires, les juges attendent les causes parce qu'il n'y en a pas sur les rôles ou, alors, parce que les parties ne sont pas prêtes à procéder? Dommage que je sois un avocat de campagne. Je ne connais pas un seul district judiciaire pour en avoir visité passablement, où les juges attendent les causes parce qu'il n'y en a pas. C'est sans doute une exception et une rare exception à laquelle le député de D'Arcy McGee référait, mais encore une fois, je n'ai jamais été témoin, quant à moi, d'une semblable situation et je ne sache pas que cela existe. Si mon évaluation n'était pas exacte, M. le Président, et si l'affirmation du député de D'Arcy McGee était conforme aux faits, conforme à la réalité et qu'effectivement, dans certains districts judiciaires du Québec, les juges - je présume que ce sont des juges permanents de ces districts - doivent attendre les causes, doivent attendre qu'un rôle relativement normal soit confectionné avant de siéger, je me pose de sérieuses questions sur l'opportunité de conserver un district judiciaire dans lequel il n'y aurait pas suffisamment de matière pour occuper, si l'on parle de la Cour supérieure, un juge à plein temps. J'espère que là-dessus également, le député de D'Arcy McGee aura l'occasion de préciser davantage les informations générales qu'il nous a fournies, nous indiquer où des situations comme celles qu'il a décrites existent, quelle est la proportion ou l'évaluation de cette situation.

Une dernière observation, quant à moi, pour vous dire ma satisfaction de voir le ministre de la Justice insister sur la nécessité des conférences préparatoires qui doivent précéder l'audition d'une cause. Je fais une espèce de parallèle, peut-être par déformation, entre la nécessité de tenir une conférence préparatoire et ce qu'on pourrait convenir d'appeler en matière de relations du travail, la médiation préventive. La médiation préventive est un exercice permettant généralement d'éviter des litiges, d'éviter des conflits de travail. Or, la conférence préparatoire peut avoir exactement le même effet et il est heureux de voir que maintenant, dans la loi, par l'effet de la loi, des juges à la retraite, des avocats ayant accumulé dix ans et plus de pratique, pourront présider ces conférences préparatoires, parce que là encore - et le député de Sainte-Anne a mis le doigt là-dessus tout à l'heure - l'expérience démontre très clairement qu'une cause qui est inscrite devant la Cour supérieure, qui prend un an, 18 mois, deux ans ou plus avant d'être prête pour audition devant le tribunal, une grande proportion de ces causes se règlent la veille, l'avant-veille ou quelques jours avant la date prévue pour l'audition. Or, si le mécanisme de la conférence préparatoire est institutionalise, si les pouvoirs qui sont incorporés dans la loi - pouvoirs qui sont donnés au juge - sont utilisés jusqu'au maximum, je pense qu'il n'y a pas d'autre conclusion à tirer que celle qui nous permet de présumer qu'un nombre considérable de litiges portés devant le tribunal pourront trouver un dénouement sans qu'il soit nécessaire de procéder à une audition. Et encore là, c'est l'expérience qui le démontre.

M. le Président, c'est exact que le phénomène des délais en matière de justice et plus particulièrement en matière civile devant la Cour supérieure est un phénomène qui, dans certains cas, peut devenir l'équivalent d'un déni de justice. Je comprends que le phénomène peut varier d'intensité suivant que l'on se retrouve dans un district judiciaire plutôt que dans un autre, mais les mesures que l'on retrouve dans le projet de loi 83 vont très certainement avoir pour effet d'accélérer le processus de la justice et de faire en sorte que ce qui était l'équivalent d'un déni de justice n'en soit plus un maintenant. Finalement, je réitère encore une fois au député de D'Arcy McGee que je suis fort désireux de l'entendre expliciter les observations qu'il a faites tout à l'heure. (20 h 50)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Question de règlement.

L'article 205 de notre règlement prévoit que tout député estimant que ses propos ont été mal compris ou déformés peut donner de très brèves explications sur le discours qu'il a prononcé. Il doit donner ces explications immédiatement après l'intervention qui les suscite. Elles ne doivent apporter aucun élément nouveau à la discussion, ni susciter de débat.

Le Vice-Président (M. Raneourt): M. le député de D'Arcy McGee, je souhaite que vous vous en teniez justement à l'article 205 et surtout au deuxième paragraphe.

M. Marx: Oui, c'est que je n'ai rien de nouveau à ajouter parce que j'ai déjà tout dit quand j'ai fait mon discours, il y a une ou deux heures. Je sais que le ministre n'a pas déformé mes propos volontairement, parce qu'il n'est pas seulement ministre, il est aussi député et leader adjoint. J'imagine qu'il a fait autre chose que de m'entendre quand j'ai fait mon discours.

Sur la question du huis clos, je n'ai jamais dit que nous sommes contre le huis clos. J'ai dit que nous sommes pour le huis clos, à la demande d'une des parties. Ce n'est pas la même chose. Si quelqu'un veut avoir le huis clos, je suis prêt à l'accorder. Quand j'ai parlé du huis clos, où le travail des juges est réduit de 40 ou 50 jugements par jour à 10 ou à 15, c'est pour des causes de divorce non contestées. C'est ce que j'ai dit, M. le ministre. Je me demande où est l'intérêt public, où est l'intérêt des parties d'avoir une cause de divorce non contestée entendue à huis clos. Il n'y a pas d'intérêt parce que ce sont souvent les avocats. Il n'y a pas de témoin. Il n'y a pas de plaidoirie, etc.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: II ne faut pas oublier qu'un journaliste peut consulter le dossier pour voir les faits.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît;

M. Marx: J'aborde le deuxième point. Je pense que j'ai épuisé le premier point. Je vois que le ministre est d'accord avec moi qu'il a vraiment mal interprété mes propos.

Je serai très bref sur le deuxième point. Le ministre a parlé de mes propos en ce qui concerne les juges qui attendent leurs causes. C'est une expression et la preuve se trouve dans un document que l'Opposition a rendu public. Il est intitulé: "Les lenteurs de la justice: une injustice". Je vais envoyer une copie de ce document au ministre pour qu'il puisse prendre connaissance de ces faits. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Vachon.

M. David Payne

M. Payne: Assez brièvement, je voudrais ajouter mon nom à ceux qui appuient le projet de loi. Je pense qu'il y a un intérêt pour tous les électeurs de voir dans ce projet de loi les objectifs qu'on a recherchés depuis plusieurs années. Je pense qu'on ne peut souligner suffisamment la situation actuelle où, par exemple, les trois derniers juges en chef, le juge Alan Gold, le juge Challies, le juge Deschênes, ont bien signalé les failles et les délais du système actuel. Je pense que les électeurs seront très intéressés à bien constater avec nous que, annuellement, la Cour supérieure a environ 15 000 demandes de mesures provisoires qui concernent particulièrement la garde des enfants, l'obligation alimentaire et l'obligation de cohabitation pendant l'instance de la séparation ou du divorce.

Tout le monde peut aussi constater que les délais, à certains endroits, sont en moyenne de cinq à six semaines pour les causes qui ne sont même pas contestées et de trois mois pour celles qui sont contestées. Comme l'a bien signalé le député-ministre qui me précédait, la situation est d'autant plus grave lorsque l'on discute de matière civile. En 1983, sur 5600 causes portées au rôle de la Cour supérieure, seulement 30% ont été entendues, 49% ont été réglées hors cour et 21% ont été remises.

Lorsque l'on voit les délais et que l'on fait un "breakdown", si on essaie de décortiquer les chiffres, on voit que les délais pour les causes de deux jours sont en moyenne de trois ans et demi; pour les causes de trois à neuf jours, on peut compter sept ans et demi; pour les causes supposément urgentes, de trois à neuf jours, on calcule deux ans. Cela représente, au fil des années, 2300 causes civiles qui n'ont pu être entendues et se sont accumulées. C'est ce qu'on appelle en anglais un "backlog".

Donc, je pense que les objectifs du projet de loi, bien articulés, vont attaquer directement ce genre de problèmes. D'ailleurs, lorsque l'on parle, aux articles 36 et 37, d'augmenter le nombre des juges de 71 à 78, c'est manifestement une illustration non seulement de la bonne foi du gouvernement, mais une claire volonté politique de régler le problème en grande partie. Au moins, cela va nous donner l'occasion de juger de la situation d'ici une couple d'années.

Il y a aussi quelques mesures ad hoc extrêmement importantes qui touchent la préparation des causes. Ce qui m'a frappé dans le projet de loi, c'est la manière dont on essaie de mieux préparer les causes avant l'inscription d'une cause au rôle d'audition.

Je pense que tout le monde pouvait s'entendre sur la valeur, dans un deuxième temps, d'offrir par le fait même une meilleure visibilité de la preuve visant à faciliter la recherche et faisant en sorte que certaines questions de droit en litige puissent être réglées préalablement.

On pourrait, par exemple, regarder l'article 10, là où on parle de la production des documents, je parle des documents utilisés pour soutenir les prétentions des parties. Cela aura l'effet bien évident de mieux définir le débat, de mieux le circonscrire. Cela aide aussi à couper au plus court les délais et évaluer préalablement le bien-fondé de la cause et même faciliter la prise de certaines décisions avant l'inscription au rôle.

J'ai regardé également l'article 6, où on parle des pouvoirs des juges d'adopter les règles de pratique. Cela aussi, c'est une possibilité de mieux planifier les travaux de nos tribunaux, par exemple pour discuter et planifier les règles adoptées pour la mise au rôle, pour discuter des délais convenus pour la production des documents. Selon les besoins, s'il s'agit d'un district judiciaire ou d'une cour, on peut prévoir l'obligation - je souligne "l'obligation" - de produire un certificat d'état de cause ou de produire les documents précisés dans les règles de pratique, permettant ainsi de vérifier si les parties sont prêtes à être entendues. Souvent, comme on le sait très bien, on constate trop tard que les parties ne sont pas prêtes, ce qui signifie un délai accru pour la cause en question et, bien sûr, ceci implique une accumulation de travail pour les juges. (21 heures)

On parle dans le même sens des articles 12 et 17 concernant les rapports médicaux ou les rapports qu'on pourrait obtenir de l'employé concernant, par exemple, sa convention collective, pour mieux planifier, pour mieux s'informer avant que la cause soit entendue. L'article 18, dans le même sens, suggère que les rapports d'experts puissent être produits préalablement pour permettre la divulgation de certains documents. Je parcours le projet de loi et, moi, cela m'impressionne. L'article 22, par exemple, touche la preuve au moyen d'affidavits, pour établir les faits au soutien de leurs prétentions.

On a aussi parlé... Je n'ajouterai rien là-dessus mais, à l'article 11, la conférence préparatoire, si je comprends bien, pourrait être une expérience intéressante si on peut inviter non seulement le juge du procès, mais également - continuons l'expérience, je pense qu'elle est déjà enclenchée - un juge à la retraite, ou même un avocat d'expérience ayant dix ans de pratique.

I could also go into a few illustrations in English, because I think it is a matter of sufficient importance for our electors to understand that this is an attempt, a modest attempt, but a very important and serious attempt to reduce the delays particularly before, the Superior Court.

I have to underline before this Assembly the excellent work which has been done by my friend and colleague, the deputy for D'Arcy McGee, in bringing to the attention of this House, throughout a number of years - because it is not something which is proper to this Government - the ways in which delays can be shortened. It should be pointed out - as he would be the first one to admit it - that the problem is specifically in the Superior Court in the Montreal Area, a point to which the previous minister alluded a short while ago.

Also - he is documented and we substantiate it - relatively blameless are the Québec Provincial Court where it is pointed out that the delays are seldom more than six months and the Québec Superior Court, Criminal Division, in Montreal where the time is much shorter, in the area of about 100 or 112 days. Particularly in the area of the Superior Court, for example, in 1983, in civil matters, out of 5600 cases taken to the role, 30% only were heard and 49% of those - almost half of them - were settled out of court; 21% were deferred. When you look at the delays, for cases lasting two days, for example, you have three and a half years; for three to nine days, it is seven and a half years and for so-called urgent dossiers -three to nine days - it would take two years. So, obviously, if you increase from 71 to 78 the number of judges on the bench for these cases, it will attack the problem, in part, at its source.

Also, the measures which are brought in, particularly articles 10 and 12, regarding the obligation to produce documents prior to a case being heard, will obviously work out a method whereby better information can be given to the parties, first of all, and to the public, at least before the actual case is heard. Certain rules and basic operating procedures can be worked out between the parties if you look at article 6, and this is particularly useful in the outlining areas where certificates can be produced, agreements can be reached, for example, with respect to medical reports, or if, let us say, an employer had to produce a report concerning the working conditions of his employee, it would be of significant use to the court if this information, these documents could be prepared beforehand.

This kind of shopkeeping measures, some would call them housekeeping measures, to work out a way in which the delays can be reduced, obviously, would be seen as a very progressive way of improving the situation in the Superior Court.

J'aimerais terminer mes remarques,

parce qu'il y a un consentement très agréable ce soir en cette Chambre sur les améliorations à apporter par le projet de loi. J'apporte mon appui entier, parce que je considère que les objectifs de ce projet de loi méritent l'appui de la Chambre dans la mesure qu'il apporte des éléments de solutions à un grand nombre de problèmes que connaissent nos tribunaux depuis fort longtemps. C'est la raison pour laquelle je voudrais appuyer ce projet de loi.

Une voix: Adopté, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, le ministre de la Justice fera sa réplique dans quelques instants. Le voici qui entre à l'instant.

Le Vice-Président (M. Jolivet): La parole est à M. le ministre.

M. Marx: Je crois que le ministre de la Justice suit les débats à la télévision et pas en Chambre.

M. Blouin: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Je pense que le député de D'Arcy McGee n'a pas de leçon à nous donner pour la présence en Chambre. Il est le seul libéral actuellement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je pense que nous allons régler le problème en donnant la parole à M. le ministre.

M. Pierre-Marc Johnson (réplique)

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je relèverai un certain nombre de remarques qui nous viennent du député de D'Arcy McGee en particulier. D'abord, je veux remercier mes collègues de ce côté-ci de la Chambre qui ont pris la parole, dont deux ont eu une expérience pratique des tribunaux. Je pense, notamment, au député de Saint-Hyacinthe ainsi qu'au député de Vachon qui, sans être praticien du droit, s'intéresse aux questions de droit, et particulièrement le député de Sherbrooke qui a 20 ans de pratique du droit devant les tribunaux.

M. le Président, je remarque que le député de D'Arcy McGee et son collègue, M. Polak, de Sainte-Anne nous ont, à toutes fins utiles, dit, je crois, qu'ils sont d'accord avec le projet de loi et qu'ils voteront pour le projet de loi en deuxième lecture. Donc, il semble, pour l'essentiel, que ce projet de loi soit acceptable même pour l'Opposition, ce qui n'est pas négligeable, compte tenu du genre de propos qu'on entend de l'autre côté habituellement. Je relèverai un certain nombre des appréciations du député de D'Arcy McGee relativement à la politique gouvernementale en matière de justice et de législation dans ce secteur.

Le député de D'Arcy McGee qui, comme on le sait pour l'essentiel, a comme mode de réflexion le déclenchement de conférences de presse instantanées toutes les fins de semaine, a affirmé que l'absence de logique ou de cohérence dans l'approche gouvernementale avait caractérisé ce qui se passe à la justice depuis un certain nombre d'années. Je lui dirai que seulement à l'égard des cours civiles et du Code de procédure civile, une série de réformes extrêmement importantes - et ce n'est pas parce qu'elles sont étalées dans le temps que cela signifie qu'elles ne sont pas cohérentes - a été entreprise. Je pense, notamment, en 1982, à l'augmentation de la juridiction de la Cour provinciale, toujours à l'égard des délais. Je pense, en 1982, à l'augmentation du nombre de juges en Cour supérieure. Je pense, en 1982 également, à cette importante réforme de la procédure civile en matière d'appel qui, au dire même des juges, a apporté une réduction de 60% des délais en Cour d'appel, les délais étant maintenant inférieurs à deux modifications au Code de procédure civile qui sont relatives aux recours extraordinaires, les brefs d'évocation, de mandamus, l'injonction, en vue de permettre la preuve par affidavit et d'éliminer l'étape de l'autorisation préalable, et ce, d'ailleurs, conformément à des suggestions qui nous étaient faites par les tribunaux eux-mêmes ainsi que le barreau. Si bien qu'aujourd'hui, en matière de délais sur ces recours extraordinaires, on parle d'un mois à un mois et demi de délai, ce qui est quand même remarquable.

Quant aux statistiques, le député de D'Arcy McGee tourne ici les coins un peu rond. Il insiste sur les 88 mois de délai. Je lui dirai que, pour les causes ordinaires de trois jours d'audition, ce délai est de 91 mois et que de présenter 88 mois comme une moyenne ou de laisser entendre que c'est une moyenne relève évidemment de l'inexactitude la plus totale, étant donné que le délai moyen dont il s'agit en Cour supérieure est bel et bien de 21 mois, si l'on additionne les causes avec une journée d'audition, deux jours d'audition, trois jours d'audition ou dix jours et plus et si l'on intègre les causes urgentes. Je crois qu'il y a quand même des limites à caricaturer les faits et les situations comme cela arrive à notre collègue. Je comprends qu'il y a là peut-être une volonté de démontrer certaines choses sur le plan pédagogique.

Quant à la juridiction de la Cour

provinciale, dire que cela ne changera rien relève, encore une fois, à mon avis, d'une préhension un peu limitée de la réalité. L'évaluation qui en est faite, c'est qu'il y aura, dans le seul district judiciaire de Montréal, un allégement de 16% des causes devant la Cour supérieure, ce qui devrait donc se traduire par une réduction sensible des délais dans la région de Montréal en particulier.

Quant au nombre de juges, il est exact que les comparaisons entre l'Ontario et le Québec ne fusent pas. Cela dépend notamment de l'organisation différente des tribunaux ontariens qui, comme on le sait, ont un autre palier de juridiction, en plus de la Cour supérieure, qui est un peu analogue à celui de la Cour supérieure et qui entend des causes qui sont ici dévolues à notre Cour supérieure.

Deuxièmement, le fait qu'il y ait un régime de ce qu'on appelle les "masters" en Ontario et qui sont plus ou moins ce qu'on appellerait ici les protonotaires spéciaux, qui ont une juridiction plus large que les nôtres et que nous avions initialement envisagé à la suggestion du juge Gold, mais que nous avons décidé de reporter, vu les objections assez fondamentales qui provenaient notamment du barreau jusqu'à ce qu'un certain nombre d'études et, de préférence, des études conjointes, soient faites dans ce domaine, je dirai qu'étant donné la difficulté de comparaison des pommes et des oranges dans les circonstances, regardons ce que demandait le juge en chef Gold: il voulait 30 juges de plus pour la Cour supérieure. Nous en accordons sept, M. le Président. Je pense que cela n'est pas exagéré.

En ce qui concerne le soutien administratif, le député de D'Arcy McGee se souviendra peut-être d'un commentaire d'un ex-bâtonnier concernant ses critiques au sujet de l'administration de la justice, commentaire qu'on retrouvait, je crois, dans un article de la "Revue du Barreau" de février 1984 dans lequel le bâtonnier Gérard Beaupré s'étonnait, et je cite: "Le député Marx s'attaque au gouvernement. À première vue, cela paraît normal de la part d'un membre de l'Opposition, mais les raisons qu'il évoque sont ahurissantes. Il nous parle de l'absence de papier de toilette dans les W.-C. pour expliquer les lenteurs du processus judiciaire. À croire que la longueur des délais dans l'audition des causes se mesure au temps pris par les juges pour s'essuyer les mains." Je ferme les guillemets.

Un peu plus tard, M. Beaupré, l'ex-bâtonnier de Montréal dit que, de la même manière, l'honorable invité - en faisant référence au député de D'Arcy McGee -semble attribuer au huis clos intégral en matière de droit familial le délai de quelque 24 mois pour l'audition des divorces contestés. Et d'ajouter l'ex-bâtonnier

Beaupré: "Les corridors du seizième étage du palais de justice sont remplis à pleine capacité alors que les salles d'audience ont perdu leur auditoire", citant ici M. Marx. M. Beaupré continue en disant: "Aurait-on oublié que le procès se tient dans les salles d'audience et non pas dans les corridors encombrés?"

Il est exact, et nous n'en disconvenons pas, qu'il y a eu un certain problème, une certaine quantité d'ajustements nécessaires pour la magistrature à l'égard des contraintes budgétaires dont elle a fait l'objet comme l'ensemble, d'ailleurs, des secteurs public et parapublic, quels que soient les services fournis par l'État aux citoyens. Il est vrai que ces contraintes budgétaires ont ébranlé les habitudes de la magistrature comme les habitudes des avocats de la couronne, comme les habitudes des gardiens de prison dans le système judiciaire, comme les habitudes de tous ceux et celles qui travaillent au service de l'État, quelle que soit la mission dont il s'agit. Nous tentons de régler ces problèmes dans la mesure où ils sont importants et qu'ils ne témoignent pas simplement d'un refus du changement.

Finalement, à l'égard des recommandations que le député de D'Arcy McGee nous dit être les siennes pour faire une réforme majeure de la justice, je citerai un document du député de D'Arcy McGee daté du 5 janvier 1984 dans lequel, pour l'essentiel, il explique la grande réforme qu'il ferait pour améliorer la situation en Cour supérieure du Québec et qui serait composée de trois volets.

Premièrement, les juges devraient avoir plus de pouvoirs pour régler les problèmes administratifs à l'intérieur des palais de justice. Le député de D'Arcy McGee, dans ce dossier, comme dans quelques autres, est au courant de la démarche, de l'approche que le ministère partage avec tous les intervenants, à savoir que la perspective de voir la magistrature contrôler elle-même une partie de ses budgets, notamment celle qui touche son secrétariat et les huissiers audienciers, c'est une chose qui est en branle depuis un certain temps au ministère.

Deuxièmement, il affirme que des mesures devraient être prises afin d'assurer une meilleure utilisation, une meilleure répartition des salles d'audience des palais de justice comme celui de Montréal. Je ne doute pas que le juge en chef de la Cour supérieure, en ce qui concerne ces salles, soit en train de le faire.

Troisièmement, il suggère qu'un comité tripartite regroupant des représentants du ministère de la Justice, de la magistrature et du barreau devrait être établi alors que le comité tripartite existe depuis dix ans. S'il avait fallu que nous nous contentions des suggestions du député de D'Arcy McGee pour

faire cette réforme, ma foi, elle aurait été bien mince. Nous avons donc choisi, encore une fois en concertation avec le barreau, et je dirai très largement à la demande, aux suggestions insistantes du juge en chef de la Cour supérieure, le juge Gold nouvellement arrivé, de procéder à ce projet de loi qui vise non seulement à prétendre régler le problème des délais par une simple augmentation du nombre de juges et à faire en sorte que la preuve entre les parties soit plus accessible et transmise, donc que les débats soient mieux circonscrits, que nous nous donnions des instruments comme la conférence préparatoire pour que les parties se préparent mieux, de telle sorte qu'il y ait, en pratique, moins de causes qui se rendent au stade de l'audition, étant donné que les parties pourront avoir décidé de régler hors cour ou de se désister et que les causes qui se rendront au niveau de l'audition, elles, seront fixées pour des durées plus raisonnables permettant ainsi aux justiciables de voir leur procureur et le chef du tribunal, le juge, trancher dans des objets de droit ou des questions de fait qui auront été bien circonscrites et sur lesquelles les parties se seront entendues quant à l'arbitrage qu'elles attendent du juge. (21 h 20)

L'ensemble de ces mesures, encore une fois, ne prétend pas garantir de façon quasi automatique et instantanée la réduction des délais en Cour supérieure, mais sûrement y contribuera d'une façon sensible, d'une façon sérieuse et d'une façon acharnée. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Le principe du projet de loi 83, Loi modifiant le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des institutions

M. Blouin: M. le Président, je propose donc maintenant que nous déférions ce projet de loi à la commission des institutions, qui procédera à son étude détaillée. Elle sera présidée par un président de séance.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint.

M. Blouin: M. le Président, nous allons donc maintenant parler de pêcheries et d'aquaculture commerciales. À cet égard, je vous demande d'appeler l'article 21 de notre feuilleton, s'il vous plaît!

Projet de loi 48 Adoption

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est l'adoption du projet de loi 48, Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales et modifiant d'autres dispositions législatives. La parole est au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. M. le ministre.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, je préférerais beaucoup faire ce soir cette troisième lecture aux Îles-de-la-Madeleine, sur la Côte-Nord ou en Gaspésie à cause du désert qu'il y a en face de moi, à savoir l'absence complète des libéraux. Le secteur des pêches, comme le secteur de l'agriculture, ne les intéresse pas. J'ai pour seuls auditeurs ce soir, du côté de l'Opposition libérale, le député de Huntingdon, où on ne peut pas dire que la pêche est l'industrie dominante, et le député de Charlesbourg, où on ne peut pas dire non plus que la pêche est l'industrie dominante. Ce qui veut dire au fond que le député de Bonaventure, qui devrait être ici, est absent, que le député de Saguenay, qui devrait être ici, est absent...

M. Côté: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Un instant! Un instant! J'ai d'abord l'obligation d'écouter, si une question de règlement est soulevée, en vertu de quel article du règlement. M. le député de Charlesbourg.

M. Côté: M. le Président, j'invoquerai l'article 205, lorsque le ministre aura fini d'"élucubrer" et de dire n'importe quelle sottise.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! D'une façon ou de l'autre, je serai dans l'obligation de vous le refuser. M. le ministre.

M. Garon: M. le Président, je me serais attendu au moins, dans cette soirée où on parle d'une loi très importante, du projet de loi 48 sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales, de trouver le député de Bonaventure et le député de Saguenay en cette Chambre. Il me semble que ce serait la moindre des choses puisqu'ils disent s'intéresser aux pêches. Je comprends que le

chef hors les murs a décidé de ne pas venir à l'Assemblée nationale, d'aller aux Îles-de-la-Madeleine, comme c'est la tradition libérale, pendant le temps de la pêche au homard, étant bien certain de ne pas rencontrer les pêcheurs, parce qu'ils sont au large, en train de pêcher. C'est pour cette raison que j'ai eu la surprise de ma vie, hier, d'avoir une question en Chambre sur les Îles-de-la-Madeleine et le zonage agricole. Je me serais attendu davantage, après une visite du chef du Parti libéral aux Îles-de-la-Madeleine. Dans une vaste assemblée où il attendait 500 personnes - il y avait plus de 400 chaises vides... Il y a - d'après ce qu'on me dit - autour de 70 ou 75 personnes qui sont allées entendre parler le chef hors les mûrs de propos complètement étrangers aux Îles-de-la-Madeleine. Les gens des îles m'ont dit, quand j'ai été nommé ministre des Pêcheries: M. Garon, on espère qu'on va vous voir en d'autres temps que dans les périodes de l'année où on voyait les libéraux. Habituellement, on les voyait entre le 10 mai et le 10 juillet, pendant le temps de la pêche aux homards. Là, ils venaient faire de la pêche. Ils venaient à bord de l'avion du gouvernement. Ils remplissaient leurs coffres de homards. Ils ramenaient du homard à Québec, lors de leurs voyages. Ensuite, on ne les voyait plus du reste de l'année.

Ils ont dit: J'espère, M. Garon, que vous allez venir aux îles pendant l'hiver, parce qu'on aura le temps de jaser avec vous. Je me suis fait un devoir d'aller aux Îles-de-la-Madeleine surtout pendant l'hiver pour parler avec les gens, alors qu'ils ont le temps de parler de ces questions sur les pêches. Comme les pêcheurs des Îles-de-la-Madeleine ne pêchent pas l'hiver à cause des glaces, nous avons l'occasion de parler de ces questions.

Évidemment, le chef du Parti libéral, M. Bourassa, le chef hors les murs, n'a jamais été renommé entre 1970 et 1976 pour s'intéresser beaucoup à l'agriculture ou aux pêcheries. Aujourd'hui d'ailleurs, je suis persuadé que les gens qu'il rencontre constatent qu'il ne pose pas beaucoup de questions parce qu'il faut avoir une certaine connaissance même pour poser des questions aux gens qu'on rencontre dans le secteur des pêches. Il n'est pas véritablement intéressé par ces questions. Il en parle peu et, en plus, il ne veut pas que les gens de son parti en parlent. Puisqu'il a dit que dans le domaine agricole, entre autres, aucun des députés du Parti libéral n'avait le droit de parler de ces questions, sauf le député de Maskinongé et lui-même. Ce qui veut dire, au fond, que le chef lui-même n'est pas trop au fait de ces questions. Il reste seulement le député de Maskinongé finalement qui peut en parler un peu. Cela ne fait pas une équipe forte dans le secteur agricole.

Dans le secteur des pêches, nous avons le député de Saguenay qui en parle très peu...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Garon: J'aimerais, M. le Président, que le député de Charlesbourg arrête...

Une voix: Un peu de modération...

M. Garon: ...de parler de fumier. On est dans les pêches, M. le Président. Je pense que c'est...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! J'ai bien entendu et je pense que le droit de parole appartient à M. le ministre. Si vous voulez l'utiliser par la suite, vous avez le droit de l'utiliser, M. le député. J'ai entendu des choses qui sont des bruits de fond. M. le député de Charlesbourg, je ne niaiserai pas ici. Non, M. le député...

Une voix: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): II n'y a pas de question de règlement sur cette question. M. le ministre était en train de parler. Je vais protéger son droit de parole. Je ne voudrais en aucune façon qu'il soit, en vertu du règlement, par des menaces verbales ou autres, dérangé. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Pagé: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, M. le whip de l'Opposition.

Une voix: Quel article?

M. Pagé: En vertu de notre règlement, est-ce qu'un député, peu importe le fauteuil qu'il occupe, a le droit de qualifier...

M. Blouin: Article 39, M. le Président...

M. Pagé: ...les propos des députés de niaiseries?

M. Blouin: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse. S'il vous plaît! J'essaie simplement de protéger le droit de parole de M. le ministre. S'il vous plaît! Cela ne m'empêche pas... Je m'excuse. Mais je veux simplement vous dire que, de mon siège ici, je n'aime pas que l'on m'interpelle de cette façon non plus. La présidence a aussi ses droits. C'est tout ce que je demande de sauvegarder. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Garon: Je ne comprends pas que les députés du Parti libéral qui sont présents soient offusqués que je dise que leur chef est un chef hors les murs et qu'il n'est pas présent à l'Assemblée nationale. Je pense bien que je ne suis pas le seul à constater cela. Nous sommes au moins 122 à constater cela. L'Assemblée nationale le constate. La population le constate. Les journalistes le constatent. De plus en plus, on voit les éditorialistes qui commencent à se demander comment il se fait qu'un chef d'une formation politique ne veuille pas être présent à l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, tout ce que je vous demande, c'est de revenir à la pertinence du débat. S'il vous plaît, M. le ministre. (21 h 30)

M. Garon: Si je souligne ce fait, c'est que j'aurais aimé que dans le débat sur la loi 48, le chef du Parti libéral puisse se prononcer sur la loi 48. Vous comprendrez qu'il est assez important que le chef du Parti libéral puisse se prononcer sur un sujet aussi fondamental; le chef du Parti libéral n'a pas été reconnu pour sa défense des droits du Québec en matière de pêches. En 1976, il s'est réparé ou bâti trois bateaux au Québec sous l'administration libérale pour une somme de 75 000 $, ce qui veut dire à peine trois grosses chaloupes. Sous le gouvernement actuel, depuis 1977, nous avons construit 168 bateaux de plus de 45 pieds, pour des millions de dollars chaque année. J'aurais aimé pouvoir rencontrer en cette Chambre le chef du Parti libéral; c'est avec une certaine tristesse que je constate que le chef du Parti libéral ne veut pas venir parler de la loi 48, des pêches et de l'aquaculture commerciales en cette Chambre.

Le projet de loi 48 a été déposé au mois de novembre; ce n'est pas d'hier qu'il a été déposé. C'est un projet de loi qui affirme les droits du Québec dans le secteur des fonds marins, dans le domaine des pêcheries et de l'aquaculture commerciales, domaine qui était, à toutes fins utiles, vacant auparavant et sur lequel les gouvernements antérieurs n'avaient pas véritablement affirmé les droits du Québec. Le gouvernement actuel estime que la loi 48 est une loi fondamentale parce que, pour la première fois dans l'histoire du Québec, le gouvernement du Québec assumera ses droits constitutionnels dans le secteur des pêches et de l'aquaculture commerciales. C'est l'une des lois les plus fondamentales qui auront été adoptées depuis 1867 dans le Parlement de Québec puisqu'elle déterminera que le Québec, en matière de pêcherie et d'aquaculture, occupera les droits que lui donne la constitution.

Non seulement je pense, mais je sais que c'est une des lois qui sont suivies avec le plus d'intérêt par les gens de Terre-Neuve, par les gens de Nouvelle-Écosse, par les gens de l'Île-du-Prince-Édouard, par les gens du Nouveau-Brunswick, parce qu'ils savent que, lorsque la loi 48 sera adoptée, le Québec aura décidé d'assumer ses droits constitutionnels sur les fonds marins en matière de pêcheries et d'aquaculture commerciales. Je peux vous dire que, même si les gens du Nouveau-Brunswick sont venus ici pour dire: Avec cette loi, vous pensez trop québécois, officieusement, ils nous disaient: Si nous étions Québécois, nous voterions pour cette loi 48 parce qu'elle défend véritablement les intérêts du Québec. Mais ils sont du Nouveau-Brunswick.

Les gens de Terre-Neuve m'ont dit: Aussitôt que votre loi sera adoptée et qu'elle aura commencé à fonctionner, nous ne tarderons pas à en adopter une pareille. Pourquoi? Parce que, pour une fois, le Québec, en matière de pêches et d'aquaculture, assumera la direction du mouvement. En Nouvelle-Écosse, ils ne sont pas insensibles à cette loi 48, non plus. À l'Île-du-Prince-Édouard, ils ne sont pas insensibles à cette loi 48, car, grâce à la loi 48 que nous voterons à l'Assemblée nationale, éventuellement, il y aura un Conseil des pêches du Nord-Est atlantique ou de l'Est du Canada.

Que le Québec devienne souverain ou non... C'est ce que le chef du Parti libéral n'a pas compris, puisque la seule fois qu'il en a parlé, il a dit: C'est une loi indépendantiste. Bien, voyons donc! Faudra-t-il attendre la souveraineté ou l'indépendance du Québec pour assumer les droits du Québec? C'est pour cela que j'aurais aimé que le chef hors les murs du Parti libéral se retrouve ici afin que je puisse lui dire directement, en pleine face - pour cela, il faudrait pouvoir lui voir la face - ceci: Vous êtes contre les droits du Québec en ne voulant pas voter pour la loi 48.

Que l'on soit fédéraliste, nationaliste ou souverainiste, la loi 48 est bonne parce qu'elle va mener à un Conseil des pêches de l'Est du Canada. Le Québec assumant ses responsabilités et ses juridictions pourra, à l'avenir, parler à la table des pêches de l'Est du Canada. Il ne sera plus un mendiant, il ne sera plus un "téteux". Il pourra affirmer ses droits et les faire respecter par sa police maritime. Il pourra faire respecter sa loi et sa réglementation plutôt que de mendier.

À la suite des décisions du gouvernement fédéral de juillet 1983, alors que le ministre fédéral des Pêches, au nom de son gouvernement, a annoncé que l'entente qui a régné de 1922 à 1983, durant 61 ans, était brisée par le gouvernement fédéral unilatéralement, sans aucun avertissement, en pleine période estivale, étant certain qu'à peu près tous les Parlements étaient fermés, au mois de juillet, comme d'habitude -

c'était une mesure très importante - la réaction du gouvernement du Québec, le gouvernement du Parti québécois, a été de dire: Nous devons assumer nos juridictions. Maintenant qu'il n'y a plus d'entente, nous nous retrouvons dans la situation antérieure à 1922 où les tribunaux supérieurs, qui, à ce moment-là, étaient le Conseil privé de Londres jusqu'à 1949 - donc, avant 1922, c'était le Conseil privé de Londres - ont déterminé que la juridiction sur les pêches du gouvernement fédéral devait être interprétée dans le cadre du respect des autres attributions constitutionnelles et, notamment, de la section sur les droits civils et la propriété. Cela veut dire que le gouvernement du Québec a une juridiction sur les fonds maritimes dont il est le propriétaire, dont il est le garant, dont il assume au nom de notre collectivité la responsabilité. C'est pourquoi l'entente de 1922 étant abolie par le gouvernement fédéral, il devenait nécessaire pour le Québec d'assumer toutes ses juridictions dans le secteur maritime. C'est ce que nous avons voulu faire. Nous aurions préféré que l'entente demeure, puisqu'une entente qui dure 61 ans, avec des gouvernements de toute catégorie, libéraux ou conservateurs à Ottawa, libéraux...

M. Pagé: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, question de règlement de la part du whip de l'Opposition.

M. Pagé: Je m'excuse, M. le Président. M'est-il permis avec insistance, avec grande conviction, de vous signaler que nous sommes seulement neuf députés à l'Assemblée nationale, dont cinq libéraux et quatre péquistes, et qu'on n'a pas quorum pour entendre le ministre?

Le Vice-Président (M. Jolivet): Vous avez raison. Qu'on vérifie le quorum.

M. Pagé: Merci. Appelez les députés.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Blouin: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: ...je vous signale que nous sommes maintenant six députés de la majorité et que...

Une voix: Ah oui, c'est beaucoup.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je ne permettrai pas cela. M. le ministre.

M. Garon: M. le Président, il est évident que le gouvernement du Québec devait assumer ses droits en matière de pêches, en matière d'aquaculture ou en matière de fonds marins. En matière d'aquaculture, il faut aller plus loin. Quand la constitution de 1867 détermine que le gouvernement fédéral a juridiction en matière de pêcheries, il faut bien constater que, quand il s'agit d'aquaculture, il ne s'agit pas de pêche, il s'agit d'élevage. Il ne s'agit pas d'une capture, de courir après le poisson. Il s'agit d'élever le poisson dans un enclos déterminé et, à ce moment-là, le propriétaire du fonds qui élève du poisson dans un enclos déterminé, avec des agrès attachés au fonds, sur son territoire, sur son sol, relève d'une juridiction totalement québécoise, juridiction que, jusqu'à maintenant, nous n'avions jamais assumée, juridiction qui n'avait jamais été clairement déterminée dans des textes de loi. C'est pourquoi le projet de loi 48 est si important, parce qu'il détermine que l'aquaculture, c'est un vaste domaine avec des possibilités extraordinaires. (21 h 40)

On n'a qu'à penser à toutes les espèces de poisson que nous pourrons élever au Québec. On n'a qu'à penser qu'il sera possible de déterminer des concessions de fonds marins à des gens pour faire l'élevage. Je disais, hier, en parlant du crédit aquacole, en commission parlementaire, qu'avec une dizaine de milliers de dollars d'investissement une personne pourra faire l'élevage des moules aux Îles-de-la-Madeleine, grâce à une concession du gouvernement. À ce moment-là, avec un bassin ou un territoire d'eau, il sera possible de faire l'élevage et d'expédier des moules sur le marché de Québec. Auparavant, les moules consommées au Québec, les moules d'élevage, étaient toutes importées. Actuellement, deux personnes des Îles-de-la-Madeleine se préparent à entreprendre l'élevage des moules et, pour ce faire, elles devront détenir un permis. Elles auront accès, avec l'adoption du projet de loi sur lecrédit aquacole, à un crédit du gouvernement du Québec pour développer cet élevage. Des dizaines de personnes pourront gagner leur vie ainsi.

Évidemment, il faut avoir les pieds sur terre. En Amérique du Nord, on trouve des grandes entreprises comme IBM, General Motors et Ford. Par ailleurs, la majorité des gens qui habitent l'Amérique du Nord gagnent leur vie dans des entreprises qui comptent moins de 100 employés. Il est important, au Québec, de développer la petite et moyenne entreprise parce qu'elle va donner des emplois. Le projet de loi 48 a précisément pour but de permettre de développer le secteur des pêches.

Ceux qui pensaient qu'il était suffisant d'avoir une loi fédérale constateront, au cours des semaines, que, bien que la gestion fédérale ne s'occupe de la protection du secteur des pêches au Québec que depuis le 1er avril, les malheurs ont commencé à pleuvoir dru. Les rapports qui me parviennent du territoire maritime gaspésien révèlent que, dans le secteur de la pêche au homard, il n'y a pas beaucoup de protection et l'année 1985 ne donnera pas de si bons résultats de pêche si les agents fédéraux de la protection laissent tout le monde pêcher des petits homards et ne tiennent pas compte de la dimension des homards. On me dit, par exemple, qu'aux postes de triage nos agents sont surpris de constater à quel point il peut y avoir des petits homards qui sont pêchés. Pourquoi? Parce que le gouvernement fédéral a assumé cette année la responsabilité dans le secteur des pêches en abolissant l'entente de 1922 sans être organisé pour le faire, sans avoir les ressources pour le faire. Résultat: on est en train de dilapider la ressource du homard dans le territoire maritime.

Dans le secteur de la pêche au crabe, on est en train de faire la même chose. Le gouvernement fédéral a été obligé d'intervenir presque immédiatement après l'ouverture de la pêche, puisqu'il ne reste quasiment plus de crabes à pêcher. Les quotas auront été pris en l'espace de quelques semaines et, au début de juin, il ne reste quasiment plus de quotas. Résultat: on est obligé de donner des quotas par bateau, mais après, puisque le crabe est pris. Au moment où je vous parle, plus de 75% des quotas ont déjà été pris. La plupart des travailleurs ou des pêcheurs n'auront pas pêché assez longtemps pour payer leurs timbres d'assurance-chômage. Voilà ce que cela donne une gestion improvisée, inorganisée.

Vous savez, quand j'étais allé rencontrer des dirigeants du gouvernement fédéral à Ottawa, il y avait un sous-ministre, M. Parsons, lorsque j'avais demandé de répartir les cages de crabes différemment. Au lieu de permettre à chaque pêcheur d'avoir 150 cages, ce qui, à notre avis, est un trop grand nombre de cages, au lieu d'avoir quatre personnes à 150 cages, donc 600 cages pour quatre personnes, cela serait mieux d'avoir peut-être six pêcheurs avec 100 cages. On permettrait à plus de gens de gagner leur vie honorablement en même temps qu'on aurait une meilleure cueillette de la ressource.

M. Parsons, lui-même responsable de ce secteur, m'avait dit: Vous savez, je ne voudrais pas permettre cela parce que, même à 150, on n'est pas capable de vérifier cela. J'ai été estomaqué de constater qu'il admettait qu'il était incapable d'assurer la protection de la ressource. Les résultats qu'on voit aujourd'hui, c'est que la ressource est en train d'être dilapidée. Au rythme où on fait les choses actuellement dans le secteur du crabe, avec la pêche faite par des gens qui viennent dilapider la ressource qu'on trouve sur le territoire québécois, on est en train de miner l'avenir dans le secteur des pêches.

Les gens savent qu'actuellement au Québec ces choses ne sont pas permises. Les gens qui viennent d'ailleurs pêcher sur notre territoire pêchent sans aucune limite puisque les inspecteurs fédéraux ne font pas leur travail. Dans les prochains jours, j'aurai l'occasion d'émettre un communiqué où je dirai à quel point la gestion des pêches dans le secteur du crabe, cette année, dans le golfe, est un massacre, est un désastre.

Cette situation explique, entre autres, que cette année la part du Québec dans les débarquements de crabes capturés dans le golfe a chuté en moyenne de 30%. Il y a toujours des limites à voir à quel point la ressource est dilapidée. Heureusement, avec la loi 48, nous obligerons les gens qui déposent des cages à crabe dans le fond du golfe à avoir une autorisation de déposer leurs cages à crabe sur nos fonds marins et sans autorisation, ils ne pourront le faire.

M. le Président, la solution à ce problème est simple: c'est la loi 48. La solution aux questions du homard, c'est également la loi 48 pour donner une sécurité au point de vue de l'utilisation des fonds marins pour des activités de pêche.

Je sais bien que ceux qui parlent du secteur des pêches au sein du Parti libéral n'ont jamais approfondi la question. J'ai eu l'occasion, ce midi encore, de dîner avec un représentant d'une association importante de pêche dans le domaine des pêches hauturières; nous avons conversé ensemble sur les pêches.

Les gens dans le territoire maritime actuellement sont traumatisés de voir à quel point la gestion de la ressource est inefficace. J'avais prédit que ceci se réaliserait et c'est ce qui se réalise actuellement. Parce que les libéraux n'ont pas permis l'adoption de la loi 48 au mois de décembre, en 1984, parce qu'il faudra adopter les règlements après l'adoption de la loi, faire les consultations nécessaires après l'adoption de la loi, mettre en vigueur des permis seulement pour 1985 parce que pour 1984, à toutes fins utiles, cela n'est plus possible, il y aura eu une destruction de la ressource dont ils auront été la cause en se faisant les complices du gouvernement fédéral. (21 h 50)

La loi 48 était absolument nécessaire. À mesure que les semaines vont s'écouler au cours du mois de juin ou juillet, les gens vont se rendre compte à quel point la loi 48 était nécessaire. Les gens vont se rendre

compte - et ils commencent de plus en plus à s'en apercevoir - à quel point la gestion faite dans les pêches actuellement par le gouvernement fédéral, qui assume cette responsabilité depuis le 1er avril 1984, est un désastre parce qu'il n'a pas le personnel, il n'a pas les équipements, il n'a pas l'organisation nécessaire pour le faire. Au lieu de poser des gestes inconsidérés, de faire des déclarations unilatérales, on aurait dû essayer de s'entendre avec le gouvernement du Québec. Mais non, nous avons appris la nouvelle dans les journaux comme tout le monde. C'est absolument anormal de la part d'un gouvernement voisin. Le gouvernement américain ne traite pas de cette façon le gouvernement canadien. Le gouvernement fédéral traite les Québécois de cette façon. Aujourd'hui, dans le secteur des pêches, nous nous trouvons avec une gestion inadéquate.

Au cours des prochaines semaines, une fois la loi 48 adoptée, nous aurons l'occasion de discuter avec les gens du territoire maritime des différents règlements concernant l'utilisation des fonds marins au Québec et l'utilisation de permis de concessions pour des fins d'aquaculture. Je suis convaincu que les gens verront tous les avantages que leur procurera la loi 48, toute la sécurité que leur accordera la loi 48 parce que cette loi est faite en fonction de nos intérêts. Je n'ai rien contre les gens de Terre-Neuve qui défendent leurs intérêts. Je n'ai rien contre les gens de la Nouvelle-Écosse qui défendent leurs intérêts. Je n'ai rien contre les gens de l'île-du-Prince-Édouard ou du Nouveau-Brunswick qui défendent leurs intérêts. Mais le rôle du gouvernement du Québec, c'est de défendre les intérêts des Québécois. Si les gens des autres provinces veulent aussi défendre leurs intérêts, ils adopteront rapidement une loi comme la loi 48. D'ailleurs, chacun à sa façon, ils nous ont dit: Nous vous regardons faire et, quand vous aurez mis en place des instruments, nous vous imiterons.

Pourquoi? Parce qu'ils savent que le Québec, à cause de sa population de 6 500 000, à cause de son organisation dans le secteur des pêches, qu'il a administré depuis 1922, a une connaissance plus grande de la gestion des pêches, de la gestion du territoire maritime, des fonds marins, et que la ligne de conduite qu'il va prendre servira d'exemple aux autres. C'est pourquoi j'ai mal compris que le chef du Parti libéral, le chef hors les murs, ait dit que c'était une loi indépendantiste. Au contraire, c'est une loi qui va fonctionner aussi bien, que le Québec soit souverain ou ne le soit pas. Dans le cadre de la Confédération, y a-t-il quelque chose de mal à assumer les pouvoirs que nous donne la constitution? Y a-t-il quelque chose de mal à décider que les pouvoirs constitutionnels du Québec doivent être assumés par le Québec? Évidemment, les libéraux, dans ce domaine, ont une longue tradition depuis Godbout qui a abandonné des pouvoirs de taxation du Québec à la faveur de la guerre, pouvoirs qui n'ont jamais pu être récupérés à 100% par les Québécois. Il a sacrifié ces droits pour un plat de lentilles. C'est une longue tradition. Mais pour nous, il est fondamental d'occuper ces juridictions pour protéger le secteur des pêches au Québec.

Qu'on regarde le travail accompli. Évidemment, on partait de loin, avec une flotte complètement inadéquate, M. le Président. Savait-on qu'il n'y avait aucun bateau de pêche au Québec où il y avait une douche pour des gens qui passaient plusieurs jours à travailler à bord de leur bateau? Savait-on que c'était l'exception de trouver une toilette à bord d'un bateau de pêche? Aujourd'hui, nous avons commencé par construire des bateaux modernes, avec des cales modernes. Je pense à M. Cotton, qui était à mon bureau et qui me disait: M. Garon, il faut absolument refaire les cales de nos bateaux; autrement, il est impossible de fournir la qualité de poisson que vous demandez et que les consommateurs sont en droit d'avoir. Il faut moderniser les cales. Il faut moderniser les bateaux. Il faut moderniser les usines et, à partir de 1985, toutes les usines du Québec qui fonctionneront en 1985 auront été modernisées.

Je me rappelle les discours du député de Bonaventure qui disait: Mission impossible. Vous demandez trop. Vous allez trop vite. M. le Président, je peux vous dire qu'actuellement le territoire maritime est en train de se moderniser à un rythme tel que nous n'aurons pas honte de dire, dans quelques mois, que nous prenons la tête du peloton dans le secteur des pêches en Amérique du Nord. Au Canada, sûrement. C'est déjà fait, au Canada. Avec les systèmes d'inspection et de triage que nous avons mis en place, les gens nous font des rapports et me disent: C'est surprenant, les progrès qui ont été accomplis au cours des derniers mois. Pourquoi? Parce qu'aujourd'hui il y a un système de contrôle de la qualité du poisson. Il n'y en avait pas auparavant. Nous avons adopté des lois dans ce secteur. Croyez-le ou non, la Loi sur la préparation des produits de la mer au Québec avait un article, deux, pardon, 1. l'article fondamental, 2. l'article de la mise en vigueur. Cela faisait une belle loi! Cela montrait un peu le temps qu'on donnait aux pêches sous le régime libéral.

Aujourd'hui, il faut d'abord se donner des institutions, des instruments, des droits, assumer les droits que nous avons. C'est pourquoi nous avons, d'abord, fait de la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments, pour que nous puissions faire en sorte que, dans le secteur des pêches, il

y ait un contrôle de la qualité. Nous sommes allés plus loin au mois de décembre dernier par la loi 49. Nous avons dit: Toutes les fabriques à glace devront détenir un permis et respecter les normes de qualité pour que l'eau utilisée dans les fabriques à glace soit une eau de première qualité pour travailler avec du poisson. Les entrepôts pour la bouette aussi devront respecter un certain nombre de normes. Tout le secteur des pêches sera modernisé et je peux vous dire que les projets de loi qui sont devant le Parlement actuellement, comme celui sur la commercialisation des produits marins, vont permettre de faire la distribution sur le marché québécois des produits marins produits sur le territoire québécois.

Mais, comme nous produisons seulement 80 000 tonnes de poisson, alors que nous en consommons 140 000 tonnes, il faut faire le développement du secteur des pêches pour nous nourrir nous-mêmes en produits marins. Actuellement, nous importons la plus grande partie de nos produits marins de l'étranger alors que nous avons dans le golfe des ressources qui sont achetées par d'autres. Imaginez-vous! Imaginez-vous que le ministre fédéral permet aux bateaux russes d'apporter au Québec des crevettes qui sont pêchées dans des zones où devraient pêcher nos bateaux et qu'il tarde à émettre le permis de pêche à la crevette au Kristina Logos et au Lumaaq qui sont nos deux bateux de 150 pieds qui peuvent pêcher dans la zone de 200 milles. Le gouvernement fédéral avait déterminé des permis de pêche dans la zone de 200 milles lorsque le Canada a eu accès à la zone de 200 milles, deux permis pour le Nouveau-Brunswick, deux permis pour l'Île-du-Prince-Édouard, deux permis pour la Nouvelle-Écosse, deux permis pour Terre-Neuve, deux pour le Québec et trois pour le Labrador. (22 heures)

M. De Bané arrive. Il ne veut pas réémettre les permis de pêche à la crevette au Kristina Logos et au Lumaaq, mais il émet ceux des autres provinces. Apparemment, la grande difficulté serait que, lorsque nous avons formé la compagnie qui groupait des gens du Québec, Pêcheurs unis, Les fruits de mer de l'Est, dont la propriété est à Londres, SOQUIA, un investisseur privé, des Danois qui avaient un fort pourcentage d'actions, SOQUIA, au nom des Québécois, a racheté les parts des Danois. Résultat: M. De Bané n'est pas heureux parce que les Québécois ont la majorité des actions par SOQUIA et il refuse actuellement d'émettre les permis.

Nous avons acheté le Lumaaq, un bateau qui était la propriété des Esquimaux, qui avait eu des problèmes financiers, pour utiliser le deuxième permis au Québec. Nous avons pu nous entendre, finalement, et le permis a été émis. Au lieu de l'émettre au nom du propriétaire, M. De Bané a eu le génie - imaginez-vous! - de l'émettre au nom d'une compagnie qui n'avait aucune action dans la compagnie qui avait acheté le Lumaaq. Il a émis le permis comme promis, mais, au lieu de l'émettre à ceux qui étaient propriétaires du bateau, il l'a émis à une autre compagnie, Pêcheurs unis, qui n'avait aucune action dans le Lumaaq. On en est resté estomaqué. Cette année, il n'émet pas jusqu'à maintenant de permis de pêche à la crevette. C'est incroyable.

Madelipêche doit demander ses permis au voyage. Six bateaux de plus de 100 pieds, en fer, avec des équipements sophistiqués, qui ont été modernisés cette année au coût de 3 000 000 $. Les permis doivent être demandés au voyage. Dans le cas des deux autres bateaux, le Rallye II et le Nadine, qui avaient été acquis d'une compagnie du Québec par une autre compagnie possédée par la Nouvelle-Écosse, mais qui ne pêchaient pas depuis deux ans et dont les propriétaires ne payaient au gouvernement du Québec ni les intérêts ni le capital, nous avons décidé de vendre les bateaux. Le gouvernement fédéral augmente les quotas de pêche dans le golfe pour les bateaux hors golfe mais, en même temps, refuse de réémettre les permis aux nouveaux propriétaires, afin que les bateaux québécois ne pêchent pas au Québec, dans le territoire québécois du golfe Saint-Laurent.

Mais, en faisant cela, M. De Bané ne fait pas que nuire au Québec. Il sait surtout qu'en n'émettant pas les permis il permet aux gens des autres provinces de venir prendre le poisson des Québécois dans le territoire québécois. Incroyable, mais vrai! C'est incroyablel II n'y a pas une compagnie au Canada qui est traitée de cette façon. Pas une compagnie au Canada ne doit demander son permis au voyage. Pas une, à chaque voyage, n'est obligée de demander un nouveau permis, pas une compagnie au Canada. Mais, pour Madelipêche, qui est une entreprise québécoise, M. De Bané a trouvé ce truc génial de dire: Je vais lui faire tort le plus possible.

Je pensais que, quand il arriverait comme ministre des Pêches à Ottawa, il aurait l'intention d'aider les Québécois. Mais non! Constamment, ce sont des coups bas pour nuire au Québec. Cela se fait par 74 députés sur 75 à Ottawa, des députés qui viennent du Québec, qui ont la majorité du caucus, soit 74 sur 147, mais qui font en sorte de nuire au maximum aux Guébécois. Incroyable!

Et pour comble, l'entente de 1922 est abolie. J'aurais pensé que, face à cela, le Parti libéral dirait, avec le gouvernement du Québec, le Parti québécois: Assumons, à ce moment-ci, le maximum des juridictions du Québec dans ce secteur. Mais non, il se fait le complice du ministre fédéral des Pêches

et il a retardé au maximum l'adoption du projet de loi 48 qui va permettre des développements. Si le projet de loi 48 avait été adopté au mois de décembre, nous pourrions actuellement procéder à des développements dans certains secteurs; nous aurions pu effectuer des développements sur tout le territoire maritime, lesquels nous ne pourrons pas faire en 1984 parce que la loi n'est pas adoptée. Ces projets seront retardés d'un an parce que l'Opposition libérale n'a pas voulu, parce que les émissaires fédéraux sont venus rencontrer les membres de l'Opposition pour leur dire: Non, retardez la loi 48. On a même présenté des pétitions bidon, on a même voulu faire une tournée pour raconter toutes sortes de sornettes aux gens. Les gens de Gascons, les pêcheurs hauturiers, les gens de différents villages où ils sont allés m'ont raconté ce qu'ils leur ont dit. Ils ont dit: Ce que Garon veut faire par sa loi, c'est vous obliger à installer vos cages à homard à un endroit précis dans l'eau.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Garon: Exactement comme si un pêcheur, installé sur le bout du quai, avait le droit de pêcher l'éperlan à un endroit précis. Je leur ai demandé: Avez-vous cru cela? Ils ont répondu: M. Garon, nous prenez-vous pour des fous? Mais cela s'est dit quand même, on a essayé de faire croire que l'utilisation du fonds marin voudrait dire qu'on donnerait un carré à chaque pêcheur où il pourrait pêcher, mais seulement dans ce carré.

J'ai été estomaqué. Par la suite, on a remplacé le député de Nelligan par le député de Saguenay, parce qu'il a l'air plus crédible, il vient du coin. Mais on ne s'improvise pas dans le secteur des pêches, il faut savoir ce qui se passe dans ce secteur. C'est pourquoi une loi comme la loi 48 n'est pas une loi improvisée, c'est une loi qui a demandé des mois de travail aux gens les plus compétents au Québec tant dans le domaine du droit constitutionnel que dans le secteur des pêches. C'est une loi qui va permettre au Québec de progresser considérablement dans le secteur des pêches parce qu'elle va, pour la première fois, favoriser l'utilisation rationnelle du fonds marin. Mais non pas en donnant un petit carré à chacun; on ne fera pas poser des clôtures au fond de l'eau! Le penseur libéral qui a imaginé de dire cela aux gens a abusé un peu. Heureusement, les gens ne l'ont pas cru.

Les règlements sur la loi 48 sont avancés et nous ferons des consultations avec les gens du territoire maritime sur les modalités d'application, le mode de fonctionnement. Ceux qui pêchent le homard savent que la gestion se fait par baie, en traçant des points sur la côte pour déterminer les baies ou les grands territoires où les pêcheurs peuvent pêcher. Cela se fait déjà comme cela. La gestion du homard s'est toujours faite comme cela quand, au Québec, on a décidé de faire une pêche rationnelle.

Quant à la pêche au crabe, quand on voudra déposer des casiers, il faudra obtenir des autorisations pour déposer des casiers sur le fonds marin québécois. Y a-t-il quelque chose d'anormal là-dedans? Évidemment, les gens demandent: Allez-vous donner une préférence aux Québécois? Je demanderai aux libéraux: Pensez-vous que, sur les fonds marins québécois, les pêcheurs québécois devraient avoir le droit de pêcher en premier? Oui ou non? Je pense que de poser la question, c'est y répondre. Ce n'est pas anormal. (22 h 10)

Il est possible de faire des ententes avec chacune des provinces qui sont contiguës au Québec. Il sera possible de faire des ententes par lesquelles nous pourrons échanger des avantages de part et d'autre. C'est vrai qu'il y a des lieux de pêche traditionnels. Il est possible de s'échanger des lieux de pêche traditionnels, parce que c'est avantageux de part et d'autre. Il n'y a rien qui s'oppose à cela. Mais il ne faut pas échanger un cheval contre un lapin.

Faire des ententes en vertu desquelles on recevra autant qu'on donnera. Dans le secteur des pêches, M. De Bané me disait: Pourquoi veux-tu avoir plus de 6%? Le Québec, dans le secteur des pêches, n'avait pas plus de 6%. J'ai dit: Oui, mais est-ce que c'est parce qu'on s'est fait organiser depuis des générations qu'on doit accepter comme une tradition historique de se faire faire? Est-ce qu'il est normal qu'en face de chez nous, ce soient les gens de chez nous qui pêchent plutôt que les gens d'ailleurs?

Pensez-vous que M. De Bané, qui aime donner des quotas de pêche aux Européens, aux Russes, ne devrait pas d'abord nous en donner à nous, les Québécois? Pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait donner un seul quota de pêche à des pays étrangers quand il n'en donne pas aux bateaux québécois? Il y a des bateaux à quai actuellement aux Îles-de-la-Madeleine, parce que le gouvernement fédéral ne veut pas donner de permis, mais il en a pour les pays étrangers. Il en a pour les bateaux russes. Il n'en a pas pour les bateaux québécois. Comment se fait-il? Évidemment, le député de Huntingdon va défendre cela.

Une voix: Ce n'est pas normal.

M. Garon: S'il ne trouve pas cela normal, il devrait dire que le ministre fédéral des Pêches doit donner des permis aux bateaux québécois. Avec la crevette qu'il y a sur le banc d'Anticosti, collée sur le banc d'Anticosti et dans les eaux

québécoises, on devrait donner des permis de pêche aux bateaux québécois.

Quand j'ai dit à M. De Bané: Dans le fond, vous avez des quotas par province, mais vous ne donnez pas ce nom aux permis. Pour moi, c'est simple, j'ai seulement à additionner les quotas que nos entreprises du Québec ont et cela fait le total du quota québécois. Il m'a dit: II ne faut pas regarder cela de cette façon. Voyons donc! quand tu donnes des quotas à cinq bateaux de la Nouvelle-Écosse et que tu ne nous en donnes pas, je pense que tu viens d'augmenter le quota de la Nouvelle-Écosse et que le nôtre est resté le même. Quand un bateau étranger vient pêcher dans nos eaux, c'est parce que le ministère fédéral des Pêches lui donne un permis de pêcher. Est-ce que c'est anormal qu'on permette de pêcher des ressources en territoire canadien à des pays étrangers, alors que nous n'avons pas de permis pour pêcher la crevette actuellement pour le Kristina Logos et le Lumaaq? C'est cela, la question fondamentale. Il ne faut pas chercher de midi à quatorze heures.

M. De Bané dit dans Le Soleil d'aujourd'hui: Je voudrais m'entendre avec Garon. Il m'a dit cela vendredi. Je lui ai dit: J'en suis fort aise. Émets des permis à nos bateaux et la chicane est finie. Moi, je ne la fais pas, la chicane. J'ai dit: Tu enlèves les permis à nos bateaux. Moi, tout ce que je fais, c'est de défendre les citoyens du Québec. Émets des permis à nos bateaux et le problème est réglé. Il a dit: Ah non. Là, il faudrait que je t'échange cela contre autre chose. Bien oui, c'est cela, on a un bateau qui a un permis; tu enlèves le permis et après cela, tu dis: Viens négocier et je vais te redonner le permis à condition que tu me donnes autre chose. Sur cette base-là, on peut négocier longtemps. Chaque fois que je veux demander quelque chose à quelqu'un, je vais lui enlever quelque chose pour lui redonner contre ce que je veux avoir. C'est cela qui se passe, M. le Président. C'est absolument anormal. C'est pourquoi, dans le secteur des pêches, il est important d'adopter le projet de loi 48, pour occuper nos juridictions, pour que le Québec ne soit pas obligé de négocier à genoux, pour arrêter d'avoir le mouton comme symbole, pour décider, une fois pour toutes, d'occuper nos juridictions.

J'ai voulu, ce soir, en troisième lecture, concentrer toute l'argumentation essentiellement sur le point central du projet de loi 48, qui est l'occupation des juridictions constitutionnelles du Québec par le Québec. Le Québec a des droits constitutionnels. Les tribunaux l'ont interprété, les tribunaux de Londres, à part cela, M. le Président. Faut-il avoir des droits à notre goût quand c'est le tribunal de Londres qui le dit!

Une voix: C'est du solide.

M. Garon: Le Conseil privé a réussi à nous enlever le Labrador, dans un jugement. Ils ont dit, par ailleurs, que, dans le secteur des pêches, le fédéral devait tenir compte des autres responsabilités données au Québec, notamment en matière de droit civil et de propriété. Faut-il avoir des droits véritablement pour que le Conseil privé de Londres dise qu'on les al Ce sont les décisions qui ont précédé 1922, qui ont mené à une entente entre Ottawa et Québec en 1922. C'est seulement parce que le gouvernement fédéral n'a pas voulu respecter cette entente que nous avons dû procéder. Mais, en même temps, cela nous a obligés à faire un effort considérable, qui n'avait jamais été fait antérieurement par des gouvernements, pour approfondir toute la question de la juridiction québécoise sur le territoire maritime. Nous avons mis au travail les meilleurs cerveaux juridiques du Québec au ministère de la Justice et en dehors du ministère de la Justice.

Une équipe de conseillers juridiques a travaillé durant des mois pour déterminer quels étaient les droits du Québec. À ceux qui pensent qu'on a tiré à la mitraillette, qu'on a tiré des articles à peu près, je vous dirai une chose: Chaque fois qu'un juriste disait: Cela peut être douteux, je répondais: Je ne veux rien de douteux. Je veux qu'on assume au Québec, en matière de fonds marins et d'aquaculture, des droits sûrs. Les avocats au contentieux du ministère ont également travaillé là-dessus. Ils ont approfondi ces questions depuis quelques années. Les droits que nous avons mis là-dedans sont des droits, selon tous les juristes qui ont travaillé là-dessus, sur lesquels il n'y a aucun doute. Chaque fois qu'il y avait un doute, je demandais de ne pas mettre l'article.

M. le Président, je sais que mon temps achève et je voudrais, avant de terminer, pour ne pas l'oublier, remercier tous ceux qui ont travaillé avec moi depuis le mois de juillet, depuis la déclaration unilatérale du gouvernement fédéral, à bâtir ces projets de loi que nous avons présentés depuis l'automne dernier à l'Assemblée nationale. Vous n'avez pas idée du nombre d'heures de travail que ces gens-là y ont consacrées, le jour, le soir et les fins de semaine. Des équipes importantes ont travaillé. Évidemment, il y en a un certain nombre qui ont travaillé beaucoup plus. Je pense à Me Gagné du ministère et à Me Brière. Je pense à Me Ducharme, à Me Cantin et à Me Samson. Je ne veux pas mentionner tous ceux qui ont travaillé à ce projet de loi, mais je peux vous dire qu'ils ont travaillé très fort avec l'objectif de faire en sorte que, par ce projet de loi, le Québec assume les droits qui lui ont été dévolus par la constitution en

1867 et qui ont été interprétés par les tribunaux entre 1867 et 1920.

C'est le but du projet de loi, de faire en sorte que le Québec, qui a quelque chose à dire dans ce secteur, le dise, que le Québec, qui a des pouvoirs qui... Souvent, les pouvoirs du Québec sont limités, mais au moins, que les petits pouvoirs que nous avons sur le plan constitutionnel soient assumés par le gouvernement du Québec. C'est pourquoi ce projet de loi doit être adopté. Il aurait dû l'être au mois de décembre mais, à défaut de mieux, il doit être adopté au mois de juin 1984 pour faire en sorte que les Québécois aient en main les instruments légaux pour assurer leur développement dans le secteur maritime. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint de l'Opposition et député de Charlesbourg.

M. Côté: M. le Président, je demande l'ajournement du débat.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, je propose donc que nous ajournions nos travaux à demain matin, dix heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Ajournement de nos travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 22 h 21)

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