L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le lundi 10 juin 1996 - Vol. 35 N° 34

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour

Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons nous recueillir quelques instants.

Merci. Si vous voulez bien vous asseoir.


Affaires courantes


Déclarations ministérielles

Aux affaires courantes, déclarations ministérielles. Mme la ministre de la Culture et des Communications et ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.


Modifications à la Charte de la langue française et proposition de politique linguistique


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: M. le Président, le 22 mars dernier, le gouvernement rendait public le rapport du Comité interministériel sur la situation de la langue française, un peu moins de 20 ans après l'adoption de la Charte de la langue française. Ce bilan faisait ressortir que, globalement, la charte a été efficace, que les progrès réalisés ont augmenté la sécurité linguistique des Québécoises et des Québécois, mais que le français n'est pas encore la langue commune de tous les Québécois, et plus particulièrement à Montréal et dans l'Outaouais.

Dès le lendemain de la publication du bilan, le gouvernement a fait connaître sa volonté de donner rapidement suite et une nouvelle vigueur à la poursuite de cet objectif en annonçant un ensemble d'orientations prioritaires et de propositions d'action. C'est dans cette perspective que je dépose aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, un projet de loi et une proposition de politique linguistique soumise à la consultation publique.

Le projet de loi, que je présenterai plus formellement dans quelques moments, vise à apporter certaines modifications à la Charte de la langue française essentiellement pour rétablir la Commission de protection de la langue française, assurer le droit d'obtenir en tout temps des documents professionnels rédigés en français et pour resserrer l'application des articles relatifs à la commercialisation des produits de consommation courante, y compris les produits informatiques et les jeux électroniques.

C'est avec une grande fierté mais aussi dans un esprit de grande réceptivité qu'au nom du gouvernement je soumets à l'Assemblée nationale et à l'ensemble des Québécoises et des Québécois une nouvelle proposition de politique linguistique. La pièce maîtresse en demeure la Charte de la langue française, que le gouvernement veut faire appliquer, comme toute autre loi de l'Assemblée nationale, mais en ne perdant pas de vue, tout comme en 1977, que la Charte n'épuise pas la politique québécoise de la langue française.

Le gouvernement entend ainsi compléter la Charte par une approche globale d'affirmation du français. Il nous faut collectivement retrouver le sens de la responsabilité de chacune et de chacun à l'égard du français: responsabilité de l'administration publique, des entreprises, des syndicats, des commerçants, des ordres professionnels et des enseignants; responsabilité des citoyens dans l'application de la loi, dans leur usage personnel de la langue, dans l'emploi du français dans les communications publiques.

Les orientations et les pistes d'action exposées dans le document de consultation forment la proposition d'un nouveau contrat linguistique axé sur l'affirmation du français, d'un français de qualité, comme langue de convergence, qui permettra à tous de construire ensemble l'avenir du Québec dans le respect des droits des nations autochtones et de la communauté anglophone.

Le temps fort de la consultation sera l'étude du document en commission parlementaire, à la fin du mois d'août. Le gouvernement tient à associer étroitement la population à une démarche dans laquelle il s'est déjà engagé avec détermination. Cette détermination s'est manifestée de plusieurs façons, notamment: en donnant suite sans délai au bilan; en ajoutant des crédits – addition significative dans les circonstances – de 5 000 000 $ au budget consacré à l'application de la politique de la langue; en nommant un sous-ministre associé responsable de la coordination du dossier linguistique; en mettant en place un groupe de travail tripartite, qui aura comme mandat de donner des indications sur la francisation des entreprises de 50 employés et moins; et, finalement, M. le Président, en mettant au point les textes, maintenant rendu publics et qui seront, je le souhaite vivement, l'occasion d'une relance enthousiaste de l'effort collectif pour faire en sorte que, avec l'avènement de la société de l'information et de la nouvelle économie du savoir, nous relevions le défi de la modernité et abordions le XXIe siècle en français. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, pour les commentaires de l'opposition officielle, je cède maintenant la parole au député de Westmount–Saint-Louis. M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de répondre à cette déclaration ministérielle qui est fort sibylline, M. le Président. Cette déclaration ministérielle vient ni plus ni moins annoncer deux choses: un projet de loi qui sera déposé dans quelques minutes et une proposition de politique linguistique sur laquelle nous devrons réfléchir et sur laquelle il y aura des consultations au mois d'août. Ça force la ministre ni plus ni moins, M. le Président, à entrer dans l'aile girouette de son parti, c'est-à-dire, d'une part, déposer un projet de loi pour faire semblant de faire plaisir à l'aile avec laquelle le premier ministre Bouchard a dû concocter un règlement dans les corridors du dernier conseil général et qu'il doit essayer de satisfaire. Ce n'est qu'un mirage, de la poudre aux yeux, et nous le verrons dans quelques minutes lorsque le projet de loi aura été mis sur la table, parce que, de toute façon, M. le Président, pourquoi déposer aujourd'hui un projet de loi si on appelle les Québécois à faire partie d'une consultation au mois d'août sur une proposition générale sur la langue?

Évidemment, nous comprenons les divisions à l'intérieur du Parti québécois au sujet de la langue. En ce qui nous concerne, pour nous, le Québec est français et doit demeurer français. Toutefois, nous remarquons que tant le député de Bourget disait qu'il se promène à Montréal depuis 1977 et voit comment Montréal est devenue française, comment la loi 101 a produit des effets majeurs et comment, aujourd'hui, les effets sont de plus en plus grands, tant le député et ministre de la métropole, lui-même, a fait plusieurs remarques demandant des assouplissements à la loi 101. Il a connu des rebuffades de la part de la ministre de la Culture et du ministre des Transports.

(10 h 10)

Le premier ministre, qui disait, en 1993, lorsqu'il était chef du Bloc québécois, que l'affichage commercial coûte cher, selon lui, au Québec, en termes de réputation internationale. «Ainsi, être la cible de l'ONU, il faut le faire. On ne peut pas y rester indifférents», disait-il.

Mais, quand même, les militants du Parti québécois ont obligé le gouvernement, entre autres, à déposer ce projet de loi dans lequel nous retrouverons la remise en place de la Commission de protection de la langue française.

La mise en place de la Commission de protection de la langue française. M. le Président, j'essaie de faire le plus rapidement possible. Je suggère à la ministre de donner comme premier mandat à la Commission de protection de la langue française l'étude du rapport du Vérificateur général produit la semaine dernière. Dans cela, on pourra voir qu'il y a déjà 252 personnes à l'Office de la langue, et la ministre nous promet d'augmenter le nombre de fonctionnaires aujourd'hui, avec un budget de 15 500 000 $. Mais on y apprend surtout que les données de l'Office ne sont pas exactes. Certaines entreprises ne sont soumises à aucun plan de francisation. On y apprend aussi que, bien que la charte existe depuis plus de 15 ans, 71 organismes de l'administration publique ne détiennent pas encore un certificat de conformité à la charte attestant que l'utilisation du français est généralisée à tous les niveaux.

Plus loin, dans le même document, le Vérificateur général, la semaine dernière, nous dit: «Nous avons examiné un échantillon de 70 termes correspondant à près de 500 fiches terminologiques dans la banque de terminologie du Québec et on y a trouvé des erreurs d'orthographe, des erreurs de grammaire, des erreurs de mauvaise formulation et aussi plusieurs anglicismes.» Ces conclusions du Vérificateur général, c'est que ces erreurs peuvent entraîner chez certains utilisateurs de la Banque de terminologie du Québec la retranscription d'informations erronées. Bref, Mme la ministre aurait intérêt à faire le ménage dans ses propres dossiers de la langue, dans son propre ministère.

Ensuite, M. le Président, le Vérificateur général a aussi démontré, en faisant la preuve, en démontrant une preuve en ce qui concerne les bureaux régionaux, les besoins de terminologues dans les bureaux régionaux, les besoins de bibliothécaires à Québec et à Montréal, qu'il y a déjà encore trop de personnel à l'Office, selon le Vérificateur général. Et vous le verrez, vous trouverez ça au chapitre 18, pages 296 et 297, Mme la ministre.

Bref, M. le Président, à la ministre à qui on demande de prendre le poste de girouette en chef pour la journée en ce qui concerne la langue, nous serons présents, évidemment, lors de la période de consultation pour la mise sur pied ou du moins la consultation concernant la proposition de politique linguistique en y référant le futur député d'Outremont, le futur député libéral d'Outremont, Pierre-Étienne Laporte. Merci beaucoup.

Le Président: Alors, Mme la ministre, pour votre droit de réplique.


Mme Louise Beaudoin (réplique)

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. Je pense que l'on peut dire en effet et affirmer que c'est grâce à l'immobilisme de nos amis d'en face que pendant ces neuf années...

Des voix: Oh!

Mme Beaudoin: ... – tout à fait, absolument, comme en matière constitutionnelle, d'ailleurs, et avec les mêmes résultats – l'on se retrouve dans la situation que décrit le rapport, le bilan signé par une dizaine de sous-ministres du gouvernement, le 22 mars dernier, n'est-ce pas? On disait, et le député de Westmount– Saint-Louis en parlait: Pourquoi, 18 ans plus tard, donc, moins du tiers des ministères ou organismes gouvernementaux sont pourvus d'une politique linguistique, moins du tiers des organismes gouvernementaux? Comment expliquer ce délai? C'était dans votre temps. Alors, tout simplement parce qu'il n'y avait aucune volonté politique de l'autre côté de faire en sorte que les objectifs de la Charte de la langue française soient respectés.

C'est pour ça qu'aujourd'hui il nous faut agir et que nous le faisons de la manière que nous proposons, c'est-à-dire, en effet, un document de consultation et des amendements donc à la Charte pour resserrer certaines des applications de la Charte.

Et je ferais remarquer, M. le Président, en terminant, que le mandat de surveillance de la Commission de protection de la langue française a été intégré à l'Office de la langue française, mais sans lui en donner les moyens; sans lui en donner les moyens. Alors, nous pensons qu'il y a en effet confusion entre les fonctions de conseil de l'Office de la langue française pour la francisation des entreprises, alors qu'en effet ça fait 10 ans qu'il y a des entreprises qui n'ont pas reçu leur certificat de francisation et qui sont en cours de francisation, et les fonctions de surveillance, tout simplement, M. le Président. Alors, nous avons décidé de bouger, de bouger avec vigueur, parce que nous croyons, comme je l'ai dit et comme je le répète, nous voulons, comme Québécois, entrer dans le XXIe siècle et dans la modernité en français. C'est ce que nous faisons.

Des voix: Bravo!


Présentation de projets de loi

Le Président: Nous en arrivons maintenant à l'étape de la présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article b de notre feuilleton.


Projet de loi n° 40

Le Président: À l'article b du feuilleton, Mme la ministre de la Culture et des Communications et ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française présente le projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française. Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: Oui, merci, M. le Président. Ce projet de loi modifie la Charte de la langue française afin d'y instituer une commission de protection de la langue française.

Cette commission, composée de trois membres dont un président, sera chargée d'assurer le respect de la Charte. À cette fin, elle pourra effectuer des inspections et des enquêtes et, le cas échéant, déférer le dossier au Procureur général pour que celui-ci intente, s'il y a lieu, les poursuites pénales appropriées.

Le projet de loi vient aussi préciser l'application de la Charte sur le plan pénal en ce qui a trait notamment aux inscriptions sur les produits, à la présentation de menus, à certaines publications et à l'offre sur le marché de jouets ou de jeux.

Le projet de loi introduit de plus le principe que tout logiciel doit être disponible en français, à moins qu'il n'en existe aucune version française.

Enfin, le projet de loi apporte certaines modifications concernant la fourniture en français de documents par les membres des ordres professionnels et concernant les règles d'incompatibilité de fonctions pour le président de l'Office de la langue française, ainsi que pour le président et le secrétaire du Conseil de la langue française.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Oui.

Le Président: Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, Mme la ministre de la Culture et des Communications et responsable de l'application de la Charte de la langue française.


Proposition de politique linguistique

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président, je dépose donc le document de consultation «Le français langue commune: promouvoir l'usage et la qualité du français, langue officielle et langue commune du Québec».

Le Président: Alors, ce document est déposé.


Nomination du député d'Abitibi-Ouest à titre de président du caucus du Parti québécois

J'avise, de mon côté, les membres de cette Assemblée que j'ai reçu une lettre de M. le premier ministre concernant la nomination de M. François Gendron, député d'Abitibi-Ouest, à titre de président du caucus de l'aile parlementaire du Parti québécois. Je dépose ce document.


Dépôt de rapports de commissions

Dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission du budget et de l'administration et député d'Arthabaska.


Étude détaillée du projet de loi n° 19

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 7 juin 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 19, Loi modifiant la Loi sur l'administration financière concernant les produits d'épargne du Québec. La commission a adopté le projet de loi avec un amendement.

Le Président: Ce rapport est déposé. Mme la présidente de la commission de l'aménagement et des équipements et députée de Mégantic-Compton.


Étude détaillée du projet de loi n° 24

Mme Bélanger: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 6 juin 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 24, Loi modifiant la Loi sur les cités et villes, le Code municipal du Québec et d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Ce rapport est également déposé. M. le président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, M. le député de Richmond.


Audition de dirigeants d'organismes publics du secteur agricole et du sous-ministre du MAPAQ dans le cadre de l'article 8 de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics

M. Vallières: M. le Président, je voudrais déposer les rapports de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé le 13 février et le 27 mars 1996 afin de procéder, dans le cadre de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, à l'audition des dirigeants des organismes suivants: soit la Commission de protection du territoire agricole du Québec, le Tribunal d'appel en matière de protection du territoire agricole, la Société de financement agricole, la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec, et à l'audition du sous-ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

La commission a également tenu des séances de travail concernant ces mandats les 14 décembre 1995, 13 février, 27 mars et 30 mai 1996.

Ces rapports, M. le Président, contiennent des recommandations adoptées à l'unanimité des membres de cette commission.

(10 h 20)

Le Président: Merci, M. le président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. Ces rapports sont donc déposés... Ah! vous n'avez pas terminé. Alors, allez-y.

M. Vallières: Oui, je demanderais également, M. le Président, votre attention pour le dépôt du rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé, cette fois, le 14 février 1996 afin de procéder à l'audition du président de la Régie des assurances agricoles du Québec, dans le cadre de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, et à un mandat de surveillance d'organismes à l'égard de la Régie des assurances agricoles du Québec.

La commission a également tenu des séances de travail concernant ce mandat les 14 décembre 1995, 13 février et 30 mai 1996.

Ce rapport contient une recommandation adoptée à l'unanimité des membres de la commission.

Le Président: Alors, ce rapport et les autres sont déposés.

J'invite maintenant M. le vice-président de la commission de l'économie et du travail et député de Marguerite-D'Youville.


Étude détaillée du projet de loi n° 21

M. Beaulne: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 7 juin 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 21, Loi modifiant la Loi sur la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestiers du Québec. La commission a adopté le projet de loi.

Le Président: Ce rapport est déposé.

Dépôt de pétitions.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Je vous avise, à ce moment-ci, qu'après la période de questions et de réponses orales M. le ministre de la Justice répondra à une question posée le 7 juin dernier par M. le député de Notre-Dame-de-Grâce concernant le projet de loi sur l'aide juridique.


Questions et réponses orales

Nous en arrivons maintenant à la période des questions et des réponses orales. M. le député de Frontenac, en principale.


Enquête sur le comportement de hauts dirigeants de la Sûreté du Québec dans l'affaire Matticks

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le Président, questionné dans l'affaire Matticks vendredi dernier, le ministre de la Sécurité publique déclarait bien malgré lui, sur des questions de mon collègue de Brome-Missisquoi et également de La Presse , que, dès le procès terminé, les moyens seraient pris pour rétablir la crédibilité de la Sûreté du Québec et que toute la lumière serait faite rapidement, aussitôt le procès terminé. Alors, on le sait tous, le procès est terminé, les quatre policiers de la Sûreté du Québec ont été acquittés.

Le ministre de la Sécurité publique, M. le Président, a indiqué hier, en fin de soirée, qu'il y aurait enquête sur certains événements entourant toute cette affaire. Ma question très simple, M. le Président: À qui le ministre de la Sécurité publique, si ce n'est pas déjà fait – peut-être que sa décision n'est pas encore prise – entend-il confier la responsabilité de faire l'enquête dans cette affaire? Quels mandats seront confiés aux enquêteurs et quels événements précis, M. le Président, seront enquêtés et vérifiés?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Perreault: Oui. M. le Président, j'ai eu l'occasion d'annoncer, juste avant d'entrer en Chambre, qu'il y aura effectivement une enquête en vertu des pouvoirs qui sont conférés par l'article 181 de la Loi sur l'organisation policière. Elle va porter sur la Sûreté du Québec relativement à l'organisation et à la conduite d'enquêtes internes, plus particulièrement sur les événements survenus le 26 août 1995, et cette enquête portera également sur la manière dont les enquêteurs désignés sont supervisés, appuyés par les officiers supérieurs, de même que sur les pratiques qui ont cours, le cas échéant, en pareilles circonstances.

J'ai également indiqué que le Commissaire à la déontologie, qui avait interrompu son enquête concernant les actes d'un certain nombre d'officiers de la Sûreté du Québec dans le cadre du procès, suite à la mise en opération du procès, le Commissaire à la déontologie, Me Denis Racicot, poursuivra, en vertu de l'article 63 de la Loi sur l'organisation policière, l'enquête commencée.

Enfin, M. le Président, j'ai également indiqué que, cet après-midi, le directeur de la Sûreté du Québec rendra publique une série de décisions de nature – je le souhaite, je l'espère – à garantir que l'ensemble du processus à la Sûreté du Québec retrouvera auprès du public sa crédibilité.

Alors, M. le Président, ce sont les décisions que j'ai prises en ce qui concerne la personne qui fera l'enquête, M. le Président, la première enquête. Je procède actuellement à un certain nombre de consultations. C'est une enquête, évidemment, qui sera confiée à quelqu'un de l'extérieur de la Sûreté du Québec.

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que je dois comprendre de la réponse du ministre que les faits entourant l'affaire Matticks précisément, la conduite de certains hauts dirigeants de la Sûreté du Québec sera vérifiée et enquêtée par d'autres agents de la Sûreté du Québec? Et, si c'est le cas, M. le Président, comment le ministre peut-il penser qu'en confiant à des enquêteurs de la Sûreté du Québec l'enquête concernant des hauts dirigeants de la Sûreté du Québec la population du Québec, les observateurs vont croire qu'il s'agit là, M. le Président, d'une enquête sérieuse? Comment peut-on imaginer que des enquêteurs vont pouvoir, en toute liberté, objectivité, enquêter leurs propres supérieurs, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, je pense que le député a mal compris ma réponse. Je vais donc la reprendre. Il est très clair que cette enquête se fait en vertu de l'article 181 de la Loi sur l'organisation policière. Elle sera donc confiée à quelqu'un qui est extérieur à la Sûreté du Québec, quelqu'un qui a la crédibilité nécessaire pour garantir que le processus d'enquête, aux yeux du public et aux yeux de l'ensemble des gens de la Sûreté du Québec, ait toute la garantie possible d'objectivité, M. le Président. J'ai déjà indiqué mon intention que les faits allégués soient enquêtés, soient vérifiés, et c'est justement suite à un mandat donné au directeur de la Sûreté du Québec. Lui-même a reconnu l'importance, la nécessité de procéder à une enquête externe dans cette affaire, M. le Président.

D'autre part, je le répète, dans le cas d'un certain nombre de gestes posés par des officiers de la Sûreté du Québec dans le cas de l'affaire Matticks, le Commissaire à la déontologie policière reprend son enquête, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le ministre est en mesure de nous dire, ce matin, quand, précisément, l'enquête concernant – et j'insiste beaucoup là-dessus – l'affaire Matticks, la conduite de certains dirigeants, hauts dirigeants de la Sûreté du Québec va-t-elle commencer? Et est-ce que le ministre, M. le Président, a fixé, ou a déjà à l'esprit des échéances quant à la fin de cette enquête-là? Autrement dit, est-ce que ça va être mené rapidement, rondement et dans les règles, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, je pense qu'il faut bien distinguer entre deux choses: il y a le procès qui a eu cours – d'ailleurs, le verdict a été rendu hier – et qui a trait à l'affaire Matticks. Sur les événements reliés à ce procès, à cette question, le Commissaire à la déontologie, par rapport à la conduite de certains policiers, avait déjà commencé une enquête qu'il avait dû interrompre, justement pour ne pas nuire au déroulement du procès, et qu'il reprend. J'ai parlé, ce matin, avec Me Racicot. Il me dit qu'il a l'intention de reprendre cette démarche, cette enquête, M. le Président, dans les prochains jours, dès cette semaine.

Quant à l'autre question, l'enquête en vertu de l'article 181 de la Loi sur l'organisation policière, sur les faits allégués qui ont été portés à ma connaissance, sur les faits qui ont trait à l'événement du 26 août 1995, M. le Président, dans le cas de cette enquête, nous nommerons la personne responsable au cours des tous prochains jours, et je fixe l'échéancier au 30 septembre, au plus tard, pour avoir le rapport d'enquête.

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, pourquoi le ministre, qui a lui-même indiqué, vendredi, que la crédibilité de la Sûreté du Québec était entachée par toute cette affaire, et également, M. le Président, dans le but de bien faire comprendre à la population qu'elle doit continuer à faire confiance à la Sûreté du Québec et au pouvoir politique, pourquoi le ministre ne confie-t-il pas l'enquête quant à la conduite des hauts dirigeants de la Sûreté du Québec, qu'ils soient un, deux ou trois ou plus, à un enquêteur indépendant, un tiers indépendant, et non pas au Comité de déontologie qui peut, de façon parallèle, oui, peut-être compléter, surveiller l'enquête? Mais pourquoi le ministre ne nous dit-il pas, ce matin, qu'un tiers enquêteur, qui n'est d'aucune façon attaché à la Sûreté du Québec, vérifiera les faits allégués concernant la conduite des hauts dirigeants de la Sûreté du Québec et peut-être, aussi, d'autres officiers de la Sûreté du Québec? C'est ça qui est fondamental, M. le Président. J'aimerais entendre le ministre là-dessus.

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, l'opposition pense tellement qu'on ne souhaite pas faire la lumière sur les faits que je pense qu'elle n'entend pas les réponses que je donne. M. le Président, je répète, pour être bien clair. L'enquête sur les faits dont parle le député, qui sont des faits qui ont été allégués et qui concernent un certain nombre de hauts dirigeants de la Sûreté dans des événements périphériques et entourant l'affaire Matticks, notamment le 26 août 1995, cette enquête ne sera pas confiée à des policiers. Elle sera confiée à un enquêteur indépendant, en vertu de l'article 181 de la Loi sur l'organisation policière. J'ai dit tantôt que cette personne aura, M. le Président, toute la crédibilité nécessaire pour garantir la volonté du gouvernement que la lumière soit faite là-dessus, dans l'intérêt, d'ailleurs, de la Sûreté du Québec.

(10 h 30)

Sur certains autres faits allégués dans le cadre de l'affaire Matticks – et là on revient à l'affaire Matticks – le Commissaire à la déontologie avait déjà commencé une enquête sur la conduite d'un certain nombre d'officiers de la Sûreté, de policiers. Et cette enquête, maintenant que le procès est terminé, en vertu des règles de la déontologie, va reprendre.

Et je termine, M. le Président, en rappelant que le directeur de la Sûreté est en mesure, également, maintenant, de prendre un certain nombre de décisions qui vont permettre de donner au public les garanties recherchées.

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, je comprends très bien la réponse du ministre. Ce que je ne comprends pas, c'est la raison pour laquelle il ne confie pas l'entièreté de l'enquête à l'enquêteur, dont il parle comme étant – on le connaîtra aujourd'hui, j'espère – indépendant, objectif et crédible. Pourquoi l'entièreté de l'enquête n'est pas confiée à cet enquêteur-là, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, je pense qu'il y a quand même un certain nombre d'événements et de faits qui sont de nature différente. Il y a des faits qui ont été allégués, qui ont été rendus publics la semaine dernière et qui doivent être enquêtés, sur lesquels j'avais souhaité qu'il y ait une enquête, il y a déjà plusieurs mois, et où, à l'évidence, il faut procéder maintenant avec un enquêteur de l'extérieur, dans l'esprit de ce que soulève, justement, le député. Donc, j'ai annoncé, ce matin, que nous procédions, que nous aurions, pour faire cette enquête, quelqu'un qui est au-dessus de tout soupçon et qui garantira au public et à l'ensemble des employés de la Sûreté du Québec, M. le Président, que cette enquête sera menée rondement. Je souhaite qu'elle soit terminée dès le mois de septembre et qu'elle fasse toute la lumière sur la conduite d'un certain nombre d'officiers, tel que c'est allégué, M. le Président.

Pour le reste, il faut quand même rappeler... Je n'ai pas à revenir sur la décision qui a été prise. Il y a eu un procès, des personnes ont été acquittées, M. le Président. Il reste quand même qu'il y a un certain nombre de questions qui restent pendantes. Le directeur de la Sûreté peut, effectivement, intervenir de diverses manières. Il rendra publiques ses décisions cet après-midi. Et le Commissaire à la déontologie, donc en matière d'éthique professionnelle, peut également intervenir. Il avait commencé son enquête, je lui ai demandé de la continuer, M. le Président, et de la compléter.

Le Président: Mme la députée de Jean-Talon, en principale.


Réaction des MRC face à la politique de fusion de municipalités

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Les préfets des MRC sont furieux et ont vertement critiqué le ministre des Affaires municipales, vendredi dernier, pour l'imposition de sa carte des fusions et pour d'autres décisions qui avaient été prises et qui affectent de façon importante le monde municipal. Les préfets ne réclament rien de moins que l'élimination pure et simple de sa carte et de sa date butoir et lui ont clairement indiqué qu'ils sont les mieux placés, avec leurs citoyens, pour décider de leur avenir.

Ma question, M. le Président: Le ministre des Affaires municipales a-t-il l'intention de répondre de façon précise à la demande des MRC, lui qui a toujours dit que ces fusions se feraient sur une base volontaire?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: Alors, M. le Président, conformément à ce que nous avons annoncé le 30 mai dernier, nous avons donc publié une politique dont l'essence est la liberté de choix. En termes de réalisation, c'est une proposition basée sur le volontariat, et c'est libre au niveau des populations de faire les choix. Dans ce sens-là, M. le Président...

Des voix: Bravo!

M. Trudel: Tout comme l'opposition l'avait manifesté à l'occasion de la publication de cette politique et à l'occasion de la déclaration ministérielle que j'ai faite ce jour, nous sommes aussi en faveur – et l'opposition l'a mentionné – de regroupements de façon libre et volontaire. L'Union des municipalités régionales de comté du Québec répète, dans un communiqué de vendredi: «Nous sommes favorables aux fusions municipales, pourvu qu'elles soient volontaires et libres.» Je réaffirme ici, aujourd'hui, à la question de la députée de Jean-Talon, que c'est effectivement la politique du gouvernement et que, d'autre part, nous allons tenir, tel que nous nous sommes engagés, une période de consultation, jusqu'à l'automne prochain, en vue de définir précisément lesquelles communautés décident de joindre leur force pour se renforcer, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Delisle: M. le Président, le ministre des Affaires municipales pourrait-il ranger sa cassette concertation, partenariat et volontariat? Pourrait-il nous expliquer pourquoi la présidente de l'UMRCQ et les préfets des MRC sont furieux contre lui? Et pourrait-il une fois pour toute donner à cette Assemblée et au monde municipal l'heure juste sur les véritables intentions de son gouvernement dans le dossier des fusions?

Le Président: M. le ministre.

M. Trudel: Non, M. le Président, nous n'allons pas ranger la cassette qui dit que cette politique est libre et volontaire. Nous voulons faire confiance aux municipalités, aux élus municipaux. Nous avons mis à la disposition, et nous allons continuer de le faire, de ces communautés, trois programmes incitatifs qui font en sorte qu'il y ait de réels avantages à joindre les forces et faire en sorte qu'on ait une meilleure capacité administrative et financière pour administrer les services des citoyens au cours des années à venir et, du même coup, contribuer également au défi que nous avons tous ensemble et que nous avons fixé pour le Québec, celui de l'assainissement des finances publiques et aussi celui du développement économique, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: M. le Président, est-ce que le ministre des Affaires municipales entend revoir son attitude dans ses relations avec le monde municipal sachant que le niveau de confiance des préfets envers le ministre est à son plus bas, depuis vendredi dernier... par son comportement irrespectueux à leur égard dans les dossiers qui les intéressent, soit la loi n° 135 et le premier volet des dossiers de fusion?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: Alors, M. le Président, nous avons effectivement discuté, au cours des dernières semaines, de l'application et des termes contenus dans la loi n° 135 pour en arriver à ce que le monde municipal, oui, soit appelé, tout comme le monde de l'éducation, tout comme le monde de la santé, tout comme les régions, à faire un effort au niveau de l'assainissement des finances publiques, ce qui veut dire une contribution de 47 000 000 $, qui permettra par ailleurs de maintenir un programme de péréquation pour les petites municipalités ou les municipalités qui ont moins de revenus et, d'autre part, de verser 11 000 000 $ pour six villes-centres du Québec.

Dans ce contexte-là, M. le Président, nous avons également été invités, au cours de la prochaine année, à dire aux MRC qu'à compter du 1er janvier 1997, oui, nous avions l'intention de supprimer la subvention au fonctionnement des MRC, qui ont été instituées en 1979. Je me suis également engagé, vendredi, à revoir cette politique, à travailler pour définir un nouveau mode de financement pour le développement des MRC. Et c'est comme ça que nous allons procéder au cours des prochains mois, M. le Président.

Le Président: M. le député de LaFontaine, en principale.


Présumée discrimination dans le réengagement d'ex-employés de l'hôtel Le Méridien de Montréal

M. Gobé: Merci, M. le Président. Le 24 mai dernier, alors que je le questionnais sur les travailleurs du Méridien qui perdaient leur emploi, le ministre du Travail déclarait en cette Chambre que l'immense majorité, si ce n'est la totalité, seraient réengagés, car, disait-il, il avait conclu une entente avec Desjardins. Or, nous apprenons, M. le Président, que seulement 60 % des employés pourraient être réengagés, mais, en plus, de troublantes révélations, car, en effet, 14 des 17 travailleurs haïtiens auraient été mis de côté et les travailleurs de 55 ans et plus ne seraient pas réengagés.

Est-ce que le ministre du Travail, qui est gardien non seulement du Code du travail, mais le défenseur des travailleurs au Québec, va faire enquête sur cette situation, la corriger et la dénoncer?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, dans le cas du Méridien, d'abord, il y a une décision importante qui doit être prise aujourd'hui devant le tribunal, à savoir si l'injonction va être prolongée ou pas, et vous savez que ça sera tranché au maximum le 21 juin devant le Commissaire du travail, à savoir comment on doit statuer dans le cas du Méridien quant à la reconnaissance de l'employeur.

(10 h 40)

Quant à la question que soulève le député, c'est bien difficile de faire des commentaires à ce moment-ci. S'il y a discrimination, s'il y a discrimination réelle, s'il y a matière à enquête, bien, vous comprendrez bien que ça relève de la Commission des droits et libertés de la personne. À ce moment-ci, je ne me vois pas faire des commentaires sur les commentaires du député. Ça ne m'apparaît pas approprié. S'il y a eu vraiment discrimination ou s'il y a discrimination, bien, que la partie syndicale ou la partie patronale porte ça à l'attention de la Commission des droits, et, après ça, on verra.

Le Président: M. le député.

M. Gobé: Est-ce que le ministre, qui s'était engagé à ce que 90 % des travailleurs du Méridien retrouvent un emploi, est en train de nous dire qu'il abandonne les travailleurs du Méridien et particulièrement ceux qui, pour des raisons, semble-t-il, d'origine et d'âge, sont laissés sur le carreau? Est-ce qu'il dit: Débrouillez-vous, il y a des tribunaux, et, moi, comme défenseur, comme ministre qui s'est engagé ici, en cette Chambre, dans mon premier discours, ce n'est pas ma job, c'est un autre qui va le faire? Est-ce que c'est ça, le comportement du ministre? Est-ce qu'il pourrait prendre ses responsabilités, pour une fois, envers ces travailleurs? Il a refusé de les rencontrer une première fois. Est-ce qu'il parle pour les travailleurs, ou il parle pour les patrons, ou il parle pour ne rien dire?

Le Président: M. le ministre.

M. Rioux: Je ne voudrais pas m'inspirer du député de LaFontaine, de ses propos, parce que, là, ce serait parler pour ne rien dire.

Voici ce qui a été fait dans le dossier. On s'est engagés, avec Desjardins, après conversation avec M. Béland, M. Leclerc, et avec des rencontres avec le syndicat, on s'est engagés, nous, en attendant que les procédures qui sont en marche soient exécutées, à ce que le maximum de personnes soient réintégrées.

Actuellement, Capital est prêt à en récupérer 116. Est-ce que le groupe Montcalm va en prendre une autre partie? C'est très possible. Les informations que j'ai reçues vendredi dernier, M. le Président, m'indiquent que, oui, un nombre assez impressionnant de personnes seront réembauchées. Quant à la discrimination, si elle existe, ça sera tranché par la commission des droits et libertés.

Le Président: M. le député.

M. Gobé: M. le Président, est-ce que le ministre est conscient qu'il tient un autre langage que celui du 28 mai, où il disait: Ces travailleurs, sinon tous les travailleurs et travailleuses qui oeuvrent à l'hôtel Méridien depuis des années, seront réengagés? Là, il parle de quelques-uns, le plus possible. Double langage. Pourquoi ne pas avoir dit ça au début aux travailleurs? Et pourquoi, maintenant, essayer de diluer? La vraie réponse... La vraie question, c'est: Est-ce que le ministre était sérieux quand il a dit que 90 % des travailleurs seraient réengagés, oui ou non?

Le Président: M. le ministre.

M. Rioux: M. le Président, vous vous souviendrez que le député de LaFontaine avait prévu l'apocalypse dans l'industrie de la construction. Aujourd'hui, au moment où l'on se parle, les quatre secteurs négocient. Ça, c'est contraire à ce que le député de LaFontaine... Le député de LaFontaine est devenu le nouveau anarcho-syndicaliste du Parti libéral. Vous comprendrez bien qu'il tient un discours absolument anarchique.

Quant aux travailleurs du Méridien, ce qu'on a dit et ce que je répète aujourd'hui, c'est qu'on va tout faire pour qu'ils soient réengagés. Et, lorsque j'ai parlé au président de Desjardins, il a dit: Les négociations vont bon train, et ce qu'on espère, c'est réaliser l'objectif de 90 %. Moi, ce que je souhaite, M. le Président, c'est que, dans un premier temps, on règle cette partie du réembauchage des travailleurs. Quant à l'article 45, ça sera fait le moment venu.

Le Président: En principale, M. le député de Robert-Baldwin.


Cas de désinstitutionnalisation au centre de réadaptation Horizon

M. Marsan: M. le Président. Oui. Nous apprenons que, pour atteindre les objectifs de coupures budgétaires du ministre de la Santé, le centre de réadaptation Horizon, qui gère le pavillon Longueuil, s'apprête à sortir 15 patients lourdement handicapés, et, dans plusieurs cas, sans le consentement des parents. Pour vous donner un exemple de la lourdeur des handicaps dont sont affligés ces jeunes, prenons l'exemple de Jean-Charles. Ce jeune garçon âgé de 21 ans est quadraplégique, spastique, paralytique cérébral, épileptique et asthmatique. Son développement moteur et mental le situe à l'âge de six mois. Devant cette triste situation, les parents de ces enfants trouvent inacceptables ces transferts alors que ces enfants ont besoin de soins spécialisés, et ce, 24 heures sur 24.

M. le Président, malgré l'importance que le ministre de la Santé accorde au déficit de la province, va-t-il intervenir afin que ces 15 jeunes puissent demeurer au pavillon de Longueuil et obtenir les soins dont ils ont besoin à toute heure du jour et de la nuit?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Oui. M. le Président, dans le domaine des soins aux personnes qui souffrent d'une déficience physique importante, depuis déjà quelques années, il y a une approche de désinstitutionnalisation assez importante qui a été réalisée. Pour avoir pu rencontrer sur place des personnes handicapées qui vivent maintenant dans des familles d'accueil ou qui vivent dans des foyers de groupe où un petit groupe de personnes handicapées vivent ensemble avec l'appui professionnel des établissements – même une présence sur place – et des spécialistes qui viennent régulièrement, c'est étonnant de réaliser ce qui a pu se faire pour réintégrer dans des communautés des personnes qui vivent avec une incapacité très grande, qui fait que leur condition d'handicap a été, de ce fait, diminuée, parce qu'au lieu d'être confinées à un établissement, elles peuvent vraiment vivre dans une communauté. Dans plusieurs cas, quand ces transferts de personnes là ont été faits, il y a eu une certaine résistance ou il y a eu parfois une certaine inquiétude des gens, parce que ça fait un environnement différent, mais les technologies, aujourd'hui, ont permis de faire un bond terrible dans ce cas-là. Bon.

Dans le cas particulier auquel réfère le député de Robert-Baldwin, je ne pourrai pas, ce matin, vous faire de commentaires. C'est possiblement une situation où on avance vers une désinstitutionnalisation, qu'il y a peut-être des inquiétudes de la part des gens et qu'il y a un changement d'attitude à faire. De toute façon, je vais vérifier si, dans ce cas-là précis, c'est ce genre de situation qui s'est présenté, qu'on retrouve souvent, ou s'il y a d'autre chose. S'il y a d'autre chose, là, s'il y a un problème, on saura intervenir, M. le Président.

Le Président: M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: M. le Président, vendredi dernier, le ministre a pris avis de la question de mon collègue, le député de Viau; aujourd'hui, je prends note qu'il prend aussi avis de la question que je lui pose. Mais je crois que ce qui est important, M. le Président, dans un dossier aussi triste que celui des...

Une voix: Non, non, pas de commentaires.

M. Marsan: M. le Président, est-ce que le ministre comprend que ces jeunes, ce dont ils ont besoin, c'est des soins très spécialisés, avec des équipements très spécialisés? Et quand va-t-il donner les ressources nécessaires au centre de réadaptation Horizon pour qu'on puisse aider, une fois pour toutes, ces jeunes: 15 enfants qui sont dans l'attente de ressources additionnelles aujourd'hui? Quand est-ce qu'il va la prendre, la décision, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, cette décision, elle est prise depuis longtemps et elle est en application. On ne se demande pas quand on va prendre une décision. On dirait vraiment que des gens qui n'ont jamais su ce que c'était, prendre des décisions, ne voient pas la situation de telles décisions.

La situation que j'ai décrite, et c'est ce qui se passe, de plus en plus de personnes handicapées vivent maintenant dans la communauté, dans des foyers de groupe, dans des familles d'accueil, avec tout un support professionnel constant et une présence de professionnels et de spécialistes sur place. C'est une qualité de vie énorme comparativement à être obligé de vivre dans une institution. Tout le monde reconnaît ça.

Maintenant, à chaque fois qu'on me posera des questions sur un cas spécifique de M. ou de Mme Unetelle dans un comté, je vais effectivement prendre le temps de m'informer correctement pour ne pas risquer de vous dire n'importe quoi. Quand on répond, on dit la vérité et on la dit de façon précise. Merci.

M. Poulin: En principale, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Beauce-Nord.


Conséquences de la fermeture du Centre hospitalier de Beauceville sur les services d'urgence de première ligne

M. Poulin: Après avoir pris la décision de fermer le Centre hospitalier de Beauceville, le ministre de la Santé et des Services sociaux avait toutefois garanti à la population qu'elle pourrait compter sur les services d'urgence de première ligne pour répondre aux besoins d'urgence mineure. Malgré cet engagement, on apprend que le Centre hospitalier de Beauceville n'aura personne pour répondre aux urgences le jour et qu'il n'y aura qu'une infirmière la nuit. Conséquence, M. le Président: la population devra se diriger vers le centre hospitalier de Saint-Georges, qui est déjà débordé, pour n'importe quelle urgence. Présentement, le Centre hospitalier de Beauceville reçoit plus de 20 000 patients.

Ma question, M. le Président: Entre le discours et les faits, quelle vérité du ministre de la Santé doit croire la population desservie par le Centre hospitalier de Beauceville?

(10 h 50)

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Oui, M. le Président. Dans la réorganisation des services de première ligne et des services spécialisés dans les hôpitaux, on s'est toujours, comme à Beauceville, assuré que les services de consultation de première ligne, y compris les urgences, les petites urgences, restent disponibles.

Maintenant, qu'est-ce qu'il va y avoir dans une urgence précise, à Beauceville ou ailleurs? Ça dépend de ce qui existe sur un territoire donné, M. le Président. Alors, il faut savoir quels sont les médecins qui sont en pratique dans leur cabinet, quels sont les services qu'ils offrent, il y a beaucoup de cabinets de médecins qui offrent des services de petite urgence. Et ce qui est important, ce n'est pas de transporter un ensemble standard un peu partout, on ne fait pas dans le mur-à-mur. C'est spécifiquement, à chaque endroit, en collaboration avec les médecins qui sont en pratique sur le territoire, de s'assurer que la population ait accès aux services. Mais il n'y a pas nécessairement la même configuration à certains endroits, aux différents endroits, dépendant de ce qu'il y a déjà sur le territoire.

Alors, à Beauceville, les responsables des établissements et de la régie régionale sont justement à discuter pour voir quel va être cet équilibrage final. Et, dans toute discussion du genre, les gens ont des opinions différentes. Et c'est ce qu'on discute présentement, et je pense que tout s'enligne pour qu'on trouve une entente, un consensus de ce dont la population a besoin, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Pontiac.


Absence de groupes de jeunes sur la liste préliminaire des consultations sur le projet de loi modifiant le Code de la sécurité routière

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. À l'occasion du dépôt du projet de loi n° 12, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives, le ministre des Transports a indiqué qu'il inviterait des groupes sociaux et des organismes publics à se prononcer, lors de consultations en commission parlementaire, sur les modifications législatives mises de l'avant. À cet effet, le gouvernement nous transmettait une liste composée de près d'une trentaine de groupes qu'il désirait entendre lors de ces consultations. Parmi les absents, on y retrouve les groupes représentant les jeunes, qui, pourtant, sont grandement concernés par ce projet de loi qui établit un taux d'alcoolémie de 0 %, l'allongement de la période d'apprenti conducteur, une diminution de leurs points d'inaptitude.

Ma question au parrain de ce projet de loi: Pourquoi le ministre des Transports n'a pas cru bon d'inviter les groupes représentant les jeunes dans le cadre des consultations annoncées?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Brassard: M. le Président, il s'agit d'une liste préliminaire. Et devant, d'ailleurs, la volonté et l'insistance de beaucoup de groupes et d'intervenants d'avoir l'occasion de venir s'exprimer sur les divers amendements au Code de la sécurité routière qu'on retrouve dans le projet de loi n° 12, devant la commission parlementaire, je pense qu'il est opportun, plutôt que de tenir une audience particulière à partir d'une liste restreinte, de s'engager dans la voie d'une audience générale. Alors, donc, il y aura une audience générale au mois d'août, à l'automne. Par conséquent, les intervenants dont fait mention le député pourront s'inscrire et déposer des mémoires et témoigner devant la commission.

Le Président: M. le député.

M. Middlemiss: M. le Président, je comprends qu'on s'en va en consultation générale. La question: Pourquoi, au moment où on considérait des consultations particulières, on n'a pas pensé aux jeunes? Pourquoi, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Brassard: Bien, là, on y pense, puis ils vont pouvoir venir.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député de Shefford, en principale.


Nouveau mode de tarification de l'électricité pour certaines PME

M. Brodeur: Merci, M. le Président. En février dernier, le gouvernement nous faisait accroire, du moins par son discours, que les tarifs d'électricité des PME, ces grandes créatrices d'emplois, seraient gelés cette année. Et je cite la proposition tarifaire de 1996: «Les conditions concurrentielles incitent Hydro-Québec à reconduire le gel tarifaire de 1995 pour les clients de petite et moyenne puissance.» À leur grande surprise, M. le Président, les plus petites PME, comme les restaurants, les marchés d'alimentation, les dépanneurs, ont constaté une hausse de leur facture d'électricité de mai dernier due à une refonte importante de la tarification, ce qui équivaut, dans les faits, à une augmentation cachée des tarifs.

Ma question à la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce: Est-ce que la ministre est en accord avec la façon de faire d'Hydro-Québec, qui n'a pas cru bon d'informer les PME touchées des impacts financiers de ce nouveau mode de tarification?

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Le député s'inspire d'un article paru la semaine dernière: «Hydro-Québec augmente en douce les tarifs de plusieurs entreprises.» Je vais vous donner la ventilation, M. le Président, que je me suis fais sortir. Tout d'abord, les augmentations, c'est 6 % des entreprises qui auront une facture, dont 4,5 % des entreprises auront une facture de 0,1 % à 2 % et 1,4 % des entreprises auront plus de 2 %. Il y a une seule entreprise au Québec qui se verra avec une augmentation de 4,7 %.

Le Président: M. le député.

M. Brodeur: M. le Président, en principale.

Le Président: M. le député de Shefford, en principale.


Nouvelle tarification pour certains services d'Hydro-Québec

M. Brodeur: Tout le monde le sait, M. le Président, le 15 juin prochain, Hydro-Québec appliquera une nouvelle tarification sur certains de ses services. Pourtant, le premier ministre avait déclaré: Pas de hausse de taxes ni d'impôt. L'adoption de cette taxe déguisée qui rapportera 17 000 000 $ à Hydro-Québec causera des impacts financiers importants pour une petite entreprise de mon comté. Oeuvrant dans le domaine des communications, cette petite entreprise en pleine expansion doit étendre son réseau de transmission et procéder à l'ajout de 30 poteaux électriques. Coût des travaux réalisés avant le 15 juin, 15 000 $; coût des travaux réalisés après le 15 juin, 50 000 $, ce qui représente une augmentation de 233 %.

Ma question, M. le Président: Est-ce que la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce a été mise au courant par son collègue des Ressources naturelles des effets de cette nouvelle tarification pour les PME de ce type?

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. D'abord, je ne comprends pas la stratégie d'essayer de jouer à un ministre contre l'autre. Un décret gouvernemental, c'est voté par le Conseil des ministres, premièrement.

Deuxièmement, oui, il y a une nouvelle grille tarifaire, vous le savez très, très bien. On ne s'est pas gêné et caché pour le faire; on l'a déposée même en commission parlementaire. Par exemple, maintenant, un abonné qui change paiera tant de dollars; un nouveau branché coûtera 200 $. Et c'est tout prévu, ça; ça a été publié dans la Gazette officielle . Et probablement que... C'est bien sûr que, quand on fait du bureau de comté, il nous en arrive un de temps en temps de même.

Le Président: En principale, M. le député de Nelligan.


Remplacement du «Canadian Red Book» sur la valeur marchande des voitures par un document québécois

M. Williams: En principale. Merci, M. le Président. Le ministre des Finances a décidé, sans avoir complété les consultations nécessaires auprès des associations ou de la Corporation des concessionnaires d'automobiles, que le guide de référence «Canadian Red Book», qui est utilisé au Québec pour le calcul de la taxe de vente provinciale, sera remplacé par le guide publié par Hebdo Mag inc.

Compte tenu du fait que les associations ainsi que les corporations qui représentent 860 concessionnaires d'automobiles, 92 % des concessionnaires, sont vivement opposées à cette mesure, et compte tenu du fait que les concessionnaires collectent des centaines de millions de dollars de TVQ et TPS pour le gouvernement, ma question: Est-ce que le ministre peut éviter de faire une autre erreur et retarder la date pour l'application de cette mesure prévue pour le 30 juin prochain afin de laisser le temps nécessaire aux différents groupes touchés par cette décision unilatérale et interventionniste de se faire entendre en consultation?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): Bien, les décisions de tous les gouvernements du monde sont, par définition, unilatérales, ce qui n'empêche pas que des consultations soient utiles. Sur cette question de remplacer le barème du marché des voitures d'occasion par un document québécois, la réflexion se poursuivait au ministère des Finances depuis déjà des années, et ça consiste à confier à une firme québécoise spécialisée, qui le faisait déjà, de faire autorité en matière du prix de la revente des voitures d'occasion au Québec suivant des normes québécoises tenant compte des conditions climatiques québécoises et améliorant ainsi l'efficacité et l'exactitude des renseignements concernant les voitures d'occasion. Alors, je pense que la mesure est bonne, elle est saine et elle doit être maintenue.

Par ailleurs, si les délais d'application, pour des raisons impérieuses et qui nous seraient démontrées, devaient comporter une certaine flexibilité, je suis prêt, sans m'engager à changer quoi que ce soit maintenant, à examiner la question, bien entendu.

(11 heures)

Le Président: M. le député.

M. Williams: En complémentaire, M. le Président. Comment le ministre peut-il réconcilier ce qu'il vient juste de dire avec le fait que l'adresse d'Hebdo Mag est au Toronto-Dominion Bank Tower, Toronto- Dominion Center, Toronto, et qu'il y a six administrateurs, dont trois viennent de Paris et trois viennent de l'Ontario, ce que je trouve dans ce document que je voudrais déposer?


Document déposé

Le Président: M. le ministre, est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du document?

Une voix: Oui.

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Landry (Verchères): J'imagine que le député, et au moins l'opposition officielle, si lui n'en a pas entendu parler, sait qu'une telle chose existe et qui s'appelle la globalisation des marchés et l'intégration des économies...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): ...et que plusieurs firmes québécoises, plusieurs firmes québécoises, et c'est une excellente chose, ont des administrateurs qui viennent du monde entier. La société Domtar, pour donner un exemple, qui est possédée à presque majorité par la Caisse de dépôt et la Société générale de financement, a convié, et à bon droit, des citoyens des États-Unis d'Amérique à faire partie du conseil d'administration. La société Bombardier fait de même. Et, si Hebdo Mag le fait aussi, ça ne m'apparaît pas être un défaut, ça m'apparaît être une qualité.

Le Président: Mme la députée de La Pinière, en principale.


Partage de locaux pour assurer une représentation du Québec à l'étranger

Mme Houda-Pepin: M. le Président, lors de sa visite aux États-Unis le 3 juin dernier, le premier ministre a déclaré, au sujet de la fermeture des délégations du Québec à l'étranger, que le même niveau de représentation dont le Québec jouit depuis longtemps peut être maintenu grâce à un partenariat avec le secteur privé et à la collaboration du gouvernement fédéral.

M. le Président, est-ce que le vice-premier ministre, qui a déjà annoncé au sommet économique que les intérêts du Québec seraient représentés par la Banque Nationale du Canada, peut déposer les ententes que le gouvernement Bouchard a signées à ce jour avec le fédéral, la Banque Nationale et la Caisse de dépôt et placement, afin de rassurer les milieux d'affaires, des arts et de la culture que les intérêts des Québécois seraient adéquatement représentés à l'étranger?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Avec le gouvernement du Canada, je pense qu'on n'a ni signé ni négocié aucune entente. Et, si ça se fait, ce sera mon collègue en charge de ces questions qui le fera.

Quant aux discussions avec la Banque Nationale du Canada et d'autres intervenants privés – la Banque, c'est un exemple et c'est le cas le plus avancé – déjà, les bureaux répondent au téléphone – on l'avait vu dans cette Chambre – et nos anciens conseillers commerciaux sont réembauchés ou en voie de l'être pour occuper des lieux dans les locaux de la Banque. Là, on peut dire que l'accord des volontés est fait. Alors, la convention est née. Et, oui, je n'ai aucune objection, sous réserve de l'examiner plus attentivement, à la déposer dans cette Chambre. Il n'y a pas de secret stratégique là-dedans et, dès que les documents seront disponibles, je le ferai avec plaisir.

Le Président: Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, en principale.

Le Président: En principale, Mme la députée de La Pinière.


Représentation du milieu des arts à l'étranger

Mme Houda-Pepin: À la période de questions du 6 juin dernier, le premier ministre a déclaré en cette Assemblée, et je cite: «Nous avons une culture qui nous est propre, nous allons la défendre, la promouvoir.» En effet, M. le Président, la culture est ce qui fait notre spécificité et les milieux des arts et de la culture ont un besoin vital d'une représentation minimale à l'étranger pour promouvoir les produits et les industries culturelles du Québec.

Or, depuis la fermeture improvisée des délégations à l'étranger, de nombreux projets d'exportation de produits culturels québécois risquent de tomber à l'eau. Dans une lettre au ministre des Relations internationales et responsable de la Francophonie, le président de l'Union des artistes, M. Serge Turgeon, écrit ceci: «Est-il sage de ne prévoir aucune forme de représentation dans deux des pays les plus importants d'Europe, l'Allemagne et l'Italie? Je vous avoue avoir certaines difficultés à m'expliquer votre décision et à l'expliquer à ceux et celles qui m'en parlent.» Fin de citation.

M. le Président, le ministre des Relations internationales et responsable de la Francophonie peut-il s'engager à répondre favorablement à la demande des milieux des arts et de la culture qui réclament depuis le mois de mars dernier d'avoir un agent culturel qui opérerait soit à partir des ambassades du Canada ou même d'une institution québécoise ayant son siège à l'étranger?

Le Président: M. le ministre des Relations internationales.

M. Simard: Oui, M. le Président, je pense que la députée de La Pinière a très bien résumé les inquiétudes qui provenaient des milieux des arts et de la culture, il y a quelques mois, concernant l'annonce de la fermeture des délégations du Québec notamment à Rome et à Düsseldorf. Et nous avons été très sensibles à ces appels, puisque nous avons, en effet, avec l'Italie et avec l'Allemagne, de nombreux liens économiques, ça va sans dire, mais aussi culturels qu'il nous faut protéger.

À cette fin, nous avons mis sur pied un certain nombre de mesures alternatives; notamment, nous sommes à négocier actuellement l'engagement d'une personne, à Rome, qui fonctionnera avec nous à titre de contractuelle et qui dépendra de la Délégation du Québec à Paris, de façon à maintenir ouverts nos circuits culturels qui sont si vivants et si actifs en Italie.

Nous sommes à faire les mêmes pourparlers actuellement en Bavière et dans l'ensemble de l'Allemagne, et, d'ici quelques semaines, je pourrai annoncer des nominations importantes pour ces fonctions. Merci.

Le Président: Alors, c'est la fin, pour aujourd'hui, de la période des questions et réponses orales.


Réponses différées

À l'étape des réponses différées, M. le ministre de la Justice répondra maintenant à une question posée le 7 juin dernier par M. le député de Notre-Dame-de-Grâce concernant le projet de loi sur l'aide juridique. M. le ministre de la Justice.


Opposition de la Confédération des organismes provinciaux de personnes handicapées au projet de loi sur l'aide juridique

M. Bégin: Merci, M. le Président. Jeudi dernier, à une question qui était posée par le député de Chomedey, je répondais ceci: J'ai entendu Mme Lemieux-Brassard, représentant les handicapés, non seulement dire mais écrire qu'elle était très heureuse de voir que, suite aux rencontres qu'elle avait eues avec des gens de mon ministère, les modifications – et les mots sont importants – qui seraient apportées seraient tout à fait acceptables et qu'elle serait très contente du projet de loi.

Alors, suite à la question du député de Notre-Dame-de-Grâce, disant que ça ne correspondait pas à ce qu'il avait entendu, Mme Lemieux-Brassard a écrit. Et, si vous me permettez, je pense qu'il n'y a rien de mieux qu'elle pour répondre ce qu'elle dit, en lisant quatre paragraphes de sa lettre:

«Lors de notre conclusion, nous avons réitéré que tous ces éléments avaient été discutés avec des gens de votre cabinet et que plusieurs clarifications avaient été admises de leur part. Nous avons également rajouté que, sur plusieurs autres sujets, les mêmes personnes ne pouvaient nous répondre.

«C'est alors que nous avons clairement dit qu'à moins que ne soient adoptées les bonifications majeures, répondant aux problématiques précédemment exprimées, il était impossible d'adopter ce projet de loi. Un échange s'en est suivi où vous avez exprimé nous avoir bien compris et qu'il y aurait des modifications tenant compte de nos demandes. C'est à ce moment que nous avons répondu que nous ne le croirions que lorsque nous le verrions. Un échange s'est alors établi entre vous et l'opposition à savoir si nous agissions avec prudence ou plutôt avec sagesse.

«M. le ministre, nous continuons de croire à la sincérité des échanges des groupes de travail et à l'importance essentielle des modifications que nous vous avons apportées. Nous vous demandons donc de bien vouloir rectifier auprès de tous les membres de la Chambre le contenu de notre présentation de mercredi soir et notre opposition au projet de loi dans sa forme actuelle. Nous vous redisons à nouveau que, lorsque les changements ou les modifications proposées seront incluses au projet de loi, nous pourrons considérer ce projet de loi.

«Dans le désir de continuer une collaboration totale et entière, nous sommes assurés que vous saurez prendre les mesures appropriées pour maintenir le climat de confiance qui existe.»

Alors, M. le Président, je soumets que la réponse que j'ai donnée est bonne et que, si, en commission parlementaire, à l'étude article par article, on cessait de faire de l'obstruction, on pourrait adopter des amendements qui donneraient raison à Mme Lemieux-Brassard.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Chomedey, en question complémentaire.

M. Mulcair: Oui, M. le Président. Plutôt que de parler d'obstruction systématique, je pense qu'il serait plus approprié pour le ministre d'admettre que 27 groupes communautaires, y compris...

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Chomedey.

(11 h 10)

M. Mulcair: Est-ce que le ministre de la Justice se souvient que 27 groupes communautaires, allant de la CSN au Barreau, ont tous dit que son projet de loi était inacceptable dans sa forme actuelle? Et, si le ministre est si désireux de donner suite à ses engagements de changement, comment ça se fait que, sur deux des articles à propos desquels la COPHAN a demandé des modifications, soit à l'article 3.2 et à l'article 4.3, dans le premier cas, pourquoi il l'a laissé adopter en commission parlementaire sans présenter la moindre modification et comment ça se fait qu'il n'a toujours pas présenté de modification à 4.3, s'il veut vraiment donner suite aux demandes? Ou est-ce que c'est le ministre qui fait obstruction systématique à toutes les demandes raisonnables de changement à son projet de loi bâclé?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, nous avons, à date, passé 23 heures à étudier le projet de loi et nous en sommes à l'article 6, dont un consiste à dire: L'article untel est abrogé. Je pense, M. le Président, que, si nous avions la collaboration de l'opposition pour étudier le projet de loi, nous pourrions, comme je l'ai dit, apporter les amendements. Et, en passant, l'article 4.3 n'est pas encore adopté parce que mon collègue était trop pressé pour retourner à Montréal vendredi, nous n'avons pas pu l'adopter. Et, quand il sera adopté, les amendements demandés par la COPHAN seront inclus. J'ai dit et je répète que tout ne pouvait pas être accordé de ce qu'elle avait demandé, mais que l'essentiel serait accordé, et que, quand nous serions rendus aux articles pertinents, ils seraient inclus dans le projet de loi, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Je veux simplement rétablir les faits brièvement, M. le Président. La commission a siégé jusqu'à minuit et le député qui a posé la question y a été présent jusqu'à minuit, conformément au règlement de l'Assemblée nationale. Si le ministre de la Justice a des frustrations à passer, qu'il aille les passer ailleurs!

Le Président: À l'ordre! Je voulais vous rappeler l'article 35.6, mais j'aurais presque le goût de commencer par l'article 32, sur le décorum. Mais l'article 35.6 parle qu'on ne peut pas imputer des motifs indignes à un député quel qu'il soit.

Alors, nous en sommes maintenant...

M. Bélanger: Juste une question de...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Juste une question de directive: Est-ce qu'on vient d'assister à une question de fait personnel? Je voudrais juste comprendre quel est l'article qui nous permet de nous lever, à ce moment-ci, pour rectifier des faits, là, comme ça.

Le Président: M. le leader du gouvernement, le président tente, dans la mesure du possible, avec la collaboration, si possible, des membres de l'Assemblée, de diriger les travaux. Et, quand, à un moment donné, il juge qu'une réplique, ou une question, ou une réponse suscite parfois un commentaire, il peut, à des moments donnés, laisser passer une réponse. Autrement, si je voulais et si j'étais dans l'obligation d'appliquer d'une façon très stricte le règlement, il n'y a pas beaucoup de choses qui se passeraient dans l'Assemblée.

Ceci étant dit, il n'y a pas de votes reportés aujourd'hui.

Motions sans préavis.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 27, Loi modifiant le Code du travail, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et, si nécessaire, de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des institutions procédera aux consultations particulières sur le projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 22, Loi modifiant la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, de 20 heures à 24 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May;

Que la commission du budget et de l'administration procédera aux consultations particulières et à l'étude détaillée du projet de loi n° 32, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Vous retrouvez au feuilleton de ce jour, à l'item Nouveaux préavis, une motion inscrite par le leader du gouvernement, qui se lit comme suit:

«Que, conformément à l'article 195 du règlement, la motion du gouvernement apparaissant à l'article 65 du feuilleton du vendredi 7 juin 1996 soit retirée.»

Il s'agit de la motion d'urgence qui avait été présentée à ce moment-là par le leader du gouvernement. Compte tenu, M. le Président, que nous nous retrouvons dans une situation où cette motion, qui a été suivie d'une autre motion d'urgence, fait en sorte que la motion originale devient – je pense que tous en conviendront en cette Chambre – caduque, est-ce que c'est la bonne procédure que de proposer le retrait d'une motion qui, étant caduque, n'existe pas? Est-ce qu'il n'appartiendra pas plutôt à la présidence de rendre une décision quant à la caducité comme telle de ladite motion d'urgence qui date d'il y a un peu plus d'un mois et qui a été reprise par une autre? Et, à ce moment-là, la procédure suivie par le leader du gouvernement n'aurait pas besoin d'être suivie, cette motion caduque disparaîtrait dans le néant. D'ailleurs, c'est de là qu'elle est née.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je suis content de la proposition et du consentement, finalement, qui est fait par le leader de l'opposition, parce que, justement, nous aurions préféré que la présidence retire cette motion, puisque, évidemment, elle est caduque et tout à fait non avenue. Cependant, la présidence nous avait fait savoir qu'elle n'était pas disposée d'elle-même à retirer cette motion. Donc, nous nous sommes vus dans l'obligation de procéder de la sorte, conformément au règlement. Maintenant, je comprends qu'il y a consentement pour que nous puissions retirer cette motion. Alors, s'il y a consentement, que nous retirions tout simplement la motion qui apparaît au feuilleton.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Simplement pour que les choses soient claires, là, nous ne sommes pas au courant d'une décision que la présidence aurait prise, soit publiquement ou par ce qu'on appelle communément un «private ruling» quant à cette affaire. C'est la première fois qu'elle est officiellement soumise à l'Assemblée nationale du Québec, et, là-dessus, nous sollicitons, à ce moment-ci, une décision de la présidence.

Le Président: À ce moment-ci, ce que je peux dire, c'est que j'avais délibérément choisi de ne pas rendre de décision sur la caducité préférant, compte tenu du débat qui avait suivi, permettre aux formations politiques de donner suite. Et, dans ce cas-là, le gouvernement a décidé de présenter une motion, celle que nous avons aujourd'hui. Moi, je n'ai pas donné d'indication particulière. La seule chose que j'avais laissé entendre – je dois vous dire honnêtement, je ne me rappelle plus dans quel contexte ça c'est fait – c'est que je ne souhaitais pas, moi, comme président, compte tenu de ce qui s'était déroulé, prendre moi-même la décision de rendre caduque la première motion, je préférais, finalement, que ça vienne directement de l'Assemblée plutôt que de la présidence. C'est ce que je peux dire comme information à ce moment-ci.

M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Mais là, au moment où nous nous entretenons du sujet, M. le Président, la demande vous vient du parquet de l'Assemblée quant à la caducité comme telle de la motion du leader du gouvernement. Et, dans les circonstances, si vous en arriviez à la conclusion qu'elle est effectivement caduque, je vous soumets que la procédure entreprise ce matin, dans le cadre de ce débat d'urgence, par le leader du gouvernement n'est plus la bonne.

Le Président: M. le leader du gouvernement, vous vouliez ajouter quelque chose.

M. Bélanger: Alors, M. le Président, si vous prenez la décision, dans la discrétion qui vous appartient, que nous respectons au plus haut point, de retirer cette motion, nous en serons très heureux.

Le Président: Bien, écoutez, je vous avais indiqué que je souhaitais que ça vienne du parquet. C'est venu du parquet dans la mesure où le leader du gouvernement présente une motion, sauf qu'elle n'est pas adoptée. Si la motion était adoptée, bien sûr que le président s'y conformerait. Ce que je comprends de l'intervention du leader de l'opposition officielle, c'est qu'il souhaiterait qu'elle ne soit pas adoptée, puisque l'intention du gouvernement est affichée par le dépôt de cette motion, et que le président lui-même statue. Est-ce que je comprends bien votre volonté, M. le leader de l'opposition?

M. Paradis: Non, il y a davantage, M. le Président. C'est que les décisions qui ont été rendues par la présidence à l'occasion de ce débat, dans le cadre des deux motions comme telles, peuvent être interprétées différemment par ceux et celles qui nous succéderont en cette Chambre, dépendant de la décision que vous allez rendre quant à la caducité. Et, si vous décidiez qu'elle est caduque, elle n'existe pas, donc elle ne peut faire l'objet d'une motion de retrait.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Raisonnement tout à fait intéressant, M. le Président. Cependant, tant qu'il n'y a pas eu de décision à savoir si elle est caduque, on ne peut présumer qu'elle l'est. Le délai, c'était pour ça. Nous attendons, M. le Président, votre décision.

Le Président: Alors, compte tenu de ces avis que de part et d'autre vous venez de me donner, des indications et des volontés que vous avez manifestées, je vais prendre avis de la question et, assez rapidement, je vais rendre une décision. Si je considère qu'effectivement elle devrait être considérée comme caduque, alors je la rendrai caduque à ce moment-là.

Alors, ceci étant dit, est-ce qu'il y a d'autres... M. le leader du gouvernement.

(11 h 20)

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Le député de Nelligan avait soulevé un problème relativement à la version anglaise des projets de loi dont des ministres délégués étaient les parrains. Il disait à ce moment-là que, sur la version anglaise, il n'apparaissait pas le terme «ministre délégué» et que, donc, le titre «ministre délégué» aurait dû apparaître sur les projets de loi parrainés par les ministres délégués. J'ai fait de la recherche, M. le Président, auprès des autorités qui préparent les projets de loi, et ce qu'on me dit, c'est que, quand c'est un ministre délégué qui est le parrain, c'est «Minister for»; quand c'est un ministre responsable, en particulier, par rapport à un ministre délégué, c'est «Minister of». Donc, l'appellation qui apparaît sur les projets de loi et qui est «Minister for», sur tous les projets de loi parrainés par le député de Portneuf, est tout à fait adéquate. Donc, je voudrais corriger l'erreur, peut-être involontairement, qu'avait soumise, à ce moment-là, le député de Nelligan.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Sur ce point, M. le Président, on peut facilement comprendre l'intervention du député de Nelligan dans les circonstances. Il s'est inspiré lui-même d'une définition qu'en avait faite en cette Chambre l'honorable premier ministre, qui nous parlait de cette habitude, à Ottawa, d'appeler des ministres délégués «Junior Minister». Il aurait sans doute choisi la terminologie «Junior» s'il avait eu le choix.

Le Président: Bon. Est-ce qu'il y a d'autres demandes de renseignements sur les travaux de l'Assemblée ou d'autres commentaires?


Affaires du jour

Alors, s'il n'y a pas d'autres renseignements, à ce moment-ci, nous allons passer aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 46 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 132


Adoption

Le Président: À l'article 46, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune propose l'adoption du projet de loi n° 132, Loi modifiant la Loi sur les permis de distribution de bière et de boissons gazeuses.

Est-ce qu'il y a des interventions? M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.


M. David Cliche

M. Cliche: Merci, M. le Président. Je serai bref parce que ce projet de loi que j'espère faire adopter par l'Assemblée aujourd'hui est une loi assez brève, quelques articles, et nous en avons parlé abondamment lors d'une discussion au niveau de son principe et lors de cette commission parlementaire.

Ce projet de loi, M. le Président, le projet de loi n° 132, qui est la Loi modifiant la Loi sur les permis de distribution de bière et de boissons gazeuses, a été présenté devant cette Assemblée le 15 décembre 1995, le principe en a été adopté le 8 mai 1996, la commission permanente de l'aménagement et des équipements en a fait l'étude détaillée le 23 mai 1996 et a alors adopté les huit articles, et, finalement, le rapport a été déposé et pris en considération par cette Assemblée le 5 juin 1996.

Alors, essentiellement, ce que ce projet de loi modifiant la Loi sur les permis de distribution de bière et de boissons gazeuses vise, il vise essentiellement à mettre en application un consensus, l'unanimité d'une recommandation de la table des intervenants dans le monde de la bière et des boissons gazeuses, et c'est essentiellement, ça, un projet de loi à deux objectifs, M. le Président.

D'abord, il fera en sorte que tous les détaillants, tous les commerces du Québec qui vendent des bières et des boissons gazeuses dans des contenants consignés, que ces commerces aient l'obligation de reprendre ces contenants consignés. Parce que, en ce moment, il y a des commerces qui vendent des bières et des boissons gazeuses dans des contenants consignés et qui ne reprennent pas, refusent de reprendre ces contenants, de sorte que les dépanneurs, des petits commerçants se retrouvent essentiellement à faire la manutention, à avoir à effectuer la manutention de contenants de bière et de boissons gazeuses qui ont été vendus ailleurs dans d'autres commerces.

Le deuxième élément important de ce bref, court projet de loi, il vise essentiellement à obliger les commerces du Québec à vendre de la bière et des boissons gazeuses dans des contenants qui sont consignés. Parce que, actuellement, M. le Président, il y a, dans certains commerces, notamment des commerces à grande surface, la vente de boissons gazeuses dans des contenants qui ne sont pas consignés, de sorte que le consommateur qui ne paie pas la consigne sur ces dits contenants se fait quelquefois rembourser dans d'autres commerces pour la consigne de 0,05 $ qu'il n'a pas payée et, souvent, utilise ces nouvelles machines gobe-canettes pour se faire rembourser une consigne qui n'a pas été payée par le consommateur.

Je tiens à souligner, M. le Président – et je pense que le critique officiel de l'opposition sera d'accord parce qu'il en a justement fait la remarque à quelques occasions, ici même en cette Chambre et à la commission parlementaire – que c'est un pas dans la bonne direction, mais je conviens que ce projet de loi n'est qu'un élément d'une politique plus globale, d'une politique plus générale de gestion des matières résiduelles dont le Québec devrait, je l'espère, se doter d'ici un an. Ce pas dans la bonne direction est en effet un consensus, une unanimité des intervenants dans le domaine de la vente, de la distribution de bière et de boissons gazeuses, et il est un élément essentiel de cette politique de gestion des matières résiduelles dont le Québec, je l'espère, se dotera d'ici un an.

En conclusion, M. le Président, je demande donc à cette Assemblée de bien vouloir adopter le projet de loi n° 132. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. Nous en sommes à la dernière étape du projet de loi n° 132, et je viens d'écouter, avec sagesse, comme toujours, le ministre de l'Environnement qui reprenait mes paroles. Ce n'est pas évident que le ministre reprend souvent mes paroles. Bien sûr, j'ai dû m'échapper à une époque et dire quelques bons mots au sujet du ministre de l'Environnement, alors il a saisi, bien sûr, ces trois bons mots, où je disais, effectivement, que c'était dans la bonne direction. Il a oublié les trois quarts d'heure du discours que j'avais fait avant. Je peux peut-être revenir juste pour remettre les choses dans leur juste contexte, M. le Président. Oui, c'est dans la bonne direction et je pense qu'effectivement il y a un consensus sur cet aspect-là.

Mais ce que j'ai dit au ministre bien avant, à la commission parlementaire, au moment où on a pris connaissance de ce projet de loi là, c'est que c'est très loin de ce qu'il fallait faire. D'autre part, M. le Président, je vous rappellerai et je rappelle aux gens qui nous écoutent ici, aujourd'hui, confrères et consoeurs qui sont dans cette enceinte, qu'il y a eu au Québec, d'abord, une consultation sur les déchets dangereux présidée par, maintenant, un député libéral, et cette consultation-là avait recommandé que nous regardions l'ensemble du problème des rejets au Québec, autant les déchets industriels que les déchets des municipalités. De là, il y a eu le projet de loi 101, et, je dois avouer, avec le député de l'époque, M. Paradis, et ex-ministre de l'Environnement, nous avons poussé le projet de loi 101 qui a eu pour effet de mettre un moratoire – et je reviendrai tantôt sur cet aspect de moratoire dans un autre secteur, M. le Président – sur l'arrivée des nouveaux sites de déchets au Québec.

Et, quelque temps après, il y avait un engagement du Parti québécois, au moment de l'élection, ce qu'on a appelé la générique. Pour les gens qui nous écoutent, finalement, la générique, c'est une grande consultation populaire, à la grandeur du Québec, et il y a une vingtaine de points plus précis que la présidente, Mme Journault, regarde avec un groupe de commissaires, des gens très compétents, en passant, qui sont après faire le tour du Québec. Alors, dans cette générique-là, on doit regarder tous les aspects de la problématique des déchets.

Je suis un peu surpris de voir que le ministre, avec un projet de loi, le projet de loi n° 132, arrive avec des mesures très, très pointues sur un aspect bien précis de toute la problématique du recyclage au Québec, de la réutilisation... les 3R qu'on appelle, dans le milieu de l'environnement. Or, j'aurais de beaucoup préféré et notre formation aurait de beaucoup préféré que, ou bien le ministre, immédiatement après l'élection, avant que, comme la cigale, hein, on chante tout l'été de référendum, que le ministre ait immédiatement procédé avec une politique très large des 3R. Il a préféré ou son successeur a préféré s'en tenir à leur engagement électoral, partiellement, parce que les grands engagements électoraux, M. le Président, pour votre information, c'était, entre autres, que 60 % des déchets, qui vont dans neuf sites privés au Québec, eh bien, que, ça, on règle ça, on règle ça, les sites privés, et c'était une ligne dans le programme électoral du PQ, que les sites privés deviendraient des sites publics, M. le Président.

Quelle ne fut pas notre surprise, de ce côté-ci de la Chambre, au moment où les documents ont été déposés par le prédécesseur du ministre, il faut le dire, de voir qu'il n'y avait pas un seul mot, pas un traître mot, devrais-je dire, sur les sites privés du Québec, qui représentent 60 % des déchets. Or, quand le ministre nous dit que c'est dans la bonne direction, bien oui, c'est dans la bonne direction, c'est très pointu, on parle ici de certains contenants bien précis, les boissons gazeuses et la bière, le 0,02 $. Mais, M. le Président, on ne parle pas là-dedans des Tetra Pak. On parle de 500 000 000, entre 500 000 000 et 1 000 000 000 de Tetra Pak; ça, c'est les petits contenants avec la paille dont nos enfants se servent quand ils vont à l'école et, de plus en plus, qu'on voit un peu partout.

(11 h 30)

On n'a pas parlé, dans ce projet de loi n° 132 du ministre, de toute la problématique de la Société des alcools du Québec. Vous savez qu'il y a des millions de bouteilles de la Société des alcools du Québec qui sont recyclées en sable. Il faut se le dire bien franchement, ce qu'on fait avec, alors qu'on a le contrôle de cette entreprise-là.

Et non seulement on a le contrôle, M. le Président, on l'a de plus en plus. Le Parti québécois a de plus en plus le contrôle des institutions du Québec après deux ans et, dans le cas de la Société des alcools, nous apprenions la semaine dernière que le président, qui était reconnu par tout le monde, autant dans les milieux de l'environnement que dans les milieux de la boisson, devrais-je dire, ce président sera remercié de ses services. On va le «flusher», M. le Président, pour nommer un ami du parti. On l'a fait à peu près dans tout ce qui grouille au Québec, nommer des amis du parti. Alors, encore une fois, on va le faire dans le cas de la Société des alcools du Québec: on a nommé un petit ami du parti là-bas. Et j'espère qu'il pourra maintenant écouter le ministre, parce qu'il devrait y avoir une bonne relation entre les amis du parti puis le ministre, et j'espère que le ministre va faire des représentations à la Société des alcools.

C'est un peu incroyable, ce qui se passe dans une société qu'on contrôle. Et là on dit aux autres, on dit aux autres alentour de nous: Vous allez nettoyer le devant de votre maison – comme les Chinois le disent si bien – vous allez devoir nettoyer le devant de votre maison, mais, nous autres, le devant de notre propriété, on ne le nettoiera pas.

Et pas juste à cet égard-là, M. le Président, au niveau de l'environnement, le bilan, après deux ans, est tout à fait désastreux. Je vous rappellerai, entre autres, que seulement 10 % du papier qu'on utilise dans l'appareil gouvernemental est du papier recyclé. D'ailleurs, c'est dans le rapport du Vérificateur général de l'an passé, qui disait que, dans la dernière année, finalement, l'année où le gouvernement péquiste est arrivé en place, M. le Président, on n'avait donné aucune forme d'importance à utiliser des matières recyclables dans l'appareil gouvernemental, dans le rapport de l'an passé. Alors, c'est un autre...

Il faut le déplorer, parce qu'au même moment on dit aux gens, on dit à l'industrie: Vous autres, on va vous mettre au pas, puis vous allez récupérer, puis les grands pétages de bretelles. Au même moment, nous autres, comme gouvernement, on ne fait pas l'effort. On ne le fait pas à la Société des alcools, on ne le fait certainement pas dans tout ce qu'on utilise ici, dans l'appareil gouvernemental. Et, encore une fois, ce n'est pas moi qui le dit, c'est le grand comptable de l'État dans son rapport de l'an passé.

Alors, oui, c'est dans la bonne direction, M. le Président, mais, comme je l'ai dit antérieurement: Ça ne va pas assez loin, ce n'est pas assez fort. On ne touche pas à Tetra Pak, on ne touche pas, par exemple, aux bouteilles d'Orangina, on ne touche pas aux petites cannes de V8. Il y en a plein, M. le Président, qui vont se ramasser à peu près n'importe où: dans les fossés, dans les sites de déchets, sauf où ils devraient être. Une bonne consigne, et là on s'aperçoit que ça fonctionne. Le ministre lui-même, en commission, admettait que la consigne, c'est la formule qui fonctionne le mieux si on veut que ça revienne.

Et j'invite le ministre, d'ailleurs, à regarder tout le secteur des pneus. Je sais qu'il travaille là-dessus. Il y a différentes approches qui peuvent être prises, mais il me semble que la consigne, en tout cas, dans un premier temps, c'est celle qui donne les résultats les plus probants.

Alors, il aurait pu aller tellement plus loin, M. le Président. Ce projet de loi, il est très pâle. Il est comme on est quand on a siégé toute la nuit ici. Il est un peu pâle, M. le Président, ce projet de loi là. Je pense qu'il aurait pu y avoir un peu plus de Vigoro là-dedans, un peu plus d'enthousiasme, un peu plus de volonté de faire quelque chose pour l'environnement.

Alors, oui, nous allons voter, bien sûr, je l'ai dit à quelques occasions, en faveur du projet de loi n° 132, mais on ne lèvera pas la main très haute, M. le Président, on va être plus genre: Oui, mais avec réserve là-dedans, dans ce projet de loi là, parce qu'il y a tellement, tellement que le ministre pouvait faire.

Et ce qui me déçoit ici, les sondages le démontrent... Vous savez, il y a une grande histoire de l'environnement. Le premier projet de loi a été proposé en 1972, par le Parti libéral, et, même le mot «environnement», on ne savait pas trop ce que ça voulait dire, en 1972. Mais là on est rendu en 1996. Les populations sont embarquées, les groupes d'environnement sont embarqués. Il y a eu le grand Sommet de Rio, il y a eu ce grand rapport, il y a quelques années, de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement où on disait: «Notre avenir à tous». C'était le titre de ce rapport-là. Il y a eu, bien sûr, la création du ministère, éventuellement. Il y a eu tellement de choses qui se sont faites en environnement et il faut continuer à les faire. Clifford Lincoln a été un ancrage important dans l'histoire de l'environnement du Québec, il a donné une vision.

Bien sûr que les ministères, avant le ministre actuel, ont dû gérer les crises, parce qu'on essayait de nettoyer depuis 75 ans. Je suis allé visiter, dans une tournée d'environnement que j'ai faite dans les deux dernières années, des entreprises qui étaient en crise épouvantable, qui ne se sont pas préoccupées parce que personne ne se préoccupait. Même les voisins de ces usines-là ne s'en préoccupaient pas. Mais elles aussi se sont éveillées et, maintenant, sont devenues des défendeurs de l'environnement avec leurs voisins. Alors, j'ai vu ça au Lac-Saint-Jean, j'ai vu ça dans la région de Sorel, j'ai vu ça dans la région de Saint-Jean, j'ai vu ça le long du Richelieu, j'ai vu ça un peu partout au Québec.

Il y a maintenant une volonté, et on s'aperçoit que les gens travaillent. J'ai vu, à Sorel, des choses extraordinaires: des voisins qui travaillent ensemble avec les grosses entreprises du coin pour faire des petits parcs alentour, pour couper le bruit, pour enlever les poussières. C'est extraordinaire ce que les gens du Québec sont prêts à faire. Ils ne demandent rien, ils demandent juste qu'on les consulte un peu, M. le Président.

Les gens du Québec étaient prêts à aller beaucoup plus loin. D'ailleurs, on le voit avec la générique, que les gens sont allés se prononcer pour que le Québec soit de plus en plus vert, M. le Président. Et le ministre nous arrive avec un petit projet de loi; un petit projet de loi de huit articles. Je vous dirai que, depuis que je suis porte-parole en environnement, j'ai hâte qu'on parle d'environnement, M. le Président. Je vous le dis bien franchement. Depuis que je suis là, il y a eu un projet de loi de un article et un projet de loi de deux articles, et, là, le ministre a donné un grand coup, nous voilà avec un projet de loi de huit articles. Mais on n'a pas été bien loin encore en ce qui a trait à l'amélioration vraiment de l'environnement.

Alors, j'invite le ministre, et, moi – je lui ai dit, je l'ai dit aux deux ministres qui ont été là et je vais le dire à ceux qui suivront, s'il devait y en avoir d'autres – je vais supporter les mesures environnementales. Quand on va vouloir faire des choses pour améliorer l'environnement, je vais être pour, notre formation politique va être pour. Mais, quand on va essayer de mélanger la constitution et l'environnement, là, je vais vous dire tout de suite, on ne jouera pas avec ces affaires-là; l'environnement, c'est trop important pour nous.

Maintenant, j'ai pris un engagement devant le ministre il y a quelque temps, je l'ai pris aussi devant les gens du Québec, c'est de parler un peu d'un grand problème. Parce que, pendant qu'on parle des 0,02 $ sur les bouteilles, M. le Président, il y a un grand problème au Québec en environnement, c'est celui de la production porcine. Je veux juste dire un mot là-dessus, parce que le ministre, il faut qu'il fasse attention, il a à trouver une solution au problème, mais il va falloir qu'il le fasse avec discernement. C'est le mot que je veux qu'il emploie, c'est le mot qu'on va employer beaucoup de ce côté-ci, c'est l'aspect discernement dans ce débat-là.

Dans le rapport... Je lui ai cité, jeudi soir, des extraits absolument incroyables de ce rapport du Vérificateur général, des choses absolument... Il a sûrement eu le temps d'en prendre connaissance depuis. Il trouve ça moins drôle ce matin qu'il trouvait ça jeudi soir quand je lui en citais, il a eu le temps de le lire. Je vois que le ministre de l'Agriculture est à côté de lui. Il va falloir discerner entre les vrais problèmes et ceux qui ne sont pas des problèmes. Dans ce rapport-là, il y a, entre autres, un endroit où on dit qu'un des grands problèmes c'est 405 grandes entreprises causant 73 % des surplus de fumier. Et ça, il va falloir faire bien attention entre la petite installation agricole, qui, elle, demande un permis, tout humblement, dans son coin de pays, pour améliorer son sort...

Oui, les schémas d'aménagement, quand ils ont été faits, c'était pour de petites installations de ferme, il y a 15 ans; les schémas d'aménagement ont été faits par des gens qui disaient: Bien écoutez, oui, une ferme c'est quelques centaines de vaches. Mais là ce n'est pas avec ça qu'on se ramasse, M. le Président. Ici, on dit très bien, on parle, entre autres, qu'un des grands problèmes... Et ceux que j'ai eu l'occasion de visiter dans les dernières semaines, ce n'était pas l'agriculteur qui voulait s'installer, c'étaient de grandes entreprises, c'étaient les 405 entreprises, celles qui essaient, bien sûr, d'avoir des permis en ce moment. On me dit qu'il y en a 135 par semaine qui sont demandés au ministère. Il faudrait vérifier ça, le ministre pourrait nous dire si c'est 134 ou 138. Mais c'est incroyable, ce qui se passe en ce moment dans ce secteur-là.

Je demande au ministre de faire bien attention et d'avoir un discernement dans tout ça, entre la méga-entreprise – il y a tout un débat en Europe en ce moment, suite à une maladie dont tout le monde est au courant – ces grandes entreprises, et ce qui a été, historiquement, la force de l'agriculture du Québec, cette ferme familiale. Or, nous, de notre côté, on ne s'est jamais gênés pour le dire, et on va continuer à le faire; on s'est prononcés pour le droit de produire et on va se prononcer pour la ferme familiale.

Dans le cas présent, si le ministre veut tout bloquer, alors c'est une autre affaire. Nous, on a illustré qu'il y avait des problèmes dans cette production-là. Alors, que ce soit dans l'Estrie, que ce soit ailleurs, quand ce sera de petites fermes familiales qui viennent nous voir, qui nous exposent leur point de vue, on devra les écouter. Mais, quand c'est, comme j'ai vu en haut de Trois-Rivières, des installations, trois installations où on a coupé des forêts – vous devriez voir ça – à 1 500 pieds de la rivière... Je suis allé physiquement sur le lieu, M. le Président, ce n'est plus des petites installations, les forêts qu'on a coupées là pour installer ces installations, c'est plus grand que tous les édifices du parlement ici. Il y en a trois sur à peu près cinq ou six kilomètres. Alors, ce n'est plus des petites installations familiales, M. le Président. Et, d'où on était, on voyait la rivière, juste en bas, à 1 500 pieds plus bas. Alors, ça, c'est des installations, c'est des compagnies, c'est des multinationales. Et, là-dessus, il faut que le ministre tranche, il faut qu'il fasse rapidement, il faut qu'il fasse avec vigueur. Mais il faut faire attention en ce qui a trait à des installations où l'ensemble du milieu est d'accord, où ce sont des installations familiales où, finalement, ça entre dans ce que le législateur a si bien pensé, une ferme familiale, dans un milieu qui est accepté par l'ensemble des voisins.

(11 h 40)

Maintenant, je veux terminer ce court exposé en invitant le ministre. J'ai eu le très grand plaisir, hier, d'aller à l'Hêtrière-Ouest, c'est tout près d'ici, ça, M. le Président. C'est finalement face au Mont-Sainte-Anne, de l'autre bord du fleuve, la sortie 337 de l'autoroute 20. Je vois que le ministre de l'Agriculture et le ministre de l'Environnement sont assis ensemble ce matin. C'est bon, ça, que je les voie ensemble, j'aime ça, moi, parce qu'ils vont pouvoir se parler suite au rapport du Vérificateur, parce qu'il les met en contrariété tout au long, entre ce qu'un disait puis ce que l'autre n'a pas dit. Alors, je suis heureux de les voir encore ensemble assis ce matin. Moi, je les invite. S'ils veulent, on va prendre ma voiture cet après-midi puis on va aller à Hêtrière-Ouest ensemble. D'abord, on va aller visiter ce rang-là.

J'étais là hier soir, je suis arrivé au coucher du soleil. C'est de toute beauté, M. le Président, un de ces rangs où la route a 18 pi de large; de très, très belles installations agricoles, dans les plus belles que j'ai vues au Québec, dans une vallée. Les champs étaient verdoyants, certains champs étaient commencés... D'ailleurs, M. le ministre, j'étais très surpris de voir que certains des champs, les foins étaient déjà faits. C'est assez surprenant que, à cette époque-ci de l'année, le 10 ce matin, des foins étaient faits hier dans certains champs.

Alors, nous avons été accueillis là-bas, écoutez bien, par la médaille d'or de l'agriculture, une ferme extraordinaire. J'en ai vu, des fermes, dans mon comté, M. le Président. Cette ferme-là était extraordinaire. Ces gens-là voulaient me parler de production porcine. J'étais assis chez un agriculteur; à côté de lui, il y avait Martin Roy, le président de la coalition, qui est un autre agriculteur; 66 % des gens qui ont signé une pétition là-bas – plus que ça – 66 % des gens qui ont signé la pétition sont des gens qui sont en agriculture. Je peux tout vous décrire ça, M. le Président. Les gens qui étaient dans cette salle à manger là, hier, dans la cuisine de ce bon agriculteur avec son fils, il n'y avait pas d'anarchistes là, M. le Président, c'étaient des gens tout à fait sensibles à leur environnement, qui, eux, depuis des générations, ont transmis une valeur patrimoniale à leurs enfants, ainsi que leurs voisins, et, soudainement, qui voient ces immenses installations arriver dans le rang.

Il y aurait plus d'animaux dans ce rang-là après la construction de cette porcherie que tous les animaux additionnés dans le rang en ce moment. C'est ça que le ministre est après autoriser. Avec tout le débat, les échevins, le maire, etc., il y aura plus d'animaux dans un seul rang... Et, quand je regarde juste le camionnage qui passera là pour transporter ces purins-là – de mémoire, là, je peux le retrouver – c'est absolument extraordinaire, c'est quelque chose comme – je vais le trouver rapidement – je pense que c'est tout près de 3 000 camions par année qui passeront dans ce rang-là pour transporter le purin.

Alors, pendant que les deux ministres sont assis ensemble, de l'Agriculture... Et, en quittant, hier vers 21 h 30, 22 heures, j'ai demandé à ce bon agriculteur et à son épouse: Écoutez, peut-être que demain je vais être invité à défendre un projet de loi, puis-je, en votre nom, les inviter d'abord à Hêtrière-Ouest pour qu'ils voient ce magnifique rang, un des plus beaux du Québec? Et seriez-vous d'accord pour venir leur expliquer c'est quoi, le problème de la production porcine dans votre rang? On va s'asseoir calmement comme on a fait hier soir et puis vous allez leur expliquer ce que vous avez fait dans votre vie, comment vous avez bâti votre patrimoine agricole, comment, avec vos enfants, vous êtes allés chercher cette médaille d'or. Ce n'est pas n'importe quoi, M. le Président, aller chercher une médaille d'or en agriculture au Québec. Les installations de ces gens-là, c'est à faire rêver. Je suis convaincu que les agriculteurs du monde entier viendraient voir une installation comme celle-là. Et là ils sont menacés, ils sont menacés au plus profond d'eux-mêmes; 66 % des gens disent non à cette production-là.

D'autre part, en fin de semaine, j'ai rencontré d'autres agriculteurs qui, eux, nous disent: Écoutez, c'est une petite installation, il n'y en a pas de problème. Nous, les voisins, on est d'accord, le conseil municipal est d'accord, il n'y en a pas de problème, il y a un consensus très large. C'est dans des milieux agricoles, c'est des petites installations, c'est des installations explosées.

Alors, ce que je dis au ministre, là: Attention, entre les 405 grands producteurs pollueurs du Québec, qui représentent, aux dires du comptable du Québec, 76 %, et ces gens qui veulent vivre de l'agriculture... Et ces gens-là, hier soir, à Hêtrière-Ouest, aucun de ces gens-là n'en a contre la production agricole, ils vont tous voter pour le droit de produire. Mais ils disent: Il y a un problème et on se cache devant ce problème-là, c'est les multinationales qui veulent rentrer dans un secteur qui est rentable, il faut l'admettre, qui crée des emplois, il faut l'admettre, mais on n'est pas d'accord avec la façon dont ça se passe.

Je vais vous conter ce que j'ai entendu dans cette tournée-là. On arrive dans un petit village et on va demander à la secrétaire de la municipalité, qui est là deux jours et demi par semaine: Est-ce que, ici, il y a quelque chose qui défend les porcheries? Bien, elle va dire: Non, je ne pense pas, vous avez le droit, alors elle émet le permis. Savez-vous comment les citoyens du village ont appris qu'il y avait une porcherie dans leur village? C'est quand les camions, le lendemain matin, sont arrivés avec 8 700 porcs dans le village. C'est comme ça qu'ils ont appris qu'il y avait une porcherie, dans le village, qui s'en venait, il y avait 8 700 porcs qui rentraient dans le village. Alors, pas besoin de vous dire que le feu a pris dans le village.

À un autre endroit, ils ont appris qu'il y avait une grosse porcherie qui venait de s'installer quand, en se lavant les dents le matin, les citoyens ont dit: Coudon, ça goûte bien drôle ce matin, dans le village. Ça ne sentait pas drôle, ça goûtait bien drôle, M. le Président. Savez-vous ce qu'il s'était passé? Une de ces multinationales-là avait étendu du purin à 12 pi du tuyau d'où la municipalité, en surface, prenait son eau. C'est ça, la réalité que j'ai vécue depuis deux semaines à travers le Québec et à Hêtrière.

Alors, de deux choses l'une: ou bien on règle les problèmes avant qu'ils se produisent, ou bien on fait ce qu'on a trop souvent fait en environnement depuis 80 ans, on a attendu que le fleuve soit pollué, puis, là, on va dépenser des milliards pour le dépolluer. On a attendu que les sites de déchets, à la grandeur du Québec, polluent les nappes phréatiques, tel qu'à Mercier, et puis, après ça, on a dit: On va dépenser des millions de dollars, on va amener le monde en cour, on va se chicaner puis on va essayer de dépolluer. Et je vous dirai que, dans le cas des nappes phréatiques, levez-vous de bonne heure, M. le Président, ça ne se nettoie pas facilement. Laidlaw est après apprendre ça à ses dépens, à Mercier, que ça ne se nettoie pas facilement. Alors que les barils ont été mis à un seul emplacement, on me dit qu'en ce moment la nappe phréatique est polluée dans un rayon d'environ 21 mi. Le ministre pourrait nous confirmer si c'est 21, ou 18, ou 15, mais, en tout cas, il y a un pipeline de 14 km de long, si j'ai bien compris, pour amener de l'eau potable à des gens parce qu'ils ne sont plus capables de prendre l'eau des nappes phréatiques.

Le grand problème ici... oui, il y a le problème des odeurs, souvent. Faisons attention, encore là; trop souvent, on a dit: Il n'y a pas de problème; l'odeur, ce n'est qu'une sensation. Il y a plein d'études qui démontrent qu'il y a aussi des problèmes de santé avec l'odeur. Mais je referme cette parenthèse-là, parce que, moi, j'ai été élevé à Saint-Hyacinthe, puis les odeurs, ça ne m'a jamais rendu malade, M. le Président, puis je vis dans un comté rural où, à côté de chez moi, ce sont des agriculteurs, puis je n'ai jamais eu de problème avec ça. Mais il y a des études qui montrent qu'au niveau de l'insomnie, au niveau du stress, au niveau des gens qui doivent fermer leurs fenêtres et leurs portes, il y a des augmentations de chaleur, l'été, dans les résidences, etc., etc. Alors, ça aussi, il faut prendre ça en considération.

Mais le grand problème, au-delà de transporter du purin d'une région à l'autre, des camions, et tout ça, c'est la nappe phréatique, c'est les rivières, c'est les cours d'eau, et c'est à ce sujet que les gens, hier soir, encore une fois, nous ont demandé de les écouter. Ce n'est pas pour rien que, mercredi, il y a eu une coalition au Québec. J'avais invité le ministre à être présent, à écouter ces gens-là. D'ailleurs, je dois dire qu'il devait les rencontrer et j'ai cru comprendre qu'il a eu un engagement, il a dû canceller, c'est tout à fait correct. Maintenant, je l'invite à embarquer dans mon auto et puis on va se rendre à Hêtrière-Ouest, les rencontrer, ces gens-là.

Bien, cette coalition provinciale, qui s'appelle l'Union des citoyens du monde rural... elles ne partent pas en guerre, les villes, contre les villages, ou les gens de l'agriculture contre les citadins. Et c'est la beauté de ce mouvement-là, c'est des gens qui veulent rapprocher des gens qui ont des choses en commun, qui pensent qu'on doit vivre de la terre, qu'on doit vivre dans le milieu rural. Ils ont une magnifique pancarte, «Mon avis, on le piétine», et ces gens-là, hier soir, c'est le sentiment qu'ils avaient, «Mon avis, on le piétine». On ne veut pas les écouter, on ne veut pas aller assez loin et, d'autre part, on manque de discernement dans d'autres cas que j'entends à travers le Québec.

Alors, M. le Président, on va voter pour la loi n° 132. Je pense que c'est dans la bonne direction, ce n'est pas assez loin, ce n'est pas assez fort, et espérons, espérons qu'immédiatement après la générique – là, le ministre n'aura plus d'excuses – le ministre va procéder avec rapidité dans le secteur des pneus, dans le secteur de toute la récupération. Il y a différentes façons qui ont été utilisées ailleurs, le Québec va choisir sa façon de faire, c'est tout à fait correct, mais il nous faut bouger pendant que les citoyens sont prêts. M. le Président, vous savez qu'il y a des modes, en environnement comme ailleurs, et, en ce moment, c'est correct de récupérer, les gens sont prêts, ça se fait dans les écoles. Mais, pendant que les gens sont prêts à le faire, il faut les inviter à le faire plus que jamais. Et, moi, j'ai dit au ministre, combien de fois, qu'on va le supporter dans sa démarche d'amener la population du Québec à reverdir le Québec, à avoir un Québec propre, beau et récupéré au maximum, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre pour son droit de réplique. M. le ministre.


M. David Cliche (réplique)

M. Cliche: Merci, M. le Président. Je tiens à souligner le bon travail du critique officiel de l'opposition qui, ses dimanches soir, va visiter les rangs du Québec, c'est tout à son honneur, et ceci fait en sorte que ses interventions sont de qualité.

(11 h 50)

Je veux partager avec lui, brièvement, deux éléments suite à son intervention. D'abord, c'est la notion de la consigne versus la collecte. Il a raison, M. le Président, la consigne, dans certains cas – je dis bien dans certains cas – est la meilleure façon de s'assurer la récupération et la réutilisation des matières. Effectivement, mon ministère, en ce moment, travaille à l'élaboration d'un règlement qui visera à consigner le pneu pour faire en sorte que les 7 000 000 de pneus que, bon an mal an, nous utilisons et rejetons au Québec, ils puissent être réutilisés et qu'ils puissent être transformés en des matières qui puissent, à ce moment-là, servir à la fabrication, par exemple, de tapis de caoutchouc ou d'autres équipements.

Je veux lui dire d'être prudent également dans ses propos à l'effet que la consigne serait la solution à tout et que la consigne serait la façon par laquelle nous allons maximiser certainement les 2R dont il parle, soit le recyclage et la réutilisation. Parce qu'il faut comprendre que, si nous augmentons la consigne, il faut à ce moment-là savoir que, si nous augmentons cette consigne, il faudra, à coup sûr, éventuellement sortir les opérations de manutention de la consigne des commerces dans lesquels elles sont.

Faites le tour des commerces. Je rencontrais hier des commerçants, dans le porte-à-porte dans le cadre de l'élection partielle d'Outremont, et ils me faisaient remarquer la quantité de travail que représentait la manutention des canettes et des autres bouteilles. De sorte que, si nous augmentons la consigne à d'autres éléments tels le Tetra Pak ou les contenants d'Orangina, par lequel le critique officiel de l'opposition semble très préoccupé, c'est qu'effectivement, à ce moment-là, tel volume de consigne va faire en sorte qu'on devra sortir des commerces et des dépanneurs la manutention et la consigne. À ce moment-là, la question qui se pose, c'est la suivante: Est-ce que nous créons ce que, dans certains pays, on appelle des centres de dépôt? Est-ce que nous créons ces centres de dépôt où les consommateurs auraient à retourner les contenants ou autres matières consignées? C'est la question que nous sommes en train d'évaluer.

Je signale également que la consigne peut s'appliquer à des matières autres que les contenants, M. le Président, parce qu'il faut que vous sachiez que, par exemple, les petites piles que nous utilisons dans nos transistors, dans nos équipements électroniques, ces petites piles sont souvent à l'origine de la contamination à la fois des lieux d'enfouissement sanitaire et également des incinérateurs, lorsque ces incinérateurs sont les équipements utilisés pour voir à disposer de ces volumes qu'on ne peut pas réutiliser dans le cycle économique via les 3R.

Je veux également dire, M. le Président, au critique officiel de l'opposition, qu'il y a de la place au Québec, il y aura toujours de la place au Québec pour un mode de collecte sélective, soit ces bacs bleus et verts que nous avons tous à nos domiciles et que, de plus en plus, toutes les municipalités du Québec sont en voie d'implanter. Je pense aux journaux, je pense au papier. La collecte sélective est la façon la plus utile, la plus efficace et la plus économique de récupérer ces journaux pour les réutiliser.

Donc, M. le Président, il y aura, au Québec, de la consigne dans le cadre de la mise en place de cette nouvelle politique de gestion des matières résiduelles, il y aura également un réseau de collecte sélective qui continuera à s'implanter. Et je vais terminer là-dessus, M. le Président, sur la partie de ma réponse qui porte sur la gestion des matières résiduelles. Il faut également penser à une forme d'interfinancement – et je vais m'expliquer en une ou deux minutes – interfinancement entre secteurs de la consigne ou de la récupération et interfinancement entre les régions.

Il y a certains secteurs, M. le Président, de la consigne, de la récupération, qui sont rentables, qui, en ce moment, volent de leurs propres ailes et sont autosuffisants et, à même les profits générés par l'opération de recyclage et réutilisation, ils sont par eux-mêmes rentables. Contrairement à ce qui était le cas il y a quelques années, certaines municipalités maintenant se font offrir de se faire payer par les entreprises qui oeuvrent dans le domaine de la collecte, parce qu'il est maintenant devenu rentable pour certaines matières de faire de la récupération. On pense à l'aluminium, qui est à 1 500 $ la tonne, en ce moment, et on pense au papier, qui, je dois le dire, a vécu un creux de vague, un creux de cycle assez court, mais qui est en voie de reprendre de la force sur les marchés. Ces secteurs sont rentables, de sorte qu'à partir de ces secteurs rentables on doit penser financer, par le principe de l'interfinancement, des secteurs qui ne sont pas encore rentables.

Le critique officiel de l'opposition a parlé du secteur du pneu. Le secteur du pneu, en ce moment, n'est pas un secteur rentable, et ce que nous pensons faire, nous pensons mettre en place une consigne sur le pneu, et c'est à même cette consigne – un droit environnemental, si je peux m'exprimer ainsi – que nous allons développer l'industrie du recyclage du pneu. Et nous aurons l'occasion, M. le Président, d'en débattre, d'en discuter longuement dans cette Assemblée lorsque – j'espère, dans les mois qui viennent, certainement d'ici un an – j'aurai l'honneur de présenter à cette Assemblée un projet de loi qui visera à encadrer la gestion des matières résiduelles.

J'aimerais, en terminant, M. le Président, reprendre à la volée quelques éléments de la problématique de la production porcine. Le critique officiel de l'opposition a raison lorsqu'il souligne que la production porcine est le dossier environnemental, en ce moment, le plus problématique au Québec, M. le Président. Et même hier, dans ma tournée où j'appuyais le candidat dans Outremont, sur la magnifique rue Bernard, je pensais pouvoir passer une journée sans avoir à parler de la production porcine. Mais non, M. le Président, on m'a interpellé, même dans les grands restaurants de la rue Bernard, pour me poser des questions sur nos intentions en matière de production porcine. Même dans le chic Outremont, hier, j'ai été interpellé sur la question du cochon, M. le Président.

Il y a des mesures qui ont été prises, et d'autres mesures seront prises. Et, effectivement, il faut être prudent et il faut réaliser que la très grande majorité, la très grande proportion – dans les trois quarts – de la production agricole d'origine porcine, effectivement, vient de ces grands producteurs, véritables multinationales ou transnationales que sont les intégrateurs. Et, effectivement, nous devons réaliser que le programme de stabilisation qui, à l'origine, visait à stabiliser la production de ces petits producteurs, de ces entreprises plus familiales, a été – par l'ancien gouvernement, M. le Président, je dois le noter – étendu et rendu accessible à l'ensemble des producteurs, de sorte que, s'il y a une augmentation phénoménale de la production porcine au Québec en ce moment, M. le Président, elle est en partie due à l'application généralisée du programme d'assurance-stabilisation. Et je tiens à souligner que c'est l'ancien gouvernement qui avait fait en sorte que ce programme de stabilisation s'applique à l'ensemble de la production. Et nous nous retrouvons, mon collègue de droite, ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, et moi-même, à réparer les pots cassés de l'ancienne administration, qui, sous l'effet d'intenses lobbies, notamment provenant du comté de Brome-Missisquoi, avait accepté d'étendre l'assurance-stabilisation à l'ensemble des producteurs.

Je vais terminer là-dessus, M. le Président. Trois mesures ont été prises. D'abord, il y a eu le droit de produire, la législation sur le droit de produire, qui est maintenant déposée en cette Chambre, qui sera discutée en commission parlementaire, et qui vise à encadrer et à baliser correctement, eu égard à la protection de l'environnement, de la faune et de la population, la production agricole, notamment en ce qui concerne les principales nuisances pour la population: les odeurs, le bruit et la poussière. Et le critique officiel de l'opposition, M. le Président, sera en mesure de voir les balises, les façons dont nous allons baliser concrètement la production agricole à cet égard.

Un deuxième élément important, un deuxième règlement, une mesure importante qui a été acceptée par le gouvernement, le Conseil des ministres d'il y a une semaine, si ma mémoire est bonne, c'est le fait que, dans 105 municipalités, en ce moment, où il y a un surplus de lisier de porc – un surplus de purin à cochon, comme on disait dans mon enfance – et que, dans ces 105 municipalités, maintenant, les producteurs qui veulent augmenter leur production ou implanter de nouvelles porcheries devront faire affaire avec des entreprises qui auront la responsabilité d'aller épandre ces lisiers de porc selon des pratiques reconnues et qui auront l'obligation de faire approuver des programmes d'épandage de ce lisier de porc pour s'assurer qu'il puisse être disposé, étendu sans porter atteinte à l'environnement.

Je tiens également à noter l'effet certain, parce que, déjà, des grands producteurs de porc, des grands intégrateurs m'ont écrit pour me signaler que cette petite directive interne à mon ministère, de mon sous-ministre aux directeurs régionaux, qui fait en sorte, maintenant, qu'il y a une application stricte et correcte du règlement portant notamment sur la définition du nombre de cochons que ça prend pour faire une unité animale... Il y a de plus en plus de ces grandes porcheries qui devront faire l'objet d'audiences publiques avant d'être autorisées par mon ministère.

(12 heures)

Et je peux noter, M. le Président, déjà l'impact important de cette mesure. Je viens de recevoir, notamment, la lettre de M. Breton, qui est un producteur reconnu dans le milieu, un mégaproducteur de cochons, qui s'inquiète de l'impact de cette mesure, de cette directive administrative sur le fait qu'il ait, selon lui, maintenant l'obligation – c'est justement l'objet de cette directive – de faire en sorte que les projets soient soumis aux audiences publiques.

Mais il y aura d'autres mesures, M. le Président. Je vais terminer là-dessus, sous le regard insistant de la leader adjointe de l'opposition. Mais je tiens à rassurer la population que nous sommes très préoccupés. Nous avons pris ces mesures. Il y aura d'autres mesures à venir, M. le Président. Et je veux rassurer l'Union des citoyens du monde rural que, si je n'ai pas pu les rencontrer dans des meilleurs délais, c'est parce qu'il y a eu des problèmes techniques au niveau de mon agenda. Mais je veux rassurer la population que je vais les rencontrer, que je suis très préoccupé et qu'ils peuvent compter sur nous pour les assurer que leur santé physique, leur santé morale et la santé environnementale du Québec, on ne portera pas atteinte à ces santés, compte tenu de la véritable explosion de l'industrie des suidés au Québec, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune. Ceci met fin au débat sur le projet de loi n° 132.


Mise aux voix

Le projet de loi n° 132, Loi modifiant la Loi sur les permis de distribution de bière et de boissons gazeuses, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 41 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 5


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 41, Mme la ministre déléguée aux Mines, aux Terres et aux Forêts propose l'adoption du projet de loi n° 5, Loi modifiant la Loi concernant les droits sur les mines. Mme la ministre déléguée, je vous cède la parole.


Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Oui, M. le Président. Tout simplement pour rappeler que le projet de loi n° 5, je pense, vient témoigner de la préoccupation du gouvernement à l'égard de l'industrie minière au Québec. On sait que l'industrie minière est une industrie très importante, qui génère environ 3 100 000 000 $ par année. Alors, c'est drôlement important, je pense, que le gouvernement vienne s'en occuper.

On sait aussi que c'est un milieu où ce n'est pas facile d'oeuvrer. C'est un milieu à risque industriel important. Alors, la fiscalité québécoise doit d'autant plus contribuer à créer un climat propice aux investissements dans cette industrie. Nous sommes confiants que le crédit de droits pour le financement de la mise en production d'un gisement, introduit, justement, par ce projet de loi là, favorisera le développement de l'industrie minérale en créant un climat propice au financement.

Ce crédit devrait, d'une part, inciter les institutions financières à s'impliquer davantage dans le secteur minier. À cet effet, le gouvernement propose le remboursement d'une partie des coûts reliés à l'acquisition de biens nécessaires pour procéder au développement d'un gisement. D'autre part, puisque ce crédit s'adresse aux petites et moyennes entreprises d'exploration, il devrait leur permettre de se développer et d'effectuer les travaux nécessaires à la mise en production d'un gisement. Par le fait même, ce crédit favorisera le développement de nouveaux gisements.

Le potentiel minier du Québec reste en partie à découvrir et il n'est pas nécessairement dans la partie la plus accessible. Le Nord du Québec, on le sait, est une région aux ressources minières importantes. On sait aussi que le développement de ces sites, puisqu'ils sont très éloignés, augmente sérieusement les coûts inhérents à l'entreprise. Pour aider ces entreprises à supporter un fardeau particulier, nous avons introduit une allocation pour réduire les droits miniers autrement payables. Il s'agit de l'allocation additionnelle pour une mine nordique. Une mine nordique – bien sûr, on le définit aussi dans le projet de loi – est nécessairement située au nord du 55e degré de latitude nord. C'est une allocation additionnelle qui sera accordée au cours des 10 premières années d'exploitation d'une nouvelle mine nordique. Et le congé de droits miniers consenti pourra atteindre 20 % du coût des immobilisations utilisées dans le traitement du minerai.

De façon plus technique, ce projet de loi vient apporter aussi certaines précisions à la définition d'exploitation minière, qui a été grandement modifiée lors de la réforme de décembre 1994. Il fallait vraiment camper et préciser, puisqu'il y avait eu des discussions. Finalement, on sait que, dans l'esprit du législateur, il y avait des erreurs qui auraient pu se glisser et qui n'étaient vraiment pas partie prenante de cette réforme. Cette définition pouvait laisser croire, même, que certaines étapes du traitement du minerai n'étaient pas incluses dans l'exploitation minière. Alors, comme le législateur ne voulait vraiment pas restreindre, au contraire, cette loi, il fallait vraiment le circonscrire.

Il y avait lieu aussi de profiter du projet de loi pour venir harmoniser le texte de la loi avec les termes et les concepts maintenant utilisés dans le Code civil du Québec. C'est une mesure qui vise, bien sûr, à uniformiser les textes de la législation québécoise. Assez cocassement, d'ailleurs, M. le Président, c'est sur cette harmonisation que nous avons eu le plus de discussions lors de l'étude en commission parlementaire.

Alors, voilà, en résumé, ce que contient ce projet de loi. Lors de la réforme de 1994, la préoccupation principale du gouvernement était de maintenir au Québec un régime de droits miniers parmi les plus avantageux. Ce régime demeure toujours un régime plus avantageux que ceux qui sont en vigueur dans les juridictions voisines du Québec. Alors, avec ce présent projet de loi, le gouvernement vient donc apporter un support supplémentaire au développement des nouveaux gisements. Et l'opposition officielle a sûrement très bien compris l'objectif que vise le gouvernement, tout le monde s'est quand même bien entendu, et ce projet de loi devrait être adopté dans les minutes qui suivent. Voilà. Je vous remercie beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre déléguée aux Mines, aux Terres et aux Forêts. Merci. M. le leader adjoint de l'opposition.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Oui, M. le Président. M. le Président, nous sommes rendus à la dernière étape de l'adoption d'un projet de loi qui ne passera pas à l'histoire, là. Évidemment, ça ne constituera pas, et puis ça n'aura jamais constitué, une révolution à l'intérieur de l'Assemblée nationale du Québec, mais ça ne veut pas dire que le projet de loi comme tel n'est pas important. Je voyais Mme la ministre un petit peu offusquée alors que j'étais à lui dire que ce n'est pas gros, gros, gros, mais c'est important. Autrement dit, on n'en parle pas beaucoup au Québec, mais on en parle, j'imagine, jusqu'à un certain point, dans les milieux bien informés, c'est-à-dire au niveau de tous ceux et celles qui sont concernés par l'activité minière au Québec.

Vous le savez, M. le Président, je suis un député qui est venu au monde et qui est encore dans une région dont l'essentiel de l'activité économique tourne autour de l'activité minière – c'est-à-dire l'amiante – le comté de Frontenac, qui comprend, évidemment, les villes de Black Lake, de Thetford Mines et d'autres municipalités environnantes, Coleraine, Robertsonville, où l'activité minière est encore le coeur de l'activité économique. Il y a encore 1 500 travailleurs, chez nous, qui gagnent leur vie à l'intérieur des mines d'amiante. C'est donc très, très important qu'on s'y attarde et qu'on suive de près les décisions gouvernementales qui touchent ce secteur d'activité au Québec.

Le projet de loi n° 5, et j'ai eu l'occasion d'en discuter avec la ministre en commission parlementaire, j'ai eu l'occasion, dès le moment où on a procédé à la première véritable étape, c'est-à-dire le principe... La présentation d'un projet de loi, ça, M. le Président, vous le savez, et pour ceux et celles qui nous écoutent, c'est purement technique. On ne discute pas sur une présentation. On discute pour la première fois, on aborde pour la première fois un projet de loi, au niveau de l'essentiel, lorsqu'on discute du principe. Et j'avais indiqué à Mme la ministre que l'opposition collaborerait à l'adoption du projet de loi; c'est ce que j'ai fait. Également, M. le Président, j'ai réitéré cette volonté de supporter le gouvernement en commission parlementaire.

Il y a eu certains questionnements sur, entre autres, Mme la ministre s'en souviendra, des dispositions concernant l'arrimage avec le nouveau Code civil. On s'est bien entendus, Mme la ministre a décidé de laisser tomber certaines petites définitions qui pouvaient faire problème, et je lui dis tout de suite que je l'ai apprécié, parce que ça nous a permis de passer très rapidement à l'adoption du projet de loi quant à l'étape de la commission parlementaire. C'est essentiellement un projet de loi qui donne suite à des engagements d'ordre fiscal pris par l'ancien ministre des Finances lors du budget de mai 1995.

(12 h 10)

Il y a aussi des territoires additionnels qui sont ouverts à des interventions de l'État, à des récupérations, pour bien résumer, peut-être des récupérations fiscales. Alors, on ouvre d'autres territoires qui n'étaient pas visés par les législations à date.

Moi, M. le Président, quand l'Association des prospecteurs du Québec, d'autres intervenants à qui – et de notre côté, de l'opposition, et du côté de Mme la ministre et du gouvernement – on a indiqué l'intention de modifier la Loi concernant les droits sur les mines par le projet de loi n° 5, quand le milieu réagit de façon favorable, bien, je me dis: L'opposition va collaborer. Si on est, sur l'essentiel, d'accord avec la volonté exprimée par le gouvernement dans le projet de loi n° 5, au niveau des experts, ceux et celles qui, quotidiennement, vivent à l'intérieur de l'industrie minière au Québec, si ces gens-là sont d'accord, je verrais difficilement une opposition, elle, être en désaccord alors que ceux et celles qui sont concernés directement expriment leur assentiment à l'intention du gouvernement.

Alors, je m'arrête là-dessus, M. le Président, j'ai déjà donné plus de détails au niveau du principe et, également, en commission parlementaire. Alors, si vous appelez immédiatement le vote sur la motion, j'indique tout de suite à la ministre et à ses collègues qu'on sera d'accord. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le leader adjoint de l'opposition. Alors, ceci met fin au débat sur l'adoption du projet de loi n° 5.


Mise aux voix

Le projet de loi n° 5, Loi modifiant la Loi concernant les droits sur les mines, est-il adopté?

M. Lefebvre: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 9 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 128


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 9, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor propose l'adoption du principe du projet de loi n° 128, Loi modifiant la Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public et le secteur municipal. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. Le projet de loi que je soumets aujourd'hui à l'attention de l'Assemblée nationale a pour objet d'abolir définitivement la récupération de 1 % des dépenses relatives à la rémunération et aux avantages sociaux imposée à chaque année, depuis 1993, par la Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public et le secteur municipal, communément appelée la loi 102.

Le projet de loi n° 128, tel que présenté devant cette Assemblée le 15 décembre dernier, constitue, M. le Président, la conclusion d'une démarche initiée dès le 26 septembre 1994, alors que le premier ministre d'alors, en procédant à la désignation des membres de son cabinet, confiait à la ministre déléguée à l'Administration et à la Fonction publique qui m'a précédé un mandat clair, celui de rechercher, avec les éléments dynamiques de notre fonction publique, une alternative à la loi 102. Il allait alors de soi que la recherche d'une alternative viable à cette loi devait s'inscrire dans un cadre où pourraient être pris en compte à la fois les objectifs du gouvernement et ceux des organisations syndicales concernées. Ainsi, en matière de relations du travail, le gouvernement a privilégié une dynamique novatrice axée sur la concertation et la recherche de solutions à des problèmes concrets à l'intérieur de forums comme les comités prévus par les accords-cadres sur l'organisation du travail.

Face à l'échéance des conventions collectives des secteurs public et parapublic en juin 1995, le gouvernement a maintenu le cap sur la nécessité d'obtenir l'adhésion de ses partenaires patronaux et syndicaux, et, pour ce faire, il s'est rapidement engagé dans la voie de la négociation.

Dès le 9 juin 1995, le gouvernement proposait donc aux organisations syndicales que les négociations des conventions collectives se déroulent dans la foulée des accords-cadres sur l'organisation du travail et portent sur un nombre circonscrit d'enjeux prioritaires, dont le devenir de la loi 102. C'est à l'intérieur d'un véritable processus de négociation visant à renouveler les conventions collectives des secteurs public et parapublic qu'allait se dessiner une solution de remplacement à cette loi 102.

Les discussions, tenues en juin 1995, ont d'abord permis aux parties d'échanger sur les enjeux de cette négociation. Ainsi, tandis que les organisations syndicales réclamaient l'abolition immédiate des mesures de récupération de la loi 102, le gouvernement privilégiait, pour sa part, un retrait de la loi à compter du 1er avril 1996, soit au terme de l'année financière 1995-1996.

Les négociations intensives, entreprises en août 1995, ont alors conduit les parties à convenir d'un cadre de règlement prévoyant notamment un retrait définitif de l'obligation de récupérer 1 % au 1er avril 1996, et ce, pour l'ensemble des organismes publics visés par la loi 102. Par ailleurs, dans le cas des associations de salariés avec lesquelles une entente sur le renouvellement des conventions collectives serait convenue, le gouvernement consentait à verser aux employés concernés un forfaitaire de 0,5 % au 1er avril 1996. Précisons que ce forfaitaire vise à compenser monétairement les employés, puisque le retrait des mesures de récupération ne sera effectif que six mois après la conclusion de l'entente.

Tout en répondant aux engagements gouvernementaux et aux attentes syndicales, l'entente sur le devenir de la loi 102 garantissait au gouvernement le respect de son cadre budgétaire 1995-1996, puisque les mesures de récupération allaient s'appliquer intégralement jusqu'au 31 mars 1996. Pour les années subséquentes, cette entente respecte, je le souligne, les orientations budgétaires adoptées par le gouvernement. En effet, la somme de 185 000 000 $ que représente annuellement la récupération de 1 % sera autofinancée en 1996-1997 à même les enveloppes budgétaires fermées des différents organismes et ministères.

Je m'en voudrais néanmoins, M. le Président, de passer sous silence le fait suivant: tout en ayant permis au gouvernement d'en arriver jusqu'à présent à un accord avec des organisations syndicales représentant plus de 99 % des syndiqués de l'État, les négociations ont conduit les parties, d'une part, à convenir de la façon de mettre un terme aux effets récurrents de la loi 102 et, d'autre part, à identifier les récupérations budgétaires et des assouplissements aux conventions collectives.

Ainsi, pour actualiser le volet de l'entente portant plus spécifiquement sur la loi 102, le gouvernement s'est engagé, par une lettre d'intention, à présenter à l'Assemblée nationale un projet de loi ayant pour effet de faire cesser définitivement l'application des mesures récurrentes de récupération de la loi 102. Par ailleurs, cette obligation s'appliquant également de façon récurrente aux organismes municipaux qui se sont prévalus de la loi 102, il faut donc prévoir là aussi le retrait de cette obligation.

Le projet de loi n° 128 vise précisément à concrétiser cet engagement gouvernemental et à traduire le consensus atteint par les parties en prévoyant le retrait définitif de l'obligation récurrente de récupérer 1 % dans des organismes publics et des organismes municipaux. Il ne remet toutefois pas en cause les dispositions de la loi 102 relatives au gel des salaires et à la prolongation des conventions collectives pour deux ans, puisque l'effet de ces dispositions n'est pas complètement terminé dans un certain nombre d'organismes. Ces dispositions, mentionnons-le, cesseront d'elles-mêmes leur effet au terme de deux années d'application prévues.

(12 h 20)

Le présent projet de loi se concentre donc sur trois aspects majeurs sur lesquels je m'attarderai quelque peu. Un premier bloc d'articles a pour effet de rendre l'abrogation des dispositions de la loi 102 portant sur la récupération récurrente de 1 %. Ainsi, pour l'ensemble des organismes publics visés par la loi 102, c'est-à-dire ceux des secteurs de la fonction publique, de l'éducation et de la santé et des services sociaux ainsi que les organismes gouvernementaux non régis par la Loi sur la fonction publique, les établissements d'enseignement de niveau universitaire et les établissements d'enseignement agréés aux fins de subventions suivant la Loi sur l'enseignement privé, les dispositions de la loi 102 relatives à la récupération de 1 % sont abrogées à compter du 1er avril 1996, tant pour les employés syndiqués que pour les personnes non visées par une convention collective. De plus, dans le cas des professionnels de la santé touchés par cette même obligation de récupération mais à des périodes différentes, le présent projet de loi veille à ce que les récupérations prennent fin, là aussi, au terme de trois années d'application.

Par ailleurs, on se rappellera, M. le Président, que les députés sont eux-mêmes visés par le gel salarial de deux ans et la récupération récurrente de 1 % prévue dans la loi 102. Or, dans un contexte où tous les membres de la société québécoise sont appelés à participer à cet effort collectif que constitue le redressement des finances publiques du Québec, les membres de l'Assemblée nationale se doivent d'apporter également leur contribution. Et, sur ce point, je tiens donc à souligner que le projet de loi n° 128 ne comporte aucune disposition visant à abroger les mesures de récupération présentement applicables aux membres de l'Assemblée nationale.

D'autre part, les organismes municipaux avaient la possibilité, s'ils en décidaient ainsi, de se prévaloir des dispositions de la loi 102, ce qui est le cas dans quelque 20 % des municipalités, totalisant à elles seules environ 65 % de la population du Québec. Compte tenu que, dans de tels organismes, les mesures de récupération doivent être appliquées de janvier à décembre de chaque année, le projet de loi n° 128 fixe ici au 1er janvier 1996 la date d'abrogation des dispositions de la loi 102 relatives à la réduction de 1 % dans l'ensemble des organismes municipaux visés par la loi 102.

Il prévoit également une compensation pour l'application des mesures de récupération pour la période allant du 1er octobre au 31 décembre 1995. Or, dans le contexte où la rémunération globale du secteur municipal devance toujours largement celle versée aux salariés de la fonction publique québécoise, selon les termes mêmes du dernier rapport de l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération, l'à-propos de maintenir une telle compensation a fait l'objet de nombreux échanges avec les représentants du milieu municipal. Et, sur ce point, un amendement sera donc apporté au projet de loi dans sa version actuelle afin d'en extraire toute référence au versement d'une compensation pour les trois derniers mois de l'année 1995, que ce soit pour les élus municipaux ou pour les salariés des organismes municipaux concernés.

Le deuxième bloc traite des ententes intervenues entre un organisme et une association de salariés aux fins de récupérer 1 % en vertu de la loi 102. En effet, la loi 102 prévoit, on s'en souviendra, que des parties à une convention collective peuvent négocier et agréer des ententes ayant pour effet de répondre à l'obligation de récupérer 1 %. Des ententes ont donc pu être conclues sur une base permanente ou, à tout le moins, pour une durée allant au-delà du 31 mars 1996, dans le cas des organismes publics, ou du 31 décembre 1995, dans le cas des organismes municipaux qui se sont prévalus de la loi 102. Cela s'avère effectivement le cas notamment dans certains organismes gouvernementaux non régis par la Loi sur la fonction publique qui ont conclu des ententes permanentes dont le gouvernement a donné acte par décret en vertu des pouvoirs que lui confère la loi 102.

Compte tenu du retrait définitif de l'obligation de récupérer 1 %, il faut prévoir un mécanisme visant à compenser ou à rétablir la situation dans le cas des ententes intervenues avec des associations de salariés et dont l'effet perdure au-delà des dates que je viens de mentionner. Le projet de loi n° 128 comporte donc des dispositions permettant aux parties de négocier des modifications aux conditions de travail pour compenser, jusqu'à concurrence de 1 %, la réduction annuelle des dépenses relatives à la rémunération et aux avantages sociaux qui, au-delà du 31 mars 1996 ou du 31 décembre 1995, selon le cas, résulte de telles ententes. En cas de désaccord, les parties peuvent référer la mésentente à l'arbitrage, à l'intérieur d'un certain délai.

En troisième lieu, le projet de loi n° 128 met fin à certains types de griefs ou litiges relatifs à la loi 102. Les dispositions de la loi 102 concernant l'obligation de récupérer 1 % ont effectivement entraîné le dépôt de multiples griefs, que ce soit en rapport avec la portée générale des articles pertinents de la loi ou encore avec les modalités d'application des mesures de récupération. Ainsi, dans les seuls secteurs de la fonction publique, de l'éducation et de la santé et des services sociaux, quelques milliers de griefs ont été déposés à l'encontre de la loi 102.

De façon à éviter que de tels recours puissent avoir des conséquences importantes au plan financier, le cadre de règlement intervenu avec les association syndicales impliquées prévoit que le projet de loi modifiant la loi 102 contiendrait des dispositions visant à mettre fin aux litiges qui ont une portée générale. Seuls les griefs particuliers sur les modalités d'application des mesures de récupération seront ainsi maintenus. Il s'agit donc là, présentées sommairement, des grandes lignes du projet de loi soumis pour adoption à l'Assemblée nationale.

M. le Président, comme je l'indiquais au début de mon intervention, le gouvernement s'est engagé, il y a quelques mois, à rechercher activement une alternative à la loi 102. Dès les premières discussions sur le devenir de la loi 102, le gouvernement a fait preuve de transparence en expliquant clairement à ses vis-à-vis syndicaux les contraintes posées par le cadre budgétaire existant. En faisant du devenir de la loi 102 un enjeu central des discussions entourant le renouvellement des conventions collectives des secteurs public et parapublic, le gouvernement et les associations syndicales concernées s'assuraient d'en arriver à une solution acceptable pour toutes les parties.

Enfin, une fois le cadre de règlement circonscrit pour les secteurs public et parapublic, des consultations ont été entreprises auprès d'autres secteurs visés par la loi 102 afin que le projet de loi, préparé pour actualiser ce cadre de règlement, puisse tenir compte de l'ensemble des situations.

L'adoption du projet de loi 102 permettra donc, M. le Président, de mettre un terme de manière définitive aux effets récurrents de la loi 102, concrétisant ainsi l'engagement pris par le gouvernement de rechercher avec nos partenaires, qu'ils soient employés ou employeurs, une alternative à cette loi. M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre.

Mme Caron: M. le Président.

M. Chagnon: En fonction de l'article 213, j'aurais une question à poser au ministre concernant une partie de son allocution, s'il vous plaît. Courte.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre, vous acceptez?

M. Chagnon: Je voudrais juste savoir s'il y a une modification d'apportée à l'article 8 du projet de loi, en fonction de ce que vous avez dit. Oui?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Léonard: M. le Président, j'ai cru comprendre que le député de l'opposition n'écoutait pas ou était distrait au moment où j'ai abordé cette question. Effectivement, il y a un amendement qui est apporté de façon à éviter que la présente loi n° 128 s'applique aux municipalités du 1er octobre au 31 décembre 1995. Donc, l'effet, pour les municipalités, sera à compter du 1er janvier 1996.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je comprends que, quand même, cet amendement fera l'objet d'une discussion, d'un débat à la commission, à ce moment-là, à la commission parlementaire. C'est très bien. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

(12 h 30)

Mme Caron: Oui, M. le Président, de consentement, pour ne pas interrompre l'intervenant suivant, je voudrais que nous puissions prévoir que nous allons ajourner le débat immédiatement après l'intervention du député de Westmount–Saint-Louis, quitte à lui préserver son droit de parole lorsque nous rappellerons le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, vous allez demander l'ajournement à la fin de la période d'intervention. Bien.

Alors, M. le député de Westmount–Saint-Louis, pour votre intervention.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Juste pour vous dire que je suis d'accord avec la dernière intervention de la députée.

M. le Président, il me fait plaisir de participer à ce débat sur le projet de loi n° 128. La question que je viens de poser au député de Labelle n'était pas innocente. Évidemment, dans le cadre de l'exposé que le député vient de nous faire, j'ai compris qu'il devait y avoir, ou qu'il nous annonçait, sans le dire, un amendement bienvenu, je dirais, au projet de loi n° 128; un amendement qui a été demandé par l'Union des municipalités; un amendement sur lequel j'ai moi-même questionné le premier ministre à deux reprises. Et je suis tout à fait à l'aise de dire au ministre que son amendement est bienvenu. Il fallait être, au contraire, très attentif pour deviner que c'était bien l'amendement dont il s'agissait lorsqu'il nous amenait les dates, sa «tarte aux dates», dans lesquelles il fallait retrouver, évidemment, la bonne date qui prévoyait l'amendement qui était apporté. Alors, la question était, je pense, je ne dirai pas qu'elle était à propos, ce serait un peu prétentieux, mais elle était au moins pertinente parce qu'elle nous a amené un éclairage que nous n'aurions pas eu autrement.

M. le Président, sur le fond. La loi n° 128 vient modifier la loi 102. La loi n° 128, la loi du gouvernement, est le paiement d'une dette électorale. C'est carrément le paiement d'une dette électorale, d'une dette qui s'est contractée entre le premier ministre de l'époque, Jacques Parizeau, et la présidente de la CEQ, le président de la FTQ et le président de la CSN.

Les présidents des centrales syndicales s'étaient objectés au fait que le gouvernement précédent adopte la loi 102, qui réduisait de 1 % la masse salariale du gouvernement, masse salariale qui, on s'en souvient, est l'équivalent de 20 000 000 000 $; 1 % de 20 000 000 000 $, ça implique 200 000 000 $ par année. La loi 102, comme telle, couvrait la période entre le mois de septembre 1993 et septembre 1995, plus une extension possible.

Le gouvernement a choisi non seulement de retirer, de cesser... de retirer... ou de demander ou de diminuer, de s'obliger à diminuer de 1 % sa masse salariale, mais a plutôt offert à l'ensemble des syndicats de la fonction publique 915 000 000 $ étalés sur trois ans; 0,5 %, non intégré dans les échelles, je veux bien le croire, mais quand même 0,5 % au 1er avril dernier, 1 % au 1er janvier qui vient, 1 % au 1er janvier 1998. Et le ministre nous dit: Vous savez, les députés ne seront pas touchés. Bien, les députés, oui, ils vont être touchés, ils vont recevoir le 0,5 %, le 1 % du 1er janvier 1997 et le 1 % du 1er janvier 1998.

Que ce soient les députés ou n'importe quel autre employé dans la fonction publique, M. le Président, lorsqu'on a un déficit de 4 000 000 000 $, 3 200 000 000 $ annoncé cette année, on est en problème financier. Et les solutions qu'a trouvées le gouvernement, évidemment, dans le livre des crédits on en retrouve plusieurs, ce sera de taxer, de transférer aux municipalités, de transférer aux commissions scolaires, de transférer aux citoyennes et aux citoyens, par le biais de l'assurance-médicaments, au-delà de 450 000 000 $. Et la réponse qu'on donne souvent aux gens qui nous posent la question: Mais, vous, vous auriez fait quoi? Mais, nous, on aurait gardé la loi 102. Nous, on aurait gardé la loi 102 puis on aurait dit: Hola! essayons de réduire les dépenses de la masse salariale de l'État. La masse salariale, c'est 60 % des dépenses du gouvernement, si on exclut le service de la dette qui est absolument incompressible; 60 % des dépenses du gouvernement quand on exclut le service de la dette.

Alors, quand vous me demandez: Où faut-il couper? Où faut-il réduire lorsqu'on regarde l'ensemble de la problématique des finances publiques? C'est bien évident, c'est au niveau de la masse salariale et des bénéfices marginaux.

D'autant plus, M. le Président, que le dernier dossier de l'IRIR, le douzième rapport annuel de l'IRIR – et j'invite le ministre à le parcourir si ce n'est déjà fait – démontre clairement que les employés du secteur public sont encore en avance – si l'on parle de masse monétaire, de masse salariale globale comprenant les bénéfices marginaux, comprenant la sécurité d'emploi – de 4,5 % et 4,8 % sur l'ensemble des employés syndiqués des sociétés ayant 200 employés et plus au Québec. Ça, ça veut dire que, évidemment, on se compare avec Hydro-Québec, là-dedans, on se compare avec Bell Canada, on se compare avec Bombardier, on se compare avec ça. Mais ce n'est pas ça, le vrai Québec. Le vrai Québec, c'est une société de petites et moyennes entreprises qui ont moins de 200 emplois, dont le personnel n'est pas nécessairement syndiqué, puis, quand tu n'arrives pas à la fin du mois, tu crèves. Là, c'est la problématique, dans la vraie vie, c'est comme ça que les gens vivent au Québec. Mais, quand l'IRIR utilise son paramètre, sa comparaison avec les 200 plus grandes entreprises du Québec, ça nous donne une image, mais c'est une image qui est relative, ce n'est pas une image qui est celle du Québec réel.

Donc, même lorsque l'IRIR utilise, à titre de miroir, les plus grandes sociétés syndiquées, le portrait global, la rémunération globale des employés de l'État est encore supérieure à celle des meilleurs emplois syndiqués dans le secteur privé, et de très grandes proportions. Puis là on ne pense pas à Hydro-Québec. Évidemment, Hydro-Québec est encore au-dessus de la mêlée en ce qui concerne la rémunération globale. Puis on ne pense pas non plus au secteur municipal.

Alors, je suis heureux de voir que le ministre a évidemment plié à la demande des autorités municipales, et plus particulièrement de l'Union des municipalités du Québec, afin de pouvoir amender son projet de loi et de permettre au monde municipal de pouvoir financer à même les budgets qu'ils ont eux-mêmes adoptés avant l'adoption de ce projet de loi là, de faire adopter... Ils ont adopté des budgets avec des prévisions financières assises sur les conclusions de la loi 102 et, évidemment, ils requéraient de pouvoir utiliser ces expectatives de dépenses sur quelque chose de solide et non pas sur la loi n° 128.

La loi n° 128, dis-je, est le retour d'ascenseur, le paiement d'une dette électorale qui va coûter cher aux Québécois. Au départ, on ne retiendra plus le 1 % de la masse salariale et, d'autre part, on a augmenté de l'équivalent de 0,5 % cette année, 1 % par année pour les deux années qui viennent la masse salariale de l'État. Alors, évidemment, combiné, ça fait une enveloppe, une dépense de 915 000 000 $, près de 1 000 000 000 $, près de 1 000 000 000 $ pour un État qui est endetté de près de 3 000 000 000 $ cette année. On annonce 2 200 000 000 $ l'an prochain, 1 200 000 000 $ l'autre année après. Eh bien, je pense qu'il y a un problème de logique et de cohérence de la part du gouvernement en matière du traitement de ces relations de travail par rapport à sa capacité de payer.

Et ça, ce n'est pas nouveau, on l'a dit à plusieurs reprises, je le répète ici, je l'ai dit aussi en dehors de cette Chambre, c'était une des façons de régler la dynamique de nos problèmes et de nos écarts financiers. Et, encore une fois, le gouvernement a tenté ni plus ni moins... a acheté la paix, a tenté de faire en sorte de régler ce qui aurait pu être un problème de relations syndicales en enlevant la loi 102, répondant ainsi aux exigences des syndicats, et, ensuite, en leur redonnant des augmentations de salaire que l'on ne retrouve pas lorsqu'on regarde dans les autres Parlements, lorsqu'on regarde comment sont administrées les autres provinces. Les augmentations de salaire, dans les autres provinces, on n'en trouve pas beaucoup. D'ailleurs, on s'aperçoit, quand on regarde... Vous pourriez regarder la dernière édition de L'actualité . La province qui a réduit le moins ses effectifs depuis quatre ans, c'est le Québec, le Québec et le Nouveau-Brunswick d'ailleurs, les deux. Pour une bonne et simple raison, c'est qu'on ne s'est pas attaqué à des problèmes directs qui touchent toutes les fonctions publiques, le problème du surplus ou d'un nombre trop grand d'employés pour faire l'ensemble des commandes et des ouvrages qui sont recherchés par l'État.

(12 h 40)

D'ailleurs, on s'aperçoit aussi, quand on lit les statistiques dans la dernière livraison de L'actualité – j'invite le ministre à en prendre connaissance – que c'est au Québec qu'on retrouve le plus grand nombre de fonctionnaires par 1 000 habitants, au niveau provincial. Finalement, on a à peu près les mêmes types d'activité qu'on retrouve en Ontario. En Ontario, il y a exactement le tiers de moins de fonctionnaires par 1 000 habitants. On ne parle pas de la plus petite des provinces, on parle de la plus riche. La plus riche des provinces est capable de s'administrer, avec 4 000 000 de plus de population, avec un ratio de 31 fonctionnaires par 1 000 habitants, tandis que le Québec en a besoin de 46 pour faire un type de travail à peu près similaire. Il y a un problème quelque part, et j'invite le président du Conseil du trésor, puisqu'il est aussi le garant de la qualité de notre administration, à étudier cette question de façon plus rigoureuse, je dirais.

Ah! Le ministre pourra toujours me dire: Ce n'est pas nouveau, il y a ci, il y a ça. C'est vrai que ce n'est pas nouveau. Mais une chose est certaine, c'est que c'est là un problème auquel il va falloir s'attaquer. Et on aurait dû s'y attaquer depuis déjà quelques années.

La loi n° 128, en plus, va évidemment faire plaisir non seulement au secteur syndical, elle va faire moins plaisir un peu suite à l'amendement au secteur syndical, mais municipal. Le secteur municipal était évidemment outré du fait que le gouvernement du Québec avait donné, à l'époque, aux municipalités le droit de pouvoir, elles aussi, rentrer dans la locomotive de cette compression de 1 % et permettait donc au monde municipal d'avoir une espèce de bouclier les protégeant des augmentations effrénées demandées par les employés municipaux depuis plusieurs années.

Or, ce projet de loi, le projet de loi n° 128, évidemment, s'autocorrige, suite aux annonces d'amendements du ministre, mais, de toute façon, viendra faire en sorte de ne plus permettre aux municipalités de faire leur récupération de 1 % à partir du 1er janvier 1997. Or, ces récupérations, M. le Président, s'il y a un secteur qui en avait bien besoin, c'est le secteur municipal. Le secteur municipal qui, lui, si on reprend les mêmes études de l'IRIR, est dans une fourchette entre 18 % et 28 %, pour des emplois de même niveau, de même type, comparables, entre le secteur public, la fonction publique québécoise et le secteur de la fonction publique municipale.

Alors, s'il y a quelqu'un qui a besoin d'aide, qui a besoin de modification soit au Code du travail, au code des cités et villes ou à quoi que ce soit, ou à l'aide gouvernementale, ce sont bien les cités et les villes du Québec, qui ont besoin de reprendre le contrôle sur leur masse salariale. Elles l'ont perdu de négociation en négociation, c'est assez évident. Elles n'ont pas été capables, pour toutes sortes de raisons, probablement à cause de faiblesses structurelles quant aux pouvoirs et aux dispositions patronales qu'on retrouve dans le Code du travail, je dirais, en ce qui concerne leur capacité de négocier les unes à la suite des autres. Il n'en demeure pas moins que l'état, la situation, au moment où on se parle, c'est qu'elles se retrouvent, encore une fois, dans une fourchette entre 18 % et 28 % supérieure en termes de dépenses pour des emplois de type comparable à ceux que l'on retrouve au gouvernement du Québec.

Finalement, M. le Président, ce projet de loi est une réponse un peu ambivalente, je dirais, à cette volonté du gouvernement, d'une part, de réduire ses dépenses et, d'autre part, de faire plaisir à ses amis syndicaux. D'une part, réduire ses dépenses. Plusieurs secteurs sont touchés. Le secteur de la santé a été touché de façon draconienne l'an dernier et cette année. Le secteur de l'éducation, malgré toutes les promesses du premier ministre au moment du discours du trône – c'était là la plus grande des priorités. Le discours du trône a annoncé clairement un 450 000 000 $ de diminution dans le secteur de l'éducation, du préscolaire au postdoctoral, donc du primaire, du secondaire, du collégial et de l'universitaire, sans compter une mesure un peu sournoise de la part du Conseil du trésor qui oblige ces réseaux, santé et éducation, à autofinancer les augmentations de salaire qu'il a données à l'intérieur d'enveloppes soi-disant fermées.

Alors, le gouvernement du Québec signe une entente, dit: Syndicats, ma chère CEQ, je vous envoie 0,5 % pour le 1er avril 1996, le 1er janvier 1997, le 1er janvier 1998, mais, en plus, se revire de bord et dit: Commissions scolaires, vous les autofinancerez; cégeps, vous les autofinancerez; les hôpitaux, vous les autofinancerez les augmentations de salaire que, nous, on a données aux syndicats. Le cadeau de la loi n° 128 est un cadeau qui devra s'autofinancer. Mais ça va s'autofinancer comment, M. le Président? Ça va s'autofinancer avec une diminution de services dans les hôpitaux, plus de malades dans les soins d'urgence, une diminution de services dans les écoles, une diminution de services dans les collèges. Une diminution de services pour qui? Pour les clientèles qui sont dans les CLSC, donc des gens qui ont besoin de recours de prévention dans les CLSC, des gens qui sont malades dans les hôpitaux, qui vont avoir à attendre un peu plus ou qui n'auront pas tout à fait les services qu'ils auraient eus l'an dernier ou l'autre année avant.

Puis, dans les écoles, bien, il va y avoir moins de personnel pour aider les jeunes, moins de psycho-éducateurs, moins d'orienteurs, moins de gens qui vont permettre de donner un encadrement aux jeunes, parce que, évidemment, on n'a pas... C'est évident qu'on ne peut pas jouer – et heureusement qu'on ne peut pas jouer – sur les ratios maître-élèves, avec le projet de loi qu'on a devant nous, c'est tout ce qui reste pour garder une certaine sécurité, une certaine cohésion, je dirais, dans un secteur comme l'éducation, le secteur collégial. Mais il n'en demeure pas moins qu'il y a quelques centaines de millions qui devront être assumés par l'ensemble des institutions: les CLSC, les centres d'accueil, les hôpitaux, les commissions scolaires, les collèges.

Et, pendant ce temps-là, pendant que les clientèles vont avoir moins de services, vont devoir commencer à payer un peu plus cher dans un centre d'accueil, eh bien, on va trouver évidemment le soin, la possibilité d'augmenter les salaires de tout le monde sur le dos des clientèles. C'est exactement à cela que nous invite le ministre en adoptant la loi n° 128, parce qu'il n'est pas capable de financer. Il a conclu, il a signé les ententes avec la CEQ, la CSN et la FTQ, mais il n'est pas capable de les financer. Alors, qui va les financer? Bien, ça va être les institutions qui vont les autofinancer. Mais qui vont les autofinancer? Comment? Elles vont les autofinancer sur le dos de leur clientèle propre. Et ça, pour nous, c'est absolument inacceptable. Si on est capables de donner quelque chose, on est capables de le financer; si on n'était pas capables de le financer, c'était mieux de ne pas le donner. Ç'aurait été plus simple, plus honnête, plus direct, mais plus concret aussi, puis ça éviterait des maux de tête énormes non seulement au président du Conseil du trésor, j'en suis convaincu, mais aussi à tous les administrateurs qui ont à administrer ces demandes de récupération budgétaire qui ne font pas beaucoup de sens.

D'autre part, c'est entendu qu'on va voir, dans les années à venir, des augmentations des déficits dans les hôpitaux, qui vont rebondir un jour sur le dossier du président du Conseil du trésor, comme je me rappelle avoir vu quand je suis arrivé au Conseil du trésor, en 1985. Il y avait, à l'époque, 264 000 000 $ de déficit accumulé, uniquement pour le secteur des hôpitaux, parce qu'il avait été mal subventionné préalablement. Je ne commencerai pas à faire des chasses aux sorcières pour savoir qui a eu tort, qui a fait ci, qui a fait ça, non, les faits, là, les faits froids, là, il y avait 264 000 000 $ de déficit accumulé dans le secteur des hôpitaux en décembre 1985. Il a fallu récupérer ce 264 000 000 $, ramener les hôpitaux à zéro, dans leur niveau d'équilibre financier, et, pour y arriver, évidemment, vous faites une émission d'obligations et il est rentré dans les dettes de la province, le 264 000 000 $ de dettes des hôpitaux, en 1985, fin de l'année 1985. Dix années d'incurie préalables.

C'est la situation qui risque de se reproduire au moment où on se parle, non seulement au niveau des hôpitaux, mais aussi au niveau des commissions scolaires. Si j'étais président du Conseil du trésor, je serais un peu inquiet de voir c'est quoi l'augmentation du nombre de déficits dans les commissions scolaires. Je sais qu'en principe elles n'ont pas le droit de le faire, mais comment voulez-vous qu'elles ne le fassent pas quand elles sont prises, d'une part, avec des conventions collectives qui les obligent à garder du personnel et, d'autre part, un gouvernement qui leur dit: Vous allez autofinancer les augmentations de salaire de vos employés, mais vous n'aurez pas de revenus supplémentaires. Il y a un problème, il y a un problème quelque part qui ne se règle évidemment à peu près pas parce que c'est la quadrature du cercle.

(12 h 50)

Et cela, M. le Président, la loi n° 128 va créer un méli-mélo dans l'ensemble de nos réseaux, tant de la santé que de l'éducation. J'ajoute que, pour financer, finalement, une fois qu'on... On a beau se dire: On va autofinancer les augmentations de salaire données par le Conseil du trésor il y a deux ans – je ne suis pas certain que le président du Conseil actuel aurait autant de plaisir à signer les ententes que sa prédécesseure a eu il y a deux ans. Une chose est certaine, le fait de ne plus récupérer dans la masse salariale enlève au président du Conseil du trésor et enlève au gouvernement une marge de manoeuvre d'une couple de 100 000 000 $ par année, 200 000 000 $ par année. Le président du Conseil a parlé de 185 000 000 $ tout à l'heure, eh bien, 185 000 000 $ par année, c'est le minimum. Il s'est enlevé une marge de manoeuvre de 185 000 000 $ à 200 000 000 $ par année.

C'est exactement ce qu'on demande au ministre de la Santé cette année, de faire financer par les contribuables 196 000 000 $ d'assurance-médicaments. On retrouve, dans le document des crédits, une demande de financement de 196 400 000 $. Je l'ai ici, page 251, M. le Président: «Services pharmaceutiques et médicaments. La baisse de 196 400 000 $ des crédits prévus pour les services pharmaceutiques et les médicaments reflète la volonté du gouvernement d'apporter des modifications au programme actuel d'assurance-médicaments afin de permettre la mise en place progressive du régime universel et contributif.» Alors, évidemment, aussi bien dire qu'on vient de refiler 196 400 000 $ dans les crédits de cette année, via le ministre de la Santé, à la population du Québec pour financer le futur programme d'assurance-médicaments, qui change, lui, du tout au tout de semaine en semaine.

Eh bien, ce programme d'assurance-médicaments aurait pu avoir lieu, mais l'État aurait eu 196 400 000 $ à placer différemment si on avait gardé... du moins, ou si on avait donné au président du Conseil du trésor la place, la disponibilité financière que lui procurait la loi 102. Alors, je suis obligé de constater, comme la plupart de mes collègues, que le gouvernement s'est automutilé et s'automutile en abrogeant la loi 102, en donnant, comme il l'a fait, 915 000 000 $ d'argent nouveau à l'ensemble des employés de l'État, ce qui va faire en sorte, effectivement, contrairement à ce que disait le ministre, que les députés, eux qui sont assis, eux qui sont dans une espèce de wagon pour organiser leur augmentation de salaire, recevront les salaires des employés de classe 4, milieu d'échelle. Alors, ils auront le 0,5 %, le 1 % puis l'autre 1 %, contrairement à ce que disait le ministre.

Or, il n'est pas évident que, au moment où on se parle, ni les députés ni l'ensemble des employés de l'État, non pas ne mériteraient pas – ce n'est pas une question de mérite, je veux être bien compris – mais ce n'est sûrement pas évident que l'État a les moyens d'augmenter sa masse salariale, ni pour les députés ni pour l'ensemble des autres employés de l'État. Encore une fois, ce n'est pas une question de mérite; tout le monde, que ce soient les députés, peu importe leur côté de cette Chambre, ou que ce soient les employés de l'État, travaille fort. Mais c'est évident, il m'apparaît évident qu'en 1996, dans les circonstances économiques dans lesquelles nous sommes, à un moment donné où l'État n'est pas capable d'avoir une augmentation de sa croissance de plus de 1 % de son PIB, on ne peut pas se permettre d'augmenter les masses salariales, d'augmenter les salaires ni d'aucun employé de l'État ni, encore, des députés.

Alors, c'est une des raisons qui vont nous motiver, mon groupe parlementaire et moi-même, à voter contre le projet de loi n° 128, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, alors, tel qu'entendu, de consentement, je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion d'ajournement du débat est-elle adoptée? Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Compte tenu de l'heure, M. le Président, je vous demande de suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons donc suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 55)

(Reprise à 15 h 2)

Le Vice-Président (M. Pinard): MM., Mmes les députés, veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 5 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 33


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Article 5. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux propose l'adoption du principe du projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives. Y a-t-il des interventions sur le projet de loi? M. le ministre, vous avez un temps de parole de 60 minutes.

M. le leader de l'opposition.


Question de règlement portant sur d'éventuelles modifications au projet de loi n° 33

M. Paradis: Oui, M. le Président. Dans cette tentative d'agencement des travaux de fin de session par le leader du gouvernement, à ce moment-ci, nous sommes pris par surprise devant la stratégie parlementaire improvisée et inusitée du leader du gouvernement. Comme vous, nous avons pris connaissance des articles de journaux de la fin de semaine qui nous annonçaient que le ministre ne savait plus tellement dans quelle direction il s'en allait quant au projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives. Nous nous sommes prononcés en première lecture quant à ce projet de loi, compte tenu des interventions faites par le gouvernement et sur la foi des notes explicatives contenues au projet de loi comme tel. Nous étions sceptiques, à cette époque, mais nous avons, comme le règlement de l'Assemblée nationale...

M. Bélanger: Excusez-moi. M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Je me dois d'interrompre le leader de l'opposition. C'est juste pour comprendre à quelle étape nous sommes présentement. Est-ce que c'est la recevabilité de la motion que je viens de faire qui est constestée? Est-ce que c'est une question – je voudrais juste comprendre – de règlement, une question de privilège? Je voudrais juste comprendre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. J'imagine que vous devez sûrement être en mesure de me relater un numéro de règlement en vertu duquel vous intervenez, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. M. le Président, vous aurez facilement compris que, pour comprendre, il faut écouter et qu'on ne peut comprendre sans écouter. J'attirais l'attention et de la présidence et du leader du gouvernement sur la situation sans précédent dans laquelle nous nous retrouvons, bien que j'aie pu retrouver, à travers la doctrine et la jurisprudence qui gouvernent nos règles, plusieurs indices qui faciliteront votre prise de décision.

Pour clarifier le tout, au tout début, l'à-propos de mon intervention, et vous l'avez compris, se situait à l'effet que, lorsque l'Assemblée nationale a été saisie du projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments, nous en avons été saisis compte tenu de notes explicatives et du contenu du projet de loi, tel que déposé par le ministre de la Santé et des Services sociaux. Vous avez pris connaissance des articles de journaux de la fin de semaine, M. le Président, à l'effet que le ministre, compte tenu de l'opposition généralisée à son projet de loi, a décidé de faire d'autres choses. Et, à ce moment-là, l'à-propos de mon intervention est à l'effet qu'on ne peut tromper indûment l'Assemblée nationale du Québec. Si on a déposé un projet de loi et si on s'apprête, M. le Président, à modifier substantiellement ledit projet de loi, il s'agit de s'assurer que les droits et privilèges des membres de l'Assemblée nationale du Québec sont respectés.

Nous, on était sceptiques, M. le Président, dès le dépôt du projet de loi du ministre de la Santé, mais nous avons dû, et nous sommes obligés de le faire en vertu du règlement, prendre la parole du ministre de la Santé et des Services sociaux et penser qu'il s'agissait vraiment de la présentation d'un projet de loi qui touchait l'assurance-médicaments. Nous avons été obligés de prendre sa parole et de penser qu'il s'agissait de couvrir 1 200 000 Québécois et Québécoises qui n'étaient pas éligibles à l'assurance-médicaments. Nous avons été obligés de prendre la parole du ministre de la Santé, comme le règlement nous y oblige, M. le Président, et de penser que les gens qui, présentement, souffrent de maladies particulières et qui ont des comptes prohibitifs à payer, de médicaments, seraient couverts par le régime présenté par le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. le Président, c'est dans ces circonstances que le projet de loi a été présenté, c'est dans ces circonstances que l'étape de la première lecture du projet de loi a été adoptée par l'Assemblée nationale du Québec. Nous nous retrouvons aujourd'hui, à 15 h 7, dans une situation totalement différente. On aurait pu l'anticiper, M. le Président, et c'est peut-être là ce que le leader du gouvernement va plaider. Lorsque les crédits du gouvernement ont été déposés, il y avait, à l'item Crédits santé et services sociaux, 196 000 000 $ de perception dans la poche des contribuables, particulièrement les personnes âgées. Les périodes de questions qui ont suivi nous ont appris que le 196 000 000 $ pouvait se traduire sur une base annuelle, suivant les propos mêmes du ministre de la Santé et des Services sociaux, par des ponctions dans les poches des contribuables – les personnes âgées, mais les jeunes également sont mis à contribution – d'entre 300 000 000 $ et 350 000 000 $, M. le Président. Vous avez été témoin de ces réponses du ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mais, lorsque, le 15 mai, le ministre a déposé son projet de loi, il nous a présenté le remède sous une forme tout à fait différente: avantageux pour tous les Québécois, non coûteux, un projet de loi qui reposait sur des principes d'assurabilité des gens qui n'ont pas une assurance pour les médicaments.

M. le Président, malgré ce qui a été dit devant l'Assemblée nationale, parce que la population en général s'est opposée au projet de loi du ministre de la Santé et des Services sociaux, le ministre a annoncé, en fin de semaine, qu'il révisait complètement son projet de loi. M. le Président, je fais particulièrement référence à un texte publié ce matin dans La Presse , sous la plume d'un journaliste qui a l'habitude d'être en avant de la nouvelle, Denis Lessard, dans La Presse de ce matin, qui titre ce qui suit: «Médicaments: c'est la RAMQ qui va assurer les Québécois». On nous avait parlé d'un régime mixte, mais là, parce que, M. le Président, les compagnies d'assurances n'ont pas voulu endosser les chiffres du gouvernement, le ministre s'est tourné de bord et, dans un esprit...

M. Bélanger: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

(15 h 10)

M. Bélanger: M. le Président, vous comprendrez que, si le leader de l'opposition plaide la recevabilité, normalement ce sont de brèves remarques, à la discrétion du président, et, à ce moment-là, vous tranchez. Moi, j'aimerais savoir où s'en va le leader de l'opposition. Il parle d'improvisation, mais, alors là, si, ça, ce n'est pas de l'improvisation, c'est de la grande voltige à laquelle on assiste présentement, là. Je ne sais absolument pas où il s'en va. Qu'est-ce qu'il veut dire? Est-ce qu'il pense que c'est illégal ou contraire à nos règlements, à ce stade-ci, d'appeler un article de notre feuilleton? Si c'est le cas, qu'il le dise clairement. S'il dit que le projet de loi est non conforme à nos règlements, qu'il le dise clairement. Mais où s'en va-t-il? Si c'est pour faire un historique, M. le Président, je pense que ce n'est pas le moment de le faire. Il aura l'occasion d'intervenir sur l'adoption du principe du projet de loi. Moi, je lui demande sincèrement, au leader de l'opposition: Où s'en va-t-il? Et, M. le Président, de la même façon, en vertu de quoi, là, présentement, est-ce que nous sommes en train de faire des discours?

M. Paradis: M. le Président, humblement...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi. Ce que j'ai perçu à date, en prenant des notes, M. le leader du gouvernement, c'est que le leader de l'opposition a mentionné que les privilèges des membres de cette Assemblée n'étaient pas respectés. Alors, ce que je veux savoir, c'est, effectivement, en quoi, là, parce qu'on peut plaider soit l'irrecevabilité de la motion ou encore une question de privilège à ce stade-ci, je pense. Alors, c'est la raison pour laquelle j'écoute attentivement le leader de l'opposition, qui en était arrivé, je crois, à la conclusion de son intervention.

M. Bélanger: Toujours sur le...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Je peux comprendre que, à partir du moment où un député en cette Chambre se lève pour dire que des privilèges des membres de l'Assemblée nationale sont touchés par une action soit du leader, soit du gouvernement, soit de la majorité ministérielle, il faut, à ce moment-là, invoquer quels sont ces privilèges d'une façon très précise. On ne peut pas tout simplement invoquer, comme ça, tous azimuts, des privilèges sans déterminer quel est le privilège qui est affecté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous avez...

M. Bélanger: Alors, je pense que c'est la première des choses, peut-être, qui pourrait être demandée au leader de l'opposition: C'est quoi, le privilège? Quel est le privilège qui est présentement affecté, s'il y en a un?

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous donne tout à fait raison. J'écoutais de façon assez attentive les propos du leader de l'opposition, et on en était rendu... Notamment, on a cité un article de M. Denis Lessard, dans le journal La Presse , et on m'a mentionné, tout à l'heure, dans l'argumentation, qu'on brimait les privilèges des parlementaires. Alors, je crois que, en clôturant, vous en étiez rendu à votre conclusion pour me permettre de prendre une décision. Alors, à ce moment-là, moi, je vous écoute et je suis persuadé que vous allez me donner exactement là où vous désirez que je prenne une position.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Et vous avez suffisamment d'expérience en cette Chambre pour le comprendre, qu'une question de droit et de privilège peut également atteindre la recevabilité ou l'irrecevabilité d'une motion présentée par le leader du gouvernement. Je ne pense pas qu'on puisse agir en vase clos et scinder les effets d'une conclusion que vous pourriez apporter quant à la question de droit et privilège sur la recevabilité, parce que, si votre décision était à l'effet que les privilèges des membres de l'Assemblée ont été affectés, votre décision devrait également s'appliquer quant à la recevabilité comme telle. Mais je comprends que le leader du gouvernement, qui a vaqué à d'autres occupations – bien que je ne sois pas supposé de le mentionner et je m'en excuse – pendant que je vous entretenais, M. le Président, n'ait pas pu suivre le fil de l'argumentation. Mais il faut, dans ce contexte-là, être capable d'appliquer à la fois tous les articles du règlement et non un seul. En appliquer un seul, c'est toujours facile. En appliquer plusieurs, M. le Président, c'est votre devoir, c'est votre obligation et c'est la tâche que l'Assemblée nationale vous a confiée.

Donc, j'en étais, au moment où le leader du gouvernement m'a interrompu, à vous expliquer que le régime, qui était un régime mixte, privé et public, parce que les assureurs n'ont pas endossé les chiffres du ministre de la Santé et des Services sociaux, parce qu'ils ont dénoncé les calculs du ministre... Le ministre a décidé d'exclure, d'après ce qu'on apprend dans la presse de ce matin, les assureurs privés de...

M. Bélanger: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Alors, je pense que là le leader, dans son argumentation même, vient tout simplement de mettre fin à son argumentation, parce qu'il n'a même pas encore écouté le ministre de la Santé et des Services sociaux. Comment peut-il présumer que le projet de loi qui est présentement devant nous, que la Chambre a présentement, va être modifié? On ne peut présumer de... Je comprends qu'on peut faire beaucoup de lecture en fin de semaine, et je comprends que, donc, ça a été le passe-temps du leader de l'opposition pendant cette fin de semaine, et je le respecte, mais on ne peut présumer de ce que va faire cette Chambre. On ne peut présumer, à savoir: Est-ce que le ministre va effectivement, oui ou non, apporter des modifications à son projet de loi?

Peut-être qu'il n'apportera aucune modification. On verra, on écoutera attentivement, religieusement. Je vois la pile de livres sur le bureau du leader de l'opposition; j'espère que ça ne le distraira pas de l'excellent discours que va donner le ministre de la Santé et des Services sociaux. Mais, M. le Président, je pense qu'on ne peut présumer de ce que va faire le ministre de la Santé et des Services sociaux. Et, à ce moment-là, c'est complètement non avenu et prématuré, l'argumentation qui est faite par le leader de l'opposition.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Le leader du gouvernement a complètement raison, si ce n'est que nous avons reçu du cabinet du ministre de la Santé et des Services sociaux, sous embargo – et nous avons l'intention de respecter l'embargo – les notes d'une conférence de presse qu'il prononcera dans 45 minutes. Et, compte tenu de l'intervention du leader du gouvernement, je me vois obligé de demander de déposer, sous embargo jusqu'à 16 heures, pour que vous puissiez en prendre connaissance, M. le Président – parce que ça fait partie intégrante de la décision que vous allez rendre – les notes du ministre de la Santé et des Services sociaux, qu'il prononcera face au public dans 45 minutes. M. le Président...


Document déposé

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que, M. le leader du gouvernement, vous acceptez que le document, sous embargo jusqu'à 16 heures, soit déposé?

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je veux bien consentir, mais il comprendra maintenant qu'avec son intervention ça va peut-être retarder à un petit peu plus que 45 minutes.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Non, M. le Président, l'intervention ne sera pas retardée, la présidence va en prendre connaissance. Parce que, lorsque l'on parle d'une violation des droits et privilèges des membres de l'Assemblée nationale, s'il fallait que le leader du gouvernement soit complice d'une manoeuvre qui fait en sorte que, pendant une heure, l'Assemblée nationale discute de quelque chose que le ministre a l'intention de changer substantiellement dans 45 minutes, ce serait, de la part du ministre et du leader du gouvernement, une utilisation mesquine, hypocrite de l'Assemblée nationale du Québec. Et, quand on est prêt à...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Je pense que le leader de l'opposition, dans son envolée oratoire, a un peu perdu le contrôle de ses paroles. Il vient de prononcer des propos qui sont carrément antiparlementaires, et je vous demande de lui demander de retirer ses propos.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le leader du gouvernement, j'étais en discussion avec notre secrétaire général et malheureusement je n'ai point écouté attentivement les propos que vous venez tout juste d'émettre. Serait-il possible, s'il vous plaît, de me redire les propos, que je vais écouter attentivement?

M. Bélanger: M. le Président, peut-être qu'à ce moment-là je peux... Je ne peux quand même pas répéter le verbatim exact de ce qu'il a dit, mais, moi, ce que je peux vous dire, c'est qu'il...

Le Vice-Président (M. Pinard): La substance.

M. Bélanger: La substance, c'est qu'il accusait le leader du gouvernement et le ministre de commettre une illégalité, contrairement à notre règlement.

M. Paradis: Un outrage.

M. Bélanger: Bien, voilà, il le répète, «outrage au Parlement», et vous savez qu'en vertu de notre règlement on ne peut prêter des intentions à un député; on ne peut non plus lui attribuer des motifs indignes. Alors, je peux comprendre que l'opposition est contre le projet de loi qui est déposé, mais je pense que ça ne justifie en rien, M. le Président, un manque au respect élémentaire de notre règlement et de notre décorum.

Le Vice-Président (M. Pinard): À ce stade-ci, M. le leader de l'opposition, j'ai écouté attentivement votre plaidoirie. Ce que j'apprécierais beaucoup, c'est que vous me... Je dois appliquer le règlement et j'aimerais avoir des références sur lesquelles je pourrais m'appuyer pour véritablement prendre une décision finale avant que ne débutent les travaux, si les travaux débutent.

Une voix: Qu'il retire ses paroles!

M. Paradis: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député, s'il vous plaît, j'ai demandé au leader de l'opposition de me déterminer en vertu de quoi, en vertu de quel article les privilèges des parlementaires seraient brimés si j'accordais la parole, à ce stade-ci, au ministre de la Santé. Je dois me baser sur des articles de règlement ou de jurisprudence afin de rendre une décision.

M. Paradis: M. le Président, des articles de règlement et des cas de jurisprudence.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui.

M. Paradis: M. le Président, à ce moment-ci, lorsque j'utilise le mot «outrage», je l'utilise dans un rappel au respect des droits et privilèges des membres de l'Assemblée nationale du Québec. Le leader du gouvernement vient de vous avouer que le ministre de la Santé et des Services sociaux va être en conférence de presse, tel que, dans La Presse , le journaliste l'a annoncé ce matin, dans 40 minutes pour changer substantiellement le contenu du projet de loi sur lequel il veut que l'Assemblée nationale se prononce.

(15 h 20)

Ce que je vous dis, M. le Président, c'est qu'il existe, et vérifiez avec le Secrétariat, de nombreux précédents où, lorsqu'un ministre a agi de la sorte – ce n'est pas la première fois qu'un ministre se fait prendre sans bretelles, sans ceinture, puis les culottes descendues – dans une improvisation telle qu'il est obligé de changer des éléments sur lesquels, en première lecture, les membres de l'Assemblée nationale ont été appelés à voter. Vous avez de nombreux précédents, M. le Président.

Maintenant, c'est la première fois – et, ça, je vous le soumets, vous êtes dans un nouveau terrain – qu'un ministre et un leader du gouvernement agissent comme ce ministre et ce leader du gouvernement viennent d'agir en proposant d'entamer l'adoption du principe en deuxième lecture sans que les membres de l'Assemblée nationale soient officiellement mis au courant des modifications et qu'on fasse semblant, pendant une heure, de parler d'autre chose que ce qui va être annoncé, M. le Président. Dans les éléments... Excusez, parce que j'ai l'impression, M. le Président, qu'on va être obligé de recommencer, hein?

(Consultation)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, excusez-moi, je vous écoute.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Nous sommes en train de changer les principes qui sont à la base du projet de loi. Je vous ai demandé le consentement pour déposer un document qui est le texte de la conférence de presse, sur les éléments principaux de la conférence de presse qui seront connus dans 40 minutes. Je ne sais pas si vous avez obtenu le consentement. Vous avez vérifié tantôt. Si c'est obtenu, dites-le-moi à ce moment-ci pour que je puisse continuer parce que vous allez avoir besoin de cet éclairage-là, entre autres, pour poursuivre.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement est-ce que j'ai un consentement?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Le consentement est accordé, M. le leader de l'opposition. Alors, le document est déposé.

M. Paradis: Donc, M. le Président, l'Assemblée nationale a été saisie d'un projet de loi d'assurance-médicaments. La Presse nous apprenait ce matin que des modifications de principe seraient apportées audit projet de loi qui a été déposé par le ministre de la Santé et des Services sociaux. Dans les circonstances, nous vous indiquons que, lorsque nous avons voté, de ce côté-ci de la Chambre, nous étions sous l'impression que le projet de loi visait à assurer 1 200 000 Québécois qui n'étaient pas...

Le Vice-Président (M. Pinard): Allez-y, je vous écoute.

M. Paradis: Non, mais vous avez quelqu'un... Vous avez deux oreilles, M. le Président.

(Consultation)

Le Vice-Président (M. Pinard): Une question excessivement importante qui m'est soulevée par le secrétaire général, c'est: Est-ce que le document que vous avez déposé, M. le leader de l'opposition, est pour information à la présidence ou s'il devient public?

M. Paradis: Non, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Parce que, s'il devient public, il n'y a plus d'embargo.

M. Paradis: M. le Président, nous respectons les embargos. Le document...

Le Vice-Président (M. Pinard): D'accord. Donc, c'est pour l'information de la présidence.

M. Paradis: ...suite au consentement du leader du gouvernement et simplement pour information de la présidence de l'Assemblée nationale, et l'embargo devrait être conservé...

Le Vice-Président (M. Pinard): Jusqu'à 16 heures.

M. Paradis: ...jusqu'à 16 heures, en tout état de cause.

Le Vice-Président (M. Pinard): D'accord.

M. Paradis: Là-dessus, M. le Président, il y va du bon fonctionnement du gouvernement, et l'opposition n'a pas l'intention de briser une règle sacrée dans la communication.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je crois, M. le leader de l'opposition, que j'ai très bien saisi votre argumentation. Maintenant, vous avez autre chose?

M. Paradis: M. le Président, si vous avez tout saisi, vous me devancez. Est-ce que vous pourriez m'expliquer le reste de mon argumentation?

M. Bélanger: M. le Président, je peux le faire, peut-être, pour vous. Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît!

M. Paradis: M. le Président, le premier élément. Lorsque le projet de loi a été déposé en première lecture, les parlementaires des deux côtés de la Chambre ont souscrit au projet de loi parce qu'il était supposé assurer 1 200 000 Québécois et Québécoises qui ne sont pas assurés. Le deuxième élément: les membres de l'Assemblée nationale ont compris que les gens qui paient des sommes astronomiques, compte tenu de leurs revenus, et qui sont dans des situations de santé extrêmement difficiles seraient couverts par ce régime, M. le Président. Et on avait également compris qu'il s'agissait d'un régime mixte où l'entreprise privée était mise à contribution, compte tenu de son efficacité, et le système public mis à contribution, compte tenu de l'intérêt public qu'il faut avoir envers ces gens.

M. le Président, la presse de ce matin nous annonçait que les modifications s'attaquaient au principe même du projet de loi déposé par le ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le Président, le communiqué dont vous connaissez maintenant le contenu vous indique également que le ministre, dans les changements profonds qu'il nous annonce, bafoue des principes qui sont à la base même du projet de loi, tel que déposé.

M. le Président, à titre d'exemple – il me fera plaisir de vous le fournir s'il y a consentement de la part du leader du gouvernement – j'ai demandé au personnel de mon bureau de radier ou de souligner au crayon jaune tous les éléments qui ne correspondaient plus aux notes explicatives du projet de loi n° 33. Vous aviez, M. le Président, tel que soumis à l'Assemblée nationale du Québec, deux pages et demie d'éléments de notes explicatives qui étaient suivies d'articles qui donnaient une application aux notes explicatives.

M. le Président, je vous le donne pour des fins visuelles. Il ne s'agit pas de modifications mineures. Il en reste moins, M. le Président, qui ont dû être soulignées en jaune qu'avant. Nous sommes devant un autre projet de loi, qui n'est pas meilleur, soit dit en passant, et je ne le commenterai pas avant que le ministre fasse ses annonces publiques, mais qui est, à ce moment-ci, M. le Président, non plus un projet de loi qui vise à couvrir les 1 200 000, non plus un projet de loi qui vise à faire en sorte que les gens qui paient des fortunes astronomiques pour leurs médicaments soient couverts, mais qui est devenu strictement un projet de loi d'un ministre adjoint au président du Conseil du trésor ou au ministre des Finances. Et, là-dessus, M. le Président, plusieurs de vos prédécesseurs...

M. Bélanger: M. le Président, question de règlement.

M. Paradis: On n'a pas le droit de citer vos prédécesseurs? Ça va bien.

M. Bélanger: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, tout à l'heure, lors de ma dernière intervention, je mentionnais que, quand un député, en cette Chambre, soulève le manquement à un des privilèges de cette Assemblée nationale, il doit mentionner quel est ce privilège. J'ai devant moi l'article 55 de la loi de l'Assemblée nationale, qui, je pense, pourrait être fort instructif pour le leader de l'opposition. Je suis certain que, s'il en fait une lecture aussi attentive que la lecture des journaux qu'il a faite en fin de semaine, il pourra constater que les privilèges des membres de l'Assemblée sont énumérés. Et, à date, je ne vois pas l'ombre d'un privilège mentionné à l'article 55 qui serait visé par l'intervention du leader de l'opposition.

Alors, je voudrais qu'on se conforme à notre règlement, M. le Président. S'il y a une intervention à faire, qu'on mentionne quel est le privilège de cette Assemblée qui est touché. Et, M. le Président, si on suit le raisonnement du leader de l'opposition, je pense qu'il a oublié que des amendements à une loi, ce n'est pas à l'étape de l'adoption du principe que ça se fait, c'est lors de l'étude en commission parlementaire. C'est là qu'il y a des amendements qui sont faits. Peut-être qu'il a oublié cette étape, M. le Président, encore là, dans son empressement. Alors, s'il a des commentaires à faire quant à l'irrecevabilité des amendements qui pourraient être proposés, c'est à ce stade-là que ça doit se faire, M. le Président, pas à ce stade-ci. Il n'a même pas encore écouté le ministre et il est déjà prêt à déchirer sa chemise.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, oui, j'en étais au précédent. De ce côté-ci, on n'est pas pressé, on veut prendre le temps qu'il faut. Que le leader du gouvernement ne prête pas d'intention à l'opposition officielle. Nous voulons prendre le temps qu'il faut pour bien examiner le projet de loi.

Dans les autres articles – parce qu'on parlait de la lecture des journaux de fin de semaine dont la population a pu prendre connaissance – M. le Président: «Dans la précipitation, fera-t-on de l'assurance-médicaments une simple pompe à dollars?» Je pense que les journalistes avaient compris, en fin de semaine, quelle était véritablement ce qu'on appelle en droit parlementaire, M. le Président, «the pit and substance», l'essence même de la loi présentée par le ministre comme telle. Et, dans des circonstances beaucoup moins transparentes, beaucoup moins difficiles à trancher, l'Assemblée nationale du Québec a déjà exigé, ou la présidence de l'Assemblée nationale a déjà exigé des ministres délinquants et de leur leader complice, M. le Président, qu'ils procèdent à une réimpression du projet de loi, qu'ils le resoumettent à l'Assemblée nationale du Québec pour pouvoir procéder à une première lecture qui soit conforme aux notes explicatives et aux articles contenus dans le projet de loi, M. le Président.

(15 h 30)

À ce moment-ci, je vous réfère à une décision rendue le 11 juin 1980, M. le Président – vous me direz: Ça fait à peine 16 ans; on est quasiment là, date pour date – d'un de vos prédécesseurs qui statuait comme suit: «J'ai aussi examiné avec soin le projet de loi original ainsi que la version réimprimée.» On avait au moins eu la décence, M. le Président, on avait au moins eu la décence de ne pas cacher des choses aux membres de l'Assemblée nationale. On avait au moins eu la décence, plutôt que d'aller en conférence de presse, de procéder à une réimpression du projet de loi et de corriger le projet de loi, compte tenu des interventions gouvernementales.

Dans ce cas-ci, M. le Président, non seulement le gouvernement n'a pas procédé à une réimpression comme il aurait dû le faire, non seulement le ministre n'a pas fait preuve de transparence devant les membres de l'Assemblée nationale, il nous a dit: Venez à 15 heures, je vais vous parler de l'ancien projet de loi; à 16 heures, je ferai une conférence de presse et, à 16 h 15, on recommencera sur le nouveau projet de loi. Comme insulte et comme injure à tous les parlementaires, on n'aurait jamais vu mieux en cette Assemblée nationale.

M. Bélanger: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Parfait. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: ...quand on parle... Encore là, le leader de l'opposition s'emporte, s'emballe. Quand on parle d'injure ou d'insulte aux membres de l'Assemblée nationale, on prête évidemment des motifs indignes, on impute des motifs indignes à un membre de cette Assemblée. Pourtant, le leader de l'opposition m'avait habitué à une plus grande retenue de soi-même. J'ai un peu de difficultés à le voir aujourd'hui et je pense qu'il devrait peut-être regarder attentivement puis écouter ce que va nous dire le ministre de la Santé et des Services sociaux, qui cache tellement les choses qu'il a même envoyé une copie du communiqué, M. le Président. Franchement, comme cachotterie, c'est comme un peu mettre des choses dans la Gazette officielle puis dire qu'on les dissimule. C'est à peu près le même raisonnement qu'on entend régulièrement du côté de l'opposition officielle.

Donc, s'il vous plaît, un peu de retenue dans les propos, M. le Président, et n'imputons de motifs indignes à aucun membre de cette Assemblée...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement. Alors, je suspends pour quelques minutes afin d'examiner...

M. Paradis: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que vous aviez d'autres précédents à me souligner, M. le leader de l'opposition?

M. Paradis: ...j'ai été interrompu sur une question de règlement par le leader du gouvernement. Si vous considérez que c'est le leader du gouvernement qui doit indiquer quand le leader de l'opposition a fini de plaider en cette Chambre, c'est une chose...

Le Vice-Président (M. Pinard): Écoutez, M. le leader de l'opposition, je vous ai demandé, tout à l'heure, de me donner les précédents ou articles sur lesquels je devais me baser pour analyser le dossier. Je croyais que vous aviez comme précédent la date du 11 juin 1980. Si vous en avez d'autres, je vais les prendre en note pour me permettre d'effectuer mon travail.

M. Paradis: M. le Président, je n'ai jamais en cette Chambre plaidé qu'une date constituait un précédent. J'ai toujours indiqué à quel moment une décision avait été rendue et j'ai toujours discuté du ratio decidendi de la présidence de l'Assemblée nationale considérant ces précédents. Si vous considérez qu'une date constitue un précédent, je n'ai plus d'argument, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, il ne faudrait quand même pas que vous commenciez à transformer mes propos. J'ai mentionné que vous m'aviez fixé une date de jurisprudence qui était celle du 11 juin 1980. Je vais la consulter, je vais la regarder et j'apprécierais, si vous aviez une autre jurisprudence ou un autre article que je dois analyser avant de rendre une décision finale, si vous en avez d'autres, je vais vous permettre d'intervenir. Si vous n'en avez plus, bien, je vais me retirer pour prendre ma décision.

M. Paradis: Non. M. le Président, ça serait la première fois qu'un président demanderait à un leader, de quelque côté que ce soit, de ne pas plaider les décisions qui ont été rendues et de dire: Donnez-moi la date des décisions et je me considérerai renseigné. Je vous indique que cette façon de procéder n'a jamais été exercée à cette Assemblée nationale du Québec. Et, si c'est la façon dont vous entendez présider nos débats, la date, c'est le 11 juin 1980.

J'ai également de la doctrine à vous soumettre, M. le Président, et, si vous me demandez quel est le titre du livre, je vais vous le donner et vous délibérerez là-dessus. Mais, à ce moment-là, vous aurez renversé la façon de procéder de tous les autres présidents et vice-présidents qui vous ont précédés sur ce siège depuis plus de 200 ans. S'il faut plaider par date, ça va être complètement incompréhensible pour tous les membres de l'Assemblée nationale, totalement incompréhensible...

M. Bélanger: M. le Président, question de règlement.

M. Paradis: ...pour la population qui nous écoute et totalement incompréhensible pour la présidence de l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je pense que, encore là, le leader de l'opposition s'emballe. Il devrait s'emballer un peu moins. Ce qu'on essaie tout simplement de faire comprendre au leader de l'opposition, c'est que ça fait 35 minutes qu'il essaie de trouver – et je comprends que, là, on assiste à un peu d'improvisation – quel est le privilège qui serait touché, privilège énuméré à la Loi sur l'Assemblée nationale. Alors, c'est juste ça, M. le Président, je pense, que vous essayez de lui dire, que, moi aussi, je lui répète. Je comprends que c'est un appel lancé à tous les neurones des membres de cette Assemblée nationale que lance le leader de l'opposition, M. le Président, mais, quand même, j'aimerais, s'il vous plaît, qu'il arrive au point. C'est quoi, le point, là, M. le Président? Je pense que c'est ça que vous essayez de nous dire.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Bélanger: Bon. Alors, M. le Président, est-ce que l'intervention est terminée?

Le Vice-Président (M. Pinard): Non. Le leader de l'opposition m'a demandé de retarder de quelques minutes, le temps...

Une voix: Quelques secondes...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, comme on attaque un projet de loi sur la question de la présentation d'un projet de loi, on a mentionné qu'on attaquait les privilèges et droits des membres de cette Assemblée. Comme président de cette Assemblée, je me dois d'obtenir de part et d'autre le maximum d'informations pertinentes afin de rendre une décision la plus juste et équitable. Je vous écoute, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. J'en étais donc à cette décision rendue il y a une quinzaine d'années – et qui n'a jamais été renversée – par un de vos prédécesseurs, qui était également un vice-président, M. le Président, et qui a accepté d'entendre les arguments de part et d'autre avant de trancher dans une situation également difficile, de fin de session, dans le cadre d'un important projet de loi.

M. le Président, je cite au texte cette décision rendue par le président de l'époque: «Dans le cas du projet de loi 83, les députés ont déjà eu l'occasion de se prononcer en première lecture, conformément à l'article 117 du règlement, après la lecture des notes explicatives du ministre.»

Et vous allez ainsi, M. le Président, être en mesure de faire la comparaison; et, s'il y a consentement, je pourrais vous déposer le projet de loi, si ça avance votre travail et accélère votre décision, et l'analyse que nous en avons faite. Si vous préférez, M. le Président, en faire une analyse proprio motu, possiblement plus impartiale parce que vous êtes président de l'Assemblée nationale du Québec, vous pourrez tenter d'appliquer le contenu du communiqué aux notes explicatives et aux articles. Comme le travail est déjà fait, moi, je l'offre bona fide à la présidence. Si le leader du gouvernement veut faire de même, il pourra faire de même. Vous aurez deux exemplaires sur lesquels comparer, et peut-être trancher là où, possiblement, il y a eu de l'exagération de la part d'un leader ou de l'autre, possiblement de l'autre côté, en ce qui nous concerne. Mais ça me prendrait le consentement pour déposer les notes explicatives et le projet de loi tel qu'amendé par le communiqué de presse du ministre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a consentement pour que le leader de l'opposition dépose le projet de loi... 83?

M. Paradis: Le projet de loi annoté, compte tenu du contenu du communiqué de presse du ministre qui sera rendu public dans quelque 22 minutes, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Toujours pour éclairer la présidence?

M. Paradis: Toujours pour éclairer la présidence. Et il y a consentement si le leader...

M. Blais: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, M. le député de Masson.

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. En tant que membre de cette Assemblée nationale, j'aimerais savoir sur quel règlement nous parlons actuellement et sur quel règlement vous allez suspendre l'Assemblée nationale pour aller prendre une décision. Il n'y a aucun règlement qui a été nommé, je ne sais pas sur quoi on parle et je ne suis pas éclairé, puis j'aimerais l'être, M. le Président. Si le leader de l'opposition ne le fait pas, j'aimerais bien que vous me le disiez, s'il vous plaît, sur quel règlement vous allez délibérer.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Masson, ce qui est remis complètement en question à ce stade-ci, c'est la première lecture d'un projet de loi. Et j'ai demandé au député de Brome-Missisquoi de me donner soit un numéro de règlement ou une jurisprudence sur laquelle il s'appuyait pour permettre, un, que le débat s'effectue et, deux, pour permettre également à la présidence de bien vouloir trancher la question. Et, à ce stade-ci, même si on n'a pas soumis à la présidence un point de règlement tout à fait précis, on a quand même mentionné qu'il y a eu une décision qui a été rendue, en 1980, à cet effet.

(15 h 40)

Donc, lorsqu'il y a un vide au niveau réglementaire, on doit s'appuyer, dans l'application des règles de l'Assemblée nationale, à ce moment-là, sur des décisions qui ont été rendues dans le passé par nos prédécesseurs. Alors, c'est comme ça que je crois qu'il faut que je poursuive mon travail. Et, à ce stade-ci, bien, vous allez permettre au leader de l'opposition de terminer de me fournir les éléments sur lesquels je devrai consulter avant de rendre une décision finale. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président, je comprends très bien l'attitude de mon bon ami le député de Masson qui, dans les circonstances, n'a pas l'avantage que vous avez et que j'ai d'avoir pris connaissance du communiqué sous embargo du ministre de la Santé et des Services sociaux. Et je le comprends de s'indigner, parce que, si je n'avais pas eu cet avantage-là ou l'avantage de lire les journaux de ce matin – il est encore tôt dans la journée, M. le Président – j'aurais la même indignation face à un leader qui se lèverait en cette Chambre pour faire les représentations que je vous adresse à ce moment-ci. Et, dans les circonstances, le député de Masson demeure mon bon ami...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: ...malgré son tempérament.

J'en étais donc, M. le Président, à vous indiquer et à vous faire lecture de cette décision de façon à vous la plaider, parce qu'il y a une distinction entre la décision qui a été rendue en 1980 et la situation devant laquelle nous nous retrouvons présentement.

À la lecture de la décision, M. le Président, vous vous retrouverez devant une situation beaucoup plus limpide, beaucoup plus transparente, où le ministre, au lieu d'aller en conférence de presse, avait choisi de ressaisir l'Assemblée nationale d'un projet réimprimé. Et, à ce moment-là, la question de procédure est la même qui se pose: Est-ce qu'on doit procéder à la deuxième lecture ou est-ce qu'on doit en revenir au dépôt comme tel?

Le président de l'époque disait, comme suit: «Les députés ont déjà eu l'occasion de se prononcer en première lecture, conformément à l'article 117 du règlement, après lecture des notes explicatives du ministre. Si, par le biais d'un projet réimprimé, comme on l'a fait ce matin, on présente des dispositions nouvelles – M. le Président, j'insiste sur le fait qu'il y a, dans ce que le ministre va annoncer dans 18 minutes, des dispositions nouvelles – on peut alors affirmer que les députés n'ont pas eu l'occasion, au cours de la première lecture, de se prononcer d'une façon pleinement éclairée.»

M. le Président, on a tenté de tromper les députés d'un côté comme de l'autre, et je comprends...

Des voix: Ah!

M. Paradis: ...je comprends, M. le Président, la réticence...

M. Bélanger: M. le Président, là, «on a tenté de...», M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement, c'est sur les mots «a essayé de tromper»?

M. Bélanger: Oui, «tenté de tromper», là...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, «tenté de tromper».

M. Bélanger: ...je pense que c'est carrément antiparlementaire.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader de l'opposition, je crois que vous pouvez facilement retirer ces paroles-là et utiliser d'autres termes.

M. Paradis: M. le Président, d'induire en erreur les députés de l'Assemblée nationale, d'autant plus que les notes explicatives – et c'est la raison pour laquelle j'ai insisté et j'ai obtenu le consentement, et j'en remercie le gouvernement, de déposer les modifications substantielles aux notes explicatives qui vont suivre la conférence du ministre de la Santé et des Services sociaux – qui devaient éclairer leur vote sont quelque peu différentes, du projet original au projet réimprimé. Et j'insiste là-dessus, M. le Président, sont quelque peu différentes dans le cas de la décision de 1980.

Dans le cas qui nous concerne, il en reste moins des vraies que des fausses. Ce n'est pas «quelque peu différentes», c'est «substantiellement différentes», quant au vote exercé en première lecture. Et là, M. le Président, vous me permettrez de vous associer au président de l'époque, en 1980, qui s'exprimait comme suit: «Et c'est le devoir constant d'un président de l'Assemblée nationale. Comme protecteur des droits de tous les députés – comme protecteur des droits de tous les députés – je ne puis donc permettre que les membres de cette Assemblée soient forcés, par ma décision, d'avoir voté rétroactivement en première lecture pour un projet de loi dont la version – et j'insiste que c'est la différence entre la décision et le cas qui nous concerne présentement – réimprimée est différente et au sujet de laquelle, théoriquement, ils pourraient avoir le désir de voter contre à cause des nouveautés qu'elle contient.»

«Si, donc, la nouvelle version est différente – et tous l'ont affirmé ce matin, et, M. le Président, je prends à titre de témoins, oui, les journalistes qui ont eu vent de l'affaire en fin de semaine, oui, le ministre qui a sous embargo émis un communiqué – nous sommes tous devant une situation différente. Je ne puis la recevoir pour les motifs que je viens d'évoquer.»

M. le Président, voilà un président qui s'est porté garant des droits et des privilèges des membres de l'Assemblée nationale du Québec, mais il était face à une stratégie parlementaire gouvernementale beaucoup plus transparente. Là, ce que je vous demande de faire à ce moment-ci, c'est de vous demander: Si le ministre de l'époque avait choisi une voie moins transparente, si le ministre de l'époque avait choisi, au lieu d'une réimpression, une conférence de presse, est-ce que cela change en substance les modifications importantes qui sont apportées au projet de loi? Et est-ce qu'au niveau du dépôt du projet de loi comme tel, si les parlementaires de l'autre côté de la Chambre comme de ce côté-ci de la Chambre avaient eu droit à la vérité que l'on va connaître dans quelque 15 minutes, si les membres avaient eu droit à la vérité, est-ce que vous pouvez affirmer de votre siège que le vote aurait été le même?

Moi, je plaide pour tout le monde ici. Je ne plaide pas simplement pour les députés de l'opposition officielle, je plaide également pour les députés ministériels qui n'ont pas lu le communiqué, qui vont apprendre dans 15 ou 20 minutes quel est le contenu des... Je plaide pour mon bon ami le député de Masson, qui a fait la preuve tantôt qu'il ne connaissait pas les modifications de principe qui vont être apportées. Dans ces circonstances, M. le Président, je m'en remets à votre sagesse, je m'en remets à votre sens de la tradition et je m'en remets à votre devoir de protéger les droits et les privilèges des membres de cette Assemblée pour que, si le ministre a l'intention d'apporter tous ces chambardements, il réintroduise à l'Assemblée nationale du Québec, comme l'a fait le leader du gouvernement dans le cas de ses motions d'urgence...

À un moment donné, il s'est rendu compte qu'il s'est complètement trompé. Il n'a pas tenté de la corriger – c'est une jurisprudence récente – il en a introduit une nouvelle, comme il a fait la semaine passée lorsque, en même temps, il a voulu que siègent les membres de la commission des affaires sociales au salon rouge et au salon bleu. Il a réalisé qu'il avait commis une erreur et il a pris le temps nécessaire pour la corriger.

À ce moment-ci, que le ministre de la Santé et des Services sociaux jouisse de la complicité du leader du gouvernement pour corriger les erreurs qu'il a commises et réintroduire un projet de loi à l'Assemblée nationale... Possiblement, si le projet de loi va dans l'intérêt public, que nous allons y souscrire, comme nous le faisons d'habitude à la première lecture. Si le projet de loi ne va pas dans le sens de l'intérêt public des Québécois et des Québécoises, à ce moment-là, possiblement que nous allons voter contre, sur division. Possiblement, M. le Président, que vous aurez à appeler un vote enregistré, mais, au moins, les députés des deux côtés de la Chambre seront éclairés sur le contenu du projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader de l'opposition. M. le leader du gouvernement, est-ce que vous avez quelques remarques à me souligner avant que je quitte cette enceinte pour prendre une décision?

M. Bélanger: Oui, très, très brièvement, M. le Président, parce que, vous comprenez, dans ce genre de sujet, on doit aller directement au point, mais je comprends aussi que le but recherché par le leader de l'opposition est reçu et est accompli: il voulait retarder la conférence de presse; maintenant, c'est fait.

Alors, M. le Président, l'article 238 – parce qu'on mentionne tout simplement un article – dit que, si le projet a été envoyé en commission après sa présentation et que le rapport recommande sa réimpression, le débat sur son principe peut commencer à la troisième séance qui suit celle du dépôt du texte réimprimé. L'article 238, ça dit: Il faut, à ce moment-là, que la commission recommande qu'il soit réimprimé. C'est en commission parlementaire qu'on va voir ça. Il pourra faire, à ce moment-là, toutes les représentations qu'il voudra, le leader de l'opposition, relativement à l'irrecevabilité des modifications qui vont être faites au projet de loi par rapport au vote qui aura été fait. C'est à ce moment-là que la question pourra se poser. Et, encore là, il n'a pas écouté le ministre de la Santé et des Services sociaux. Le ministre, dans une grande transparence, a même envoyé à l'opposition une copie du communiqué qui va être remis en conférence de presse.

Donc, je laisse ça à votre discrétion, M. le Président, tout en vous rappelant cependant la jurisprudence parlementaire de Beauchesne – le leader de l'opposition pourrait peut-être rajouter ça à ses lectures – qui mentionne qu'une question de privilège, c'est très sérieux, et on ne soulève pas ça à la légère. Je vous soumets tout simplement Beauchesne.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup.

(15 h 50)

M. Paradis: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Je pense...

M. Paradis: M. le Président, en réplique.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition. Bien, je ne pense pas qu'à ce stade-ci on...

M. Paradis: M. le Président, simplement pour mentionner que la commission, contrairement à ce qu'affirme le leader du gouvernement, n'a pas fait rapport à cette Chambre au moment où nous nous parlons. Et il a insisté sur le fait que la commission avait été saisie. M. le Président, également – et je vais faire très rapidement – j'ai cité des cas de jurisprudence pour vous éclairer quant à la doctrine. Je sens votre impatience de rendre une décision dans cette importante affaire, M. le Président.

Pour ne pas abuser du temps de l'Assemblée nationale, je vous référerais strictement sur le plan de la doctrine et des principes qui sous-tendent la «redéposition» d'un projet de loi substantiellement modifié: le «Règlement annoté de l'Assemblée législative», de M. Geoffrion, que vous connaissez très bien; également, M. le Président, sur le plan de la doctrine, «Jurisprudence parlementaire», de Beauchesne, sixième édition; également, M. le Président, de façon à ce que vous mainteniez une jurisprudence constante en cette Chambre, «Rules and Forms of the House of Commons of Canada», et ça peut s'appliquer, compte tenu des distinctions qui doivent s'appliquer quant au Parlement canadien et à l'Assemblée nationale du Québec, de Beauchesne, M. le Président; également, Erskine May, «Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament», la vingtième édition, de Sir Charles Gordon, M. le Président, qui pourrait également éclairer votre décision. Maintenant, si vous voulez des pages et des dates, je peux vous revenir et vous faire des citations d'extraits, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous suspendons les travaux de l'Assemblée.

(Suspension de la séance à 15 h 52)

(Reprise à 17 h 51)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, MM., Mmes les députés, veuillez vous asseoir. Alors, je tenais à vous réunir pour vous mentionner que nous sommes actuellement en train de finaliser la décision, et comme il est maintenant 17 h 50, je suspends les travaux jusqu'à 20 heures, où la décision de la présidence sera donnée.

Alors, messieurs, les travaux de l'Assemblée sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 52)

(Reprise à 20 h 11)


Décision du président

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la possibilité pour le ministre de la Santé et des Services sociaux de proposer l'adoption du principe du projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives.

Le leader de l'opposition officielle prétend que le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne peut être soumis à l'Assemblée pour l'adoption de son principe puisque le ministre aurait annoncé son intention de soumettre éventuellement des amendements majeurs au projet de loi. C'est pourquoi le leader de l'opposition officielle est d'avis que le projet de loi devrait être réimprimé et présenté de nouveau à l'Assemblée, afin de tenir compte de ces amendements.

Avant de répondre aux prétentions du leader de l'opposition officielle, j'aimerais d'abord mentionner à titre informatif que le projet de loi n° 33 a fait l'objet de consultations particulières par la commission des affaires sociales. Le rapport de la commission a été déposé le 6 juin dernier. Si elle l'avait jugé opportun, la commission aurait pu, en vertu de l'article 238 du règlement, recommander dans son rapport la réimpression du projet de loi, ce qu'elle n'a pas fait. C'est pourquoi nous sommes toujours en présence du texte original du projet de loi n° 33, tel qu'il a été présenté le 15 mai dernier.

Aussi, le ministre pourrait éventuellement, en vertu de l'article 255 du règlement, présenter une motion sans préavis afin que le projet de loi soit réimprimé après son étude détaillée en commission. Aucune autre disposition du règlement n'a trait à la réimpression d'un projet de loi.

Le premier argument du leader de l'opposition officielle concerne le vote des députés lors de la présentation du projet de loi n° 33. Sans vouloir en minimiser son importance, l'étape de la présentation d'un projet de loi vise à saisir l'Assemblée du projet afin qu'elle en fasse l'étude. À cette étape, les députés ne se prononcent pas sur la teneur du projet de loi; ils acceptent tout au plus de se saisir du texte qu'ils étudieront à des étapes ultérieures. À cet effet, je vous renvoie au Journal des débats du 16 décembre 1993, aux pages 9837 et 9838, à une décision de M. Jean-Pierre Saintonge: Lorsqu'un député vote sur la présentation d'un projet de loi, rien ne peut l'assurer de l'intégrité du projet de loi une fois toutes les étapes du processus législatif terminées, sous réserve, bien sûr, du respect de son principe.

Comme l'a souligné à juste titre le leader de l'opposition officielle dans ses remarques, les notes explicatives d'un projet de loi constituent un guide intéressant pour connaître le contenu d'un projet de loi. Toutefois, bien qu'utiles, il importe de préciser qu'elles n'ont aucune valeur juridique et qu'il n'appartient pas à la présidence de s'assurer du caractère plus ou moins exhaustif des notes explicatives quant au contenu du projet de loi. C'est, bien sûr, à l'Assemblée que revient cette tâche. À cet effet, je vous renvoie au Journal des débats , à une décision du 16 décembre 1993, aux pages 9837 et 9838, de M. Jean-Pierre Saintonge. Lorsque l'Assemblée a accepté de se saisir du projet de loi n° 33, le 15 mai dernier, elle a donc estimé suffisamment éclairantes les notes explicatives contenues au projet de loi n° 33.

En ce qui a trait, maintenant, à l'annonce qu'aurait faite le ministre de la Santé et des Services sociaux de son intention de proposer des amendements au projet de loi, j'aimerais rappeler un principe qui a été évoqué à plusieurs reprises par la présidence de l'Assemblée nationale. Un ministre, en l'occurrence le ministre de la Santé et des Services sociaux, peut informer le public des décisions gouvernementales. Les autorités constituées ont pleinement le droit, dans notre système politique, de faire connaître leurs décisions et leurs choix touchant leur champ de compétence. Les décisions annoncées pourraient par la suite prendre la forme de dispositions législatives, et les députés, le cas échéant, devraient décider s'ils appuient ou non cette initiative gouvernementale. Je vous réfère encore une fois à une décision qui apparaît au Journal des débats , le 14 mai 1992, aux pages 863 et 864, une décision rendue par M. Jean-Pierre Saintonge. En l'espèce, c'est lors de l'étude détaillée du projet de loi n° 33 en commission parlementaire que le ministre, comme tout député membre de la commission, d'ailleurs, pourra présenter des amendements au projet de loi. Il appartiendra alors à la présidence de la commission de décider si ces amendements sont conformes au principe du projet de loi et, le cas échéant, à la commission de les adopter ou de les rejeter.

Il découle donc de ce qui précède que l'Assemblée peut, conformément au règlement, débattre de l'adoption du principe du projet de loi n° 33 dans sa forme actuelle.

Alors, sur ce, je cède maintenant la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Point de règlement, M. le leader de l'opposition?

M. Paradis: M. le Président, une question...

Le Vice-Président (M. Pinard): En autant que ça n'affecte pas l'article 41, 2°, où je vous rappelle que la décision de la présidence est sans appel.

M. Paradis: Oui, M. le Président, elle est sans appel, sauf si la présidence décide de la soumettre à l'Assemblée nationale du Québec, qui demeure souveraine en tout état de cause.

Ceci étant dit, M. le Président, puisque nous aurons à vivre avec cette décision que vous avez rendue et que les parlementaires qui nous succéderont auront également, durant plusieurs décennies, à vivre avec la décision que vous avez rendue, je veux simplement, dans le but de clarifier des propos que vous avez attribués au leader de l'opposition officielle, spécifier très clairement qu'il n'a jamais été question, de notre côté de la Chambre, de demander une réimpression, comme vous l'avez stipulé dans votre décision, du projet de loi du ministre de la Santé et des Services sociaux. Il s'agissait tout simplement de demander le dépôt d'un nouveau projet de loi, qui n'était pas, à ce moment-là, l'assurance-médicaments, mais l'impôt-médicaments.

Ceci étant dit, M. le Président, nous nous en remettons à votre décision, mais nous aurons, lorsque vous nous le permettrez, une autre question de droit et privilège à soumettre à votre attention.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à ce stade-ci, je crois que nous allons, puisque vous me demandez d'intervenir sur une question de droit et privilège, à ce moment-ci, je vais vous reconnaître. Pardon? Ma décision, Mme la députée de Marie-Victorin, n'est point modifiée, d'aucune façon. Je l'ai rendue et, à ce stade-ci, à moins que le leader de l'opposition ne se lève pour soulever une autre question, je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Paradis: Répondant à votre invitation, je soulève...

(20 h 20)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader, je pense que je ne vous ai point invité à continuer à discuter sur ma décision, du tout. Bon. Alors, j'ai deux choix: je cède la parole au ministre de la Santé, et M. le leader de l'opposition se lève sur une question de règlement, ou bien on débat immédiatement.

Alors, M. le ministre de la Santé, je vous avais reconnu.

Alors, M. le leader de l'opposition, sur une question de privilège.

M. Paradis: Oui. Répondant à votre invitation, M. le Président, à ce moment-ci...

Des voix: Arrête donc!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader de l'opposition, question de privilège, article 69: «Modalités de signalement. Le député qui constate une violation de droit ou de privilège peut la signaler tout de suite après le fait.

«Il peut aussi aviser par écrit le président, au plus tard une heure avant la période des affaires courantes, de son intention de la soulever. L'avis doit indiquer le droit ou le privilège qu'il invoque et exposer brièvement les faits à l'appui de son intervention.»

Donc, à ce moment-ci, j'imagine que vous travaillez avec 69, paragraphe un?

M. Paradis: Articles 66 et suivants, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Article 66: «Signalement d'une violation. Toute violation des droits ou privilèges de l'Assemblée ou de l'un de ses membres peut être signalée à l'Assemblée.» Alors, je vous écoute, M. le leader de l'opposition.


Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège


Publicité gouvernementale concernant le projet de loi n° 33 avant l'adoption de son principe

M. Paradis: Merci, M. le Président. Dans le cadre du projet de loi qui est actuellement déposé devant l'Assemblée nationale du Québec, je viens d'apprendre que le ministre de la Santé et des Services sociaux a dépensé plusieurs dizaines de milliers de dollars des taxes des contribuables pour placer dans des quotidiens québécois des annonces pleine page. La Presse : «Ensemble on s'assure de protéger notre santé». En anglais, parce que ça a été placé également dans des médias anglophones, dans The Gazette : «New drug insurance plan: Together, we can ensure a healthier future».

M. le Président, lorsque vous prendrez... Je demande le consentement de mes bons amis d'en face pour déposer ces annonces qui pourront vous éclairer dans votre prise de décision. Est-ce qu'il y a consentement de la partie ministérielle?


Documents déposés

Le Vice-Président (M. Pinard): Consentement?

M. Paradis: Lorsque vous prendrez, M. le Président, connaissance de ces annonces, vous constaterez qu'elles violent les droits et privilèges de tous les membres de l'Assemblée nationale du Québec. On a présumé, par le placement de ces annonces à même des dizaines de milliers de dollars de fonds publics, de l'adoption d'une loi par l'Assemblée nationale du Québec avant même que le principe d'une telle législation soit soumis à la considération des membres de l'Assemblée nationale du Québec.

Nous sommes dans un système de santé qui, faute d'argent, craque de partout. On l'a vu, dans tous les comtés, dans toutes les régions, y inclus la vôtre, M. le Président, on n'a pas suffisamment d'argent pour rendre les services de santé nécessaires et de base à la population du Québec, mais on a des dizaines de milliers de dollars à investir en publicité pour porter atteinte aux droits et privilèges des membres de cette Assemblée.

On explique dans ces annonces le fonctionnement du nouveau système avant même que les amendements du ministre soient déposés. C'est-à-dire, M. le Président, que le ministre devra reprendre des dizaines de milliers de dollars dans les poches des contribuables pour réannoncer ses erreurs à la population du Québec et réexpliquer, dans le cas où l'Assemblée nationale l'adopte en troisième lecture, forcée par le gouvernement et ses procédures...

M. Bélanger: Question de règlement, M. le Président. Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, la «procédurite», là, ça va faire! En vertu de notre règlement, quand il y a une question de privilège, je pense que l'article 68 est clair: «Le député qui signale la violation d'un droit ou d'un privilège doit se limiter à de brèves explications qui ne font l'objet d'aucun débat.»

Alors, là, je pense qu'on a vu tout l'arsenal de «procédurite» pour empêcher l'Assemblée nationale de se prononcer sur un projet de loi important et qui est celui de l'assurance-médicaments. Je comprends que l'opposition ne veut pas que le débat se fasse, je comprends qu'on va user de tous les artifices pour ce faire, M. le Président, mais là, franchement, on dépasse les bornes. Et, moi, je vous demande, M. le Président, de présider et de faire en sorte... Vous avez reconnu le ministre de la Santé et des Services sociaux. Et qu'on procède à l'étude du projet de loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader de l'opposition, je reviens à l'article 69, que je vous prierais de regarder avec moi. L'article 69 stipule, au paragraphe un: «Le député qui constate une violation de droit ou de privilège peut la signaler tout de suite après le fait.» Le paragraphe deux: «Il peut aviser par écrit le président, au plus tard une heure avant la période des affaires courantes, de son intention de la soulever. L'avis doit indiquer le droit ou le privilège qu'il invoque et exposer brièvement les faits à l'appui de son intervention.»

Donc, à ce stade-ci, nous considérons que vous devez procéder, en vertu de l'article 69, paragraphe deux, de sorte qu'en la déposant par écrit une heure avant la période des affaires courantes, demain matin, à ce moment-là, la question de privilège que vous nous soulevez pourra être débattue.

M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Avec tout le respect que je vous dois, M. le Président, vous m'aviez déjà reconnu en vertu du premier paragraphe. Et je tiens à vous assurer que, si vous retournez aux débats qui ont prévalu en cette Chambre à deux dates très précises, au 14 décembre 1990, où le leader de l'opposition, qui était alors le prédécesseur du député en face de moi, ainsi que le 14 décembre 1994... Je vais prendre la moitié du temps pour que vous soyez dans une marge très confortable, comme vice-président de l'Assemblée nationale, pour argumenter les mêmes arguments sur lesquels les présidents de l'époque avaient donné raison au leader de l'opposition péquiste de l'époque, M. le Président. Je pense qu'on n'a pas moins de droits parce qu'on est des libéraux que les péquistes en avaient lorsqu'ils siégeaient dans l'opposition officielle et que les présidents de l'époque acceptaient d'entendre des questions de droit et privilège qui étaient soumises à la première occasion au président de l'Assemblée nationale du Québec.

Nous sommes dans le cadre d'un projet de loi qui va aller fouiller dans la poche des contribuables québécois pour des centaines de millions de dollars. On a dépensé des dizaines de milliers de dollars en annonces publicitaires sans avoir une adoption de principe – je ne parle même pas de l'adoption du projet de loi, M. le Président – par les députés de l'Assemblée nationale, comme si l'Assemblée nationale n'était qu'un simple «rubber stamp» des volontés du ministre de la Santé qui, lui, est au service du ministre des Finances, M. le Président. On ne peut pas ridiculiser les institutions démocratiques, «bulldozer» la démocratie au Québec de cette façon-là, M. le Président.

Les décisions auxquelles je référais, M. le Président, concernaient également des projets de loi d'importance. Le 14 décembre 1990, le président Saintonge, qui est aujourd'hui juge à la Cour du Québec, statuait sur un projet de loi du ministère du Revenu, qui avait fait publier dans des quotidiens des annonces publicitaires – est-ce que ça se ressemble assez, M. le Président? – concernant l'entrée en vigueur de modifications à la taxe de vente du Québec. Nous sommes dans le cas de l'entrée en vigueur de la taxe sur les médicaments du Québec, M. le Président. Et le président Saintonge avait conclu...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader de l'opposition, je vous écoute. Je vous demande d'accélérer le plus possible; après ça, je vais suspendre pour examiner.

M. Paradis: M. le Président, je ne peux pas tellement parler plus vite que je parlais, pour que ce soit compréhensible pour les gens qui nous écoutent. Le président Saintonge, à l'époque, statuait et donnait une mise en garde à tous les ministériels, qu'ils soient péquistes ou qu'ils soient libéraux, en ces termes, parce qu'il s'était retrouvé devant une situation qui brimait les droits et les privilèges des membres de l'Assemblée. Des gens qui, dans votre comté, ont lu cette publicité sont encore sous l'impression que l'Assemblée nationale a adopté une loi. L'Assemblée nationale n'en a pas encore adopté le premier des principes et, coincé devant le fait accompli, comme vous l'êtes, situation totalement inconfortable dans laquelle vous a placé la stratégie parlementaire du leader du gouvernement et le non-respect de l'institution du ministre de la Santé, statuait en ces termes: «À l'avenir – à l'avenir, M. le Président, nous étions en décembre 1990, 14 décembre – les publicités et communications à l'intention du public initiées par un ministère ou un organisme public et concernant des mesures législatives non encore adoptées – exactement la situation dans laquelle nous nous retrouvons ce soir – devront porter une mention référant au rôle de l'Assemblée nationale et de ses membres.»

(20 h 30)

M. le Président, lorsque vous aurez pris connaissance de cette publicité, on n'annonçait pas que les députés avaient un rôle à jouer, on n'annonçait pas que l'Assemblée nationale avait un rôle à jouer; il s'agissait d'une mesure de taxation qui, suivant l'interprétation qu'on peut en faire, découlait d'une mesure du budget, strictement, sans aucune implication de membres de l'Assemblée nationale, qu'il s'agisse des membres du Parti québécois, qui sont inconfortables dans leur comté, qu'il s'agisse du chef de l'Action démocratique ou qu'il s'agisse des membres du Parti libéral ou des autres députés indépendants en cette Chambre.

Cette façon de procéder a également été dénoncée le 14 décembre 1994 par votre prédécesseur sur le trône, Roger Bertrand, qui est aujourd'hui le véritable parrain de ce projet de loi, le ministre du Revenu, à qui les gens qui ne sont pas assurés devront faire leur chèque, parce qu'il s'agit avant tout non pas d'une assurance-médicaments, mais d'un impôt de médicaments.

Violation de droit et privilège. Dans un avis transmis à la présidence, etc., le leader de l'opposition officielle fait part de son intention de soulever... Le leader prétend que le Directeur général des élections du Québec aurait commis un outrage au Parlement en publiant un avis invitant toute firme désireuse d'obtenir un contrat avant que la loi ne soit adoptée par l'Assemblée nationale du Québec, M. le Président. Il s'agit, encore une fois, d'un autre cas, et la jurisprudence est constante. Aucun président n'a dérogé, à date, à cette jurisprudence constante de l'Assemblée nationale du Québec.

Je cite la conclusion de la décision du président Bertrand: «La présidence a déjà formulé une exigence selon laquelle les publicités et les campagnes d'information à l'endroit du public mises sur pied par un ministère ou un organisme public et portant sur des mesures prescrites par des dispositions législatives non encore adoptées devraient porter une mention référant au rôle de l'Assemblée nationale et de ses membres dans le processus d'adoption de ces mesures. En l'espèce, l'avis du Directeur général des élections ne saurait brimer l'autorité de l'Assemblée car il porte une mention du rôle que l'Assemblée aura à jouer dans l'adoption du projet de loi 40.»

Aucune mention dans la publicité faite par le ministre de la Santé et des Services sociaux, sur les conseils du leader du gouvernement, du rôle de l'Assemblée nationale du Québec dans l'adoption d'un projet de loi qui vise à puiser 300 000 000 $ à 350 000 000 $ de taxes par année dans la poche des contribuables du Québec, M. le Président. Si le rôle d'un député a encore quelque sens en cette Chambre, qu'on soit péquiste, libéral ou qu'on siège comme indépendant, on ne peut tolérer et on ne peut accepter qu'un ministre, si important soit-il dans l'appareil gouvernemental, brime nos droits et nos privilèges.

Nos électeurs ne peuvent comprendre, M. le Président, qu'une telle publicité à coups de dizaines de milliers de dollars soit publiée avant que leurs députés, qu'ils ont démocratiquement élus à l'Assemblée nationale, puissent se prononcer. Et ça inclut les électeurs qui vous ont élu dans votre comté. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader de l'opposition. M. le leader du gouvernement, est-ce que vous voulez vous prononcer avant que je me retire pour...

M. Bélanger: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'ai devant moi la publicité qui vient d'être déposée par le leader de l'opposition. Et j'écoute le leader de l'opposition, et il me voit partout. Il me voit omnipuissant, omniprésent. Il dit que, finalement, le ministre de la Santé et des Services sociaux m'a consulté avant de faire paraître ces articles dans les journaux. Je pense qu'il a travaillé un petit peu fort, le leader de l'opposition, en fin de semaine, parce qu'il me voit partout. Il est obsédé par moi. Il me voit omnipuissant, omniprésent. Alors, je voudrais juste dire au leader de l'opposition que je pense que, cette fois-ci, il me voit à un endroit où je n'étais pas.

Ceci étant dit, ce que je regarde dans la publicité... Tant en français qu'en anglais, il est fait mention très clairement: «Après l'assurance-hospitalisation et l'assurance-maladie, l'assurance-médicaments proposée». Proposée. C'est le gouvernement qui propose à l'Assemblée nationale des mesures. Qu'est-ce qu'on peut demander de plus, M. le Président, comme quelque chose qui est conditionnel, évidemment, au consentement et à l'approbation de la loi par cette Assemblée nationale?

Je regarde l'ensemble des décisions qui ont été rendues relativement à ça, parce que le point soulevé par le leader de l'opposition n'est pas nouveau. Au contraire, ça a été soulevé, puis c'est vrai que ça avait déjà été soulevé dans le temps où nous étions dans l'opposition. Et on nous avait rappelé à juste titre, à ce moment-là, que rien n'empêchait le gouvernement d'informer la population sur les mesures qu'il entendait prendre, sur les projets de loi qu'il entendait faire adopter par l'Assemblée nationale, sur les mesures qu'il voudrait que cette Assemblée nationale adopte. Et c'est exactement, cette publicité, ce qu'elle fait. Elle dit à la population, M. le Président: Le gouvernement veut proposer un projet de loi, veut proposer à tous les Québécois une assurance-médicaments universelle. C'est ça qu'on veut faire, on l'annonce à la population avec transparence. Puis là le leader de l'opposition est en train de déchirer sa chemise là-dessus, M. le Président. Il déchire sa chemise encore une fois pour rien. Il est à la veille de mettre une fermeture éclair dessus, M. le Président, parce que je pense que ça va aller plus vite, à ce moment-là, pour pouvoir déchirer sa chemise, à la vitesse qu'il le fait et, surtout, à la fréquence qu'il le fait, M. le Président.

Alors, M. le Président, je regarde les décisions, en particulier 67/18, à la page 43 de notre «Recueil de décisions». On dit que rien n'empêche le gouvernement d'annoncer ce qu'il va faire. Et on dit ici: «...l'affirmation d'une position politique du gouvernement que l'Assemblée nationale lui demande de maintenir et cette motion ne fait que déclarer ses opinions et buts». À la page 43, la décision. Donc, ce ne sont que des buts qui sont visés par le gouvernement. La décision 67/17 aussi, je crois, va dans le même sens, et 67/23 est encore plus claire, M. le Président, relativement à cet état de fait. Et 67/23 en particulier, je vous demande de la regarder avec beaucoup d'attention, M. le Président. Le gouvernement peut annoncer ce qu'il entend proposer à l'Assemblée nationale.

Ce qui serait une violation de privilège, M. le Président, c'est si quelque chose qui était contenu dans un projet de loi qui n'est pas encore existant, si le gouvernement se servait de cette chose qui n'est pas encore existante et l'utilisait. Ça, oui, ça serait contraire à nos règlements et ça serait une violation de privilège. Mais ce n'est absolument pas ce qui est fait, M. le Président. Le ministre de la Santé, tout ce qu'il a dit, tout ce qu'il a fait, c'est qu'il a voulu informer la population pour dire qu'il entendait proposer à l'Assemblée nationale un régime d'assurance-médicaments.

Et je vous soumets respectueusement que, encore une fois, c'est de la «procédurite»; encore une fois, le leader de l'opposition veut empêcher l'Assemblée nationale de faire ses travaux et de procéder à l'étude de ce projet de loi. Et je pense que la population est en droit, justement, de voir un tel projet de loi, une assurance-médicaments universelle qui s'applique à tous être instituée dans les plus brefs délais, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, très brève réplique.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Si jamais, après avoir entendu l'argumentation d'un côté comme de l'autre de l'Assemblée nationale, M. le Président, un doute devait subsister dans votre esprit après avoir pris connaissance de la publicité, à coups de dizaines de milliers de dollars, payée par le ministre de la Santé et des Services sociaux, vous allez au bas de la page et vous découvrez ce qui suit... Il ne s'agit pas d'un régime théorique, il ne s'agit pas d'information théorique, il ne s'agit pas de parler de l'avenir, d'un projet qui serait adopté par l'Assemblée. Et vous pouvez l'essayer, M. le Président. Vous pouvez, dès ce soir, composer le 1-888-435-7999, M. le Président. C'est écrit comme tel dans la publicité: si vous désirez plus d'information sur le nouveau régime d'assurance-médicaments – on le présuppose adopté par l'Assemblée nationale du Québec, j'imagine – vous pouvez composer le numéro. Si jamais il n'y avait pas de service au numéro que vous avez composé, M. le Président, peut-être que le ministre a fait de la fausse publicité. Ça, ça relève d'un autre organisme. Mais, s'il y a une réponse et s'il y a des gens qui répondent à vos questions, vous pouvez déterminer sans aucun doute que le ministre a pris pour acquis l'adoption d'une loi par l'Assemblée nationale du Québec, qu'il a installé un réseau téléphonique pour répondre aux questions, comme si tous les députés en cette Chambre s'étaient prononcés pour ou contre le projet de loi, et qu'il a ainsi commis un outrage à notre institution, M. le Président.

(20 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci pour vos brèves répliques. M. le leader du gouvernement et, après ça, je vais me retirer pour...

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je veux tout simplement, peut-être pour la connaissance personnelle du leader de l'opposition, et je suis certain qu'il m'en sera redevable... La page 46 de notre recueil de décisions, la décision 67/23. La décision: «Les autorités constituées...» Le gouvernement... et, en plus, c'était une action faite par le ministre de la Santé et des Services sociaux du gouvernement libéral. «Le ministre de la Santé et des Services sociaux peut informer le public des décisions gouvernementales. Les autorités constituées ont pleinement le droit dans notre système politique de faire connaître leurs décisions et leurs choix touchant leur champ de compétence. Nous sommes, dans le présent cas, à l'étape de la prise de décision par le pouvoir exécutif. Les décisions annoncées pourraient bien maintenant devoir se traduire sous forme de dispositions législatives et les députés, le cas échéant, devront décider s'ils appuient ou non cette initiative gouvernementale. Il s'agit de deux niveaux d'intervention distincts.»

Alors, M. le Président, c'était encore pire. Il n'y avait même pas de projet de loi qui était présenté à l'Assemblée nationale. Le gouvernement, lui, annonçait une décision qui... Il faudrait un projet de loi pour pouvoir traduire cette volonté politique. Et, à ce moment-là, ce qu'on a dit dans la décision, c'est que le gouvernement a le droit de faire ça. Quand il y aura un projet de loi, par la suite, eh bien, tout simplement, ce sera aux membres de l'Assemblée nationale de déterminer si, oui ou non, la décision gouvernementale doit être maintenue ou pas par l'Assemblée nationale. C'est ça, M. le Président, la réalité. Et je pense que vous avez tout pour pouvoir rendre votre décision.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, messieurs, de part et d'autre, de m'avoir éclairé. Et, comme...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): C'est qu'à force de mettre des onces on va finir par avoir une pinte.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je vous cède la parole, M. le leader de l'opposition, le plus brièvement possible.

M. Paradis: Oui, très brièvement, M. le Président. Comme d'habitude, le leader du gouvernement confond, dans la citation qu'il vous a faite, le rôle du gouvernement dans son rôle d'exécutif. Ce qu'il vous a cité, c'est un cas où le gouvernement utilise son pouvoir comme exécutif. Ce dont nous parlons maintenant, c'est un rôle du législatif, M. le Président. Et, en ce qui concerne le législatif, jamais le gouvernement ne peut écraser le législatif, passer outre au législatif, dépenser des fonds publics à coups de dizaines de milliers de dollars en violant les privilèges des membres de l'Assemblée nationale du Québec.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Alors, je crois que, maintenant, j'en ai suffisamment entendu, de l'argumentation de part et d'autre. Alors, je me retire. Je suspends.

M. le secrétaire général, tout à l'heure, il y a un document que vous vouliez déposer et le gouvernement a accepté le dépôt du document. Alors, ça va nous permettre de...

Alors, je suspends de ce pas.

(Suspension de la séance à 20 h 43)

(Reprise à 21 h 33)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Décision du président

Alors, nous sommes maintenant prêts à rendre notre décision. Le leader de l'opposition a demandé la permission de soulever une question de privilège, alléguant une publicité faite par le ministre de la Santé et des Services sociaux dans certains journaux présumant, selon lui, l'adoption de la loi n° 33. À l'appui de sa demande, M. le leader de l'opposition réfère la présidence à une décision du président Saintonge en date du 14 décembre 1990. Je vais me référer effectivement à cette décision pour établir la mienne. Je fais miens les propos du président Saintonge qui s'exprimait ainsi, mutatis mutandis: «C'est évident que tout député peut, en cette Chambre, soulever une question de privilège. C'est son privilège, mais cela doit se faire selon certaines modalités qui apparaissent au règlement à l'article 69.»

Alors, je me permets de vous lire le premier paragraphe, tout d'abord, et je passe au deuxième par la suite: «Le député qui constate une violation de droit ou de privilège peut la signaler tout de suite après le fait.» Alors, je me devais, au début de cette question qui a été soulevée, d'entendre les parties pour m'assurer de quels faits il s'agissait exactement, ceux auxquels on faisait allusion dans ce signalement de violation de privilège, et je me suis rendu compte après que c'était un fait qui datait et qui remontait au 6 décembre; en ce qui nous concerne, au 1er juin. Donc, il s'était passé quelque temps après le fait. Et, comme ce n'était pas un fait dont nous avions été témoins directement ici en cette Chambre, on ne pouvait pas se prévaloir de ce premier paragraphe.

Il reste le deuxième. Dans le deuxième paragraphe, nous signalons ceci: «Il peut aussi aviser par écrit le président, au plus tard une heure avant la période des affaires courantes, de son intention de la soulever. L'avis doit indiquer le droit ou le privilège qu'il invoque et exposer brièvement les faits à l'appui de son intervention.» Alors, c'était ce deuxième paragraphe qui aurait pu permettre de signaler une violation de privilège à l'égard d'un fait qui s'est passé non pas immédiatement, mais qui datait déjà de plusieurs jours; en ce qui nous concerne, du 1er juin.

J'ajouterai que, malgré que la procédure prévue au règlement n'ait pas été suivie pour introduire cette question de privilège, je peux d'ores et déjà affirmer, après avoir pris connaissance des documents déposés, que la question de privilège serait, à première vue, irrecevable. En effet, comme je le mentionnais dans ma décision antérieure, un ministre – en l'occurrence, le ministre de la Santé et des Services sociaux – peut informer le public des décisions gouvernementales. Les autorités constituées ont pleinement le droit, dans notre système politique, de faire connaître leurs décisions et leurs choix touchant leur champ de compétence. Les décisions annoncées pourraient par la suite prendre la forme de dispositions législatives, et les députés, le cas échéant, devraient décider s'ils appuient ou non cette initiative gouvernementale.

Je fais miens, cependant, les propos prononcés par le président Saintonge le 19 mai 1992, qui s'exprimait ainsi: En ce qui concerne les annonces publicitaires publiées dans les principaux quotidiens, faisant état des modifications au Régime d'assurance-maladie du Québec sans faire référence au projet de loi, je ne peux que déplorer qu'on n'ait pas donné suite au souhait de la présidence exprimé dans la décision du 14 décembre 1990. Je déclarais alors qu'il était souhaitable qu'une publicité d'une mesure législative non encore adoptée mentionne le rôle du Parlement et de ses membres. Bien que ce geste précis ne constitue pas, prima facie, un outrage formel au Parlement, je regrette que le message que véhiculait ma décision de décembre 1990 – soit la décision du président Saintonge – n'ait pas eu l'effet souhaité. Je ne peux que réitérer et encourager toute manifestation ou attitude empreinte de respect et de déférence à l'endroit de l'institution parlementaire et de ses membres.

Alors, cette décision étant rendue, nous allons continuer nos travaux, et, à ce stade-ci, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux...

M. Paradis: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: ...quant à la décision que vous venez de rendre, est-ce que nous devons considérer que vous maintenez la jurisprudence de vos prédécesseurs, comme vous l'avez dit dans le ratio decidendi? Le leader adjoint de l'opposition me faisait remarquer, à la toute fin: Oui, mais c'est quoi, la décision comme telle? Vous avez, M. le Président, évoqué des éléments d'un côté comme de l'autre de la balance. Vous avez déploré l'attitude.

Je suis dans une situation où je peux, parce que je viens de les apprendre, vous communiquer des faits nouveaux d'outrage à l'Assemblée nationale. J'en ai pris connaissance il y a à peine 10 minutes. Je sais qu'il existe de la jurisprudence sur le sujet. Si votre décision est à l'effet qu'il faut respecter la suprématie du Parlement et de ses membres avant de procéder à des annonces publiques comme telles, M. le Président, j'ai besoin d'une question, à ce moment-ci, de directive pour que vous m'indiquiez, en vertu des articles 315 et suivants de notre règlement, quelle est exactement – parce que la question s'est posée à plusieurs reprises et a fait l'objet de plusieurs interprétations différentes de la présidence – la procédure, à ce moment-ci, que je me dois d'entamer, tout en me réservant, M. le Président – parce que je viens de l'apprendre il y a cinq à 10 minutes, là – le privilège de vous soumettre un autre élément d'atteinte aux privilèges dans le même dossier de l'impôt-médicaments, M. le Président.

(21 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader de l'opposition, à ce stade-ci, comme vous l'avez sûrement remarqué, continuellement, dans ma décision, j'ai rappelé et j'ai fait miennes les décisions des présidents antérieurs qui ont eu l'occasion de travailler en cette Chambre. Et le reproche qui a toujours été fait par les présidents antérieurs, dans le passé, je le fais également, actuellement, au ministère de la Santé et des Services sociaux à l'effet que les publications doivent respecter l'institution qu'est le Parlement ainsi que tous les membres qui y travaillent. Donc, je fais miens tous ces propos et je souhaite que le respect de cette institution revienne de plein droit et qu'il n'y ait plus d'événements négatifs semblables qui se produisent de la part du ministère de la Santé et des Services sociaux, mais également de tous les ministères.

Donc, en maintenant la jurisprudence ou la politique des présidents antérieurs, à ce moment-là, je clos le débat sur cette motion de privilège que vous avez présentée et je pense que maintenant – ça me surprendrait que vous ayez autre chose – je donnerais la parole au... Parce que nous en sommes toujours à l'adoption du principe du projet de loi n° 33 depuis 15 heures, cet après-midi, et je suis maintenant prêt à ce que les débats débutent. Et je demanderais à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux de bien vouloir nous introduire le principe de son projet de loi.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Comme vous l'avez mentionné à juste titre – et je pense que c'est à juste titre que vous l'avez mentionné – vous endossez la décision du président Saintonge. Le président Saintonge s'est exprimé clairement. Il ne voulait pas que l'autorité présidentielle soit à nouveau bafouée. Il s'est exprimé comme suit: À l'avenir, les publicités et communications, etc., devront attendre les assentiments de l'Assemblée nationale. Vous avez réendossé ces propos, M. le Président.

Le seul but de mon intervention, à ce moment-ci, sous réserve de l'autre question de privilège que j'ai à soulever... Si les présidents de l'Assemblée nationale ne sont pas pris au sérieux, à l'avenir – M. Saintonge l'a dit, lui, comme président de l'Assemblée nationale en 1990; M. Bertrand l'a dit en 1994; et vous, M. le Président, vous le dites en 1996 – moi, je vous soumets respectueusement que je crains pour l'institution que, si vous n'appliquez pas, à ce moment-ci, les dispositions des articles 315 et suivants du règlement de l'Assemblée nationale, les décisions présidentielles ne soient absolument plus crédibles. Il y va, M. le Président, de la crédibilité de l'institution et de votre crédibilité comme président de l'Assemblée nationale du Québec à ce moment-ci. Est-ce que vous avez...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, les décisions que nous avons examinées... Malheureusement, ce dont on s'aperçoit, c'est que, environ à tous les deux ans, il y a un écart au niveau des différents ministères, que ce soit le ministère du Revenu ou que ce soit le ministère de la Santé et des Services sociaux. Et, à ce stade-ci, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, je fais miennes les décisions antérieures, et les décisions antérieures sont un reproche formel qui est adressé par la présidence de l'Assemblée nationale, par l'institution de l'Assemblée nationale face à un ministère. Donc, le législatif s'indigne du fait que l'exécutif a agi de cette façon-là. Donc, je n'ai pas l'intention actuellement et dans le futur, à moins qu'on ait un autre cas, là, qui... Alors, je maintiens exactement ce que mes prédécesseurs ont décidé.

M. Lefebvre: M. le Président. Très rapidement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Moi, M. le Président, je suis dans l'obligation de vous demander... Je ne peux pas contester; on ne peut pas contester votre décision, on doit vivre avec.

Des voix: C'est ça.

M. Lefebvre: Oui. Ça fait longtemps, 10 ans que je suis ici, M. le Président, et j'ai appris à vivre avec les décisions de la présidence. Sauf qu'on peut vous demander de l'interpréter, surtout pour l'avenir...

Une voix: Surtout de l'appliquer.

M. Lefebvre: ...et se demander, M. le Président... Et c'est la question que je vous pose. Le président Saintonge avait décidé très clairement, le 14 décembre 1990, et je le cite – vous y avez fait référence: «À l'avenir, les publicités et communications à l'intention du public initiées par un ministère...», etc., etc. Ce que le président Saintonge disait: Vous êtes en dérogation avec l'article 315. C'est grave, ça, c'est une atteinte aux privilèges, aux droits des membres de l'Assemblée nationale. Voici, M. le Président, que vous rendez la même décision, six ans plus tard, sur les mêmes faits. Vous dites, à toutes fins pratiques: Il ne faudrait pas récidiver à nouveau. Alors, moi, je vous pose la question, M. le Président: Quand et à partir de quand une faute répétée en 1990, en 1996, ça constituera, les mêmes faits et les mêmes fautes, une entorse à l'article 315 qui est un des articles les plus importants?

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon. M. le député de Frontenac et leader adjoint de l'opposition, ce que je peux vous confirmer ce soir, c'est qu'il s'est passé six ans entre les deux décisions, soit la décision de M. Saintonge et celle que nous venons de rendre. Et j'assure les membres de cette Assemblée qu'effectivement il y aura communication entre la présidence et le ministère qui a outrepassé le pouvoir législatif...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): ...et nous allons en demeurer à ce niveau. Je n'ai pas l'intention d'aller plus loin que d'avoir une communication écrite avec le ministère de la Santé et des Services sociaux concernant cet incident, pour faire en sorte que cela ne se reproduise plus.

Alors, à partir de ce moment-là, nous allons, étant donné que la décision est rendue, étant donné que je voudrais appliquer l'article 41, paragraphe deux... Je pense que nous devons continuer les débats et permettre à l'Assemblée de procéder à ses travaux. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Paradis: Question de directive. Question de directive.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le ministre de la Santé. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Question de directive, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur une question de directive qui est probablement et sûrement en dehors de la décision que je viens de rendre...

M. Paradis: Non, M. le Président, qui touche l'application de la décision que vous venez de rendre.

Des voix: ...

M. Paradis: M. le Président...

Des voix: ...

M. Paradis: ...est-ce que la décision que vous venez de rendre, qui constate une infraction au règlement de l'Assemblée nationale et aux droits et aux privilèges de ses membres, bloque, dans la décision que vous avez rendue – je vous demande simplement un éclaircissement – l'application des dispositions de 315 et suivants du règlement...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, allez-y.

M. Paradis: ...ou est-ce qu'il est encore possible, pour celui ou un autre membre de l'Assemblée nationale qui sent que ses droits et privilèges ont été brimés, de soulever l'application des articles 315 et suivants et de donner suite à une violation des droits et privilèges des membres de l'Assemblée nationale?

Des voix: ...

M. Paradis: Parce que votre décision, c'est qu'il y a eu violation des droits et privilèges...

Des voix: Non! Non!

M. Paradis: ...et, à ce moment-là, M. le Président, est-ce que votre décision dit: À partir du moment où je l'ai reconnu, 315 et suivants ne s'appliquent pas ou, à partir du moment où je l'ai reconnu, 315 et suivants s'appliquent?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement, j'aimerais que vous interveniez sur les propos soulevés par M. le leader de l'opposition.

(21 h 50)

M. Bélanger: M. le Président, ça va suffire, là, d'essayer de faire dire n'importe quoi à la décision que vous avez rendue! Nulle part dans votre décision et nulle part dans la décision de Jean-Pierre Saintonge il n'a été fait mention que le fait qu'il y ait eu de la publicité avant l'adoption du projet de loi constitue un outrage au Parlement ou une atteinte aux droits des parlementaires. Nulle part, dans aucune décision, ça n'a été rendu. Alors, il faut le dire clairement, et je n'accepterai pas... Nulle part dans la jurisprudence ce n'est mentionné. Alors, à ce moment-là, M. le Président, je pense que vous avez reconnu la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux. La «procédurite», ça va faire! Votre décision est rendue, on doit procéder.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, où nous en sommes rendus, maintenant? Écoutez, vous me soulevez l'article 315. Je n'ai point soulevé l'article 315 dans la décision qu'on a rendue. Je déplore ce qui s'est produit, je m'en tiens aux décisions antérieures de mes prédécesseurs et, à compter de ce moment-là, moi, ce soir, j'en suis rendu à une décision qui a été prise, qui est déposée, et nous allons nous y conformer.

M. Paradis: Ma question de directive?

Le Vice-Président (M. Pinard): Votre question de directive, maintenant, M. le leader de l'opposition, doit porter sur un point autre que la décision qui a été rendue. Voilà! Je vous écoute.

M. Paradis: M. le Président, les articles 66 et suivants du règlement constituent des questions de droit et privilège de l'Assemblée nationale. Les articles 315 et suivants découlent de l'application, comment en pratique on sanctionne le droit et le privilège. Vous avez constaté l'application des articles 56 et suivants du règlement. Ma question de directive – et vous pouvez me répondre oui ou non, c'est votre prérogative, M. le Président – c'est: Est-ce que, par la décision que vous avez rendue, vous avez bloqué pour celui qui l'a invoquée l'application des articles 315 et suivants du règlement qui en découlent? Est-ce que vous l'avez autorisée ou est-ce que vous n'en avez pas parlé et que vous ne voulez pas en parler?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, la réponse est très claire: Dans ma décision, nulle part je ne mentionne les articles 315 et suivants. Donc, je n'en parle pas. Donc, à partir de... Alors... M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Vous avez mentionné, dans votre décision, M. le Président, que vous étiez pour vous adresser au ministère de la Santé et des Services sociaux pour qu'il respecte l'institution, et je pense que tous les parlementaires, de quelque côté qu'ils soient de cette Chambre, vous en savent gré. Le respect du législateur par l'Exécutif est quelque chose de sacré et de consacré en cette Chambre. En décidant comme vous l'avez fait et en suivant la jurisprudence, vous vous élevez en gardien des droits des parlementaires en cette Chambre.

Dans la correspondance que vous adressez au ministère de la Santé et des Services sociaux... Et je le soulève à ce moment-ci, M. le Président, parce que j'en ai été avisé à peine il y a quelques minutes par le bureau du chef de l'opposition officielle avant d'entrer en cette Chambre. En plus d'avoir payé de la publicité avant l'adoption du projet de loi à coups de dizaines de milliers de dollars de fonds publics des contribuables qui ont besoin de soins de santé – on a choisi la publicité – le bureau du chef de l'opposition officielle m'a avisé que le ministère, le même ministère, a commis un autre outrage à l'Assemblée nationale du Québec.

Des voix: Oh!

M. Paradis: Dans la Gazette officielle du 15 mai 1996, le même ministère, qui se fout éperdument et à répétition des droits et privilèges des membres de cette Assemblée...

M. Bélanger: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: ...là, déjà, je pense que, si c'est le 15 mai 1990, dans la Gazette officielle , qu'il a pris connaissance de ça...

Des voix: 1996.

M. Bélanger: ...le 15 mai 1996, donc je pense que les balises que vous avez données pour une intervention au niveau d'un privilège sont tout à fait dépassées. Donc, on ne peut intervenir, à ce moment-ci, sur une question de privilège pour quelque chose qui a été...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, écoutez, écoutez, là... Écoutez, messieurs, on peut travailler sur la procédure, on peut faire la nuit là-dessus, puis demain matin on va être encore sur la procédure. Moi, je considère que nous avons pris un temps plus que raisonnable. Nous avons consulté, nous avons regardé les décisions antérieures, et la décision que j'ai rendue fait en sorte que l'article 69, paragraphe un et l'article 69, paragraphe deux, c'est deux choses totalement différentes. Et les décisions ont été rendues.

Donc, à ce stade-ci, si vous avez des questions de directive, de privilège ou peu importe, il faut que ces questions-là ne reviennent pas sur la décision que la présidence a rendue, et ce, en vertu de 41.2. Si elles reviennent, M. le leader de l'opposition, je vais devoir vous couper la parole et vous dire: On revient encore sur ce que j'ai décidé. Et vous allez comprendre, parce que vous avez une longue expérience en cette Chambre, qu'à un moment donné... Vous allez comprendre aussi, M. le leader de l'opposition, que, comme président, je me dois de reconnaître vos interventions, je me dois de reconnaître les interventions du leader du gouvernement, mais je dois assurer que les travaux de la Chambre fonctionnent et qu'on aille de l'avant aussi. Puis, là-dessus, il y a une décision. Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, si vous aviez pris la peine d'écouter ce que j'avais à vous soumettre, vous auriez facilement compris, comme les gens qui nous écoutent vont facilement le comprendre, que je ne reviens aucunement sur la décision que vous avez rendue, que je vous apporte des faits nouveaux qui ont été portés à ma connaissance, comme je vous l'ai indiqué, et qui constituent, de la part du ministère de la Santé et des Services sociaux, une autre atteinte aux droits et privilèges des membres de l'Assemblée.

Vous avez eu le courage de rappeler le ministre à l'ordre, vous avez eu la franchise d'aviser cette Assemblée que vous étiez pour écrire au ministère de la Santé et des Services sociaux pour lui demander de respecter l'Assemblée nationale. M. le Président, dans cette même lettre, auriez-vous l'obligeance d'ajouter un paragraphe sur un fait nouveau que vous ne connaissez pas au moment où nous nous parlons?

Des voix: ...

M. Paradis: Bien, tout le monde, de l'autre côté, a l'air d'avoir lu la Gazette officielle .

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous écoute.

M. Bélanger: M. le Président...

M. Paradis: Tout le monde, de l'autre côté, a l'air de savoir, M. le Président, ce que nous...

Le Vice-Président (M. Pinard): On va conclure rapidement. Je vous demanderais, monsieur... Je ne vous ai pas enlevé le droit de parole, M. le leader de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Non, là, je regrette, là, le droit de parole, je l'avais accordé au leader de l'opposition, M. le leader adjoint.

M. Lefebvre: M. le Président, question de règlement sur le décorum.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, on va commencer par votre collègue.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, je ne comprends pas l'attitude de mes collègues d'en face qui, au moment où le leader de l'opposition officielle... Je comprends que ça puisse les agacer, parce qu'on est pressé, de l'autre côté, d'aller en vacances, je ne le sais pas. Je ne comprends pas qu'on chahute au moment où le leader de l'opposition, M. le Président, soulève des questions extrêmement importantes qui touchent les privilèges des membres de l'Assemblée, et je m'arrête avant que vous vous leviez, M. le Président. Il vous soulève des faits nouveaux et, en toute déférence, vous avez l'obligation de l'entendre, M. le Président. Vous avez l'obligation de l'entendre. Vous ne pouvez pas présumer de ce que mon collègue, le leader de l'opposition, va vous indiquer. Vous ne pouvez pas présumer de ce qu'il va vous dire avant même qu'il l'ait indiqué, M. le Président. Vous devez l'entendre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous remercie d'être le procureur de votre collègue, le leader de l'opposition. Et, à ce stade-ci, je vous ai mentionné tout à l'heure que, si vous aviez une intervention à faire, il faut qu'elle soit faite sur autre chose que sur la décision que j'ai rendue, parce que, en vertu de 41.2... Bon, alors, je vous prierais maintenant de conclure le plus rapidement possible, M. le leader de l'opposition.

M. Bélanger: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, depuis 15 heures, on assiste au festival de la «procédurite» de la part du leader de l'opposition officielle. C'est un spectacle déplorable, M. le Président, de se réfugier derrière la procédure pour empêcher l'étude d'un projet de loi.

M. Paradis: M. le Président, question de règlement.

(22 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon! Là, vous allez tout simplement comprendre... Ça fait depuis trois heures qu'on est sur ce dossier-là. Moi, je suspends et je demande aux deux leaders de me suivre au salon des drapeaux pour qu'on règle la façon dont on va procéder d'ici demain matin.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, je vais vous recevoir ainsi que le leader du gouvernement et, vos motifs, vous allez me les soumettre de l'autre côté.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Messieurs dames, s'il vous plaît. Reprenons tous notre souffle, là. O.K.?

Alors, je suspends.

(Suspension de la séance à 22 h 1)

(Reprise à 22 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, nous allons poursuivre nos travaux que nous avons entamés plus tôt en cette journée. Je tiens à rappeler que, sur un rappel au règlement, l'article 69, paragraphe deux, s'appliquera, et on le fait en expédiant au président, une heure avant la période des affaires courantes, un avis écrit de son intention de soulever un point de règlement. L'avis devra indiquer le droit ou encore le privilège qu'il invoque et exposer brièvement les faits à l'appui de son intervention. Alors, tout fait qui peut s'être déroulé antérieurement à nos débats d'aujourd'hui pourra, à ce moment-là, être traité conformément à la décision que nous avons émise tout à l'heure, conformément à l'article 69, paragraphe deux.

Alors, comme je suis encore debout, j'inviterais maintenant, dans la poursuite de nos travaux, le ministre de la Santé et des Services sociaux à s'exprimer sur le principe du projet de loi n° 33. M. le ministre.

M. Paradis: Question de directive, M. le Président. Question de directive, M. le Président. Question de directive. Question de directive, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Question de directive. Alors, M. le leader de l'opposition, sur une question de directive.

M. Paradis: Merci, M. le Président. Est-ce que, dans la lettre que vous vous êtes engagé à envoyer au ministère de la Santé et des Services sociaux le blâmant pour son manque de respect envers les droits et privilèges des membres de l'Assemblée nationale du Québec, vous auriez l'obligeance de joindre un document additionnel? Un extrait, M. le Président, de la Gazette officielle du Québec, du 15 mai 1996, qui stipule, et je le porte à votre connaissance, M. le Président, pour que vous puissiez l'ajouter au même envoi, de façon à ne pas faire deux envois, etc., qui se lit comme suit: «Concernant l'autorisation à la Régie de l'assurance-maladie du Québec à adjuger des contrats d'un montant supérieur à 1 000 000 $ pour la mise en place d'un système interactif dans le cadre...

Une voix: ...

M. Paradis: ...de la rationalisation du programme des médicaments et autorisation à la Régie de l'assurance-maladie du Québec d'utiliser des normes différentes de celles applicables en vertu de l'article 49 de la Loi...», et je vous fais grâce, M. le Président, de la lecture de tous les considérants...

M. Bélanger: M. le Président...

M. Paradis: ...pour en arriver à la conclusion...

Le Vice-Président (M. Pinard): Pour en arriver à la conclusion.

M. Paradis: ...que vous vous devriez d'ajouter pour assurer un bon respect des privilèges...

M. Bélanger: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): En conclusion.

M. Paradis: ...«que la Régie de l'assurance-maladie du Québec soit autorisée, pour la mise en place d'un système de communication interactive dans le cadre de la rationalisation du programme d'assurance-médicaments...» Vous avez compris le point, M. le Président? Avant même que l'Assemblée nationale adopte un projet de loi, le ministère de la Santé et des Services sociaux, non seulement a procédé, comme vous l'avez mentionné à juste titre, M. le Président, à des annonces qui bafouaient les droits...

Le Vice-Président (M. Pinard): D'accord.

M. Paradis: ...il a même procédé... Et cette question avait été soulevée par mon prédécesseur, le député de Joliette, alors qu'il était leader de l'opposition officielle dans une cause – je ne l'ai pas devant moi, je la cite de mémoire, M. le Président; je demande au Secrétariat de la relever...

M. Bélanger: Question de règlement.

M. Paradis: ...dans une cause de la Régie de l'assurance automobile du Québec...

M. Bélanger: Question de règlement.

M. Paradis: ...qui avait procédé à l'achat...

M. Bélanger: Question de règlement.

M. Paradis: ...d'équipements...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, vous aurez tout de suite compris avec moi que ce n'est point une question de directive. Une question de directive, c'est tout simplement quand on demande au président d'expliquer une décision afin de mieux la respecter. C'est ça, une question de directive, M. le Président. Alors, ce n'est pas une question de directive. On est en train de contester votre décision, M. le Président, si vous ne vous en rendiez pas compte.

Une voix: C'est ça.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement, il faut que le président ait la question de directive pour déterminer si, effectivement, c'est une question de directive ou pas. Alors, à ce stade-ci, ce qu'on me demande, c'est: Est-ce que je vais prendre connaissance? Je prendrai connaissance, M. le leader de l'opposition, et vous aurez une communication de la part de la présidence à cet effet.

Alors, à ce stade-ci, j'inviterais maintenant le ministre de la Santé et des Services sociaux à bien vouloir nous entretenir sur l'adoption du principe de la loi n° 33. M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, il me fait plaisir, enfin, de pouvoir prendre la parole sur le projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives.

Rendu à ce point, après quelques années de travail, plusieurs mois de débats, c'est un bon moment pour faire un peu le point sur la situation du médicament, pour bien se rappeler pourquoi, aujourd'hui, on présente une loi sur l'assurance-médicaments, se rappeler la perspective, M. le Président, ce qu'a été l'évolution de nos programmes sociaux dans ce domaine-là et...

M. Paradis: M. le Président. M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Je m'excuse, M. le Président, auprès de l'honorable ministre de la Santé. À moins qu'il m'indique qu'il avait l'intention de le faire, et, à ce moment-ci, je retirerai ma question de règlement, M. le Président, j'ai constaté qu'il a débuté son intervention sur l'adoption du principe du projet de loi sans se conformer aux dispositions de l'article 54 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, M. le Président. S'il a l'intention de le faire... Et ça a déjà été fait. Des ministres, lorsque la question a été soulevée, se sont immédiatement référés à leur leader, et le leader les a avisés de faire précéder le projet de loi, conformément aux dispositions de l'article 54 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, M. le Président, d'un message de Son Excellence le lieutenant-gouverneur.

M. le Président, les dispositions de la Loi constitutionnelle sont impératives, et il est de tradition qu'elles soient respectées en tout état de cause en cette Chambre. J'insiste davantage, M. le Président, parce que le ministre a fait connaître en conférence de presse, cet après-midi, et j'attire votre attention sur un extrait de son communiqué: «La prime qui sera perçue à la fin de l'année avec le rapport d'impôts plutôt que mensuellement est compensée à la fin de l'année.» Il s'agit de l'imposition de deniers publics, M. le Président. Excusez, M. le Président, est-ce que vous voulez consulter? Donc, je peux...

M. Bélanger: M. le Président. M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Pour écourter un peu l'histoire du leader de l'opposition, il veut vous parler de la recommandation du lieutenant-gouverneur. C'est ça? La recommandation du lieutenant-gouverneur, elle peut avoir lieu en tout temps, M. le Président, jusqu'à l'adoption. Donc, encore là, une belle tactique du leader de l'opposition pour empêcher le débat, pour interrompre le ministre de la Santé dans la présentation du projet de loi...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, M. le leader du gouvernement, dans le projet de loi, il n'y a absolument aucune obligation à cet effet. Actuellement, dans le projet de loi, il n'y a absolument aucune obligation à cet effet. Alors, je suis obligé de rejeter votre question. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Je comprends votre position. Tel que déposé, vous avez, M. le Président, raison, tel que déposé. Cependant, le ministre est allé en conférence de presse à 16 heures lorsque vous étiez en délibéré, et c'est ce sur quoi j'attirais votre attention. Il a modifié les dispositions du projet de loi en conférence de presse, et nous sommes désormais saisis d'un projet de loi qui peut toucher à des dispositions fiscales qui commandent l'application de l'article 54.

Maintenant, les dispositions de l'article 54, il faut les connaître, M. le Président. L'Acte de l'Amérique du Nord britannique se lit comme suit, à son article 54: «Il ne sera loisible à la Chambre des communes d'adopter aucune résolution, adresse ou bill pour l'approbation d'une partie quelconque du revenu public, ou d'aucune taxe ou impôt, à un objet qui n'aura pas, au préalable, été recommandé à la Chambre par un message du gouverneur général durant la session pendant laquelle telle résolution, adresse ou bill est proposé.»

(22 h 20)

M. le Président, je vous indique que ce n'est pas sans précédent ce qui se passe ici. Des ministres ont déjà débuté... J'ai pris la peine, par précaution, M. le Président, de m'excuser auprès de l'honorable ministre de la Santé de l'intervention, lui demander s'il était de son intention de déposer un tel avis, ce qui ferait en sorte que le projet de loi ne serait pas attaquable quant à cette disposition d'ordre constitutionnel. Je n'ai pas compris la réponse du ministre de la Santé et des Services sociaux. Si le ministre nous indique qu'il a l'intention de procéder de cette façon, la question de règlement ne se soulève plus, M. le Président. Si le ministre nous indique qu'il n'a pas l'intention de faire précéder l'adoption de son projet de loi d'un message du lieutenant-gouverneur en conseil, M. le Président, j'ai l'intention de vous présenter des arguments à l'effet que les modifications apportées par le ministre en font un projet de loi de perception d'impôt comme tel. Maintenant, je ne voudrais pas faire cette argumentation si le ministre a tout simplement l'intention de faire précéder l'adoption de son projet de loi d'un message du lieutenant-gouverneur, et nous pourrions ainsi procéder, M. le Président, immédiatement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je veux donner au leader de l'opposition tous les engagements à l'effet que toutes les dispositions des lois qui nous gouvernent seront respectées quant à l'adoption de ce projet de loi et ça inclut, à ce moment-là, toute recommandation ou tout message ou tout bon voeu du lieutenant-gouverneur. Ce sera fait selon les lois, selon les lois qui nous gouvernent, M. le Président. Alors, encore une fois, je pense que c'est une belle manoeuvre, une belle tactique pour empêcher le ministre de la Santé et des Services sociaux de parler.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement. Et je suis persuadé que le leader de l'opposition est très satisfait de l'engagement qui a été pris.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. À ce moment-là, est-ce que le leader du gouvernement pourrait informer cette Chambre quand le message du lieutenant-gouverneur sera présenté à cette Chambre?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement, est-ce que vous êtes en mesure de répondre à l'interrogation manifestée par le leader de l'opposition?

M. Bélanger: M. le Président, la comédie du leader de l'opposition continue. Je lui ai dit que ça allait être respecté, que les lois allaient être respectées, et elles le seront. Il a été leader du gouvernement assez longtemps pour savoir que ça peut être fait en tout temps avant l'adoption du projet de loi et ça sera fait selon la loi, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. le leader du gouvernement. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, est-ce qu'on doit comprendre des propos du leader du gouvernement qu'il y aura effectivement un message du lieutenant-gouverneur? Dans un premier temps. Et, si la réponse est affirmative – je pense que c'est ça qu'il a voulu dire, sinon, qu'il le contredise – quand, à quelle étape ce message sera-t-il introduit de façon à ce que vous puissiez vous assurer...

Le Vice-Président (M. Pinard): Ce que j'ai compris, M. le leader de l'opposition, c'est que le leader du gouvernement a bien manifesté que, pendant le déroulement de l'adoption du projet de loi, en tout temps, le message du lieutenant-gouverneur pouvait apparaître dans le projet de loi. Moi, c'est ce que j'ai compris. Vous aussi? Oui?

M. Paradis: Est-ce qu'on peut expliquer à cette Chambre... Parce que la tradition parlementaire veut, parce que la tradition parlementaire et les précédents veulent – et vous pouvez vérifier, M. le Président, auprès du Secrétariat – que ce message du lieutenant-gouverneur, traditionnellement, soit apporté au moment de l'introduction du projet de loi à l'Assemblée nationale ou, dans les cas où on est en retard, au moment du discours du ministre, au tout début de son discours, au moment de l'adoption de principe.

Est-ce qu'on peut comprendre quels sont les motifs qui font en sorte que, cette fois-ci, ce ne sera pas le cas, que ce sera adopté plus tard ou apporté plus tard?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, on ne peut présumer de ce que cette Chambre va adopter, de ce que la commission parlementaire aussi votera relativement aux articles de loi qui seront présentés et aux amendements qui pourraient être proposés par le ministre. Moi, ce que je dis au leader de l'opposition, et il m'a très bien compris, et il sait très bien – c'est rendu au n° 35 des questions de procédure – qu'en tout temps le gouvernement, le leader du gouvernement peut faire en sorte que l'avis ou la proclamation, si nécessaire... Nous verrons, à ce moment-là, ce qui sera adopté et cela sera fait selon nos lois, M. le Président.

Et si ce n'est pas fait, M. le Président, vous le savez, à ce moment-là, c'est quoi la sanction, c'est que les lois pourraient être attaquées devant les tribunaux parce qu'elles n'auraient pas été adoptées régulièrement. Et, moi, ce que je dis, M. le Président, et mon engagement comme leader du gouvernement, c'est que toutes les prescriptions de la loi seront respectées. Alors, cessons la comédie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, je suis dans la même situation où vous êtes: Vous aviez compris correctement du leader du gouvernement qu'il était pour se conformer à l'article 54 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Nous avions échangé sur ce propos, nous avions la même compréhension de son intervention. Au moment où il nous parle, il nous dit, par la suite, qu'il n'est plus certain si c'est nécessaire ou pas nécessaire. M. le Président, moi, je ne veux pas, là, je ne veux pas que l'on s'embarque dans des dispositions où le leader ne sait pas où il s'en va. Moi, si j'ai compris comme vous, et je maintiens cette compréhension, que ça va être introduit, est-ce qu'on peut comprendre, des propos du leader, que ça va être introduit avant l'adoption du principe, après la commission parlementaire, en troisième lecture? Cela, M. le Président, n'a jamais été fait à l'Assemblée nationale, toujours au moment du dépôt du projet de loi ou, au pire aller, lorsque les leaders étaient retardataires et ils ne savaient pas où ils s'en allaient au moment de l'adoption du principe. Cette fois-ci, est-ce qu'on nous dit que ça va être encore plus loin que ça, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader de l'opposition, je vais vous demander que nos débats restent cordiaux et francs. Si le leader du gouvernement n'a plus rien à mentionner et s'en tient aux allégations qu'il nous a données, les propos qu'il nous a donnés tout à l'heure, c'est bien à l'effet que si la procédure l'exige, pour que la loi soit en tous points parfaite et permettre d'être d'une application à l'abri de toute contestation judiciaire, à ce moment-là, le gouvernement va se plier à cette exigence. C'est ce que, moi, j'ai compris et, à partir de ce moment-là, j'espère que ça complète et que ça vous raffermit dans votre position. Et, si c'est le cas, je permettrais maintenant au ministre de la Santé et des Services sociaux de continuer son... Oui.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Étant donné que vous semblez dans le doute, que le leader du gouvernement ne le sait pas, est-ce qu'on peut, à ce moment-ci, M. le Président, avoir une direction, de la part de la présidence de l'Assemblée nationale du Québec, à l'effet que compte tenu du projet de loi, tel qu'amendé par le ministre de la Santé et des Services sociaux, est-ce qu'il y a, conformément aux dispositions de l'article 54 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, perception de deniers dans la poche des contribuables, M. le Président? Pour éclairer votre décision, vous pouvez vous inspirer du projet de loi tel que déposé, du communiqué de presse qui n'est plus sous embargo, dont vous avez pris connaissance cet après-midi, et j'insiste particulièrement sur la page 2 dudit communiqué, l'assurance individuelle, deuxième paragraphe: «La prime qui sera perçue à la fin de l'année avec le rapport d'impôts plutôt que...»

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Paradis: Juste sur une question de règlement?

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, une question de règlement.

M. Bélanger: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Paradis: Je suis sur une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, mais c'est parce que c'était une question de règlement.

M. Paradis: Ça va, O.K.

M. Bélanger: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, M. le leader.

M. Bélanger: Je pense qu'on est en train de rire de ce Parlement; on est en train de rire de cette Assemblée nationale. Tout à fait, M. le Président.

M. le Président, comme je l'ai dit tout à l'heure, toutes les prescriptions de la loi seront respectées, M. le Président. Je n'ai pas, à ce moment-ci, à contenter le leader de l'opposition. La présidence, elle, n'a qu'à s'assurer que les lois et les règlements de l'Assemblée nationale sont respectés, et ils le sont présentement. Je peux, M. le Président, comme leader du gouvernement, en tout temps, jusqu'à la sanction, faire en sorte que les avis du lieutenant-gouverneur, si besoin il y a – et, ça, on verra – soient présents. Je n'ai pas à dire, à ce moment-ci, au leader de l'opposition à quel moment ça le sera, tant que ça le sera au moment avant l'adoption.

Donc, cessons, M. le Président, la procédurite aiguë de mon collègue de l'opposition officielle, qui semble s'ennuyer ou qui, je ne sais pas s'il manque de députés de l'autre côté, je n'ai aucune idée de ce qui se passe. Mais, M. le Président, je pense qu'il faudrait, peut-être, à ce moment-ci, continuer nos travaux et le ministre de la Santé et des Services sociaux, que vous aviez reconnu, avait commencé son intervention.

Le Vice-Président (M. Pinard): Actuellement, tous les débats se font sur le projet de loi n° 33, tel que nous l'avons en notre possession, tous et chacun. Nous n'avons pas à présumer, nous n'avons pas à regarder actuellement si, effectivement, il y aura des modifications qui seront apportées, parce que nous sommes – je reviens sur une décision de cet après-midi – sur la motion de principe. Aucun amendement n'est déposé en cette Chambre. Et c'est en commission parlementaire, lors de l'étude du projet de loi n° 33 article par article, que cette question va se poser. Alors, à partir de ce moment-là, il faut, à mon sens, cesser de discuter de ça, parce que, effectivement, c'est en commission parlementaire que la discussion article par article, notamment sur les propos que le leader de l'opposition a mentionnés concernant la déclaration, le préambule, qui doit être fait ou qui doit être apposé par le lieutenant-gouverneur...

(22 h 30)

M. Paradis: Pas sur les amendements.

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon, alors, je vous écoute.

M. Paradis: Oui, M. le Président, sans tenir compte des amendements, le projet de loi, de l'aveu même du ministre de la Santé et des Services sociaux, et vous en étiez un des témoins privilégiés en cette Chambre, compte percevoir, sur une base annuelle, 300 000 000 $ à 350 000 000 $ chez les contribuables québécois, sans compter les amendements. Les amendements de cet après-midi, M. le Président, vous avez rendu une décision; je m'y conforme, je la respecte. Il demeure qu'il y a 300 000 000 $ à 350 000 000 $, M. le Président...

Une voix: ...

M. Paradis: Oui. Il demeure qu'il y a 300 000 000 $ à 350 000 000 $ d'impôt-médicaments qui vont être perçus chez les contribuables québécois sous forme d'impôt. La Constitution est formelle, M. le Président. Le leader du gouvernement aurait dû conseiller son gouvernement correctement au moment du dépôt du projet de loi, aurait dû le conseiller au moins au moment du principe du projet de loi.

Au moment où nous nous parlons, M. le Président, si j'interviens, c'est pour vous demander de vous assurer, comme président de l'Assemblée nationale du Québec, à l'intérieur des fonctions qui vous sont dévolues, sans aller au-delà des fonctions qui vous sont dévolues, à la lecture du projet de loi qui prévoit une ponction de 300 000 000 $ annuellement dans les poches des contribuables... Est-ce qu'il ne serait pas plus prudent, plus avisé, plus sage de faire précéder par un message du lieutenant-gouverneur le projet de loi qui est présenté par le ministre de la Santé? Ce serait tellement simple, M. le Président. C'est une phrase qui, au pis aller, dure une minute, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. le leader de l'opposition. Je suis persuadé que les propos que vous nous émettez ce soir tomberont sûrement dans de sages oreilles et que le gouvernement va vraiment s'assurer que le projet de loi sera en tout point parfait pour faire en sorte qu'il ne soit pas contesté devant les tribunaux. Merci beaucoup.

Maintenant, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, je pense que tout cet auditoire a vraiment hâte d'entendre votre allocution. M. le ministre.


Débat sur l'adoption du principe


M. Jean Rochon

M. Rochon: J'espère, cette fois-ci, M. le Président, pouvoir dépasser l'introduction et commencer un peu plus la substance de cette présentation.

À ce moment de faire le point dans l'évolution du projet, il est bon de se rappeler la situation actuelle en ce qui regarde les médicaments, M. le Président. Il y a trois grandes raisons qui nous ont amenés à proposer un projet de loi sur l'assurance-médicaments. Il y a d'abord la situation qui crée présentement beaucoup d'iniquité entre les citoyens et les citoyennes du Québec. Il est vrai que 4 500 000 personnes au Québec bénéficient présentement d'une couverture d'assurance quant aux médicaments, ce sont des gens qui ont la chance d'avoir une assurance collective qui a été négociée entre leur syndicat et l'employeur et qui, dans le cadre d'un programme d'assurance-santé, dans certains cas – pas toujours, mais dans certains cas – inclut une couverture pour les coûts des médicaments. Mais, même pour ceux qui ont cet élément dans leur police d'assurance collective, M. le Président, on trouve des gens qui ont une couverture très différente et très inégale. Dans certains cas, c'est plus une protection qu'on appelle de type catastrophe pour des très, très hauts déboursés, alors que, dans certains autres cas, il y a une couverture qui est plus adéquate. Et ça, c'est ceux qui sont dans la meilleure situation, le 4 500 000 qui ont une couverture.

Il y a un autre groupe de citoyens qui sont couverts présentement par le régime d'assurance public, ce sont des personnes âgées et des prestataires de l'aide sociale. Mais, par contre, il y a à peu près 1 200 000 Québécois et Québécoises qui n'ont aucune couverture. On sait que ce sont des gens qui, en grande partie, sont des gens qui ont des petits revenus, qui ont souvent des emplois précaires ou qui travaillent dans des endroits où il y a très peu d'employés, de sorte qu'il n'y a pas de possibilité, pour eux, d'adhérer à un régime collectif. Et des primes d'assurance-santé-médicaments privées individuelles coûtent très, très cher et ne sont pas vraiment accessibles pour ce 1 100 000 Québécois et Québécoises.

Parmi ces gens, il y en a qui sont à un groupe d'âge où ils sont amenés a utiliser beaucoup de médicaments. On sait que c'est à partir de l'âge de 45, 50 ans qu'on commence, pour différentes raisons de santé, à utiliser de plus en plus de médicaments. C'est une courbe exponentielle qui fait que, en vieillissant, on en utilise de plus en plus. Si une personne de 65 ans et plus, présentement, a une protection grâce au régime public, son voisin ou sa voisine qui a 60, 61, 62 ans n'a aucune protection. Si les personnes qui sont des prestataires d'aide sociale ont une protection, présentement, grâce au régime public, les personnes qui sont employées à un petit revenu, 1 000 $ de plus ou 2 000 $ de plus que le niveau de prestations d'aide sociale – il y en a, il y en a beaucoup, au Québec, M. le Président – alors, ces gens-là, eux, n'ont absolument aucune protection.

Alors, on voit l'inéquité, la couverture très inégale d'une personne à l'autre au Québec, beaucoup de gens qui n'ont absolument aucune couverture. On peut facilement glisser d'une catégorie à l'autre. Il s'agit d'avoir quelques années de moins, pour des personnes âgées au-dessus de 60 ans, pour n'avoir aucune couverture; il s'agit d'avoir la chance d'avoir un travail, un boulot qui va donner un salaire intéressant, soit plus élevé que l'aide sociale. Mais on doit, si les gens utilisent régulièrement, parce que quelqu'un dans la famille a une maladie chronique, des médicaments... Bien, ces gens-là, souvent, sont un peu empêchés, dans beaucoup de cas, de sortir de la situation de l'aide sociale, d'avoir un emploi régulier où ils vont pouvoir se rebâtir une autonomie et reprendre la place qu'ils souhaitent prendre dans la société, rebâtir des projets. Le coût des médicaments, souvent, les empêche de faire ça. Sans compter tous ceux qui ont un emploi et qui, à un moment donné, le perdent à cause d'une maladie chronique sévère, l'impossibilité d'avoir de l'assurance; ils n'auront d'autre solution, à un moment donné, que de quitter leur emploi, devenir des prestataires de l'aide sociale pour faire face à cette situation.

Donc, une situation vraiment difficile et inéquitable qui a amené, il y a quelques années, le gouvernement a vouloir intervenir dans ce domaine-là. C'est à la suite de ces travaux qu'on a suggéré que l'exploration d'une voie pour nous donner un régime général universel est à peu près la seule façon de faire partager le risque équitablement entre les gens. Donc, cette première raison, l'inéquité.

La deuxième raison de la situation actuelle, c'est l'évolution du coût du médicament. Le coût du médicament est relié d'une part à la population. La population vieillit, et je disais tout à l'heure qu'après 45 ou 50 ans on sait statistiquement qu'une population utilise de plus en plus de médicaments. Comme la population vieillit, on a, à chaque année, de plus en plus de personnes qui arrivent dans le créneau d'âge où ils deviennent, collectivement, des plus grands utilisateurs de médicaments, et le coût du régime monte régulièrement.

Il y a de plus des nouveaux médicaments. Il est vrai que les nouveaux médicaments, dans bien des cas, on été un peu plus contrôlés quant à la croissance de leur prix d'année en année et, au cours des cinq à 10 dernières années, il y a eu une amélioration notable de ce côté-là. Mais ça ne couvre pas cette situation, ça ne représente pas celle des tout nouveaux médicaments qui sont des produits des biotechnologies, qui sont des nouvelles molécules et qui sont des médicaments, en général, qui existent pour des maladies chroniques, donc qui doivent être pris sur de longues périodes de temps, et qui peuvent coûter jusqu'à 10 000 $, 12 000 $, 15 000 $, voire 20 000 $ par année par patient. C'est le cas pour des gens qui ont une maladie comme la fibrose kystique du pancréas; c'est le cas des gens qui ont le sida; c'est le cas des gens qui ont certains types de cancer, pour lesquels des nouveaux médicaments sont maintenant sur le marché.

(22 h 40)

Alors, voilà des gens qui sont dans une situation où le médicament est essentiel, est vital pour eux. S'ils peuvent le prendre adéquatement et régulièrement, même s'ils ne peuvent pas en espérer, dans certains cas, une guérison, ils peuvent avoir une bien meilleure qualité de vie et un prolongement de leur vie. Alors, ces nouveaux médicaments à des prix très élevés sont de plus en plus nombreux. Et, finalement, on sait que, dans l'ensemble de la population, l'utilisation du médicament qui devient une technologie nouvelle, utile, qui s'associe à l'ensemble des services de santé qu'on a, est en augmentation aussi, régulièrement.

Donc, augmentation dans l'ensemble de la population, augmentation des personnes âgées qui sont les plus gros utilisateurs et, pour les nouveaux médicaments, des prix très, très, très élevés, qui mettent dans une situation où il n'y a pas de régime central comme on a dans le cas des hôpitaux, comme on a pour les soins médicaux. Il n'y a pas d'acheteur central, si vous voulez, il n'y a personne qui occupe vraiment la place pour établir sur le marché du médicament le type de rapport de marché qui permettrait de mieux contrôler et de mieux régulariser le prix du médicament. Il n'y a pas non plus la possibilité... 1 500 000 personnes n'ayant aucune couverture, on ne connaît pas comment ils utilisent les médicaments. Les autres sont assurés dans différents programmes, représentant des groupes de différentes tailles, alors il n'y a aucun moyen non plus d'avoir une bonne analyse de l'utilisation du médicament et de pouvoir intervenir avec des moyens, comme on sait que ça se fait dans des cas où il y a une assurance qui existe, qui diminuent l'utilisation du médicament. Mais pas pour en priver des gens et faire des économies en privant des gens de médicaments dont ils auraient besoin, mais en s'assurant que l'utilisation devient adéquate, qu'elle est prise selon les besoins et correctement en termes de quantité et de mélange de médicaments qui peuvent être pris en même temps.

Et ça, non seulement on sauve des coûts si on diminue l'utilisation du médicament pour la rendre plus adéquate, mais en évitant une consommation inadéquate de médicaments, on sauve des coûts pour le système de santé. Il y a une enquête qui a été faite, une étude, en Colombie-Britannique, l'an dernier, en 1995, qui a montré que, dans l'espace d'une année, dans l'espace d'une seule année, il y a 10 000 hospitalisations qui ont été causées, directement ou indirectement, par une mauvaise utilisation du médicament. Et, sur ces 10 000 hospitalisations causées par une mauvaise utilisation de médicaments, il y a même 90 situations qui ont conduit à un décès des personnes qui étaient impliquées.

Au Québec, on sait que, dans les consultations d'urgence et dans les consultations dans les cliniques externes des hôpitaux, il y a à peu près 20 % de gens qui utilisent régulièrement des médicaments, qui consomment des médicaments; 20 % de ces gens-là se retrouvent dans les consultations externes des hôpitaux pour des raisons associées à une mauvaise utilisation du médicament. Et, de ces gens-là qui doivent consulter pour ces raisons-là, il y en a 15 % qui doivent être hospitalisés. Donc, en plus des conséquences de ne pas pouvoir mieux contrôler, grâce à un régime qui est géré centralement, l'utilisation des médicaments, on dépense plus d'argent qu'on devrait en dépenser pour le médicament et on crée vraiment un poids sur le système de santé et de services sociaux, sans penser que voilà des gens qui se retrouvent avec des problèmes de santé qu'ils auraient évités s'ils avaient eu une utilisation plus adéquate du médicament.

Finalement, en plus de cette situation d'iniquité entre les groupes dans notre société quant à l'accessibilité du médicament, en plus d'être dans une situation où on n'a pas moyen de contrôler l'utilisation et les prix pour avoir un bon contrôle du coût total du médicament – qui nous coûte globalement, au Québec, 2 300 000 000 $ présentement, c'est énorme, ce qu'on paie en médicaments – et payer aussi cher pour avoir une situation où on se crée des problèmes, d'une part par une mauvaise utilisation, où, d'année en année, on est de plus en plus dans une situation où de plus en plus de monde sont exclus du médicament.

En plus de ces deux raisons, il y a l'importance de cette technologie pour le virage ambulatoire qu'on est en train de faire. Si on peut utiliser de plus en plus d'approches de traitement qui n'obligent pas à institutionnaliser les gens, qui n'obligent pas à hospitaliser ou qui peuvent raccourcir des hospitalisations quand on ne peut pas les prévenir, parmi tous les moyens, toutes les technologies qui nous permettent de faire ça, il y a le médicament. Il y a beaucoup de médicaments maintenant, surtout pour des personnes âgées, des personnes qui souffrent de maladie chronique, qui peuvent vivre dans leur foyer, dans leur communauté, être autonomes, voire même pouvoir travailler régulièrement grâce au médicament, des gens qui, s'ils n'avaient pas ce médicament-là régulièrement, devraient être hospitalisés plus souvent ou pour des périodes plus longues.

Alors, pour l'ensemble de notre situation – et ça, je pense qu'en général tout le monde l'a très bien reconnu maintenant – on en est rendu à un point où il faut penser de faire quelque chose devant la situation qui nous confronte.

D'ailleurs, si on regarde notre évolution dans ce domaine-là – ça, c'est l'autre point que je voudrais traiter brièvement – on a eu au Québec, comme dans le reste du Canada d'ailleurs, une approche très typique au Canada, qu'on a empruntée plus des pays européens, contrairement aux Américains, en ce qui regarde les programmes sociaux qu'on s'est donnés, la façon dont on a développé et bâti notre filet de sécurité sociale.

Aux États-Unis, les programmes qui se sont développés visent, en général, des groupes de personnes, soit en raison de leur âge, soit des gens qui vivent avec une incapacité ou un handicap, soit, à cause de leur situation financière, des gens trop pauvres pour pouvoir s'acheter, se payer certains services comme les services de santé. Et on a développé, aux États-Unis, une série de programmes sectoriels. Et on sait que, dans le domaine de la santé, ça laisse ce pays avec à peu près 35 000 000 à 40 000 000 d'Américains – c'est plus que la population du Canada – qui n'ont aucune couverture de services de santé avec ce genre d'approche là, alors que les États-Unis, avec un régime segmenté comme ça, est un des pays qui dépensent le plus pour son système de santé. Ils dépensent le plus, ils n'ont pas les meilleurs indices de santé au monde et il y a beaucoup de gens qui ne sont pas couverts.

Or, au Canada et au Québec, on a toujours eu une approche complètement différente. On a développé nos programmes en offrant toujours des programmes de type universel, c'est-à-dire qu'on offrait à tous les gens dans la société les mêmes services à l'intérieur d'un même programme en partageant les coûts pour l'ensemble des citoyens et des citoyennes selon la capacité de payer des gens. C'est comme ça qu'on a bâti notre programme d'assurance-hospitalisation d'abord, au début des années soixante. C'est comme ça que, 10 ans plus tard, au début des années soixante-dix, on s'est donné un régime d'assurance-santé, où tout le monde a été couvert par le système avec un partage général des coûts des services de santé.

Pour le médicament, pour différentes raisons qu'il serait peut-être trop long de retracer et qu'il n'est pas à propos vraiment de discuter ici ce soir, dans le cas du médicament, on a procédé autrement. On a procédé plus à l'Américaine, c'est-à-dire qu'on a d'abord, vers le milieu des années soixante-dix, vers 1975, donc à peu près cinq ans après l'instauration du programme d'assurance-santé, offert la protection quant aux médicaments aux personnes âgées, d'abord, qui recevaient le supplément du revenu garanti maximum en plus de leur pension de vieillesse. L'année suivante, on a offert la même protection aux personnes, à cause de leur situation financière, qui recevaient un supplément partiel du revenu garanti. Finalement, en 1977 ou 1978, toutes les personnes âgées de 65 ans et plus ont eu une protection, et ça a été maintenu depuis ce temps-là.

Un peu plus tard, au début des années quatre-vingt, devant la situation de plus en plus pénible et difficile de gens qui souffraient de maladies chroniques et où, déjà, même si la situation était beaucoup moins sérieuse qu'aujourd'hui quant au coût des médicaments, où, déjà, les gens étaient dans l'impossibilité, dans bien des cas, de pouvoir se payer des médicaments dont ils avaient absolument besoin à cause de leur état de santé, on a créé ce qui s'est appelé la circulaire «malades sur pied» – ça a été une directive ministérielle, on est passé ni par un règlement ni par un projet de loi – d'une valeur d'à peu près 55 000 000 $ présentement, pour offrir pour cinq ou six pathologies différentes le médicament gratuitement à partir des établissements, des hôpitaux de notre réseau.

Et c'est cette situation qui a progressé jusqu'au début des années quatre-vingt-dix. Et là on se rappellera qu'en 1993 ce système qu'on avait monté a été soumis à des approches pour tenter de le redémonter comme on l'avait développé. Et, devant les pressions financières budgétaires, en 1993, le gouvernement d'alors a décidé de suspendre la circulaire «malades sur pied», parce qu'on n'était plus capable de maintenir ce programme, et ça a causé un tollé énorme. On peut comprendre le désarroi des gens qui se sont retrouvés devant cette situation-là où, du jour au lendemain, ils n'avaient plus la possibilité de se procurer les médicaments dont ils avaient besoin.

Devant cette réaction très vive, on a demandé à un comité, qu'on a appelé le comité Demers, du nom de son président, d'étudier un peu la situation et de proposer au gouvernement un moyen de s'en sortir. Et la principale recommandation de ce comité, qui a rendu son rapport en 1994, a été d'examiner la possibilité de développer un régime d'assurance universelle ou d'intégrer le médicament dans notre régime d'assurance-santé comme étant le seul moyen, en mutualisant le risque, comme on l'a fait pour l'ensemble des services de santé, la seule façon de pouvoir faire face à une situation, de sorte qu'on ne laisse pas à eux-mêmes les gens qui doivent utiliser beaucoup de médicaments.

(22 h 50)

Après les élections, le comité Demers venait de faire son rapport, les équipes du ministère ont entrepris pendant l'année qui a suivi, 1994-1995, de regarder toutes les possibilités de faire un programme de ce genre-là, selon la recommandation du comité Demers. Et, ça, ça a amené, au milieu de 1995, à réaliser que, oui, ça pouvait être faisable, qu'on pouvait penser, avec certains avantages et inconvénients, à un régime public peut-être comme on a pour l'assurance-santé, qu'on pouvait peut-être penser à une autre approche, où les gens qui ont déjà une protection dans les régimes collectifs avec des assureurs privés pourraient la maintenir et que, par ailleurs, en plus du programme public qui existe pour les personnes âgées et les prestataires d'aide sociale, on pourrait avoir un programme qui offrirait la même protection à ceux qui n'étaient pas assurés présentement. Pour cette population-là, il y avait différents moyens: ou on pouvait bien laisser des assureurs privés les couvrir avec des polices individuelles, ou on pouvait demander à la Régie de l'assurance-maladie du Québec de les inclure avec les clientèles qu'elle avait déjà, ou on pouvait faire un partage entre les deux.

Alors, comme c'était évident qu'il fallait qu'on développe un programme comme ça en collaboration avec les assureurs privés qui sont déjà là, qui couvrent 4 500 000 personnes avec les régimes privés, qui ont une bonne expérience dans le domaine de l'assurance collective, comme c'était à peu près évident qu'il faudrait travailler avec eux, on a demandé à un comité qu'a présidé M. Castonguay, avec un mandat très précis, d'aller vers ces gens-là, vers les assureurs, vers l'industrie du médicament et de discuter avec eux pour voir comment un des scénarios possibles pourrait être choisi et appliqué. Et ça a amené le rapport Castonguay, qui a été produit... ils ont commencé leur travail au mois de septembre, vers la fin de septembre de l'année dernière, ils ont travaillé très rapidement, ils ont donné un rapport au mois de mars, et on a pu, dans les semaines qui ont suivi, pendant le mois d'avril, voir des possibilités, les recommandations de ce rapport, ce qui a permis au gouvernement, compte tenu des réactions au rapport Castonguay, de faire un choix et de faire la proposition qui est devant nous aujourd'hui sous le projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments.

Ce projet a été soumis en consultation générale et spécialement en commission parlementaire. Il y a donc, là, tout un processus qu'on a suivi depuis deux ans. La commission parlementaire a siégé pendant deux semaines. On a entendu plus d'une quarantaine de groupes, 42 ou 43, je pense. À peu près tout le monde qui voulait parler de cette question, faire des propositions, des commentaires et des recommandations a pu être entendu. Et voilà ce qu'on nous a dit. Je fais une synthèse rapide, mais je pense qu'il y a sept points qui résument l'essentiel, me semble-t-il, de ce qu'on nous a dit en commission, avec des quantifications ou des dosages différents selon les groupes qui sont venus nous voir.

D'abord, beaucoup de groupes ont regretté que le projet de loi, tel qu'il nous est présenté, ne fasse pas un lien plus spécifique, plus clair avec une politique du médicament. Parce qu'on a déjà dit que, pour pouvoir bien gérer un programme comme ça, il nous faudra une politique du médicament qui assure qu'on rencontre les objectifs qu'on s'est fixés en termes d'accessibilité, qui assure que les mécanismes de contrôle des coûts sont efficaces et qui mette le gouvernement en responsabilité de développer et la formation et l'information de tous ceux qui peuvent agir pour une bonne utilisation du médicament. «Tous ceux», ça, c'est tout le monde: c'est évidemment les consommateurs, mais c'est aussi les médecins, c'est les pharmaciens qui donnent le service directement aux patients et c'est aussi ceux qui produisent les médicaments. Alors, ça, ça doit se faire dans le cadre d'une politique, et on a regretté que le lien ne soit pas plus clairement exprimé dans le projet de loi.

Beaucoup de groupes aussi nous ont demandé d'être impliqués d'une façon plus directe. Là, le projet de loi prévoit deux mécanismes très importants pour assurer et la qualité et le contrôle de l'utilisation du médicament. Il y a le Conseil consultatif de pharmacologie qui existe depuis 25 ans et qui, régulièrement, dans le cadre du régime public qu'on a présentement, deux fois par année, révise une liste de médicaments qui représentent la couverture du régime public. Et le ministre prend une décision sur la base des recommandations de ce comité. Le projet de loi recommande que le mandat de ce groupe puisse être un peu élargi pour que, en plus de statuer, d'aviser le ministre sur la qualité thérapeutique du médicament, on avise aussi le ministre quant à la valeur qualité-prix, quant au prix juste et équitable qu'on doit payer pour les médicaments qui vont être mis sur la liste et offerts à tous ceux qui peuvent en avoir besoin. Alors, beaucoup de gens nous ont demandé d'être représentés sur ce comité-là, qui est un comité très, très technique présentement.

Même chose pour le comité de révision de l'utilisation des médicaments, qui est une procédure qui existe déjà pour les médicaments consommés dans les établissements par les personnes qui sont hébergées ou qui sont à l'hôpital et qu'on va maintenant étendre à la consommation de l'ensemble des médicaments. Et là aussi, c'est un travail très technique de surveiller, sur une base statistique, l'utilisation du médicament, pour pouvoir identifier pour quel médicament, à quel endroit au Québec on semble avoir des profils de consommation qui sont exagérés, pour qu'on puisse aussi intervenir auprès des professionnels impliqués, demander la collaboration des gens, donner plus d'information, pour qu'on fasse les ajustements nécessaires. Alors, ils nous ont demandé d'être représentés sur ces groupes-là, ou autrement, d'être impliqués plus directement dans le développement de ce régime.

Quant aux paramètres du programme, la prime, la franchise et le plafond, il y a eu évidemment beaucoup de réactions. Les journaux d'ailleurs en ont beaucoup parlé au cours des deux dernières semaines. Quant à la prime, on a d'abord eu les assureurs qui sont venus nous dire que, malgré les travaux qu'on avait faits avec eux pendant les sept ou huit derniers mois, malgré que l'évolution de ces travaux avait indiqué qu'il semblait en effet possible pour les assureurs privés de pouvoir offrir des programmes individuels avec les paramètres que le gouvernement avait annoncés, c'est-à-dire avec une prime qui serait entre 175 $ et 200 $, à la fin de leurs travaux, les assureurs ont conclu qu'ils trouvaient le risque un peu trop grand pour eux, parce que, nous ont-ils dit, ils ont une bonne expérience du collectif, mais ils ne connaissent pas tellement l'assurance individuelle, ce n'est pas un marché qu'ils ont développé.

Quant à la capacité de gérer ce genre de programme, présentement, les programmes collectifs sont gérés en étroite collaboration avec les employeurs, dans le cadre de l'endroit où se retrouvent les personnes qui sont assurées, et ça leur demande un développement, donc une capacité de gestion beaucoup plus grande que ce qui leur avait semblé être la situation en examinant et en discutant avec nous de ce projet. Pour toutes ces raisons, ils sont venus nous dire que, pour offrir ce programme, eux, ils considéraient des primes sensiblement plus élevées que ce que le gouvernement avait souhaité, c'est-à-dire que pour une famille monoparentale, au lieu d'avoir une prime entre 175 $ et 200 $, on parlait d'avoir une prime de l'ordre de 358 $; pour une famille où il y a deux adultes, au lieu d'avoir une prime entre 350 $ et 400 $, comme le voulait le gouvernement, on parlait d'une prime de 560 $ ou 565 $, ce qui est, je l'ai dit dès ce moment-là, trop élevé et ce qui ne correspond pas à nos objectifs.

Des gens sont venus nous dire que, même si la prime était plus dans le sens de ce que le gouvernement a proposé, il pouvait y avoir une difficulté de liquidité financière, c'est-à-dire que, si cette prime devait être payée par les gens qui, normalement, paieraient une prime partielle seulement, avec un régime travaillant avec les assureurs privés, la seule façon de gérer le programme, c'est que les gens paient la prime au complet et qu'à la fin de l'année, quand leur revenu est connu, au moment où ils font leur rapport d'impôts, connaissant, par le rapport d'impôts, leur revenu, il devenait possible de faire une compensation pour la prime payée en trop. Ça, ça va, mais les gens sont quand même obligés de la débourser, la prime. On s'est dit que, pour certains étant dans des créneaux de revenu un peu faibles, ça pouvait présenter un problème.

À part la prime, dans un programme comme ça, il y a une franchise, une coassurance et un plafond. Alors, on nous a dit que, même si la franchise et le plafond... et plusieurs nous ont dit qu'en général c'étaient des paramètres – si on compare à ce qui existe par ailleurs – assez généreux, mais, là aussi, qu'on avait un problème de liquidité. C'est-à-dire que, si on a une franchise de 100 $ à payer et un plafond, qu'on proposait, pour les plus petits revenus, à 300 $, ou à 500 $ pour les personnes âgées qui ont le supplément partiel de la pension de vieillesse, si les premières prescriptions représentent un montant important, d'être obligé de payer la franchise au complet de 100 $ et de se rendre jusqu'à son plafond avant d'arrêter de payer, pour des gros consommateurs, ça pourrait demander des déboursés assez importants pendant les premières semaines et les premiers mois avant d'en être arrivé au-delà de la franchise pour avoir 75 % de remboursement sur les achats, et voire de se rendre jusqu'au plafond, pour ceux qui étaient des gros consommateurs.

Quant aux paramètres qu'on jugeait quand même assez généreux, on nous a dit: Il y a quand même peut-être un petit problème pour les personnes de plus faible revenu, où le plafond de 300 $ qu'on proposait pour elles peut sembler un peu élevé. Vous vous rappelez? Il y a 300 $ de proposé pour les gens qui sont des prestataires de la sécurité du revenu ou des personnes âgées qui reçoivent le supplément total du revenu garanti, un plafond de 500 $ pour les personnes âgées qui ont le supplément partiel, et le plafond général, pour l'ensemble de la population, à 750 $, étant entendu que les enfants sont couverts complètement, sans aucune prime, aucune franchise. Alors, voilà donc les commentaires qu'on nous a faits pour les paramètres financiers du programme.

(23 heures)

Un autre point qu'on a fait valoir, c'est de la part des employeurs et de la part des syndicats et des assureurs aussi, qui gèrent les régimes collectifs, qui couvrent 4 500 000 personnes. Alors, on nous a dit qu'on acceptait les paramètres comme ils étaient présentés. On pouvait faire les ajustements que le régime du type de régime mixte proposait, mais que ça demanderait probablement plus de temps que les six mois demandés par le gouvernement, en présumant et en espérant que le projet de loi puisse être adopté au cours de cette session-ci, et avec l'objectif d'avoir un programme en opération au 1er janvier pour couvrir l'ensemble des personnes.

On dit que ça, ça risque d'être un peu serré, parce que, pour aller identifier à l'intérieur des programmes collectifs existants la partie du médicament qui correspondrait au régime général, ça peut présenter des difficultés, nous a-t-on dit, et on trouvait que la gestion de cette rencontre dans le domaine privé de l'individuel, comme programme, comme prime, avec le collectif, ça pouvait devenir un peu lourd et on aurait besoin peut-être d'un peu plus de temps pour tout mettre ça en place.

Deux autres points qui ont été soulignés, qui sont peut-être un peu plus pointus mais qui ont aussi leur importance, trois en fait. D'abord, les pharmaciens, qui ont trouvé qu'un régime qui propose un honoraire unique pour les pharmaciens, peu importe qu'ils remplissent des prescriptions, qu'ils donnent un service à des patients dans un régime privé ou public, ça les mettait peut-être dans une situation un peu difficile ou qu'ils trouvaient, à ce moment-là, plus difficilement acceptable.

Et, finalement, on mentionnait un autre point, on nous a dit de faire bien attention à la complexité possible sur le plan administratif, de bien s'assurer que des personnes ne risquaient pas de se retrouver entre deux programmes, que quelqu'un qui a un emploi qu'il quitte ou qu'il perd, pour une raison quelconque, où il était protégé par un collectif, ne risque pas de se retrouver, pendant une période de temps, sans avoir de police individuelle privée qui puisse le couvrir à ce moment-là; et ça, ce n'était pas évident comment on pourrait faire.

Alors, M. le Président, ça a été très riche comme contribution. C'était heureux de voir qu'en général on a eu une confirmation que ce programme était souhaité maintenant; que, dans son ensemble, le programme rencontrait assez bien les objectifs et les besoins de la population. Mais, comme je vous l'ai résumé, il y avait quand même des points importants qui avaient été soulignés.

Bon. Heureusement, la façon dont on a travaillé depuis deux ans nous a permis – c'est pour ça que je l'ai rappelé tout à l'heure – d'avoir dans nos cartons tout l'éventail des différentes avenues possibles qui avaient été explorées. Dans les jours qui ont suivi la commission parlementaire, on a révisé l'ensemble de la situation et voilà que je peux informer cette Assemblée et la population que, lors de l'étude en commission, nous allons proposer un certain nombre de modifications qui, je pense, bonifient très bien le programme et répondent, il me semble, à peu près à tous les commentaires et les suggestions, voire les critiques qu'on nous a formulées.

D'abord, en ce qui regarde la politique du médicament, la politique du médicament sera intégrée dès le début de ce projet de loi en référant très bien à l'engagement du ministère et du ministre d'assurer que les objectifs du programme, dans le cadre d'une politique, vont être réalisés pour ce qui regarde l'équité du partage des coûts, l'accessibilité aux médicaments, l'utilisation optimale des médicaments, d'assurer la formation des professionnels et l'information à toute la population, de même qu'aux professionnels qui sont impliqués dans ce domaine, et de bien s'assurer que le programme est géré de façon efficace.

Tous ceux qui ont demandé de pouvoir être plus près des lieux de décision, de pouvoir agir directement dans le développement de ce programme, qui souhaitaient le faire au niveau des deux comités très techniques, soit du Conseil consultatif de pharmacologie ou de révision de l'utilisation du médicament, ce qu'on va proposer, c'est qu'on mette sur pied, dans la loi, en lien avec la politique du médicament, comme le recommandait d'ailleurs le rapport de l'équipe Castonguay, un groupe de concertation. On ne créé pas une autre structure, là, qui va impliquer un gros appareillage, mais un groupe de concertation de tous ceux qui sont impliqués, et qui souhaitent l'être, et qui seront en lien direct avec le décideur, avec le ministre pour pouvoir l'aviser sur le développement de la politique et sur le contrôle de la politique du médicament. Alors, je pense que, par là, on rejoint vraiment le souci de tous ceux qui voulaient s'assurer que tout ce programme ne va pas se développer comme une machine technique hors contrôle, mais que la population pourra, par un groupe de concertation, et les élus, par le ministre qui doit rendre compte à l'Assemblée nationale, garder un contrôle sur ce programme. Le Conseil consultatif de pharmacologie sera amené, dans un contrat élargi, dans un mandat élargi, à surveiller d'abord la qualité thérapeutique mais à s'assurer qu'on en a pour notre argent et que, s'il y a deux médicaments possibles, disponibles, un qui a un prix très élevé de 3 000 $, par exemple, par année, pour un patient – il y en a beaucoup – et un autre qui peut coûter 1 000 $, à qualité thérapeutique égale, bien, c'est bien sûr qu'on va s'assurer d'avoir une liste de médicaments qui soit la plus efficace possible pour qu'on dépense bien l'argent de la population et que, comme on nous l'a dit souvent, on fasse un bon dosage pour rendre disponibles à la population les médicaments, soit des industries de marque ou du générique, compte tenu de leur prix et de la qualité du médicament, de sorte que le programme puisse vraiment être administré le plus efficacement possible.

Quant au comité de révision du médicament, on va aussi proposer quelques modifications dans sa composition, dans ses fonctions pour pouvoir élargir un peu et assouplir dans le sens des recommandations qui nous ont été faites, mais je ne pense pas qu'il soit utile d'aller dans les détails aujourd'hui à ce sujet. Quant au régime lui-même que nous proposons, je pense qu'on peut, là aussi, rejoindre à peu près les principaux commentaires et critiques qui ont été faits. Le régime qui est proposé, à partir des scénarios qu'on avait élaborés auparavant, compte tenu de ce qu'on nous a dit, aura, comme régime général, trois caractéristiques qu'on va retrouver partout, dans le collectif comme dans l'individuel.

D'abord, il y aura une liste unique. La liste que le ministre va approuver sera la liste que tous les assureurs devront rendre disponible à leurs assurés. Deuxièmement, le plafond maximal sera le même pour tout le monde, le plafond maximal de 750 $. Personne n'aura à payer plus que 750 $ par année pour les médicaments. Et, finalement, la coassurance, ce pourcentage que l'on paie une fois qu'on a payé la franchise au complet, on paie 25 % dans le régime public, et ce 25 % va devenir le plancher, si vous voulez.

Tous les régimes ou presque tous les régimes collectifs, présentement, ont une coassurance plus généreuse. L'assureur, présentement, rembourse soit 90 %, soit 80 %. S'il y a des ajustements qui sont faits dans les régimes publics pour tenir compte que, maintenant, les régimes collectifs devront couvrir tout le monde, on ne pourra plus faire d'exclusion de gens à cause de leur état de santé ou à cause de leur âge. Si on calcule que l'impact d'assurer une liste unique et de couvrir tout le monde dans les régimes collectifs peut amener certains ajustements, on a évalué, et les assureurs aussi évaluent que ça pourrait amener des ajustements des primes collectives dans un an, deux ans, trois ans, quand les conventions collectives seront renégociées, à une augmentation peut-être de 5 % à 10 %.

Par ailleurs, on sait très bien, il y a plusieurs démonstrations qui ont été faites qu'il y a beaucoup d'autres ajustements qui pourront être faits dans les assurances de santé qui comprennent le médicament, mais beaucoup d'autres choses aussi que les assureurs offrent dans le collectif, soit le paiement de la chambre privée, le paiement de certaines médecines alternatives, le paiement pour l'ambulance ou des choses du genre. Alors, on s'attend qu'il y ait peut-être un réaménagement de ces bénéfices-là, mais on ne pourra pas aller plus loin que 25 % pour la coassurance, on ne pourra pas rembourser, autrement dit, moins que 75 % du médicament. Alors, voilà donc pour les caractéristiques du régime général.

(23 h 10)

Le régime individuel. On a pu déjà rendre publique cette information aujourd'hui: comme ce n'est pas possible pour des assureurs privés d'offrir l'assurance individuelle avec les paramètres qu'on s'était fixés, alors, on va prendre l'autre scénario, un des autres scénarios qui avaient été envisagés, qui est de demander à la Régie de l'assurance-maladie du Québec d'assumer cette responsabilité. Et ça, ça peut se faire avec une prime totale incluant... parce qu'on a toujours dit que la prime qui était proposée par M. Castonguay, dans son rapport, était de 176 $ plus les frais administratifs; moi, je me suis toujours engagé à ce qu'on arrive à faire ça entre 175 $ et 200 $. Alors, au total, y compris les frais administratifs, la prime sera de 175 $ par personne adulte. Ce qui veut dire que, pour une famille monoparentale, ce sera une prime de 175 $. Pour une famille où il y a deux adultes, la prime sera de 350 $, la prime totale individuelle des deux adultes, et qui couvre, à ce moment-là, aussi les enfants.

De plus, les personnes qui ont des revenus, et je ne donnerai pas tout le détail de l'échelle de revenus, mais elle, aussi, a été rendue publique lors de la consultation... Alors, selon la même échelle qui avait été proposée, il y aura une prime progressive de 40 $ par 1 000 $ de revenu à partir, pour un individu, d'un revenu de 10 400 $ jusqu'à un revenu, pour une famille, de 30 900 $. En bas du 10 400 $, il n'y a pas de prime qui est payée pour l'individu et, pour une famille au-delà de 30 700 $ à peu près, on devra commencer à payer la prime complète. Mais, entre les deux, il y aura une gradation régulière. Et comme c'est la Régie de l'assurance-maladie du Québec qui va gérer le programme, on n'aura plus besoin maintenant de payer la prime régulièrement, sur une base mensuelle, et, pour les gens qui ont une prime partielle à payer, d'être compensés seulement à la fin de l'année.

Contrairement à ce qu'on a dit, ce n'est pas un impôt. On prévoyait utiliser le ministère du Revenu, demander au ministère du Revenu, dans l'ancien régime qu'on proposait, de compenser. Et là les assureurs, eux, collectent leur prime par l'intermédiaire de l'employeur; c'est l'employeur qui, dans le collectif, fait la perception de la prime. Dans le régime individuel public, la perception de la prime va se faire par le ministère du Revenu, qui est l'organe du gouvernement qui est équipé, organisé pour faire la perception de ce que les personnes doivent contribuer au gouvernement, d'une façon ou d'une autre. Mais le gros avantage pour la population, c'est qu'on paiera après avoir consommé plutôt que d'être obligé de payer, avant, la prime.

Comme il était prévu dans la proposition originale, les enfants de moins de 18 ans, de même que les enfants de 18 à 25 ans qui sont encore aux études et domiciliés avec leurs parents, pas nécessairement résidents, domiciliés... Ça veut dire que, pour une famille de la Gaspésie ou de la Côte-Nord, avec un enfant de 18 à 25 ans qui est aux études à plein temps à l'université, à Québec ou à Montréal, cet enfant-là demeure domicilié chez ses parents même s'il réside sur le campus de l'université ou dans la ville où il fait ses études pour une majeure partie de l'année... alors, ces gens-là sont couverts sans aucune charge, aucuns frais. Et on a rajouté, à la suite de plusieurs représentations qui nous ont été faites, la même protection sans frais pour les personnes handicapées, dans la mesure où la déficience qui crée le handicap existe avant l'âge de 18 ans pour ces personnes, ce qui est une approche assez standard dans ce genre de programme.

Alors, je pense qu'il y a déjà là plusieurs bonifications en tout ce qui regarde le financement du programme par une prime qui reste la prime qu'on a annoncée, qui couvre tous les frais et qui sera perçue de façon beaucoup plus facile pour les gens, après la consommation plutôt qu'avant.

La franchise demeure à 100 $, la première partie qu'on doit payer, mais on va être capable de la gérer en ayant un seul régime public qui est déjà en interaction et qui sera en interaction directe, au mois de janvier, avec toutes les pharmacies. Puis on va pouvoir gérer de façon beaucoup plus fine. Et la franchise de 100 $ sera gérée sur une base trimestrielle. Ça veut dire que personne n'aura à payer au complet les médicaments avant le niveau où le programme commence à payer une partie, pour plus que 25 $ par trois mois. Alors, même si la première prescription peut être plus importante, la première portion qu'on va payer à 100 %, ce sera juste 25 $ par trois mois.

La coassurance demeure la même; après avoir payé, pour les premiers trois mois, 25 $, on paiera seulement le quart de ce que coûte la prescription, l'ensemble des ordonnances, jusqu'au plafond qu'on avait annoncé. Maintenant, là, on peut faire une amélioration des plafonds, comme on nous l'a demandé pour les petits revenus. On se rappelle que les prestataires d'aide sociale et les personnes âgées qui reçoivent le maximum du revenu minimum garanti, le projet de loi original proposait un plafond à 300 $. Là, on va pouvoir le baisser à 200 $, ce plafond, et, lui aussi, le gérer sur une base trimestrielle. Alors, ça veut dire qu'une personne ne paiera pas plus, dans cette catégorie de personnes, que 50 $ par trois mois. Alors, même le problème de liquidité, d'avoir assez d'argent pour acheter son médicament ne va pas se présenter. Il y aura seulement 25 $ de franchise, après ça, on paie seulement le quart, jusqu'à un maximum possible de 50 $ par trois mois. Les personnes âgées qui reçoivent le supplément partiel de revenu garanti auront le plafond qui avait été prévu, on le garde à 500 $, mais, lui aussi, ce sera sur une base trimestrielle. Donc, par trois mois, ce n'est pas plus de 125 $, maximum, que les gens auront à payer, et on recommence à zéro, si vous voulez, dans le trois mois suivant, mais toujours avec le même plafond. Et, finalement, même chose pour le plafond de 750 $, qui va être un plafond de 187,50 $ par bloc de trois mois.

Alors, ça nous ramène le programme, je pense, avec une prime qui est beaucoup moins élevée que ce que nous avaient dit les assureurs et qui correspond à ce qu'on a toujours dit. On règle le problème de liquidité, parce que les montants à payer à chaque achat vont être contrôlés comme je viens de le décrire. On permet d'avoir un ajustement beaucoup plus souple avec les régimes collectifs, qui vont avoir plus de temps pour s'ajuster, selon leur échéancier de négociation présentement. Il y a une simplification administrative qui est très importante pour pouvoir gérer, d'une part, les programmes individuels et, d'autre part, les collectifs. Et la difficulté dans laquelle se trouvaient coincés, nous ont dit, les pharmaciens, d'être pris à négocier devant tous les assureurs privés et le gouvernement en même temps, va être dissipée. Cette situation va demeurer ce qu'elle est présentement. Les pharmaciens propriétaires auront une prime, un honoraire qui est négocié déjà avec le gouvernement, ils vont continuer à avoir les honoraires qu'ils ont déjà négociés, qu'ils continueront de négocier avec les assureurs privés.

Pour garder toute la transparence dans la gestion de ce programme, il y a deux autres éléments très importants. Un qui était déjà dans le projet de loi, c'est que ce projet va être financé grâce à un fonds spécial d'assurance-médicaments qui va être constitué par les primes que les gens paient. Alors, les gens nous ont souvent dit: On est peut-être un peu prêts à payer, à contribuer un peu plus pour quelque chose comme des services de santé, mais on voudrait être bien sûrs que ça va être utilisé pour ça par exemple, que ça ne risque pas d'être utilisé à n'importe quelle source. Les personnes âgées nous ont dit qu'elles étaient prêtes à partager mieux avec ceux qui avaient moins de revenus qu'elles, mais elles nous ont dit, en commission: On voudrait bien être sûres que l'argent qu'on va contribuer sert vraiment à ça puis qu'on sache à qui ça va. Alors, ça, ça va être très transparent. Il y a un fonds, qui va être un fonds géré publiquement et qui va rendre compte de l'argent des primes et de la façon dont il est utilisé pour financer ce programme.

Et, de plus, pour s'assurer qu'on se donne une obligation de résultat, on va proposer un article additionnel dans la loi qui va dire que tout ce programme sera révisé par une commission parlementaire trois ans après sa mise en application. Alors, on aura la chance... Comme il y aura une politique du médicament, un comité qui avise le ministre sur une base régulière, et que, trois ans après la mise en oeuvre du programme, il y aura une révision par une commission parlementaire, là on aura vraiment un régime qui sera transparent, qui sera ouvert. Les gens pourront sentir que c'est leur programme, qu'ils se l'approprient, qu'ils peuvent le contrôler, et, dans trois ans, on pourra apporter des bonifications qu'il faut. On en fera une révision pour faire les ajustements qu'il faut, et on ne risquera pas de s'être embarqué dans quelque chose qui pourrait risquer de devenir hors contrôle, sans aucun moyen d'arrêter un régime qui se serait emballé, si c'était le cas. Mais, avec tous les moyens de contrôle qui sont prévus et regardant l'expérience d'autres pays et d'autres provinces du Canada à cet égard, je pense que, là, on a quelque chose qui ne peut pas ne pas fonctionner.

(23 h 20)

Alors, ce que je veux rappeler, en terminant cette présentation, M. le Président, sur le contenu du programme, c'est qu'à peu près tous les commentaires et suggestions, je pense, ont pu être pris en compte, et j'en suis très content. Les objectifs qu'on avait annoncés sont confirmés dans le cadre des paramètres qu'on avait annoncés. Quand on a fait des changements de paramètres, ça a été pour une amélioration. Il y a une simplification, comme je disais, administrative très importante, avec un partage où on a encore un partenariat privé- public, mais un partenariat avec les responsabilités identifiées de façon plus claire, plus nette, où, un, le privé s'occupe du collectif, le public s'occupe du privé, les deux selon la compétence qu'ils ont développée, selon l'expérience qu'ils ont développée. Dans le public, on a développé une compétence pour gérer des régimes individuels, le privé a développé une compétence pour le collectif; les deux sont donc complémentaires pour appliquer le même régime qui, je le rappelle, va couvrir la même liste de médicaments, avec le même plafond maximal de 750 $ pour tout le monde, et une coassurance qui sera au moins un copaiement fourni par l'assureur au moins de l'ordre de 75 % du coût du médicament.

Cette approche nous permet de diminuer de façon importante le nombre de règlements. Comme on simplifie beaucoup la gestion, il y aura besoin... L'opposition nous a beaucoup reproché d'avoir un tas de choses qui vont se décider par règlement. Alors, ça va être facile, on va réduire le nombre de règlements. Et ce qu'on va proposer en commission parlementaire, c'est que même les paramètres financiers soient dans la loi. Comme on va la réviser dans trois ans, ça sera très clair que les gens ne risquent pas que les paramètres d'utilisation, de consommation, de franchise, de coassurance et de plafond risquent d'être changés et qu'on les bouge. Ils pourraient être dans la loi et on va alléger beaucoup la réglementation qui était prévue.

Et, finalement, on a un régime qui va être géré, comme je le disais, en toute transparence, pour que la population suive très bien ce qui va se passer.

Dans les quelques minutes qui me restent, je voudrais dire quelques mots sur cette question de l'objectif budgétaire que comprend aussi ce programme. On ne s'en est jamais caché, M. le Président. On est dans une situation où le gouvernement a décidé, appuyé par ses partenaires sociaux et ses partenaires économiques, de prendre le contrôle de nos finances publiques, de faire l'assainissement de nos finances publiques. On ne peut pas continuer – je pense que tout le monde a compris ça dans la population – à s'endetter comme on le fait là, on a presque doublé notre dette au cours des 10 dernières années. On a un déficit qui n'est plus supportable.

Pour la première fois, l'année passée, on a un gouvernement qui a baissé pour une première fois le déficit et qui n'a pas dépensé plus que les revenus qu'il avait eus durant l'année; ça ne s'était pas vu depuis une couple de décennies au Québec. Et là on a annoncé clairement que, pour les trois prochaines années budgétaires, on va baisser le déficit progressivement. L'an passé, on l'a baissé en bas du 4 000 000 000 $; il va être à 3 200 000 000 $ à la fin de l'année budgétaire actuelle; l'année prochaine, il sera à 2 200 000 000 $; et l'année d'après, en 1998-1999, il sera à 1 200 000 000 $. À ce moment-là, on aura passé au-dessous de la barre de ce qu'on appelle le niveau des comptes courants. On aura arrêté d'emprunter pour payer l'épicerie; parce qu'à 1 800 000 000 $ de déficit par année on a le déficit qui comprend le coût des immobilisations et de la dette. On a arrêté d'emprunter pour ce qu'on dépense en cours d'année, compte tenu des revenus qu'on a.

Et on sait que ça va nous permettre, en l'an 2000, de rentrer dans le prochain cycle avec un déficit zéro et d'avoir pu commencer à contrôler notre dette. Parce que, présentement, ça n'a pas de bon sens. Sur chaque dollar de taxes qu'on paie, il y a 0,15 $ qui vont au service de la dette, juste pour nos intérêts, et ça a augmenté à chaque année. Si le déficit n'arrête pas, ça augmente tout le temps. Alors, c'est de l'argent des taxes qui ne va pas pour donner des programmes puis des services aux gens, qui va pour régler un problème de dette, parce qu'on s'endette régulièrement d'année en année.

Ça fait qu'aujourd'hui, sur une base per capita au Québec, on a une dette d'un peu plus de 10 000 $ dans nos poches, qui est notre part de la dette publique. C'est la plus haute au Canada. L'Ontario est à 8 000 $, c'est ceux qui nous suivent. Ils sont à 8 000 $ de dette per capita. Alors, ça, c'est un régime qu'on ne peut pas tenir; on ne s'en n'est pas caché, il faut qu'on fasse une réduction de nos dépenses.

Le domaine de la santé est relativement protégé là-dedans, mais on est un peu plus de 30 % des dépenses de programmes du gouvernement; l'éducation fait à peu près 25%; la sécurité du revenu fait 15 %; le service de la dette, 15 %. Ça laisse à peu près 20 % des dépenses du gouvernement au maximum pour l'ensemble de toutes les autres dépenses. Alors, on ne peut pas ne pas réajuster un peu dans le domaine de la santé.

On a un investissement de notre produit intérieur brut qui est encore 9,5 % à 10 % de notre richesse collective dans le domaine de la santé. Tous les pays qui se comparent au Canada sont plutôt autour de 8 %, 8,5 %. Alors, on le sait, il faut que nos dépenses diminuent. Mais il y a moyen – puis on peut le montrer par ce programme-là – de diminuer, de faire effectivement une économie pour le gouvernement en répartissant le coût différemment, de faire une économie de l'ordre de 200 000 000 $ à 250 000 000 $. Ce n'est pas 300 000 000 $, 350 000 000 $; là, il y a une inflation du côté de l'opposition. Quand les chiffres bougent puis changent, là, ce n'est pas parce qu'on les change, nous autres, là; c'est parce que c'est les autres qui oublient, qui les répètent, puis qui tirent n'importe quel chiffre en l'air, et ça donne l'impression qu'on les a changés, mais on ne les a pas changés.

Alors, il y aurait une économie de l'ordre de 200 000 000 $, 250 000 000 $, quand le régime sera à maturité, à sa deuxième année. On répartit différemment le poids. Et l'économie qu'on fait du côté du médicament, bien, ça nous permet de maintenir beaucoup d'autres services de santé à un niveau qui fait que chacun va recevoir ce qui est médicalement requis selon son besoin.

Ceux qui sont amenés à joindre ce programme, même avec cette économie que va faire le gouvernement, qui va permettre de préserver d'autres services... On ne s'en cache pas, c'est un partage de coûts différent. On peut bien jouer avec des chiffres puis parler de taxe, puis parler d'impôt, puis essayer de tout mêler, mais c'est un partage plus équitable parce que la nouvelle population qui va être couverte, le 1 100 000 personnes qui n'ont aucune couverture présentement, ces gens-là sont composés, d'abord, de 300 000 enfants pour lesquels il va n'y avoir aucun coût. Des 800 000 adultes, dans cette population, il y en a 500 000 qui ne vont payer aucune prime parce que c'est des gens à très petit revenu. Ils ne vont payer aucune prime puis ils vont avoir une couverture de ce que je viens de dire. Dans le 300 000 qui vont payer une prime, il y en a qui vont payer une prime partielle et ceux qui ont un revenu plus élevé vont payer la prime au complet. Alors, ces gens-là vont avoir la protection, les personnes âgées qui vont contribuer plus, effectivement, compte tenu de leur revenu, vont avoir une prime qui va aller dans un fonds spécial et qui va permettre, d'abord entre personnes âgées, d'aller couvrir celles qui sont de 60 ans à 65 ans. Les retraités, maintenant, sont retraités plus jeunes et beaucoup étaient laissés sans aucune protection. Il y aura un partage entre générations, aussi, équitable sur une base du revenu. On n'en est contre aucun groupe, là-dedans, je pense que c'est important qu'on comprenne ça. Je sais que les personnes âgées que j'ai pu rencontrer, avec qui j'ai pu discuter, quand on s'explique correctement... J'ai rencontré des gens très responsables, une réaction très, très responsable de la part des personnes âgées. Mais elles nous ont demandé d'administrer le programme de façon transparente, qu'elles soient sûres de voir où leur argent va aller, et d'avoir l'assurance que tout le monde est couvert de la même façon et vraiment couvert selon ses moyens.

Alors, il ne faut pas que l'opposition fasse déraper le débat en évitant de parler des vraies choses, en essayant de faire un discours à savoir est-ce que c'est un impôt, une taxe ou une contribution ou une prime qu'on paie. C'est une contribution sous forme d'une prime pour se donner un programme beaucoup mieux partagé. Et j'espère que le comportement qu'on a vu ce soir, c'est le bout de la démonstration qu'a pu nous faire l'opposition, parce qu'il y a un problème de conscience, là. Il faut vraiment être conscient de ce qui se passe. Il y des gens qui l'attendent, ce programme-là, des gens qui ont des nouveaux médicaments qui coûtent 15 000 $ à 20 000 $ par année, soit parce qu'ils ont un problème comme le sida, la fibrose kystique, la sclérose en plaques, des cancers. Ces gens-là l'attendent, le programme. Ils en ont besoin. Ça fait partie, pour une bonne part d'eux, de ce 1 100 000 personnes qui n'ont aucune couverture actuellement.

Alors, de retarder l'approbation d'un programme qui est développé, qui est à maturité, qui est le produit d'un travail de deux ans... On a montré qu'on était capables, rapidement, de faire les ajustements selon ce que les gens nous demandaient. C'est parce qu'il y avait une sacrée préparation derrière, ça, parce qu'il y avait tout un bagage de scénarios possibles qu'on pouvait ajuster, qu'on avait déjà examinés. Alors, ce n'est pas des ajustements de panique de dernière heure. Au contraire, c'est des ajustements qui correspondent à ce qu'on nous a demandé. Le programme, il est prêt à partir, les gens attendent après, et toute manoeuvre de dilution, de nous faire perdre le temps, de lancer le débat sur des voies qui n'ont rien à voir avec le coeur de ce programme-là, je pense qu'à ce moment-ci, autant pour la couverture des gens qui en ont besoin que pour l'objectif budgétaire du gouvernement, qui est un objectif collectif de la société québécoise de prendre le contrôle sur nos finances publiques, ce serait une irresponsabilité grave. On est rendu à un point où il faut avoir le courage d'agir. On a une proposition qui se tient debout, on verra la réaction au cours des prochains jours, et je fais un appel à la collaboration de l'opposition. On a tendu la main le plus qu'on a pu à l'opposition. Si l'opposition veut collaborer, veut qu'on s'assoie, qu'on voie ce programme-là article par article avec les amendements qu'on va proposer... S'il y a encore des bonifications à y faire, on les fera dans l'étude article par article et on n'a aucune raison, M. le Président, qui nous empêche de revenir ici en dedans des prochains 15 jours, d'approuver ce programme-là et, enfin, de régler un problème important pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Je vais maintenant céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Robert-Baldwin. M. le député.

(23 h 30)


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Merci, M. le Président. M. le Président, ça me fait plaisir de vous parler, ce soir, du ministère de la Santé, plus particulièrement appelé ministère de l'improvisation, ministère de la taxation et ministère du manque de compassion.

M. le Président, je voudrais d'abord affirmer que le dernier virage que nous avons entendu aujourd'hui, et qui s'est amorcé vendredi dans les officines de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, démontre, encore une fois, que ce qui se passe au ministère de la Santé relève de la pure improvisation; c'est l'improvisation érigée en système. On a demandé aux fonctionnaires de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, vendredi soir, de trouver un moyen pour pallier aux difficultés très nombreuses du programme d'assurance-médicaments, communément appelé programme de récupération de taxes, du ministre de la Santé. Alors, les fonctionnaires ont été mis à contribution, toute la fin de semaine, le soir, même la nuit, on a pu voir des étages qui étaient complètement illuminés, on pouvait voir les gens travailler. Et c'est encore à la dernière minute qu'on arrive avec une nouvelle proposition.

Pourquoi une nouvelle proposition, M. le Président? Je pense que c'est assez simple. Lorsque les regroupements d'assureurs privés, ceux qui sont venus nous voir en commission parlementaire, ont contesté, de très bonne façon, les chiffres du ministre, parce qu'il avait fait des oublis dans ses calculs, eh bien, le ministre, qui est quelquefois orgueilleux, n'a pas pris ce que les représentants des assureurs lui ont dit, et, maintenant, ils leur fait payer. C'est après ces représentations que nous avons eues que le ministre a décidé de demander à la Régie de l'assurance-maladie du Québec de prévoir toutes les failles nombreuses de son projet de loi et de les corriger.

M. le Président, un programme d'assurance-médicaments universel devrait avoir comme objectif d'aider les personnes à avoir une plus grande accessibilité aux médicaments. Lorsqu'on parle d'un véritable programme d'assurance-médicaments universel, eh bien, c'est facile d'aller chercher les contributions des différents groupes, les supports des différents groupes, quelle que soit la formation politique, de l'ensemble des députés. Lorsqu'on parle d'un véritable programme d'assurance-médicaments universel, c'est possible d'avoir une contribution quasi unanime de toutes les formations politiques.

M. le Président, où ça se complique, c'est lorsque le programme, qui doit être un programme d'assurance-médicaments universel, devient un véritable programme de taxe universel. Là, on a des difficultés. Quand on commence un programme aussi important et qu'on poursuit deux objectifs en même temps, c'est là qu'on fait une erreur. Le premier objectif, c'est d'assurer les 1 200 000 Québécoises et Québécois qui ne sont pas déjà à l'intérieur d'un programme d'assurance-médicaments. C'est un objectif sûrement louable et c'est un objectif, en soi, qui mérite toute l'attention.

Mais lorsqu'on ajoute à cet objectif un autre qui est de récupérer, pour l'année en cours, 200 000 000 $ et, possiblement, l'an prochain, une fois annualisé, 300 000 000 $, eh bien, c'est là qu'on se pose de sérieuses questions. On nous fait un beau discours sur l'état des finances publiques, mais on oublie de nous dire que, pendant le référendum, on a encore ajouté un 1 % à la masse salariale de l'ensemble des employés du gouvernement, public et parapublic.

Alors, M. le Président, on peut s'inquiéter, peut-être, des remords du ministre de la Santé et que son seul but c'est vraiment de régler le problème des finances publiques, mais il faudrait peut-être penser aussi à ceux qui vont faire les frais de ces décisions. Qui sont les personnes qui vont faire les frais du programme d'assurance-médicaments? Ça, on l'a trouvé. Qui va payer? Eh bien, ce sont ceux qui vont consommer. Qui consomme le plus de médicaments? Eh bien, ce sont les personnes aînées qui consomment en moyenne près de 800 $ de médicaments par année; ce sont elles qui vont supporter près de 80 % des coûts de tout ce système.

Et, comme par hasard, on a un nouveau discours. Le ministre et le gouvernement d'en face nous donnent un nouveau discours. On nous dit que les aînés sont riches et qu'ils sont capables de payer. M. le Président, souvent, les personnes aînées ont, de peine et de misère, ramassé un petit peu d'argent. Ils ont contribué à financer largement les programmes sociaux depuis le début des années soixante. Et, maintenant, parce qu'ils ont réussi à mettre de côté un peu d'argent, eh bien, le gouvernement a trouvé le moyen d'aller chercher ce petit montant d'argent.

Le gouvernement du Parti québécois s'acharne sur les personnes aînées non seulement dans l'assurance-médicaments, mais aussi dans le dernier budget. Vous vous rappelez, M. le Président, on n'a pas hésité à abolir les crédits d'impôt auxquels les personnes aînées avaient droit: le crédit pour personne seule, le crédit de retraite, le crédit pour les 65 ans et plus. Et ça va se poursuivre, M. le Président, ça va se poursuivre parce qu'on a beaucoup de choses à financer de l'autre côté de cette Assemblée.

M. le Président, j'aimerais prendre quelques instants pour faire un court rappel historique qui s'impose, à mon avis, et bien situer la position du Parti libéral sur cette question, comme sur l'ensemble des questions à caractère social. Je crois que le Parti libéral du Québec a contribué largement à l'évolution des systèmes sociaux au Québec. On se rappelle de l'instauration du régime d'assurance-maladie dans les années soixante-dix. On se rappelle, plus récemment, de la loi 120, qui a été passée sous le régime libéral. Et le programme d'assurance-médicaments avait fait l'objet de la mise sur pied d'un comité créé par M. le ministre Marc-Yvan Côté, le comité que nous avons appelé le «comité Demers», qui avait conclu qu'il fallait établir un régime universel d'assurance-médicaments pour l'ensemble des Québécoises et des Québécois.

Par la suite, Mme Lucienne Robillard avait formé un comité de travail qui avait pour but d'analyser la faisabilité du régime. À chaque fois qu'il y a des décisions qui ont été posées par le Parti libéral par rapport à l'implantation d'un régime d'assurance-médicaments, c'était pour assurer tous les Québécois d'un véritable régime d'assurance-médicaments. En aucun temps, notre gouvernement n'a pensé récupérer des taxes à même l'instauration d'un tel régime.

Alors, en mai 1995, il y a eu les conclusions d'un groupe de travail qui a conclu – le rapport Gagnon – à la faisabilité du régime public d'assurance-médicaments. Le 8 septembre 1995 était créé le comité Castonguay, avec le mandat d'examiner différents scénarios. Le 22 mars 1996, M. Castonguay a fait rapport et a recommandé trois scénarios, dont un était privilégié.

Depuis, nous avons eu le dépôt du projet de loi n° 33, le 15 mai, et déjà on a pu voir une différenciation entre le scénario recommandé par M. Castonguay et le ministre avec son projet de loi, différenciation au niveau de la coassurance. Le rapport Castonguay prévoyait une coassurance d'un pourcentage de 20 % jusqu'à un plafond de 1 000 $, alors que le projet de loi du ministre prévoit plutôt 25 % avec un plafond de 750 $. C'est peut-être anodin en soi, mais ce que ça veut dire, dans les faits, c'est que les gens vont payer beaucoup plus vite leurs médicaments et vont rapporter plus d'argent à l'État. C'est ça, la différenciation: les contribuables vont sortir leur argent plus rapidement pour avoir leurs médicaments.

(23 h 40)

Par la suite, nous avons eu les dépôts des paramètres du régime d'assurance-médicaments par voie de communiqué – on sait qu'un communiqué ce n'est pas un document légal – nous avons eu les consultations publiques sur l'assurance-médicaments, puis, là, on a eu des surprises, surtout lorsque les assureurs sont venus dire que le ministre s'était trompé. Ça, je pense qu'il ne l'a pas pris. Le ministre a décidé d'engager son expert, il nous l'a avoué en commission parlementaire, et, lui, son expert, devait faire de nouveaux calculs actuariels et nous donner le résultat de son expertise. On n'en a pas encore entendu parler, j'imagine que ça va venir dans l'étude article par article. Mais le ministre nous a clairement indiqué qu'il avait engagé un expert, ou des experts, pour refaire les calculs, c'est dans les minutes, dans les galées de nos documents, en commission parlementaire, M. le Président.

Enfin, on est rendu au cinquième scénario, c'est un nouveau projet de loi, entre parenthèses, nouveau projet de loi, même objectif: récupérer 200 000 000 $, le plus vite possible, pour les coffres de l'État, pour financer toutes sortes de projets qui ne concernent pas les gens qui sont visés par un véritable programme d'assurance-médicaments.

Lors des auditions, nous avons relevé plusieurs problèmes. Je pense que l'ensemble des gens qui sont venus en commission parlementaire nous ont indiqué que la participation financière était beaucoup trop élevée pour la majorité d'entre eux. On a souligné que le programme d'assurance-médicaments se veut contributif et obligatoire, on se questionne toujours: Qu'est-ce qui va arriver à ceux qui ne consomment pas et ceux qui ne veulent pas consommer? On sait qu'il y a des mouvements aujourd'hui qui supportent davantage les médecines douces; est-ce qu'il y aurait lieu d'étudier une option, qu'on pourrait qualifier, si vous me permettez l'expression, M. le Président, d'«opting out»? Est-ce que tous les Québécois doivent absolument et rigoureusement être assurés, particulièrement ceux qui ne le veulent pas?

Il y a eu, M. le Président, une espèce d'unanimité dans cette commission parlementaire, lors des audiences, tout le monde a demandé, ou presque tout le monde a demandé de reporter le projet de loi, parce qu'il y avait tellement de problèmes qui ont été énoncés en commission parlementaire que les gens ont suggéré au ministre de refaire ses devoirs et de reporter son projet de loi.

M. le Président, on a eu une difficulté sérieuse quant au coût de la prime. Les compagnies d'assurances nous ont donné des exemples de frais administratifs. Aujourd'hui, on nous dit que c'est la Régie qui va assurer le coût réel de la prime et qu'il n'y aura pas de frais administratifs. M. le Président, c'est difficile à croire, et voici pourquoi: lorsqu'on parle de frais administratifs dans le domaine de l'assurance, on parle d'abord des frais de gestion, alors je peux comprendre que la Régie de l'assurance-maladie va aussi avoir des frais de gestion, comme les assureurs privés. On parle de frais de réclamations, il y a des gens qui vont réclamer, M. le Président, on peut penser qu'ils vont réclamer à la Régie et qu'il va y avoir des frais associés de la même façon que les assureurs privés. Il devrait y avoir aussi des frais de paiement automatique. Souvent, les gens peuvent payer immédiatement, sous une forme ou sous une autre, par un paiement automatique. Alors, il pourrait y avoir, dans un cas comme dans l'autre, ce genre de frais. La différence, M. le Président, dans ce que le ministre nous dit, c'est que la Régie de l'assurance-maladie ne prend pas de profit. Par contre nous savons qu'habituellement l'appareil bureaucratique coûte beaucoup plus cher que le secteur privé en termes d'administration. Alors, lorsque le ministre nous dit que c'est 175 $ alors que les assureurs privés nous disaient 230 $, il y a des dépenses quelque part qui devront être payées.

Moi, je crois les assureurs privés, je crois qu'ils ont raison de dire que c'est 230 $, et je crois que, lorsque ça va être assumé par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, la Régie va tout simplement payer les coûts de la prime autour de 175 $, mais ils auront de cachés dans leurs dépenses, dans leurs coûts, tous ces frais administratifs, M. le Président. On ne peut pas prendre la baguette magique et dire: Oups! c'est parti, il n'y en a plus de frais administratifs. C'est faux, M. le Président, ça prend une structure pour mettre en place un régime qui va donner une assurabilité à plus de 1 200 000 personnes. Donc, premier problème.

Deuxième problème majeur: on ne connaît pas les médicaments qui seront inscrits sur la liste de la Régie, et je pense que c'est très important. Actuellement, nous avons plusieurs listes. Les assureurs privés ont chacun leur liste. La Régie de l'assurance-maladie a aussi sa liste. Comment ça va fonctionner? Le ministre semble dire que ça va être la liste de la Régie. Donc, on va imposer aux assureurs privés la liste de la Régie. Ça peut être bon en soi, mais ça peut aussi avoir des effets contre-productifs.

On pense aux patients qui sont atteints de maladies graves. Le ministre a souligné... C'est la première fois que je l'entendais parler des patients qui ont contracté la sclérose en plaques, qui ont la sclérose en plaques, et dont on a entendu les témoignages en commission parlementaire. Moi, je lui ai offert, à ce moment-là, de répondre au patient, pendant qu'il était devant lui, s'il était d'accord, oui ou non, qu'on puisse inscrire immédiatement sur la liste, sur le formulaire de la Régie, le fameux médicament Betaseron. Bien des patients attendent encore.

Le témoignage que nous avons eu dans ce cas précis, M. le Président, eh bien, c'est une jeune dame qui nous a indiqué qu'elle a pu laisser son fauteuil roulant pour marcher, qu'elle a eu une meilleure qualité de vie et elle nous en a donné beaucoup d'exemples. Cependant, ce médicament, Betaseron, ne guérit pas, mais il améliore de beaucoup la qualité de la vie. Alors, on sait que l'association de la sclérose en plaques demande, depuis fort longtemps, que ce médicament puisse être inscrit sur la liste. Il est disponible aux États-Unis, il est disponible en Ontario, les chercheurs reconnaissent la valeur d'un tel médicament, mais, nous, au Québec, le Conseil consultatif de pharmacologie, au meilleur des informations que je possède, a refusé d'inscrire ce médicament sur la liste et, par conséquent, eh bien, a entraîné, je pense, une détérioration de la santé de plusieurs de ces patients, qui sont atteints de cette terrible maladie.

On a manqué une chance en or, M. le Président. On aurait pu, sur place, régler un problème. C'est un problème qui est coûteux, le Betaseron coûte entre 15 000 $ et 18 000 $ par année pour les patients. Est-ce que le critère coût, M. le Président, doit être retenu lorsqu'on décide d'une liste de médicaments? Si ce critère est le plus important, eh bien, je pense qu'on aura passé à côté d'un véritable régime d'assurance-médicaments.

De plus, cette liste doit être actualisée périodiquement, surtout en raison des développements et de la recherche dans le secteur de l'industrie pharmaceutique. L'ensemble des organisations qui représentaient les patients nous ont clairement indiqué – et là je ne pense pas seulement à la sclérose en plaques, mais, également aux associations de patients diabétiques, épileptiques, les sociétés sur le cancer – que la recherche moderne fait d'immenses progrès du côté de la pharmacologie et qu'on peut découvrir des médicaments de plus en plus efficients et efficaces, et on pourrait ajouter assez rapidement un nombre de médicaments important pour les patients, mais toujours avec cette dimension de coût qui pourrait entraîner un refus.

Alors, nous, nous avons recommandé, tout au long des commissions parlementaires, que le critère coût ne soit pas un critère retenu, mais que ce soient davantage des critères d'expertise scientifique, des critères d'efficacité et de reconnaissance dans le monde médical. Nous pensons toujours que ce genre d'amendement serait extrêmement utile et important lorsqu'on va étudier le projet de loi article par article.

Je pense aussi à l'association... je crois que c'est l'association des patients diabétiques qui a créé elle-même un comité professionnel qui fait des recherches dans le domaine du diabète, qui peuvent contribuer à éclairer le Conseil consultatif de pharmacologie de différentes façons, toujours basé sur leur expertise. Là aussi je ne vois pas, dans les documents qui nous sont présentés aujourd'hui, ce souci de s'associer avec le milieu scientifique pour trouver quels sont les médicaments les plus importants et quels sont les médicaments qui doivent être financés par le régime.

(23 h 50)

Autre difficulté, M. le Président, eh bien, la taxe de 9 %, actuellement appliquée sur le régime collectif, ne sera pas appliquée sur les primes individuelles. Alors, si vous travaillez, vous êtes taxé, M. le Président. C'est un peu le message que le ministre nous envoie. Et, il faut faire attention, le ministre annonce en grande pompe qu'il n'y aura pas de taxe de vente associée au paiement de prime. Moi, je crois que c'est partie remise et qu'à court terme le ministre des Finances nous donnera l'heure juste dans ce dossier.

Alors, finalement, la seule chose qui est universelle dans ce régime qui est proposé, bien, c'est la taxe. C'est malheureux, M. le Président. Nous aurions pu travailler ensemble. Le ministre a tendu la main. Je pense que ça aurait été extrêmement facile pour nous de tendre la main également, de se rejoindre, si le projet d'assurance-médicaments était vraiment un projet d'assurance-médicaments pour aider les gens, les Québécoises et les Québécois. Mais, tant qu'il y aura cette taxe déguisée, je pense qu'il y aura toujours une difficulté à se rejoindre et une difficulté à travailler ensemble.

M. le Président, dans le communiqué du ministre, cet après-midi, le ministre, qui nous disait tantôt, encore une fois, que ce n'est pas des impôts déguisés, ce n'est pas des taxes, mais, quand on lit – et je vous le lis, M. le Président, c'est important: «la prime qui sera perçue à la fin de l'année, avec le rapport d'impôt, plutôt que mensuellement...» La prime qui sera perçue à la fin de l'année. La prime, elle va être perçue dans votre rapport d'impôt. Ça veut dire, si je comprends bien, que, dans le rapport d'impôt, il va y avoir une ligne et ça va être marqué 175 $. Là, il va falloir que tu paies ça en impôt. Et, là, on nous dit que ce n'est pas l'impôt. Là, ça commence à frôler, M. le Président, les demi-vérités à tout le moins. On est vraiment, ici, en présence d'une promesse du premier ministre. Le premier ministre a promis que, dans son budget, il n'y aurait aucune augmentation d'impôt. M. le Président, dans le projet du ministre, la prime sera perçue à la fin de l'année avec le rapport d'impôts. J'espère que, de l'autre côté, ils auront des discussions sérieuses, mais, nous, on commence à avoir de sérieuses difficultés à croire ce qu'on nous dit. Et, quand on voit que c'est écrit, on peut se poser de sérieuses questions, M. le Président.

Le ministre nous parle d'équité sociale, non seulement le ministre mais le Parti québécois, le gouvernement du Parti québécois. Nous avons souligné, lors des audiences publiques, que quelqu'un qui gagnait 20 000 $ ou qui gagnait 100 000 $, avec une même consommation, eh bien, M. le Président, aura à débourser les mêmes montants. Alors, on nous parle d'équité sociale, de l'autre côté. C'est étirer vraiment ce qu'on peut penser de l'équité sociale et on peut se questionner sur le véritable désir de trouver cette équité sociale dans un projet de loi comme celui-là.

Autre problème, M. le Président, l'arrimage entre les régimes collectifs et les régimes individuels pour les employés occasionnels et à temps partiel, eh bien, ce n'est pas fait. Vous savez que, dans l'état de l'économie actuelle, nous avons plusieurs travailleurs et travailleuses qui occupent des postes occasionnels et des postes à temps partiel – on les appelle les emplois précaires – eh bien, ils auront à se promener d'un régime à l'autre pour toutes sortes de raisons. Et, là aussi, lorsqu'on questionne comment ça va fonctionner, bien, on n'a pas de réponse. On n'a jamais de réponse, M. le Président. Même les représentants de la FTQ nous ont fait remarquer qu'il peut y avoir plusieurs travailleuses et travailleurs qui ont deux emplois. Qu'est-ce qui arrive à ce moment-là? À quel régime vont-ils payer si un emploi est du côté assuré avec les assureurs privés et l'autre avec la Régie de l'assurance-maladie? Là aussi on se pose de sérieuses questions. On a dit que c'est la Régie qui va s'occuper des 1 200 000 Québécoises et Québécois qui ne sont pas assurés, mais, par contre, on nous dit aussi que ceux qui sont assurés par des régimes collectifs, il y aura des hausses de prime de 5 % à 10 %.

M. le Président, les paris sont ouverts. Ça ne sera pas 5 %, ça va être au moins 10 %. Comment l'expliquer, cette augmentation-là? On aimerait ça entendre le ministre à ce sujet-là.

Autre problème, M. le Président, les négociations des conventions collectives ne peuvent se faire dans un si court délai pour renouveler l'assurance-médicaments modifiée. Des représentants des employeurs sont venus nous dire qu'ils avaient de très bons régimes d'assurance-médicaments et qu'ils avaient même bonifié les régimes, que leurs régimes allaient même au-delà de ce qui est préconisé par le ministre. Eh bien, il semble qu'il faudra reconsidérer ces avantages, qui ont été négociés, pour les adapter, et il semble qu'il pourrait y avoir des problèmes, puisque ce n'est pas toutes les conventions collectives qui vont arriver à échéance le 1er janvier, M. le Président. Alors, là aussi, un autre exemple d'improvisation, on n'y avait pas pensé. Et ça nous a été confirmé de très bonne façon et de forte façon, je vous dirais, par les représentants de la CSN, de la CEQ et de la FTQ.

Les pharmaciens propriétaires, eux, sont venus nous dire un message bien simple: Ce que vous êtes en train de faire, M. le ministre, vous êtes en train d'étatiser nos pharmacies, de nationaliser nos pharmacies. J'étais surpris, pour un. Je me suis dit: Peut-être qu'ils y vont trop fort. Puis on a regardé leur mémoire comme il faut, puis, à force de les questionner, bien, on a compris. C'est le ministre qui va établir le prix des médicaments, c'est le ministre qui va établir la base de leur rémunération. On peut penser que cette façon de travailler va sûrement enlever toute la saine compétition qui existe habituellement dans une économie de marché libre. Alors, je pense qu'il faudrait, de l'autre côté, la prochaine fois que vous aurez la chance d'aller à votre pharmacie du coin, juste vérifier ce qu'ils pensent du projet du ministre. Ça vous donnerait peut-être une bonne indication de quelle façon vous pourriez voter lorsque ce projet sera mis aux voix.

Un autre problème, et c'est peut-être le problème le plus grave du projet du ministre, c'est que les impôts, les tarifs, les contributions dorénavant facturés aux plus démunis, aux personnes âgées vont nécessairement entraîner une infidélité au traitement, parce que la prise de médicaments va devenir trop dispendieuse, ce qui va détériorer la santé des patients, ce qui va les retourner dans le système, dans les services d'urgence, dans les polycliniques, dans les CLSC. Dans certains cas, même, pour des raisons humanitaires, nous prévoyons qu'il y a des médecins qui vont tout simplement hospitaliser les patients pour qu'ils puissent bénéficier d'une médication gratuite. Alors, M. le Président, je pense que c'est grave, cet élément-là. À cause du coût trop élevé, nous soutenons qu'il y aura des contribuables, des patients qui ne pourront avoir le service de médicaments que leur état nécessite et qu'ils ne se soigneront pas bien. Ça ne semble pas, M. le Président, être important pour le ministre. Ce n'est pas des considérations qui ont été discutées longuement, au moment où on était en commission parlementaire, de l'autre côté de la table. Mais plusieurs des groupes nous ont informés de cette difficulté, et il faudra qu'on trouve une solution à ce problème, sinon il en va de l'état de santé de nombreux Québécois et Québécoises.

M. le Président, il existe actuellement des budgets pour des maladies spécifiques dans les hôpitaux, et l'abolition de la circulaire «malades sur pied» va sûrement entraîner un déplacement de ces budgets, si on ne fait pas attention. Les organisations représentant les patients qui souffrent d'insuffisance rénale, qui ont besoin de dialyse rénale, nous ont clairement mentionné les besoins associés à leur médication. Là aussi, M. le Président, on est inquiet, on n'a pas de réponses à nos questions. Qu'est-ce qu'il va arriver avec ces budgets?

(minuit)

Enfin, il faudra être très attentif parce que, comme dans les centres hospitaliers, dans les établissements de santé, les budgets vont être disponibles pour la médication de façon gratuite, eh bien, cet incitatif à être hospitalisé serait vraiment contre-productif dans ce que le ministre appelle le virage ambulatoire. Nous préférons associer son virage à une autre improvisation; improvisation, d'abord, parce qu'on a fermé des lits de soins aigus sans que le programme d'assurance-médicaments soit mis en place; improvisation parce que tout le maintien à domicile n'était pas prêt. Alors, il a fermé des lits beaucoup trop vite, et c'est la population du Québec qui en souffre maintenant.

Les pouvoirs réglementaires du ministre sont trop larges. Il nous a dit tantôt – et nous avons hâte de vérifier, M. le Président, je vous l'assure – que, dans le nouveau projet de loi, eh bien, les pouvoirs du ministre seraient diminués. Il faut se souvenir que, l'an passé – ça ne fait pas tellement longtemps que le ministre est arrivé en poste – eh bien, dans sa loi 83, il s'était donné tous les pouvoirs de fermer n'importe quel hôpital, n'importe quel établissement de santé sans aucun critère, M. le Président. Alors, ayant écouté le ministre nous dire aujourd'hui: J'ai diminué mon nombre de pouvoirs réglementaires, nous avons l'intention, M. le Président, de bien vérifier cette diminution.

Le ministre, en voulant nous faire adopter un projet de loi avant de connaître les règlements, eh bien, nous demande de signer un chèque en blanc. Moi, je comprends, dans les informations que j'ai pu avoir aujourd'hui, que c'est quand même par règlement qu'il va décider des prix, que c'est par règlement qu'il va décider de la liste des médicaments, que c'est par règlement qu'il va décider des honoraires des pharmaciens. Alors, il va y en avoir pas mal de règlements et, à ce moment-là, M. le Président, ce qu'on nous demande, c'est un chèque en blanc.

Autre point important, M. le Président, il n'y a aucun plafond fixé quant à l'indexation. C'est facile d'associer une spirale à la hausse des coûts lorsqu'on parle de hausse des coûts des médicaments. On sait que la hausse des coûts des médicaments, bon an, mal an, augmente beaucoup plus vite que l'ensemble des coûts des autres prix à la consommation. Donc, on sait aussi, par expérience, M. le Président, que l'expérience des autres provinces démontre qu'il y a des augmentations en spirale extrêmement importantes. Il faut donc faire très attention à ce point: aucun plafond dans l'indexation proposée par le ministre à ce moment-ci.

M. le Président, dans l'ancien régime ou projet de loi du ministre, c'était les montants des pénalités qui n'étaient pas connus, pénalités en vertu de la Loi sur les impôts, et il y avait des amendements. Le ministre est tout heureux aujourd'hui de nous dire: Aïe, il n'y en aura plus d'amendements à la Loi sur les impôts; vous allez le mettre sur votre rapport d'impôts maintenant, malgré la promesse de son premier ministre, M. le Président, il faut vous le rappeler.

Ce qui est important dans le projet de loi, au risque de me répéter, M. le Président, c'est toujours la récupération de 196 000 000 $ en 1996-1997, la récupération de 257 000 000 $ en 1997-1998, selon le rapport Castonguay, mais, selon les observateurs avertis, eh bien, c'est une récupération de plus de 300 000 000 $ par année que s'apprête à faire le ministre de la Santé.

M. le Président, la grande majorité des groupes demandent plus de temps ou le report de l'adoption du projet de loi. Le Conseil du patronat, la Fédération des CLSC, le Front commun des personnes assistées sociales du Québec, la CSN, la FTQ, la CEQ, l'Association des hôpitaux du Québec, la Coalition des aînés, l'ACEF, la Fédération nationale des ACEF aussi, la Coalition Solidarité Santé qui regroupe plus d'une vingtaine d'organismes, M. le Président, le Regroupement d'employeurs sur la santé du Québec, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, la Commission d'accès à l'information, l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, la fédération des clubs de l'âge d'or du Québec, l'association québécoise des droits des retraités, l'Association québécoise pour la réadaptation psychosociale, la Table des regroupements des organismes communautaires, le Regroupement des assureurs de personnes à charte du Québec, eh bien, tous ces gens ont demandé le report du projet de loi, ont demandé au ministre de refaire ses devoirs et de travailler de façon plus sérieuse.

À titre d'exemple, M. le Président, la Coalition Santé écrivait au ministre: «Alors, c'est pour ça que nous demandons qu'un bilan soit fait des deux semaines d'audiences de la commission, qu'un nouveau document gouvernemental soit préparé illustrant d'autres hypothèses, dont celle de l'élargissement du régime public. De nouvelles audiences pourraient être tenues à l'été, conduisant au dépôt d'un nouveau projet de loi qui, souhaitons-le... On n'est pas d'avis d'un report dans le temps sine die, mais peut-être à l'automne et, entre-temps, on devrait maintenir les caractéristiques du régime actuel.» Alors, ces gens-là, qui regroupent une vingtaine d'organisations, souhaiteraient être entendus de nouveau, avec les nouveaux paramètres que le ministre nous a donnés aujourd'hui.

L'Association des hôpitaux: «Malgré un échéancier serré, il importe de prendre le temps nécessaire pour bonifier le projet de loi au chapitre de l'accessibilité, des paramètres de base et des fonctionnalités du régime.»

Le Conseil du patronat: «Enfin, la précipitation avec laquelle le gouvernement entend faire adopter ce projet de loi semble être motivée par des considérations budgétaires plutôt que par une discussion de fond sur un projet de politique sociale dont l'importance exige plus de temps et d'analyse.»

La Coalition des aînés: «Si ce projet de loi passait, il me semble que le gouvernement devrait retarder son adoption, laisser le temps d'avoir plus de consultations. Ce sont surtout les pharmaceutiques, les assureurs... Le public n'a pas été consulté et là, tout à coup, la loi arrive à grande vapeur.» Alors, c'est la Coalition des aînés; c'était Mme Bérubé, lors de son témoignage extrêmement impressionnant et important, qui demandait un délai au gouvernement et qui accusait aussi le gouvernement de s'en prendre aux aînés de façon indécente, M. le Président.

Le Front commun des personnes assistées sociales: «Nous ne pouvons commencer notre présentation sans souligner notre colère face au manque de respect du gouvernement québécois de consulter différents organismes dans des délais aussi courts, et cela, sans tenir compte de nos ressources humaines.»

Le front commun CSN-FTQ-CEQ: «Nous avons soulevé de nombreux problèmes et plusieurs questions demeurent sans réponse.» Ils en ont énuméré plusieurs: les problèmes concrets des régimes collectifs facultatifs des personnes retraitées; les dangers reliés à un faible contrôle des coûts du régime et des coûts de médicaments et plusieurs autres, M. le Président.

La Fondation québécoise du cancer: «La Fondation craint que, dans la foulée de l'adoption précipitée de la loi instaurant le régime d'assurance-médicaments, les malades pour lesquels elle oeuvre depuis 17 ans, les cancéreux, y perdent au change ou n'y gagnent pas grand-chose.» La Fondation québécoise du cancer.

M. le Président, je pourrais continuer, il y en a plusieurs, peut-être terminer avec la Fédération de l'âge d'or du Québec: «En ce sens, nous dénonçons fortement la manière dont ce dossier d'une importance capitale pour les aînés québécois a été mené. L'annonce coup sur coup, à un mois d'intervalle, des recommandations d'un comité d'étude, suivie de l'annonce d'un cadre législatif qui ne retient que certains aspects des premières, aurait exigé que les Québécois connaissent clairement les enjeux et puissent en mesurer toutes les conséquences, particulièrement sur leur revenu.» C'est la Fédération de l'âge d'or.

Si on met de côté les messages qui ont été clairement passés en commission parlementaire, il y en a de nombreux et je pourrais continuer longtemps, M. le Président, je voudrais m'attarder quelques instants seulement – je sais que le temps passe, il est déjà minuit et près de 10 minutes – pour vous souligner quelques articles de presse qui ont été relativement significatifs, ces articles, pour le ministre de la Santé. «Si l'assurance-médicaments est reportée, 200 000 000 $ seront récupérés ailleurs.» Ça, c'est notre ministre de la Santé. Bien important, le dossier de la dette publique, beaucoup plus important que la santé des Québécois.

(0 h 10)

«Médicaments. Il faut revoir le plan Rochon. Le ministre Rochon a tort lorsqu'il prétend que son régime proposé serait universel.» C'est un auteur, je vais vous dire... C'est La Presse , Lise Soderstrom; c'est un auteur et professeur agrégé au Département de sciences économiques de l'Université McGill. Et, tantôt, la citation que je vous ai faite, c'était de M. Gilles Normand, de La Presse .

Alors, ici, là: «Objectif budgétaire maintenu, dit le ministre Jean Rochon.» Alors, je pense que le ministre doit être fier quand il prend le journal, puis qu'il lit ça: Les objectifs budgétaires sont maintenus. Qu'est-ce que ça va coûter aux personnes âgées? Qu'est-ce que ça va coûter aux personnes assistées sociales? Ça, c'est moins important. «Rushing drug plan, a big mistake», dans le journal The Gazette , M. le Président, le 6 juin dernier. Alors, là aussi, je pense qu'on a manifesté qu'on allait beaucoup trop vite.

Bon, il y a eu un moment d'espoir dans cette commission-là et c'est quand le ministre a laissé entendre, à force de recevoir toutes les critiques, qu'il pourrait reporter son projet d'assurance-médicaments. «Beaucoup de clarifications et de modifications doivent être apportées au projet de loi avant son adoption.» C'est Gilles Normand, de nouveau, dans le journal La Presse . Alors, le ministre nous a fait croire qu'il y aurait des clarifications, qu'il y aurait des améliorations. Eh bien, moi, je ne les ai pas encore entendues. J'écoutais, cet après-midi, M. le Président, le ministre qui faisait sa conférence de presse. Il venait de dire: Là, c'est tout attaché, là, ça va marcher. Première question: Quand est-ce que les aînés vont commencer à payer? Pas capable de répondre à la question. Il a commencé à parler du mois d'août; dans la commission parlementaire, il avait parlé du mois de juillet. C'est encore très, très brumeux, à tout le moins, M. le Président.

«Dans le dossier de l'assurance-médicaments, les malades mentaux courent des risques; les contraintes du régime favoriseraient les rechutes.» Alors, on nous parle de la maladie mentale chronique. Ils courent de grands risques; on pense aux patients qui peuvent abandonner leur médication s'ils doivent se plier aux exigences du régime d'assurance-médicaments proposé par le gouvernement. Et, pour les malades mentaux, M. le Président, il y a deux sortes de problèmes: il y a le coût élevé et, aussi, à cause de la perte de mémoire, à cause de différents problèmes associés à la pathologie des patients, il peut arriver que les patients ne prennent pas leurs médicaments. Alors, on double les risques, pour les malades mentaux, de ne pas suivre leur médication et évidemment de retomber dans les difficultés majeures que l'on connaît.

«Assurance-médicaments, le ministre – bon, M. Rochon – s'engage à divulguer tous les coûts du projet.» M. le Président, moi, j'ai hâte de savoir les coûts d'indexation, j'ai hâte de savoir les coûts des régimes collectifs. On nous parle de 5 % à 10 %. Combien ça va coûter de plus? Là, on nous dit que ça coûte 175 $ et on nous dit que tout est inclus là-dedans. On a hâte de voir la démonstration que c'est vrai. Son expert, qu'il a engagé la semaine passée, il est supposé de nous le dire combien ça va coûter. Ça aussi, on l'attend, ce résultat-là; on ne l'a pas eu encore.

M. le Président, des fois, il y a des titres qui sont très révélateurs: «Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué...» Alors, c'est le président du syndicat, le SFPQ, qui a démontré l'incohérence du régime proposé aux 10 000 employés occasionnels. Alors, je pense, M. le Président, que je pourrais continuer, et on pourrait parler longtemps.

M. le Président, à ce moment-ci, j'apprécierais que vous me disiez combien de temps il peut me rester.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il vous reste 16 minutes.

M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais, tout de même, rappeler qu'actuellement le régime couvre 60 % de la population et que 60 % de la population contribue à un régime d'assurance privé; 15 % à 20 % de la population correspond aux prestataires de la sécurité du revenu et aux personnes de 65 ans et plus. Les personnes de 65 ans et plus obtiennent leurs médicaments en déboursant 2 $ par prescription, et ce, jusqu'à un maximum de 100 $ annuellement. Après 100 $, toutes les prescriptions sont gratuites. Pour les prestataires de la sécurité du revenu, le gouvernement paie au complet les prescriptions et les médicaments à cette clientèle.

M. le Président, j'aimerais vous rappeler qu'en cours de campagne électorale le régime qu'on nous annonce aujourd'hui, on ne nous en avait pas parlé beaucoup. On déchirait sa chemise, de l'autre côté de cette Assemblée, simplement à l'idée qu'il fallait charger un frais de 2 $ et on nous disait que c'était abominable. Même il y avait des engagements pour dire: On va l'enlever, vous n'aurez plus à payer 2 $. L'ancien premier ministre, qui était à l'époque chef de l'opposition, était intervenu pour dire à ses troupes: Bien, attendez, on verra comment ça va aller et puis tout ça. Mais, M. le Président, ces gens-là, qui ont déchiré leur chemise à de nombreuses reprises devant la population pour dire: Nous autres, notre formation, c'est une formation sociale, c'est une formation qui va défendre vos intérêts, bien, c'est cette même formation aujourd'hui qui va charger un impôt sur les médicaments à l'ensemble des Québécois et particulièrement aux personnes âgées.

M. le Président, j'aimerais, à ce moment-ci, essayer de tirer quelques conclusions du projet qui nous est présenté. Première conclusion – et j'espère que je vous ai convaincu, la même chose pour l'ensemble des députés de cette Assemblée – il y a un consensus qui se dégage sur le projet: c'est qu'il est trop vite, il est précipité, c'est un projet de loi vide de contenu, abus de pouvoir réglementaire. Quoi qu'en dise le ministre, c'est lui qui va décider du prix des médicaments, c'est lui qui va décider des honoraires des pharmaciens, c'est lui qui va décider de la liste des médicaments. Alors, M. le Président, c'est beaucoup de pouvoirs concentrés dans les mains du ministre. Et, à travers ce consensus, ce qu'on peut dénoter, c'est de l'improvisation. Trois scénarios recommandés par le rapport Castonguay, un scénario différent dans le projet de loi déposé par le ministre et, aujourd'hui, un autre scénario qui vient changer des éléments assez importants du projet de loi, sans toutefois en changer l'objectif qui est de récupérer 200 000 000 $ pour les fins du Trésor.

Devant tous ces problèmes, il va de soi que l'opposition officielle demande le report de l'adoption de ce projet de loi afin que nous puissions régler toutes ses lacunes avant de donner notre aval. Dans l'état actuel des choses, l'adoption du projet de loi serait de donner au ministre un chèque en blanc et, M. le Président, nous ne pouvons donner à ce ministre et à son président du Conseil du trésor un chèque en blanc.

Malgré tout, M. le Président, je voudrais vous rappeler et vous redire que, notre formation, nous sommes toujours d'accord avec un programme d'assurance-médicaments qui a pour objectif d'assurer les Québécoises et les Québécois et de leur donner toutes les médications nécessaires. Nous ne sommes pas d'accord que ce programme soit en même temps un programme de récupération de taxes, un programme d'impôts déguisés; c'est la nuance qui est extrêmement importante, M. le Président. Et, si le ministre acceptait de retirer de son projet de loi cette dimension inhumaine qui est de taxer la maladie, de taxer la santé, eh bien, on serait sûrement prêts à travailler avec le ministre pour voir de quelle façon on peut bonifier ce projet de loi. M. le Président, juste une petite remarque avant de conclure. J'ai été vraiment surpris de la rapidité avec laquelle ce gouvernement a reporté en avant le projet de loi sur l'équité salariale. On nous a dit que ça méritait un délai supplémentaire, qu'il y avait des groupes qui voulaient se faire entendre encore une fois, et puis on a fait une commission parlementaire à ce sujet au printemps dernier. Est-ce que le programme d'assurance-médicaments ne mériterait pas le même respect? Et je vous dis respect entre parenthèses parce que c'est la façon dont le parti gouvernemental l'a proposé.

Pourquoi est-ce que, dans un cas, on veut reporter le projet d'équité salariale et que, dans l'autre, on veut le passer sous le bâillon, avec les informations que nous avons et la façon dont nous travaillons? Il faudrait comprendre que le gouvernement ne se soucie guère des revendications de la population et on pourrait en conclure que, lorsqu'un projet de loi vise une rentabilité pour l'État, on s'empresse de le faire adopter – ça va être le cas du programme d'assurance-médicaments – mais, lorsqu'un autre projet de loi vise des coûts pour l'État, on le reporte aux calendes grecques, et ce, peu importe ce que la population en pense.

(0 h 20)

Une dernière fois, M. le Président, l'assurance-médicaments doit avoir comme seul objectif de mieux répondre aux besoins des personnes malades nécessitant des médicaments et non pas un objectif de contraintes budgétaires. J'espère, M. le Président, que, dans notre formation, nous avons été assez clairs. Nous souhaitons travailler à bonifier un véritable projet de loi qui donnerait à l'ensemble de notre société cette protection contre la maladie, mais particulièrement qui permettrait d'avoir une médication trop souvent nécessaire et importante. Mais on ne veut pas travailler dans un dossier de taxes déguisées. On ne veut pas, nous, dans notre formation, que, dans le programme d'assurance-médicaments, la prime soit perçue à même les impôts, une ligne de plus, surtout quand le premier ministre, qui est supposé être le premier ministre de tous les Québécois, a vraiment dit qu'il n'y aurait pas d'augmentation d'impôts, M. le Président.

Le ministre de la Santé passera sûrement à l'histoire comme le ministre qui aura taxé la santé, qui aura mis une taxe ascenseur sur la santé. M. le Président, nous ne pouvons pas, dans les modalités actuelles, accepter le projet de loi présenté par ce ministre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Mont-Royal. M. le député.


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. La Fédération des médecins résidents du Québec a présenté au gouvernement un mémoire sur un autre projet de loi. Mais il y a des commentaires qu'ils ont fait dans ce mémoire, des commentaires d'ordre général, qui s'appliquent sûrement au projet de loi qui nous est présenté ici, qui s'appliquent à toute la réforme que le ministre s'apprête à faire aux services de santé et à l'assurance-médicaments. Et il y a un commentaire qui est très inquiétant, M. le Président. Je cite ce mémoire. Ils disent: «Et pourtant, au centre de tout cela, il y a le citoyen, celui-là même pour qui la réforme a été bâtie. Il recherche toujours l'universalité, la gratuité et les services auxquels il est en droit de s'attendre. Personne n'ose lui dire que ce qu'il a connu est maintenant chose du passé.»

M. le Président, on nous demande, ce soir, d'adopter, en fin de session, un projet de loi supposément sur l'assurance-médicaments. Nous avons ici, au Québec, même je dirais au Canada, un système de santé qui fait l'envie du monde entier. Il me semble, M. le Président, qu'avant de faire des changements majeurs à ce système, comme ce projet de loi prétend le faire, ça mérite un consensus, ça mérite des consultations. Les questions qui ont été soulevées par tous ceux qui sont venus en commission parlementaire et par ceux qui ont envoyé des mémoires, ça mérite des réponses claires.

Mais ce n'est pas ça qu'on fait ici, et on ose, on a l'«audacity» de présenter et de nous forcer, à la fin d'une session, aux heures du matin, à accepter un projet de loi qui va affecter la santé de la population. Et on veut le faire d'une façon rapide, vite, sans qu'on puisse y apporter des changements, sans qu'on puisse avoir les informations que nous avons demandées, que les intervenants ont demandées. Vous savez, M. le Président, c'est une tactique bien connue; à la fin de session, quand on veut faire passer une petite vite, quand on veut faire un projet de loi dont on ne veut pas et qui est contre les intérêts, des fois, de la population, c'est ça qu'on fait. On adopte des tactiques telles que le gouvernement présentement en adopte.

Personne n'est contre un projet de loi pour la création d'une assurance-médicaments. Je pense que mon collègue a démontré qu'il y avait déjà eu des comités, que, nous-mêmes, nous sommes en faveur. Mais il faut que ça soit vraiment un projet de loi pour créer une assurance-médicaments, pas un projet de loi pour la récupération de certains montants que le gouvernement s'est fixés.

Et, quand on dit que c'est clairement un projet de loi pour récupérer des sommes, pas un projet de loi pour vraiment régler un problème – parce que le problème de l'assurance-médicaments doit être réglé – c'est que, avec toutes les critiques et avec tous les changements de dernière heure, le ministre, le gouvernement a toujours dit: Nous allons maintenir l'objectif de récupérer 200 000 000 $. Alors, ce que ça prouve, c'est que le projet de loi, ce n'est pas pour vraiment résoudre un problème; c'est, coûte que coûte, même s'il est inacceptable, même s'il cause des problèmes à toutes sortes de personnes, même s'il contient des clauses qui vont causer des problèmes à ceux qui doivent être assurés... Ce n'est pas ça qui est important. L'important, c'est qu'il faut l'adopter en toute vitesse parce que le gouvernement veut récupérer 200 000 000 $.

M. le Président, je ne pense pas que c'est vraiment la façon de procéder. Je pense que la santé de la population est beaucoup plus importante. Je ne dis pas que tous les besoins de la population... On sait qu'il y a certains besoins. On sait qu'on doit couper dans plusieurs ministères; ça, on le sait. Mais, quand on parle de la santé de la population, évidemment, et je pense que c'est élémentaire, ceci vient avant un objectif financier de réduire, de couper le déficit et d'aller chercher 200 000 000 $.

Un régime universel d'assurance? Je pense que c'est plutôt des taxes universelles. C'est un régime qui impose des taxes. Et ça, c'est clair. Je pense qu'on l'a démontré. Il faut même remplir la formule d'impôts à la fin de l'année pour le paiement de la prime. Alors, c'est une question de taxe. Mais, savez-vous, même si c'est une question de taxe, même si c'est une taxe additionnelle, on pourrait dire: Écoutez, c'est vrai que le gouvernement s'est engagé à ne pas augmenter les taxes, mais il doit procéder de cette façon et il le fait. Mais, au moins, si le contenu du projet de loi pouvait résoudre certains problèmes et ne pas créer des problèmes qui vont être presque insurmontables et qui ne sont pas connus au moment où on nous demande d'adopter le projet de loi.

Prenons la question des coûts de la prime. Le secteur privé avait fixé un certain coût, puis avait donné certains chiffres sur les frais d'administration. Alors, il y a eu une réaction, parce que les personnes âgées, les personnes moins démunies et la population ont dit: Écoutez, là, ça commence à être un peu cher, ça. Alors, qu'est-ce que le ministre a fait? Le ministre n'a pas fait une étude afin de dire: Écoutez, le secteur privé, vous vous trompez, vous exagérez. Le ministre a tranché. Il a dit: C'est 175 $, puis il n'y a pas de frais d'administration. On ne sait pas ce qu'ils sont.

Pourquoi est-il important qu'on sache vraiment les vrais coûts? C'est important, M. le Président, parce que, quand on achète une prime d'assurance, spécialement une prime d'assurance qui affecte notre santé, on veut savoir ce qu'on va avoir. Pour quoi on paie? Quels seront les bénéfices que nous allons recevoir? Et pourquoi il est important que le ministre nous dise: Écoutez, c'est vrai qu'il y a des frais d'administration; ils sont de x dollars? Pas qu'ils n'existent pas. Ça ne se peut pas que la Régie puisse administrer un programme de même sans frais d'administration. Alors, il y a la prime initiale pour couvrir les contingentements, pour couvrir le risque, et il y a les frais d'administration qu'on ignore.

Je vais vous donner un élément pourquoi c'est important de connaître les frais d'administration. Le gouvernement, le projet de loi ne garantit pas, ne dit rien sur le choix de médicaments. Alors, quand on veut acheter une police d'assurance, on veut savoir: Qu'est-ce que c'est que je vais pouvoir avoir? Le choix de médicaments, tu sais, ce n'est pas comme un luxe. Ce n'est pas quelque chose dont on peut se passer. Ça affecte notre santé, ça affecte notre vie. Alors, si le choix des médicaments n'est pas précisé, si le choix des médicaments est basé strictement sur le coût, que pensez-vous qu'il va arriver dans ce choix?

(0 h 30)

Parce que c'est le ministre qui prend les décisions. Ça ne viendra pas à l'Assemblée nationale. Le pouvoir réglementaire, ça, c'est une délégation de pouvoirs au ministre, délégation de pouvoirs à l'exécutif. Ça sort du contrôle de l'Assemblée nationale et toutes les décisions vont être prises par le ministre.

Alors, il veut sauver 200 000 000 $. Il ne nous dit pas ce que les frais d'administration vont être. C'est clair qu'il va essayer de couper dans certains aspects de l'administration, ou dans le choix des médicaments, ou dans les coûts engendrés par la prime d'assurance ou par l'administration ou par l'assurance qu'il veut mettre en place. Alors, ça veut dire que, si on ne connaît pas les frais d'administration, les vrais frais, le ministre va être en mesure de choisir, lui, quels médicaments seront couverts et, s'ils sont basés strictement sur le coût, ce n'est pas nécessairement ceux qui seront les meilleurs, les plus efficaces, ceux qui pourront répondre plus aux besoins du malade dans différentes maladies.

Alors, c'est pour ça, M. le Président, que c'est important. Ce n'est pas seulement un petit détail. Savez-vous, des fois, c'est possible, on soulève des questions sur un projet de loi quand on est dans l'opposition... Mais la question des coûts, je pense que c'est une question essentielle, qui affecte le service qui va être donné, qui va affecter ce que nous pourrons avoir comme services, comme médicaments pour cette assurance. Et, M. le Président, on n'en parle pas, on n'a aucune garantie et c'est quelque chose, M. le Président, qui peut être très, très difficile à administrer. Ça va être quelque chose qui va avoir des conséquences sur les individus. Parce que même, disons, si c'est une taxe additionnelle, on veut savoir: Qu'est-ce qu'on paie? Qu'est-ce que nous allons avoir? Quels sont les droits que nous pourrons avoir? Quels médicaments on pourra avoir? Quels sont tous les autres services, pas seulement à la discrétion du ministre, pas seulement d'une façon que lui-même...

Parce que, quand on sait que son but, ce n'est pas strictement seulement de créer une assurance-médicaments, son but, ce n'est pas de donner le meilleur service, les meilleurs médicaments à la population, son but, c'est d'aller récupérer 200 000 000 $. Alors, une fois que vous acceptez que le but de réduire le déficit devient plus important que le soin, que la santé de la population, là, M. le Président, vous êtes dans le trouble, il y a des gros problèmes.

Un autre aspect du projet de loi, c'est qu'il affecte les plus démunis de la société. Quelqu'un qui gagne... Le barème, c'est 15 000 $. Il doit immédiatement, il est susceptible de payer cette taxe additionnelle ou le coût de l'assurance. M. le Président, 15 000 $, ce n'est pas beaucoup. Non seulement c'est pour les personnes qui sont les plus démunies, mais c'est pour les personnes âgées qui sont à revenus fixes. Elles, elles sont complètement affectées, sans exception, par cette taxe additionnelle. Vous savez, avec tout ce qui se produit dans notre société, avec tous les changements, avec tout le manque de revenus, avec les revenus fixes de certains, des personnes âgées, d'imposer cette charge additionnelle, M. le Président, je pense que c'est quelque chose qui est injuste pour ce groupe de la population qui a vraiment contribué à l'édification, à la la construction de notre société et qui, maintenant, se voit pénalisé indûment.

Pourquoi? Parce qu'on ne veut pas vraiment faire nos devoirs, parce que le gouvernement ne veut pas faire ses devoirs. Le gouvernement insiste, il s'est donné un objectif, il impose une taxe, il se donne les pouvoirs de choisir, le pouvoir de l'administrer, de tout faire et il impose aux démunis de notre société, ceux qui sont moins capables, le fardeau de payer cette taxe additionnelle.

M. le Président, c'est vraiment une question d'injustice. C'est injuste. C'est improvisé. Quand vous voyez tous les changements qui ont déjà eu lieu, quand vous voyez les critiques qui ont été faites... Et ce n'est pas nous, ce n'est pas l'opposition officielle qui a fait ces critiques-là, ce sont tous les intervenants du milieu. Nous, nous ne sommes que les porte-parole. Nous reflétons ce que ceux qui seront affectés, ceux qui ont vraiment un intérêt important, un intérêt direct dans ce projet de loi ont dit, ceux qui ont porté à l'attention du gouvernement... Les différents groupements, les groupements dans les soins de santé, les groupements communautaires, les personnes âgées, ils sont tous venus et ils ont dit au gouvernement: Écoutez, vous ne pouvez pas faire ça, ça n'a pas de sens. Et ils ont donné toutes leurs raisons.

Alors, est-ce que ça se peut qu'une personne ait toute la vérité et que tout le reste se trompe? Est-ce que ça se peut? Je pense que les faits sont au contraire de ça. Les montants sont là. Les failles dans le projet de loi sont là. Alors, pourquoi s'entêter, à la fin d'une session, à insister pour faire adopter un projet de loi dont personne ne veut, pour lequel tous les intervenants dans ce milieu-là ont dit: Non, retardez-le, faites des changements, donnez-nous plus d'informations, corrigez telle clause, corrigez telle autre affaire; il y a des informations que nous n'avons pas, nous voulons les avoir.

Est-ce que ce serait trop demander au gouvernement de prendre l'été, d'aller jusqu'à l'automne, de faire ses devoirs, de donner les informations que ces gens ont demandées, puis que ces groupements ont demandées, et de venir avec un projet de loi qui se tient un peu plus que celui-ci, qui n'impose pas un fardeau indu aux démunis, aux personnes âgées, qui peut résoudre la question des frais... Parce que c'est important de savoir les frais administratifs, parce que le ministre des Finances puis le Conseil du trésor ont dit: Écoute, ton 200 000 000 $, là, si tu as des frais administratifs de 50 000 000 $, ce n'est plus 200 000 000 $, c'est 150 000 000 $, alors va le chercher, l'autre 50 000 000 $. Puis où va-t-il aller le chercher? Bien, il va aller le chercher dans les médicaments qu'il va choisir. Il ne choisira pas ceux qui seront peut-être, scientifiquement... peut-être que ça peut coûter un peu plus cher, mais ils auront un meilleur rendement pour la personne. Alors, ce sont toutes des choses, M. le Président...

On ne joue pas avec la santé du monde et on ne joue pas avec leur esprit. Il faut être en paix avec ça. Quand quelqu'un sait qu'il y a une assurance, qu'il y a un régime qui lui est imposé, il faut qu'il sache complètement ce qui va lui arriver. Faire des changements à un système de soins de santé qui a été reconnu dans le monde entier comme étant un des meilleurs, il faut vraiment avoir un consensus, il faut démontrer pourquoi nous faisons ces changements-là. Ce n'est pas seulement par des paroles, ce n'est pas seulement de dire – et je vais juste prendre la parole d'un ministre ou d'un autre représentant du gouvernement: Ça va se produire de telle ou telle façon. Ce n'est pas ça que le projet de loi fait, ce n'est pas ça que le projet de loi dit.

Mon collègue a démontré beaucoup de difficultés dans le projet de loi: la question qu'il n'y avait pas de plafond fixé quant à l'indexation, la question qu'il n'y avait pas d'arrimage entre le secteur privé et le secteur public. C'est important de le savoir. Pourquoi ne pas prendre le temps pour le faire? Tout l'aspect de la représentation qui a été faite par les opérateurs des... par les pharmaciens, je pense que c'est inquiétant, ça. C'est inquiétant pour une société de savoir qu'on va traiter un groupe de la société de cette façon. Est-ce que c'est vrai, on va les étatiser? C'est ça qu'ils nous disent, ils ont démontré ça. Je ne vois pas une preuve du contraire. Est-ce que c'est ça, le genre de société qu'on veut? On veut imposer la possible étatisation de ce secteur-là. On veut imposer aux personnes âgées: Oui, vous allez payer, même si vous avez des revenus fixes. On va dire à quelqu'un: 15 000 $, c'est assez, là, tu gagnes assez, il faut que tu paies ton assurance. Est-ce que c'est ça, la société que nous préconisons? C'est ça, la vision de notre société? C'est de même qu'on veut traiter la population? Puis on veut le faire vite.

(0 h 40)

Si le ministre est tellement convaincu que son projet de loi est bon, pourquoi insiste-t-il pour le faire adopter avant la fin de la session, aux petites heures du matin? Pourquoi ne prend-il pas le temps de dire: Oui, je vais vous démontrer que le projet de loi est bon; je vais consulter, je vais discuter avec les gens qui ont fait ces représentations, qui ont critiqué le projet de loi, qui sont inquiets. Ce n'est pas un projet de loi sur un aspect financier d'un logement ou un aspect, un changement fiscal, c'est un projet de loi qui va affecter notre santé parce que ça a un effet direct. Une assurance-médicaments, quand on tombe malade, on a besoin de certaines choses. Alors, ça va au-delà des lois du marché, ça, ça affecte la personne, ça affecte sa santé, ça affecte sa vie.

M. le Président, il me semble que le sujet est tellement important. S'il n'y avait pas eu de critique, si tous les intervenants étaient venus et avaient dit: Ah oui! c'est un bon projet de loi, on est d'accord avec tous les aspects. Bien là ce serait difficile pour nous de nous objecter, parce que nous aussi on représente la population et on reflète un peu ce qu'on nous dit, ce que la population nous demande.

M. le Président, le projet de loi, c'est improvisé. Le projet de loi affecte les éléments essentiels de notre système de santé. Ce n'est pas un projet de loi sur l'assurance-médicaments, c'est un projet de loi qui veut aller récupérer de l'argent, mais qui le fait d'une façon à laquelle tous ceux qui sont affectés s'objectent.

M. le Président, si le gouvernement, si M. le ministre veut vraiment démontrer sa bonne foi, de dire: Écoutez, j'ai la préoccupation de la santé de la population, et la santé de la population et les besoins de la population vont venir avant les coupures, les intérêts budgétaires, et on va retarder le projet de loi... Pour cette raison, M. le Président, nous allons faire tout le nécessaire pour essayer de convaincre le ministre de le retarder, parce que, dans les conditions actuelles, il est inacceptable. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Mont-Royal. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Williams: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Nelligan, sur une question de règlement.

M. Williams: Avant que mon collègue de Westmount–Saint-Louis commence son intervention, pouvez-vous vérifier que nous avons quorum?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, nous avons quorum. Alors, M. le député de Westmount– Saint-Louis.

M. Chagnon: Je ne voudrais pas enlever, M. le Président, la joie à un collègue ministériel de prendre la parole sur ce sujet. Est-ce que ça enlève la place à quelqu'un si je commence tout de suite?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il veut probablement vous laisser cette joie vous-même, alors...


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, ce soir, nous étudions le projet de loi n° 33, apporté par le ministre de la Santé, ici. L'histoire du projet de loi n° 33. Le projet de loi n° 33, d'abord, c'est le projet de loi qui va créer l'assurance-médicaments. Le moment où nous l'étudions est à une heure où, généralement, les pharmaciens sont à comptabiliser les somnifères qu'ils ont vendus. Et, pour commencer à discuter de cette question ou à citer ou à parler sur cette question, je pense qu'il faut en faire un peu l'histoire.

L'histoire du projet de loi n° 33 remonte à aussi loin que le dépôt des crédits. Le ministre de la Santé, au moment de l'étude des crédits de son ministère, n'a probablement pas eu la surprise, mais il a constaté qu'à la page 251 des crédits, «Services pharmaceutiques et médicaments», on disait ceci – le gouvernement annonçait ses couleurs: «La baisse de 196 400 000 $ – c'est presque 200 000 000 $ ça, M. le Président – des crédits prévus pour les services pharmaceutiques et les médicaments reflète la volonté du gouvernement d'apporter des modifications au programme actuel d'assurance-médicaments afin de permettre la mise en place progressive du système universel et – voilà le mot le plus important – contributif.» Le gouvernement annonçait qu'un régime qui ferait en sorte de baisser de 200 000 000 $ les coûts de médicaments de l'État serait mis en place. 200 000 000 $ pour l'année 1996-1997; 250 000 000 $ à 300 000 000 $ pour l'année 1997-1998, soit, M. le Président, la prochaine année financière.

Bref, M. le Président, la commande que le ministre de la Santé a eue, c'est une commande du ministère des Finances, une commande du Conseil du trésor. Il est le bras séculier du ministère des Finances dans l'imposition, dans la mise sur pied d'un nouvel impôt, d'un impôt-médicaments.

La forme plus jolie d'«assurance-médicaments» est un peu secondaire par rapport à l'objectif premier de mise sur pied d'un impôt-médicaments. Un impôt-médicaments qui va toucher tout le monde, qui va toucher les 4 500 000 personnes qui sont déjà assurées, M. le Président, qui sont assurées par un ou l'autre des régimes collectifs que leur procure leur emploi, et dont le coût est partagé, plus ou moins, dépendamment des régimes, dépendamment des ententes, entre les employeurs et les employés. Ces régimes, on le sait maintenant, depuis que la commission parlementaire a siégé sur le sujet, seront tous augmentés d'un coût variant entre 5 % à 20 %. Comment? On ne le sait pas encore, mais on sait que ça va augmenter. La seule chose dont on est sûr, c'est qu'il y aura un coût pour les assurances collectives, qui couvrent la très grande majorité d'entre nous, il y aura une augmentation, qui est prévue dans le projet du ministre, de coûts entre 5 % et 20 %.

Nous aussi, évidemment, nous regardons les possibilités qui s'ouvraient au ministre. Le ministre nous dit: Je mettrai sur pied... Dans sa première phase, dans la première version de son projet de loi, celle que nous étudions, puisque nous n'avons pas, techniquement, reçu les amendements, au moment où on se parle, suite à la conférence de presse du ministre... Mais, au moment où on se parle, on regarde le projet de loi n° 33 tel qu'il a été étudié en commission parlementaire. Plusieurs intervenants sont revenus en commission parlementaire et ont demandé des modifications. Le ministre apporte des modifications et les modifications qu'apporte le ministre viennent corriger quelques-unes des failles les plus importantes du projet de loi, mais il n'en demeure pas moins que plusieurs des failles que le projet de loi connaissait dans sa version originale demeurent dans sa version telle qu'elle sera amendée.

Premièrement, il est assez inquiétant pour les gens qui ne sont pas assurés aujourd'hui de voir qu'ils auront, dans des circonstances où leur revenu n'est réellement pas élevé, à être imposés pour un service qu'ils n'auront pas nécessairement la possibilité de recevoir. Je ne dirai pas la joie de recevoir parce que, évidemment, on ne prend pas des médicaments pour le plaisir de prendre des médicaments, mais il y a des gens qui seront... Par exemple, je prends les – et je me réfère maintenant aux annonces qu'a faites le ministre cet après-midi – ménages, où on a, par exemple, un adulte. Un adulte qui gagne 14 775 $ verra la prime de sa future assurance au même niveau que s'il gagnait le salaire du ministre. On gagne 14 775 $. Si on est ministre, on est assuré par le régime collectif de l'Assemblée nationale. J'imagine que, si on est médecin pratiquant en pratique privée, on s'autoassure, on rentre dans ce processus. En général, les médecins font plus que 14 775 $. Alors, si on est un adulte et qu'on fait 14 775 $, on paiera la même prime que quelqu'un qui gagne 100 000 $ ou 150 000 $ par année.

C'est assez bizarre comme façon de concevoir le coût d'une prime, dans un milieu où on a une soi-disant pensée sociale-démocrate et où on devrait, en principe, chercher à faire en sorte que les gens qui ont des revenus plus élevés paient davantage que les gens qui en ont moins.

Si je reprends mon exemple d'un adulte, le seul moment où une personne ne paierait pas de prime de 175 $ par année, c'est au moment où mon adulte... Un adulte a une exemption totale si son revenu familial – nous parlons d'un revenu individuel – est inférieur, égal ou inférieur à 10 400 $. Et là le seul avantage à la fourchette des salaires qu'un individu peut avoir, c'est s'il gagne entre 10 400 $ et 14 775 $. Là, sa prime passe de 0 $ à 175 $ et, après 14 775 $, oups! pouf! coup de baguette magique, il paiera la même prime, qu'il gagne 100 000 $, 25 000 $, 40 000 $, 150 000 $, 1 000 000 $ ou 14 775 $.

(0 h 50)

Ça, ça veut dire qu'à peu près la très grande majorité des personnes âgées qui vivent seules vont être attrapées par ce bout de lorgnette. Ce sont les personnes âgées qui seront les premières à payer ce nouvel impôt-médicaments. Les personnes âgées sont les premières personnes ciblées par le gouvernement dans ce projet d'impôt-médicaments.

D'ailleurs, il est étonnant de constater, dans le communiqué de presse du ministre, en page 2: «L'assurance individuelle. Les principales améliorations apportées au projet de loi n° 33 concernent d'abord – M. le Président – la prime qui sera perçue à la fin de l'année avec le rapport d'impôts plutôt que mensuellement et compensée à la fin de l'année.» Il n'est pas étonnant que, pour une fois, le voile se lève et qu'enfin on puisse, évidemment, faire la démonstration hors de tout doute qu'il y a un lien direct entre le programme que le ministre entend apporter – son programme d'assurance-médicaments – et, encore une fois, la commande qu'il a du ministère des Finances, soit de transférer sur le revenu des contribuables la partie la plus grande possible du coût des médicaments. Et, pour y arriver, là, il n'y a plus de cachette. La prime qui sera perçue à la fin de l'année, avec le rapport d'impôts plutôt que mensuellement, est compensée à la fin de l'année. Voilà comment nous allons, évidemment, régler le problème en s'assurant qu'on percevra, sur le rapport d'impôts des gens, la prime qui aurait pu être compensée.

On a réduit le plafond pour les prestataires de sécurité du revenu. C'est bien le moins qu'on pouvait faire, d'autant plus que ceux-ci sont parmi les gens qui ont le moins, évidemment, de revenus. Ce n'est pas une grande annonce que d'avoir fait en sorte de diminuer les coûts pour les gens qui étaient les plus mal entichés, les plus mal organisés dans notre société et les plus pauvres, évidemment.

Le projet de loi, avant les amendements, le projet de loi, après les amendements, ne règle pas certains problèmes. On sait, au moment où on se parle, que la liste des médicaments n'a pas été déposée. Je parle de la liste des médicaments à assurer, M. le Président, parce qu'il n'est pas sûr, il n'est pas certain, en tout cas à ma connaissance, que tous les médicaments connus pour les maladies connues seront à la disposition des malades au Québec. Dans ce sens, la liste des médicaments n'est pas connue. Il y en a une qui existe par le... Je pense que c'est le Conseil consultatif de pharmacologie, si ma mémoire est bonne, qui établit une liste de médicaments.

Maintenant, est-ce que ce sera la seule liste de médicaments? Est-ce que ce sera une liste de médicaments qui pourra être exhaustive? Est-ce qu'elle sera modifiée par le ministre ou est-ce qu'on y trouvera les ajouts des derniers médicaments? Comment modifiera-t-on la liste des médicaments du Conseil consultatif de pharmacologie? Est-ce qu'on permettra des ajouts? Est-ce qu'on verra plutôt des modifications à la baisse sur la qualité et le niveau des médicaments qui seront sur le marché, qui est un marché fermé, évidemment, un marché captif que le ministre va créer?

Ces médicaments dont la liste n'est pas déposée... On sera évidemment intéressé de la connaître parce qu'il y a des maladies – le ministre en connaît quelques-unes, certain; il en connaît plusieurs, j'imagine – la sclérose en plaques, le sida, d'autres maladies de ce type, dont les coûts de médicaments sont extrêmement onéreux. Et, évidemment, je peux comprendre que, pour l'État, il y ait un questionnement qui se fasse à savoir jusqu'où la couverture d'assurance va porter, mais, à ma connaissance, la liste des médicaments qui vont être assurés n'est pas déposée. Est-il dans l'intention du ministre de le faire rapidement? Je le souhaite. Pour l'instant, on n'a pas une connaissance plus sûre de cette liste-là, puisqu'elle n'a pas été déposée.

Les barèmes. Les barèmes n'ont pas été revus à la hausse, et, ça, évidemment, fera en sorte, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, de ne pas apporter une solution suffisamment progressive pour déterminer la capacité de payer des contribuables. Si, évidemment, le progrès s'arrête, comme je l'expliquais tout à l'heure, pour un adulte, entre 10 400 $ puis 14 775 $, la fourchette n'est pas assez importante. Puis pas besoin d'avoir fait un grand cours en économie ou en sociologie ou en n'importe quoi pour constater que la capacité de payer des contribuables n'est pas exactement bien représentée dans ce genre de fourchette là.

Lorsqu'on parle de deux adultes avec deux enfants, une famille, là, si je prends les chiffres du ministre, l'exemption totale, si la famille de deux parents et deux enfants gagne moins de 21 900 $ – là, on est en dessous du seuil de pauvreté – passe de 21 900 $, là où il y a zéro dollar de coût de prime, à 175 $ par adulte, jusqu'à un maximum de 350 $ par famille. On passe de zéro à 350 $ entre 21 900 $, ou 22 000 $ si vous voulez, et 30 650 $. Alors, à partir du moment où vous gagnez 30 650 $, deux parents, deux enfants, vous en gagnez 30 650 $, salaire familial moyen ou un salaire familial moyen de 40 000 $, ou de 50 000 $, ou de 100 000 $, ou de 140 000 $, vous allez payer le même prix. Ça n'a pas beaucoup de sens.

Je comprends aussi que le ministre veut transférer à la Régie de l'assurance-maladie du Québec l'administration du régime. C'est un choix. C'est un choix que le ministre aurait pu faire avant de solliciter l'avis des compagnies d'assurances. Je présume qu'il y avait pensé avant, à solliciter la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Pourquoi a-t-il fait ce choix à rebours ou à retardement? Je soupçonne qu'il ait fait ce choix à retardement parce qu'il a été mécontent du fait que les sociétés d'assurances lui aient fait remarquer que, dans ses prévisions de coûts, on n'avait pas calculé les coûts administratifs ou, du moins, on n'avait pas fait l'estimé des coûts administratifs à un niveau suffisamment élevé et que ça a surpris le ministre, choqué le ministre, qui a décidé que, bon, si c'est comme ça, on s'en va vers la Régie de l'assurance-maladie. Mais il aurait pu y penser avant.

Toutefois, M. le Président, je tiens à souligner au ministre que la Régie de l'assurance-maladie du Québec, ce n'est pas la Sainte-Enfance non plus. Il y a quelqu'un qui paie pour ça quelque part. On paie d'abord la Régie de l'assurance-maladie du Québec par des cotisations sur les masses salariales, puis on paie aussi par le biais des crédits au ministère de la Santé. Donc, les soi-disant coûts administratifs soulevés par les compagnies d'assurances, qui seront absorbés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, dans le fond, sont en fait transférés aux contribuables sur leurs impôts réguliers. En fait, ce n'est pas une opération bien, bien spécifique et particulière. Dans le fond, les gens vont payer par le biais de leurs impôts les coûts administratifs qui, autrement, auraient été finalement chargés par les compagnies d'assurances.

Ce n'est pas nécessairement une bonne affaire pour le contribuable, l'opération que le ministre vient de nous suggérer. Le contribuable qui se fait prendre, surtout s'il est petit, surtout s'il est âgé – parce que ce sera cette clientèle-là qui sera la plus touchée – est aussi le contribuable qui va se faire prendre autrement par le biais de ses impôts pour financer la RAMQ, qui elle-même verra à financer et à autofinancer les coûts administratifs du nouveau régime d'assurance-médicaments du ministre. Franchement, il y a sûrement un questionnement qui devrait se faire là.

(1 heure)

Le ministre aurait intérêt à relancer et à revoir ses partenaires du secteur des assurances en commission parlementaire pour leur expliquer ce qu'il veut faire maintenant. Je comprends qu'il les a rencontrés dans la première commission parlementaire suite au dépôt de son projet de loi, mais son projet de loi est suffisamment remanié pour qu'il retourne auprès des gens qu'il a rencontrés en commission parlementaire et qu'il leur demande leur avis sur le nouveau projet de loi d'assurance-médicaments. Il y a des choses curieuses qui vont arriver. Évidemment, si nous finançons, si la personne qui n'est pas assurée actuellement finance la Régie de l'assurance-maladie du Québec ou, encore une fois, paie une prime à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, elle ne paiera pas, j'imagine, la taxe de vente provinciale ni la taxe de vente fédérale, la TPS. Toutefois, si elle contribue à un régime collectif d'assurance, elle va contribuer, elle va contribuer à cette forme de taxation là. Alors, si vous travaillez, si vous avez un régime collectif, vous allez être taxé sur votre régime, chose que vous ne serez pas si vous n'êtes pas assuré puis que vous avez une franchise directement financée ou que vous financez directement à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Il y a quelque chose d'un peu tordu dans cette façon de collecter de l'assurance sur de l'assurance collective, et ça, le ministre aurait intérêt à changer ça.

Il va y avoir un problème d'arrimage entre les deux régimes, entre le régime public et le régime privé, puis, ça, ce n'est pas fait, puis ce ne sera pas facile. Le régime privé qui va être greffé à la Régie de l'assurance-maladie du Québec va servir des gens qui, en partie, parce que ça va être le cas d'une certaine partie de la population, dont beaucoup de gens dans le secteur de la santé que le ministre connaît, des gens qui ont un emploi à temps partiel dans le secteur de la santé, qui sont donc en partie dans un régime collectif et qui seront aussi en partie dans un régime privé, parce que le régime collectif ne leur permettra probablement pas d'avoir l'ensemble des bénéfices du régime collectif s'ils n'y travaillaient pas à temps plein. S'ils y travaillent à temps partiel, 10 heures par semaine, ils n'auront pas le même régime collectif que s'ils y travaillaient à temps plein, 38 heures par semaine. Alors, il y aura arrimage entre les deux régimes, public et privé, et ça, évidemment, nous sommes encore loin de savoir ce qui pourrait s'y passer.

Finalement, M. le Président, puisque mon temps est à la veille de se terminer, je voudrais, encore une fois, signaler que le problème majeur de ce projet de loi, c'est qu'il est une commande du ministère des Finances et du Conseil du trésor au ministre de la Santé et que la commande, c'est de faire en sorte de prélever un impôt-médicaments pour diminuer le coût des médicaments à l'État du Québec. Malheureusement, c'est cette commande-là qui va prévaloir d'ici à la fin de nos travaux. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Mégantic-Compton. Mme la députée.


Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Il était très important pour moi de m'exprimer sur le projet de loi n° 33, projet de loi visant l'instauration d'un régime universel d'assurance-médicaments. M. le Président, on ne peut s'opposer au principe de ce projet de loi qui veut rendre les médicaments disponibles à l'ensemble de la population et peut-être, par le fait même, diminuer les coûts reliés à la consommation de médicaments. On sait, M. le Président, que 1 200 000 personnes n'ont aucune assurance. Le ministre nous dit que le régime de base pour cette clientèle non couverte par un régime collectif sera offert par la RAMQ et que le montant de la prime sera de 0 $ à 175 $ en fonction de leurs revenus. Ça, M. le Président, pour ces personnes qui n'ont aucune protection, ce peut être une bonne mesure. Mais, M. le Président, il y a plusieurs questions qu'on doit se poser sur ce projet de loi qui a été improvisé. Je dis «improvisé» puisque le ministre a été obligé d'émettre un communiqué de presse qui apporte des modifications considérables à son régime d'assurance-médicaments.

La première modification, M. le Président, c'est que le 1 200 000 personnes qui devaient faire partie d'un régime privé d'assurance relèveraient maintenant de la RAMQ. Pourquoi le ministre a-t-il changé d'idée? Parce que, M. le Président, les compagnies d'assurances qui se sont présentées en commission parlementaire ont bien fait comprendre au ministre que les prévisions sur les coûts de primes prévus par le ministre étaient irréalistes parce qu'on n'avait pas évalué les frais administratifs. Mais, M. le Président, est-ce que le ministre s'imagine qu'il n'y aura pas de frais d'administration reliés au régime s'il relève de la RAMQ? N'a-t-on pas constaté dans le passé que toute mesure administrée par le gouvernement était plus dispendieuse qu'administrée par l'entreprise privée? Comment le ministre peut-il nous assurer que le régime n'augmentera pas après un an ou deux d'utilisation? Le ministre nous dit que la prime d'assurance devra être indexée annuellement, mais il ne nous dit pas indexée avec quoi. Est-ce que ce sera indexé à l'indice des prix à la consommation? M. le Président, le ministre ne nous l'a pas dit, puisque, dans son projet de loi, il n'y a pas de plafond d'indiqué dans cette indexation.

Le ministre, dans son communiqué, nous annonce que, pour les prestataires de la sécurité du revenu et les personnes ayant la sécurité du revenu garanti maximum, la franchise passe de 300 $ à 200 $ et que la franchise, comme le plafond, sera payée trimestriellement. Ça, M. le Président, c'est une amélioration, mais est-ce que le ministre est conscient que, pour des personnes vivant sous le seuil de la pauvreté, c'est encore trop cher, et qu'il ne faut pas oublier que la prime individuelle sera de 175 $ et que la prime familiale sera de 350 $? Encore une fois, M. le Président, pour des personnes vivant sous le seuil de la pauvreté, c'est tout un effort financier qu'ils devront faire.

Aujourd'hui, le régime fonctionne de la façon suivante: 60 % de la population contribue à un régime privé d'assurance; 15 % à 20 % de la population représente les prestataires de la sécurité du revenu et les personnes âgées de 65 ans et plus. Et j'aimerais faire remarquer que la première catégorie, c'est-à-dire les prestataires de la sécurité du revenu, ne payait aucun médicament, pour eux, les médicaments étaient gratuits, et que les personnes âgées de 65 ans et plus obtenaient leurs médicaments en déboursant 2 $ par prescription, et ce, jusqu'à un maximum de 100 $ annuellement.

Et j'aimerais ici, M. le Président, faire une petite parenthèse et vous rappeler que, au moment où le gouvernement libéral a mis cette mesure en place, les péquistes, qui formaient l'opposition d'alors, ont crié au scandale. Et la députée de Johnson, vous vous en souviendrez, Carmen Juneau, avait monté un scénario pour décrier cette mesure. À ce moment, nous avons eu droit, comme gouvernement, à recevoir du haut de la galerie une pluie de 2 $ lancés par les aînés, et sur ces 2 $ était inscrit: Un gouvernement qui taxe la maladie est un gouvernement malade. Est-ce que le gouvernement, dans le moment, ne taxe pas la maladie avec cette mesure? J'aimerais bien, M. le Président, que la députée de Johnson soit ici et qu'elle constate que, avec le régime préconisé par le ministre, ce n'est pas 100 $ annuels que nos aînés devront payer, ils auront à débourser jusqu'à 950 $. C'est bizarre, M. le Président. Aujourd'hui, les députés péquistes ne s'offusquent pas de cette mesure inhumaine, comme l'appelait Mme Juneau du temps.

Pour nos aînés et les prestataires de la sécurité du revenu, devant cette mesure, ils restent bouche bée. Mais, M. le Président, l'opposition n'est pas dupe et a vite démasqué le ministre. Sa compassion pour le 20 % de la population qui n'a pas d'assurance collective ne nous émeut pas, puisque nous avons vite compris qu'avec son projet de loi n° 33 le ministre poursuit un seul objectif: récupérer plus de 200 000 000 $ pour les coffres du gouvernement en faisant fi des besoins des personnes âgées et des plus démunis de notre société. Le budget des dépenses du gouvernement Bouchard en est d'ailleurs le reflet puisque les crédits budgétaires 1996-1997, déposés en mars dernier, présentaient des économies de 196 000 000 $ à ce chapitre, alors que le projet de loi n'était pas déposé en cette Assemblée. Il faut le faire, M. le Président!

(1 h 10)

M. le Président, force nous est de constater que le gouvernement Bouchard et, plus particulièrement, son ministre de la Santé et des Services sociaux ne placent pas les citoyens au coeur de leurs préoccupations. Depuis la présentation de ce projet de loi, les plus démunis sont inquiets. Ils se demandent s'ils devront choisir entre manger ou payer leur prime d'assurance. De leur côté, nos aînés ont l'impression de se retrouver 30 ans en arrière. Les pharmaciens craignent l'étatisation déguisée de leur commerce alors que les malades craignent que le médicament dont ils ont besoin soit le seul à ne pas être inscrit sur la liste.

Comme l'écrivait l'éditorialiste Agnès Gruda, le 8 juin dernier: «Mieux vaut retarder le traitement que de tuer le patient.» Son collègue J.-Jacques Samson abondait dans le même sens: «Les arguments sont trop solides, les enjeux trop importants. Il faut reporter de quelques mois la mise en application d'un tel régime, le temps de peaufiner le programme.» M. le Président, à la lumière de ces différents commentaires et prises de position, je me demande sur quelle planète vit le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. le Président, en fin de semaine j'ai rencontré plusieurs de mes concitoyens et mes concitoyennes. La vaste majorité d'entre eux avouent manquer d'information sur le sujet et sont inquiets devant cette situation. Les personnes plus âgées étaient, quant à elles, dans un état de panique et pleines d'inquiétude à l'idée de devoir payer plus de 900 $ par an pour les médicaments qu'elles ont aujourd'hui pour un petit 2 $. Les plus démunis de notre société et ceux qui ont précédé, nos aînés, devront payer 215 000 000 $ des 300 000 000 $ que le ministre de la Santé et des Services sociaux veut récupérer. Il ne faut pas perdre de vue que l'adoption du projet de loi n° 33 autorisera bien plus que l'implantation d'un nouveau régime dans le domaine de la santé, mais modifiera en profondeur les modalités entourant la consommation des médicaments.

Je me demande si le ministre se rend compte de la portée de ses gestes. Sait-il ce qu'est un médicament? La question peut paraître superflue, mais, à la lecture de la définition de ce mot, cela confirme mes prétentions. En voici la définition, M. le Président: Médicament: substance destinée à soulager ou à guérir un malade. Règle générale, on ingurgite un médicament parce que l'on souffre ou pour amoindrir ou contrer une maladie. Comment peut-on faire la promotion d'une taxe sur la maladie, sur la souffrance? C'est plus fort que moi, je ne peux donner mon appui à ce projet de loi déposé par le ministre de la Santé et des Services sociaux. En fait, j'ai plutôt l'impression que c'est un ministre adjoint au Conseil du trésor qui en est le parrain tellement ses motivations sont purement d'ordre économique. Je déplore la négation du ministre de la Santé et des Services sociaux d'assumer sa responsabilité première qui est d'assurer le mieux-être collectif.

Malgré les minces tentatives de bonifier le projet de loi cet après-midi, nous n'avons pas encore obtenu les amendements et les règlements promis par le ministre. De plus, la liste des médicaments assurés n'a toujours pas été déposée. Il demeure encore des zones grises d'importance et auxquelles le ministre se doit de répondre. En conséquence, le ministre de la Santé et des Services sociaux doit retourner à la case départ. Il se doit absolument de retirer le projet de loi n° 33 et en présenter un tout nouveau avec l'ensemble des modifications qu'il vient de nous faire connaître. Il se doit également d'organiser, étant donné que le projet de loi a complètement changé, de nouvelles consultations.

En conséquence, M. le Président, je refuse de donner mon assentiment à l'adoption du principe du projet de loi n° 33, un projet de loi improvisé, déconnecté de la réalité et bâclé. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Mégantic-Compton. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. On se retrouve ensemble, tard ce soir encore, pour discuter un autre projet de loi du ministre de la Santé et des Services sociaux. Il me semble que les projets de loi de ce ministre sont toujours appelés tard le soir – il est 1 h 15 min. Je présume que ce gouvernement veut cacher ses projets de loi parce qu'ils n'ont peut-être pas vraiment le support dans leur caucus sur ce type de projet de loi. Ce n'est pas surprenant, M. le Président, que ce soit la deuxième fois que ce gouvernement appelle ce projet de loi tard le soir... pas ce projet de loi, mais les autres projets de loi qui sont déposés par le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Nous sommes ici pour discuter du régime d'assurance-médicaments, M. le Président, le projet de loi n° 33. Le Parti libéral du Québec a toujours supporté le concept d'un régime universel d'assurance-médicaments, particulièrement avec ce virage ambulatoire que nous sommes en train de voir, causé par ce ministère de la Santé et des Services sociaux. Mais nous avons toujours demandé et nous avons toujours privilégié le concept de protéger le bien-être et la santé des Québécois comme objectif de ce régime d'assurance-médicaments, pas une commande du ministre des Finances.

La seule chose qu'on peut retrouver dans ce projet de loi, M. le Président, ce n'est pas un régime universel de médicaments, mais on peut certainement trouver un régime universel de taxes. Je voudrais, M. le Président, rappeler un bref bilan du ministre de la Santé et des Services sociaux. N'oubliez pas qu'ils ont «bulldozé» le projet de loi 83 à l'Assemblée nationale, le projet de loi 83 qui a donné le pouvoir de fermer nos hôpitaux. Une autre commande qui vient du ministre des Finances.

Maintenant, nous avons devant nous le projet de loi n° 33, qui est une taxe déguisée, cachée en arrière des médicaments, 300 000 000 $, une autre commande du ministre des Finances. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, avec ce comportement, est en train d'entrer dans les livres d'histoire comme le pire ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec. Il peut peut-être être nommé un bon adjoint parlementaire du ministre des Finances, mais pas un bon ministre de la Santé et des Services sociaux. N'oubliez pas, avec les lois 83 et n° 33, M. le ministre, que c'est deux commandes du ministre des Finances; trois prises et vous êtes retiré.

M. le Président, comme le ministre le sait, groupe après groupe, citoyen après citoyen, jour après jour, les personnes qui se sont présentées devant la commission des affaires sociales ont demandé des changements. Les établissements, le secteur privé et, certainement, d'abord et avant tout, les citoyens, ceux et celles qui sont directement touchés par ce projet de loi, ils ont demandé des changements. Mais les amendements déposés tard aujourd'hui démontrent le niveau d'improvisation qu'on trouve dans ce projet de loi et dans cette stratégie du gouvernement péquiste. Qu'on parle d'un programme de régime d'assurance-médicaments, M. le Président, on parle des mots «prime», «franchise» et «copaiement»... M. le Président... Merci. Tous ces changements qu'on trouve dans le projet de loi n° 33 ont augmenté l'incertitude de la population, «the population is fundamentally worried about this program». À mon bureau de comté, j'ai reçu souvent des appels et des questions: Est-ce que nous allons avoir la couverture? Combien ça va coûter? Quand est-ce que ce programme va entrer?

Le pire, M. le Président, que je trouve dans ce projet de loi, c'est que ce gouvernement frappe les plus vulnérables de notre société; il frappe les personnes sur l'assistance sociale et il frappe les personnes âgées. Mais on trouve une chose qu'on peut trouver constante pendant tous les virages de ce ministre: il veut avoir 300 000 000 $ des poches des Québécois pour mettre dans la poche du ministre des Finances.

(1 h 20)

Mais je voudrais m'assurer que la population qui nous écoute, à 1 h 20 min ce matin, comprenne bien qu'est-ce qui se passe dans ce programme de médicaments, parce que le ministre de la Santé et des Services sociaux dit qu'il veut couvrir le 1 200 000 personnes qui ne sont pas couvertes dans un programme maintenant. C'est un objectif légitime et j'appuie ça, mais je voudrais souligner plusieurs questions.

Une. Je ne sais pas si M. et Mme Tout-le-Monde sait que si votre médicament, dont vous avez besoin pour votre soin, n'est pas sur la liste des médicaments, la liste officielle du gouvernement, si le médicament n'est pas sur cette liste, vous n'êtes pas assuré. Et qui contrôle cette liste? Qui décide quel médicament va entrer sur cette liste et quel médicament va être retiré? C'est le ministre de la Santé et des Services sociaux lui-même.

Et, comme nous l'avons entendu pendant la commission des affaires sociales, des groupes comme celui de la sclérose en plaques, qui a demandé d'avoir le Betaseron sur la liste, ou les personnes qui souffrent... La SLA a demandé que le riluzole soit sur la liste. Si ces médicaments, qui sont chers, ne sont pas sur la liste, tous les bons discours, toutes les bonnes explications de ce programme ne sont bons à rien parce que vous n'êtes pas assurés. Je ne sais pas si la population, en général, comprend vraiment cet enjeu.

À cause de ce problème, M. le Président, je voudrais souligner que le ministre de la Santé et des Services sociaux n'a pas accepté les modifications sur la façon de faire et aussi sur la composition du Conseil consultatif de pharmacologie. Le Conseil consultatif de pharmacologie, CCP, va avoir tout pouvoir de décider quels médicaments sont sur la liste et pour quelle raison, et la population a demandé d'avoir plus de participation décisionnelle dans ce Conseil, mais le ministre n'a pas écouté.

Nous avons demandé aussi de savoir c'est quoi le pouvoir de règlement. Il y a 18 articles dans le projet de loi avec le pouvoir de règlement, M. le Président, et, jusqu'à date, nous n'avons pas eu une réponse, à savoir c'est quoi les règlements, le pouvoir de règlement dans ce projet de loi. Le ministre veut garder tout ça pour lui-même. Mais pendant les audiences de la commission parlementaire, M. le Président, le ministre a dit: Ne vous inquiétez pas, les barèmes, je vais tout changer, je vais arranger tout ça.

Est-ce que vous savez, M. le Président, que le ministre veut charger, à partir de 14 775 $ pour un adulte seul, il veut charger la même prime que pour quelqu'un qui fait un gros salaire de ministre? Il pense que, maintenant, pour deux adultes, deux personnes âgées, par exemple, qui ont un salaire, un revenu, je m'excuse, de 25 650 $, il va charger toute la prime à 100 %, la prime maximum.

Un autre exemple, M. le Président. Deux adultes, deux enfants, qui font comme revenus 30 650 $; le ministre, qui a contredit sa parole pendant la commission parlementaire, maintenant, il n'a pas changé ça, 30 650 $, et vous allez payer le maximum de prime.

Et n'oubliez pas, M. le Président... Je voudrais juste expliquer comme il faut pour m'assurer que la population québécoise comprend les enjeux devant nous. Vous avez besoin de payer la prime, le maximum de prime à ce niveau, mais, après ça, vous avez besoin de payer 25 % des médicaments jusqu'à un maximum de 750 $. Ça peut aller jusqu'à presque 950 $, et ce 950 $, ça va être la même chose pour une famille qui a un revenu de 30 000 $ que pour une famille qui a 50 000 $, 60 000 $, 100 000 $. M. le Président, trouvez-vous ça une approche acceptable? Je demande que le ministre repense tout le système des barèmes.

M. le Président, effectivement, dans ses amendements, le ministre a changé la prime et le niveau maximum à 200 $ pour les personnes prestataires de la sécurité du revenu. Ça baisse à 100 $, 300 $, jusqu'à 200 $. Mais voilà un autre point qui est assez clair, il frappe les plus vulnérables de notre société, M. le Président. 200 $, ça peut être cher pour ces personnes qui ont besoin de médicaments. Mais la chose qui me frappe le plus, M. le Président, c'est que ce gouvernement attaque les personnes âgées. I ask them: Why are they targeting senior citizens? Why have they picked on the senior citizens? Before, it was 2 $, maximum 100 $. Maintenant, avec ce programme, M. le Président, il y a un fardeau disproportionnel pour les personnes âgées. Un fardeau disproportionnel. Elles sont tellement inquiètes, M. le Président. Il me semble que c'est inacceptable de cibler les personnes âgées, de cibler ceux et celles qui ont bâti notre société et, juste à mi-chemin, de décider que les règles sont toutes changées.

M. le Président, selon les barèmes que j'ai déjà mentionnés, 25 650 $ pour un couple ou 14 775 $ pour un individu, M. le Président, maintenant, au lieu de payer maximum 100 $, 2 $ par ordonnance, elles peuvent payer jusqu'à 950 $. Pensez-vous, M. le Président, que c'est juste? Est-ce que c'est une bonne reconnaissance pour le travail que ces personnes ont fait pour notre société? Mais il y a une autre question plus fondamentale aussi. M. le Président, est-ce que vous pensez que toutes ces personnes de l'âge d'or vont toujours prendre leurs médicaments? Peut-être qu'elles doivent choisir entre les repas et les médicaments. Et vous savez, M. le Président, je présume, que 15 % de nos admissions dans nos hôpitaux sont des problèmes d'utilisation des médicaments. Et j'ai peur, avec toute sincérité, que ce 25 % puisse causer une mauvaise utilisation des médicaments. Mais, M. le Président, on doit s'assurer que, dans un geste pour sauver 300 000 000 $ au ministre des Finances, on ne mette pas un fardeau aussi élevé sur le dos des personnes âgées, des aînés, forcer cette population à repenser toute sa façon de prendre les médicaments.

J'ai peur, M. le Président, que, maintenant, avec tous les changements, les taxes déguisées sur les médicaments, tous les changements à l'aide juridique, la Commission des normes du travail, les menaces sur la vie privée dont nous avons parlé en commission ce soir, les augmentations des taxes municipales, des taxes scolaires, les autres tarifs dont nous avons parlé pendant les études de plusieurs projets de loi, avec tous ces changements, M. le Président, nous sommes en train de forcer les aînés à complètement repenser leur planification financière. Pendant leur vie, ils ont planifié leur retraite, ils ont pensé qu'ils ont eu un contrat social entre l'État et eux-mêmes. Mais, maintenant, c'est tout changé et ils sont inquiets, ils sont menacés par ce gouvernement. Ils sont menacés parce qu'ils ont vu que ce gouvernement a ciblé les aînés d'une façon injuste.

M. le Président, on peut voir assez facilement la grande priorité de ce ministre. À la dernière page de son dernier communiqué de presse, avec tous ces changements, il a dit qu'il est fier que, tout en respectant le cadre budgétaire que nous nous sommes fixé... Avec ça, c'est clair, M. le Président, son but n'est pas la santé et le bien-être de la population québécoise, c'est le 300 000 000 $ que le ministre du Revenu a demandé d'aller chercher dans les poches des Québécois et des Québécoises.

(1 h 30)

Mr. Speaker, I'm fundamentally worried, I'm fundamentally concerned about projet de loi Bill 33, because it doesn't consider in a real effective way the needs of the population of Québec. It puts first and foremost, as a major preoccupation, taking money from people, taking money with the guise of saying that the Government is creating a universal prescription drug program. That's the excuse. But what they're doing is transferring most of the cost of that program from the public purse into the private pockets, with all kinds of problems that you see and that you've heard about in the debates about this Bill 33.

You can just try to figure out, Mr. Speaker, trying to compare private and public plans... If you're working and if you're not working. Are you insured or aren't you insured? Are you taxed more? And, if you lose you job, on which program do you get... And are you completely insured on one or the other? It's a complete farce, Mr. Speaker.

We're also concerned... nous sommes aussi inquiétés parce que le ministre, comme d'habitude cherche le pouvoir central. Il veut concentrer tous les pouvoirs chez lui. Il veut décider les honoraires des pharmaciens, il veut décider les prix des médicaments, il veut décider quel médicament peut avoir l'accès sur les listes de médicaments. C'est clair: le ministre de la Santé et des Services sociaux veut avoir tout le pouvoir de décider tout lui-même. Il me semble que, M. le Président, notre société est beaucoup plus mature que ça.

Mr. Speaker, I don't think that in 1996 we should be moving towards more and more centralized power. We shouldn't be... What we've been learning in the debates about health and social services is that we have a very responsible population. What they need is more education, what they need is plans for effective utilization of medications. What they do not need is a plan that says that it is out to protect them, but in fact is a tax grab, a blatant tax grab by this Government to tax people who need medication, to tax the most vulnerable of our society.

Mr. Speaker, avec tous les changements que nous avons vus dans le système de santé et de services sociaux, ça donne que, maintenant, il est en train de transférer le fardeau sur le dos des plus vulnérables de notre société. Il me semble qu'il doit, comme tous les groupes l'ont mentionné pendant la commission des affaires sociales, repenser son projet de loi, qui est une taxe déguisée. Il doit repenser son projet de loi pour qu'il soit plus équitable. Il doit respecter le contrat social entre les personnes de l'âge d'or et notre société.

Et, M. le Président, j'ai eu la chance de rencontrer un groupe de personnes de l'âge d'or au Manoir Kirkland, dans mon comté. Ils m'ont tous questionné sur ce projet de loi: ils ont peur. Ils ont peur que ce gouvernement veuille complètement changer le contrat social entre eux et le gouvernement. Ils ont peur que... Il y a le mythe qu'ils sont tous riches et ce n'est pas vrai. Regardez juste les barèmes que j'ai mentionnés, M. le Président. 14 775 $: vous n'êtes pas riche avec cet argent. Le ministre doit repenser, et j'espère, pour la première fois, avec ce ministre de la Santé et des Services sociaux, qu'il va mettre comme priorité la santé et le bien-être de la population québécoise et qu'il va oublier pour une fois la commande du ministre des Finances. J'espère qu'il va décider qu'il peut présenter un projet de loi qui respecte le contrat social entre la population québécoise et le gouvernement. Et j'espère que, bientôt, M. le Président, après le débat sur ce projet de loi n° 33, ce soir et plus tard, après toutes les discussions, après tous les commentaires que nous avons déjà entendus, le ministre va avoir la sagesse et il va retirer son projet de loi, repenser ça et, peut-être, retourner à l'Assemblée nationale avec un projet de loi qui va être acceptable pour la population québécoise. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Nelligan. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Masson. M. le député.


M. Yves Blais

M. Blais: Merci, M. le Président. En plein milieu de la nuit, afin de briser la monotonie, je vais y aller de quelques bribes, sans prendre le 20 minutes qui m'est alloué, pour trouver curieux, M. le Président, que, dans ce Parlement, le Parti libéral conserve sa moyenne au bâton quand arrive un projet pour l'aide sociale, pour aider socialement à l'ensemble de la population. Ils ne se démentent pas, cette fois-ci, comme dans toutes les autres fois. Quand est arrivé le zonage agricole, au tout de début de 1970, même un ministre chez eux, M. Drummond, avait préparé une loi sur le zonage agricole: jamais, ils n'ont eu le courage de la passer. Quand est arrivée l'assurance automobile, ils ont arraché leur chemise pour que cette loi-là ne passe pas. Aujourd'hui, il n'y a personne qui voudrait que nous l'annulions. Dès qu'arrive une loi qui favorise l'ensemble de la population et qui jette un peu de social-démocratie, autour de ce Parti libéral, c'est les grands tollés, à un point tel, M. le Président, qu'on se demandait si on avait pu, à un certain moment, parler de cette loi cette nuit et ce soir.

On a vu mon ami le leader de l'opposition, comme il arrive quand un grand projet se présente; on ne peut pas comprendre pourquoi le député de Brome-Missisquoi s'indigne et vocifère comme si le paradis était devenu l'enfer. C'est toujours comme ça. Il en est toujours ainsi. Ils sont offusqués, ils auraient aimé... Je me souviens de Mme Lavoie-Roux, qui avait commencé à préparer un programme pour une assurance-médicaments. Ils n'ont pas pu le pousser au bout: c'est trop social-démocrate, ça protège trop certaines personnes qui ont des besoins, ça protège.

Nous, et vous qui êtes de l'autre côté, nous avons notre assurance-groupe, nous sommes déjà assurés, mais on n'est pas seuls dans la vie, il y a 1 200 000 personnes qui ne le sont pas et qui, en plus, n'ont pas les moyens de s'assurer. Alors, on dit: Vous assurez les gens, vous leur chargez une prime trop chère, une trop grosse franchise, une trop grande coassurance, à 25 %, et vous ramassez 225 000 000 $ à 250 000 000 $ de trop. Quelle honte! Où est la honte? Nous allons payer 800 000 000 $ de médicaments pour les gens qui ne peuvent pas payer leur prime et pour le 25 % des démunis, ceux qui ne paieront rien. C'est 800 000 000 $.

Juste dans l'hospitalisation, les hôpitaux, nous, nous sommes assurés. Quand on arrive à l'hôpital, M. le Président, notre assurance ne fonctionne plus, c'est la RAMQ qui paie. C'est seulement un petit 276 000 000 $: c'est question de rien! C'est une assurance-médicaments... Les médicaments que nous prenons lorsque nous allons à l'hôpital, c'est 276 000 000 $. Où est le 250 000 000 $ de trop que nous voulons percevoir? Voyons donc! Bien, voyons donc! Mais c'est normal.

Le Parti libéral, quand il arrive quelque chose qui rend service à l'ensemble – ah! il va y avoir de petites anicroches au début, c'est sûr, il y en a eu dans l'assurance automobile, il y en a eu dans le zonage agricole au début puis – dès que vous revenez au pouvoir, quand on fait une loi, vous la tricotez pour essayer qu'on ait des problèmes puis essayer de mettre des fissures dedans. La loi n° 101 est un bon exemple par vos complices libéraux d'Ottawa interposé.

(1 h 40)

M. le Président, en plus, ils nous donnent comme exemple: Le 175 $ de prime sera payé à la fin de l'année par l'impôt. Êtes-vous capables – nous allons l'accepter tout de suite – de trouver un moyen de gestion pour aller chercher aux 1 200 000 personnes qui n'ont pas de police d'assurance – trouvez-moi un moyen plus économique – que de le mettre sur un rapport d'impôt? Pas parce que c'est un impôt, parce que c'est une façon facile d'aller chercher 175 $. Et, en plus, les gens aiment bien mieux payer à la fin de l'année, après avoir reçu les soins, que de le payer au tout début.

C'est bien sûr que, nous, on pourrait le payer au début, les députés; nous sommes dans les bien nantis, nous pourrions le faire. Les fonctionnaires, publics, parapublics, les grands syndiqués, les policiers, les pompiers, tous ceux qu'on appelle, dont nous faisons partie, ceux qui sont un peu mieux protégés par les lois des baby-boomers. C'est sûr qu'on est mieux protégés, mais il y a d'autres personnes qui viennent.

Et, parmi les personnes âgées, vous vous promenez partout, vous semez la panique, vous êtes après les faire paniquer. Est-ce que vous croyez que c'est rationnel, ce que vous faites? Vous les faites paniquer. Il y a 85 % des personnes âgées qui ont un revenu supérieur à 26 000 $ net par année. Le problème économique ne se situe pas là, il y en 15 % qui ont certains problèmes, bien ceux-là on les exempte, on s'en occupe... Je ne le sais pas, à toutes les fois, M. le Président, qu'il arrive une loi qui a une tendance sociale, puis qu'il y a une justice distributive dans les fonds que nous collectons, on se lève de l'autre côté et on se promène partout. C'est incroyable! Je tiens à vous féliciter, ça, il faut que je vous félicite: vous avez un moyen de propagande pour anéantir, pour écraser, pour empêcher l'avancement social comme je n'ai jamais vu et que je n'ai jamais lu dans aucun livre d'histoire. Vous êtes merveilleux!

Pensez-vous que 85 % des jeunes, en bas de 25 ans, gagnent 26 000 $ net par année? Pensez-vous que c'est mieux que tous ceux qui vont aux études jusqu'à l'âge de 25 ans n'aient aucune prime et que leurs parents n'aient rien à payer pour eux et que ce soit des personnes un peu plus âgées, en haut de 26 000 $, qui aient des redevances dans notre budget? Pas juste pour les médicaments, pour certaines autres choses. Est-ce que vous croyez ça plus juste ou pas? Est-ce que le problème... S'il y a 15 % de personnes âgées qui ont des problèmes, on les aide. Et puis un parti qui ne respecterait pas des femmes et des hommes âgés, c'est un parti qui manquerait de civilisation: on ne fera jamais ça.

Mais, venir nous blâmer parce qu'il y en a qui gagnent entre 26 000 $ et 400 000 $ par année, qu'on n'irait pas chercher un peu d'argent là parce qu'ils en ont, malgré qu'ils ont travaillé toute leur vie pour la ramasser... Je le sais, j'ai 65 ans passé, je le sais qu'on est vieux à cet âge-là, mais est-ce que j'ai fait ma part? Je dois avoir manqué à quelque part durant ma vie, parce que le gouvernement actuel doit 75 000 000 000 $. Il doit y avoir quelque chose que je n'ai pas fait de 20 ans à 65 ans. Je veux qu'on me respecte puis je veux qu'on respecte tous les gens de mon âge et plus âgés, mais, quand on est capable de fournir notre petite quote-part, pour le bien de l'ensemble de la population, bien, il faut être piqué d'une drôle de mouche pour ne pas reconnaître le coche.

M. le Président, c'est une loi excessivement importante, qui est aussi importante que lorsque M. Lesage a amené l'assurance-maladie, aussi importante que la nationalisation de l'électricité, aussi importante que la CSST quand elle a été imposée, aussi importante que l'assurance automobile, aussi importante que le zonage agricole. Mais, la plupart de ces lois-là, vous êtes contre. Pour une fois, essayez donc d'oublier votre essence, qui est destructrice; pensez donc un peu à l'ensemble de la population et, si jamais ça arrivait, que grand bien vous fasse. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Masson. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Viger. M. le député.


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci M. le Président. De toute évidence, M. le Président, le député de Masson, qui vient de me précéder, je crois qu'il n'a même pas eu l'occasion probablement de lire le projet de loi qu'on a en face de nous, le projet de loi n° 33.

M. Blais: Question de règlement, M. le Président.

Une voix: Il ne devrait pas parler de même.

M. Maciocia: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Viger... Sur quel point de règlement, M. le député de Masson?

M. Blais: Je vais vous le dire. Si vous vous assoyez, je vais pouvoir parler.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, si vous parlez comme ça, vous risquez de rester assis longtemps. Ha, ha, ha! M. le député de Masson, point de règlement.

M. Blais: M. le Président, on n'a pas le droit de présumer que les paroles qu'un député dit en cette Chambre, il ne dit pas la vérité. Je l'ai lu, le projet de loi, je l'ai dit en parlant. Vous n'avez pas le droit de me prêter des intentions indignes.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Viger.

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Mais comment comprendre que ce député a pu lire le projet de loi quand il nous dit, à un certain moment, M. le Président, que, quand on parle de social-démocratie, quand on parle de défendre les plus démunis, le Parti libéral est toujours opposé? M. le Président, il faut comprendre que ce projet de loi, il pénalise justement les plus démunis de la société. Ce sont ces gens-là qui sont pénalisés. Les 200 000 000 $ que le ministre de la Santé et des Services sociaux va chercher, il va les chercher dans ces portions de 15 % à 20 % de la population. Et qui sont ces personnes-là? Ce sont justement les plus démunis de la société, parce que les 15 % à 20 % de la population représentent les prestataires de la sécurité du revenu et les personnes âgées de 65 ans et plus. C'est là qu'il va aller chercher les 200 000 000 $. Ce sont ces gens-là qui ne payaient pas avant, M. le Président, qui sont obligés de payer actuellement. C'est justement dans cette catégorie de gens qu'il va aller chercher l'argent. Et le député de Masson, il se permet de dire que, nous, on est contre ça. Justement, c'est ça qu'on veut défendre: les gens qui sont pénalisés par le ministre, actuellement, M. le Président.

Et, quand on nous dit – je ne sais pas comment il a pu lire le projet de loi n° 33, ce député de Masson, M. le Président, je vais lui demander s'il est d'accord – qu'une personne qui gagne 14 750 $ paie 175 $ par année, et l'autre personne, qui gagne 100 000 $ par année, elle paie quand même 175 $ par année. Qui on défend? Est-ce qu'on défend les plus démunis ou on défend ceux qui sont plus riches, M. le Président? C'est ça, la réalité du projet de loi qu'on a devant nous: une personne qui gagne 14 775 $ paie 175 $ de prime, une personne qui gagne 100 000 $ par année paie 175 $ de prime, M. le Président. C'est ça, la réalité qu'on a en face de nous et c'est ce sur quoi on n'est pas d'accord, M. le Président.

Une personne qui gagne... Deux adultes avec deux enfants qui gagnent 30 000 $, ils paient 350 $ de prime; une famille qui gagne 200 000 $ par année, ils paient quand même 350 $ de prime, M. le Président. C'est avec ça qu'on n'est pas d'accord dans ce projet de loi. Nous sommes pour l'assurance-médicaments, ce n'est pas parce qu'on est contre ça, mais nous sommes contre la façon que le ministre l'a proposée devant cette Chambre, M. le Président.

Et M. le Président, je ne peux pas m'empêcher de le dire très clairement et très ouvertement: on a proposé au ministre de refaire son devoir. Il pourrait... C'est un projet de loi capital, c'est un projet de loi très vital pour la population du Québec, et nous voulons absolument que cette loi-là soit faite... effort. Il y a beaucoup de regroupements qui sont venus en commission parlementaire et ils ont dit au ministre, avec gentillesse, de refaire son devoir, de prendre le temps et d'y aller tranquillement, avec toutes les conséquences, de voir toutes les conséquences que ce projet de loi amène à la population du Québec.

Mais le seul objectif du ministre, et c'est ça qu'on reproche au ministre, c'est qu'il y a un impératif de la part du ministre des Finances qu'il faut qu'il aille absolument chercher les 200 000 000 $ pour le budget de la province. Ce n'est pas le bien-être des personnes, de la population du Québec, mais c'est uniquement un aspect financier pour lequel il a amené ce projet de loi là.

M. le Président, jusqu'à la semaine dernière, il y avait un projet de loi complètement différent de celui qu'on a devant nous aujourd'hui, complètement différent. Pourquoi? Parce que, à un certain moment, ce projet de loi n'avait pas été élaboré de la façon qu'il fallait le faire. Aujourd'hui, il nous arrive avec une autre proposition. Avant-hier, c'étaient les assureurs privés qui auraient pu assurer le 1 200 000 Québécois et Québécoises qui ne sont pas protégés par l'assurance-médicaments. Aujourd'hui, il nous arrive avec un changement radical à 180°: ce ne sont plus les assureurs privés, mais c'est la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

(1 h 50)

M. le Président, après deux ans d'attente, le ministre de la Santé et des Services sociaux s'est enfin décidé, comme je le disais, à nous présenter ce projet de loi promis à maintes reprises. En théorie, M. le Président, ce projet de loi aurait pour seul objectif d'offrir à 1 200 000 personnes non assurées une assurance qui couvrira le coût des médicaments. Toutefois, pour atteindre ses objectifs financiers, le gouvernement a choisi de faire contribuer ceux qui ne paient qu'un coût minime actuellement, puisque leur situation financière est la plus précaire. C'est ça que je disais tout à l'heure, M. le Président. C'est ça qu'on essaie de protéger aujourd'hui, nous, et nous disons au ministre de refaire ses devoirs. Ceux-ci devront maintenant payer une prime de 175 $, une franchise et une coassurance de 25 % du coût du médicament lui-même. Je tiens à rappeler, M. le Président, que l'opposition officielle a depuis deux ans défendu l'idée d'un régime universel d'assurance-médicaments pour annuler les effets pervers du virage ambulatoire et surtout pour s'assurer que tous aient droit aux médicaments dont ils ont besoin.

Nous appuyons le principe même d'un régime universel d'assurance-médicaments. Mais ce qui nous inquiète, ce sont les nombreuses difficultés d'application et d'implantation qui ont été révélées en commission parlementaire au cours des dernières semaines. Nous ne pouvons donc pas permettre au ministre de la Santé d'adopter un projet de loi qui est mal ficelé, qui laisse certaines questions en suspens et qui pénalise certains membres de notre société.

Je veux souligner que c'est le deuxième projet de loi dans le secteur de la santé qui est appelé pour l'adoption du principe en moins d'une semaine. Tout comme le projet de loi qui a été débattu ici mercredi et jeudi passés, le projet de loi n° 116, nous constatons encore une fois que le ministre annonce en catastrophe toute une série de modifications majeures qui changent le sens même de ce projet de loi. Encore une fois, le ministre nous démontre qu'il improvise dans des dossiers d'une grande importance, parce qu'il faut se rappeler que ce projet de loi, s'il est adopté, aura un impact majeur sur tous les Québécois et les Québécoises, sur notre système de santé.

Nous devons dénoncer une fois de plus l'attitude du ministre de la Santé, son manque de transparence et son manque de respect à l'égard des parlementaires et des groupes qu'il a consultés. Puisque les compagnies d'assurances n'ont pas voulu endosser les chiffres avancés par le ministre relatifs au coût du système, le ministre retire cette partie du projet de loi et nous présente un projet de loi qui est radicalement différent de celui déposé en cette Chambre le 15 mai dernier. Ces changements viennent après des heures et des heures passées en commission parlementaire à entendre des organismes du milieu de la santé, des syndicats et autres groupes intéressés. Ceux-ci ont soulevé de nombreux points d'interrogation qui à ce jour sont restés sans réponses.

On ne connaît toujours pas les médicaments qui seront inscrits sur la liste de la RAMQ. Le ministre se doit de déposer cette liste avant l'adoption de cette loi. La population a le droit de savoir le plus tôt possible quels médicaments seront couverts par le régime. De plus, nous ne connaissons toujours pas la politique de reconnaissance des nouveaux médicaments, et la composition du Conseil consultatif de pharmacologie chargé de leur analyse est contestée par tous les intervenants, puisqu'il n'y a aucune obligation pour le Conseil consultatif de consulter les groupes représentant les patients.

Le ministre, malgré l'occasion qui lui était donnée hier de corriger certains problèmes, n'a pas cru bon de fixer un plafond quant à l'indexation. Il y a donc un risque que le coût du régime augmente de façon spectaculaire d'année en année, et ce, à même les poches du contribuable.

Le ministre a annoncé aujourd'hui que le plafond pour les prestataires de la sécurité du revenu et les personnes ayant le maximum de supplément de revenu garanti passe de 300 $ à 200 $. C'est une bonne nouvelle, mais cela représente toujours un montant énorme pour une personne qui vit de l'aide sociale. Comme le disait si bien Mme Louise Blain, de la Fédération des ACEF, et je la cite: «Pour certaines familles, ça veut dire choisir entre la prime d'assurance ou la nourriture, M. le Président.»

Les graves lacunes dans le projet de loi que les consultations nous ont permis de découvrir et la décision du ministre d'annoncer en catimini des modifications substantielles à son projet de loi le jour même de l'adoption du principe nous ont permis de constater, une fois de plus, que le ministre de la Santé improvise dans ce dossier comme dans l'ensemble du processus de la reconfiguration du réseau de la santé. Il est évident que le ministre ne sait pas où il s'en va et, dans tout ce processus, il y a un manque flagrant de coordination et de concertation.

M. le Président, nous ne pouvons passer sous silence l'incohérence de ce gouvernement. La ministre de l'Emploi et de la Solidarité a retardé l'adoption de la loi sur l'équité salariale afin de permettre la révision en profondeur des effets que produira son application, et ce, malgré le fait que ce projet de loi ait été l'objet de nombreuses consultations. Comment le ministre de la Santé peut-il, lui, s'entêter à refuser les consultations additionnelles qui s'imposent sur les modifications qu'il propose aujourd'hui au projet de loi n° 33, avant de procéder à l'adoption de ce projet de loi? Le ministre doit s'assurer que le consensus social existe autour d'un projet de loi d'une telle importance.

Comme le disait Agnès Gruda dans La Presse du 8 juin, et je la cite: «Le projet de loi n° 33 contient suffisamment de zones ombragées pour justifier qu'on prenne le temps de le réexaminer.» Fin de la citation. Nous comprenons tous la véritable raison qui justifie la décision du gouvernement d'aller de l'avant, et avec tant d'empressement, avec ce nouveau régime. Le gouvernement veut réaliser ses compressions de plus de 200 000 000 $. Il est déplorable que ce seul objectif soit derrière une mesure sociale aussi importante. Comme le constatait Jean-Jacques Samson dans Le Soleil , ce matin, et je le cite: «L'obsession des coupures budgétaires et de la lutte au déficit fait travailler l'équipe gouvernementale à la pièce, sans plans globaux et dans l'ignorance du résultat final.» Fin de la citation.

Nous réitérons donc notre demande au ministre de la Santé de retirer son projet de loi et d'en présenter un nouveau qui intègre les nouveaux éléments annoncés en conférence de presse cet après-midi. Avant de procéder à l'adoption de cette loi, le ministre devra également procéder à une nouvelle consultation pour s'assurer qu'il y ait un consensus autour de ces nouvelles mesures introduites de façon tout à fait improvisée. Le ministre, s'il a vraiment à coeur le bien du public, devra apprendre à agir avec transparence. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Viger. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. M. le Président, on a devant nous un projet de loi dont le principe est supposément d'étendre l'assurance-médicaments aux 1 200 000 Québécois qui n'en bénéficient pas présentement. Et je dis bien «supposément», M. le Président. Sans contredire, c'est un des éléments, c'est clair, dans le projet de loi. C'est un objectif pour lequel nous, de ce côté de la Chambre, on est pour. Bien oui! On avait, dans notre programme électoral, les possibilités d'instaurer un système d'assurance-médicaments pour tenter de couvrir... en effet, corriger une lacune dans notre société, qui était le fait que 1 200 000 Québécois n'avaient pas d'assurance-médicaments.

(2 heures)

Mais, par contre, M. le Président, la mesure qu'on a devant nous et devant cette Chambre a un autre objectif, un autre objectif que simplement l'assurance-médicaments pour ceux qui n'en ont pas. C'est une deuxième mesure que le ministre a admise très ouvertement en commission parlementaire. Avec franchise, très éloquent, et transparence, il a dit: Il y a des impératifs budgétaires dans le projet de loi, M. le Président. Des gros mots, mais c'est très clair que, maintes fois, le ministre de la Santé a admis que les mesures contenues dans son projet de loi ont également l'effet d'aller chercher 200 000 000 $, cette année, et, l'année prochaine, peut-être jusqu'à 300 000 000 $ dans la poche des contribuables québécois; 200 000 000 $ de nouveaux impôts, jusqu'à 300 000 000 $ l'année prochaine. Des taxes déguisées. Ça a été très clair.

Pour quelqu'un, comme moi, qui a assisté à presque toutes les audiences particulières de la commission des affaires sociales, j'ai posé la question à plusieurs reprises à divers groupes sociaux: Seriez-vous plus favorables au projet de loi s'il était, comme on dit en bon québécois, «revenue neutral», si ça n'imposait pas des taxes déguisées? Et, effectivement, beaucoup de groupes ont dit: Oui, ce serait un aspect positif si le gouvernement n'avait pas l'objectif d'aller chercher 200 000 000 $ dans la poche des contribuables.

Alors, c'est une des raisons fondamentales pour lesquelles on est contre le projet de loi, M. le Président, parce que c'est non seulement une mesure pour assurer 1 200 000 Québécois; c'est la façon de le faire. Et la façon de le faire est très claire, il faut aller chercher de l'argent additionnel. Pourquoi? Pour répondre à une commande du Trésor. Le ministre en titre de la Santé, on le critique souvent parce qu'il agit plus comme ministre des Finances que comme ministre de la Santé parce qu'il impose des taxes déguisées, et on trouve ça regrettable, M. le Président, très regrettable.

C'est non seulement le fait qu'on va aller chercher 200 000 000 $ cette année et 300 000 000 $, c'est le comment qui devrait inquiéter le député de Masson. Lui qui a un sens aigu de la justice sociale, ça devrait l'inquiéter parce qu'on le fait sur le dos des prestataires de la sécurité du revenu et des personnes âgées. On le fait sur le dos, en très grande partie, des plus démunis de la société. C'est clair, M. le Président. M. le député de Masson me fait signe que non, mais, je regrette, s'il avait été présent lors de nos auditions particulières, il aurait compris. Parce que tous les groupes sociaux sont venus nous voir, M. le Président, en nous disant: Imposer un plafond de 300 $, maintenant rendu à 200 $, à tous les prestataires de la sécurité du revenu fera un énorme tort aux Québécois et Québécoises qui sont, malheureusement, prestataires de la sécurité du revenu.

Le représentant de la Fédération des ACEF a même dit, comme mon collègue l'a si clairement exprimé, que ça peut avoir l'impact de choisir, pour un prestataire de la sécurité du revenu, entre manger et prendre ses médicaments. Si c'est ça, la notion de l'avancement social dont le député de Masson a tellement éloquemment parlé, il a un sens pervers de la justice sociale, de l'avancement social. Des mesures, également, M. le Président, qui touchent les personnes handicapées, des mesures qui touchent les personnes âgées. On va mettre à contribution les personnes âgées; même les personnes âgées à très faibles revenus, même des petits salariés à partir de 10 400 $ vont être mis à contribution.

Alors, dire que c'est le Parti libéral du Québec qui, par l'opposition à ce projet de loi, est en train d'écraser l'avancement social, c'est vraiment changer les faits, M. le Président. Et j'aimerais, pour le bénéfice de tous les députés de la Chambre et surtout pour le député de Masson, lire un petit extrait du mémoire préparé par la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec qui regroupe plusieurs ACEF. Et ils disent, à la page 24 de leur mémoire... Ça, c'est du monde qui travaille dans le social. Le député de Masson connaît les ACEF, j'en suis convaincu. Il connaît leur grande crédibilité dans la budgétisation. Même la ministre de l'Éducation actuelle a fait ses cours dans les ACEF. J'avais suggéré au ministre de la Santé qu'il entre en communication avec sa collègue, la ministre de l'Éducation, pour essayer de comprendre un peu mieux ce que les ACEF représentent, pour qu'il puisse apprendre et pour qu'il puisse suivre les conseils des ACEF; ils sont tellement pointus.

À la page 24 du mémoire, le ministre reconnaissait d'ailleurs – citation – «qu'il faut faire payer les assistés sociaux pour dégager 200 000 000 $ et ainsi inciter – n'est-ce pas plutôt forcer, selon la FNACQ? – les personnes à sortir de l'aide sociale, puis pour compenser les petits salariés». Ça, c'est une citation, dans Le Soleil , du ministre de la Santé. Mais l'observation de la FNACQ, là-dessus, est très intéressante, M. le Président. «Est-ce la nouvelle orientation du gouvernement du Parti québécois, qui se dit encore social-démocrate – qui se dit encore social-démocrate – sans réellement l'être, de faire payer les plus démunis de notre société pour aider les petits salariés?»

Ce n'est pas le jugement du Parti libéral du Québec, M. le Président. Ce n'est pas le jugement de l'opposition officielle. Ça, c'est le jugement de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec. Ça doit faire mal au député de Masson d'entendre ces paroles: «Le Parti québécois qui se dit encore social-démocrate sans réellement l'être». Ça doit faire mal au député de Pointe-aux-Trembles d'avoir un tel jugement de la part d'un groupe tellement crédible dans le travail auprès des groupes sociaux.

M. le Président, on a beaucoup de raisons pour s'opposer à ce projet de loi. On a entendu énormément de groupes en commission parlementaire qui s'inquiétaient quant à la disponibilité des médicaments après notre régime futur, et leur inquiétude était, quant à moi, très valable. Ils ont dit: On va élargir la couverture. Les médicaments très dispendieux vont être couverts, oui, mais, en grande partie, l'État va payer pour. Et, avec la mutualisation des coûts, tout le monde va payer pour. Et, si c'est le cas, il y a un risque dans l'esprit de beaucoup de gens, surtout des gens qui sont venus témoigner au sujet des maladies graves. Il y aura une possibilité que le gouvernement limite l'accès à de nouveaux médicaments qui sont très dispendieux.

Malheureusement, quand on a fait le point là-dessus, le ministre de la Santé nous a accusés d'être démagogues, et c'est quand j'ai entendu cette accusation que j'en suis venu à la conclusion personnelle qu'il y avait quelque chose là. Mais ce n'est pas nous qui avons inventé ça. Ce sont des groupes qui représentaient des personnes atteintes de sclérose en plaques, des personnes atteintes de toutes sortes de maladies graves qui avaient exprimé cette crainte. Une crainte que nous avons jugée, je pense, valable.

M. le Président, il y également le volet empressement; l'empressement avec lequel ce gouvernement procède dans le dossier. Et, relié à ça, quant à moi, l'empressement égale improvisation. Il y a une certaine improvisation, c'est très clair, dans le dossier. Même, aujourd'hui, le ministre a été obligé d'annoncer des changements majeurs. Ce ne sont plus les assureurs privés qui vont assurer les 1 200 000 Québécois. Ça va être maintenant la Régie de l'assurance-maladie du Québec. C'est un revirement majeur.

(2 h 10)

Pendant toutes nos auditions particulières, M. le Président, à plusieurs égards, quand les assureurs sont venus devant nous, le ministre avait dit: Bien, c'est une bonne chose qu'on concurrence à l'intérieur des assureurs privés parce que ça va faire baisser les primes. La libre concurrence dans le marché va faire en sorte que la prime va être moindre. Mais, comme on dit, M. le Président: «You can't have your cake and eat it too». On ne peut pas dire à plusieurs reprises que la compétition dans le marché va faire en sorte que la prime sera raisonnable, puis, tout d'un coup, transférer tout ça à la RAMQ. Il n'y a pas de compétition, nulle part. Ça fait que c'est, encore une fois, je pense, M. le Président, une démonstration très claire de l'improvisation du projet de loi.

L'empressement, le pourquoi, M. le Président? Pourquoi c'est tellement urgent de procéder avec ce projet de loi? Oui, on pourrait dire que c'est pour corriger l'absence d'assurance pour les 1 200 000 Québécois qui n'en ont pas. Mais, moi, je ne peux pas concevoir qu'on ne peut pas attendre six mois. Ils ont attendu longtemps; c'est vrai qu'ils ont attendu longtemps. On peut attendre six mois pour faire un projet de loi qui a de l'allure. Mais non, le gouvernement est empressé parce que – j'y reviens, M. le Président, c'est très clair – c'est une mesure budgétaire. Le ministre de la Santé a besoin, il l'a dit, de livrer 200 000 000 $ au Trésor cette année. Il faut qu'il trouve le moyen de le faire. C'est pour ça qu'il est tellement entêté avec son projet de loi. C'est pour ça qu'il faut aller de l'avant, selon lui, parce qu'il faut qu'il livre cette commande.

Il l'a dit devant la commission: s'il ne livre pas les 200 000 000 $ par le biais de son projet de loi d'assurance-médicaments, il va falloir qu'il coupe ailleurs. Il n'a pas dit: Il va falloir que j'aille chercher des revenus supplémentaires, il va falloir que j'aille arracher 200 000 000 $ du Trésor. Ce n'est pas ça qu'il a dit. Il a dit: Ah! On va être obligé de couper ailleurs. Peut-être fermer un autre hôpital. Il y en a toujours un d'ouvert à NDG, peut-être que c'est la prochaine cible, je ne le sais pas. Mais c'est très clair que c'est une mesure budgétaire. C'est pour ça que le gouvernement est extrêmement empressé.

M. le Président, le plafond. J'aimerais parler au sujet du plafond pour les prestataires de la sécurité du revenu et les personnes âgées. Avec les changements, l'improvisation d'aujourd'hui, on baisse le plafond de 300 $ à 200 $. Mais, M. le Président, je dois vous dire que j'ai été – et je pense qu'on l'a été tous, tous les membres de la commission – touché par le cri du coeur qui a été lancé par les représentants du front commun des personnes prestataires de la sécurité du revenu. Un cri du coeur qui a dit: On n'a pas une cenne de plus pour payer pour l'assurance-médicaments. On n'y arrivera pas. Ça imposera des choix très difficiles: soit payer le logement, payer la nourriture. C'est ça, la réalité du témoignage qui a été livré devant nous. C'est ça, l'improvisation. Là, le ministre semble un tout petit peu sensible à ça, il baisse le plafond de 300 $ à 200 $. D'une certaine façon, un peu de progrès, mais, quant à nous, pas assez de progrès, c'est très clair, M. le Président.

Avant que je parle des personnes handicapées, dossier qui me tient à coeur, en parlant de l'improvisation et un peu de l'entêtement du ministre, une collaboratrice est en train de lire un roman par Gore Vidal, puis il y a un caractère fictif dans le roman. Un Anglais, inventeur, qui, dans les années quarante, à cause d'un manque de caoutchouc à travers le monde, a essayé de penser à une autre façon de faire des pneus. Lui, sa façon a été de les mouler avec du bois, des morceaux de bois. Ça n'a pas trop bien fonctionné. Mais la phrase de Gore Vidal, là-dedans, a été, et il faut que je la dise en anglais, M. le Président: «With each successive and horrible failure his confidence grew.» C'est un peu l'attitude du ministre de la Santé. With each and every horrible and successive failure the minister's confidence grows. Une drôle d'attitude, M. le Président. C'est une drôle d'attitude pour les Québécois et Québécoises: With each successive failure, the minister's confidence grows. Ça m'inquiète. Ça m'inquiète beaucoup.

En parlant des personnes handicapées, M. le Président, voici les mesures annoncées aujourd'hui par le ministre de la Santé, et je cite: Les personnes handicapées dont le handicap est survenu avant l'âge de 18 ans et ne bénéficiant pas d'allocation de sécurité du revenu – si elles sont prestataires, elles sont déjà exemptées – seront exemptées de franchise et de coassurance; elles seront aussi exclues du paiement de la prime. C'est la question, M. le Président, de la première phrase: Les personnes handicapées dont le handicap est survenu – on va attendre que le bruit diminue – avant l'âge de 18 ans. M. le Président, une drôle de situation.

Pourquoi cette distinction: les personnes dont le handicap est survenu avant 18 ans seront exemptées de la prime, de franchise et de coassurance? Quelqu'un qui est devenu handicapé après l'âge de 18 ans, lui, est assujetti à toutes les mesures. Ça na pas de bon sens; la logique de ça m'échappe complètement. Quelqu'un devenu handicapé par un accident dans une piscine, par une maladie grave n'est pas exempté parce que, c'est très clair, c'est seulement les personnes dont le handicap est survenu avant 18 ans.

Ça, c'est une vraie mesure de fonctionnaires. Je regrette de le dire, une vraie mesure de fonctionnaires. Imposer de façon très arbitraire cette date de 18 ans m'échappe complètement. Est-ce qu'on veut dire que les personnes handicapées devraient être traitées de la même façon que les enfants en bas de 18 ans? Ça me semble très condescendant, très condescendant, et impossible à justifier. Une vraie mesure de fonctionnaires.

Une petite citation, M. le Président, collection Statistique, Office des personnes handicapées du Québec: On a également constaté que la proportion des personnes ayant une incapacité augmente selon l'âge, et plus particulièrement à partir de 55 ans, pour toutes sortes de raisons: raisons de maladie grave, etc. Mais, si ces personnes-là ne sont pas exemptées de la prime, de la franchise, de la coassurance parce que leur handicap est survenu après qu'elles ont eu 18 ans, ça n'a pas de bon sens, vraiment pas de bon sens.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, vu le fait que le projet de loi est une mesure d'impôt, au même niveau qu'il est une mesure sociale, une mesure d'impôt pour aller chercher 200 000 000 $ et 300 000 000 $, l'année prochaine, parmi les plus démunis de la société québécoise; à cause de la raison de l'empressement, de la nature d'improvisation; à cause de l'impact très néfaste sur les personnes prestataires de la sécurité du revenu, les petits salariés et de l'effet pervers des modifications proposées aujourd'hui sur les personnes handicapées, on ne peut que voter contre le projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. J'accorderai maintenant la parole au député de l'Acadie. M. le député.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, si vous le permettez, M. le Président, je trouvais important d'intervenir dans le cadre du projet de loi n° 33. Il s'agit d'un projet de loi extrêmement important qui va toucher tous les concitoyens du Québec et qui est, depuis plusieurs mois, plusieurs semaines, l'objet de discussions intenses dans tous les secteurs de la société québécoise. Alors, c'est un projet de loi qui est important. Il y a eu de nombreuses représentations qui ont été faites au cours des consultations.

Et, juste en termes d'introduction, le ministre, cet après-midi, a fait une conférence de presse; il annonce des changements relativement importants, surtout au niveau des structures comme telles – j'aurai l'occasion de revenir sur ce point-là – il annonce ces modifications qui sont quand même majeures en termes d'orientations du projet de loi et demande qu'on soit tout de suite convoqués pour l'adoption du principe du projet de loi n° 33.

(2 h 20)

Alors, on fait des changements importants qui changent complètement ce qui était prévu la semaine dernière et on demande tout de suite de se présenter à l'Assemblée nationale pour l'étape de l'adoption du principe. Je dois vous dire, M. le Président, qu'on reconnaît là un empressement un peu suspect, qui n'est pas très respectueux, je pense, du rôle des parlementaires et également de la population qui n'a pratiquement pas eu le temps de réagir aux annonces qu'a faites le ministre cet après-midi. Alors, je tenais à faire cette remarque-là en commençant.

Maintenant, pour situer peut-être le projet de loi n° 33, il faut rappeler qu'au niveau de l'ensemble de la province de Québec, actuellement, au-delà de 60 % des personnes sont assurées par des régimes d'assurance-médicaments privés. Il y en a de 15 % à 20 % qui sont des prestataires de la sécurité du revenu, dont les prescriptions sont payées actuellement par le gouvernement. Et il y a également les personnes de 65 ans et plus qui contribuent, bon, 2 $ par prescription jusqu'à une concurrence maximum de 100 $ et la balance est payée par le gouvernement. Ça, c'est la situation actuelle. Ça veut dire que le gouvernement, présentement, à même les taxes et les impôts, consacre 300 000 000 $ pour assumer les coûts des médicaments des gens sur la sécurité du revenu et des personnes âgées de 65 ans et plus, dans les conditions que j'ai décrites.

Alors, ça, c'est la réalité actuellement: il y a une dépense qui est faite à même les argents récoltés – ça, je tiens à le souligner – des contribuables par le biais des taxes et des impôts. Le régime actuel, essentiellement, vise à répondre aux besoins des 15 % à 20 % de personnes qui ne sont couvertes d'aucune façon, qui ne sont pas sur la sécurité du revenu, qui ne sont pas âgées de 65 ans et plus et qui ne sont pas assurées par un régime privé. Alors, ça veut dire à peu près 1 200 000 personnes qui n'ont pas de couverture au niveau de l'assurance-médicaments.

Il faut bien se comprendre, M. le Président. Sur le principe de l'assurance-médicaments, l'opposition est favorable à ce projet. D'ailleurs, c'était dans notre programme lors de la dernière élection et ça avait déjà fait l'objet de discussions avant la dernière élection. Alors, nous sommes d'accord sur l'objectif de mettre en place un système d'assurance-médicaments, maintenant pas nécessairement de la façon dont on veut le faire. C'est là-dessus que nous avons des objections sérieuses.

Essentiellement, le projet de loi n° 33 consiste à assurer l'ensemble de la population du Québec en donnant un accès raisonnable et équitable aux médicaments requis. En quoi ça consiste, ce régime d'assurance-médicaments? Pour les contribuables, ça veut dire quatre choses principales: d'abord, il y aura une prime qui devra être payée; il y aura une franchise, c'est-à-dire un certain montant avant que le gouvernement commence à payer une partie de médicaments; il y aura une coassurance, qui sera un pourcentage tiré sur toutes les consommations de médicaments par tous les individus; et toutes les personnes, au Québec, auront l'obligation d'avoir soit un système d'assurance privé ou, avec les nouvelles annonces d'aujourd'hui, de s'assurer à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Le ministre, suite à la consultation du comité qui révisera l'utilisation des médicaments, déterminera, dans une liste, quels sont les médicaments qui sont admissibles.

Je pense, M. le Président, qu'il s'agit là des principaux éléments du projet de loi et j'aimerais peut-être revenir sur un autre point aussi qu'il est important de signaler, c'est que, dans le projet initial que le ministre nous avait présenté, le projet de loi établissait une prime, bon, qui était une prime uniforme, qui permettait d'assumer l'ensemble des risques et de les répartir sur l'ensemble des personnes. À ce moment-là, on parlait des assureurs qui auraient à assurer les 1 200 000 qui ne l'étaient pas. À ce moment-là, les assureurs pouvaient ajouter des frais d'administration. C'était convenu, c'était clair. Le montant de cette prime de risque pour une année sera fixé par le gouvernement, après consultation des assureurs, sur la base du coût moyen prévisible des services et des médicaments pour cette année. Donc, il était prévu au départ qu'il y aurait, en plus de la prime, une certain montant pour couvrir les frais administratifs.

Maintenant, on se retrouve, M. le Président, avec un projet de loi qui est fort discuté, et notamment sur un des aspects majeurs aussi du projet de loi, c'est les pouvoirs réglementaires que se réserve le ministre. Alors, il faut bien être conscients que, par règlement et non pas dans la loi, le ministre déterminera les catégories de personnes qui bénéficient d'une couverture. Alors, quand on dit «par règlement», ça veut dire que ça pourrait être changé d'une façon très facile, sans en discuter à l'Assemblée nationale, par le biais de modifications dans les règlements et la publication dans la Gazette officielle .

Alors, changer les catégories de personnes qui bénéficient d'une couverture; déterminer les services requis au point de vue pharmaceutique et fournis par un pharmacien; déterminer les conditions requises pour que le coût de certains médicaments soit couvert; déterminer les médicaments assurés qui seront fournis à l'extérieur du Québec; prévoir les personnes qui peuvent être exonérées du paiement de la prime ou de la cotisation annuelle; fixer le montant de la franchise et de la part d'assurance; fixer le mode d'indexation du montant annuel de la prime et, par règlement, établir quels seront les coûts des infractions ou de la violation à l'obligation qui est faite d'avoir une assurance, tout ça, M. le Président, ça se fera par règlement. Alors, ça veut dire que le ministre n'aura pas à revenir devant l'Assemblée nationale pour présenter des modifications à ce niveau-là.

Le dernier point que je voudrais traiter au niveau de la description du projet, c'est la question des barèmes. Ça a été mentionné tout à l'heure par certains collègues, les barèmes sont quand même très peu élevés. Une personne seule qui gagne 14 800 $ aura à payer entre 276 $ et 750 $; ça variera entre les deux pour une personne qui a un revenu de 14 800 $. Pour un couple qui aurait un revenu supérieur à 25 700 $, ça pourra varier de 550 $ à 1 500 $. Alors, vous savez, une personne seule avec 14 000 $, ce n'est pas une personne riche. Un couple avec 25 000 $ par année, ce n'est pas des gens qui sont riches non plus. Et, dans les deux cas, les deux maximums pourront varier, dans le cas d'une personne seule, jusqu'à 750 $ et, dans le cas d'un couple, jusqu'à 1 500 $.

Et ce qui est le pire dans toute cette dimension-là, quand on pense en termes d'équité sociale, c'est que la personne qui gagne 15 000 $ paiera la même chose, si elle consomme la même quantité de médicaments, que la personne qui en gagne 100 000 $. Alors, vous avouerez, M. le Président, qu'on a beau chercher la règle d'équité qui peut exister à ce niveau-là, il n'y en a pas tellement. Ce n'est pas vrai que 750 $ pour une personne qui en gagne 15 000 $, ça a le même impact que 750 $ pour une personne qui en gagne 100 000 $. Alors, c'est un autre point qui peut nous laisser très songeurs par rapport à cette question du projet de loi n° 33.

Maintenant, pourquoi on présente actuellement ce projet de loi là et qu'on veut le faire accepter avec une si grande rapidité? Essentiellement, ça a été mentionné par mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce tout à l'heure, c'est une question, tout simplement, budgétaire. Et, avant même de concevoir, de présenter et de faire adopter un projet de loi, le ministre avait déjà déterminé, sur les ordres du ministre des Finances, qu'il devait récupérer 196 000 000 $ cette année et 300 000 000 $ l'année prochaine.

Et je reviens à ce que je vous disais au début, M. le Président; je vous disais qu'à même les taxes et les impôts qui sont payés actuellement le gouvernement consacre 300 000 000 $ par année pour les médicaments des personnes âgées et des gens de la sécurité du revenu. Qu'est-ce qu'on vient faire avec le projet de loi? C'est qu'on évalue l'ensemble des coûts que ça va coûter à l'avenir, tout le projet au complet, on fait assumer les coûts par l'ensemble des contribuables, par le biais de la prime, de la franchise, de la coassurance, et, à ce moment-là, on va récolter le montant global qu'il faut pour couvrir l'ensemble des coûts des médicaments. Qu'est-ce qui se produit? Ça veut dire que le 300 000 000 $ que le gouvernement consacrait aux médicaments déjà, à même nos taxes et nos impôts de l'ensemble des contribuables, il vient de sauver ce montant-là.

(2 h 30)

Et voilà où le ministre veut aller chercher ses économies, 196 000 000 $ pour l'année 1996-1997 et, en 1997-1998, une année complète, ce sera 300 000 000 $.

Ça veut dire que les gens ont payé, dans les impôts, à venir jusqu'à date, dans leurs taxes, 300 000 000 $ par année qui allaient pour les médicaments. Ils vont continuer à payer le même montant, excepté que ça ne servira plus aux médicaments, parce qu'ils vont payer, dans le régime, l'ensemble des coûts de l'assurance-médicaments. Le 300 000 000 $ qu'ils ont payé, le gouvernement le récupère, et c'est la raison pour laquelle on a toujours prétendu, M. le Président, qu'il s'agissait de taxe déguisée.

Alors qu'on a taxé dans le passé, qu'on a sauvé, le gouvernement n'a pas dit: Bien, écoutez, on a déjà 300 000 000 $ qu'on consacre à des médicaments, on va le mettre dans la cagnotte de base, et le reste des coûts sera évalué et réparti à l'ensemble des contribuables, et on aurait fait un transfert des argents qui sont déjà consacrés à cette fin-là. Non. On met en place un régime complet et on récupère le 300 000 000 $ par année.

Essentiellement, M. le Président, c'est une opération budgétaire, et on voit très bien pourquoi le ministre est si empressé de faire adopter cette mesure-là, qui, de fait, est beaucoup plus qu'un projet de loi, qu'un simple projet de loi, c'est un débat de société qu'on aurait dû avoir. Et il y a des éléments qui sont très importants à ce niveau-là, qu'il faudrait, de toute évidence, avoir le temps d'analyser.

Les points qui sont litigieux dans le projet de loi, il y en a plusieurs qui sont mentionnés. À date, le coût réel de la prime... le ministre nous a dit aujourd'hui: Le coût réel de la prime, bon, ce sera 176 $. Je rappelle que les assureurs, qui étaient des partenaires, au départ, dans l'élaboration du projet de loi, eux ont dit: Bien oui, mais il faut ajouter des frais administratifs. D'ailleurs, le ministre aussi, il l'a toujours reconnu. Et là les assureurs disent: Il faudrait ajouter un certain montant qui ramenait autour de 250 $ la prime. Et, alors, ça, ça n'a pas plu au ministre, parce que le ministre, lui, il avait dit 176 $. Mais la réalité, c'est qu'il y en a, des frais administratifs, il y en a, des frais administratifs, et les assureurs, évidemment, les faisaient payer par l'ensemble du système d'assurance-médicaments. Là, le ministre prétend que c'est 176 $, point final. Bien, s'il n'y a rien d'ajouté pour les frais administratifs, ça ne veut pas dire qu'ils n'existeront pas. Ça veut dire qu'ils seront payés à même les budgets de la RAMQ et, à ce moment-là, ce seront des dépenses additionnelles de la Régie de l'assurance-maladie du Québec qui devront, par la suite, être assumées par l'ensemble des contribuables du Québec.

Donc, on ne le paiera pas dans le 176 $ mais on va le payer d'une autre façon, par le biais des budgets qui sont consacrés à la RAMQ. Et, si, à ce moment-là, il y a des déficits, bien, le gouvernement prendra des mesures pour aller récupérer les argents nécessaires ou couper ailleurs dans la RAMQ. Alors, je pense qu'il ne faut pas... Le fait qu'on change tout simplement le régime, tel qu'il a été annoncé aujourd'hui, qu'on ne fera plus affaire avec des assureurs privés, il ne faut pas prétendre que ça fait disparaître l'aspect administration. Et on sait très bien que l'aspect administration est souvent plus dispendieux quand c'est géré dans le secteur public que ça l'est dans le secteur privé.

Je pourrais, M. le Président, énumérer toute une série d'autres points qui ne sont pas clairs. J'ai fait référence tout à l'heure au pouvoir réglementaire du ministre, au prix des médicaments, à la liste des médicaments – quelle sera la liste des médicaments? – aux frais d'administration – on ne sait pas quels vont être ces frais-là, comment va être indexée la prime. Alors, il y a toute une série de mesures actuellement pour lesquelles on n'a pas de réponse, et c'est très clair là-dessus.

Maintenant, qu'est-ce qu'on peut apporter de plus à ce niveau-là? Je parlais tout à l'heure de la question de l'administration et je mentionnais que, souvent, dans un système public, il en coûte plus cher pour faire administrer le programme que dans le système privé. Mais là, parce que le ministre n'a pas été très satisfait des représentations faites par les assureurs, il a décidé de couper les ponts, et là il ramène ça à la RAMQ, ce qui est loin d'être sécurisant.

Alors, M. le Président, je voudrais citer un article de M. Philippe Dubuisson qui a paru dans La Presse du 25 mai. Je vais vous citer deux extraits qui se rapportent exactement à ce qu'on mentionne ici. Il dit: «Le Québec n'est pas la première province à se doter d'un régime d'assurance-médicaments, et l'expérience des autres n'a rien de rassurant. La Colombie-Britannique, la Saskatchewan et le Manitoba se sont dotés de régimes similaires à celui que s'apprête à mettre en vigueur le gouvernement Bouchard. Au départ, ces régimes publics comportaient de faibles franchises et des coassurances – part des dépenses que le bénéficiaire doit assumer au-delà de la franchise – d'environ 20 %. La situation est aujourd'hui tout autre et la facture est devenue en l'espace de quelques années nettement plus salée pour le bénéficiaire.»

Un peu plus loin, dans son article, il dit: «En premier lieu, le projet de loi ne prévoit pas qui, du gouvernement ou des bénéficiaires, assumera les hausses futures de coûts du régime, hausses prévisibles en raison du vieillissement de la population et de l'introduction de médicaments très chers. L'indexation indique clairement toutefois que la part du lion des hausses futures sera assumée par les bénéficiaires. Une tendance est constatée dans les autres provinces: la liste des médicaments obligatoirement couverts par le régime tend à rétrécir dans un souci de réductions des dépenses gouvernementales. La facture des médicaments des bénéficiaires ou leur prime d'assurance privée augmente en conséquence.»

Essentiellement, M. le Président, voilà les risques que nous encourons parce qu'il y a trop d'éléments qui ne sont pas répondus présentement. Alors, on aurait pu, M. le Président, élaborer encore beaucoup sur le projet de loi. Par exemple, c'est très clair qu'actuellement tous les groupes demandent le report du projet de loi. On a juste à regarder les journaux, les représentations qui ont été faites, les aînés, la Fédération des CLSC, le Front commun des personnes assistées sociales, le front commun CSN-FTQ-CEQ, etc. Alors, il y a un paquet de... Alors, dans ce contexte-là, M. le Président, je crois qu'il est évident que ce projet-là devrait être reporté, compte tenu de l'absence de consensus sur un projet qui est aussi important.


Motion de report

Et c'est dans ce contexte-là, M. le Président, que je veux faire une motion. Je fais la motion suivante. Je fais motion pour que la motion en discussion soit amendée en remplaçant les mots «soit maintenant adopté» par les mots «soit adopté dans six mois».

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, votre motion est déposée, M. le député de l'Acadie. Alors, afin d'établir le temps de parole respectif, je vais suspendre quelques instants les travaux de cette Assemblée, et je demanderais aux deux leaders de bien vouloir me suivre au salon des drapeaux pour qu'on établisse la répartition du temps de parole. Alors, je suspens immédiatement les travaux.

(Suspension de la séance à 2 h 38)

(Reprise à 2 h 43)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, suite à la réunion avec les deux leaders, nous nous sommes entendus sur la distribution du temps de parole sur la motion de report, de la façon suivante: le groupe gouvernemental aura 50 % du temps, soit une heure; l'opposition officielle aura l'autre 50 %; et le temps non utilisé par un groupe pourra être imparti à l'autre groupe. Concernant la limite des interventions, il n'y aura aucune limite dans le temps au niveau des intervenants. Donc, j'accorde immédiatement la parole au député de Frontenac. M. le député.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Je vous remercie, M. le Président. Je trouve ça assez triste de nous voir, à 2 h 45, à l'Assemblée nationale, siéger malgré des engagements très clairs, très formels qui avaient été pris par le nouveau gouvernement quelque part en septembre, octobre 1994, M. le Président. Je me souviens très bien. Et les quelques rares téléspectateurs qui ont encore le courage de nous écouter, probablement qu'ils font de l'insomnie. Je ne peux pas imaginer, M. le Président, qu'on trouve intérêt à écouter des parlementaires à 2 h 45.

Alors, pour ceux et celles qui font de l'insomnie, bon, ils se souviendront, M. le Président, que le leader du gouvernement de l'époque, le député de Joliette, avait, lui, très formellement indiqué à toute la population du Québec que ça allait changer: jamais plus de motion de suspension des règles, jamais plus de procédures exceptionnelles, on allait respecter la démocratie parlementaire; jamais plus on allait «bulldozer» les membres de l'Assemblée nationale, et, surtout, jamais plus, M. le Président, de séances de l'Assemblée nationale dépassé minuit. Alors, c'est une autre des promesses du puits sans fond qu'est le Parti québécois lorsqu'il a envie de promettre plein de choses aux Québécois, aux Québécoises particulièrement.

Particulièrement, M. le Président, lorsqu'on veut faire un parallèle avec ce qu'on faisait, nous, les libéraux, parce que, toujours, le député de Joliette mettait en parallèle ce qu'il voulait faire avec ce qu'on avait fait dans le passé, puis ce qu'on avait fait, c'était mauvais, carrément mauvais. Il fallait absolument changer ça puis rapidement.

M. le Président, on est ici, à l'Assemblée nationale, à 3 heures ou presque, puis on joue dans le dos des plus démunis, puis on joue dans le dos des personnes âgées. Parce que non seulement c'est odieux et ridicule de siéger à 3 heures, mais ça l'est encore plus et c'est encore plus reprochable compte tenu de l'importance de la question que nous discutons, M. le Président.

Vous savez, on n'est pas ici, cette nuit, pour discuter d'un projet de loi qui fait consensus. Si l'opposition, si ceux et celles qui ont été entendus par la commission parlementaire sous la responsabilité du ministre, à titre de parrain du projet de loi – évidemment, il ne dirige pas la commission parlementaire, mais il est un des personnages les plus importants dans une commission parlementaire, le parrain du projet de loi – si ceux et celles qui ont été entendus, M. le Président, étaient d'accord avec l'objectif du projet de loi n° 33, si l'opposition était d'accord avec le but recherché par le ministre de la Santé et son gouvernement, on ne s'en plaindrait pas avec autant de vigueur.

On pourrait comprendre, à la rigueur, que le gouvernement est pressé par le temps, pressé par le calendrier et que, de façon exceptionnelle, avec une espèce de consentement tacite de l'opposition, bien, on siège jusqu'à 2 h 30, 3 heures du matin. Mais ce n'est pas du tout ce qui se passe, M. le Président. Le ministre, son gouvernement, son leader savent très bien qu'il y a une opposition farouche, féroce, unanime, à toutes fins pratiques, à ce projet de loi. Et on ajoute l'injure, l'insulte. Non seulement on maintient le cap, on l'a maquillé un petit peu aujourd'hui et on essaie de confondre encore plus les opposants au projet de loi. Et l'insulte, bien, c'est d'y aller en pleine nuit.

C'est pour ces raisons-là que mon collègue député de l'Acadie, en plus de plein d'autres raisons qui ont été expliquées par lui et par d'autres membres de l'opposition... M. le Président, c'est pour cette raison-là qu'une motion de report a été déposée. On veut permettre au ministre de la Santé de retomber sur ses pieds et de récupérer son sens pratique.

Je pense que le ministre de la Santé, jusqu'à date, était reconnu comme étant capable de prendre des décisions objectives, rationnelles. Même si on est en complet désaccord avec d'autres politiques du gouvernement – et je fais référence à la décision très agressive qui a été prise par le gouvernement du Parti québécois de procéder à la fermeture de centres hospitaliers, autant dans la région de Québec que dans la région de Montréal, où la population, de façon générale, particulièrement dans les régions visées, a réagi avec beaucoup d'agressivité à cette décision gouvernementale – il faut cependant admettre que le ministre a pu donner certaines réponses face aux décisions qu'il prenait qui pouvaient, jusqu'à un certain point, soutenir la décision de son gouvernement.

(2 h 50)

Lorsqu'on lui pose des questions sur l'intention exprimée dans le projet de loi n° 33, bien, on n'a plus, M. le Président, devant nous, la même assurance, on n'a plus le même ministre sûr de lui dans plein d'autres dossiers qu'il a pilotés à date. On le sent hésitant, on le sent confus, et on sent chez lui, M. le Président, probablement poussé, évidemment, par d'autres membres du cabinet, on sent de l'improvisation puis on sent des réajustements. On en a eu l'exemple hier. Ne parlons pas d'aujourd'hui. Hier, on a eu l'exemple de réajustements de dernière minute qui, on en est convaincus, nous, du côté de l'opposition, d'aucune façon ne vont donner satisfaction à ceux et celles qui s'objectent à l'adoption du projet de loi n° 33.

M. le Président, je n'ai pas l'intention, moi, de toucher dans le détail le projet de loi comme tel. D'autres de mes collègues l'ont fait avant moi. On aura l'occasion, évidemment, de revenir, à moins qu'on décide, M. le Président, de nous donner raison sur la suggestion de reporter à six mois l'étude du projet de loi. Si, par hypothèse, le ministre et son gouvernement décidaient de passer outre à notre suggestion, bien, on aura, évidemment, l'occasion de reprendre la discussion sur le fond.

Moi, je veux, pendant quelques minutes, essayer de convaincre mes collègues d'en face que la sagesse devrait amener les ministériels, le ministre en tête, son gouvernement, à un minimum de sagesse, M. le Président, politique. Un minimum, également, de compréhension, compréhension de toute la situation qui a été dénoncée en commission parlementaire, devrait, dis-je, amener le gouvernement à reporter de six mois l'étude et, éventuellement, l'adoption d'un projet de loi d'une aussi grande importance.

M. le Président, j'aurai l'occasion de le faire en d'autres circonstances également, mais je vais en profiter pour féliciter le porte-parole du côté de l'opposition, le député de Robert-Baldwin, qui, en réponse à l'intervention du ministre de la Santé, a, je pense, très bien campé les raisons pour lesquelles, et du côté de l'opposition et, à toutes fins pratiques, à peu près tous ceux et celles qui ont été entendus sur ce projet de loi là, soit en commission parlementaire ou ailleurs, sur la place publique, que ce soient des observateurs neutres et objectifs que sont les éditorialistes, ceux et celles, M. le Président, qui sont préoccupés par la santé des Québécois et des Québécoises, ceux et celles qui sont préoccupés particulièrement par la santé des plus démunis, M. le Président... Tous ceux et celles qui suivent ce dossier de près disent au ministre: À tout le moins, attendez, reportez ça à plus tard, vous êtes allé trop vite. Et, pour un nombre, quand même, pas mal important à l'intérieur de ces groupes-là, il y en a qui disent carrément: Vous devriez reculer maintenant et pour toujours.

M. le Président, le ministre a déposé hier, le 10 juin, des amendements qui, de façon générale, ne règlent rien quant à l'essentiel des objections que nous avons manifestées à date à l'encontre de son projet de loi, M. le Président. Je me répète, ça a été dit par des collègues qui m'ont précédé, mais, si jamais, en le répétant à nouveau, on pouvait convaincre un ou deux collègues, deux ou trois personnes qui nous écoutent, qui auront, peut-être, demain matin, la bonne idée de lâcher un coup de fil au ministre – parce que le ministre de la Santé, comme tous ses collègues, j'imagine, répond aux citoyens qui communiquent avec lui – peut-être que c'est bon de rappeler aux députés ministériels... Vous aurez beau dire, M. le Président, les députés ministériels auront beau dire, auront beau faire, c'est un projet de loi qui vise essentiellement à récupérer des piastres.

J'écoutais le député de Masson, qui, dans son style coloré habituel, bon parlementaire, il faut l'admettre, au niveau de la forme, M. le Président, qui a toujours eu un sens de l'humour assez particulier, drôle, à l'occasion, disait, essentiellement – c'était à peu près le début de son intervention: Chaque fois qu'on dépose un projet à caractère social à l'Assemblée nationale, les libéraux sont contre.

M. le Président, ce n'est pas un projet social, ça, le projet de loi n° 33, c'est un projet fiscal. Et, si on se trompait là-dessus, si ce n'était pas essentiellement un projet visant à permettre au président du Conseil du trésor, au ministre des Finances, par le bras du ministre de la Santé, qui, lui, est coincé, il est coincé entre ce qu'il aurait peut-être le goût de faire ou de ne pas faire et les commandes du Trésor, du ministre des Finances, du Conseil des ministres, du premier ministre, qui a pris toutes sortes d'engagements qu'il laisse tomber au fur et à mesure qu'on avance dans le temps... Il a promis l'assainissement des finances publiques sans augmentation de taxe, sans augmentation d'impôt, et on sait très bien que, lorsque le premier ministre a dit ça, il ne le pensait pas ou, s'il le pensait, depuis il a changé d'idée et il essaie de nous faire croire que ce n'est pas le cas.

Alors, essentiellement, c'est un projet de loi fiscal, qui permettra au gouvernement du Québec de récupérer quelque chose qui se situe autour de 300 000 000 $. Et c'est pour ça que ça presse. C'est pour ça qu'on siège à 3 heures du matin. Parce que, si, comme le ministre le dit... Il défend son projet de loi tant bien que mal. Si c'était, comme le dit le ministre, rien que pour améliorer le sort des Québécois et des Québécoises, si c'était ça, vraiment, face au tollé que le ministre a entendu depuis à peu près un mois, il comprendrait que, si les Québécois sont contre, ça ne se peut pas qu'on leur fasse du bien malgré eux. On veut le bien des Québécois et les Québécois disent: Non, ce n'est pas ça qu'on veut. Et, malgré tout ça, on continue, on siège à 3 heures du matin, parce qu'on veut améliorer le sort des Québécois et des Québécoises alors qu'eux disent: Non, ça n'a pas de bon sens. Reculez. Attendez.

(3 heures)

Je répéterai tout à l'heure la liste... une liste, M. le Président, d'un nombre considérable de groupes qui parlent au nom de centaines de milliers de Québécois qui disent: Non, ça n'a pas de bon sens, attendez, reculez. Alors, si on veut le bien des Québécois, eh bien, écoutons les Québécois qui s'expriment par ces gens-là.

Mais ce n'est pas ça. Ça presse. On est à à peu près une dizaine de jours, même moins de 10 jours de la fin de la session du printemps 1996 et, du côté du gouvernement, on a besoin d'argent. On a besoin d'argent et on veut commencer à collecter en juillet ou en août qui vient. Les personnes âgées vont commencer à payer la note de l'assurance-médicaments soit en juillet soit au mois d'août. Je pense que ce n'est pas encore clair. Alors, pour être capable de fouiller dans les poches des personnes âgées de 65 ans et plus, entre autres, dès cet été, ça veut dire, ça, dans plus ou moins un mois et demi, juin, juillet, août, alors, il faut adopter la loi n° 33. Et, moi, je prévois déjà que le gouvernement va manquer à un autre de ses engagements, celui de ne pas utiliser la procédure spéciale de suspension des règles, de ne pas «bulldozer», M. le Président, les parlementaires, particulièrement ceux et celles de l'opposition. Je prévois déjà, M. le Président, parce que l'opposition va résister, là, en utilisant tout ce qu'on met à notre disposition de moyens que l'on retrouve dans nos règlements et dans la Loi sur l'Assemblée nationale, mais je suis déjà convaincu qu'on va faire face, dans quelques jours, à une procédure, encore une fois exceptionnelle, mais utilisée par ce gouvernement. Je vois le député de Masson qui me dit: Oui, oui, c'est décidé, c'est déjà décidé, M. le Président, que l'opposition va se faire passer sur le corps. Alors, on sait déjà ce qui va nous arriver. Alors, on prend les devants et on dit à ceux et celles qui nous écoutent: On va vous jouer dans le dos, on va fouiller dans vos poches, dans le dos des...

Une voix: ...

M. Lefebvre: Oui, oui, les personnes âgées, les plus démunis, à 3 heures du matin, en cachette, un gouvernement hypocrite, un gouvernement menteur...

Mme Caron: Question de règlement...

M. Lefebvre: Un gouvernement menteur, M. le Président....

Mme Caron: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: M. le Président, le leader adjoint de l'opposition a suffisamment d'expérience en cette Chambre pour savoir que, selon l'article 35.8°, il ne peut employer un langage grossier ou irrespectueux, ni selon l'article 35.7°, M. le Président. Donc, il doit retirer ses paroles.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la leader adjointe du gouvernement. Alors, M. le député de Frontenac, je vous prierais de bien vouloir retirer vos paroles, s'il vous plaît.

M. Lefebvre: M. le Président, je n'ai parlé d'aucun membre du Conseil des ministres en particulier, M. le Président, j'ai parlé d'un gouvernement qui est menteur.

Mme Caron: Il n'a pas plus le droit.

M. Lefebvre: Alors, M. le Président, si vous me demandez de retirer ou de le dire autrement, je vais le dire autrement: Un gouvernement qui ne dit pas la vérité aux Québécois et aux Québécoises, M. le Président. On nous avait dit, M. le Président, qu'on ne fouillerait pas dans les poches des Québécois, non seulement, M. le Président, on n'a pas dit la vérité, mais on s'organise pour le faire d'une façon hypocrite, puis...

Mme Caron: Question de règlement.

M. Lefebvre: Non, non.

Mme Caron: M. le Président, vous devez faire retirer ces paroles. M. le Président, on ne peut imputer des motifs indignes à un député, donc on ne peut pas imputer au gouvernement un motif comme celui-là, M. le Président. Il doit retirer ses paroles.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, le député de Masson, s'il est trop fatigué pour écouter ce que j'ai à dire...

Une voix: Je ne sais pas s'il est fatigué, mais il est fatigant.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): Ça fait du bien. Alors, je voudrais tout simplement vous mentionner qu'il y a une décision, du 31 octobre 1991, de votre collègue, Michel Bissonnet, concernant des propos qui sont tenus à l'endroit d'un groupe parlementaire qui peuvent être qualifiés de propos non parlementaires parce qu'insultants pour chacun des membres qui font partie du groupe parlementaire visé. Alors, considérant la qualité, actuellement, des échanges, je vous prierais de bien vouloir retirer les propos et de continuer votre allocution dans le bon ton, que nous allons sûrement apprécier. M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, moi, lorsqu'on siège à 3 heures du matin et qu'essentiellement c'est un projet de loi qui viendra...

Mme Caron: M. le Président...

M. Lefebvre: Qu'est-ce qu'il y a, là? Qu'est-ce qu'il y a?

M. Blais: Il n'y a pas de commentaires à faire, il faut que tu retires tes paroles, point à la ligne.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, est-ce que...

M. Lefebvre: M. le Président, question de règlement. Question de règlement, M. le Président. Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je vous entends sur la question de règlement.

M. Lefebvre: M. le Président, le député de Masson, qui est en Chambre depuis à peine cinq minutes – je ne sais pas où il était – m'interpelle depuis qu'il est entré en Chambre. Alors, s'il veut parler, qu'il se lève et qu'il soulève une question de règlement...

Le Vice-Président (M. Pinard): C'est ma journée. Alors, j'aimerais qu'on vide d'abord la première question. C'est que le leader adjoint du gouvernement m'a demandé de bien vouloir faire respecter notre règlement concernant l'article 35.7°, notamment. Alors, je vous demanderais, sur l'article 35.7°, de bien vouloir retirer les paroles que vous avez prononcées en traitant le groupe du gouvernement de menteur. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, et par la suite, si vous avez un point de règlement à soulever, je vais écouter.

M. Lefebvre: J'aimerais savoir, M. le Président, quels sont les propos que j'ai tenus, qui sont...

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous avez traité le groupe parlementaire gouvernemental de menteur. Alors, à ce moment-là, j'apprécierais, en vertu de la décision de Michel Bissonnet, du 31 octobre 1991, que vous retiriez ces propos, ce qui va vous permettre de poursuivre votre allocution...

M. Lefebvre: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): ...dont vous avez déjà utilisé 21 min 32 s.

M. Lefebvre: M. le Président, vous étiez peut-être distrait, dérangé par le député de Masson, comme moi, d'ailleurs. J'ai dit effectivement que c'est un gouvernement menteur. Vous m'avez demandé de retirer mes propos, et j'ai corrigé en indiquant que c'était un gouvernement qui ne disait pas la vérité, et vous avez considéré que c'était correct.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, je considère ces propos-là conformes.

M. Lefebvre: On peut vérifier au «transcript», M. le Président, j'ai corrigé.

Sur la question de règlement, M. le Président, je vous ai demandé...

Mme Caron: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement, je vous écoute.

Mme Caron: M. le Président, le leader adjoint de l'opposition a effectivement, dans un premier temps, dit ce qu'il vient de dire et fait ce qu'il vient de nous dire, mais, par la suite, il a repris des propos et, cette fois-là, il a traité le gouvernement d'hypocrite, M. le Président. Et je me suis relevée une deuxième fois pour vous demander à nouveau d'intervenir pour faire appliquer le règlement – ce sont des propos non parlementaires – et lui demander de retirer ses nouvelles paroles, M. le Président.

M. Lefebvre: M. le Président, sur la question de règlement de Mme la leader...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, lorsque je considère que le gouvernement agit d'une façon hypocrite, c'est parfaitement correct, c'est parfaitement légal et respectueux des prescriptions de l'article 35 et de tous ses sous-paragraphes.

Le Vice-Président (M. Pinard): Le fait de mentionner que le gouvernement agit d'une façon hypocrite n'est pas qualifier le gouvernement d'hypocrite. Alors, je retiens votre...

Mme Caron: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui. C'est selon, cette fois-ci, l'article 35.6°, c'est d'imputer des motifs indignes.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement, je crois que les propos... Je ne retiens pas votre opinion, mais, toutefois, il faut quand même admettre que les propos donnent ouverture à un débat; c'est un autre volet de l'article. Alors, à ce stade-ci, on peut continuer à s'amuser avec la procédure, on peut s'amuser à essayer d'interpréter de part et d'autre le règlement, c'est quelque chose de faisable, mais j'apprécierais davantage qu'au lieu de jouer avec la procédure on y aille plutôt avec des interventions de fond qui vont permettre aux citoyens du Québec de saisir le sérieux de la motion qui est actuellement en cours.

Alors, M. le député de Frontenac, s'il vous plaît, veuillez poursuivre...

M. Lefebvre: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...sur le fond, s'il vous plaît.

M. Lefebvre: Oui, M. le Président. C'est une motion extrêmement sérieuse, parce que l'opposition n'est, en fait, que le porte-parole officiel, à l'intérieur de l'Assemblée nationale, de milliers et de centaines de milliers de citoyens qui ont indiqué au ministre de la Santé qu'il se trompait, à tout le moins, dans son échéancier. Et, pour plusieurs, on est carrément en désaccord sur le fond du projet de loi comme tel. Et, comme je l'indiquais tout à l'heure, plein d'intervenants, plein de groupes ont dit au ministre: Vous devriez carrément changer d'idée, revenir sur votre décision, alors que plusieurs autres ont insisté pour le reporter à plus tard en espérant que le ministre allait bonifier son projet de loi. Alors, M. le Président, l'opposition parle au nom d'un nombre considérable de groupes qui ont indiqué au ministre, dans un premier temps, avoir eu très peu de temps pour préparer leur argumentation soumise en commission parlementaire.

(3 h 10)

M. le Président, ça a été répété au ministre: Vous nous avez pris serrés dans le temps, on n'a pas eu le temps de se préparer suffisamment, votre projet de loi, on le sent, vous le passez à la vapeur. Pour ces raisons-là, M. le Président, on est convaincus, du côté de l'opposition, que ça rencontre les voeux d'un nombre considérable de groupes qui ont demandé au ministre de reporter à plus tard l'adoption de son projet de loi. Et d'autres collègues avant moi, M. le Président, en ont parlé.

Le Conseil du patronat. On pourra dire: le Conseil du patronat, les libéraux, c'est des bons amis. Bien, il n'y en a pas d'autres! Il y en a d'autres, M. le Président. Il y en a d'autres. Il y en a d'autres qui sont, à tout le moins, à première vue, moins près des libéraux peut-être que le Conseil du patronat: la Fédération des CLSC, c'est assez proche du ministre, ça. Le Front commun des personnes assistées sociales du Québec, M. le Président, dit au ministre: Ça n'a pas de bon sens, vous allez trop vite, retardez ça. Ce n'est pas l'opposition qui dit ça, M. le Président, c'est la CSN, la FTQ, la CEQ. On le sait, M. le Président, les trois centrales, conjointement et en même temps, se sont exprimées à peu près, à quelques détails près, dans le même sens. Elles ont dit au ministre: Vous allez trop vite. Retardez votre processus législatif. C'est ce qu'on a demandé à M. le ministre.

L'Association des hôpitaux du Québec, M. le Président, c'est des gens que le ministre connaît bien. Est-ce qu'il va être insensible au message de l'Association des hôpitaux du Québec? Il me semble que, si j'étais ministre de la Santé, je serais ébranlé, moi, si j'entendais la Fédération des CLSC...

M. le Président, il y a un député à ma gauche, je ne sais pas son nom. Je ne le vois pas souvent à l'Assemblée nationale. Je ne l'ai jamais entendu parler, sinon pour faire des glouglous comme il fait. Alors, j'aimerais bien, M. le Président, que vous lui demandiez de me laisser parler. Et si, tout à l'heure, il a des choses à dire, s'il veut intervenir sur la motion, il pourra le faire. Son groupe aura 60 minutes, M. le Président; 60 minutes. S'il est en désaccord avec ce que je dis, bien, moi, je vais l'écouter, M. le Président. Peut-être qu'il me convaincra que je me trompe.

M. le Président, le Regroupement d'employeurs sur la santé au Québec. La Commission d'accès à l'information. La Commission d'accès à l'information, pour des raisons très techniques, très précises, différentes, entre autres, de la Fédération des CLSC, des raisons différentes de celles invoquées par le Front commun des personnes assistées sociales du Québec, la Commission d'accès à l'information dit au ministre: Vous allez trop vite. Retardez, réévaluez, repensez votre projet de loi.

Est-ce que tous ces groupes-là se trompent, M. le Président? Est-ce que la Fédération des clubs de l'âge d'or du Québec, qu'on a courtisée à tour de bras avant le référendum, à qui on disait: On vous écoute, vous êtes des gens qu'on a intérêt à consulter parce que vous avez du vécu... M. le Président, partout au Québec. Ça, c'était avant le référendum. Maintenant, la Fédération des clubs de l'âge d'or du Québec, ces mêmes gens-là disent au ministre: Vous vous trompez, vous allez trop vite. Ça tombe dans le vide, ça n'a plus de sens, les propos que tiennent les personnes âgées qu'on retrouve à l'intérieur de la Fédération des clubs de l'âge d'or?

L'Association québécoise de défense des droits des retraités, la Table des regroupements des organismes communautaires, le Regroupement des assureurs de personnes à charte du Québec, M. le Président, ça commence à faire pas mal de monde. Et d'autres. Et d'autres groupes qui, essentiellement, demandent au ministre de retarder l'adoption de son projet de loi parce que c'est majeur, le projet de loi n° 33. Ça va provoquer au Québec, j'espère que les ministériels en sont conscients, des changements absolument fantastiques, énormes, gros, inquiétants, dans la vie des Québécois. Je ne suis pas certain que les ministériels, que le gouvernement a bien mesuré l'impact, les conséquences de changements aussi rapides qu'on imposera à tous les Québécois. Tous les Québécois sont concernés, sont touchés par l'objectif recherché par le gouvernement à l'intérieur du projet de loi n° 33. Et à peu près tous les Québécois, M. le Président, s'expriment par la très longue liste des groupes auxquels j'ai fait référence, s'expriment également par l'opposition officielle. Pour le moment, le message que le ministre a entendu en commission parlementaire se traduit à peu près par la motion déposée par le député de l'Acadie: retarder le processus législatif de six mois.

Alors, on pense et on espère que le gouvernement va comprendre le message, le message des groupes, le message de l'opposition, va réfléchir. Le ministre a encore le temps, quelques heures. Si jamais, par hypothèse, il décidait de ne pas entendre la suggestion qu'on lui fait cette nuit, à 3 h 15 du matin, peut-être que demain il reviendra avec une évaluation plus rationnelle, décidera de ne pas donner suite au processus législatif qui est engagé pour de vrai aujourd'hui. Il y a eu la présentation du projet de loi, mais, lorsqu'on en est rendu à la première étape, qui est le principe, c'est engagé pour vrai.

Alors, je suis convaincu – et je m'arrête là-dessus – que le gouvernement, que le ministre, s'il est de bonne foi... Ça, je ne doute pas de ça. Moi, je pense qu'il se trompe, mais je ne peux pas douter de sa bonne foi. Je ne doute pas de sa bonne foi, mais il se trompe. Il me semble qu'il devrait écouter la voix de centaines, de milliers de Québécois qui se sont fait entendre fort – et peut-être que ça sera encore plus fort dans les prochaines semaines – pour le moment, ne serait-ce que pour démontrer que c'est un gouvernement qui écoute les Québécois et qui ne pense pas qu'à faire de la business, qu'à collecter des fonds. Plus ou moins 300 000 000 $, c'est beaucoup d'argent.

Alors, qu'on retarde l'adoption du projet de loi de six mois, et je suis convaincu qu'on sera tous gagnants, les parlementaires, le gouvernement et la population du Québec. Dans six mois, on verra, et on s'attaquera, avec peut-être encore plus d'ardeur, au fond du projet de loi. Là, on a essayé. On ne semble pas avoir ébranlé le ministre. Les amendements qui ont été déposés aujourd'hui, M. le Président, ne donnent pas satisfaction à l'opposition – et on est convaincu également – ni non plus à l'ensemble des groupes qui s'y opposent. Alors, que le ministre refasse ses devoirs, que le ministre réévalue la situation, au mois de juillet, au mois d'août, au mois de septembre, et qu'il nous revienne, dans six mois, avec quelque chose de mieux attaché, moins confus, moins précipité, et on reconnaîtra, à ce moment-là, le geste d'un ministre qui a – comme il nous l'a dit, mais on en doute beaucoup de notre côté – le sens de la compassion pour les Québécois et les Québécoises.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader adjoint de l'opposition et député de Frontenac. J'accorde maintenant la parole à la députée de Terrebonne et leader adjointe du gouvernement. Mme la députée.


Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. M. le Président, la première raison que le leader adjoint de l'opposition nous a donnée, c'est que nous siégeons cette nuit – il nous parlait de 3 heures du matin – et, donc, c'est parce que nous avons appelé, selon le leader adjoint de l'opposition, ce projet de loi en pleine nuit. Donc, c'est la première raison. On va commencer par rétablir les faits, M. le Président.

(3 h 20)

Ce projet de loi, il a été appelé à 15 heures cet après-midi, pas à 3 heures de la nuit. Il a été appelé à 15 heures de l'après-midi. Et, si nous avons commencé à étudier et à discuter du principe du projet de loi, c'est parce que l'opposition, de 15 heures cet après-midi jusqu'à 22 h 30 ce soir – donc durant cinq heures plus les deux heures d'arrêt que nous avons eues – donc durant cinq heures de discussions, a fait des discussions de procédure. Donc, on a refusé systématiquement d'étudier le principe que nous avions devant nous. Donc, ce n'est pas le gouvernement qui a appelé le projet de loi en pleine nuit, mais c'est bien l'opposition qui, par des mesures de procédure, a fait que nous avons commencé à étudier le projet de loi à 22 h 30. Alors, je pense que, ça, c'est important de le dire, M. le Président. Donc, cette première raison là, elle ne tient pas.

On nous a dit que l'ex-leader du gouvernement avait dit: Jamais plus nous ne siégerons la nuit. Oui, c'est vrai, sauf que c'était sans tenir compte de l'attitude de l'actuelle opposition, c'était en tenant compte de nos propres principes comme gouvernement mais sans tenir compte de l'attitude de l'opposition qui est une attitude qui est toujours à l'effet d'ajouter procédure par-dessus procédure pour, effectivement, nous empêcher, M. le Président, et ça a été la même chose sur le projet de loi n° 116 la semaine dernière, pour nous empêcher de discuter le jour et en soirée, M. le Président. Donc, par toutes sortes de mesures, nous nous sommes retrouvés à siéger en pleine nuit, mais c'était vraiment à cause de l'attitude de l'opposition.

On a reconnu l'importance de la question. Oui, M. le Président, ce projet de loi là, il est important. Il est important parce qu'il va permettre à des citoyens et des citoyennes qui, actuellement, ne sont pas assurés, qui n'ont aucune assurance-médicaments et qui souhaitent cette assurance-médicaments, ça va leur permettre de l'obtenir. Et ces gens-là, ils ne nous demandent pas de reporter le projet de loi. Et ce projet de loi là, il est créé pour cette équité de l'ensemble des citoyens et des citoyennes. Bien sûr, certains citoyens et certaines citoyennes vont avoir à payer un certain prix qu'ils ne paient pas actuellement, mais, présentement, ils jouissent d'un privilège comparé à ces citoyens et citoyennes qui n'ont pas cette équité, M. le Président. Donc, le projet de loi veut rétablir l'équité. Alors, est-ce qu'on doit reporter cette décision d'équité? Je ne crois pas.

Je pense aussi, M. le Président, que, du côté de l'opposition, il y a peut-être une certaine frustration, parce que certains intervenants, ce soir, nous ont bien dit qu'ils ont eu, dans leur programme, un projet pour une assurance-médicaments, mais ils n'ont jamais eu le courage politique, durant leurs neuf années de pouvoir, de mettre en place ce système d'assurance-médicaments. C'est sûr que c'est un peu frustrant de voir aujourd'hui que le gouvernement en place, maintenant, lui, décide d'agir. Parce que l'ancien gouvernement libéral avait, sur les projets fondamentaux, surtout les projets de loi, et ça le député de Masson l'a bien dit tantôt, les projets de loi qui sont des projets d'équité, projets de loi d'un parti social-démocrate... eux, ils avaient une incapacité d'agir, une incapacité d'agir chronique. Et là, M. le Président, aujourd'hui, devant ce projet de loi là, on nous dit: Il faut reporter. Et, en même temps, on accuse le gouvernement de ne pas agir.

Quand on dépose un projet de loi puis qu'on décide d'aller de l'avant, la première accusation de l'opposition est toujours de dire: Il faudrait reporter, il faudrait retarder, c'est trop tôt, vous devez absolument entendre davantage de citoyens et citoyennes, il faut faire des commissions parlementaires, il faut des audiences particulières, il faut des audiences générales. M. le Président, il y a toujours une bonne raison pour reporter. Par contre, en même temps, à la période de questions, on accuse le gouvernement de ne pas agir. Alors, il y a vraiment une incohérence constante à ce niveau-là.

Ce qu'il faut faire comme différence, M. le Président, c'est que tous les discours qu'on a entendus, c'est toujours comme s'il n'y avait pas... c'est comme si, déjà, on était passé en commission parlementaire, qu'on avait déjà fait l'étude détaillée du projet de loi et que, là, on décidait de l'adopter. Nous sommes à l'adoption du principe, M. le Président. La seule étape qui a été passée, c'est le dépôt du projet de loi. Nous sommes à l'adoption du principe et, déjà, le ministre de la Santé et des Services sociaux a déposé les amendements, a déjà dit qu'il faisait des amendements pour la commission parlementaire.

M. le Président, lorsque j'étais dans l'opposition, le gouvernement libéral ne nous annonçait jamais à l'avance les amendements ou les changements qu'on voulait faire dans les projets de loi, et, là, de l'autre côté de la Chambre, on est toujours offusqué, on trouve toujours que les amendements n'arrivent pas assez tôt, ne sont pas présentés assez vite. Mais, quand on était à l'opposition, M. le Président, on ne nous en présentait pas, des amendements. Les amendements arrivaient lorsqu'on faisait l'étude détaillée du projet de loi article par article et non avant. Et, parce que, dans un souci de transparence, nos ministres annoncent à l'avance les amendements, on se fait taxer de ne pas les présenter suffisamment rapidement. M. le Président, ce projet de loi, il n'a pas été improvisé. Le gouvernement avait pris un engagement formel. Qu'est-ce que nous avons fait après l'élection, M. le Président? Il y a eu le dépôt du rapport Demers; à la suite de ce dépôt-là, M. le Président, il y a eu le comité présidé par M. Castonguay qui a déposé trois scénarios, des propositions. Est-ce que le ministre a tout simplement choisi un scénario et décidé de ne pas entendre des groupes et des citoyens qui voulaient s'exprimer? Non, M. le Président. Il y a eu une commission parlementaire et, dans cette commission parlementaire là, tous les groupes, et la liste de groupes que le leader adjoint de l'opposition présentait tantôt, sont effectivement venus en commission. Est-ce qu'ils ont dit qu'ils rejetaient complètement le projet de loi? Certains groupes avaient des difficultés avec le projet de loi, mais la grande majorité des groupes, M. le Président, est venue dire d'apporter des modifications. Et ça, ceux et celles qui ont entendu le discours du ministre de la Santé et des Services sociaux, lorsque nous avons pu enfin l'entendre à 22 h 30, auraient bien compris parce que le ministre a bien expliqué les demandes de ces groupes et les amendements qu'il déposait pour répondre aux demandes de ces groupes. Et nous allons en regarder quelques-uns, M. le Président.

On nous a dit, en commission parlementaire, qu'il y avait nécessité, dans ce projet de loi là, de s'assurer d'une politique du médicament. Parce qu'il ne s'agit pas seulement, M. le Président, de donner un meilleur service à ceux et celles qui n'en ont pas actuellement, mais il s'agit aussi de se doter d'une politique du médicament pour s'assurer de mieux contrôler les coûts des médicaments. Donc, pour répondre à cette demande-là, le ministre de la Santé et des Services sociaux a décidé d'ajouter dans le projet de loi un article qui va effectivement encadrer et permettre l'établissement d'une politique du médicament. Certains groupes ont demandé une participation plus active, donc de pouvoir s'impliquer dans les différents conseils qui existent déjà par rapport à ce projet de loi là. Pour répondre à cette demande-là, le ministre de la Santé et des Services sociaux a décidé de créer un comité consultatif qui va pouvoir regarder avec le ministre et étudier, faire le suivi du projet de loi. Donc, réponse à cette demande-là aussi.

M. le Président, il y a eu aussi des recommandations et des demandes par rapport au plafond pour les plus démunis. Donc, le ministre propose une baisse de ce plafond; au lieu de 300 $, une baisse à 200 $. Donc, on a écouté. On nous disait tantôt: Il faut écouter. Oui, le ministre a écouté et il a décidé de faire des amendements. Les groupes sont venus demander aussi, ont dit: Oui, nous sommes prêts à payer, mais nous voulons nous assurer que cet argent-là va aller vraiment pour l'assurance-médicaments. Pour répondre à cette demande-là, le ministre de la Santé et des Services sociaux crée un fonds d'assurance-maladie, donc, pour permettre de répondre à cette demande-là. Est-ce que la loi va être fermée pour toujours? Non. Pour s'assurer qu'il va y avoir une bonne révision, le ministre propose déjà une révision, dans trois ans, du projet de loi.

(3 h 30)

M. le Président, certains citoyens et certaines citoyennes s'étaient plaints aussi, s'inquiétaient d'avoir à débourser une franchise complète, un 100 $ en partant. Pour répondre à ça, le ministre de la Santé et des Services sociaux décide de diviser, par tranches de trois mois, cette franchise. Donc, par tranches de trois mois, le citoyen, la citoyenne va avoir une franchise uniquement de 25 $, M. le Président. Ça aussi, c'est une réponse au besoin qui a été exprimé. Même chose par rapport au plafond, M. le Président. On divise par blocs de trois mois.

Donc, M. le Président, tout ce qu'on a entendu comme arguments, ce serait vrai si le ministre de la Santé et des Services sociaux n'avait pas présenté d'amendements, s'il ne se proposait pas de les déposer à la commission parlementaire qui va faire l'étude détaillée article par article. Alors, on fait comme si on n'avait pas entendu le ministre de la Santé et des Services sociaux nous dire qu'il était pour apporter les modifications qui ont été demandées au projet de loi.

Donc, je pense, M. le Président, qu'il n'est pas question de reporter, puisque ce projet de loi, c'est un besoin pour ceux et celles qui ne sont aucunement assurés au Québec. C'est un besoin par rapport à l'équité que nous avons promise à l'ensemble des citoyens, et on n'a pas à le reporter non plus, parce que, lorsqu'on va faire l'étude du projet de loi article par article... Et l'opposition devrait avoir hâte d'arriver à cette étape, parce que, à cette étape-là aussi, ils vont pouvoir apporter d'autres projets d'amendements. Donc, ils devraient avoir hâte d'y aller. Alors, je pense qu'il est important d'aller étudier le plus rapidement possible ce projet de loi là article par article. Il a été bonifié par le ministre de la Santé et des Services sociaux, ils pourront continuer à le bonifier en commission parlementaire, et nous pourrons être fiers, à la fin de la session, de doter les Québécois et les Québécoises d'un programme d'assurance-médicaments qui répond aux attentes et qui nous permettra de corriger les iniquités du passé, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Terrebonne et leader adjointe du gouvernement. Je cède maintenant la parole au député de Châteauguay. M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. J'interviens sur la motion de report après avoir entendu la leader adjointe nous dire qu'elle ne se rendait pas aux arguments de mon collègue de Frontenac, leader adjoint de l'opposition. C'est avec un peu de déception que j'ai entendu son commentaire, alors je vais me permettre de relever les arguments qu'elle a elle-même soulevés et revenir un peu sur les fondements de cette motion.

Je ne veux pas embêter les gens avec cette motion de report. Si on me disait tout de suite qu'elle serait acceptée, on pourrait vaquer à d'autres occupations. Je reviendrai tantôt là-dessus, puisque les gens, du côté ministériel, semblent moins fatigués que la semaine dernière, lorsqu'ils ont refusé d'entendre le projet de loi de mon collègue de Viau, sur le don d'organes. Peut-être qu'on pourrait y procéder si on acceptait d'aller tout de suite avec cette motion de report.

Je conviens, pour ceux qui nous écoutent à 3 h 30 du matin, qu'il peut sembler étonnant... Il y a des gens qui peuvent se demander: Ça doit être la reprise. Ce n'est pas la reprise, M. le Président. À 3 h 30 du matin, 3 h 35, nous sommes en train de discuter d'une motion importante, et, de l'autre côté, on essaie de faire croire qu'il s'agit d'une obstruction sans fondement, alors que, comme je vais l'expliquer, comme le député de Frontenac l'a expliqué, comme bon nombre de nos collègues de l'opposition l'ont expliqué, l'opposition que nous menons à ce projet, elle n'est pas de l'opposition seulement, c'est une opposition de la population qui s'est exprimée, qui est venue ici le dire en commission, même si la leader adjointe, tantôt, lorsqu'elle a plaidé sa cause, ne se souvenait pas qu'il y avait eu des audiences... Puis, après ça, bien, on lui a soufflé qu'il y en avait eu, déjà, une consultation, et que cette consultation avait amené à une opposition de la part de l'ensemble des intervenants qui étaient venus.

Et elle a voulu nous faire croire par la suite que les gens qui étaient venus étaient venus dire qu'ils n'étaient peut-être pas tout à fait d'accord, mais que, s'il y avait des modifications, ils seraient d'accord. Non, M. le Président. Ils sont venus dire qu'ils voulaient avoir un report. Ce projet de loi était mal ficelé, il ne comportait pas, dans son libellé, les principes qu'on prétendait y retrouver dans le discours du côté ministériel. Parce que c'est toujours de ça qu'on parle: la différence entre le discours et l'action. Et, dans ce cas-là, la différence entre la prétention dans les propos du ministre et dans ceux des gens de son côté et le libellé, les articles, les dispositions, on est à des années-lumière entre le discours et l'action, entre une assurance-médicaments et un impôt-médicaments. Il y a une marge, un fossé, et il est évident qu'on doit – c'est notre rôle – faire écho à cette opposition qui se manifeste partout dans la population.

Et on voudrait nous bâillonner – parce que c'est bien de ça dont il a été question tantôt de la part du député de Masson – on voudrait que l'opposition n'ait rien à dire, n'ait pas à soulever les inquiétudes de la population. Ce serait donc plus facile, M. le Président, ce serait tellement plus facile s'il n'y avait pas d'opposition, s'il n'y avait pas de démocratie. Ce serait tellement plus simple, M. le Président. On irait facilement avec notre impôt-médicaments. Le gouvernement serait donc heureux. Mais les gens ont le droit, dans ce coin de pays, ils ont le droit de faire entendre leur voix. Et j'irais jusqu'à dire – ça va paraître un peu illusoire dans cette période où ce gouvernement est là, M. le Président – j'irais même jusqu'à dire que, non seulement ils ont le droit de parler, ils auraient normalement le droit d'être entendus, d'être écoutés et qu'on les respecte. Mais, M. le Président, malgré qu'il y ait un grand nombre de groupes qui soient venus plaider ce que nous plaidons actuellement, cette motion de report, on ne les entend pas, on ne les écoute pas et on ne les respecte pas.

Pour commencer à revenir sur certains points qui ont été soulevés par la leader adjointe, M. le Président. Elle nous parlait de la première raison, à l'effet que ce projet de loi avait été appelé cet après-midi et qu'on était tard dans la nuit, et, dans le fond, ce qu'elle voulait nous dire, c'est: Appelé cet après-midi, si on s'était tus, ce serait déjà terminé; on n'aurait pas à discourir la nuit durant d'un principe d'un projet de loi. Mais, puisque nous avons un rôle à jouer et que nous comptons bien le jouer, nous sommes ici, en pleine nuit, à s'étonner que, dans un autre projet du gouvernement, alors qu'on discute du principe, de la première étape, on nous annonce des amendements substantiels, mais qui viendront après, M. le Président. Qu'arrive-t-il si les amendements affectent à ce point le projet, en dénaturent le principe? Est-ce que nous n'aurons pas été amenés à plaider, à défendre, à appuyer ou non – laissons les parlementaires parler – un principe qui va être dénaturé à la première occasion? Et on s'étonne qu'on veuille en faire état, qu'on veuille critiquer cette façon de procéder. Non, M. le Président, on ne doit pas s'étonner de ça. La façon de procéder est irrégulière, il est normal que nous le soulevions.

La leader adjointe a parlé, elle avait noté... elle a dit: J'ai noté dans les propos de l'opposition une frustration. Je salue cette écoute. Effectivement, il y a une frustration. Il y a une frustration devant ce procédé répétitif, constant, où, pour le gouvernement, le fait qu'il y ait un groupe différent du sien, qui a une opinion à faire entendre qui ne lui plaît pas... il est tellement malheureux pour le gouvernement d'avoir à affronter, à rencontrer ces prétentions. Et, pour nous, de voir un projet de loi qu'on nous présente dans des discours... On nous parle d'équité, on nous parle de social-démocratie, M. le Président. Est-ce qu'on a une idée au moins de ce dont on parle lorsqu'on invoque ces propos? Alors que ce qu'on a devant nous, mes collègues l'ont dit à juste titre, c'est réellement une mesure fiscale, M. le Président, un impact de 200 000 000 $ à 300 000 000 $, qui se retrouvent, en ce moment, dans les poches des gens qui sont les plus démunis et qui, tantôt, une fois ce projet de loi adopté, se trouveront dans les coffres du gouvernement. Et on nous parle, toujours dans de beaux discours, avec de beaux propos, M. le Président, drapé dans l'équité.... Tantôt, on nous parlera de transparence, on invoquera les valeurs les plus grandes. Mais, derrière ces propos, derrière ces grands mots se cacheront toujours les mêmes actions qui vont à l'encontre de l'intérêt des gens que nous devons servir. Et, nous, de l'opposition, M. le Président, nous n'allons pas baisser les bras, nous allons continuer de défendre les intérêts de ceux qui nous ont élus et qui demandent au gouvernement d'être attentif à leurs propos et qui demandent au gouvernement le report de ce projet de loi.

(3 h 40)

Y aura-t-il quelqu'un du côté du gouvernement qui sera à l'écoute de cette demande? Y aura-t-il quelqu'un sur ce grand nombre, cette majorité de parlementaires en cette Chambre, qui seront assez avisés pour se souvenir qu'ils représentent des gens dans leur circonscription? Nous diront-ils que personne dans leur comté ne les a avisés qu'ils étaient inquiets de ce projet de loi? Nous diront-ils cela, M. le Président? J'en doute. Quand on constate les appels, les discussions qu'on a avec nos concitoyens, c'est évident qu'ils ont entendu parler des inquiétudes. Comment ne pas avoir entendu parler des inquiétudes? Je vais référer tantôt aux groupes qui sont venus témoigner ici, qui regroupent la quasi-majorité des Québécois, si ce n'est pas plus, M. le Président.

Une voix: ...

M. Fournier: Oui, M. le député de Masson, parce que la quasi-majorité, si ce n'est pas plus, c'est l'unanimité. Et, quand on regarde tous les groupes, on se dit: Ma foi! tout le monde y est. Tout le monde l'a critiqué, et c'est normal que, dans les comtés, vous en ayez entendu parler, vous aussi. Alors, nous, on fait notre rôle.

Le leader adjoint nous a dit, M. le Président, qu'on en était à l'adoption de principe, alors il fallait attendre la consultation qui viendrait plus tard, lors de l'étude article par article. Mais, M. le Président, nous sommes au moment de l'adoption du principe. Normalement, nous sommes devant un projet de loi où le gouvernement dit: Je m'en vais dans cette direction, le principe qui sous-tend l'action législative que je propose est celui-là et voici comment je le mets en oeuvre. Qu'est-ce qu'on a devant nous, M. le Président? Qu'est-ce qu'on a devant nous? Et ce que je vais vous dévoiler, la démonstration que je vais faire, ne peut qu'amener l'ensemble des membres de cette Assemblée à accepter la motion de mon collègue de l'Acadie et de voter avec l'opposition le report de ce débat sur le principe.

Aujourd'hui, M. le Président, à 15 heures, on appelait le principe de ce projet de loi. À 16 ou 17 heures, on annonçait des amendements à ce projet de loi; amendements substantiels, tellement substantiels, M. le Président, qu'ils changent complètement l'aspect du projet de loi alors soumis. Devant ces faits, il serait normal de se dire: Puisque le gouvernement a accepté qu'il y ait une consultation publique sur le projet de loi initial sur lequel nous débattons du principe, alors que nous savons que ce principe-là sera changé à partir de l'étude article par article puisqu'il y aurait des amendements si substantiels, il devrait accepter une consultation sur le nouveau projet de loi, parce qu'il s'agit d'un nouveau projet de loi avec des amendements dont on ne connaîtra la teneur que lorsqu'on sera rendu à l'étude article par article, M. le Président.

Est-ce qu'on doit s'étonner que nous demandions le report devant ces faits? Est-ce qu'on doit s'étonner lorsqu'on sait que, le 1er juin, une publicité paraissait dans les médias, publicité qui annonçait, M. le Président, un nouveau régime d'assurance-médicaments? Évidemment, aujourd'hui, 11 juin, la même publicité devrait dire: Le nouveau nouveau régime, parce que ce n'est déjà plus vrai, le nouveau régime du 1er juin, il est terminé, il est passé date.

Maintenant, il y a un nouveau nouveau régime, et j'imagine que, depuis 16 ou 17 heures cet après-midi, les téléphonistes – parce qu'il y a un numéro de téléphone, M. le Président, où on peut appeler pour avoir des renseignements – il doit y avoir des gens qui se sont rendus compte qu'il y a des inquiétudes. Vous devriez peut-être, M. le Président, les membres de cette Assemblée devraient avoir un rapport sur les téléphones qui se sont faits à ce numéro de téléphone où les gens peuvent poser des questions. Ils vont sûrement avoir, M. le Président, les inquiétudes que, nous, on constate dans nos bureaux de comté. Je suis persuadé que, si personne ne les appelle chez eux, on pourra au moins faire le constat avec ce numéro de téléphone.

Mais je me demande, M. le Président, est-ce que les téléphonistes qui répondent, à ce numéro de téléphone, aux questions, aux interrogations, aux inquiétudes de nos concitoyens québécois, ils ont reçu le cours qui correspond aux nouveaux amendements, au nouveau projet de loi, au nouveau principe de l'impôt-médicaments, M. le Président? Je me demande quand ils ont eu leur formation. Et, si on me répond qu'ils n'ont pas eu de formation, je dis: Il y a erreur. S'ils n'ont pas eu la formation sur les nouveaux amendements qui n'ont pas encore été déposés mais ont été annoncés, alors ils donnent de l'information qui ne doit pas être très juste.

Par ailleurs, M. le Président, s'ils ont eu la formation, quels documents ont-ils eus pour avoir cette formation? Ont-ils eu les amendements, M. le Président, avant que cette Chambre en soit saisie? Comme cette publicité a présumé que cette Chambre n'était rien d'autre qu'un tampon automatique disant: Oui, le gouvernement le veut, tout le monde suivra, on en est rendu, M. le Président, à se demander, à 3 h 45 du matin, à discourir, et on a la preuve devant nous que, pour le gouvernement, cette Chambre n'est rien d'autre qu'un moment à passer. Et, M. le Président, je peux vous dire, étant nouveau parlementaire, ayant eu à défendre la position d'un bon nombre de nos concitoyens en cette Chambre, souvent passé minuit, que je suis déçu de la façon dont le gouvernement actuel traite nos institutions. Oh! je sais, M. le Président, que, dans le discours, ils en parlent avec beaucoup d'emballement, de nos institutions. Ils se drapent dans le respect de ces institutions. Elles sont grandes, nos institutions, disent-ils. Mais, dans la réalité de l'action, comment se fait-il qu'à 3 h 45, bientôt 3 h 50, du matin on en soit rendu à demander une motion de report parce qu'on se demande comment ça se fait que les téléphonistes ont les amendements avant cette Chambre? À moins qu'elles ne les aient pas. Et comment ça se fait qu'on ait un numéro de téléphone où les gens peuvent essayer d'avoir des réponses à leurs questions, apaiser leurs inquiétudes, alors que les téléphonistes doivent leur dire: Maintenant, vous savez, ce que je vous dis là, ce n'est pas nécessairement la vérité, parce qu'il y a des changements? Et ils se passent, ces changements, durant la nuit, à Québec, dans une de nos institutions pour laquelle nous avons le plus grand respect, l'Assemblée nationale. C'est là qu'ils se passent, les changements, à 3 h 50, un peu en cachette.

Alors, M. le Président, si nous demandons le report de ce débat, c'est pour essayer de s'assurer, pour nous, de répondre aux inquiétudes et aux interrogations des Québécois, mais, pour le gouvernement, de saisir l'opportunité que nous lui donnons ce soir, cette nuit, l'opportunité de sauver la face, l'opportunité, pour une fois, d'admettre qu'il est bon de temps à autre, en démocratie, d'écouter ce que les gens ont à dire. Ce serait une belle occasion. Et, M. le Président, nous sommes persuadés qu'ils sont capables de faire ce geste. Ils sont capables, ils peuvent se reconnaître. Ils ne sont pas infaillibles, M. le Président, ils peuvent s'être trompés. C'est possible. C'est possible au gouvernement de se tromper. On l'a déjà vu, on peut le voir, et, nous, on peut le comprendre et on le voit là. Et je pense qu'il serait peut-être temps de revenir sur ses positions.

(3 h 50)

J'ai fait état, M. le Président, des nombreux groupes qui sont venus demander le report de ce débat. Évidemment, ça, c'était, imaginez-vous, M. le Président, dans le scénario où on parlerait du principe d'un projet de loi pour vrai. Il faut se souvenir que, le principe de ce projet de loi, il tient jusqu'à temps qu'on s'en aille à l'étude article par article, et il nous a déjà été annoncé qu'on y couperait court, parce que le gouvernement n'a pas l'intention de nous entendre. Alors, on va quand même arriver à la commission, article par article, on va déposer des amendements, on va changer la nature du projet de loi, en changer les principes, les fondements, puis on va essayer de passer tout ça rapidement en cette Chambre.

Alors, on est en train de discuter de ce principe qui sera abandonné d'ici quelques heures, cette semaine, et on en discute. Et c'est sur ce principe qu'un nombre de groupes considérable sont venus faire des représentations pour en demander le report, parce que ça ne marchait pas dans les chiffres, ça ne marchait pas dans les descriptions, ça ne marchait pas dans le contenu. Ça ne marchait pas, M. le Président. C'est aussi simple que ça. Il y avait des mots, il y avait des dispositions, mais tout ce qu'on y voyait, tout ce qu'on y comprenait, c'était la ponction fiscale. C'est tout ce qu'il y avait de clair dans ce projet de loi là. Et, quand on en parle, du principe, dans le fond, c'est de ce principe-là qu'on doit parler.

Alors, les gens et les groupes sont venus et ils ont dit: On ne peut pas aller dans le sens d'un principe comme celui-là. Il faut continuer les études, continuer les précisions surtout, continuer à se faire une tête, de la part du gouvernement, et surtout commencer, M. le Président, à écrire des choses qui vont dans le sens du discours. Pas le contraire, comme on y est tellement habitués, M. le Président, en cette Chambre lorsqu'on voit le gouvernement agir.

Alors, les groupes sont venus demander le report. Mon collègue de l'Acadie fait une motion de report. Normalement, on devrait allumer quelque part de l'autre côté, puis on devrait dire: Je pense que, là, ils ont un point. Mais il faut juste préciser au gouvernement qu'il y a cet autre motif pour le report. Cet autre motif, c'est qu'il y aura des amendements qui vont dénaturer le projet, et on n'aura même plus l'occasion de débattre du principe de ce projet. Ce sera terminé. On aura réussi encore une fois, grâce à une majorité ministérielle, suivant une ligne de parti, à sauter des étapes.

En réalité, c'est ça, M. le Président, sauter des étapes. Ce sont des étapes normales, usuelles, d'adoption de projets de loi. Pour quelles fins, M. le Président? Pour réussir à cacher, pour réussir à camoufler, pour réussir à esquiver, pour réussir à faire en sorte que l'écran de fumée des beaux mots et des beaux discours puisse camoufler l'action qui vise à aller chercher chez les gens les plus démunis l'argent que le gouvernement compte utiliser.

Compte utiliser pour quoi, M. le Président? Pour un bon nombre d'autres actions qui ne vont pas dans le sens de l'équité, qui ne vont pas dans le sens de la social-démocratie, qui ne vont pas dans le sens du respect de la défense des intérêts de nos concitoyens les plus démunis. Au contraire, M. le Président. Quand on sait que le Front commun des personnes assistées sociales du Québec, ça, c'est des gens qui demandent le report. Le Front commun des personnes assistées sociales du Québec, ce n'est pas, quand on parle d'équité, ceux chez qui on doit aller chercher l'argent. Ils demandent le report. Quand on sait que la CSN, la FTQ, la CEQ, quand on sait que la Coalition des aînés, les ACEF, la Coalition Solidarité Santé – il y en a une liste, M. le Président, on en a fait mention – les clubs d'âge d'or... Il y a dans ces groupes-là... Et je ne peux pas croire, M. le Président, je ne peux pas croire qu'on ne sera pas capable de comprendre que ça ne marche pas lorsqu'on invoque la solidarité, lorsqu'on invoque l'équité, lorsqu'on invoque la social-démocratie et qu'on a ces groupes qui représentent les personnes qui sont démunies dans notre société, qui se joignent à la voix de l'opposition, qui viennent dire au gouvernement: Stoppez les machines, arrêtez votre projet, ça ne fonctionne pas, ça ne colle pas à votre discours, revoyez votre projet. Lorsqu'on voit tout ça, comment peut-on se lever en Chambre, à 3 h 55 du matin, et se dire: Mais le gouvernement n'a pas encore entendu la voix du peuple! L'entend-il parfois, M. le Président, la voix du peuple? C'est ça qu'il faut commencer à se demander.

Un nombre considérable de points litigieux, de questions, d'enjeux ont été soulevés. On tentera d'y apporter une réponse dans des amendements qui vont changer la base même du projet de loi. Et ces gens-là ne reviendront peut-être pas défendre leur point de vue, faire leurs représentations. On les aura consultés sur un projet de loi bidon, M. le Président, parce qu'on va en changer un nombre incalculable d'éléments, d'articles, au point tel qu'on en change la nature, le principe même. Et on est là à débattre d'un principe qu'on va tout simplement modifier.

M. le Président, je termine en réitérant mon étonnement, mon étonnement devant le refus du gouvernement d'accéder à cette motion. On a parlé abondamment des sommes d'argent que le gouvernement va chercher, parce que, effectivement, le but du projet de loi... Pour tout le monde qui est encore à la maison, M. le Président, qui nous écoute à cette heure-ci, il faut que les gens qui sont à la maison se disent: Pourquoi sont-ils, à 4 heures du matin, à Québec, au salon bleu, en train de débattre? Il faut qu'ils comprennent que, de ce côté-ci, ce qu'on veut, c'est de la transparence, et qu'on va se battre, et qu'on va utiliser tous les moyens pour faire en sorte que le gouvernement comprenne c'est quoi, la transparence.

Et il y a des gens ici, M. le Président, qui, j'en suis persuadé, aimeraient bien qu'on commence à jouer le jeu de la transparence, qu'on commence à aller dans le sens des beaux mots, des beaux discours. Et je suis sûr... j'espère – disons que, «je suis sûr», c'est peut-être présumer un peu – j'espère et j'ai bon espoir, M. le Président, que le gouvernement va être à l'écoute. On sait que, dans le 200 000 000 $ à 300 000 000 $, il y a 72 % de cet argent qui vient des aînés. Je suis persuadé qu'il y a du monde de l'autre côté qui vont allumer des lumières puis qui vont dire: Je pense qu'on doit reporter l'exercice, on doit revoir tout ça.

Et, lorsqu'on reviendra sur un projet qui est réellement – et je termine là-dessus, M. le Président, vous m'indiquez que mon temps est terminé – bien ficelé, qui est réfléchi, qui est discuté aussi avec les gens qui sont directement touchés, lorsqu'on mettra en pratique l'équité, la véritable équité, le gouvernement trouvera toujours l'opposition avec lui. Et, quand le gouvernement fera le contraire en actions de ce qu'il dit dans ses discours, il trouvera toujours l'opposition debout devant lui pour le rappeler à ses devoirs. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Châteauguay. J'accorde maintenant la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le ministre, je tiens à vous aviser que, pour le groupe parlementaire formant le gouvernement, 13 minutes ont été utilisées, donc, si vous le désirez, il vous reste un temps de parole de 47 minutes. M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Merci, M. le Président. Attendre, reporter, éviter de prendre des décisions, ça va trop vite: moi, ça fait presque deux ans qu'on a été élu comme nouveau gouvernement et ça fait presque deux ans que j'entends l'opposition répéter ça constamment. Aussitôt que ça bouge un peu, la peur les prend puis ils veulent tout arrêter tout de suite.

(4 heures)

Dans le cas d'espèce qui nous concerne, l'opposition semble oublier, après en avoir fait des gorges chaudes elle-même, qu'on étudie un projet qui remonte à plus de deux ans comme préparation.

Le problème a éclaté au moment où l'opposition était au gouvernement, et c'est dès ce moment-là, en 1993, qu'on a commencé à travailler là-dessus. Quand on a été élus comme gouvernement, en 1994, on a accéléré le travail là-dessus, et il y a eu toute une série d'étapes. Toutes les étapes nécessaires pour préparer un projet de loi comme ça ont été franchies progressivement pendant deux ans. On a regardé tous les scénarios possibles de faisabilité, ce qui nous a mis dans une position de pouvoir ajuster, réagir rapidement, ce que l'opposition n'a pas l'air de comprendre. On a fait un travail très important sur le terrain avec tous les partenaires éventuels pour vraiment, là aussi, être capables de faire tous les ajustements, pas seulement nous, de notre côté, mais avec eux, avec les partenaires éventuels, et tout ça dure depuis plus de deux ans.

Alors, quand on vient parler d'improvisation, quand on vient parler de choses faites à la dernière minute, on fait de l'oubli sélectif. C'est des pertes de mémoire sélectives, alors que ça fait bien son affaire, à un moment donné, de dire que «c'est eux autres qui ont parti ça». Après ça, ils oublient tout le temps, à moins qu'ils n'aient pas réalisé, depuis ce temps-là, M. le Président, qu'il s'est déjà passé plus de deux ans, que ce n'est plus eux autres qui sont au pouvoir et, depuis ce temps-là, qu'il y a des choses qui ont changé, que ça a commencé à bouger puis qu'il se passe quelque chose. Ils n'ont peut-être pas compris ça non plus encore.

On nous parle d'un changement de principe. Là, je me demande s'ils l'ont lu, le projet de loi, ou bien s'ils l'ont compris. Le principe, ce qui est le principe du projet de loi qui est déposé, c'est que c'est un projet qui institue, et je lis les notes explicatives: «Ce projet de loi institue un régime général d'assurance-médicaments ayant pour objet d'assurer à l'ensemble de la population du Québec un accès raisonnable et équitable aux médicaments requis par l'état de santé des personnes.»

On dit que ce régime va d'abord consister en une protection de base à l'égard du coût des services pharmaceutiques et des médicaments, qu'il y a une protection de base qui est la liste qui existe déjà, qui existe et qui a été développée régulièrement depuis 25 ans par le Conseil consultatif de pharmacologie, qui fait des recommandations au ministre, qui approuve la liste. C'est une liste qui est révisée constamment deux fois par année. Elle est là, elle est prête, elle est connue au Québec par tous ceux qui ont à se servir des médicaments, qui ont à gérer un programme de médicaments. Donc, ça, ça fait partie du principe. On dit que c'est un programme d'assurance pour couvrir tout le monde, avec une protection de base, et on donne la principale structure, les paramètres du programme où on dit qu'il y aura une prime, qu'il y aura une franchise, une coassurance, une somme maximale qui va être payée. C'est ça qui est l'essence, et ça, ce n'est pas changé. C'est modifié, c'est amélioré, compte tenu de ce qu'on a entendu en commission, mais ce n'est pas changé.

Ce qu'on identifie comme un gros changement, c'est simplement un changement au niveau de la gestion du programme. Mais, encore là, l'approche pour le gérer n'est pas changée. C'est un programme qu'on a prévu gérer dans un partenariat entre les assureurs privés et l'assureur public qui est la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Il y avait une formule de prévue au-delà des deux clientèles qu'ont déjà ces deux groupes, les assureurs privés assurant déjà par des régimes collectifs 4 500 000 Québécois et Québécoises qui, dans leur convention collective, ont une assurance-santé qui comprend du médicament, l'assureur public, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, de son côté, assurant déjà deux groupes de personnes, à savoir les personnes âgées et les prestataires de la sécurité du revenu.

Il restait à répartir le 1 100 000 Québécois et Québécoises qui ne sont pas assurés présentement. Il y a différents scénarios possibles qui ont été discutés, et le gouvernement a proposé aux assureurs privés que, dans la mesure où ils étaient capables d'offrir une assurance individuelle qui correspondait aux paramètres auxquels j'ai fait référence... Le gouvernement a été même très précis. On a dit, sur la base du travail fait par le comité présidé par M. Castonguay, que la prime de base devrait se situer entre 175 $ et 200 $, frais administratifs compris, sachant très bien qu'on partait avec une prime de base, une prime de risque qui se situe autour de 150 $, 175 $ et qu'il fallait ajouter les frais administratifs là-dessus. Et on a dit aux assureurs: Ces gens-là, si vous êtes capables de leur offrir de la couverture avec la liste qui est la liste connue du Conseil consultatif de la pharmacologie, dans ces paramètres-là, vous pouvez assurer. On sait ce qui s'est passé. Les assureurs ont regardé ça, ils ont étudié. Pendant un bout de temps, ils ont pensé qu'ils pourraient faire la couverture et, finalement, en bout de ligne, ils ont hésité, ils ont fait des évaluations et ils ont plutôt proposé de couvrir ces gens-là, mais avec des primes beaucoup plus élevées que l'objectif que le gouvernement s'était fixé.

Alors, tout ce qu'on a fait, c'est qu'on a décidé de gérer autrement pour cette partie-là, pour 15 % de l'ensemble des assurés qui restera toujours dans un régime général qui a trois caractéristiques essentielles pour tout le monde. Les gens vont tous être couverts avec la même liste. Il va y avoir la même somme maximale à payer, le même plafond de 750 $ pour tout le monde, et la coassurance ne pourra pas être moins généreuse que 75 % de la part de l'assureur, qui devra couvrir 75 % du coût des médicaments ou plus. Ça institue donc un régime général, et on fait un ajustement pour 15 % des gens quant à la gestion du programme. Alors, qu'on ne vienne pas nous dire qu'on a changé là le principe. Le principe est exactement ce qu'il était. C'est le même type de régime, c'est les mêmes avantages et c'est les mêmes paramètres qui le définissent.

Maintenant, l'opposition nous tient le même discours qu'on a entendu dans toute la transformation du réseau de la santé et des services sociaux: On ne comprend pas. Ce n'est pas clair. Ça va trop vite. Par contre, quand on fait de l'information à la population, quand on s'assure que les gens peuvent avoir accès non seulement à une information générale, mais à une information personnalisée – parce qu'ils peuvent appeler un numéro 1-888 – bien, là, on nous fait des gorges chaudes avec ça. Là, on nous fait un spectacle. Ça nous a valu une heure ou deux qu'on a perdues avec ça pour tenter de faire une démonstration sur des détails de procédure que l'information n'a pas été faite de la façon qu'il fallait le faire.

Alors, c'est un comportement que je qualifierais de complètement incohérent, d'inconsistant et qui dénote, en fait, M. le Président – c'est ça qui est un peu dérangeant – une incapacité d'agir, une incapacité de prendre des décisions et un seul réflexe qui est un réflexe qu'on a vu pendant trop d'années de la part du gouvernement précédent: c'est de reporter des décisions et de reporter des décisions. Reporter des décisions parce qu'on essaie de se faire une espèce d'attitude de défenseur de la population, parce que, même si ce n'était pas un changement de principe, qu'on va nous dire, la principale raison pourquoi on s'oppose à ce programme-là, c'est que c'est d'abord un objectif fiscal, nous dit-on, parce que le gouvernement a un objectif de réduction de dépenses. Tout en continuant à augmenter et à améliorer notre perception des revenus, il faut qu'on réduise nos dépenses.

Et pourquoi on en est rendu là, M. le Président? C'est parce que le Québec est un des pays les plus endettés. On est la province du Canada qui est la plus endettée: 75 000 000 000 $ de dette. Et cette dette-là, elle a doublé pendant les neuf années où l'opposition actuelle a constitué le gouvernement du Québec. À force de ne pas être capables de prendre des décisions, de ne pas être capables de tenir leur parole et de livrer la marchandise quand ils annoncent un objectif, ils ont à peu près doublé notre dette. Ils nous ont mis dans une situation où chacun des Québécois et des Québécoises, je le répète, a, sur une base per capita, 10 000 $ de...

Le Vice-Président (M. Pinard): Question de règlement?

M. Gauvin: Je vous demanderais, s'il vous plaît, de bien vouloir vérifier le quorum.

Le Vice-Président (M. Pinard): On a plus que le quorum, M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, si vous voulez bien poursuivre.

M. Rochon: Je croirais, M. le Président, que le député de Montmagny-L'Islet n'a pas regardé du bon côté de la Chambre. C'est pour ça qu'il a pensé qu'il n'y avait pas de quorum.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: C'est le désert total. Il est tout seul.

(4 h 10)

M. Rochon: Prêcher dans le désert. À moins qu'on y voie le précurseur. Serait-ce le précurseur, M. le Président. On ne dira pas de quoi, par exemple.

Alors, on se fait des gorges chaudes aussi, parce qu'on dit qu'on doit protéger la population parce que ce méchant gouvernement, avec un régime d'assurance-médicaments, poursuit, en fait, un objectif fiscal. Il veut faire une économie. Eh bien, oui, on doit faire une économie, parce qu'on doit réduire, et la population l'a très bien compris, ça.

Elle a très bien compris, la population, quand le premier ministre a convoqué tous les partenaires socioéconomiques à une conférence socioéconomique au mois de février, au mois de mars. L'ensemble des partenaires ont été d'accord pour dire qu'on ne peut pas continuer avec le niveau d'endettement où nous a laissés le gouvernement précédent. On ne peut pas continuer à faire des déficits comme ils en ont faits régulièrement. Ils nous ont laissés dans une situation où on était rendus à faire plus que 5 000 000 000 $ de déficit par année. Ça n'a pas de bon sens.

Et le gouvernement, au moment où on a convoqué nos partenaires, on était en position de réduire, de réaliser une première en termes d'objectif budgétaire, c'est d'avoir réussi, cette année, pour la première fois, à vivre au niveau de nos moyens, à ne pas dépenser plus que les revenus qu'on a eus durant l'année, et même à diminuer notre déficit sous la barre des 4 000 000 000 $.

Et l'ensemble des partenaires ont convenu avec le gouvernement qu'on se donne d'ici l'an 2000 pour atteindre l'objectif du déficit zéro. On y va à chaque année, et les deux prochaines années seront les années les plus difficiles. Après ça, déjà, on va commencer à respirer et à remettre l'ensemble des Québécois et des Québécoises dans des conditions où ils peuvent bâtir pour l'avenir. Mais, ça, il faut commencer tout de suite. Et, pour faire ça, il faut que dans l'ensemble des programmes, encore une fois, en plus d'améliorer la perception de nos revenus, il faut baisser les dépenses du gouvernement. Tout le monde est d'accord là-dessus. Évidemment, quand on commence à le faire, on voudrait bien qu'un secteur ou l'autre soit moins touché.

On a eu le souci, comme gouvernement, de procéder avec la plus grande équité. Au lieu de frapper un groupe ou l'autre, un service ou l'autre ou un secteur ou l'autre, les ajustements ont été faits et sont faits régulièrement, et rajustés régulièrement, selon les perceptions, la réaction des gens, ce qu'on nous dit, de sorte que chacun des types de programmes, chacun des groupes dans la société est mis à contribution. Tout le monde est mis à contribution, même ceux qui ont les plus faibles revenus sont mis à contribution, mais dans la mesure de ce qu'ils peuvent faire, en tenant compte de ce qu'ils peuvent faire et en en demandant beaucoup plus aux autres.

Alors, c'est évident que, dans le domaine de la santé, on ne s'en est jamais cachés, une façon de rééquilibrer notre budget, en plus de compléter la transformation qu'on fait dans l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux, c'est de réussir, dans ce que ça coûte collectivement comme médicaments, à prendre le contrôle là-dessus, contrôler l'augmentation des coûts, et on se donne un régime pour pouvoir le faire. Un régime d'assurance générale qui couvre tout le monde, on l'a vu dans le domaine de la santé, on l'a vu dans le domaine des hôpitaux, ça donne au gouvernement le contrôle sur le financement des secteurs et ça nous a permis partout de contrôler les taux de croissance des dépenses au niveau où on pouvait les encaisser, où on pouvait les absorber.

Alors, pour se donner ce moyen-là, le gouvernement propose aussi de faire une répartition différente du coût du médicament, de répartir différemment les 2 300 000 000 $ qu'on dépense collectivement, tous régimes confondus, privé, public, ou même ceux qui ne sont pas assurés au Québec à chaque année.

Mais ça ne tient pas debout de vouloir nous dire en bout de ligne que c'est une raison pour ne pas vouloir approuver un programme comme ça. C'est plutôt une des raisons qu'on devrait avoir pour l'approuver, le programme. Parce que si on réussit, du même coup, un, à faire une économie et à contribuer à la diminution du budget de programmes du gouvernement et qu'en même temps on réussit à donner une assurance à tout le monde, alors qu'il y a 1 100 000 Québécois qui n'ont pas de couverture actuellement, c'est vraiment de réussir à avoir une approche et une stratégie qui font qu'on ne fait pas seulement des coupures dans le domaine de la santé, comme on a vu le régime le faire avant qu'on arrive au gouvernement: On coupait un peu partout, à gauche et à droite, sans aucune stratégie, sans aucune coordination et sans un objectif de refaire autrement les programmes pour l'avenir.

Là, on réussit à faire les deux: à répartir plus équitablement le coût du médicament et à réduire aussi la charge collective. Parce que si on ne fait pas une économie, ça se paie sur les taxes du monde, ça. Ça se paie sur les taxes des Québécois. Si on fait une économie, c'est un fardeau fiscal de moins qu'on va mettre sur le dos des Québécois. Alors, ce n'est pas juste le gouvernement, c'est l'ensemble de la population qui bénéficie d'une situation comme ça. Et ça, les Québécois et les Québécoises l'ont très bien compris.

Donc, de vouloir donner à croire que l'objectif budgétaire qu'il y a dans ce programme est une raison pour ne pas l'accepter, c'est vraiment de se mettre la tête dans le sable et de ne pas comprendre. Et, moi, je pense que la population peut comprendre que de réussir à baisser les dépenses du gouvernement, y compris en ce qui regarde les médicaments, de répartir plus équitablement le reste de la charge, c'est une façon d'éviter de se mettre dans une situation d'être obligé de continuer à augmenter les impôts parce que les dépenses augmentent tout le temps.

Maintenant, les gens nous ont dit aussi en commission... Ils ont soulevé des questions. Certains ont demandé un report, mais ils ont tous demandé un report de façon beaucoup plus responsable que l'opposition. Ils ont demandé un report parce qu'ils voulaient des réponses à des questions. Ils voulaient clarifier un certain nombre de choses et ils proposaient certaines modifications au programme. Bien, M. le Président, c'est ce qu'on a fait et c'est ce qu'on a pu faire assez rapidement, et ce qu'on pense, c'est que les modifications qu'on a apportées au programme vont clarifier la très grande majorité sinon l'ensemble des questions qui ont été soulevées, de sorte que la question de report, à notre sens, ne se pose plus. Il s'agit de prendre le temps, dans les prochains jours, de compléter l'information à la population pour qu'elle puisse vraiment réaliser et apprécier jusqu'à quel point les modifications qui sont proposées viennent rejoindre ce qu'elle nous a demandé et viennent peut-être même améliorer jusqu'à un certain point l'aspect d'équité du programme.

Parlons de l'aspect d'équité du programme. Qu'est-ce qu'on fait? Le principe général, je l'ai dit, c'est demander à chacun une contribution selon ses revenus pour s'assurer – ce qui est le principe du projet de loi – que tout le monde ait accès aux médicaments quand il en a besoin, indépendamment de sa capacité de payer un gros montant parce qu'il a une protection d'assurance. Ça, ça veut dire qu'on demande effectivement aux gens qui sont des prestataires de la sécurité du revenu de faire une petite contribution, alors qu'ils ne paient rien actuellement, mais il faut dire qu'à côté d'eux, par exemple, la petite contribution qu'ils vont faire va permettre d'alléger le fardeau des gens qui ont un petit revenu, juste un peu au-dessus de l'échelle de revenus de base, autour de 6 000 $ de prestations de l'aide sociale.

Il y a des gens qui travaillent avec un salaire de 8 000 $, 9 000 $ et 10 000 $ et qui n'ont aucune protection, et le fait que les prestataires d'aide sociale acceptent de faire une petite contribution, ça permet de faire une meilleure continuité de protection, de donner une couverture d'assurance aux gens qui ont des petits revenus, qui n'ont aucune protection présentement. Et, par le fait même, en établissant cette équité entre les deux groupes, ça permet un transfert d'une situation d'aide sociale en un emploi avec un petit salaire sans qu'on passe du jour à la nuit ou de 100 % à 0 % comme couverture en termes de médicaments. C'est vraiment un exemple de solidarité où tous les membres du groupe repartagent autrement entre eux le coût des médicaments.

C'est la même situation pour les personnes âgées. Si on est âgé de 65 ans aujourd'hui ou plus, les médicaments nous coûtent en moyenne entre 50 $ et 100 $ par année. On paie 2 $ par ordonnance, c'est-à-dire 2 $ par médicament qu'on prend, parce que, une ordonnance, ça veut dire un médicament. Si on a une prescription du médecin avec trois médicaments, c'est trois ordonnances; on paie 6 $, à ce moment-là. Ça fait que, bon an mal an, ceux qui utilisent beaucoup de médicaments parmi les personnes âgées peuvent payer jusqu'à une centaine de dollars par année, à 65 ans et plus. Mais la personne de 60 ans, de 62 ans qui est souvent dans des conditions économiques semblables à la personne de 65 ans, qui, de plus en plus, est une personne qui a pris sa retraite – de plus en plus de gens prennent des retraites à partir de 55 ans maintenant – on a donc, même de 55 à 65 ans, des gens qui sont, sur le plan socioéconomique, dans la même situation, globalement, comme groupe que les personnes âgées et qui n'ont aucune protection.

Alors, là aussi, c'est le jour et la nuit. Alors, la contribution qui est demandée aux personnes âgées selon leurs revenus permet d'offrir aussi une couverture à cet autre groupe de personnes qui n'ont présentement aucune couverture et qui, pour beaucoup d'entre eux, n'ont aucun moyen de se procurer une assurance, parce qu'il faut dire que la seule façon d'avoir une assurance-médicaments présentement en dehors du régime public, c'est d'avoir la chance de pouvoir faire partie d'un groupe et d'un collectif, de travailler dans une entreprise où le syndicat et l'employeur ont, dans la négociation de la convention collective, inclus dans l'ensemble des avantages qui sont offerts aux travailleurs une assurance-santé qui, en général, comprend un peu une couverture de médicaments, quoique dans bien des cas ce soit fait d'un programme à l'autre; c'est souvent de façon très, très, très inégale.

Alors, ce qui est proposé présentement... Et, pour des gens qui n'ont pas cette couverture, essayer d'acheter une police privée d'assurance-médicaments, c'est en général des prix exorbitants. Surtout, les gens à petits revenus ne peuvent pas se payer ça.

(4 h 20)

Alors, qu'est-ce que ça va faire, le régime qu'on a mis là? Il faut réaliser que, globalement, les gens qui vont être protégés par une assurance avec le régime public, avec la Régie de l'assurance-maladie du Québec, il y a 50 % de ces gens-là qui, à cause de leurs faibles revenus, ne vont pas payer de prime. 50 % de l'ensemble des personnes qui sont des prestataires de la sécurité du revenu, ou qui sont des personnes âgées, ou qui sont ce nouveau groupe de 1 100 000 qui n'a pas de couverture présentement et qui va être inclus dans ce même régime, 50 %, et même un peu plus, de tout ce monde-là ne va pas payer de prime.

Dans le groupe du 1 100 000 personnes qui, présentement, n'a pas de couverture, ce groupe de gens est constitué de 300 000 enfants, d'abord, qui vont avoir une protection complète sans aucune charge. Il n'y aura ni prime, ni franchise, ni coassurance pour les enfants: 300 000. Ils ont une couverture complète; complètement gratuitement. Et les 800 000 adultes qu'il y a dans ce groupe de Québécois et Québécoises non assurés, il y en a 500 000 là-dedans qui ne vont pas payer de prime parce que leurs revenus sont trop bas. Alors, c'est vraiment un groupe de la société qui est à risque énormément; et, étant des gens à des revenus plutôt faibles, on sait très bien que le niveau socioéconomique est relié, à plusieurs égards, au niveau de risque et au niveau de santé de la population. C'est donc un groupe qui est plus à risque de consommer plus de médicaments que des gens qui ont un niveau de revenus plus élevé.

Donc, je pense, là, que si on regarde la situation bien en face, on voit qu'effectivement des gens qui, actuellement, ne paient rien pour le médicament vont devoir donner une petite contribution. Comme ça va être fait globalement, sur un grand nombre de personnes, ça recircule l'argent autrement et ça nous permet, tout en réalisant une économie globale qui diminue la charge fiscale sur l'ensemble de la population du Québec, de sortir de la difficulté financière où on est; ça nous permet de repartager différemment l'argent qui reste et de donner un accès égal, équitable à tout le monde.

Maintenant, on a dit aussi, pour compléter ce portrait d'équité, qu'au-delà d'un revenu de 30 000 $, 31 000 $, où on paie une prime complète, une prime de 175 $, encore une fois, qui comprend tout, qui comprend les frais administratifs aussi, ou 350 $ pour une famille où il y a deux adultes, effectivement, au-delà de 31 000 $ de revenus pour une famille, tout le monde paie la même prime, même ceux qui auraient une rémunération, un salaire de 50 000 $, de 75 000 $ ou de 100 000 $. Et là on peut dire que c'est peut-être un peu moins équitable, au premier regard, d'en demander autant à la personne qui a 35 000 $ de revenus qu'à la personne qui a 75 000 $ ou 100 000 $ de salaire.

Maintenant, ce qu'on oublie, c'est que dans le régime qu'on met en place, le gouvernement va encore payer pour au moins 800 000 000 $ dans le programme. Sur le 2 300 000 000 $ qu'on dépense, il y a un tiers de ça qui va venir encore d'une contribution de 800 000 000 $, une contribution du gouvernement pour permettre justement que plusieurs personnes n'aient pas à payer de prime et qu'on puisse faire des ajustements – dont je vais parler dans une minute – sur les autres paramètres. Et ce 800 000 000 $, presque 1 000 000 000 $, là, le tiers de ce qui va se dépenser globalement en médicaments, c'est payé à partir des taxes que les plus hauts salariés, les plus hauts revenus de la société contribuent au régime.

Alors, quand on le regarde dans son ensemble, à partir du plus petit salaire jusqu'au plus haut, ce n'est peut-être pas le système parfait, parce que, pour qu'il soit vraiment complètement équilibré, au 1 000 $ près, il faudrait vraiment qu'on ait un système général complètement supporté par la fiscalité. Je ne sais pas si on en sera là un jour, mais, déjà là, dans la situation où on est par rapport à la situation actuelle, c'est une amélioration énorme pour tous les groupes et pour tous les individus dans la société.

Maintenant, les améliorations qu'on a faites. Les gens qui nous ont demandé de reporter, c'est parce qu'ils voulaient des clarifications et ils voulaient certaines améliorations. Alors, on a pu faire un bon nombre d'améliorations parce qu'on avait plusieurs simulations qui avaient été faites. Dans la proposition qui a été mise sur la table au début, c'est une combinaison qui, nous semblait-il, pouvait rencontrer les souhaits de la plupart des gens. Les gens nous ont exprimé des points de vue différents. Alors, on peut apporter une amélioration qui me semble énorme et qui rejoint deux des plus gros arguments qu'on a entendus. Les gens nous ont dit: Quand même, pour les gens à plus petits revenus, dans votre proposition originale, vous leur demandez de payer jusqu'à un plafond de 300 $. Un plafond de 300 $, il faut bien dire, comme c'est composé d'une franchise de 100 $ et d'une coassurance de 25 $ sur la consommation additionnelle, ça veut dire qu'il faut acheter des médicaments pour 900 $ pour se rendre au plafond. C'est quand même quelque chose qui protégeait la grande partie des gens, mais on nous a dit: C'est peut-être encore trop fort, parce que, pour beaucoup de gens qui sont des prestataires de la sécurité du revenu, encore actuellement, ça peut être trop. Alors, on a refait les calculs, on a rebalancé un certain nombre de choses et on va pouvoir baisser ce plafond-là à 200 $.

Mais ce n'est pas tout. Parce que l'autre problème qu'il y avait, en plus, sur les plus petits salariés, d'avoir un plafond peut-être un peu trop haut – on l'a baissé – on nous a dit: L'autre difficulté, c'est la liquidité de l'argent pour payer. Si les premières ordonnances qu'on a, les premières prescriptions du médecin pour une maladie ou pour une couple de personnes, d'enfants dans la famille qui doivent prendre des antibiotiques parce qu'il y a eu une infection, un des parents doit utiliser des médicaments en même temps, c'est possible qu'une prescription soit de l'ordre, à la hauteur de 75 $, 80 $, 85 $. Ça peut se voir. Ça coûte cher, le médicament. Alors, là, évidemment, quelqu'un qui a une franchise de 100 $ et qui doit, la première fois qu'il va acheter du médicament dans l'année, payer 85 $, 90 $ d'un coup sec, on a reconnu que ça pouvait poser problème.

Les gens, au-delà du premier achat et de la franchise – après 100 $, on paie seulement le quart de ce que ça coûte – encore là, si ce sont des gens qui ont des grosses prescriptions pendant une période de l'année parce qu'il y a des problèmes qui se présentent, ils peuvent peut-être ne pas se rendre à leur plafond mais dépenser pas mal d'argent. Alors, ce qu'on a réussi à faire, ça, il faut le réaliser, ça change énormément les conditions d'accès, et la franchise et le plafond vont être gérés sur une base trimestrielle. Ça veut dire que, pour un bloc de trois, pour chaque bloc de trois mois durant l'année, on va payer un maximum de 25 $ de franchise. Quand on aura payé les premiers 25 $ pour acheter des médicaments, tout ce qu'on va acheter au-delà de 25 $, on va payer seulement le quart du prix de ça. Le plafond étant aussi trimestriel, ça veut dire que les gens à plus petits revenus, par exemple, qui ont un plafond global de 200 $, il faut le diviser par quatre. Donc, sur un bloc de trois mois, leur plafond sera de 50 $. Alors, ces gens-là, sur une période de chaque bloc de trois mois dans l'année n'auront jamais plus que 50 $ à payer pour chaque trois mois et la partie de la franchise où ils paient totalement va être réduite à 25 $.

Alors, on a beau examiner ça sur tous les côtés, là, on pense vraiment qu'on a rejoint les deux problèmes essentiels qui nous avaient été soulignés quant à l'équité, le mieux possible équilibrer, et quant au véritable accès en ne risquant pas qu'une consommation de médicaments qui serait un peu élevée puisse vraiment poser une barrière à l'accès à cause de la capacité ou de la liquidité que les gens peuvent avoir.

Alors, quand les gens nous ont demandé de reporter, c'est parce que ces changements-là n'avaient pas été faits. Maintenant qu'on peut faire les changements, qu'on peut apporter des clarifications à à peu près tout ce qu'ils ont fait, ce qui serait important, c'est qu'on puisse s'en aller en commission parlementaire et qu'on puisse le prendre, le programme, et le projet de loi, article par article, et bien s'assurer que ce qui est proposé par le gouvernement correspond à ce que chacun a entendu et, au besoin, faire les derniers ajustements.

Il y a peut-être un équilibrage à faire. Mais, pour ça, il faut accepter de travailler. Il faut décider d'aller bosser en commission. Évidemment, c'est plus exigeant. C'est plus exigeant que de faire des grands discours ou des performances de verbomoteur jusqu'aux petites heures du matin. C'est plus exigeant. Il faut étudier le projet de loi, il faut le regarder, il faut comparer, il faut parler au monde, il faut être prêt à travailler. C'est ça, je pense, M. le Président, qu'il faudrait que l'opposition fasse. Pas de nous tenir en Chambre, ici, avec un faux discours sur le changement du principe alors qu'on a fait une modification de la gestion. Ce n'est pas vrai. Et pas non plus en essayant de se donner un air tout faux de protection des contribuables.

Parce qu'il y a un objectif fiscal, il y a un objectif budgétaire à ce programme-là, je le dis encore, mais c'est pour diminuer le poids, la charge fiscale sur l'ensemble des citoyens au Québec, et c'est pour nous permettre de partager autrement le coût du médicament. Et pourquoi il faut faire ça? Il faut se rappeler qu'il est grand temps de le faire. Si on fait comme eux puis qu'on attend encore l'an prochain, ça va être encore pire. Ils ont fait ça pendant neuf ans puis ils nous mis littéralement dans le trou, M. le Président, il faut commencer à s'en sortir. Mais, ça, le monde comprend ça. L'opposition, ce n'est pas en agissant de cette façon-là, en retardant et en reportant toujours, qu'ils vont nous aider à nous sortir de la situation où on est.

(4 h 30)

Je pense, M. le Président, que, si on regarde en plus leur motion de report, on s'aperçoit que c'est particulièrement... je pense que je pourrais qualifier ça de quasi vicieux. Ils n'ont pas dit de reporter à la prochaine session. On pourrait reprendre tôt au début de la session, si on devait reporter jusque-là, et essayer d'agir le plus rapidement. Ils ont dit six mois. On est au mois de juin; ça nous amène au mois de décembre. Le mois de décembre, c'est la fin de la session d'automne. Ah! ça veut dire qu'on ne pourra pas le passer là. Ça va le reporter à l'autre session, au mois de mars, où on va revenir avec ça, puis on va se retrouver un an plus tard. Ils disent un report de six mois, mais ça vient de faire un retard d'un an.

Et ça, c'est assez typique, c'est assez typique de ce qu'on a vu comme fonctionnement, et c'est complètement irresponsable, parce que, pendant ce temps-là, les gens dont je viens de parler, qu'on a compris, qu'on a entendus en commission, on répond à leurs questions, on apporte les améliorations qu'ils ont demandées, c'est des gens qui l'attendent, le programme, c'est des gens qui en ont besoin. Alors, ce n'est pas comme ça qu'on va rendre service à la population. Ce n'est pas comme ça, avec des faux arguments, qu'on va rendre service à la population. On prive la population d'un programme dont elle a besoin et on prive, dans cette population-là, les plus démunis. Ce n'est pas en demandant une contribution raisonnable aux plus démunis qu'on leur fait mal, c'est en les laissant dans l'état actuel, sans aucune protection. Et, quand ceux de ces gens-là ont un problème de maladie puis qu'ils doivent trouver des médicaments, présentement, bien, ou ils ne les trouvent pas, ils ne sont pas capables de les payer, ou ils sont vraiment dans une situation de ne pas être capables de manger s'ils veulent prendre leurs médicaments.

Le drame, il est là. Il n'est pas en amenant le monde à contribuer équitablement à un même programme, même si on comprend qu'au début c'est peut-être un peu surprenant d'être amené à payer quand on ne payait pas avant. Mais, quand les gens réalisent de plus en plus qu'on a ajusté à ce qu'ils peuvent payer, on comprend très bien. C'est la situation actuelle, c'est la façon dont fonctionne la situation actuelle qui est inéquitable, qui fait du tort aux gens. Et là on vient de nous faire une proposition où on va tout «rebazarder» ça dans un an pour en rediscuter. S'il y a des choses encore à améliorer, moi, j'en suis. Peut-être que dans tout ce qu'on a présenté là il y a encore un peu des ajustements à faire, bien, qu'on le fasse. Mais, pour le faire, il faut avoir des discours qui ont un peu plus de contenu que ce qu'on a entendu. Il ne faut pas entendre la même cassette 47 fois, M. le Président, ça ne va pas nous avancer.

Ce que je viens de dire là, de faire des gorges chaudes sur le changement de principe et des gorges chaudes sur l'aspect budgétaire, on est dans un environnement budgétaire, il n'y a rien là. Ce n'est pas en nous le disant 47 fois puis en le répétant 47 fois à la population qu'on va faire avancer le débat. Ce serait vraiment être capables de rapidement compléter le débat sur le principe et aller travailler en commission et prendre le projet de loi article par article. Ça, on ne craint absolument rien là-dessus; on est tout à fait prêts à le faire et à le faire rapidement.

Alors, je pense, M. le Président, qu'on a bien écouté ce que la population nous a dit, qu'on a compris ce que la population nous a dit, et qu'on est prêts à agir, et on est prêts à agir, à agir maintenant, et, ce faisant, je suis convaincu qu'on répond à la grande majorité, sinon à la totalité des principales questions qui ont été soulevées. Et ça, c'est sans compter qu'en plus des paramètres de base du programme, en faisant le partage nouveau de responsabilités, en gardant un régime général mais partagé autrement entre les programmes collectifs gérés par les assureurs privés et en confiant à la Régie de l'assurance-maladie du Québec l'ensemble de la gestion des programmes individuels, non seulement on peut faire une meilleure utilisation des différents paramètres, en mettant, par exemple, la franchise et le plafond aux trois mois, non seulement on peut améliorer la liquidité en n'exigeant pas de payer la prime avant de consommer mais en attendant à la fin de l'année pour la payer, en s'assurant que ceux qui vont payer une prime partielle, les revenus moyens, les petits revenus qui vont payer une prime partielle, au lieu d'être obligés de la payer au complet pour être compensés seulement à la fin de l'année, ne vont payer que la partie qu'ils doivent payer... Il y a des gens qui vont payer seulement 40 $ de prime, il y en a qui vont payer 80 $ de prime, il y en a qui vont payer 120 $ de prime, selon leurs revenus. Tout ça va se faire à la fin de l'année.

Et, en plus de ceux qui nous demandaient de reporter, il y avait ceux qui voulaient qu'on améliore le plafond pour les plus petits revenus, il y avait ceux qui voulaient qu'on améliore la question de liquidité pour l'achat du médicament, on a fait ça, et il y avait ceux qui nous disaient qu'il y avait des complications, que le régime était un peu compliqué. C'est vrai qu'il est un peu compliqué, parce que pouvoir gérer des primes individuelles à travers plusieurs assureurs privés pour 1 100 000 personnes, c'était un peu complexe, surtout que les assureurs privés n'ont pas l'avantage, comme la Régie de l'assurance-maladie du Québec, d'être en lien interactif avec toutes les pharmacies, ce que la Régie a. Alors, ça, ça simplifie énormément l'administration. Ça permet aux régimes collectifs d'appliquer le programme général dès le 1er janvier, mais de prendre le temps de suivre le calendrier de leurs conventions collectives pour faire les ajustements qu'ils pourront vouloir faire dans l'avenir. Et ça va nous permettre de simplifier tellement qu'il y a une bonne partie des règlements dont on avait besoin dans un régime plus complexe à gérer... ça va nous permettre de nous délester d'un bon nombre de règlements.

Donc, non seulement on améliore les paramètres, non seulement on améliore les liquidités, mais on améliore l'ensemble de la gestion du programme. Et, encore une fois, M. le Président, d'être capable de se retourner de bord et d'agir rapidement comme ça, ce n'est pas parce qu'on fait de l'improvisation, ou, si c'est de l'improvisation, il faut reconnaître que c'est de l'improvisation préparée. Si on a pu rapidement faire un ajustement comme ça, c'est parce qu'il y avait toute une préparation derrière ça. Il y avait différents scénarios qui étaient prêts, on les avait tous envisagés et c'était possible, en ayant écouté, mais pas juste écouté, puis pas juste écouté ce qu'on veut écouter, en ayant compris ce que le monde nous dit, c'est ça qu'il fallait comprendre, et, l'ayant compris, d'être capable de revenir vraiment à l'intérieur du système qu'on proposait et de faire la préparation et de l'organiser. Bien, c'est ce qui a été fait, M. le Président.

Alors, je pense... Est-ce que je m'en vais bien dans mon temps? Alors, je pense, M. le Président, que le tour a été fait, qu'on a là un bon programme, le meilleur qu'on puisse se donner, qu'il n'est sûrement pas parfait – il y a très peu de choses parfaites dans ce bas monde – mais, par rapport à la situation actuelle, c'est une énorme amélioration qu'on a réalisée, et ce qu'il faut faire, si on est vraiment responsable, c'est d'aller rapidement travailler pour finaliser les derniers détails de ce programme et donner à la population ce à quoi elle a droit, ce qu'elle mérite, ce qui va être une contribution très importante à tous égards pour l'ensemble des Québécois, leur donner ce programme-là. Toute autre façon d'agir, c'est d'être complètement irresponsable, ce serait d'être aussi complètement incapable, et, ça, M. le Président, que l'opposition ne compte pas sur le gouvernement pour jouer ce genre de jeu là. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le groupe parlementaire formant l'opposition officielle a terminé son temps de parole de 60 minutes. La députée de Terrebonne, du groupe parlementaire ministériel, a utilisé, tout à l'heure, 13 minutes; le ministre de la Santé et des Services sociaux vient d'utiliser 38 min 26 s. Donc, il nous reste actuellement un temps de parole gouvernemental de 8 min 34 s.

M. le leader du gouvernement.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. Alors, j'écoutais attentivement le ministre de la Santé et des Services sociaux nous parler de l'importance et nous faire réaliser l'importance du projet de loi et du système dont ce gouvernement aimerait faire bénéficier la population du Québec. Je vais vous avouer bien humblement, bien honnêtement que j'aurais préféré que ça ne se fasse pas à cette heure-ci, ce débat sur ce projet de loi là. D'ailleurs, c'est pour ça que j'avais demandé au président d'appeler cet article de ce projet de loi à 15 heures. Normalement, c'est à 15 heures, moment où les gens s'attendent à voir normalement des débats de l'Assemblée nationale, à 15 heures qu'on aurait dû faire ce débat important sur ce régime. Et, à 16 heures, après, donc, normalement, le temps nécessaire pour le ministre de la Santé et des Services sociaux pour faire son intervention sur l'adoption du principe, normalement il y avait une conférence de presse après pour expliquer d'une façon plus complète la portée du régime d'assurance-médicaments qu'on voudrait mettre en place, les modifications aussi qu'on voudrait apporter à ce projet de loi. On a tellement voulu agir avec transparence, dans tout ce processus, qu'on a même envoyé à l'avance, M. le Président, au porte-parole de l'opposition, le communiqué de presse, sous embargo, évidemment, qu'on allait rendre public à 16 heures.

(4 h 40)

M. le Président, comment peut-on être plus transparents? On voulait être certains, M. le Président, que, quand le débat sur l'adoption du principe se ferait, à ce moment-là, le porte-parole de l'opposition officielle aurait toutes les données relativement à l'orientation, aux changements dans les modalités – puis je dois bien dire dans les modalités – du projet de loi qui était déposé.

Mais non, M. le Président, l'opposition a dit: Nous, on va faire ça de nuit. Oui, c'est elle qui a décidé de faire ça de nuit. On a assisté à un festival de procédures. Mais là je dois reconnaître l'ingéniosité du leader de l'opposition pour trouver des motions de privilège, des questions de privilège. Il a jusque ressuscité l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, M. le Président. Je m'attendais qu'il allait peut-être demander les droits inhérents des gens qui étaient sur le Mayflower quand ils sont arrivés aux États-Unis! Je ne sais pas, là, mais, quand on est rendu à plaider l'Acte de l'Amérique du Nord britannique en cette Chambre, M. le Président, c'est que vraiment on est mal pris, c'est que vraiment on cherche quelque chose.

Alors, vous comprendrez, M. le Président, que je ne veux pas imputer de motifs à des membres de cette Chambre. Jamais je n'oserais faire ça, M. le Président. Mais je me posais la question. À un moment donné, je me disais: Est-ce qu'il fait ça tout simplement parce qu'il manque des députés de l'autre côté? Je me posais la question. On peut se la poser, la question, ce n'est pas imputer des motifs que de se poser des questions. Je me la posais, la question. Je me disais: Pourquoi, de 15 heures à 22 heures, M. le Président, on se met à chercher...

Heureusement, notre règlement, M. le Président, n'est quand même pas trop volumineux, parce qu'on a dû l'éplucher aujourd'hui, on a dû regarder même les coutures pour essayer de trouver sur quoi pourrait-on fonder une question de privilège ou de procédure, et, donc, finalement, on a décidé de sortir l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, en dernier ressort, alors même que le ministre de la Santé et des Services sociaux avait commencé son intervention. Mais là on a dit: Oups! j'ai oublié, M. le Président, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Et c'était l'argument massue, qui devait faire reculer le gouvernement, qui devait être, à ce moment-là, la mère de toutes les motions de privilège et de toutes les motions de procédure.

Mais pourquoi faire ça, M. le Président? Pourquoi user de telles procédures? Pour empêcher un débat. Parce que c'est ça, finalement. On a dit que le principe est modifié...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, jusqu'à date le propos du leader du gouvernement frôlait la dérogation au règlement, l'entorse au règlement. Mais là il vient carrément de tomber dedans, M. le Président. On ne peut pas reprocher à l'opposition de soulever des questions de règlement. Puis, lorsqu'on le fait, M. le Président, on est en dérogation avec les paragraphes 5° et 6° de l'article 35. On est parfaitement en droit, du côté de l'opposition, de soulever toutes les questions de règlement. On est également en droit, M. le Président, de soulever des questions ou des points de droit qu'on retrouve dans la Loi sur l'Assemblée nationale, et le leader ne peut pas nous le reprocher. Il sait ça. D'ailleurs, il a occupé votre fauteuil.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition, effectivement, nous allons permettre au leader du gouvernement de poursuivre, tout en respectant, bien entendu, notre règlement que vous connaissez fort bien.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, et je sais que le député de Frontenac le connaît bien aussi, et lui aussi pour avoir occupé votre fauteuil. Alors, vous comprendrez, je pense, qu'on est entre gens qui comprenons la situation dans laquelle vous vous trouvez, et dans laquelle aussi, je suis certain, peut-être le député de Frontenac se sentait mal à l'aise relativement aux questions de procédure qui étaient soulevées. Mais, encore là, M. le Président, je ne reproche rien, je constate. Je constate. Quand on fait des débats sur la procédure, on ne fait pas des débats sur des principes de projets de loi, on ne fait pas des débats sur des principes aussi importants que ceux contenus dans un projet de loi. Moi, c'est ça...

Moi, ce que j'ai appris comme avocat, M. le Président, c'est que la procédure devrait normalement faire apparaître le droit, et non pas empêcher que le droit apparaisse. Et c'est pour ça qu'on peut se poser des questions, à un moment donné, quand on voit une telle inflation de «procédurite». Mais, encore là, M. le Président, c'était leur droit, comme l'a dit le député de Frontenac, de le faire, et c'est le choix de l'opposition, plutôt que de faire un débat sur le fond, de faire un débat sur la procédure. Ils l'ont fait. Ils ont choisi ce choix, ça va. Mais, maintenant, qu'on ne vienne pas nous dire qu'on est en plein milieu de la nuit pour étudier ce projet de loi qui aurait pu, comme je vous le disais, être étudié à 15 heures prévu. On nous dit que le principe est modifié. Le principe n'est pas modifié, M. le Président. Le principe n'est pas modifié. Le principe qui est dans ce projet de loi, c'est l'instauration d'un système universel d'assurance-médicaments. C'est ça, le principe qui est dans le projet de loi. Et ça, jamais ce principe n'a été remis en question, jamais nous n'avons voulu le modifier, M. le Président. Ça, c'est la première des choses qui doit être comprise.

Maintenant, on nous dit qu'on n'est pas à l'écoute de la population. J'ai rarement vu, moi, quant à moi, M. le Président, un ministre aussi à l'écoute que le ministre de la Santé et des Services sociaux. Il a écouté des groupes, il en a écouté, des groupes. Il y en a, des groupes, qui sont venus nous rencontrer, nous dire à la fois, certains, qu'ils avaient hâte, même si, des fois, sur peut-être les modalités qui étaient initialement prévues ils avaient certaines modifications à vouloir apporter, que ce régime soit appliqué. D'autres, au contraire, avaient certaines appréhensions. Et c'est pourquoi, M. le Président, le ministre, étant à l'écoute des gens qui sont venus parler relativement à l'instauration de ce nouveau système, a modifié, va proposer des modifications. Il va proposer des modifications en commission parlementaire au projet de loi qui est présentement devant nous.

Alors, ça va être des améliorations, M. le Président. Peut-on nous reprocher d'améliorer un projet de loi? Si j'écoute l'opposition, c'est presque ça, finalement, qu'on nous reproche: Vous n'auriez pas dû améliorer le projet de loi. On était contre le premier, mais vous n'auriez pas dû l'améliorer, on ne pourra plus être contre le deuxième. Est-ce que c'est ça, finalement, qu'ils essaient de nous dire? Je ne sais pas, M. le Président, si c'est ça qu'ils essaient de nous dire.

Pourquoi l'urgence, M. le Président, de faire ça? 1 200 000 personnes ne sont pas couvertes, présentement. Je pense que uniquement cette donnée, cette statistique démontre, M. le Président, l'importance que, le plus rapidement possible, l'ensemble des Québécois bénéficie d'un régime universel d'assurance-médicaments. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le leader du gouvernement. Alors, le temps alloué sur la motion de report du député de l'Acadie qui se lit comme suit: Que la motion en discussion soit amendée en remplaçant les mots «soit maintenant adopté» par les mots «soit adopté dans six mois», alors, comme je le disais, le temps de parole est maintenant expiré et nous allons mettre cette motion aux voix.

Une voix: Vote enregistré, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.


Vote reporté

M. Bélanger: M. le Président, le vote enregistré a été demandé. Je vous demande, en vertu de l'article 223, que le vote soit reporté à la prochaine période des affaires courantes.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion d'ajourner le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, comme nous devons poursuivre le débat, il faut absolument qu'on procède sur la motion de report.

M. Lefebvre: M. le Président, on ne peut pas, je m'excuse.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Oui, M. le Président. Étant donné qu'on n'a pas disposé de la motion de report, on ne peut pas demander l'ajournement du débat, ça va de soi. Alors, ce que je comprends du leader, c'est qu'il demande l'ajournement des travaux de l'Assemblée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le vote reporté sur la motion de report s'effectuera lors des affaires courantes, soit ce matin, à compter de 10 heures, et, à ce moment-là, nous ne pouvons plus poursuivre les travaux de l'Assemblée tant que la motion de report n'est pas sanctionnée par les membres de l'Assemblée nationale. Donc, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, le député de Frontenac est tout à fait vigilant, M. le Président, alors je fais une motion d'ajournement de nos travaux à ce matin, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, les travaux de l'Assemblée nationale sont ajournés. La motion d'ajournement, je conclus qu'elle est bel et bien adoptée?

Des voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Alors, les travaux de l'Assemblée sont ajournés à mardi, le 11 juin, c'est-à-dire dans environ cinq heures, alors à 10 heures.

(Fin de la séance à 4 h 50)