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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le vendredi 14 juin 1996 - Vol. 35 N° 38

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Table des matières

Présence de la ministre déléguée au ministère de l'Éducation nationale du Sénégal, Mme Aminata Tall

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures sept minutes)

Le Président: Alors, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Présence de la ministre déléguée au ministère de l'Éducation nationale du Sénégal, Mme Aminata Tall

Avant de débuter les affaires courantes, j'ai le grand plaisir de souligner la présence dans les tribunes de la ministre déléguée chargée de l'enseignement technique et de la formation professionnelle au ministère de l'Éducation nationale du Sénégal, Mme Aminata Tall.


Affaires courantes


Déclarations ministérielles

Aux affaires courantes, déclarations ministérielles. M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens, en vous rappelant que vous avez cinq minutes pour votre déclaration, puis il y a cinq minutes du côté des commentaires de l'opposition officielle et cinq minutes de réplique. M. le ministre.


Revendicateurs du statut de réfugié


M. André Boisclair

M. Boisclair: Alors, M. le Président, je souhaite informer les membres de cette Assemblée de décisions que le gouvernement du Québec vient de prendre à l'égard du mouvement des revendicateurs du statut de réfugié. Celles-ci ont trait, d'une part, à des représentations que nous entendons faire auprès du gouvernement fédéral sur différents aspects de sa gestion de ce mouvement. Elles portent, d'autre part, sur des ajustements que nous nous apprêtons à apporter aux services d'accueil et de soutien que le gouvernement québécois fournit aux personnes composant ce mouvement.

Rappelons, M. le Président, que chaque année, outre les réfugiés qu'il sélectionne à l'étranger, le Québec reçoit de forts contingents de personnes qui viennent demander aux autorités fédérales d'immigration à être reconnues, sur place, comme réfugiés et à être autorisées, à ce titre, à demeurer de façon permanente au pays.

C'est ainsi que nous avons reçu, en 1995, près de 12 000 revendicateurs du statut de réfugié, et ce chiffre s'établit à 5 860 pour les cinq premiers mois de 1996, ce qui représente la moitié de toutes les revendications formulées au Canada.

(10 h 10)

Il se trouve, parmi ces demandeurs d'asile, de nombreuses personnes qui ont dû fuir leur pays d'origine. Elles craignent, avec raison, que leur vie n'y soit en danger, du fait de leurs convictions religieuses, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un groupe ethnique ou racial. Je veux donc réaffirmer, devant cette Assemblée, l'adhésion du Québec aux objectifs de la Convention de Genève sur les réfugiés et son attachement au principe de protection des personnes en situation de détresse qui est à la base de cette Convention.

Mais le mouvement des demandeurs d'asile est aussi composé de personnes qui voient dans la revendication du statut de réfugié un mode alternatif d'accès au pays représentant un certain niveau de développement économique. Pour se convaincre de l'existence de ce phénomène, il suffit d'examiner la liste des pays d'où proviennent plusieurs de ces personnes. Cette liste comprend en effet un nombre important de pays qui sont des États de droit et dont la communauté internationale estime qu'ils ne produisent pas de réfugiés. Je citerai, en guise d'exemple, Israël, le Chili ou le Venezuela d'où nous sont venus, ces derniers temps, un nombre important de demandeurs d'asile.

Une telle situation appelle nécessairement une réaction. Il faut faire en sorte que les mécanismes d'accueil et de protection des personnes en situation de détresse qui ont été mis en place par la communauté internationale ne soient pas détournés de leur raison d'être, le plus souvent au profit de réseaux qui vendent à des candidats potentiels à l'immigration la promesse d'un accès rapide et assuré aux pays industrialisés.

Au Canada, c'est au gouvernement fédéral qu'incombe cette responsabilité d'assurer l'intégrité du système de reconnaissance de statut de réfugié. Or, tout en reconnaissant la complexité de cette tâche, il nous faut malheureusement constater que la gestion fédérale en cette matière est de nature à inspirer des inquiétudes. Ainsi, actuellement, les délais de traitement des demandes d'asile sont très longs. Ils dépassent généralement un an et peuvent même s'étendre sur plus de deux ans.

De longs délais s'écoulent également avant que n'intervienne le renvoi des personnes dont la demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée, et une fraction seulement de ces personnes sont en définitive renvoyées.

Le Canada tarde malheureusement à prendre les mesures adéquates pour éviter que des demandes d'asile ne soient présentées par des personnes provenant de pays où, à l'évidence, les droits de la personne sont respectés.

C'est ainsi, par exemple, que le Québec aura reçu, en 12 mois, plus de 3 300 revendicateurs du statut de réfugié en provenance du Chili avant qu'un visa ne soit exigé pour les ressortissants de ce pays. Et le taux canadien de reconnaissance du statut de réfugié demeure trop élevé, très élevé pour ces demandeurs appartenant à des groupes nationaux pour lesquels ce statut n'est généralement pas reconnu ailleurs.

Je viens donc d'écrire à ce sujet à mon homologue fédéral, Mme Lucienne Robillard. Je lui fais part des vives préoccupations que nous entretenons quant aux modalités actuelles de traitement des revendications du statut de réfugié et je lui suggère que nous nous rencontrions pour discuter de diverses mesures concrètes qui, selon le Québec, seraient de nature à améliorer ce traitement.

Nous demandons aussi au gouvernement fédéral d'assumer une part accrue des coûts générés par les différents services d'accueil et de soutien fournis aux demandeurs d'asile. C'est ainsi que j'ai informé Mme Robillard de la décision du Québec de se retirer du financement des soins de santé pour ces personnes. En conséquence, comme c'est présentement le cas dans toutes les autres provinces canadiennes, c'est par le truchement du programme fédéral de santé intérimaire que les revendicateurs du statut de réfugié auront accès à des soins de santé, et ce, dès que les discussions sur la mise en oeuvre de cette décision seront achevées.

Nous pressons aussi le gouvernement fédéral de ramener à une durée plus raisonnable les délais d'examen des demandes de reconnaissance du statut de réfugié et, dans le cas où la durée de cet examen dépassera les délais normaux, nous lui demandons de s'engager à assumer la totalité des coûts des services offerts aux demandeurs d'asile pour la période s'étendant au-delà de ces délais.

Pour notre part, et je conclus là-dessus, M. le Président, nous avons décidé de ne plus donner accès aux mesures de développement de l'employabilité aux revendicateurs du statut de réfugié prestataires de l'aide de dernier recours pendant la période où ces personnes sont en attente d'une réponse quant à leur requête du statut de réfugié. Le ministère de la Sécurité du revenu fera connaître dans les prochaines semaines les modalités d'application de cette décision. Les mesures en cette matière seront toutefois accessibles dès qu'un candidat se sera vu reconnaître le statut de réfugié.

En conclusion, par ces décisions, le gouvernement du Québec réaffirme clairement sa volonté d'offrir aux réfugiés qu'il accueille sur son territoire les moyens d'assurer leur intégration à notre collectivité et confirme ainsi la longue tradition d'accueil et de solidarité qui est celle du peuple québécois. Il nous faut réclamer, cependant, un système plus efficace et plus équitable.

Le Président: Alors, pour les commentaires de l'opposition officielle, je cède maintenant la parole à Mme la députée de La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, permettez-moi de réagir à la déclaration ministérielle présentée par le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et responsable de l'Immigration. Au nom de l'opposition officielle, j'accueille favorablement cette déclaration ministérielle qui vise à rendre le système d'accueil et de traitement des dossiers des revendicateurs du statut de réfugié plus équitable et plus conforme à la tradition d'ouverture et de solidarité des Québécois et des Canadiens. Cette ouverture est au centre de l'«Énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration» adopté par le gouvernement libéral en 1991 et dont les orientations ont été endossées par le présent gouvernement.

Le Québec, M. le Président, s'est toujours conformé à la convention des Nations unies relative au statut des réfugiés, et je suis rassurée de voir que le ministre a réitéré, dans sa déclaration, ce principe de protection des personnes qui ont besoin de refuge. Le ministre a soulevé des questions pertinentes quant au flux des revendicateurs du statut de réfugié en provenance de pays qui ne sont pas reconnus par la Convention internationale de Genève, c'est-à-dire des pays qui sont régis par des gouvernements non démocratiques et qui oppriment leurs citoyens, ce qui n'est pas le cas pour des pays comme Israël ou le Chili d'où nous sont venus récemment un nombre important de demandeurs d'asile, comme l'a souligné le ministre.

Conscient de cette problématique, le gouvernement fédéral a réagi en mettant en place des mesures pour contrer l'utilisation abusive du statut de réfugié comme moyen d'immigrer au Canada. Une telle situation génère malheureusement des abus qui affectent l'intégrité du système et qui donnent l'impression que tous les revendicateurs du statut de réfugié sont des gens qui profitent de la générosité des Québécois. Tel n'est pas le cas, M. le Président, c'est pourquoi il est nécessaire de voir à ce que le système soit équitable pour tous.

L'une des conséquences directes de cette situation, c'est qu'elle exerce une pression sur nos services de sécurité du revenu et services de santé et services sociaux qui sont assumés par le Québec, alors que l'octroi du statut de réfugié relève de la compétence fédérale. De toutes les provinces du Canada, le Québec est la plus généreuse en ce qui concerne les services offerts aux revendicateurs du statut de réfugié. Cette décision de revoir le panier des services et de le ramener à un niveau comparable à ce qui est offert dans les autres provinces est compréhensible, compte tenu de notre situation financière actuelle et de l'effort qui est demandé à tous les citoyens.

En vertu de l'Accord Québec-Canada relatif à l'immigration qui a été signé par le gouvernement libéral, le Québec dispose de fonds nécessaires pour l'accueil, l'établissement et l'intégration des immigrants. C'est ainsi que nous recevons 90 000 000 $ actuellement pour la sélection et l'intégration des nouveaux arrivants, ce qui est un exemple de fédéralisme flexible qui fonctionne dans l'intérêt du Québec et du Canada. Cette enveloppe ne couvre pas cependant les revendicateurs du statut de réfugié. Ailleurs au Canada, c'est le gouvernement fédéral qui assume les frais de services de santé offerts aux revendicateurs du statut de réfugié. Le Québec est la seule province qui a choisi de financer lui-même ces services. Le gouvernement fédéral devrait donc revoir cette demande avec beaucoup d'ouverture.

Nous espérons donc que le gouvernement du Québec entamera les négociations avec le gouvernement fédéral dans un esprit d'ouverture et de collaboration et non dans un climat de confrontation, et ce, dans l'intérêt de tous les citoyens du Québec, M. le Président.

Le Président: Alors, M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens, pour votre droit de réplique.


M. André Boisclair (réplique)

M. Boisclair: M. le Président, je voudrais remercier la porte-parole de l'opposition et l'ensemble de l'opposition officielle qui, je le pense, aujourd'hui, comme nous, comprend que cette décision s'inspire de notre tradition qui a notamment pour objectif de préserver le consensus social qui est à la base de notre société.

En effet, les carences actuelles du mécanisme canadien de reconnaissance du statut de réfugié risquent d'engendrer une forme de méfiance à l'endroit des demandeurs d'asile, et le danger serait que cette méfiance s'étende dans une certaine mesure aux réfugiés sélectionnés à l'étranger et même, de façon indifférenciée, à l'ensemble de l'immigration. On a d'ailleurs pu voir dans les médias, ces dernières semaines, l'écho plus ou moins déformé qui peut être donné à ces questions fort complexes. De telles dérives sont de nature à mettre en péril l'ouverture de la population québécoise à l'endroit de l'immigration, et cela serait d'autant plus dommage que cette ouverture est remarquable, comme en témoignent les sondages d'opinion régulièrement menés à ce sujet. Or, le maintien d'une telle attitude ne peut que reposer sur son nécessaire corollaire, l'existence d'un système qui assure une gestion efficace et équitable des mouvements d'immigration, notamment au chapitre de l'examen des demandes d'asile et des suites qui sont données à cet examen.

(10 h 20)

Les interventions gouvernementales en cette matière se doivent d'être irréprochables et d'inspirer d'emblée la confiance au sein de notre population. Cette exigence de justice et de rigueur conjuguées, nous la devons aussi aux personnes demandant à être reconnues réfugiées qui, nombreuses, ont dû fuir leur pays parce qu'elles craignent avec raison que leur vie y soit menacée. Ces personnes doivent présentement attendre trop longtemps, trop longuement aussi, une reconnaissance du statut de réfugié dont par la suite le bien-fondé sera toujours susceptible de faire l'objet d'un certain doute.

De même, nous la devons aussi aux candidats qui souhaitent immigrer au Québec pour améliorer leur situation économique et pour ceux qui empruntent la voie normale de présentation de leur demande d'immigration plutôt que de recourir à une revendication non fondée du statut de réfugié.

Enfin, cette exigence de rigueur et de justice s'impose à l'endroit des personnes dont la demande est inspirée non pas par une menace réelle pesant sur leur vie ou leur sécurité, mais plutôt par la volonté d'améliorer leur situation économique. Ces personnes nous arrivent le plus souvent avec l'impression que nous avons de la notion de réfugié ou de la protection qui s'y rattache une conception très étendue qui englobe une large variété de circonstances. Cette impression est évidemment alimentée par les différents réseaux qui tirent leur profit du transit des demandeurs d'asile vers les pays industrialisés, mais il faut reconnaître que cette impression est aussi largement confortée par le fonctionnement même du mécanisme canadien d'examen des demandes d'asile politique et par le résultat que produit ce mécanisme.

En définitive, c'est donc au Canada qu'il importe de clarifier les règles du jeu et d'en assurer le respect par la mise en place d'un mécanisme équitable et efficace de reconnaissance du statut de réfugié. Les représentations du Québec à ce sujet ne sont pas nouvelles. Depuis ma nomination, j'ai accordé une attention particulière à cette problématique, ce qui m'a notamment permis de constater que des demandes du Québec à cet égard remontent à 1987. Elles portaient déjà sur la nécessité de mettre en place un système de traitement des revendicateurs du statut de réfugié qui soit à la fois efficace et équitable, mais aussi diligent. Il faut en effet que les demandeurs d'asile dont la requête est fondée se voient confirmer le statut de réfugié dans les meilleurs délais, de manière à réduire au minimum la période d'incertitude que ces personnes doivent vivre. De même, il est essentiel que l'on rejette très rapidement les demandes qui ne sont pas fondées et que soient retournées dans leur pays d'origine les personnes dont la demande a été refusée. Il s'agit là du meilleur moyen d'enrayer la présentation des revendications non fondées.

Nos demandes d'une plus grande implication du fédéral à l'égard des coûts des services d'accueil et de soutien ne constituent pas non plus une surprise pour le gouvernement canadien. Dès 1987, le gouvernement québécois de l'époque avait entamé des négociations avec le gouvernement fédéral afin d'obtenir le remboursement total des coûts...

Le Président: Je voudrais signaler, à ce moment-ci, que le ministre n'a pas complètement utilisé le temps qui lui est réglementairement accordé pour son droit de réplique.

Alors, M. le ministre, en conclusion, par ailleurs.

M. Boisclair: Il me reste une minute, M. le Président?

Dans l'ordre actuel des choses, M. le Président, le gouvernement fédéral est seul responsable, tant des modalités de la durée de l'issue du processus d'examen des demandes d'asile que des questions plus générales d'accès au territoire national et de renvoi. Or, sans que, de quelque façon que ce soit, les provinces puissent infléchir les politiques et les pratiques fédérales en ces matières, nous devons cependant subir l'essentiel des impacts financiers que celles-ci ont sur les services d'accueil et de soutien accessibles aux demandeurs d'asile.

En somme, ce que nous demandons au gouvernement fédéral, c'est tout simplement d'accepter une part plus grande des conséquences qui découlent directement, au chapitre des coûts de ces services, de sa propre gestion du mouvement des revendicateurs du statut de réfugié. Je vous remercie, M. le Président.


Présentation de projets de loi

Le Président: À l'étape des présentations de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article a de notre feuilleton.


Projet de loi n° 39

Le Président: Alors, à l'article a du feuilleton, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux présente le projet de loi n° 39, Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Oui, M. le Président. Ce projet de loi propose une réforme de la Loi sur la protection du malade mental. Il vient d'abord compléter les règles sur l'examen psychiatrique prévues par le Code civil du Québec en déterminant quels professionnels de la santé peuvent effectuer un tel examen. Il énumère aussi les différents éléments que le rapport d'examen psychiatrique doit contenir, notamment dans le cas d'un examen psychiatrique ordonné en application du Code de procédure pénale.

Dans le respect des règles prévues au Code civil du Québec en cette matière, le projet de loi prévoit ensuite les règles applicables en matière de garde des personnes atteintes de maladie mentale. Il indique notamment le type d'établissement auprès duquel peuvent être dirigées ces personnes et établit les différentes règles à suivre lorsqu'une personne est mise sous garde par suite d'une décision d'un tribunal. Il prévoit de plus, entre autres, des examens périodiques de la personne sous garde, les conditions de transfert de ces personnes auprès d'un autre établissement de santé et les droits de sortie temporaire qui peuvent leur être accordés par le médecin traitant.

Le projet de loi traite également des gardes provisoires et prévoit, dans les cas d'urgence, la prise de mesures exceptionnelles, notamment la possibilité de garder une personne contre son gré et sans l'autorisation du tribunal, dans les cas où il existe un danger imminent, pour la sécurité ou l'intégrité de la personne elle-même ou d'un tiers.

Le projet de loi impose ensuite différentes règles de procédure, de façon à assurer, à la personne elle-même et à ses proches, une information complète et suivie des droits et recours de la personne sous garde. Comme dans la loi actuelle, le projet accorde à la Commission des affaires sociales le droit de réviser, sur demande ou d'office, toute décision prise à l'égard d'une personne atteinte de maladie mentale.

Le projet de loi introduit ensuite une disposition qui oblige les établissements à respecter un minimum de règles administratives, lorsqu'ils se voient forcés d'utiliser des mesures de contention à l'égard de personnes atteintes de maladie mentale, et ce, qu'elles soient sous garde ou non.

Le projet de loi effectue enfin des modifications de concordance dans diverses lois.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: L'article b de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 41

Le Président: À l'article b du feuilleton, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux présente le projet de loi n° 41, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant les contrats d'assurance de responsabilité de certains établissements. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


M. Jean Rochon

M. Rochon: M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur les services de santé et les services sociaux afin de permettre à la Corporation d'hébergement du Québec de garantir l'exécution de toute obligation à laquelle une association est tenue dans le cadre de la gestion d'une franchise afférente à un contrat d'assurance négocié et conclu à l'avantage de ses membres.

Ce projet de loi prévoit en outre que le ministre de la Santé et des Services sociaux pourra, aux conditions déterminées par le gouvernement, rembourser à la Corporation d'hébergement du Québec les sommes que cette dernière pourra être appelée à verser en application d'une telle garantie.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article c de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 43

Le Président: À l'article c du feuilleton, M. le ministre des Transports présente le projet de loi n° 43, Loi sur les véhicules hors route. M. le ministre des Transports.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, ce projet de loi a pour objet de réglementer l'utilisation et la circulation des véhicules hors route, tant sur les terres du domaine public que du domaine privé.

Ce projet de loi établit les règles relatives aux utilisateurs des véhicules hors route. Il fixe à 14 ans l'âge minimal requis pour conduire un véhicule hors route et exige l'obtention d'un certificat d'aptitudes pour les moins de 16 ans. Il oblige les conducteurs de véhicules hors route à être titulaires d'un permis de conduire délivré en vertu du Code de la sécurité routière pour emprunter un chemin public dans certaines conditions. Il impose aux propriétaires de véhicules hors route et aux clubs d'utilisateurs de tels véhicules l'obligation de détenir une assurance de responsabilité civile. Il prescrit les équipements dont doivent être munis ces véhicules, leur traîneau ou leur remorque, oblige le port de certains équipements pour toute personne qui circule à bord d'un tel véhicule et limite le nombre de passagers pouvant être transportés sur un véhicule hors route.

Ce projet de loi détermine également les règles de circulation applicables aux conducteurs de véhicules hors route. Il établit à 50 km la vitesse maximale de ces véhicules, sauf dans le cas des motoneiges qui pourront atteindre 70 km/heure, sous réserve d'une signalisation conforme aux normes réglementaires indiquant une vitesse moindre. Il interdit l'utilisation des véhicules hors route sur les chemins publics, sauf dans les cas prévus par la loi.

Ce projet de loi autorise la circulation des véhicules hors route sur les terres du domaine public sous réserve des conditions, restrictions et interdictions imposées par certaines lois et de certaines autorisations préalables. Sur les terres du domaine privé, il soumet la circulation de ces véhicules à des autorisations expresses.

(10 h 30)

Par ailleurs, ce projet de loi établit des règles concernant l'établissement et l'exploitation de sentiers par les clubs d'utilisateurs de véhicules hors route et confère à ceux-ci des obligations en matière d'aménagement, de signalisation et d'entretien des sentiers. Il prévoit également des mesures relatives à l'application de la loi, dont le recrutement d'agents de surveillance de sentiers.

Enfin, ce projet de loi confère au gouvernement des pouvoirs réglementaires visant principalement l'établissement de normes de sécurité. Il prévoit des dispositions pénales et contient certaines modifications de concordance.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Rapport annuel de la Régie de l'assurance-maladie du Québec

M. Rochon: M. le Président, je voudrais déposer le rapport annuel 1995-1996 de la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Le Président: Ce document est déposé. M. le ministre des Transports.


Rapport annuel de la Commission des transports du Québec

M. Brassard: M. le Président, il s'agit du dépôt du rapport annuel 1995-1996 de la Commission des transports du Québec.

Le Président: Alors, ce document est déposé. Mme la ministre déléguée aux Mines, aux Terres et aux Forêts.


Rapport annuel de la Société québécoise d'exploration minière

Mme Carrier-Perreault: Oui, M. le Président. Je dépose le rapport annuel 1995-1996 de la Société québécoise d'exploration minière, la SOQUEM.

Le Président: Ce document est déposé. M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.


Rapport annuel du Curateur public

M. Boisclair: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995 du Curateur public du Québec.


Rapport de mission de la région Amérique de l'AIPLF

Le Président: Je dépose, de mon côté, le rapport de mission de la région Amérique de l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française qui s'est tenue en Haïti du 31 mars au 3 avril 1996. Cette mission était sous la responsabilité de M. André Boulerice, député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.


Lettres du président concernant la publicité sur le nouveau régime d'assurance-médicaments

Et je dépose également copie des lettres transmises au premier ministre du Québec et au ministre de la Santé et des Services sociaux concernant la publicité des ministères et des organismes gouvernementaux dans les journaux.


Dépôt de rapports de commissions

Alors, au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission du budget et de l'administration et député d'Arthabaska.


Étude détaillée du projet de loi n° 34

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je dépose le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé les 12 et 13 juin 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 34, Loi sur le transfert des attributions de l'Office des ressources humaines. La commission a adopté le projet avec des amendements.

Le Président: Le rapport est déposé.

Dépôt de pétitions.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Je vous avise que, après la période des questions et des réponses orales, M. le ministre de la Justice répondra à une question posée le 12 juin dernier par M. le député de Chomedey concernant le projet de loi n° 30, Loi modifiant la Loi sur la Société d'habitation du Québec.


Questions et réponses orales

Et nous en arrivons maintenant à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, en principale.


Stratégie gouvernementale de lutte contre la pauvreté

M. Johnson: On a déjà été à même de constater l'insensibilité du premier ministre aux problèmes qui frappent les jeunes au Québec. Insensibilité qui se manifeste autant par l'absence de mesures concrètes que par un plan d'action qui viserait à contrer le chômage, la pauvreté et le décrochage scolaire. Insensibilité qui se manifeste également dans la diminution du pouvoir des jeunes de pouvoir intervenir dans la structure gouvernementale, notamment par les menaces que continue à faire peser le gouvernement sur le Conseil permanent de la jeunesse.

Si on peut voir que, pour le premier ministre, les jeunes ne sont pas une priorité, on est obligé de constater qu'il en est de même pour la pauvreté. À cet égard, le premier ministre s'est prononcé une seule fois depuis son assermentation sur le problème de la pauvreté. Il l'a fait devant la Chambre de commerce de Montréal et il avait dit, je le cite: «Il ne faut pas fermer les yeux face au très grave problème de la pauvreté.» Et il avait promis de l'action.

Le premier ministre nous a habitués à des phrases creuses, à du double langage, à des doubles négations. Le premier ministre, cependant, au point de vue de l'action sur la pauvreté, n'a fait qu'une seule chose, c'est de l'accroître. L'accroître par ses décisions qui touchent, par exemple, les assistés sociaux, le logement social, les garderies, le soutien aux familles et, bien évidemment, son inaction, au moins jusqu'au 1er novembre prochain, sur la création d'emplois.

Est-ce que le premier ministre pourrait nous garantir, si c'est possible, que, s'il n'a pas fermé les yeux sur la pauvreté, il ne lui a pas tourné le dos non plus? Le premier ministre pourrait-il enfin reconnaître l'évidence et nous dire qu'il n'a rien fait? Mais, surtout, qu'est-ce qu'il va faire, enfin, pour lutter contre la pauvreté au Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je pense que le chef de l'opposition touche une corde sensible. En effet, nous avons au Québec un problème de pauvreté qui frappe surtout les femmes et les enfants. Et, donc, c'est une clientèle extrêmement fragile qui se trouve frappée plus durement que les autres. Le gouvernement en est conscient. Le gouvernement pense que son programme de redressement des finances publiques est un programme qui va permettre à l'État d'assumer ses responsabilités envers ces clientèles.

Entre-temps, il n'a pas rien fait. Je signale que ce gouvernement a mis en place un système automatique de perception alimentaire qui va permettre des sommes additionnelles pour les familles de l'ordre de 729 000 000 $ sur 10 ans; que nous sommes également en train de réformer l'aide juridique pour permettre à des gens qui n'y ont pas accès maintenant et qui ont des revenus plus faibles d'y accéder; que l'assurance-médicaments, qui exclut maintenant 1 200 000 personnes d'une couverture de médicaments, va maintenant la leur fournir; que le plan de développement des garderies va permettre 27 000 nouvelles places en garderie et que nous avons maintenant déterminé une orientation claire vis-à-vis des garderies sans but lucratif; que la Loi sur l'équité salariale sera adoptée d'ici la fin de l'année, ce qui est une loi extrêmement importante pour redresser les inéquités dont les femmes sont les victimes; et que nous allons continuer, M. le Président. Nous ne sommes pas insensibles, nous sommes bien conscients du problème et nous allons continuer de travailler très fort pour essayer de redresser la situation.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Devant tous ces chiffres et ces affirmations, est-ce que le premier ministre pourrait nous expliquer pourquoi, depuis son assermentation, le nombre d'individus sur l'aide sociale a augmenté de plus de 5 000, les ménages de plus de 2 000, le nombre d'enfants de plus de 3 000, que l'emploi chez les jeunes est encore menacé et qu'il y a, dans le groupe des 15 à 24 ans, des milliers de jeunes de plus qui sont sur le chômage? Est-ce qu'il est en train de nous dire qu'il a fait toutes ces belles et grandes choses et que, malgré tout, ça va mal, ou est-ce qu'il n'est pas en train de nous dire que, dans le fond, il ne fait rien et que c'est pour ça que ça va mal?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il me semble que quelqu'un qui suit le moindrement l'actualité politique sait que le gouvernement fédéral s'est engagé dans une réforme de l'assurance-chômage dont les effets les plus pervers sont de repousser les gens de l'assurance-chômage à l'aide sociale. C'est pour cela que l'aide sociale, au Québec, constitue un fardeau de plus en plus important pour l'ensemble des citoyens. C'est le gouvernement fédéral qui se déleste des obligations qu'il avait vis-à-vis des chômeurs, qui en fait maintenant des assistés sociaux qui tombent maintenant sous le fardeau et sous le poids des provinces. Voilà la raison principale, M. le Président.

Et, pour ce qui est des jeunes, j'ajouterai que, s'il y a un groupe de citoyens qui ont été préservés avec attention pour essayer de limiter autant que possible la façon dont les coupures pouvaient les affecter, ce sont les jeunes: nous n'avons pas haussé les frais de scolarité, M. le Président; nous avons maintenu tous les programmes qui existent pour favoriser l'accès des jeunes au travail.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Malgré cette acrobatie, est-ce que le premier ministre peut nous expliquer pourquoi, depuis qu'il est là, depuis qu'il a été assermenté, depuis qu'il a garanti aux Québécois qu'il s'occuperait de l'emploi, il y a 10 000 chômeurs de plus au Québec? Ça dépend de qui, ça, sinon du gouvernement?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, les statistiques de vendredi dernier, publiées par Statistique... Les statistiques...

Le Président: Ça va. Je pense que c'est simplement de jeunes visiteurs qui ne sont pas habitués d'utiliser les... Alors, M. le premier ministre.

M. Bouchard: Merci, M. le Président. Statistique Canada a publié vendredi dernier un relevé de l'emploi où l'on voit que, par rapport au mois précédent, nous avons créé 5 000 emplois de plus au Québec, alors qu'il s'en est perdu en Ontario et dans le reste du Canada, et que nous sommes maintenant en bas du 11 %. Ce n'est pas extraordinaire, mais il y a 0,02 % de moins de chômage qu'il n'y en avait avant. Je ne dis pas que ce sont des miracles, tout cela, mais c'est la bonne direction. Je crois que nous sommes en train de faire des efforts, et, bien sûr, nous escomptons que les résultats soient encore plus visibles au cours des prochains mois.

(10 h 40)

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Comme les statistiques que le premier ministre a devant lui démontrent que, depuis qu'il est en poste, il y a 10 000 chômeurs de plus au Québec, est-ce qu'il pourrait expliquer à ces 10 000 personnes là qui n'ont plus d'emploi pourquoi c'est bon pour elles, tout ce qu'il fait?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, M. le Président, est-ce que je peux rappeler au chef de l'opposition et aux membres de cette Assemblée nationale que, depuis que le chef de l'opposition et... À l'époque où le chef de l'opposition était chef de gouvernement, il y a deux ans exactement, M. le Président, et, depuis lors, nous avons au Québec 61 000 chômeurs de moins; nous avons au Québec 98 000 emplois de plus et nous avons un taux de chômage de 1,8 % de moins. Alors, qu'est-ce que le chef de l'opposition veut de plus?

Le Président: En principale, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Précisions concernant le programme Soutien financier

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Comme le disait si bien la semaine dernière l'éditorialiste Lise Bissonnette, et permettez-moi de citer Mme Bissonnette: «Malgré ses grands airs de social-démocrate et ses discours à l'avenant, le gouvernement Bouchard est désormais dangereusement proche de ceux qui font la lutte aux assistés sociaux plutôt qu'à la pauvreté elle-même.» M. le Président, c'est vrai. Jamais un gouvernement n'aura été aussi dur et insensible envers les plus fragiles de notre société, et cette lutte brutale et incessante envers les plus vulnérables continue aujourd'hui.

Cette fois, la ministre de la Solidarité a décidé de s'attaquer aux plus démunis de sa clientèle, soit les personnes inscrites au programme Soutien financier. M. le Président, ce gouvernement, en plus d'abolir l'indexation annuelle de ses prestataires, vient de couper dans leur allocation-logement. La ministre, aujourd'hui, s'apprête à leur enlever l'accès aux mesures d'employabilité et d'intégration à l'emploi en les transférant soit dans un ministère comme le ministère de la Santé ou la Régie des rentes du Québec.

À la ministre de la Solidarité: Est-ce que la ministre est consciente qu'en voulant exclure ces personnes des mesures d'insertion en emploi elle s'attaque directement à leur dignité?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, M. le Président, vous allez me permettre également de rappeler que, pour la première fois depuis six ans, jamais le nombre de chômeurs n'aura été aussi bas au Québec, soit depuis septembre 1990.

Alors, l'opposition maintient un climat de morosité constant, comme si tout allait mal. Pourtant, quand on compare avec il y a à peine deux ans, à l'époque où ils étaient au gouvernement, on voit combien, concrètement, les choses vont quand même mieux. C'est 98 000 emplois de plus – 98 000 emplois de plus – en mai 1996.

Des voix: Bravo!

Mme Harel: M. le Président, le beau discours libéral sur les jeunes oublie le retard à agir en matière de rentes du Québec, pendant neuf ans qu'il faisait reporter le fardeau sur les épaules des jeunes, le financement de la Régie des rentes.

Des voix: Bravo!

Mme Harel: En terminant, M. le Président, je veux rassurer les personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi et qui se trouvent sur le programme Soutien financier, je veux les rassurer... Je pense que mon collègue le ministre de la Santé et moi-même avons conduit pendant les derniers mois un examen approfondi des services que nous devons mettre à leur disposition, tant les services psychosociaux que les services d'insertion professionnelle, et nous avons en ce sens une recommandation conjointe au Comité des priorités.

Une voix: C'est beau.

Le Président: Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, en ne répondant pas à ma question, la ministre est-elle en train de nous dire qu'elle va carrément à l'encontre de la recommandation de Camil Bouchard, qui recommande spécifiquement que ces personnes, catégorie Soutien financier, devraient demeurer sous la responsabilité du ministère de l'Emploi et de la Solidarité afin de ne pas accentuer les préjugés et l'incompréhension à l'égard de ces personnes, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, c'est exactement le sens de la recommandation que mon collègue, le ministre de la Santé et des Services sociaux, et moi-même faisons au gouvernement.

Le Président: En principale...

M. Copeman: En additionnelle.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: En complémentaire, M. le Président. Est-ce que la ministre, dans un premier temps, peut confirmer que, dans plusieurs centres Travail-Québec, il n'y a aucune nouvelle demande de soutien financier acceptée par les fonctionnaires de son ministère et, deuxièmement, est-ce qu'elle peut s'engager aujourd'hui à tenir une consultation publique afin d'entendre les experts et les personnes qui seront touchées par ces mesures de transfert sur les conséquences des transferts, tel que réclamé par de nombreux groupes représentant, notamment, le milieu des personnes handicapées?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: D'abord, M. le Président, il n'y aura pas de transferts. Alors, les questions suivantes qui sont préparées dans ce sens-là...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: ...il vaut mieux les reporter, il n'y en aura pas, de transferts.

Deuxièmement, M. le Président, je ne sais pas, d'aucune façon, mais je vais le vérifier, M. le député... mais je ne sais pas, d'aucune façon, qu'il y ait le moindrement quelque directive dans le sens de ne pas satisfaire les demandes de personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi dans le programme Soutien financier. Mais je veux bien, M. le Président, le vérifier, compte tenu de la question du député.

Le Président: M. le député de Robert-Baldwin, en principale.


Modalités du régime d'assurance-médicaments pour les personnes à faibles revenus

M. Marsan: M. le Président, le Front commun des personnes assistées sociales, venu se faire entendre sur le nouveau programme d'impôt-médicaments, déclarait: «Nous ne voulons pas que la pauvreté de la population soit redistribuée entre les pauvres; c'est ce que vous nous avez proposé dans votre projet de loi – et, ça, c'est en parlant du ministre.» Ils ajoutent: «Les personnes vivant au-dessus du seuil de la pauvreté devraient contribuer de façon progressive.» Pour répondre à cette demande, le ministre de la Santé a tout simplement manipulé les barèmes d'exemption, pas de façon progressive, mais de façon régressive.

M. le Président, j'aimerais demander le consentement de la Chambre pour déposer les barèmes changés du ministre de même que les seuils des personnes à faibles revenus.

Des voix: Consentement.


Documents déposés

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le député.

M. Marsan: Merci, M. le Président. Résultat de ces changements: une personne ayant des revenus de 704 $ au-dessous du seuil de la pauvreté devra payer en entier la prime de 175 $, la franchise de 100 $ et la coassurance, jusqu'à 750 $.

Ma question, M. le Président: Comment le ministre de la Santé peut-il encore nous parler d'équité sociale, lui qui n'a aucune compassion et qui s'attaque délibérément aux personnes les plus démunies de notre société?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Les jugements de valeur ne sont pas tout à fait vraiment supportés par les faits, M. le Président. Ce qui est proposé et les améliorations qui ont été apportées au projet de loi, justement en tenant compte des propositions, des commentaires, des suggestions qui ont été faits lors des auditions en commission parlementaire, ont, entre autres, voulu assurer que les gens qui ont les revenus les plus bas, les premiers auxquels la question faisait référence, des gens qui sont des prestataires de la sécurité du revenu par exemple, auront un plafond maximum de 200 $ par année.

Mais ce qu'il est important de retenir, un des changements qui ont été apportés, c'est que ce plafond sera applicable sur une base de trois mois. Donc, il n'y a personne dans ce groupe de citoyens et de citoyennes, qui sont des prestataires de l'aide sociale, même si on leur demande une contribution, comparativement à ce qui se faisait avant, qui aura à payer plus de 50 $ pour chaque période de trois mois durant l'année. Et ce que ça va permettre de faire, c'est d'offrir une couverture pour le médicament à des gens qui ont des très petits salaires et qui n'avaient aucune couverture avant, qui payaient au total tous les médicaments qu'ils devaient prendre. Alors, ces gens-là vont maintenant avoir une protection, et aussi avec un plafond qui sera appliqué sur une base de trois mois, de sorte que le partage de protection va être beaucoup plus continu.

(10 h 50)

Et on va aussi avoir réglé un autre problème, qui était une situation où quelqu'un qui était prestataire d'aide sociale, s'il trouvait un emploi à un salaire qui n'était pas très élevé, il y avait un désincitatif très important, parce que, s'il devait prendre des médicaments, de prendre un emploi, ça le mettait dans une situation où il n'était pas capable de le garder. Sans compter ceux qui avaient un emploi et qui étaient obligés finalement de le perdre pour être couverts, pour leurs médicaments, par la protection de la sécurité du revenu. Alors, au lieu d'être passé par des classes de citoyens comme la situation actuelle, on instaure un régime où chacun fait une contribution, mais qui est ajustée à ses revenus, M. le Président.

Le Président: M. le député.

Une voix: Ça n'applaudit pas fort!

M. Marsan: M. le Président, vous avez eu la confirmation du manque de compassion.

M. le Président, le ministre de la Santé n'a-t-il pas entendu le front commun des assistés sociaux nous dire que les plus démunis devront dorénavant choisir entre manger et acheter des médicaments? Pourquoi le ministre reste-t-il sourd à ces demandes aussi fondamentales?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, c'est clair qu'on essaie juste de lancer des jugements de valeur, de les répéter constamment pour tenter d'impressionner le monde avec ça. Il faut réaliser qu'on est dans une situation – il faut le rappeler, là – où, essentiellement, la grande modification qui va être faite avec le régime d'assurance-médicaments, c'est la population de 1 100 000 personnes qui n'ont aucune couverture. Une grande partie de cette population-là, M. le Président, c'est des gens à très petits revenus, ce qui fait que, sur 800 000 adultes dans ce 1 100 000, il y en a 500 000, M. le Président, sur 800 000 qui ne vont payer aucune prime, aucune prime pour être couverts par le régime d'assurance-médicaments. Dans ce groupe-là, M. le Président, il y a 300 000 enfants qui n'ont aucune protection présentement et qui vont avoir une protection. C'est donc, pour le groupe de 1 100 000 personnes, 800 000 personnes qui vont avoir une protection complète sans payer aucune prime. De la compassion et de l'équité, c'est un peu ça, M. le Président!

Des voix: Bravo!

Le Président: En complémentaire? M. le député de Laporte, en complémentaire.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que le ministre de la Santé est prêt à reconnaître que la grande modification à son programme, comme il vient de le dire, là, est plutôt qu'il va chercher 300 000 000 $ de plus dans la poche des contribuables?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Le médicament, on l'a dit, ça nous coûte, au Québec, si on prend ce qu'on paie en dehors des établissements et dans les établissements, à peu près 2 500 000 000 $ et un peu plus par année. Et le gouvernement va continuer à payer au-dessus d'à peu près 1 200 000 000 $, 1 500 000 000 $ de médicaments, de ce que ça coûte à la population. Et il y a une contribution additionnelle qui est demandée de l'ordre plutôt de 200 000 $ à 250 000 $. Il y a une inflation, là. Une chance que ça s'est replacé un peu. Hier, on était rendus quasiment à 400 000 000 $.

Il y a une contribution additionnelle qui est demandée, mais elle est demandée aux gens qui peuvent la faire et en fonction des revenus. Et, en échange de ça, tous ceux qui n'avaient aucune couverture vont l'avoir. C'est le débat qu'on a eu quand on s'est donné un programme d'assurance-hospitalisation. C'est le débat qu'on a eu quand on s'est donné un programme d'assurance-santé. Il restait maintenant à le compléter en y intégrant le médicament.

Alors, les débats de fond, M. le Président, là-dessus, on les a réglés depuis longtemps dans notre société. Là, il restait à compléter notre couverture et elle va l'être avec ce programme, M. le Président.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, en principale.

M. Dumont: Merci, M. le Président. Dans...

Le Président: Il y a peut-être des membres de l'Assemblée qui ont oublié que nous sommes en période de session intensive, qu'il y a cinq séances par semaine et que les députés indépendants ont droit à une question aux trois séances. Et que nous sommes rendus à la quatrième principale et que j'ai reconnu le député de Rivière-du-Loup, cette semaine, plus tôt, il y a au-delà de trois séances, et c'était à ce moment-là à la cinquième principale. M. le député de Rivière-du-Loup.


Coût de l'administration du régime d'assurance-médicaments par la RAMQ

M. Dumont: Merci, M. le Président. Alors, dans sa tentative de venir chercher 250 000 000 $ dans les poches des contribuables sous la couverture d'un agenda des glorieuses années soixante-dix, le gouvernement nous propose donc un régime universel d'assurance-médicaments que personne n'avait demandé – en tout cas pas publiquement, s'il y a eu des lobbys dont on n'est pas au courant... Un système qui existe dans d'autres provinces et dont le principal résultat a été une explosion des coûts. Ça coûte de plus en plus cher aux citoyens là-bas, et les gens paient, paient et paient.

Or, fait extraordinaire, M. le Président, pour nous rassurer sur les coûts d'administration de ce système-là, le ministre nous annonce que la Régie de l'assurance-maladie va le gérer d'une façon plus efficace que le secteur privé. Alors, qu'on me permette de me classer ou de m'inscrire parmi les nombreux sceptiques. D'autant plus, on apprend que les contrats informatiques semblent avoir été déjà donnés et à des coûts qui seraient, semble-t-il, assez élevés aussi.

Alors, ma question: Face à cette crainte que l'improvisation législative qu'on rencontre en fin de session soit suivie d'une improvisation administrative, comme on l'a vu dans d'autres dossiers avant, comme le Registre de l'état civil, alors que la RAMQ nous coûte déjà 60 000 000 $ en frais d'administration, à combien vont s'élever les frais d'administration de la Régie de l'assurance-maladie du Québec en incluant les frais d'administration de l'assurance-médicaments?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, M. le Président, je dois d'abord constater que le député a la chance d'être dans un comté, sûrement, où la population a des assez bons revenus, parce que, dans beaucoup de bureaux de comté, et au ministère en tout cas, en termes de gens qui demandent de l'aide, le nombre de lettres qu'on reçoit, il est régulier et il va en augmentant. Il faut penser surtout à des gens qui ont des maladies chroniques avec lesquelles ils vont devoir vivre toute leur vie et qui doivent faire face à des médicaments qui sont de plus en plus efficaces pour leurs maladies, mais qui coûtent de plus en plus cher. Il faut avoir vu puis entendu parler de gens qui ont le sida, qui ont une fibrose kystique et pour qui les médicaments coûtent 10 000 $, 15 000 $, 20 000 $ par année. Ils n'ont aucun moyen de s'en sortir, ces gens-là, et c'est des gens qui sont trappés. Alors, dire que personne ne le demande... Il n'y a peut-être pas eu de démonstration dans la rue, mais, constamment, à tous les jours, c'est un nombre de gens de plus en plus grand qui demandent du médicament, et on a de moins en moins de moyens, dans la situation actuelle, de les aider.

En ce qui regarde l'efficacité du système, c'est vrai que dans d'autres provinces on a essayé des formules et qu'il y a eu des difficultés de contrôler les coûts. Mais il faut voir qu'on est organisé au Québec et que, compte tenu de leur expérience, on est dans une situation complètement différente et on a des mécanismes de contrôle des coûts que les autres provinces n'ont pas pour la plupart. Et elles n'ont pas l'ensemble du jeu qu'on a. On aura une politique du médicament avec tout ce qu'il faut de formation et d'information. On a le Conseil consultatif de pharmacologie qui va aider le ministre à contrôler la liste et les prix sur la liste. On a la révision des médicaments en établissement et à l'extérieur. Et la Régie de l'assurance-maladie du Québec gère déjà à peu près 83 000 000 de demandes par année. Elle va en rajouter 23 000 000 sur les 83 000 000. C'est un coût marginal à sa production, et ce que ça va coûter pour gérer ce programme-là en pourcentage de frais administratifs à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, c'est 7,4 %, M. le Président. Alors c'est possible parce que ça se rajoute sur un système qui existe.

Le Président: M. le ministre. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Est-ce que le ministre – en lui rappelant qu'il existait déjà une liste de «malades sur pied» pour plusieurs des cas qu'il a mentionnés – peut répondre à la question: Combien de millions en nouvelle bureaucratie va créer le régime d'assurance-médicaments? Combien de fonctionnaires vont être affectés à ça et d'où ils vont venir?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, il faudrait peut-être que le député de Rivière-du-Loup suive un peu la nouvelle, là. Ça remonte déjà à 1993 que la circulaire «malades sur pied» a sauté. Il y a un gouvernement qui a été obligé de la suspendre, puisqu'il n'était plus capable de la gérer. On voit ce que ça a fait. Ça a créé une crise qui nous a menés à développer le programme qu'on a aujourd'hui. Alors, qu'on ne nous ramène pas ça comme solution.

(11 heures)

Maintenant, je l'ai dit, le coût du programme qui va être assuré par une prime de 175 $ est calculé dans l'ensemble des coûts, à 7,4 %, comparativement à ce qu'on nous avait dit que ça pourrait coûter dans le secteur privé.

Maintenant, si le député veut savoir le détail, le nom et la fonction de chacun des fonctionnaires que ça va représenter, 7,4 %, il faudrait peut-être qu'on passe d'abord le projet de loi, on va le mettre en implantation et je lui donnerai les informations.

Le Président: M. le député.

M. Dumont: M. le Président, est-ce que le ministre n'a pas une responsabilité au moment, au contraire, d'adopter un projet de loi, de nous dire déjà combien de fonctionnaires, combien de ressources vont être affectés à la mise en place de ce projet de loi là? Si, à ce stade-ci, il ne le sait pas, est-ce qu'il ne devrait pas reporter le projet de loi? À moins qu'il ait un «deal» avec les syndicats pour embaucher du monde dans cette job-là.

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je ne sais pas s'il faudra se rendre jusqu'à discuter de la gestion des programmes à l'Assemblée nationale; je pense qu'on a des institutions pour ça et des fonctionnaires pour le faire. Je vous dis que... C'est très clair, et on le dit depuis le début, là-dessus, ça a été constant, ceux qui ont sorti d'autres chiffres, ce n'est pas nous, c'est ceux qui pensaient qu'on ne pourrait pas le faire. Nos chiffres sont constants. Une prime, on avait dit entre 175 $, 200 $, 175 $, et c'est ça qui finance le programme. Ça va coûter 175 $ de prime par personne. Et l'ensemble du programme va être géré selon les évaluations qui ont été faites pour chaque groupe. Le coût d'administration, les assureurs privés l'avaient évalué entre 30 % et 40 %. Avec la Régie de l'assurance-maladie, qui a déjà tout le système en place, ça va coûter 7,4 % du coût total du système qu'on met en place. C'est ça qu'il est important de savoir et c'est ça qui va contrôler le système. Les détails, le nombre de fonctionnaires, où ils vont être assis, leur numéro de téléphone, je pense que, ça, ça pourra venir après, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Suite aux exemples choisis par le ministre concernant les malades atteints de sida, de fibrose kystique et de sclérose en plaques, le ministre peut-il confirmer aujourd'hui si, oui ou non, il va couvrir ces malades avec son programme d'assurance-médicaments?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: La réponse, c'est qu'avec le programme d'assurance-médicaments tous les citoyens et les citoyennes du Québec vont avoir une couverture, soit dans des régimes collectifs, soit des primes individuelles. Le régime va avoir une caractéristique générale d'un plafond maximal de ce qu'on peut dépenser par année, 750 $. Pour quelqu'un qui utilise des médicaments qui peuvent coûter 20 000 $, payer un plafond de 750 $, ce n'est pas trop mal. La coassurance que la personne devra payer va être au maximum de 25 %. Et la troisième caractéristique du régime général, c'est qu'il y aura une liste commune, que le ministre va approuver. On en connaît déjà l'essentiel, c'est la liste qui évolue depuis 25 ans, que le comité consultatif de pharmacologie propose au ministre et qui va aller en évoluant et en offrant une couverture complète. Ces malades, comme les autres qui ont besoin de médicaments, auront sur la liste des médicaments efficaces pour leur maladie, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: En complémentaire, est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux peut nous confirmer que, dans le cas des personnes atteintes du sida, il est plus intéressant pour elles d'abandonner leur emploi et d'aller sur le bien-être social pour avoir les médicaments gratuits au lieu de continuer à travailler, de payer une légère prime d'assurance et d'avoir les médicaments gratuits?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Oui, je pense, M. le Président, que c'est là l'exemple d'un groupe de personnes dans notre société qui sont dans cette situation. À moins d'avoir un emploi très fortement rémunéré, ou bien de ne pas être capables de prendre les médicaments qui sont nécessaires pour eux, ou de reposer sur un programme qu'on a présentement et qui finance en partie seulement, et qu'on n'est pas capable de contrôler parce qu'il est de type programme pour une maladie particulière, comme la circulaire «malades sur pied», la seule façon pour eux de s'en sortir, c'est d'avoir une couverture complète par un programme. Et c'est ce qui arrive. Il y a beaucoup de ces gens actuellement qui ou bien sont des prestataires d'aide sociale – ils ne peuvent pas s'en sortir à cause du prix du médicament – ou ils ont un emploi avec un salaire moyen ou un petit salaire et finissent par le perdre parce que c'est la seule façon de pouvoir s'en sortir. C'est ce type d'iniquité qu'il faut régler dans notre société, et ce programme va y contribuer largement, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Jacques-Cartier, en principale.


Aide financière aux parents bénéficiaires de la sécurité du revenu pour les services de garde

M. Kelley: Merci, M. le Président. Les parents qui sont bénéficiaires de la sécurité du revenu peuvent, même s'ils ne travaillent pas, envoyer leurs enfants dans un service de garde éducatif huit jours par mois en recevant une aide financière. Actuellement, ces parents doivent débourser 35,20 $ par mois pour ces huit jours. Suite aux modifications apportées par la ministre responsable des services de garde, ces parents devront débourser 25,20 $ de plus par mois, soit 60,40 $ par mois.

La ministre responsable des services de garde est-elle consciente qu'avec cette nouvelle compression, ajoutée aux dernières coupures de l'aide sociale, les enfants de ces parents ne pourront plus bénéficier, comme les autres enfants, d'un cadre de vie éducatif stimulant et de qualité?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Ce que le député oublie de dire, c'est qu'ils avaient eux-mêmes, lorsqu'ils étaient au gouvernement, interdit l'accès aux personnes à l'aide sociale. Ils l'ont réintroduit à raison de deux jours/semaine si ces personnes à l'aide sociale ne sont pas en mesure d'employabilité.

J'ai prépublié, M. le Président, je le rappelle, un règlement. Je publierai, la semaine prochaine... C'est-à-dire, j'ai prépublié un projet de règlement. Je publierai, la semaine prochaine, un règlement définitif qui devrait nous permettre de corriger les effets que mentionne le député sur les plus bas revenus pour leur permettre, soient-elles, ces personnes, à l'aide sociale ou en situation de bas revenus, d'avoir accès aux services de garde d'une façon régulière et à un coût moindre que celui que décrit le député, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, en principale.


Coût des loyers dans les HLM

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. La semaine dernière, ici même, dans cette Chambre, la ministre de la Solidarité admettait que les coupures brutales à l'aide sociale vont faire mal aux gens. Après avoir réduit l'allocation-logement, ce qui aura pour conséquence d'accentuer la pauvreté chez plus de 100 000 familles québécoises, dont 20 000 familles des femmes chefs de famille monoparentale, on apprend maintenant que le Conseil des ministres s'apprêterait à annoncer une forte hausse de loyer pour les locataires d'habitations à logement social, les HLM, M. le Président.

Comment la ministre de la Solidarité et députée de Hochelaga-Maisonneuve peut-elle appuyer et s'associer à une telle décision qui affectera, encore une fois, les plus vulnérables du Québec, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, M. le Président, dans sa question, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne parle d'une décision. À ce que je sache, jamais cette question n'a été portée à l'attention d'aucun comité ministériel ni au Conseil des ministres. Alors, je ne sais si mon collègue, le ministre responsable de la Société d'habitation du Québec, a un complément de réponse, mais c'est, en fait, j'imagine, pour la première fois que lui et moi en entendons parler.

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: M. le Président, effectivement, j'ai eu l'occasion, en février, de confirmer que, pour l'année 1996, nous allions maintenir à une hauteur de 25 % la contribution des ménages, des personnes qui sont dans des habitations à loyer modique; et, dans ce sens-là, il n'y a aucune nouvelle information qui circule. Les dernières qui ont circulé, c'est la tentative du ministre Ryan qui voulait l'augmenter à 30 % il y a trois ans.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Hull.

M. LeSage: En additionnelle, M. le Président. Comment le ministre des Affaires municipales explique-t-il l'avis contraire du président de la Société d'habitation du Québec, M. Jean-Paul Beaulieu, qui, lui, n'a pas nié l'information à l'effet qu'il pourrait y avoir augmentation de loyer dans les HLM?

Le Président: M. le ministre.

(11 h 10)

M. Trudel: M. le Président, la position du gouvernement est extrêmement claire et extrêmement simple. Nous avons annoncé quelle était la politique du gouvernement de façon officielle en début de février dernier. La part des personnes et des ménages qui habitent des habitations à loyer modique au Québec, c'est 25 %, il n'y a pas de changement de cap d'annoncé par le gouvernement.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. LeSage: Compte tenu que c'est maintenu à 25 %, et même si ça va être maintenu à 25 %, est-ce que le gouvernement va augmenter, oui ou non, le coût des loyers dans les HLM?

Le Président: M. le ministre.

M. Trudel: M. le Président, il me semble que la réponse est assez claire. Les personnes qui sont dans des habitations à loyer modique vont contribuer à une hauteur de 25 % de leurs revenus au coût de leur loyer dans ces habitations à loyer modique. Par ailleurs, nous avons, depuis un bon nombre de mois, annoncé que nous allions publier une nouvelle politique pour fins de consultation en matière de logement social au Québec, en matière d'habitation, et nous sommes à réviser l'ensemble de notre politique. Et, comme d'habitude, nous allons soumettre ça publiquement pour consultation, écouter les personnes et faire en sorte d'atteindre les objectifs du gouvernement et, surtout, contrer le retrait du gouvernement fédéral qui s'est retiré complètement du secteur du logement social et de l'habitation depuis 1993, nous laissant tout seuls avec cette responsabilité, sans les revenus et les points d'impôt.

Des voix: Bravo!

Le Président: En complémentaire, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Oui, M. le Président. Après les coupures à l'aide sociale, après les coupures dans les garderies, après ce qui s'en vient dans les HLM, est-ce que le premier ministre, qui déclarait dans cette Chambre, la main sur le coeur, le 28 mars 1996: «Les citoyens ne sont pas touchés, M. le Président, c'est les machines, l'administration, les appareils, c'est sûr, mais les citoyens ne sont pas touchés», est-ce que le premier ministre maintient toujours, M. le Président, cette déclaration à saveur de compassion artificielle mais au goût amer, M. le Président?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, avant de répondre à la question, si vous me permettez, j'aimerais m'acquitter d'un devoir de courtoisie en saluant la présence dans les tribunes du grand chef attikamek Ernest Ottawa et des trois chefs attikameks Henri Ottawa, Simon Awashish et François Néashit.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: M. le Président, j'ai entendu la députée faire encore référence à cette rumeur qui circule, paraît-il, à Hollywood, Floride, à l'effet que le gouvernement s'apprêterait à monter ses pourcentages de loyer. Je répète, M. le Président, ce que deux ministres viennent de dire: Nous n'en avons pas discuté et ce n'est pas un projet gouvernemental, la politique est celle qui a été annoncée par le ministre des Affaires municipales. Pour le reste, M. le Président, je pense que tout le monde conviendra qu'un gouvernement qui vient d'opérer des compressions de 2 500 000 000 $ l'a fait de façon remarquablement attentive à toucher le moins possible les citoyens, à s'imposer lui-même, dans son mode de gestion, des coupures radicales, de façon telle que nous puissions procéder avec équité.

Le Président: En principale, M. le député de Chomedey.


Projet de loi proposant la réforme du régime d'aide juridique

M. Mulcair: Oui, M. le Président. La semaine dernière, en cette Chambre, on a tous entendu le ministre de la Justice s'accorder lui-même une note d'excellence sur son projet d'aide juridique. Or, hier, M. le Président, 42 groupes communautaires et un des plus anciens centres d'aide juridique du Québec, le Centre juridique communautaire de Pointe-Saint-Charles et Petite-Bourgogne, ont eu ceci à dire au ministre de la Justice du Québec: «Nous disons non à votre proposition que nous qualifions de marchandage par lequel, pour un simulacre d'augmentation des seuils d'admissibilité financière, vous coupez des pans complets de services que l'on doit qualifier d'essentiels, compte tenu de ce qu'est la pratique du droit à l'aide juridique. Allons-nous laisser s'installer deux régimes de droit, un pour les personnes ayant les moyens d'être conseillées et représentées par des avocats et les autres, qui seront laissées à elles-mêmes?»

Face à cette note d'échec que lui donnent ceux et celles qui connaissent la réalité de l'aide juridique, est-ce que le ministre va enfin retirer son projet de loi qui frappe les plus démunis ou est-ce qu'il va maintenir son attitude servile à l'égard du Conseil du trésor et imposer le bâillon sur ce projet bâclé?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, je pense que le député de Chomedey n'a pas compris que ce n'est pas moi qui disais que le projet de loi que j'avais présenté était correct, c'était le Barreau. Je le remontre encore, il ne l'a pas compris, qui disait: «Aide juridique: le Barreau salue la réforme proposée.» Alors, M. le Président, je pense que c'est clair.

Par ailleurs, comme je l'ai mentionné, 650 000 personnes qui, actuellement, n'ont pas droit d'accès à l'aide juridique auront dorénavant accès à l'aide juridique. Je pense, M. le Président, qu'il s'agit d'une nette amélioration sur une situation qui n'avait pas été changée, et c'est sans doute le fruit du hasard, depuis 1985, où le parti actuellement au pouvoir était au pouvoir et avait changé les barèmes. Entre-temps, il n'y a eu aucun changement, M. le Président.

Le Président: M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, comment est-ce que le ministre peut continuer à faire de telles affirmations, alors que celles et ceux qui connaissent la réalité de la pauvreté au Québec et de l'aide juridique lui disent qu'il est faux de prétendre, comme il le fait, qu'il s'agit d'une amélioration et qu'il est encore plus inadmissible de constater que vous enlevez aux plus pauvres une partie des services juridiques offerts jusque là et qui leur permettaient de faire valoir leurs droits? Comment est-ce que le ministre peut continuer à faire les prétentions qu'il fait encore dans cette Chambre aujourd'hui? Ce n'est pas pour faire plaisir au Barreau qu'il est là, c'est pour aider le public.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, il y a des fois des choix qui sont à faire et nous avons décidé de faire des choix qui favorisaient les familles. Nous avons fait en sorte que les familles reçoivent une couverture de l'aide juridique qu'elles n'avaient pas jusqu'à présent, ce qui implique qu'il a fallu faire des choix, et certaines couvertures qui étaient là ne le sont plus. Et je pense, M. le Président, qu'entre couvrir quelqu'un qui a commis une infraction au Code de la sécurité routière parce qu'il a roulé à 120 km sur une autoroute et aider quelqu'un qui est monoparental avec deux enfants, je pense que le choix d'encourager ces personnes-là est préférable.

Des voix: Bravo!

Le Président: En complémentaire, M. le député... En principale? M. le député de Saint-Jean, vous aviez une complémentaire ou une principale? M. le député de Saint-Jean, en complémentaire.

M. Paquin: Bien, je voulais savoir du ministre s'il est exact que la dernière réforme date du gouvernement Johnson, c'est-à-dire celui de Pierre Marc, et s'il était nécessaire, à ce moment-ci, de faire des ajustements pour faire en sorte que le Québec demeure le chef de file au Canada sur toutes les questions de l'aide juridique?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, effectivement, c'est depuis 1985 qu'il n'y avait eu aucun changement d'aucune manière à la couverture, à l'accès à l'aide juridique. Et les chiffres que l'on retrouve et qui vont être changés, ce sont ceux qu'on avait adoptés en 1985. Pendant 10 années de temps, ils ont laissé passer les choses, ils n'ont rien fait.

Deuxièmement, oui, la couverture va être plus large, à plus de monde, de personnes qu'avant, et ça, c'est ce que le projet de loi apporte, M. le Président.

Le Président: Alors, cette réponse met fin à la période des questions. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, comme la coutume le veut, la table indique aux divers groupes parlementaires le temps de la période de questions. On nous a indiqué que ça se terminait à 11 h 19. Lorsque vous vous êtes levé pour reconnaître le député de D'Arcy-McGee, il était 11 h 17, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je peux vous dire que votre décision correspond au chronométrage qu'on a fait de la période des questions.

Une voix: On a entendu la sonnerie!

(11 h 20)

Le Président: Écoutez, quand je me suis levé, au chronomètre que la table m'a transmis, au début de la période de questions, il y avait presque une minute d'écoulée après le temps de 45 minutes. Donc, c'était 45 min 50 s. Et...

Une voix: ...

Le Président: Pardon? Je peux très bien concevoir, parce qu'on m'avait donné 11 h 19, que l'horloge n'indiquait pas 11 h 19; ça, je le sais très bien. Mais, à un moment donné, la présidence préfère se fier au chronomètre plutôt qu'aux horloges, si ça ne vous dérange pas. Ça permet une gestion plus serrée et plus sûre de la période des questions et des réponses orales.


Réponses différées


Procès opposant la Société d'habitation du Québec au conseil d'administration d'un HLM

Alors, nous en arrivons maintenant à la période des réponses différées. Aujourd'hui, M. le ministre de la Justice répondra à une question posée le 12 juin dernier par M. le député de Chomedey concernant le projet de loi n° 30, Loi modifiant la Loi sur la Société d'habitation du Québec. M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 30, qui modifie la Loi modifiant la Loi sur la Société d'habitation du Québec, vise à instaurer un mécanisme général de mise sous administration provisoire applicable à l'ensemble des organismes d'habitation, c'est-à-dire aux organismes qui exploitent ou gèrent des immeubles leur appartenant ou appartenant à la Société d'habitation du Québec, dans la mesure, toutefois, où ces organismes reçoivent à cette fin l'aide financière prise sur les fonds publics.

Les conditions donnant ouverture à la mise sous administration provisoire sont de la nature de celles que l'on retrouve généralement dans les lois prévoyant de tels mécanismes de surveillance et de contrôle: faute grave des administrateurs, malversations ou abus de confiance, manquements aux devoirs imposés par la loi, etc.

Lorsqu'elles sont réalisées, ces conditions donnent ouverture au remplacement temporaire de ces administrateurs par des administrateurs nommés par l'autorité de surveillance et chargés de lui faire rapport sur la situation de l'organisme. Ceci ne peut cependant avoir lieu qu'une fois fournie aux administrateurs concernés l'occasion de présenter leurs observations au ministre.

L'assujettissement de personnes morales à la procédure de mise sous administration provisoire en raison du fait qu'elles utilisent des fonds du public ou des fonds publics n'est d'ailleurs pas étrangère à nos lois. Ainsi, la Loi sur les valeurs mobilières prévoit cette possibilité à l'égard de sociétés ou de personnes administrant les biens d'autrui. La Loi sur les assurances, celle sur les caisses d'épargne et de crédit de même que celle sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne contiennent des dispositions de même nature.

De plus, en 1991, à l'initiative du ministre de la Santé de l'époque, cette Assemblée adoptait la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant la Corporation d'urgences-santé de la région de Montréal métropolitain, qui exposait nommément cette corporation particulière à la procédure de mise sous administration provisoire sur la base du fait qu'elle utilisait des fonds publics.

En juin 1994, cette même...

Le Président: M. le ministre, je m'excuse, mais je vois que vous avez un texte préparé pour la réponse. Je voudrais savoir, à ce moment-ci, s'il vous reste un paragraphe ou deux pages, parce que la différence serait que vous auriez largement pris le temps qui vous est accordé pour une réponse. M. le leader...

M. Paradis: En vertu de l'article 214, est-ce que le ministre pourrait également déposer le document qu'il est en train de lire?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, peut-être pour faciliter la tâche du député de Chomedey qui va poser une question complémentaire par la suite, si on dépose le document, il n'aura pas le temps de le lire.

Le Président: Écoutez, de toute façon, je pense qu'à partir du moment où un député dans cette Chambre lit un document, un autre député peut lui demander de déposer le document. Mais, moi, ce que je voulais savoir surtout à ce moment-ci, c'est si le ministre de la Justice achève son intervention, sinon, il sera peut-être, à ce moment-là, contraint de donner des éléments additionnels d'information à la suite de la question complémentaire qui lui sera posée. M. le ministre.

M. Bégin: Deux paragraphes, M. le Président.

Le ministre de la Justice connaît l'existence d'un litige né entre la Société d'habitation du Québec et un organisme d'habitation dans lequel la Société recherchait la suspension des administrateurs de l'organisme. Il connaît aussi l'existence de recours en dommages et intérêts entre les mêmes parties, sans présumer ni de l'issue de ces instances ni de la situation des administrateurs de l'organisme mentionné. Par rapport aux objectifs poursuivis par le projet de loi, je considère la mesure de mise sous administration provisoire proposée dans le projet de loi n° 30 comme étant évidemment opportune. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Chomedey, pour une question complémentaire.

M. Mulcair: Oui, merci, M. le Président. Parlant, justement, de malversation, peut-être que le ministre de la Justice peut nous aider à l'égard du recours en dommages-intérêts dont il vient de parler. Parce que, effectivement, il y a un tel recours de la part de la SHQ comme institution, ce qui est correct, mais, par ailleurs, M. Jean-Paul Beaulieu, président de la Société d'habitation du Québec, est en train d'utiliser des avocats du gouvernement pour poursuivre, pour mettre 950 000 $ dans ses propres poches.

Alors, la question pour le ministre est la suivante, M. le Président: Est-ce qu'il peut nous dire en vertu de quel article de la Loi sur la fonction publique ou en vertu de quel article du décret de nomination de M. Jean-Paul Beaulieu, ou encore en vertu de quel article de la Loi sur l'administration financière Jean-Paul Beaulieu est en train de prendre l'argent des contribuables pour ses fins personnelles? C'est ça qu'on veut savoir du ministre de la Justice.

Le Président: M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président, la personne que vient de mentionner le député de Chomedey a été informée qu'elle n'avait pas droit au recours des services d'un avocat du gouvernement.

Des voix: Ah!

M. Bégin: Je n'ai pas la date, mais je pourrai la fournir une autre fois.

Le Président: Alors, il n'y a pas de votes reportés aujourd'hui.

Motions sans préavis. Il n'y a pas de motions sans préavis.


Avis touchant les travaux des commissions

Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission des affaires sociales poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission du budget et de l'administration poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 36, Loi modifiant la Loi sur l'administration financière et d'autres dispositions législatives, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Président: Très bien.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui. Hier, M. le Président, je me suis levé dans la Chambre pour demander quand la ministre de l'Éducation entend donner suite à l'engagement d'entendre les groupes.

Devant la commission, hier, à 15 heures, la ministre a indiqué que son cabinet a avisé les groupes que nous avons suggérés pour être entendus et, malheureusement, juste un groupe était capable de se déplacer.

Cependant, ce matin, j'ai appris qu'un des groupes, l'Association des employés de soutien de la Commission des écoles catholiques de Montréal, était à Québec hier, n'a reçu aucun appel du cabinet de la ministre. Son mémoire était prêt, il était prêt à témoigner. Alors, j'aimerais savoir quand la ministre va corriger le tir et réaménager les travaux de la commission des affaires sociales afin d'entendre ce groupe et d'autres groupes qui avaient des mémoires, qui avaient des choses à dire sur le projet de loi n° 11.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, comme je l'avais répondu au député de Jacques-Cartier, présentement, le projet de loi est en commission parlementaire. Alors, c'est en commission parlementaire que ce questionnement peut être posé à la ministre de l'Éducation.

Le Président: M. le député de Jacques-Cartier, encore.

M. Kelley: Oui. Étant donné que la ministre a induit les membres de la commission des affaires sociales en erreur hier, parce qu'elle a affirmé qu'elle a contacté les groupes, et ce n'est pas vrai, je pense qu'elle a tout intérêt à ramener cette question devant la commission des affaires sociales, parce que l'information qu'elle a donnée aux membres de la commission hier était inexacte.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, de la même façon que je me dois de prendre la parole du député de Jacques-Cartier, le député de Jacques-Cartier se doit de prendre la parole de la ministre de l'Éducation et ne peut mettre sa parole en doute.

Alors, je lui rappelle que le projet de loi est en commission parlementaire et c'est à lui de faire les représentations devant la commission parlementaire compétente.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, toujours sur les renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

M. Copeman: Oui. Justement là-dessus, M. le Président, question de directive. Comme membre de la commission des affaires sociales, comment est-ce que je peux procéder à corriger les faits devant cette commission, retourner notre travail en arrière, parce que la ministre, les informations qu'elle a données aux membres de la commission, les informations que le leader donne à cette Chambre, ne sont pas exactes, M. le Président? Je demande comment on recule, comment je peux, comme membre de la commission, m'assurer que les choses soient mises au fait et qu'on puisse vraiment procéder comme il faut?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je ne pensais pas avoir à donner ce petit rappel au règlement au député de Notre-Dame-de-Grâce, mais il a un droit de parole en commission parlementaire. Donc, il peut, à ce moment-là, lors de son droit de parole, affirmer ou corriger des choses qui ont été dites, qui d'après lui sont fausses.

(11 h 30)

Le Président: M. le député de Robert-Baldwin, toujours aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

M. Marsan: Oui. Le ministre s'est engagé ici, en cette Chambre, la semaine passée... Je lui avais posé la question: Quand est-ce qu'on va avoir les règlements et les amendements au projet de loi n° 33? Il s'est engagé à les déposer ici même. Hier, en commission parlementaire, il nous a informés qu'il n'avait pas l'intention de le faire, parce qu'on n'avait pas été gentils avec lui lorsqu'il avait déposé les amendements à la loi n° 116.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marsan: Ma question, c'est: Est-ce que le ministre de la Santé va déposer les règlements, les amendements, comme il l'avait dit en cette Chambre, ici en cette Assemblée?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, c'est vrai qu'il n'a pas été gentil quand on lui a donné ses amendements avant le temps concernant le projet de loi n° 116.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger: Mais la loi nous permet, M. le Président, les règlements de notre Assemblée nationale nous permettent de déposer les règlements et aussi les amendements à la loi lors de l'étude détaillée de ce projet de loi en commission parlementaire. Alors, si... évidemment, j'en suis certain, il va collaborer, le député de Robert-Baldwin... en collaborant et en allant rapidement et à bon train dans l'étude article par article du projet de loi, on pourra en même temps, M. le Président, pour faire un débat cohérent, à ce moment-là, déposer les amendements, et nous espérons, à ce moment-là, que le député de Robert-Baldwin va être gentil quand il verra ces amendements.

Une voix: Ha, ha, ha!

Des voix: ...

Le Président: Écoutez. Est-ce que vous avez des renseignements complémentaires? Parce que, si c'est pour faire une argumentation sur les informations, je vous indiquerai que ce n'est pas le moment.

M. Marsan: Vous pouvez donner peut-être des directives aussi. Le ministre s'est engagé à déposer les règlements et les amendements en cette Chambre, la semaine passée. Maintenant, ce n'est pas ça qui arrive. Qu'est-ce qui est arrivé? Sa parole, c'est quoi?

Le Président: Écoutez. Je crois, M. le député, que la période que vous utilisez actuellement, Renseignements sur les travaux de l'Assemblée, vous permet de demander des informations au gouvernement, en particulier au leader du gouvernement, et, dans la mesure où il y a eu des changements, le gouvernement donne des informations. Bien sûr, à ce moment-là, de part et d'autre, vous êtes libre ou non d'interpréter les réponses ou de croire ou de ne pas croire, mais le règlement vous oblige à prendre la parole de vos collègues, par ailleurs.


Affaires du jour


Affaires prioritaires


Motion de censure proposant que l'Assemblée condamne le premier ministre, qui refuse de dire aux Québécois que le régime d'assurance-médicaments répond à une commande budgétaire

À ce moment-ci, je crois que nous en sommes arrivés aux affaires du jour et, aujourd'hui, nous allons d'abord procéder aux affaires prioritaires et, à l'article 1 du feuilleton, M. le chef de l'opposition officielle et député de Vaudreuil propose la motion de censure qui suit:

«Que l'Assemblée nationale condamne sévèrement, pour son double langage notamment en matière de santé, le premier ministre du Québec qui refuse encore une fois de dire clairement aux Québécoises et aux Québécois que l'imposition du régime d'assurance-médicaments répond à une commande budgétaire et qu'à ce titre il s'agit d'un impôt-médicaments.»

Avant que le débat sur cette motion de censure ne s'engage, je vous rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 307 du règlement, ce débat doit prendre fin trois heures après l'heure fixée pour l'ouverture de la séance.

Je vous informe que la répartition du temps de parole établie pour la discussion de cette motion est la suivante. Il a d'abord été convenu que le débat sur cette motion prendra fin à 12 h 50 et qu'il sera suivi immédiatement d'un vote par appel nominal. Mis à part la réplique de 15 minutes accordée à l'auteur de la motion et cinq minutes accordées à chacun des députés, les deux groupes parlementaires se partageront également la période consacrée à ce débat. Dans ce cadre, les interventions seront limitées à une durée de 30 minutes chacune.

Je suis maintenant prêt à reconnaître l'auteur de la motion, le député de Vaudreuil et chef de l'opposition officielle. M. le chef de l'opposition officielle.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Merci, M. le Président. Lorsque la motion a été rédigée et qu'elle a été inscrite au feuilleton pour être appelée aujourd'hui, je ne me doutais pas que la période de questions nous aurait confirmé ce que j'entendais démontrer aujourd'hui quant au double langage que tient constamment le premier ministre. Je vais donner juste deux exemples d'actualité.

On va s'accrocher à ce qui vient de se passer. Par exemple, les questions sur les travaux de la Chambre à l'endroit de la ministre de l'Éducation, qui avait fait preuve, disait-elle, d'ouverture, était disposée à écouter des groupes pour parler de son projet en commission parlementaire, et, dans le fond, comment ça a été fait, ça? Comment ça a été couvert par le double langage du gouvernement? Ça a été fait en convoquant à 11 heures des groupes pour leur dire qu'à 15 heures ils pourraient venir présenter leurs vues et leurs mémoires sur ce projet de loi là. M. le Président, étonnamment, dirions-nous, c'est le seul groupe qui a l'air d'être en faveur de la ministre qui s'est pointé à 15 heures en commission parlementaire. Évidemment, tous les autres qui ont vraiment des intérêts là-dedans sont obligés de se satisfaire d'un engagement de la ministre et du gouvernement qui n'a pas été respecté.

La même chose est vraie en matière d'habitation. On l'a vu tout à l'heure. On a essayé de faire avouer au ministre des Affaires municipales qu'il envisageait de hausser les loyers dans les habitations à loyer modique. Il revenait... Au lieu de parler de ça, il nous a dit: Où êtes-vous, là, avec tout ça? C'est encore 25 % qu'est la contribution maximum des gens qui habitent dans ces logements-là, 25 % de leurs revenus. Alors, il avait l'air de dire que ce n'était pas vrai, là, qu'il envisageait de faire monter le coût des loyers. Or, M. le Président, la réalité, c'est que c'est deux affaires différentes, ça. La première, quant au coût des loyers, emporte nécessairement une contribution. Et, si elle est plafonnée à 25 % des revenus du locataire, ça signifie, par ailleurs, en même temps, si le loyer est augmenté, que quelqu'un qui paye le loyer et que ça correspond à 22 % ou 23 % de son revenu, s'il y a une augmentation de loyer, ça va monter son plafond de 25 % de son revenu. Donc, on voyait, encore là, un exemple de double langage, même pas subtil, dans le fond, de la part du ministre des Affaires municipales.

Et, ça, c'est à l'image même de ce gouvernement-là. On pourrait surtout insister – et c'est ce que la motion relève – sur le double langage du premier ministre, notamment à l'égard de cet impôt-médicaments qu'il vient d'instaurer. Lui qui a dit que les gens ne seraient pas touchés, lui qui a dit que la santé, c'est le plus grand bien, enfin lui qui a dit un tas de choses est en train de se comporter à l'inverse de ce qu'il avait dit qu'il ferait. Mais ça, on n'est pas les seuls à s'être aperçus de ça et on va pouvoir le développer tout à l'heure. Un ou deux de mes collègues interviendront également, de façon spécifique, notamment sur l'impôt-médicaments.

On n'est pas les seuls à s'apercevoir de ça. Ce n'est pas l'opposition, là, qui invente ça, que le premier ministre a un double langage et un double discours. On peut voir, là, des titres dans les journaux depuis quelque temps, dans le genre: «Rouler sans se faire rouler» – ils ne parlaient pas de gens qui se promènent en patins à roues alignées, là, ils parlaient du premier ministre et de son gouvernement; «Parler des deux côtés de la bouche à la fois», ça, c'était le titre d'un éditorial dans un journal du Québec; «L'enfirouâpeur». J'ai rarement vu ça. Je n'ai pour ainsi dire jamais vu ça. Il y a toutes sortes d'extraits dans diverses nouvelles, et notamment ce que Mme Françoise David, la présidente de la Fédération des femmes du Québec, indiquait: «Bien sûr, le gouvernement continue à discourir sur la compassion, dit-elle, l'équité et la solidarité, mais que valent les mots quand les gestes disent le contraire?»

Ce qu'on demande au premier ministre, c'est d'accommoder ses gestes à ses discours. Parce qu'on ne peut pas changer la réalité avec des discours, on ne peut pas influencer la réalité avec des discours lorsqu'on est au gouvernement. Il faut agir, il faut prendre des décisions et il faut aller dans le sens des discours et des annonces qui sont faites afin de restaurer la crédibilité de l'appareil public dans l'esprit de nos concitoyens.

On est bien mal tombés, puis on est bien mal servis par le premier ministre actuel, qui a pratiqué ça une bonne partie de sa vie politique, les changements d'orientations. Un politicien français disait, parce qu'on l'accusait d'être une girouette, que ce n'était pas la girouette qui changeait de direction, c'était le vent.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: C'est assez intéressant comme justification, et j'ai l'impression que ça s'applique parfaitement au premier ministre à cet égard-là, le premier ministre qui, plus jeune, était comme beaucoup de Québécois un féru et un fervent de Duplessis; qui, au début des années soixante, a voulu contribuer à appuyer la Révolution tranquille avec le Parti libéral du Québec; qui a trouvé le moyen, en fin des années soixante, d'être un des chantres de Pierre Elliott Trudeau dans sa région du Saguenay–Lac-Saint-Jean; qui s'est rejoint au Parti libéral du Québec au début des années soixante-dix; qui a pris fait et cause pour René Lévesque et le PQ pendant le règne de celui-ci dans les années soixante-dix et quatre-vingt; qui est tout d'un coup passé à «l'ambassadariat» pour le Canada – et pour le compte du gouvernement conservateur – en France; qui est revenu comme ministre du Parti conservateur; qui a formé un parti, le Bloc québécois, et qui est aujourd'hui le chef du Parti québécois. Plus zigzagant que ça, tu meurs! Il est évident qu'on ne peut pas accuser le premier ministre de faire preuve de constance.

(11 h 40)

Mais, au-delà de tout ça, ce sont les engagements du premier ministre sur certaines des grandes valeurs qui doivent animer un parti politique et un gouvernement qui font problème. Ça fait problème, par exemple, au titre du respect de la démocratie dont le premier ministre se gargarise constamment, dans les discours qu'il fait depuis de nombreux mois. J'ai, comme tous les Québécois, entendu des discours passablement lyriques, finalement, du premier ministre sur les grands bienfaits de la démocratie et sa pratique, mais, malheureusement, il ne pratiquait pas ce qu'il prêchait. Moi, j'ai entendu, notamment pendant la campagne référendaire et préréfendaire, des discours à l'emporte-pièce qui ont été condamnés par d'autres que nous pour leur violence verbale, pour les injures et les insultes qu'ils contenaient à l'endroit des porte-parole du camp du Non, à titre d'exemple, ou des adversaires politiques en général du premier ministre. Ça, c'est un exemple, le plus frappant, moi, je trouve, du double langage du premier ministre dans sa pratique de la démocratie, dans le respect de la décision démocratique de nos concitoyens.

Mais, à cet égard-là, on a vu combien peu le gouvernement se soucie du souhait qu'a exprimé la majorité des Québécois, lors du référendum, de faire en sorte que son gouvernement se soucie d'assurer la place du Québec à l'intérieur du Canada, de faire en sorte qu'il participe de bonne foi, chaque fois qu'il en a l'occasion – il n'est pas obligé d'inventer des occasions, on ne lui en demande pas tant – chaque fois que l'occasion se présente de représenter les intérêts des Québécois et des Québécoises et notamment de s'apercevoir que les Québécois, très majoritairement, manifestent encore un attachement certain au Canada et au système fédéraliste canadien.

Mais le premier ministre ne s'est jamais gêné pour dire que jamais il ne négocierait le renouvellement du fédéralisme canadien. Il a même menacé – et j'ai toutes les raisons de croire qu'il va donner suite à ses menaces – de sortir des réunions où il serait question de renouveler le fonctionnement du Canada. Les Québécois attachés au Canada s'attendraient de son gouvernement, compte tenu du résultat référendaire, que celui-ci respecte les voeux des Québécois et se penche de bonne foi sur des occasions de discussion d'améliorer le fonctionnement du Canada. Le premier ministre nous a annoncé que ça ne l'intéressait pas; il nous a annoncé qu'il ferait le contraire. Ça, c'est parfaitement dans la ligne, là aussi, du double langage, du double discours d'ouverture, de respect de l'adversaire, de la coopération et la collaboration nécessaires, même essentielles, pour régler des problèmes de nature économique avec les autres niveaux de gouvernement.

Et c'est le contraire, parce qu'il confie le dossier au ministre des Transports, dont on connaît le peu d'engagement à l'endroit du renouvellement ou de l'amélioration du fonctionnement du Canada, qui est plus connu pour, je dirais la variété et le style de son vocabulaire que pour son imagination à trouver des solutions concrètes aux problèmes économiques, notamment, des Québécois et des Québécoises. Le ministre que le premier ministre a nommé pour représenter les Québécois en matière d'affaires intergouvernementales canadiennes a surtout laissé sa marque, depuis quelque temps, dans le bruit de la déchirure de ses vêtements, et de sa chemise en particulier, à chaque fois qu'il avait une occasion de se prononcer sur un dossier qu'on qualifierait de fédéral-provincial.

Mais le premier ministre, lui aussi, il pratique le double discours et le double langage. Il crée même des faux prétextes pour s'absenter des discussions qui concernent les Québécois et les Québécoises, invoquant, comme il l'a fait, le rapport de décembre dernier des premiers ministres de toutes les provinces canadiennes sur la réforme et le renouvellement des politiques sociales au Canada. C'est un document, lorsqu'on l'a lu, M. le Président, qui est plein d'occasions de collaboration dans l'intérêt des citoyens entre les provinces canadiennes, dans les juridictions et les compétences qui sont celles du Québec et des autres provinces. Le premier ministre a plutôt choisi d'interpréter un document qu'à l'évidence il n'avait pas lu; ça, je vous le certifie. Tu ne peux pas parler, comme ça, d'un document si tu ne l'as pas lu. S'il l'avait lu, il n'aurait pas pu en parler comme ça. Il a saisi ce faux prétexte pour s'absenter d'une partie des discussions qui vont avoir lieu la semaine prochaine avec, enfin, nos associés, nos partenaires, les autres provinces du Canada et pour déjà préparer une revue de presse qu'il voudrait extrêmement négative à l'endroit de l'option canadienne.

On le comprend, là, il est président du PQ, alors, ce n'est pas dans son programme de renouveler le Canada. Mais, quand même, s'il dit, en dehors de son double langage, qu'il veut respecter la volonté que les Québécois ont exprimée lors du référendum, bien, il doit loyalement et de bonne foi aller regarder ce qu'il y a à faire pour améliorer le Canada plutôt que de sauter sur n'importe quel prétexte, et même d'en inventer, pour donner suite, finalement, aux pressions, ou céder aux pressions de l'aile pure, dure, militante et aveuglément indépendantiste du Parti québécois, pour qui c'est la solution à tout que de se séparer et que, l'économie, ça passera après. La réalité, M. le Président, c'est que, justement, l'économie, elle ne passe pas après. L'économie passe avant. Ça passe tout le temps dans les préoccupations quotidiennes de nos concitoyens et concitoyennes, les Québécois et Québécoises, ça passe vraiment comme étant la priorité des priorités.

Or, le premier ministre, à cet égard-là aussi, quant à l'économie, quant à l'importance qu'il lui accorde, pratique le double discours et le double langage. On a vu qu'il nous avait appelés, dès décembre dernier, dans un discours à ville de Laval, qu'il avait appelé les Québécois, qu'il avait appelé son parti et qu'il s'appelait lui-même à agir en matière de création d'emplois. C'était la première chose. C'était la chose la plus importante. Finances publiques, création d'emplois. Ah, bon! Bien, M. le Président, on attendait les gestes. Quels ont été les gestes? Au net, pour ne pas être plus long que ça, c'est que le premier ministre a mis sur pied, avec son gouvernement, tout un système qui nous amène au 1er novembre prochain, suite à une deuxième conférence socioéconomique à l'occasion de laquelle il va se prendre des décisions – on le souhaite tout le monde – qui vont être dans l'intérêt de l'économie québécoise. Moi, je fais juste remarquer que du 6 décembre 1995 au 1er novembre 1996, ça fait 11 mois moins cinq jours. Ça fait beaucoup de temps, ça, à ne rien faire, pour préparer simplement le terrain pour prendre des décisions à partir du 1er novembre prochain, sous prétexte qu'il faut tout prendre ça ensemble.

Ah oui! Mais c'est le premier ministre qui disait: Le gouvernement, il faut que ça gouverne. Le gouvernement, il faut que ça gouverne. Moi, je veux bien qu'il envisage dans son agenda à long terme qu'on peut se parler puis trouver des façons de faire des choses tous ensemble – c'est ça qu'il plaide – mais, depuis le 29 janvier qu'il a été assermenté, il faut qu'il gouverne à partir du 29 janvier. Et, à mon sens, dire: Je remets au 1er novembre le moment où je prends des décisions dans l'intérêt de l'économie du Québec, moi, je n'appelle pas ça gouverner, j'appelle ça retarder les échéances et retarder les décisions. Mais le premier ministre essaie de faire passer ça pour de l'action. C'est le double langage, c'est du théâtre, c'est des faux-fuyants, de la poudre aux yeux, on dira ce qu'on voudra, toutes sortes d'expressions possibles et imaginables. La réalité, c'est qu'il n'y a pas de décisions qui se prennent, à partir de ce moment-là, avant le 1er novembre prochain.

De la même façon, le premier ministre, dans le cadre, je dirais, du soutien à l'économie que le gouvernement doit apporter, continue à pratiquer le double langage, encore une fois, quant à l'influence et l'impact de l'option de base du Parti québécois sur l'économie du Québec. Ça existe, parce que le monde en parle, quand même. Ça existe partout. Ça existe au Québec puis en dehors du Québec. Alors, le premier ministre, il a deux approches là-dedans, deux approches tout à fait contradictoires, d'ailleurs. C'est typique. La première, au Québec, lorsque les gens soulèvent qu'il y a un impact économique à continuer à prôner la brisure du Canada, c'est de dire: C'est dans la tête. C'est psychologique. Les gens d'affaires qui disent: Écoutez, nos associés de l'étranger, ils ne veulent pas investir ici et nous-mêmes on envisage quelquefois, si on a 100 000 000 $ à mettre, que ce n'est peut-être pas une bonne idée. Si vous êtes en train de nous dire que vous allez tout faire pour briser le Canada, c'est inquiétant. Tout d'un coup que vous réussissez, on fait quoi? Alors, là, les gens gèrent le risque, comprenez-vous, et dans le meilleur des cas, c'est l'attentisme qui en résulte, c'est la stagnation. Dans le pire des cas, bien évidemment, c'est l'affaiblissement, qui est de plus en plus rapide, de l'économie québécoise.

(11 h 50)

Mais le premier ministre, lui, il dit: Non, ça, c'est psychologique. Il dit à Laurent Beaudoin: C'est psychologique, votre affaire. Il dit ça à d'autres gens d'affaires, il dit ça à des analystes, il dit ça à des milieux financiers. C'est psychologique. Ce n'est pas psychologique. Ça existe parce que c'est des gens qui prennent des décisions, ils les prennent sur l'évaluation de ce qui se passe et ils se demandent comment le gouvernement est en train d'aider à la création d'emplois à coups de menaces de briser le Canada. C'est ça, la réalité que le gouvernement est en train de vivre. Double langage, donc.

Et c'est encore plus frappant de voir comment à l'étranger le premier ministre pratique le double langage. Il pratique par omission. Là, on a vu, lorsqu'il est allé visiter des gouverneurs américains, qu'il avait nié à sept reprises, sept fois, que la question de son option de brisure du Canada avait été discutée avec un gouverneur, notamment au Massachusetts, sept fois. Moi, je n'ai jamais vu ça; je n'ai jamais vu ça, même une fois, dire le contraire de la vérité devant témoin avec un aplomb aussi considérable. Ce que je suis obligé d'en déduire, c'est que le premier ministre, comme le disait le ministre de l'Énergie et ministre du Développement régional et ancien leader du gouvernement, le député de Joliette, il se croit lui-même. Le premier ministre, quelquefois, est tellement convaincu de ses vérités à lui qu'il devient extrêmement convaincant parce qu'il est convaincu lui-même que ce qu'il dit c'est la vérité. Il est tout seul à penser ça, remarquez. Mais ça fait une drôle d'impression, ça, un premier ministre qui va jusqu'à avouer la faiblesse de son option en l'ignorant. Il dit: Non, non, on ne parle pas de ça, personne ne m'a parlé de ça, ça ne doit pas être important, ça ne doit pas être grave. Et, en même temps, de dire: Ne vous inquiétez pas, mon option existe, mais je n'en parlerai pas pendant trois ans, je vous donne une garantie de trois ans et 30 000 mi sur vos 100 000 000 $ ou 200 000 000 $ que vous venez investir ici au Québec.

Alors, on est en pleine contradiction. C'est le paradoxe à l'intérieur d'une énigme. C'est vraiment absolument extraordinaire de voir comment le premier ministre se comporte là-dedans: il a nié sept fois son option, il a nié sept fois l'option que la majorité ministérielle représente, il a nié sept fois le programme de son parti, il a nié sept fois ce qui l'a amené en politique, il a nié sept fois ce qui explique la présence ici des membres du gouvernement dans cette Chambre et il a nié sept fois que les plaidoyers qu'ils font valoir depuis 25 ans sont essentiellement ce qui les anime et que c'est leur idéologie complète.

En matière de finances publiques aussi, double discours. On le voit, ce double discours, dans, par exemple, les répliques, le petit plan, le petit plan tellement grossier, dans le fond, que ça serait drôle s'il n'était pas triste. Parce que, encore une fois, le premier ministre, il se croit lui-même, là, de dire: Regardez ce que vous avez fait, regardez les déficits de nos prédécesseurs, les records de déficit de nos prédécesseurs. Tout le monde a nié ça, tous les documents existants, M. le Président, du Vérificateur général, des ministres des Finances depuis 25 ans démontrent que le père de l'endettement et l'origine de nos maux en matière de finances publiques et les records «imbattus» et inaccessibles jusqu'à ce jour ont été des records établis par M. Jacques Parizeau alors qu'il était ministre des Finances, de 1976 à 1984. C'est à un point tel que tous les chiffres sont là.

Et, moi, enfin, je ne suis peut-être pas surpris de voir comment le premier ministre manipule les chiffres. Mon problème, c'est qu'il a l'air d'écouter beaucoup, beaucoup le ministre des Finances. Et ça, moi, si j'étais le premier ministre, je ferais attention à ce que le ministre des Finances me dit, ce n'est pas trop fiable sur ces affaires-là. Parce qu'en réalité, pendant que le ministre des Finances était membre d'un gouvernement du Parti québécois, ils ont réussi, année après année, à emprunter 1 500 000 000 $, l'équivalent de 800 $ par famille au Québec, année, après année, après année, de plus que ce qu'on a fait, nous autres, parce qu'il fallait vraiment mettre de l'ordre dans la cabane. Et tous les chiffres qui existent, les besoins financiers nets compte tenu des revenus, l'endettement compte tenu du produit intérieur brut... Je m'excuse de vous ennuyer avec ces notions-là, M. le Président, mais il faut quand même référer à la réalité des chiffres. La réalité des chiffres, c'est qu'on n'a jamais vu quelque chose comme ce que Jacques Parizeau a fait pendant sept ou huit ans et qu'on a tenté de mettre de l'ordre là-dedans. Rien que les chiffres en dollars comparables sont à l'avantage des neuf dernières années plutôt que des neuf précédentes. Ça, c'est aussi simple que ça.

Mais, M. le Président, on voit malgré tout en matière de finances publiques la pratique du double discours où il n'y a pas vraiment de priorités. Il n'y a pas de priorités à l'éducation et à la santé comme le premier ministre l'a dit je ne sais pas combien de fois. Tu ne peux pas couper dans l'éducation et la santé comme si c'était banal, et non pas une priorité pour les citoyens du Québec, et prétendre que tu t'occupes comme il faut du gouvernement, prétendre que les citoyens ne sont pas touchés, prétendre que ce sont les machines qui sont en train de payer, dire que c'est le gras qui est train d'y passer. M. le Président, le fait est que le premier ministre, et on l'a vu à la période de questions, a essentiellement sabré, pour réduire le déficit, sur le dos des plus démunis. Ça, c'est quelque chose qu'il dénonçait en hurlant comme lui seul peut le faire lorsqu'il était à la Chambre des communes, à Ottawa. Jamais, disait-il, on ne devrait livrer la lutte au déficit sur le dos des plus démunis. On a démontré, à la période de questions, que c'est essentiellement ce que le premier ministre fait depuis qu'il est ici, depuis trois mois et demi. C'est ça, le discours du premier ministre du Québec. C'est ça, le double discours de celui qui reconnaissait, le 6 décembre dernier, qu'on est assez taxés au Québec et qui, pourtant, est en train d'augmenter le fardeau fiscal des Québécois.

On dira ce qu'on voudra du côté ministériel, quand on regarde le discours sur le budget, les gestes qui ont été posés font en sorte que, pour un revenu qui demeure le même en 1997 par rapport à 1996, par rapport à 1995, les impôts augmentent. On pourra nous dire: Ah! les taux d'imposition n'ont pas augmenté, la taxe de vente encore à 6,5 %, mais il y a d'autres gestes qui ont été posés qui font que ça coûte plus cher et que ça s'en va dans les poches du gouvernement, que les décisions qui ont été prises, à ce moment-là...

Alors, M. le Président, j'ai vu, comme vous tous – je dirai ça en terminant – que le premier ministre du Québec et le premier ministre de France sont allés dans le royaume du Saguenay baptiser trois caps: Liberté, Égalité, Fraternité. M. le Président, ça aurait été tellement mieux si on avait pu, au moins, baptiser des caps dans ce coin-là, d'où vient le premier ministre, qui les représente, des caps, le long du Saguenay, qui auraient pu s'appeler: Honnêteté, Vérité et Probité. Ça, au moins, ça aurait été quelque chose de symboliquement intéressant. Au moins, ça aurait peut-être commencé à corriger le tir. Parce que, ce qu'on a devant nous, c'est un gouvernement et un chef de gouvernement qui pratiquent un double langage absolument sur tous les tons et sur tous les fronts.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le chef de l'opposition. J'accorderai maintenant la parole au ministre des Ressources naturelles. M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le Président, vous aurez remarqué que la motion se lisait comme suit: Que l'Assemblée nationale condamne sévèrement, pour son double langage notamment en matière de santé, le premier ministre qui refuse encore une fois de dire clairement aux Québécois et aux Québécoises que l'imposition du régime médicaments... régime médicaments qui fait l'objet de la présente motion. Le chef de l'opposition a réussi à en parler deux minutes, deux minutes, M. le Président. Et je crois qu'il aurait dû affirmer que la motion aurait dû se lire comme suit: Que l'Assemblée nationale condamne sévèrement le Parti libéral du Québec et son chef pour leur manque de vision et de sensibilité vis-à-vis des 1 200 000 personnes qui n'ont aucune assurance-médicaments au moment où on se parle, et qui refusent également – et c'est pour ça qu'il faudrait condamner le PLQ et son chef – leur collaboration à l'instauration d'un régime de protection pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises. C'est de même que, honnêtement, aurait dû être libellée cette motion.

Au moment où on se parle, il y a 1 200 000 personnes au Québec qui n'ont aucune assurance-médicaments, qui n'ont aucune protection. Des gens qui sont sur le salaire minimum. Il y a 300 000 enfants parmi ces 1 200 000 personnes qui n'ont aucune assurance-médicaments et qui, par la venue du nouveau régime, auront une protection, et ce, sans qu'il leur en coûte un seul sou. Il y a 500 000 personnes, des faibles salariés, qui auront une protection parmi ces 1 200 000 personnes là, qui n'ont aucune protection, qui n'ont pas les moyens d'acheter des médicaments et qui, grâce à la venue de ce régime-là, auront une protection de médicaments. Il y a 1 200 000 personnes sans aucune protection, et le Parti libéral du Québec dit: C'est trop hâtif, c'est exagéré.

(12 heures)

M. le Président, c'est commencé sous leur règne, l'étude pour en arriver à un régime de médicaments. Depuis deux ans qu'on travaille là-dessus, puis on s'est dit: Il faut prendre la décision carrément, M. le Président, de doter ces gens-là d'un régime de protection globale. Quand on a une vision de la collectivité québécoise, qu'on sait qu'il y a des gens qui sont dans la pauvreté totale, qui n'ont pas les moyens de se payer un seul médicament et dont la seule porte de sortie pour se les faire payer, c'est d'être sur l'aide sociale ou sous le régime de la sécurité du revenu, M. le Président, qui manque de compassion? Qui manque de vision? Qui manque de clairvoyance, si ce n'est le Parti libéral du Québec? Et, qui plus est, ce régime qui vous est présenté, M. le Président, n'assomme pas les gens, contrairement à ce qui est dit, les gens paient selon leurs revenus. Si tu as les moyens de payer 30 $, tu paieras 30 $. Si tu as les moyens de payer 40 $, tu paieras 40 $, même si tu consommes 800 $, 900 $, 1 100 $ de médicaments. Il faut le comprendre, ça, M. le Président.

On essaie d'affoler les gens. On essaie de faire peur aux gens pour garder le monde dans les sentiers battus, comme ils ont fait pendant neuf ans vis-à-vis de cet état de choses, M. le Président. Ils en parlaient, ils n'agissaient pas. Nous, on en a parlé et on a agi, puis on va doter ces 1 200 000 personnes d'une protection qu'elles n'ont pas. Et ça, c'est de la compassion, ça, c'est de la vision d'une société, c'est d'avoir une vision globale de ce qu'est l'équité sociale. Et ça, M. le Président, le Parti libéral ne l'a pas, et il peut bien s'amuser à passer des propositions comme il fait là.

M. le Président, qui plus est encore, j'écoutais le député de Jacques-Cartier puis le chef de l'opposition essayer d'affoler les personnes âgées, parler de taxes, parler d'impôts. Quand on prend une assurance, quand on a été dans des associations, on prend des assurances, qu'est-ce qu'on fait? On paie une prime et on prend la prime proportionnellement à la couverture qu'on veut. On va bien plus loin que ça dans un régime d'État, on dit: On paie une prime, mais on va payer notre prime non pas en fonction de l'enveloppe de protection qu'on veut, en fonction de la capacité de payer. C'est ça qu'on dit au citoyen: Si tu as les moyens de payer 100 $, tu vas payer 100 $; si tu as les moyens d'en payer 40 $, tu en paieras 40 $. Ça «peut-u» être plus équitable, ça, M. le Président? Puis ceux qui n'ont pas les moyens de la payer, ils ne la paieront pas. C'est une assurance de groupe, une assurance collective.

Les syndicats se donnent ça présentement dans la fonction publique, parapublique, péripublique, et même dans le secteur privé; on se donne des assurances-groupes. Il y en a, parmi les travailleurs, qui ne consomment pas un sou de médicaments puis qui paient leur prime pour permettre aux autres travailleurs qui sont pris par la maladie d'avoir une couverture raisonnable. C'est ça, fondamentalement, qu'on fait, M. le Président. Je ne vois pas où le Parti libéral s'en va par cette motion-là.

Donc, je répète que la vraie compassion, la vraie solidarité sociale, la vraie équité sociale, c'est dans l'établissement d'un tel régime et non pas en conservant la situation dans laquelle les libéraux ont toujours voulu demeurer: le statu quo; ne pas sortir de rien; laisser 1 200 000 personnes sans aucune protection; laisser 300 000 jeunes sans aucune protection face aux médicaments. C'est ça, c'est dans ce système-là que se complaisaient les libéraux du Québec, les rouges du Québec. Il est temps qu'on sorte de ces sentiers battus et qu'on pose des gestes très concrets, basés sur la capacité de payer des citoyennes et des citoyens du Québec.

M. le Président, vous allez sans doute me permettre de parler du chef de l'opposition, puisqu'il a parlé du chef du gouvernement, celui-là même qui a perdu aux dernières élections, M. le Président. Il faudrait en parler, parce qu'il a parlé deux minutes de médicaments pour parler d'une bouillabaisse, mais surtout de constitution, lui qui nous demande de cesser de parler de constitution puis de s'occuper de gérer. Il a dit: Un gouvernement, ça gouverne. Exactement! Puis je suis d'accord avec lui, M. le Président. C'est ce qu'on fait depuis notre arrivée au pouvoir. On avait prévu un déficit x, puis, à la fin de l'année, on est arrivés avec notre déficit x.

Eux, quand ils géraient, quand ils gouvernaient, pendant cinq à six ans, ils se trompaient, bon an mal an, de 1 000 000 000 $ par année dans leurs prévisions de déficit. Et le record de tous les temps, le record déficitaire de tous les temps au Québec l'a été sous la gouverne du présent chef de l'opposition, M. le Président. C'est évident qu'il peut bien être contesté. C'est évident. C'est évident qu'il y en a qui cherchent à le remplacer. Ce n'est pas des rumeurs, ça, ils nous le disent très clairement. Ce n'est pas des rumeurs, ils nous le disent haut et fort. 5 700 000 000 $ de déficit, ce cher chef de l'opposition, dans la dernière année de son règne, 5 700 000 000 $.

Et regardez, depuis 1990-1991, les erreurs dans ses prévisions, lui, le contrôleur, au moment où il était président du Conseil du trésor: la fonction publique a augmenté; les dépenses d'État augmentaient chaque année et, rendu dans l'opposition, ce même chef, qui est le recordman – j'allais dire le «guinnessman», parce qu'il est dans le Guinness – M. le Président, des déficits arrive dans l'opposition et dit: Il faut redresser les finances publiques. Chaque fois qu'on cherche à les redresser, il se lève puis dit: Il ne faut pas couper là; il ne faut pas compresser là; il ne faut pas faire ci, il ne faut pas faire ça; ça prend une loi antidéficit. Il n'a même pas été capable, pendant neuf ans qu'il a été au pouvoir, d'en passer une. Nous, on va en passer une.

M. le Président, ça détonne. Ça détonne. Si le chef du gouvernement prend ses rêves pour des réalités, il y a un chef de l'opposition qui est nostalgique puis qui est envieux des décisions qu'on prend présentement. Il aurait donc aimé faire ça le temps qu'il était au pouvoir, M. le Président, arriver exactement, correctement dans ses prévisions déficitaires. Il n'arrivait même pas là, M. le Président. Et je vais ajouter, parce qu'ils ont été au pouvoir neuf ans, M. le Président, qu'ont-ils fait sous leur gouverne? Le taux de chômage n'a jamais baissé en bas de 11 %, M. le Président. Depuis un an et demi qu'on est là, c'est la première fois en six ans que le taux de chômage baisse en bas de 11 %, M. le Président. On a créé, depuis un an et demi, 98 000 nouveaux emplois, c'est presque autant que tout ce qu'a fait le Parti libéral pendant ses neuf ans. Il y a 61 000 chômeurs de moins, M. le Président. On a créé plus de 32 % de tous les nouveaux emplois au niveau canadien. Et ils trouvent ça effrayant. C'est effrayant! C'est bien effrayant comme c'est bon quand on se compare à vous autres. C'est évident que c'est bon! Je comprends que vous puissiez être envieux. Puis un des trois caps, si vous aviez fait la visite avec le premier ministre de France, ça aurait pu être le cap de l'envie, et marqué, en bas, D. Johnson. Je n'ai pas le droit de le prononcer, je retire ce mot, M. le Président. Mais c'est fils.

Donc, M. le Président, neuf ans au pouvoir, gouverner, qu'ont-ils fait? Des déficits. Qu'ont-ils changé? Qu'ont-ils changé au niveau de la santé? Ils ont laissé aller, M. le Président, tout le système de la santé. Des lits de soins aigus occupés par des malades chroniques, par des gens malades chroniquement, 550 $ par jour au lieu de créer des lits pour personnes âgées à 110 $, 115 $ par jour. On aurait pu traiter cinq personnes âgées pour le prix d'un lit de soins aigus. Il ne l'a jamais fait! Rendu au pouvoir, le gouvernement actuel dit: On va changer ça. On va faire en sorte que nos personnes âgées aient des lits adaptés à leur état de situation. Il va en coûter 100 $, 110 $ par jour au lieu de 550 $ dans un lit de soins de courte durée, M. le Président. Ils se sont offusqués. Ils ont réveillé tout le monde. Ils ont dit: Épouvantable! Qu'est-ce qu'ils font là? Mais, quand on leur parle individuellement, ils nous disent: Il fait bien ça, le ministre de la Santé, il fait très bien ça. Il a pris un très bon enlignement. Avec le même argent, on va pouvoir traiter beaucoup plus de personnes. C'est ça, l'enlignement du présent ministre de la Santé. Il l'a pris. Il a eu le courage politique de le faire, M. le Président.

D'après ce que je peux constater du Parti libéral, c'est le courage de crier dans l'opposition, mais l'impuissance et l'incapacité totale d'agir au moment où ils occupent les banquettes du pouvoir. Ils ont eu neuf ans pour rectifier ces tirs. Parce qu'ils sont maintenant dans l'opposition, ils se sont redonné une virginité, mais une virginité qui sonne faux, M. le Président. Quand je vois le président du Conseil du trésor d'alors et chef de l'opposition venir parler du redressement des finances publiques, puis que c'est lui qui a contribué à pourrir le plus possible... Il a doublé la dette du Québec, le temps qu'il a été président du Conseil du trésor. Il a doublé la dette du Québec. Une chance que les électeurs québécois s'en sont débarrassé aux dernières élections. Ils ont doublé la dette du Québec.

Nous, on dit: On a des objectifs précis. On s'en va vers un déficit zéro. Ça va faire mal. Oui, ça va faire mal. On est bien conscients de ça.

M. Lefebvre: Question de règlement, M. le Président. Question de règlement, M. le Président. M. le Président, même...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Vous aurez compris que j'appelle le quorum, M. le Président, dans le but de permettre aux collègues du député de Joliette d'entendre dire ces faussetés, là. Quorum, M. le Président.

(12 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le... Qu'on appelle les députés. Non, ça va. Alors, nous pouvons reprendre les travaux.

Une voix: M. le Président...

Une voix: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, actuellement, nous sommes 13 en Chambre.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, lorsqu'on requiert le quorum en Chambre et qu'on vous le demande, M. le Président, avec toute la déférence que je dois avoir envers la présidence, lorsque vous constatez qu'il n'y a pas quorum, vous devez, M. le Président, immédiatement appeler les députés, pas leur permettre d'entrer comme vous venez de le faire, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, si vous avez entendu, les cloches ont sonné et, immédiatement, il y a des députés qui sont entrés en Chambre, ce qui nous permet actuellement, au moment où on se parle... Effectivement, vous aviez raison. Au moment où j'ai appelé le quorum, vous avez commandé le quorum, à ce moment-là, j'ai vérifié et il n'y avait pas quorum en cette Chambre. Nous avons fait appeler les députés et les députés se sont présentés. Donc, au moment où on se parle – 10, 11, 12, 13 – alors nous avons actuellement le quorum, et je demanderais au député de Joliette et ministre des Ressources naturelles et responsable du Développement des régions de bien vouloir poursuivre son allocution.

M. Chevrette: M. le Président, le député de Frontenac a dit que je disais des faussetés. Est-ce que ce sont des faussetés d'affirmer qu'un déficit était de 5 700 000 000 $? Est-ce que c'est des faussetés de dire qu'ils n'ont rien fait concernant les médicaments le temps qu'ils ont été là? Est-ce que c'est des faussetés de prétendre qu'en matière de santé ils n'ont rien fait pour modifier cette façon de faire qui a fait en sorte qu'on se ramassait avec des déficits puis des déficits puis avec moins de personnes qui ont la capacité de se faire traiter? Est-ce qu'ils ont eu le courage politique, à l'époque, de faire ça, M. le Président? Non. Est-ce que c'est vrai ou c'est faux que la fonction publique a augmenté puis que les dépenses de la fonction publique ont augmenté sous le règne, du temps de l'actuel chef de l'opposition?

Des chiffres, ça parle, ça. Deux et deux font quatre, M. le Président. Pas trois et demi, parce que c'est un chiffre libéral. Deux et deux, ça fait quatre. Puis ils n'ont jamais été capables de contrôler les finances publiques. Ils ont doublé la dette en l'espace de neuf ans et demi. Ils ont doublé la dette du Québec. Ils se sont trompés littéralement à chaque budget. Même des éditorialistes osaient traiter le budget de l'actuel député de Laporte de brouillon. Puis ce n'est pas moi qui l'ai écrit, c'est un de leurs amis, M. le Président. C'est qui qui écrivait ça?

On a promis 3 900 000 000 $ l'an passé; on a livré 3 900 000 000 $. On promet 3 200 000 000 $ l'an prochain; on va livrer 3 200 000 000 $, M. le Président. Et, à l'aube des années 2000, on va arrêter, comme Assemblée nationale et comme gouvernement du Québec, d'endetter nos jeunes puis d'endetter les générations futures. C'est ça, M. le Président, être un gouvernement et gouverner. Je suis heureux que le chef de l'opposition nous y invite. Il a seulement qu'à nous suivre. Je suis heureux. Et j'espère qu'il apprendra, à part de ça, dans les façons de faire.

Bien sûr qu'on fait des choix qui peuvent être contestables de temps à autre, mais les objectifs globaux, M. le Président, eux, on n'y déroge pas. On s'en va, sachant que ça fait mal, sachant que c'est difficile de gérer la décroissance, sachant que c'est difficile d'agir avec une enveloppe fermée pour un ministère. J'en sais quelque chose. Mais, M. le Président, on a des objectifs. On a des principes ou on n'en a pas. On a eu neuf ans de gouverne libérale, M. le Président, ils ne savaient absolument pas où ils s'en allaient. Ils faisaient des grands discours, plans de relance. Je ne sais pas combien de fois l'ancien député d'Outremont, M. Tremblay, s'est levé en cette Chambre pour faire des discours plutôt rafraîchissants. Il se faisait bloquer ses plans de relance au Conseil des ministres. Il n'a jamais pu lever, ce pauvre gars. Il s'est découragé puis il a dit: Bonjour. Il ne pouvait pas assister à cette mascarade de virginité reconquise du chef de l'opposition et de ses collègues.

Il se lève en Chambre, M. le Président, il déplore les soins de santé. C'est sept fois mieux que c'était. Il déplore le fait qu'un gouvernement veuille protéger du monde sans aucune protection. Ça, c'est le style libéral, ça, c'est le style libéral, protéger les mieux nantis. Quand ils sont au pouvoir, ils protègent les mieux nantis puis ils se foutent des gens qui sont incapables de se payer un service. Pendant neuf ans et demi, ils n'ont rien fait pour les quelques millions de personnes qui n'avaient aucune protection-médicaments, qui n'avaient aucune protection de quelque nature que ce soit et dont la seule issue était de passer à la sécurité du revenu s'ils voulaient avoir une protection.

M. le Président, je dis très honnêtement: Je suis très heureux que le chef libéral se soit levé pour essayer de s'en prendre au chef du gouvernement actuel. Je peux lui dire, cependant, selon ma faible évaluation, que le chef du gouvernement actuel est pas mal mieux en selle que lui. Je pense que le chef du gouvernement actuel a beaucoup plus de crédibilité que lui, que le chef du gouvernement actuel a beaucoup plus de principes que lui, que le chef du gouvernement actuel a beaucoup moins de couillons qui veulent sa tête que lui.

Le chef du gouvernement actuel travaille en équipe. C'est en équipe, avec les députés, à part ça, qu'on a travaillé pour le redressement budgétaire. Il y a eu des comités de députés qui ont oeuvré des semaines et des semaines pour en arriver à faire des suggestions pour que ça fasse le moins mal possible dans les circonstances, mais avec un objectif: on va cesser d'endetter les générations futures, on va cesser de faire payer par nos petits-enfants les services que l'on reçoit aujourd'hui. Ça n'a pas de bon sens, M. le Président. C'est ça, l'orientation qu'on a prise, et on va tout faire pour la réaliser.

Mais vous aurez remarqué qu'en nous demandant de cesser de parler de constitution et de parler des vraies choses, des médicaments, de parler de la santé, de parler de l'éducation, de parler de la relance de l'emploi, le chef de l'opposition s'est mis à parler de constitution. Il voudrait donc qu'on soit à quatre pattes comme eux autres. Il voudrait donc qu'on soit à genoux devant Ottawa, qu'on aille là et qu'on dise: Qu'est-ce que vous auriez comme petites miettes à nous offrir?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: On n'en veut pas, de miettes, M. le Président, on veut notre entière souveraineté, au Québec, parce qu'on est capable de gérer nos affaires. Ils n'ont pas de leçon à nous donner, au fédéral, sur l'endettement. C'est 0,33 $ dans chaque 1 $ qu'ils viennent chercher dans nos poches qui servent aux intérêts de dettes seulement, pour payer la dette. Ici, on est à 0,16 $ et, Dieu merci, on s'est débarrassé du gouvernement libéral juste à temps pour ne pas que ça augmente; c'était parti à un rythme infernal.

M. le Président, il faut appeler un chat un chat. Oui, on a un gouvernement qui gouverne. Oui, on a une opposition qui ne sait pas où elle s'en va. Oui, on a une opposition qui voudrait assainir les finances publiques. Mais ils ne savent pas comment s'y prendre, parce qu'il ne faudrait pas qu'ils coupent nulle part. Vous les regardez se lever l'un après l'autre. Vous regardez le député de Jacques-Cartier qui lit sa question – et de temps en temps il se trompe de ligne, à part ça – puis là il dit: M. le Président... et il s'adresse au ministre de la Santé. Le ministre de la Santé arrive et il dit: Voici où je m'en vais. Il lui dit ça très lentement, très correctement, avec une vision du futur, avec un correctif, avec l'accessibilité des Québécois à des services de qualité, mais au moindre coût. Ça, c'est responsable. Si c'était un gouvernement libéral qui était là, M. le Président, il dirait... On se lèverait pour parler, nous, de l'ambulatoire; là il dirait: Oui, il faut le faire. Mais on attendrait deux élections, probablement, avant que ça se fasse.

On va prendre nos responsabilités, M. le Président, on va doter les 1 200 000 personnes, dont 500 000 n'ont pas la capacité même de payer une prime minimale, dont 300 000 enfants n'ont aucune protection, on va doter les Québécois d'un système de médicaments, et ils vont payer leur prime en fonction de leur capacité de payer. Ceux qui auront le moyen de payer une prime plus élevée vont la payer. Une solidarité sociale, c'est un partage des coûts; ce n'est pas dans l'exclusion de 1 200 000 personnes. Et, si j'étais libéral, j'aurais un peu honte de m'objecter à l'adoption d'un plan qui vient donner à des gens qui n'ont aucune protection une protection au moins décente et minimale. Si j'étais libéral je serais gêné.

Probablement que c'est pour ça que le chef de l'opposition n'a pas parlé du régime de médicaments. Dans le fond, il n'a pas osé l'effleurer trop, trop parce qu'il savait bien que la réplique viendrait puis qu'on lui demanderait: Qu'est-ce que tu ferais, toi, comme chef, si t'étais au gouvernement, avec les 1 200 000 personnes? Il serait obligé de répondre: Je ferais ce que j'ai toujours fait, je ne m'en occuperais pas. Alors que, nous, on a dit qu'on s'en occuperait, puis on va s'en occuper. Et je suis convaincu que les Québécois qui écoutent les sornettes libérales présentement dans le salon, chez eux, vont réfléchir un peu. S'ils ont les moyens de payer une prime de 150 $, bien, solidairement et socialement, ils contribuent à donner une protection à celui qui n'est pas capable de se payer une aspirine. C'est ça qu'on dit, M. le Président. C'est une équité sociale, c'est un contrat social, c'est de la solidarité sociale. Et je suis persuadé que, comme d'habitude, le chef de l'opposition, loin de se grandir, avec cette motion, aura contribué à faire valoir exactement ce qu'il a comme valeurs de société. Merci.

(12 h 20)

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Joliette et ministre de l'Énergie. Alors, le temps imparti aux députés indépendants était de cinq minutes chacun. Donc, à ce stade-ci, le temps du groupe parlementaire de l'opposition étant écoulé initialement, il reste à l'opposition officielle le temps qui doit être imparti aux trois députés indépendants, soit 15 minutes divisées par deux, 7 min 30 s. Alors, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Une question avant, M. le Président. Est-ce que...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui. Et, une fois que le 7 min 30 s sera écoulé de votre côté, ainsi que du côté du groupe ministériel, auquel il reste au temps imparti 1 min 11 s, donc, à ce moment-là, M. le chef de l'opposition aura droit à une réplique de 15 minutes. Alors, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: M. le Président, j'ai sept minutes à mon discours?

Le Vice-Président (M. Pinard): Si vous voulez en prendre, 7 min 30 s ou moins, et, à ce moment-là, le groupe parlementaire de l'opposition officielle aura la balance du temps que vous n'écoulerez pas. M. le leader de l'opposition.

M. Lefebvre: Pour bien se comprendre, non compris la réplique de M. le chef de l'opposition, parrain de la motion, qui est de 15 minutes; à notre formation, il reste 15 minutes. C'est ça?

Le Vice-Président (M. Pinard): Non. Alors, je mentionnais que, tout à l'heure, nous avions divisé le temps en deux portions égales et que M. le chef de l'opposition a pris un temps de 23 minutes, ce qui était le temps convenu. Maintenant, du côté gouvernemental, M. le ministre des Ressources naturelles a pris 21 min 49 s sur les 23 minutes, donc il reste au groupe parlementaire 1 min 11 s du temps normal.

Maintenant, les trois députés indépendants avaient droit à chacun cinq minutes, ce qui fait un total de 15 minutes, et, comme je ne suis pas en mesure, à ce stade-ci, de reconnaître un député indépendant et de lui accorder le temps de parole, donc, le 15 minutes, je le redivise en deux parts égales et, au groupe parlementaire formant l'opposition, 7 min 30 s et, au groupe parlementaire ministériel, 7 min 30 s, auxquelles ils ajouteront 1 min 11 s non utilisées par le député de Joliette. Alors, M. le député de Robert-Baldwin.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Merci, M. le Président, je voudrais à mon tour supporter la motion du chef de l'opposition et député de Vaudreuil:

Que l'Assemblée nationale condamne sévèrement pour son double langage, notamment en matière de santé, le premier ministre du Québec, pour son programme d'impôt-médicaments.

Pourquoi impôt-médicaments, M. le Président? Le ministre de la Santé lui-même, dans ses communications, a indiqué, dans la dernière version, que la prime qu'il doit imposer à tous les contribuables sera perçue à la fin de l'année sur le rapport d'impôts. C'est donc dire qu'il y aura, à la fin de l'année, lorsqu'on fait nos rapports d'impôts, une ligne où ça va être marqué que, tout le monde, on ajoute 175 $ pour le ministre de la Santé. Je pense que le ministre de la Santé avait oublié la promesse du premier ministre, qui nous avait dit que c'était impossible, qu'on n'aurait pas d'augmentation d'impôts, qu'on n'aurait pas d'augmentation de taxes.

Deuxième point, le ministre des Ressources naturelles, député de Joliette, un peu tassé actuellement par le ministre de la Métropole, a aussi un double langage. Il dit que 1 200 000 de la population vont être assurés par le nouveau programme, mais il ne dit pas, M. le Président, à quel coût, à quel prix élevé ils vont être assurés. Le prix va être beaucoup trop élevé, et les gens ne pourront pas s'assurer correctement. Ils ne pourront pas payer une prime, une franchise, de la coassurance en plus.

M. le Président, un autre point. Les grands discours du gouvernement du Parti québécois, la grande équité dans la société, eh bien, quelqu'un qui va gagner 15 000 $, qui va gagner 150 000 $ ou qui va gagner 1 000 000 $ par année va payer les mêmes montants, les mêmes primes, les mêmes franchises. Où est-ce qu'elle est, leur équité?

Par contre, on a trouvé quelque chose dans ce projet d'impôt-médicaments. On a trouvé qui va payer. Vous le savez, M. le Président, qui va payer? Vous le savez très bien. Ce sont les personnes aînées qui vont supporter le fardeau. Pourquoi ce sont les personnes aînées? Parce que ce sont les personnes aînées qui contribuent le plus actuellement, qui consomment le plus de médicaments actuellement. Alors, ce sont ces personnes qui vont faire les frais du nouveau régime du ministre. Quand on sait qu'une personne aînée consomme en moyenne, M. le Président, 800 $ par année, eh bien, on peut s'attendre à ce qu'elles subissent le fardeau de façon importante.

Et il y a quelque chose de nouveau dans ce double langage du ministre de la Santé et du premier ministre. En campagne référendaire, on nous disait: On va protéger les aînés, on va protéger les pauvres. Le discours vient de changer, M. le Président. Maintenant, le premier ministre et son ministre de la Santé nous disent: Les aînés sont riches puis les pauvres ont les moyens. Alors, il y a quelque chose de difficile à comprendre, difficile à croire dans ce qui nous est avancé par le premier ministre et par son ministre de la Santé.

M. le Président, quelques instants pour vous rappeler que le Parti libéral du Québec est d'accord avec un régime universel d'assurance-médicaments, oui, un véritable régime d'assurance-médicaments, mais un gros non, M. le Président, à un régime universel d'impôt-médicaments. On poursuit trop d'objectifs dans un tel régime, et il faudrait dissocier cette récupération des impôts telle qu'elle est présentée par le ministre de la Santé, M. le Président. Et, si on acceptait de dissocier cette partie, je vous assure que toute l'opposition serait d'accord pour travailler à bonifier un tel régime pour que tous les Québécois et les Québécoises puissent participer, puissent en bénéficier.

M. le Président, dans le rapport Castonguay, on a eu un choix de trois possibilités. Le ministre n'en a retenu aucune. Il a tout de suite changé sa version pour une quatrième version au lendemain du dépôt du rapport. On a vu, dans son projet de loi, des changements par rapport à ce qui nous était signifié. Et, encore une fois, dernièrement, il vient encore de changer sa version. Ce projet de loi est vraiment un projet qui est complètement improvisé. À titre d'exemple, M. le Président, vous le savez comme nous, on a terminé assez tard en commission parlementaire vendredi dernier, à minuit, et les députés qui ont eu à retourner sur la Grande Allée et qui ont vu l'édifice de la Régie de l'assurance-maladie ont dû voir que tous les bureaux étaient allumés parce qu'on travaillait, à la dernière minute, en catimini, encore à faire une nouvelle version de ce programme-là.

Alors, il suffit de demander à quelques fonctionnaires comment ça fonctionne, le dossier d'assurance-médicaments, d'impôt-médicaments, et je vous assure qu'il y en a qui sont contents parce que, là, aïe! on va avoir plus de responsabilités, on va avoir plus de fonctionnaires. Mais il y en a qui savent aussi que ça n'a pas de bon sens, la façon dont le ministre dirige son dossier d'impôt-médicaments.

Pire que ça, M. le Président, c'est l'Assemblée nationale elle-même qui condamne le ministre par une lettre de blâme, et cette lettre est signée par notre président, et elle se lit comme suit... parce que le ministre avait décidé, lui, que ce n'était pas important, le Parlement, ce n'était pas important de faire sanctionner sa loi par l'Assemblée nationale, qu'il pouvait décider lui-même d'aller de l'avant avec un projet, indépendamment de ce que nous en pensons, nous, les élus.

Alors, le président de la Chambre dit ceci: «Par la présente, je sollicite votre collaboration – en parlant au premier ministre – afin que vous informiez l'ensemble des membres du Conseil des ministres afin que les publicités gouvernementales et autres communications relatives à un projet de loi comportent une mention faisant clairement référence au rôle de l'Assemblée nationale quand il s'agit d'une nouvelle mesure exigeant l'intervention du pouvoir législatif.»

Bien, M. le Président, c'est vraiment une lettre de blâme de notre président à l'endroit du ministre de la Santé, qui n'a aucun respect des institutions. Encore ce matin, et plus tôt hier, on lui demandait de déposer des documents, et parce que l'opposition n'était pas assez gentille pour lui, il a dit: Non, on va retarder ça. Malgré la promesse qu'il avait faite. Autre exemple de double langage, M. le Président.

M. le Président, dans le journal Les Affaires de cette semaine, la parution devrait avoir lieu demain, mais nous avons quand même un commentaire de l'éditorialiste en chef, M. Jean-Paul Gagné: «De toute évidence, ce projet de loi exige plus de réflexion et le report de son adoption à l'automne permettrait sûrement de l'améliorer. Une fin de non-recevoir à cet égard indiquerait que Québec est plus intéressé par les économies visées que par la volonté de mettre en place un régime optimal.»

(12 h 30)

M. le Président, c'est un exemple. Tous les groupes qui ont été consultés en commission parlementaire nous disent qu'ils veulent être entendus de nouveau parce que les changements qui ont été apportés par le ministre de la Santé ne sont pas suffisants. Ils sont inquiétants, M. le Président. Et quand, de nouveau, on veut nous dire: Il faut faire vite, on est pressés, eh bien, là, il y a certaines personnes... comme l'excellente députée de Saint-François, qui a dit au ministre: Comment ça se fait qu'on retarde le projet d'équité salariale? Comment ça se fait, là? Qu'est-ce qui arrive? Et qu'est-ce qui fait qu'on ne peut pas retarder le projet de loi sur l'impôt-médicaments?

Alors, M. le Président, pour toutes ces raisons, permettez-moi de vous signifier que le ministère de la Santé est maintenant devenu le ministère de l'improvisation, le ministère de la taxation et de l'imposition et le ministère du manque de compassion. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Robert-Baldwin. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement et députée de Terrebonne.


Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, évidemment, nous voterons contre cette motion de censure. Et une raison vraiment majeure de le faire, c'est qu'on ne nous a aucunement mais aucunement démontré ce qui est inscrit dans cette motion. Parce que ce qui devait être le coeur de cette motion, c'était que l'imposition du régime d'assurance-médicaments répond à une commande budgétaire et qu'à ce titre il s'agit d'un impôt-médicaments. C'était ça, la base.

Celui qui nous a présenté cette motion, le chef de l'opposition, nous a parlé du ministère de l'Éducation, des HLM. Il nous a fait un c.v. du premier ministre, selon sa version. Il nous a donné sa propre vision du référendum et de l'attachement de certains au Canada. Il nous a parlé de la création d'emplois et des chantiers que nous mettions en place à l'automne. Il nous a parlé de l'impact de l'option de base du parti sur l'économie. Il nous a parlé des gouverneurs américains. Il nous a parlé des convictions du premier ministre.

Là, il avait raison, parce que, effectivement, le premier ministre, lui, il a des convictions et, oui, il les met en application, ses convictions. Ça, il aurait pu s'étendre un petit peu plus longtemps là-dessus.

Il nous a parlé des finances publiques. Il nous a parlé des budgets du premier mandat du Parti québécois. Il nous a parlé de ses propres budgets. Il nous a parlé des priorités à l'éducation et à la santé que, selon lui, nous n'avions pas respectées, des coupures qui avaient été faites là-dessus, de l'augmentation du fardeau fiscal des Québécois et de la visite de M. Juppé.

Donc, on ne nous a absolument pas parlé, M. le Président... Celui qui portait lui-même la motion, donc celui qui devait la défendre au premier chapitre, ne nous a jamais parlé de l'imposition du régime d'assurance-médicaments comme étant un impôt-médicaments et comme étant une commande qui répondait au budget.

M. le Président, du côté du porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, on nous a parlé de l'assurance-médicaments. Mais qu'est-ce qu'on nous a dit? Et là on va revenir aux vraies choses, à savoir si, effectivement, c'est une commande budgétaire et qu'il s'agit d'un impôt-médicaments. Pour que ce soit une commande budgétaire, il aurait fallu d'abord qu'on n'ait jamais parlé d'assurance-médicaments et que, tout à coup, le ministre des Finances, dans son budget, nous passe une commande. M. le Président, l'assurance-médicaments, on en parlait dans le temps du gouvernement libéral, mais on ne l'a pas mise en application. Il faut le dire.

De notre côté, en arrivant, le ministre de la Santé a reçu le rapport Demers et, tout de suite, il a commencé à travailler, il a mis sur pied un comité présidé par M. Castonguay et ce comité a présenté des scénarios. Il n'y avait pas eu de budget à ce moment-là, le budget n'était pas déposé. Tout ce travail-là s'est fait avant le budget. Le ministre de la Santé a fait des audiences publiques. On reproche aujourd'hui... Le porte-parole de l'opposition officielle dit: C'est la quatrième version. Mais, dans ce temps-là, quand on ne veut pas de changement, on n'en demande pas, des audiences publiques. Ils ont demandé des audiences publiques, il y en a eu en commission parlementaire. Donc, c'est sûr que ça amène des changements, parce que, le ministre de la Santé, il a écouté ceux qui sont venus parler en commission et, bien sûr, il a fait les modifications. M. le Président, donc, tout le travail s'est fait.

Qu'un régime qui va nous permettre de couvrir 1 200 000 citoyens et citoyennes qui ne sont pas couverts actuellement et qui nous donne, en plus, une meilleure gestion financière au niveau de la santé, bien, pourquoi on serait contre ça? Du côté de l'opposition, c'est sûr qu'on n'est pas habitué à savoir ce que ça veut dire, mieux gérer. Ça, je peux comprendre ça, on ne nous a pas habitués à ça. Je le sais, j'ai été dans l'opposition cinq ans et, d'année en année, évidemment, c'étaient des déficits et des mauvaises prévisions. Mais qu'en plus de nous offrir un système qui va être équitable et qui va nous donner une protection pour les petits travailleurs et ceux et celles qui n'ont pas de régime actuellement, mais qu'en plus ça nous permette de mieux gérer et de mieux administrer au niveau financier, ce n'est pas un mal, M. le Président, c'est un bien, d'être capable d'offrir un régime et de bien le gérer.

Pourquoi on a choisi, M. le Président, de confier l'administration à la Régie de l'assurance-maladie du Québec? Les assureurs eux-mêmes ont confirmé qu'ils n'étaient pas capables d'arriver à un coût de gestion aussi minime que la Régie de l'assurance-maladie. Et, là-dessus, ils l'ont dit. Ils sont venus dire en commission que leur coût d'administration pouvait monter. On a parlé de 20 %, de 30 %, on a même parlé de peut-être 40 %, alors que la Régie de l'assurance-maladie du Québec est capable d'offrir le service, puisqu'elle a déjà toute l'infrastructure et qu'on ajoute finalement seulement 23 000 000 de dossiers à traiter, pour environ 7 % comme coût d'administration. C'est une bonne gestion.

De dire que, parce que la prime va être perçue sur le rapport d'impôts de tout le monde... Il faut déjà préciser, M. le Président, que ce n'est pas tout le monde qui va payer une prime. Parce que, effectivement, ceux qui n'ont pas les moyens, les plus faibles, les plus démunis, n'auront pas de prime à payer. Et au niveau des aînés aussi, M. le Président. On sait qu'une grande partie des aînés ne seront pas, absolument pas touchés par la prime et que leur plafond est aussi limité à 200 $. Donc, M. le Président, on ne peut pas dire, parce que la prime, pour ceux et celles qui auront à la payer, sera inscrite sur une ligne du rapport d'impôts, que c'est un impôt. Ça demeure une prime d'assurance qui ne sera pas payée par ceux qui n'auront pas à la payer.

Et, au niveau de l'impôt, pourquoi on le met sur le formulaire d'impôts? Tout simplement, M. le Président, parce que des citoyens et des citoyennes sont venus dire que de payer, pour ceux qui auraient à le payer, 175 $, c'était peut-être un montant élevé à donner au point de départ, donc ils préféraient avoir à le payer en fin d'année.

Donc, M. le Président, ce que nous avons devant nous, cette motion, on ne nous a aucunement démontré la valeur de cette motion-là. Ce n'est pas parce qu'on inscrit une prime – pour ceux et celles qui auront à en payer – sur un rapport d'impôts que ça devient un impôt-médicaments. C'est bel et bien un régime universel d'assurance-médicaments, et il ne répond pas à une commande budgétaire, c'est un régime que nous nous sommes engagés à mettre en place lors de l'élection de 1994, et nous respectons tout simplement notre engagement.

Donc, contrairement à ce que dit cette motion de censure, le gouvernement du Parti québécois offre aux Québécois et Québécoises un régime d'assurance-médicaments universel, répond ainsi à ses engagements et permet à l'ensemble des citoyens et des citoyennes qui actuellement ne sont pas protégés d'être protégés à un coût minime et nous donne en même temps un système efficace, qui est à un coût raisonnable.

M. le Président, ce n'est pas parce que le gouvernement du Parti libéral, autrefois, n'a pas réussi à mettre en place un régime d'assurance-médicaments et qu'il n'a pas réussi à nous offrir un système efficace que nous ne devons pas le faire. Alors, M. le Président, c'est évident que nous serons contre cette motion de censure parce qu'elle ne correspond aucunement à la vérité.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, les interventions étant complétées, il reste au chef de l'opposition un droit de réplique de 15 minutes. M. le chef de l'opposition.


M. Daniel Johnson (réplique)

M. Johnson: Merci, M. le Président. Oui, M. le Président. D'abord, je dirais à la leader adjointe qu'il faut considérer qu'on était deux à parler, pas juste un, et que, à partir du moment où on tente d'illustrer la pratique du double langage et du double discours par le premier ministre... On l'a fait notamment par cette illustration de ce que signifie vraiment pour les Québécois l'assurance-médicaments ou l'impôt-médicaments – qu'on devrait l'appeler, parce que ça va être sur le rapport d'impôts qu'on va voir combien ça coûte – que le gouvernement a instauré. Ça répond à une commande budgétaire. Ça a été présenté comme ça. Ça n'a pas été présenté par le ministre de la Santé, ça a été présenté par le Trésor et les Finances.

(12 h 40)

Moi, je n'ai jamais vu ça, un programme de santé dont les premiers chiffres sont divulgués dans les crédits ou alors par le ministre des Finances à l'occasion de son budget. En l'occurrence, ça a été dans les crédits à la fin de mars et ce n'est jamais le ministre de la Santé qui en a parlé en premier. C'est le président du Conseil du trésor puis le ministre des Finances.

On va juste se comprendre. C'est dans le plan global, ça, des compressions budgétaires que le gouvernement nous apporte qu'on voit qu'il y a 300 000 000 $ qui vont être ponctionnés quelque part. Et ça va être notamment chez les personnes âgées, qui, aujourd'hui, bénéficient d'un programme qui leur coûte, maximum, 100 $ et qui va leur coûter, maximum, 925 $. On commence à se comprendre, là. Au-dessus de 65 ans, c'est là qu'est la grosse consommation de médicaments, c'est là que c'est assez dispendieux, c'est là que c'est fréquent, c'est là qu'il y a un gros volume, puis, évidemment, une grosse fréquence. Et ce sont ces gens-là qui vont payer. Bon. Alors, c'est une commande budgétaire.

Qu'on en profite, par ailleurs, pour dire: Ah! oui, c'est vrai, on a sorti, en raison du virage ambulatoire, les gens des hôpitaux plus vite et, c'est vrai, les médicaments ne leur coûtaient rien à l'hôpital, on payait ça, là on va les faire payer un peu plus. C'est ça qui est arrivé en réalité. Il y a des centaines de milliers de personnes dont, aujourd'hui, on paie les médicaments parce qu'elles sont en milieu hospitalier. Le virage ambulatoire les sort de là à toute vitesse et là le gouvernement s'aperçoit: Oh! c'est vrai, là, on est en train de leur charger tous les médicaments; faisons un effort, chargeons-leur 175 $, 100 $ de déductible et 750 $, maximum. C'est ça qui est en train d'arriver, plutôt que, évidemment, de continuer, dans le milieu hospitalier, à payer pour les médicaments. C'est ça, la réalité financière qui est en train de se dessiner.

À ne pas oublier, par ailleurs, et c'est là qu'est le double discours et que la députée feint de ne pas comprendre, le double discours vient du fait que le premier ministre du Québec, député de Jonquière, ancien chef de l'opposition à Ottawa du Bloc québécois, ancien ministre conservateur, ancien ambassadeur, ancien plaideur de Pierre Elliott Trudeau, ancien ami de René Lévesque, ancien organisateur libéral et de l'Union nationale dans les années soixante, il a dit je ne sais pas combien de fois qu'il faut faire attention.

Une voix: ...

M. Johnson: Non, il y a juste chef du NPD qu'il n'a pas été, finalement.

Une voix: Ça s'en vient.

M. Johnson: Ce qu'il a toujours dit, et il a toujours fait carrière à même une approche théâtrale qui a été dénoncée, d'ailleurs – bien, dénoncée, enfin, je ne sais pas s'il la dénonce ou s'il l'admire – par le député de Joliette, qui est venu, à sa façon traditionnelle, il avait encore l'air d'un Hell's Angels, dire: Ce n'est pas vraiment... Il ne s'est pas comporté comme un membre d'une équipe ministérielle. Il n'a pas changé de style. Ça fait 25 ans qu'il fait ça. Puis, les 25 ans avant, quand il était dans l'éducation, négociateur, il se comportait comme ça, puis c'était brouillon, c'était grossier, enfin, c'est le genre de propos que le député de Joliette a toujours eus en cette Chambre. Il disait: Ah – comment il disait? – qu'il peut être théâtral, ce Lucien! – je le cite, M. le Président, je m'en excuse – se souvient Guy Chevrette; il s'enflamme tellement qu'il est capable de se convaincre lui-même.

Oui. Il se convainquait lui-même, lorsqu'il était à Ottawa, le premier ministre. Et là on arrive au coeur du débat, l'assurance-médicaments. Qu'ils payent! Qu'ils payent! Les personnes âgées, qu'ils payent! Les gens sur l'aide sociale, qu'ils payent! Les gens à bas revenus. C'est ça qui se passe. Et d'aller dire que les gens, comme l'a dit le député de Joliette... Les gens, dit-il, s'ils n'ont pas les moyens, ils vont payer 30 $ au lieu de 175 $; ils vont payer 40 $. Il a oublié que ce n'est pas vrai, ça. Ils vont payer 40 $ de prime. Mais le 100 $, le déductible, tout le monde le paie. Puis le plafond, le maximum, la coassurance, 25 % jusqu'à 750 $, tout le monde le paie.

Alors, ce n'est pas vrai que c'est 30 $, sauf vraiment si carrément démunis, là. Carrément. Bon. Mais, moi, je ne considère pas que les gens sont riches à 18 700 $, ou à 23 700 $, une famille de quatre, hein. Est-ce que la députée trouve que c'est être riche, ça, avoir deux enfants avec 23 000 $? Bon. Je demande, M. le Président, à la députée, si elle trouve ça. Elle répondra quand elle voudra.

Mais, en attendant, son chef, lui, a fait carrière à déchirer ses vêtements et à prétendre que c'était le sort des démunis qui le préoccupait, à dire: Il demeure inacceptable de faire porter le poids de la réduction du déficit sur les épaules des plus démunis. Ça, c'est des discours à l'emporte-pièce à la Chambre des communes. Ça a changé de discours, là. Les plus démunis sont devenus des cibles privilégiées de ce gouvernement-là.

Deuxièmement, un autre discours à la Chambre des communes: On devrait tous être reliés par un pacte de civilisation, d'humanisme et de justice distributive pour ne pas toucher aux démunis. Le niveau de protection sociale est déjà très menacé. Il arrive ici, puis il les menace encore plus.

On va se comprendre, là. Double langage, double discours, ce n'est pas ici qu'on le pratique. Je regrette infiniment. C'est le premier ministre qui en est l'incarnation. Le premier ministre a décidé qu'il donnait une claque à des gens qui sont dans des situations de fragilité économique. Il laisse faire ça. Et d'où est-ce que ça provient, ça? Ça provient de son analyse qu'effectivement la lutte au déficit, c'est tellement important pour lui, c'est tellement important qu'il ait raison en bout de course, de dire: Je suis capable de contrôler les dépenses publiques. Il ne regarde pas à la dépense humaine sur le dos des citoyens et citoyennes du Québec.

Le premier ministre n'est pas du tout animé par ce qui devrait être au coeur de l'action gouvernementale: des priorités qui vont toucher les Québécois et Québécoises partout dans leur quotidien, qui les préoccupent quant à leur sécurité physique, quant à faire en sorte que les gens sachent avec sérénité, calme, certitude qu'au point de vue de la santé et du filet de protection sociale le gouvernement, au moins, n'ira pas jouer là-dedans avec des scies à chaîne. Mais c'est ça que le gouvernement est en train de faire sous l'égide du premier ministre.

Et, deuxièmement, l'autre grande préoccupation de nos concitoyens, c'est celle qu'ils éprouvent pour leurs enfants, et notamment en milieu scolaire. Et pourtant on voit qu'autant au titre de la santé que de l'éducation le gouvernement est en train de traiter ces deux grands domaines qui résument l'essence même de l'action collective qu'un gouvernement doit prendre en charge pour le compte de 7 000 000 de personnes ici, au Québec, de façon banale, comme n'importe quoi, comme le transport, comme des infrastructures, comme des subventions à toutes sortes d'affaires. De la même façon. C'est ça qui n'a pas de bon sens, et c'est ce qu'on dénonce.

C'est ça, le double discours du premier ministre. C'est un discours qu'il nous tient sur la compassion, l'ouverture, la solidarité, la reconnaissance des vrais besoins. Il se retourne de bord et il laisse faire... Non, il commande. C'est lui qui mène, j'espère, là. Il commande de n'épargner personne, même ceux qui devraient l'être. C'est ça qui est le double discours. C'est ça qui est la source de notre opposition au discours du premier ministre, qu'il a pratiqué, je l'ai démontré, dans un contexte auquel il ne peut pas échapper.

Moi, je veux bien que la leader adjointe du gouvernement vienne dire: On n'a pas parlé, là, sur 23 minutes... on a juste parlé – le député de Joliette a fait la même chose – deux ou trois minutes des médicaments. Mon collègue en a parlé huit minutes de temps, là. On travaille ensemble. Puis là j'en reparle puis je complète parce que, moi, je savais que j'avais un 15 minutes à la fin. Alors, la députée nous laissera notre agenda à nous autres, dans le 38 ou 40 minutes qu'on a.

Ce que je dis, M. le Président, c'est que le premier ministre, notamment, et, ça, ça s'illustre surtout par ce qui se passe dans l'assurance-médicaments, pratique un double discours. Mais il le pratique en d'autres matières aussi: il le pratique à l'endroit de la collaboration qu'on doit avoir avec nos voisins, ici, au Canada et en Amérique du Nord. Il le pratique dans tout ce qui concerne l'action gouvernementale au point de vue de la réglementation à laquelle le gouvernement ajoute constamment.

Il s'agit de regarder, par exemple, la Gazette officielle toutes les semaines. On a mis sur pied soi-disant un chantier pour faire en sorte qu'on allège les paperasses qui pèsent sur le dos des entreprises créatrices d'emplois au Québec. Et, malgré tout, toutes les semaines, on ajoute des pages et des pages et des pages de réglementation gouvernementale. C'est ça, l'incohérence et le double discours, et ça se retrouve de toutes sortes de façons.

Mais ce qui est important aujourd'hui et ce qui préoccupe nos concitoyens, notamment la coalition des personnes âgées qui vont le faire valoir lundi prochain, c'est la façon dont ils sont pris pour acquis, c'est la façon dont le ministre de la Santé a dit: Les personnes âgées, aujourd'hui, ne sont pas aussi démunies qu'elles l'étaient autrefois. Oui, c'est ça. Moi, je veux bien, là, mais, après ça, est-ce que c'est une raison, ça, pour changer du tout au tout, pour les 25 années à venir, la façon dont on avait pris en charge la protection sociale dont les personnes âgées pouvaient bénéficier?

On est en train de le faire et d'accélérer la façon dont on le fait au titre des régimes de retraite. Si on augmente jusqu'à 10 % les ponctions sur la feuille de paie, les déductions à la source, pour qu'on ait des régimes de retraite qui ont du bon sens comme ceux d'aujourd'hui et qu'on se trouve à l'accélérer... Et, ça, c'est un phénomène... Ce n'est pas juste au Québec, là, qu'il y a eu un temps d'arrêt. Partout au Canada, dans le Régime de pensions du Canada également.

Nous, pendant des années, on a augmenté de 2 % par année, c'est passé de 3,6 % à 5,6 %. Tout à l'heure, j'ai entendu un ministériel dire: Les libéraux n'ont rien fait. Ah oui! c'est la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Pas vrai! Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? On a augmenté de 2 % pendant des années. Ça a augmenté de 3,6 % à 5,6 %. Là, ça va passer de 5,6 % à 10 % dans les huit prochaines années. C'est ça, la proposition. Ça se fait ailleurs aussi. Pourquoi on fait ça? Parce que les gens qui s'attendent à recevoir une protection, on veut la leur assurer. On trouve que c'est important que, quand les personnes sont âgées, elles puissent bénéficier de ce plancher de soutien de revenus.

(12 h 50)

Une autre chose qu'on a décidé qu'on faisait et que toutes les provinces canadiennes ont fait depuis fort longtemps, c'est de dire aux personnes âgées: Médicaments pas chers. C'est vous autres qui en avez besoin. Socialement, on va s'en occuper, et tout le monde va payer pour les personnes âgées. C'est pour ça que ça ne coûtait rien longtemps. C'est pour ça que ça a coûté 2 $, maximum 100 $ par année, pendant quelques années. Et c'est pour ça que c'est rendu 1 000 $? Voyons donc! Il y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans. Passer de 100 $ à 1 000 $ à l'égard des personnes âgées, leur demander, à elles aussi, 175 $ de prime, leur demander, à elles aussi, de payer 100 $ déductibles, leur demander, à elles aussi, de payer 25 % de coassurance jusqu'à un maximum de 750 $... D'où ça sort tout d'un coup, ça, ce souci de taxer les personnes âgées qui ont toute leur vie travaillé pour bâtir le Québec, à l'égard desquelles il existe un consensus qu'on va leur donner un coup de main? Mais, tout d'un coup, sous le couvert de la compassion, de la justice, de la solidarité et de l'humanisme, comme dit le premier ministre, on les attrape pour des centaines de millions, parce que ce sont surtout elles qui vont payer.

Alors, M. le Président, vous me permettrez de pouvoir continuer avec sérénité à dénoncer ce gouvernement-là, à faire ressortir, quoi qu'en dise la leader adjointe et l'ancien leader du gouvernement par leurs propos, qu'effectivement le premier ministre du Québec et le gouvernement pratiquent le double langage et le double discours. Non seulement le font-ils en économie, ils le font constamment. Dans le pire des cas, le premier ministre nie des choses qui se sont passées, comme il l'a fait à sept reprises aux États-Unis la semaine dernière. Une belle réputation que ça nous fait sur la scène internationale, un premier ministre comme ça!

Dans le meilleur des cas, il ne dit rien. Il ne se lève pas. On lui pose des questions? Il demande au ministre de la Santé de se lever, il demande à la ministre de la Solidarité de se lever, il demande au ministre des Finances de se lever. Dans le meilleur des cas, son silence est éloquent. C'est le bilan zéro de ce gouvernement-là qu'il est en train de plaider lorsqu'il ne dit rien. Mais l'avantage, aussi, c'est que c'est moins difficile de nier quand on ne dit rien, c'est moins difficile de se mêler dans les conversations et dans les réponses aux journalistes lorsqu'on ne dit rien. C'est un silence qui est utile pour le premier ministre, très souvent. C'est un silence qui fait en sorte qu'on ne peut pas l'accuser de double langage quand il fait preuve de double silence.

Mais, en attendant, la pratique de ce gouvernement et de son premier ministre, c'est de dire une chose puis d'en faire une autre. Les journaux, depuis six mois, en sont pleins. Notamment depuis trois mois, ils sont pleins de ces exemples à répétition d'un gouvernement qui promet de faire x et qui fait y, qui parle de compassion, mais qui coupe même chez les démunis. C'est ça, le signe de commerce, la marque de commerce de ce gouvernement-là. Il y a deux discours. La schizophrénie du gouvernement actuel, M. le Président, elle doit être condamnée, elle doit être farouchement opposée, et c'est ça qu'on a fait aujourd'hui. Ça doit être farouchement blâmé également, et c'est ça que je demande à l'Assemblée de faire tout à l'heure, de blâmer le double discours et le double langage du premier ministre et de son gouvernement.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Le débat sur la motion de censure présentée par le chef de l'opposition étant maintenant terminé, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, que l'on appelle les députés.

(12 h 55 – 13 h 1)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés, à l'ordre, s'il vous plaît!


Mise aux voix

Alors, je mets maintenant aux voix la motion du chef de l'opposition qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale condamne sévèrement pour son double langage, notamment en matière de santé, le premier ministre du Québec qui refuse encore une fois de dire clairement aux Québécoises et aux Québécois que l'imposition du régime d'assurance-médicaments répond à une commande budgétaire et qu'à ce titre il s'agit d'un impôt-médicaments.»

Que les députés qui sont en faveur de cette motion se lèvent.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Vice-Président (M. Pinard): Que les députés qui sont contre cette motion se lèvent.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Perron (Duplessis), M. Bertrand (Portneuf), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Rivard (Limoilou), M. Baril (Arthabaska), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Kieffer (Groulx), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), M. Dion (Saint-Hyacinthe), Mme Charest (Rimouski), M. Désilets (Maskinongé).

Le Vice-Président (M. Pinard): Que les députés qui s'abstiennent se lèvent.

Alors, M. le secrétaire général, voulez-vous dévoiler à cette Assemblée le résultat du vote?

Le Secrétaire: Pour:35

Contre:55

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, en vertu des résultats, la motion du chef de l'opposition est rejetée.

Nous allons suspendre les travaux de cette Assemblée jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 8)

(Reprise à 15 h 10)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 31 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 25


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 31, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 25, Loi modifiant le Code civil en matière d'obligation alimentaire. Alors, M. le ministre de la Justice, je vous cède la parole.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, au mois de novembre dernier, lorsque mon collègue m'a posé une question relativement à certaines décisions qui venaient d'être rendues en matière d'obligation alimentaire, j'ai dit en réponse que je confierais un mandat à un groupe de fonctionnaires pour étudier cette question. J'étais loin de penser, à ce moment-là, que cette question entraînerait dans la suite des choses une intervention à travers l'ensemble du Québec pour connaître l'avis des gens, puisqu'il est vite apparu que la question qui était posée ne concernait pas un cas, mais concernait à peu près toutes les personnes qui ont au-delà de 50 ans dans notre société.

Effectivement, M. le Président, certaines décisions rendues en matière d'obligation alimentaire de grands-parents à partir de l'article 585 du Code civil, qui, normalement, n'auraient jamais dû faire l'objet de quelque mention que ce soit, sont vite devenues dans la société un objet d'inquiétude, de préoccupation profonde, comme j'ai rarement vu depuis que je fais de la vie politique. Or, cette disposition visait à faire en sorte que les grands-parents puissent être appelés à contribuer au bénéfice d'un petit-enfant qui était dans le besoin. Très rapidement, comme je viens de le mentionner, j'ai senti le besoin d'aller voir partout à travers le Québec ce que les gens pensaient parce que cette question touchait au coeur même d'une préoccupation profonde que tous les gens ont: c'est la place de la famille; c'est la place de l'enfant dans notre société.

Et je me félicite d'avoir suivi cette préoccupation en allant partout à travers le Québec parce que j'ai entendu des témoignages absolument incroyables qui m'ont touché, mais qui ont touché aussi tous les collègues qui m'ont accompagné dans cette tournée, que ce soient des gens de l'opposition ou que ce soient des gens du côté ministériel. Et tous et toutes, on a entendu que c'était un problème qui rejoignait l'ensemble de la population, les jeunes comme les vieux, les riches comme les pauvres. Tout le monde était préoccupé par ça.

Au point de départ, je vous avoue, M. le Président, que j'étais plutôt d'avis qu'il fallait conserver la disposition qui était prévue au Code civil, mais en balisant cette disposition de manière à permettre au juge de connaître exactement dans quel cadre le législateur voulait que l'on procède. Mais, au fur et à mesure que procédait la consultation, je me suis rendu compte que ça allait au-delà d'une question de balise, que c'était l'objet même de la préoccupation qui était en cause: Est-ce que, oui ou non, on devait garder, au XXe siècle, en 1996, cette disposition-là? Elle correspond et elle correspondait surtout, M. le Président, à une préoccupation profonde à l'époque où la société offrait peu de ressources pour aider les personnes dans le besoin. Chaque famille devait aider les membres de cette famille, et ce, au sens le plus large. Mais, depuis 25, 30 ans, 40 ans, la société, graduellement, s'est donné des moyens, a donné des filets de sécurité, a permis qu'une personne ne soit pas abandonnée totalement à son sort. Au contraire, on s'est donné des moyens d'aider ces personnes dans le besoin.

Mais, aujourd'hui, aussi, ça fait en sorte que la famille n'est plus ce qu'elle était, comme on l'a connue il y a 100 ans, ou 80, ou 50 ans même. La famille n'est plus ce qu'elle était, cette cellule où, du grand-père jusqu'en bas de l'échelle, il y avait une vie commune souvent dans une même résidence ou sur un même terrain, mais c'est devenu quelque chose qui est très différent. Les gens sont dispersés sur le territoire. Il y a beaucoup de familles éclatées. Il y a beaucoup de familles reconstituées. Des personnes d'une même famille ne se sont jamais recontrées – j'entends la famille au sens large, des grands-parents aux petits-enfants. Donc, on a une situation tout à fait nouvelle, et il est vite apparu dans cette consultation que la réponse ne pouvait être de dire que nous allions baliser cette disposition, mais qu'au contraire il fallait l'enlever parce que ça ne correspondait plus à ce que c'était dans notre société d'aujourd'hui.

La plupart du temps, le bénéficiaire qui devait être l'enfant n'était pas celui-là parce que, le grand bénéficiaire, c'était l'État qui déduisait de l'allocation de bien-être social accordée à la mère et à l'enfant le montant reçu de la part des grands-parents. Donc, il n'y avait aucun bénéfice pour l'enfant. D'autre part, on constatait que, alors qu'on disait qu'il fallait garder ce lien, ce recours juridique pour garder la famille unie, je me suis vite rendu compte que, dans les faits, lorsqu'on est rendu à prendre une procédure judiciaire, c'est que ces liens de famille n'existent plus. On est déjà rendu à une autre phase, c'est de réclamer juridiquement quelque chose auquel on pense avoir droit, mais qui révèle en même temps qu'il n'y a plus cette capacité d'amour, de relation, d'octroi de quelque chose sans qu'on soit obligé en vertu de la loi.

Il est apparu également très rapidement que les grands-parents voulaient tous et toutes aider, encourager, favoriser, entraider leurs petits-enfants, mais ils disaient tous et toutes: Nous n'avons pas et nous ne voulons pas être contraints de le faire. Nous voulons aimer nos enfants et nos petits-enfants, et, si on nous menace constamment de procédures judiciaires, on brise ce lien. Et nous le faisons de toute façon, nous les aidons et nous nous entraidons. S'il vous plaît, ne le faites pas.

Ceci étant constaté, ayant été entendu, M. le Président, j'en suis arrivé à la conclusion que nous ne pouvions pas continuer à garder cette disposition dans notre Code civil. J'ai, en conséquence, recommandé à mes collègues du Conseil des ministres de modifier le Code civil pour enlever cette obligation alimentaire. Et je suis persuadé qu'après avoir entendu les parents, les grands-parents, avoir entendu des personnes comme des sociologues, qui nous ont dit que, dans les sondages qu'ils effectuaient et qu'ils avaient effectués tout à fait récemment, les grands-parents, dans les deux ou trois mois qui précédaient, avaient tous eu des relations directes avec leurs petits-enfants et les avaient aidés d'une manière ou d'une autre... Et c'est facilement crédible quand on sait que, dans notre société, les grands-parents servent à tous les jours, soit à accueillir un enfant pendant quelques heures, soit à les garder, soit à les amener quelque part, soit simplement à aller les visiter. Il y a un lien constant entre les grands-parents et les petits-enfants. Ce n'est pas les procédures judiciaires qui vont les aider à maintenir, surtout à entretenir ce genre de lien. Au contraire, je pense qu'on doit laisser les grands-parents aider leurs petits-enfants et trouver d'autres moyens pour aider ceux et celles qui sont dans le besoin momentanément.

En conséquence, M. le Président, j'ai proposé que cet article soit modifié et qu'on n'ait plus, de la part des grands-parents, cette obligation de fournir des sommes d'argent pour aider les petits-enfants, alors que ceux-ci, en bout de piste, ne sont pas les bénéficiaires. Alors, voilà pourquoi, M. le Président, j'ai présenté ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Justice. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Sauvé. M. le député.


M. Marcel Parent

M. Parent: Oui, je vous remercie, M. le Président. Je dois vous dire, M. le Président, que c'est avec un grand plaisir que j'ai écouté le ministre de la Justice nous parler de son cheminement dans la décision qu'il a prise de recommander la correction, d'apporter une correction à l'article 585 du Code civil.

Dans son exposé, le ministre a mentionné qu'il a consulté des gens, il a rencontré du monde, il a été questionné par l'opposition, on lui a fait des suggestions aussi, et ça l'a aidé dans sa réflexion. Je pense que tous les grands-parents du Québec se réjouissent d'avoir affaire à un ministre qui a pris ses responsabilités et qui n'a pas eu peur de corriger une anomalie qui existait dans le vieux Code civil du Québec et qui, malheureusement, a été reportée lors de la refonte du Code civil.

Ce projet de loi là, ce n'est pas sorcier, M. le Président, c'est de faire en sorte de libérer les grands-parents d'une obligation alimentaire envers leurs petits-enfants. La situation qui prévalait au moment où cet article a été inclus dans le Code civil ne ressemblait pas à la situation familiale que l'on vit aujourd'hui. Les traditions familiales du Québec, nos traditions ancestrales font en sorte que la famille était un tout très uni, où les communications étaient faciles. Les communications étaient faciles à ce moment-là à cause de l'isolement. Les gens ne quittaient pas leur milieu de vie, les gens vivaient à l'intérieur du concept familial. Alors, c'était tout à fait normal que, les grands-parents et les petits-enfants ayant un contact régulier entre eux, les communications soient bonnes et qu'il y ait une espèce de système d'entraide informelle, que, d'ailleurs, nous sommes très heureux de posséder dans nos traditions et notre culture.

Mais, malheureusement, avec les changements de climat, les changements de culture, l'exode des gens vers les grandes villes, vers les grands centres urbains, est arrivé le phénomène que nous vivons aujourd'hui, le phénomène de la famille éclatée. Et la famille éclatée fait en sorte que, malheureusement, pour les gens de mon âge, on vit aujourd'hui des situations où il y a des grands-parents qui ne connaissent pas leurs petits-enfants, il y a des petits-enfants qui ne savent même pas qu'ils ont des grands-parents. Et ils apprenaient qu'ils avaient des grands-parents lorsqu'ils vivaient des situations difficiles et qu'on leur disait: Écoute, poursuis donc ton grand-père, parce que ton grand-père est obligé de s'occuper de toi. Et là on voyait des gens traînés devant les tribunaux. Et c'est arrivé à plusieurs occasions, le ministre l'a avoué lui-même tout à l'heure.

(15 h 20)

Des gens, M. le Président, qui avaient eu une rectitude de vie durant toute leur existence. Votre père, mon père, nos grands-parents ont toujours vécu dans le respect des lois. Et ils se voyaient recevoir un subpoena pour passer en cour. Imaginez-vous le traumatisme que ces gens-là vivaient! Moi, je pense à mon père. Mon père, recevoir un subpoena pour passer en cour, mon père, il pense qu'il est un délinquant, il pense qu'il est un bandit. Dans la mentalité, à ce moment-là, c'était ça pour ces gens-là, eux qui avaient fait leur grand possible pendant toute leur vie.

Alors, je pense qu'en abrogeant l'article 585 du Code civil le ministre a fait un geste tout à fait louable, un geste louable, et je suis heureux de dire que l'opposition en retire un certain crédit, parce qu'on a aidé le ministre à prendre sa décision. On a questionné le ministre, on lui a fait des propositions, on lui a suggéré des choses, et le ministre s'est rendu à l'évidence, et le ministre a fait en sorte de corriger cette anomalie.

Où je ne peux pas être tendre avec le ministre du commencement à la fin, ce qu'on peut reprocher au ministre, c'est la lenteur, la lenteur qu'il a mise à corriger cette chose-là. Il a été informé de la situation à la fin du mois d'août, début de campagne référendaire, où les idées et les pensées politiques étaient ailleurs que sur nos travaux parlementaires. Et ça a pris 10 mois. On est rendu aujourd'hui le 11 ou le 12. Le 13? Le 14 juin, aujourd'hui. On est rendu le 14 juin aujourd'hui, et le ministre arrive avec la prise en considération du projet de loi n° 25 qui fait en sorte qu'on va éliminer cette coquille qui existait dans le Code civil.

Pendant ce temps-là, il y a des gens qui ont souffert de préjudices. Pendant ce temps-là, je parlais des gens qui avaient été humiliés, tout à l'heure, qui avaient été traînés devant les tribunaux, qui avaient été sujets à comparaître devant les tribunaux, si on n'aime pas le mot «traînés», M. le Président, mais il y a des gens qui en ont été malades, qui ont fait des petites dépressions. On nous dit même qu'il y a des gens qui ont subi des attaques cardiaques. Mais, ça, ce n'est pas moi qui l'ai dit; on l'a lu dans les journaux. Et, ça, le ministre aurait pu éviter ça s'il ne s'était pas traîné les pieds.

Si le ministre... Son idée était faite, d'abord. Son idée était faite que l'article 585 n'avait plus son sens, n'avait plus sa raison d'être en 1996, mais il a essayé par tous les moyens: consultations ici, demandes à un comité d'experts de travailler, amené ça à son caucus... À son caucus, il a suggéré de baliser le projet pour faire en sorte que certains conservent l'obligation de participer à la pension alimentaire, que d'autres en soient exemptés, et tout ça. Mais, heureusement, son caucus l'a rappelé à l'ordre et il a fait un virage de 180°. Il a dit: C'est vrai, ça n'a plus de sens. L'article 585 n'a plus sa raison d'être, et nous devons reconnaître aux grands-parents du Québec qu'ils n'ont plus cette obligation légale de répondre aux besoins de leurs petits-enfants.

Mais, ça, ça n'empêche pas, mais ça n'empêche pas les grands-parents... On sait tous que les grands-parents, normalement, ceux qui en ont les moyens physiques, ceux qui en ont les moyens mentaux, ceux qui en ont la possibilité, la force pécuniaire pour le faire continuent à aider leurs petits-enfants, continuent à les garder à la maison quand les parents s'absentent, continuent à voir à ce qu'ils ne manquent de rien. C'est, je pense, le lot qui est imparti à tous les grands-parents, dont je fais partie.

Alors, pour ça, M. le Président, je pense que le ministre a eu un très bon geste. Je l'en félicite, et c'est avec plaisir, M. le ministre, que nous souscrivons à la prise en considération du projet de loi n° 25 et que nous voterons pour le projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Sauvé. Alors, y a-t-il d'autres intervenants? M. le député de Rivière-du-Loup, je vous cède la parole.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Je suis heureux, moi aussi, d'appuyer le principe du projet de loi n° 25. Il y a de ça quelques mois déjà, j'avais été rencontrer les gens de mon comté, des personnes du troisième âge, pour être à même de voir la détresse, l'inquiétude qui étaient causées par une situation, par un article du Code civil qui, à première vue, pouvait sembler anodin, mais dont un certain nombre d'interprétations dans l'utilisation, dont on ne savait pas exactement quelle était la source... Est-ce que c'étaient des avocats dans la pratique du droit familial? Certains nous disaient que c'étaient les agents du ministère de la Sécurité du revenu. Quoi qu'il en soit, on sentait que cet article était utilisé pour créer une pression, une pression indue pour des personnes du troisième âge, pour des grands-parents. On s'apercevait aussi que, dans tous les cas qu'on pouvait qualifier de sains, c'est-à-dire où la relation entre les grands-parents et les petits-enfants est une relation saine, une relation où, tout simplement, les enfants bénéficient de l'éducation, de la richesse que peuvent leur apporter leurs grands-parents parce qu'ils ont plein contact avec leurs grands-parents, bien, que, dans ces cas-là, s'il y avait des besoins financiers, souvent sans même qu'on leur demande, les grands-parents achetaient quelque chose, les grands-parents fournissaient quelque chose, fournissaient de l'argent au besoin, etc.

Mais on a vu des cas où cet article-là a été, malheureusement, utilisé dans des situations qui n'étaient pas aussi simples. Moi, j'ai vu des cas de grands-parents qui n'avaient à peu près pas accès à leurs petits-enfants, c'est-à-dire que les parents disaient: On veut avoir l'argent des grands-parents, mais on ne veut pas nécessairement que les enfants voient leurs grands-parents. Parce qu'il y a des situations tendues. Et, souvent, c'est le cas, c'est-à-dire que, quand les gens sont prêts à poursuivre leurs beaux-parents ou leurs propres parents devant les tribunaux en vertu d'un article comme celui-là, sous la recommandation d'un avocat, c'est que souvent la relation entre les petits-enfants puis les grands-parents est loin d'être agréable pour les grands-parents eux-mêmes. Et ils sont déjà placés par ces circonstances-là dans une situation malheureuse, une situation déplorable, une situation triste, et, là, en plus de les traîner des semaines, des mois de temps devant les tribunaux, de les inquiéter, bien, je pense qu'il est apparu, M. le Président, à plusieurs personnes que ça ne pouvait pas continuer comme ça. Et c'est dans cet esprit-là que j'avais moi-même écrit, suite à des représentations, des discussions avec des gens du troisième âge, au ministre pour lui demander d'intervenir là-dessus. Et je pense qu'il a reçu de partout des indications dans le même sens, ce qui l'a amené à rédiger le projet de loi n° 25 et à le présenter devant l'Assemblée nationale.

Alors, je pense qu'on a là un projet de loi qui, cependant – et je pense que c'est important de le dire au moment d'adopter le principe d'un projet de loi comme celui-là – ne devrait surtout pas envoyer un message à la population qu'il faut disloquer les liens entre les générations. On voit avec le Régime de rentes du Québec, les décisions que le gouvernement doit prendre maintenant, on voit un ensemble de mesures nécessaires parce que, d'une génération à l'autre, les transferts de dettes peuvent créer des tensions. Et il ne faudrait pas que l'adoption d'un projet de loi comme celui-là, qui enlève l'obligation alimentaire en ligne directe pour plus d'un degré, signifie pour l'ensemble de la société que le Parlement, les partis politiques qui y sont représentés, en tout cas, en ce qui concerne l'ADQ, on est moins préoccupés par la solidarité entre les générations, par le raffermissement des liens entre les différentes générations. Ce qu'on signifie simplement, c'est qu'on ne souhaite plus que, devant les tribunaux, un article comme celui-là puisse être utilisé pour poursuivre des grands-parents, pour courir après des grands-parents, pour placer les grands-parents devant des situations déplorables.

Et j'ai bien l'impression, M. le Président, que c'est un projet de loi qui a été bien accueilli par les différents groupes de personnes du troisième âge. Certains auraient aimé que le gouvernement agisse encore plus vite dans ce dossier-là, mais le gouvernement a enfin, pour cette session-ci, déposé un projet de loi, et je suis heureux d'en adopter le principe, en espérant qu'on puisse procéder dans les plus brefs délais. Merci, M. le Président.

(15 h 30)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Rivière-du-Loup. M. le député de Marguerite-D'Youville, je vous cède la parole.


M. François Beaulne

M. Beaulne: Merci, M. le Président. J'aimerais à mon tour dire quelques mots à l'étape de l'adoption du principe de ce projet de loi. Dès les premiers moments où les personnes âgées se sont senties préoccupées par l'existence de cette disposition du Code civil, qui, pour une foule de raisons, nous était passée sous silence... Parce qu'en réalité c'est depuis un an ou deux, depuis que certaines causes ont été portées devant les tribunaux que l'ensemble de la population et que l'ensemble des députés ont été conscientisés à l'existence de cette disposition du Code civil.

Et je dois dire que, dès les premières rencontres avec, en particulier, la Fédération de l'âge d'or de la Montérégie, qui faisait circuler une pétition pour faire abolir cet article du Code civil, je me suis senti immédiatement interpellé par les préoccupations qu'exprimaient nos personnes âgées. Interpellé parce que les dispositions du Code civil auraient été valables à l'époque de Molière, où les parents pouvaient être tenus responsables des gestes de leurs enfants dans un contexte où ils décidaient des mariages et décidaient des partenaires que les enfants allaient choisir. Mais, à partir du moment où les parents ne sont plus responsables des liens qu'établissent leurs enfants, je ne vois pas à partir de quel sens d'équité fondamentale on pourrait tenir les grands-parents responsables des gestes positifs ou des frasques de leurs propres enfants.

Et c'est à partir de ce concept-là, M. le Président, que je me suis intéressé à aider les groupes de personnes âgées à promouvoir tout simplement l'abolition de cet article. Le ministre de la Justice avait un triple choix: ou bien il maintenait l'article tel quel, ou bien il l'abrogeait, ou bien il en balisait les dispositions. Suite aux audiences, on a décidé, il a été décidé tout simplement d'abroger l'article, et je pense que c'est la solution la plus raisonnable dans le contexte d'insécurité qu'avait suscité cette controverse.

J'ajouterai également que les sentiments ne se légifèrent pas par des projets de loi et qu'il faut faire confiance aux dispositions naturelles des parents par rapport à leurs enfants et des grands-parents par rapport à leurs petits-enfants pour leur venir en aide lorsqu'ils en ont les moyens.

Voilà, M. le Président, essentiellement, les raisons pour lesquelles j'appuie la décision du ministre d'abroger tout simplement l'article du Code civil et la raison pour laquelle je le félicite d'avoir eu le courage de le faire à cette étape-ci. Je vous remercie.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Marguerite-D'Youville. Alors, il n'y a pas d'autres interventions.

Le rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 25, Loi modifiant le Code civil en matière d'obligation alimentaire, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 33 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 29


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et de l'amendement du ministre

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 33, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission du budget et de l'administration sur le projet de loi n° 29, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives, ainsi que l'amendement transmis en vertu de l'article 252 du règlement par M. le ministre délégué au Revenu. Cet amendement a été déclaré recevable.

Pour les interventions, M. le ministre délégué au Revenu.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Merci, M. le Président. J'ai effectivement le plaisir de soumettre à cette Assemblée, pour prise en considération, le rapport de la commission permanente du budget et de l'administration concernant le projet de loi n° 29.

Ce projet de loi a été présenté aux membres de cette Assemblée le 15 mai 1996, et le principe en a été adopté le 3 juin. La commission permanente du budget et de l'administration en a fait l'étude détaillée les 11 et 12 juin 1996 et en a adopté les 47 articles. Trois amendements ont été adoptés afin, respectivement, de modifier les articles 25, 26 et 30 du projet de loi. Il s'agit d'un projet de loi, donc, qui contient 47 articles et modifie cinq lois à caractère fiscal, dont la principale est la Loi sur le ministère du Revenu.

L'ensemble des modifications contenues dans ce projet de loi consiste principalement à solutionner différents problèmes reliés à l'interprétation et à l'application des lois fiscales. Une première mesure prévoit que l'intérêt sur une créance fiscale sera dorénavant calculée au taux légal lorsqu'une personne s'est prévalue des dispositions concernant le dépôt volontaire. Il s'agit là, M. le Président, d'une mesure qui est à l'avantage du citoyen, très clairement.

Une deuxième mesure consiste, d'une part, à permettre au ministre du Revenu de renoncer à la production de documents qui seraient autrement exigibles en vertu d'une loi fiscale et, d'autre part, à lui reconnaître le pouvoir de révoquer cette renonciation.

Troisièmement, ce projet de loi confie au ministre du Revenu la responsabilité d'identifier les situations lors desquelles un document ou un renseignement peut lui être transmis par voie télématique ou sur support informatique.

En quatrième lieu, ce projet de loi renferme plusieurs mesures venant modifier certaines dispositions à caractère pénal contenues dans la Loi sur le ministère du Revenu.

D'autre part, afin, notamment, de contrôler de façon régulière et continue l'ensemble des comptes à recevoir du ministère du Revenu, le projet de loi n° 29 prévoit, en cinquième lieu, la création d'un fonds spécial destiné à financer la totalité des activités du Centre de perception fiscale.

En sixième lieu, un ensemble de mesures propose de modifier la Loi concernant la taxe sur les carburants afin d'harmoniser ses dispositions relatives aux perquisitions, aux saisies et aux traitements pouvant être accordés aux biens saisis avec celles qui se retrouvent à la Loi concernant l'impôt sur le tabac.

Finalement, M. le Président, les autres mesures contenues dans le projet de loi n° 29 se résument à des modifications plus techniques touchant certaines dispositions de la Loi sur le ministère du Revenu, de la Loi sur les impôts et de la Loi sur le régime de rentes du Québec.

Je dois vous dire, M. le Président, que j'ai certainement grandement apprécié le travail de la commission parlementaire à l'étape de l'examen de ce projet de loi article par article, notamment en ce qui regarde les articles concernant le Centre de perception fiscale et la création d'un fonds à cet effet. Beaucoup d'interventions m'amènent à conclure que cette initiative sera suivie de près, un peu comme une expérience-pilote, et je pense que, effectivement, c'est une disposition qui, en plus de permettre au Centre de perception fiscale de lui donner la marge de manoeuvre nécessaire à effectuer plus efficacement son travail, peut être une initiative dont l'évaluation pourrait nous permettre éventuellement de juger de l'opportunité d'étendre à d'autres agences ou de restreindre éventuellement – on verra d'après les conclusions – l'initiative en question.

Donc, M. le Président, je tiens à remercier l'ensemble des collègues, incluant, bien sûr, ceux de l'opposition officielle et le porte-parole de l'opposition officielle et député de Nelligan, de leur collaboration pour l'étude et la conclusion heureuse en ce qui regarde l'examen article par article de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie M. le ministre délégué au Revenu. Et je vais maintenant céder la parole à M. le député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je m'excuse de vous demander une question de clarification avant. Est-ce que l'amendement a été déposé avec le rapport?

Une voix: Oui,

M. Williams: Oui. Merci beaucoup. Je voudrais prendre quelques minutes, M. le Président, pour faire quelques commentaires sur le rapport et sur le travail de la commission du budget et de l'administration sur le projet de loi n° 29, le projet de loi qui modifie la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives.

Nous avons, pendant toute l'étude détaillée de ce projet de loi, essayé de clarifier les articles de loi et nous avons essayé de mieux comprendre ces articles. Nous avons toujours pensé, M. le Président, que, si les députés comprennent mieux ces articles de loi, la population pourra mieux comprendre ce projet de loi aussi.

(15 h 40)

Nous avons eu plusieurs autres types d'interventions. Et, particulièrement avec le pouvoir accru qu'on peut trouver dans ce projet de loi et la marge de manoeuvre que ce projet de loi donne au ministère, nous avons essayé de donner des balises, d'encadrer le pouvoir discrétionnaire qu'on peut trouver dans ce projet de loi. Je voudrais nommer particulièrement l'article 21 et l'article 34 de la loi n° 29. Et nous avons proposé des amendements. Dans le premier cas, le ministre n'a pas pensé que c'était nécessaire d'avoir ça dans la loi. Nous étions en désaccord avec ça, mais, quand même, le ministre a donné son engagement qu'il va assurer que, malgré que ce ne soit pas une obligation dans la loi, la population sera au courant de toutes ses décisions concernant l'article 21 de ce projet de loi. Et je discute particulièrement le pouvoir de renoncer et le pouvoir de révoquer une renonciation sur les questions d'information nécessaires pour remplir la documentation demandée par le ministère du Revenu. Nous aurions préféré avoir ça dans la loi, mais on accepte de bonne foi ce que dit le ministre: qu'il va s'assurer que la population soit au courant de toute précision à cet égard, du nombre de renonciations et du nombre de révocations des renonciations.

Avec ça, j'ai pensé qu'il serait important de juste... pas trop de paroles sur ça aujourd'hui, mais d'assurer que c'est enregistré une autre fois que le ministre a dit qu'il peut faire que... ce n'est pas nécessairement dans la loi, mais il va faire ça, il nous assure que la population va être au courant de toutes ses décisions concernant l'article 21 de ce projet de loi.

Je suis heureux que le ministre, après son étude entre le travail de la commission et le dépôt du rapport, je suis heureux que le ministre ait vérifié et décidé qu'il acceptait notre amendement, ou l'esprit de notre amendement, pour l'article 34, et il l'a amendé de la façon suivante: «Un sommaire statistique de ces renonciations et annulations a été soumis à chaque année à l'Assemblée nationale, dans les 15 premiers jours d'une session subséquente.» Je pense que ça répond presque d'une façon satisfaisante aux demandes que nous avons faites pendant la session d'étude article par article. Parce que l'article 34 donne un pouvoir assez important. Je voudrais juste rappeler, M. le Président, pourquoi nous avons demandé ce changement.

L'article 34 dit: «Le ministre peut renoncer, en tout ou en partie, à un intérêt, une pénalité ou des frais prévus par une loi fiscale... La décision du ministre ne peut faire l'objet d'une opposition ni d'un appel.» Et nous avons compris l'importance et la nécessité d'avoir une certaine marge de manoeuvre pour le ministre, un pouvoir discrétionnaire, mais nous avons voulu nous assurer que la population soit au courant du nombre de décisions et de l'impact de ces décisions, et je pense que l'amendement à l'article 34 est un excellent ajout à ce projet de loi.

Effectivement, nous avons eu une longue et vigoureuse discussion sur le Fonds de perception, et je pense que si vous voulez sortir les galées du travail de la commission, vous allez apprendre que c'était une discussion tellement utile. Et, effectivement, l'opposition va suivre tous les fonds avec vigueur et avec beaucoup d'intérêt, avec le gouvernement, effectivement, et c'est un engagement unanime, je pense, de tous les parlementaires de la commission du budget et de l'administration. Et c'est pourquoi vous pouvez voir dans le rapport qu'ils ont eu des abstentions, ils ont eu des abstentions de vote sur le chapitre qui touche le Fonds de perception, parce qu'on veut donner une chance à ce Fonds avant qu'on décide d'une opinion finale.

Finalement, M. le Président, en conclusion, nous avons voulu, l'opposition a voulu s'assurer que nous avons clarifié cette loi et que nous avons donné des balises, parce que dans cette session, M. le Président, nous avons vu plusieurs lois qui menaçaient la vie privée de la population québécoise, et c'est pourquoi nous avons étudié ce projet de loi avec la rigueur de tous les autres, mais avec un peu de scepticisme afin de s'assurer que nous n'avons pas donné trop de pouvoirs au ministère du Revenu.

Mr. Speaker, all revenue bills are important and the study of article by article of any law is an important step of the process. And this report, I think, is another example of the excellent work that a permanent parliamentary commission can do. There was amendments, amendments that the Opposition proposed, an amendment at the last minute here that was based on the Opposition's request to make sure that there was a framework and parameters to the discretionary powers of the Minister. I think that's important, and we should continue to work in collaboration on these important tax laws.

Finally, Mr. Speaker, I would like to thank the work of all members of the committee, and our research teams, and the representatives of the Ministry of Revenue. I would also like to say I appreciated that, with all due respect to how one can have long and often emotional debates about language, we found some common ground and we did some adjusting to make some of the language in the English translation of Bill 29 more appropriate for the 1990's, and I appreciate that.

Finalement, M. le Président, je voudrais dire merci aux deux équipes de parlementaires, l'équipe du ministère du Revenu et l'équipe de recherchistes des deux partis, pour cette façon de collaborer ensemble. Et si on peut avoir la chance de travailler dans tous les projets de loi comme ça, je pense qu'on peut améliorer nos projets de loi d'une façon tellement efficace. Je suis malheureux que souvent pendant cette session nous n'ayons pas eu le temps d'étudier au niveau qu'on a voulu tous les projets de loi. Dans ce cas-là, nous en avons eu la chance, et je pense que vous avez un rapport qui reflète le travail que les deux partis ont fait. Avec ça, M. le Président, c'était la conclusion de mes remarques sur le projet de loi n° 29, la Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu. Merci beaucoup.


Mise aux voix de l'amendement du ministre

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Nelligan. Il n'y a pas d'autres interventions? Alors, l'amendement proposé par M. le ministre délégué au Revenu est-il adopté?

Des voix: Adopté.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Le rapport, tel qu'amendé, de la commission du budget et de l'administration portant sur le projet de loi n° 29, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demande de prendre en considération...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, M. le leader, peut-être... Alors, j'ai soumis le projet de loi. J'ai demandé: Est-il adopté? Est-ce que c'est à l'unanimité ou sur division? Simplement, pour qu'on enregistre au procès-verbal...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est le rapport qu'on soumet. M. le député de Nelligan.

M. Williams: La question est: Est-ce que nous avons adopté l'amendement? Nous avons accepté l'amendement. Et le rapport est sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le rapport est adopté sur division. Très bien. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 30 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 18


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 30, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de la culture sur le projet de loi n° 18, Loi sur le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et modifiant d'autres dispositions législatives. Je vais céder la parole à M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens. M. le ministre.

(15 h 50)


M. André Boisclair

M. Boisclair: Oui, M. le Président, il me fait plaisir, à ce moment-ci de nos débats, d'intervenir sur le rapport de la commission de la culture qui a étudié le projet de loi n° 18 dont le principe a été adopté il y a de ça quelques jours à l'Assemblée nationale. Pour en rappeler les grandes lignes, M. le Président, le projet de loi institue un nouveau ministère qui sera le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Ce ministère est un ministère qui aura comme principal mandat de voir à la promotion et à la défense des droits et libertés, qui travaillera, bien sûr, au rapprochement interculturel, à l'ouverture au pluralisme et qui aura une mission toute particulière à l'endroit du mandat gouvernemental qui est celui de l'immigration. J'indique que ses pouvoirs et ses missions s'exerceront aussi en ayant comme objectif de soutenir le sentiment d'appartenance à l'endroit du peuple québécois. Nous vivons ici dans une société bien particulière et, à cet égard, il faut, bien sûr, tenir compte de cette référence.

M. le Président, je voudrais indiquer un certain nombre de réflexions qui nous ont amenés à faire le point sur des amendements qui ont été débattus en commission parlementaire. Essentiellement, ces amendements sont le résultat d'un certain nombre de discussions que j'ai eues avec des partenaires, avec des gens du ministère, avec des gens qui connaissent bien ces questions, qui m'ont amené à préciser un certain nombre d'éléments à l'intérieur du projet de loi. Le plus important et celui sur lequel je voudrais m'arrêter ici aujourd'hui est sur l'obligation qui est faite au ministre d'exercer ses responsabilités et d'utiliser les pouvoirs qui lui sont dévolus par la loi tout en étant capable de susciter le partenariat et la concertation avec les clientèles dont il a la responsabilité.

Je m'explique sur cet amendement, M. le Président. D'abord, vous n'êtes pas sans savoir que le nouveau ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration est un tout nouveau ministère. Ce à quoi nous avons procédé en commission parlementaire et lors de l'adoption du principe du projet de loi n'est certainement pas une simple refonte de différentes lois, pas plus qu'une simple fusion d'organismes ou de ministères, mais l'objectif retenu consiste bien à essayer de tracer une nouvelle vision, de nouvelles orientations. Et à travers ces orientations et à travers, aussi, des organismes qui sont de ma responsabilité, vous aurez remarqué toute l'attention que nous accordons aux différents conseils et aux secrétariats. Je les nomme pour la compréhension du débat: le Conseil de la famille, le Conseil permanent de la jeunesse, le Conseil des aînés ainsi que les deux secrétariats, à la jeunesse et à la famille, ainsi aussi que le Conseil des communautés culturelles, qui sera renommé par le projet de loi le «Conseil des relations interculturelles».

J'ai donc à travailler, en utilisant les pouvoirs qui me sont dévolus par la loi, en concertation avec des clientèles, avec des groupes. Et je voulais bien marquer cette préoccupation, qui est la mienne mais qui est aussi celle de tout le gouvernement, de faire en sorte que les consensus auxquels nous arrivons et de faire en sorte aussi que les plans d'action que nous aurons à développer soient développés en partenariat avec les différents organismes qui sont de ma responsabilité, et particulièrement aussi avec les clientèles qui sont de ma responsabilité.

Essentiellement, nous souhaitons être capables d'associer ces clientèles: donc des groupes de jeunes, des groupes qui s'intéressent aux questions des familles, des groupes qui s'intéressent à la question des aînés et qui représentent ces différentes clientèles. Nous souhaitons être capables de les associer à la prise de décision, mais surtout les associer quant à la définition des orientations gouvernementales. C'est donc cette obligation qui m'est faite maintenant dans le projet de loi n° 18 que nous avons bonifié en commission parlementaire, c'est donc une obligation qui m'est faite de favoriser le partenariat et la concertation avec un certain nombre de clientèles spécifiques. Je pense que c'est là un ajout significatif qui doit être souligné. Je pense que c'est là une vision nouvelle qui nous a amenés, dans la même foulée, à faire une réflexion sur la conférence socioéconomique et à associer l'ensemble des partenaires à la prise de décision. Mais cette même volonté qui est celle du premier ministre et de tout le gouvernement, on en témoigne à l'occasion de la réflexion sur le projet de loi n° 18. Et je tiens à souligner cet élément.

Je sais que nous avons eu des discussions en commission parlementaire. Le député de Laurier-Dorion, avec qui j'ai eu beaucoup de plaisir à échanger en commission parlementaire, m'indiquait qu'il s'étonnait ou qu'il critiquait, ou qu'il ne voyait pas nécessairement, peut-être pour mieux reprendre sa pensée, la pertinence d'ajouter cet élément aux objectifs et à la mission du ministère, mais, prétendait-il, de toute façon, j'ai le pouvoir de le faire. Sans doute que dans les faits stricts le député avait-il raison, mais nous souhaitions cependant être capables de nous faire cette obligation et de nous imposer cette responsabilité de travailler en concertation avec différents groupes et différents organismes.

Ce sera d'autant plus important, M. le Président, de travailler en concertation, en partenariat avec les clientèles dont j'ai la responsabilité, parce que le ministère dont j'aurai maintenant la responsabilité aura à exercer une mission horizontale, en ce sens que le ministère pourra interpeller d'autres ministères. J'aurai la responsabilité de la planification, de la mise en oeuvre et de la coordination des politiques gouvernementales. En somme, ce que ceux et celles qui nous écoutent aujourd'hui doivent comprendre, M. le Président, c'est que les politiques, autant en matière de jeunesse qu'en matière de famille, qu'en matière d'aînés, ne seront pas uniquement des politiques qui relèvent de mon ministère, mais qui, plutôt, et je pense que c'est là un fait nouveau et un fait certainement à souligner, seront des politiques qui seront gouvernementales, donc qui interpelleront l'ensemble de mes collègues du Conseil des ministres. Prenons, par exemple, le cas du ministère de la Santé, du ministère de l'Éducation, des ministères qui, certainement, travaillent avec ces citoyens, qu'ils soient des jeunes, qu'ils soient des aînés ou qu'ils soient parents. Donc, c'est un amendement qui est significatif, je pense, qui a été ajouté au projet de loi.

J'indique aussi, avant que le député de l'opposition le fasse, que nous avons eu un point de discorde, un point où nous ne nous sommes pas entendus. C'est sur la substitution de l'expression «société québécoise», dans le projet de loi, à l'article 10, par «peuple québécois». Il est indiqué à cet article, M. le Président, que le ministre a la responsabilité de favoriser la solidarité intergénérationnelle, doit favoriser aussi l'ouverture au pluralisme et, de ce fait, il favorise l'appartenance au peuple québécois. Le député aurait préféré que nous en restions au libellé qui est «société québécoise». Nous avons eu un long débat sur cette question. Je regrette que nous n'ayons pu nous entendre avec l'opposition sur cette question. Mais ce que je veux dire à ce moment-ci, c'est un peu aussi ce que j'ai rappelé en commission parlementaire. Certains pourraient prétendre, comme le député l'a fait, que l'expression «peuple québécois», dans une interprétation populaire, pourrait être prise de façon un peu exclusive.

En somme, ce que le député nous a expliqué en commission parlementaire... Je ne voudrais pas trahir sa pensée, je sais qu'il prendra la parole après moi... Mais ce que je retiens, en tout cas, de ses interventions, c'est que l'expression «peuple» signifie une nécessaire adhésion qui est libre et qui nous vient de chaque citoyen et que peut-être existe-t-il des citoyens qui vivent au Québec qui ne s'identifient pas nécessairement au peuple québécois. Ce faisant, le député nous expliquait que nous pourrions en arriver à un jugement qui nous amènerait à conclure, disait-il, qu'il y aurait de bons et de mauvais citoyens, ceux qui s'identifient au peuple québécois et les autres.

J'ai bien compris le point de vue du député, mais je veux véritablement le rassurer sur cette question en rappelant ici, à l'Assemblée nationale, devant mes collègues ministériels, devant nos collègues de l'opposition officielle, que la référence au mot «peuple» fait référence à une réalité sociologique et à une réalité politique et que, d'aucune façon, cette expression ou cette appellation ne peut nier des références identitaires ou des références communautaires qui sont celles des citoyens qui composent ce peuple. Le sous-entendu derrière cette affirmation que nous faisons, c'est à l'effet que ceux et celles qui vivent au Québec appartiennent au peuple québécois. C'est d'ailleurs cette vision des choses, ce principe qui nous amènent... Nous, à l'Assemblée nationale, lorsque nous prêtons serment, nous prêtons serment au peuple du Québec. Dans des lois aussi importantes que celles votées par les libéraux, la loi 150 sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, on faisait aussi une référence à la possibilité que le peuple québécois puisse assumer son autodétermination.

Donc, c'est un vocabulaire qui est partagé des deux côtés de la Chambre, qui a été repris dans différentes législations, et il serait faux de prétendre, comme le député l'a fait en commission parlementaire, que l'utilisation de cette expression dans nos législations serait une forme d'archaïsme qui ne réponde pas à une réalité ou, en tout cas, à un consensus populaire quant à sa définition. Son propre gouvernement, M. le Président, dans la loi 150, avait fait une référence directe au peuple québécois. Je fais immédiatement cette précision parce que je suis convaincu que le député de Laurier-Dorion nous entretiendra sur cette question.

(16 heures)

Donc, il s'agit là d'un amendement. Quant aux autres amendements, ils sont plutôt mineurs. Ce sont des arguments qui viennent bonifier le sens du projet de loi mais qui n'ont pas véritablement d'incidence non plus sur le principe ni sur la compréhension que nous avions du principe du projet de loi, d'ailleurs, pas plus que les amendements sur lesquels je viens de m'exprimer. Le travail en commission, M. le Président, s'est bien fait.

Et je terminerai en disant que, suite à l'adoption de ce projet de loi, nous aurons un nouveau ministère avec une nouvelle vision d'un certain nombre de choses et qu'il y a un virage que nous souhaitons proposer à la société québécoise sur le plan des idées et du fond. Et je conclurai en reprenant des paroles du député de Laurier-Dorion: Oui, il ne s'agit que d'intentions, il ne s'agit là que d'un reflet d'un certain nombre d'idées. Cependant, M. le Président, je pense que les idées ont quelque chose de signifiant, elles représentent, elles traduisent une volonté politique. Mais je sais très bien que les députés de l'opposition, tout comme mes collègues ministériels, auront aussi à me juger aux fruits que l'arbre que nous venons de planter donnera. Je suis heureux de vous présenter une nouvelle institution. Je pense qu'il était pour moi important d'abord de faire une réflexion sur le fond, sur des institutions. Et c'est ensemble, avec mes collègues du caucus, avec nos collègues de l'opposition, que nous pourrons bonifier cette vision des choses.

Et je terminerai, M. le Président, en remerciant sincèrement tous ceux et celles qui ont contribué à cette réflexion, au premier titre, mes collègues ministériels, les collègues de l'opposition. Et je voudrais aussi partager, M. le Président, si vous me le permettez, une pensée toute particulière pour les officiers du ministère, qui m'ont été d'un précieux appui pendant toute ces réflexions, de même, si vous me le permettez, M. le Président, saluer tout personnellement l'équipe de mon cabinet, qui a véritablement travaillé d'arrache-pied à cette réflexion dont nous présentons aujourd'hui les conclusions, au moment de cette étude de la prise en considération du rapport de la commission. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Laurier-Dorion.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. M. le Président, je vous remercie de cette occasion de dire quelques mots en Chambre sur une question qui a retenu notre attention, je dirais, pendant deux heures et demie, tout près de trois heures, au niveau de la commission parlementaire, où on s'attendait à finir notre travail en une quinzaine de minutes, parce qu'on s'attendait à autre chose que ce qu'on a trouvé en commission parlementaire. Je reviendrai quelques minutes plus tard sur l'essentiel des échanges que nous avons eus en commission parlementaire.

Permettez-moi peut-être d'abord de vous rappeler que nous avons été en faveur du principe de ce projet de loi en disant qu'il s'agissait là de beaucoup de mots, des mots, des mots et des mots, des énoncés politiques qui sont mis dans un projet de loi. Ce sont des choses à l'égard lesquelles on peut difficilement être contre. Il restera pourtant à voir et à juger l'arbre par ses fruits, éventuellement, à voir dans le concret ce que ça signifie de mettre dans un projet de loi des beaux énoncés puis des beaux principes. Parce qu'on a trop souvent vu, non seulement à ce moment-ci avec ce gouvernement, mais dans l'histoire en général, que quand on met dans nos lois des principes sans moyens, des principes sans objectifs précis, mesurables, quantifiables, évaluables, ça risque d'être quelque chose qui nous permet de faire des discours en Chambre, de nous dire qu'on est beaux puis qu'on est fins, et, au bout de la ligne, ça change très peu de chose dans la réalité, si ce n'est de créer un faux sens de bon pensant, en quelque sorte, M. le Président.

Personne ne met en doute, en tout cas pas totalement et pas à ce stade-ci, la volonté que peut exprimer le ministre de vouloir rapprocher, de vouloir travailler à ce qu'on puisse réconcilier un certain nombre de choses. Et c'est dans ce sens-là que nous avons dit, lors de l'adoption du principe de ce projet de loi, qu'il n'y avait pas d'objection majeure de la part de l'opposition et que ça demeurait quand même quelque chose de très général, sans programme précis qu'on pouvait évaluer, puis qu'on retiendrait notre jugement pour la suite des choses, qu'éventuellement le ministre serait appelé à présenter des programmes, à faire adopter des projets de loi plus précis, plus spécifiques par rapport à des clientèles concernées, que ce soit à l'un des deux niveaux qui le concernent, soit au niveau des relations avec les citoyens, entre guillemets, parce que ça touche une série d'éléments qui sont des fois très disparates les uns des autres, allant, par exemple, de la protection des droits et libertés des personnes et des jeunes à la protection des consommateurs d'électricité. Il y a donc des responsabilités que le ministre a sous le volet relations avec les citoyens qui nécessiteront au bout de la ligne certaines actions de sa part qui nous permettront de juger un certain nombre de choses.

L'essentiel, pourtant, quand on discute de la question des relations avec les citoyens dans le contexte dans lequel nous nous trouvons, et quand on sait que ce ministère est également responsable de l'immigration et, donc, en conséquence, de toute la question du pluralisme québécois, de la multitude de communautés ethnoculturelles qui ont choisi de venir ici et de vivre avec nous dans une société qui évolue ensemble, M. le Président, c'est là où les conséquences des paroles, des fois... Et on l'a vu, ça aussi, récemment, et je me réfère au référendum en particulier, où nous avons passé à travers une période qui était pas mal «divisive» et qui a laissé des séquelles par la suite, qui ne sont toujours pas réglées, M. le Président, au niveau des relations entre les différentes composantes de la société. Et toutes les actions et les paroles ont un effet, les gestes auront certainement un effet également.

Pour ce qui est des gestes, nous attendrons de voir. Mais, pour ce qui est des paroles, nous avons pu constater, et j'ai pu personnellement constater, au niveau des deux séances de travail que nous avons eues en commission parlementaire, qu'il y a une mauvaise compréhension des choses quant à ce qui peut être significatif ou non de la part du ministre. Nous avons eu – et je m'explique – l'occasion, dans un premier temps, de nous rencontrer en commission parlementaire, de regarder ensemble et dans un esprit de collaboration assez ouvert l'ensemble du projet de loi et l'ensemble des amendements que le ministre proposait d'amener, en tout cas, ceux qui étaient sur la table. Ceux qui étaient sur la table ont été des amendements que le ministre lui-même avait indiqués; il n'avait pas encore eu l'occasion de visiter le Comité de législation pour pouvoir les entériner ou, en tout cas, voir si les expressions juridiques correspondaient à la volonté recherchée. En aucun temps durant ces discussions l'amendement qui nous a par la suite, en deuxième séance, causé des discussions, disons, animées pendant tout près de trois heures, en aucun temps durant la première séance cet amendement n'a été abordé, insinué ou mentionné de façon concrète par le ministre, M. le Président.

Donc, dans la première rencontre qu'on avait et dans tout le travail qui précédait cette rencontre-là, les échanges avec le ministre ont toujours été ouverts, sans arrière-pensée, avec tous les items de l'agenda sur la table. Quel ne fut pas mon étonnement, M. le Président, de constater que, lors de la deuxième séance de travail de la commission, durant laquelle on avait effectivement décidé... Durant la première, on avait effectivement décidé de regarder de plus près les trois articles qui étaient un peu plus substantiels dans l'ensemble du projet de loi, les articles 10, 11 et 12, qui parlaient un peu des pouvoirs et des fonctions du ministre. Quel ne fut pas mon étonnement, M. le Président, de constater tout d'un coup que le ministre apportait un amendement qui est loin d'être insignifiant, qui est loin d'être «insignificatif», et ça a été présenté d'une façon, comment dirais-je, comme si de rien n'était, comme si c'était juste une petite arrière-pensée technique qu'on avait pensée entre les deux séances de la commission parlementaire, M. le Président.

Et c'est de là, M. le Président, où, dans un premier temps, un feu jaune s'est allumé dans mon esprit. Si – et je veux le dire – ça va être la façon avec laquelle le ministre va continuer à travailler, on va procéder dorénavant avec beaucoup de prudence par rapport à la volonté qu'il exprime de travailler ouvertement, de travailler avec ses cartes sur la table, et on va toujours commencer à penser qu'il cache des choses dans son agenda réel. Parce que je dirais – et je l'ai dit au ministre – que je me suis senti un peu comme si on s'était fait avoir. Parce que, M. le Président, de deux choses l'une: soit le ministre est inconscient de la portée et de la signification de son amendement, auquel cas il ne mérite pas d'être au poste où il est, ou il est très conscient de la portée et de la signification de l'amendement, auquel cas il a joué avec des fausses représentations. Alors, dans les deux situations, M. le Président, ça nous permet de croire que nous n'avons pas affaire à quelqu'un, à ce stade-ci, qui joue tout à fait ouvertement, tel qu'il nous l'avait dit.

(16 h 10)

Cela étant dit, revenons un peu sur le fond de la situation, parce que, ça, c'est sur la forme et ça concerne plus les relations de travail qu'on espère envisager dans l'avenir avec le ministre. Et je lui répéterais qu'il a toujours été de mon intention d'aborder ce dossier de la façon la plus constructive possible, parce que je crois sincèrement qu'il y a un problème réel au niveau de la société, un problème de société qui va au-delà des lignes de parti. On peut avoir des options différentes, on peut avoir des visées, des objectifs politiques différents, mais, quand va venir le temps d'utiliser de la stratégie sur le dos de la division de la société, nous, on va débarquer. Nous, on va débarquer, M. le Président, parce qu'à la longue ça voudrait dire qu'on oublie que, peu importe ce qui arrive, on va continuer à évoluer ensemble sur ce territoire et sur cette terre comme société, M. le Président, ensemble. Et, nous, on ne veut pas l'oublier. Et c'est pour ça que je trouvais la façon de procéder choquante.

Maintenant, sur le fond. Est-ce que cet amendement est insignifiant? Est-ce que c'est quelque chose qui est juste un changement de mots, M. le Président? Premièrement, ce n'est pas un amendement qui a été suggéré par le Comité de législation, sûrement pas, pour correspondre mieux aux prérequis juridiques d'un projet de loi. C'est un amendement politique, c'est une déclaration politique, un objectif politique qui est mis de l'avant. Et ce n'est pas pour rien dire que le législateur parle, M. le Président. Alors, quand on prend la peine de changer quelque chose qui dit – et je vais la lire dans sa façon initiale, la motion avec laquelle nous étions parfaitement d'accord, avec laquelle il n'y avait aucun problème et dont, même, on partageait l'objectif, M. le Président: «Le ministre est chargé de promouvoir la solidarité entre les générations, l'ouverture au pluralisme et le rapprochement interculturel»... D'ailleurs, on aurait pu très bien s'en tenir et, même, on aurait préféré s'en tenir à ça, déclarer ce que le ministre est tenu de promouvoir, point, à la ligne. L'essentiel de l'article, il est là, normalement. On dit: Voici ce que le ministre doit promouvoir dans son rôle de ministre. Il doit promouvoir la solidarité entre les générations, l'ouverture au pluralisme, le rapprochement interculturel.

L'article continuait, dans sa version initiale, M. le Président en disant: «favorisant ainsi l'appartenance à la société québécoise». Parfait, pas de problème. Nous faisons tous partie de la société québécoise. Il n'y a personne qui peut contester ça, il n'y a personne qui peut dire autre chose que: C'est un reflet de la réalité. Il y a une société qui s'est organisée sur un territoire qui est celui du Québec, qui s'est donné des instruments pour gérer son avenir, et cette société, dans le cas du Québec, est composée de plusieurs éléments. Un premier élément, M. le Président, un élément majeur qui compose la société québécoise: Est-ce que, communément, dans le langage populaire utilisé avec beaucoup d'habileté, je dirais, par l'actuel ministre durant toute la campagne référendaire, premier élément principal, élément moteur de la société québécoise, c'est le peuple québécois? C'est évident. Et quand je dis que, durant la campagne référendaire, ça a été mis de l'avant avec beaucoup d'habileté par les tenants du Oui, personne ne va nier ça, M. le Président.

Mais, cela étant fait, il était clair et il est toujours clair que la société québécoise n'est pas composée uniquement par le peuple québécois. Il y a dans la société d'autres composantes, M. le Président. Il y a la communauté anglophone, qui, pour beaucoup, ne se sent pas comme faisant partie du peuple québécois. Il y a les peuples autochtones, le peuple cri, le peuple montagnais, le peuple mohawk, qui, eux non plus, ne se sentent pas comme faisant partie du peuple québécois, M. le Président. Et ce que je disais et ce que je veux répéter ici, en cette Chambre, c'est qu'il n'y a pas de mal à ça nécessairement.

Les gens qui évoluent et qui vivent dans une société doivent avoir la liberté de choisir leur appartenance, M. le Président. Et ce n'est pas parce qu'on veut faire des mots puis dire tout simplement que oui, mais on utilise le mot «peuple» dans le sens de tous ceux qui habitent le territoire du Québec, et quand on prête serment au peuple du Québec... Ce n'est pas ça, M. le Président. On est tous des adultes ici, normalement, on se comprend bien, on comprend de quoi il s'agit quand on veut dire des choses. On peut comprendre aussi que, quand un ministre d'un gouvernement avec une option particulière utilise une phrase qui a fait l'objet central de la campagne référendaire, de la promotion de son option, revient par la suite avec l'introduction de cet élément dans une loi qui, jusque-là, faisait tout à fait le consensus et permettait de l'envisager dans le sens d'un rapprochement, ce ministre exécute une stratégie gouvernementale, M. le Président, qui continue dans le sens de ce qui a été fait durant la campagne référendaire, de promotion de l'option et faisant la démonstration ainsi, comme on le craint et comme on le dit souvent, que ce gouvernement est prêt à utiliser tous les instruments de l'État, indépendamment de la volonté populaire exprimée, pour continuer à faire la promotion de son option.

Parce que je me replace maintenant, M. le Président, dans le contexte de quelqu'un qui voudrait véritablement favoriser l'appartenance à la société québécoise et permettre les plus grandes chances possible pour que tous ceux qui vivent dans cette société choisissent librement et eux-mêmes d'appartenir au peuple québécois qui existe bel et bien dans la société québécoise et qui est son élément moteur, majeur, fondamental dans la société.

Alors, plaçons-nous dans le contexte de quelqu'un qui voudrait véritablement faire un travail honnête de rapprochement. Faisons abstraction de stratégie immédiate partisane, M. le Président, et pensons deux secondes à ce qu'on vient de faire en votant l'amendement que le ministre nous a forcés d'adopter – nous, on a voté contre, évidemment – quand il dit que, dorénavant, ce n'est plus l'appartenance à la société québécoise qu'on veut favoriser, mais que le ministre est chargé de promouvoir la solidarité entre les générations, l'ouverture au pluralisme et le rapprochement interculturel, favorisant ainsi, maintenant, l'appartenance au peuple québécois.

Alors, là, M. le Président, on vient de dire que le rôle du ministre, c'est de favoriser la solidarité, l'ouverture au pluralisme et que la conséquence de ça, normalement, devrait être de favoriser ainsi l'appartenance non pas à la société québécoise, mais au peuple québécois. Donc, c'est un message qui est envoyé à tous les autres éléments de la société, la communauté anglophone, les nations autochtones, les groupes particuliers, par exemple. Je pense, par exemple, je ne sais pas, moi... Je vais vous donner l'exemple des juifs hassidiques, par exemple, qui peuvent très bien ne pas se considérer comme faisant partie du peuple québécois mais qui veulent évoluer librement dans une société démocratique, libre, en respectant les règles de base, par exemple les règles linguistiques, les règles de partage d'un certain nombre de valeurs, etc. Et puis il y a d'autres groupes comme ça dans la société. On vient de dire à ces gens-là que l'État va favoriser la solidarité, l'ouverture au pluralisme, etc., et que, normalement, l'arrière-pensée, l'attache qu'on met dorénavant devant les gens, c'est que, si, nous, on va être généreux en favorisant toutes ces belles choses, ce n'est que normal que le retour soit que les gens se sentent comme appartenant dorénavant au peuple québécois pour que, comme conséquence intellectuelle, si vous voulez, de cette démarche... Elle est quoi? Elle est, finalement, de promouvoir l'homogénéisation de la société, de faire en sorte que, éventuellement, société et peuple québécois veuillent dire la même chose, un peu comme le ministre les présente, comme s'ils étaient interchangeables.

Ce n'est pas vrai, M. le Président, ça n'a pas le même sens. Ça n'a pas le même effet. Quand on sort du Québec et de nos frontières, même du Canada, et qu'on regarde la planète, puis qu'on parle de peuple, qu'est-ce qui vient dans notre esprit? On parle du peuple arménien, du peuple grec, du peuple juif, du peuple italien, du peuple croate, du peuple serbe, et, quand on parle du peuple québécois, à ce moment-là, qui existe dans la société, on parle d'une entité homogène. Et, quand on fait le remplacement entre société et peuple si facilement, on vient de donner un message aussi aux autres éléments de la société qui ne font pas partie ou qui ne sentent pas cette appartenance au peuple qu'il y a comme quelque chose de pas très correct dans leur affaire. S'ils vivent dans cette société, ils devraient peut-être sentir leur appartenance au peuple québécois.

(16 h 20)

Je constate qu'il y en a qui ont des expressions de surprise, mais c'est parce que peut-être qu'ils devraient s'attarder un peu plus longuement, faisant abstraction de leurs objectifs partisans, et regarder ça comme si on était dans un autre pays, pour évaluer les conséquences de ça. Je comprends le ministre, parce que c'est la vision fondamentale qui nous sépare: leur vision du Québec, c'est, éventuellement, une vision d'un Québec homogène, une vision d'un Québec qui, même en faisant la promotion du pluralisme, va finir par aboutir à une société où le peuple québécois et la société québécoise vont vouloir dire la même chose.

Et, moi, je vous dis tout simplement, M. le Président, que c'est... Et j'avais commencé cette partie de mon intervention en vous disant: Mettons-nous, deux secondes, à la place de quelqu'un qui voudrait favoriser véritablement cette appartenance et voudrait le faire en laissant la liberté aux gens, parce que c'est ça qu'on devrait faire. Et c'est ce qu'on prône de ce côté-ci. On ne prône pas, entendons-nous bien, là, de nier l'existence du peuple québécois. Il y en a qui ont essayé de nous faire dire ça, M. le Président. C'était une démarche pas tout à fait, intellectuellement, correcte, pour ne pas utiliser le mot «honnête», que certains ont prêté comme intention, à cause des objections qu'on avait, à l'effet qu'on voulait ainsi nier l'existence du peuple québécois. Je le redis, le peuple québécois est l'élément majeur de la société québécoise.

Mais, si je voulais véritablement favoriser une plus grande appartenance de la part d'autres éléments composant la société, comment est-ce qu'on devrait s'y prendre? Non pas de cette façon, M. le Président, mais en étant plus matures, plus ouverts, plus capables d'être «sécures» dans ce que nous sommes comme peuple, comme société aussi, avec la croyance fondamentale que les gens sont libres de décider d'eux-mêmes leur appartenance.

Et, dans ce sens-là, on aurait dû, normalement – et j'ai été bien surpris de voir, M. le Président, qu'un amendement dans ce sens-là a été refusé comme étant irrecevable – tout simplement dire que le ministre est chargé de promouvoir la solidarité entre les générations, l'ouverture au pluralisme et le rapprochement interculturel. Si c'est ça, nos objectifs, M. le Président, arrêtons là et laissons aux gens qui vont vivre cette façon de faire, qui vont sentir une véritable ouverture d'esprit... Qui va venir de qui? Qui va venir de l'Assemblée nationale. L'expression principale de la volonté du peuple québécois de continuer d'évoluer, ils vont la sentir comme une véritable acceptation, sans attaches, sans conditions, une acceptation qui dit: Vous aussi, tout le monde, on fait partie du Québec.

Et la conséquence normale, c'est que tout adulte, par la suite, M. le Président, dira: Effectivement, il y a au Québec un peuple qui évolue et qui agit de façon généreuse, de façon ouverte, de façon à entretenir une solidarité entre les générations et l'acceptation et le pluralisme, et où il est plus facile de sentir l'appartenance parce que tu n'as rien qui te dit: Je fais ça, mais je le fais pour favoriser ainsi mon appartenance au peuple québécois, à mon peuple, si vous voulez.

C'est ça, l'effet réel de l'amendement, M. le Président. Et les objections qu'on avait étaient dans le sens que, si, véritablement, vous voulez favoriser le rapprochement entre les différentes composantes de la société, ancrer l'appartenance de tous ces éléments qui veulent auprès du peuple québécois et tenir compte du fait que, cette appartenance, elle est quelque chose d'évolutif... ça évolue, M. le Président, ce n'est pas quelque chose qui arrive de façon instantanée. C'est peut-être quelque chose que, par exemple, la première génération de gens qui choisissent de venir ici ne vont pas sentir. Peut-être la deuxième, peut-être la troisième génération. Mais ça va être quelque chose qui sera davantage accéléré si c'est permis comme un choix libre de la part de ceux qui sont concernés, M. le Président, plutôt que de le présenter, comme l'ont fait malheureusement le ministre et le gouvernement, comme une conséquence souhaitée de la générosité qu'on démontre. Il y a du marchandage dans l'air, en quelque sorte, M. le Président.

Et quand je disais que ça pourrait conduire certains à croire, à ce moment-là – je pense que c'est une évidence – que ceux qui disent qu'ils sentent leur appartenance au peuple québécois seraient vus comme ceux qui auraient fait le bon choix, et ceux qui continueraient à dire qu'ils ne se sentent pas comme faisant partie du peuple seraient peut-être vus par ceux qui, en tout cas, présentent cet amendement ou ceux qui trouvent que ce parti représente pour eux quelque chose, ces gens-là pourraient peut-être sentir que ceux qui n'affichent pas leur appartenance ou qui ne la sentent pas ne sont peut-être pas tout à fait encore Québécois. Et c'est là où je disais, M. le Président: Si on se plaçait dans la perspective d'un véritable rapprochement, d'une véritable volonté au-delà de nos stratégies partisanes et nos stratégies politiques précises, ce serait quelque chose qu'on pourrait tout simplement affirmer en termes de charge de promotion que le ministre aurait, sans faire référence à ce que ça peut ainsi ou autrement favoriser. Si c'est une incidence, ne parlons pas de l'incidence, parlons de l'essentiel. Mais, si le ministre prend la peine de venir avec un amendement pour nous dire que ce n'est pas juste une incidence, c'est peut-être parce que ça ne l'est pas, M. le Président.

Et je reviens au début de mon intervention. De deux choses l'une: soit c'est important ou ça ne l'est pas. Si c'est important, le ministre aurait dû le savoir et nous prévenir dès le départ qu'un débat de fond allait être soulevé, et ne pas se prêter, ne pas se prêter comme il le fait trop facilement aux velléités stratégiques d'autres dans son gouvernement. Et je suis gentil quand je dis ça comme ça, M. le Président, parce que je ne lui prête pas l'intention de vouloir le faire, mais je lui prête, à lui, l'incapacité d'avoir vu cette affaire et d'avoir pris la position qui aurait dit, dans l'esprit que je veux travailler, dans l'esprit que j'ai maintes fois répété sur la place publique: Si vous me mettez ça autour du pied, c'est un boulet que vous allez me mettre autour du pied.

Et, effectivement, le ministre commence avec un boulet autour du pied, M. le Président, parce que, dans un premier temps, ses objectifs sont suspects. Et, dorénavant, je pense que tout le monde qui serait visé par ses démonstrations d'ouverture vers la solidarité, l'interculturalisme, etc., le pluralisme, devrait commencer à se poser la question: Pourquoi et qu'est-ce qui est visé, ou attendu, plutôt?

Et, moi, je termine en disant tout simplement, M. le Président, que dans une société normale... parce que voilà un autre mot qui a été souvent utilisé, dans un contexte un peu différent et pas en lien avec la société, en lien avec le peuple, mais dans une société normale, le législateur affirme ce qu'il veut faire, le fait vis-à-vis des citoyens, le fait en fonction de ses valeurs et ses croyances et laisse, par la suite, les conséquences de ses gestes être vécues par ceux vers lesquels il oriente ses actions, M. le Président, en l'occurrence les personnes qui seraient concernées par le ministère en question.

Alors, avec ça, M. le Président – en dépit de ça, je devrais dire – pour ce qui est de l'ensemble du projet de loi, nous n'avons pas, pour l'instant, changé notre attitude vis-à-vis de son adoption, mais je fais tout simplement remarquer au ministre que, les débats de fond, il faut les aborder de front, pas comme il l'a fait, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laurier-Dorion. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le ministre, vous avez un cinq minutes d'intervention.


M. André Boisclair

M. Boisclair: Très rapidement, M. le Président. Je voudrais remercier le député de son appui renouvelé. Vous aurez remarqué une chose assez étrange, c'est que le député a recommencé son intervention en me disant que mon projet de loi ne contenait que des mots, que des mots, que des mots, et qu'à la limite c'était un peu sans importance et que, ce qui comptait, c'était les gestes, les actions. Et pourtant, il prend plus de la moitié de son intervention pour discuter du sens des mots.

(16 h 30)

Nous allons au moins nous entendre sur une chose, c'est que le sens des mots est effectivement important, et ce qu'il y a derrière ce projet de loi, ce sont certainement beaucoup plus que des mots. Lorsque nous avons mis de côté cette expression «communautés culturelles» pour en arriver à une réflexion plus large alentour de la citoyenneté et des relations civiques, lorsque je parle du décloisonnement entre différentes clientèles, lorsque je parle de la mission horizontale que le ministère se donne, le député comprendra donc le sens qu'il y a derrière ces mots et que cette réflexion que nous avons est une réflexion, je pense, nouvelle. Elle indique un virage, et je pense que nous prenons, nous inscrivons... Dans la foulée de la réflexion qui s'est faite par le Parti libéral lorsqu'il était au gouvernement, avec l'énoncé de politique, nous allons un pas plus loin pour donner, pour projeter encore plus loin la réflexion entreprise par le gouvernement précédent.

Je terminerai sur une réflexion, M. le Président. Lorsque le député intervient sur le mot «peuple», il nous dit que cela suppose une adhésion volontaire et que certaines personnes, dans l'imagerie populaire, nous disait-il, pourraient se sentir exclues du peuple québécois. Il nous indiquait qu'il serait préférable de laisser les gens spontanément adhérer au peuple québécois. Si nous reprenions ce même raisonnement – et je suis convaincu qu'il va comprendre ce que je veux dire – si je reprenais ce même raisonnement sur l'expression «Québécois et Québécoises», est-ce que le député ferait cette même réflexion, est-ce qu'il dirait: Bien, nous sommes des citoyens, et, à un moment donné, bien, on peut devenir Québécois ou Québécoises, mais laissons les choses aller?

M. le Président, je sais que ce n'est pas ça, les intentions du député, et je ne lui prête pas ces intentions, mais, lorsque que je sais les personnalités de certaines personnes qui l'entourent, à mon tour, je peux m'inquiéter. Parce que je sais que, malgré l'énoncé de politique adopté par son gouvernement, le successeur de Mme Gagnon-Tremblay, le député de Mont-Royal, est allé inscrire dans le projet de loi des articles qui étaient tout à fait contraires à l'énoncé de politique de Mme Gagnon-Tremblay en indiquant que le gouvernement se donnait comme mandat de voir au maintien et au développement des cultures d'origine, et il nous faisait retomber dans le multiculturalisme que la députée de Saint-François avait elle-même écarté en préférant revenir sur les relations interculturelles, sur l'ouverture au pluralisme et sur les notions d'égalité.

Alors, les réflexions que le député fait sur le mot «peuple» pourraient aussi être vraies sur l'expression «Québécois et Québécoises». Je pense, M. le Président, que nous sommes tous les deux de bonne foi. Je mettrai de côté les accusations que je peux faire à certaines personnes de son parti quant à leurs intentions réelles, je lui demande de faire la même chose pour ce qui est de notre gouvernement, M. le Président, et pour celui qui vous parle. Je vous remercie.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le ministre. Ceci met fin au débat. Le rapport de la commission de la culture portant sur le projet de loi n° 18, Loi sur le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et modifiant d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

M. Sirros: Le projet de loi ou le rapport de la commission?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le rapport, s'il vous plaît.

M. Sirros: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le rapport, sur division. Le rapport est adopté, sur division. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 5 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 37


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 5, Mme la ministre de l'Éducation propose l'adoption du principe du projet de loi n° 37, Loi favorisant la conclusion d'ententes dans le secteur de l'éducation. Mme la ministre de l'Éducation, je vous cède la parole.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. En fait, c'est un projet de loi que je n'avais pas vraiment le goût de déposer, en toute honnêteté, et je dois le dire devant les membres de cette Assemblée, parce qu'il m'amène à intervenir à l'égard d'une entente qui ne parvient pas à se conclure entre la Fédération des commissions scolaires et la centrale des enseignants et des enseignantes du Québec, M. le Président. C'est toujours un peu décevant, finalement, quand on doit intervenir entre des parties alors que, nous-mêmes, on est concerné comme employeur, avec d'ailleurs la Fédération des commissions scolaires du Québec et les autres fédérations concernées – j'y viendrai, M. le Président. Évidemment, c'est toujours... ce n'est pas souhaitable qu'une chose comme celle-là se passe, puisque ça signifie qu'il y a eu mésentente, qu'on n'a pas réussi à tirer des conclusions où, de part et d'autre, chacun trouvait son compte dans la suite de la négociation collective.

Je vais essayer de rappeler un peu le contexte, M. le Président, et brièvement expliciter ce que comporte l'entente actuelle, que je viendrai entériner par le pouvoir que m'accordera la loi lorsque nous l'aurons adoptée. Souvenez-vous d'abord, M. le Président, que nous avons engagé des négociations à l'été 1995 pour revoir l'ensemble de nos conventions collectives, d'une part, sous l'angle salarial, mais aussi – et, pour moi, ça a été un aspect particulièrement important des échanges que nous avons eus à ce moment-là – pour ouvrir des nouvelles façons de faire en relations de travail, des nouvelles pistes d'échanges entre les parties pour permettre qu'on s'attaque, entre autres, à des questions comme l'organisation du travail, permettant à chacun d'y trouver son compte, c'est-à-dire qu'on change nos façons de faire pour, ensemble, trouver des économies qui nous permettent de préserver l'essentiel des systèmes dans lesquels on a investi et qui concernent l'éducation de nos enfants, M. le Président.

Et je pense que nous avons réussi à franchir un pas de géant dans ce sens-là. D'ailleurs, nous avons, à toutes fins pratiques, signé toutes les conventions collectives. Et ce dont on parle aujourd'hui, c'est une entente spécifique qui concerne une économie à laquelle s'était obligée la CEQ dans le cadre de la négociation, c'est-à-dire qu'elle s'était obligée à des résultats, elle s'était engagée à atteindre des résultats, évidemment, sur la base d'une négociation avec les commissions scolaires de même qu'avec nous, comme gouvernement, bien sûr, puisque nous sommes partenaire patronal, à ce moment-ci.

On a donc innové, je crois, à bien des égards. D'abord, un, on a signé, ce qui n'était pas peu dire, sans que personne n'emporte la caisse, ce qui, là encore, était assez remarquable quand on pense aux sommes qui ont été mises en cause et qui ont été très, très, je dirais, très peu importantes, tout compte fait, et qui n'ont pas, dans certains cas, même, été intégrées aux échelles de salaire des personnels concernés. Je pense que chacun a été très raisonnable. On a été plutôt, d'ailleurs, du côté des régimes de rentes, des pensions, des régimes complémentaires de rentes, pour nous assurer de se donner, aussi de ce côté-là, des outils permettant à des gens de quitter plus rapidement le système, laissant de la place, donc, à des jeunes qui voulaient y entrer et, d'autre part, permettant à des gens de ne pas être pénalisés s'ils voulaient quitter pour la retraite.

Donc, je pense qu'on a franchi des pas de géant sous ces angles-là et sous l'angle, aussi, d'une nouvelle façon de faire, de négocier, de discuter de sujets qu'autrement on n'abordait pas. Et je dois souligner quand même, M. le Président, parce qu'on l'oublie trop souvent, en disant: Ah! Il y a eu des ententes, le gouvernement a dû verser des sommes sur les hausses salariales et puis, finalement, les employés et les enseignants, entre autres, de l'éducation, ont peu fourni, dans tout ça. Bien, c'est faux, M. le Président, puisque l'ensemble des enseignants et enseignantes concernés par les conventions, de même que les autres personnels, ont fourni des sommes considérables.

Pensons, entre autres – ce sur quoi j'interviendrai d'ici quelques instants quant aux mesures concernées – à l'économie à laquelle s'est engagée la centrale des enseignantes et des enseignants du Québec, soit une somme de 100 000 000 $ pour 1996-1997, une même somme pour l'année qui suit, et une somme moindre, mais avec effet récurrent, pour l'année suivante, dans le cadre de la convention collective. D'ailleurs, la loi que nous étudions aujourd'hui, M. le Président, me permettra d'intervenir dans le cadre de la convention actuellement signée et n'étend pas les pouvoirs que j'acquiers ainsi à d'autres types d'ententes qu'on pourrait avoir par la suite. Alors, c'est un engagement énorme. Cherchez, dans l'histoire de nos relations de travail, une telle obligation de résultat, acceptée de part et d'autre, qui fait en sorte qu'on va, dans le cadre des conditions de travail du personnel, aller chercher pour une valeur de 100 000 000 $ sur une année. Ce n'est quand même pas négligeable, M. le Président, c'est même absolument remarquable.

(16 h 40)

À partir de là – et là je vais faire un petit peu, et rapidement, un petit rappel des événements qui se sont passés – il y a eu des négociations entre les différentes parties. Je suis intervenue, évidemment, un peu tard dans le processus, je n'en disconviens pas, mais ayant été aussi nommée à la responsabilité que j'occupe maintenant depuis à peine quelques mois. Alors, je vais essayer de rappeler ce qui s'est passé, comment je suis intervenue et ce qui m'a amenée à prendre la décision de proposer aux membres de cette Assemblée d'adopter la loi qui est devant nous.

Bon, alors, c'est donc en décembre 1995 que les parties ont signé la convention collective, et elle prévoit, cette convention, que les parties vont convenir d'entreprendre des discussions qui vont mener à la modification de conventions collectives – si utile – pour générer des économies de 100 000 000 $. C'est ce que je rappelais au début de mon intervention. On avait fixé un temps pour atteindre cet objectif. C'est bien normal qu'on ait fixé un temps, M. le Président, puisqu'il faut que les commissions scolaires puissent planifier leur budget, puissent faire leur programmation et sachent exactement sur quelles sommes elles vont pouvoir compter et quelles sont les activités qu'elles vont pouvoir assumer. Donc, on avait fixé au 22 février 1996 l'échéance quant à l'entente sur le 100 000 000 $ qu'on devait trouver à l'intérieur des conditions de travail ou dans des mesures qui concernaient les personnels et le personnel enseignant d'une façon plus particulière.

Deux mois après l'échéance fixée, malheureusement, l'impasse persistait, soit en avril dernier. Et, donc, le 22 avril, j'ai indiqué, d'ailleurs très clairement, lors de la commission parlementaire de l'éducation où on étudiait les crédits du ministère, que je souhaitais fortement que les parties en viennent à une entente et que, d'ailleurs, si les parties n'en venaient pas à une entente, il y avait de prévu à la convention un mécanisme qui permettait de reconnaître cette somme de 100 000 000 $ par l'intermédiaire d'une forme de congé de paiement, si on veut, de journées pédagogiques, qui était assez élevé, évidemment, puisque c'est quand même une somme considérable.

Je me suis engagée dans des échanges et dans des rencontres avec les représentants des parties parce que je trouvais que, si on pouvait faire progresser le débat pour que chacun signe sur ce fameux 100 000 000 $ à économiser, on serait encore davantage gagnant que cela ne l'a été par rapport à l'ensemble de la convention. Et, pour moi, et j'espère que cette expérience nous permettra, pour la suite des choses, de retenir de cela certaines leçons pour que l'on puisse corriger dans les années qui viennent, mais, cela étant, je me suis permis de rencontrer les parties, de prendre une forme de distance – et je l'ai très clairement dit aux gens des commissions scolaires – et j'ai constaté un certain nombre de choses.

Les parties, d'abord, voulaient une entente sur la totalité du 100 000 000 $, et c'est évident que, du côté des syndicats, on avait accepté un deux jours de congé sans traitement et que c'était déjà énorme, important. Il faut bien voir que, un deux jours de congé sans traitement, ça veut dire deux jours de congé où on ne sera pas payé. On se comprend, hein? Donc, c'est directement dans la poche des gens, là, que l'on va chercher les économies. Ce ne sont pas des économies théoriques, ça, hein? Ça concerne les personnes elles-mêmes. Et, à ce moment-là, j'ai aussi constaté qu'il était possible, parce qu'on avait identifié d'autres endroits où on pouvait aller chercher des sous, d'aller chercher des économies ailleurs que dans les revenus versés directement aux enseignants, mais qui concernaient leurs conditions de travail, soit directes ou périphériques. Et j'ai constaté que 50 % du montant d'économies prévues proposées par les enseignants avaient un impact direct sur les revenus des enseignants et des enseignantes, et ce, les unes et les uns pris individuellement.

Alors, le 13 mai dernier, après que j'ai eu constaté que les mécanismes réguliers de négociation n'avaient pas encore permis d'en arriver à une entente... N'oublions pas, nous sommes le 13 mai. On avait fixé une échéance à la fin février. On était déjà très loin de l'échéance. Alors, constatant donc qu'on n'arrivait pas à une entente, assumant mes responsabilités à titre de ministre de l'Éducation, je croyais que je devais intervenir directement. Donc, ce que j'ai essayé de faire, ce n'est pas d'imposer à l'un ou à l'autre une ou l'autre des hypothèses qui étaient sur la table, parce qu'il y en a quelques-unes qui étaient là. Et je dois vous dire que les enseignants et les enseignantes, bon, malgré que les commissions scolaires aient été en désaccord avec ce qu'on leur a proposé, ont identifié à hauteur de 100 000 000 $ des mesures qui les concernaient, comme je le dis, pour la moitié, directement sur leur feuille de paie, et pour l'autre moitié, dans des conditions générales.

Qu'est-ce que j'ai fait à ce moment-là pour tenter d'aider les parties et assumer ainsi ma responsabilité ministérielle? J'ai rencontré le président de la Fédération des enseignants et enseignantes des commissions scolaires du Québec; j'ai rencontré la présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec; j'ai rencontré la présidente de l'Association québécoise des commissions scolaires. J'ai fait le point avec elles et avec eux sur le litige. J'ai demandé, de part et d'autre, qu'on m'accorde la plus entière collaboration. J'ai insisté sur un nécessaire changement, je vous dirais, dans nos attitudes, dans nos approches, qu'on ne se braque pas, qu'on accepte d'explorer des choses qui, à prime abord, pouvaient apparaître difficilement touchables. Mais c'est sûr que, quand on fait des changements, il faut accepter d'aller vers l'inconnu, il faut accepter de regarder des pistes qui, autrement, nous apparaissaient inutiles à explorer.

Donc, j'ai insisté pour que chacun fasse un ultime effort pour arriver à une entente, et là j'ai fixé un délai très court parce que je croyais qu'on ne pouvait plus laisser perdurer un telle situation. D'abord, les situations qui traînent, comme celle-là, risquent de s'envenimer, mais je ne reviens pas sur le fait que les commissions scolaires avaient besoin d'une décision claire afin de faire leur planification budgétaire. Je me suis donc fixé un délai de cinq jours à partir du moment où j'ai rencontré chacune des parties concernées. Je peux vous dire que j'ai eu clairement le sentiment, à ce moment-là, que mes interlocutrices et que mes interlocuteurs acceptaient de collaborer. Je peux vous dire que j'ai été même très optimiste, et je le suis restée, soit dit en passant, jusqu'à la fin. Je pense que c'est comme ça qu'on dit bien aux parties que, lorsque chacun y met tout ce qu'il peut, bien sûr, de bonne foi, de bonne volonté, on finit par arriver à une solution.

En fait, le 17 mai, j'ai dû cependant constater, M. le Président, que les parties n'arrivaient pas à une entente. J'ai donc, là encore, assumé mes responsabilités. J'ai revu à nouveau les présidentes, les présidents d'association et j'ai pris sur moi, à partir de la connaissance que j'avais des propositions des unes, des uns et des autres... J'avais des propositions devant moi. Elles venaient des enseignantes et des enseignants, elles venaient des commissions scolaires. J'ai donc pris, j'ai donc reçu ces propositions et, à partir de celles-là, j'ai fait et bâti avec mes collaborateurs et collaboratrices, bien sûr, une hypothèse de règlement qui prenait en considération toutes ces hypothèses qui avaient été élaborées au cours des trois derniers mois et, je vous dirais cependant, surtout les hypothèses qui avaient été explorées dans les dernières semaines, là où j'avais explicitement demandé aux parties de tenter un rapprochement.

Alors, j'ai donc évalué toutes ces propositions. J'en ai fait une, que j'ai présentée aux parties. J'ai demandé aux parties de l'accepter. Je n'ai pas, effectivement, à ce moment-là, manifesté d'ouverture autrement que de dire: Je crois que je fais faire un bout de chemin à chacun. Les enseignants et les enseignantes faisaient un bout de chemin, les fédérations de commissions scolaires ou associations de commissions scolaires faisaient aussi un bout de chemin, et ça m'apparaissait acceptable. D'ailleurs, les écarts des propositions des uns et des autres étaient de l'ordre de quelques millions de dollars. Sur 100 000 000 $, une dizaine de millions de dollars, ce n'est pas une somme considérable, M. le Président. Mais, cependant, il m'apparaissait qu'il était temps que nous tirions des conclusions.

(16 h 50)

Ma proposition finale de règlement a été acceptée par la partie représentant les enseignants et les enseignantes. Les deux fédérations d'employeurs l'ont malheureusement refusée. Je peux comprendre aussi leurs raisons, mais, malgré tout, à ce moment-là, j'ai poursuivi mes efforts pour obtenir de leur part un appui. Et, à travers tous ces échanges, toutes ces discussions, elles ont à nouveau refusé ce que je leur avais proposé. Mais je pense qu'il était, à ce moment-là, peut-être trop tard. Chacune des parties avait fait son nid, comme on dit, et les efforts qui auraient peut-être pu être faits au début du processus ont été faits à un moment dans le processus où il n'était plus possible, pour les uns et les autres, d'accepter l'une ou l'autre des avenues. Cependant, je dois quand même confirmer ici, M. le Président, que la proposition déposée, que j'ai bâtie sur les hypothèses qui avaient été explorées entre les parties, a été acceptée par les enseignantes et les enseignants qui sont représentés par leur Centrale.

À partir de là, je ne voulais pas et je ne croyais pas raisonnable, compte tenu des efforts que tous et toutes avaient consentis, je ne croyais pas qu'il était raisonnable de me tourner vers l'article de la convention qui le prévoit – j'aurais pu le faire – et dire: Maintenant, ce n'est plus deux congés sans rémunération que vous allez devoir prendre, ce sera six congés sans rémunération. Je crois que l'effort qui était demandé était à la bonne hauteur, était suffisant, qu'utiliser la convention nous mettait dans une situation de conflit inutile, à mon point de vue, et j'ai donc pris la décision de proposer la loi que nous étudions aujourd'hui, M. le Président, de telle sorte que nous puissions trancher le litige. Et, essentiellement, ce que je ferai... parce que ce n'est pas dans la loi, évidemment; la loi me donne le pouvoir de trouver un règlement, donc de régler, ce n'est donc pas dans la loi, mais il est évident que ce que j'appliquerai, et les parties le savent, c'est l'hypothèse que je leur avais soumise, qui avait été acceptée d'une part et rejetée d'autre part.

Évidemment, je limite l'application de la loi à la présente convention. J'aurais pu la limiter aussi à la présente opération, mais je la limite à la présente convention. Pourquoi la limiter à la présente convention mais pas à la présente opération? Parce qu'il y aura encore deux années à venir où nous aurons à discuter d'un événement semblable, sur lequel on devra s'entendre, soit un effort de l'ordre de 100 000 000 $ consenti par les enseignants et les enseignantes. Est-ce que ce sera semblable à ce qu'on a fait cette année? Est-ce que ce sera un autre projet? À nous d'en débattre et d'en discuter. Et j'espère ne pas avoir à réintervenir, ni l'an prochain ni les années subséquentes, parce que je pense que nous avons... et que nous maturons ensemble, comme parties, autant les parties patronales que les parties syndicales. Mais, cependant, je crois qu'il était raisonnable et sage de prévoir au moins cette entente, c'est-à-dire cette loi qui couvre la convention actuelle.

Je veux revenir maintenant, avant de terminer, M. le Président, sur les leçons qu'on doit tirer de ce qu'on vient de vivre. Vous savez, quand on veut implanter des changements, c'est normal qu'il y ait de la réticence, c'est normal qu'il y ait de la résistance. C'est difficile de pouvoir projeter dans le temps ce que seront les résultats de ces changements. C'est évident que la nouvelle façon de négocier, de discuter, sort des sentiers battus. C'est évident que c'est complètement inusité, complètement exceptionnel qu'un syndicat accepte d'aller dans ses conditions de travail pour participer aux efforts collectifs au plan budgétaire. Alors, il faut baliser le chemin qui va nous permettre de réussir. Enfin, il faut mettre des balises qui vont devenir des conditions de réussite si on veut y arriver.

Penser réorganisation du travail entre des partenaires qui se sont vus souvent en opposition, en conflit, ce sont des attitudes différentes à développer, ce sont des façons autres de faire, et j'ai déjà invité l'une et l'autre des parties. Je suis allée rencontrer la Fédération des commissions scolaires, l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires. Je suis allée rencontrer les représentantes et les représentants des enseignantes et des enseignants. J'ai tenu le même discours à l'un et à l'autre. Il y avait une partie, d'ailleurs, exactement, je dirais, qui était un plagiat – puisqu'on est dans le domaine de l'éducation – de l'une sur l'autre pour bien dire aux enseignants, pour bien dire aux directions d'écoles, aux administrateurs: Je n'aurai pas deux langages, je n'en aurai qu'un. Mais je pense qu'ensemble on est quand même capables de trouver des solutions innovatrices dans un contexte de contraintes, dans un contexte difficile, je ne le cache pas. Bien sûr, c'est évident que faire des efforts à la hauteur de ce que l'on demande maintenant, au plan budgétaire, est considérable, compte tenu de ce que l'on a connu dans le passé.

Il faut donc transformer nos façons de faire, aborder différemment nos négociations, améliorer notre climat de relations de travail, et je pense que c'est fait. Et je pense que c'est dans la bonne voie, et je ne suis pas inquiète pour l'avenir. Ça ne veut pas dire que ce sera facile. Ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas des oppositions, qu'il n'y aura pas, à l'occasion, certains conflits, mais je crois que le climat est meilleur en termes de collaboration.

Donc, cette loi, elle ne règle pas tout. Elle permet que je puisse régler un conflit qui n'aboutissait pas. Elle est aussi un signal – j'espère qu'il sera pris au sérieux, ce signal – qu'il y a une volonté très ferme de la part du gouvernement, de ma part, de changer les choses et, malgré cette loi, dans un esprit de partenariat. Et, pour en avoir discuté avec mes partenaires, je crois qu'ils sont prêts à s'engager dans cette nouvelle façon de faire. Je ne blâme donc ni l'une ni l'autre des parties. Je dis à tout le monde, cependant: Il faut que nous collaborions, que nous acceptions de changer nos attitudes et nos approches et, surtout, il faut, ensemble, que nous réussissions. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de l'Éducation. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions le débat.

M. Ouimet: Question de directive, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, je...

M. Ouimet: La ministre de l'Éducation vient de lancer le débat. Normalement, il serait dans l'ordre des choses de pouvoir poursuivre le débat à ce moment-ci. Peut-on m'assurer de l'autre côté que la ministre de l'Éducation sera ici ce soir, à 20 heures, pour que je puisse répliquer au projet de loi qu'elle dépose? Ce n'est pas un petit projet de loi, M. le Président, c'est une loi spéciale.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je fais une motion pour ajourner le débat et, avant de faire cette motion, je peux vous dire qu'il y a eu des pourparlers entre le leader de l'opposition et le leader du gouvernement relativement à ça. Je pensais que le député était au courant que j'allais faire une motion d'ajournement du débat. Et j'ai même vérifié, avant de faire cette motion, à savoir s'il était bien au courant que j'allais le faire. Alors, M. le Président, la motion est faite. Alors, est-ce qu'elle est adoptée ou non? C'est à vous, à ce moment-là, de faire le...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui.

M. Ouimet: ...ça m'apparaît un processus important, à savoir: Est-ce que la ministre sera en Chambre à 20 heures, ce soir, lorsque nous allons reprendre le débat, pour qu'elle puisse écouter mes propos par rapport à ce projet de loi qui est quand même extrêmement important. C'est une loi spéciale. On vient de tasser...

Le Vice-Président (M. Pinard): Non, non, mais je le sais. Monsieur...

M. Ouimet: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le...

M. Bélanger: On va régler le problème. Je vais retirer ma motion d'ajournement des débats et... Je retire ma motion d'ajournement du débat.

(17 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon. Alors, je reconnais maintenant le député de Marquette. M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Nous sommes aujourd'hui face à un projet de loi, le projet de loi n° 37, Loi favorisant la conclusion d'ententes dans le secteur de l'éducation. Le but visé par ce projet de loi, M. le Président, parce que la ministre a beaucoup parlé de ses partenaires en éducation, j'ai retenu certains de ses propos: elle veut innover, et elle le fait, dit-elle, dans un esprit de partenariat, et elle souhaite, ni plus ni moins, qu'entériner une entente qui a déjà été convenue.

Lorsque nous regardons la réalité des choses par rapport à cette négociation sur le 100 000 000 $, la ministre, par ce projet de loi, vient tout simplement se substituer au comité patronal, elle vient s'asseoir à leur place pour, M. le Président, signer une entente elle-même avec la partie syndicale. Pourtant, c'est l'enjeu fondamental... Un des enjeux du débat, M. le Président, c'est le respect de la signature du gouvernement à l'entente, à la convention collective, d'une part, et le respect de la parole de la ministre, qui nous a affirmé à maintes reprises en commission parlementaire qu'elle n'interviendrait pas, qu'elle respecterait la convention collective, que c'était une entente signée librement entre les parties et que, M. le Président, elle ne se substituerait pas aux parties.

À ce moment-ci, M. le Président, je pense qu'il est opportun de rappeler à la ministre les propos qu'elle tenait en commission parlementaire le 22 avril dernier. Elle disait ceci: «...idéalement, là. Moi, je l'avais compris comme ça quand je l'ai négocié, je l'ai moi-même négocié.» Alors, la ministre était partie prenante à cette entente, cette convention collective. Plus loin, elle nous dit ceci: «Je ferai remarquer aux membres de la commission, et en tout respect pour mon collègue, le député de Marquette, que je n'impose rien, que c'est par la voie de la négociation que les parties ont convenu de ce qui est là – dans la convention collective. Ils ont convenu eux-mêmes que, s'ils ne réussissaient pas à s'entendre, c'était la deuxième avenue qui s'appliquait.» Or, quelle était cette deuxième avenue qui était connue de toutes les parties impliquées, la ministre, la Fédération des commissions scolaires, l'Association québécoise des commissions scolaires et la partie syndicale? «Mais, moi, je n'impose rien, disait-elle, j'applique les résultats des négociations qui ont eu cours entre deux parties consentantes. Je n'ai pas fait de décret, aucun, et je n'en ferai pas. Cependant, les parties ont convenu que, si elles ne s'entendaient pas, il y avait une mesure qui était prévue, et c'est celle-là.» Je ne ferai pas de décret, je n'interviendrai pas. Elle disait plus tard ceci: «La solution est là. Moi, je ne décréterai rien, on se comprend bien. Je n'ai pas besoin de décréter, les parties ont convenu et elles ont signé ce document. Dans ce document, il est bien indiqué que, si elles ne s'entendent pas, voici la mesure qui s'appliquera. Elle s'appliquera.» Ça, c'était le discours au 22 avril dernier.

Aujourd'hui, M. le Président, la ministre de l'Éducation, ancienne présidente du Conseil du trésor, qui était une partie prenante à la signature de cette convention collective, elle l'a elle-même négociée, tel qu'elle l'a admis en cette Chambre. Aujourd'hui, M. le Président, elle ne respecte pas la parole qu'elle a elle-même donnée aux parties, partie patronale, partie syndicale. Elle renie sa signature de la convention collective et elle s'apprête à imposer elle-même sa solution. Et, pire que ça, M. le Président, pire que ça, elle nous a fait des représentations en commission parlementaire pour nous dire qu'elle n'interviendrait pas, qu'elle ne décréterait rien. C'est les engagements qu'elle avait pris au 22 avril dernier, et la réalité est maintenant tout autre.

Elle intervient, elle dépose un projet de loi, elle tasse complètement son partenaire privilégié, qui est le comité patronal, et ça, pour imposer sa solution. Où est le respect de la parole donnée par la ministre aux parlementaires, en commission parlementaire lors de l'étude des crédits, et à ses partenaires privilégiés, la Fédération des commissions scolaires du Québec et l'Association québécoise des commissions scolaires? Et puis, par la suite, elle entraîne la CEQ également. Elle décide de ne pas respecter ce qu'elle a elle-même négocié, ce qu'elle a elle-même signé et les représentations qu'elle nous a faites en commission parlementaire.

Voilà le nouvel esprit de partenariat dans lequel la ministre veut nous entraîner. Elle semblait être si fière d'innover. Est-ce que c'est la façon d'innover? Et qu'est-ce que ça laisse entendre pour la suite des choses? L'expression préférée de la ministre de l'Éducation: la suite des choses. Si elle ne tient pas parole, si elle ne respecte pas sa signature, comment pouvons-nous la croire lorsqu'elle dit, par exemple: On veut aller dans ces directions-là? Exemple, on veut implanter des commissions scolaires linguistiques, on veut faire telle chose, on veut faire telle autre chose, c'est l'engagement que je prends. Et pourtant, devant l'engagement que nous avons devant nous, blanc sur noir, convention collective signée, la ministre décide de renier sa propre signature. Ça m'apparaît, M. le Président, indécent, indécent qu'à titre de présidente du Conseil du trésor, ministre de l'Éducation, qui doit travailler en étroite collaboration avec les commissions scolaires, ce qu'elle fait, elle tasse complètement son partenaire patronal.

Et plus que ça, M. le Président, plus que ça. On retrouve à la convention collective l'élément suivant: c'est la ministre elle-même qui donnait des mandats de négociation au comité patronal. Elle-même donnait des mandats de négociation au comité patronal. La partie patronale s'en est tenue aux directives du Conseil du trésor, parce qu'elle était présidente du Conseil du trésor, et là, aujourd'hui, ces gens-là se font trahir, littéralement trahir par la ministre de l'Éducation. Ce n'est pas peu dire! Ce n'est pas peu dire, M. le Président!

Et elle dit: C'est dans l'esprit d'innover. Moi, si la ministre entend innover de cette façon-là, ça m'inquiète grandement. J'imagine que ça inquiète énormément la Fédération des commissions scolaires. Comment peut-on se fier à une ministre, un ancien président de Conseil du trésor, un gouvernement qui ne respecte même pas l'entente que le gouvernement a signée, que les parties ont signée dans le cadre de cette convention collective? Parce que, M. le Président, s'il y a impasse, s'il n'y a pas entente, les parties avaient prévu le mécanisme qui s'appliquerait. Le mécanisme, il est prévu à l'annexe de la convention collective, et il dit ceci, à la clause 6, page 278: «Dans le cas où le total des économies générées par les modifications identifiées n'atteignent pas la cible de 100 000 000 $ pour cette année scolaire, l'écart entre le montant généré et la cible est comblé par les jours ou parties de jour de congé sans traitement pris à même les journées pédagogiques prévues.»

(17 h 10)

Voilà l'entente, voilà la compréhension des partenaires, voilà le reflet d'une entente signée entre la partie syndicale, la partie patronale, la ministre de l'Éducation et le Conseil du trésor. Aujourd'hui, on tasse ça complètement. C'est un contrat, M. le Président, c'est un contrat extrêmement important, c'est une convention collective. Et les gens qui l'ont négociée l'ont négociée sur la base du mandat qui avait été donné par cette même ministre de l'Éducation qui, à l'époque, était présidente du Conseil du trésor. Comment comprendre cela? Et ce n'est pas comme si on devait imposer aux enseignants six jours et demi de congé sans traitement. L'écart entre les parties, sur 100 000 000 $, les parties avaient une entente sur 93 000 000 $; il ne restait qu'un 7 000 000 $. Aujourd'hui, la ministre a décidé de tasser complètement son partenaire, le comité patronal, et elle décide qu'elle va s'asseoir elle-même pour signer une entente avec la CEQ. Et je comprends le partenaire syndical d'appuyer la démarche de la ministre, parce que la ministre a décidé d'aller dans le sens de la partie syndicale. La solution que retient aujourd'hui, ou que va retenir la ministre lorsqu'elle aura le pouvoir qu'elle veut se donner avec cette loi spéciale, c'est qu'elle va imposer à la partie patronale et à elle-même, elle va imposer la solution du syndicat.

Alors, M. le Président, le syndicat se retrouve maintenant – et voilà le précédent extrêmement dangereux que veut implanter la ministre de l'Éducation – avec deux droits dorénavant: le syndicat va tenter de s'entendre, dans un premier temps, avec le comité patronal; si le comité patronal ne s'accorde pas avec la partie syndicale, si les parties n'arrivent pas à s'entendre, pas de problème, dit l'ancienne présidente du Conseil du trésor, pas de problème, vous avez maintenant un recours, vous pouvez faire ce que nous allons faire ici, vous allez avoir un droit d'appel. Moi, je vais arbitrer la situation et je vais tasser la partie patronale. Même si c'est nous, comme gouvernement, qui donnons des mandats de négociation à la partie patronale, vous allez pouvoir venir, on va s'asseoir ensemble et on va s'entendre.

Et le risque, M. le Président, le risque avec ce gouvernement-là, c'est le risque qui s'est concrétisé la veille du référendum. Le risque, c'est que le gouvernement a acheté le vote de plusieurs personnes en offrant 1 000 000 000 $ sur la table, et ça, il ne faut pas l'oublier, parce qu'aujourd'hui cette même présidente du Conseil du trésor, qui est maintenant ministre de l'Éducation, impose des compressions budgétaires sans précédent aux élèves, aux parents, et augmente le fardeau fiscal des contribuables. C'est ça qui est le danger ici.

M. le Président, comment accepter, comment tolérer un tel projet de loi? Et la ministre nous le présentait comme si... c'est dans un esprit de partenariat, c'est pour innover, ça augurera bien pour la suite des choses. C'est extrêmement dangereux, ce que vous êtes en train de faire, extrêmement dangereux pour la population québécoise. Le précédent que vous invoquez est extrêmement dangereux parce qu'on n'a aucune garantie, et le comité patronal n'a aucune garantie que le gouvernement n'implantera pas cette mesure de façon permanente, parce que dans un an, M. le Président, au moins dans un an, la même négociation va revenir, le 100 000 000 $, les parties vont devoir s'asseoir à la même table pour négocier un autre 100 000 000 $. Quels seront les mandats donnés au comité patronal? Quelle confiance les négociateurs pourront avoir en ce gouvernement lorsque ce gouvernement donne des mandats de négociation et puis, par la suite, dit: On n'aime pas l'entente que vous êtes en train d'obtenir, on vous tasse complètement et, nous, on va signer avec la partie syndicale?

Bravo! dit le député de Joliette. Et c'est ainsi qu'on a... Bravo! dit le député de Laviolette, parce que c'est très beau, ça: on va pouvoir s'entendre avec les syndicats, puis on va passer des gens qui ont peut-être l'intérêt des élèves à coeur, plus que ce gouvernement-là. Et on voit ce qui s'est passé la veille du référendum, M. le Président, c'est ce que le gouvernement tente de faire. On le sait, il existe entre ce gouvernement et les syndicats un pacte de non-agression, et ça, c'est tiré à même le livre du chef du gouvernement, Lucien Bouchard.

M. Bélanger: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement, je vous écoute.

M. Bélanger: Vous savez, M. le Président, qu'on ne peut désigner un membre de cette Assemblée autrement que par son titre ou que par son comté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous connaissez cette règle, M. le député de Marquette, alors je vous invite à poursuivre votre allocution tout en respectant, en tous points, notre règlement. M. le député.

M. Ouimet: Alors, M. le Président, on l'aura bien compris, là, c'est le premier ministre lui-même qui écrivait dans son livre qu'il existe entre le Parti québécois, lorsqu'il est au gouvernement, et les centrales syndicales un pacte de non-agression. Alors qu'il y a des gens...

Parce qu'il faut bien comprendre ça, M. le Président, quel est l'intérêt d'un syndicat? Quel est l'objectif et la mission d'un syndicat? Un syndicat, c'est là pour protéger l'intérêt de ses membres. Ministre de l'Éducation, c'est supposé d'être là pour protéger l'intérêt des élèves et des parents, les commissions scolaires aussi. Lorsque le gouvernement tasse ces gens-là et décide de se substituer à eux autres et qu'il existe entre le gouvernement et les syndicats des pactes de non-agression, on va se retrouver dans la même situation dans laquelle on s'est retrouvé la veille du référendum, des cadeaux de 1 000 000 000 $, et, aujourd'hui, on est en train de payer pour cela. Les élèves du Québec sont en train de payer pour ça, les parents sont en train de payer pour ça, les contribuables, et dans à peu près tous les domaines. Et on voyait, encore aujourd'hui, que le gouvernement fesse dans les plus démunis de notre société parce que ces gens-là ne sont pas protégés. Le gouvernement, avec son partenaire syndical privilégié, a décidé de tasser le comité patronal. C'est assez surprenant!

Qu'arrive-t-il de la parole donnée par la ministre de l'Éducation aux parlementaires? C'est quoi, la garantie, M. le Président, de la députée de Taillon dorénavant? Comment on va pouvoir se fier lorsqu'elle se lève en cette Chambre ou lorsque je la questionne en crédits, en commission parlementaire, et qu'elle me donne l'assurance qu'elle va faire telle ou telle ou telle chose? Moi, M. le Président, je présume la bonne foi, je vais me fier à elle. On se rend compte, quelques semaines, quelques mois plus tard, que ce n'est plus ça du tout; la parole donnée au mois d'avril n'est plus valable pour ce gouvernement lorsque arrive le mois de juin. Des signatures apposées dans une convention collective, on peut les renier, on peut mettre ça de côté, et on légifère avec une loi spéciale. Si la partie syndicale avait été de l'autre côté de la barrière, victime, M. le Président, je pense que, devant l'Assemblée nationale, il y aurait d'importantes manifestations. Mais, compte tenu que c'est la partie patronale, les gens qui sont, en principe, les partenaires privilégiés du gouvernement, la ministre ne semble pas s'objecter à de telles choses. Et là ça vient miner toute la confiance qui doit exister entre le gouvernement et les comités patronaux qui siègent pour négocier des ententes avec, en leurs poches, des mandats donnés par le Conseil du trésor.

Quel message la ministre envoie aujourd'hui au comité patronal? Pas juste dans le domaine de l'éducation, dans tous les autres domaines, le gouvernement a décidé: Nous, on peut faire des ententes privément, seuls, avec la partie syndicale et malgré les négociations du comité patronal, malgré les mandats de négociation donnés, ça a peu d'importance aux yeux du gouvernement. Et c'est de cette façon-là qu'on veut innover.

(17 h 20)

Et je vais reprendre, M. le Président – parce que peut-être qu'on les a oubliées – les déclarations de la ministre de l'Éducation, du 22 avril dernier: Voilà la parole donnée. Je n'impose rien. C'est par la voie de la négociation que les parties ont convenu de ce qui est là, et elles ont convenu elles-mêmes que, si elles ne réussissaient pas à s'entendre, c'était la deuxième avenue qui s'appliquait, deuxième avenue prévue dans la convention collective. Elle répète une deuxième fois: Mais, moi, je n'impose rien. J'applique les résultats des négociations qui ont eu cours entre deux parties consentantes. Les négociations entre les deux parties consentantes sont prévues dans cette convention collective. Je n'ai pas fait de décret, aucun – ça, c'est une loi spéciale – et je n'en ferai pas.

On est rendu au mois de juin. On se retrouve avec ceci: Et, cependant, les parties ont convenu que, si elles ne s'entendaient pas, il y avait des mesures qui étaient prévues à celle-là. Elle revient un peu plus tard, elle dit encore ceci: Cependant, la solution est là, et, moi, je ne décréterai rien. On se comprend bien? À l'époque, on se comprenait bien. Mais, aujourd'hui, on ne se comprend plus. La ministre a trahi la parole qu'elle nous a donnée en commission parlementaire. Elle a trahi la signature qu'elle a apposée au bas de la convention collective. Elle a trahi les mandats qu'elle a donnés – mandats de négociation au comité patronal – et il n'y a personne dans ce gouvernement-là aujourd'hui qui semble s'offusquer de ça. Le député de Laviolette, ancien militant syndical, semble accepter ça, lui, comme si de rien n'était, parce que c'est l'oeuvre de son gouvernement. Mais il doit avoir des problèmes de fond avec ça. Ça n'a pas de bon sens, ce qui est en train de se faire. Et, M. le Président, ça va revenir l'année prochaine. Ça va revenir l'année suivante. Le précédent est créé. La crédibilité et la confiance sont minées.

Je parlais aujourd'hui avec la Fédération des commissions scolaires: Comment est-ce qu'on doit se comporter dorénavant? On exécute des mandats de négociation qui nous sont donnés par l'ancienne présidente du Conseil du trésor. Elle-même, elle admettait: J'ai moi-même négocié cette entente-là. Et, aujourd'hui, c'est trahi, tout ça. Et elle ne se retrouve pas à n'importe quel poste, là. Elle se retrouve au poste de ministre de l'Éducation où elle doit traiter avec les commissions scolaires qui sont ses partenaires privilégiés. Et, à la table de négociation, il ne faut jamais l'oublier, la partie syndicale n'est pas un partenaire du gouvernement. C'est un partenaire en éducation, mais, lorsque vient le temps de négocier des ententes, la partie syndicale n'est pas un partenaire du gouvernement.

Et, pour la suite des choses, comment les négociateurs qui vont s'asseoir à la table, qui vont avoir reçu un mandat du Conseil du trésor... Quelle sera leur crédibilité face à la partie syndicale? La partie syndicale aura toujours comme police d'assurance, dans sa poche arrière, la loi spéciale que veut voter le gouvernement. Et ça dit quoi, cette police d'assurance là? Si vous ne réussissez pas à vous entendre avec le comité patronal, ne vous inquiétez surtout pas, vous avez un droit d'appel. La bonne ministre sera là pour vous, vous qui défendez les intérêts des employés, mais vous qui oubliez les intérêts des parents et les intérêts des élèves.

Le premier souci de la ministre de l'Éducation devrait être celui-là. Manifestement, on la regarde aller depuis quatre mois, elle ne s'occupe pas beaucoup des élèves. Lorsqu'il y a des manifestations, lorsqu'il y a des compressions, lorsqu'il y a des coupures qui touchent directement au service de garde dans le milieu scolaire, la ministre exécute les commandes du Conseil du trésor et du ministre des Finances.

Lorsqu'il y a des compressions au niveau des services directs aux élèves... Et aujourd'hui on apprend, contrairement au discours du gouvernement à l'effet qu'il voulait s'attaquer au fardeau administratif, qu'il s'est davantage attaqué aux services directs aux élèves. C'est la Fédération qui dévoilait les chiffres; au niveau du sondage qui a été effectué dans l'ensemble des commissions scolaires, les compressions administratives ne sont même pas à la même hauteur que les compressions au niveau des services directs aux élèves.

C'est ça qui nous inquiète: à portes fermées, à portes closes, la ministre de l'Éducation va s'asseoir avec la partie syndicale, va signer des ententes avec elle, et ceux qui avaient droit de regard, ceux qui avaient des mandats de négociation ne sont plus là. Et ces gens-là, c'est les gens qui, dans notre système scolaire actuel, sont là pour administrer les écoles du Québec et sont là pour voir aux intérêts des élèves dans nos écoles. La ministre, c'est ces gens-là qu'elle décide de tasser avec le projet de loi spécial.

Esprit de partenariat. C'est ce qu'on dit, «esprit de partenariat». Cette même ministre de l'Éducation est allée devant la Fédération des commissions scolaires au lendemain de sa nomination comme ministre de l'Éducation pour dire: Vous êtes mes partenaires privilégiés, je vais respecter votre autonomie. Parce qu'on sait que le député de Lévis lui avait brassé la cage pas mal. Il avait réussi à se mettre à dos l'ensemble du monde scolaire. La ministre de l'Éducation, elle, un de ses mandats, c'était de rétablir les ponts qui avaient été coupés par le ministre de l'Éducation, député de Lévis. Et aujourd'hui on assiste aux relents du député de Lévis, parce que la ministre coupe les ponts avec ses partenaires privilégiés.

M. le Président, c'est un précédent qui est extrêmement dangereux, un projet de loi qui comporte deux articles dévastateurs dans les relations de travail au Québec. «...le gouvernement peut [...] autoriser le ministre de l'Éducation – la ministre, dans notre cas – à convenir, au nom de ce comité, de modifications à une convention collective en vigueur...

«Les stipulations ainsi convenues par le ministre ont le même effet que des stipulations agréées et signées conformément aux articles 33 et 34 de cette loi – et voici les mots importants – et lient les commissions scolaires sans autre formalité.»

M. le Président, un des principes dans la convention collective, par ailleurs, était celui de ne pas toucher à la tâche des enseignants et celui de ne pas toucher aux postes, aux emplois. Selon les dires de la Fédération des commissions scolaires du Québec, la Fédération prétend qu'avec la loi spéciale que veut imposer la ministre de l'Éducation malgré ses engagements formels, malgré ses promesses, eh bien, la ministre va couper des postes. Ça sera le résultat du projet de loi.

(17 h 30)

M. le Président, on peut se poser des questions, parce que c'est du déjà vu pour les anciens parlementaires, c'est du déjà vu par rapport à la situation de 1980. Rappelez-vous, en 1980, à la veille du référendum, comment le gouvernement avait promis, le même gouvernement avait promis aux organisations syndicales des hausses de salaires suivant l'indexation du coût de la vie. Et puis, par la suite, M. le Président, une fois le référendum passé – et ça avait coûté plusieurs centaines de millions de dollars aux contribuables – le gouvernement a récupéré de la main droite ce qu'il avait donné de la main gauche, et cela par la force à nouveau, par des projets de loi spéciaux, des décrets. Et mon collègue, le député de Bourassa, j'espère qu'il pourra prendre la parole immédiatement après moi, c'est extrêmement important, parce que c'est du déjà vu. Le référendum de 1995, c'est la même, même chose que le gouvernement fait, le même pattern. On a donné de la main gauche 1 000 000 000 $ aux centrales syndicales et, aujourd'hui, on reprend de la main droite ce qu'on a donné et on coupe plus. La cible a changé. En 1981, c'était les employés de la fonction publique, aujourd'hui ce sont les élèves, M. le Président, ce sont les parents, ce sont les contribuables, ce sont les chefs de familles monoparentales, ce sont les personnes âgées, ce sont les plus démunis de notre société qui font les frais des cadeaux versés à la veille du référendum. Et j'étais un de ceux qui s'étaient élevés contre ça au mois de décembre 1995. On voyait trop ce qui se passait. On voyait trop également, dans les paroles de l'actuel premier ministre, auteur d'une autobiographie qui faisait part de la culture du Parti québécois, un pacte de non-agression, pacte de non-agression entre un gouvernement du Parti québécois et les centrales syndicales. C'est ça qui se passe, M. le Président.

Et le gouvernement appelle ce projet de loi. On n'aura pas la chance d'en débattre, on n'aura pas la chance d'en faire l'étude article par article en commission parlementaire. Les signaux ont déjà été donnés par le gouvernement, on va imposer ce projet de loi par le biais de la guillotine, et ça semble faire plaisir à certains députés. C'est ce processus-là que vous êtes en train d'adopter et d'entériner. Vous êtes tous complices du non-respect de la signature du gouvernement. Tous complices du double discours de la ministre de l'Éducation et ex-présidente du Conseil du trésor. Vous avez signé un document, vous avez prévu des mécanismes en cas d'impasse et vous ne les respectez pas aujourd'hui, malgré des garanties maintes fois réitérées en commission parlementaire.

Alors, vous comprendrez, M. le Président, la raison pour laquelle nous serons contre l'adoption du principe de ce projet de loi. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Marquette. Je cède maintenant la parole au député de Bourassa. M. le député.


M. Yvon Charbonneau

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. C'est avec à la fois plaisir et déplaisir, vous allez me comprendre, que je prends la parole sur un projet de loi de cette nature, le projet de loi n° 37 que vient de présenter mon collègue de Marquette.

Avec plaisir parce que ça fait partie de mes responsabilités, et j'aime bien dire mon opinion sur des questions pour lesquelles j'ai le sentiment d'avoir quelque vécu derrière moi. D'autre part, déplaisir parce qu'il s'agit d'un moment où on doit prendre position sur une loi spéciale. Et, si j'ai eu, dans mes quelque 20 années de syndicalisme plusieurs moments de gratification et plusieurs moments de satisfaction, j'ai eu aussi de vifs moments de déplaisir, au moment où il a été question que s'abattent sur nous, quand nous étions à la partie syndicale, des lois spéciales et des décrets. Et, M. le Président, vous vous souviendrez qu'on en a vu de toutes les couleurs.

Et mon collègue de Marquette avait bien raison de rappeler la dernière avalanche qui a caractérisé les relations de travail sous le régime péquiste du début des années quatre-vingt, c'est-à-dire une avalanche de décrets, 70 000 pages, on s'en souvient, des décrets qui étaient si horribles qu'ils ont dû adopter une loi superspéciale, la loi 111, en février 1983, pour en arriver à faire taire les protestations tant elles étaient vigoureuses, et bien fondées, et appuyées, en général, par la population.

M. le Président, c'est toujours pénible de devoir s'exprimer à partir d'une situation qui est, à toutes fins pratiques, fabriquée par les responsables gouvernementaux qui sont aux commandes actuellement, fabriquée en ce sens, M. le Président, qu'il y avait moyen de voir venir cette situation. Si la ministre et ses équipes avaient eu le moindrement de doigté et de savoir-faire, ils n'auraient pas attendu, M. le Président, au 17 mai, deux jours après la date limite, pour déposer des projets de loi sans le consentement de l'opposition, quant à leur adoption. Alors, ces gens-là ont attendu deux jours après le délai de rigueur pour déposer un projet de loi d'une nature particulièrement détestable et dont je vais faire la démonstration.

M. le Président, quand on est face à des situations comme celle-là, et celle-ci évoque de nombreux souvenirs pour moi, il y a toujours comme deux dimensions au débat. Il y a le contenu, c'est-à-dire le contenu de la convention, les conditions qui vont s'appliquer à la suite de cette intervention extraordinaire du gouvernement. Eh bien, ce contenu, on ne peut pas lui être indifférent, parce que c'est ce contenu qui va faire la vie des personnels de l'enseignement et la vie dans les écoles, qui va faire qu'il y aura plus de ceci ou de cela, plus de perfectionnement, moins de perfectionnement pour les enseignants, telle ou telle mesure, etc., qui va donc faire la vie des écoles. On ne peut pas être indifférent à cela.

Notre argumentation, celle de mon collègue de Marquette et la mienne, ce ne sont pas des interventions qui font une guerre totale à la ministre quant au contenu qui est dans cette mesure. La ministre, parce qu'elle n'a pas su persuader ses partenaires, qui sont les fédérations des commissions scolaires, de faire un pas de plus pour s'entendre... M. le Président, ils avaient 100 000 000 $ à franchir, le gouvernement a demandé au syndicat d'enseignants de remettre 100 000 000 $. Il y a eu des négociations. Le gouvernement puis les commissions scolaires ne bougeaient pas, là, ils encaissaient. Chaque fois que les enseignants faisaient un pas, il y a de l'argent qui retournait à la cagnotte. Les enseignants ont avancé 94 pas sur 100, M. le Président, il manquait six pas à faire. Malgré des gargarismes sur le partenariat, faute de leadership à l'égard des commissions scolaires, la ministre n'a pas réussi à persuader son partenaire le plus proche, en tant que patron, la Fédération des commissions scolaires, de trouver un accommodement pour les six derniers pas. Alors, à un moment donné, la négociation a pris fin.

La ministre s'est engagée à ne pas intervenir d'autorité. Elle s'est engagée avec des déclarations très fortes et qui avaient l'air très convaincantes, le 22 avril, en commission parlementaire, mon collègue y a assisté: Je n'en ferai rien, je ne ferai pas de décret, je ne ferai pas d'intervention spéciale. Elle répétait ça, elle le martelait avec la même conviction qu'elle semble aujourd'hui démontrer pour nous dire qu'il faut une loi spéciale, qu'il faut un décret.

M. le Président, des gens comme ça ne méritent pas la confiance des parties. D'ailleurs, les partenaires les plus rapprochés, en tant que patrons – c'est ça que dit le régime de négociation du secteur public: la partie patronale est composée de deux entités qui font une entente, le ministère de l'Éducation, la Fédération des commissions scolaires; c'est ça qui fait le bloc patronal – la ministre, avec tous les pouvoirs budgétaires et moraux qu'elle détient face aux commissions scolaires, n'est même pas capable de les convaincre de faire un petit effort de se rapprocher de 6 000 000 $. Elle peut bien faire des discours sur le partenariat, mais ce qu'elle nous montre en réalité, c'est qu'elle n'a aucune influence, semble-t-il, quand c'est le temps de passer aux actes, aucune influence sur son partenaire le plus proche.

(17 h 40)

M. le Président, la ministre dit: Bien, à ce moment-là, je les tasse, je les mets de côté. Il y a un régime de négociation, mais je le remets dans ma sacoche. Je fais semblant que je suis seule. M. le Président, c'est ça une loi spéciale, c'est quand le gouvernement n'est pas capable, par des processus de persuasion de son partenaire patronal, par des relations harmonieuses bien rodées, d'en arriver à des conclusions. Quand c'est le temps, elle est obligée de passer aux gestes qui causent des ruptures. Si la ministre n'est pas satisfaite du régime de négociation du secteur public... Ça se pourrait qu'elle ait des raisons de ne pas être satisfaite du régime, ça se pourrait qu'elle ait des raisons. Après que ce régime, maintenant, a vécu depuis plus d'une dizaine d'années, il se pourrait que ce régime ait besoin de rafraîchissement. Il se pourrait que le gouvernement, le ministère de l'Éducation, en l'occurrence dans le secteur de l'enseignement, ait besoin de redéfinir ses relations avec ses partenaires. Ça se pourrait, M. le Président.

Le gouvernement s'est mis dans une logique de compressions budgétaires dont les dégâts ne sont pas encore tous connus tellement ils vont être graves et tellement ils vont durer des années, les dégâts dans les écoles, les dégâts dans le domaine de l'éducation. Une logique de compressions budgétaires. Donc, si le gouvernement n'est pas satisfait du régime de négociation dans lequel il est imbriqué parce qu'il s'est mis en tête des objectifs qui sont inaccessibles par les voies normales que nous pouvons lui faire comme ouvertures, comme suggestions, qu'il mette le régime de négociation en débat, qu'il convoque une commission parlementaire et qu'on entende les parties.

Et, si la ministre veut redéfinir son pouvoir par rapport à son partenaire commissions scolaires, si elle veut prévoir un dispositif dans le régime de base qui dirait: Advenant impasse, c'est moi tout seul qui vais négocier, ça serait dans le régime de base. Tout le monde l'aurait vu. Il y aurait eu un débat ouvert, les gens se seraient exprimés les uns les autres. Tout le monde connaîtrait les règles du jeu. Ce ne serait pas un changement à la dernière minute pour une soi-disant urgence. Encore qu'elle soit fabriquée, parce que la ministre a vu venir les affaires depuis des mois et des mois.

Elle était aux Finances, elle était au Trésor, elle était là en 1995, elle était là avant le référendum. Quand on dit qu'il y a eu des cadeaux avant le référendum, M. le Président, ce n'est pas que les salariés du secteur public ne méritaient pas un petit dégel de salaires. C'est parce que le gouvernement qui leur donnait une augmentation se préparait à aller la rechercher le lendemain – c'est ça qui est vicieux dans l'affaire – plutôt que de jouer franchement selon les moyens qui étaient les siens. La situation financière du Québec n'a pas changé radicalement entre 1995 et 1996. C'est la même situation financière. La même ministre qui est à l'Éducation aujourd'hui était aux Finances et au Trésor auparavant. Elle avait exactement toutes les mêmes données. Ils parlent du déficit des années antérieures. Bien, ils étaient là, ces déficits. C'est quoi le problème? Qu'est-ce qui a changé, M. le Président?

Alors, quand on regarde l'ensemble du contexte, on s'aperçoit que le gouvernement a avancé une augmentation et est allé la rechercher. Il s'est organisé pour aller la rechercher tout de suite après, exactement comme en 1982, 1980-1982. Ils ont avancé des augmentations et, ensuite, ils sont allés les rechercher à grands coups de compressions, à coups de récupérations forcées et à coups de lois spéciales et de décrets. Bien, aujourd'hui, M. le Président, les temps ont changé d'une façon... Les syndicats se sont mis eux-mêmes dans une logique de discussion avec le gouvernement pour ce qui est des compressions, ils en arrivent à une quasi-entente, et la ministre dit: Moi, maintenant, je retire mes billes et j'impose le règlement. Ce qui est détestable là-dedans, c'est la manière. C'est cette manière mielleuse de dire: Bien, nous faisons du partenariat, alors que, en réalité, c'est un acte autoritaire, c'est un acte unilatéral qui est en cause à travers ça. Si elle veut changer le régime de négociation, on va lui offrir notre collaboration pour en discuter dans des lieux ouverts. Les parties seront convoquées, puis on va regarder s'il y a des rajustements. Nous ne sommes pas fermés à des discussions comme celles-là, au contraire.

Alors, M. le Président, je pense que nous sommes devant, finalement, un gouvernement qui est incapable de faire accepter ses objectifs par des voies normales. Aujourd'hui, comme l'a dit mon collègue de Marquette, il peut sembler que le syndicat soit avantagé quant au contenu. Mais, si on regarde avec un peu de distance ce qui se passe, M. le Président, qu'on soit du côté syndical ou du côté patronal, on a toujours devant nous la même logique, c'est-à-dire un gouvernement qui décide de jouer tout seul quand il n'est plus capable de persuader ses partenaires ou ses interlocuteurs. À partir du moment où il décide de jouer tout seul, où il entre dans cette logique-là, qu'on soit du côté syndical ou du côté patronal, il faut crier gare, M. le Président, parce que cette logique de l'arbitraire et de l'action unilatérale, elle s'abat de temps en temps d'un côté, mais elle peut s'abattre, le lendemain, de l'autre côté aussi.

Alors, dans ce contexte-là, en toute continuité avec les principes qui m'ont animé depuis 25 ans, M. le Président, je vais continuer d'être contre ce type de loi parce qu'il s'agit d'une intervention spéciale, inutile dans les circonstances, qui ne fait qu'exprimer la faiblesse de ce gouvernement à agir par des voies normales. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Bourassa. J'accorderai maintenant la parole au chef de l'opposition. M. le chef de l'opposition.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Oui. Je vous remercie, M. le Président. Je prends la parole sur ce projet de loi parce que c'était difficile de résister. J'ai longtemps pratiqué, évidemment, comme président du Conseil du trésor, les relations de travail dans le secteur public et je tiens vraiment à m'exprimer là-dessus parce que c'est absolument exorbitant, ce que le gouvernement est en train de faire, et c'est injustifié.

C'est le ministre du Travail qui, il y a quelques heures à peine, parlant sur l'adoption du principe, je pense, de son projet de loi créant le ministère du Travail, disait la phrase suivante – ça m'a frappé, c'est pourquoi je m'en souviens: Les relations de travail, c'est formidable, il dit, ça permet aux parties de discuter entre elles. Bon, enfin, c'est une phrase un peu creuse, là. Le fait est que le député de Matane et ministre du Travail a dit une chose pareille. Disons qu'on va donner un contenu à cette phrase-là qui autrement est une coquille vide. C'est que, lorsqu'il y a un régime de relations de travail qui est sur pied, il doit, sauf circonstances exceptionnelles, être respecté par les parties qui sont en présence. Et ce qu'on a comme régime de relations de travail dans le secteur public, ce n'est pas compliqué, ça tient du bon sens, compte tenu de l'organisation qu'on a décidé de se donner avec les fonds publics pour donner des services publics à tout le public, si vous me permettez la répétition.

Premièrement, il y a un payeur qui est le gouvernement, il y a un payeur qui est l'ensemble des contribuables. Qu'on regarde la santé, qu'on regarde le monde de l'éducation, il y a un payeur, en fin de course, pour des milliards de dollars, de l'argent de nos impôts, à l'endroit du personnel du secteur public, éducation et santé. 80 % des dépenses sont au titre de la rémunération, en gros, et le reste, bien évidemment, là, c'est tout ce qui touche l'organisation, la dispensation des soins, les fournitures, mobilier, enfin on fera le tour, vous voyez ce qui en est. Il y a donc un payeur. Le payeur, c'est le gouvernement.

Il y a également un niveau qui administre ces services, si on peut appeler ça un niveau. Il y a des instances qui administrent les services d'éducation qui dispensent ça. Dans le milieu hospitalier, on dispense les soins, que ce soit en milieu hospitalier, CLSC, etc. Ces gens, ces organismes, qu'il s'agisse des commissions scolaires, par exemple – et c'est là-dessus que je vais m'attarder – ou d'autres organismes, mais, dans l'éducation, ce sont les commissions scolaires qui ont une responsabilité pour vrai, là. Oublions pour un instant que les commissions scolaires ont également un pouvoir de taxation locale. Ça, c'est une chose. Mais, dans notre régime de dispensation – je dirais – des services éducatifs, il y a les commissions scolaires qu'on a installées comme niveau administratif et politique à la fois, comme je l'ai souligné, qui a ses responsabilités propres.

Automatiquement, dans l'organisation des services de l'éducation, c'est de façon locale et régionale que c'est administré. Ce n'est pas le ministère de l'Éducation qui décide, dans le fond, en direct, là, comment ça se passe sur le terrain dans chaque école, c'est le niveau des commissions scolaires. Alors, s'il y a un payeur, le gouvernement, le ministère de l'Éducation, pour les fins de la discussion, il y a également ceux qui administrent ces sommes et qui s'assurent que les services sont rendus. Je pense que ces deux éléments constitutifs sont des partenaires, et on doit traiter avec notre partenaire comme un partenaire.

Je note au passage qu'il y a une prédominance de la partie gouvernementale en ce qui regarde la rémunération, tout le monétaire, là. En bout de course, s'il y avait une difficulté d'interprétation puis d'arrimage entre le gouvernement du Québec et les commissions scolaires quant au monétaire, quant à ce qu'on doit payer comme rémunération, ce qu'on doit verser, la loi, déjà, du régime de relations de travail dans le secteur public prévoit que c'est le gouvernement qui a une voix prépondérante, prédominante. Il peut dire: Bien, je regrette, mais c'est comme ça que ça va se faire.

(17 h 50)

Ce n'est pas vrai lorsqu'il s'agit d'organiser les services éducatifs. C'est logé, ça, clairement auprès des commissions scolaires. Et la preuve en est, d'ailleurs, par l'action même de la ministre, qu'elle n'a pas invoqué son rôle prédominant à l'encontre de son partenaire, les commissions scolaires, sachant que ça ne s'appliquait pas dans ce cas-ci. C'est pour ça que ça prend une loi spéciale, parce que, dans le fond, on est à pieds joints dans les platebandes des commissions scolaires qui doivent voir à organiser les services éducatifs, donc les services aux élèves, de la façon la plus concrètement réaliste, là, dans chaque cas, dans chaque école, dans chaque commission scolaire de chaque région et chaque localité du Québec.

Mais ce n'est pas ça que la ministre fait. Elle ne traite pas les commissions scolaires en partenaires, elle désire les mettre en tutelle. Et, deuxièmement, elle ne laisse pas le processus de relations de travail aller jusqu'au bout de sa course. Moi, j'ai trouvé, en tout cas, comme président du Conseil du trésor travaillant dans le comité patronal, dans le comité de coordination des négociations avec mes collègues responsables des différents ministères, qu'on peut s'entendre clairement, on peut énoncer clairement avec nos partenaires quels sont nos objectifs, on doit consulter au maximum, on doit être extrêmement clair – moi, c'est comme ça que je l'ai toujours pratiqué – avec la partie syndicale, donc nos employés, également, pour ne pas laisser trop de clair-obscur et de confusion dans le paysage. Ce qui est le contraire de ce que la ministre a fait et de ce que le gouvernement a fait. Le comportement préréférendaire et postréférendaire du gouvernement, c'est la différence entre le jour et la nuit, c'est la différence entre plus 100 000 000 $ puis moins 100 000 000 $ dans les poches des employés du secteur public en matière, simplement, là, de services éducatifs.

Alors, M. le Président, moi, ce que j'ai noté de l'action de la ministre, de l'action du gouvernement, c'est qu'au lieu de traiter les commissions scolaires en partenaires, on impose ses vues par une loi spéciale. C'est que, au lieu de laisser le processus aller jusqu'au bout de sa course, on décide d'intervenir sans laisser aux parties le soin de régler les problèmes entre eux.

Il y aurait eu des façons de le faire, incidemment. L'écart était de 6 000 000 $. Je vous donne juste un exemple de la façon dont... La réflexion avançant, là, tous les jours depuis que la ministre a fait son lit en matière de loi spéciale, on pourrait envisager et les discussions font ressortir, par exemple, que le 6 000 000 $ aurait pu être trouvé, consensuellement entre les parties, en reclassant, par exemple, les enseignants – et, au fur et à mesure qu'ils prennent des diplômes additionnels, on sait qu'ils sont rémunérés selon leur niveau de scolarité – c'est une suggestion qui aurait pu être faite annuellement au lieu de faire ça deux fois par année, en ajustant, donc, les salaires des quelques individus ici et là, à travers tout le réseau, qui acquièrent une scolarité additionnelle, ce qui donne donc ouverture à des salaires additionnels, des rémunérations plus élevées.

Si c'était fait, ça, une fois par année au lieu de deux fois par année, il y aurait eu 6 000 000 $ de sauvés. Ça aurait été réparti relativement également dans le système, on le voit, à l'endroit des gens qui prennent des diplômes avancés, oui, c'est entendu, mais ça aurait pu être quelque chose à faire, ça aurait pu être quelque chose qui maintient la qualité de la main-d'oeuvre, donc de nos enseignants et enseignantes, et ça aurait, en même temps, permis de boucler la boucle autour du 100 000 000 $. Mais ce n'est pas ça du tout, ce n'est pas ça du tout que le ministère a décidé de faire. Le ministère a décidé, essentiellement, de prendre la dernière proposition syndicale et d'en faire la proposition finale qu'on retrouve implicitement, là, dans la loi. Parce qu'on sait, là, sur quoi ça porte essentiellement, tout ça, c'est un 100 000 000 $ qui est divisé, catégorisé de façon très précise. Là, on a ça devant nous, c'est la proposition syndicale.

Alors, là, moi, je me mets à la place du partenaire habituel du gouvernement qui se fait dire: Tasse-toi, la proposition syndicale qui t'a été faite, indépendamment des bonnes idées que tu peux avoir pour régler le problème de 6 000 000 $, bien, ça va être la proposition syndicale. Quelle est cette proposition syndicale? Bien, M. le Président, elle affecte les services aux élèves, elle affecte des services aux élèves notamment parce qu'elle prévoit l'abolition de certaines fonctions, comme les chefs de groupe, par exemple, dans les écoles, au point de vue pédagogique. Ça fait en sorte que ce 6 000 000 $, si on doit aller le chercher par une autre façon que celle que j'ai décrite et qui pourrait être suggérée, ça correspond en gros à l'abolition d'à peu près 150 postes, l'équivalent de 150 postes qui, très souvent, sont occupés, oui, par des enseignants, mais souvent par des gens, des techniciens en services spécialisés auprès des élèves qui sont en difficulté. Ça dépend, encore une fois, des commissions scolaires et des écoles.

La flexibilité, donc, que les commissions scolaires peuvent manifester pour tenir compte des besoins des élèves dans leurs commissions scolaires, dans leurs écoles est complètement disparue dans un système comme celui-là. Le gouvernement s'arroge le droit de décider comment, à l'égard de 100 000 000 $, c'est administré dans les commissions scolaires au lieu de permettre à la commission et à la CEQ, en l'occurrence, de trouver, avec le temps et de l'imagination, des façons de maintenir la qualité des services aux élèves, de ne pas mettre en danger quoi que ce soit comme services disponibles aux élèves au Québec. Ça, ça leur a été enlevé en dessous des pieds. Ça a été tiré du dessous des pieds, et, moi, je trouve extrêmement déplorable que le gouvernement, le ministère de l'Éducation prenne fait et cause de façon aussi flagrante, carrément, pour la partie syndicale.

Ce n'est pas comme ça que ça marche. Ce n'est pas comme ça que ça devrait marcher. On l'a dit, déjà, le ministère de l'Éducation doit se préoccuper de la qualité d'ensemble des services dans l'éducation, au Québec, et il doit y consacrer le maximum possible, et il doit traiter avec son partenaire. C'est comme ça que le système est aujourd'hui conçu. Il doit traiter avec son partenaire comme avec un partenaire, et ce partenaire, c'est la commission scolaire; ce n'est pas la CEQ.

Mais, là, il est bien évident que, maintenant, au ministère de l'Éducation et, à l'époque, chose certaine, au Conseil du trésor, j'en suis profondément convaincu, on était en régime préréférendaire, on devait souvent se demander: Je me demande ce que Lorraine Pagé pense de ça. Appelez donc Clément Godbout pour voir s'il embarquerait dans notre patente. Je ne sais pas si Gérald va s'opposer beaucoup si on décide comme ça. Ce n'est pas ça qu'il faut se demander. Lorsqu'on est le gouvernement payeur et qu'on se fie à des organismes qu'on a mis sur pied afin d'administrer les différents services aux élèves, ou aux patients, ou aux malades, ou quoi que ce soit dans le secteur public, il faut que le gouvernement se comporte comme le vrai partenaire des vrais administrateurs de tout ça.

Ça n'exclut pas qu'on doive maintenir d'excellentes relations avec nos employés, mais la meilleure façon de respecter nos employés, c'est de faire en sorte que les relations de travail se déroulent le plus proche possible de l'endroit où s'effectue le travail. Puis le travail des enseignants, puis le travail des infirmières, puis le travail des aides-infirmiers, il ne s'effectue pas dans l'édifice du Conseil du trésor ou dans l'édifice du ministère de l'Éducation; il s'effectue dans les écoles du Québec, il s'effectue dans les hôpitaux, dans les centres d'accueil, et c'est dans les lieux de travail que se forge la qualité des relations de travail dans le secteur public. Ce n'est pas par les gestes comme celui-là, de la ministre de l'Éducation, qu'on va améliorer le climat des relations de travail. Ce que la ministre fait aujourd'hui, c'est presque l'équivalent d'un vote de non-confiance dans les organismes auxquels on confie le soin de dispenser les services aux élèves, au Québec, que sont les commissions scolaires, et les directeurs d'école, et tous ces gens qui administrent des milliards de dollars qu'on investit dans la jeunesse québécoise. C'est mal avisé, c'est précipité, c'est improvisé et c'est de semer, aujourd'hui, la pagaille, inévitablement, en matière de relations de travail parce qu'on n'a pas fait confiance aux gens à qui on a confié ce travail de s'occuper de relations de travail dans le secteur public.

M. le Président, je trouve, j'allais dire, en terminant, inconséquent, de la ministre qui devrait avoir, compte tenu des postes qu'elles a occupés, une meilleure vue d'ensemble que ça de la façon dont on doit assurer une bonne qualité de relations de travail, je trouve extrêmement malheureux qu'on puisse presque dire que le MEQ est devenu l'équivalent de la CEQ. Je trouve regrettable de prendre fait et cause aussi brutalement, sans aucune espèce de discernement, compte tenu des conséquences qu'on se réserve, de voir le gouvernement se comporter de cette façon-là et de façon exceptionnelle, je dirais, probablement sans précédent, d'imposer un règlement à une partie qui, de bonne foi, a continué et toujours continué de chercher un règlement entre les parties qui s'occupent de donner les services aux élèves partout dans nos écoles.

(18 heures)

Alors, M. le Président, vous avez sans doute conclu de mes interventions que nous allons voter contre ce projet de loi. Ça avait déjà été dit, évidemment, par notre porte-parole, et le député de Marquette, le député de Bourassa a fait de même. Il est bien évident que ce n'est pas le genre de projet de loi qui permet d'envisager avec sérénité comment ça va se dérouler, les relations de travail dans le secteur public.

Alors, je demande à la ministre de reconsidérer son geste. Les voies de communication sont toujours ouvertes. Il y a toujours moyen de trouver, à l'intérieur de cette enveloppe de 100 000 000 $, entre les parties elles-mêmes, les moyens de rencontrer l'objectif auquel tout le monde souscrit. Et la dernière des choses à faire en matière de relations de travail... ça, ça serait le fun si le député de Matane et ministre du Travail était ici; la dernière des choses qu'il dirait à sa collègue de faire, c'est exactement ce qu'elle est en train de faire.

Alors, on a vu, dans la même journée, des discours de deux ministres du même gouvernement: un qui se réjouissait de voir comment les relations de travail pouvaient être améliorées grâce à l'intervention gouvernementale, et l'autre qui prouve noir sur blanc qu'il y a moyen de vraiment rendre ça extrêmement destructeur et de se laisser des lendemains qui ne sont pas roses du tout, et ça, c'est la ministre de l'Éducation qui vient de contredire le ministre du Travail.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le chef de l'opposition. Alors, je suspends maintenant les travaux de cette Assemblée jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

(Reprise à 20 h 4)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, nous poursuivons les affaires du jour. Nous en étions à l'adoption du principe du projet de loi n° 37, Loi favorisant la conclusion d'ententes dans le secteur de l'éducation.

Alors, les débats s'étaient terminés à 18 heures par l'allocution du chef de l'opposition. Or, je suis maintenant prêt à accorder la parole à un autre intervenant. Y a-t-il un autre intervenant?

M. Gautrin: Avant que le débat s'établisse, une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Est-ce qu'il y a quorum?

Le Vice-Président (M. Pinard): Veuillez appeler les députés, s'il vous plaît!

(20 h 5 – 20 h 6)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Verdun, nous constatons maintenant que nous avons quorum. Donc, nous pouvons poursuivre notre travail. Alors, je cède maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai l'honneur, ce soir, d'exprimer mon désaccord avec le projet de loi n° 37, Loi favorisant la conclusion d'ententes dans le secteur de l'éducation, Bill 37, An Act to foster labour agreements in the education sector. Les notes explicatives mentionnent, et je cite: «Ce projet de loi permet au gouvernement d'autoriser le ministre de l'Éducation, s'il y a impossibilité d'arriver à une position [...] de négociation, à convenir, au nom de ce comité, des modifications aux conventions collectives existantes applicables aux enseignants d'une commission scolaire.»

M. le Président, si cette Assemblée nationale vote en faveur de ce projet de loi, ce serait un moment déplorable dans cette Assemblée. Nous, comme législateurs, avons l'obligation constante de voir à ce que les projets de loi déposés à l'Assemblée nationale soient équitables et justes. Ce principe est à la base de toute convention collective dans notre société, c'est-à-dire que toutes les négociations, les solutions et les conventions qui en découlent soient équitables et justes. Les syndicats, au nom de leurs membres, ont gagné et maintenu cette position essentielle pour que les citoyens affectés par les conventions soient traités d'une manière équitable et juste.

Ce projet de loi autorise la ministre de l'Éducation, si elle estime que les discussions au sein d'un comité patronal de négociation ne permettent pas d'en arriver à une position commune, à se substituer au comité patronal prévu dans la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives et à faire ainsi disparaître les commissions scolaires de ce comité afin de convenir, au nom de ce comité, de modifications aux conventions collectives existantes applicables aux enseignants des commissions scolaires. Le projet de loi indique que les mesures proposées par la ministre ont le même effet que les stipulations négociées et agréées par un comité de négociation et lient les commissions scolaires sans autre formalité.

M. le Président, on est en face d'un recul dans les règles et principes qui s'appliquent à toute société moderne, c'est mon opinion, au moment où on voit les règles de négociation suspendues. C'est un moment grave et inacceptable dans cette Chambre. On doit avoir honte et ne pas accepter ce projet de loi. M. le Président, le projet de loi donne ce pouvoir à la ministre pour les conventions collectives qui sont actuellement en vigueur. Il nous semble important de dénoncer un projet de loi qui donne un tel pouvoir discrétionnaire à la ministre, lui permettant d'écarter ses partenaires du comité patronal et d'agir de façon unilatérale. Nulle personne dans une société ne doit avoir les pouvoirs accordés par ce projet de loi. Nulle personne ne peut prendre la justice dans ses mains. Nulle personne ne peut avoir le privilège de se substituer à quelqu'un d'autre dans une convention ou dans une négociation. M. le Président, on brime expressément les droits d'autrui. Est-ce que ce gouvernement péquiste n'a pas de fierté pour soi-même?

(20 h 10)

Mr. Speaker, this evening, we are faced with an intolerable situation: Bill 37, An Act to foster labour agreements in the education sector, is a shameful bill. Mr. Speaker, let me read to you the explanatory note to this bill which reads as follows: «This bill enables the Government to authorize the Minister of Education to accept, on behalf of a management negotiating committee, amendments to existing collective agreements as regards the teachers of a school board if a joint position cannot be reached within that committee.»

It is totally unacceptable, today, in a modern society, in 1990s, that we are faced with a bill which sets aside the principles of negotiation between parties involved in a discussion. In a discussion, in a debate, or an issue, in this case, the provisions of the Act respecting the process of negotiation of the collective agreements in the public or parapublic sectors.

La ministre de l'Éducation ne fait pas ce qu'elle dit et ne dit pas ce qu'elle fait. La ministre, devant la commission de l'éducation de l'Assemblée nationale, le 22 avril 1996, a dit, et je cite, à trois différentes reprises, elle a dit: «Ma plus grande inquiétude, justement, c'est bien plus de m'assurer que les gens arrivent à s'entendre que l'inquiétude sur les résultats. Et je fais remarquer aux membres de la commission, et en tout respect pour mon collègue, le député de Marquette, que je n'impose rien, que c'est par la voie de la négociation que les parties ont convenu de ce qui est là.»

Dans la même audition, elle a dit: «Je n'impose rien, j'applique les résultats des négociations qui ont eu cours entre deux parties consentantes. Je n'ai pas fait de décret – aucun – et je n'en ferai pas.» Plus tard, dans la même audition, elle a dit: «Moi, j'aimerais mieux qu'ils s'entendent honnêtement, et c'est pour ça que, si on peut prendre un peu plus de temps, on le fera.»

However, these are just simple words that the Minister has used, but she has not followed up on these words. She says one thing, and she does something else when the time comes. And this is what we have been faced with, with this Government, since September 12, 1994. This is another example of poor leadership which we are getting from the Government benches. The Premier, and now his Ministers, as evidenced by this bill, have adopted a new image which the population of Québec will reject at the first opportunity. We are beginning to see double speeches, what is usually known and said in English language as «speaking from both sides of your mouth at the same time». This is a dubious moral route to follow, and if you say something, you must mean it and believe it. And this is the way to restore the credibility of a government, the credibility which is beginning to slip away from the Premier and the PQ Government. This bill is an example of a double talk which is becoming a trademark of the speeches of this Government.

Avec ce projet de loi, la ministre écarte toutes les règles de négociation entre deux parties, lesquelles, pour être productives, doivent être franches et respectueuses l'une pour l'autre. Mais la ministre, par ce projet de loi, s'est permis de se substituer au comité patronal, et ce, pour atteindre les buts de la ministre, tel que stipulé dans la section VI de l'annexe aux conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. Mais cela réduit la crédibilité des individus et comités qui sont impliqués dans les négociations à cause du fait que le gouvernement peut intervenir à n'importe quel moment si les négociations ne vont pas dans la piste formulée par le gouvernement. Ceci est une mauvaise attitude pour le gouvernement. Ceci est un nouveau signal pour notre société dans tous les aspects de négociation, sachant qu'une solution peut être imposée par la ministre.

Mr. Speaker, there are basic concepts which any government must follow. The present PQ Government has chosen to put many of these principles and concepts aside. Not only you must preach the respect of democratic conditions, but you must also practice them. By the ploy here tonight, the principles evoked by Bill 37, the Minister can, at any time, substitute herself as a negotiating party, and I will vote against this bill. I thank you.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. J'accorde maintenant la parole au député de Westmount–Saint-Louis. M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Je tenais à prendre la parole sur le projet de loi n° 37, loi qui se définit comme étant la Loi favorisant la conclusion d'ententes dans le secteur de l'éducation. C'est une façon comme une autre. Ça aurait pu s'appeler la loi qui permet à la ministre de l'Éducation de planter un couteau dans le dos de sa partenaire, la Fédération des commissions scolaires. Ça aurait été aussi bien dit puis ça aurait voulu dire exactement la même chose. Même si le député de Labelle semble en douter, c'est exactement la situation dans laquelle on se trouve.

M. le Président, on se trouve dans une situation aussi aberrante que les gens d'en face, les gens du gouvernement ont fait des campagnes par-dessus campagnes depuis des années, et particulièrement l'an dernier, en période préréférendaire, pour régler deux situations. La première, pensant se faire des amis et cherchant à se faire des amis avec la fonction publique et une bonne partie des gens du secteur du réseau de l'éducation, ils ont conclu des ententes milliardaires, ont conclu des ententes qui ont fait en sorte d'augmenter les masses salariales de façon importante dans le secteur de l'éducation. Toutefois, en annexe de la conclusion de l'entente, en page 278, là – on ne rit plus, ce n'est pas un roman de Victor Hugo, là – dans la convention collective des enseignantes et enseignants, page 278, l'article 6 de l'annexe XLIX: «Dans le cas où le total des économies générées par les modifications identifiées n'atteint pas la cible de 100 000 000 $» requise par le gouvernement... Il leur a donné 100 000 000 $, puis, en même temps, leur a dit: On doit faire des compressions dans notre budget, puis c'est vous qui allez choisir avec nos partenaires, les commissions scolaires, l'endroit où vous pourrez le faire. Mais, dans la convention comme telle, tout le monde, syndicats, commissions scolaires et gouvernement, s'est entendu pour déterminer – ils ont signé cette entente-là, là, le papier, l'encre est à peine sèche, ça fait moins d'un an: «Dans le cas où le total des économies générées par les modifications identifiées n'atteint pas la cible de 100 000 000 $ pour cette année scolaire, l'écart entre le montant généré et la cible est comblé par des jours ou parties de jour de congé sans traitement pris à même les journées pédagogiques prévues pour cette année scolaire, étant précisé que chacun de ces jours génère une économie de 15 700 000 $.»

Ça voulait dire, ça, M. le Président: Si jamais vous ne vous entendez pas pour récupérer le 100 000 000 $, voici comment les parties, elles, s'entendent pour faire la récupération. Si vous ne vous entendez pas pour améliorer la productivité à l'intérieur de votre organisation, dans les conventions collectives primaires, secondaires, il y a 100 000 000 $ qui devront – et c'est signé par toutes les parties – être pris à même les journées pédagogiques qui ne seront pas remboursées, les journées pédagogiques, six jours pédagogiques qui ne seront pas remboursés.

M. le Président, au cours de la période référendaire, je faisais allusion à cette période référendaire, là où on a conclu ce genre d'entente là, on a vu nos amis d'en face faire la période référendaire en essayant de parler des Québécois comme étant des gens qui ont été humiliés, des gens qu'on a rapetissés, des gens qu'on a piétinés. La première chance que ce même gouvernement fait au lendemain du référendum, c'est de démontrer un mépris total, un mépris à l'égard de son partenaire. Ces mêmes gens là nous ont parlé pendant le référendum qu'ils voulaient faire une association, qu'ils voulaient faire une souveraineté-partenariat avec les autres provinces. Eh bien, imaginez-vous quel signal ils envoient à leurs futurs partenaires! La première fois où on a une chance de travailler en partenariat avec un groupe particulier, puis, dans ce cas-là, les commissions scolaires, coup de couteau, après s'être entendus avec ces gens-là, après s'être entendus avec les commissions scolaires et même les syndicats d'enseignants pour récupérer, d'une façon où tout le monde s'entendait, le 100 000 000 $ requis aux finances publiques du gouvernement. S'il n'y avait pas entente entre les parties, eh bien, on avait déterminé comment la récupération de ce 100 000 000 $ là serait faite.

Le partenaire est à terre, ce soir, M. le Président. Le partenaire, il est de l'autre bord de la rue; le partenaire, il siège en assemblée générale au Hilton, en assemblée générale au Centre des congrès de Québec. Les cadres scolaires, les directeurs généraux de commissions scolaires, les commissaires d'école, ils sont tous là.

(20 h 20)

Je ne sais pas ce que la ministre va leur dire. Pourquoi je vous ai massacrés? Pourquoi, dans son discours inaugural, le premier ministre disait: «L'éducation, pour moi, c'est une priorité, c'est la priorité des priorités; pour moi, c'est la chose la plus importante, c'est ce qui nous permet, comme société, de nous grandir, c'est ce qui nous permet de voir nos investissements, comme société, répandus à travers la province, de créer un épanouissement de la collectivité québécoise?»

Ça, c'était le discours du trône, M. le Président, au mois de mars, mi-mars. Les crédits sont arrivés à la fin de mars. Les crédits, 259 000 000 $ de moins pour l'éducation primaire et secondaire; 259 000 000 $ pour l'éducation primaire, secondaire, plus le 100 000 000 $ donné pour s'aider un peu pendant la campagne référendaire: 50 000 000 $ au 1er avril puis 1 % du salaire au 1er janvier. Eh bien, ça, M. le Président, les commissions scolaires ne seront pas financées par le gouvernement du Québec, par le ministère de l'Éducation qui a lui-même donné ces centaines de millions à l'ensemble des travailleurs du réseau de l'éducation, il les leur a donnés, alors ce qui fait, comme il n'a pas les moyens de les payer, qu'il dit aux commissions scolaires: Vous les autofinancerez. En plus de vous donner 259 000 000 $ de récupération ou de compressions budgétaires, de vous couper vos budgets de 259 000 000 $, on ajoute un 100 000 000 $, puis, par-dessus ça, M. le Président, le règlement qui est la loi n° 37, qui s'appelle Loi favorisant la conclusion d'ententes dans le secteur de l'éducation... sur le dos des commissions scolaires. On aurait pu rajouter ça.

Le député de Marquette, le critique de l'opposition officielle en matière d'éducation, aurait pu faire ajouter au projet de loi, là: Loi favorisant la conclusion d'ententes dans le secteur de l'éducation sur le dos des commissions scolaires, au prix de notre partenariat. M. le Président, la Loi favorisant la conclusion d'ententes dans le secteur de l'éducation cherche à faire de la récupération, cherche à faire de la récupération dans quoi? On va regarder ça ensemble.

Deux journées de congé sans traitement, juste le tiers de ce qu'il était convenu de faire si on ne s'entendait pas. On ne s'est pas entendus, alors il y aura deux journées de congé sans traitement. Le député de Marquette appelle ça des journées Marois. Compression des primes de séparation: 4 300 000 $. Mesures de résorption: 10 000 000 $. Moins un jour sur six de congé de maladie monnayable: 14 000 000 $. Les enseignants recevront 26 au lieu de 24 chèques de paie: 12 000 000 $. En fait, ça va être probablement autour de 10 000 000 $, selon mes propres calculs, M. le Président. Mais n'empêche que, là, on est rendu au bout du bout. C'est entendu que le ministère de l'Éducation et le Conseil du trésor auraient dû prendre la décision de décider que les enseignants recevraient 26 chèques au lieu de 24 par année, de voir leur salaire, comme c'est le cas de la très grande majorité de la population, particulièrement toute celle qui travaille dans le secteur public, de voir leur salaire payable à toutes les deux semaines, de façon à économiser 10 000 000 $. L'abolition des postes de chefs de groupe au secondaire: 19 800 000 $ d'estimé, probablement du ministère de l'Éducation.

M. le Président, les chefs de groupe au secondaire, 385 postes, m'indique-t-on. On pourra toujours me dire ce qu'on voudra, il y a une chose qu'on ne pourra pas m'enlever: l'expérience que j'ai dans ce réseau-là, l'expérience que j'ai acquise au cours des années, tant comme président de commission scolaire, comme président de la Fédération des commissions scolaires, comme ministre de l'Éducation, comme... Ayant siégé pendant huit ans et demi au Conseil du trésor, une chose que je sais, dans la réalité du vrai monde, M. le Président: quand on coupe, quand on abolit les postes de chefs de groupe au secondaire... Je sais que, quand j'étais président de la commission scolaire régionale de Chambly, on a transformé ces postes-là, de chefs de groupe, en postes de directeurs adjoints d'unités dans les polyvalentes. On avait des polyvalentes de 2 500, 3 000 et 3 500 élèves, M. le Président. De concert et en entente avec nos syndicats locaux, on avait réussi à s'entendre pour dire: Les montants qui devaient être appropriés pour les chefs de groupe au secondaire, nous allons les utiliser pour apprivoiser ces polyvalentes-là, M. le Président, pour faire en sorte que le directeur de l'école, de la polyvalente puisse jouir d'un réseau, que, nous, nous avions, à la régionale de Chambly, appelé DPA-1, DPA-2, des directeurs d'école de premier niveau puis de deuxième niveau, qui s'occupaient tant du secteur pédagogique que du secteur administratif des polyvalentes.

M. le Président, je vous parle de choses qui ont 15 ans aujourd'hui. Mais elles ont été faites non seulement en entente avec nos syndicats, elles ont été faites en entente avec le ministère de l'Éducation. Et je pourrais vous nommer des commissions scolaires, plusieurs commissions scolaires qui ont des lettres signées, signées par le ministère de l'Éducation, les autorisant à prendre leurs montants affectés aux postes de chefs de groupe pour financer des structures plus innovatrices en matière de direction d'école, en matière de gestion de polyvalente.

Conclusion. Aujourd'hui, là, si on adopte ce projet de loi là tel qu'il est, des commissions scolaires, des directions d'école, des élèves vont payer, vont écoper parce que, quelque part, il y a quelqu'un qui ne sait pas exactement comment ça marche, ce réseau-là, c'est quoi la réalité dans ce réseau-là. Ça existe encore. Je n'essaie pas de vous dire, M. le Président, que ça n'existe plus, des chefs de groupe. Mais je suis convaincu qu'il y a au moins 50 % des commissions scolaires qui ont utilisé des chefs de groupe il y a 15 ou 18 ans et qui ne les utilisent plus aujourd'hui. Et, je dirais, toutes celles qui ne le font plus ne le font plus avec un accord du ministère de l'Éducation. Ce n'est pas rien. Le ministère de l'Éducation leur a dit: Oui, vous pouvez cesser votre formule de chefs de groupe. Vous vous êtes entendues localement avec votre syndicat d'enseignants, vous avez réorganisé la direction de vos écoles polyvalentes de 1 500, 2 000, 2 500, 3 000, 3 500 élèves. Nous vous disons: O.K., prenez l'argent que nous vous donnions pour vos chefs de groupe et organisez la restructuration de vos polyvalentes. Réorganisez l'administration de vos polyvalentes pour vous assurer que les parents d'élèves dans les polyvalentes vont avoir des enfants qui ont un encadrement meilleur.

Aujourd'hui, on est en train d'abolir ça, ce montant-là de 20 000 000 $. Qu'on ne pense pas que c'est les commissions scolaires qui vont écoper de 20 000 000 $, là. Les gens qui travaillent dans les écoles en relation directe avec les élèves, en relation directe avec les enseignantes et les enseignants, c'est eux autres, M. le Président, qui vont écoper de ça. Et je comprends fort bien les commissions scolaires de ne pas avoir voulu que le gouvernement sacrifie les postes de chefs de groupe au secondaire pour essayer d'arriver à faire une entente, pour essayer de grimper son montant à 100 000 000 $. Il y en a plusieurs commissions scolaires qui sont dans cette situation-là, et, ayant eu l'occasion de travailler suffisamment longtemps dans ce réseau-là et dans ce milieu-là, je pourrais vous en nommer plusieurs. L'histoire n'est pas là. Si ça intéressait la ministre, ça me ferait plaisir de lui dire là où sont les impacts particulièrement négatifs d'un projet de loi comme celui-là, sans compter le message que ça envoie.

Le message que ça envoie, c'est que, quand vous êtes partenaire de ce gouvernement, vous êtes susceptible d'être sacrifié. Quand vous êtes le partenaire de ce gouvernement, vous êtes susceptible d'avoir une loi comme la loi n° 37 qui va faire en sorte d'empêcher le partenaire d'avoir des droits prépondérants, d'avoir une voix prépondérante dans tous les autres sujets qui n'étaient pas les sujets financiers, les sujets qui touchaient l'organisation scolaire, les sujets qui touchaient l'organisation des écoles, M. le Président. La voix prépondérante locale en matière d'organisation scolaire est attaquée ce soir par le projet de loi n° 37, et, quand il sera adopté, la prépondérance des commissions scolaires en matière de négociation dans des matières touchant l'organisation scolaire aura été gravement atteinte.

(20 h 30)

M. le Président, le problème que pose cette loi, en plus de ceux que je viens de vous mentionner, c'est que, l'an prochain, il y a une autre récupération de 100 000 000 $ à faire. Or, on le sait, aujourd'hui, le gouvernement vient d'envoyer le signal aux commissions scolaires et à ceux qui administrent le réseau des écoles du Québec: Si on a une chance de passer vos droits de gérance à la moulinette, si on a une chance de faire une entente dans votre dos, on va le faire. C'est absolument incroyable, après des années d'efforts, une volonté commune, des mises sur pied d'institutions communes, comme le CPNCC, Comité patronal de négociation des commissions scolaires catholiques; le CPNCP, Comité patronal de négociation des commissions scolaires protestantes; le CPNC, Comité patronal de négociation des collèges, tous les comités patronaux, M. le Président, à partir de ce soir, peuvent savoir que le gouvernement peut les lyncher quand il voudra en proposant un projet de loi de deux articles qui viendra faire en sorte de tout simplement assassiner leurs partenaires. Partenaire avec ce gouvernement-là, c'est un billet aller pour la misère.

Quand on a vu comment le premier ministre traite l'éducation comme priorité, on peut s'assurer, M. le Président, que sa priorité, le lendemain des crédits, avait pris le bord de la poubelle. Les enfants du Québec, les jeunes, préscolaire, primaire, secondaire, vont être les premières victimes de l'ensemble des décisions prises sur leur dos, tant au Conseil du trésor qu'au ministère des Finances. La ministre tentera de régler sa compression de 259 000 000 $ plus une compression supplémentaire de 100 000 000 $ uniquement pour le secteur primaire-secondaire, sans compter l'augmentation de 77 000 000 $ de taxes scolaires que les Québécoises et les Québécois vont connaître. Ce gouvernement-là aura suffisamment trompé son monde, en tout cas dans le secteur de l'éducation.

Les gens qui font des discours, M. le Président, qui nous ont amené des lois nous disant qu'il fallait que les sociétés, que les compagnies au Québec investissent au moins 1 % de leur budget dans le perfectionnement de leur personnel, ce même monde, M. le Président, coupe 5 000 000 $, 5 000 000 $ en compressions au budget de perfectionnement des enseignantes puis des enseignants du Québec. Quel bel avenir! Quel bel avenir ce monde-là peut offrir aux générations montantes! On coupe dans le perfectionnement des maîtres, on coupe dans le perfectionnement des enseignantes et des enseignants.

S'il y en a qui se rappellent, parce que ça fait longtemps que vous n'avez pas enseigné... Il y en a quelques-uns qui ont enseigné plusieurs années, ici – j'en reconnais plusieurs – qui ont fait du militantisme syndical, qui savent ce que c'est que d'être dans une école de septembre à juin, que ce n'est pas facile, qui savent, en 1996, que tu as besoin d'acquérir des moyens nouveaux pour être capable de capter l'attention de ton auditoire, de tes élèves, tant au niveau préscolaire, primaire que secondaire. Les 5 000 000 $ de perfectionnement, M. le Président, ils n'étaient pas gaspillés année après année. Pourquoi, cette année, dans les compressions, on vient justement cibler le perfectionnement des maîtres comme étant un moyen de répondre à la commande du Conseil du trésor? Je comprends que le Conseil du trésor cherche à faire de la récupération, des compressions, mais encore faut-il avoir le sens des priorités, M. le Président.

Je répète que ce même gouvernement – on ne le dira jamais suffisamment – avant le référendum, fait une entente avec toutes les parties. Tout le monde signe l'entente, qui dit ceci: Nous devrons récupérer 100 000 000 $ dans le réseau primaire-secondaire et, si toutefois nous ne réussissons pas à nous entendre, partie patronale-partie syndicale, nous devrons – et c'est signé par toutes les parties, dont le gouvernement – faire en sorte de récupérer six journées pédagogiques que nous ne paierons pas aux enseignants, non seulement aux enseignants et aux enseignantes, mais à tous les employés du secteur de l'éducation.

Il n'y a pas eu d'entente, on le sait. On a demandé à la ministre, combien de fois, ce qui arrivait avec ces ententes. Ça ne marchait pas, la CEQ reculait, la CEQ n'avançait pas à son rythme, elle nous disait: La centrale ne va pas suffisamment rapidement. Mais, au lieu de s'en tenir à l'annexe qu'elle avait elle-même signée avec l'ensemble des syndiqués et l'ensemble de la partie patronale, elle a décidé d'imposer un projet de loi qui nous amène à des compressions, encore une fois, innommables concernant l'abolition des chefs de groupe, innommables concernant les compressions au budget de perfectionnement des enseignantes et des enseignants, M. le Président.

M. le Président, ce gouvernement ne se grandira pas avec l'adoption de la loi n° 37, et c'est la raison, une des raisons, je dirais, fondamentales pour lesquelles mon groupe parlementaire va voter contre, parce qu'encore une fois on ne cruficie pas, on ne brise pas, on ne frappe pas dans le dos son partenaire avec lequel on pense qu'on pourrait s'entendre pour négocier. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Je cède maintenant la parole à la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, j'aimerais intervenir sur le projet de loi n° 37, Loi favorisant la conclusion d'ententes dans le secteur de l'éducation, un projet de loi spécial, déposé en catastrophe, le 28 mai dernier, par la ministre de l'Éducation.

À première vue, il s'agit d'un projet de loi anodin qui ne porte que sur deux articles, mais, quand on analyse le contexte dans lequel ce projet de loi a été introduit ainsi que son impact sur les relations et les conditions de travail en milieu scolaire, il y a lieu de s'inquiéter. Dans la note explicative, on peut lire, et je cite: «Ce projet de loi permet au gouvernement d'autoriser le ministre de l'Éducation, s'il y a impossibilité d'en arriver à une position commune au sein d'un comité patronal de négociation, à convenir, au nom de ce comité, de modifications aux conventions collectives existantes applicables aux enseignants d'une commission scolaire.» Donc, ce projet de loi, s'il franchit l'étape de l'adoption, autoriserait la ministre de l'Éducation à se substituer au comité patronal prévu par la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives pour imposer de façon unilatérale des modifications aux conventions collectives existantes applicables aux enseignants, ce qui reviendrait, dans les faits, à écarter les commissions scolaires du comité patronal.

Une telle décision est outrageante pour les commissions scolaires, qui sont les partenaires privilégiées du ministère de l'Éducation. Elle va à l'encontre de «l'entente intervenue entre le comité patronal de négociation pour les commissions scolaires pour catholiques, les commissions scolaires confessionnelles catholiques et les commissions scolaires dissidentes pour catholiques et la Centrale de l'enseignement du Québec, pour le compte des syndicats d'enseignants et enseignantes qu'elle représente», convention portant sur les années 1995-1999 et signée par ses différents partenaires, incluant l'ancien ministre de l'Éducation.

Il est utile de rappeler le contexte dans lequel ce projet de loi spécial a vu le jour. On se souviendra, M. le Président, qu'à la veille du référendum, en septembre 1995, le gouvernement du Parti québécois avait consenti aux syndicats d'enseignement des augmentations de salaire de 1 % en 1996-1997, de 1 % en 1997-1998, un montant forfaitaire de 0,5 % au printemps de l'année en cours ainsi qu'une bonification du régime de retraite.

En contrepartie, les syndicats des enseignants se sont engagés à dégager des économies de 100 000 000 $ à même la convention collective des enseignants. Cette mesure visait à contrecarrer l'augmentation du temps d'enseignement ou celui du nombre d'élèves, ce qui aurait eu pour effet d'abolir un certain nombre de postes d'enseignant. L'échéancier de l'identification des mesures d'économie avait été fixé au 22 février 1996. Il a également été convenu qu'à défaut d'une entente entre les syndicats et le comité patronal sur les mesures devant conduire à l'économie de 100 000 000 $ l'écart devait être comblé par la transformation de journées pédagogiques en journées de congé sans traitement, ce qui représente une économie de 15 700 000 $.

(20 h 40)

Les négociations entamées depuis le 20 février dernier entre la partie syndicale et les commissions scolaires n'ont pas permis de dégager un accord final. Cependant, de nombreuses propositions ont été soumises et discutées de part et d'autre pour arriver à un écart de 6 000 000 $. Pendant ce temps, la ministre de l'Éducation a toujours rassuré les parties ainsi que les membres de l'Assemblée nationale qu'elle n'interviendrait pas dans le processus de négociations.

Lors des débats en commission parlementaire, la ministre s'est engagée au moins à deux reprises à ne pas s'impliquer dans le différend qui oppose la partie syndicale et la partie patronale au sujet des mesures devant conduire à l'économie de 100 000 000 $. C'est ainsi qu'elle a déclaré en commission de l'éducation, le 22 avril 1996, et je cite: «Moi, je n'impose rien, j'applique les résultats des négociations qui ont eu cours entre deux parties consentantes. Je n'ai pas fait de décret, aucun, et je n'en ferai pas. Cependant, les parties ont convenu que, si elles ne s'entendaient pas, il y avait une mesure qui était prévue, et c'est celle-là... Je ne veux pas minimiser les choses, je pense qu'il faut que d'ici quelques semaines on se soit entendu. Si on ne s'est pas entendu, la convention collective s'appliquera, et [...] c'est bien prévu, ce qui doit s'appliquer – dans la convention. Je n'ai pas à intervenir par ailleurs autrement que de reconnaître ce qui est dans la convention.» Fin de citation.

Comment expliquer, donc, la volte-face de la ministre et son mépris de la convention collective qu'elle a elle-même négociée et qui stipule, à la page 278, et je cite: «Dans le cas où le total des économies générées par les modifications identifiées n'atteint pas la cible de 100 000 000 $ pour cette année scolaire, l'écart entre le montant généré et la cible est comblé par des jours ou parties de jour de congé sans traitement pris à même les journées pédagogiques prévues pour cette année scolaire, étant précisé que chacun de ces jours génère une économie de 15 700 000 $.»

Comment la ministre de l'Éducation peut-elle parler de partenariat quand elle n'hésite pas, à la première occasion, à imposer sa tutelle aux commissions scolaires, qui se retrouvent écartées du jeu des négociations et privées de leur autonomie de gestion? Pourquoi a-t-elle décidé d'intervenir par voie législative en déposant un projet de loi spécial, alors que le processus de négociations n'avait pas encore été épuisé et que, même si les parties étaient arrivées à une impasse, la convention collective prévoyait des mesures d'arbitrage qui auraient permis une entente satisfaisante pour les deux parties tout en sauvegardant un climat harmonieux de relations de travail?

Je ne peux donc que constater le caractère improvisé de ce projet de loi ainsi que la rigidité de la ministre de l'Éducation, qui bafoue les règles les plus élémentaires des conventions collectives pour imposer par voie législative ce qu'elle n'a pas réussi à faire de par l'autorité morale que lui confèrent son titre et son mandat de ministre de l'Éducation.

C'est un pire exemple à donner à nos jeunes, M. le Président, nos jeunes à qui on apprend à développer des mécanismes pacifiques de gestion des conflits, à respecter la parole donnée et à régler leurs différends par voie de négociations. Quelle déception pour eux d'apprendre que la ministre de l'Éducation, qui doit porter haut les valeurs communes de nos institutions scolaires, se comporte de façon autoritaire et antagonique à l'égard des commissions scolaires qui sont ses principaux partenaires. Par ce projet de loi n° 37, la ministre de l'Éducation vient confirmer une fois de plus sa volonté de limiter l'autonomie de gestion des commissions scolaires. On se souviendra, M. le Président, des coupures majeures qu'elle a imposées au milieu de l'éducation et qui ont un impact sérieux sur la qualité des services de l'enseignement, d'encadrement et des services pédagogiques.

Pour vous donner une idée de l'ampleur de ces coupures et surtout de leurs effets directs, je citerai le texte d'une résolution adoptée par le Conseil des commissaires scolaires de la commission scolaire de Brossard lors de sa séance du 10 avril 1996 et qui a été envoyée au premier ministre du Québec.

«Considérant que la qualité de l'enseignement est gravement menacée par les nouvelles contraintes budgétaires 1996-1997;

«Considérant que la commission scolaire de Brossard a mis en place, depuis déjà plusieurs années, un plan de redressement financier qui a amené une organisation administrative minimale, laissant ainsi un fardeau important au personnel;

«Considérant que la baisse de clientèle, qui, au cours des années antérieures, se faisait plutôt sentir dans les écoles primaires, se fait maintenant également sentir dans les écoles secondaires;

«Considérant que cette baisse de clientèle amène par le fait même une baisse de subvention tant pour les fins éducatives, administratives que pour le maintien des édifices scolaires;

«Considérant que la rigidité des conventions collectives restreint les marges de manoeuvre souhaitables pour l'organisation scolaire;

«Considérant que le gouvernement du Québec continue à imposer les lourdeurs administratives qui auraient pu et pourraient être simplifiées – pensons, par exemple, à l'application des décrets relatifs au projet de loi n° 102 sur la réduction de 1 % de la rémunération dans les secteurs publics; pensons à la gestion des prélèvements requis pour les fins de pensions alimentaires; pensons à la complexité des rapports requis pour la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurance, CARRA, et pour la Commission de la santé et de la sécurité du travail, CSST; pensons à toutes les modalités d'application de la TPS et de la TVQ, alors qu'un taux global pour l'ensemble du domaine scolaire pourrait être appliqué;

«Considérant que les compressions budgétaires imposées au secteur privé des écoles primaires et secondaires sont beaucoup moins élevées que l'effort budgétaire requis pour les commissions scolaires pour le secteur public;

«Considérant que le gouvernement du Québec, par l'entremise de son premier ministre, M. Lucien Bouchard, s'engage à faire de l'éducation une priorité nationale;

«Considérant que les coûts administratifs relatifs à la gestion des commissions scolaires sont de beaucoup inférieurs à ceux observés dans les autres organismes publics et dans les municipalités;

«Considérant l'obligation qu'ont les commissions scolaires – organismes publics – de fournir des services éducatifs de qualité à tous les types de clientèles de leur territoire;

«Il est proposé par M. Réal Hébert – qui est le président de la commission scolaire – que le gouvernement du Québec et plus particulièrement le ministère de l'Éducation voient à réviser à la hausse les différents paramètres de financement 1996-1997 afin de permettre aux commissions scolaires de remplir leur mission essentielle: l'éducation publique et gratuite des élèves des niveaux d'enseignement primaire et secondaire ainsi que des étudiants à l'éducation aux adultes.» Fin de citation du texte de la résolution.

En terminant, M. le Président, pour toutes ces raisons invoquées, je voterai contre le projet de loi n° 37, Loi favorisant la conclusion d'ententes dans le secteur de l'éducation, un projet de loi par lequel la ministre de l'Éducation impose la tutelle aux commissions scolaires. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de La Pinière. J'accorderai maintenant la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je me sentais dans l'obligation d'intervenir à l'adoption de principe du projet de loi n° 37, Loi favorisant la conclusion d'ententes dans le secteur de l'éducation.

D'entrée de jeu, M. le Président, je vous soumets que le titre du projet de loi n'est pas tout à fait exact, parce qu'il ne s'agit pas d'une loi qui favorise une entente dans le secteur de l'éducation; il s'agit d'une loi qui impose un règlement dans une situation qui, quant à nous, devrait être négociée. Là-dedans, dans à peine deux petits articles, la ministre de l'Éducation se substitue au comité patronal dans une négociation qui implique les deux parties.

(20 h 50)

M. le Président, je vous ai dit que je me sentais dans l'obligation d'intervenir et je vais prendre les quelques moments qui sont disponibles pour m'expliquer. D'autres collègues avant moi ont déjà indiqué en cette Chambre que, lors de l'étude des crédits en commission de l'éducation, le 22 avril précisément, la ministre de l'Éducation a répondu à une série de questions posées par mon collègue, le député de Marquette, sur ce même sujet.

M. le Président, ça vaut la peine de citer quelques extraits du Journal des débats de cette commission. Ça vaut la peine de citer, parce que, quand on n'a pas confiance aux paroles d'un ministre, ça cause des problèmes aux parlementaires. Ça cause des problèmes, M. le Président, à tous les parlementaires. Et on a, je pense, quelques indications très claires que, pour le projet de loi n° 37, la ministre n'a pas tenu parole. Elle n'a pas tenu parole. Et c'est grave, M. le Président. Je sais que nos règlements nous obligent de prendre, d'accepter les paroles de n'importe quel député en cette Chambre. Mais, malheureusement, les faits sont un peu contraires.

Alors, le 22 avril, M. le Président, la ministre de l'Éducation répondait ainsi à une question posée par mon collègue, le député de Marquette. «J'ai toujours pensé – c'est la ministre qui parle – que, s'il fallait prendre un peu plus de temps pour en arriver à une entente négociée et que ça ne compromette pas le résultat [...] malgré l'inquiétude du président du Conseil du trésor...»

Elle continue: «Moi, ma plus grande inquiétude, justement, c'est bien plus de m'assurer que les gens arrivent à s'entendre que l'inquiétude sur les résultats. Je ferai remarquer aux membres de la commission, et en tout respect pour mon collègue, le député de Marquette, que je n'impose rien.»

Quatre petits mots, M. le Président: «Je n'impose rien.» C'est ça que la ministre de l'Éducation a dit le 22 avril de cette année. Elle a continué, également, M. le Président, plus tard. Elle s'est répétée à plusieurs reprises. C'est un peu comme répéter quelque chose sept fois. Je ne sais pas si la ministre de l'Éducation a répété cette phrase sept fois, mais elle l'a répétée à plusieurs reprises: «Je n'impose rien.» Je cite la ministre encore, M. le Président: «Je n'impose rien, j'applique les résultats des négociations qui ont eu cours entre deux parties consentantes. Je n'ai pas fait de décret, aucun, et je n'en ferai pas. Cependant, les parties ont convenu que, si elles ne s'entendaient pas, il y a des mesures qui étaient prévues, et c'est celle-là.»

M. le Président, la mesure prévue, si les parties ne s'entendaient pas, a été même négociée par cette ministre de l'Éducation, quand elle était présidente du Conseil du trésor. Dans le cas de dispute entre les deux parties, une autre mesure était pour s'appliquer, la mesure contenue dans la convention collective. C'est l'annexe XLIX, M. le Président.

Et je dois vous dire, si j'ouvre une petite parenthèse, M. le Président, que je suis reconnaissant au député de Groulx, qui m'a donné un certain éclairage là-dedans, parce que le numéro de l'annexe est en chiffres romains, en latin, XLIX, et, comme produit de notre système éducatif au Québec, j'ai été malheureusement obligé de constater que je ne savais pas que XLIX était 49. C'est une faille, peut-être, dans mon éducation, M. le Président, mais c'est une faille qui doit être partagée par beaucoup de gens de ma génération, je ne suis pas le seul. Alors, je suis reconnaissant au député de Groulx pour avoir indiqué, lui, avec son éducation classique, que XLIX représente effectivement 49.

Alors, M. le Président, je disais que le processus qui était prévu s'il n'y avait pas d'entente était inclus dans la convention collective. Il y avait une solution négociée par la présidente du Conseil du trésor d'alors, qui y a fixé sa signature, et cette procédure était de toucher les journées pédagogiques sans traitement. C'est un peu compliqué, M. le Président, mais l'essentiel, c'est qu'il y avait une autre voie dans le cas d'une mésentente, et l'autre voie était contenue dans la convention collective, à l'article XLIX négocié par cette même ministre de l'Éducation quand elle était présidente du Conseil du trésor d'alors.

Alors, M. le Président, tous les éléments de mon intervention sont en place: des déclarations en commission parlementaire par la ministre de l'Éducation à l'effet qu'elle n'imposerait rien aux deux parties, elle n'imposerait rien; deuxième élément, en cas de mésentente, une procédure contenue dans un document que cette même ministre avait négocié et auquel elle a «affixé» sa signature.

Alors, qu'est-ce qu'on a devant nous, M. le Président? Malheureusement, on a un cas de mésentente. Les parties... Il y a un écart d'à peu près 7 000 000 $ entre les deux parties. Alors, selon les paroles de la ministre et selon la convention collective qu'elle a négociée et signée, à l'annexe XLIX, on a une procédure pour régler ça. Mais, non, M. le Président. Mais, non, ce n'est pas ça qu'on fait, on ne respecte pas notre parole. La ministre de l'Éducation ne respecte pas sa parole. Elle nous arrive avec un projet de loi dont l'effet est de se substituer au comité patronal pour imposer une solution. Bien, c'est carrément à l'encontre de ce que la ministre avait dit en avril de cette année à mon collègue et devant toute la commission de l'éducation. Ça va carrément à l'encontre. La ministre n'a pas tenu parole, et c'est sérieux.

Je vous ai dit, M. le Président, que je me sentais dans l'obligation d'intervenir dans ce sens, parce que, hier, on a eu une démonstration éloquente que la ministre n'a pas tenu parole. Là, ça commence à être grave: deux incidents où la ministre de l'Éducation, responsable pour le développement moral de nos enfants, ne tient pas parole. Ça n'a pas de bon sens, M. le Président. C'est gênant, c'est honteux. Hier, on était à la commission des affaires sociales, à l'étude du projet de loi n° 11, projet de loi qui touche l'organisation des services de garde. J'ai eu l'occasion, hier, de citer la ministre encore une fois, comme je viens de le faire, dans un autre contexte, citer la ministre, ses paroles en Chambre, ici, le 3 juin. La ministre avait dit, en réponse à une question de mon collègue, le député de Jacques-Cartier, porteur du dossier des services de garde: «M. le Président, j'ai déjà rencontré les représentants et les représentantes de l'ensemble des services de garderie du Québec, dont les garderies à but lucratif, et je les ai informés que je n'avais pas d'objection à ce qu'on prenne un temps pour les entendre sur le projet de loi n° 11.»

(21 heures)

C'était ça, l'engagement de la ministre de l'Éducation, responsable des services de garde, le 3 juin. Mais, hier, en commission parlementaire, M. le Président, elle et sa formation politique, les députés ministériels, sauf deux, sauf deux, ont voté contre les propositions faites par l'opposition officielle d'entendre les groupes. Nous avons proposé, si ma mémoire est bonne, trois motions pour entendre des groupes que, selon la ministre, elle était prête à entendre, le 3 juin, et elle et son parti ministériel, sauf deux, ont voté contre. Ils ne voulaient pas entendre ces mêmes groupes, M. le Président. La ministre, hier, n'a pas tenu parole. La ministre de l'Éducation n'a pas tenu parole dans le dossier des services de garde... le projet de loi n° 11. Là, aujourd'hui, dans le dossier des ententes dans le secteur de l'éducation, la ministre n'a pas tenu parole.

M. le Président, nous savons tous que quelqu'un qui ne tient pas parole ne peut avoir la confiance de qui que ce soit. On peut qualifier, M. le Président... des mots que nous ne pouvons pas utiliser en cette Chambre. Nous pouvons qualifier quelqu'un qui ne tient pas parole... nous pouvons la qualifier avec des mots qui sont antiparlementaires. On connaît les mots, M. le Président. Même les enfants, dans les écoles, connaissent les mots pour quelqu'un... comment on appelle quelqu'un qui ne tient pas parole. Même mes enfants, M. le Président, de 10 ans et de sept ans, savent comment qualifier quelqu'un qui ne tient pas parole. Et c'est sérieux, M. le Président, parce que les enseignants et enseignantes qui sont responsables du développement social, moral et intellectuel de nos enfants... Ils savent à quel point la parole est importante. Vous le savez, M. le Président, comme père. Vous savez à quel point c'est important de tenir parole devant vos enfants. C'est essentiel, pour le fondement de n'importe quelle société, qu'on soit capable de tenir parole, de respecter nos engagements.

Imaginez-vous, M. le Président, pas la moindre personne... la ministre de l'Éducation a renié sa parole, a renié ses engagements dans ce dossier et dans le dossier des garderies. C'est triste, M. le Président, qu'on soit rendu à ce point, qu'on soit rendu au point que la personne ultimement responsable de nos services éducatifs au Québec ait été prise dans deux situations flagrantes où elle ne respecte pas sa parole, où elle ne respecte pas les engagements qu'elle avait pris.

Mr. Speaker, we have before the House tonight an exceptional measure which is designed to interrupt a process of negotiation that is provided for in collective agreements signed by the Government of Québec and in annexes to those collective agreements. We have a situation where, in the month of May, before a parliamentary commission, no less than a sub-committee of this very House, Mr. Speaker, the Minister of Education made a commitment to not interfere in the process of negotiation between two groups representing employees and representing employers in the public education sector. She made that commitment, Mr. Speaker, it is there, on record, in black and white. In black and white, Mr. Speaker. It's very clear.

I can't imagine how the Minister thinks that she can weasel out of what she said in April of this year. But that's what she's trying to do, Mr. Speaker. She's trying to weasel out of a commitment that she made before the parliamentary commission on education, by imposing Bill 37, An Act to foster labour agreements in the education sector – a misnomer if I ever heard one, Mr. Speaker. This bill is not to foster labour agreements in the education sector, that sounds much too positive. It's to impose a situation where the Minister herself said she would not intervene, repeatedly, Mr. Speaker. Not once, not twice, but repeatedly, following questions from my colleague, the Member for Marquette, and even questions from one of her own colleagues, Mr. Speaker, one of her own colleagues, who is here present in the Chamber this evening, fulfilling his parliamentary duties, I assume, by sitting there.

The MNA for Maskinongé, Mr. Speaker, questioned the Minister on this very subject. With great perspicacity, Mr. Speaker, perhaps the MNA for Maskinongé saw something coming. Perhaps that's why he's in the corner of the House, because he had that perspicacity. He had that perspicacity, Mr. Speaker, that prescience to question the Minister of Education on this subject, and, unfortunately, his questions went prescient, because the Minister went and contradicted her statements to one of her very own colleagues, Mr. Speaker. Shameful! A betrayal in front of one of her very own colleagues who was questioning her on this issue. Never mind that she betrayed the Opposition, that we're used to, Mr. Speaker. That's what we've come to expect, and the public as well, but to do it in front of one of her own colleagues, Mr. Speaker, requires a courage of a very different sort, a courage of a very different sort that we do not need in this province.

The Minister of Education did not respect her word, Mr. Speaker, and it is she that is responsible, as Minister of Education, globally for the development, the social, moral, and intellectual development of our children. I shudder at the thought that it is she that is responsible for the development – moral, social, and intellectual – of my children, because they are in the public school system.

Mr. Speaker, it's very clear that the Minister of Education cannot be taken at her word. She cannot be trusted. She has undermined the confidence of this House in the performance of her functions. It's a very serious situation, Mr. Speaker, that has to be dealt with seriously, I believe, by this House and by the members of the public who may be aware of this situation.

Alors, M. le Président, pour toutes ces raisons, je me sens dans l'obligation, compte tenu de l'histoire qu'on a vécue hier avec cette même ministre concernant la situation qui est devant nous. Deux jours de suite où la ministre de l'Éducation ne tient pas parole, c'est trop, M. le Président. C'est deux jours de trop et puis c'est pour ça qu'on va voter contre le projet de loi n° 37. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. J'accorderai maintenant la parole au député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais aussi faire quelques commentaires sur le projet de loi n° 37, Loi favorisant la conclusion d'ententes dans le secteur de l'éducation. Un drôle de titre, M. le Président, quand on voit le contenu et quand on écoute ce qui se passe dans ce projet de loi. Je pense que les mots les plus utiles pour cette discussion de ce projet de loi, ce n'est pas «favorisant la conclusion d'ententes». Les mots sont plus «trahison». C'est plus des mots comme «induire la population...»

(21 h 10)

La ministre de l'Éducation a dit clairement dans plusieurs cas, elle a dit qu'elle n'interviendrait pas. Elle n'interviendra pas. M. le Président, si c'est vrai, pourquoi nous avons ce projet de loi n° 37 ce soir? Et un vendredi soir, que la ministre essaie de passer ce projet de loi. Double langage qui commence à être le signe de ce gouvernement. Je ne sais pas si, au Conseil des ministres, ils donnent des leçons à leurs ministres comment pratiquer le double langage, parce qu'un après l'autre, après l'autre, c'est exactement la même chose. Je peux faire le même discours dans presque n'importe quelle loi maintenant, M. le Président. C'est une gang qui dit une chose à la population et fait exactement le contraire. C'est inacceptable comme comportement d'un gouvernement. Mais le pire jusqu'à maintenant où au moins un des pires, c'est le projet de loi n° 37. Le double langage de la ministre de l'Éducation est inacceptable. Elle a dit avant les élections, M. le Président, avant le référendum, elle a conclu des ententes. Ce gouvernement, pour acheter les votes, ils ont dépensé 1 000 000 000 $ de notre argent.

Le Président suppléant (M. Payne): Question de règlement, Mme la leader adjointe.

Mme Caron: M. le Président, selon l'article 35.6°, on ne peut pas imputer des motifs indignes. Et je pense que de dire «acheter les votes», c'est vraiment imputer des motifs indignes, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Payne): Effectivement, M. le député de Nelligan, Mme la leader adjointe a parfaitement raison. Si vous pouvez suivre le règlement.

M. Ouimet: Question de règlement, M. le Président. En quoi décrire une situation commise par le gouvernement – c'est ce qui s'est passé juste avant la période référendaire – en quoi un fait vécu...

Des voix: Oh!

Le Président suppléant (M. Payne): Il ne s'agit pas d'une question de règlement, M. le député. Si vous voulez continuer.

M. Williams: Merci. M. le député de Maskinongé, je vais parler de vous un peu plus tard. D'une façon ou d'une autre, là, ça n'a pas marché. J'ai parlé de 1 000 000 000 $ qu'ils ont dépensé avant le référendum pour des raisons assez claires, merci. Si je n'ai pas le droit, pour une raison ou une autre, d'expliquer comme il faut ici, M. le Président, je respecte votre décision, mais la population a compris: ils ont dépensé 1 000 000 000 $ pour une raison claire. Et avec les votes que nous avons vus le 30 octobre, nous avons vu clairement que ça n'a pas marché. O.K.?

Mais je voudrais retourner au projet de loi n° 37. Effectivement, le projet de loi n° 37, c'est une conséquence de ce geste partisan, pour une raison purement politique. Parce que chaque geste a une raison, je présume. Et le geste de 1 000 000 000 $ avant le référendum, c'est pour des conséquences partisanes. Maintenant on paie pour ça. C'est clair. Il y a une conséquence à cette décision. Et maintenant la ministre, malgré sa parole de ne pas faire d'intervention, avec ce projet de loi, elle fait exactement le contraire de ce qu'elle a dit.

Moi, quand je fais exactement le contraire de ce que j'ai dit, j'ai un mot pour ça. J'ai entendu la liste des mots antiparlementaires, je n'ai pas le droit de dire ça. Mais, encore une fois, peut-être que les règles ici sont plus sévères qu'en dehors de cette Chambre. M. et Mme Tout-le-Monde comprend ce que je veux dire. Quand tu dis une chose et que tu fais exactement l'autre, c'est bien clair comment on appelle ça, en réalité. Si je n'ai pas le droit de dire ça ici, j'accepte. Mais, en dehors de la Chambre, tout le monde va comprendre que, quand tu dis une chose et que tu fais exactement le contraire, c'est au moins un double langage.

Mr. Speaker, when you look at politicians nowadays and you ask what the population thinks of them, we don't necessarily have a very good reputation, and one the reasons of it is because of the behavior of the Minister of Education. Because one of the things that we must guard absolutely passionately is the confidence that the people have in us. And one of the ways to do that is to make sure they trust us and they respect us, because we respect them. When you can't even respect your own signature... The betrayal of a signature is something fundamental; Mr. Speaker, you know this. If you give your hand in a handshake, if you say: This is what I'm going to do, once you give that up, you have nothing left.

Il me semble que, ce soir, après le dépôt de ce projet de loi, la ministre a tout perdu. Elle a perdu toute sa crédibilité. Elle est la ministre de l'Éducation et elle est responsable de l'éducation de nos enfants. Je suis, ce soir, embarrassé par ce gouvernement, embarrassé par le geste qu'on trouve dans le projet de loi n° 37. Une trahison, un double langage. Elle a induit la population en erreur avec ce projet de loi n° 37. Il me semble que la meilleure chose, avant la fin de cette session, M. le Président, au prochain Conseil des ministres, j'espère que la ministre va expliquer son erreur. Et il y a toujours une chance, nous sommes tous humains, peut-être qu'elle peut retirer ce projet de loi. C'est inacceptable, ce qu'elle demande dans ce projet de loi.

M. le Président, le double langage que l'on voit avec ce gouvernement, c'est indéfendable. Avec le niveau de taxation et les coupures dans les services, je pense que, bientôt, nous allons changer de côté dans cette salle. La population voit ça facilement, parce que, avec les taxes, avec les coupures, avec le double langage, bientôt nous allons avoir un ressac de l'opinion publique contre ce gouvernement.

Bill 37, An Act to foster labour agreements in the education sector. Foster education agreements. Foster. Translation of «foster» into French would be: «favoriser», «encourager», «stimuler». Is this fostering when what you do is slap the face of one of your partners for the pure and total benefit of the other partner? This is a clear example, Mr. Speaker, of the politics of division that this Government practices. This Government, and again in a Cabinet, I think there are two lessons given: one, how to speak double-talk, how to say one thing and do something else; the other is how to practice the politics of division. How do you divide the population up? How do you pit one part of the population against the other part of the population? That's what Lucien Bouchard is an expert in, that's what this Government is an expert in, and that is what each and every minister is trying to do: to pit one part of the population against another part of the population.

Le Président suppléant (M. Payne): M. le député, pouvez-vous, s'il vous plaît, «décliner» de faire référence au premier ministre par son nom, mais plutôt par sa circonscription, comme pour tout autre député?

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président, ça me donne une chance de répéter ce que j'ai dit. Le gouvernement de ce premier ministre, le gouvernement péquiste est en train de pratiquer deux règles: double langage et la politique de division. Merci, M. le Président, député de...

M. Gautrin: Jonquière.

M. Williams: ...Vachon. Le député de Vachon? Oui. Le député de Vachon m'a donné une chance de répéter...

Une voix: ...

M. Williams: Non, je parle du député de Vachon, qui a présidé quand j'ai parlé. Le député de Vachon m'a donné une chance de répéter que c'est un gouvernement à double langage. C'est un gouvernement de politique de division, et, merci beaucoup, M. le député de Vachon, de me donner cette chance. Parce que, effectivement, loi après loi, nous avons vu une stratégie assez évidente maintenant, une stratégie tellement claire avec ce projet de loi n° 37. On ne respecte pas ce que nous avons dit; on ne respecte pas notre parole. Nous allons dire à la population n'importe quelle chose et nous allons faire exactement le contraire. C'est ça que nous avons dans le projet de loi n° 37, M. le Président.

(21 h 20)

Mr. Speaker, thank you. When I was young and when friends of mine or family members didn't tell the truth, when we didn't tell the truth, we were punished for that. A number of ways to punish, and I won't tell you them all... But one of the ways we were punished is we were sent to the corner. We were sent to the corner if we didn't tell the truth. I don't know if other families did it, but it's a simple gesture. When there is a problem, you send a child to the corner, and he thinks about what he's done, and he reflects at it looking in the corner, often facing the corner. Hopefully, there is a certain understanding that comes from this, and, after a certain time in the corner, he respects the message from his elders. In this case, in the case that he didn't tell the truth, he was sent to the corner, and, if he didn't tell the truth, he spent time in the corner and, if you didn't tell the truth, you faced the corner maybe for an hour or two or maybe for longer. I don't know if you had this experience, Mr. Speaker. But sending somebody to the corner was a penalty for not telling the truth.

Mais nous avons une drôle d'expérience ici, qui est exactement le contraire de ça. Quand le député de Maskinongé a demandé d'avoir la vérité, a demandé d'avoir une «clarity» de la décision, le député de Maskinongé... Souvent, j'encourage sa participation dans le dossier, et, de temps en temps, nous avons travaillé ensemble. Je voudrais l'encourager encore à travailler dans les dossiers. Mais, quand il a demandé d'avoir la «clarity» et la vérité, M. le Président, et quand il a questionné la ministre, et quand la ministre n'a pas respecté sa parole, ce n'est pas la ministre qui est allée dans le coin, c'est le député de Maskinongé.

C'est exactement l'envers de ce qui se passe en réalité. Parce qu'il me semble que ce n'est pas le député de Maskinongé qui doit être dans le coin, ça doit être la ministre de l'Éducation. O.K.? C'est le gros bon sens. Pardon? Et aussi le premier ministre. Nous avons quatre coins. Bientôt, là, ça va être tout plein si on pratique cette règle: quand tu ne dis pas la vérité, tu as besoin de passer un peu de temps dans le coin, là. Les quatre coins vont être assez pleins, merci beaucoup, assez vite!

Une voix: En tout cas, ce serait difficile pour...

M. Williams: M. le député de Maskinongé, je vous respecte et je trouve ça dommage que les députés qui essaient de pousser la ministre à respecter la vérité, c'est les députés qu'on retrouve dans le coin, et pas les ministres.

I'm trying to speak in simple language, Mr. Speaker, to pass a very simple message: we expect ministers to tell the truth; we expect ministers to respect their signatures; we expect elected officials of this Government to not go around and say one thing and do exactly the opposite; we expect our ministers to negotiate; we expect our ministers to respect the duly elected institutions of Québec society.

M. le Président, j'ai trois commissions scolaires dans mon comté: Baldwin-Cartier, Lakeshore et PSBGM. They've all been betrayed, each and everyone of them. Those people have been elected by the population of the West Island to work for education. Ils sont élus afin de faire leur possible pour l'éducation. Souvent, les commissaires font ça presque bénévolement. Je connais presque tous les commissaires des trois commissions dans mon comté et je voudrais les féliciter pour leur bon travail.

Mais, maintenant, la ministre a dit: Vous autres, vous n'êtes pas importants. Elle a mis les commissions de côté. Pourquoi? Parce qu'elle veut dealer une entente avec ses amis, particulièrement la CEQ. Mais, M. le Président, d'avoir une bonne façon de travailler ensemble, si elle veut vraiment favoriser la conclusion d'ententes, si c'est ça, l'intérêt du projet de loi, ce n'est pas une façon de faire ça.

Moi, je pense qu'il y a une stratégie de ce gouvernement péquiste, c'est de favoriser les divisions de la société québécoise. C'est ça, la stratégie du Parti québécois, de diviser, «splitter» la population, mettre une partie de notre société contre l'autre. Ce n'est pas une façon de négocier, M. le Président, ce n'est pas une façon de favoriser la conclusion d'ententes. Elle ne respecte pas sa parole, comme tous les autres ministres. Le bilan de ce gouvernement, particulièrement quand le nouveau premier ministre est arrivé, ça va être un bilan de double langage et de non-respect pour la population québécoise. Mais le pire, dans ce cas-là, M. le Président, est que nous avons des instances tellement connues et tellement compétentes, c'est nos commissions scolaires. Nos commissions scolaires, qui ont fait un travail extraordinaire pour l'éducation, elle veut mettre ces commissions scolaires de côté.

And here, the Minister is trying to, as my colleague, the deputy from Notre-Dame-de-Grâce, said, weasel out of respecting her signature, weasel. This is complete betrayal, Mr. Speaker. And once you lose the confidence of the people, once they don't trust you anymore, once you've shown that your word doesn't mean anything, you've lost everything. Once you have shown that you don't care about your very word – you put your signature on a piece of paper, you shook hands with people – once you lose that, you have nothing as a politician, and that's what the Minister has lost tonight.

Elle a tout perdu parce qu'elle a montré que sa parole n'a aucune importance pour elle. Elle a montré, comme tous les autres ministres, que sa parole, c'est de deuxième importance. Moi, M. le Président, c'est quelque chose de grave quand on parle de trahison, comme nous avons discuté, un député après l'autre. Je comprends pourquoi le reste de la Chambre est presque vide ce soir, parce qu'ils sont tous...

M. Gautrin: Honteux, honteux.

M. Williams: ...honteux de ce projet de loi. C'est presque vide, et je ne nomme pas ceux qui ne sont pas ici. Ce n'est pas une question de règlement, M. le Président, mais c'est presque vide. Ils sont honteux. C'est un projet de loi... Je comprends pourquoi, au moins, le député de Maskinongé est ici ce soir, parce qu'il veut regarder si la ministre va enfin respecter sa parole. Avec ça, M. le Président, il y a juste une réponse sur ce projet de loi, c'est non. J'espère qu'avec un «no» presque... j'espère que ça va être unanime, que la ministre va dire... Une règle pour les politiciens, d'abord et avant tout: on doit respecter notre parole, on ne peut pas avoir un double langage. Et, si on ne respecte pas notre parole, on perd tout.

In this House, in the National Assembly, we put faith and trust on the table. If the population does not have faith and trust in us, if we show we don't have faith and trust in the various institutions of Québec society like the «commissions scolaires», the school commissions, there's a complete breakdown. I sincerely ask the Minister to withdraw this bill, and maybe she can save the little bit of credibility that she has left, maybe she can start working with the partners, because it's not by the politics of division, it's not by the politics of back talk... ce n'est pas par la politique du double langage que nous allons améliorer notre société québécoise, c'est par le respect et c'est, de votre part, par une bonne compréhension des besoins de la population québécoise. Mais, d'abord et avant tout... we have to tell the truth. Thank you very much, Mr. Speaker.

(21 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. Je reconnais maintenant le député de Laviolette. M. le député.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je n'avais pas l'intention de parler, mais, après le discours qu'on vient d'entendre, ça m'a donné le goût de dire quelque chose. Parce que c'est facile pour un gars comme celui qui vient de parler avant moi, M. le Président, de répéter la même chose une fois en français, une fois en anglais, il peut faire 20 minutes assez facilement, mais ne rien dire en même temps, d'autant plus qu'il insulte les gens quand il dit ce qu'il a dit. Il sait très bien qu'en cette Chambre il y a un quorum qui est prévu. Il y a des gens qui sont en commission parlementaire. Il y a trois commissions parlementaires qui fonctionnent en même temps, il y a des gens qui sont ici, donc, de telle sorte qu'au moment où on se parle il y a ici, à l'Assemblée, ce que les règlements nous permettent d'avoir.

Dans ce contexte-là maintenant, il faut dire quelque chose de sensé quand on parle, pas répéter 50 fois la même chose. Ça ne sert à rien, simplement à perdre le temps s'ils le veulent. Ils ont eu le goût de le faire aujourd'hui. Ce n'est pas ce qui était prévu. Quand ils parlent de manquer à sa parole, je peux dire, moi, ce qui est arrivé ici ce soir. Il y a des gens, de l'autre côté, qui ont manqué à leur parole. Je dis que ça a déçu les gens, même de l'autre côté, de voir qu'une personne s'est levée alors qu'en réalité il y avait une entente entre les leaders. Je pense qu'il faut le dire. Puis, moi, je suis tanné de me faire dire qu'on est des gens qui manquons à notre parole, quand, d'abord et avant tout, c'est eux qui ont commencé, ce soir, à manquer eux-mêmes à leur parole. Il y avait une entente entre les leaders pour arriver à faire en sorte qu'on termine convenablement cette soirée.

Mais, quand j'ai quelque chose à dire, je le dis correctement. Je prends cinq minutes pour le dire; je n'en prends pas 20 si j'ai cinq minutes à dire. Je ne répète pas trois fois la même chose en trois ou quatre langues différentes pour le plaisir de le dire. Je suis capable, ici, moi, en cette Assemblée, de dire pourquoi je suis debout puis pourquoi je suis contre.

Je sais très bien qu'ils ont des réticences à un projet tel qu'il est là. Ça leur permet de se flatter puis de dire qu'il y a eu des choses dans le passé qui ont été dites, puis que ce n'est pas de même qu'on fonctionnait. Mais, écoutez, là, j'ai été, dans ma vie, moi, négociateur sur le côté syndical, puis on l'a dit. J'ai quelqu'un, le député de Bourassa, qui parlait cet après-midi, qui était du côté syndical, qui, aujourd'hui, a fait un discours autrement que de dire s'il était pour ou conte le projet de loi, simplement en rappelant des faits qu'il a vécus lui-même et que j'ai moi-même vécus quand j'étais président de syndicat et permanent syndical, où le Parti libéral, à l'époque des années 1972, m'avait mis 500 000 $ de dettes sur la tête parce que j'avais eu le courage de défendre des positions.

J'aurais pu le dire de cette façon-là, M. le Président, mais je veux regarder le projet de loi tel qu'il est. C'est quoi, le projet de loi? On a beau prendre le titre puis dire: Ententes, voyons donc!, il y a eu des ententes. Il y a eu, comme dans tout secteur à travers toute l'administration publique, des demandes qui ont été faites à chacun de se serrer la ceinture. Des syndicats ont négocié avec la partie patronale qui s'appelle les commissions scolaires. Ils sont venus prêts d'arriver à une entente, ce que la ministre souhaitait, mais, finalement, il n'y en a pas eu d'entente.

Qu'est-ce qui est arrivé? Il fallait, un jour, trancher, faire quelque chose. C'est ça qui est arrivé. Maintenant, comment trancher? Trancher en vertu de quoi? Pour la première fois de ma vie, j'ai l'occasion... Même si, en 1982-1983, j'ai eu des décisions difficiles à prendre, je suis allé expliquer aux enseignants ce que c'était. Qu'est-ce que les enseignants ont dit dans les trois assemblées que j'ai eues dans mon propre comté? Ils ont dit: Au moins, tu as eu le courage de venir nous le dire; on n'est pas d'accord avec toi, mais tu as eu le courage de venir nous le dire. Je suis allé le dire, puis correctement, à part ça, en leur disant que, quand j'ai été payé par leur salaire à eux, qui étaient les cotisations syndicales, j'ai travaillé pour eux. Quand je suis devenu député de l'Assemblée nationale, je ne travaillais plus pour les enseignants seulement, je travaillais pour l'ensemble de la population. Puis quand, en 1982-1983, sont arrivés des événements où il a fallu prendre des décisions, je connais celui qui était chef de la centrale syndicale à l'époque. Je sais pourquoi il a fait des choses dans ce sens-là. Je sais pourquoi il a fallu poser des gestes difficiles. Mais, aujourd'hui, la commission scolaire, pour des raisons qui lui appartiennent de patron voulant garder la mainmise sur l'ensemble de l'éducation...

On essaie de nous faire passer, de l'autre côté, pour des gens qui voulons enlever les montants d'argent nécessaires pour l'éducation des enfants. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas ça qui arrive. Qu'est-ce qui est arrivé? On a demandé à tout le monde de s'asseoir à une table, de regarder entre eux autres ce qu'ils pouvaient faire pour compenser le 100 000 000 $ qui manquait dans le contexte des compressions budgétaires de partout. C'est les syndiqués qui l'ont décidé. Ils l'ont présenté à leur assemblée, ils ont demandé à la commission scolaire d'accepter, mais le droit de gérance a refusé ces choses. Alors, il faillait qu'il y ait une décision qui soit prise, M. le Président. Et quelle a été cette décision? C'est celle que la ministre nous propose, qui était véritablement un modus vivendi entre la proposition syndicale, ou la demande syndicale, et la proposition patronale, ou la demande patronale, peu importe de quel côté on se place. Et, dans ce contexte-là, M. le Président, pourquoi aujourd'hui, de l'autre côté, de cette façon-là, essayons-nous de nous faire accroire que nous sommes des gens qui ne voulons pas le bien des enfants? Pourquoi nous dire ces choses-là?

Je sais qu'il va y avoir une dernière réplique de l'autre côté avant de passer à d'autres projets de loi qu'on aurait dû étudier à 17 heures cet après-midi. Bien, une chose est certaine, M. le Président, je ne peux pas accepter que, dans les discours qu'on vient d'entendre, on dise n'importe quoi, de n'importe quelle façon, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Laviolette et whip en chef du gouvernement. Je cède maintenant la parole au député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, il y a des mots que le règlement nous interdit de prononcer, et je ne les prononcerai pas. Je n'utiliserai pas le terme «menteur», je n'utiliserai pas le terme «traître», je n'utiliserai pas le terme, actuellement, d'«hypocrite», parce que le règlement ne nous permet pas, à l'heure actuelle, de les utiliser pour qualifier aucun député. Je ne les utiliserai pas. Néanmoins, j'ai le droit de penser, et vous aussi, M. le Président, vous avez le droit de penser. Donc, je n'utiliserai pas ces mots, soyez sans crainte. Néanmoins, premièrement, on a devant nous deux choses. Deux choses: un projet de loi, et je voudrais intervenir sur le fait qu'on a déposé un projet de loi, et, deuxièmement, je voudrais intervenir sur le contenu du projet de loi.

Premièrement, la ministre, malgré les engagements très clairs qui avaient été pris devant le député de Marquette et devant le député de Maskinongé, en commission parlementaire, de laisser le processus de négociation fonctionner... Et même si ça gêne le député de Laviolette, M. le Président, je me sens dans l'obligation de le répéter, parce que, comme enseignant – il est un enseignant, je le suis aussi – la pédagogie, c'est de répéter. Quand les gens n'ont pas compris, on répète. Alors, il ne semble pas avoir compris.

La ministre avait dit: «Je n'impose rien. J'applique les résultats des négociations qui ont eu cours entre deux parties consentantes. Je n'ai pas fait de décret, aucun, et je n'en ferai pas. Cependant, les parties ont convenu que, si elles ne s'entendaient pas, il y avait une mesure qui était prévue à cette fin.» Alors, n'essayons pas de nous faire croire, M. le Président, que les parties ne s'entendent pas et qu'on est dans l'impasse. Si les parties ne s'entendaient pas, comme elles ne s'entendent pas, la convention collective prévoyait clairement ce qu'il fallait faire. La convention collective prévoyait clairement ce qu'il fallait faire, et, M. le Président, en commission parlementaire, la ministre disait clairement: «Je vais respecter la convention collective.» C'est ça qu'elle avait affirmé au député de Marquette.

Et, aujourd'hui, qu'est-ce qu'elle fait? Elle ne respecte pas la convention collective. Et, lorsque le député de Laviolette intervient en disant, à l'heure actuelle: Ah! les parties ne se sont pas entendues, il fallait qu'on intervienne, c'est faux, M. le Président. La convention collective prévoyait, et je me permets de le lire pour le bénéfice du député de Laviolette qui ne semble pas la connaître, et je vais le lui répéter, la convention collective prévoyait – c'était important: «Dans le cas – je lis, M. le Président, et c'est important – où le total des économies générées par les modifications identifiées n'atteint pas la cible de 100 000 000 $ pour cette année scolaire, l'écart entre le montant généré et la cible est comblé par des jours ou parties de jours de congé sans traitement pris à même les journées pédagogiques prévues pour cette année scolaire, étant précisé que chacun de ces jours génère une économie de 15 700 000 $.»

M. le Président, la convention collective, qui portait la signature à la fois de la présidente de la Fédération des commissions scolaires et du ministre de l'Éducation d'alors, au nom du gouvernement, avait bien prévu que, oui, il y avait des récupérations à faire, que, s'il n'y avait pas entente, il y avait un mécanisme qui était inclus dans la convention collective. Que l'on n'essaie pas de nous faire croire qu'il n'y avait pas, à l'heure actuelle, de mécanisme prévu. Et la ministre avait clairement dit, clairement dit, M. le Président, et je relis encore les galées, si vous voulez, je pourrai vous les relire encore une fois, qu'elle respecterait la convention collective que le gouvernement avait signée. Aujourd'hui, en présentant ce projet de loi, qu'est-ce que fait la ministre? Elle ne respecte pas la convention collective.

(21 h 40)

Alors, M. le Président, je vous permets de voir les qualificatifs. Il y a, dans les qualificatifs qu'on ne peut pas utiliser, une foule de qualificatifs que je n'utiliserai pas pour qualifier, à ce moment-là, le genre de personne à double langage – vous avez parfaitement raison – qui est en mesure – en mesure – à l'heure actuelle, de dire quelque chose en commission parlementaire, avec l'importance que c'est de témoigner en commission parlementaire, M. le Président... Vous savez que, quand un ministre témoigne en commission parlementaire, c'est l'équivalent de témoigner sous serment, de témoigner en commission parlementaire qu'elle respectera la convention collective, de témoigner en commission parlementaire qu'il n'est pas question qu'elle fasse un décret ou une loi spéciale. Et, exactement un mois et demi après, on arrive avec une loi spéciale.

Déjà, c'est exactement, M. le Président, ce qu'on voit de plus en plus dans ce gouvernement. Après l'assurance-médicaments qui n'est, de fait, qu'une taxe-médicaments, qui n'est strictement qu'un moyen détourné pour aller chercher dans la poche des personnes âgées et des personnes les plus démunies 200 000 000 $, de faire en sorte que les personnes âgées, qui avaient la gratuité aux médicaments, ne l'auront plus – et on appelle ça, évidemment, l'assurance-médicaments, c'est magnifique dans le jeu des mots – alors qu'on avait un budget qu'on prétendait qu'il n'aurait pas d'effet sur les citoyens, on a des coupures budgétaires, et on voit actuellement des coupures dans le monde de l'éducation, dans le monde de la santé. Vous voyez, ça continue: un langage et une réalité, une réalité qui est tout autre.

Vous me permettrez, M. le Président, une fois que je viens d'intervenir sur le fait qu'on a une ministre qui n'a pas respecté sa parole...

Une voix: Oh!

M. Gautrin: Et ne dites pas: Oh! Je peux répéter ce que la ministre a dit en commission parlementaire: «Je respecterai la convention collective.» La convention collective précisait clairement les moyens pour arriver à la réduction de 100 000 000 $ si jamais il n'y avait pas entente, mais on ne la respecte pas aujourd'hui. J'imagine que, au moins de la part de l'opposition, il n'y en a pas un qui va se lever et va prétendre qu'on respecte aujourd'hui la convention collective dûment signée, avec la signature de la ministre de l'Éducation. M. le Président, il y a encore un minimum de décence à avoir à cet effet-là.

Deuxièmement – il y a un deuxième élément – c'est le contenu du projet de loi. Là, à ce moment-là, c'est encore beaucoup plus gros, le contenu du projet de loi. Et ça fait penser un petit peu qu'est-ce que ça peut vouloir dire, partenariat, pour ces gens-là. Partenariat. Parce que, de fait, dans les négociations, le gouvernement est partenaire avec la Fédération des commissions scolaires dans ce qu'on appelle la partie patronale. Ils sont partenaires, chacun, dans la convention collective des enseignants. Il y a deux signatures: la signature de la ministre de l'Éducation et la signature de la présidente de la Fédération des commissions scolaires. Il y a deux signatures, M. le Président.

Et qu'est-ce que fait le projet de loi? C'est magnifique! Magnifique! Son partenaire, le partenaire qui est la Fédération des commissions scolaires, bien, évidemment, on le tasse. Parce qu'on n'arrive pas à s'entendre avec son partenaire patronal, parce qu'on n'arrive pas à avoir réellement un véritable partenariat, le projet de loi, qui a deux articles, dit: C'est moi seul qui vais maintenant être la partie patronale. C'est moi seul qui vais être la partie patronale. Nous avions dégagé un véritable... ou nous prétendions avoir un partenariat. C'était magnifique dans les mots. Le mot «partenariat», ç'a été un mot que le gouvernement avait l'habitude d'utiliser. Alors, partenariat, c'est magnifique, mais ça veut dire quoi dans leur bouche? Ça veut dire: Quand on est partenaires, si vous êtes d'accord avec moi, ça marche; mais si vous n'êtes pas d'accord avec moi, écrasez-vous! Écrasez-vous parce que c'est moi qui ai le pouvoir de la loi. Écrasez-vous parce que c'est moi qui ai le pouvoir de la loi.

Et qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui? À des gens qui sont dûment élus – parce qu'il faut bien être conscient, les commissions scolaires, ce n'est pas des fonctionnaires, ce sont des représentants, dans un mode électif, de la population aussi, M. le Président; ce sont des représentants de la population aussi – on dit à ces représentants de la population, avec qui, normalement, dans les négociations, on aurait dû avoir un partenariat de partie patronale parce que la convention doit être appliquée par ces deux parties, on leur dit: Écrasez-vous, vous n'avez plus rien à dire dans les négociations; moi seul, gouvernement et ministre, je vais être la partie patronale.

Écoutez, j'ai, dans mon vocabulaire personnel, beaucoup de qualificatifs pour qualifier un partenaire qui se conduit de cette manière-là avec son partenaire, mais ces qualificatifs – vous les imaginez comme je peux les imaginer moi-même – vous savez que je ne peux pas les utiliser ici. Donc, je ne les utiliserai pas pour me faire rappeler à l'ordre par vous, mais vous savez, M. le Président, à quoi je pense lorsque je fais référence à un partenaire qui écrase l'autre partenaire, qui le met complètement de côté, qui l'aplatit. Vous vous imaginez ce à quoi je peux faire référence, M. le Président. Eh bien, c'est ça, à l'heure actuelle, qu'on a dans ce projet de loi de la part de la ministre de l'Éducation. C'est ça qu'on a dans ce projet de loi de la part de la ministre de l'Éducation, et vous comprenez à quel point nous allons nous opposer à ce projet de loi.

Parce que le troisième élément, il faut bien y réfléchir: Pourquoi les commissions scolaires sont si importantes dans la signature et dans la partie patronale? Parce que, une fois que la convention collective ou l'accord sur le rattrapage du 100 000 000 $ sera signé entre les deux parties, qui va réellement l'appliquer dans la vie? Comment ça va se faire? Ce n'est pas la ministre. Ce n'est pas la ministre, M. le Président. Ça va être la commission scolaire avec les enseignants, chacun dans son local, etc., qui vont l'appliquer. C'est eux qui vont avoir à l'appliquer, à vivre avec ça. Et c'est pour ça que, dans notre régime de négociation, le régime de négociation, ce n'est pas le gouvernement qui négocie, c'est un partenariat d'une commission scolaire, de la Fédération des commissions scolaires et du gouvernement, le ministère, bien sûr, parce qu'il est l'organisme-payeur, principal organisme-payeur, mais aussi les commissions scolaires parce qu'elles ont à appliquer la convention collective, les commissions scolaires parce qu'elles ont aussi à contribuer, parce qu'elles ont aussi une partie des fonds qui sont leurs fonds propres. Et, M. le Président, à l'heure actuelle, le projet de loi n° 37 écarte du revers de la main ce partenaire en éducation, traditionnel, qui a été la Fédération des commissions scolaires, de la négociation collective.

Alors, comprenez bien le signal qui est donné aujourd'hui. Comprenez bien le signal qui est donné aujourd'hui. De la part du gouvernement, on nous dit: Ah! vous savez, c'est pour régler un petit problème, les parties étaient déjà arrivées à peu près... Elles s'étaient entendues sur la manière de récupérer 93 000 000 $, la divergence était seulement sur la manière de récupérer 7 000 000 $. Il fallait trancher pour aller plus vite pour essayer d'aboutir, il fallait que j'intervienne.

Faites attention, M. le Président. Faites attention, M. le Président. En intervenant dans le processus de négociation comme on le fait aujourd'hui si on vote la loi n° 37, on est en train de remettre, pour le futur, en question l'équilibre dans les négociations dans le secteur public. Et c'est très grave ce qui se passe actuellement. Le partenariat des parties patronales dans le secteur public, et particulièrement dans le secteur de l'éducation où, à la fois des représentants de la population élus par le biais des commissions scolaires et des représentants du gouvernement avaient, de tout temps, depuis qu'il y a des négociations dans le secteur de l'éducation, été réunis, obligés, contraints d'avoir une position commune et avaient été en mesure de l'établir et de la défendre quelles que soient les positions des uns et des autres...

J'ai souvenance – et il est intervenu tout à l'heure – de l'époque – parce que c'était mon ami, et c'est toujours mon ami, d'ailleurs – où le député de Westmount–Saint-Louis était le président de la Fédération des commissions scolaires, et j'ai souvenance qu'à l'époque, dans les négociations, il devait faire front commun avec le député de Bourget qui, à l'époque, était le ministre de l'Éducation. Et, ensemble, ils devaient échanger, négocier, parler, mais faire en sorte que, même si les familles politiques n'étaient pas les mêmes l'un et l'autre, il y ait une position commune.

(21 h 50)

Aujourd'hui, la loi n° 37 est une brèche dans ce partenariat, et c'est très grave, très, très, très grave, parce que, M. le Président, dans le futur, lorsqu'on aura une tension à la table de négociation, lorsque, à la table de négociation, la partie syndicale n'arrivera pas à gagner un point, si, dans le futur, on maintient le front patronal des commissions scolaires et du gouvernement – à moins que ce gouvernement ait l'intention de balayer les commissions scolaires complètement – dès qu'il y aura accrochage – et vous savez qu'en négociations collectives vous avez toujours des accrochages, mais vous finissez par vous entendre – ou tension, à ce moment-là, une partie pourra dire à une des parties patronales: Dans le fond, vous ne représentez rien. Il y a déjà eu un exemple particulier, on a déjà fait en sorte de vous – excusez le terme – tasser dans le coin, vous n'avez pas vraiment de crédibilité.

Et, en votant... Et j'espère, à l'heure actuelle, M. le Président, que les parlementaires d'en face qui proposent ce projet de loi vont réfléchir. Ce n'est pas, à l'heure actuelle, dire: Bon, on règle, c'est simplement une toute petite question qu'on règle, etc. Ils sont en train d'ouvrir une brèche dans le principe, le mécanisme de négociation, dans le fond, publique.

Alors, M. le Président, c'est un exemple de plus, ce projet de loi, un exemple de plus du double langage de ce gouvernement. J'ai rappelé tout à l'heure la situation de l'assurance-médicaments, à quel point l'assurance-médicaments fait en sorte que votre maman, qui actuellement a ses médicaments gratuits, va être obligée, demain, de payer 900 $ par année pour avoir les médicaments que, actuellement, elle avait gratuitement. Et, en plus de ça, vous allez aller lui expliquer que, ça, c'est magnifique, parce que c'est l'assurance-médicaments. Je vous le laisse. Bonne chance aussi dans ce dossier-là.

C'est limpide. Aussi, dans le double langage de ce gouvernement, hier, on a débattu du ministère de la Métropole. C'était magnifique, un ministère de la Métropole, mais, après, quand on se rend compte de la réalité, qu'on soulève le couvercle, double langage, on a un miniministre sans budget. Alors, un beau titre: Un miniministre sans budget.

À l'heure actuelle, M. le Président, on se retrouve encore dans la même situation. C'est une loi qui prétend favoriser... Écoutez bien comme c'est drôle, cette affaire-là: la Loi favorisant la conclusion d'ententes dans le secteur de l'éducation. Écoutez, c'est une loi pour favoriser la conclusion d'ententes dans le secteur de l'éducation, et la réalité c'est quoi? C'est qu'on écrase le partenaire patronal, on le débarque complètement de la table de négociation, et on lui dit: Voici ce que, je pense, va être l'entente pour le partage des 100 000 000 $. Et on a le – excusez le terme, je pense que le terme «culot» est parlementaire, merci – culot de prétendre que c'est une loi pour favoriser les ententes! S'il vous plaît, le ridicule ne tue pas. Le ridicule ne tue pas parce que, si le ridicule tuait, franchement, les parlementaires d'en face auraient de la difficulté à survivre aux titres des projets de loi qu'ils proposent.

M. le Président, vous comprenez bien que, parce que, nous, de ce côté-ci, nous sommes conscients de l'importance de maintenir, de ne pas faire de brèche dans le principe de négociation qui avait été établi de longue date et qui faisait un partenariat en la partie patronale, nous ne pouvons en aucune manière adopter, accepter le projet de loi n° 37.

M. le Président, aussi, je dois dire et répéter ici encore tous les qualificatifs que je ne peux pas dire sur une ministre qui prétendait respecter la convention collective qu'elle avait signée, qui prévoyait les mécanismes pour régler ce problème et qui, lorsqu'on ne peut pas régler le problème, n'applique pas le mécanisme, mais, au contraire, nous réunit aujourd'hui, à 22 heures un vendredi soir, pour passer une loi spéciale et ne pas respecter sa signature, ne pas respecter une convention collective. C'est extrêmement grave, M. le Président, dans les relations de travail, de ne pas respecter la convention collective qui a été signée.

Et, pour cette raison-là, M. le Président, j'espère que ceux d'en face qui savent ce qu'est une convention collective n'iront pas voter en faveur du projet de loi n° 37 qui renie la signature du gouvernement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Alors, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Oui. Alors, en vertu de l'article 220 de notre règlement, je demande le vote par appel nominal.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Marquette, vous êtes d'une rapidité extraordinaire. Alors, si vous le permettez, comme il n'y a plus, maintenant, d'intervenants, le principe du projet de loi n° 37, Loi favorisant la conclusion d'ententes dans le secteur de l'éducation, est-il adopté?

M. Ouimet: Vote nominal.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors...

Mme Caron: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.


Vote reporté

Mme Caron: Conformément à l'article 223 de notre règlement, je vous demande de reporter le vote à notre prochaine séance, à la période des affaires courantes, c'est-à-dire le lundi 17 juin.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, c'est très bien. Le vote sera reporté aux affaires courantes, lors de la séance du lundi 17 juin. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 8 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 135


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, l'article 8. L'Assemblée reprend le débat ajourné à la séance d'hier sur l'adoption du principe du projet de loi n° 135, Loi modifiant de nouveau la Loi sur la fiscalité municipale.

Alors, y a-t-il des interventions sur le projet de loi n° 135? Mme la députée...

Une voix: La Pinière.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi.

M. Gautrin: La Pinière.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, je sais. Seulement, lorsqu'il y a quatre députés qui sont debout en même temps, je dois – deux choses – ou bien vous demander lequel veut prendre la parole ou bien y aller d'un tirage au sort. Alors, maintenant je cède la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, il y a un an, le ministre des Affaires municipales de l'époque, M. Guy Chevrette, faisait le tour du Québec...

Mme Caron: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors...

Mme Houda-Pepin: Ça va, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...je crois, Mme la députée de La Pinière, que vous avez très bien saisi.

Mme Caron: Article 35.1.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons nommer le député soit par son comté, soit par son titre. Alors, Mme la députée de La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Il y a un an, M. le Président, le ministre des Affaires municipales de l'époque faisait le tour du Québec pour parler de décentralisation et d'une plus grande autonomie des instances locales et régionales, laissant entendre aux élus des municipalités que cette décentralisation allait s'accompagner de ressources appropriées. Aussitôt le référendum du 30 octobre terminé, il s'est empressé, dès le 23 novembre 1995, d'annoncer, par voie de communiqué de presse, sous prétexte de redressement des finances publiques, qu'il allait effectuer une ponction de 46 700 000 $ dans les recettes de la taxe sur les revenus bruts des entreprises de télécommunications et de distribution de gaz et d'électricité, la TGE. C'est dans ce contexte d'expropriation des municipalités que fut introduit le projet de loi n° 135, Loi modifiant de nouveau la Loi sur la fiscalité municipale.

Il faut se rappeler, M. le Président, que la TGE est une taxe qui faisait partie du pacte fiscal de 1980 et s'inscrivait dans le cadre d'une réforme sur la fiscalité municipale qui a amené le gouvernement et les municipalités à conclure deux ententes. La première prévoyait que les exploitants des réseaux de télécommunications, de gaz et d'électricité soient imposés non pas sur la base de la valeur foncière de leurs installations, mais sur la base de leur chiffre d'affaires. Il s'agissait donc d'un mécanisme compensatoire pour les entreprises de télécommunications, de gaz et d'électricité qui ne payaient pas d'impôt foncier précisément à cause de la difficulté à évaluer la valeur de leurs équipements.

(22 heures)

La deuxième entente entre le gouvernement et les municipalités portait sur la perception de la TGE par le ministère du Revenu qui la transférait au ministère des Affaires municipales qui la redistribuait à son tour aux municipalités selon un certain nombre de critères.

En vertu de ces ententes, le gouvernement retire des frais d'administration de l'ordre de 10 000 000 $ par année, dont 5 000 000 $ sont prélevés par le ministère du Revenu et l'autre 5 000 000 $ par le ministère des Affaires municipales. En 1996-1997, l'enveloppe globale de la TGE s'élevait à 340 000 000 $, si on enlève les 10 000 000 $ prélevés par le gouvernement sous forme de frais d'administration. Dans une édition spéciale de la revue Urba , l'Union des municipalités du Québec a appelé ses membres à la mobilisation générale contre le projet de loi n° 135 et demandé aux municipalités de le bloquer. C'est ainsi qu'on pouvait lire, à la page 2 de ce document, et je cite: «Piger dans les revenus de la TGE ne constitue pas une coupure budgétaire pour le gouvernement, c'est un simple transfert de charges qui oblige les contribuables à payer localement ce que l'État ne leur versera plus directement.» Fin de la citation.

L'Union des municipalités du Québec a vivement dénoncé le caractère bureaucratique de la décision du gouvernement d'introduire le projet de loi n° 135, décision qui va à l'encontre des promesses de la décentralisation tant chantée par l'ancien ministre des Affaires municipales. C'est ainsi que la revue Urba rappelle, et je cite: «Les discussions sur la décentralisation n'ont jamais porté sur une éventuelle modification au régime de la TGE. En effet, au moment où le gouvernement proclamait sa foi dans l'exercice de la décentralisation mené par le ministre Chevrette, qui doit toujours mener à des transferts de responsabilité...»

Mme Caron: 35.1°, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement, j'ai bien compris. Je suis persuadé que, Mme la députée de La Pinière, vous allez corriger votre allocution. Alors, Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, je citais un texte. Donc, c'est dans le texte, je ne peux pas le changer, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la députée de La Pinière, est-ce que je peux vous demander, lorsque vous allez arriver sur le nom d'un député, de transposer ça immédiatement soit par son titre ministériel ou encore par le nom de son comté?

Mme Houda-Pepin: D'accord.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: D'accord, M. le Président, tout en changeant un peu la citation, puisque ce ne serait pas tout à fait conforme. Toujours est-il, M. le Président, et je continue sur la citation qui a été tirée de la revue Urba , qu'on disait: «En effet, au moment où le gouvernement proclamait sa foi dans l'exercice de la décentralisation mené par le ministre des Affaires municipales, qui doit toujours mener à des transferts de responsabilité accompagnés de ressources financières adéquates, les équilibres budgétaires difficiles ont amené, en novembre, des décisions basées uniquement sur la volonté de démontrer que les objectifs financiers 1995-1996 du gouvernement ont été atteints, peu importe la portée des changements imposés aux municipalités. Encore une approche comptable à courte vue.» Fin de la citation.

La mobilisation de l'Union des municipalités a porté fruit, comme en témoigne le nombre impressionnant de résolutions adoptées par les différentes municipalités du Québec appuyant l'Union des municipalités dans sa volonté de bloquer le projet de loi n° 135. La ville de Brossard, qui correspond aux limites de la circonscription de La Pinière, a adopté une résolution dans ce sens le 13 mai 1996, que je me permets de citer dans son intégralité pour exprimer fidèlement le ras-le-bol des élus municipaux face à la mainmise du gouvernement sur la TGE. C'est ainsi qu'on peut lire, dans l'extrait du procès-verbal de la séance régulière du conseil de la ville de Brossard qui m'a été adressé le 14 mai dernier par le greffier de la ville, M. Daniel Carrier, et je cite:

«Attendu que la taxe sur les revenus bruts des entreprises de télécommunication, de distribution de gaz ou d'électricité – TGE – a été instaurée par le gouvernement du Québec pour compenser les municipalités qui ne reçoivent aucun impôt foncier de la part de ces entreprises pour leurs équipements et le réseau;

«Attendu que les revenus de cette taxe ont toujours été exclusivement réservés et équitablement redistribués à l'ensemble des municipalités québécoises;

«Attendu que ce projet de loi, s'il est adopté, permettra également au gouvernement du Québec de s'approprier en partie ou en totalité, et ce, par simple décret du Conseil des ministres, les revenus de la TGE qui, en 1995, représentaient une enveloppe de 336 000 000 $;

«Attendu que le gouvernement du Québec n'a nullement consulté le monde municipal avant d'annoncer son intention de piger dans la TGE;

«Attendu que l'Union des municipalités du Québec a dénoncé le projet de loi n° 135 et proposé un plan d'action visant à bloquer celui-ci;»

«Il est proposé par le conseiller Louis-Carol Duchesne et appuyé par la conseillère Breda Nadon:

«D'appuyer l'Union des municipalités du Québec dans ses démarches visant à bloquer l'adoption du projet de loi n° 135;

«De donner suite, dans les plus brefs délais, au plan d'action suggéré par l'Union des municipalités du Québec;

«De faire part au premier ministre du Québec, au ministre des Affaires municipales, au chef de l'opposition, à la porte-parole de l'opposition en matière municipale ainsi qu'au député local de l'appui de la municipalité aux démarches entreprises par l'Union des municipalités du Québec dans ce dossier.»

Résolu à l'unanimité, Brossard, le 13 mai 1996.

L'opposition officielle, par la voix de la députée de Jean-Talon, n'a pas tardé à réagir pour dénoncer la décision unilatérale du gouvernement, son manque de vision et son attitude irrespectueuse des autorités locales, qui n'ont même pas été consultées sur une question aussi vitale qui les touche directement. L'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec a également manifesté son opposition au projet de loi n° 135, déplorant du même souffle la manière cavalière et improvisée dont le ministre des Affaires municipales a agi dans ce dossier à l'égard de ceux qu'il doit considérer comme ses partenaires privilégiés.

Ceci est d'autant plus déplorable que ce geste unilatéral a été posé précisément par un gouvernement, et plus particulièrement par l'ancien ministre des Affaires municipales et actuel ministre d'État au Développement des régions, un ministre qui a toujours fait feu de tout bois à chaque fois qu'il soupçonnait le gouvernement fédéral de vouloir intervenir dans les champs de compétence provinciale.

Loin de donner l'exemple et de démontrer que le gouvernement du Québec tient compte, dans ses orientations et ses décisions, de la réalité du milieu municipal, qui est le niveau de gouvernement le plus proche des citoyens, le ministre des Affaires municipales a choisi d'agir de façon à mettre les unions des municipalités devant un fait accompli, ce qui est inacceptable. À l'ouverture de son congrès, le 2 mai dernier, l'Union des municipalités a d'ailleurs clairement exprimé son mécontentement au premier ministre qui, loin de les rassurer, n'a fait que réitérer, devant les 1 300 délégués, des généralités, alléguant que sa décision arbitraire répondait aux impératifs budgétaires de l'assainissement des finances publiques.

Une telle attitude n'a fait que confirmer les élus municipaux dans leur scepticisme et leur manque de confiance à l'égard d'un gouvernement qui a érigé la contradiction en système. Ce bris du lien de confiance est dommageable pour le rapport que le gouvernement du Québec doit entretenir avec ses municipalités. Au sommet Québec-municipalités qui a eu lieu à Pointe-du-Lac, près de Trois-Rivières, à la fin du mois de mai dernier, le nouveau ministre des Affaires municipales a tenté d'apaiser la colère des unions des municipalités en promettant de les consulter à chaque fois qu'il décidera de piger dans la TGE. La ponction de 50 000 000 $ sera distribuée de façon à ce que 36 000 000 $ soient alloués au financement de la péréquation, 11 000 000 $ pour les villes-centres et 3 000 000 $ pour le financement des MRC. Pour un moment, on a parlé de consensus, mais on est loin d'arriver à un accord Québec-municipalités sur ce dossier. Au contraire, ce qui s'est dégagé du lac-à-l'épaule démontre que le gouvernement ne reculera pas sur l'expropriation de l'enveloppe de la TGE et que, tout au plus, le milieu municipal sera-t-il consulté sur les montants que le ministre décidera d'y puiser.

(22 h 10)

En fait, cela revient à dire aux municipalités: Nous continuerons à effectuer des ponctions dans votre enveloppe, mais nous vous dirons un peu à l'avance de combien d'argent on a besoin.

Les amendements déposés en fin de journée hier ne permettent pas de conclure à une nette amélioration du projet de loi n° 135. Les unions des municipalités n'ont même pas été consultées sur le libellé de ces amendements, ce qui démontre que le partenariat Québec-municipalités n'est qu'un discours creux.

M. le Président, je ne peux m'empêcher de rappeler la déclaration du premier ministre Bouchard, qui disait qu'il n'y aura pas de hausse de taxes et d'impôts et qu'il fallait couper plutôt dans la bureaucratie et les structures. En introduisant le projet de loi n° 135 sur la fiscalité municipale, le gouvernement démontre qu'il y a un immense fossé entre le discours que le premier ministre fait pour la galerie et les actions concrètes qui affectent lourdement les citoyens. Il n'y a pas de quoi être fier pour un gouvernement qui est rendu à piger dans l'assiette fiscale des municipalités au lieu de donner l'exemple et de couper dans ses propres dépenses.

Ce double langage a vivement été dénoncé sur la place publique par Mme Simard, présidente de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec. Dans un communiqué de presse émis le 14 mai dernier, elle affirme, et je cite: «Quand il prétend qu'il n'augmente pas le fardeau des contribuables québécois, c'est mentir à la population. Qui va payer la hausse de 30 000 000 $ pour la facture de la Sûreté du Québec qu'il veut imposer aux municipalités? Qui va payer les coupures de 35 000 000 $ dans la réfection des routes? Ces mêmes contribuables que les municipalités auront l'odieux de taxer en lieu et place du gouvernement du Québec.»

En effet, M. le Président, en balayant dans les cours des municipalités, des commissions scolaires, des hôpitaux et des CLSC, le gouvernement prétend faire oeuvre d'assainissement des finances publiques. Mais il n'en est rien, puisque, en définitive, ce sont toujours les citoyens qui paient le prix des coupures aveugles imposées par le gouvernement. En définitive, ce que cet exercice démontre à travers le projet de loi n° 135, Loi modifiant de nouveau la Loi sur la fiscalité municipale, c'est le manque de transparence du gouvernement qui force les municipalités à faire face à la colère des citoyens en leur faisant porter l'odieux des décisions du gouvernement dans la mesure où ils n'auront d'autre choix que celui de couper dans les services ou d'augmenter les taxes.

Au nom des citoyennes et citoyens de ma circonscription et dans l'intérêt de l'ensemble de la population du Québec, je voterai contre le projet de loi n° 135, Loi modifiant de nouveau la Loi sur la fiscalité municipale, qui, s'il est adopté, pénaliserait lourdement les municipalités et, par conséquent, l'ensemble des contribuables québécois.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de La Pinière. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur le projet de loi n° 135, sur l'adoption du principe? M. le député de D'Arcy-McGee.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de prendre la parole ce soir afin de souligner mon opposition au projet de loi n° 135, Loi modifiant de nouveau la Loi sur la fiscalité municipale, Bill 135, An Act to again amend the Act respecting municipal taxation.

Ce projet de loi modifie la Loi sur la fiscalité municipale pour remanier deux mesures de transfert de sommes aux municipalités par le gouvernement, à savoir la péréquation et la redistribution des recettes de la taxe appartenant aux municipalités et perçue par le ministère du Revenu auprès des exploitants de réseaux de télécommunications, de gaz et de l'électricité.

En ce qui concerne la redistribution des recettes de la taxe payée par les exploitants de réseaux, le projet de loi prévoit qu'une partie de ces recettes pourront désormais servir au financement de certains programmes désignés par le ministre afin d'assister financièrement les municipalités. Le projet de loi donne au gouvernement le pouvoir de désigner ces programmes dans le règlement relatif à la répartition des recettes de la taxe. Jusqu'à ce que le gouvernement se prévale de ce pouvoir, le projet de loi énumère ces programmes; il s'agit de celui de la péréquation, de celui qui s'adresse aux villes-centres des régions métropolitaines de recensement et d'une partie de celui qui rend neutres les effets financiers des regroupements municipaux.

M. le Président, ce projet de loi présente des modifications qui sont injustifiables. Elles permettent au gouvernement de contourner l'objectif du système d'imposition des exploitants des réseaux qui est avant tout de compenser les municipalités pour les services qu'elles offrent à ceux-ci. Le gouvernement se permet de prélever à même l'argent des municipalités, des montants pour financer les programmes qu'il élabore.

Mr. Speaker, we are in the presence of a bill which is unjustified. This bill amends the Act respecting municipal taxation to redefine two measures under which sums of money are transferred to municipalities by the Government, one of which is the measure for the redistribution of revenues derived from the taxes paid to the Minister of Revenue by operators of telecommunications, gas or electrical systems.

The bill says with regard to the redistribution of revenues derived from taxes paid by the operators of certain systems that parts of those revenues shall in the future serve to finance certain fiscal assistance programs for the benefit of municipalities. The bill proposes to give the Government the power to designate the programs in the regulations relating to the apportionment of revenues derived from taxes. However, those programs are the responsibility of the Government of Québec and not of the municipalities. At present, before the passing of this ill-advised legislation, the municipalities receive from the Government of Québec a total of $336 000 000. This amount is the amount which the province receives from and as the proceeds of the tax on the gross revenues of the telecommunications, gas or electrical companies, and from this amount each municipality receives its fair share.

Vous devez comprendre que ces montants d'argent appartiennent vraiment aux municipalités à cause du fait que ces dernières n'imposent pas de taxes municipales à ces compagnies quand elles ont des installations dans une municipalité. Et je dois vous dire que les municipalités en question auront le droit d'imposer une taxe municipale sur les installations dans les municipalités. Mais il a été convenu que le ministre du Revenu imposera une taxe équivalente aux compagnies qui exploitent un réseau de télécommunications, de gaz ou électricité et que le montant général reçu de ces compagnies sera distribué à toutes les municipalités. C'est un système efficace qui évite d'imposer une taxe municipale dans des cas très spécifiques.

Therefore, as you can well understand, Mr. Speaker, these are moneys which belong to the municipalities and which the municipalities rightfully plan to receive since the Minister of Revenue, as you can see, is in fact only a collector of taxes on behalf of the municipalities. It is therefore normal that these municipalities have made long-range and short-range plans to dispose of and to use these moneys. Suddenly, this PQ Government before us, with little thought or direction, decided to make changes which are unjustified. Mr. Speaker, you cannot take away money which doesn't belong to you. In fact, you cannot take away anything which doesn't belong to you, otherwise, you are wrong, you are at fault. In 1995, the tax in question produced a total sum of $336 000 000, which sum was forwarded to the municipalities on the basis of the formula which was agreed upon by all parties concerned.

(22 h 20)

Le projet de loi devant nous, nommé projet de loi n° 135, Loi modifiant de nouveau la Loi sur la fiscalité municipale, veut donner au gouvernement le droit de s'approprier en tout ou en partie les argents qui appartiennent aux municipalités. Le projet de loi prévoit qu'une partie de ces recettes pourra désormais servir au financement de certains programmes d'assistance financière destinés aux municipalités. Mais ces programmes sont la responsabilité du gouvernement du Québec. Mr. Speaker, as a result of this unjustified intrusion by the PQ Government, the municipalities will suffer from a shortfall of moneys. Therefore, they are put in a very difficult position. For example, under Bill 135, entitled «An Act to amend the Act respecting municipal taxation», the PQ Government has said that it will take $46 400 000 from the sums of money belonging to the municipalities. Mr. Speaker, I ask you: How will the municipalities make up for this loss when preparing there budgets? There is only one way: an increase in municipal taxes caused by this PQ Government.

This, Mr. Speaker, is another hidden tax imposed by this PQ Government, a government which promised no new taxes. But, you know, Mr. Speaker, this Government, and especially its Prime Minister, doesn't always say what he's doing or doesn't always do what he's saying. The Prime Minister, the MNA for Jonquière, seems to have a new habit: saying something seven times – such that he will not increase taxes – and then, when he feels that he is being believed, on the eighth time, the citizens of Québec, if they are lucky, will hear the truth. However, how can we know, when listening to the Prime Minister, which is the eighth time, which is the time when they are getting the real facts? Premier Bouchard has said very clearly...

Mme Caron: Question de règlement, M. le Président.

M. Bergman: The Premier said very clearly: Il n'y aura pas...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député, s'il vous plaît.

M. Bergman: Il n'y aura pas de hausse de taxes et d'impôts.

M. Bissonnet: Question de règlement, M. le Président. Je dois, en vertu de l'article 32, demander aux députés qu'ils occupent leur propre banquette.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, s'il vous plaît. Alors, M. le député, s'il vous plaît.

M. Bergman: Mr. Speaker, I would imagine that, if the Government is keeping us here on a Friday night at 10.20 p.m., they are keeping us here for serious reasons and that perhaps if they want to listen to the speech that is being made, they can; if not, they shouldn't. But I don't think they should be trying to disturb the speech that is being made or ridicule it. Either they listen or they don't.

The Premier said: Il n'y aura pas de hausse de taxes et d'impôts. Il a dit plusieurs fois: Le gouvernement a pris l'engagement, et le tiendra, de ne pas hausser les taxes et les impôts dans son budget présenté le 3 avril dernier. Je suis certain qu'il a répété cette phrase au moins sept fois et, la huitième fois, il nous a donné le projet de loi n° 135, qui est à l'effet contraire de sa promesse de ne pas hausser les taxes et les impôts.

However, Mr. Speaker, the municipalities will have to increase municipal taxes to make up for this loss of $46 300 000 in virtue of Bill 135. Who, I ask you, Mr. Speaker, is responsible for this tax increase? Who has not kept their word? Who have said one thing and have done exactly the opposite? Are we not surprised that Quebeckers are losing confidence in this Government which speaks a double language at all times? Mr. Speaker, all municipal groups and individuals are against this bill, have asked the PQ Government to have pride in itself, live up to its statements, live up to its promises, and withdraw Bill 135.

M. le Président, je voterai contre ce projet de loi pour beaucoup de raisons, mais personnellement à cause du fait que ce gouvernement péquiste n'a pas tenu sa parole envers la population: une promesse de ne pas hausser les taxes et les impôts. Encore un manque de vérité de sa part. Ce projet de loi en est la preuve. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Comme il n'y a pas d'autres intervenants sur l'adoption du principe, le principe du projet de loi n° 135, Loi modifiant de nouveau la Loi sur la fiscalité municipale, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Mme Delisle: En vertu de 220, un vote nominal, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Pinard): Un vote nominal est demandé par l'opposition. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Conformément à l'article 223 de notre règlement, je vous demande de reporter le vote à la période des affaires courantes de la séance suivante, c'est-à-dire lundi le 17 juin.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le vote nominal sera effectivement pris lundi le 17 juin lors des affaires courantes. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au lundi 17 juin 1996, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Alors, les travaux sont ajournés au lundi 17 juin, à 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 26)