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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 7 novembre 1996 - Vol. 35 N° 50

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Table des matières

Présence de parlementaires membres de la Commission constitutionnelle du Parlement finlandais et de l'ambassadeur de la république de Finlande, M. Veijo Sampovaara

Présence de l'ambassadrice de la République socialiste du Viêt-nam, Mme Dinh Thi Minh Huyen

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Quatorze heures neuf minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien, veuillez vous asseoir.


Présence de parlementaires membres de la Commission constitutionnelle du Parlement finlandais et de l'ambassadeur de la république de Finlande, M. Veijo Sampovaara

Alors, nous avons, aujourd'hui encore, des visiteurs. J'ai le grand plaisir, d'abord, de souligner la présence dans les tribunes de parlementaires membres de la Commission constitutionnelle du Parlement finlandais. Cette délégation est présidée par le président du comité, M. Ville Itälä.

(14 h 10)

Également, j'ai le grand plaisir de souligner la présence de l'ambassadeur de la république de Finlande, Son Excellence M. Veijo Sampovaara.


Présence de l'ambassadrice de la République socialiste du Viêt-nam, Mme Dinh Thi Minh Huyen

De plus, j'ai le grand plaisir de souligner également la présence dans les tribunes de l'ambassadrice de la République socialiste du Viêt-nam, Son Excellence Mme Dinh Thi Minh Huyen.


Affaires courantes

Aux affaires courantes, déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: L'article b de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 60

Le Président: À l'article b du feuilleton, M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances présente le projet de loi n° 60, Loi modifiant la Loi sur les assurances. M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, ce projet de loi apporte diverses modifications à la Loi sur les assurances afin d'en faciliter l'application.

Ainsi, concernant les sociétés mutuelles d'assurance, le projet de loi introduit une nouvelle règle voulant qu'il faut souscrire un contrat d'assurance auprès de la société mutuelle d'assurance pour en être membre plutôt que de souscrire une part sociale de qualification. Il modernise les règles relatives au nom qu'une société mutuelle d'assurance peut utiliser en lui rendant applicables celles qui sont déjà prévues au Code civil du Québec. Il prévoit la possibilité pour ses membres d'autoriser la rémunération de ses administrateurs.

Sauf en matière de filiales, le projet de loi rend applicables à tous les assureurs les règles de diversification de placements déjà prévues par la loi pour certaines catégories d'assureurs. Il précise que les limites établies en matière de placement doivent être prises en compte au moment où le placement est effectué.

Le projet de loi introduit de nouvelles dispositions relatives à la nomination, à la démission et à la révocation de l'actuaire d'un assureur et aux fonctions qui lui sont confiées. Concernant celles-ci, le projet de loi édicte que l'actuaire voit à la préparation annuelle d'un rapport qui établit et qui présente les provisions et les réserves qu'il estime appropriées et d'une étude sur la situation financière de l'assureur. En cours de mandat, l'actuaire doit rédiger et transmettre à l'assureur un rapport sur tout fait dont il a pris connaissance et qui est susceptible d'avoir un effet défavorable important sur la situation financière de l'assureur. Il transmet éventuellement un tel rapport à l'Inspecteur général lorsque aucune mesure de redressement appropriée n'a été apportée. L'Inspecteur général est aussi autorisé à requérir des études particulières sur la situation financière d'un assureur.

Enfin, le projet de loi propose plusieurs modifications de concordance ou d'ordre plus technique, notamment pour préciser les règles applicables au vérificateur, celles relatives aux provisions et aux réserves et pour harmoniser les dispositions de la Loi sur les assurances avec celles du Code civil du Québec.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article a de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 55

Le Président: À l'article a du feuilleton, M. le ministre des Transports présente le projet de loi n° 55, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Transports et le Code de la sécurité routière. M. le ministre des Transports.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, ce projet de loi vise à permettre au gouvernement de confier au ministre des Transports la gestion de certains chemins qui ne sont pas assujettis à la Loi sur la voirie pour qu'il y effectue des travaux ou délègue à une municipalité locale ou à un conseil de bande le pouvoir d'effectuer ces travaux.

Il prévoit aussi que le gouvernement pourra déterminer que toutes ou certaines dispositions du Code de la sécurité routière ne s'appliqueront pas sur ces chemins.

Enfin, ce projet de loi étend les pouvoirs de subvention du ministre des Transports en matière de voirie aux conseils de bande.

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

M. Lefebvre: M. le Président.

Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Est-ce que je pourrais savoir du ministre si on a prévu des auditions?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: À ce stade-ci, M. le Président, il n'y a pas d'auditions qui sont prévues.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article c de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 61

Le Président: À l'article c du feuilleton, M. le ministre de la Justice présente le projet de loi n° 61, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Justice et d'autres dispositions législatives concernant l'administration et l'aliénation des produits de la criminalité. M. le ministre de la Justice.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, ce projet de loi a pour objet d'établir l'encadrement législatif permettant l'administration des biens qui sont saisis, bloqués ou confisqués en application du Code criminel et d'autres lois fédérales de même nature, plus particulièrement en matière de produits de la criminalité et de drogues.

Il attribue au Procureur général du Québec la responsabilité de la garde et de l'administration de ces biens ou des amendes qui en tiennent lieu et, lorsque ces biens sont confisqués au profit de l'État ou qu'ils sont réputés être des biens sans maître que l'État s'approprie, celle de leur aliénation.

Par ailleurs, il prévoit un mécanisme de partage du produit net de l'aliénation de ces biens entre le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, les organismes communautaires qui participent à la prévention de la criminalité, les organismes municipaux et le ministre de la Sécurité publique lorsque les corps policiers dont ils ont la responsabilité ont participé aux opérations qui ont mené à la confiscation des biens ou à la condamnation aux amendes, ainsi que le ministère de la Justice relativement aux attributions du Procureur général. Il prévoit enfin que tout solde est versé au fonds consolidé du revenu.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.


Rapport annuel de la Société de développement industriel du Québec

M. Landry (Verchères): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 de la Société de développement industriel du Québec.

Le Président: Alors, ce document est déposé. Mme la ministre de l'Éducation.


Rapport annuel de l'Université Laval

Mme Marois: Excusez-moi, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 de l'Université Laval, les volumes I, II et III.

Le Président: Alors, ce document est déposé. M. le ministre des Affaires municipales.


Rapport annuel du ministère des Affaires municipales

M. Trudel: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 du ministère des Affaires municipales.

Le Président: Ce document est également déposé.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des affaires sociales et député de Charlevoix.


Consultation générale sur le document intitulé «Pour vous et vos enfants: garantir l'avenir du Régime de rentes du Québec»

M. Bertrand (Charlevoix): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé les 8, 9, 16, 17, 22, 24 octobre et 5 novembre 1996 afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le document de consultation sur la réforme du Régime de rentes du Québec intitulé «Pour vous et vos enfants: garantir l'avenir du Régime de rentes du Québec».

Le Président: Ce rapport est déposé. M. le président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et député de Richmond.


Étude détaillée du projet de loi n° 52

M. Vallières: M. le Président, je désire déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé le 6 novembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 52, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments et modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. La commission a adopté le projet de loi.

Le Président: Ce rapport est déposé.

Au dépôt de pétitions, il n'y a pas d'interventions. Oui? Alors, M. le député de Beauce-Nord.

M. Poulin: M. le Président, je désire avoir le consentement de cette Chambre pour déposer une pétition de 1 600 signataires du comté de Beauce-Nord afin d'éliminer la pauvreté, de prendre les mesures pour le plein-emploi et de maintenir les services sociaux.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je n'ai jamais vu cette pétition. Normalement, comme je l'ai déjà mentionné à plusieurs reprises, avant la période des questions, les leaders se communiquent ce genre de pétition pour qu'on puisse donner un consentement éclairé. Moi, je ne connais pas la pétition, et à ce moment-là ce que je peux peut-être suggérer au député, c'est de la représenter mardi prochain, et nous pourrons à ce moment-là donner un consentement valable. Mais, à ce stade-ci, je ne peux pas donner le consentement.

Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Il n'y a pas de surprise dans la pétition. Ça touche, comme mon collègue l'a indiqué, la pauvreté: 1 600 étudiants de la Beauce qui côtoient ou connaissent la pauvreté. Malheureusement, ils ne connaissent pas les règles de notre Assemblée. Alors, dans ce sens-là, on requiert le consentement pour qu'on puisse la déposer dès cet après-midi, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, c'est vrai que les étudiants ne connaissent pas le règlement, mais le leader adjoint connaît le règlement, et, à ce moment-là, ça n'a pas été présenté, et mardi prochain ça me fera un plaisir de donner ou non mon consentement.

Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, comme ça se fait de façon régulière, on ne prévient pas le gouvernement ni non plus l'opposition lorsqu'on veut déposer une pétition. Alors...

Le Président: Écoutez, à partir du moment où, M. le leader adjoint de l'opposition, il n'y a pas de consentement, je pense que ça ne sert à rien de poursuivre cet échange. Il n'y a pas de consentement, et nos règles prévoient qu'il doit y avoir consentement. Alors, s'il n'y a pas d'autres pétitions... À l'ordre!

Il n'y a pas, par ailleurs, d'interventions, aujourd'hui, portant sur une violation de droit ou de privilège, et, avant la période des questions et des réponses orales, je vous avise que, à la demande des leaders parlementaires et s'il y a consentement de l'Assemblée pour déroger à l'article 223 du règlement, le vote reporté sur la motion de Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys prévu pour aujourd'hui sera tenu lors de la période des affaires courantes de la prochaine séance, soit mardi prochain le 12 novembre 1996. Est-ce qu'il y a consentement?

(14 h 20)

Une voix: Oui.

Le Président: Alors, il y a consentement.


Questions et réponses orales

Période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle... M. le député de Marquette, pardon.


Implantation de commissions scolaires linguistiques

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Il n'existe aucun consensus au Québec pour sortir l'enseignement religieux de l'école. Cependant, il existe depuis au moins 10 ans un large consensus pour transformer les commissions scolaires confessionnelles en commissions scolaires linguistiques. C'est en s'appuyant sur ce large consensus que le premier ministre et la ministre de l'Éducation ont promis solennellement à plusieurs reprises d'implanter des commissions scolaires linguistiques le plus rapidement possible. Il est maintenant évident que le gouvernement doit procéder par la voie constitutionnelle.

Ma question au gouvernement: Le gouvernement entend-il respecter sa promesse solennellement et, si oui, quand et comment?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je suis heureuse de constater que nous nous entendons sur cette question qui concerne l'implantation des commissions scolaires linguistiques au Québec, de part et d'autre, et que nous sommes aussi d'accord pour que l'enseignement religieux puisse continuer d'être accessible à l'école, en autant qu'il y a le libre choix pour les parents d'un autre type d'enseignement.

À partir de là, j'ai bien mentionné et indiqué, lorsque j'ai rendu publiques les grandes orientations de la réforme de l'éducation, que j'avais l'intention, dans les semaines et mois qui viennent, de revenir sur la question des commissions scolaires linguistiques avec les orientations et les choix que nous aurions faits, comme gouvernement, pour nous permettre d'implanter ces commissions scolaires, soit par la voie constitutionnelle ou autrement. Et la voie constitutionnelle, le député de Marquette le sait très bien, peut être complexe, mérite donc d'être creusée en profondeur. Et, lorsque la décision sera prise, nous en informerons et les membres de cette Assemblée et la population, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: Comment la ministre de l'Éducation peut-elle expliquer que, suite à sa demande, les fonctionnaires de son ministère et des commissions scolaires sont en train de préparer des plans pour diviser les commissions scolaires sur une base confessionnelle et non pas sur une base linguistique et que ces travaux-là ont commencé le 24 octobre dernier?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Je suis un peu étonnée, M. le Président, de la question du député de Marquette, puisque le travail qui est actuellement engagé au ministère de l'Éducation concerne, oui, la redivision possible des territoires des commissions scolaires sur la base de l'orientation que j'ai indiquée, qui a été prise par le gouvernement, à savoir que le territoire de la commission scolaire concorde le mieux possible, sinon complètement, avec une MRC, comme c'est souhaité d'ailleurs par le rapport des états généraux. Et même, dans certains cas, une commission scolaire pourrait couvrir deux territoires de MRC.

Cependant, cela ne présume absolument pas de ce qu'il soulève, M. le Président, comme question, puisque, dans les faits, nous avons souhaité et dit que nous étions d'accord avec la déconfessionnalisation des structures et avec l'implantation de commissions scolaires sur une base linguistique. Cela étant, M. le Président, évidemment, si nous arrivons à développer un modèle selon cet angle-là, il va de soi qu'apparaîtraient des commissions scolaires francophones à peu près sur tout le territoire québécois en vertu du territoire couvert par une actuelle MRC. Cependant, dans le cas des commissions scolaires anglophones, on conviendra évidemment que, pour une grande partie du Québec, on pourrait regrouper de très grands territoires plutôt que de procéder sur la base des MRC, ça va de soi.

Le Président: M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Comment la ministre peut-elle expliquer qu'elle demande aux commissions scolaires de procéder à un découpage territorial sur une base religieuse actuellement et que, dans un deuxième temps, il va falloir faire un nouveau découpage? C'est la réponse qu'elle a donnée au président du Conseil scolaire de l'île de Montréal tout récemment, M. le Président.

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Le principe de base sur lequel s'appuie le redécoupage territorial est celui de la configuration des municipalités régionales de comté. Évidemment, actuellement, on a des commissions scolaires qui sont confessionnelles, par les lois que nous connaissons, mais ce n'est absolument pas le critère qui actuellement nous guide pour le redécoupage des commissions scolaires. Il me semble que ça apparaît à l'évidence.

Le Président: En additionnelle, M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Oui, au premier ministre, qui nous disait en mars dernier que c'est ce printemps – donc le printemps dernier – que la ministre devait soumettre la marche qu'elle entendait suivre, en rappelant qu'au théâtre Centaur le premier ministre a dit: «Linguistic schoolboards is an idea whose time has come» – à l'époque, il y a huit mois de ça, le temps était venu – est-ce que le premier ministre peut nous indiquer ce qu'il pense de son indice de fiabilité de la crédibilité de ses engagements lorsque, neuf mois plus tard, il ne s'est toujours rien passé, ou est-ce que ça va être comme dans tout le reste?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le gouvernement a pris un engagement. Nous le tiendrons. Le but du gouvernement, c'est encore et toujours la création des commissions scolaires linguistiques dans les plus brefs délais et avec le plus large consensus possible. Le chef de l'opposition doit savoir que la question est délicate. Nous avons, tel que promis, évoqué une proposition qui a connu une brève carrière. Nous l'avons vu, le consensus n'y était pas. Mais nous n'allons pas nous décourager, parce que, contrairement au gouvernement antérieur qui était au pouvoir et qui, en 1993, ayant reçu le rapport Kenniff après le jugement de la Cour suprême, n'a rien fait, nous, nous allons proposer quelque chose de correct. Mais nous cherchons le consensus.

Il s'agit d'une question extrêmement délicate, nous le savons tous, qui met en cause les aspects linguistiques, les aspects de la langue, les aspects de la religion, les aspects d'engagements constitutionnels fondamentaux. Un gouvernement doit donc procéder avec sérénité, avec doigté et respect de l'opinion publique. Mais nous allons revenir avec une proposition lorsque nous aurons terminé l'étude en cours, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: En rappelant au premier ministre que c'est le 30 juin 1994 que le rapport Kenniff a été déposé, ce qui donnait 70 jours au gouvernement pour, apparemment, faire ce que vous n'êtes pas capables de faire en 70 semaines, est-ce que le premier ministre peut enfin nous dire quel rythme il entend – je l'écoute, là – imposer à la ministre qui, elle, ne fait rien?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous savons tous, au caucus et au Conseil des ministres, que la ministre de l'Éducation consacre beaucoup de temps, beaucoup d'attention à cette question extrêmement importante, qu'elle est en train de travailler avec d'autres ministères à l'examen de solutions alternatives, et on sait bien que, l'une des questions envisagées, c'est l'aspect constitutionnel, l'aspect des modifications qui pourraient être requises, accompagnées de quelle garantie, de quelle façon, et des consultations qu'il faut faire. Lorsque nous serons prêts, nous reviendrons avec une proposition qui, cette fois-ci, je l'espère, recueillera un large consensus au Québec.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce qu'il serait légitime de soupçonner que le premier ministre et sa ministre ne veulent rien faire avant le congrès national du PQ?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Au contraire, M. le Président. Si on pouvait arriver avant le congrès national, ce serait souhaitable, n'est-ce pas, parce qu'ils sont d'accord avec nous qu'on doit implanter des commissions scolaires linguistiques. Il faut vraiment...

Des voix: Bravo!

Mme Marois: Je vais vous dire que... Je vais ajouter ceci.

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

(14 h 30)

Mme Marois: Merci, M. le Président. Il me semble qu'on doit tirer quelques leçons des expériences que l'on vit, et j'en ai tiré une. Au printemps dernier, nous avons procédé avec beaucoup de célérité parce que, en toute bonne foi, nous voulions et nous voulons toujours implanter des commissions scolaires linguistiques. J'ai procédé, donc, à une consultation systématique des gens préoccupés par cette question. Nous avions reçu l'aval d'une très large majorité de groupes, mais cette proposition qui a été déposée a soulevé très concrètement, quant à la perspective de sa mise en application, un ensemble de problèmes qu'il m'apparaissait important de considérer, et, à partir de là, nous avons retiré, j'ai retiré la proposition et donc je crois qu'il est nécessaire, lorsque nous reviendrons avec un projet, non seulement qu'il reçoive l'aval de la majorité, mais qu'il fasse largement consensus, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce qu'on pourrait savoir ce que la ministre est en train de nous raconter...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: ...elle qui prétend, et tout le monde en a été témoin, qu'elle a avancé, et c'est vrai, à partir du mois de juin, puis qui a reculé au mois d'août? Qu'est-ce qu'elle attend, si tout le monde est d'accord?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: En neuf ans de pouvoir, M. le Président, les gens d'en face, avec différents ministres de l'Éducation à la tête du ministère, n'ont jamais réussi à engager quelque proposition que ce soit pour implanter des commissions scolaires linguistiques. Qu'ils nous laissent quelques semaines ou quelques mois.

Des voix: Oh!

Mme Marois: Il me semble que ça relève du simple bon sens.

Des voix: Bravo!

Le Président: En principale, M. le député de Châteauguay.


Nominations aux postes de direction de certains ministères et sociétés d'État

M. Fournier: Oui, M. le Président. Hier, le parti ministériel a tout fait pour éviter de répondre à une question bien simple: Quels sont les 20 postes stratégiques dont parlait Jacques Parizeau lundi lorsqu'il disait: «Il y a des postes où il faut des souverainistes, autrement le danger de ne pas être capable de mener une opération est simplement trop grand. Ce sont des postes de très grandes responsabilités, et on ne peut pas rentrer dans une opération avec des arrière-pensées.»

Quand on se souvient, M. le Président, des propos de l'actuel ministre des Transports sur le contrôle effectif du territoire suivant une déclaration d'indépendance, lui qui évoquait le recours à la force pour mater les groupes dissidents, ma question: Est-ce que le premier ministre peut nous dire, lui qui a dû prendre le temps de se renseigner depuis hier auprès de son propre chef de cabinet ou de son conseiller Lisée, si, parmi les 20 postes ciblés pour l'opération, on retrouvait les fonctions de sous-ministre de la Justice, de sous-ministre de la Sécurité publique et de dirigeant de la SQ?

Des voix: Oh!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, concernant cette question sur les 20 personnes qu'on recherche, comme M. Parizeau a présidé un cabinet d'environ 20 ministres, je pense qu'il s'agit de 20 ministres. C'est des fonctions extrêmement importantes.

Des voix: Ha, ha, ha! Bravo!

Le Président: M. le député de Châteauguay, en complémentaire.

M. Fournier: Comment – et c'est ma question, M. le Président – le premier ministre peut-il banaliser cette affaire? Est-ce qu'il ne comprend pas que ce qui est épouvantable dans cette histoire, c'est d'avoir référendé pendant un an à coups de rêves et de baguette magique sans n'avoir jamais rien dit des manoeuvres secrètes qui visaient à atténuer ce qui allait être la réalité? Quelle aurait été la valeur d'un vote favorable dans de telles conditions de secret et de cachette? Au fond, M. le Président, et c'est ma question, ce qui était...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Châteauguay, vous avez utilisé dès le départ une forme interrogative, et votre propos était dès le départ une question. On ne peut pas faire indirectement ce qu'il n'est pas permis de faire directement. C'est-à-dire que vous n'avez pas droit à un deuxième préambule. Votre question ayant été posée, je vais demander maintenant au gouvernement de répondre. M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je me demande pourquoi l'opposition ne nous parle pas de création d'emplois, d'économie, d'un Sommet réussi...

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: ...de la création de 72 000 emplois au Québec?

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: M. le Président, plutôt que de se...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, parlant de cachette, l'affaire la plus dissimulée et la plus clandestine, la plus introuvable dans cette Chambre, c'est le programme constitutionnel du Parti libéral.

Des voix: Ha, ha, ha! Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Fournier: En principale, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fournier: Je ne sais pas ce qu'il y a de drôle à poser une question principale.

Le Président: M. le député.


Disponibilité d'un fonds spécial pour appuyer une victoire du Oui au référendum de 1995

M. Fournier: M. le Président, au-delà de la fanfaronnade à laquelle nous assistons aujourd'hui, la question, elle est sérieuse, même si, de l'autre côté, on ne veut pas la comprendre. C'est assez simple. On nous a dit depuis lundi, la preuve qui est au dossier de la part du chef du gouvernement de l'époque, qui était l'allié du premier ministre actuel, qu'il y avait 20 postes clés. Ce n'étaient pas les ministres, là. On parlait de Martineau à Hydro-Québec, on parlait de la Caisse de dépôt, on parlait des hauts dirigeants. C'est de ça que parlait Jacques Parizeau. Vous le connaissez, Jacques Parizeau! Bon. Ces 20 personnes là, M. le Président, on découvre qu'elles forment un club sélect secret – c'est le premier ministre actuel qui nous a dit que ça avait été secret, cette affaire-là – un club de 20 personnes, de hauts dirigeants qui sont là pour donner la suite à un vote favorable.

Les questions que nous posons, c'est: Comment il se fait qu'on apprend ça après le référendum, alors qu'il y a eu un an, et on a drôlement utilisé cette année pour faire de la propagande... Comment ça se fait qu'on n'a pas dit pendant cette année qu'il y avait 19 000 000 000 $ qu'il fallait qu'on aille chercher pour atténuer les risques économiques que faisait entraîner un vote favorable? Comment ça se fait – et je termine là-dessus, M. le Président – qu'il y a 20 postes de hauts dirigeants, qui ne sont pas des ministres et qui sont là, notamment dans le cas de l'intégrité du territoire, à préparer les suites? Pourquoi n'en avoir jamais parlé? Et c'est ça qui est scandaleux.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Toute cette question des réserves que M. Parizeau avait prévues pour assurer une continuité stable des choses au Québec au lendemain d'une victoire, ce n'est pas une nouveauté. Je pense qu'on en a eu vent dans les premières entrevues que M. Parizeau a données après le référendum; les journaux en ont parlé; L'actualité a publié un article là-dessus.

Le Président: Écoutez, il y a une espèce de tendance dangereuse, au cours des derniers jours, à reprendre les vieilles habitudes d'antan qui faisaient en sorte que la période des questions était perçue dans l'opinion publique comme un cirque. Alors, c'est des questions importantes, et, de part et d'autre – s'il vous plaît! – il y a une personne à la fois qui est autorisée à intervenir. Quand un intervient, le reste de l'Assemblée doit écouter. Alors, à ce moment-ci, c'est le premier ministre. Tantôt, c'était le député de Châteauguay. Ce sera possiblement encore lui dans quelques instants. Il y en a un à la fois qui est autorisé à parler. Pour le moment, c'est le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, qu'on s'en réfère au communiqué de presse qui a été émis hier par la Caisse de dépôt, où elle affirme que la Caisse de dépôt a assuré, en 1995, une gestion normale de ses actifs, conservant la liquidité appropriée et rappelant qu'elle opère de façon indépendante du gouvernement, ce qui a valu en particulier des rendements exceptionnels durant l'année 1995 par rapport à la gestion du fonds obligataire. Je ne répondrai pas à ce chiffre fantaisiste d'une vingtaine de personnes qui seraient des suppôts de la souveraineté cachés quelque part, alors qu'on sait, M. le Président, que ce gouvernement pratique une politique non partisane, qu'il se l'est vu reprocher...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: ...par la personne dont on parle aujourd'hui. Le seul chiffre que je voudrais citer cependant ce matin, c'est que les taux d'intérêt sont tombés encore plus bas qu'ils ne l'étaient et qu'ils sont maintenant à 5,20 % pour une hypothèque d'un an, une première depuis 40 ans, M. le Président. Ça, c'est des bonnes nouvelles!

(14 h 40)

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Johnson: Si le premier ministre pouvait faire preuve d'un peu plus de sérieux à défaut de faire preuve de compréhension des questions qu'on lui pose, est-ce que le premier ministre, qui a comme moi lu le communiqué de presse incolore, inodore et sans saveur de la Caisse de dépôt, qui passe carrément à côté de la question, pourrait, lui, nous dire...

Le Président: J'aimerais bien qu'on laisse le président faire son travail. Alors, le chef de l'opposition a le même droit que tous les membres de l'Assemblée, encore plus parce que c'est le chef de l'opposition et que la tradition veut que le chef de l'opposition et le premier ministre soient encore plus considérés dans cette Assemblée. À ce moment-ci, c'est le chef de l'opposition qui a la parole, et j'espère qu'il sera le seul à prendre la parole. M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, je redemande au premier ministre pourquoi il persiste à ne pas répondre à une question toute simple, qui est celle de la vantardise de son prédécesseur, M. Jacques Parizeau, qu'il avait réussi à faire mettre de côté des liquidités suffisantes pour rencontrer tous les risques que pouvait comporter, au point de vue économique et financier, le vote majoritaire du oui. Est-ce que, oui ou non, le premier ministre actuel ne se rend pas compte que son bras gauche, en l'occurrence le ministre des Finances, héritier en ligne droite de Jacques Parizeau à cet égard-là, est encore en train de se vanter qu'il faut mettre de l'argent de côté, qu'il faut mettre nos épargnes de côté, qu'il faut mettre l'argent de la retraite des travailleurs de la construction de côté, qu'il faut mettre de côté l'argent de la retraite des fonctionnaires du Québec pour rencontrer les risques financiers qu'un vote sur le oui représente? Il se rend compte de ça? Voyons donc!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, l'opposition tente simplement de défoncer des portes ouvertes. Tout ce que le gouvernement a répondu, c'est que les liquidités qui prévalaient à ce moment-là sont les mêmes qui prévalent tout le temps, que c'est un niveau constant de liquidités auxquelles le gouvernement ou les institutions financières dans lesquelles le gouvernement est intéressé ont accès en tout temps, le taux de liquidités des fonds obligataires que maintient la Caisse de dépôt, plus la marge de banque du gouvernement, les emprunts que le gouvernement maintient pour régler les problèmes qui peuvent arriver dans les opérations courantes, la marge de crédit d'Hydro-Québec. Tout ça fait un ensemble de liquidités qui sont les mêmes qui existaient à l'époque où le gouvernement libéral était en vigueur. Il n'y a rien de nouveau là-dedans.

M. Johnson: Je demande au premier ministre pourquoi son cosignataire, avec le député de Rivière-du-Loup, de l'entente Dumont-Bouchard-Parizeau, Jacques Parizeau, se vante sur la place publique qu'il était important d'avoir des milliards de l'épargne des travailleurs de la construction, de l'épargne de 3 700 000 Québécois cotisant à la Régie des rentes, de l'épargne de 460 000 fonctionnaires du gouvernement du Québec et de travailleurs du secteur public pour rencontrer les risques et les dégâts que l'option faisait peser sur la scène financière québécoise. Est-ce qu'il veut nous dire pourquoi?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition me demande pourquoi M. Parizeau a fait ces déclarations. Qu'il le lui demande lui-même. Il n'est pas ici pour répondre, M. Parizeau. Ce n'est pas moi qui l'ai faite, la déclaration.

Le Président: En principale, M. le député de Robert-Baldwin.


Compressions budgétaires dans les régies régionales de la santé et des services sociaux

M. Marsan: M. le Président, les régies régionales de la santé et des services sociaux disent un non retentissant à la commande du ministre de la Santé de trouver 100 000 000 $ dans leurs coffres à cinq mois de la fin de l'année financière. La régie de Québec dit non au ministre, la régie de Gaspésie–Les Îles dit non, la régie de Montréal dit non, la régie de la Mauricie–Bois-Francs dit non, Chaudière-Appalaches dit non et l'Estrie ne peut, à ce jour, fournir de réponse sur les 4 000 000 $ de coupures demandées, puisqu'elle a un déficit de 12 000 000 $ à supporter. Les régies se voient maintenant forcées d'emprunter pour payer les coupures du ministre.

Ma question, M. le Président: Le ministre de la Santé, ou, plutôt, l'adjoint au ministre des Finances est-il en train de pelleter le déficit du Québec dans la cour des régies régionales et des établissements de santé?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je vais d'abord rappeler des choses que tout le monde connaît dans le réseau et que le député de Robert-Baldwin semble avoir oubliées, lui qui vient de ce réseau et qui devait très bien savoir ça. Le budget de la santé et des services sociaux, qui est de 13 000 000 000 $, il y en a une partie majeure de 10 000 000 000 $ – 10 000 000 000 $ sur 13 000 000 000 $ – qui est pour les services donnés dans le réseau de la santé et des services sociaux, et cet argent-là n'est, effectivement, pas pelleté, il est alloué aux établissements et aux régies régionales dans les régions. C'est là que ça se passe. C'est là que cet argent est utilisé pour donner des services aux gens.

Je redis ce que j'ai dit hier: Ce qui a été demandé au ministre... aux régies régionales, c'est d'abord de s'assurer que, malgré l'effort budgétaire énorme qui est fait présentement et qu'on doit faire, les plans de transformation qui ont été faits et approuvés par le conseil d'administration sont appliqués intégralement et qu'on ne dévie pas de l'objectif qu'on s'est donné, et que, ayant bien assuré ça, on voie quand même, comme bons gestionnaires responsables et qui ont un objectif budgétaire à rencontrer, comment on peut faire toutes les économies possibles. Et, dans ces circonstances, il n'y a pas de petites économies, toutes sont bonnes. À l'intérieur d'un budget de 10 000 000 000 $, je répète que, quand on recherche 100 000 000 $, c'est 1 % de l'ensemble du budget et que, sur l'effort budgétaire total de 700 000 000 $ et un peu plus, 725 000 000 $, il y en a à peu près 100 000 000 $ seulement, donc c'est six septièmes qui est sous contrôle présentement. Il reste encore cinq mois, donc c'est tout à fait dans le cadre normal de la gestion de ce réseau qu'au milieu de l'année ou à peu près au milieu de l'année on fasse le tour des fonds de tiroirs et qu'on fasse le point sur la situation budgétaire.

Mais ce que j'ai surtout demandé d'abord, c'est de s'assurer qu'on ne dévie pas du cap, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Marsan: M. le Président, est-ce que le ministre de la Santé, ou l'adjoint au ministre des Finances, pour cacher son improvisation, pour cacher ses mauvaises décisions, peut confirmer que le niveau d'emprunt de la Régie régionale de Montréal, par exemple, a atteint un niveau record de plus de 100 000 000 $? Et accepterait-il de déposer dans cette Assemblée le plus tôt possible les autorisations d'emprunt des deux dernières années de toutes les régies régionales?

Une voix: Ah, ah!

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, il n'y a aucune manoeuvre spéciale qui a été faite, les régies régionales continuent à travailler avec la marge d'emprunt qu'il a toujours été normal d'utiliser. Ce qui a été rajouté pour financer un programme particulier cette année, qui est le programme des départs assistés, pour permettre que des gens puissent partir plus rapidement et pour financer certains aspects d'un système en transformation... Dans toute grande entreprise qui a fait des restructurations, on fait un montage financier particulier pour financer la transformation elle-même, qui est une chose qui se fait sur une période limitée et où il est possible de capitaliser certaines de ses dépenses pour mieux les intégrer et les absorber graduellement soit en termes de départ assisté de personnel ou de certaines modifications à l'intérieur d'un système. C'est fait, M. le Président, selon toutes les règles de l'art: en plus de gérer un système normalement, on gère aussi une transformation, et c'est ce qui se passe.

Le Président: M. le député.

M. Marsan: M. le Président, j'ai demandé au ministre s'il acceptait d'avoir un peu de transparence et de déposer en cette Assemblée...

Des voix: Bien oui!

M. Marsan: ...le plus rapidement possible les autorisations d'emprunt des deux dernières années de toutes les régies régionales. Là on verra la vérité, M. le Président.

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, tout est transparent dans ce réseau...

Des voix: Déposez-les!

M. Rochon: Bien, je ne les ai pas dans ma poche. Je «peux-tu» répondre à la question, M. le Président?

M. le Président, on parle de transparence, et je voudrais bien rappeler à tout le monde que ce réseau est très transparent: des décisions sont prises par des conseils d'administration dans les établissements, et les régies régionales siègent en public. Tout est transparent. Maintenant, c'est avec grand plaisir qu'il y a de l'information qui est disponible de toute façon, et je la déposerai à l'Assemblée nationale; ça évitera au député de Robert-Baldwin... ça va tous nous assurer qu'il ne travaillera pas avec des documents pris partout et qui ne correspondent pas à ses questions.

Le Président: M. le député de Frontenac, en complémentaire.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce qu'on peut espérer que ce dépôt se fera aussi tôt que mardi prochain à l'étape Dépôt de documents?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, je les déposerai dans les meilleurs délais possible; je vais communiquer avec les régies. Il n'y a pas, de toute façon, urgence en la demeure, c'est une information publique. Si le député de Robert-Baldwin veut des réponses plus vite, il peut très bien communiquer avec la ou les régies régionales. Il se promène en région pour annoncer des fermetures d'établissements qui n'existent pas, alors il peut très bien parler aux régies régionales s'il veut une information plus vite.

(14 h 50)

Des voix: Ha, ha, ha! Bravo!...

Le Président: M. le député de Viau.


Transfert de la greffe pulmonaire à Québec

M. Cusano: M. le Président, en parlant de transparence, dans l'imbroglio du dossier de la transplantation pulmonaire, on commence à découvrir les vraies intentions du ministre de la Santé, dans sa réforme. Le ministre a répété à maintes reprises ici, dans cette Chambre et ailleurs, que les patients en attente d'une greffe pulmonaire auraient le choix de leur établissement. Toutefois, M. le Président, il y a contradiction entre ce qu'il dit et ce qu'il fait.

Selon l'entente sur les modalités de collaboration entre le CHUM et l'hôpital Laval de Québec, les greffes pulmonaires ne s'effectueront exclusivement qu'à l'hôpital Laval, et ceci, brimant les droits des patients de se faire traiter par le professionnel de leur choix dans l'établissement de leur choix.

Ma question s'adresse au premier ministre: Est-ce que le premier ministre réalise que cette entente viole l'article 6 de la Loi sur les services de santé, qui stipule que toute personne a le droit de choisir le professionnel ou l'établissement duquel elle désire recevoir des services de santé ou des services sociaux?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: D'abord, M. le Président, en ce qui regarde l'entente ou le protocole que les professionnels des deux établissements sont à compléter, je ne l'ai pas encore reçue parce qu'elle n'est pas finalisée. Le comité, le groupe de travail va terminer son travail la semaine prochaine. Je sais qu'on en a parlé dans les journaux ce matin. Et, si le député lit correctement le journal, il va voir qu'on en discute mais que ce n'est pas terminé. Je n'ai pas reçu encore le rapport, donc je ne peux pas faire de commentaire sur un travail qui n'est pas encore terminé.

Maintenant, la loi des services de santé et des services sociaux dit qu'on ne doit pas refuser de donner des services à des patients. Mais, si on complète l'article – je ne l'ai pas devant les yeux – on dit que c'est en fonction des ressources qu'a l'établissement. Les services spécialisés, et encore plus pour les services surspécialisés, ne peuvent pas être offerts dans tous les hôpitaux du Québec, c'est fondamental. Tout ce qui est services spécialisés et surspécialisés, pour les donner justement de bonne qualité, il faut regrouper nos ressources. Et c'est justement un cas où on parle de 15 opérations par année, où il faut concentrer les plateaux techniques, les équipes techniques pour être capable de donner un bon service. Si on essayait de donner dans tous les hôpitaux ce type de service, tu aurais des hôpitaux qui feraient un traitement par année, un par cinq ans, et on ne pourrait jamais avoir une équipe compétente pour faire ça. C'est fondamental, et c'est ça que notre loi dit, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Cusano: M. le Président, est-ce que le ministre se rappelle avoir dit ici, en cette Chambre et à l'extérieur du parlement que les personnes qui sont en attente d'une greffe auront un choix entre Montréal ou Québec? Mais, dans l'entente qui a été envoyée à l'hôpital Notre-Dame, c'est complètement le contraire.

Ma question au premier ministre: Comment peut-il expliquer à nos citoyens qui nous écoutent que, lorsqu'un citoyen viole une loi, on le traduit devant les tribunaux, et lorsqu'un ministre viole une loi, le premier ministre, au lieu de demander sa démission, il l'encourage?

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, question de règlement. Je pense que vous savez pourquoi je veux intervenir. On ne peut imputer des motifs indignes à un député. On ne peut accuser un ministre de violer une loi. Je demande au député de retirer ses paroles.

Le Président: Alors, M. le député de Viau, je vous demanderais de formuler votre question d'une façon qui soit conforme au règlement.

M. Cusano: M. le Président, est-ce que le ministre se rappelle qu'il a dit ici dans cette Chambre que, dans son plan, il va autoriser Laval comme centre de transplantation pulmonaire, mais qu'à Montréal ils vont pouvoir continuer sans autorisation? On aimerait comprendre ça. Ça veut dire qu'un hôpital peut faire des opérations sans autorisation du ministère. Alors, c'est une violation...

Le Président: Comprenons-nous bien. La période de questions, ce n'est pas une période de discours. Vous posez une question, vous avez une réponse. Vous ne pouvez pas argumenter, et surtout en complémentaire. Le préambule pour la première question, pour la principale, vise à contexter un peu la problématique qui est soulevée. Par la suite, on pose des questions et on ne fait pas de discours.

Alors, M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, ce que j'ai dit et qui est toujours la réalité – et c'est ce qu'on dit dans ce que j'ai lu rapidement dans le journal ce matin... Mais, encore une fois, on ne peut pas discuter d'une entente que les gens sont après finaliser. Il y a un protocole qu'ils sont après établir. Ce n'est pas parce qu'un journal en parle ce matin que le travail est terminé. Je vais avoir le rapport la semaine prochaine.

Maintenant, ce que j'ai dit, c'est que, à partir du début de l'année 1997, les patients qui vont s'inscrire, les nouveaux patients qui vont être inscrits sur une liste pour avoir une transplantation seront sur la liste d'un programme qui sera coordonné et géré par l'institut de pneumologie et de cardiologie, les nouveaux patients; que les patients qui sont déjà en attente – il y en a 18 – auront le choix, vu qu'ils sont déjà installés à Montréal, certains et un bon nombre – je pense qu'il y en a presque une demi-douzaine qui sont venus d'ailleurs, qui n'étaient pas de Montréal mais qui sont allés s'installer à Montréal pour attendre – eux pourront choisir, ces patients-là, d'aller à un endroit ou à l'autre. C'est toujours ça qui est la question.

Et, finalement, le protocole est une collaboration. Et ce qu'on souhaite et ce que j'ai confiance d'en arriver à avoir, M. le Président, dans ce cas-là, c'est une collaboration entre deux équipes cliniques pour l'immédiat et pour le développement, dans l'avenir, de ce service-là, une collaboration entre deux établissements, et qu'on arrête de faire des compétitions sur le dos des patients.

Le Président: M. le député de Verdun, en principale.


Frais de scolarité aux niveaux collégial et universitaire

M. Gautrin: M. le Président, en campagne électorale, le Parti québécois promettait aux étudiants un gel des frais de scolarité. Aujourd'hui, la ministre ne le garantit plus. Toujours en campagne électorale, M. le Président, vous vous en rappelez, le Parti québécois promettait aux étudiants de bonifier le régime de prêts et bourses. Aujourd'hui, la ministre annonce qu'elle entend, au contraire, resserrer les critères d'admissibilité.

La ministre réalise-t-elle que les étudiants sont dans la rue? La ministre réalise-t-elle que les jeunes sont dans la rue parce qu'on leur a fait une promesse? On leur a fait une promesse formelle de geler les frais de scolarité, de bonifier le régime de prêts et bourses. Ils sont dans la rue parce qu'ils ont cru à la bonne foi de ce gouvernement, parce qu'ils ont cru que ce gouvernement respecterait sa parole.

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: M. le Président, je vais reprendre la réponse que j'ai déjà donnée devant cette Chambre cette semaine. Je vous dis ceci: même si les frais de scolarité dans les universités québécoises sont moindres de 1 000 $ par rapport à la moyenne canadienne dans les universités québécoises, même si, dans les autres provinces canadiennes, il existe des frais de scolarité à compter de la deuxième année du collégial, même si notre régime de prêts et bourses est le meilleur et le plus généreux de tout ce qui s'offre dans le reste du Canada, malgré cela, je cherche effectivement à éviter d'avoir à augmenter les frais universitaires.

Et je trouve qu'à ce moment-ci, M. le Président, il est prématuré pour les étudiants de manifester alors qu'aucune décision n'a été prise, puisque les décisions concernant le budget et les efforts demandés à chacun de nos ministères seront arrêtées dans les mois qui viennent.

Le Président: M. le député.

M. Gautrin: Ma question à la ministre, c'est: Pourquoi avoir promis en campagne électorale de geler les frais de scolarité et de bonifier le régime de prêts et bourses? Pourquoi avoir promis lorsqu'on savait qu'on ne pouvait pas tenir cette promesse?

Le Président: Mme la ministre.

(15 heures)

Mme Marois: M. le Président, vous savez qu'un certain nombre de modifications ont été apportées au régime de prêts et bourses qui ont amené, effectivement, certaines bonifications dans la foulée du rapport MacDonald, qui avait recommandé certaines de ces modifications. Cela étant, vous savez, lorsque nous sommes arrivés au gouvernement – et je suis bien placée pour le savoir, puisque j'étais à ce moment-là présidente du Conseil du trésor – on s'est retrouvé à près de 500 000 000 $ d'efforts budgétaires qui n'avaient été affectés à aucun ministère. Nous nous sommes retrouvés avec un déficit à hauteur de 5 700 000 000 $, M. le Président. C'est avec ça qu'on a dû gérer, et, malgré tout...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Malgré tout, M. le Président, nous avons toujours gardé la préoccupation de préserver la qualité des services éducatifs au Québec. Nous n'avons pas, effectivement, augmenté le régime de frais de scolarité. Nous avons même corrigé certains éléments qui nous apparaissaient négatifs dans le régime de prêts et bourses, malgré cela et malgré la mauvaise situation que nous a laissée le gouvernement qui nous a précédés.

Le Président: En principale, M. le député de Westmount–Saint-Louis.


Réduction des coûts de main-d'oeuvre dans le secteur public

M. Chagnon: Merci, M. le Président. L'an dernier, justement quand Mme la députée de Taillon était présidente du Conseil du trésor, le gouvernement a donné sa chemise – littéralement sa chemise, et ça veut dire la nôtre – lorsqu'il a fait sauter la banque à l'encan préréférendaire en accordant 935 000 000 $ d'augmentation salariale, dans un nouveau contrat de travail, aux employés de l'État. Le premier ministre annonce un an plus tard sa volonté, lui, de réduire les coûts de main-d'oeuvre dans la fonction publique, cherchant ni plus ni moins, littéralement, à récupérer ce qu'il avait déjà donné. On sait, on a vu, dans les jours passés, comment les petits copains du Sommet ont réagi, à la CSN. À la CSN, le président a dit: Moi, ça ne marchera pas. À la CEQ, on a dit: On est prêts à se battre. Dans les syndicats de la fonction publique, on a dit: Il n'est pas question de redéchirer les contrats.

M. le Président, est-ce que le premier ministre peut nous dire de combien de millions ou à quel niveau il entend réduire ses coûts de main-d'oeuvre dans la fonction publique et dans les réseaux pour l'année financière 1997-1998?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous savons que nous avons un problème commun, un problème que tout le Québec partage, un problème qui est issu du passé, celui d'un effort budgétaire considérable à consentir cette année. Cet effort considérable, il a été, dans son existence, confirmé par un consensus du Sommet qui n'a pas remis en question les objectifs budgétaires qui ont été fixés en mars dernier. Il a été confirmé aussi par la Commission sur la fiscalité, qui, de façon unanime, elle qui était composée de gens qui venaient d'un éventail de tous les secteurs, a confirmé qu'il fallait maintenir le cap sur la cible budgétaire.

Alors, maintenant, il s'agit, tous ensemble, comme Québécoises et comme Québécois de tous les secteurs, de pratiquer la vertu d'équité, la vertu de solidarité pour régler le problème de l'effort budgétaire. Tout le monde va être convié à y participer et, entre autres, ceux qui sont les employés de l'État, du secteur public et parapublic et qui, à l'instar des gens, par exemple, de l'Hydro, qui ont accepté une baisse de près de 5 % de leur salaire, à l'instar des professeurs de l'UQAM, qui ont accepté une baisse de 5 % de leur salaire, à l'instar de ce qui se fait dans beaucoup d'entreprises privées maintenant, où les employés acceptent de s'asseoir à une table pour discuter de la survie de l'entreprise... En l'occurrence, c'est l'État, l'instrument collectif des Québécois. Nous avons convié les partenaires de l'État, les partenaires syndicaux à s'asseoir avec nous pour que nous puissions de façon consensuelle déterminer l'effort budgétaire qui sera aussi demandé aux employés de l'État.

Le Président: M. le député de Westmount– Saint-Louis.

M. Chagnon: M. le Président, est-ce que le premier ministre se souvient, en réponse à une question de mon collègue des Îles-de-la-Madeleine, avoir répondu... Mon collègue des Îles-de-la-Madeleine lui demandait s'il avait déjà eu des entretiens avec les syndicats afin de leur suggérer de réduire les salaires des employés de l'État de 7 % ou de congédier 30 000 employés, et le premier ministre avait répondu à ce moment-là: Je ne reconnais pas les chiffres qui sont mentionnés.

Est-ce que le premier ministre peut nous dire honnêtement aujourd'hui quels sont les niveaux demandés aux employés ou aux syndicats des employés du gouvernement et des réseaux?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il n'y a pas eu encore de séance de négociations formelle, il y a eu des rencontres préliminaires. C'est normal, parce que, du côté syndical, ils n'ont pas les mandats pour discuter de quoi que ce soit. Nous avons pour le moment mis sur la table l'ampleur des problèmes budgétaires que nous avons. Et, pour le reste, on verra la suite des choses.

Le Président: La période des questions et des réponses orales est maintenant terminée.

Il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés.


Motions sans préavis

Nous en arrivons maintenant à la rubrique des motions sans préavis. Mme la députée de La Pinière.


Souligner la Semaine interculturelle nationale

Mme Houda-Pepin: M. le Président, je demande le consentement de l'Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la sixième édition de la Semaine interculturelle nationale, qui se tient cette année du 8 novembre au 15 novembre sous le thème "Gens d'ici, un avenir commun".»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: Consentement.

Le Président: Il y a consentement. Alors, Mme la députée... Oui?

M. Bélanger: Oui, un intervenant de part et d'autre.

Le Président: Alors, une intervention de chaque côté. Mme la députée de La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. C'est un immense plaisir pour moi de présenter, au nom de l'opposition officielle, cette motion pour souligner la sixième édition de la Semaine interculturelle nationale, qui se déroulera cette année du 8 novembre au 15 novembre 1996. Il est utile de rappeler que cette semaine interculturelle a été mise sur pied en 1991, suite à l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration...

Une voix: M. le Président...

Mme Houda-Pepin: ...«Au Québec pour bâtir ensemble», publié en 1990.

Le Président: Alors, on a eu le même problème hier, qui se répète aujourd'hui. Je demanderais aux collègues qui doivent s'affairer à l'extérieur de l'Assemblée, aller travailler ailleurs, de le faire rapidement et de permettre à ceux qui ont la responsabilité d'intervenir à l'Assemblée de le faire correctement. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Alors, je disais, M. le Président, que je tenais à souligner la sixième édition de la Semaine interculturelle nationale, qui va se dérouler cette année du 8 novembre au 15 novembre. J'aimerais à cet effet citer le premier ministre d'alors, lorsque nous avons adopté «Au Québec pour bâtir ensemble», la politique du Québec en matière d'immigration et d'intégration, donc le premier ministre d'alors, feu Robert Bourassa, qui, dans son message d'introduction à cet énoncé de politique, écrivait ceci, et je cite: «En cette fin de siècle marquée par de profondes et rapides mutations économiques, sociales et politiques, le Québec est confronté à des défis déterminants pour son avenir.

«Qu'il s'agisse du redressement démographique, de la pérennité du fait français ou de l'adaptation de notre économie aux nouvelles réalités internationales, l'immigration constitue une de nos priorités d'intervention en vue d'édifier une société dynamique, compétitive et ouverte.

«Par la mise en oeuvre d'une politique qui favorise l'intégration des nouveaux arrivants et la participation des Québécois et Québécoises des communautés culturelles, nous entendons assurer leur pleine contribution à l'enrichissement de notre patrimoine et, de ce fait, à l'épanouissement et au rayonnement de notre collectivité [...].

(15 h 10)

«En terminant – disait le premier ministre, feu Robert Bourassa – j'invite tous nos concitoyens et concitoyennes à épauler le gouvernement dans la mise en application de sa politique, afin que le Québec soit encore longtemps à la hauteur de la confiance dont l'honorent tous ceux et celles qui le choisissent comme terre d'accueil.»

C'est le même Robert Bourassa qui, dans un moment solennel où il s'est adressé, le 23 juin 1990, à l'Assemblée nationale, n'a pas manqué de souligner dans sa déclaration le caractère pluraliste de notre société, et je cite: «Il faudra donc que, dans ces décisions importantes pour notre avenir, la dimension économique soit primordiale. Il faudra tenir compte également du dynamisme de nos communautés culturelles, du rôle historique et irremplaçable au Québec de la communauté anglophone, de même que de l'aide que nous pouvons apporter aux communautés francophones à l'extérieur du Québec.» Cette déclaration, – et la vision de société qui la sous-tend – tranche, par sa générosité et son ouverture, avec celle d'un autre premier ministre du gouvernement péquiste, Jacques Parizeau, qui a stigmatisé, le soir du référendum du 30 octobre dernier, les Québécois issus des communautés culturelles et les a blâmés pour avoir exercé démocratiquement leur droit de vote en choisissant d'opter pour une double appartenance, celle du Québec et du Canada. La Semaine interculturelle nationale est donc une réalisation libérale, et je me réjouis de voir le gouvernement péquiste actuel poursuivre sur la voie que nous avons tracée.

La Semaine interculturelle nationale est une occasion privilégiée pour souligner de façon marquante la contribution significative des Québécois de toutes origines qui ont enrichi au fil des ans notre culture et travaillé à développer avec l'ensemble des Québécois une société moderne, prospère et unique en son genre en Amérique du Nord. C'est également un moment approprié pour interpeller la société québécoise et ses institutions, pour rappeler la responsabilité de tous et chacun dans l'accueil et l'intégration de nos concitoyens de diverses origines et des nouveaux arrivants. Je ne voudrais pas manquer à cet effet de rappeler l'engagement de l'ancien premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, qui, dans son discours d'ouverture en 1994, a déclaré qu'il allait voir à ce que les Québécois issus des communautés culturelles soient adéquatement représentés dans les différentes instances du gouvernement. Cet engagement est loin d'être réalisé, et j'en appelle au premier ministre actuel pour voir à sa concrétisation.

Une autre initiative positive instaurée par le gouvernement libéral et qui est en passe de devenir une tradition consiste à remettre les Prix du rapprochement interculturel, partant du principe que «les gens d'ici sont des gens de partout». Je profite de cette occasion pour féliciter les personnes et organismes qui seront honorés ce soir dans les différentes catégories du Prix du rapprochement interculturel. J'ose espérer, par contre, qu'aucune controverse ne viendra assombrir ce Prix. On se rappellera que l'année dernière le Directeur général des élections s'est mérité le Prix du rapprochement dans la catégorie Institutions pour avoir traduit dans différentes langues une brochure destinée aux électeurs de différentes origines, Prix qui lui a été remis en main propre par la ministre responsable de l'Immigration, avant qu'une telle décision soit contestée et dénoncée publiquement par le vice-premier ministre, la ministre de la Culture et d'autres députés de la partie ministérielle.

En terminant, j'aimerais, à l'occasion de cette sixième édition de la Semaine interculturelle nationale, saluer le travail des organismes institutionnels et communautaires qui oeuvrent avec dévouement à l'intégration des Québécois de toutes origines, tant dans les domaines de l'éducation et de la santé et des services sociaux qu'aux plans économique et social. Merci, M. le Président.

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Habituellement, une motion sans préavis qui obtient le consensus de l'Assemblée nationale ou tout au moins le consentement de chacun de ses membres pour être présentée et adoptée, habituellement, dis-je, une motion sans préavis n'est pas le lieu pour faire ni de la politique politicienne ni évidemment de la politique partisane.

Des voix: Oui, oui, oui!

Une voix: Bravo!

Mme Harel: Alors, je constate qu'il y a eu là un détournement, je ne dis pas un détournement de règlement, mais un détournement de l'esprit sinon de la règle même de notre règlement. C'est trop facile et ça n'honore personne dans cette Chambre de s'en prendre à un ancien premier ministre qui a quitté la vie parlementaire.

Et, M. le Président, je constate également que, depuis au-delà de 30 ans qu'existe le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles au Québec, qui s'est transformé en ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, donc depuis 30 ans, ceux et celles qui sont sortis grandis de la responsabilité de ce ministère – je pense au regretté Gérald Godin qui a occupé la fonction de ministre pendant près de neuf ans, je pense également à Mme la députée de Saint-François qui a occupé la fonction de ministre pendant plusieurs années – ceux-là et celles-là, M. le Président, ont été justement capables de s'élever au-dessus de la politique partisane des partis pour rejoindre la vision qu'on doit avoir de l'intégration et du dialogue dans notre société.

Ceci étant dit, au nom de mon collègue le député de Gouin et ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, qui participe justement en ce moment à des activités à Montréal associées à la Semaine interculturelle nationale, je veux au nom du gouvernement appuyer cette motion sans préavis présentée par Mme la députée de La Pinière.

Cette année, le thème de la Semaine s'intitule «Gens d'ici, un avenir commun». Ce choix vise à souligner que l'avenir du peuple québécois repose sur l'apport de tous ses citoyens au développement de la société québécoise et repose sur des relations harmonieuses qu'ils entretiennent dans leur diversité.

À ce chapitre, je veux rappeler le résultat extrêmement encourageant d'un sondage que mon collègue le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration a rendu public la semaine dernière. Ce sondage souligne que deux Québécois sur trois ont fréquemment des contacts, je dirai, intimes, au sens noble du terme, avec des citoyens d'origine ethnique différente de la leur. Alors, il s'agit là, dans le fond, d'une manifestation d'ouverture dans la vie de tous les jours, qui est le meilleur garant d'un rapprochement, et en fait on peut s'en réjouir, bien évidemment.

La Semaine interculturelle nationale reste une occasion privilégiée de multiplier ces échanges, qui s'intensifient, on le voit année après année dans les sondages, en suscitant les rapprochements, les solidarités qui favorisent l'intégration et la pleine participation des citoyens et citoyennes à l'enrichissement du Québec.

Parler en termes de citoyens, c'est mettre l'accent sur les convergences, sur un statut égalitaire indivisible et inclusif au sein d'une société québécoise ouverte et démocratique. Dans ce sens, notre objectif premier est de faire de la Semaine interculturelle la semaine de tous les Québécois et de toutes les Québécoises en vue de favoriser l'échange et la reconnaissance mutuelle pour s'ouvrir à la diversité québécoise. Mais encore faut-il s'ouvrir réciproquement. Il faut que chaque citoyen et groupe de citoyens, quel que soit son origine, se sente responsable de promouvoir l'ouverture et la compréhension mutuelle. C'est parce que le gouvernement considère que la diversité constitue une richesse de la société québécoise que nous voulons en faire profiter au maximum tous les citoyens et favoriser cette reconnaissance mutuelle. Encore faut-il créer et parfois fournir des lieux de rencontre. La Semaine interculturelle constitue un de ces lieux de renforcement de notre citoyenneté, de partage afin de créer des conditions de mise en commun plus efficaces, d'une volonté de vie commune.

(15 h 20)

La Semaine interculturelle est aussi l'occasion de susciter de nouveaux partenaires, de nouveaux participants dans les milieux communautaires, institutionnels et ceux de l'entreprise privée. Il ne s'agit pas de la semaine du Parlement, du gouvernement ou de l'opposition. Des colloques ont lieu durant cette Semaine. Je pense à celui intitulé «Jeu de société» ou à cet autre portant sur l'intégration comme moyen de devenir et de se sentir citoyen à part entière, et ces événements posent tous la question de la gestion de la diversité, de la gestion des services et de l'intégration pleine et entière à titre de citoyen. Les CLSC et des organismes communautaires se penchent dans les quartiers, sur le territoire des MRC, sur la question des liens de voisinage et, en fait, donnent l'exemple d'une participation fructueuse dans le cadre de cette Semaine interculturelle.

Et je comprends, en terminant, M. le Président, que le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration cherche par tous les moyens à contribuer à faire reconnaître la diversité sociale québécoise, à développer un sens de la solidarité entre les citoyens qui implique un rapprochement de part et d'autre, qui implique l'ouverture également, et, à ce chapitre, évidemment, la Semaine interculturelle nationale constitue un des outils privilégiés que le ministère s'est donnés. Je vous rappelle à cet effet que vous avez reçu une pochette qui contient toute l'information sur la Semaine interculturelle, qui a été produite par le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Un exemplaire a été distribué à tous les députés à titre d'information, et je souhaite que nos concitoyens québécois s'y associent étroitement et participent à l'ensemble des événements qui se dérouleront dans leur ville, village ou quartier. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Alors, cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra les consultations générales sur le projet de loi n° 12, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 21 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des affaires sociales procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 35, Loi sur l'équité salariale, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission du budget et de l'administration procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 193, Loi concernant le Régime de retraite pour certains employés de la Commission des écoles catholiques de Québec, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Président: Pour ma part, je vous avise que la commission de la culture se réunira en séance de travail mardi le 12 novembre prochain, de 10 heures à 13 heures, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est d'entreprendre la rédaction du rapport final de la commission de la culture sur «Les enjeux du développement de l'inforoute québécoise».


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. De mon côté, je vous indique que l'interpellation de demain, vendredi le 8 novembre, portera sur le sujet suivant: Les conséquences des coupures pour la justice au Québec. M. le député de Chomedey s'adressera alors à M. le ministre de la Justice.

Je vous avise également que l'interpellation prévue pour le vendredi 15 novembre 1996 portera sur le sujet suivant: Les conséquences des compressions dans les services de santé au Québec. M. le député de Robert-Baldwin s'adressera alors à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Affaires du jour

Nous en arrivons maintenant aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je vous demanderais de prendre en considération l'article 1 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 3


Adoption du principe

Le Président: M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 3, Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire. Y a-t-il des interventions? M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, nous ne devrions pas avoir de débat virulent avec l'opposition sur le présent projet de loi, puisque à plusieurs reprises les porte-parole de l'opposition officielle, qui ne l'avaient pas fait eux-mêmes quand ils étaient au gouvernement, ont quand même reconnu qu'il fallait non seulement atteindre le déficit zéro, mais également en garantir le cheminement par un projet de loi.

Alors, c'est ce projet de loi dont j'ai l'honneur de préconiser l'adoption en principe. En effet, le 15 mai dernier, j'ai déposé devant cette Assemblée un projet de loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire. Ce projet de loi vise à encadrer étroitement le plan financier du gouvernement afin que le redressement des finances publiques ne puisse être différé. Nous avons assez attendu.

Les cibles de déficit conduisant à l'équilibre budgétaire en 1999-2000 sont fixées dans le projet de loi. Quand il y aura deux zéros qui apparaîtront dans le numéro de l'année, il y aura un zéro qui apparaîtra vis-à-vis les mots «déficit du Québec». La pente pour y arriver est également fixée – elle n'est pas facile à respecter, elle est facile à retenir, c'est: 3,2; 2,2; 1,2; 0. Donc, à partir de 1996-1997, l'année financière que nous vivons présentement, un objectif de 3 200 000 000 $ qui sera atteint, je l'ai dit et j'ai dit par quels moyens; 1 000 000 000 $ de moins l'année d'après; 1 000 000 000 $ de moins l'année d'après; et zéro en 1999-2000.

Nous avons précisé aussi quelle était la stratégie pour arriver à ce résultat, et la stratégie pour arriver à ce résultat, si on veut la résumer en quelques mots, c'est que nous privilégions l'utilisation de la compression de la dépense. Nous n'avons pas vu exemple d'un gouvernement ayant fait cheminer ses finances publiques vers l'équilibre et la santé sans qu'il ne s'attaque vigoureusement à la dépense. Ça ne veut pas dire qu'il faut détourner les yeux complètement du côté des revenus. D'ailleurs, quand notre effort porte sur 4 $ de dépense, il y a quand même 1 $ de revenus. Mieux percevoir nos impôts et taxes, mieux gérer les sociétés d'État de façon à ce qu'elles contribuent davantage, lutter contre le travail au noir, établir, suivant le principe de l'usager-payeur, certains tarifs, certaines tarifications.

Donc, oui, il y a un effort aux revenus, mais essentiellement nous attaquons par la dépense, et ce n'est pas facile, ça demande du courage et ça peut faire des mécontents ici et là qui ont d'abord comme consolation de voir leur effort servir à l'assainissement véritable des finances publiques. Ça faisait 25 ans que les dépenses n'avaient pas cessé d'augmenter au Québec. Un quart de siècle d'augmentations perpétuelles. On peut dire, jusqu'à il y a quelques années, six ou sept ans, que le Québec suivait le mauvais exemple des autres et que tout le monde faisait ça à droite et à gauche. C'était vrai, mais, déjà depuis plusieurs années, ce n'était plus vrai: les autres avaient changé d'attitude et le Québec continuait à dépenser.

On se souvient que la première phase du sommet économique – celui qui vient de se terminer à Montréal dans sa deuxième phase – avait débouché sur un consensus non pas gouvernemental, mais sociétal, parce que le gouvernement, vous le savez, dans le budget de mon prédécesseur, n'avait pas tout à fait la même vue des choses. On a donc, à l'issue d'une discussion menée ici, à Québec, devant les caméras de la télévision, décidé d'aller vers le déficit zéro en 1999-2000, c'est-à-dire plus tard que suivant les plans prévus par mon collègue Jean Campeau et par le premier ministre du temps, Jacques Parizeau.

(15 h 30)

Pour quelle raison? Parce que nos partenaires nous ont convaincus, et avec une argumentation quand même extrêmement serrée, que la pente que nous avions choisie était peut-être courageuse – la pente choisie par Jean Campeau et par Parizeau – mais un peu raide. Nous avons discuté, et ce n'est pas à la première phrase dans ce sens que nous avons décidé d'ajouter un an au calendrier d'équilibre, parce que, notre argument, c'était en particulier la crainte d'une récession. S'il y a une récession, tous ces efforts deviennent impossibles à tenir et peuvent être stérilisés en moins de six mois. C'était donc très dangereux. Il fallait, comme on l'a dit, courir en avant de l'orage. On a fait ce compromis. Encore une fois, c'est un compromis de société et non pas de gouvernement, et il a été reconfirmé la semaine dernière.

La semaine dernière, les agents réunis au Sommet, sauf une voix, je crois, celle du syndicat des fonctionnaires de la fonction publique – et on peut comprendre un peu pourquoi, il est dans une situation particulière, il représente des gens qui sont en prise direct sur le budget de l'État, évidemment, les salariés de l'État, qui sont des salariés de l'État comme nous le sommes tous d'ailleurs ici, dans cette Chambre, il a émis quelques réserves... Quant aux autres, patrons, syndicats, divers groupes de diverses appartenances, soit régionales ou sociologiques, ont convenu qu'en 1999-2000 le gouvernement du Québec s'inscrirait parmi les gouvernements sérieux et responsables qui auront atteint ou qui ont déjà atteint l'équilibre de leurs finances publiques.

Évidemment, fixer ce seul objectif à une société ne saurait se concevoir. Une société ne peut pas organiser sa vie uniquement à la poursuite d'un déficit zéro. C'est pourquoi le Sommet de la semaine dernière a été si fructueux et la récolte a été si abondante, en termes d'autres objectifs, pour faire que cette marche vers l'assainissement des finances publiques soit aussi une marche vers la prospérité, une marche vers une plus grande justice sociale.

C'est pourquoi des projets de création d'emploi simpliquant des investissements totaux de 2 600 000 000 $ ont été annoncés, dont 2 100 000 000 $ du secteur purement privé, d'ailleurs. Le gouvernement, on le sait, a aussi annoncé à l'occasion de ces assises un congé de taxe sur la masse salariale pour les entreprises qui créent de l'emploi et adhèrent à un programme de partage du temps de travail.

Les participants se sont entendus pour ramener la semaine de travail de 44 heures à 40 heures au cours des prochaines années. Pourquoi? Parce que, la plupart des sociétés s'en sont rendu compte, et le gouvernement du Québec, avec ses partenaires, en prend acte, tous nos efforts de relance de l'emploi et de développement économique, s'ils ne portent que sur les aspects purement économiques des choses, investissements, dépenses, exportations, dans la meilleure hypothèse, ne réussiront pas vraiment à attaquer le mal de notre temps qui est le chômage.

En effet, l'histoire économique du dernier siècle et un peu plus, disons 1850 à nos jours, nous démontre que c'est une longue succession de réductions des temps de travail. Les hommes et les femmes de 1850 trimaient, comme on dit, d'une étoile à l'autre, commençaient leur vie économique productive à l'âge aussi tendre que 10, ou 11 ans, ou 12 ans, et même dans des travaux pénibles – je ne pense pas aux travaux de la ferme auxquels les enfants se mêlaient – dans les mines ou dans l'industrie naissante de l'époque.

Et puis déjà, il y a une vingtaine d'années, on était rendu à ce que Jean Fourastié appelait «40 000 heures» – il a écrit un ouvrage célèbre, d'ailleurs, qui s'appelait «40 000 heures» – dans sa vie, on travaille maintenant 40 000 heures. Et depuis que Fourastié a écrit cet ouvrage, qui apparaissait déjà comme visionnaire, il est presque déjà un peu dépassé, parce que, déjà, la semaine de travail et les temps de travail se sont réduits. Alors, nous aurons aussi cette approche. Ce n'est pas une approche strictement économique, de compressions des dépenses, d'investissements, de création d'emplois, c'est aussi une approche socioéconomique, une approche sociale qui touche au temps de travail.

Nous avons également mis sur la table à l'occasion de ce Sommet la proposition d'un fonds spécial de lutte contre la pauvreté de 250 000 000 $ sur trois ans. Vous savez que la commission D'Amours préconisait qu'un tel fonds soit annuellement recueilli pour réaliser les projets du Sommet. Cette proposition n'a pas été agréée ni par moi ni par les autres membres présents au Sommet. Et, déjà, avant que le Sommet ne commence, à proprement parler, cette proposition avait du plomb dans l'aile, parce que d'abord on croit que, pour les premières années, les projets publics du Sommet – on l'a vu, c'est beaucoup des projets privés, 2 600 000 000 $ du privé – pourraient être financés à même les enveloppes existantes et à même les moyens que nous avons.

Mais, pour lancer une grande lutte contre la pauvreté, l'atmosphère du Sommet a changé complètement. Tout le monde s'est mis d'accord, y compris, je dois dire, Mme Françoise David, qui, pour d'autres raisons, comme on le sait, a quitté la table. Mais même elle et tous les groupes sociaux représentés et qui sont restés ont approuvé cette grande corvée nationale de lutte à la pauvreté par la réinsertion dans l'appareil productif, ou dans la formation, ou dans d'autres voies enrichissantes et non pas stériles comme celle de la pauvreté et comme celle de la dépendance, qui sont le lot, malheureusement, de près de 1 000 000 de personnes au Québec actuellement.

À cette occasion, nous avons également mis de l'avant une nouvelle politique familiale qui, on le verra quand elle sera expliquée – elle l'a déjà été largement par le premier ministre, mais sans entrer dans le détail – est probablement le monument social le plus important à être présenté à la population du Québec depuis la Révolution tranquille.

Cette nouvelle politique familiale, par les changements profonds qu'elle implique, par la justice qu'elle implique, va se ranger dans l'histoire à l'égal de l'assurance-maladie ou de l'assurance-santé. On sait qu'elle comportera une allocation familiale unifiée pour mieux soutenir les familles à faibles revenus et inciter au travail – parce que c'est un des problèmes, ça, si on est prisonnier de l'aide sociale, parce que la différence entre les revenus d'un travail et ceux de l'aide sociale n'est pas assez grande, n'est pas assez perceptible pour stimuler vraiment à sortir de l'aide sociale – les services éducatifs et de garde à la petite enfance afin de mieux concilier le travail et la famille, l'instauration d'un nouveau régime de remplacement du revenu pendant les congés de maternité et parentaux, une des façons de permettre que les familles s'épanouissent sans distinction de charges à occuper dans le ménage.

Est-il une meilleure façon de s'occuper de la garde des enfants, des garderies, de servir la petite enfance et de donner des congés parentaux qui conviennent et sans pénalisation financière? Nous aurons un régime exemplaire, le meilleur au Canada et, je crois, sans avoir fait de recherches sur la question, un des meilleurs au monde.

Mais tout ça ne nous libère pas de notre préoccupation constante. Ça fait un projet de société plus large, mais ça ne nous libère pas de notre préoccupation constante du déficit zéro. Et c'est pourquoi nous aurons une loi antidéficit. Je dois rappeler, à vous, M. le Président, et à nos collègues de l'Assemblée, des réalités pas très drôles à entendre, humiliantes, mais qui doivent justement nous stimuler à adopter cette loi. Le Québec se classe maintenant au deuxième rang après Terre-Neuve en ce qui concerne le niveau de dette en proportion de la production intérieure. Alors, si on met tout ce qu'on doit et qu'on le compare à tout ce qu'on produit, il y a juste Terre-Neuve, une province méritoire et très largement insulaire mais qui a des problèmes considérables, il y a rien que Terre-Neuve qui est plus haute que nous. Mais nous battons Terre-Neuve en termes de dette, si on ramène ça par tête d'habitant. Alors, en d'autres termes – Terre-Neuve est un cas un peu spécial – les Québécois sont les plus endettés par tête de tout le Canada, et par tête incluant Terre-Neuve.

Cette année – et, ça aussi, pour des gens qui auraient besoin de programmes gouvernementaux, pour des gens qui vont subir des compressions, qui vont subir l'effet de la rareté des moyens du secteur public, c'est une réalité très pénible à entendre – 20 % de tout ce que nous dépensons passe au service de la dette, c'est-à-dire 0,20 $ sur 1 $. À chaque fois que vous payez vos impôts à hauteur de 1 $, dites-vous qu'automatiquement 20 % de cette somme s'en va directement à payer des choses que nous n'avons pas payées dans le passé et des intérêts sur ces choses que nous n'avons pas payés dans le passé.

Et ça a monté vite. En 1970-1971, c'était 5 %, c'était 0,05 $ sur 1 $; aujourd'hui, c'est rendu à 20 %, et on est obligé de taxer pour ça. Et les gouvernements qui se sont succédé ont taxé, et la ponction fiscale maintenant, auprès des contribuables, représente 17 % de tout ce qu'on produit, ce qu'on appelle le PIB, 17 %. C'était de 12 % en 1970-1971. Donc, une partie de plus en plus grande de tout ce que nous produisons dans une année au Québec est soustraite, distraite, s'en va vers le gouvernement qui, lui-même, en met 20 % juste pour payer les mécomptes du passé.

On a entendu des thèses qui sont respectables. Dans une société, le débat intellectuel est à l'honneur de cette société. On a entendu des thèses qui disaient qu'on allait trop vite vers le déficit zéro et qu'il ne fallait pas faire ça. Ces thèses-là n'ont que peu de rayonnement. En dépit de la notoriété et du respect qu'on peut avoir pour ceux qui les prêchent, elles ont été battues en brèche par à peu près tous les économistes et à peu près tout le monde. Tout le monde a dit que le gouvernement avait bien fait de choisir non seulement d'aller au déficit zéro, mais d'y aller durant la période qu'il a choisie. Et c'est un mélange de science économique et de bon sens. Et, normalement, la science économique doit d'ailleurs être basée sur le bon sens, et le bon sens, c'est clair: on a 75 000 000 000 $ de dette accumulée, 77 000 000 000 $ plus précisément, et la moitié a été utilisée pour ce qu'on appelle «payer l'épicerie», payer les dépenses courantes.

(15 h 40)

Ceux qui ont critiqué notre politique – et un de ceux-là en particulier – disaient: Il n'y a rien de mal à hypothéquer sa maison. Il n'y a rien de mal à hypothéquer sa maison, mais, quand t'as hypothéqué pour payer ton épicerie pendant 35, 40 ans, là ça devient très, très mal de continuer à t'endetter en plus, prétendant que c'est une hypothèque ordinaire. Ce n'est pas une hypothèque ordinaire. Sur le 77 000 000 000 $, il y en a plus de 35 000 000 000 $, la moitié, qui a été consacré à des dépenses courantes. Non, vraiment, c'est le bon sens, là. Il n'y a pas de théorie économique la plus sophistiquée qu'on puisse imaginer qui va nous faire échapper à ces réalités que n'importe qui comprend.

D'ailleurs, dans la population, je l'ai entendu, puis il y a des commentateurs radio qui utilisent ça, puis c'est bien, puis je pense que c'est notre collègue de la Santé qui a été un des premiers à faire cette comparaison: au lieu de parler de milliards, il parle du cas d'une famille qui gagne 35 000 $ par année et qui en dépense 40 000 $ – une impasse, donc, de 5 000 $ – puis qui a 75 000 $ de dettes, dont la moitié a été encourue pour payer ses comptes d'épicerie. Je pense que ça ne vaut pas la peine que j'insiste plus longtemps, M. le Président, tout le monde a compris qu'il faut y aller, au déficit zéro, et il faut y aller vite.

D'ailleurs, les autres provinces du Canada ont commencé à rembourser leur dette; non seulement à aller à déficit zéro, mais à faire un surplus pour rembourser la dette. Là, nous, en 1999-2000, on n'aura pas de surplus, on va juste arrêter l'hémorragie. Mais plusieurs provinces au Canada non seulement sont à déficit zéro, sont à surplus et commencent à payer leur dette.

Le gouvernement de l'Ontario, lui, a suivi une voie qui ressemble à celle-là mais qui, à mon avis, est moins rigoureuse et un peu risquée. Le gouvernement de l'Ontario, il a annoncé une réduction de ses taux d'imposition des revenus des particuliers. Vous l'avez vu au dernier budget, ils ont baissé les impôts tout en s'engageant à atteindre l'équilibre budgétaire en 2000-2001. C'est extrêmement risqué comme opération. Je souhaite tout le bien qu'on peut à l'Ontario, ce sont de nos clients, ce sont de nos amis, en tout cas dans certaines circonstances – à lire leurs journaux de ce temps-là, ça paraît moins, mais globalement – alors je souhaite bonne chance à M. Ernest Eves, qui est le trésorier de l'Ontario, mais baisser les taxes avec de l'argent emprunté, c'est dangereux. Et, s'il peut quand même le faire et s'il a pu se permettre cette audace, il faut se souvenir que c'est parce qu'il est moins endetté par tête que le Québec. Le Québec a le record absolu par tête d'habitant. Alors, la puissante Ontario, avec sa puissante dette, est, par tête d'habitant, moins endettée que ne l'est le Québec.

Pour toutes ces raisons, on ne peut pas reporter le redressement des finances publiques. Plus on tarde, plus l'effort sera exigeant, plus il sera dramatique, plus on peut s'exposer à ce qu'on appelle une décote. Il faut que j'explique ça. Pourquoi ces affaires de décote, puis pourquoi est-ce que ça nous influence et pourquoi, même, ça nous fait peur? Bien, c'est parce que, quand on est endetté comme ça, quand on doit 77 000 000 000 $, il faut démontrer à ses banquiers qu'on peut rester solvable, autrement ils vont décoter nos dettes, notre titre. Ça veut dire quoi? Ça veut dire que, au lieu de les considérer comme très solides, disons dans les fameuses cotes A, AA, AAA – les marchés américains, en langue anglosaxonne, disent «triple A», c'est-à-dire AAA – quand on est dans ces régions-là, les banquiers disent: Pas de problème. Ils prêtent les yeux fermés. Mais, après ça, on peut être AA, puis même un seul A, puis on peut être A moins, puis là il peut arriver un grand malheur qui ne nous est pas arrivé encore, mais on est sur cette pente: c'est de passer à B. Et là, à B, comme à chaque fois qu'on décote, qu'est-ce qui arrive? Il arrive que ça coûte plus cher pour emprunter.

Le taux d'intérêt pour les B n'est pas le même que pour les A. C'est déjà très grave, mais il y a plus grave que ça. Non seulement le taux d'intérêt est plus élevé, mais il y a des gens qui ne prêtent plus à des catégories B. Il y a des gens qui nous prêtent aujourd'hui et, si on était B, ils ne regarderaient même pas nos obligations, ils décideraient d'avance de ne pas prêter. C'est arrivé à la Nouvelle-Zélande il y a une dizaine d'années et ils ont été obligés purement et simplement d'abattre des pans entiers de leur protection sociale, de leurs programmes, de leur vie collective parce qu'ils n'avaient plus d'argent pour faire la paie des fonctionnaires le mercredi suivant.

Jamais le présent gouvernement ne permettra que de telles choses arrivent au Québec. Jamais les agents économiques, dans une sagesse remarquable et une solidarité remarquable, ne le permettront non plus, puisque, au Sommet économique et à la commission D'Amours sur la fiscalité, unanimement, on a convenu qu'il fallait aller au déficit zéro. Y aller est une chose, y rester en est une autre. Faire un discours cet après-midi sur la question, avec la contrepartie que donnera notre collègue le député de Laporte, c'est une chose aussi. Certains collègues dans la Chambre, ici, interviendront, mais, sur un an, deux ans, trois ans, quatre ans, on le sait bien, les résolutions du jour de l'An en témoignent au chapitre individuel, les bonnes résolutions peuvent s'affadir, peuvent diminuer, peuvent sombrer dans l'oubli. Il peut arriver beaucoup d'autres choses. Il arrive des choses à tous les jours, dans la société québécoise et dans toutes les sociétés, qui nous distraient, évidemment. On ne peut pas passer notre vie, jour et nuit – malgré que ce soit un peu mon cas à moi – à penser à la dette puis au déficit zéro. Mais ce n'est pas un projet pour 7 000 000 de personnes. Donc, pour être sûr qu'on va garder nos résolutions, nous présentons une loi pour que les collègues de cette Assemblée, au nom du peuple qui les a élus, disent clairement: C'est ça, l'objectif. Ça va rester ça. On s'en va vers zéro et voici de quelle manière.

Plusieurs pays et autres juridictions ont des lois de ce genre. L'Alberta, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan, les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon ont des lois de ce genre. Les caractéristiques de ces lois, généralement, c'est l'obligation d'équilibrer le budget, parfois chaque année, parfois sur une période donnée. Ces lois, aussi, comprennent les circonstances exceptionnelles qui justifient de ne pas respecter l'équilibre budgétaire. Parce que le gouvernement gouverne, mais il peut arriver des choses extrêmement graves qui nous forceraient à dévier. Ces lois prévoient les modalités de résorption des dépassements – parce que, si on dépasse, il faut se reprendre immédiatement après ou dans les années qui suivent – l'obligation des gouvernements de rendre compte à leur Assemblée et les sanctions en cas de non-respect de la loi.

Je vais vous donner, disons, l'exemple, de l'Alberta. L'Alberta a adopté cette loi en 1995 – donc, on est en retard – une loi visant l'équilibre budgétaire chaque année et le remboursement de la dette. En ce qui concerne la dette, l'objectif est de la réduire de 20 % à tous les cinq ans. La dette, pas le déficit. Ils attaquent la dette, et, nous autres, on est encore à marcher vers le déficit zéro. Ils font ça à compter de 1997-1998, et ce dernier objectif – écoutez bien ça, M. le Président – a été dépassé par la suite parce qu'ils ont eu des surplus budgétaires beaucoup plus importants que prévu au cours des deux dernières années. Cette situation est le résultat de revenus autonomes supérieurs à ceux prévus. La dette de l'Alberta sera éliminée en 13 ans plutôt qu'en 25 ans, tel qu'il était initialement prévu.

On voit que la vertu paie et que le cercle vicieux peut se transformer en cercle vertueux à condition qu'on y tienne, qu'on le veuille, qu'on s'en parle franchement et que l'opposition et le gouvernement en parlent aussi franchement, parce qu'ils ont contribué joyeusement à nous mettre dans cette situation. Ils pourraient me répondre oui. Ah! oui, oui. Bien, je vois le geste, là... Je peux vous le faire, le geste du député de Laporte. Les téléspectateurs ne le voient pas. Il fait comme ça, en voulant dire qu'il faut remonter en avant. Oui, je vais remonter en avant. Je vais remonter en avant, parce que les gouvernements du Québec, du Canada et de toutes les provinces ont contribué à s'endetter, l'Ontario comme la vertueuse Alberta dont je viens de parler.

À l'époque où le Parti québécois était au pouvoir, c'est-à-dire pendant une période de neuf ans à partir de 1976, tout le monde au Canada s'endettait. Alors, on n'a pas de leçon à faire aux libéraux là-dessus, nous avons fait la même chose. Sauf que j'en ai une, grave leçon, à faire aux libéraux là-dessus, c'est que, quand tout le monde a arrêté de s'endetter, eux, ils n'ont pas arrêté. C'est ça, la grosse différence et c'est ça que le député de Laporte et ses collègues, malheureusement – et je les plains et je sympathise avec eux – vont devoir porter dans l'histoire contemporaine du Québec. Ils ont, comme beaucoup d'autres gouvernements, pris le sentier de la dette, et, quand tout le monde a quitté le sentier de la dette, eux, ils ont benoîtement continué à descendre comme si de rien n'était. Il y a toutes sortes d'images qui pourraient les qualifier. L'orchestre sur le pont du Titanic pourrait en être une, mais il y en a beaucoup d'autres: les marins en goguette qui ne peuvent pas s'arrêter de s'intoxiquer, même quand ils ont déjà dépassé leur quota et de beaucoup. C'est ça, malheureusement, qui a conduit les libéraux qui sont en face de nous maintenant, et c'est un peu à cause de ça qu'ils sont en face. Il y avait d'autres bonnes raisons pour qu'ils soient en face, qu'ils ne soient pas de ce côté-ci de la Chambre. C'est pour ça qu'ils nous ont laissé en héritage, l'année où on est arrivé, un déficit de 6 000 000 000 $.

(15 h 50)

C'est là qu'on a commencé la bataille, et nous l'avons commencée raide et avec succès. Déjà, mon collègue Jean Campeau a présenté un budget avec un déficit de 3 900 000 000 $; il a réussi. J'en ai présenté un moi-même avec 3 200 000 000 $, 700 000 000 $ de moins; je vais réussir. Et ensuite ce sera 2 200 000 000 $, 1 200 000 000 $, zéro. Mais, pour ça, nous demandons à l'opposition officielle, comme aux membres de la députation du parti ministériel, de nous doter d'un instrument qui est cette fameuse loi que je vais décrire maintenant.

Le projet de loi déposé le 15 mai dernier prévoit que le déficit ne pourra excéder les cibles de déficit fixées dans le plan financier du dernier discours du budget; alors, ce que je viens de réciter là, la séquence que je viens de réciter. De plus, à compter de 1999-2000, aucun déficit ne pourra être encouru. Non seulement on sera guéri de la maladie, mais on instaure une obligation préventive de ne plus se remettre dans cette situation.

Sauf que, pour des raisons que j'ai déjà évoquées, la loi permet de faire face à des événements imprévus ou à des circonstances exceptionnelles, et je vais en énumérer quelques-uns. Si un dépassement de moins de 1 000 000 000 $ est encouru, il doit être résorbé l'année suivante. J'ai dit, cette année, que nous allons atteindre nos objectifs, 3 200 000 000 $. Si, au lieu d'une catastrophe au Saguenay, on en avait eu quatre ou cinq – chose très, très grave, mais ça aurait pu arriver – j'aurais pu dépasser. Si j'avais eu à dépasser de moins de 1 000 000 000 $, nous aurions dû le résorber l'année suivante. C'est-à-dire, disons que je manque la cible de 300 000 000 $ cette année, il faut que je dégage un surplus, dès l'année d'après, de 300 000 000 $ pour compenser, pour effacer, pour remettre les compteurs à zéro.

Par contre, s'il y a un dépassement de plus de 1 000 000 000 $, en raison toujours de circonstances bien identifiées, le gouvernement peut s'écarter de l'objectif pour plus d'une année. C'est-à-dire que, pour se refaire, si le dépassement est de plus de 1 000 000 000 $, on peut y aller sur plus d'un exercice suivant. Et ces circonstances, ce sont les suivantes: une catastrophe ayant un impact majeur sur les revenus ou les dépenses; une détérioration importante des conditions économiques; une récession, ou simplement un ralentissement très prononcé de la croissance sans que ça aille à une récession, ou une flambée inflationniste. Si les taux d'intérêt... Ça n'arrivera pas, et je n'ose pas imaginer si ça arrivait. Je vous ai dit, M. le Président, que ça nous coûtait 6 000 000 000 $ par année d'intérêts, vous rappelez-vous, quand les taux d'intérêt préférentiels étaient montés à 18 %, il y a 12 ou 15 ans? Si jamais une telle chose arrivait, ce serait un massacre auquel je n'ose même pas songer. Mais c'est pour dire qu'il peut y avoir des circonstances économiques exceptionnelles.

Et enfin, nous prévoyons aussi, pour ne pas être à la merci totale, dans l'application de cette loi, du gouvernement du Canada, une modification dans les programmes de transferts fédéraux aux provinces qui réduirait de façon substantielle les paiements de transferts versés au Québec. Ça, ce n'est pas hypothétique, c'est arrivé. Le gouvernement du Canada et son ministre des Finances, M. Paul Martin, ont un certain succès à combattre le déficit. Ils combattent le déficit comme nous – et, d'ailleurs, ils en profitent plus que nous parce que la baisse des taux d'intérêt les favorise plus que nous, mais elle favorise sûrement les hommes et les femmes du Québec comme particuliers... Mais ils ont réussi cela largement en poussant vers nous leur déficit. Si le gouvernement du Canada n'avait pas poussé vers Québec une partie importante de son déficit, ce déficit zéro dont on rêve pour 1999-2000, on l'aurait déjà cette année, ce serait déjà fait.

J'aurais pu me lever, au mois de mai dernier, de ce fauteuil et dire: J'annonce un déficit zéro. On aurait pu le faire parce qu'on avait déjà commencé à ralentir, le temps qu'on a été là, c'est-à-dire la brève période où on a administré le dernier budget libéral et le premier budget Campeau. On avait déjà commencé à donner un coup tel qu'on aurait peut-être pu s'en sortir à zéro, cette année-là ou l'année d'après, si les fédéraux n'avaient pas pelleté, comme dit le langage populaire, leur neige dans notre cour. Alors, on peut prévoir que l'envie de pelleter les reprenne, qu'une tempête les frappe et qu'ils poussent leur neige chez nous, pour que ça soit prévu dans le projet de loi.

Alors, si le gouvernement s'écarte des objectifs fixés par la loi pour l'une ou l'autre des circonstances que j'ai mentionnées, nous serons tenus, au moment du discours du budget, d'abord de faire rapport à l'Assemblée sur les circonstances qui amènent le gouvernement à s'écarter de ses objectifs de déficit et de justifier cette décision. Si les malheurs que j'ai évoqués arrivent, à l'occasion du discours du budget, je suis obligé par la loi de dire: Voici quels sont ces malheurs, quelles sont leurs conséquences et comment il se fait que cette décision de dépassement est prise. Je dois la justifier.

Je dois aussi présenter des prévisions révisées – on l'a vu plus haut – des équilibres financiers ainsi qu'un plan financier de résorption des dépassements sur une période maximale de cinq ans, c'est-à-dire que, si c'est moins de 1 000 000 000 $, c'est un an; si c'est plus de 1 000 000 000 $, on peut aller sur plus d'un an, mais on ne peut pas dépasser cinq ans. Puis il faut faire un plan de résorption du déficit et, en plus, on doit appliquer des mesures de résorption au moins de 1 000 000 000 $ au cours de la première année de la période de cinq ans. En d'autres termes, on ne peut pas dire: Ça va se régler dans quatre ou cinq ans, puis je résorbe juste 100 000 000 $ cette année, laisser un ballon se gonfler pour les dernières années et là dire: Bon, on s'en lave les mains, et on fait des élections, et bonjour, bonsoir, on est irresponsable. Non, ça ne peut pas arriver. La loi est conçue pour qu'on ne puisse pas résorber plus de 25 % des dépassements dans la cinquième année de la période.

Alors, voilà pour les principaux éléments du projet de loi. Il faut rappeler maintenant que le projet de loi a fait l'objet d'une consultation publique. Ce dont nous parlons ici après-midi, la population en a entendu parler, puisque c'était dans le mandat de la Commission sur la fiscalité, la Commission si extraordinairement dirigée par Alban D'Amours et ses collègues, qui ont très bien travaillé et qui, de façon unanime, nous ont fait des recommandations. Alors, ils ont été consulter la population.

Ce que les gens ont dit: certains la trouvaient trop contraignante, notre loi, trop raide; d'autres la trouvaient trop permissive. Bien, c'est souvent comme ça dans la société, hein, il y a des gens qui ont des vues divergentes. Alors, il faut ajuster ça au milieu. C'est vrai que les dispositions de la loi actuelle sont contraignantes, mais je crois qu'elles ne sont pas trop contraignantes, car il en va de la crédibilité du Québec et de notre plan financier au complet.

Ce serait grave si on ratait l'objectif. Ce serait grave parce qu'on a donné beaucoup d'espoir, là. Il y a des gens qui font des sacrifices présentement. D'abord, les Québécois et les Québécoises pourraient, comme en Ontario, comme dans d'autres juridictions, rêver de baisses d'impôts, rêver de baisses de taxes. Il n'y en aura pas. Ce serait irresponsable, dans notre condition, de baisser les impôts et les taxes tant qu'on n'aura pas atteint le déficit zéro. Mais, entre-temps, bien, les gens les paient, les impôts et les taxes, et ce n'est pas la meilleure nouvelle qu'on puisse recevoir quand on reçoit son avis de cotisation, tout le monde comprend ça.

Mais c'est une marque profonde de la vie en société, par ailleurs, que de payer ses impôts et taxes dans une société évoluée où 80 % du budget de l'État passe à la santé, aux écoles, aux transferts sociaux. C'est un signe de civilisation que de payer ses impôts et ses taxes et c'est très antisocial de ne pas le faire. Vous savez qu'on a toutes sortes de campagnes de persuasion et d'autres moyens aussi pour amener les gens à travailler au-dessus de la table, comme le font les sociétés avancées et civilisées. Alors, en dessous de la table, jamais. Vous avez vu, M. le Président, la campagne, et elle est bien reçue de la population, tous les sondages le disent. C'est un des éléments de l'atteinte de nos objectifs.

(16 heures)

Si nous n'arrivions pas à atteindre nos objectifs, le problème serait dramatique en ce que notre situation serait plus grave avant qu'après, parce qu'un tel effort, autant de bonne volonté, l'opposition qui est d'accord avec nous, l'opposition officielle qui est d'accord avec nous pour qu'on aille vers le déficit zéro, l'opposition officielle qui est d'accord avec nous pour qu'on suive cette pente balisée par une loi, si l'opposition, qui n'est à peu près jamais d'accord avec nous, l'est sur ce point, ça veut dire que la population du Québec est d'accord, là. Les partis représentés dans cette Chambre représentent à peu près 100 % de la population québécoise. Si 100 % de la population québécoise dit solennellement dans l'Assemblée nationale: On s'en va à un déficit zéro, et qu'on manque notre coup, c'est déprimant, très déprimant pour la société. Il faut éviter à tout prix qu'une telle chose ne nous arrive.

Et j'ai vécu ça moi-même, et plusieurs l'ont vécu dans leur vie. J'ai fini par y arriver, mais j'ai été affligé, moi aussi, de cette habitude mauvaise de fumer un, deux, trois paquets de cigarettes par jour. Il était temps que j'arrête, ça commençait à ressembler au suicide. Il y a une décennie, j'ai réussi. Je suis très content. J'ai pris deux engagements: de ne plus fumer, mais de ne jamais, par ailleurs, embêter les fumeurs, parce que, quand on a fumé pendant 20 ans, c'est de l'injustice extrême de blâmer les autres de fumer. Mais, avant d'y arriver, j'avais manqué mon coup un certain nombre de fois – ha, ha, ha! – puis il y a des millions de gens au Québec à qui c'est arrivé, et ça fait mal en diable, hein! C'est bon quand on réussit, mais arrêter pendant un an, deux ans puis recommencer, c'est pénible. Alors, avec le déficit, c'est la même chose: on s'en va à zéro, on sera là en 1999-2000, on se fait une loi pour ne plus recommencer, on s'est assez intoxiqué.

Cette intoxication-là, j'en parle en prenant des métaphores, mais elle a quelque chose de vraiment toxique. Et c'est quoi, le toxique de la dette de 75 000 000 000 $? C'est que ces jeunes-là, qui après- midi manifestent puis qui ont quitté leur cégep pour combattre la hausse éventuelle – parce que rien n'est décidé – des frais de scolarité, ils l'ont sur le dos, la dette. On ne vivra pas assez vieux, nous, dans cette salle, sauf les beaucoup plus jeunes et les très jeunes – et il y en a quelques-uns, mais ça ne s'applique pas aux gens de l'opposition, puis ni à moi d'ailleurs... Ceux que je vois en face, ils ont à peu près mon âge, même un peu moins. Ils sont en forme, bon, je n'en disconviens pas, mais ils ne verront pas, quelle que soit leur vigueur, la dette passer à zéro, c'est-à-dire que c'est les jeunes qui l'ont sur le dos, et ça, c'est très pernicieux. Une société ne peut pas.

Quand on me dit, des fois: Vous n'êtes pas social-démocrate parce que vous allez vers le déficit zéro, non, je suis social-démocrate, et c'est pour ça que je vais vers le déficit zéro. Y a-t-il une plus grande injustice sociale que de dire à ses enfants puis à ses petits-enfants: J'ai vécu, j'ai consommé, j'ai fait ce que j'ai voulu, et vous paierez? Évidemment, non. Alors, peut-être que le fondement ultime de cette loi, c'est la justice, la justice entre les générations, la loyauté que les gens plus âgés, les gens adultes doivent à leur progéniture. C'est une loi de l'espèce humaine, c'est une loi du genre humain. Il y a une solidarité entre les générations. Les parents s'occupent des jeunes enfants, et les enfants s'occupent des parents vieillissants, et c'est une justice immanente, ça, c'est au coeur de la vie en société, et ça s'applique aussi à la synthèse de la vie en société, qui est l'État, qui doit avoir des finances justes, et c'est l'objectif de la loi que j'ai eu l'honneur de vous présenter, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le vice-premier ministre et ministre des Finances. Je cède maintenant la parole au député de Laporte et critique officiel. M. le député.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Tout le monde en cette Chambre et au Québec, je pense bien, convient de la nécessité absolue de mettre fin aux déficits répétés encourus par le gouvernement du Québec depuis une vingtaine d'années et de résorber également la dette accumulée. Cette situation, qui a été tolérée trop longtemps par tous les gouvernements jusqu'à aujourd'hui, risquerait, si elle devait perdurer, de compromettre gravement la santé financière du Québec et sa capacité de s'acquitter dans les années à venir des obligations auxquelles doit faire face un État moderne. En somme, c'est l'existence même et la survivance de l'État qui est en cause. Sans des finances saines, un État ne peut pas subvenir aux besoins essentiels de ses concitoyens ni s'acquitter des tâches pour lesquelles l'État, justement, a été constitué.

C'est d'ailleurs le Parti libéral du Québec qui, le premier, lors de la dernière campagne électorale en 1994, a proposé l'adoption d'une loi visant à résorber le déficit et à équilibrer les finances publiques. Et je tiens à saluer, en passant l'initiative qu'avait prise à cette époque mon collègue le député de Westmount–Saint-Louis, qui, dès l'année 1992, avait, à titre de simple député, déposé en cette Chambre un projet de loi privé intitulé Loi sur la limitation des dépenses budgétaires dont le but était précisément de contraindre le gouvernement à réduire considérablement le déficit de l'État.

Le projet de loi qu'on nous propose aujourd'hui, le projet de loi n° 3 intitulé Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire, répond donc en partie, et en partie seulement, à ces voeux formulés par l'opposition officielle à maintes reprises, depuis 1994, entre autres par le chef de l'opposition officielle, qui à plusieurs occasions, en cette Chambre, a incité le gouvernement à adopter une telle loi. En effet, s'il fut un temps où certains affirmaient qu'emprunter c'est s'enrichir, on doit reconnaître qu'aujourd'hui, avec le taux d'inflation presque nul que nous connaissons, il serait plutôt sage d'affirmer qu'emprunter c'est s'appauvrir.

Je dois reconnaître qu'il y a encore cependant certains nostalgiques du passé qui souhaitent encore continuer à endetter le Québec, tel l'ancien premier ministre Jacques Parizeau, qu'on entendait récemment à la télévision et qui se faisait l'avocat des déficits budgétaires et des emprunts répétés pour financer ce qu'on appelle les dépenses de nature «capital». Cette mentalité, si elle devait se propager, nous relancerait de nouveau dans les déficits budgétaires à répétition et pourrait contribuer à la détérioration des finances publiques du Québec.

En effet, le jour où le Québec aura rétabli l'équilibre de ses finances publiques et résorbé sa dette, le gouvernement n'aura plus aucune difficulté à financer non seulement ses dépenses d'opérations courantes, c'est-à-dire ce qu'on appelle l'épicerie, mais également ses dépenses en capital. Seuls les investissements de type Baie James pourraient faire l'objet d'emprunts à long terme, étant donné qu'un investissement de cette nature génère des revenus suffisants à lui seul pour amortir la totalité des emprunts.

Et j'implore le ministre des Finances de ne pas céder aux pressions de ceux qui lui demandent de continuer à faire des déficits et d'emprunter pour des fins de dépenses en capital, de ne pas céder à ses collègues, de ne pas céder à ses amis les syndicats qui lui demandent de reporter à plus tard l'objectif du déficit zéro, qui lui demandent de changer de cap. M. le Président, je peux assurer le ministre des Finances que, s'il maintient le cap sur le déficit zéro, il pourra toujours compter sur l'opposition officielle et sur le député de Laporte en particulier pour le soutenir envers et contre tous ceux qui voudraient le faire dévier de son objectif.

M. le Président, en passant, puisque je viens de lancer quelques fleurs à l'endroit du ministre des Finances, je voudrais quand même souligner que le ministre des Finances, à l'occasion, se permet quand même quelques petits retours en arrière qu'il interprète à sa façon, d'une façon parfois assez mesquine, entre autres quand il fait référence au budget de l'année 1994-1995. Ça a été le dernier budget de l'administration libérale, un budget qui prévoyait une réduction du déficit et non pas une augmentation, et que le gouvernement du Parti québécois a détourné après l'élection pour en faire un immense déficit. Je tiens à répéter ce que j'ai dit à plusieurs reprises: Le budget était le budget du Parti libéral, mais le déficit est le déficit du Parti québécois.

(16 h 10)

M. le Président, ce gouvernement-là a été au pouvoir, dans cette année de 12 mois, plus longtemps que le Parti libéral. Ils ont été au pouvoir pendant sept mois sur 12, ils étaient donc responsables de la gestion de ce budget-là. Quand on fait exprès pour faire un déficit, c'est facile d'en faire un. Quand on décide de ne pas respecter le déficit, quand on décide de ne pas couper dans les dépenses, comme c'était prévu, quand on décide de reporter des revenus à l'année suivante pour augmenter le déficit, quand on décide de payer des dépenses en avance pour augmenter les dépenses, bien, avec toutes ces simagrées-là, ces jeux-là, on finit par bâtir un immense déficit, ce qui a été le cas et ce qui permet évidemment d'alléger le budget de l'année suivante. Alors, on s'est permis de pelleter en arrière tout ce qu'il y avait de dépenses et de renvoyer sur l'année suivante les revenus de façon à pouvoir dire que c'était un mauvais budget du gouvernement libéral et à faciliter le budget de l'année suivante. M. le Président, on a vu très facilement le jeu du ministre des Finances de l'époque, et je tiens à répéter encore pour ceux qui ne le sauraient pas que, si le budget était libéral, le déficit était péquiste.

En en arrivant à la loi qu'on nous propose présentement, loi qui s'intitule, comme je l'ai dit tout à l'heure, Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire, on ne peut que demeurer sceptique en lisant la totalité de ce projet de loi là. Je dirais que l'objectif est louable, mais que les efforts qui sont faits par le gouvernement sont plutôt timides, et un grand scepticisme s'installe chez ceux qui, comme moi et les membres de l'opposition, ont lu ce projet de loi là.

En effet, près de la moitié des articles de ce projet de loi là portent sur ce que fera le gouvernement lorsque, contrairement à la loi, il fera des déficits. La loi prévoit que le gouvernement doit ne pas faire de déficit, mais on s'emploie la moitié du temps dans le projet de loi à prévoir comment faire quand on en fera, des déficits, comment les financer et comment traiter ces déficits-là. C'est donc comme si le gouvernement prenait pour acquis qu'il va faire des déficits.

Il nous dit: Je passe une loi pour éviter les déficits, mais voici comment je vais m'occuper des déficits que je ferai de toute façon. Tellement que j'ai l'intention de proposer un amendement – mais pas ici, je le ferai en commission parlementaire – qui ferait en sorte de modifier le titre du projet de loi. Je proposerais au ministre des Finances de nommer cette loi «loi prévoyant comment le gouvernement pourra se soustraire à la Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire». Je ne sais pas si le ministre des Finances va souscrire à cette modification, mais je pense que ça décrirait mieux le projet de loi que le titre que nous avons présentement.

M. le Président, je prends pour acquis... Et je verrai en commission parlementaire à m'assurer que le ministre n'apportera pas de modifications à la loi qui iraient dans le sens de soustraire à la loi certains revenus ou certaines dépenses. Il faut que ce projet de loi là couvre la totalité du budget du gouvernement du Québec, des dépenses quelles qu'elles soient, de nature courante ou de nature «capital», ainsi que le service de la dette, et également tous les revenus du gouvernement, de sorte que la loi couvre l'ensemble du budget du gouvernement.

M. le Président, ce projet de loi là a quand même des vertus, un bon côté – donnons à César ce qui appartient à César: le projet de loi prévoit l'intention du gouvernement de réduire le déficit au cours des prochaines années pour en arriver, en l'an 1999-2000, donc en l'an 2000, à un déficit zéro. Je dis: Bravo! Nous avions, dans le dernier budget libéral, proposé un plan exactement semblable qu'a suivi d'ailleurs le gouvernement depuis qu'il est au pouvoir, mais qui prévoyait le déficit zéro une année plus tôt, qui prévoyait le déficit zéro en l'année 1998-1999. Le gouvernement, lui, a décidé de prolonger d'un an la période pour atteindre le déficit zéro. Quant à nous, on aurait préféré que ça arrive un an plus tôt, parce qu'on n'est pas certains que la conjoncture économique va se maintenir jusqu'en l'an 2000. Mais enfin, disons que, si le gouvernement arrive à l'an 2000, ce sera quand même quelque chose de louable.

M. le Président, ce projet de loi là a aussi beaucoup de faiblesses. Il a beaucoup de faiblesses, parce que, comme je le disais tout à l'heure, le projet de loi prévoit que le gouvernement va faire des dépassements, et, en lisant la loi, il semble que le gouvernement se résigne déjà à faire des dépassements budgétaires. Lisons, par exemple, l'article 10, qui dit que «le gouvernement peut encourir des dépassements pour plus d'une année financière». Alors, déjà, on voit: «...peut encourir des dépassements pour plus d'une année financière s'il prévoit encourir, lors d'un discours sur le budget et avant l'application d'un plan financier de résorption, un dépassement d'au moins 1 000 000 000 $ pour l'année financière de ce budget [...]», M. le Président, «en raison des circonstances suivantes» – et là le gouvernement nous donne des circonstances qui vont le justifier de faire des dépassements de plus de 1 000 000 000 $ et d'en amortir le coût sur plusieurs années, c'est-à-dire sur cinq ans.

La première circonstance, c'est «une catastrophe ayant un impact majeur sur les revenus ou les dépenses». On ne dit pas ce que c'est qu'une catastrophe qui aura un impact majeur sur les revenus ou les dépenses. On pourrait penser, par exemple, qu'un Oui au référendum serait une catastrophe qui aurait un impact très important sur les revenus ou les dépenses ou, encore pire, la séparation du Québec du reste du Canada. Ça, ça serait, du point de vue des revenus et des dépenses, une vraie catastrophe, et là les dépassements qu'on verrait seraient de l'ordre de beaucoup plus que 1 000 000 000 $: il faudrait résorber ça sur toute une génération.

Deuxième élément que le gouvernement prévoit et qui pourrait justifier, justement, des dépassements importants: «une détérioration importante des conditions économiques». M. le Président, c'est à prévoir. C'est évident que le cycle économique haussier que nous connaissons va se terminer éventuellement. Nous sommes présentement dans la sixième année, je crois, d'un cycle haussier. Le dernier cycle, justement, a duré six ans. Bon. Alors, à partir de maintenant, on est en période de grâce. Combien de temps allons-nous continuer à jouir d'une économie qui progresse? On ne le sait pas, mais c'est évident que, tôt ou tard, ça va se terminer, et, si le gouvernement attend ça pour faire des dépassements, bien, à ce moment-là, on est aussi bien de se résigner tout de suite. Ça ne devrait pas justifier le gouvernement de prévoir immédiatement des déficits semblables. Enfin, j'expliquerai tout à l'heure, à mon avis, ce que j'entends par ça.

Troisièmement: «une modification dans les programmes de transferts fédéraux aux provinces qui réduirait de façon substantielle les paiements de transferts versés au gouvernement». Et tout à l'heure le ministre des Finances nous a servi encore sa tirade à l'endroit du gouvernement fédéral, qui, selon lui, est la cause de tous nos malheurs parce qu'il a réduit les transferts aux provinces. Mais à toutes les provinces, pas seulement au Québec. M. le Président, le gouvernement du Québec fait exactement la même chose à l'endroit des municipalités et des commissions scolaires. Le gouvernement fédéral a fait des coupures à l'endroit des provinces, et le Québec fait des coupures à l'endroit des municipalités. Donc, le Québec n'est pas perdant dans l'opération, ou très peu. On lui coupe de l'argent venant d'Ottawa, et il coupe de l'argent aux municipalités et aux commissions scolaires. Donc, comme on dit chez nous, il passe le «puck» aux municipalités et aux commissions scolaires. Disons qu'il passe le ballon, pour parler français. Alors, dans les circonstances, le ministre des Finances est assez malvenu de venir faire la leçon à Ottawa, alors qu'il fait strictement la même chose à l'endroit des municipalités et des commissions scolaires.

Donc, M. le Président, on voit que l'article 10, dans le fond, c'est une passoire qui permet au gouvernement, pour à peu près n'importe quelle raison, de décider de faire des dépassements ou d'accepter des dépassements de plus de 1 000 000 000 $ et de les financer sur une période allant jusqu'à cinq ans, et, si en cours de route d'autres dépassements de plus de 1 000 000 000 $ surviennent, on les financera également sur une période d'années, de sorte qu'on peut fort bien se retrouver dans la même situation que présentement avec des déficits à répétition.

M. le Président, j'aimerais attirer l'attention des parlementaires sur ce que le gouvernement de l'Alberta a prévu à cet égard-là. Le gouvernement de l'Alberta a prévu qu'un déficit non autorisé doit être compensé par un surplus au cours de l'exercice suivant. Ce n'est pas très long, et d'ailleurs les municipalités du Québec sont habituées à ça. C'est la règle générale dans toutes les municipalités. Si on fait un déficit une année, l'année suivante, ce déficit-là devient la première dépense du budget et elle doit être incorporée au budget, et ce déficit-là doit être financé à même les revenus de l'année suivante. Point final à la ligne. De cette façon-là, en général – et toujours, d'ailleurs – les municipalités ne traînent pas de déficit et n'ont pas de déficit, sauf celui qui est remboursé l'année suivante. Et le Manitoba a même prévu, en cas de non-conformité, une diminution de la rémunération des ministres. Les ministres, dans le cas du Manitoba, si le gouvernement ne rencontre pas ses objectifs d'équilibre budgétaire, voient une diminution de 20 % de leur salaire l'année suivante et de 40 % la deuxième année. Ça, M. le Président, c'est un gouvernement sérieux qui a dit à ses concitoyens: Nous allons atteindre l'objectif et nous prenons des mesures pour contraindre le gouvernement à y arriver.

(16 h 20)

D'ailleurs, M. le Président, on pourrait parler de l'article 9 aussi. Il peut arriver que, dans une année donnée, le ministre des Finances fasse un surplus, un excédent. Tant mieux si on fait un excédent. Alors, qu'est-ce qu'on a prévu? Tout le monde penserait qu'un excédent on va immédiatement le prendre pour réduire la dette. Non, M. le Président, ce n'est pas ce que dit l'article 9. Si on fait un excédent dans une année donnée, le gouvernement peut encourir des dépassements dans les années suivantes jusqu'à concurrence de l'excédent. Bon. Alors, si on fait, une année donnée, un excédent, le gouvernement pourrait en profiter pour augmenter ses dépenses et gaspiller, l'année suivante ou dans les deux années suivantes, le surplus qu'il a fait. Le surplus, on ne l'appliquera pas en réduction de la dette, on va l'appliquer en réduction des dépassements qu'on fera l'année suivante, et on annonce déjà qu'on en fera, des dépassements. Ça ne me paraît pas très sérieux. Si le gouvernement était sérieux, il dirait, comme plusieurs provinces canadiennes: Les excédents, les surplus vont être appliqués directement en réduction de la dette.

M. le Président, dans notre projet de loi, bien sûr, il n'y a aucune sanction à l'endroit du gouvernement ou des ministres. Tout à l'heure, j'ai parlé d'une province, et certaines provinces canadiennes ont des mesures très contraignantes envers le gouvernement dans le cas où le Conseil des ministres ou les ministres n'atteignent pas l'objectif.

Également, il n'y a aucune protection dans ce projet de loi là à l'égard des concitoyens, des payeurs de taxes québécois, en ce qui a trait aux hausses de taxes et d'impôts. Plusieurs provinces canadiennes ont prévu l'empêchement pour le gouvernement de venir régler son problème de déficit en adoptant, disons, la voie facile, c'est-à-dire hausser les impôts des particuliers, des corporations, la taxe de vente, enfin aller chercher de l'argent à la manière Parizeau, je dois le dire, qui était, on doit le reconnaître, le plus grand taxeur que le Québec a jamais connu, le champion toutes catégories, et qui disait lui-même d'ailleurs – je l'ai déjà entendu, M. le Président, de mes propres oreilles: Je taxe tout ce qui bouge. Et il en a fait la preuve au cours de sa carrière.

M. le Président, c'est facile, très facile d'aller chercher des revenus additionnels quand on fait marcher la machine à taxes. Je hausse les taxes sur le revenu, je hausse les taxes sur l'essence, je hausse les taxes un peu partout, puis ça, ça produit des revenus me permettant de faire diminuer le déficit. Encore qu'il y a des limites là-dedans, on l'a vu, parce que, comme le disait le ministre des Finances, trop d'impôt tue l'impôt, et c'est vrai.

Alors, M. le Président, comment faire pour protéger les citoyens contre cette voie facile, voie facile qui permettrait à un gouvernement de hausser les impôts et les taxes? Et on sait qu'on est déjà la province, probablement, qui a le taux d'impôt le plus élevé au Canada. Donc, il me semble que ça paraît assez évident qu'on ne pourrait pas, qu'on ne devrait pas recourir à des hausses de taxes. Et certaines provinces, M. le Président, ont prévu que, si le gouvernement veut hausser les taxes, il doit le faire par voie de référendum. Ça, c'est un bon sujet pour un référendum. Si le gouvernement veut faire des référendums, qu'il les fasse, qu'il demande aux citoyens de l'autoriser à hausser les impôts. Ça, on verra si le gouvernement va avoir 49,7 % des votes lors du référendum.

Une voix: Ils vont voter oui pour ça.

M. Bourbeau: M. le Président, ça, c'est la bonne façon de protéger les citoyens contre des hausses de taxes, car les citoyens, ils ont besoin d'être protégés contre ce gouvernement-là qui s'est fait le champion des hausses de taxes depuis son arrivée au pouvoir.

Seulement la semaine dernière, une pluie de nouvelles taxes s'est abattue sur le Québec. Seulement la semaine dernière. Moi, j'en ai compté trois seulement la semaine dernière et probablement que j'en ai oublié. On nous a annoncé une hausse sur les permis de conduire et les enregistrements des véhicules. Mine de rien, le gouvernement va chercher 17 000 000 $ de nouvelles taxes dans la poche des contribuables, qui vont voir bientôt les hausses de taxes arriver. Le ministère du Tourisme nous a annoncé la semaine dernière un nouveau fonds de 35 000 000 $. Puisé où? Des nouvelles taxes, M. le Président. Mais là on a trouvé une astuce, une astuce assez remarquable. Pour ceux qui aiment bien la langue française, on ne dit pas qu'on va taxer les forfaits touristiques, on dit, dans le communiqué de presse, qu'on abolit la détaxation des forfaits touristiques. M. le Président, quand on pense à ça, c'est quoi, abolir une détaxation? Abolir une détaxation, bien, c'est taxer. Si on abolit un détaxation, c'est donc que ce n'était pas taxé avant, et on abolit ce qu'on faisait avant, donc on va taxer. Mais c'est une façon un peu pudique de dire ce qu'on ne veut pas dire, c'est-à-dire qu'on va taxer les forfaits touristiques. Et, par la même occasion, on va taxer également les chambres d'hôtel.

Je vois que le ministre des Finances ne peut pas en supporter davantage. M. le ministre des Finances n'accepte pas qu'on lui dise ses vérités. M. le Président, comme ce héros québécois, on dira que le salut est dans la fuite. Mais disons, M. le Président, qu'on va taxer à partir de maintenant les chambres d'hôtel, nouvelle taxe dont on a appris la teneur la semaine dernière. En plus de cette nouvelle taxe qu'on nous annonce, la taxe sur la pauvreté, de 240 000 000 $, qui va frapper tous les Québécois. Tous seront frappés, semble-t-il. Donc, pour une seule semaine, c'est pas mal, trois nouvelles taxes.

Mais ce n'est pas tout, M. le Président. Ce gouvernement-là en a imposé une pléiade de nouvelles taxes, depuis son arrivée au pouvoir. Laissez-moi vous en faire une petite nomenclature rapide. Dans le budget de M. Campeau – du député de Crémazie, M. le Président – l'ex-ministre des Finances, je ne sais pas si vous vous souvenez, mais il y avait là-dedans une hausse des taxes dites taxes sur la masse salariale de 600 000 000 $. En fait, pour être précis, au cours de l'année courante, c'est 575 000 000 $ que le gouvernement est venu chercher en taxes sur la masse salariale. Et l'an prochain, cette somme-là va être de 609 000 000 $. Pas surprenant qu'on soit la province canadienne qui a les plus hautes taxes sur la masse salariale, on n'est plus que deux fois plus haut que n'importe quelle autre province canadienne, en ce qui concerne les taxes sur la masse salariale.

M. le Président, le ministre des Finances actuel, le ministre qu'on a devant nous, enfin, qu'on est supposé avoir devant nous, dans son dernier budget, a imposé une série de taxes qui viennent en vigueur l'année prochaine, en 1997, et j'en fais une courte liste.

D'abord, un impôt minimum. On ne connaissait pas ça, au Québec. On aura un impôt minimum, l'année prochaine: 5 000 000 $. Tout le monde, même ceux qui ne payaient pas d'impôts, devront le payer, semble-t-il.

On a fait une attaque en règle contre les personnes âgées, dans le dernier budget. Je vous donne quelques chiffres. Pour une personne vivant seule, on a aboli le crédit d'impôt; ça rapporte 24 000 000 $ au gouvernement, l'an prochain. Une personne vivant seule: hausse de 24 000 000 $. Le crédit d'impôt en raison de l'âge, pour ceux qui arrivent à l'âge de la retraite, ils vont devoir payer 26 000 000 $ de plus l'an prochain. Pour les revenus de retraite, on va les taxer de 24 000 000 $ de plus en 1997, nouvelle taxe – 22 000 000 $, je m'excuse, pas 24 000 000 $, 22 000 000 $.

Après ça, on va transformer en crédit d'impôt non remboursable la déduction pour cotisation syndicale – le député de Matane devrait écouter ça, ses amis les syndicats vont être frappés – et les cotisations professionnelles et les associations artistiques. Le gouvernement récupère 17 000 000 $ par cette mesure-là, dès l'an prochain, une taxe imposée aux cotisations syndicales, professionnelles et associations artistiques. Les limitations de l'aide fiscale à la retraite, 10 000 000 $ de plus, l'an prochain. Les restrictions au crédit d'impôt sur les actions du Fonds de solidarité, 18 000 000 $.

(16 h 30)

Et ce n'est pas tout. Ce n'est pas tout, les nouvelles taxes du gouvernement du Parti québécois. Qu'on se souvienne des taxes sur le carburant et le mazout – la région de Montréal. La taxe sur le tabac, qui rapporte 40 000 000 $ de plus à partir de cette année. La taxe de 1 % sur la masse salariale, pour la formation de la main-d'oeuvre, les coûts sont énormes aussi pour les contribuables. Les augmentations de tarifs d'Hydro-Québec pour l'année en cours, 2,5 % d'augmentation, alors que le coût de la vie augmente à peine de 1 %: 71 000 000 $ de plus qu'on va chercher dans la poche des contribuables. Les transferts aux municipalités, 115 000 000 $. Les municipalités vont retaxer les citoyens du Québec pour des taxes municipales: 115 000 000 $. Les commissions scolaires, 77 000 000 $ de transferts aux commissions scolaires; le gouvernement s'est déchargé, comme il accuse le fédéral de le faire, sur les commissions scolaires: c'est 77 000 000 $ de plus qui va revenir dans les comptes de taxes scolaires des citoyens du Québec. La nouvelle assurance-médicaments, ça va coûter 196 000 000 $ de plus aux contribuables québécois dès le 1er janvier prochain. Nouvelle taxe du gouvernement du PQ.

M. le Président, on n'en finit plus de compter les nouvelles taxes avec ce gouvernement-là, et c'est pour ça qu'on a besoin d'une protection dans la loi, une protection contre les augmentations de taxes, pour ne pas que le gouvernement vienne nous faire le truc d'équilibrer son budget non pas en coupant dans les dépenses, mais en taxant encore plus les contribuables.

Il y a des corrections à apporter à ce projet de loi là. D'abord, il faut que le gouvernement équilibre son budget année après année. Ça, c'est l'objectif recherché. Il faudrait limiter au minimum les cas où le gouvernement pourrait financer sur une période très courte un dépassement. La façon dont l'article 10 est rédigé présentement, c'est comme une passoire. Le gouvernement pourra à tout bout de champ déclarer qu'il y a une catastrophe, que la conjoncture économique n'est pas bonne et en profiter pour faire des déficits. Ça prendrait une sanction également contre le gouvernement, comme dans certaines provinces canadiennes. Si le gouvernement est sérieux, qu'il nous dise qu'il va couper le salaire de ses ministres de 20 % l'année suivante, et là on va le croire.

Une voix: Bravo!

M. Bourbeau: Je vois que je ne suis pas le seul dans cette Chambre, d'ailleurs, M. le Président, à être de cet avis-là.

Deuxièmement, on devrait avoir une garantie contre les hausses d'impôts pour éviter au gouvernement de régler son problème de la façon facile. La façon facile, c'est les hausses de taxes. Que le gouvernement nous donne une clause antitaxes, que j'appellerais la «clause Parizeau» en souvenir de notre ancien premier ministre, qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, était le champion des taxes et des hausses de taxes. M. le Président, pas de nouvelles taxes, pas de hausse de taxes, une garantie contre ça, ou encore qu'on nous dise qu'on fera un référendum, si on veut faire une nouvelle taxe ou si on veut hausser les impôts.

Le gouvernement devrait également, dans le projet de loi, limiter la hausse des dépenses, comme certaines provinces l'ont fait. C'est sûr que, d'une année à l'autre, le coût de la vie augmente et qu'on peut s'attendre à des hausses de dépenses, mais pourquoi hausser les dépenses de 2 % si le coût de la vie augmente de 1 %, par exemple? Alors, on pourrait stipuler que, dans un budget, dorénavant le gouvernement ne pourrait pas augmenter ses dépenses de plus que, disons, le coût de la vie ou la moitié du coût de la vie ou un pourcentage proportionnel, disons, à l'augmentation de la population. De cette façon-là, on serait protégé contre des hausses de dépenses intempestives.

Le gouvernement devrait également, comme le ministre des Finances l'a souligné à l'égard de certaines provinces canadiennes, présenter un plan de réduction de la dette, non pas seulement du déficit. Une fois que le déficit sera rendu à zéro, on ne fera plus de déficit année après année, j'espère. Il faudra s'attaquer à payer la dette, à réduire la dette, comme certaines provinces l'ont fait, nous présenter un plan de réduction de la dette sur une période d'années. On peut attendre 15 ans, 20 ans, peut-être 25 ans – la dette est importante – mais il faudrait au moins que le gouvernement se contraigne à un calendrier de réduction de la dette.

Il faudrait également, dans cette loi-là, un article qui nous dise que, quand le gouvernement vend des actifs – par exemple, on vend une entreprise d'État – les produits de la vente iront non pas pour financer le budget du gouvernement, mais en réduction de la dette. Exemple, si le gouvernement décide de vendre ses intérêts dans Domtar, qui pourraient rapporter quelques centaines de millions de dollars, il ne faudrait pas que cet argent-là soit gaspillé à payer l'épicerie, il faudrait que cet argent-là aille directement en réduction de la dette du gouvernement. Et nous allons proposer des amendements dans ce sens.

Il faudrait également que le gouvernement s'engage à faire des rapports réguliers à l'Assemblée nationale sur l'évolution du budget, l'évolution des déficits et l'évolution de la dette. À cet effet-là, ce n'est pas inutile de le dire, je me souviens très bien que le député de Crémazie, lorsqu'il était ministre des Finances, a refusé de déposer à l'Assemblée nationale, en janvier 1996 ou en décembre 1995, la synthèse des opérations financières pour le troisième trimestre. Première fois. C'était la première fois depuis des lunes qu'un gouvernement du Québec refusait de déposer son bulletin trimestriel qui donne aux citoyens du Québec l'occasion de voir comment le gouvernement progresse dans son année financière, et on avait eu beau se plaindre, on avait eu beau protester, le ministre des Finances était resté imperturbable et avait privé l'Assemblée nationale de l'opportunité d'examiner la conduite du gouvernement en matière fiscale, en matière budgétaire surtout, et je pense qu'on devrait en faire une obligation dans la loi.

Et, finalement, M. le Président, je pense qu'il faudrait aussi, dans le projet de loi, prévoir un surplus, une réserve, tel que le fait le ministre des Finances du Canada, M. Paul Martin, qui, dans chacun de ses budgets, a un poste qui est une réserve au cas où, dans l'année, surviendraient des problèmes comme ceux dont parlait le ministre des Finances, par exemple les catastrophes qu'on a vues au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Bien, il y aurait dans le budget un poste qui pourrait couvrir ces éventualités-là et qui éviterait au gouvernement de faire des déficits comme l'invoquait tout à l'heure le ministre des Finances. Donc, une réserve pour conjoncture difficile. Ou encore si, disons, l'économie commençait à ralentir, on aurait un fonds de réserve dans le budget de chaque année pour prévoir ces ralentissements-là.

Et, M. le Président, justement, j'aimerais aborder cette question qui est reliée au rapport complexe qu'il faut établir entre l'économie et les finances publiques. Cela concerne l'objectif avoué du ministre des Finances d'équilibrer le budget du Québec en l'an 2000. Puisque la conjoncture exerce une grande influence sur les équilibres financiers côté revenus comme côté dépenses, il importe de se demander à quelle phase d'un cycle économique nous serons parvenus au terme de la période dite de redressement des finances publiques. On comprend facilement que, si la croissance économique se poursuit comme le pense le ministre des Finances, c'est-à-dire environ entre 1,5 % et 2,4 % – c'est ce que prévoit le ministre des Finances – par année au cours des prochaines années et sans interruption jusqu'à l'an 2000, alors, à ce moment-là, sa tâche sera grandement facilitée par l'économie comme le ministre des Finances la voit présentement à travers ses lunettes roses.

Mais, M. le Président, fait plus important encore, nous serons, à l'année 1999-2000, dans la huitième année d'un cycle économique à la hausse. Donc, une année faste en termes de finances publiques. La dernière fois que nous avons connu une situation semblable, c'était en 1988-1989 et 1989-1990 alors que le gouvernement avait pratiquement équilibré son solde des opérations courantes: à 329 000 000 $ près en 1988-1989 et 442 000 000 $ en 1989-1990, c'est-à-dire à un tiers de 1 % du PIB près. Le gouvernement était à une astuce près de réussir, et on était à la sixième année d'un cycle économique à la hausse. Et l'expérience des années quatre-vingt démontre donc que le solde des opérations courantes – et non pas l'équilibre budgétaire – tendait vers l'équilibre au sommet du cycle et qu'il était réaliste d'escompter atteindre la cible environ une année sur cinq ou six. Autrement dit, les finances du Québec étaient comme un navire qui flotte une heure à marée haute. Le reste du temps, il reposait sur le fond. Vous conviendrez avec moi qu'il est difficile de naviguer dans ces conditions. Or, c'est justement ce que le ministre des Finances nous offre: flotter une heure à marée haute au sommet du cycle pourvu qu'il se prolonge, ce cycle-là, jusqu'à l'an 2000 et en espérant que la prochaine récession ne surviendra pas d'ici là.

(16 h 40)

Tout cela démontre que l'objectif du ministre des Finances, c'est-à-dire l'équilibre budgétaire, le déficit zéro, n'est rien de mieux qu'un objectif intérimaire en attendant quelque chose, disons, de plus sérieux. D'abord, j'espère que le ministre des Finances ne succombera pas aux exhortations de son ancien premier ministre, Jacques Parizeau, et que, M. le Président, le ministre des Finances n'annoncera pas au reste du monde qu'il a l'intention de conserver perpétuellement un déficit budgétaire égal à 100 % des dépenses en capital du gouvernement.

Ensuite, M. le Président, la cible visée ne peut en aucune façon être établie sans égard à la conjoncture. S'il faut équilibrer le solde budgétaire, le budget du Québec, si nous devons avoir un budget équilibré, un déficit zéro, c'est sur la durée complète d'un cycle économique qu'il faut le faire, de manière à ce qu'en sept ou huit ans, si la bonne fortune perdure, les surplus des bonnes années compenseront pour les déficits des mauvaises années. Dans l'état actuel des choses, c'est au moins 1 000 000 000 $ ou 2 000 000 000 $ plus loin qu'il nous faut viser pour équilibrer le solde courant de l'ensemble d'un cycle économique.

M. le Président, il est extrêmement difficile de réduire un déficit en ne se concentrant que sur des réductions de dépenses. Et il faut vraiment pouvoir compter sur des revenus additionnels générés par une augmentation de la croissance économique. Et un gouvernement qui tenterait de réduire son déficit à zéro en ne comptant que sur des coupures de dépenses risquerait de trouver la tâche extrêmement ardue.

C'est pourquoi, normalement, avec la croissance économique que nous connaissons, le gouvernement devrait pouvoir compter sur des revenus additionnels générés non pas par des taxes nouvelles, mais par la croissance naturelle de l'économie. Or, un phénomène nouveau, semble-t-il, se fait jour. Le gouvernement du Québec nous a annoncé, la semaine dernière ou il y a deux semaines plutôt, que ses revenus étaient moins importants que prévus. M. le Président, c'est assez étonnant, par exemple, que la taxe de vente du Québec, cette année, va rapporter 306 000 000 $ de moins que l'an dernier. Comment peut-on faire en sorte qu'une taxe de vente, dans un contexte où l'inflation est de 1 %, rapporte 306 000 000 $ de moins que l'année précédente? On a beau avoir joué un peu dans les remboursements des intrants, ça n'explique en aucune façon cette réduction de la taxe de vente. La raison, c'est que les consommateurs ont peur de dépenser, que la confiance des consommateurs est au plus bas depuis sept, huit ans, et ça paraît, M. le Président, dans les dépenses de consommation.

Et également, non seulement les consommateurs, mais les investisseurs, M. le Président – et ça a été reconnu par bien des gens d'affaires – n'osent pas investir autant qu'ils le devraient. Et, en conséquence, plutôt que de voir une augmentation des emplois – le ministre des Finances avait prévu 45 000 nouveaux emplois dans son budget – on constate que, depuis l'arrivée au pouvoir du premier ministre qu'on a présentement, fin janvier, c'est plutôt une perte de 54 000 emplois que nous avons. Quand on perd des emplois plutôt que d'en créer, ça veut dire moins d'impôt sur le revenu payé par les travailleurs, moins de taxes sur la masse salariale et donc une diminution des rentrées fiscales du gouvernement.

On a donc un sérieux problème, M. le Président. Non seulement les consommateurs consomment moins, mais les investisseurs investissent moins qu'ils devraient le faire. Et j'aimerais porter à l'attention de mes collègues un rapport qui a été déposé au Sommet économique, au chantier de l'économie et de l'emploi, et qui justement nous indique que les investissements au Québec ont sérieusement diminué. Le ministre des Finances affirmait lors du Sommet que les investissements étrangers au Québec augmentent d'une façon importante année après année. M. le Président, ils augmentent peut-être, mais sensiblement moins que dans les autres provinces canadiennes.

Regardons ce qu'en dit le rapport. En 1995, la part du Québec de l'investissement total étranger au Canada est de 9 %; 9 % des investissements étrangers au Canada, en 1995, ont été faits au Québec, alors que nous formons près de 25 % de la population. Et ce ratio avait été en moyenne de 17 % au cours de la période 1985-1990, une chute notable des investissements étrangers au Québec en 1995. Et, si on prend maintenant le total des investissements privés au Canada, donc les investissements étrangers dont je viens de parler et les investissements domestiques, tous les investissements privés, à ce moment-là la part du Québec, qui était de 22,6 % en 1990, est passée à 19,8 % en 1995, ce qui est inférieur au poids démographique et économique du Québec dans l'économie canadienne. Et, selon les dernières intentions d'investissements, ce pourcentage pourrait diminuer à 17,4 % en 1996.

M. le Président, on n'a pas à aller plus loin. Quand les investisseurs, qu'ils soient québécois ou étrangers, décident d'investir moins au Québec, quand les consommateurs décident de moins consommer parce qu'ils ont peur, qu'ils sont insécures, bien, le gouvernement a moins de rentrées fiscales, moins d'argent, et il s'en rend compte dans ses équilibres financiers. D'ailleurs, le rapport, ici, en question concluait un peu plus loin – et vous me permettrez de citer ce qu'il disait – que, «pour régler le problème dont on parle, les faiblesses du Québec, la barrière aux investissements étrangers, les principales raisons qui font en sorte que les investissements étrangers au Québec sont si bas» – 9 % par rapport à l'ensemble du Canada – eh bien, on nous donne comme raison la fiscalité des entreprises et des particuliers.

Les impôts sont trop élevés au Québec, tant pour les particuliers que pour les entreprises. Pour les entreprises seulement, les impôts des entreprises... Pour ceux qui pensent que les entreprises au Québec ne sont pas assez taxées, elles sont taxées à 29,4 %, plus qu'en Ontario. Les entreprises québécoises paient 29 %, presque 30 % de plus d'impôts que les entreprises en Ontario, et ça, c'est les taxes sur la masse salariale, les taxes sur le capital et l'impôt sur le revenu des compagnies. M. le Président, quand on fait ça, on incite les gens d'affaires à aller s'installer en Ontario, à fonder des compagnies en Ontario et à engager des gens en Ontario aussi. Alors, il faut que le gouvernement voie à diminuer les taxes des entreprises pour demeurer compétitif.

Deuxième raison, le climat linguistique au Québec, et on dit: Le caractère bilingue et multiethnique du Québec n'est pas exploité comme une force, mais plutôt vu comme une menace à l'épanouissement de la majorité francophone, elle-même une minorité en Amérique du Nord. Et on dit que l'image véhiculée par les médias et les perceptions des étrangers face au climat linguistique du Québec sont négatives. Pas étonnant, M. le Président, quand le gouvernement nous annonce qu'il va réinstaller ce qu'on appelle la police de la langue. Si on remet sur le chemin du Québec des inspecteurs et des polices de la langue, bien, ce n'est pas surprenant que les étrangers hésitent à investir au Québec. Et cette année ils ne vont investir que 9 % des investissements au Canada.

Finalement, la troisième raison, l'incertitude constitutionnelle, qui est perçue comme un facteur négatif dans l'évaluation de l'ensemble des risques pour nombre d'investisseurs québécois, canadiens et étrangers qui retardent ou même annulent leurs projets d'investissement au Québec.

M. le Président, ce n'est pas le député de Laporte qui le dit, ce n'est pas le Parti libéral, ce n'est pas l'opposition officielle, c'est un rapport officiel, déposé au chantier de l'économie et de l'emploi et qui se base... Tous les chiffres dans ce rapport-là sont basés sur les données officielles de Statistique Canada. Je pense que c'est clair, on le voit, où est le problème des finances publiques québécoises: le gouvernement a un sérieux problème de revenus. Les revenus du gouvernement ne sont pas au rendez-vous, et c'est pour ça que le gouvernement est obligé de couper encore davantage dans ses dépenses, parce qu'il ne réussit pas à créer un climat propice aux investissements, propice à redonner confiance aux consommateurs, et, en conséquence, le gouvernement voit ses revenus diminuer.

(16 h 50)

Une autre raison qui fait que les entreprises québécoises, les gens d'affaires au Québec hésitent à se lancer en affaires et à fonder des sociétés, c'est la réglementation. La réglementation au Québec est trop lourde, et j'espère que le gouvernement va prendre les mesures, tel qu'il l'a annoncé, pour simplifier la réglementation.

M. le Président, le gouvernement a donc décidé de s'attaquer à la réduction du déficit en coupant dans les dépenses du gouvernement. Or, quand on regarde l'ensemble des dépenses du gouvernement, on se rend compte que la moitié des dépenses du gouvernement, c'est ce qu'on appelle la rémunération, que 50 % des dépenses du gouvernement, c'est la rémunération: les salaires, les congés, les pensions, etc., de ses fonctionnaires, de ses employés.

J'ai dit à plusieurs reprises et je répète que je ne suis pas de ceux qui s'imaginent ou qui pensent que les fonctionnaires du Québec sont trop payés. Je ne pense pas cela et je ne le dis pas non plus. Ce que je dis cependant, c'est que je pense qu'il y a trop de fonctionnaires. Pas partout, mais, à bien des endroits, il y en a trop. Il y en a trop dans les ministères et il y en a trop, M. le Président, également dans les réseaux et surtout trop dans les sociétés d'État. Et le gouvernement n'a pas d'autre choix que de couper dans ce gâteau de 20 000 000 000 $ que constitue la rémunération de ses employés. Or, justement, M. le Président, comment le gouvernement peut-il couper dans la rémunération quand il a octroyé des hausses de salaire à ses fonctionnaires quelques mois avant le référendum? En fait, le gouvernement a fait exactement, au référendum de 1995, ce qu'il avait fait au référendum de 1980, c'est-à-dire promettre des hausses de salaire à ses employés à la veille du référendum pour remettre en question ces hausses-là après le référendum.

M. le Président, l'ancien gouvernement libéral avait gelé le salaire des fonctionnaires avec la loi 102. Le gouvernement du Parti québécois a annulé la loi 102 et augmenté les salaires de ses fonctionnaires, rétroactivement d'ailleurs, on doit le dire, à une période avant le référendum. Le gouvernement a dit aux fonctionnaires: Je vous paierai après le référendum pour une période qui va aller avant le référendum, de façon à inciter ses fonctionnaires à être très portés, d'une façon très favorable en tout cas, à considérer le référendum.

M. le Président, aujourd'hui le gouvernement est pris avec sa signature. Il a signé des conventions qui établissent que ses employés jouiront de hausses de salaire et le gouvernement n'a pas les moyens de livrer la marchandise. Le gouvernement devra composer avec sa signature, composer avec ses engagements, mais je dis qu'un des problèmes, c'est là; surtout que les fonctionnaires sont représentés par des syndicats, qui sont, comme vous le savez, les grands amis du gouvernement. Alors, quand le gouvernement, M. le Président, marche la main dans la main avec Gérald Larose, c'est bien difficile après de venir dire à Gérald Larose: Bien, vous nous avez soutenus au référendum, mais malgré ça on va couper dans les salaires des fonctionnaires ou dans la fonction publique. On voit que le gouvernement n'est pas très bien placé pour faire ce travail-là.

M. le Président, en résumé, je ne peux faire autrement que de saluer les bonnes intentions du gouvernement, car le Parti libéral du Québec a été le premier à s'engager à adopter une loi sur l'abolition du déficit lors de la dernière campagne électorale. C'est bien avec regret toutefois que nous constatons que le ministre des Finances n'a pas eu le courage de s'imposer une loi qui l'obligerait à respecter ses objectifs de déficit.

En effet, comme je le disais tout à l'heure, près de la moitié des articles de ce projet de loi là sont reliés à des mécanismes mis en place pour résorber un dépassement du déficit prévu. Ce projet de loi est la loi antidéficit la moins restrictive de toutes les lois du genre adoptées au Canada. D'autres provinces se sont dotées de dispositifs tels une protection de l'assiette fiscale des particuliers et des entreprises; des dispositifs d'élimination de la dette, non seulement du déficit, mais de la dette elle-même; des spécifications pour l'utilisation des surplus qu'on applique en réduction de la dette; et même, dans le cas du Manitoba, des diminutions de salaire pour les ministres du gouvernement qui ne respecteraient pas l'objectif visé. Peut-être serait-il sage d'inclure dans notre loi antidéficit certains de ces exemples.

Il est évident que le projet de loi gagnerait un peu en crédibilité avec certaines sanctions, sanctions à l'égard des ministres, bien sûr. Cependant, ces dernières seraient à toutes fins pratiques inapplicables et inutiles, étant donné que le ministre des Finances s'est laissé une trop grande marge de manoeuvre. Il est vrai, par contre, que, pour un parti séparatiste, il est prudent de prévoir un scénario de catastrophe économique, tel que décrit à l'article 10 du projet de loi.

Ce qui est navrant, c'est que le gouvernement ne sait manipuler que deux outils pour lutter contre le déficit. D'abord, pour réduire les dépenses, le recours à des coupures mur à mur, affectant ainsi nos acquis sociaux et la qualité de nos services. Puis, il tente de contrer la dégringolade des revenus en créant des nouvelles taxes et des nouveaux tarifs, tel que j'en ai fait la nomenclature tout à l'heure. Par une telle attaque en règle envers le revenu disponible des Québécois, le gouvernement mine la consommation, moteur de la croissance économique, et conséquemment il affaiblit ses revenus futurs. Avec son option constitutionnelle en toile de fond, la séparation politique du Québec, le gouvernement nous entraîne dans une spirale décroissante de l'économie québécoise.

M. le Président, deux raisons pourraient justifier la trop grande souplesse de ce projet de loi, soit que le gouvernement, à la lumière des dernières synthèses des opérations financières, réalise que le risque de ne pas atteindre l'objectif de réduction du déficit est trop élevé ou encore que le Conseil des ministres endosse la position de son ancien chef, Jacques Parizeau, et décide d'abandonner l'objectif de déficit zéro.

M. le Président, en conclusion, une loi antidéficit doit avoir suffisamment de dents pour être respectée, sinon il ne s'agirait que d'une mascarade ou d'un exercice de relations publiques. Si le gouvernement est sérieux, il doit faire en sorte de proposer une loi qui va donner des assurances aux Québécois qu'il est sérieux et qu'il entend vraiment réduire le déficit du Québec et subséquemment la dette des Québécois. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laporte. Je vais céder la parole à M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je ferais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. Bien. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je vous demanderais de prendre en considération l'article 9 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 54


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 9, M. le ministre délégué au Revenu propose l'adoption du principe du projet de loi n° 54, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec. M. le ministre délégué au Revenu, je vous cède la parole.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Merci, M. le Président. Alors, je soumets à cette Assemblée, pour qu'elle en adopte effectivement le principe, le projet de loi n° 54 intitulé Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec.

Ce projet modifie donc la Loi sur le Régime de rentes du Québec afin d'augmenter de 0,4 % le taux de cotisation au Régime de rentes du Québec pour le porter à 6 % pour l'année 1997. Ce projet de loi donne suite à la déclaration prononcée en cette Chambre le 19 juin 1996 par le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

Je vous rappelle, M. le Président, que, pour les années 1966 à 1986, le taux de la cotisation au Régime de rentes du Québec, qui est versé à parts égales par les employeurs et les cotisants, était de 3,6 %. La Loi sur le Régime de rentes du Québec a été modifiée en 1986 pour prévoir une hausse annuelle de 0,2 % de ce taux pour les cinq années suivantes. En 1991, cette même loi a de nouveau été modifiée pour prévoir une augmentation annuelle du même ordre pour les années 1992 à 1996.

(17 heures)

Le taux de cotisation atteint donc 5,6 % pour l'année 1996. Cependant, aucun taux n'est présentement prévu pour l'année 1997. Il est donc nécessaire, et je dirais même impératif, pour les employeurs et pour le ministère du Revenu de fixer le plus tôt possible le taux de la cotisation au Régime de rentes du Québec pour l'année 1997.

Le taux prévu par le projet de loi n° 54 correspond à celui proposé au terme de l'analyse actuarielle du Régime de rentes au 31 décembre 1994 pour l'année 1997. Par ailleurs, la hausse annuelle des taux de la cotisation a toujours été négociée lors de conférences fédérales-provinciales des ministres des Finances. Les taux de la cotisation du Régime de rentes du Québec ont jusqu'à maintenant été identiques à ceux prévus par le Régime de pensions du Canada en raison de l'équivalence souhaitée entre ces deux régimes. Or, M. le Président, suivant la loi applicable au Régime de pensions du Canada, l'augmentation annuelle du taux de la cotisation serait de 0,25 % pour les années 1997 à 2001. Cependant, comme cette hausse est insuffisante pour assurer une capitalisation adéquate du Régime, le plus récent rapport actuariel de ce Régime suggère une hausse de 0,39 %, donc très près du 0,4 % dont il est question dans ce projet de loi.

Par ailleurs, le document de consultation publique du fédéral propose plutôt une augmentation annuelle plus rapide du taux de la cotisation pour les six prochaines années, soit de 0,4 % pour 1997, 0,6 % pour 1998, 0,8 % également en 1999, 1 % pour l'an 2000, 1,2 % pour 2001, enfin, 1,3 % pour l'année 2002. Cette augmentation porterait le taux de la cotisation au Régime de pensions du Canada à 10,9 % en 2002, pour demeurer stable par la suite. Dans cette optique, l'éventualité d'une augmentation de 0,4 % du taux de la cotisation au Régime de pensions du Canada dès l'année 1997, telle que proposée dans le document de consultation fédéral, corrobore en quelque sorte l'étude actuarielle de la Régie des rentes et incite le gouvernement à agir dès maintenant pour fixer le taux de la cotisation pour l'année 1997. Cette décision favorisera une meilleure capitalisation du Régime de rentes à court terme tout en assurant pour 1997, dans la mesure où le Régime de pensions du Canada est modifié conformément aux recommandations de ses actuaires, l'arrimage nécessaire entre les régimes canadien et québécois au chapitre de leur taux de cotisation.

J'invite donc, M. le Président, les membres de cette Assemblée à adopter le principe du projet de loi n° 54 intitulé Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre délégué au Revenu. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je ferais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Je vous demanderais d'appeler l'article 1 de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 3


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 1, nous revenons à l'étude du principe du projet de loi n° 3, Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire. Le prochain intervenant est M. le député d'Argenteuil. Je vous cède la parole.

M. Beaudet: Merci, M. le Président.

M. Bertrand (Portneuf): ...la règle d'alternance.

M. Bélanger: Non, il n'y a pas de problème.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je pense que c'est tout simplement le ministre délégué au Revenu qui se demandait si, par la règle d'alternance, c'était à lui de prendre la parole, mais je crois que, oui, vous venez de le reconnaître pour qu'il puisse prendre la parole.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, effectivement, dans l'alternance, si M. le ministre délégué au Revenu veut prendre la parole, alors je vais lui céder la parole immédiatement. M. le ministre délégué au Revenu.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Merci, M. le Président. Effectivement, le gouvernement a donc déposé, le 15 mai dernier, un projet de loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire qui prévoit une réduction progressive du déficit et le maintien de l'équilibre budgétaire à partir de 1999-2000. Je rappellerai que, au niveau de ses objectifs budgétaires, le projet de loi prévoit explicitement que le déficit du gouvernement du Québec ne pourra excéder 3 275 000 000 $ en 1996-1997, 2 200 000 000 $ en 1997-1998 et 1 200 000 000 $ en 1998-1999. Et, à compter de 1999-2000, au tournant, donc, du millénaire, aucun déficit ne pourra être encouru.

Quel changement, M. le Président, par rapport à la réalité que nous avons pu observer au cours des quelque 25 années précédentes où, année après année, les gouvernements qui se sont succédé avaient connu des budgets déficitaires. On a connu un sommet, lors de la dernière année du gouvernement précédent, avec un déficit qui totalisait, à ce moment-là, 5 700 000 000 $. Donc, tout un changement dans les habitudes au niveau gouvernemental.

Le projet de loi permet cependant de faire face à des événements imprévus ou à des circonstances exceptionnelles. Si un dépassement, par exemple, de moins de 1 000 000 000 $ est encouru pour une année, il devra être absorbé l'année suivante, ce qui est une disposition responsable. Par contre, s'il arrivait qu'un dépassement de plus de 1 000 000 000 $ soit encouru en raison de circonstances imprévisibles mais par ailleurs clairement définies, le gouvernement pourra s'écarter temporairement de l'objectif de déficit pour plus d'une année.

Il s'agit de circonstances qui sont évoquées dans des documents explicatifs qui ont déjà été publiés par le gouvernement, par exemple une catastrophe ayant un impact majeur sur les revenus ou les dépenses. On dit: Ça ne se produira jamais, mais on a vu effectivement, aussi récemment que l'été dernier, que les événements naturels et les pluies diluviennes ont fait en sorte qu'on a connu des dégâts assez considérables dans la grande région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Alors, il s'agit du genre de phénomènes qui, à grande échelle, peuvent justifier qu'on puisse planifier sur plus d'un an, à un moment donné, pour des raisons exceptionnelles, un retour à l'équilibre budgétaire.

De même, on doit prévoir que, dans des circonstances exceptionnelles quant à la détérioration des conditions économiques par rapport auxquelles nous ne possédons pas, n'étant pas encore souverains, tous les outils pour nous permettre de faire face, je dirais, à ces conditions, il pourrait y avoir également la possibilité d'un rétablissement sur plus d'une année. Donc, autant de situations qui peuvent se présenter mais qui constituent néanmoins des situations assez exceptionnelles, vous le reconnaîtrez.

Alors, si le gouvernement, donc, s'écarte des objectifs fixés par la loi pour l'une ou l'autre de ces circonstances, le ministre des Finances sera alors tenu, au moment du dépôt du discours du budget, de faire rapport à l'Assemblée nationale sur les circonstances qui amènent le gouvernement à s'écarter de ses objectifs de déficit et il devra justifier cette décision. De la même façon, il devra présenter des prévisions révisées des équilibres financiers ainsi qu'un plan financier de résorption des dépassements sur une période maximale de cinq ans. Alors, on voit bien que le rétablissement, dans des situations exceptionnelles, même là, est bien balisé.

Il devra appliquer des mesures de résorption d'au moins 1 000 000 000 $ au cours de la première année de la période de cinq ans – une autre balise – et, enfin, ne pas résorber plus de 25 % des dépassements dans la cinquième année de cette période. Et tout nouveau dépassement devra être résorbé dans les années restantes du plan selon les modalités énoncées précédemment.

En termes de reddition de comptes, M. le Président, le ministre des Finances devra faire rapport à l'Assemblée nationale, à l'occasion du discours sur le budget, de l'état des déficits réalisés, de l'équilibre budgétaire ou des déficits autorisés et, s'il y a lieu, des écarts entre ceux-ci.

Alors, ce sont toutes des dispositions qui témoignent de la très grande responsabilité que nous devons avoir à tous égards, premièrement, à l'égard de ce principe fondamental d'équité entre les générations. Nous ne devons pas continuer de consommer aujourd'hui des services que finalement les générations futures auront à payer. On comprend qu'une partie du déficit, si elle sert effectivement à financer, par exemple, des immobilisations, peut très bien être absorbée sur un certain nombre d'années, qu'il s'agisse de 20 ou de 30 ans. Mais, lorsqu'on emprunte pour consommer aujourd'hui des services – on connaît bien l'expression désormais consacrée, donc «emprunter pour payer l'épicerie» – ce sont les générations qui nous suivent qui devront absorber les contrecoups du remboursement de ces emprunts-là, et nous estimons que, du point de vue de l'équité intergénérationnelle, il y a là certainement des choses à corriger.

(17 h 10)

L'importance, également, de ces dispositions tout à fait responsables pour faire en sorte qu'au Québec nous puissions retrouver cette marge de manoeuvre que nous avons laissé glisser au cours de toutes ces années et faire en sorte qu'on puisse, en récupérant ces marges de manoeuvre là, recommencer franchement à mieux ajuster la variété des services disponibles pour la population en fonction justement de l'évolution de ses besoins. En arriver également à diminuer la pression d'un fardeau fiscal que, de façon presque unanime, on considère comme trop élevé, à un point tel qu'il peut inévitablement signifier que d'autres économies concurrentes à la nôtre et bénéficiant d'un fardeau fiscal moins élevé peuvent représenter un risque ou une concurrence importants sur le plan économique et donc éventuellement des pertes d'emplois. Donc, afin de préserver notre compétitivité sur le plan économique, nous nous devons de maintenir un fardeau fiscal compétitif, et, à cet égard, une des premières responsabilités que nous avons, c'est de pouvoir fonctionner à l'intérieur de nos moyens, à l'intérieur des revenus qui nous sont accessibles de façon immédiate.

Également, M. le Président, ce projet de loi là, je le vois comme étant conforme à l'orientation du gouvernement dans ses dossiers, dans sa façon de gouverner, qui est une orientation et une réalité de transparence; transparence, puisqu'on dit: Le gouvernement, s'il s'écarte de ses objectifs, devra s'astreindre à un certain nombre de devoirs. Le ministre des Finances sera alors tenu, au moment du discours sur le budget, de présenter les informations auxquelles je référais tout à l'heure, de prévoir les correctifs que j'exposais brièvement précédemment. Le ministre des Finances devra également faire rapport à l'Assemblée de l'état des déficits réalisés, du budget, bien sûr, de l'équilibre budgétaire ou des déficits autorisés, s'il y a lieu, bref, devra présenter un portrait clair à la fois de la situation et des correctifs qui sont envisagés. Donc, je pense que c'est un processus qui oblige les gouvernements qui se succéderont à la plus grande transparence possible et je pense que c'est certainement un devoir que nous avons à l'égard de l'ensemble de la population.

M. le Président, c'est important qu'on puisse procéder à cette correction de tir, parce que mon collègue ministre d'État à l'Économie et aux Finances mentionnait tout à l'heure ce que ça pouvait vouloir dire pour une famille, la situation qu'on vit maintenant depuis plusieurs années, où le revenu de la famille est moins élevé que ses dépenses, où l'hypothèque commence à être élevée, puis où finalement on n'a plus de marge de manoeuvre et on doit donc corriger le tir. C'est ce qui se passe à l'échelle du Québec.

J'essayais de trouver également une autre façon d'illustrer jusqu'à quel point il est important de bouger pour régler ce problème-là aujourd'hui. Vous savez, quand on parle d'un endettement important, quand on parle d'un déficit de 5 700 000 000 $, c'est difficile à apprécier, à comprendre comme réalité, 5 700 000 000 $. On n'a jamais ça dans nos poches – ha, ha, ha! – bien sûr. C'est un chiffre qui est un peu hors de portée de notre entendement. Je voudrais simplement donner un exemple de ce que ça veut dire par une illustration concrète. J'ai entre mes mains 1 $, une pièce de dollar, que tout le monde connaît bien. Bien sûr, c'est des pièces importantes quand on commence à les ajouter une après l'autre. Imaginez, M. le Président, vous voyez l'épaisseur de ce dollar-là? Ça en prend cinq pour faire à peu près 1 cm et ça en prend, imaginez, 1 000 000, de ces dollars-là, si on les met un à côté de l'autre comme ça. Un à côté de l'autre, là, ça en prendrait, imaginez, 1 000 000 pour faire à peu près une distance de 2 km. Bon.

On parle, dans le cas de 1 000 000 000 $, de 2 000 km. Alors vous prenez, comme ça, une pièce de 1 $, puis, imaginez, sur 2 000 km, ça équivaut à 1 000 000 000 $. Alors, imaginez, si on parle de 5 700 000 000 $, qui est le déficit qu'on nous a laissé au moment où on a pris le pouvoir, 5 700 000 000 $, ça représente à peu près la distance Montréal-Shanghai. Pouvez-vous vous imaginer des pièces de 1 $ comme ça entre Montréal puis Shanghai, 5 700 000 000 $? Et ça, c'est de l'argent qu'on a emprunté. Ce n'est pas de l'argent qu'on a capitalisé, pour la plupart. En très grande majorité, c'est de l'argent qu'on a emprunté pour payer l'épicerie, donc qu'on ne reverra jamais.

Imaginez qu'on est rendu, au Québec, à 75 000 000 000 $. On va approcher les 80 000 000 000 $ à un moment donné, j'imagine, à défaut qu'on corrige le tir rapidement comme c'est notre intention; 75 000 000 000 $, c'est, imaginez, cinq fois le tour de la terre, en dollars comme ça, plus un aller-retour Montréal–Moscou. Grosso modo, c'est la distance. On voit bien par cette illustration qu'on est devant, je veux dire, un problème gigantesque qu'on a l'obligation de régler. Et la façon de le régler, c'est par l'adoption du projet de loi que mon collègue le ministre d'État de l'Économie et des Finances a déposé et que j'espère que l'Assemblée nationale adoptera dans les plus brefs délais. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre délégué au Revenu. Je vais maintenant céder la parole, cette fois-ci, à M. le député d'Argenteuil. M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. On ne peut pas, comme parti politique, être contre le projet de loi n° 3, tel que présenté par le ministre d'État de l'Économie et des Finances, sauf que ça me fait penser à du fromage gruyère. C'est plein de trous.

On sait très bien que les crises – et je ne pense pas que j'ai besoin de répéter ça – ce sont dans les grands moments d'opportunités et que c'est lors de crises importantes que les gens sont les plus créatifs, que les gens se renouvellent. Et, lors de la présentation de ce projet de loi, M. le Président, on se serait attendu, de la part du ministre d'État de l'Économie et des Finances, qu'il saisisse cette opportunité pour vraiment nous donner une loi antidéficit qui ne manifeste pas autant de trous, autant de facilité de passer à côté de ce déficit zéro. C'est dans la présence des crises de mode de raisonnement dominant que des possibilités de changement peuvent apparaître, mais encore faut-il les saisir.

Malheureusement, M. le Président, ce n'est pas toujours le cas. Pour saisir les opportunités, il faut être d'abord novateur, et je dois dire que le ministre d'État de l'Économie et des Finances n'a pas fait preuve d'innovation dans son projet. Il faut être prêt à essayer de nouvelles choses, à créer des situations par lesquelles on va pouvoir corriger le problème. Il faut aussi poser le bon diagnostic. Un diagnostic, M. le Président, on peut bien invoquer les faiblesses du système, mais vous allez comprendre avec moi que des systèmes, ça ne prend pas de décision. Des systèmes, ça ne réfléchit pas et ça ne pense pas.

Le problème, M. le Président, ce sont les hommes. Ce sont ceux qui prennent les décisions. Ce sont les décideurs qui font des choix. Malheureusement, trop souvent, trop souvent, ils ne font pas les bons choix. Les choix de leurs priorités sont souvent teintés des raisonnements politiques qui ne justifient pas nécessairement les engagements financiers qui sont pris. Si les politiciens s'attardaient à prendre les décisions en regard des priorités pour lesquelles nos concitoyens et concitoyennes nous ont élus, probablement qu'aujourd'hui on ne parlerait même pas d'une loi antidéficit.

Lorsqu'on regarde les priorités, il faut les prendre en regard des objectifs, des ressources et des contraintes. Or, les objectifs que l'on recherche sont souvent louables, souhaitables, mais, malheureusement, les ressources font souvent défaut. Les contraintes sont celles qui nous apportent souvent, à long terme, des restrictions dans le temps à cause des répercussions que les décisions que nous prenons aujourd'hui auront plus tard. C'était facile pour nous, au début des années soixante-dix, quatre-vingt, de prendre des décisions et d'endetter la province et le pays. On n'a pas pris en considération à ce moment-là, M. le Président, les répercussions que cet endettement aurait à long terme sur les générations futures.

(17 h 20)

Le ministre des Finances aurait dû saisir l'opportunité qui lui était fournie de présenter une loi antidéficit, laquelle aurait vraiment permis d'avoir un déficit zéro mais aussi de prendre en considération les générations futures. Oui, éliminer le déficit, on est tous favorables à cette situation. Ces déficits année après année ont trop duré. Il est temps d'amener un correctif à cette situation qui est inacceptable non seulement pour les générations futures, mais pour la génération présente qui, elle, bénéficie de tous ces services qu'on se donne en empruntant de l'argent.

Il aurait fallu, dans sa loi, que le ministre des Finances favorise le remboursement de la dette. Tantôt, le député de Portneuf mentionnait que nous passons aux générations futures l'endettement que nous créons aujourd'hui. Alors, si on veut corriger un peu cette situation et ne pas passer une dette pratiquement impossible à rembourser aux générations futures, peut-être que nous devrions, nous, faire un effort pour la rembourser au moins en partie. Je ne trouve rien dans ce projet de loi n° 3 qui favorise le remboursement de la dette, que ce soit par un pourcentage du produit intérieur brut, que ce soit par un montant fixe où, à tous les ans, le gouvernement aurait une obligation de rembourser une partie de la dette et de diminuer le fardeau que nous allons passer à nos enfants et à nos petits-enfants.

Il aurait pu aussi introduire à l'intérieur de son projet de loi l'obligation de faire une réserve avec les surplus. Mais non. Force nous est de constater qu'avec un surplus il se permettra, l'année suivante, un dépassement. Lorsque nous sommes endettés à un point tel, d'à peu près 85 000 000 000 $... On ne peut plus dire un montant exact. Ça va tellement vite que, comme le disait le député de Portneuf, on fait cinq fois le tour de la terre avec des dollars appuyés l'un sur l'autre, puis on peut même aller à Moscou aller-retour puis il va nous en manquer. Alors je pense que, dans cette situation, il aurait dû, en cas de surplus, obliger à rembourser une partie de la dette avec ce montant. Il aurait pu aussi, au lieu d'aller jusqu'à 1 000 000 000 $ comme possibilité, se limiter à 500 000 000 $, avant de se présenter dans cette Chambre et demander des autorisations particulières.

La loi est farcie de trous, M. le Président, tellement que le ministre des Finances n'a même pas à se casser la tête pour trouver les facilités pour faire du pelletage en avant. Ce n'est pas compliqué, lorsque le ministre des Finances verra qu'il se dirige vers un déficit ou un dépassement important, il se chargera de reléguer à toutes les organisations paragouvernementales la responsabilité de s'endetter tout en maintenant son cap de déficit zéro.

Et je m'explique, M. le Président. Lorsque l'on regarde dans le livre des crédits et que nous pouvons voir les engagements que... Exemple, en éducation, les commissions scolaires ont un endettement de 6 600 000 000 $, desquels on n'entend jamais parler. Mais pourtant, le gouvernement a une responsabilité devant cet engagement financier qui a été contracté par les commissions scolaires. On peut regarder les cégeps, c'est 2 300 000 000 $, M. le Président. Si on regarde les universités, c'est 2 800 000 000 $. Ces montants-là, ça n'apparaît nulle part, sauf dans le livre des crédits. Et qui de la population se donne la peine de lire le livre des crédits lorsqu'il y a accès? Et pourtant, ces dettes sont là. Le gouvernement a l'obligation de les supporter. D'ailleurs, c'est très bien marqué dans le livre des crédits: le gouvernement supporte la dette financière, c'est-à-dire les intérêts sur les dettes contractées par ses différents corps. Le gouvernement supporte la dette, mais il ne parle jamais de cette dette. Et pourtant, on doit l'ajouter aux 85 000 000 000 $ que nous avons déjà comme dette collective.

Si on regarde le système hospitalier, M. le Président, les hôpitaux de soins de courte durée en ont pour 4 000 000 000 $. Les hôpitaux construisent, achètent des équipements et vont les financer à la banque, et le gouvernement assume les intérêts, mais, un jour, il faudra les rembourser. Je peux parler des soins de longue durée, qui en ont pour 1 000 000 000 $, les centres de jeunesse, pour 120 000 000 $. Les CLSC, ça vient à peine d'être formé, il n'y a rien là-dedans, mais déjà ils ont une dette de 112 000 000 $. Si je fais un total rapide juste de ces deux systèmes – je parle du système hospitalier, santé et éducation – ça totalise 17 000 000 000 $ que nous allons laisser aux générations futures à rembourser. On se donne des avantages, on profite de services et on endette nos enfants et nos petits-enfants. Ces trous, le ministre des Finances en est conscient et il les connaît très bien. Il s'en est déjà servi pour pelleter une partie de son déficit, de sorte que ça ne paraît pas. Ça ne paraît pas au bout de l'année. Ce sont les hôpitaux, les commissions scolaires, les universités et les cégeps qui supportent cet endettement, alors que nous allons laisser à nos enfants cette dette.

Oui, le déficit zéro, M. le Président, tout le monde est favorable à cette situation, mais il ne faut pas tourner autour du pot. Il ne faut pas tourner autour du pot, parce que, dans le projet de loi, force m'est de supporter cet élément. Déficit zéro en l'an 2000, fantastique. On aurait souhaité que ce soit plus tôt, mais on va se satisfaire de l'an 2000. Mais où le bât blesse, c'est lorsque, dans l'article 10, où le ministre nous arrive avec trois éléments, on nous parle d'un dépassement pour plus d'un an advenant des catastrophes. Je dois bien dire que, lors de la catastrophe du Saguenay–Lac-Saint-Jean, pour une fois – mais on ne l'a pas entendu nommer très souvent – le gouvernement a bénéficié des largesses du gouvernement fédéral, mais on n'en entend jamais parler. On n'en entend jamais parler. La pire catastrophe qui pourrait nous arriver, c'est la séparation, et c'est pour ça qu'on s'était préparé en sorte l'année dernière en cumulant les 19 000 000 000 $ d'argent pour se préparer au cas d'une catastrophe au Québec. Si on préparait une catastrophe, c'est donc qu'on a peur des problèmes qu'on aura à vivre devant cette situation.

Le deuxième élément, M. le Président, c'est une détérioration importante des conditions économiques. Mais, comme le ministre m'a déjà dit, l'autre jour, que je n'avais pas fait de cours d'économie, je n'ai pas besoin de faire économie 101 pour savoir que, les cycles économiques, ça existe et que, suite à la récession des années 1990-1992, on évolue depuis ce temps avec une situation économique qui n'est pas en récession. C'est faible au Canada, mais ça roule aux États-Unis, et, à un moment donné ou à un autre, et en général, c'est sept, huit ans, il y aura une nouvelle récession. Pourquoi, dans sa loi antidéficit, le ministre n'a-t-il pas prévu que, pendant le cycle économique en progression, il se fasse des réserves qui pourraient pallier, justement, à cette situation économique qui va survenir un jour ou l'autre? Ce n'est qu'une question de temps. Le cycle économique va arriver où, tout en étant à la hausse, progressivement, nous verrons venir... et à la baisse. Et, si le ministre des Finances avait prévu, ces réserves auraient pu combler la période difficile de la récession.

(17 h 30)

Oui, M. le Président, les transferts fédéraux peuvent aussi diminuer, mais là il faudrait qu'on soit réaliste et qu'on soit conséquent lorsqu'on dit que la situation économique au Canada est difficile parce que le fédéral est trop endetté et que les provinces sont trop endettées. Le fédéral décide de faire son ménage, et le Québec lui dit: Bien, ça n'a pas d'allure. Tu nous fais du pelletage. C'est drôle, il fait le même pelletage dans les autres provinces et ça n'a pas été la réaction qu'on a eue chez eux. Nous, on a cette tendance et cette grande faiblesse de dire: C'est toujours la faute des autres, ce n'est jamais la nôtre. Mais pourtant, et mon confrère de Laporte l'a mentionné tantôt, combien de pelletage depuis deux ans a été fait par le gouvernement vers les municipalités, vers les commissions scolaires, vers les hôpitaux? Pourtant, on reproche au fédéral de faire le pelletage aux provinces, et le gouvernement s'inspire, j'assume, du même phénomène, parce qu'il l'a appris rapidement, en tout cas; il le fait régulièrement en faisant le pelletage dans nos institutions civiles.

M. le Président, je ne sais pas comment on peut s'en sortir. On lui dit: Réduisez vos dépenses, puis, quand il les réduit, bien, ça n'a pas d'allure. Il va falloir que le gouvernement en place soit conséquent avec ses demandes.

J'ai aussi un problème avec l'article 9, où on nous mentionne que, s'il y a un dépassement, c'est-à-dire s'il y a un surplus, on pourra, l'année suivante, faire un dépassement. Alors que le député de Portneuf nous disait qu'on endette les générations futures, pourquoi ne pas rembourser la dette? Remboursons la dette le plus rapidement possible, et, si on a un surplus, au lieu de créer un dépassement l'année suivante – parce que, connaissant les hommes, si on se donne cette opportunité, c'est celle-là qu'on va saisir – pourquoi ne pas obliger dans la loi l'obligation de rembourser la dette avec un surplus? Malheureusement, la loi n'adresse aucun mot à la dette. On parle de déficit zéro, mais la dette elle-même, on n'en parle jamais.

M. le Président, il est évident que le déficit zéro, je ne peux pas aller à l'encontre de cette position. Je vais la favoriser et je vais tout faire pour qu'on puisse y arriver, et le gouvernement peut compter sur mon appui et le ministre des Finances aussi. J'aimerais que le gouvernement introduise des amendements, et nous le ferons en commission parlementaire, pour qu'il fasse un fonds de réserve pour les imprévus. Lorsque les années sont fastes, c'est le temps d'emmagasiner le blé, et lorsque nous sommes en disette, en difficulté, on peut se servir de ce que nous avons emmagasiné. Il semble qu'on n'a même pas été capable d'aller chercher les exemples qu'on a retrouvés dans la Bible, avec les sept années des vaches grasses et les sept années des vaches maigres. Mais on pourrait emmagasiner facilement des fonds pour s'en servir dans les périodes difficiles, obliger, s'il y a un surplus, qu'on rembourse la dette, introduire aussi en même temps un référendum pour des changements importants dans la taxation des citoyens, parce qu'il est trop facile de prévoir d'avance les difficultés et de taxer les citoyens, qui sont déjà étouffés par les taxes.

Maintenant, comme j'ai parlé du fromage gruyère, dans la loi, il y a plein de trous qui permettent au ministre des Finances de déplacer ses engagements financiers vers les structures paragouvernementales comme les commissions scolaires, les cégeps, les hôpitaux. Je vais caricaturer, mais ça pourrait même aller jusqu'à dire à un hôpital: Cette année, ton 150 000 000 $ de budget, va l'emprunter; nous autres, on a des difficultés. Puis endette-toi, il n'y a pas de problème, on va garantir la dette, nous. Mais cette dette-là, M. le Président, il faudra la payer. Par ailleurs, elle n'apparaîtra jamais, jamais dans le budget. Elle n'apparaîtra jamais dans le budget. Elle sera au budget et au compte de l'institution qui aura fait l'emprunt, et nous, comme gouvernement, aurons à garantir cet emprunt. Je pense que c'est important que, dans cette démarche, au moins les trous du fromage suisse soient colmatés.

En terminant, M. le Président, je souhaite qu'en commission parlementaire le ministre des Finances soit ouvert à accepter nos amendements que nous lui proposerons afin de refermer les trous du filet qu'il est en train d'établir autour du déficit, et, dans ces mesures, il pourra compter sur l'ensemble de la députation pour supporter son projet de loi avec les modifications que nous proposerons. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Berthier. M. le député.


M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): M. le Président, je commencerai mon intervention par cette citation de ce grand politicien, ce grand visionnaire, Thomas Jefferson, qui disait: Faire de la politique ne demande à être ni génie ni héros, ça demande tout simplement d'avoir de la clairvoyance.

Au premier sommet sur le devenir économique et social, qui s'est tenu en mars dernier, les 18, 19 et 20 mars, on a vu justement que le gouvernement, à partir d'un consensus de société... Il s'est pris à ce sommet une décision à la fois éclairée et clairvoyante, c'est-à-dire de doter la société québécoise, à partir d'une volonté gouvernementale, bien sûr, comme je l'ai expliqué tantôt, puis à partir d'une volonté aussi de société – parce qu'il y a eu un consensus, autant de la part des groupes syndicaux que des groupes patronaux, de se doter d'une loi sur l'atteinte d'un déficit zéro d'ici l'an 2000, une loi qui va encadrer d'une façon très sévère les futurs équilibres budgétaires du Québec...

Il faut comprendre qu'à cet égard le 15 mai dernier, le gouvernement déposait un projet de loi sur le contrôle des déficits. Et je dois rappeler à cette Chambre que cette action gouvernementale, qui est une préoccupation fondamentale de l'ensemble des citoyens de notre société, rejoint, en fin de compte, un des objectifs qui a été manifesté lors de la Commission des jeunes sur l'avenir du Québec, commission des jeunes qui a d'ailleurs reçu un enthousiasme débordant de la part de tous les jeunes au Québec. Il y a au-delà de 5 000 jeunes qui ont participé à la Commission des jeunes sur l'avenir du Québec, une commission qui, en fin de compte, interpellait la jeunesse québécoise en fonction d'un débat important de société, c'est-à-dire l'avenir même de cette société.

Alors, les jeunes l'ont manifesté dans une recommandation importante. Il y a eu 5 000 jeunes qui sont venus le dire. Ils ont démontré, à travers une recommandation importante, puis ils l'ont dit au gouvernement par l'entremise de ce rapport, puis ils l'ont dit à la société aussi, puis ils l'ont dit au Parti libéral du Québec, même si le Parti libéral ne trouvait pas l'exercice sérieux... Parce que le Parti libéral a pratiqué la politique de la chaise vide lors de cette Commission des jeunes, qui était sans aucun doute la consultation politique la plus importante de l'histoire du Québec, commission itinérante qui a fait le tour du Québec. Le Parti libéral n'était pas là parce que, pour lui, peut-être que ce n'était pas important, l'avenir du Québec, pour lui, ce n'était pas important, les problèmes des jeunes, que ce soient les problèmes économiques et sociaux dont on a discuté lors de cette Commission.

Alors, les jeunes ont tout simplement demandé, et ça a été la Commission qui l'a fait avec le plus de force puis de la façon la plus claire, ils ont demandé au gouvernement justement de se doter d'une loi pour l'atteinte d'un déficit zéro d'ici l'an 2000, une loi qui viserait à établir un encadrement sévère en ce qui concerne les équilibres budgétaires du Québec. Pourquoi ils ont dit ça? Pour la simple et bonne raison qu'au Québec il y a une et certainement deux générations qui ont dépensé d'une façon éhontée sur le dos des plus jeunes, sur le dos des autres, aux frais des autres. C'est ça qu'on a fait au Québec pendant plusieurs années. C'est ça qu'on a fait, malheureusement.

Et nous, on ne pratique pas juste le discours. On met concrètement de l'avant des actions. Et on a décidé de se donner une stratégie budgétaire, une stratégie de société qui vise justement à réduire le déficit d'une façon importante. Pour 1996-1997, 3 200 000 000 $; 1997-1998, 2 200 000 000 $; 1998-1999, 1 200 000 000 $; en 2000, zéro. Cette stratégie, comme l'a mentionné à souventes reprises le premier ministre du Québec, si cet exercice difficile... Il faut en convenir, ça va demander des sacrifices, ça va demander beaucoup d'efforts de la part de l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec. Mais les Québécois et Québécoises sont capables justement de ces efforts. Les Québécois ont le sens du bi, ont le sens de la corvée, ont le sens de la solidarité. Ils sont capables de se donner justement des défis exigeants et emballants.

(17 h 40)

Cette loi, M. le Président, dans un certain sens, va mettre un frein à cette mentalité qui a prévalu trop longtemps au gouvernement, particulièrement du temps des libéraux, une mentalité qui visait à développer une forme de générosité étatique qu'on exerçait, en fin de compte, avec l'argent des autres pour donner, au bout du compte, un héritage financier, budgétaire terriblement dangereux – dangereux! – aux générations montantes du Québec.

M. le Président, il faut se rappeler de la campagne électorale de 1985 au Québec. Le Parti libéral s'était présenté devant les Québécois et les Québécoises comme étant le parti des banquiers, de la haute finance, le parti des petits Jos-connaissant du développement économique du Québec.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Baril (Berthier): Ça, c'était vraiment la caractéristique des Paul Gobeil et de l'État-Provigo: Nous voulons votre bien et nous l'aurons. Neuf ans plus tard, ce gouvernement de placotage, de discours et de pratiques politiques inutiles, bien, il nous a laissé dans son dernier mandat un déficit de 5 700 000 000 $, gouvernement marqué par une croissance économique quand même soutenue et répétée au fil des ans, alors que le Parti libéral... et que l'actuel député de Vaudreuil-Soulanges a présidé les grandes destinées du Conseil du trésor pendant plusieurs années.

M. le Président, juste pour vous rappeler ceci, le Parti libéral du Québec, quand il est arrivé au pouvoir, en 1985, il avait une dette de 31 000 000 000 $. Quand ils ont quitté le pouvoir, quand ils ont été chassés du pouvoir par les électeurs du Québec, en septembre 1994, ils ont laissé un héritage de déficit budgétaire de 74 000 000 000 $. Ils ont réussi à doubler et même plus sous leur mandat. Ça, c'était vraiment la marque de commerce du fameux gouvernement de la haute finance, du gouvernement des banquiers: Nous voulons votre bien et nous l'aurons. Ils l'ont eu jusqu'à la dernière cenne dans le fond de nos poches, aussi. Bref, si on a vraiment à coller une étampe dans le front du Parti libéral du Québec, c'est de dire que c'était probablement un des gouvernements les plus gaspilleux et les plus dépensiers qui n'ont jamais siégé dans cette Chambre. Pendant neuf ans, M. le Président, gaspil éhonté!

Puis là je pourrais nommer bien des choses, hein! Tout le monde se rappelle de la petite voirie municipale. Les libéraux, qu'est-ce qu'ils ont fait avec ça? Aïe! on parle de dizaines et de dizaines de millions! Ils ont réussi à dépenser puis à engager le ministre des Transports deux ans après qu'il eut été chassé du pouvoir. Des millions et des millions donnés à des petits maires rouges dans les municipalités, hein! Si le maire était chef de paroisse pour le Parti libéral du Québec, tu pouvais être sûr que... hein! Là, c'était certain que l'essentiel de l'argent pour la voirie rurale allait là.

On se rend compte, des fois, des différences complètement éhontées. J'ai vu ça dans mon comté: maire libéral fortement engagé dans les campagnes de financement du Parti libéral ou du député libéral local, 300 000 $ à 400 000 $ d'aide financière; pour une municipalité qui n'avait quasiment pas de routes rurales, maire péquiste, 3 000 $ à 4 000 $ pour 10 fois plus de kilométrage en routes rurales, qui aurait naturellement espéré une aide financière plus grande du gouvernement. Juste parler de ça, parce que, ça, les gens comprennent ça, c'est proche des gens.

M. le Président, on va faire face, définitivement, d'ici l'an 2000, à des choix difficiles comme société. Il y aura sans aucun doute dans notre société plus de bouleversements dans les 10 prochaines années que dans les 50 dernières qu'on vient de passer actuellement. Je vais en nommer quelques-uns: les besoins de santé des baby-boomers, ça, c'est sûr que ça va coûter cher; la pyramide démographique des âges inversée; les fonds de retraite; les fonds de pension; les sécurités d'emploi; certains acquis sociaux. Ça, c'est des bouleversements importants qui vont interpeller la société tantôt. Moi, je pense que notre gouvernement, et le consensus établi autour du Sommet, fait preuve de clairvoyance quand il décide de se donner un projet de loi comme ça, justement pour être en mesure d'affronter des défis importants qui vont reposer essentiellement sur les épaules des jeunes générations tantôt.

En écoutant les libéraux tantôt, particulièrement le député de Laporte, tout semble facile. On assiste au discours qui a caractérisé le Québec depuis neuf ans, en disant qu'un Québec gouverné par le Parti libéral du Québec, c'est l'équation d'une recette miracle. C'est l'équation aussi d'un plan budgétaire écervelé. Il est temps de revenir les deux pieds sur terre. Et c'est ça, le gouvernement du Parti québécois depuis qu'il est arrivé au pouvoir, en septembre 1994, avec sa stratégie, justement, pour se donner une politique budgétaire pour atteindre le déficit zéro d'ici l'an 2000.

Plus particulièrement, moi, en écoutant le député de Laporte tantôt, je ne peux pas faire autrement que de retrouver une citation de Oscar Wilde qui définit très, très bien la mentalité et les propos politiques du député de Laporte: «Le technocrate est un homme qui sait le prix de chaque chose mais qui ne connaît la valeur d'aucune.» Ça, c'est la particularité et la caractéristique intellectuelle qui a guidé l'action politique du député de Laporte alors qu'il a été ministre de la Sécurité du revenu pendant longtemps, et particulièrement comme ministre des Finances, naturellement, sous le règne de son acolyte, de son inséparable, l'ancien président du Conseil du trésor, qui est devenu premier ministre du Québec et, bien sûr, qui est maintenant chef de l'opposition et député de Vaudreuil-Soulanges.

M. le Président, le député de Laporte ainsi que les autres ont parlé: Vous devriez tenir des référendums, à savoir – vides de tout sens d'ailleurs: Voulez-vous payer moins d'impôts? Ça, c'est le comble, justement... Ça, ça démontre le vide politique qui gruge actuellement le travail ou l'action politique des députés libéraux, de l'autre côté. Alors, c'est comme si on demandait à la population du Québec: Voulez-vous aller au ciel? Voulez-vous être heureux, vivre riches et en santé? C'est un recueil d'opinions qui est non affranchi, version moderne de la flatterie. Ça n'a pas de bon sens, quand on va plus loin dans l'analyse.

L'autre analyse qu'il faut confronter, c'est toute la question qui tourne autour de l'incertitude. Prenons la langue. Est-ce qu'il y a de l'incertitude au Japon parce que les Japonais parlent japonais? Est-ce qu'il y a de l'incertitude au Danemark parce que les Danois parlent danois? Est-ce qu'il y a de l'incertitude en Chine parce que les Chinois parlent chinois? Les gens qui pratiquent l'incertitude ici, M. le Président, qui créent et qui génèrent l'incertitude, c'est Jean Chrétien, particulièrement. Ça, comme note, comme bulletin, c'est vraiment le grand champion du climat incertain qu'il y a actuellement au Québec et au Canada. C'est de l'autoflagellation quotidienne médiatique. On est petits, on n'est pas capables, on n'ira pas loin, donc on est une gang de pas bons. Et c'est repris, naturellement, par des députés de l'opposition, hein! Ça n'a aucun sens. Pendant ce temps-là, par exemple, et depuis 1994, parce qu'on a redonné un sens à notre vie collective, qu'on a redonné de l'espoir au peuple québécois, bien, il y a des dizaines de milliers de personnes qui ont décidé de se cracher dans les mains puis de passer à l'attaque, puis on le voit. On voit ça partout, dans toutes les municipalités du Québec, dans tous les comtés du Québec, autant dans les comtés ministériels que dans les comtés de l'opposition, et je parle ici de l'extraordinaire phénomène de l'entrepreneurship au Québec, issu particulièrement du plan Paillé: 10 500 nouvelles entreprises qui ont vu le jour depuis 1994, dont la moitié ont été créées par des jeunes de moins de 35 ans. Est-ce que, ça, c'est de l'incertitude? Et on retrouve dans ces entreprises, M. le Président – parce que le taux d'échec était très, très minime – des jeunes qui ont mis de l'avant des projets extraordinaires qui, déjà, après un an, ont créé 20, 25, 30 emplois, qui, déjà, se frottent sur les marchés internationaux. C'est ça, la réalité. C'est ça, des gens qui ont confiance en eux, qui se lèvent le matin, qui se crachent dans les mains puis qui n'écoutent pas ces discours rapetissants et frileux qui confinent le peuple québécois dans des choses absurdes: On n'est pas capables. On n'est pas capables de réussir. On n'est pas capables d'avancer. On n'est pas capables de créer. On n'est pas capables d'exporter.

(17 h 50)

Autre caractéristique de ce phénomène extraordinaire de prise de conscience et de confiance du peuple québécois en lui-même, c'est le phénomène de l'exportation. Nous sommes un peuple de marchands. Comme le disait si bien l'ex-premier ministre, nous sommes un peuple de commerçants. Nous sommes un peuple d'exportateurs. On pose la question souvent. Les gens ont tendance à penser que les Japonais sont les plus grands exportateurs au monde: 11 % de leur PIB. Les Québécois: 50 %, M. le Président. C'est quelque chose: 85 % de nos exportations se font sur un des marchés les plus difficiles du monde, les États-Unis d'Amérique. C'est quelque chose. On est un peuple de bagarreurs, de batailleurs. Et M. Lévesque nous disait souvent: Dans le fond, on est probablement un des peuples qui voyagent le plus, per capita, à travers la planète. Il y a toujours un Québécois quelque part en train de patenter une affaire, et ça, on a beau être au Brésil, à Santiago ou ailleurs – je l'ai vu parce que j'ai eu la chance de voyager beaucoup – on voit que les Québécois sont présents partout à travers le monde. L'incertitude pour nous? L'incertitude entre les deux oreilles du Parti libéral du Québec ou du premier ministre du Canada, mais pas dans la tête des Québécois et des Québécoises.

M. le Président, l'incertitude, aussi... Que de faussetés sur le plan des chiffres on véhicule depuis plusieurs mois! L'incertitude politique? Quand le chef de l'opposition officielle était premier ministre du Québec, en 1994, il y a eu pour 400 000 000 $ d'investissements étrangers au Québec. Les libéraux le disent, quand ils étaient là, eux, c'était le calme. C'était le calme politique. En 1995, gouvernement souverainiste à Québec, période où il s'est passé quelque chose de vraiment extraordinaire, période référendaire au Québec, on a doublé les investissements étrangers au Québec. On est passé à 800 000 000 $. Cette année, on va dépasser le 2 100 000 000 $ d'investissements étrangers au Québec, et on me parle d'incertitude. Incertitude dans la tête du premier ministre du Canada. Incertitude dans la tête des gens de l'opposition officielle, mais pas d'incertitude de la part des Italiens, des Français, des Allemands, des Américains qui, à chaque jour, viennent au Québec justement pour faire des affaires avec nous, pour investir au Québec, terre du développement économique, terre de la bonne main-d'oeuvre aussi, de la main-d'oeuvre qualifiée, main-d'oeuvre qui est capable de sortir des produits de qualité de l'usine. C'est ça aussi qu'il faut comprendre.

Alors, peut-être pour tout simplement mettre le point à l'incertitude, c'est que, d'un côté, on a les oiseaux de malheur, ceux qui pratiquent justement le discours du rapetissage, ceux qui pratiquent quotidiennement le discours de nous dire, au peuple québécois: On n'est pas capables. On est trop petits. Restez petits, c'est comme ça qu'on vous aime. N'allez pas trop vite, hein, n'allez pas de l'avant. Alors, c'est ça, M. le Président.

Alors, le projet de loi sur l'atteinte du déficit zéro, c'est évident que ça va demander des efforts importants de la part de la population. Ça va demander des sacrifices aussi, mais on le fait, en fin de compte, pour redonner de l'espoir au peuple du Québec, pour redonner de l'espoir à la société québécoise et principalement pour redonner de l'oxygène à nos jeunes, aux jeunes générations du Québec. Ça, c'est important. Ce projet de loi, en fin de compte, tout ce qu'il démontre, c'est notre capacité comme peuple – c'est comme ça qu'il faut le comprendre – et comme nation de se donner un cadre administratif budgétaire pour entrer, je l'espère, d'ici l'an 2000 dans le cercle des nations libres et modernes et faire enfin partie de l'Amérique des patries et des nations. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Berthier. Est-ce que nous allons entendre un prochain intervenant? Non?

M. Gautrin: M. le Président, regardez, compte tenu de l'heure, est-ce qu'on peut ajourner les débats et reprendre...

Une voix: Suspendre!

M. Gautrin: ...suspendre – merci – les débats et reprendre à 20 heures, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, oui, nous allons, étant donné l'heure, suspendre nos débats et les reprendre ce soir à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 55)

(Reprise à 20 h 4)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, nous en sommes aux travaux sur l'adoption du principe du projet de loi n° 3, Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire. Je reconnais maintenant le député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci de ces applaudissements nourris. Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 3 est un projet de loi important, important parce qu'il vient mettre dans une loi un certain nombre de principes auxquels je crois, indépendamment des partis politiques. Quelles que soient les orientations que les gens peuvent avoir, nous devons faire, c'est-à-dire être en mesure d'éliminer le déficit. Ce n'est pas, à l'heure actuelle, un débat partisan qu'on devrait avoir, et j'espère qu'on sera en mesure, de part et d'autre de ce débat, d'éviter la partisanerie. Ce n'est ni la faute des uns ni la faute des autres, les formations politiques, que ce soient les libéraux ou que ce soient les péquistes, à une certaine période de la vie du Québec, ont eu cette fâcheuse habitude de dépenser trop et d'accumuler des déficits.

Alors, l'objectif de réduction du déficit, c'est un objectif que, quel que soit le ministre des Finances, nous devons partager. D'ailleurs, pour ceux qui s'en rappellent, qui étaient présents dans la Législature précédente, les députés ministériels – qui n'étaient pas membres du gouvernement – avaient à l'époque présenté un projet de loi qui visait aussi à réduire le déficit. Il a porté peu de temps dans nos annales, le projet de loi n° 197. Il n'a malheureusement pas eu une longue vie au feuilleton parce qu'il avait été non accepté par le président suite à un plaidoyer du leader de l'opposition de l'époque. C'est le député de Westmount–Saint-Louis qui l'avait présenté.

Donc, oui, on partage l'objectif de réduction du déficit. Ça ne veut pas nécessairement dire que l'on partage le projet de loi n° 3 dans la manière dont il est écrit. Alors, je voudrais vous rappeler, M. le Président, parce que je suis sûr que vous le savez, que, au moment du discours du budget, le ministre des Finances avait annoncé un projet de loi sur la réduction du déficit et qu'il avait en plus signalé que ce projet de loi, cet objectif devait être soumis à consultation pendant les auditions de la commission de réforme sur la fiscalité. Le projet de loi qui a été déposé se donne des objectifs extrêmement restrictifs sur la réduction du déficit. Je pense aux articles 3, 4, 5 qui fixent des objectifs de réduction de déficit.

La recommandation du rapport de la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics est, par rapport au projet de loi, critique de la manière suivante, c'est-à-dire qu'elle nous rappelle ce que tous les économistes savent, qu'on ne peut pas jouer avec les finances publiques sans tenir compte de la réalité de la situation économique. Les finances de l'État, ce n'est pas uniquement un budget de dépenses, c'est aussi un budget de rentrées fiscales, et les rentrées fiscales sont directement liées à l'activité économique. Et un des rôles du gouvernement, bien sûr, c'est d'atteindre un équilibre financier, c'est-à-dire un équilibre entre ses rentrées et ses dépenses, mais c'est aussi être en mesure de pouvoir stimuler, dans des périodes de ralentissement du cycle, l'économie de manière à maintenir ses rentrées fiscales, et c'est le genre de critique qui a été faite par la Commission de la fiscalité. Je vous rappellerai la recommandation. C'était la recommandation 1 de ce rapport qui disait: Le gouvernement devrait respecter le calendrier d'élimination du déficit convenu avec les partenaires en mars 1996. Et ce calendrier, c'est celui qui est fixé au premier article du projet de loi.

(20 h 10)

Il devrait – et là ça commence à être le point que, nous de l'opposition, nous allons suivre – cependant modifier le projet de loi. Il devrait modifier le projet de loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire pour éviter que la loi ait pour effet d'amplifier d'éventuels ralentissements économiques. Parce que, vous comprenez bien, on se met dans un carcan tel, M. le Président, avec l'objectif de réduction du déficit, qui est un objectif parfaitement louable, que cet objectif de réduction du déficit a pour effet de provoquer un énorme ralentissement économique qui diminue les rentrées fiscales du gouvernement et qui va encore plus augmenter le déficit. Et d'ailleurs, un de nos collègues, l'ancien député de L'Assomption, dans une interview à la télévision, l'avait clairement rappelé, si vous me permettez. Il était, à l'époque, premier ministre du Québec.

Alors, je continue à rappeler le projet de loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire pour éviter que la loi ait pour effet d'amplifier d'éventuels ralentissements économiques. À cet effet, il devrait y introduire des dispositions qui, tout en maintenant ses objectifs et son caractère contraignant – et on comprend bien que les objectifs et le caractère contraignant, ça veut dire l'atteinte d'un déficit zéro dans une période relativement courte, sur un horizon de l'année 2000 – lui permettent d'adapter la gestion budgétaire à une détérioration significative de l'économie. C'est-à-dire qu'il ne faut pas uniquement que les éléments de recherche d'équilibre budgétaire aient pour effet d'avoir un ralentissement prolongé de l'économie, de créer du chômage, de créer du sous-emploi. Il y a un jeu, un équilibre à faire entre les deux. Et la crainte que j'ai personnellement par rapport à la lecture du projet de loi n° 3, crainte qui est aussi partagée par les personnes qui ont travaillé au rapport de la Commission sur la fiscalité, c'est que la rigidité qui est prévue à l'intérieur du projet de loi n° 3 puisse entraîner, dans une période de ralentissement économique, une accélération du ralentissement, donc une accélération du chômage et une accélération du sous-emploi.

Vous me permettrez de terminer, M. le Président, la citation du document de la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics: «À cet effet, il devrait y introduire des dispositions qui, tout en maintenant ses objectifs et son caractère contraignant, lui permettraient d'adapter la gestion budgétaire à une détérioration significative de l'économie sur la base d'indicateurs financiers prédéterminés, tel que le déficit en proportion des revenus autonomes, à court terme, et, à plus long terme, en proportion du PIB.»

Vous le savez parfaitement, M. le Président, parce que vous avez fait un peu d'économie, que l'élément important de l'effet du déficit, c'est la part relative des intérêts à payer sur la dette par rapport aux revenus autonomes de l'État. Et ceci est fonction de deux paramètres, bien sûr, le rapport entre le taux de croissance du PIB et le rapport qu'il y a entre les déficits et l'ensemble des revenus autonomes de l'État. Alors, M. le Président, ce sont des paramètres connus de tous.

La Commission sur la fiscalité recommande qu'au lieu d'avoir une approche qui est rigide, à l'intérieur du projet de loi, on puisse avoir une approche beaucoup plus adaptée aux réalités économiques dans lesquelles nous vivons. Nous souhaitons, je pense, de la même manière que les ministériels, qu'on arrive très rapidement à une meilleure situation économique. Mais on ne devrait pas se mettre un carcan, à l'heure actuelle, sur l'atteinte du déficit qui, si on se trouve dans une situation de ralentissement économique, aurait pour effet d'accélérer le ralentissement économique.

Alors, M. le Président, soyez assuré qu'en commission parlementaire les parlementaires de l'opposition vont questionner le ministre qui présente ce projet de loi, vont le questionner à partir du rapport de la Commission sur la fiscalité, vont le questionner aussi sur l'ensemble des objectifs qui sont prévus dans le projet de loi. Mais nous devons rappeler que, de part et d'autre de cette Chambre, tout parlementaire responsable doit être en mesure d'affirmer que l'objectif, dans un certain horizon, de réduction du déficit, pour éviter qu'il ne pèse énormément sur toute la fiscalité et le développement de l'économie québécoise, c'est un objectif que nous partageons. Nous avons des doutes, j'ai des doutes, du moins, sur la manière, le carcan, la rigidité que je vois à l'intérieur du projet de loi. Je vais certainement poser un certain nombre de questions. Mais, sur le principe – et le porte-parole et les parlementaires de l'opposition l'ont déjà dit plusieurs fois – nous allons voter en faveur du projet de loi, du principe du projet de loi.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Alors, comme il n'y a plus d'intervenants sur le principe, le principe du projet de loi n° 3, Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire, est-il adopté?

M. Gautrin: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission du budget et de l'administration

Mme Caron: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 9 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 54


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, article 9. M. le ministre délégué au Revenu propose l'adoption du principe du projet de loi n° 54, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe? M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, je vais intervenir ici sur le principe du projet de loi n° 54 pour rappeler d'abord à cette Chambre quel est le projet de loi n° 54. C'est un projet de loi qui a l'air tout simple et tout mignon, il a deux articles et il a essentiellement pour effet d'augmenter les cotisations au Régime de rentes du Québec de 5,6 % à 6 %, c'est-à-dire d'augmenter de 0,4 % les cotisations au Régime de rentes du Québec.

Je vais essayer, dans l'intervention que je vais faire, d'expliquer la situation du Régime de rentes du Québec, premièrement, d'expliquer pourquoi il faut être en faveur du projet de loi n° 54, les craintes qu'on peut avoir actuellement avec le projet de loi n° 54, les attentes que nous avons aussi pour un éventuel livre vert ou blanc – enfin, je ne sais plus de quelle couleur sont les livres du gouvernement – quant au Régime de rentes et l'attente que nous devons avoir pour... Le député de Masson m'indique qu'il est d'accord, ou je ne... Merci, M. le député de Masson.

Alors, je vais continuer mon explication et je sais que vous comprenez facilement ce que je vais essayer de dire et, voyez-vous, les trois grandes questions que je voudrais faire. Premièrement, M. le Président, je pense qu'il est important que les parlementaires dans cette Chambre interviennent de façon responsable pour éviter de soutenir une certaine panique qu'on a pu voir dans la population, panique où on dit: Il n'y aura plus d'argent dans la caisse pour payer ma retraite, il faut qu'on augmente les cotisations.

(20 h 20)

La réalité, c'est que le Régime de rentes du Québec est ce qu'on appelle un régime de rentes par répartition et non pas par capitalisation. Ça veut dire que ce sont les personnes actives, à même leurs cotisations au Régime de rentes, qui paient les rentes et les assurances des personnes qui sont les bénéficiaires soit des pensions, soit des différentes rentes. Donc, on se comprend bien, un régime par répartition est un régime où ce sont les personnes actives qui financent par leurs cotisations les bénéfices que soit les retraités, soit les bénéficiaires de l'assurance peuvent obtenir.

Il est clair que ce régime a été établi en 1966. Il est basé normalement sur des cotisations faites par l'ensemble des gens sur la totalité de leur vie. C'est-à-dire, si on prend 37 ans, c'est-à-dire entre 65 ans et 18 ans, qu'il n'aura atteint sa pleine maturité de régime qu'en 2000, 2003. Alors, on est encore dans une situation de croissance du Régime.

Un régime par répartition fonctionne sans difficulté lorsqu'on assiste à une croissance économique soutenue. Et, plus la croissance économique est forte, plus il y a de gens qui travaillent, plus il y a de gens qui travaillent, plus ils ont de revenus, plus ils ont de cotisations et moins le taux de cotisation va être élevé.

Il y a aussi un élément important, M. le Président, il est basé à la fois sur une hypothèse de croissance de l'activité économique, d'une part, et aussi sur une hypothèse de croissance de la démographie, c'est-à-dire qu'il faut normalement qu'il y ait toujours plus de gens qui travaillent que de gens qui soient en mesure de bénéficier du Régime. Alors, ce régime qui est le Régime de rentes du Québec, il faut bien être conscient que c'est énormément d'argent qui passe à l'intérieur du Régime. C'est essentiellement les rentes, les sorties du Régime. On parle de 5 000 000 000 $. Les rentrées en cotisations, c'est de l'ordre de 3 400 000 000 $, 3 500 000 000 $. Donc, on est sur quelque chose d'énorme.

Au début du Régime, il y avait très peu de personnes qui en bénéficiaient, donc on a été en mesure d'accumuler des réserves. Ces réserves ont été déposées à la Caisse de dépôt et constituent essentiellement l'avoir de la Caisse de dépôt. La situation qui s'est passée, c'est ce qu'on appelle le choc démographique, c'est-à-dire que ceux que, dans notre langage, on a tendance à appeler les baby-boomers n'ont pas eu le nombre d'enfants que leurs parents avaient eu, c'est-à-dire qu'on commence à avoir, entre guillemets, un déficit démographique au point que, si on projette – parce que, lorsqu'on parle d'un régime de rentes, on doit projeter à long terme – vers 2000, 2010, ou 2020, ou même 2030, on peut avoir au Québec une société, s'il n'y a pas des correctifs importants qui sont faits sur les questions d'immigration – et là ça recrée toute une autre problématique – où la part des personnes ayant dépassé 65 ans deviendrait beaucoup plus importante et deviendrait énorme par rapport aux personnes qui travailleraient. On aurait une société aussi... Parce qu'il faut comprendre que l'évolution technologique et les progrès de la médecine font que de plus en plus de gens restent, c'est-à-dire qu'on arrive à prolonger leur vie, et Dieu sait à quel point on est d'accord avec cela, que ce qu'on appelle, dans notre langage, l'«espérance de vie à 65 ans» a crû de plus de trois ans depuis 20 ans, et on peut penser que l'espérance de vie à 65 ans va aller en croissance. Ça veut dire quoi, ça, M. le Président? Ça veut dire que le nombre d'années pendant lesquelles une personne va pouvoir bénéficier d'une retraite s'en va en augmentant. Tout ceci pour vous dire, M. le Président, que les besoins du fonds, les sorties du fonds, on peut prévoir qu'elles vont être importantes et que le rapport entre la masse salariale en une année et les besoins du fonds vont aller en croissant.

En 1994, le Régime de rentes du Québec a fait une analyse actuarielle. Et vous comprenez ce que c'est qu'une analyse actuarielle: à partir de données soit économiques, soit démographiques, on projette sur le futur quelle va être la situation du régime. Alors, à partir de l'analyse actuarielle de 1994, à sa page 99, on peut être en mesure d'analyser les pourcentages de la totalité des masses salariales nécessaires comme cotisations pour faire fonctionner le Régime de rentes et on trouve, si on fonctionne comme on est actuellement, des cotisations assez importantes, de 14 % ou 15 % en 2030. Alors, 2030, on va dire: C'est long, c'est loin, mais ça va venir extrêmement rapidement.

Quelles sont les possibilités que l'on puisse avoir pour diminuer cet effet-là? Il est bien simple, et je ne rentrerai pas dans une explication technique. C'est de dire: Pendant la période de temps où ce qu'on appelle, entre guillemets, les «baby-boomers» sont encore sur le marché du travail, augmentons les cotisations de manière à capitaliser cet argent dans le Régime de rentes et que les intérêts produits par ces argents... C'est-à-dire, faisons en sorte que les cotisations dépassent actuellement quels sont les besoins du fonds pour être en mesure de les capitaliser et, avec ces revenus d'intérêt, pour pouvoir, dans les années 2010-2020, avoir un taux de cotisation plus faible à demander aux populations.

Sur cette question-là, M. le Président, sur la nécessité d'augmenter le taux de cotisation, il n'y a pas de divergences majeures entre les personnes qui se sont penchées sur la question. Il y aura – et je sais qu'on a eu une commission parlementaire sur la question – certainement des divergences sur la... il pourra y avoir des divergences sur la manière dont, après, on doit voir le Régime de rentes. Il pourra y avoir des divergences sur le fait que ce Régime de rentes est à la fois un régime de retraite mais aussi un régime d'assurance. Et est-ce qu'on ne devrait pas, tout en maintenant les privilèges des assurances, être en mesure de les financer différemment? Mais, sur la nécessité à court terme, M. le Président, de devoir augmenter le taux de cotisation comme nous l'avons fait lorsque nous étions au gouvernement, à partir de 1986 jusqu'à 1996, c'est-à-dire une augmentation progressive, il n'y a pas de divergences. Il y aura peut-être un débat à faire sur le taux, sur la manière d'étendre, sur l'assiette de cotisation, sur les bénéfices à maintenir. Il y a un certain nombre de questions qu'on pourra débattre, mais, clairement, il faut continuer à corriger légèrement le tir sur la question des cotisations.

(20 h 30)

Le projet de loi qui est devant nous, le projet de loi n° 54, augmente le taux de cotisation de 5,6 % à 6 %. Alors, le point de divergence et le point d'inquiétude que nous avons à ce sujet-là va toucher la parité avec le Régime de pensions du Canada. Vous savez, à l'heure actuelle, qu'en 1966 le Québec avait choisi d'avoir son propre régime de pensions qu'on a appelé le Régime de rentes du Québec, dont nous parlons aujourd'hui. Les autres provinces canadiennes avaient choisi de bâtir et de mettre sur pied un autre régime de pensions qu'on a appelé le Régime de pensions du Canada, qui, premièrement, avait des cotisations de même niveau et qui, deuxièmement, avait des bénéfices analogues. Et ceci était important pour permettre et faciliter la mobilité de la main-d'oeuvre, c'est-à-dire faire en sorte que, si vous aviez travaillé cinq ans au Québec et que vous aviez travaillé après en Ontario, bien, vous pouviez avoir une parfaite correspondance entre vos régimes de pensions, et c'était quelque chose qui était important. Et c'est quelque chose qui est fondamentalement important, et toutes les personnes qui sont venues témoigner devant nous lorsqu'on a fait les auditions sur le Régime de rentes ont réaffirmé l'importance de maintenir la parité et l'harmonisation entre les deux régimes de rentes.

Le projet de loi que nous votons aujourd'hui va briser cette parité. Le projet de loi que nous votons aujourd'hui va briser cette parité, parce que le taux de cotisation prévu au Régime de pensions du Canada est à 5,85 %, tandis que ce que nous votons est un taux de cotisation de 6 %. Alors, vous allez me dire: Ce n'est pas la fin du monde, 0,15 % de différence entre les deux. Je ne conteste pas qu'il y a peu de différence, quoique, lorsqu'on parle de chiffres aussi importants que des dizaines de milliards de dollars, les petits pourcentages veulent dire très souvent des millions et des dizaines de millions. Donc, attention sur la taille des pourcentages.

Deuxième élément, on donne ici un signal inquiétant. On donne un signal inquiétant parce que c'est peut-être un premier pas vers d'autres – ce que j'appellerais dans mon langage – «disharmonisations», c'est-à-dire le phénomène où la parité entre le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec ne serait plus complètement harmonisée. Et là, si on va dans cette direction, le petit pas que nous faisons aujourd'hui serait extrêmement dangereux. Je regrette profondément que le ministre du Revenu ou le ministre des Finances ne soit pas arrivé à une entente. Je ne veux pas préjuger ici que, lorsque deux personnes ne s'entendent pas, les torts de l'un ou de l'autre... Lorsqu'on parle ici d'un régime de rentes, c'est encore un des domaines où il faut le moins politiser le débat.

Vous m'indiquez qu'il me reste peu de temps, mais je parle comme porte-parole de l'opposition sur la question.

Le Vice-Président (M. Pinard): Donc, vous avez 60 minutes.

M. Gautrin: Oui, mais je ne les utiliserai pas, M. le Président. Mais je pense qu'il est important ici de bien comprendre que tout le débat qu'on peut avoir autour du Régime de rentes dépasse de loin les partis politiques. Il est sûr que, par le jeu de l'alternance démocratique, d'ici 2020 ou 2030, il y aurait un certain nombre de chances que vous ne soyez plus au pouvoir et que nous soyons revenus au pouvoir, et que même nous ayons reperdu le pouvoir et que vous ayez regagné le pouvoir. Il y a un certain nombre de chances dans ce sens-là. Donc, ce n'est pas un problème où il faut polariser le débat. Néanmoins, je regrette qu'il n'y ait pas eu d'entente entre les deux ministres des Finances responsables et du Régime de pensions du Canada et du Régime de rentes du Québec pour harmoniser les cotisations.

Nous aurions pu dire: Parce qu'il n'y a pas harmonisation, nous allons voter contre le projet de loi n° 54. Nous ne le ferons pas. Je répète que nous aurions pu le dire, mais nous ne le ferons pas. Nous ne le ferons pas. Et je rappellerai...

Des voix: Bravo!

M. Gautrin: Non, non, ce n'est pas un jeu autour de cela. Je répète ici que c'est extrêmement ennuyant et problématique qu'on soit en train de briser l'harmonisation – et faites attention, là, ce n'est pas... – entre les deux régimes de rentes. Une seule fois, une année, il n'y a pas eu une totale parité dans les cotisations, ça a été en 1973. Et, lorsque les personnes se sont rendu compte des effets pernicieux que pouvait avoir une non-harmonisation des cotisations entre les deux régimes de rentes, très rapidement, elles sont arrivées à une entente pour harmoniser les régimes de rentes.

Et, je me permets de le dire à mes collègues, pendant toute la période, qui a été la période de 1976 à 1985, où un gouvernement du Parti québécois a été au pouvoir, ils ont totalement et constamment maintenu le principe d'harmonisation entre les deux régimes, et les discussions, chaque fois qu'il a mis lui-même des bonifications dans le Régime, ont toujours été négociées. Pour la première fois, on recommence ici une non-harmonisation. Je voudrais, de la part de l'opposition, allumer une lumière rouge et dire: Attention, il y a un problème.

Une fois que j'ai dit cela, la question à se poser, c'est: Est-ce qu'il est justifié actuellement d'augmenter la cotisation de 0,4 %, à 6 %? Et ma réponse va être oui. Ma réponse va être oui, et je vais vous expliquer pourquoi, M. le Président. Il est justifié d'augmenter cette cotisation par un taux relativement faible, mais qui est quand même important, qui dépasse les 0,2 % que nous avons eus les années précédentes, parce qu'il faut éviter, si jamais on est amenés à devoir avoir un redressement important du taux de cotisation, d'avoir, dans les années qui vont venir, un redressement du taux de cotisation brutal.

Sur le plan économique – et il y a aussi beaucoup de personnes qui savent de quoi je parle ici – ce n'est pas tant le niveau de cotisation qui va être pernicieux sur les effets de création d'emplois – parce que les niveaux de cotisation, ne l'oublions pas, ne sont ni plus ni moins qu'une taxe sur la masse salariale qui vient s'ajouter à d'autres taxes sur la masse salariale – ce n'est pas tant le niveau de cette taxe sur la masse salariale que la rapidité de croissance, c'est-à-dire la rapidité dans laquelle vous la montez, à court terme, sur une faible période de temps. C'est d'ailleurs pour ça que toutes les personnes qui sont venues témoigner devant la commission – et je vois parmi les gens qui y ont assisté la députée de Mille-Îles, par exemple, qui y a assisté – ont témoigné qu'il était préférable de choisir tout scénario qui avait le taux de croissance de la cotisation le plus faible parce que c'est celui qui aura le moins de choc économique sur la création d'emplois.

(20 h 40)

Retarder aujourd'hui l'augmentation de cotisation ou bien suivre l'augmentation de cotisation telle qu'elle est proposée par le fédéral, c'est-à-dire passer de 5,6 % à 5,85 %, c'est-à-dire augmenter simplement de 0,15 %, entraînerait, va entraîner ou risque d'entraîner – et là je pense que je voudrais allumer une lumière verte à nos collègues du fédéral à ce niveau-là – va devoir entraîner, dans les années qui suivront, c'est-à-dire les années 1997 ou les années 1998, un risque d'augmentation beaucoup plus forte de cotisation.

Alors, je pense qu'il est sage, tel que l'a recommandé l'analyse actuarielle, de commencer dès maintenant à augmenter les cotisations par une augmentation qui est absorbable dans une économie qui est très fragile. Vous connaissez à quel point la reprise économique dans l'ensemble du Québec... Indépendamment des partis politiques, nous sommes tous ici pour soutenir la reprise économique. Bon Dieu! il n'y a personne aujourd'hui qui souhaite qu'on augmente le chômage ou qu'on n'ait pas la reprise économique. Une augmentation trop rapide et trop forte des taux de cotisation aurait des effets dévastateurs sur l'emploi et sur le taux de chômage.

Alors, M. le Président, lorsque le gouvernement proposera son projet de loi, nous aurons des interventions à faire de notre côté. Je ne sais pas ce qui sera retenu par le gouvernement sur la question du Régime de rentes. L'opposition a fait l'offre à la ministre de tenir des séances à la commission des affaires sociales de manière qu'on puisse arriver à une position consensuelle. Je crois que – non, il n'est pas ici – le président de la commission des affaires sociales semble avoir répondu positivement à cette offre qui avait été reçue aussi positivement de la part de la ministre. Donc, je pense qu'on aura des débats et des échanges à faire sur le régime de pensions.

Donc, je termine ceci en rappelant que tout ce qui touche le Régime de rentes du Québec, c'est quelque chose qui touche tout le monde, c'est quelque chose d'important. Je pense qu'il faut travailler... Et je voudrais, un, demander, suggérer et tout ce que je pourrais utiliser comme verbes sans utiliser le terme «enjoindre» qui serait un peu fort, mais presque enjoindre le ministre des Finances d'arriver à une entente avec le ministre des Finances fédéral. On ne peut pas, je vous le dis bien, M. le Président, compte tenu des échanges interfrontaliers qu'il y a entre le Québec et l'Ontario, entre le Québec et le Nouveau-Brunswick, quel que soit le régime politique que vous vouliez avoir, maintenir une situation qui ne soit pas une situation de parité entre les deux régimes de rentes.

Néanmoins, la position qui est recommandée par les actuaires du Régime de rentes du Québec, à sa face même, m'apparaît comme la position qui est la position sage, et je crois que nous devrions – je m'excuse, M. le député de Masson, c'est extrêmement important à l'heure actuelle – être en mesure de convaincre l'ensemble de nos partenaires du RPC, eux aussi, de pouvoir augmenter au niveau de 6 %, parce que je crois que c'est la sagesse.

Dans ce sens-là, M. le Président, avec les craintes que je viens d'exprimer quant au fait qu'on est en train de briser l'harmonie entre les deux régimes, avec la nécessité qu'il y a de devoir maintenir cette harmonisation entre les deux régimes, avec la crainte que je pouvais avoir encore plus grave de ne pas faire aujourd'hui les augmentations qui impliqueraient en 1997 et 1998 des chocs beaucoup plus importants sur le plan économique, je crois qu'on doit voter en faveur du projet de loi n° 54. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Verdun. Je m'excuse, M. le député de Gaspé, M. le député de Johnson est déjà debout depuis une dizaine de minutes; alors, je vais le reconnaître immédiatement. M. le député de Johnson.

Un impair? Alors, M. le député de Gaspé.


M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec. Tout d'abord, permettez-moi de féliciter le porte-parole de l'opposition officielle de la position et de l'attitude très positive qu'il a adoptées, de même que sa formation politique, à l'égard de l'étude de ce projet de loi.

Comme vous le savez, M. le Président, la commission des affaires sociales s'est déjà réunie dans le passé, tout récemment, pour procéder à l'étude du système, soit la réforme du Régime de rentes du Québec. Une très grande majorité d'organismes et de particuliers ont convenu qu'il fallait prendre une décision concernant la hausse du taux de cotisation afin d'assurer le financement du Régime de rentes du Québec.

D'ailleurs, il se dégage des interventions qu'il est très important de protéger le système et d'assurer cette protection de sécurité sociale en mettant en oeuvre les mesures nécessaires à son financement. En plus de la rente de retraite, notre Régime comporte des bénéfices accessoires, tels que prestations d'invalidité, prestations de décès avant l'âge de la retraite prévue au Régime, le bénéfice de la rente de retraite au conjoint survivant et pour les enfants. Ce projet de loi est nécessaire afin que le taux soit fixé pour la prochaine année.

Par ailleurs, on se souviendra que le gouvernement a rendu public un livre vert proposant diverses façons de faire afin d'assurer le financement approprié de notre Régime de rentes du Québec. On sait qu'à cause du vieillissement de la population les cotisations versées au Régime ne suffiront plus au paiement des bénéfices aux prestataires dans les années à venir. Il faut donc prendre les dispositions nécessaires pour que le Régime puisse remplir ses obligations envers ses cotisantes et cotisants.

Souvenons-nous que le Régime de rentes du Québec est un acquis majeur et une composante majeure du système de sécurité sociale du Québec. Ce régime d'assurance sociale a été conçu pour assurer une protection aux travailleuses et aux travailleurs et à leur famille contre la perte du revenu du travail non seulement à la retraite, mais également à cause d'une invalidité ou d'un décès.

Mais qui finance le régime d'assurance sociale, M. le Président? Ce Régime est financé à parts égales par les cotisations des travailleurs et des travailleuses, dès l'âge de 18 ans, et par les employeurs. Il faut se souvenir qu'au moment de la création du Régime, en 1966, le taux de cotisation était alors de 3,6 %. Il s'est écoulé plus de 20 ans, soit jusqu'en 1986, avant qu'une hausse, une très légère hausse de cotisation, soit appliquée, soit 0,2 %. Depuis 1991, cette augmentation fut renouvelée annuellement pour se traduire par un taux annuel de cotisation, en date d'aujourd'hui, de 5,6 %.

Il faut se souvenir de l'avis du Conseil permanent de la jeunesse qui souhaite le maintien du Régime et que des mesures soient prises pour le protéger, même s'il faut recourir à une hausse des cotisations, même très significative. Je partage son avis que le maintien du régime et la réforme à effectuer doivent être marqués par la solidarité et l'équité envers les jeunes générations, et les générations futures.

Il faut tirer des conclusions des audiences qui ont eu lieu devant la commission des affaires sociales. La très grande majorité des 30 organismes et particuliers entendus lors de cette commission parlementaire sur la réforme ainsi que le porte-parole de l'opposition officielle ont convenu qu'il fallait augmenter rapidement le taux de cotisation. Alors, M. le Président, je constate qu'en date d'aujourd'hui, il y a quelques minutes, l'opposition officielle effectivement est d'accord avec le projet de loi qui a été déposé aujourd'hui ici, en cette Chambre. Citons le président du Conseil du patronat, M. Dufour, qui nous déclarait au début de cette consultation: «La réforme du Régime de rentes est nécessaire pour assurer sa viabilité.» Et je continue: «Je pense qu'il y a un consensus entre les patrons, les syndicats, les travailleurs non syndiqués, le gouvernement et l'opposition.»

Le Syndicat de la fonction publique du Québec a qualifié le Régime de rentes d'instrument exceptionnel au plan économique. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a rappelé que le Régime de rentes du Québec était extrêmement important pour les propriétaires de petites et moyennes entreprises. La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins a présenté le Régime comme l'un des piliers de notre système de sécurité du revenu pour les personnes à la retraite.

(20 h 50)

Quant à la Fédération étudiante universitaire du Québec, à l'instar de la plupart des participants à la consultation, elle nous a enjoint d'agir rapidement, M. le Président, et c'est ça que le ministre du Revenu a fait aujourd'hui. À la presque unanimité, les participants à la consultation ont donc appuyé le projet gouvernemental de consolidation du Régime. Or, il est impossible d'assurer le financement sans une hausse des cotisations à l'heure actuelle. Sans une telle hausse, il n'y a aucune réforme possible.

Le consensus s'est fait sur les principes et les objectifs de la réforme. Les principes sont les suivants: l'équité entre les générations, la solidarité et le partage des responsabilités. Quant aux objectifs, ils sont, premièrement, d'assurer l'équité entre les générations de cotisantes et de cotisants en établissant rapidement un taux de cotisation constant sur une très longue période; de garantir, au cours de la même période, aux personnes âgées, aux travailleurs, aux travailleuses et aux générations futures qu'ils pourront hors de tout doute bénéficier de leurs rentes de retraite.

Si le taux de cotisation n'est pas ajusté de manière à s'approcher le plus rapidement possible de la valeur réelle des prestations versées, qui se situerait autour de 10 %, le taux devra être augmenté de façon beaucoup plus substantielle plus tard en risquant d'atteindre les 13 % ou 14 %, M. le Président. C'est la jeune génération qui devra alors payer parce que notre génération aura tardé à agir. On peut dire adieu à l'équité. On peut dire adieu à l'assurance d'une rente raisonnable en regard des cotisations versées.

Jeunes et aînés, travailleurs et travailleuses, spécialistes, tous ont rappelé avec justesse en commission parlementaire qu'il était urgent d'agir. Si les mesures qui seront proposées dans le futur projet de loi sur la réforme doivent d'abord être de nouveau évaluées et raffinées avant leur adoption et leur application, le taux de cotisation, lui, ne peut souffrir d'attendre une année de plus pour être ajusté. Tous ont constaté, M. le Président, que le taux de cotisation n'aurait pas dû rester inchangé pendant 20 ans, les 20 premières années d'existence du Régime. Tous sont d'accord pour dire que l'augmentation de 0,2 % qui a été décrétée par la suite a été insuffisante.

En résumé, si le gouvernement ne prend pas immédiatement ses responsabilités en décrétant une hausse raisonnable du taux de cotisation dès 1997, on risque de saboter tout le projet de réforme du Régime de rentes. Il irait ainsi à l'encontre des espoirs de la très grande majorité de la population du Québec, tels qu'ils ont été exprimés par l'intermédiaire de groupes représentatifs lors de la commission parlementaire sur la réforme du Régime de rentes du Québec, qui a tenu ses consultations du 8 octobre au 5 novembre dernier, M. le Président.

Alors, M. le Président, j'espère que tous les membres de l'opposition officielle démontreront une attitude très positive qui, jusqu'à date, a été... dont on peut faire l'éloge jusqu'à ce jour. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Gaspé. Je cède maintenant la parole au député d'Argenteuil. M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 54 est un projet bien simple qui se limite à très peu d'articles. Il n'a que deux articles et pourtant il revêt une importance capitale pour nous, Québécois et Québécoises, parce que, nous de notre génération, nous nous acheminons rapidement vers le temps ou le moment où nous aurons à aller cueillir les bénéfices de ce Régime de rentes du Québec.

Cet après-midi, lors du débat sur l'adoption du projet de loi n° 3, on a mentionné aussi, à plusieurs reprises, que nous avions endetté et que nous continuons à endetter les générations des jeunes et celles à venir parce que nous nous sommes donné des services pour lesquels nous avons dû emprunter. Aujourd'hui, on se retrouve à débattre du projet de loi n° 54 avec le même problème de fond, c'est-à-dire que nous passons les dettes que nous contractons à nos enfants et à nos petits-enfants.

Le but du projet de loi, d'augmenter de 5,6 % à 6 %, évidemment n'est qu'un premier pas vers des augmentations successives qui vont se répéter dans les années à venir afin d'atteindre le 10 % souhaité par les actuaires du ministère. Évidemment, cette augmentation, qui est une parmi bien d'autres à venir, a pour but d'assurer une rente adéquate aux baby-boomers qui s'en viennent, qui seront là en l'an 2010, 2015 et qui feront partie à ce moment-là de la population vieillissante. Et, pour permettre que nos enfants puissent jouir d'un régime de rentes qui soit adéquat pour eux, on se voit aujourd'hui dans une situation où on doit réévaluer tous nos calculs passés et se diriger vers une augmentation significative, dans les années à venir, de nos contributions.

Je vais soulever rapidement quelques points qui m'inquiètent, M. le Président. Parce que je pense que mon collègue de Verdun a fait un bel exposé sur l'historique du Régime de rentes du Québec, avec sa formation, les buts recherchés, alors, je ne répéterai pas dans l'ensemble ses commentaires, mais je demeure quand même inquiet de voir que nous allons perdre l'harmonisation avec le Régime de pensions du Canada. Non pas parce que c'est le Régime de pensions du Canada et que le Québec ne peut pas marcher seul; je pense que je ferai plaisir à mes amis d'en face en leur disant qu'on peut marcher seul même si on est une province.

Il n'en reste pas moins que la mobilité de la main-d'oeuvre, la mobilité des professionnels aujourd'hui pourra créer éventuellement des problèmes importants dans les transferts d'une compagnie d'une province à une autre ou d'un individu d'une province à une autre. Peut-être qu'aujourd'hui nous allons contribuer plus généreusement, mais il n'est pas dit que dans le futur nous ne serons pas à la remorque des autres provinces, et alors un individu se verrait pénalisé au Québec, parce qu'il n'est pas dans une autre province, et son Régime de rentes lui sera moins généreux. Comme l'a mentionné mon confrère de Verdun, il est fort souhaitable que les ministres des Finances du Québec et du Canada puissent s'asseoir rapidement afin d'harmoniser ce taux de sorte que le Canada puisse rejoindre le Québec au taux où nous sommes pour assurer une transférabilité facile des régimes de rentes, que ce soit celui du Canada ou celui du Québec.

Le 0,4 % d'augmentation que nous allons connaître en 1997 évidemment est là pour permettre un atterrissage en douceur sur une période donnée, parce qu'il y a d'autres augmentations à venir. Un atterrissage en douceur. Mais je reste quand même très perplexe lorsque je vois toutes les études actuarielles qui ont été faites, dans les années soixante pour permettre la mise en place de ce Régime de rentes en 1966, où on a maintenu pendant 20 ans – pendant 20 ans, M. le Président – le même taux de cotisation, soit 3,6 %, jusqu'en l'année 1986 où on a osé l'augmenter de 0,2 % à ce moment-là, après 20 ans d'un taux stable. Mais, lorsque l'on regarde les études démographiques qui avaient été prévues dans le temps, on nous disait, dans les années soixante, en 1964-1965, que Montréal, dans les années quatre-vingt-dix à l'an 2000, aurait 8 000 000 de population. Aujourd'hui, Montréal a 1 000 000; le Grand Montréal a 3 000 000. C'est loin du 8 000 000 qu'on nous avait prévu.

Et, aujourd'hui, je me dois de me fier à ces mêmes actuaires, avec leurs mêmes moyens, qui me disent: Ça ne marchera pas. Et ça, je suis inquiet. On me parle des pyramides démographiques, où la pyramide est en train de s'inverser. On maintient le taux d'immigration aux environs de 27 000 citoyens par année. Le taux de naissances est à 1,6 par famille. Alors, je demeure inquiet devant ces éléments où les actuaires ont pris ces données et nous attribuent aujourd'hui des taux d'augmentation de contributions au Régime de rentes basés sur des études qu'ils font.

(21 heures)

Je demeure inquiet parce que, avec les mêmes données qu'ils avaient en 1966, ils ont fait des erreurs magistrales, et je suis à même de m'attendre aujourd'hui qu'avec les données de l'an 1996 ils vont faire des erreurs tout aussi importantes. Et ça, ça m'inquiète, M. le Président, parce qu'il y a des générations qui, aujourd'hui, vont être appelées à contribuer de façon très généreuse à un régime, et on peut se ramasser, en l'an 2010, 2015, où les prévisions les plus pessimistes de nos actuaires – merci, M. le député de Masson – ne se réaliseront, mais d'aucune façon. Pendant ce temps-là, ces gens-là auront contribué de façon très généreuse à un régime pour lequel on n'augmentera sûrement pas leur pension. Alors, je demeure inquiet devant ça.

Et sans vouloir passer pour un capitaliste à outrance, on voit que les gouvernements ont pris, dans les années soixante, le concept de l'État-providence et ils l'ont poussé au point qu'ils se sont donné comme mission de gérer à la place des citoyens leurs avoirs. Et, comme le disait si bien le président Reagan, qui mieux peut gérer son argent que le citoyen? Or, l'État s'est donné comme mission, dans les années soixante et soixante-dix, que les citoyens n'étaient pas capables de bien gérer leurs revenus et que lui, l'État, pourrait s'assurer que leurs revenus et leurs biens seraient bien gérés. Pas besoin de vous dire, M. le Président, il n'y a pas pire gestionnaire que l'État.

Alors, quand je vois ce qui arrive avec le Régime de rentes du Québec et où on nous a amenés pendant 30 ans puis où on nous dit qu'on s'en va dans les prochaines trente années, je suis inquiet. Je suis inquiet parce que, au lieu de mettre en place un régime de rentes, à ce moment-là, il eût peut-être été favorable que le gouvernement mette en place des mesures favorisant l'épargne, favorisant des économies par les citoyens et pour eux, au lieu de lui-même dire: Moi, je vais m'arranger pour gérer vos revenus et je suis assuré que, comme État, je peux le faire mieux que vous.

Alors, vous allez comprendre qu'avec les études démographiques qu'on nous a données, les études statistiques qu'on nous a présentées et les prévisions auxquelles on nous a amenés aujourd'hui je demeure inquiet de toutes ces mêmes données qu'on nous donne aujourd'hui, en me disant: En l'an 2020, 2015 ou 2030, on va avoir çi, on va avoir çi, on va avoir ça.

Alors, malgré toutes ces réserves, M. le Président, en attendant une meilleure solution, je favoriserais que le gouvernement mette en place des mesures incitant les citoyens à l'économie, à se préparer eux-mêmes un système de retraite et à se désengager progressivement. Il va sans dire que ça ne se fera pas demain. Il va sans dire que, en attente d'une telle démarche, moi, comme membre de l'opposition, comme membre du Parti libéral et aussi à l'appui du critique officiel, je vais appuyer la mesure qui est mise de l'avant et toutes les autres augmentations qui vont venir dans l'inquiétude et l'incertitude des avenues qui nous sont ouvertes par les statisticiens et les actuaires de notre gouvernement.

Alors, oui, M. le Président, nous allons, comme une opposition responsable, appuyer ce projet de loi n° 54 et nous assurer que l'augmentation qui nous sera imposée au début de janvier 1997 et les autres à suivre serviront dans un bien important à nos citoyens, mais aussi qu'advenant des changements démographiques importants ou de statistiques importantes on pourra revoir à la baisse les contributions des citoyens. Et je vous remercie.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Argenteuil. Comme il n'y a pas d'autres intervenants, le principe du projet de loi n° 54, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission du budget et de l'administration

Mme Caron: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration, pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 6 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 47


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, l'article 6. M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 47, Loi modifiant la Loi sur le paiement de certaines amendes. Y a-t-il des interventions? M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Alors, M. le Président, le projet de loi n° 47 qui est soumis à cette Assemblée modifie la Loi sur le paiement de certaines amendes sous divers aspects. Je rappelle pour le bénéfice de tout le monde que cette loi date de l'an de grâce 1900. Alors, vous voyez que nous travaillons sur du solide. La première modification a pour objet de permettre que le recouvrement du produit des amendes et confiscations attribué au Québec en vertu du Code criminel ou d'une autre loi fédérale soit effectué selon les dispositions du chapitre XIII du Code de procédure pénale.

Pour être très précis, M. le Président, le Québec, lorsqu'il percevra des amendes et que ces amendes ne seront pas payées, et qu'il voudra récupérer cet argent, pourra utiliser non pas la méthode du Code civil, comme la loi fédérale le prescrit, mais profitera plutôt de l'ouverture que cette même loi fait s'il y a une loi provinciale qui permet de percevoir cette somme d'une autre manière. Or, depuis 1987, je crois, il y a au Québec le Code de procédure pénale qui prévoit, pour la perception des amendes provinciales, tout un processus et qui fonctionne très bien. Donc, au lieu de prendre une procédure extrêmement complexe, lourde et qui comporte de façon inhérente certains délais que ne comporte pas le Code de procédure pénale, nous pensons qu'il est sage de profiter de l'ouverture qui nous est faite, et en conséquence ce projet de loi n° 47 vise à permettre qu'on puisse percevoir les amendes en cette matière par la procédure du Code de procédure pénale. Voilà simplement résumé un texte qui est plutôt technique, mais qui va nous permettre d'agir rapidement et à moindres coûts. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre de la Justice. Je cède maintenant la parole au député de Chomedey. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors je tiens, au nom de l'opposition officielle, à dire qu'il me fait plaisir d'apporter notre concours au gouvernement pour l'adoption du projet de loi n° 47, Loi modifiant la Loi sur le paiement de certaines amendes, Bill 47, An Act to amend the Act respecting the payment of certain fines. Comme le ministre vient de le dire, il s'agit d'un projet de loi relativement simple qui permet justement, comme son titre l'indique, de faciliter, dans les termes qu'il vient d'expliquer, la perception au Québec, en fonction de certaines législations fédérales, de certaines amendes.

Alors, M. le Président, la première chose que l'on peut dire et constater, c'est qu'on est capable de reconnaître que ce n'est pas un gouvernement qui ne fait que des mauvais coups. Ça leur arrive, justement – et c'est un exemple ce soir avec le projet de loi n° 47 – de proposer quelque chose qui a de l'allure, qui a du bon sens, qui va dans l'intérêt de la population. Par ailleurs, je crois que par la même occasion tous peuvent constater que l'opposition loyale de Sa Majesté contribue justement aux travaux du Parlement en analysant puis en acceptant, justement, lorsque le gouvernement est capable de le faire, les projets de loi d'intérêt public. Mais je pense que du même souffle on est capable de reconnaître, donc, que, lorsque l'opposition dit qu'il y a quelque chose qui n'a pas d'allure, il ne faut pas l'adopter parce que ça n'y va pas de l'intérêt du public, à ce moment-là on est capable de tous reconnaître le fait qu'il y a une valeur à cette critique et que ce n'est pas quelque chose qui est lancé en l'air ou fait gratuitement.

(21 h 10)

À titre d'exemple, M. le Président, hier, en commission parlementaire sur le projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, c'était très instructif et intéressant de noter que le député de Marguerite-D'Youville s'est rangé du côté de l'opposition. Après avoir écouté attentivement nos arguments, un député du gouvernement, un député du Parti québécois, comme il se doit lorsqu'on entend raison, a voté avec l'opposition sur un important amendement qu'on était en train de proposer, qui aurait eu pour effet de permettre qu'il y ait un appel devant un juge qui représente les garanties nécessaires d'autonomie et d'indépendance des décisions rendues par le nouveau Tribunal administratif du Québec. Rappelons le contexte. Le ministre de la Justice est en train d'essayer de faire passer une loi où il assemblerait bon nombre de tribunaux et organismes décideurs qui sont chargés de trancher les litiges entre le public et le gouvernement, il les assemblerait tous à un même endroit et il harmoniserait un peu la procédure. En soi, pas une mauvaise idée, mais il y a deux gros problèmes.

Dans un premier temps, il refuse de permettre des appels vers des juges, comme les juges de la Cour du Québec ou de la Cour supérieure, et ce, en flagrante contradiction avec les promesses formelles dans le programme du Parti québécois. Il ne permet pas d'appel. Ce faisant, il rend nécessaire le fait que ces juges à ce niveau-là doivent absolument représenter les gages, les garanties d'autonomie et d'indépendance requises par la Cour suprême aux termes du jugement dans l'affaire Valente. Et, au lieu de faire ça, au lieu d'entendre raison, comme le député de Marguerite-D'Youville l'a fait dans le cas du projet de loi n° 130, eh bien, le ministre s'entête. Il dit: Non, non, j'ai déjà fait mon lit, c'est comme ça que je vais le faire. Alors, c'est pour ça que c'est important de bien noter l'intervention et la démarche de l'opposition ce soir, comme ça nous arrive très souvent, et, je dois dire, même, dans la majorité des cas.

Une voix: Oh!

Une voix: Mets-en pas trop, mets-en pas trop.

M. Mulcair: Au cours des deux dernières années – c'est important de le noter, c'est prouvable, c'est un fait objectif – la majorité des lois présentées par ce gouvernement dans le domaine de la justice, par ce ministre de la Justice, a reçu l'appui de l'opposition officielle. Je donne un exemple: il y a un projet de loi n° 7 qui a été adopté pour faire un processus accéléré pour les matières en bas de 50 000 $, et non seulement on a eu l'appui de l'opposition là-dedans, mais on a même assis le Barreau au bout de la table, puis, pendant une journée très longue de travail, on a réussi à apporter tous les amendements qui étaient souhaités par le domaine de la pratique du droit, et c'est un autre exemple où ce gouvernement a été capable, avec l'aide de l'opposition, de bonifier un projet de loi et de s'assurer que ça répondait à l'intérêt du public, un peu comme ce qu'on fait ce soir avec le projet de loi n° 47, qui effectivement est là pour la protection et dans l'intérêt du public. Alors, il est tout à fait normal qu'on apporte notre appui.

Mais que dire quand l'on se rend compte que, justement dans des domaines comme l'indemnisation des victimes d'actes criminels, il risque d'y avoir d'importantes ponctions dans les budgets? Ça, c'est sûr que ça s'en vient, M. le Président, parce que ce ministre-là ne peut pas rencontrer les commandes qui sont faites par le Conseil du trésor. On l'a vu et on le verra demain, parce qu'il y a une interpellation demain. Je suis sûr que ceux et celles qui nous écoutent et qui suivent les questions concernant la justice vont être impatients d'apprendre ce qui va se dire ici demain, lors de l'interpellation de deux heures avec le ministre de la Justice, sur les effets concrets des coupures aveugles et à la hâte qui sont faites dans son ministère depuis qu'il en a la charge.

Rappelons que l'actuel ministre de la Justice est dans sa troisième année dans cette importante fonction, et jamais, jamais on n'aura vu un ministre de la Justice et Procureur général du Québec se mettre à dos si complètement tous les intervenants et toute la communauté juridique du Québec, en partant de l'ordre professionnel qui est là pour assurer la protection du public, qui est le Barreau du Québec, et ses 17 000 membres, en allant jusqu'aux groupes communautaires puis les plus anciens groupes qui existent, par exemple la Petite Bourgogne et Pointe Saint-Charles, les centres communautaires juridiques. Tout le monde s'entend pour dire que, gaffe après gaffe, erreur après erreur, ce gouvernement, et surtout par le biais de son ministre de la Justice, est en train de miner les fondements mêmes d'un des plus importants domaines de tout gouvernement, c'est-à-dire le domaine de la justice.

On parle souvent, M. le Président, des missions fondamentales de l'État; on peut penser justement à l'éducation, on peut penser également à la santé et aux services sociaux dans une société comme la nôtre. Mais ce qui distingue une entité civilisée comme la nôtre, une juridiction civilisée comme le Québec de tout ce qu'on peut connaître d'autre, malheureusement, toujours aujourd'hui à travers la planète, c'est le fait qu'on est une société bâtie sur le respect des lois. Un Parlement, avec des personnes élues, délibère, comme on est en train de le faire ce soir, exprime donc la volonté du peuple, telle que représentée par un gouvernement, et doit la mettre en application à travers d'importantes institutions. C'est pour ça qu'on parle surtout de séparation des pouvoirs. Il faut avoir des tribunaux libres de toute ingérence, il faut avoir un exécutif qui occupe son rôle aussi pour préparer souvent l'application de ces lois-là, et il faut respecter leur rôle ici.

Qu'est-ce qu'on a vu, à la place, depuis que cette personne, le député de Louis-Hébert, occupe la fonction de ministre de la Justice et Procureur général? On a vu plusieurs exemples inquiétants d'un ministre qui, pour des raisons de caractère, selon plusieurs observateurs, est incapable de s'entendre avec les gens. Et l'exemple récent le plus criant, c'est le Barreau du Québec où, dossier après dossier, on a vu des conflits et de la confrontation. Dossier après dossier, on a vu qu'à l'instar de son gouvernement la première chose qu'il coupe, c'est le service direct à la population. La dernière chose qu'il touche, c'est la machinerie bureaucratique, tout ce qui gravite autour mais qui ne rend aucun service direct à la population.

Demain, on va avoir l'occasion de faire une démonstration très claire de ça dans plusieurs domaines, dont le domaine de l'aide juridique, domaine où le ministre a réussi à mettre le Barreau de son côté en faisant des promesses qu'il n'a malheureusement jamais tenues. Il y a un mot pour ça, c'est antiparlementaire. Je ne le dirai pas, mais ceux et celles qui nous écoutent savent ce que c'est de faire une promesse, un engagement et, par après, de faire exactement le contraire, M. le Président. C'est intéressant parce que je peux le dire dans un communiqué de presse, mais je ne peux pas le dire ici, en cette Chambre. Et, par respect pour l'institution et pour vous, évidemment je ne l'emploierai pas. Parce que c'est trop important de donner les vrais exemples, d'expliquer ce qui est en jeu avec un ministre de la Justice qui ne comprend pas qu'il a une mission fondamentale à remplir.

Peu de temps après sa nomination, l'actuel ministre de la Justice et Procureur général a donné une interview, dans un journal important, dans un quotidien, dans laquelle il a dit, et je cite le texte: «Je suis très content parce que je trouve que c'est une très bonne job d'être ministre de la Justice.» C'est intéressant comme manière de voir. D'aucuns auraient peut-être préféré entendre quelqu'un qui occupe une si importante fonction parler de l'importance de l'institution, parler de l'importance du rôle, de la fonction, du mandat. Lui, il voit ça comme une job.

C'était révélateur, puis, comme je le mentionnais tantôt, on est dans notre troisième année avec ce ministre de la Justice et on est dans notre troisième année où, coup après coup, on est obligé, quand ça ne va pas dans l'intérêt du public, de lui dire: Mais, écoutez, arrêtez, là. Marquons un temps d'arrêt. Regardez ce que vous êtes en train de faire et l'effet concret que cela va avoir sur la population. On l'a vu dans le domaine de la protection du consommateur dont il est responsable, où il y a eu une chute de 37 % dans les poursuites parce qu'il a sabré dans l'Office de la protection du consommateur. Je dis donc «il est responsable»; j'errais, M. le Président, il n'est plus responsable. Ça a été transféré récemment au ministre responsable des Relations avec les citoyens, M. Boisclair. Et c'est une bonne chose parce que M. Boisclair, le ministre responsable des Relations avec les citoyens...

Mme Caron: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Le député de Chomedey abuse vraiment, là. Il sait très bien que, en vertu de l'article 35.1°, on ne peut désigner autrement un député que par son titre et il sait très bien aussi qu'il y a l'article 211 de notre règlement qui dit que «tout discours doit porter sur le sujet en discussion». Alors, le sujet en discussion, il faut peut-être le rappeler, c'est la Loi modifiant la Loi sur le paiement de certaines amendes et non la loi sur le ministre de la Justice lui-même ni sur la protection du consommateur.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Chomedey, vous allez comprendre que je retiens, au niveau de la pertinence... Je vais vous demander de vous rapprocher le plus possible du projet de loi n° 47, et je suis persuadé que vous êtes en train, actuellement, de vous préparer pour votre interpellation de demain, on le sent et on sent également que vous êtes prêt. Alors, M. le député.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Oui, tout en reconnaissant que ma collègue a raison, c'est vrai que, le ministre responsable des Relations avec les citoyens, ce n'est pas tout le monde qui sait qui c'est. Puis je n'étais pas en train de dire des choses qui étaient désobligeantes, loin de là, au contraire, parce que le ministre responsable des Relations avec les citoyens avait une chose très intéressante à dire à propos de l'Office de la protection du consommateur: il a dit que c'est une bonne chose que le ministre de la Justice et Procureur général ne soit plus responsable de l'OPC parce qu'il était en train de démolir l'OPC.

(21 h 20)

Mais, pour revenir à votre autre préoccupation et celle de mon estimable collègue concernant la pertinence, il est tout à fait pertinent, M. le Président, en discutant le projet de loi n° 47, de rappeler le rôle que joue le ministère du Procureur général, le ministère de la Justice, dans l'application de cette loi et de plusieurs autres, et il est tout à fait pertinent parce que toute discussion sur un projet de loi doit avoir lieu dans un contexte. Alors, je suis en train de contextualiser notre analyse du projet de loi n° 47 en rappelant qu'effectivement, lorsque ça peut y aller – et, la plupart du temps, on est d'accord avec les lois de ce ministre de la Justice – lorsque que c'est justement possible de donner notre appui, c'est ce qu'on fait. Pour comprendre les cas contraires, j'utilise des illustrations, des exemples de choix qui ont été faits par ce gouvernement et qui ne vont pas, justement, dans ce même sens de l'intérêt du public.

Dans un domaine tout à fait proche du projet de loi n° 47, M. le Président, et tout à fait pertinent à notre discussion de ce soir, on peut rappeler certaines démarches de ce ministre de la Justice. On peut, par exemple, parler du projet de loi 92. Rappelons que, dans ce projet de loi là, le ministre de la Justice avait proposé de faire en sorte qu'il n'y ait plus de peine d'emprisonnement si on ne payait pas les amendes, quelque chose qui sonnait très bien. Mais autant les municipalités que d'autres intervenants du milieu de la justice du Québec lui ont fait comprendre que, si quelqu'un refusait obstinément de payer une amende, il fallait avoir quelque chose d'autre. Si la personne n'était pas prête à faire des travaux communautaires, il fallait avoir, au bout du compte, une peine possible. C'est ça, appliquer les lois.

Vous savez ce qui s'est passé? Finalement, le ministre a été obligé de céder parce qu'il y avait une forte pression de toutes les municipalités. Et c'est ce que le ministre va être obligé de faire avec le projet de loi n° 130 sur la justice administrative et sa deuxième tentative de réforme dans le domaine de l'aide juridique. C'est pour ça que c'est toujours important aussi de se souvenir que l'opposition loyale de Sa Majesté est là pour analyser et bonifier les projets de loi, parce que, quand le ministre de la Justice arrive en disant: On n'appliquera plus les lois, comme il l'a fait avec le projet de loi 92, on est là pour l'aider. On est là pour lui dire: Écoutez, vous ne pouvez pas faire ça.

Pour ce qui est du domaine justement de la perception des amendes, le ministre nous propose aujourd'hui une autre loi qui a des aspects intéressants. Il l'a présentée cet après-midi. Il veut justement prendre le produit des activités criminalisées qui est saisi et l'appliquer, par exemple, dans le domaine de l'indemnisation des victimes d'actes criminels, ce qui peut être intéressant. Mais j'espère que vous l'avez remarqué comme nous, M. le Président, il propose aussi d'en donner une partie à la police. J'espère qu'on ne va pas assister à un ministre de la Justice qui va avoir une police qui marche à commission...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: ...parce que c'est ça que ça donne, son projet de loi. Rappelons aussi que cette importante distinction qui doit exister entre les différents pouvoirs qui appliquent nos lois n'a pas été comprise, admettons – pour être charitable – par le ministre de la Justice lorsqu'il a déménagé le Conseil de la magistrature et le juge en chef de la Cour du Québec à Québec. Rappelons, dans ce cas-là, qu'il avait dit que ça ne coûterait pas une cenne aux contribuables. Mais, au contraire, à force de payer les limousines de l'ancien juge en chef, Louis-Charles Fournier, on a payé une facture de 77 000 $. En plus, on lui avait expliqué que son désir d'avoir le juge en chef plus proche de Québec pour les raisons qu'il avait données en commission parlementaire, à savoir que ça soit plus proche du gouvernement, allait à l'encontre du principe même de la séparation des pouvoirs et qu'on était mieux de rester avec le statu quo ante. Pour des raisons qu'on n'aurait jamais osé prédire, on s'est fait donner raison par les faits, et c'était dommage, parce que ça a porté un tort vraiment irréparable à cet important aspect de notre système d'administration de la justice.

On a vu autant d'exemples qu'on peut donner, puis on doit aussi remarquer que le défaut de faire entrer en vigueur le projet de loi n° 106 concernant l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels, qui est tout à fait relié à ce qu'on est en train de discuter ce soir avec le projet de loi n° 47 et la perception des amendes – c'est le même domaine – ça porte un tort aussi aux victimes d'actes criminels. Alors, ça ne sert à rien de nous dire: Bien, on va pouvoir avoir d'autres sommes ici, si les lois qu'on a déjà adoptées ne sont pas en vigueur.

Mais c'est un stratagème qu'on a déjà vu avec ce ministre, M. le Président. On l'a vu en matière de médiation familiale où pendant trois ans il a pris les 3 000 000 $ par année qui devaient être consacrés à la médiation familiale et il les a absorbés dans son enveloppe fermée de son ministère. Résultat concret: trois ans après avoir adopté la loi, trois ans après avoir formé et accrédité les médiateurs familiaux, il n'y a toujours rien en vigueur.

Ce qui est intéressant aussi, c'est de constater que le ministère est une machine à communication. Ils sont vraiment doués, là-dedans, hein! On dit en anglais: Let's give credit where credit is due. Ils sont très doués. L'année dernière, après avoir augmenté sensiblement les salaires des juges, il s'est fait prendre, dans les faits, dans un important article en première page du Devoir , et ça, c'est le lendemain après avoir dit qu'ils n'augmenteraient pas les hauts fonctionnaires... Donc, ça passait plus ou moins bien.

Ils ont sorti un communiqué de presse disant: Ce n'est pas vrai, on n'a pas augmenté les salaires des juges, on les a ajustés. Alors, l'explication allait à peu près comme suit: il y a un petit peu moins de juges dans cette catégorie d'administration et, si on prend le total de leurs traitements, c'est un petit peu moins que ce que c'était avant, donc, ce n'est pas vrai qu'on a augmenté leurs traitements, on les a ajustés. Sauf que l'ajustement en question, c'était une augmentation du salaire de tous les juges qui restaient dans la catégorie. Mais, pour eux autres, ce n'était pas une augmentation, c'était un ajustement.

Dans son important roman «1984», George Orwell avait parlé de la création d'un ministère de la vérité, où le gouvernement allait utiliser des mots et dire ce que ça signifiait. C'est exactement ce que ce gouvernement-là fait tout le temps, M. le Président. Et on l'a vu encore avec l'exemple de la médiation familiale, cette semaine. Ils ont fait publier à la une du journal La Presse , cette semaine, un article dans lequel ils disaient: Bien, vu qu'aucun autre gouvernement n'a jamais rien fait dans le domaine de la médiation, nous, on va prendre la différence du niveau de taxation entre celui qui paie une pension alimentaire puis celui qui la reçoit... Parce que, depuis la décision, vous savez que c'est celui qui paie la pension qui paie les taxes là-dessus, c'est souvent une personne qui a un plus haut taux de taxation. Donc, ils calculent qu'il y a une certaine différence qui va entrer au ministère du Revenu. Ils disent: Nous, on va prendre maintenant ce nouvel argent là puis on va l'appliquer pour une nouvelle loi de médiation familiale, loi que personne n'a encore vue. L'autre est adoptée depuis trois ans, les médiateurs sont accrédités depuis trois ans. Mais, en plus, ils ont la témérité de prétendre que c'est tout nouveau, ça, que c'est une affaire qu'eux viennent d'imaginer. C'est fabuleux. Honnêtement, M. le Président, il faut rendre à César ce qui est à César, c'est impressionnant de voir une telle machine de mythologie.

Le problème, c'est que, même quand il y a un bon coup comme le projet de loi n° 47, les gens du milieu de l'administration de la justice, les juges, les avocats, les groupes communautaires, les centres d'aide juridique, eux, ils savent ce qui se trame dans le domaine de la justice, à Québec, eux et elles, ils savent ce qui se passe avec ce ministre de la Justice. C'est un ministre de la Justice qui suit aveuglément les demandes de coupures du Conseil des ministres et du Conseil du trésor, ne se souciant guère de l'importance de sa mission.

Alors, on est capable d'être d'accord avec un projet de loi sur la perception des amendes qui va faciliter les entrées, on ne peut pas être contre ça. Les amendes ont été imposées dans le cadre de l'administration de la justice et de l'application des lois, pourquoi pas faciliter leur perception? C'est pour ça que l'opposition loyale de Sa Majesté se range du côté du gouvernement, pour ce qui est du projet de loi n° 47. Mais c'est pour ça aussi, M. le Président, qu'on insiste, à chaque fois que l'on regarde les dépenses qui sont faites et les coupures qui sont faites par ce gouvernement, pour regarder quel est l'effet réel dans des domaines importants comme l'administration de la justice. Et, bien trop souvent, malheureusement on a été à même de constater qu'on a devant nous un ministre de la Justice et Procureur général qui ne comprend pas l'importance de ces mandats-là, qui est incapable d'aller se battre pour la justice devant le Conseil du trésor, de mettre ses poings sur la table et de dire: Assez des coupures. Assez de voir des gens qui ont des peines d'emprisonnement de six mois et qui ne font même pas trois jours de prison. Assez de voir que les juges commencent à dire: Ça ne marche pas, vous n'appliquez pas nos décisions parce que vous ne mettez pas assez de ressources dans le système.

Les centres communautaires juridiques, à Montréal, commencent à nous montrer cas par cas ce que c'est, la réforme de l'aide juridique. On va avoir l'occasion d'en parler en beaucoup de détails demain, lors de l'interpellation. Mais je viens, par le biais de quelques exemples – il y en a beaucoup d'autres – de démontrer à quel point ce gouvernement-là est dans le trouble. Son seul désir, c'est de couper les dépenses. Mais il coupe toujours en tout premier lieu le service direct à la population.

Et, très souvent, on va aller jouer avec les mots. Le ministre de la Santé et des Services sociaux l'a dit. Il a dit: Moi, je suis en train d'inventer un système de couverture d'assurance-médicaments, c'est un meilleur deal, ça couvre plus de monde. Cependant, il omet à chaque fois de dire que c'est en fait une coupure de 250 000 000 $ qu'il est en train de faire. Puis, quand il est confronté à cette vérité-là, il insiste pour dire que ce n'est pas une coupure, c'est un réajustement. C'est la même chose, hein? Ça rappelle quelque chose qu'on vient de voir. Ce n'est pas des augmentations, c'est des ajustements. Toujours ça, jouer avec des mots.

(21 h 30)

Le ministre de la Justice a décidé d'aller piller dans le livre du ministre de la Santé et des Services sociaux, dans le domaine de l'aide juridique: On va étendre la couverture. Sauf qu'il a oublié de mentionner que c'était à lui de décider quand il le faisait entrer en vigueur. Alors, les coupures de 18 000 000 $, on les a. Et toutes les conséquences pratiques de ça, c'est en train d'être analysé et compris dans le milieu juridique. Mais l'augmentation de la couverture, il ne l'a même pas faite. Ça, c'est incroyable.

Alors, on voit que c'est un gouvernement qui a une seule visée, un seul objectif, c'est de couper, couper peu importe l'endroit, couper peu importe si ça veut dire que les lois ne sont plus appliquées, couper, même si ça mine la crédibilité et le fondement des institutions les plus importantes de notre société. Et ce qui est d'autant plus inquiétant, c'est de voir l'ordre professionnel qui est responsable d'assurer la protection du public par ses membres, dans le domaine de l'application de la justice devant les tribunaux, à savoir le Barreau du Québec, qui est en train de pousser maintenant des hauts cris dans de très nombreux dossiers, en train de dire: Écoutez, là, nous, on n'est pas l'opposition du gouvernement, on est objectif, on est un organisme voué à la protection du public par la déontologie et le contrôle de ses membres, on est en train de vous dire: Ça ne marche pas, on ne peut plus opérer dans ce que vous étiez en train de faire.

Le ministre s'est déjà fait dire que sa première tentative de réforme de l'aide juridique ne rencontrait même pas les obligations constitutionnelles et les obligations de la Charte des droits. Il est en train de commettre les mêmes erreurs aujourd'hui. Et c'est pour ça que nous, on est en train de dire: Oui, on est capable d'être d'accord avec lui lorsqu'il présente quelque chose comme le projet de loi n° 47, capable d'être objectif et de dire oui, ça va de l'intérêt du public et c'est pour une meilleure administration de la justice. Mais à chaque fois que ce gouvernement va présenter quelque chose d'aussi bâclé que le projet de loi n° 130 portant réforme des tribunaux administratifs, à chaque fois qu'il va faire des coups comme on a vus dans le dossier de l'aide juridique, en faisant entrer en vigueur les coupures mais pas l'extension du service, ou en faisant entrer en vigueur les règlements sans consulter le Barreau en flagrante contradiction de ses engagements, en créant une machine bureaucratique qui est le seul bénéficiaire de ces changements-là aux dépens des services à la population, on va dire non. Notre refus va être catégorique, raisonné et fait dans un but constructif: améliorer la justice, protéger nos institutions de justice.

Parce que, malheureusement, et les observateurs de la scène juridique au Québec s'entendent tous pour le dire, on est en train de vivre quelque chose d'exceptionnel. On a un ministre de la Justice qui ne se soucie guère de l'institution, qui a une vision tellement étriquée, tellement étroite qu'il comprend à peine l'importance de ce qu'il doit faire, quoiqu'il ait une job. Et malheureusement c'est une job de bras qu'il est en train de faire aux dépens du contribuable. Et nous, on ne peut pas embarquer là-dedans à chaque fois que ça affecte le public.

Alors, M. le Président, en terminant sur le projet de loi n° 47, je réitère l'appui de notre formation politique là-dessus. Et j'invite mon collègue le ministre de la Justice à commencer à réfléchir à ce qu'il est en train de faire, à commencer à écouter, parce qu'il n'écoute pas, à commencer à écouter le Barreau et les autres acteurs du milieu juridique au Québec, et à commencer à apporter les changements qui s'imposent pour mieux protéger le public via ses institutions, dans le domaine de l'administration de la justice, et à commencer enfin à défendre le dossier de la justice devant le Conseil du trésor et au Conseil des ministres. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey.

Alors, comme il n'y a pas d'autres intervenants, le principe du projet de loi n° 47, Loi modifiant la Loi sur le paiement de certaines amendes, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

Mme Caron: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mardi 12 novembre 1996, à 14 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): MM. les députés, MM. les députés, s'il vous plaît, je vous prierais de demeurer à vos places tant et aussi longtemps que la présidence n'a pas quitté les lieux.

(Fin de la séance à 21 h 35)