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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 26 novembre 1996 - Vol. 35 N° 57

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Table des matières

Présence du haut-commissaire pour la Malaisie, M. Dato Abdullah Zawawi Bin Haji Mohamed

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Quatorze heures six minutes)

Le Président: Alors, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien, si vous voulez vous asseoir.


Présence du haut-commissaire pour la Malaisie, M. Dato Abdullah Zawawi Bin Haji Mohamed

J'ai d'abord le plaisir de souligner la présence dans les tribunes du haut-commissaire pour la Malaisie, Son Excellence M. Dato Abdullah Zawawi Bin Haji Mohamed.


Affaires courantes


Déclarations ministérielles

Aux affaires courantes, déclarations ministérielles, M. le ministre d'État des Ressources naturelles.


La nouvelle politique énergétique du Québec


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, c'est avec le sentiment du travail accompli et surtout avec beaucoup de fierté que je dépose devant les membres de cette Assemblée la nouvelle politique énergétique du Québec. Il s'agit d'un engagement ferme pris par le Parti québécois et inscrit dans son programme que celui de doter le Québec d'une nouvelle approche en matière énergétique.

Intitulée «L'énergie au service du Québec: une perspective de développement durable», la politique énergétique contient les orientations que le gouvernement compte privilégier pour encourager le secteur énergétique à s'adapter aux changements que le prochain siècle impose. Cette nouvelle politique assurera au Québec un développement économique durable dans un contexte où les règles du jeu subissent des transformations profondes.

Les orientations annoncées aujourd'hui s'inscrivent dans la continuité des travaux des membres de la Table de consultation du débat public sur l'énergie et du rapport qu'ils m'ont remis en avril dernier. Pour moi, c'est un rapport incontournable; incontournable par sa qualité, par ses recommandations et par le consensus qui s'en est dégagé. En termes d'action gouvernementale, la politique énergétique reflète ce consensus. Elle repose donc sur une base solide, une base d'autant plus solide, puisqu'elle s'appuie sur le principe du développement durable, c'est-à-dire qu'elle tient compte des préoccupations sociales, économiques et environnementales.

Le secteur énergétique nord-américain est en pleine mutation. La libéralisation de ce marché nous oblige à revoir en profondeur la façon dont nous concevons et nous développons notre potentiel et notre savoir-faire énergétique. Pour que le Québec occupe une place de choix sur l'échiquier mondial des pays producteurs d'énergie, nous devons adopter de nouvelles orientations et adapter nos stratégies à ce marché international. Un premier geste que le gouvernement du Québec pose est de permettre l'accès au réseau de transport de l'électricité d'Hydro-Québec à plusieurs producteurs pour des fins d'exportation et de transit, ce qui fera de ce réseau une véritable autoroute de transport d'électricité.

Hydro-Québec, notre société d'État, celle dont nous sommes tous et toutes actionnaires, doit plus que jamais jouer un rôle de moteur économique de notre développement tout en relevant le défi de la libéralisation des marchés et selon le principe du développement durable qui nous concerne tous.

Hydro-Québec doit faire preuve d'imagination, de créativité et de détermination dans l'élaboration de ses stratégies. Elle doit pouvoir commercialiser et exporter les technologies qu'elle développe. Hydro-Québec possède déjà une expertise et un savoir-faire reconnus à travers le monde, mais des efforts additionnels doivent être mis pour accroître ses occasions d'affaires à l'extérieur du Québec.

(14 h 10)

La Régie de l'énergie est la pièce maîtresse de la politique énergétique. Il s'agit d'un instrument indispensable pour assurer la concurrence entre les différentes formes d'énergie tout en préservant les intérêts des Québécois et des Québécoises.

La Régie pourra contre-expertiser Hydro-Québec sur ses demandes de hausses tarifaires. Le public sera invité à se prononcer lors de la tenue d'audiences publiques. Ce mécanisme transparent garantit que les décisions tarifaires seront dorénavant à l'abri des impondérables politiques et qu'elles seront prises en tenant compte de tous les impératifs économiques.

La Régie aura aussi le mandat d'effectuer la réflexion globale qui s'impose face à la libéralisation des marchés en Amérique du Nord. Elle devra donner des avis au gouvernement sur les modalités de déréglementer la production. Elle veillera aussi à assurer un marché concurrentiel et dynamique dans les secteurs pétroliers, notamment par ses pouvoirs d'enquête et de surveillance.

La Régie assurera un traitement équitable entre les distributeurs d'électricité et du gaz naturel qui, lui – le gaz naturel – est déjà assujetti à une régie depuis 1988.

Le projet de loi n° 50 créant la Régie de l'énergie a été déposé en cette Chambre le 22 octobre dernier. Nous entendrons une trentaine de groupes en commission parlementaire dès la semaine prochaine. Je souhaite que ce projet de loi soit adopté rapidement de façon à ce que la Régie soit opérationnelle dès les premiers mois de 1997.

La politique énergétique met un accent décisif sur l'économie d'énergie. Le gouvernement crée en effet une agence de l'efficacité énergétique qui devra faire la promotion de l'efficacité énergétique, soutenir la recherche et le développement, et dispenser la formation. La création d'un tel organisme démontre bien la volonté du gouvernement du Québec de développer de nouveaux secteurs d'activité économique en répondant aux préoccupations environnementales, sociales et économiques.

La politique énergétique propose une nouvelle approche globale dans le choix des filières. Il est essentiel d'introduire plus de flexibilité dans la mise en oeuvre des différents moyens utilisés pour répondre à la demande électrique. Le nouveau contexte l'impose, notre intérêt nous le dicte. Il n'est plus question d'accorder une priorité absolue aux grands aménagements hydroélectriques. Il faut trouver de nouveaux moyens de produire l'électricité. La filière éolienne en est un avantage tant par sa flexibilité que par son impact limité sur l'environnement, en plus de constituer un complément intéressant au parc d'Hydro-Québec. L'existence d'usines de fabrication de composantes d'éoliennes sur notre territoire aura aussi un impact important sur le développement économique de certaines régions.

La classification des rivières est un autre élément important de cette politique. Ce processus de classification assurera la protection des rivières à fort potentiel patrimonial et désignera les rivières où les aménagements hydroélectriques seront permis. Ce travail se fera en partenariat avec les communautés locales et les communautés autochtones. Bref, les défis qui attendent le Québec ne sont pas tous du même ordre. Certains tiennent compte de l'environnement mondial; d'autres tiennent aux caractéristiques de notre société. Mais, dans les deux cas, M. le Président, la politique énergétique donne les orientations pour que le Québec soit doté des meilleurs outils pour franchir le cap du prochain millénaire. C'est donc dire que la politique énergétique répond au développement de la société québécoise tout en préservant nos intérêts particuliers et notre spécificité. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Laurent.


M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. Après avoir adopté le principe de la création d'une régie de l'énergie, le ministre d'État des Ressources naturelles dépose aujourd'hui une toute nouvelle politique énergétique pour le Québec intitulée «L'énergie au service du Québec: une perspective de développement durable». Cette politique découle de la Table de consultation du débat public sur l'énergie mise en place dans le cadre du débat public sur l'énergie. Je tiens ici à souligner le travail acharné des membres de cette Table et, de façon particulière, celui de mon collègue le député de Laurier-Dorion.

J'espère que cette nouvelle politique reflète véritablement le consensus du débat public. Au Sommet sur l'économie et l'emploi, les éléments de la politique annoncée ont fait bondir les intervenants concernés. L'ouverture sans précédent du réseau hydro-québécois à des producteurs privés soulève certaines inquiétudes. Selon eux, le ministre avait jeté la première pelletée de terre sur la tombe du rapport de la Table de consultation du débat public sur l'énergie. Et, de plus, je le répète, pourquoi le gouvernement n'a pas attendu que l'on prenne connaissance de cette politique avant d'entreprendre l'étude du projet de loi instituant une régie de l'énergie? Le ministre d'État des Ressources naturelles le reconnaît lui-même, puisque, aujourd'hui, dans sa déclaration ministérielle, il déclare, et je le cite: «La Régie de l'énergie est la pièce maîtresse de la politique énergétique.» Donc, pourquoi avoir agi à l'envers du gros bon sens?

D'ailleurs, certaines orientations données à la Régie soulèvent de nombreuses interrogations, notamment sur la déréglementation de l'électricité, et, à cette fin, je citerai l'éditorialiste Jean-Robert Sansfaçon qui, lui, sonnait l'alarme le 1er novembre dernier. Et je le cite: «Le gouvernement est à prendre un virage radical bien différent de celui suggéré par la table de concertation sur l'énergie, un virage qui rendrait presque impossible, dit-il, la planification du développement de l'énergie sur le territoire. Un virage où la pression à la baisse exercée sur le prix par les futurs clients industriels américains inciterait Hydro-Québec à se rattraper par des hausses sensibles des tarifs à ses clients locaux captifs du secteur résidentiel.» Ce n'est pas moi qui le dis, M. le Président, c'est Jean-Robert Sansfaçon.

Le ministre reconnaît les avantages de la filière éolienne. Pourtant, il ne s'engage à recourir qu'à 10 MW par année, et ce, sur 10 ans. C'est loin de représenter une volonté de mettre le Québec sur la voie des énergies alternatives et c'est loin du développement durable. De plus, on sait que la déréglementation constitue une menace potentielle pour les énergies renouvelables, dont, bien sûr, l'énergie éolienne.

En ce qui a trait à Hydro-Québec, il est vrai qu'elle doit faire preuve d'imagination, de créativité, de détermination, mais la société d'État doit aussi et surtout faire preuve de rigueur. Elle ne doit pas ménager ses efforts pour resserrer ses dépenses mais aussi pour accroître ses occasions d'affaires, et ce, dans le meilleur des intérêts de ses actionnaires: vous, moi, l'ensemble de nos collègues, M. le Président, comme l'ensemble de la population.

Le ministre nous promet de mettre sur pied une agence de l'efficacité énergétique qui devra notamment faire la promotion de l'efficacité énergétique et soutenir la recherche et le développement en la matière. Nous avons hâte d'en connaître les modalités.

En conclusion, nous déplorons que cette importante politique soit déposée après les premiers débats sur la Régie de l'énergie et que, comme pour cette dernière, elle semble faire fi de certains consensus de la Table de consultation du débat public sur l'énergie. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le ministre d'État aux Ressources naturelles, en réplique.


M. Guy Chevrette (réplique)

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Qu'il me soit permis, moi aussi, de remercier le député de Salaberry, qui a participé aux débats à la table de l'énergie.

M. le Président, je voudrais répondre à quelques remarques du député de Saint-Laurent. Tout d'abord, pourquoi avoir déposé le projet de loi créant la Régie? C'est qu'on a une date butoir en cette enceinte – tout le monde le sait, y compris lui, j'espère – c'est le 15 novembre. Et on l'a déposée, notre loi, en fonction de son adoption, on l'espère, on le souhaite, avant Noël, avec sa collaboration, puisqu'il se rendra compte que la grande majorité des consensus qui ont été retenus par la table de l'énergie sont respectés à l'intérieur de ce projet de loi.

(14 h 20)

L'autre chose que je veux dire, M. le Président, c'est que, face à la déréglementation à laquelle fait allusion le député de Saint-Laurent, il y aurait une attitude, c'est de se contenter d'avoir peur puis d'étudier ou bien de se préparer puis être prêt à saisir toutes les occasions qui nous seront offertes, parce qu'on a une électricité qui est considérée comme la moins chère au monde encore au moment où on se parle, et même la déréglementation nous permettra à ce moment-là... nous donne des avantages stratégiques. Et on n'est pas de cette formation politique, ici, qui se contente de regarder passer le train. Nous voulons être fin prêts pour embarquer puis être à la tête de ce peloton-là parce qu'on veut que le Québec devienne la plaque tournante en matière énergétique dans toute l'Amérique du Nord.

M. le Président, je terminerai également en vous disant que l'efficacité énergétique, l'agence que nous créons, je suis convaincu qu'elle sera à la tête d'une industrie de l'efficacité énergétique qui va se développer au Québec. Il nous faut compenser, M. le Président, l'abandon de grands travaux qui ne sont pas nécessaires, en fonction des surplus énergétiques. Mais je suis convaincu qu'avec l'imagination et la créativité des Québécois et avec cette agence... Et Hydro-Québec l'a démontré déjà en s'impliquant dans un programme d'efficacité énergétique de 400 000 000 $ qu'il a annoncé durant le Sommet.

Et nous avons annoncé la mise sur pied, déjà, du programme PRIME, qui constitue un progrès dans l'analyse de toutes les failles au niveau de l'enveloppe thermique, qui va permettre, au niveau de la rénovation domiciliaire, des travaux extraordinaires, très générateurs d'emplois, qui vont contribuer à compenser pour l'arrêt de grands projets que nous aurions aimé mettre de l'avant mais, de façon responsable, qu'on ne mettra pas de l'avant quand on a des surplus énergétiques.

C'est ça aussi, être responsable, comme gouvernement. Et je dois vous dire que, oui, c'est avec fierté que cette formation politique là applique un des chapitres de son programme, puisque, dès août 1993, nous avions tous les éléments que nous retrouvons dans cette politique énergétique, nous les trouvions dans le programme de notre parti. Et je suis très heureux de me faire le porte-parole de ce parti très militant. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Président: Toujours au chapitre des déclarations ministérielles, M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.


Constitution du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, dans un geste sans précédent de solidarité envers les plus démunis, tous les participants et les participantes au Sommet sur l'économie et l'emploi ont donné leur accord à la constitution d'un fonds spécial de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Ce fonds disposera de quelque 250 000 000 $ et permettra au gouvernement d'accentuer les mesures de retour à l'emploi en particulier.

En facilitant l'accès à l'emploi, ce fonds permettra de combattre la pauvreté en favorisant la réinsertion au travail des personnes les plus démunies. Sa mise en place témoigne du souci exprimé par les participants au Sommet de ne pas faire assurer les efforts de réduction du déficit par les plus pauvres de notre société.

Dès la clôture du Sommet, le gouvernement s'est engagé à donner suite très rapidement à ce consensus en faveur des plus démunis. C'est pourquoi j'ai le plaisir d'annoncer aujourd'hui la mise en place du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Ce fonds sera placé sous la responsabilité du gouvernement, mais un comité aviseur, formé notamment de représentants du secteur sociocommunautaire, fournira au gouvernement des avis sur l'affectation prioritaire des contributions versées.

On se souviendra qu'au Sommet sur l'économie et l'emploi la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics avait proposé la création d'un fonds pour financer l'ensemble des projets approuvés au Sommet. Cette proposition n'a pas été retenue. Cependant, l'approche de financement qui avait alors été suggérée m'est apparue intéressante, et j'ai décidé de m'en inspirer pour financer le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Les particuliers et les entreprises seront donc appelés à contribuer en parts égales au financement de ce fonds. Cette contribution de solidarité s'élèvera à environ 250 000 000 $ sur trois ans, soit 125 000 000 $ provenant des particuliers et 125 000 000 $ provenant des entreprises.

J'ai tenu par ailleurs à m'assurer que les particuliers qui n'ont pas de ressources suffisantes soient exemptés du paiement de la contribution de solidarité. Pour les autres, j'annonce la mise en place d'une contribution équivalant à environ une heure de travail rémunéré par année. Pour y parvenir de la façon la plus simple possible et ne pas ajouter une annexe complexe à la déclaration de revenus, cette contribution sera égale en fait à 0,3 % de l'impôt à payer. Elle sera payable pour la première fois à l'égard des revenus gagnés en 1997.

Une approche similaire a été retenue pour mettre à contribution les sociétés, les entreprises. Cette approche tient compte de leur rentabilité tout en étant simple d'application. Ainsi, la contribution exigible des sociétés sera égale à 2,8 % de leur impôt à payer pour l'année. De plus, une contribution additionnelle sera exigible des sociétés reconnues comme des institutions financières, notamment les banques et le Mouvement Desjardins, pour l'application de la taxe sur le capital. Elle sera égale à 3 % de la taxe sur le capital payable pour l'année sur le capital versé. Cette contribution des sociétés, y compris celle des institutions financières à l'égard de la taxe sur le capital, sera payable pour toute année ou partie d'année d'imposition comprise dans la période de trois ans commençant demain. Enfin, les déductions à la source et les acomptes provisionnels devront être ajustés afin de tenir compte de cette contribution à compter de janvier 1997.

M. le Président, les mesures annoncées aujourd'hui appuieront les efforts de ceux et celles qui souhaitent réintégrer le marché de l'emploi et ainsi échapper à la pauvreté. Elles constituent un exemple sans précédent, je crois, de solidarité. En effet, peu de sociétés au monde accepteraient, de manière consensuelle, de faire un tel effort de solidarité pour aider les plus démunis. Au Québec, tous les groupes se sont rangés derrière cette action: les syndicats, le patronat, les milieux financiers, les groupes sociocommunautaires ainsi que le monde municipal. C'est donc dire que la poursuite d'un idéal social élevé est possible, même en période économique et financière difficile. C'est possible, en tout cas, dans le Québec que nous construisons.

Des voix: Bravo!

Le Président: Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de Laporte.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. C'est un triste jour pour le Québec que celui où le gouvernement nous annonce l'imposition d'une nouvelle taxe. Il fut un temps où le caucus ministériel, lorsque nous étions de l'autre côté, applaudissait les baisses d'impôts, mais je n'ai jamais entendu un caucus applaudir des hausses de taxes. C'est une première pour moi.

Si l'objectif recherché par le gouvernement est louable, c'est-à-dire lutter contre la pauvreté, le moyen utilisé, quant à lui, est carrément mauvais. Cette nouvelle taxe, elle s'ajoute à une avalanche de nouvelles taxes que le gouvernement a fait pleuvoir sur les Québécois et les Québécoises au cours des derniers mois et des deux dernières années. Qu'on se souvienne, pour fins de mémoire, que, dans le dernier budget du ministre des Finances, le ministre nous avait annoncé de nouvelles taxes: 24 000 000 $, pour l'an prochain, pour les personnes vivant seules, sous forme d'abolition du crédit d'impôt; 26 000 000 $ pour l'abolition du crédit d'impôt en raison d'âge; 22 000 000 $ pour revenus de retraite; 17 000 000 $ qui provient des cotisations syndicales, des cotisations professionnelles et des associations artistiques; 18 000 000 $ dans le Fonds de solidarité; et 10 000 000 $ pour l'aide fiscale à la retraite. Ça, c'était dans le dernier budget du gouvernement.

(14 h 30)

M. le Président, dans le budget précédent, le ministre des Finances avait fait mieux, avait imposé des sommes qui, pour l'année prochaine, vont totaliser 609 000 000 $ dans les hausses des taxes sur la masse salariale. Ceci s'ajoute aux hausses de taxes sur le tabac, à deux reprises d'ailleurs: une fois pour le passé, et on nous en annonce une nouvelle bientôt. L'augmentation des tarifs d'Hydro-Québec de 2,5 %, alors que l'augmentation du coût de la vie est à peine de 1 %; les taxes à Hydro-Québec, les frais de service, 17 000 000 $; les coupures aux municipalités, qui vont refiler la facture aux citoyens, 115 000 000 $; coupures aux commissions scolaires, 77 000 000 $, qui vont bien sûr refiler les factures aux citoyens; l'assurance-médicaments, 196 000 000 $ de nouvelles taxes; les immatriculations, 13 000 000 $; les permis de conduire, 4 300 000 $; les forfaits touristiques, 10 000 000 $ de plus; les taxes sur les nuitées de chambre d'hôtel, 25 000 000 $ de plus. Et on nous annonce maintenant une nouvelle taxe. J'en passe, le temps me manque.

M. le Président, si le gouvernement voulait créer un nouveau fonds, l'opposition n'a aucune objection à créer un fonds pour lutter contre la pauvreté mais pas sous forme d'une nouvelle taxe. Les Québécois en ont trop, de nouvelles taxes, et cette taxe-là, elle frappe tout le monde. Ils n'en mourront pas tous, mais tous seront frappés, les individus comme les entreprises. Et nous n'avons aucune garantie que cette taxe-là n'ira pas directement dans le fonds consolidé pour tenter de prendre le relais de programmes que le gouvernement est en train d'abolir, comme par exemple le programme FAIM, au ministère de l'Emploi, dont on nous annonce la fin. Un programme se termine: on en financera un nouveau par la nouvelle taxe.

M. le Président, ce gouvernement-là est un gouvernement qui est le champion des baisses. Baisse dans les investissements: on a vu que les investissements au Québec, investissements étrangers, ne sont que de 9 % de tous les investissements au Canada; les investissements privés, 17 % par rapport à notre population, qui est de 25 % du Canada. Cette baisse dans les investissements amène des baisses dans l'emploi. On nous avait annoncé 45 000 nouveaux emplois, on en a 54 000 de moins depuis l'arrivée de ce nouveau gouvernement là. La baisse dans les emplois, elle amène une baisse des revenus du gouvernement, qui a constaté une absence de quelque 300 000 000 $ à 400 000 000 $ lors du dernier rapport trimestriel. Donc, baisse des investissements, baisse des emplois, qui amène des baisses de revenus.

Alors, le gouvernement, qu'est-ce qu'il fait? Il impose de nouvelles taxes. C'est le cercle vicieux. Les nouvelles taxes, qu'est-ce qu'elles vont faire? Elles vont amener encore moins d'investissements, encore moins d'emplois et encore moins de revenus pour le gouvernement.

M. le Président, je ne sais pas en vertu de quelle politique économique le gouvernement s'éclaire, mais ça m'apparaît des politiques de son principal conseiller financier, M. Gérald Larose. Le gouvernement fait fuir les investissements, on le sait. Et ces investissements-là, ils fuient parce que le gouvernement n'arrête pas de menacer les investisseurs avec ses déclarations sur la question linguistique et en maintenant la menace de la séparation.

M. le Président, je conclus que le Québec n'est pas un Québec solidaire, c'est un Québec qui va être solitaire devant l'avalanche de nouvelles taxes. S'il est vrai que l'impôt tue l'emploi, ce nouvel impôt augure très mal pour établir un climat propice à la création d'emplois. Merci.

Le Président: Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole au vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances, pour sa réplique.


M. Bernard Landry (réplique)

M. Landry (Verchères): M. le Président, quand le député de Laporte a dit que ce jour était un triste jour pour le Québec, je ne le croyais pas. Mais, maintenant que j'ai entendu sa déclaration, j'en suis persuadé parce que ce qu'il a dit est d'une tristesse misérable, et pour deux raisons.

Premièrement, tout ce que j'ai évoqué dans ma déclaration a été l'objet d'un consensus socioéconomique sans précédent dans l'histoire du Québec, à une table où l'opposition officielle était présente et n'a pas eu le courage de souffler un mot de ses propos scandalisés d'aujourd'hui. C'était le temps de le dire, à la face des riches comme des pauvres, que vous étiez contre la solidarité québécoise et la lutte à la pauvreté.

Vos rires aux sonorités inqualifiables ne qualifieront pas la seconde tristesse de vos propos. La dernière fois, j'ai dit au député de Laporte qu'il avait du culot d'évoquer les impôts et les taxes, mais je l'ai dit, je le confesse, sous le coup de l'emportement et j'aurais pu être plus précis. Aujourd'hui, j'ai apporté ma liste, et vous allez voir que j'avais raison de dire que ces gens-là ont du culot quand ils parlent de taxes et d'impôts. En un seul budget... Nous avons en face de nous les inventeurs de l'impôt rétroactif, d'ailleurs. Ça va traîner dans tous les manuels de science économique en Occident, que le Parti libéral du Québec a trouvé cette technique fiscale singulière. Bien, une grande partie du 3 000 000 000 $ que vous avez collecté en un seul budget, 3 600 000 000 $, deux fois plus que les modestes mesures que je propose pour combattre la productivité, multiplication par douze, dont une partie rétroactive devrait vous rendre beaucoup plus nuancés quand vous critiquez les impôts et les taxes des autres. Et je n'ai pas mentionné – et, encore une fois, j'ai ma liste – 283 000 000 $ en 1991, 471 000 000 $ en 1992, 42 000 000 $ en 1991, 411 000 000 $ en 1993, 240 000 000 $ en 1993, 123 000 000 $ en 1993, 150 000 000 $ pour le service de santé, sans compter que vous avez fait main basse sur les surplus de la SAAQ de 275 000 000 $, 675 000 000 $ et 325 000 000 $.

Je pense que vous auriez dû vous joindre à nous pour saluer la solidarité québécoise vis-à-vis des plus démunis plutôt que d'essayer de jouer d'une façon inélégante, ce que j'admets être le rôle ingrat de l'opposition officielle.

Le Président: Nous en arrivons maintenant à l'étape de la présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre d'État des Ressources naturelles.


Document intitulé «L'énergie au service du Québec: une perspective de développement durable»

M. Chevrette: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le document intitulé «L'énergie au service du Québec: une perspective de développement durable».

Le Président: Alors, le document est déposé. Mme la ministre de l'Éducation.


Rapports annuels du ministère de l'Éducation et de l'Université de Montréal

Mme Marois: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer les rapports annuels 1995-1996 suivants: celui du ministère de l'Éducation de même que celui de l'Université de Montréal, les volumes I et II.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité.


Certificat actuariel relatif au projet de loi n° 54

Mme Harel: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le certificat actuariel relatif au projet de loi n° 54, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec.

Le Président: Ce document est déposé. J'invite maintenant le leader du gouvernement.


Réponses à des questions inscrites au feuilleton

M. Bélanger: M. le Président, je dépose les réponses aux questions 11 et 12 inscrites au feuilleton par le député de Papineau.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés.

Au dépôt de rapports de commissions...

Une voix: M. le Président...

Le Président: Je regrette, je pense qu'on a déjà, à plusieurs reprises, statué qu'à cette étape-ci – et ça évite bien des problèmes si on se conforme de façon stricte au règlement – il n'y a pas possibilité pour quelqu'un d'autre qu'un membre du gouvernement de déposer un document. M. le leader de l'opposition officielle, c'est une question de règlement?

M. Paradis: Tout en respectant votre décision, M. le Président, sauf s'il y a consentement de part et d'autre, et je pense que, si vous vérifiez les précédents, vous allez constater que plusieurs de vos prédécesseurs, sinon vous-même à certaines occasions, lorsque vous constatiez le consentement de part et d'autre, les dépôts de documents ont été permis. Il s'agit d'un document ministériel promis par le...

Le Président: Écoutez... M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je voudrais aviser le leader de l'opposition qu'il n'y aura aucun consentement pour qu'un député de l'opposition dépose un document à cette période.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Il ne s'agit pas du dépôt d'un document par un député de l'opposition, il s'agit du dépôt d'un document par...


Dépôt de rapports de commissions

Le Président: Alors, on est rendu au dépôt de rapports de commissions. M. le vice-président de la commission des institutions, M. le député de l'Acadie.


Étude détaillée du projet de loi n° 47

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 26 novembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 47, Loi modifiant la Loi sur le paiement de certaines amendes. La commission a adopté le projet de loi sans amendement.

Le Président: Alors, le rapport est déposé. Mme la présidente de la commission de l'éducation et députée de Chicoutimi.


Étude détaillée du projet de loi n° 45

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé le 21 novembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 45, Loi sur les fondations universitaires. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements. Je vous remercie.

(14 h 40)

Le Président: Le rapport est également déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Frontenac.


Maintenir les loyers dans les logements sociaux à 25 % des revenus des locataires, augmenter leur nombre et assurer la protection des HLM

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 123 pétitionnaires, locataires de HLM du comté de Frontenac.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Étant donné que le gouvernement du Québec s'apprête à réviser ses programmes en habitation et que certaines des mesures envisagées menacent directement plus de 800 000 ménages à faibles revenus déjà très affectés par d'autres compressions budgétaires, entre autres:

«Augmentation importante des loyers dans les HLM, les coopératives et autres logements sans but lucratif, et ce, afin de puiser 50 000 000 $ dans les poches de 85 000 locataires;

«Retrait graduel du financement de nouveaux logements sociaux;

«Abolition du remboursement d'impôts fonciers afin de récupérer 133 000 000 $ auprès de 724 000 ménages;

«Transfert de la propriété des HLM aux municipalités sans aucune mesure garantissant qu'ils ne pourront être privatisés;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir afin de: maintenir les loyers dans les logements sociaux à 25 % des revenus des locataires; maintenir et augmenter le nombre de logements sociaux réalisés chaque année; sauvegarder le remboursement d'impôts fonciers; assurer la protection intégrale des HLM et le traitement équitable des locataires de ces logements où qu'ils demeurent au Québec par le maintien de normes strictes.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition à l'Assemblée nationale par les regroupements POPIR-Comité logement ainsi que le regroupement Projet Saint-Charles-Comité logement, pétition signée par 3 800 citoyennes et citoyens du comté de Saint-Henri–Sainte-Anne.

«Étant donné que le gouvernement du Québec s'apprête à réviser ses programmes en habitation et que certaines des mesures envisagées menacent directement plus de 800 000 ménages à faibles revenus déjà très affectés par d'autres compressions budgétaires:

«Augmentation importante des loyers dans les HLM, les coopératives et les autres logements sans but lucratif afin de puiser 50 000 000 $ dans les poches de 85 000 locataires;

«Retrait graduel du financement de nouveaux logements sociaux;

«Abolition du remboursement d'impôts fonciers afin de récupérer 133 000 000 $ auprès de 724 000 ménages;

«Transfert de la propriété des HLM aux municipalités sans aucune mesure garantissant qu'ils ne pourront être privatisés et que les droits des locataires seront protégés;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir afin de: maintenir les loyers dans les logements sociaux à 25 % des revenus des locataires; maintenir et augmenter le nombre de logements sociaux réalisés chaque année; sauvegarder le remboursement d'impôts fonciers (RIF); assurer la protection intégrale des HLM et le traitement équitable des locataires de ces logements où qu'ils demeurent au Québec par le maintien de normes nationales strictes.»

M. le Président, je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition. Merci.

Le Président: Cette pétition est également déposée. M. le député de Châteauguay, maintenant.

M. Fournier: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 500 pétitionnaires, citoyennes et citoyens.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Étant donné que le gouvernement du Québec s'apprête à réviser ses programmes en habitation et que certaines des mesures envisagées menacent directement plus de 800 000 ménages à faibles revenus déjà très affectés par d'autres compressions budgétaires:

«Augmentation importante des loyers dans les HLM, les coopératives et les autres logements sans but lucratif afin de puiser 50 000 000 $ dans les poches de 85 000 locataires;

«Retrait graduel du financement de nouveaux logements sociaux;

«Abolition du remboursement d'impôts fonciers afin de récupérer 133 000 000 $ auprès de 724 000 ménages;

«Transfert de la propriété des HLM aux municipalités sans aucune mesure garantissant qu'ils ne pourront être privatisés et que les droits des locataires seront protégés;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir afin de: maintenir les loyers dans les logements sociaux à 25 % des revenus des locataires; maintenir et augmenter le nombre de logements sociaux réalisés chaque année; sauvegarder le remboursement d'impôts fonciers (RIF); assurer la protection intégrale des HLM et le traitement équitable des locataires de ces logements où qu'ils demeurent au Québec par le maintien de normes nationales strictes.»

Je certifie, M. le Président, que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est aussi déposée. Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 79 pétitionnaires, citoyens et citoyennes de Matapédia.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le gouvernement du Québec s'apprête à réviser ses programmes en habitation et que certaines des mesures envisagées menacent directement plus de 800 000 ménages à faibles revenus déjà très affectés par d'autres compressions budgétaires;

«Considérant l'augmentation importante des loyers dans les HLM, les coopératives et les autres logements sans but lucratif afin de puiser 50 000 000 $ dans les poches de 85 000 locataires;

«Considérant le retrait graduel du financement de nouveaux logements sociaux;

«Considérant l'abolition du remboursement d'impôts fonciers (RIF) afin de récupérer 133 000 000 $ auprès de 724 000 ménages;

«Considérant le transfert de la propriété des HLM aux municipalités sans aucune mesure garantissant qu'ils ne pourront être privatisés et que les droits des locataires seront protégés;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir afin de: maintenir les loyers dans les logements sociaux à 25 % des revenus des locataires; maintenir et augmenter le nombre de logements sociaux réalisés chaque année; sauvegarder le remboursement d'impôts fonciers (RIF); assurer la protection intégrale des HLM et le traitement équitable des locataires de ces logements où qu'ils demeurent au Québec par le maintien de normes nationales strictes.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition. Merci.

Le Président: Cette pétition est déposée. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Toujours dans le thème de la solidarité de ce gouvernement envers les plus démunis de la société...

Le Président: Alors, je vous invite à faire comme vos collègues précédemment et à vous en tenir à la pétition et au texte réglementaire, M. le député.


Exempter les personnes à faibles revenus du programme d'assurance-médicaments

M. Copeman: J'ai l'honneur de déposer, M. le Président, l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 200 pétitionnaires de la région de Montréal, principalement du comté de Notre-Dame-de-Grâce.

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«We, the undersigned, residents of the Province of Québec, do hereby petition the National Assembly to instruct that the Government of Québec exempt those individuals and families whose annual incomes are below the poverty line from any payment of a premium, deductible or co-insurance applicable under Bill 33, An Act respecting prescription drug insurance.

«Nous, soussignés, résidents du Québec, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du gouvernement du Québec afin qu'il exempte tout individu ou famille dont le revenu annuel est au-dessous de l'indice de pauvreté du Québec, de la prime, de la franchise et de la co-assurance applicables selon la loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments.»

Je certifie, M. le Président, que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est également déposée.

Il n'y a pas d'interventions aujourd'hui portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales M. ministre délégué aux Relations avec les citoyens et à l'Immigration répondra à une question posée le 20 novembre dernier par M. le député de l'Acadie, concernant les dépenses de taxi et d'abonnement à des périodiques de son ministère. M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et à l'Immigration répondra également à une question posée le lendemain, 21 novembre, par M. le député de l'Acadie, concernant les frais de voyage de son ministère.


Questions et réponses orales

Nous en arrivons maintenant à la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Priorités gouvernementales en matière économique à la suite du dernier congrès du PQ

M. Johnson: Oui, M. le Président. Comme tout le monde, je souhaite la bienvenue au premier ministre et j'espère qu'il va être avec nous jusqu'à la fin de la semaine. Parce que j'ai remarqué, en regardant le feuilleton, qu'il peut y avoir des votes cette semaine, et en général il y a à peine 63 % des députés dans cette Chambre qui votent comme le premier ministre; j'espère que ça va l'inciter à rester quand même, même si ce n'est pas unanime.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: J'ai vu...

(14 h 50)

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Oui, M. le Président, et j'ai compris que le résultat était pas mal plus serré que ça dans les délégations de comté de certains ministres, samedi et dimanche.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Ce qui est toujours un peu désolant dans le scénario que le PQ, le parti gouvernemental, nous inflige, c'est tous ces discours autour de la tolérance et de la démocratie, qui nous amènent même à des situations incongrues où le premier ministre invoque et parle comme René Lévesque, qui, lui, était tolérant et un démocrate, alors que le premier ministre semble agir davantage comme Maurice Duplessis. Le premier ministre ne comprendra peut-être pas l'allusion, lui qui a été membre de tous les partis au Québec, sauf de l'Union nationale.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Il n'y a qu'une personne qui a la parole pour le moment, c'est le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, on a vu que les priorités auxquelles se sont attaqués les délégués à la convention du Parti québécois tournaient autour de...

Des voix: Congrès.

M. Johnson: Congrès, congrès. Tout le monde a compris, là. Peu importe l'appellation, c'est toujours le même scénario, tout le monde le connaît. Les priorités du parti ministériel, du parti gouvernemental tournent autour de la souveraineté du grand soir, du partenariat illusoire et d'un tas d'éléments qui n'ont rien à voir avec les préoccupations de tous les jours des Québécois. On dirait que le parti gouvernemental continue à vivre dans une bulle qu'il nous dépose, et c'est ça que le premier ministre a maintenant devant lui, c'est ce qu'il avait en fin de semaine: un programme politique qui est essentiellement, en matière économique, le recyclage du programme de 1994 dont on connaît les effets sur l'emploi au Québec.

Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire comment ou sa performance, ou les décisions, ou les votes, ou les discours de la fin de semaine au Centre des congrès ont permis d'améliorer la situation économique des Québécois, d'améliorer les perspectives pour l'emploi et d'améliorer les perspectives d'investissement au Québec? Comment le scénario de la fin de semaine a-t-il amélioré la qualité de vie des Québécois?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je remercie le chef de l'opposition de ses bons mots sur le congrès de la fin de semaine. Je sais qu'il va lui-même faire face à un vote de confiance de la part de son parti lors de son prochain congrès.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Bien sûr, nous savons qu'il part d'avance avec l'appui de son leader parlementaire; pour les autres, on n'est pas certain.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Oh la la, la la!

M. Bouchard: Mais je peux dire au chef de l'opposition, M. le Président, que je suis très fier de ce congrès, où le Parti québécois, dans un exercice de grande démocratie transparente, a adopté des décisions qui ont donné lieu à des débats vigoureux, mais qui ont abouti sur un programme qui prépare le Québec à entrer dans le troisième millénaire en pays libre, en pays souverain, en pays qui va relancer l'emploi, qui va assainir les finances publiques, avec également une vue modérée de ce que nous devons faire pour établir l'harmonie linguistique et sociale au Québec. Je suis très fier de ses décisions, c'est un grand parti démocratique et c'est un parti qui va mener le Québec loin.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: M. le Président, je repose ma question au premier ministre: Comment le recyclage du programme de 1994 en matière économique, qui comporte une vingtaine de pages dans les propositions qui ont été envisagées, qui, pour le tiers, font état de structures par-dessus structures en matière d'emploi et qui retournent aux credos les plus nostalgiques de la CSN en ce qui concerne le développement économique du Québec, comment le programme du Parti québécois qui a été voté ou considéré en fin de semaine a-t-il amélioré – tout de suite, là, pas dans le quatrième millénaire, tout de suite – le sort économique des Québécois et la prospérité du Québec?

Une voix: Star Trek .

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le programme du parti est déjà bien connu, d'autant plus que nous sommes en train de le mettre en oeuvre. C'est un programme qui repose sur le sens des responsabilités, qui bien sûr rencontre des difficultés parce qu'il doit réparer de terribles erreurs qui ont été commises. Je suis toujours étonné de voir avec quel aplomb le chef de l'opposition ose parler du programme économique et du programme financier du gouvernement quand on sait qu'il a lui-même dirigé un gouvernement qui, à sa dernière année de pouvoir, a conclu au déficit le plus important dans l'histoire du Québec, un déficit qui approchait les 6 000 000 000 $.

Une voix: Oui.

M. Bouchard: Et il se surprend que nous devions prendre des mesures difficiles pour redresser la situation. Oui, M. le Président, un programme de santé financière, un programme de relance de l'emploi, un programme d'ouverture des marchés, un programme de création des conditions propices à l'investissement, un programme de ralliement de tous les Québécois.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que le premier ministre, au lieu de ressasser ce que lui souffle encore et toujours son vice-premier ministre, pourrait se rappeler, d'une part, qu'il y a 77 000 emplois qui ont été créés en 1994, au lieu qu'il s'en perde 55 000, première des choses?

Deuxièmement, et surtout, est-ce que le premier ministre pourrait nous dire où, dans le programme qui a été voté par les délégués de son parti en fin de semaine, on retrouve autre chose que le recyclage du programme de 1994 dont la mise en vigueur ou dont le manque de vigueur – on dira ce qu'on voudra – a fait en sorte que, depuis que lui est premier ministre, il se soit perdu 55 000 jobs au Québec? Où trouve-t-il la voie de l'avenir puis de la prospérité pour les Québécois dans le programme de son parti?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, d'abord je voudrais rappeler au chef de l'opposition, qui cite toujours des chiffres, que cette année nous avons en moyenne 14 000 emplois de plus que l'an dernier, d'abord. Deuxièmement, s'il veut avoir une idée de la façon dont les gens évaluent les résultats du congrès de la fin de semaine, il devrait savoir que ce matin, sur les marchés financiers, sur les marchés canadiens, le Québec a écoulé 400 000 000 d'obligations du Québec dans l'espace de 10 minutes.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Il nous annonce ça comme si c'était une grosse nouvelle. Est-ce que le premier ministre...

Des voix: Aïe!

M. Johnson: Non, non, c'est vrai. Franchement, là, franchement. Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire à quel endroit, dans le programme de son parti, à quel endroit, en matière économique, dans quelle section de ce qui a été discuté en fin de semaine on retrouve de l'espoir pour les Québécois, on retrouve autre chose qu'une nostalgie pour un temps révolu et on trouve autre chose que les conseils de Gérald Larose et de ses amis?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, oui, c'est vrai que nous avons un programme; oui, c'est vrai que nous avons établi les paramètres d'un développement économique pour le Québec, d'un développement social, d'un développement pour la souveraineté, l'atteinte de la plénitude de son destin; tandis que je connais d'autres partis, dont celui que dirige le chef de l'opposition, qui n'ont pas de programme.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Oui. M. le Président, un programme, nous autres, c'est sur l'emploi, ce n'est pas sur la souveraineté. Ça existe, ça existe. Oui, oui, ça existe. Et, si c'est tout ce qu'il reste au premier ministre à nous dire, là, si c'est...

Une voix: ...

(15 heures)

M. Johnson: Merci. Si c'est tout ce qu'il reste en matière de programme économique, c'est d'évoquer le programme des autres, comme en matière linguistique, si je comprends bien, c'est le programme des autres...

Des voix: Bravo!

M. Johnson: Si le premier ministre voulait véritablement doter son parti d'un programme politique moderne en matière économique, est-ce que ce n'est pas sur le volet économique qu'il aurait dû faire son coup de force contre son parti, en fin de semaine?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, j'entends le chef de l'opposition tenter d'élaborer des jugements négatifs sur la politique économique du gouvernement. Je voudrais le référer à un jugement pas mal plus impartial et pas mal plus crédible, celui qui est émis par l'OCDE, qui est la grande agence internationale pour évaluer les performances économiques des différents pays. Récemment, dans un rapport de l'OCDE, on fait une référence explicite au comportement des finances québécoises et on dit qu'on a fait de louables progrès pour inscrire notre déficit budgétaire sur une pente nettement décroissante. On mentionne que cet effort de gestion publique était extrêmement nécessaire pour atténuer les tensions sur tous les terrains, et on fait référence, en citation, à la différence de l'évolution observée au début des années quatre-vingt-dix. C'était évidemment un doigt pointé directement sur le chef de l'opposition et son gouvernement qui, pendant six années consécutives, a défoncé ses prédictions de déficit.

Le Président: En complémentaire, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui. Merci, M. le Président. Le premier ministre, qui se disait fier de son parti, est-il d'accord avec les propos du député de Vachon, qui disait: Je ne suis pas fier d'être péquiste, du ministre de l'Énergie, qui disait: C'est un parti immature, et du leader du Bloc québécois, Gilles Duceppe, qui disait: C'est un parti qui est déconnecté de la réalité, son ami du Bloc québécois à Ottawa?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Le député fait des allusions très spécifiques à des remarques très marginales qui sont venues enrichir l'ensemble d'un débat...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: ...très vigoureux qui témoigne de la vivacité, qui témoigne de la vigueur de la démocratie québécoise, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, en complémentaire. Est-ce que le premier ministre a pris connaissance du nombre de nouveaux organismes, dans à peu près tous les domaines, qui sont créés par le programme de son parti? Et, puisque ce sont de si bonnes idées, est-ce que, lui, il a l'intention dans les prochains mois de créer toutes ces nouvelles commissions, ces nouveaux bureaux, ces nouveaux secrétariats dans à peu près tous les domaines pour multiplier les organismes qui vont grossir le gouvernement?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je pense que tout le monde sait que le gouvernement... et la pensée profonde du Parti québécois, c'est de rationaliser l'existence des agences et organismes et que les organismes nouveaux sont créés par le gouvernement, par l'aile gouvernementale du Parti québécois, et que ce gouvernement est plutôt en train d'en enlever que d'en ajouter.

Le Président: En principale, M. le député de Chomedey.


Nomination d'anciens sympathisants du FLQ à de hautes fonctions

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Le 5 mai 1966, au nom d'une cause, une travailleuse, Mme Thérèse Morin, a été tuée dans l'explosion d'une bombe felquiste chez chaussures La Grenade. Six autres personnes furent blessées, dont une femme enceinte. En 1970, le ministre du Travail du Québec était sauvagement assassiné au nom de cette même cause par le FLQ. Aujourd'hui, les auteurs de ces crimes atroces sont nommés par le gouvernement à de très hautes fonctions, soit celles de juge et de sous-ministre.

Rappelons, M. le Président, que, au terme d'un document que le premier ministre a déposé lors de sa nomination en janvier 1996, c'est, dans notre société, une des fonctions primordiales du ministère du Conseil exécutif dont il préside les desseins que de pourvoir à de bonnes nominations à ces fonctions-là afin d'assurer la confiance du public dans nos institutions.

Est-ce que le premier ministre, qui a lui-même recommandé l'engagement de celui qui a avoué avoir placé la bombe qui a tué Mme Thérèse Morin, peut nous dire s'il connaissait le passé de M. Gaëtan Desrosiers?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Non. Paul, tu continues.

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bégin: M. le Président, avant d'aller plus loin à l'égard de la question posée par le député de Chomedey, j'aimerais, à titre de ministre de la Justice, et je pense que c'est mon devoir de le faire, dire aux parlementaires ici réunis qu'il est très dangereux de contrevenir aux dispositions très strictes de la Loi sur les jeunes contrevenants, et aussi les conséquences d'une contravention à ces dispositions.

Ceci étant dit, M. le Président, les événements rapportés sont survenus en 1966, et la loi applicable de l'époque prévoyait à la défense de diffuser le nom et le délit commis pas un mineur par la combinaison de l'article 12 de la Loi sur les jeunes délinquants et l'article 126 du Code civil. Depuis l'entrée en vigueur, le 2 avril 1984, de la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est l'article 38 qui prévoit le régime de la protection de la vie privée des adolescents. Cette disposition interdit la diffusion par quelque moyen que ce soit du compte rendu...

Mais permettez-moi, M. le Président, de lire le texte de l'article 38 de la Loi sur les jeunes contrevenants:

«Sous réserve des autres dispositions du présent article, il est interdit de diffuser par quelque moyen que ce soit le compte rendu:

«a) d'une infraction commise par un adolescent ou imputée à celui-ci, à moins qu'une ordonnance n'ait été rendue à cet égard en vertu de l'article 16;

«b) d'une audition, d'un jugement, d'une décision, ou d'un appel concernant un adolescent qui a commis une infraction ou à qui elle est imputée.

«La présente interdiction ne s'applique, toutefois, que lorsque le compte rendu fait état du nom de l'adolescent, de celui d'un enfant ou d'un adolescent victime de l'infraction ou appelé à témoigner à l'occasion de celle-ci ou dans lequel est divulgué tout renseignement permettant d'établir l'identité de cet adolescent ou enfant.»

M. le Président, en vertu du paragraphe 2 de cet article, il est également dit: «Quiconque contrevient aux dispositions des paragraphes (1), (1.12), (1.14)...»

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre. D'abord, le gouvernement est libre des contenus de ses réponses, d'une part, sauf qu'il y a une règle et une pratique qui veulent que les réponses aient un temps limité et non pas indéterminé. Alors, M. le ministre, en conclusion.

M. Bégin: Alors, M. le Président, le paragraphe (2) de l'article 38 prévoit que «quiconque contrevient aux dispositions des paragraphes (1) – celui que je viens de lire – (1.12), (1.14) ou (1.15) commet:

«a) soit un acte criminel et est passible d'un emprisonnement maximal de deux ans;

«b) soit une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

«(3) Lorsqu'une personne est accusée d'une infraction visée à l'alinéa (2a), le juge de la Cour provinciale a compétence absolue pour instruire l'affaire, indépendamment du consentement de l'accusé.»

Et, M. le Président, en vertu de l'article 45, sous réserve des articles...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre. Encore une fois, le gouvernement est libre du contenu de ses réponses. Je vais vous indiquer, par ailleurs, M. le ministre, qu'il y a un temps imparti. C'est largement écoulé. À ce moment-ci, je vais céder la parole au député de Chomedey, pour une question complémentaire.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Tout en rappelant à mon collègue, le ministre de la Justice...

Des voix: Hé! Hé!

Le Président: En complémentaire, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: En question principale, M. le Président. Tout en rappelant à mon collègue, le ministre de la Justice...

Des voix: ...

(15 h 10)

Le Président: M. le député de Dubuc, le député de Chomedey est en principale, alors il a droit à un préambule. M. le député de Chomedey.


Nomination de M. Gaëtan Desrosiers au poste de sous-ministre adjoint du ministère d'État à la Métropole

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Tout en rappelant à mon collègue, le ministre de la Justice, que les faits que je viens de relater ont été exposés publiquement et relatés dans les journaux après l'atteinte de l'âge de la majorité par M. Gaëtan Desrosiers. Les autres faits auxquels, lui, il vient de faire allusion, par contre, sont couverts par le secret, et c'est lui qui n'aurait pas dû les nommer.

Une voix: C'est ça.

M. Mulcair: Est-ce que le premier ministre, qui la semaine dernière, en commentant la nomination de Richard Therrien comme juge, a dit: On peut penser que, si le ministre avait su, avait connu la question, avait connu les faits en question, il n'aurait pas nommé cette personne... Étant donné que c'est la nomination du premier ministre, en utilisant ses propres critères, est-ce qu'il est prêt à nous dire aujourd'hui si lui-même aurait nommé cette personne, s'il avait connu les faits en question?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, la question est hypothétique, et je pourrais très bien m'en tenir là. Je pourrais m'en tenir là. J'ajouterai une chose, par exemple, c'est que, si j'avais connu les faits et que j'avais eu à délibérer sur la question, je suis convaincu que j'aurais considéré très sérieusement celle de la réhabilitation. Il s'agit de quelqu'un qui avait, d'après ce qu'on entend dire, 16 ou 17 ans, il s'est écoulé maintenant 31 ans d'une vie de citoyen qui a été exemplaire, de quelqu'un qui a joué un rôle important dans le développement économique de Montréal, qui a été reconnu comme tel par des gens qui sont en face de moi...

Une voix: Oui.

M. Bouchard: ...qui a eu d'ailleurs des nominations de leur part. Je crois, M. le Président, que, comme Assemblée, nous devrions être capables de regarder toutes ces choses avec un certain recul et surtout avec un regard humain, et je suis convaincu que, sans conclure tout de suite ce que j'aurais fait, parce que je me serais donné un temps de réflexion, nous aurions considéré l'aspect réhabilitation et le droit d'un jeune de refaire sa vie.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Est-ce que le premier ministre peut nous expliquer le raisonnement qui lui permet de dire, dans ce cas où on parle d'avoir placé une bombe qui a provoqué la mort d'un être humain et de la réhabilitation... Alors que, dans le cas de Jean-Louis Roux, on pouvait remonter 52 ans en retard: pas de crime, croix gammée sur le sarrau, manif aussi répréhensible que ça puisse être, il fallait demander la tête de Jean-Louis Roux, lui est en train de nous parler de réhabilitation pour un fait et un geste d'une personne de 17 ans. Comment il fait le lien entre les deux? Comment il explique ce deux poids, deux mesures?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il n'y a aucune espèce de relation entre les deux questions, ne serait-ce que du point de vue des fonctions qui sont envisagées. Quand il s'agit d'une fonction qui est celle de représenter l'État, de symboliser en sa personne l'État du Québec, il y a une distinction à établir.

Deuxièmement, je ferai remarquer à l'opposition que le gouvernement n'est pas intervenu dans le débat concernant M. Roux pour demander la démission.

Une voix: Bien non.

M. Bouchard: Nous étions sur le point de prendre une décision le lendemain, mais c'est M. Roux lui-même qui a pris la décision à la place du gouvernement.

Une voix: Voilà!

Le Président: M. le chef de l'opposition, en complémentaire.

M. Johnson: Oui, M. le Président, au premier ministre, qui établit des distinctions: J'aimerais savoir si, par exemple... Je comprends que la question est hypothétique, mais il a répondu déjà à une question hypothétique qui touche le cas qui nous occupe. Est-ce que, dans les circonstances qu'on connaît, des antécédents, par exemple, du sous-ministre à Montréal, le premier ministre l'aurait quand même nommé juge à la Cour du Québec? Ou inversement est-ce que, comme dans le cas de M. Therrien, si c'est M. Therrien qui avait postulé le poste de sous-ministre, le premier ministre l'aurait nommé? Autrement dit, où est la différence et où est la distinction, dans l'esprit du premier ministre, lorsqu'il s'agit d'un geste de nomination à la magistrature et d'un geste de nomination à la haute fonction publique?

Contrairement à ce que le premier ministre a tenté d'alléguer, que quelqu'un de ce côté-ci aurait nommé M. Desrosiers, je lui confirme que je les nommais; je n'ai jamais nommé M. Therrien comme juge ni nommé M. Desrosiers comme sous-ministre.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition sait que nous discutons actuellement d'une chose extrêmement délicate, et j'ai regretté qu'il ait lui-même mentionné le nom d'une personne tout à l'heure dans sa question.

Des voix: Oui.

M. Bouchard: Mais ce que je dois dire à ce sujet, c'est que, dans le cas de M. Therrien, on aura remarqué que l'un des faits allégués, c'est que la présidente du comité de sélection a reproché à M. Therrien d'avoir omis de répondre positivement à une question qui lui était adressée au cours de l'audience de la commission, à savoir s'il avait eu des démêlés avec la justice. Et c'est un fait qui, à mon avis, va être interprété à la fois par le Barreau et par le Conseil de la magistrature. Et il me semble aussi qu'il y a une distinction entre rendre la justice dans un tribunal et occuper une fonction dans la gestion publique. Dans le cas de rendre la justice, peut-être que c'est une déformation d'avocat, mais il me semble qu'il y a des liens très étroits à établir avec la crédibilité qui doit naître des antécédents de quelqu'un qui rend justice et qui condamne d'autres personnes.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui, merci, M. le Président. Est-ce que le premier ministre peut nous dire si, à sa connaissance, personne membre du Conseil des ministres, que ce soit le ministre de la Sécurité publique, la ministre de l'Emploi, le ministre de la Métropole, la ministre de l'Éducation, n'était au courant des antécédents de M. Desrosiers?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je préférerais qu'on pose les questions directement aux personnes, le cas échéant, parce que, moi, je n'habite pas les esprits de tout le monde. Je n'ai pas entendu dire que les gens aient été mis au courant avant, mais ce que je sais, c'est que, moi, je n'étais pas au courant. Et je n'ai jamais entendu dire devant moi, au moment de cette nomination, qu'il y avait des faits du genre de ceux qui sont mentionnés dans cette Chambre. Et, si d'autres personnes veulent savoir ce que d'autres personnes savaient, qu'elles leur demandent.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Facile à dire, M. le Président. C'est le premier ministre qui préside le Conseil des ministres.

La question de mon collègue, je la répète peut-être en d'autres termes: Est-ce qu'à l'occasion de la nomination d'un sous-ministre les ministres présents ont soulevé le cas de la nomination du sous-ministre à Montréal et de ses antécédents, comme on avait posé la question à l'égard de savoir si, au Conseil des ministres, quelqu'un qui pouvait connaître les antécédents du juge Therrien l'avait mentionné? Est-ce qu'on doit comprendre de la réponse du premier ministre que personne autour de la table, qui était là ce jour-là, n'a soulevé quoi que ce soit des antécédents de la personne que le premier ministre, lui, a nommée? Et c'est lui qui signe.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je réponds que personne n'a soulevé quoi que ce soit qui ait pu faire référence à ce genre de fait.

Le Président: M. le député de Viau, en principale.


Nomination de M. Gilles Lagacé à la présidence de Québec-Transplant

M. Cusano: Merci, M. le Président. Québec-Transplant est l'organisme désigné par le gouvernement pour coordonner les transplantations au Québec. Fait étrange, M. le Président, son nouveau président, M. Gilles Lagacé, est élu par un coup de baguette magique juste avant l'annonce, de la part du ministre, du transfert de la transplantation pulmonaire du CHUM à l'hôpital Laval de Québec. Soulignons que cette élection de M. Lagacé est contestée par plusieurs membres de Québec-Transplant. Or, ce même M. Lagacé est aussi directeur général de l'hôpital Laval de Québec, co-auteur et co-signataire de l'entente de transfert imposée par le ministre de la Santé sur le CHUM.

Le ministre de la Santé ne trouve-t-il pas qu'il y a conflit d'intérêts dans le cas de M. Lagacé et entend-il, dans un geste de transparence et d'intégrité, demander la démission de ce dernier?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Je comprends bien, M. le Président. On continue dans l'habitude de faire des procès d'intention à tout le monde et de chercher des coupables où il n'y en a pas. C'est ce qu'on fait. On fait des procès d'intention à une personne, à ceux qui l'ont nommée, sans aucune justification. Il va falloir un jour que ceux qui accusent indirectement soient capables de prouver ce qu'ils avancent.

(15 h 20)

En attendant, je peux vous dire que, quand j'ai nommé... j'ai demandé à M. Lagacé de prendre la présidence pour le moment de Québec-Transplant, c'est qu'il y avait un certain nombre de problèmes qu'on m'avait signalés, que j'ai en même temps nommé un observateur du ministère pour faire une enquête et que j'attends un rapport dans les prochains jours. Et je pourrai dire en toute transparence quels problèmes il y a à Québec-Transplant et comment j'entends les corriger, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, ma question au ministre n'était pas sur l'enquête à Québec-Transplant.

Le Président: Il n'y a pas de débat, M. le député de Viau. Vous avez une question complémentaire, vous la formulez directement, s'il vous plaît.

M. Cusano: Est-ce que le ministre comprend que ma question n'était pas sur l'enquête à Québec-Transplant? Ma question porte sur le fait que par un coup de baguette magique à une réunion, lorsque seulement 11 membres sur 23 étaient présents, on a élu M. Lagacé. Ce faisant, le seul organisme au Québec habilité qui a l'expertise de se prononcer sur les propos du ministre, c'est Québec-Transplant. En ce faisant, en ayant M. Lagacé...

M. Bélanger: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, est-ce que vous pouvez peut-être expliquer au député de Viau que le mot «est-ce que» n'est pas un mot magique qui permet de mettre un préambule à la suite?

Le Président: Alors, M. le député de Viau, je vous invite, puisque vous avez déjà utilisé une partie importante du temps qui vous est imparti pour poser votre question complémentaire, à conclure votre question complémentaire et à ne pas faire un préambule déguisé.

M. Cusano: M. le Président, le ministre ne trouve-t-il pas que, par le fait que M. Lagacé est en conflit d'intérêts, puisqu'il est directeur général de l'hôpital Laval et qu'il est aussi porte-parole de Québec-Transplant, Québec-Transplant se trouve dans une situation où son porte-parole ne peut pas parler au nom de Québec-Transplant, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Je redis, M. le Président, qu'on fait là des procès d'intention et des accusations non fondées, et que très bientôt je serai en mesure, sur la base d'un rapport fait par un observateur du ministère, d'exposer clairement tous les conflits d'intérêts qui pourraient exister à Québec-Transplant et d'apporter les mesures correctives qui pourraient être nécessaires, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député d'Orford.


Coût d'une réception organisée par le ministère de l'Environnement et de la Faune

M. Benoit: Oui, M. le Président, au ministre de l'Environnement et de la Faune. Le 8 novembre dernier avait lieu au Holiday Inn de Sainte-Foy une réception à laquelle étaient présentes 221 personnes du ministère, dont 91 étaient fêtées. Notre compréhension est à l'effet que le transport de tout ce beau monde était défrayé par les payeurs de taxes du Québec, que les chambres étaient payées par les payeurs de taxes du Québec, que les repas étaient payés par les payeurs de taxes du Québec, que le vin était payé ainsi que les cadeaux par les payeurs de taxes du Québec, et le tout accompagné d'une chanteuse.

Le ministre peut-il nous indiquer...

Des voix: ...

Le Président: M. le député... M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Le ministre de l'Environnement et de la Faune peut-il nous confirmer le coût global de cette réception, M. le Président?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: M. le Président, j'ignore le nom de la chanteuse, j'ignore le nom... J'ignore cet événement. Je prendrai la question en délibéré. Je suis surpris d'une telle question, ceci étant dit, et je vais ramener l'information pertinente à cette Assemblée, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Benoit: Est-ce que le ministre peut nous confirmer que ni lui ni personne à son cabinet n'était au courant de cette réception? Alors qu'on coupe partout dans les services publics essentiels des Québécois qu'on se permette une telle dépense, M. le Président...

Le Président: M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: M. le Président, j'ignorais tout de cette activité; vous me l'apprenez. Je vais m'informer, m'enquérir et je vais répondre à ces questions lors de la prochaine Assemblée.

Le Président: M. le député de Richmond, en principale.


Création éventuelle d'un ministère des régions

M. Vallières: M. le Président, en avril dernier, lors de l'étude des crédits, le ministre responsable du Développement des régions nous parlait de son rêve de voir créer un ministère des régions. Surtout si on crée, disait-il, un ministère pour la région de Montréal, pourquoi l'ensemble des régions du Québec n'auraient pas leur ministère? Lors d'un débat en cette Chambre, en mai dernier, le ministre nous parlait, cette fois, de sa stratégie en quatre volets en matière de régionalisation, dont l'un consistait à créer un nouveau ministère: Oui, nous allons proposer la création d'un ministère, déclarait alors le ministre.

Les régions comprennent de plus en plus ce qu'avait voulu dire le premier ministre en mars 1996, à Rivière-du-Loup, alors qu'il blâmait à mots couverts le gouvernement pour son inaction. On lisait dans Le Soleil : «Je n'ai pas parlé des régions parce que je trouve qu'on en a trop parlé mais qu'on n'a rien annoncé de concret.»

Et ça continue, M. le Président. Pendant que le verbeux ministre du Développement des régions fait des discours, veut manipuler les structures en régions, à chaque jour nous perdons des emplois au profit d'autres provinces, notamment le Nouveau-Brunswick. Pendant que le ministre entreprend sa troisième année à se préparer, plusieurs régions sont aux prises avec un taux de chômage inacceptable, des investissements insuffisants, un exode dramatique de leur population.

Le ministre peut-il nous indiquer aujourd'hui s'il croit encore que la mise en place d'une structure gouvernementale additionnelle, soit un ministère des régions, continue d'être un des moyens privilégiés par son gouvernement pour relancer l'économie des régions du Québec?

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles et responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: M. le Président, tout d'abord, je voudrais dire dans un premier temps au député de Richmond qu'une structure, c'est un moyen. Ce n'est pas une fin en soi. La fin, c'est précisément ce qu'on a fait au sommet économique: c'est de réunir les partenaires du monde du travail et du monde patronal et qu'on travaille sur des projets concrets. Et c'est ce qui a été fait dans un large consensus sans la participation très, très fructueuse du Parti libéral québécois.

Deuxième chose, oui, il y aura un cadre de référence. Le premier ministre en a parlé. Il y a un comité ministériel qui s'y penche très sérieusement, et nous pensons qu'avant Noël nous pourrons rendre public un cadre de référence et que ce sera suivi par la suite d'un plan d'action très concret. Mais nous pensons qu'améliorer les structures, donner un guichet unique à des personnes ou à des entreprises, c'est quelque chose de fort important pour ne pas que le citoyen soit ballotté d'un endroit à un autre mais qu'il sache très bien où aller pour s'inscrire ou pour aller chercher l'information, l'aide et le soutien. Et ça sera fait, M. le Président. Nous aurons fait en quelques mois ce que le Parti libéral n'a pas réussi en neuf ans et demi.

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, le ministre doit répondre à la question que je lui ai posée. Est-ce que le ministre reconnaît qu'il y aura ou qu'il n'y aura pas la création d'un ministère, comme il s'y était engagé ici, en cette Chambre et également en dehors de cette Chambre?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, cette dimension a été étudiée en congrès et en commission. Ça a été voté effectivement comme l'aboutissement du plan d'action gouvernemental en matière de développement économique des régions. C'est au gouvernement à décider. Moi, j'ai des orientations que je fais valoir au gouvernement, et, solidairement avec le gouvernement, nous prendrons les décisions qui s'imposent. Mais je peux vous dire que le minimum que nous ferons sera de beaucoup supérieur, pour ne pas dire le quintuple de ce que le Parti libéral a pu faire en neuf ans et demi.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, le ministre responsable du Développement des régions a déjà annoncé un ministère ici, en cette Chambre. Est-ce que le premier ministre peut nous indiquer, compte tenu des propos que j'entends du ministre, quand on va y assister et qui va le présider? Et, en cela, est-ce que le premier ministre peut, par la même occasion, nous indiquer comment il va concilier sa réponse avec la recommandation du Groupe de travail régions-municipalités lors du dernier sommet qui, lui, privilégiait une formule de souplesse et d'efficacité et que l'interface créée en région relève plutôt du Conseil exécutif, du premier ministre et non d'un ministère, comme proposé par son parti, semble-t-il, avec ce que vient de nous annoncer le ministre responsable du Développement des régions?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Comme l'a dit le ministre avec beaucoup de justesse, nous sommes en train d'élaborer le cadre d'action dont les éléments seront annoncés, je crois, d'ici la fin de la session, donc avant les Fêtes, et nous ne sommes pas en train de multiplier les structures. Nous voulons les réduire et les simplifier.

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, en additionnelle. Est-ce que le premier ministre peut nous indiquer ce qu'il entend faire pour créer un environnement économique qui permettra d'éviter que des entreprises créatrices d'emplois quittent par dizaines les régions du Québec pour prendre de l'expansion ailleurs, comme au Nouveau-Brunswick?

M. le Président, au premier ministre: À quand le début du commencement de l'ombre d'une action concrète pour le développement des régions, contrairement à la préparation de plus de deux ans que s'est donnée son ministre responsable du Développement des régions et qui n'accouche à rien à part qu'à des discours qui ne débouchent sur aucune action concrète pour préserver les emplois dans les régions et en créer?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, nous sommes précisément à bâtir un plan d'action qui vise... M. le Président, vous avez le même...

(15 h 30)

Le gouvernement va présenter une approche fort différente de ce qui a existé jusqu'à date, une approche par programmes qui fait en sorte que des entreprises appliquées à un programme, et à cause d'une balise, et ça a été mis sur pied par vous autres... C'est justement ce qu'on veut corriger. On veut avoir une gestion par enveloppes, qui permette aux gens du milieu de bâtir leurs programmes eux-mêmes et qui enlève certaines balises ou certains critères qui font en sorte que certaines industries n'ont pas les moyens de...

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: Donc, M. le Président, je vais répéter la fin, puisque vous étiez debout: Au lieu d'agir par programmes, ce qui comportait des critères ou des balises qui bloquaient l'aide directe à une entreprise qui voulait soit consolider ou créer de l'emploi, nous allons présenter une nouvelle approche par enveloppe budgétaire, par mission, et les gens du milieu seront impliqués.

M. le Président, ce sont eux qui ont créé cette multiplicité de structures, cette multiplicité de programmes, nous sommes à remettre de l'ordre dans le gâchis, et je suis persuadé que nous serons prêts, dans les régions, à faire échec à cette concurrence déloyale à laquelle on a assisté. Puis, parlant de concurrence au profit d'autres provinces, je vous dirai, M. le Président, que, quand une province reçoit cinq fois le montant d'aide que le Québec reçoit en termes de développement régional per capita, c'est une honte au régime fédéral que vous défendez.

Des voix: Bravo!

Une voix: L'art de dire n'importe quoi.

Le Président: En principale, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui, M. le Président. J'espère que ce ne sera pas des enveloppes brunes, ce que le ministre vient de mentionner.

Une voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Des enveloppes rouges.


Implantation d'une cimenterie à Port-Daniel

M. Farrah: Hier, à Port-Daniel, dans le comté de Bonaventure, plus de 500 manifestants gaspésiens ont répondu à l'appel des maires de la région afin d'inciter le gouvernement à respecter ses engagements. Je vais vous donner un seul exemple de leurs revendications, soit la cimenterie de Port-Daniel. Le premier ministre, lors de sa visite dans la région, a même déclaré qu'il faisait sien ce projet et que, pour lui, il était prioritaire. Encore de beaux discours, mais rien de concret. Même l'évêque de Gaspé, Mgr Maurice Dumais, ne croit plus le premier ministre, et je cite Mgr Dumais, qui disait hier à la manifestation: «Notre premier ministre a affirmé que dorénavant le Québec est plus ouvert sur le monde. Qu'en est-il de son ouverture sur ses régions? La réponse à cette question reste encore difficile à dire, sauf au plan du discours...

Une voix: Oh!

M. Farrah: ...de la mise en place de structures et en situation de catastrophe», a lancé Mgr Dumais.

Alors, M. le Président, ma question au premier ministre: Compte tenu que des investisseurs américains seraient prêts à investir dans ce projet de cimenterie à condition que le gouvernement y participe, qu'entend faire le premier ministre pour que ce projet se réalise, comme il s'y était engagé avant que les investissements fuient à l'extérieur du Québec?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, il est exact que le gouvernement s'est engagé à regarder attentivement le projet de Port-Daniel, et il l'a fait et il le fera encore. Moi, j'en suis, je crois, à ma troisième rencontre avec les promoteurs, ma troisième rencontre personnelle, sans compter un très grand nombre de rencontres avec des fonctionnaires et à d'autres niveaux.

Le problème est le suivant: il serait extrêmement intéressant de faire naître une cimenterie à Port-Daniel, parce que la région, on le sait, en a besoin et que c'est un projet qui a suscité beaucoup d'espoir au cours des dernières années. Cependant, la capacité de ciment au Québec est à ce point excédentaire qu'il y a une cimenterie qui est en train de fermer ici, à quelques kilomètres de notre Assemblée nationale, et qu'il y en a deux autres au Québec qui protestent vigoureusement contre toute implication excessive de l'État dans la naissance d'une nouvelle capacité industrielle alors qu'on est déjà en surplus. Alors, qu'est-ce que le gouvernement essaie de faire? Concilier tous ces impératifs et aider Port-Daniel sans poser de geste antiéconomique. Vous en avez suffisamment posé avant qu'on arrive qu'on ne le fera pas.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, cette réponse met fin à la période des questions et des réponses orales.


Réponses différées

Nous en arrivons à l'étape des réponses différées, et, tel que je l'ai annoncé précédemment, M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et à l'Immigration répondra maintenant à une question posée le 20 novembre dernier par M. le député de l'Acadie, concernant les dépenses de taxi et d'abonnement à des périodiques de son ministère. M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et à l'Immigration.


Dépenses du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration

M. Boisclair: M. le Président, permettez-moi d'abord de souligner l'absence d'intérêt de l'opposition officielle eu égard aux politiques et aux orientations du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Ni l'entente intervenue avec mon homologue fédéral au sujet de la prise en charge par le gouvernement du Canada des coûts afférents aux soins de santé dispensés aux revendicateurs du statut de réfugié, ni la réussite de notre programme destiné aux immigrants investisseurs, ni la nouvelle grille de sélection, ni les nouvelles mesures de francisation, ni les éléments de politique familiale n'ont fait l'objet de débats ici, dans cette Assemblée.

Quant aux affaires d'État et aux questions tout aussi fondamentales, faut-il l'admettre, que soulève le député de l'Acadie à l'égard des frais d'abonnement à des périodiques et de taxi, vous me permettrez d'y répondre dans l'ordre, et je commence par les abonnements.

D'abord, le député a omis de mentionner le nom de l'entreprise pour laquelle l'engagement financier au titre d'un service d'abonnement à des périodiques a été contracté. Je le ferai donc à sa place: il s'agit des services d'abonnement Canebsco, situés dans le comté libéral de Laporte. L'engagement en question porte sur des publications requises par les différentes unités de mon ministère. Ces périodiques sont non seulement utilisés par les employés du service de recherche, mais aussi et surtout par des stagiaires et des étudiants suivant des cours de français dans les COFI, lesquels constituent d'ailleurs 80 % de la clientèle de notre principal centre de documentation du 415, rue Saint-Roch, à Montréal, où est conservée la majeure partie des exemplaires, que peut aussi et également consulter le député si celui-ci était désireux d'enrichir l'inspiration qui le guide dans la préparation de ses questions.

Je précise que le montant de 29 726 $ évoqué par le député constitue le total encouru depuis le 1er avril 1996. Ces dépenses d'ailleurs n'ont pas été exemptées par les efforts de rationalisation budgétaire du gouvernement. À titre de comparaison, le coût des périodiques assumé par le ministère s'élevait à 91 800 $ pour l'exercice 1994-1995 en regard...

Des voix: Ah!

M. Boisclair: ...de 74 623 $ pour l'exercice 1995-1996, soit une diminution de 19 % depuis l'arrivée de notre gouvernement aux affaires.

Des voix: Bravo!

M. Boisclair: Or, le député se demandait s'il était normal qu'un ministère chargé de dispenser des cours de français aux immigrants soit abonné à des journaux ou à des revues que ceux-ci peuvent lire en vue d'apprendre le français et de se perfectionner. M. le Président, l'interrogation est aussi édifiante que de se demander s'il est normal qu'une commission scolaire achète des livres pour les bibliothèques que fréquentent ses élèves ou s'il est normal que des hôpitaux achètent des lits et des civières pour leurs patients.

Quant à la deuxième question...

Le Président: Écoutez. Je pense que... Bon, je m'excuse. Il y a déjà eu une... M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je pense que c'est important que le ministre puisse répondre vraiment d'une façon adéquate...

M. Bouchard: À la deuxième question. Il y a eu deux questions.

M. Bélanger: ...non, à la question qui a été posée, et je pense que c'est important qu'on laisse parler le ministre.

Le Président: Écoutez... M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Simplement sur la question soulevée par le leader du gouvernement. Les dispositions de l'article 79 s'appliquent si celui qui répond à la question s'en tient à une réponse aux questions. À ce moment-là, ça prend un temps qui est normal. Dans les circonstances, s'il veut répondre à côté de la question, c'est vrai que c'est trop long.

Le Président: J'ai pris la précaution de vérifier, et, selon la jurisprudence, effectivement il y a une certaine latitude, sauf que la latitude doit faire en sorte, par ailleurs – et c'était la décision qui avait déjà été rendue par un de mes prédécesseurs – qu'on n'associe pas une réponse différée à une déclaration ministérielle, qui est déjà, elle, de cinq minutes. Et je signale à ce moment-ci au ministre qu'il est à la veille d'en arriver au temps qui est donné à une déclaration ministérielle. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, juste pour préciser. Il répond présentement à deux questions qui lui ont été posées. À ce moment-là, ce qu'on pourrait peut-être proposer, c'est que c'est la réponse à la première question. Il y aura une question additionnelle, et il pourra, à ce moment-là, répondre à la deuxième question qui lui a été posée.

(15 h 40)

Une voix: Les taxis. Les taxis!

Le Président: Écoutez, ce que j'ai ici, et c'est ce que j'ai donné comme avis, c'est que le ministre répond à deux questions: une, qui lui a été posée le 20 novembre, concernant deux éléments, les dépenses de taxi et d'abonnement à des périodiques; et la deuxième, qui lui a été posée le lendemain, concernant les frais de voyage de son ministère. Alors, là, le ministre répond à la question qui a été posée le 20 novembre, et c'était son choix à lui d'utiliser son temps pour répondre plus ou moins à un ou l'autre des deux éléments. Alors, là, je vous signale qu'il vous reste peu de temps, M. le ministre.

M. Boisclair: Bon. Alors, j'irai droit au but sur la question des taxis, M. le Président. D'abord, je me permets d'indiquer que le chiffre de 27 585 $ ne constitue pas le montant des déplacements pour un mois, mais bien plutôt le total des déplacements depuis le 1er avril 1996. Il est patent aussi que le député revient bredouille de sa partie de pêche. Et je mets les choses en perspective: les frais de taxi au ministère sont passés de 72 956 $ en 1993-1994, dernier exercice complet du Parti libéral au pouvoir, à 45 918 $ en 1995-1996, soit une diminution de plus du tiers.

Des voix: Ah!

Le Président: En question complémentaire, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre est informé qu'il est en poste depuis 10 mois? Et doit-on comprendre, à la lumière de ses réponses, qu'il prétend qu'il ne peut faire, lui, le responsable actuel, des compressions additionnelles dans les dépenses de taxi et d'achat de revues, qui sont loin d'être considérées comme des dépenses prioritaires par les contribuables québécois que le gouvernement est en train de saigner à blanc?

Le Président: M. le ministre.

M. Boisclair: M. le Président, de quel droit et selon quelle éthique celui qui se vêt dans les oripeaux de la vertu et de la moralité peut-il porter des accusations aussi infondées, qui constituent un danger à l'égard de la vérité factuelle, à l'égard de la réputation de ses collègues, à commencer par celle des députés siégeant du même côté que lui, des députés qui ont autrefois assumé des fonctions gouvernementales et qui verront immanquablement leur bilan entaché au même titre que la crédibilité des institutions en général?

L'effort auquel nous sommes confrontés et les efforts, les gestes que nous avons posés ne constituent qu'un exemple des nombreux gestes que tous les ministères s'évertuent de poser jour après jour afin d'assainir les finances publiques. Il s'agit d'un travail de tous les instants, d'un travail portant sur toutes les dépenses, d'un travail portant sur tous les organismes. Fermer le bar ouvert que les libéraux avaient ouvert, voilà la tâche à laquelle nous jouons, nous, ministres, nous, députés au gouvernement.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, nous en arrivons maintenant à la deuxième réponse du ministre délégué aux Relations avec les citoyens et à l'Immigration, qui porte, celle-là, sur la question posée le 21 novembre dernier par M. le député de l'Acadie concernant les frais de voyage du ministère. Alors, M. le ministre.

M. Boisclair: M. le Président, sur la question des voyages, permettez-moi de souligner que le choix de l'agence mentionnée par le député de l'Acadie a été effectué en conformité avec les règles gouvernementales en vigueur. Le 5 mars 1996, le ministère a demandé à la direction du fichier des fournisseurs au Conseil du trésor de lui désigner des entreprises pour l'achat de billets d'avion. En réponse à cette demande, le Conseil du trésor nous a désigné deux fournisseurs, soit l'Agence Solex Jonica ltée et le Club voyages Canaglobe, localisés dans le comté de Westmount–Saint-Louis. Le ministère a recours en alternance à ces deux agences depuis le début de la présente année financière. Je précise au passage que l'Agence Solex Jonica est inscrite au fichier des fournisseurs depuis 1985 et qu'elle a obtenu des contrats depuis mars 1992.

Quant aux voyages eux-mêmes, mes collègues constateront, à la liste que je déposerai à la fin de cette intervention, qu'il s'agit essentiellement de dépenses encourues dans l'exercice des fonctions assumées par les employés du ministère affectés au service d'immigration du Québec à l'étranger. Sept voyages sur 14 ont été effectués à Hong-kong, soit 63 % du montant de 25 995 $ évoqué par le député. Pourquoi Hong-kong, M. le Président? Eh bien, pour y recruter des immigrants investisseurs, et je suis d'ailleurs tout à fait enchanté des résultats: 50 % du total des fonds investis au Canada l'ont été au Québec. La majeure partie de ces immigrants ont d'ailleurs été recrutés par notre bureau de Hong-kong, et, en 1993, dernière année civile complète où la députée de Saint-François assumait la direction du ministère, 125 000 000 $ ont été investis au Québec par les immigrants investisseurs. Ce chiffre est passé à 176 000 000 $ en 1995, soit une augmentation de 40 %, et, si la tendance se maintient, pour 1996 on s'attend à ce que les sommes investies par les immigrants investisseurs totalisent plus de 200 000 000 $, soit une amélioration de plus de 60 % de ce que la députée de Saint-François a fait dans le passé.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de l'Acadie, pour une question complémentaire.

M. Bordeleau: Oui. Est-ce qu'on doit comprendre à la réponse du ministre que celui-ci nous dit que ses fonctionnaires vont essentiellement continuer à voyager au même rythme aux frais des contribuables...

Le Président: M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Alors, M. le Président, je mentionnais: Au moment où on coupe dans la santé et dans l'éducation, est-ce que cela veut dire que le ministre nous confirme que ses fonctionnaires vont continuer à voyager au même rythme aux frais des contribuables, dans les poches desquels le gouvernement pige continuellement de façon indécente?

Le Président: M. le ministre.

M. Boisclair: M. le Président, je souligne que les immigrants investisseurs assument les frais d'ouverture et d'étude de leur dossier, autofinançant ainsi amplement les missions et les voyages en cause. Ces frais, conjugués aux sommes investies par les immigrants investisseurs, m'autorisent ainsi à affirmer qu'il s'agit d'un des meilleurs rendements dont bénéficie le Québec en regard du capital investi dans lesdits voyages pour lesdites missions. Par la question, les insinuations et les affirmations qu'elle comporte, permettez-moi aussi de vous décrire ma stupeur en constatant que le député de l'Acadie a réussi à restructurer la vérité deux fois en autant de jours en affirmant que ces voyages ne portaient que sur un seul mois, pour mes seuls déplacements, alors que depuis mon entrée en fonction ni moi ni le personnel de mon cabinet n'avons effectué quelque mission à l'étranger. Quant aux insinuations qu'aucun terme parlementaire ne peut qualifier, il semble que le député de l'Acadie les ait également proférées en entrevue à des postes de radio et donc en dehors de toute immunité parlementaire. Nous verrons d'ailleurs comment nous agirons.

Je termine aussi en soulignant que, si le ministère n'avait effectué aucune mission de recrutement à l'étranger, l'opposition en ferait certainement des gorges chaudes et nous accuserait de vouloir éliminer toute immigration. À l'égard des progrès enregistrés à l'égard des immigrants investisseurs, nous sommes fiers de démontrer la grande ouverture de notre gouvernement, la grande attraction aussi qu'exerce le Québec à leur endroit ainsi que notre volonté inébranlable de poursuivre cet élan et d'enrichir notre société de la part de ces hommes et de ces femmes. M. le Président, je souhaiterais avoir le consentement de la Chambre pour déposer les documents pertinents aux deux interventions que je viens de faire.

Le Président: Alors, il y a consentement.


Documents déposés

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, les documents sont déposés avec consentement.

À la rubrique des votes reportés, il n'y a pas aujourd'hui de votes reportés.


Motions sans préavis

Nous en arrivons aux motions sans préavis. Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Demander aux banques et aux grands magasins de réduire de 50 % le taux d'intérêt sur les cartes de crédit

M. Copeman: Merci, M. le Président. Alors, de nouveau, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de déposer la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec s'associe aux 84 députés fédéraux du Parti libéral du Canada, du Bloc québécois, du Nouveau Parti démocratique et du Parti réformiste qui demandent aux banques et aux grands magasins qu'ils réduisent de 50 % le taux d'intérêt sur les cartes de crédit, et ce, sans délai.»

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je vous demande d'attendre quelques instants, le temps que nos collègues quittent l'enceinte, pour permettre une discussion audible.

M. le député Notre-Dame-de-Grâce.

(15 h 50)

M. Copeman: Je ne sais pas si j'ai besoin de le répéter pour le bénéfice du leader, M. le Président. Je disais que je sollicite le consentement pour que l'Assemblée nationale du Québec s'associe aux plus de 100 députés fédéraux du Parti libéral du Canada, du Bloc québécois, du Nouveau Parti démocratique et du Parti réformiste, qui demandent aux banques et aux grands magasins qu'ils réduisent de 50 % le taux d'intérêt sur les cartes de crédit, et ce, dans les meilleurs délais.

Le Président: M. le leader du gouvernement, est-ce qu'il y a consentement?

M. Bélanger: Oui, M. le Président, il y aurait consentement pour un intervenant de part et d'autre.

Le Président: Alors, il y a consentement pour une intervention de chaque côté de l'Assemblée. Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Effectivement, 25 ans après l'adoption par le gouvernement du Parti libéral du Québec de la Loi sur la protection du consommateur, qui fête cette année son vingt-cinquième anniversaire, il s'agit d'une autre mesure de protection du consommateur québécois et canadien.

M. le Président, il y a présentement 53 000 000 de cartes de crédit bancaires et commerciales en circulation au Canada. En 1994, ces 53 000 000 de cartes de crédit représentaient... les achats sur les deux principales cartes de crédit bancaires seulement représentaient, se chiffraient à 55 100 000 000 $ – sur les deux principales cartes de crédit bancaires. La dette sur les cartes de crédit par rapport à l'ensemble de la dette à la consommation est passée de 12,4 % à 19,5 %, dans les 10 dernières années.

M. le Président, parlant des taux que chargent les banques et les principaux détaillants, le taux préférentiel des banques est à son niveau le plus bas depuis 40 ans. Il s'élève présentement à 4,75 %, son plus bas niveau depuis 40 ans. Mais le taux que prélèvent les banques et les détaillants est excessif et, dans certains cas, presque usuraire. Citons, par exemple, les cartes de crédit bancaires, qui peuvent varier de 16,5 % à 19 % par année, et les cartes de crédit des détaillants, elles, qui peuvent varier de 24 % à 29 %.

À partir de cette semaine – un fait intéressant, M. le Président, je sais que ça vous intéresse – les six banques majeures au Canada vont dévoiler à tour de rôle leurs profits pour cette année. Les analystes de l'industrie bancaire s'attendent à ce que les profits combinés des six grandes banques, des six banques majeures au Canada, s'élèvent à 6 000 000 000 $ pour cette année, ce qui est probablement la meilleure performance dans l'histoire de l'industrie bancaire au Canada. Ça s'avère, M. le Président, je crois, un moment opportun pour les banques et les grands magasins de démontrer leur bonne foi et leur solidarité dans l'amélioration de la situation économique des consommateurs en réduisant de 50 % leur taux d'intérêt sur les cartes de crédit.

M. le Président, en tant que critique en matière de protection des consommateurs, il est pour moi un grand honneur de présenter cette motion, et j'espère que cette Chambre s'associera à l'unanimité à l'excellente initiative non partisane de plus de 100 membres de la Chambre des communes du Canada. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député d'Abitibi-Est. M. le député.


M. François Gendron

M. Gendron: Oui, M. le Président. Abitibi-Ouest, mais ce n'est pas grave. Au nom de ma formation politique comme président du caucus, il est clair que nous appuyons cette motion. Nous joignons notre voix à celle du député de Notre-Dame-de-Grâce. Effectivement, il y a un certain nombre d'éléments que je voudrais rappeler pour lesquels on est complètement en accord avec cette motion. C'est que, si le taux préférentiel depuis plusieurs mois continue considérablement à baisser, il nous semble et il semble également à la centaine de parlementaires qui appuient la même motion qu'il serait tout à fait normal et correct que ça paraisse quelque part et que nous ayons l'occasion de l'observer. Premier commentaire.

Un autre fait qui attire mon attention – parce que, dans une motion comme celle-là, il faut être assez rapide – il faut être conscient que les banques, cette année, pensent escompter plus de profit que jamais sur un taux de crédit, au niveau des cartes de crédit, plus élevé que les autres années. Alors, s'il y a une année, il me semble, où le taux d'intérêt baisse, ce n'est pas tout à fait correct, strictement sur le plan moral, en ce qui me concerne, d'anticiper une hausse des recettes, au niveau des banques, à même le jeu des cartes de crédit, par rapport à des taux qui n'ont pas de sens.

Troisième facteur, on dit que le taux des cartes de crédit ne s'ajuste pas à la réalité du coût du crédit en cause, dans les institutions financières. Ce n'est pas acceptable que des réalités de commerce ne trouvent jamais ce que j'appelle leur compte quand il s'agit de baisses répétées et successives. Moi, à ma connaissance – en tout cas ça fait un petit bout de temps que je connais un peu ces choses-là – ça n'a pas de sens qu'on ait une totale insensibilité par rapport à cette réalité, au moment où nous constatons qu'il y a une réduction très, très forte des taux d'intérêt.

Il faut savoir également que l'écart entre le taux de la Banque du Canada et le taux moyen des cartes de crédit bancaires, aujourd'hui, cet écart-là s'élève à tout près de 14 %, alors que, quand les taux d'intérêt étaient un peu plus élevés, l'écart était moins grand. Alors, il y a quelque chose qui ne marche pas. Et, par rapport à l'ensemble de la dette à la consommation... Parce que vous savez – et là je ne veux pas réformer l'ensemble de la conduite des consommateurs – tout le monde sait que l'usage de la carte de crédit a un effet, bien sûr, qui augmente ce qu'on appelle la dette sur la consommation. Il y a plus de ménages qui s'endettent, compte tenu de cette facilité. Bon. Tant mieux comme facilité pour stimuler l'économie par la consommation, mais pas au détriment toujours des consommateurs. Et cette augmentation, la dette sur carte de crédit, est passée de 12 points qu'elle était en 1985 à presque 20 % en 1994, donc, cinq ou six points de croissance de la dette à la consommation sur le dos des consommateurs. Il me semble que ça a assez duré.

Alors, très simplement, M. le Président, c'est évident qu'on est complètement en accord avec cette disposition. Il est temps, et surtout il m'apparaît que la période est opportune. Elle est tout à fait opportune, avant cette période qui précède la période de réjouissance des Fêtes. Connaissant la générosité des Québécois et des Québécoises, c'est évident qu'encore cette année, même si on est peut-être en difficulté, il y aura encore beaucoup de ménages qui vont faire des sacrifices pour leur famille, leurs enfants, dans l'achat de toutes sortes de biens de consommation. S'il y avait moyen que les institutions bancaires, qui font, à ma connaissance, des profits très substantiels, aient cette sensibilité de réaction et disent: On fait un effort pour alléger les coûts qu'on occasionne à nos consommateurs, il me semble qu'on serait dans la bonne voie, et on démontrerait un peu de sens civique. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Non, M. le Président, excusez-moi, je croyais que vous mettiez aux voix la motion.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le débat étant terminé, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.


Motion proposant que la commission des institutions procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 77

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission des institutions procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques sur le projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives, le jeudi 28 novembre 1996, de 10 heures à 12 h 45, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 22 h 15, et, à cette fin, entende les organismes suivants, selon l'horaire ci-joint: l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec, l'UMRCQ; l'Union des municipalités du Québec, l'UMQ; l'Association des directeurs de police et pompiers du Québec; la Fédération des policiers du Québec; la Sûreté du Québec; l'Association des policiers provinciaux du Québec; la Communauté urbaine de Montréal; la Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de Montréal; l'Institut de police de Nicolet; le Directeur général des élections;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 15 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 30 minutes, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que le ministre de la Sécurité publique soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

(16 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, il s'agit évidemment d'un projet de loi d'une extrême importance, le projet de loi n° 77. Ça risque de chambarder toute l'organisation policière au Québec et également le monde municipal. C'est 50 000 000 $ de taxes que le gouvernement veut aller chercher. Nous avons, de notre côté, soumis une liste plus longue. Dans un premier temps, je dois rappeler au leader du gouvernement qu'on s'est battu pendant trois semaines pour faire comprendre au ministre que ces consultations-là étaient nécessaires. Il a finalement compris, probablement parce que quelqu'un d'autre est intervenu à sa place, là. On est habitué à ça avec le ministre de la Sécurité publique.

Ceci étant dit, M. le Président, j'aimerais savoir du leader pour quelle raison on n'a pas écouté la suggestion de l'opposition d'entendre, entre autres – il m'apparaît que c'est très important – l'Association des étudiants en technique policière, la Fédération des cégeps et la ville de Québec. On va se limiter à une journée d'audiences, de notre côté, et, je l'offre au leader et à son ministre, on serait prêt à allonger la période de consultation jusqu'au lendemain vendredi, en avant-midi, pour entendre les trois groupes et d'autres groupes que je pourrais également suggérer au leader du gouvernement et à son ministre.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je pense que le leader adjoint de l'opposition a été mal informé relativement à la volonté de ce gouvernement d'écouter et de faire des audiences publiques, parce qu'il est quand même assez peu rare en cette Chambre que nous procédions quand même à des auditions publiques, même avant que le principe du projet de loi soit adopté. On n'est même pas rendu encore à l'étape de la commission parlementaire. Et donc, à ce moment-là, nous avons accepté, vu l'importance du projet de loi – j'en conviens avec le leader du gouvernement que c'est important – nous avons immédiatement... En tout cas, je peux vous dire, ici, au cabinet du leader, quand nous avons eu connaissance... Alors, peut-être que, je ne sais pas, le leader adjoint a eu de la difficulté à parler au leader relativement à cette négociation qui s'est faite entre les deux cabinets. Nous avons convenu entre les deux cabinets, M. le Président, de cette liste, parce que nous avons fait part, ici, du côté du gouvernement, du fait que nous avions uniquement une journée de disponible pour pouvoir faire de telles auditions. Et, à ce moment-là, nous avons négocié de la façon la plus adéquate possible.

Alors, s'il me dit qu'il n'y a plus de consentement, M. le Président, malheureusement je comprends, à ce moment-là, que la motion ne sera pas acceptée. Ça, je comprends le leader adjoint. Mais, quant à nous, nous espérions qu'il y avait une entente au moins de principe et que nous pourrions à ce moment-là faire l'annonce et puis procéder aux audiences publiques.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, je ne nie pas au leader le fait qu'il y a eu des discussions entre et le leader du gouvernement et le leader de l'opposition. C'est une évidence, ça se fait toujours comme ça et c'est le gouvernement qui décide en dernier recours. Ça aussi, on le comprend, c'est comme ça.

Ceci étant dit, M. le Président, ce que je dis au leader du gouvernement – et on va prendre ce qu'on propose, c'est bien évident – je dis: Pourquoi ne pas ajouter deux heures de consultation, soit le lendemain, vendredi matin? C'est la proposition qu'on fait de notre côté pour procéder d'une façon moins excitée puis entendre, entre autres, les trois groupes dont j'ai parlé tout à l'heure. Ça ne changera pas la vie du gouvernement, mais ça peut être extrêmement important pour la compréhension du ministre, la compréhension des ministériels qui l'entourent. Et, également, on aurait probablement un peu plus de satisfaction au Québec pour ceux et celles qui sont concernés, M. le Président, par ce projet de loi là. Je le répète, l'Association des étudiants en technique policière est concernée un peu pas mal merci, la Fédération des cégeps puis la ville de Québec et d'autres groupes, le lendemain, vendredi matin...

Je conclus en disant: Que le ministre et le leader du gouvernement n'essaient pas de me dire que je contredis ce qui a été convenu, ce n'est pas ça que je dis. Oui, on s'est entendu et on est à la merci du gouvernement, entre guillemets, M. le Président. C'est une proposition en toute bonne foi que je fais d'ajouter trois groupes vendredi matin qui vient.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'écoute le leader du gouvernement et je peux tout simplement l'inviter à ce moment-là, quand nous serons rendus à l'étape de la commission parlementaire... Il est toujours possible, par des motions préliminaires, de demander que certains groupes soient entendus. Si jamais il considère que la consultation qui aura lieu à cette étape aura été insuffisante, il pourra toujours le faire, mais je pense que la proposition qui a été convenue et qui est maintenant proposée par cette motion est tout à fait raisonnable.

Et, au contraire, je crois qu'on a été très proactif, M. le Président. On a fait l'impossible pour que le plus grand nombre d'intervenants et d'organismes puissent être entendus avant même que le principe – et je le rappelle, on n'est même pas rendu à l'étude de la commission parlementaire – de cet important projet de loi – j'en conviens avec le leader adjoint de l'opposition... avant même que ce projet de loi soit rendu en commission parlementaire.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à ce stade-ci, y a-t-il consentement pour déroger aux règles relatives aux étapes du processus législatif?

Des voix: Consentement.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Consentement de part et d'autre. Alors, cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement.


Motion proposant que la commission de l'économie et du travail procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 76

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission de l'économie et du travail procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques sur le projet de loi n° 76, Loi instituant le Fonds de partenariat touristique, le lundi 2 décembre 1996, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, ainsi que le mardi 3 décembre 1996, de 11 heures à 13 heures, et, à cette fin, entende les organismes suivants, selon l'horaire ci-joint: l'Association touristique régionale associée du Québec, l'Office des congrès et du tourisme du Grand Montréal, la Fédération des offices du tourisme du Québec, l'Office du tourisme et des congrès de la Communauté urbaine de Québec, l'Association des hôteliers du Québec, l'Association des hôtels du Grand Montréal, l'Association des petits et moyens hôtels de Montréal, la Fédération des agricotours, l'Association des gîtes touristiques, l'UMRCQ;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagée également entres les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 15 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 30 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Ça va.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, y a-t-il consentement pour déroger aux règles relatives aux étapes du processus législatif?

Des voix: Consentement.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement. Alors, nous sommes maintenant à la rubrique des avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission du budget et de l'administration procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre indiqué, soit le projet de loi n° 60, Loi modifiant la Loi sur les assurances, et le projet de loi n° 3, Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire, aujourd'hui, de 16 heures à 18 heures et de 20 heures à 22 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 12, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May;

Que la commission de l'économie et du travail poursuivra et complétera les consultations particulières dans le cadre du projet de loi n° 31, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 20 h 45, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Vice-Président (M. Pinard): Pour ma part, je vous avise que la commission de l'éducation se réunira en séance de travail demain, le mercredi 27 novembre 1996, de 10 heures à 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est d'étudier et d'adopter le projet de rapport ainsi que les conclusions et recommandations de la commission de l'éducation sur les conditions de la réussite scolaire au secondaire.

Je vous avise également que la commission de la culture se réunira demain, le mercredi 27 novembre 1996, de 10 heures à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de procéder à l'étude du rapport annuel de la Commission d'accès à l'information conformément à l'article 119.1 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Je vous avise enfin que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation se réunira en séance de travail demain, le mercredi 27 novembre 1996, de 10 heures à 11 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est d'organiser les travaux de la commission.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Alors, nous en sommes maintenant aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

(16 h 10)

Je vous informe que demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par M. le député de Westmount–Saint-Louis. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale demande au premier ministre du Québec qu'il convoque dans les plus brefs délais la commission du budget et de l'administration afin d'entendre les syndicats concernés par la proposition du gouvernement quant à la réduction des coûts de la main-d'oeuvre dans la fonction publique québécoise.»

Alors, nous avons maintenant terminé les affaires courantes. Alors, nous allons débuter de ce pas les affaires du jour.

Excusez-moi. MM. les leaders, à la rubrique Avis touchant les travaux des commissions, on m'avise qu'il y a une correction à apporter au dernier paragraphe: je vous avise, enfin, que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation se réunira en séance de travail demain, mercredi, le 27 novembre 1996, non pas à 10 heures mais bel et bien de 11 heures à midi, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. Merci, M. le greffier.


Affaires du jour

Alors, nous en sommes maintenant aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 7 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 64


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Article 7. Mme la ministre de la Culture et des Communications propose l'adoption du principe du projet de loi n° 64, Loi modifiant la Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma et modifiant d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 64?

M. Lefebvre: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: Mme la ministre a des choses importantes à nous dire. Je trouve ça vexant qu'il y ait si peu de collègues pour l'écouter. Alors, je demande le quorum, par respect pour elle.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, veuillez appeler les députés, s'il vous plaît. Je suspends les travaux pour quelques minutes.

(16 h 12 – 16 h 16)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir. Je tiens à rappeler à certains collègues qu'il y a une règle qui existe depuis maintenant tout près d'un siècle, j'imagine, à l'effet que, tant et aussi longtemps que l'Assemblée n'est point ouverte, les députés doivent se lever. J'ai l'impression de parler dans le désert, mais, quand même, ça me soulage.

Alors, nous étions rendus à l'adoption du principe du projet de loi n° 64, qui est la Loi modifiant la Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma et modifiant d'autres dispositions législatives.

Alors, nous avions reconnu Mme la ministre de la Culture. Mme la ministre.


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Le projet de loi déposé devant nous et dont je recommande l'adoption du principe vient actualiser et bonifier la Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma connue également comme la loi sur le statut de l'artiste.

Adoptée en décembre 1987, cette loi avait été perçue comme une grande victoire pour les artistes et une étape marquante de l'amélioration de leurs conditions socioéconomiques. Cette réalisation doit d'ailleurs être portée au crédit de Mme Lise Bacon, dont je salue la contribution.

En effet, la loi sur le statut de l'artiste a permis de faire bénéficier les artistes d'un statut professionnel adapté à leur contexte de travail et de mettre en place un régime de négociation d'ententes collectives avec ceux qui retiennent leurs services professionnels. Avant la loi, les associations d'artistes étaient liées aux producteurs de la scène, du disque et du cinéma par de simples ententes contractuelles en dehors de tout cadre juridique. La loi sur le statut de l'artiste est devenue ce cadre légal.

Elle accorde un statut professionnel aux artistes, créateurs et interprètes qui pratiquent leur art à leur propre compte. Elle les considère comme des travailleurs autonomes, lesquels ne sont pas visés par le régime des relations de travail défini par le Code du travail. Cette même loi a mis en place un régime de négociation collective qui permet le respect d'ententes entre associations d'artistes et producteurs.

De plus, la loi a institué la Commission de reconnaissance des associations d'artistes, qui a notamment pour fonctions de définir des secteurs de négociation d'ententes collectives, de reconnaître les associations professionnelles d'artistes et de veiller à l'application de la loi.

En avril 1995, huit ans après l'adoption de la loi, il est apparu opportun d'en évaluer l'application et l'efficacité et, le cas échéant, de proposer des ajustements. Diverses critiques émises par les associations de producteurs à propos de la loi méritaient également d'être approfondies. L'évaluation faite en concertation avec les associations de producteurs et les associations d'artistes a démontré que son importance est toujours reconnue et que la loi est bien implantée dans le milieu. Tous les intervenants rencontrés dans le cadre de l'évaluation disent adhérer aux objectifs de la loi.

Son application, au cours des huit dernières années, a cependant fait ressortir un certain nombre d'irritants liés aux modalités d'application de la loi. L'analyse des problèmes a démontré que plusieurs d'entre eux ne provenaient pas de la loi, et l'exercice d'évaluation a été l'occasion de dissiper bien des malentendus. Mais il reste un ensemble important de problèmes dont la seule solution réside dans des amendements législatifs.

(16 h 20)

L'évaluation de la loi s'est donc transformée en une recherche de solutions consistant à trouver avec les associations de producteurs et d'artistes des consensus quant aux correctifs à apporter. Cette opération se solde aujourd'hui par le dépôt de ce projet de loi dont les principaux éléments font l'objet d'un consensus auprès des parties.

Par cette révision, le gouvernement du Québec innove encore une fois par rapport au reste du Canada dans le domaine des relations de travail des artistes créateurs et interprètes. Les objectifs poursuivis sont de créer un meilleur équilibre dans les rapports de travail entre les associations d'artistes et les associations de producteurs, d'assurer une plus grande stabilité des milieux par l'allongement de la durée de la reconnaissance des associations et des ententes collectives, de simplifier et de préciser les procédures de reconnaissance et de négociation des ententes collectives de façon à économiser temps, énergie et argent. En effet, en vertu de la loi révisée, les associations de producteurs reconnues deviendront les seuls interlocuteurs des associations d'artistes pour la négociation des conditions minimales d'engagement des artistes. Les associations de producteurs se voient ainsi légalement reconnaître un rôle qu'elles avaient parfois à négocier avant même que ne débutent les discussions sur les conditions d'engagement des artistes.

Plusieurs producteurs estiment que la non-reconnaissance, dans la loi actuelle, des associations de producteurs est une des causes d'un débalancement du rapport de force au profit des associations d'artistes. D'autre part, il existe une grande crainte, chez de nombreux producteurs ou associations de producteurs, qu'une même association d'artistes consente à un autre producteur du même champ d'activité des conditions plus avantageuses.

Par ailleurs, une association de producteurs investit des montants importants pour négocier une entente, dépenses qui sont réparties entre les membres mais non pas entre les non-membres, qui s'inspirent pourtant de cette entente par la suite. Dorénavant, donc, une entente collective négociée et signée par une association de producteurs reconnue s'appliquera à tous ses membres ainsi qu'à tous les producteurs opérant dans le champ d'activité pour lequel l'association est reconnue. L'association aura également le pouvoir de fixer un montant d'argent qui pourra être exigé des producteurs.

Comme on le fait déjà pour les associations d'artistes, les producteurs d'un champ donné demeureront libres d'adhérer ou non à une association de producteurs. Mais, dès qu'une telle association sera reconnue dans un champ donné et qu'elle négociera une entente avec une association d'artistes reconnue, cette entente deviendra la référence pour le champ couvert, ce qui empêchera tout producteur non membre de l'association reconnue de négocier des conditions minimales autres avec une association d'artistes reconnue.

Enfin, les associations d'artistes appuient unanimement la reconnaissance des associations de producteurs. Cette reconnaissance signifie pour elles qu'elles pourront dorénavant éviter une multitude de négociations avec autant de producteurs avec lesquels elles doivent présentement négocier des ententes séparées. La Commission de reconnaissance des associations d'artistes voit aussi ses responsabilités augmentées par ce projet de loi. Elle devra, en plus de ses fonctions actuelles, définir des champs d'activité des producteurs, reconnaître les associations de producteurs représentatives de l'action économique d'un champ donné et établir une liste d'arbitres pour l'arbitrage de griefs et une liste de médiateurs et les nommer au besoin et sur demande.

Au chapitre des ententes collectives, des modifications sont également apportées. Elles visent à moderniser la négociation et à faciliter l'application des ententes. Le projet de loi prévoit, comme cela existe déjà dans le Code du travail, que, dans le cas de la négociation d'une première entente et après l'échec de la médiation, l'arbitrage pourra être rendu obligatoire à la demande d'une seule des deux parties. Pour la négociation des ententes subséquentes, cependant, l'arbitrage devra être demandé par les deux parties. Cette disposition vise à donner aux petites associations d'artistes qui n'ont pas les moyens financiers de supporter des négociations interminables un outil qui pourra aider à accélérer la conclusion de la première entente.

Le législateur introduit dans la loi l'obligation pour le producteur d'effectuer, sur demande de l'association d'artistes, la retenue à la source des cotisations des artistes. Cette obligation peut prendre effet à compter de la date de l'avis de négociation émis par une des deux parties. Ceci devrait permettre aux associations d'être davantage en mesure de supporter le coût d'une première négociation collective. Cette source de revenus est non seulement essentielle pour une association, mais elle peut représenter le facteur de succès ou d'échec lors de la négociation de la première entente collective.

Le projet de loi prévoit également une disposition obligeant les parties à inclure une procédure d'arbitrage de griefs dans leur entente collective. Ceci vient pallier une carence de certaines ententes actuelles, carence qui a pour conséquence de faire perdurer des problèmes liés à l'application des ententes.

Présentement, les ententes collectives ont une durée maximale de trois ans, ce qui ne correspond plus, de nos jours, à la modernité des rapports collectifs de travail. Un amendement permettra aux parties de décider entre elles de la durée d'une entente, sauf pour la première dont la durée est limitée à un maximum d'au plus trois ans. Cet amendement devrait assurer une plus grande stabilité dans les relations de travail.

Une disposition rendant l'entrée en vigueur d'une entente collective conditionnelle à son dépôt auprès de la Commission de reconnaissance des associations d'artistes est introduite. Une entente devra donc être déposée à la Commission dans les 60 jours de sa signature. Cette modification permettra à la Commission de reconnaissance des associations d'artistes de mieux exercer son rôle de dépositaire des ententes et d'agent d'information.

Le projet de loi oblige les deux parties à donner un avis accordant un délai aux producteurs ou aux artistes, selon le cas, avant d'exercer une action concertée. On estime que le fait de recevoir un avis préalable est une invitation au dépôt de nouvelles offres et au redémarrage des négociations.

L'amélioration du processus de reconnaissance des associations est également au menu de cette révision de la loi. Pour corriger la situation actuelle qui semble donner une latitude trop grande au regard de la durée de la procédure d'une demande de reconnaissance, nous introduisons dans la loi un délai pour le dépôt d'une demande de reconnaissance par une association concurrente. Ceci devrait permettre d'éviter que des représentations tardives n'entravent le processus de reconnaissance.

La loi révisée fixe la durée de la reconnaissance d'une association à cinq ans, au lieu de trois actuellement. En plus d'être de nature à diminuer les coûts d'application de la loi, cette prolongation de la durée de la reconnaissance permet d'actualiser cette composante de la loi en harmonie avec celle qui prévoit une durée des ententes collectives plus longue. Cet amendement devrait aussi permettre une plus grande stabilité des milieux concernés.

Les dispositions transitoires du projet de loi permettent d'introduire la reconnaissance des associations de producteurs en respectant les ententes collectives existantes. Par ce mécanisme, on reconnaît automatiquement les associations de producteurs dans les champs qu'elles occupent en vertu de leurs ententes collectives en vigueur. Ces mesures transitoires maintiennent la stabilité du milieu et permettent d'éviter les procédures.

Enfin, des modifications de concordance à d'autres lois sont apportées.

En terminant, M. le Président, je souligne que ce projet de loi demeure fidèle à la philosophie de la loi actuelle. Il encadre des pratiques existantes et protège la liberté des artistes d'adhérer ou non à une association et de négocier dans leur contrat individuel des conditions plus avantageuses que celles prévues dans l'entente collective. Cette législation témoigne du respect que, comme peuple, nous devons accorder à nos artistes.

En adoptant ce projet de loi, l'Assemblée nationale poursuit son engagement face aux artistes, face à ceux et celles qui créent, qui rêvent et qui participent ainsi à la construction incessante de notre identité collective. En équilibrant davantage les rapports de travail entre les associations d'artistes et les associations de producteurs par le renforcement de ces dernières, en assurant une plus grande stabilité des milieux par l'allongement de la durée de la reconnaissance des associations et des ententes collectives, et en simplifiant et précisant les procédures de reconnaissance et de négociation des ententes collectives de façon à économiser temps, énergie et argent aux intervenants concernés, nous souhaitons donner aux parties intéressées des outils modernes pour, d'une part, garantir une juste rétribution des artistes dans l'exercice de leur profession et, d'autre part, assurer le développement des entreprises de production culturelle.

Les modifications proposées se situent en continuité des objectifs gouvernementaux de déréglementation. Leur mise en oeuvre permettra à ces secteurs d'activité majeurs sur le plan culturel et économique de poursuivre leur développement. Je vous rappelle, M. le Président, que ces secteurs représentent, dans les faits, ceux qui créent le plus d'emplois au regard des investissements qu'ils requièrent. Les dépenses de production sont majoritairement des dépenses reliées à la main-d'oeuvre. Les secteurs de la scène, du disque, de l'audiovisuel et de la publicité emploient directement près de 35 000 personnes.

(16 h 30)

L'ensemble des modifications proposées, M. le Président, permettront d'alléger et de simplifier les relations de travail. C'est pour toutes ces raisons que je vous recommande d'adopter le principe du projet de loi déposé. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de la Culture et des Communications et députée de Chambly. Je cède maintenant la parole à la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, il me fait plaisir, au nom de l'opposition officielle, de prendre la parole à cette étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 64, Loi modifiant la Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma et modifiant d'autres dispositions législatives.

Permettez-moi, avant d'aborder le projet de loi proprement dit, d'effectuer un bref retour en arrière pour rappeler à tous les membres de cette Assemblée que le Parti libéral du Québec, tant au pouvoir que dans l'opposition, a toujours reconnu l'importance de la culture et en a assuré la défense et l'épanouissement. D'ailleurs, entre 1985 et 1994, le gouvernement du Parti libéral a posé de nombreux gestes concrets visant à favoriser la création artistique, à améliorer les conditions de vie professionnelle de nos artistes et créateurs, à développer et à consolider nos industries culturelles québécoises.

J'aimerais à cet égard souligner la détermination dont a fait preuve à l'époque l'ex-députée de Chomedey, ministre des Affaires culturelles et vice-première ministre, Mme Lise Bacon, qui a su reconnaître pour la première fois dans l'histoire du Québec l'importance du travail et la contribution de nos artistes et créateurs québécois. En effet, elle a adopté le 17 décembre 1987 le projet de loi 90, Loi portant sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma. Ce projet de loi 90 reconnaissait non seulement le statut professionnel des artistes de la scène, du disque et du cinéma, mais créait également une assise juridique qui aura permis de déterminer un cadre de relations de travail approprié, tout en respectant le caractère spécifique du travail de ces artistes et de ces créateurs. Cette loi a donc permis aux associations d'artistes d'être reconnues et d'avoir le pouvoir de négocier des ententes collectives visant leurs conditions d'engagement avec les producteurs ou les associations de producteurs.

Ce projet de loi 90 créait également la Commission de reconnaissance des associations d'artistes, qui a le mandat de reconnaître les associations d'artistes compétentes à négocier des ententes collectives, de définir les secteurs de négociation pour lesquels une reconnaissance peut être accordée, de désigner un médiateur en cours de négociations et d'agir comme arbitre pour les parties engagées dans la négociation d'une entente collective. Cette loi fut non seulement une première au Québec, mais également une première en Amérique du Nord, pour ne pas dire une première mondiale. D'ailleurs, cette loi est continuellement citée en exemple et représente une source d'inspiration pour de nombreux gouvernements.

Avant d'aborder plus spécifiquement le projet de loi n° 64, permettez-moi également de rappeler qu'en 1992 le gouvernement du Parti libéral du Québec faisait adopter à l'unanimité par l'Assemblée nationale une première politique culturelle du Québec. Le Québec devenait ainsi le premier au Canada et l'un des rares gouvernements dans le monde à se doter d'une politique en matière culturelle. Cette politique culturelle a d'ailleurs été citée en exemple par l'UNESCO. C'est suite à l'adoption de cette politique qu'a été créé le Conseil des arts et des lettres du Québec, cet organisme qui est le garant de l'autonomie des créateurs et de leur participation à la gestion du soutien à la création.

Plusieurs autres initiatives ont été mises en place par le gouvernement du Parti libéral du Québec, que je n'énumérerai pas ici, M. le Président, mais qui ont permis d'accentuer la vitalité culturelle québécoise et d'assurer son rayonnement au Québec et à l'étranger. J'ouvre ici une parenthèse pour regretter que, suite à la fermeture improvisée des délégations du Québec à l'étranger, le ministère des Relations internationales ait mis en péril un certain nombre de projets qui étaient en cours et d'autres à venir, dans le domaine de l'exportation des produits culturels québécois. Et il a fallu une mobilisation assez intense du milieu des arts et de la culture; coordonnée par le groupe CINARS, pour essayer de faire entendre raison au ministre actuel des Relations internationales. Mais, je regrette encore une fois, M. le Président, il n'a même pas daigné les rencontrer. Donc, pour revenir au projet de loi... C'est ce qui fait qu'aujourd'hui les entreprises et les organismes de la culture et des communications du Québec engagent annuellement des dépenses atteignant plus de 13 000 000 000 $ et créent près de 218 000 emplois directs et indirects dans l'économie québécoise. Et nous pouvons en être fiers, M. le Président.

Pour ce qui est du projet de loi n° 64, qui est devant nous aujourd'hui et qui modifie la Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma, il est utile de rappeler que cette loi est en vigueur depuis près de huit ans. Il était donc tout à fait approprié d'en faire l'évaluation à la lumière des nouveaux défis auxquels se retrouvent confrontés nos artistes.

La ministre de la Culture et des Communications, qui a procédé à des rencontres et à des consultations auprès des associations de producteurs et auprès des associations d'artistes, a pu certainement se rendre compte que le milieu ne remet pas en question les objectifs fondamentaux de la loi 90, mais se montre plutôt favorable à y apporter des correctifs afin d'adapter la loi aux réalités d'aujourd'hui et, partant, de mieux servir les intérêts des représentants qui oeuvrent dans le milieu culturel, précisément dans le domaine des arts de la scène, du disque et du cinéma.

Ce projet de loi vise à reconnaître les associations de producteurs tout comme on reconnaît les associations d'artistes. Cette reconnaissance permettra donc aux associations d'artistes qui doivent négocier des ententes séparées avec une multitude de producteurs de limiter le nombre d'intervenants et le nombre d'ententes collectives à négocier. Cela permettra aux associations de producteurs et aux associations d'artistes d'économiser sur les coûts rattachés à la négociation des ententes collectives.

L'article 6 du projet de loi n° 64 vient prolonger de trois à cinq ans la durée de reconnaissance d'une association. Le processus de reconnaissance génère, de la part des associations, des coûts administratifs et de l'énergie, et sa prolongation permettra d'alléger ce processus.

L'article 9 introduit une nouvelle mesure de recours qui permettra à deux associations qui demandent d'être reconnues pour le même secteur ou champ d'activité d'intervenir auprès de la Commission afin qu'elle leur désigne un médiateur. Les frais de cette médiation seront assumés par les parties.

L'article 12 stipule que l'association de producteurs qui sera reconnue aura toutefois l'obligation de prélever, à même la rémunération qu'elle verse à l'artiste, la cotisation des artistes, et elle sera tenue également de verser mensuellement à l'association reconnue les montants ainsi prélevés. C'est une amélioration par rapport à la situation actuelle, puisque les associations d'artistes devaient négocier, dans chaque entente collective signée, une clause prévoyant ladite retenue à la source. Les associations d'artistes qui ne réussissaient pas à faire inclure une telle clause dans l'entente collective se retrouvaient parfois dans une situation financière extrêmement difficile. Cette mesure permettra donc aux associations d'artistes reconnues d'améliorer leur situation financière, qui est, dans certains cas, assez précaire.

Afin de sécuriser les artistes dans l'exercice de leur profession, l'article 12 du projet de loi vient également protéger les ententes collectives dans les cas d'aliénation ou dans les cas d'une modification de structure juridique de l'entreprise, effectuée soit par fusion ou autrement. De plus, les ententes collectives qui seront négociées entre les associations de producteurs et les associations d'artistes deviendront une référence, ce qui empêchera tout producteur non membre d'une association de négocier des conditions autres ou inférieures avec une autre association d'artistes. Cette mesure vise à mieux protéger les conditions de travail et d'engagement de nos artistes. L'opposition officielle ne peut donc que souscrire à cet objectif.

(16 h 40)

D'autre part, si l'intervention du médiateur s'est avérée infructueuse dans le cadre d'une négociation, l'article 16 du projet de loi prévoit la possibilité d'un arbitrage. Il stipule que, dans le cas d'une première entente, la demande d'arbitrage pourra être faite par une seule des deux parties. Toutefois, pour la négociation d'ententes subséquentes, l'arbitrage devra être demandé conjointement par les deux parties. Cet assouplissement est justifiable par le fait qu'une première entente collective est toujours plus ardue en raison des précédents qu'elle crée.

Enfin, M. le Président, les dispositions transitoires du projet de loi protégeront toutes les ententes collectives qui ont été agréées avant l'entrée en vigueur du projet de loi n° 64. De même, elles permettront aux associations de producteurs présentement liées par une entente collective à des associations reconnues d'artistes d'être reconnues, si elles déposent auprès de la Commission copie de leurs règlements dans les 12 mois suivant l'entrée en vigueur de la loi.

En résumé, ce projet de loi n° 64 vient simplifier les procédures de représentations qui sont faites devant la Commission de reconnaissance, alléger la structure de négociation des conditions d'engagement des artistes et diminuer les coûts s'y rattachant. L'opposition officielle offre donc son entière collaboration à la ministre de la Culture et des Communications pour l'adoption de ce projet de loi, compte tenu des actions déjà posées par le Parti libéral, tant au pouvoir que dans l'opposition, en faveur du soutien au monde des arts et de la culture. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Il n'y a pas d'autres intervenants? Alors, je m'en vais céder la parole à Mme la ministre pour son droit de réplique. Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Mme Louise Beaudoin (réplique)

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Je suis très heureuse de constater que, sur ce projet de loi, sur le principe, nous sommes donc d'accord. J'ai dit, moi aussi... J'ai rendu hommage à Mme Bacon, qui a été à l'origine de cette loi que nous amendons et pour laquelle nous proposons des amendements aujourd'hui. Après, en effet, huit ans d'usage, nous pensions que c'était le temps d'en faire l'évaluation et de proposer un certain nombre d'amendements, puisqu'il y a des choses à améliorer, essentiellement ces rapports, cet équilibre qu'il faut établir, le meilleur équilibre possible entre les associations d'artistes et les associations de producteurs.

Tout le monde reconnaît dans le milieu que cette loi est une bonne loi, que la philosophie qui est à la base de cette loi, nous devons la conserver, ce qui est le cas avec le projet de loi qui est sur la table, et les amendements que nous proposons sont, je crois, en effet – et l'opposition officielle l'accepte – des améliorations pour, après huit ans, faire en sorte que la loi se modernise, s'actualise et donne tous les résultats escomptés.

Mme la députée de La Pinière a fait référence à l'action internationale, au rayonnement international, et je voudrais lui dire, je l'ai annoncé – je crois que j'ai vu le communiqué ce matin ou hier – que, à Rome, je tenais particulièrement à ce qu'il y ait une agente. En fait, ce sera une attachée culturelle qui était déjà présente à la délégation de Rome, et, quand cette délégation a été fermée, j'ai convenu avec mon collègue, donc, du ministère des Relations internationales de faire en sorte de conserver une permanence, étant donné que, quand on regarde les relations internationales du Québec sous cet angle culturel, on s'aperçoit que, pour plusieurs troupes – je pense essentiellement au théâtre et à la danse – l'Europe est un marché avec un potentiel extraordinaire. On peut même dire que certaines compagnies vont chercher 50 %, 60 %, peut-être davantage, de leurs revenus à l'étranger. On s'est rendu compte qu'en Italie seulement il y avait eu plus de 200 activités culturelles québécoises. Alors, bien sûr, en France il y en a davantage. J'ai rencontré les délégués la semaine dernière, et on me disait qu'en Angleterre... Le délégué, donc M. Richard Guay, qui était votre prédécesseur, M. le Président, à la chaise de président, m'a expliqué qu'il y avait aussi énormément d'activités culturelles québécoises en Grande-Bretagne.

En Italie, on a voulu conserver une possibilité, donc, que cette permanence... on a voulu faire en sorte qu'il y ait une permanence pour permettre à tous ces artistes québécois, à toutes ces troupes québécoises, particulièrement en danse et en théâtre, de rayonner en Italie. Il y a eu, l'année dernière seulement, plus de 200 activités. Et Mme Daniela Renosto a accepté contractuellement cette responsabilité que nous partageons entre le ministère des Relations internationales et le ministère de la Culture.

Pour ce qui concerne les autres pays ou les autres postes, de la même façon que le ministre qui est responsable du commerce extérieur, le ministre de l'Économie et des Finances, a trouvé un certain nombre de solutions, nous travaillons à ces solutions. Il ne faut pas oublier qu'à New York, quand même, il y a une délégation qui existe et qui, en principe, couvre l'ensemble des États-Unis. J'y serai, d'ailleurs dans une quinzaine de jours pour aller voir Les sept branches de la rivière Ota , à Brooklyn, dans un grand festival et rencontrer un certain nombre d'artistes québécois qui vivent aux États-Unis. Alors, de la même façon, donc, en Europe, bien sûr, il doit y avoir des permanences pour nos troupes.

Je veux dire un mot, M. le Président, sur la réciprocité, cependant. Parce que c'est bien beau, et on nous le dit, dans les arts de la scène, d'avoir des troupes québécoises qui font des tournées extraordinaires à l'étranger, mais encore faut-il être en mesure d'assumer la réciprocité et de faire en sorte qu'en dehors des grands festivals, que ce soit le Festival de jazz, le Festival de théâtre des Amériques ou le Carrefour international de théâtre de Québec, il y ait des troupes étrangères, dans le secteur de la musique, de la danse, du théâtre, qui viennent au Québec. La politique de diffusion que je déposerai d'ici une quinzaine de jours fera état de cette nécessaire réciprocité que tous les organismes culturels québécois nous demandent. Alors, ce sera une des priorités inscrites dans la politique de diffusion.

Alors, M. le Président, en terminant, je pense que, donc, nous nous entendons sur le principe au moins de ce projet de loi. Nous reconnaissons, je pense, et l'opposition officielle et le gouvernement, tout ce qui est dû à Mme Bacon et à cette loi existante. Nous voulons y apporter conjointement, je le souhaite, les amendements nécessaires...

Une voix: ...

Mme Beaudoin: ...et du député, donc, de Sainte-Marie–Saint-Jacques dont la contribution est toujours, en matière culturelle, et je l'en remercie, extrêmement profitable à tous les ministres de la Culture, j'en suis certaine.

Donc, en terminant, M. le Président, voilà, je pense que c'est un bon projet de loi, que c'est un projet de loi qui va améliorer, comme je l'ai dit, les conditions d'abord et avant tout de nos artistes, qu'ils soient créateurs ou qu'ils soient interprètes, et qui va donner un meilleur équilibre au cadre de relations de travail entre les employeurs et les artistes et qui fera en sorte que notre milieu culturel continuera à être plein de vitalité, à être vibrant et à construire de façon incessante et de façon continue notre identité collective. Merci, M. le Président.

(16 h 50)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 64, Loi modifiant la Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma et modifiant d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de la culture

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de la culture pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 11 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 68


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 11, Mme la ministre de la Sécurité du revenu et ministre responsable de la Condition féminine propose l'adoption du principe du projet de loi n° 68, Loi modifiant le Code civil du Québec et le Code de procédure civile relativement à la fixation des pensions alimentaires pour enfants. Mme la ministre, je vous cède la parole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Mes premiers mots seront pour remercier Mme la députée de Sherbrooke, qui est aussi adjointe parlementaire à l'emploi et à la solidarité, pour le travail qu'elle a effectué dans ce dossier ainsi que l'ensemble des députés ministériels et des députés de l'opposition qui ont fait un examen très minutieux en commission parlementaire du principe de fixation des pensions alimentaires et qui ont étudié les modalités lors de séances de travail ultérieures à l'audition des organisations qui sont venues devant la commission au mois d'août dernier. Et je comprends que ce travail a résulté en une amélioration des propositions qui avaient été faites dans la première version du projet de loi. Ce sont là des améliorations qui valent certainement la peine d'être soulignées, et j'y reviendrai au cours de cette présentation en deuxième lecture.

C'est donc avec beaucoup de satisfaction que je vous présente le projet de loi modifiant le Code civil du Québec et le Code de procédure civile relativement à la fixation des pensions alimentaires pour enfants. C'est un projet de loi qui représente, avec également le projet de loi portant sur la médiation préalable en matière familiale déposé par mon collègue le ministre de la Justice, le troisième volet d'une approche globale de réforme du régime de détermination et de perception des pensions alimentaires. Je vous rappelle les deux premiers volets, à savoir la perception automatique des pensions alimentaires, adoptée en décembre 1995; la défiscalisation des pensions pour enfants annoncée par mon collègue le ministre des Finances lors du discours du budget au printemps dernier; et, finalement, ce troisième volet de l'approche globale qui est celui de la fixation des pensions alimentaires et puis de la médiation préalable en matière familiale, services de médiation qui seront rendus disponibles et gratuits lors de ruptures d'unions.

Alors, vous le savez, M. le Président, les ruptures d'unions s'accompagnent très souvent d'une baisse importante du niveau de vie des femmes et des enfants, notamment – et c'était le cas dans un passé récent – à cause du non-paiement des pensions alimentaires, ou encore leur absence, ou encore de l'insuffisance des montants qui étaient accordés par les tribunaux en matière de paiements alimentaires. Au Québec, un enfant sur cinq vit dans la pauvreté. Cette situation est particulièrement préoccupante chez les enfants qui vivent dans des familles monoparentales dirigées par une femme, des familles qui connaissaient, en 1993, un taux de pauvreté de 60 %. Ça signifie que 60 % des familles monoparentales dirigées par une femme sont pauvres au sens de nos indicateurs des seuils de pauvreté.

Dès la première année de la rupture, les études réalisées, notamment à l'Université Laval, ont permis de comprendre qu'il y a une diminution de 27 % du niveau de vie des familles monoparentales. Donc, dans l'année qui suit la rupture, ça signifie une baisse immédiate et drastique de 27 % du niveau de vie. Il arrive même que certaines de ces familles se retrouvent totalement privées de revenus et deviennent prestataires d'aide sociale. Trois quarts des familles monoparentales dirigées par une femme dont les enfants ont moins de six ans, au Québec, sont sur l'aide sociale. C'est donc 75 % des familles monoparentales dont les enfants ont moins de six ans et qui sont dirigées par une femme qui sont sur l'aide sociale.

Au total, M. le Président, en août 1996, c'étaient 99 380 familles monoparentales qui étaient prestataires de l'aide sociale, et moins du quart d'entre elles recevaient une pension alimentaire pour le bénéfice de leur enfant. Et pourtant des pensions alimentaires de montants adéquats peuvent et pourront constituer une partie importante du budget des familles monoparentales. Bien que plusieurs raisons puissent expliquer la pauvreté des familles monoparentales, bien d'autres raisons, notamment l'absence prolongée du marché du travail ou encore la précarité, la faible rémunération des emplois occupés... Tous s'entendent cependant sur le fait que les montants inadéquats et souvent insuffisants de pensions alimentaires pour les enfants augmentent cette pauvreté.

Je l'indiquais tantôt, en décembre 1995, le gouvernement du Québec a immédiatement agi en faisant adopter la loi facilitant le paiement des pensions alimentaires. Il s'agissait là du premier volet de la réforme globale. En instaurant un régime automatique de perception des pensions alimentaires sous la responsabilité du ministre du Revenu, cette loi est venue réduire les défauts de paiement et, par voie de conséquence, est venue rehausser le niveau de vie des femmes et des enfants.

Par ailleurs, le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec avaient annoncé au printemps dernier leur intention de défiscaliser le traitement des pensions alimentaires versées pour les enfants. C'est donc à compter du 1er septembre 1997 – ça, c'est la date d'entrée en vigueur de la défiscalisation – que les pensions alimentaires versées, comme les pensions alimentaires reçues, pour les enfants ne pourront plus être déduites du revenu de celui qui les verse ni de celui ou celle, plus généralement, qui les reçoit. Et ça, M. le Président, c'est évidemment à la suite du jugement intervenu, le jugement Susan Thibaudeau, du nom de cette femme de la région de la Mauricie qui a conduit devant toutes les instances judiciaires cette question relative à la défiscalisation des pensions alimentaires versées pour les enfants.

Par ailleurs, il est essentiel de s'assurer que les montants attribués pour les enfants soient non seulement défiscalisés, donc plus sujets à paiement, à impôt, si vous voulez, à imposition, mais en même temps que ces montants soient adéquats afin de fournir aux enfants le soutien financier dont ils ont besoin. C'est là en fait l'objet du projet de loi dont je vous présente l'essentiel à l'occasion de cette deuxième lecture. Au Québec, c'est 120 000 ordonnances de pensions alimentaires qui sont susceptibles d'être, disons, touchées, qui étaient en vigueur en fait au début de 1995. Donc, il y a 120 000 ordonnances de pensions alimentaires qui versent des pensions pour le bénéfice des enfants. Chaque année, le nombre de nouvelles ordonnances alimentaires est évalué à 13 000.

Que les montants versés en pensions pour les enfants soient parfois insuffisants s'explique en partie par des déficiences des méthodes de fixation utilisées par les tribunaux. À défaut d'une entente entre les parties sur un montant de pension alimentaire, la pension est fixée par le tribunal. Les critères de fixation appliqués par les tribunaux pour déterminer la valeur d'une pension sont très généraux et laissent au juge une très grande discrétion.

(17 heures)

En fait, on peut parler non pas de discrétion, mais d'imprécision des règles législatives pour aider les parties concernées et aider le tribunal aussi à fixer les montants de pensions alimentaires pour enfants. Et puis ça a comme conséquence que ces montants sont souvent imprévisibles et peuvent même dépendre de la décision d'un juge plutôt que d'un autre, d'où la nécessité d'utiliser une méthode plus objective de fixation des pensions alimentaires pour enfants.

Depuis les années quatre-vingt, plusieurs pays se sont avant nous penchés sur cette problématique. Aux États-Unis, de nombreuses mesures ont été mises en place pour assurer le paiement de pensions alimentaires adéquates pour les enfants. En plus des mesures touchant la perception des pensions alimentaires, une obligation est faite aux États américains, depuis 1988, de faire appliquer par les tribunaux des règles dites présomptives lors de l'établissement de la pension alimentaire pour l'enfant; en fait, des règles qui présument que la grille de fixation doit être celle qui va s'appliquer, à défaut qu'il y ait des raisons autres qui soient mentionnées et qui pourraient justifier un montant différent.

Au fédéral, le gouvernement canadien a fait adopter, le 18 novembre, par la Chambre des communes, un projet de loi qui porte le titre C-41, modifiant la Loi sur le divorce, projet de loi qui prévoit des lignes directrices, pour les pensions alimentaires pour enfants, applicables en matière de divorce. Ce projet de loi, qui est devenu une loi fédérale d'ailleurs, précise cependant qu'une province pourra adopter ses propres règles de fixation, auquel cas le modèle de la province va s'appliquer en matière de divorce. Le Québec a donc décidé de se doter de ses propres règles de fixation de pension alimentaire pour enfant adaptées à sa situation particulière, notamment à sa tradition civiliste, afin d'assurer à tous les enfants québécois des montants de pension adéquats et de tenter de diminuer leur pauvreté.

Il est important que les pensions versées aux enfants soient similaires et qu'il y ait non seulement en fait, mais aussi en apparence le cadre qui permet de s'assurer, de garantir que les enfants reçoivent bien les pensions auxquelles ils ont droit, compte tenu des revenus de leurs parents. Ainsi, M. le Président, quel que soit le cadre légal dans lequel la décision sera rendue, que ce soit en matière de divorce, en matière de séparation de corps, en matière d'ordonnance de pension alimentaire, s'il s'agit de conjoints de fait, il est prévu que cette grille de fixation des pensions alimentaires puisse s'appliquer.

Au mois de juin dernier, je déposais donc, au nom du gouvernement, un document de consultation ici même, à l'Assemblée nationale, présentant un projet de modèle québécois de fixation de pension alimentaire pour enfant. Ce document de consultation a fait l'objet d'auditions publiques au cours d'une commission parlementaire. Plusieurs groupes ont été entendus. Pour n'en citer que quelques-uns, par exemple le Barreau du Québec, la Chambre des notaires, l'Association de médiation familiale, la Fédération des femmes du Québec, l'Association masculine d'entraide pour la famille et quelques autres.

Les groupes, comme vous vous en doutez bien, représentaient des intérêts parfois divergents sur certains aspects du modèle. Cependant, leurs commentaires et recommandations nous ont été fort utiles et ont permis, suite à cette consultation du mois d'août, de préparer un projet de loi qui est celui qui est déposé aujourd'hui, de même qu'un projet de règlement que j'ai déjà déposé la semaine dernière à titre de document d'information et que nous pourrons examiner en parallèle au projet de loi lors des travaux de la commission parlementaire lors de l'étude article par article.

Je conçois qu'à la fois le projet de loi et le règlement veulent répondre aux préoccupations qui ont été soumises au moment de la commission parlementaire du mois d'août. Alors donc, le modèle introduit est basé sur des principes qui rejoignent les valeurs de notre société et qui reflètent l'importance que l'on accorde aux enfants. Ce modèle de fixation confirme le principe voulant que chacun des deux parents conserve, malgré la désunion, son obligation alimentaire à l'égard de son ou ses enfants en partageant la responsabilité financière en fonction du revenu respectif.

Le modèle prévoit aussi que l'obligation financière des parents a priorité sur toute autre dépense qui excède leurs propres besoins essentiels. Il s'agit d'assurer le plus possible aux enfants la couverture de leurs besoins en fonction, évidemment, de la capacité de payer des parents, mais, une fois les besoins essentiels des parents assumés, immédiatement la priorité doit aller à cette obligation faite à l'égard des enfants.

Le modèle de fixation reconnaît de plus que l'égalité de traitement de tous les enfants issus de différentes unions est souhaitable et ce modèle de fixation maintient l'incitation des parents à faibles revenus à respecter leur obligation alimentaire à l'égard de leurs enfants, leur reconnaissant le droit de conserver une fraction de leurs revenus excédant le coût de leurs besoins essentiels. Le taux de contribution de base est fixé à un plafond de 50 % du revenu disponible du débiteur alimentaire. Donc, c'est là une sorte d'encouragement à assumer, à respecter son obligation alimentaire, tout en conciliant, finalement, une incitation au travail.

Le modèle de fixation propose donc de calculer la pension alimentaire à payer à partir d'un montant de contribution de base, lequel se retrouve à la table de fixation qui a été déposée au projet de règlement. Cette table a été établie à partir d'analyses des données, si vous voulez, réelles de consommation des familles québécoises. Alors, pour chaque tranche de revenu familial, les dépenses moyennes effectuées pour les enfants ont été déterminées, et c'est à partir de cette étude que la grille de fixation a été établie. Ainsi, à partir du revenu disponible des deux parents – donc, c'est à partir du revenu familial – et du nombre d'enfants à leur charge, la table de fixation permet de connaître rapidement le montant requis pour les enfants. Il s'agit là de ce qu'on peut considérer comme la contribution alimentaire de base. Évidemment, il faut rappeler ici que les montants de la table de fixation ne servent à couvrir que les besoins des enfants. Ils ne couvrent pas les besoins de l'ex-conjoint. Pour l'ex-conjoint, je vous rappelle d'ailleurs, M. le Président, que c'est dans le cadre d'un mariage contracté et d'une rupture dans le mariage qu'il est possible d'obtenir une pension alimentaire.

On a une drôle de situation au Québec, où les naissances hors mariage sont en progression vertigineuse. En 1994, 48 % des naissances au Québec étaient hors mariage. L'été dernier, aux États-Unis, un débat important a eu cours dans les grands journaux américains sur une réalité qui interpellait la société américaine, à l'effet que 32 % des naissances aux États-Unis étaient hors mariage. Alors, vous voyez qu'au Québec, avec 48 % des naissances hors mariage, il y a déjà 15, 20 ans qu'on a, de loin, franchi le seuil qui préoccupe les Américains. C'est presque une naissance sur deux au Québec qui est hors mariage.

(17 h 10)

Déjà avec la réforme du Code civil introduite à la fin des années soixante-dix, on a prévu une obligation alimentaire à l'égard d'un enfant, quel que soit le statut marital des parents. On a fait disparaître ces concepts anachroniques d'enfant illégitime ou d'enfant adultérin ou d'enfant légitime qui, dans le passé, mettaient en cause l'obligation alimentaire des enfants qui n'étaient pas nés dans le mariage.

Mais je veux simplement rappeler que, s'il y a une protection alimentaire pour les enfants issus de parents, quel que soit leur statut marital, il reste qu'il n'y a pas d'obligation alimentaire entre conjoints de fait. Il n'y a pas de mutuelle assistance, là, il n'y a pas de secours mutuel entre conjoints de fait. La réalité est donc celle souvent de conjoints de fait qui se trouvent complètement démunis après une grossesse, une maternité, lorsqu'il y a désunion. Et c'est sans doute un des facteurs qui expliquent un recours de 400 familles par mois à l'aide sociale qui invoquent une séparation, donc la perte d'un conjoint qui finalement contribuait aux aliments du ménage, et qui invoquent ce motif de séparation et de dénuement total pour recourir à l'aide sociale.

Le projet de loi prévoit que la pension pour l'enfant devra être fixée avant celle de l'ex-conjoint en mariage afin d'éviter que soit réduite la pension alimentaire pour l'enfant. C'est donc, dans le projet de loi, la pension alimentaire pour l'enfant qui a priorité.

De plus, les montants apparaissant à la table de fixation sont présumés correspondre aux besoins de l'enfant. C'est ce qu'on appelle une présomption. Mais cette présomption pourra être renversée. Il peut arriver que des enfants aient des besoins spéciaux justifiant une contribution de base plus élevée pour les parents. Par exemple, il peut s'agir de frais de garde, de frais médicaux, de certains frais particuliers qui étaient déjà versés au moment où l'enfant vivait au sein de la famille avant la désunion. Alors, à défaut d'une entente entre les parties au sujet de ces frais supplémentaires, de ces besoins spéciaux, le parent qui en fait la demande pour son enfant devra en faire la preuve, et le juge pourra renverser la présomption, mais il devra, à ce moment-là, le motiver par écrit, donc de façon à ce qu'il y ait finalement les motifs à l'appui de cette décision.

Ensuite, sur la base de la contribution des deux parents, la pension alimentaire à payer sera déterminée en fonction du revenu de chacun des parents et selon le temps de garde de chacun. Alors, je l'ai déjà indiqué, la table de fixation a une portée présomptive. Alors, une certaine souplesse, comme je l'indiquais, va s'imposer, et les tribunaux vont conserver une certaine discrétion judiciaire. La présomption va être renversée sur la présentation d'une preuve, par l'un ou l'autre des parents, des difficultés excessives qui lui seraient causées si le montant prévu par le modèle s'appliquait effectivement. Par exemple, des difficultés excessives de frais importants reliés à l'exercice du droit de visite, des obligations alimentaires assumées à l'endroit d'autres personnes que l'enfant pourraient être plaidées comme étant des difficultés excessives. Et ces exemples ne sont évidemment pas limitatifs, d'autres pourraient aussi s'y ajouter. Ce n'est donc pas un outil statique, la grille de fixation.

Cependant, par ailleurs, les parents aussi vont pouvoir convenir d'un montant de pension alimentaire différent de celui calculé conformément aux règles de fixation. Cette entente, comme je l'indiquais, va devoir cependant préciser les motifs de cet écart à l'égard de la grille et va devoir être soumise à l'approbation du tribunal. Et le tribunal va avoir à s'assurer qu'à ce moment-là l'entente intervenue entre les parties, entre les parents, entre les ex-conjoints, pourvoit suffisamment aux besoins de l'enfant. Et le tribunal va devoir vérifier la validité du consentement des parties pour ne pas qu'il y ait, d'aucune façon, de l'intimidation qui s'introduit dans cette entente qui s'écarte de la grille de fixation.

Le projet de loi ancre dans notre droit civil différentes règles permettant de fixer les pensions alimentaires. Concrètement, les principales dispositions du projet de loi qui sont modifiées, c'est l'introduction d'une présomption au Code civil à l'effet que la contribution alimentaire de base calculée conformément aux règles de fixation est présumée correspondre aux besoins de l'enfant et aux capacités respectives des parents. Ensuite, l'obligation pour les parents de compléter le formulaire requis aux fins de la fixation de la pension et de l'accompagner des documents nécessaires. Donc, il va y avoir une obligation de faite aux parents de transmettre les informations relatives à leurs revenus. Alors, il va y avoir des documents. J'en ai déjà d'ailleurs fait le dépôt en commission parlementaire, du formulaire que les parents auront à remplir pour mutuellement s'informer de leurs revenus respectifs et en informer le tribunal.

Ensuite, une obligation pour les parents de compléter le formulaire, de fournir les informations requises. Le projet prévoit l'irrecevabilité de la demande ou la possibilité pour le tribunal de suppléer à la demande et de fixer le revenu de l'un ou l'autre des parents en fonction de la valeur de ses actifs. Si tant est qu'il y a défaut de l'un des parents de remplir le formulaire, de fournir les informations pertinentes sur les revenus, de fournir les informations pertinentes sur leur actif et leur passif respectifs, alors le tribunal pourra à ce moment-là suppléer et fixer péremptoirement le revenu de l'un ou l'autre des parents.

Le projet de loi accorde clairement la priorité à la pension demandée pour l'enfant, comme je l'indiquais plus tôt, et prévoit l'obligation de mentionner les motifs pour lesquels les parents ou le tribunal déterminent une pension à payer différente de celle qui aurait dû l'être en appliquant les règles de fixation. Le projet de loi précise que les règles ne s'appliqueront pas aux demandes déposées avant l'entrée en vigueur de la loi. Donc, ce n'est qu'au moment de l'entrée en vigueur de la loi que la grille de fixation va s'appliquer.

Finalement, le projet de loi prévoit l'obligation pour le ministre de la Justice de produire un rapport d'évaluation de l'application du modèle dans les trois ans de son entrée en vigueur. Donc, l'entrée en vigueur peut être prévue d'ici la fin de la présente session. C'est donc d'ici trois ans, en décembre 1999, qu'il devra y avoir une évaluation de l'application du modèle.

D'autre part, suite aux diverses consultations tenues, des modifications ont été introduites, notamment celle qui élargit à l'enfant majeur, qui n'est pas en mesure d'assurer sa propre subsistance parce qu'il est aux études, par exemple, à plein temps, l'application du modèle qui, dans le document de consultation, n'était prévu que pour l'enfant mineur et qui le sera dorénavant pour l'enfant majeur. Ensuite, le calcul de la pension à payer va tenir compte du temps de garde de chacun des parents. Les différents types de frais admissibles à titre de dépenses exceptionnelles ont été élargis aux frais de garde, aux frais d'études postsecondaires et aux autres frais particuliers. Le projet de règlement présente également le formulaire à compléter par les parties et présente la table présentant les montants de contribution alimentaire de base.

En concluant, M. le Président, je rappelle la différence entre le modèle québécois et le modèle fédéral. Entre autres commentaires entendus au moment de la consultation du mois d'août, on soulignait le fait que la table québécoise de fixation donnait des résultats parfois moins élevés que le modèle fédéral mais seulement à partir d'un revenu de 80 000 $ et plus du parent non gardien. Le modèle québécois est basé sur une étude de la consommation totale, c'est-à-dire de tous les biens des ménages québécois selon leurs revenus, donc par catégorie de revenus, et selon leur nombre d'enfants. Ça, c'est d'après l'enquête sur les dépenses des familles de Statistique Canada et qui tient compte du fait que les deux ex-conjoints peuvent avoir des situations de garde différentes et des revenus différents. Il permet aussi, ce qui est spécifique au modèle québécois, un ajustement pour droit de visite et de sortie prolongé, ce qui n'existe pas dans le modèle fédéral.

Dernièrement, un professeur qui avait collaboré aux travaux sur le modèle fédéral, le professeur Ross Finnie, qui a publié une série d'articles dans le journal The Ottawa Citizen , je crois, le journal d'Ottawa, disait du modèle fédéral, et je cite – c'est bien The Ottawa Citizen , en novembre dernier, le 5 novembre 1996, là, tout dernièrement: «Le système actuel est critiqué à juste titre parce qu'il donne des résultats différents pour des individus se trouvant dans les mêmes situations. Mais la méthode proposée par le gouvernement fédéral donne des résultats identiques pour des personnes dans des situations différentes, ce qui est tout aussi inapproprié», concluait le professeur Ross Finnie.

(17 h 20)

Je pense, M. le Président, que le modèle québécois est mieux adapté à la situation des gens, reflète mieux la consommation réelle des ménages québécois, s'inscrit en conformité avec les principes de notre droit civil québécois, est harmonisé également avec notre régime de sécurité du revenu. Le seuil à partir duquel dorénavant la grille de fixation va s'appliquer est de 9 000 $. En deçà de 9 000 $ – c'est là aussi un changement important qui est intervenu suite à la consultation – il n'y aura pas d'obligation alimentaire, puisque cela correspond à ce qu'on considère un seuil de besoins essentiels, de couverture de besoins essentiels. Alors, je comprends que ce modèle s'inscrit en conformité aussi avec les principes de notre droit civil québécois. Il permet de créer un contexte qui réduit la confrontation entre les ex-conjoints.

Toutes ces mesures, la perception automatique introduite par ma prédécesseure, Mme la députée de Chicoutimi, la défiscalisation introduite par mon collègue le ministre des Finances, les règles de fixation des pensions alimentaires telles qu'introduites aujourd'hui, les règles de médiation préalables introduites et attendues depuis une, deux décennies au Québec, introduites par le ministre de la Justice et qui vont permettre aux familles en rupture d'union de bénéficier d'un service gratuit de médiation préalable à travers tout le Québec, je pense que toutes ces mesures font en sorte de mettre à la disposition des Québécoises et des Québécois des moyens pour éviter la confrontation et assurer une meilleure couverture des besoins des enfants, respecter aussi les traditions du Québec et soutenir les personnes concernées dans ces situations qui sont difficiles à vivre, quels que soient les efforts qu'on y met. Alors, je comprends que c'est donc là la dernière pièce à l'échiquier, et, avec la mise en place de son propre modèle de fixation, le Québec se sera doté des principaux outils permettant aux enfants d'obtenir le soutien financier auquel ils ont droit de la part de leurs deux parents.

En terminant, M. le Président, je souhaite obtenir, pour l'étape qu'il nous reste à franchir, la même collaboration que l'opposition a témoignée, a manifestée dans les étapes précédentes. Je crois qu'il s'agit d'un projet qui n'a pas intérêt à être conflictuel. En fait, c'est une certaine vision de société qui est derrière ça. C'est une sorte de démarche d'accompagnement des familles qui ont à traverser l'épreuve d'une rupture, et je comprends que cela pourra, je pense, obtenir – je le souhaite, en tout cas – l'assentiment de tous les membres de cette Assemblée. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre.


Avis de débats de fin de séance

Avant de céder la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, j'ai trois avis à vous communiquer. Il y aura ce soir trois débats de fin de séance: le député des Îles-de-la-Madeleine interrogera le vice-premier ministre concernant l'engagement du gouvernement d'implanter une cimenterie à Port-Daniel; l'autre débat, le député de Richmond interrogera le ministre responsable du Développement des régions concernant l'éventuelle création d'un ministère des régions; et le dernier débat, M. le député de Viau questionnera le ministre de la Santé et des Services sociaux concernant la démission de M. Gilles Lagacé, de Québec-Transplant.


Reprise du débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 68

Alors, nous sommes prêts maintenant et nous sommes disposés à entendre Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Mme la députée.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Nous sommes présentement rendus à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 68, cette loi qui modifie le Code civil du Québec et le Code de procédure civile relativement à la fixation des pensions alimentaires pour enfants. Ce projet de loi, je vous le rappelle, fait suite au document de consultation qui a été déposé par la ministre de la Condition féminine au printemps dernier et qui s'intitulait «Modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants».

Suite au dépôt du document, la commission des affaires sociales a procédé à des consultations particulières, le 29 août dernier. Les groupes qui sont venus en commission parlementaire étaient unanimes à l'effet que le Québec devait se doter d'un modèle de fixation des pensions alimentaires qui lui est propre. Un consensus s'est donc dégagé au niveau des principes qui sous-tendent le modèle québécois, principalement visant la responsabilité commune des parents à l'égard de l'entretien et de l'éducation de leur enfant et le partage de cette responsabilité en proportion de leurs revenus respectifs. Ce modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants, plus communément appelé la grille de fixation des pensions alimentaires pour enfants, est depuis de nombreuses années réclamé par les groupes qui oeuvrent auprès des familles qui ont vécu une rupture.

Il faut être conscients, M. le Président, qu'à ce jour aucune règle législative ne vise à déterminer le montant de la pension alimentaire qui est accordé au parent gardien. Bien sûr, au cours des ans, un certain nombre de principes se sont dégagés de la jurisprudence et se sont appliqués de façon générale. Les montants attitrés sont parfois inadéquats par rapport aux coûts réels liés aux besoins des enfants et par rapport à la capacité de payer des parents. De plus, des montants très différents pouvaient être octroyés pour des situations similaires.

De plus, j'aimerais rappeler qu'en mai 1996 le gouvernement fédéral a déposé un projet de loi modifiant la Loi sur le divorce qui prévoit notamment des lignes directrices pour fixer le montant de la pension alimentaire pour enfants. Ce projet de loi fédéral entrera en vigueur à compter du 1er mai 1997. Ce projet de loi précise également qu'une province peut adopter ses propres règles de fixation des pensions alimentaires, et c'est ce que le gouvernement du Québec a décidé de faire.

Le projet de loi n° 68 ne contient que cinq articles et vise à introduire essentiellement les principes de la contribution alimentaire, soit la responsabilité commune des parents à l'égard de l'entretien et de l'éducation des enfants et le partage de cette responsabilité en proportion avec les revenus respectifs. Il introduit également, M. le Président, ce projet de loi, une discrétion judiciaire nécessaire pour tenir compte des difficultés excessives des parents. Il introduit également la possibilité pour les parents de pouvoir convenir d'un montant différent de celui prévu par le règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants. Toutefois, le tribunal devra s'assurer et vérifier que le montant pourvoit suffisamment aux besoins de l'enfant. On retrouve aussi dans ce projet de loi l'obligation, pour les parents qui font une demande de contribution alimentaire, de produire le formulaire de fixation des pensions alimentaires pour enfants, sinon la demande sera irrecevable. Le projet de loi comprend une obligation de la part du gouvernement, principalement du ministère de la Justice, de produire un rapport trois ans après l'entrée en vigueur des dispositions de cette loi, rapport portant sur l'opportunité de modifier ces dispositions, le cas échéant.

Quant aux normes qui permettent de fixer le montant de la pension alimentaire qui sera exigible d'un parent pour son enfant, elles se retrouvent entièrement au niveau de la réglementation qui découlera du projet de loi n° 68. À cet égard, j'aimerais remercier la ministre de la Condition féminine pour avoir déposé la semaine dernière la réglementation sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants. J'admets que, après l'avoir parcouru, le règlement semble refléter assez bien les dispositions qui étaient contenues au document de consultation et semble prendre également en considération certaines recommandations des groupes que nous avions entendus et les engagements que la ministre avaient pris suite à la consultation qui s'est tenue en août dernier.

(17 h 30)

M. le Président, la contribution alimentaire totale des parents pour un enfant sera composée de deux contributions, soit une contribution de base, qui est à la table de fixation de la contribution supplémentaire parentale annexée au règlement, et une contribution visant les frais de garde, les frais d'études postsecondaires et les frais particuliers relatifs à l'enfant. Tel qu'il avait été demandé par certains groupes, les frais particuliers ont été décrits de façon beaucoup plus précise dans le règlement que dans le document de consultation. On entend par ces frais particuliers les frais annuels autres que les frais de garde et les frais d'études postsecondaires, les frais annuels autres que les frais de garde et les frais d'études post-secondaires. Les frais particuliers visent certains besoins spéciaux, notamment les frais médicaux, les frais relatifs aux études primaires ou secondaires ou à tout autre programme éducatif qui répond aux besoins spéciaux de l'enfant, notamment les frais reliés aux activités parascolaires.

Il y a aussi l'exemption personnelle de base, qui était fixée dans le document à 6 840 $ et qui a été majorée dans le règlement à 9 000 $, sur la fixation des pensions alimentaires pour enfant. Ici, la ministre responsable de la Condition féminine a répondu aux nombreuses recommandations des groupes qui trouvaient que cette exemption personnelle de base n'était pas assez élevée. Par contre, en élevant l'exemption personnelle de base à 9 000 $, la ministre a éliminé l'exemption de 1 200 $ allouée pour les personnes vivant seules après la rupture. Cette exemption, M. le Président, je vous le rappelle, venait compenser pour la perte d'économie d'échelle sur le coût du logement.

D'autre part, comme la ministre s'y était engagée, elle a exclu les transferts gouvernementaux reliés à la famille, dans le calcul du revenu annuel. J'aimerais vous rappeler, M. le Président, que ces transferts gouvernementaux visent à prendre en considération la contribution non financière du parent gardien qui prend soin de l'enfant. J'espère que la nouvelle prestation unifiée pour enfants qui sera contenue dans la nouvelle politique familiale annoncée au sommet économique sera prise en compte.

M. le Président, de nombreux groupes avaient également fait valoir à la ministre que les règles devaient s'appliquer non seulement à un enfant mineur, mais également à un enfant majeur qui poursuit des études à temps plein. Ce dernier est incapable, il va de soi, d'assurer sa propre subsistance. La ministre de la Condition féminine a donc donné suite à cette recommandation. Elle a inclus la responsabilité de l'enfant majeur dans le règlement.

De plus, le règlement stipule que le maximum de la pension alimentaire ne pourra dépasser 50 % du revenu du parent. Vous comprendrez qu'il s'agit ici de préserver l'incitation du parent à demeurer sur le marché du travail et ne pas l'obliger finalement à glisser vers l'aide de dernier recours, vers la sécurité du revenu.

La contribution alimentaire de base des deux parents sera établie non seulement en fonction de leurs revenus disponibles et du nombre de leurs enfants, mais également au prorata du temps de garde. M. le Président, le règlement prévoit cinq sortes de garde différentes. Et, si vous ne les saisissez pas tout de suite du premier coup, soyez très confortable parce que c'est tout à fait normal.

Premièrement, il y a la garde exclusive, qui vise un parent qui assume plus de 70 % du temps de garde de tous les enfants; deux, une garde exclusive attribuée à chacun des parents, si chacun des parents assume une garde exclusive d'au moins un enfant; trois, la garde partagée, si chacun des parents assume au moins 30 % du temps de garde de tous les enfants; quatre, la garde exclusive et garde partagée simultanée, c'est-à-dire si au moins un des parents assume la garde exclusive d'au moins un enfant et qu'au moins un enfant fait l'objet d'une garde partagée – ça va, M. le Président, vous me suivez? – cinq, un ajustement est prévu en ce qui a trait aux droits de visite et de sortie prolongés. Cet ajustement vise essentiellement le parent non gardien qui bénéficie d'un droit de visite et de sortie qui se situe entre 20 % et 30 % du droit de garde.

Comme vous pouvez le constater, M. le Président, les différentes sortes de garde prévues au règlement sont assez complexes, et je ne crois pas qu'elles contribuent à simplifier le formulaire que les parents auront à remplir.

J'aimerais revenir spécifiquement sur la question ayant trait aux droits de visite et de sortie prolongés. À cet égard, j'aimerais rappeler à la ministre que ce droit de visite et de sortie prolongé a été dénoncé par le Barreau du Québec ainsi que par la Fédération des femmes du Québec. La notion des droits de visite et de sortie prolongés introduite dans le règlement est une notion de droit nouveau en matière de droit familial. Je partage le désaccord exprimé par le Barreau et la Fédération des femmes du Québec concernant le fait de comptabiliser dans le calcul du montant de la pension alimentaire le droit de visite et de sortie prolongé du parent non gardien. Cette comptabilité forcée engendrera nécessairement des débats interminables entre les parents et encore une fois sur le dos des enfants. On peut s'attendre, M. le Président, à cette possibilité, à ce que le parent non gardien soit tenté inévitablement d'augmenter le nombre de journées de son droit d'accès afin que ce dernier devienne un droit de visite et de sortie prolongé, et ce, dans un seul but: de bénéficier d'une diminution du montant de la pension alimentaire versée au parent gardien.

M. le Président, le droit de visite et de sortie prolongé se situe entre 20 % et 30 % du temps de garde. Ce temps de garde peut équivaloir facilement à un droit d'accès, soit une fin de semaine sur deux, un mois l'été, une semaine durant le temps des fêtes ou quelques jours durant les vacances de Pâques. Ce droit de visite et de sortie prolongée constitue, à mon avis, tout simplement un droit d'accès tout à fait normal et régulier pour le parent non gardien. J'ai d'ailleurs l'intention, lors de l'étude en commission parlementaire, l'étude détaillée du projet de loi, d'échanger une fois de plus avec la ministre à cet égard.

M. le Président, je vous rappelle également que, lors de la consultation, la ministre avait émis un communiqué de presse et déclaré que le nouveau mode de fixation augmentera en moyenne les pensions alimentaires de près de 1 200 $ par rapport au montant versé présentement, ce qui serait un gain important pour de nombreux enfants au Québec. Toutefois, j'aimerais rappeler encore une fois au gouvernement et à la ministre que les enfants les plus pauvres du Québec ne pourront pas bénéficier d'un sou de plus après l'adoption de ce projet de loi, puisque les pensions alimentaires sont déduites dollar pour dollar de la prestation de la sécurité du revenu. Je vous rappelle qu'il y a plus de 250 000 enfants qui sont à l'aide de dernier recours. Ils ne bénéficieront d'aucun sou de ce projet de loi. La majorité des groupes, M. le Président, partage mon avis et a d'ailleurs dénoncé cet état de fait lors de la consultation.

En terminant, je tiens à offrir ma collaboration à la ministre quant à l'adoption du principe du projet de loi n° 68 et je lui dis que l'opposition officielle travaillera de façon constructive lors de l'étude détaillée de ce projet de loi en commission parlementaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de...

Une voix: Blainville.

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...Blainville. C'est bien ça. Mme la députée.


Mme Céline Signori

Mme Signori: Merci, M. le Président. J'ai le plaisir de prendre la parole dans ce débat portant sur l'adoption du principe du projet de loi n° 68. Avec le projet de loi n° 68, le gouvernement instaure une table de calcul permettant d'établir des pensions alimentaires justes et équitables. C'est un projet de loi de grande importance, qui touche plus de 100 000 familles, dont bon nombre vivent dans la pauvreté.

Dans mon comté de Blainville, un comté dans lequel on compte de nombreuses jeunes familles, la famille monoparentale est présente comme partout ailleurs au Québec. Au total, on y dénombre 1 400 familles monoparentales qui bénéficieront des bienfaits de la loi n° 68. D'ailleurs, la présence croissance des familles monoparentales n'est pas près de s'arrêter. S'il faut en croire une étude récente de Céline Le Bourdais, de l'INRS-Urbanisation, dont le journal La Presse faisait état le 21 novembre... Selon cette étude, le nombre de familles monoparentales augmentera encore au cours des prochaines années en raison de la proportion croissance des ménages vivant en union libre et du caractère éphémère de ce type de foyer. En effet, cette recherche révèle que le tiers des familles fondées dans les années quatre-vingt par des couples vivant en union libre éclatent dans les six années qui suivent la naissance du premier enfant.

Les familles monoparentales, nombreuses, comme on le voit, sont souvent très pauvres. Une autre étude, pilotée par Jocelyne Camirand, de Santé Québec, et publiée récemment le confirme encore une fois. Je cite ici un court passage: «Le type de ménage dans lequel vivent les moins de 20 ans constitue malheureusement un excellent indicateur du niveau de pauvreté de leur ménage. Dans les familles monoparentales à chef féminin, près de six enfants sur 10 vivent dans un ménage pauvre ou très pauvre.» Fin de la citation.

(17 h 40)

M. le Président, quand les enfants vivent dans la pauvreté, c'est la société toute entière qui en souffre. C'est pourquoi le gouvernement est tout à fait justifié de légiférer en la matière, comme le recommandait d'ailleurs Camille Bouchard dans sa recherche «Un Québec fou de ses enfants». M. Bouchard avait constaté que les femmes récemment séparées ayant la garde de jeunes enfants touchaient des montants de pension souvent ridicules et qui variaient grandement d'un ménage à l'autre sans justification véritable.

Moi-même, du temps que j'occupais le poste de présidente et directrice générale de la Fédération des associations de familles monoparentales du Québec, je dénonçais publiquement la grande disparité qui existait entre les jugements de pension alimentaire, même quand les causes étaient identiques. Mais ce qui était pire, c'était qu'une famille monoparentale sur deux ne parvenait même pas à recevoir le montant auquel elle avait droit, faute d'un système de perception adéquat.

Pour ajouter l'injure à l'insulte, quand la mère de famille parvenait, souvent après des mois de démêlés judiciaires, à voir enfin la couleur de l'argent, le fisc venait lui réclamer presque la moitié de la pension alimentaire. On ne le dit pas assez, le système légal régissant les pensions alimentaires pour enfants a grandement contribué à la pauvreté des familles monoparentales du Québec. Il fallait que ça change, et le gouvernement du Parti québécois y a vu.

Aux citoyens qui nous écoutent, comme Mme la ministre l'a fait, je rappelle que les parlementaires de cette Assemblée adoptaient à l'unanimité la loi 60 sur la perception automatique des pensions alimentaires en mai 1995. C'était un bon premier pas. Puis, le 9 mai dernier, par la voix de son ministre des Finances, le gouvernement annonçait la défiscalisation des pensions alimentaires pour mai 1997. C'était la deuxième étape. Aujourd'hui, l'Assemblée doit approuver le principe d'une loi qui vise à instaurer une grille portant sur les montants de la pension alimentaire. Ce projet de loi comporte de nombreux avantages que n'ont pas manqué de relever les quelques 14 organismes qui se sont fait entendre en commission parlementaire à la fin du mois d'août dernier.

Premier avantage, avec ce projet de loi, le parent gardien disposera enfin d'un outil uniforme indiquant à quel montant de pension alimentaire il a droit légitimement. Deuxièmement, l'application du modèle de fixation se traduira par une hausse des montants nets de pension alimentaire pour enfant. Prenons le cas de deux ex-conjoints ayant deux enfants à charge. La mère a un revenu brut de 20 000 $ et le père de 40 000 $. Si la mère a la garde exclusive des enfants, le père, en vertu de la table de calcul, devra verser une pension annuelle non imposable de 5600 $ à ses enfants. Troisièmement, l'établissement d'une grille de fixation de même que la mise en place d'un service gratuit de médiation feront économiser des milliers de dollars aux parents en frais d'avocat. Si on parvient un tant soit peu à déjudiciariser les séparations et les divorces, la loi n° 68 sera à n'en pas douter une grande réussite.

M. le Président, je voterai avec joie en faveur de l'adoption du principe de ce projet de loi. En commission parlementaire, je travaillerai à simplifier encore davantage le formulaire administratif que les parents devront remplir en vertu du projet de loi n° 68. Toujours en commission parlementaire, je reviendrai à la charge avec l'idée de permettre à la famille à l'aide sociale de garder pour elle le premier 100 $ de pension alimentaire reçu. M. le Président, vous n'êtes pas sans savoir qu'actuellement la prestation d'aide sociale est réduite, dollar pour dollar, du montant de la pension alimentaire. Une telle façon de faire pénalise encore plus lourdement des gens déjà démunis.

En conclusion, le projet de loi n° 68 est une excellente nouvelle pour les familles monoparentales, dans le contexte budgétaire actuel. Ce projet de loi mérite l'assentiment de tous les parlementaires, et je souhaite de tout coeur que ces derniers le lui donneront. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Blainville. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour d'intervenir à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 68, Loi modifiant le Code civil du Québec et le Code de procédure civile relativement à la fixation des pensions alimentaires pour enfants. Bill 68, Mr. Speaker, An Act to amend the Civil Code of Québec and the Code of Civil Procedure as regards the determination of child support payments.

Je serai, M. le Président, assez bref. J'aimerais en discuter avec vous, faire valoir quelques points au sujet du rôle du gouvernement fédéral dans le dossier qu'on a devant nous, les différences entre le modèle de fixation proposé par le gouvernement fédéral et celui proposé par la ministre et quelques modifications qui étaient apportées au projet de loi suite à nos consultations particulières, au mois d'août.

M. le Président, je dirai d'emblée que je suis pleinement d'accord évidemment avec ma collègue la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne en ce qui concerne la nécessité pour le Québec d'adopter son propre modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants. Il n'est pas question quant à moi, quant à nous, d'adopter le modèle de fixation suggéré par le gouvernement fédéral.

Ceci étant dit, M. le Président, je crois que tous les parlementaires devraient se réjouir du fait que, dans ce cas-là très précis, le gouvernement fédéral, dans sa sagesse, avait donné la possibilité aux provinces de se prévaloir de leur propre modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants. Alors, il s'agit, quant à moi, vous allez comprendre, d'un autre exemple de la flexibilité de notre système fédéral, un exemple très concret que le système fédéral marche très bien dans ce cas très précis parce qu'il permet au gouvernement du Québec de substituer son propre modèle de fixation des pensions alimentaires, compte tenu des circonstances particulières de notre régime du Code civil et des particularités démographiques du Québec. Alors, un projet de loi fédéral très flexible qui permet de démontrer encore une fois, M. le Président, à quel point le fédéralisme canadien fonctionne bien et s'adapte bien aux particularités du Québec.

M. le Président, on a entendu parler et de la part de la ministre responsable de la Condition féminine et de la part de la députée de Blainville de l'importance pour ce gouvernement de prendre soin et d'agir pour appuyer, supporter les familles monoparentales québécoises qui vivent, on le sait fort bien, dans une situation de pauvreté assez remarquable. Mais il y a une chose étrange, peut-être une toute petite différence entre le discours puis la réalité, et je m'explique.

Malgré le fait que j'aie dit qu'il n'en est pas question, je crois, pour le Québec d'adopter le modèle fédéral, il y a une particularité dans le modèle fédéral qui, je pense, peut être utile aux familles québécoises monoparentales. Le modèle fédéral permet et englobe même un objectif de transfert d'une partie des ressources du parent qui gagne le plus, lors d'une rupture, au parent qui gagne le moins. Autrement dit, il transfère des ressources normalement du parent non gardien au parent gardien. Et le fédéral le dit assez clairement... et même la ministre de l'Emploi et de la Solidarité va l'admettre que dans le modèle fédéral il y a ce qu'ils appellent un objectif d'égaliser partiellement le revenu, et c'est explicite. L'effet réel de ces beaux mots, c'est que, plus le revenu du parent non gardien augmente – et on sait dans quel pourcentage il s'agit des pères – plus le tableau fédéral est avantageux. Autrement dit, la pension alimentaire payable sous le tableau fédéral est plus importante avec un niveau de revenus important pour le parent non gardien.

(17 h 50)

Si ce gouvernement était vraiment préoccupé par la question de la pauvreté chez les familles monoparentales, il aurait pu, quant à nous, adapter le modèle québécois qu'il nous faut pour tenir compte de cette possibilité. Et, dans les chiffres réels, ça peut être assez frappant. Faites une comparaison assez vite des deux tableaux où le salaire du parent non gardien se situe à 65 000 $, le salaire du parent gardien à 35 000 $. Faites le calcul des deux tableaux, M. le Président. Pour une famille avec un enfant, le fédéral est plus avantageux de l'ordre de 100 $ par année. Autrement dit, la pension alimentaire est plus importante d'à peu près 100 $ par année dans une famille avec un enfant. Et, dans une famille de trois enfants, la pension alimentaire du fédéral fixée pour les enfants est de 2 300 $ supérieure à celle du Québec. Ça, c'est des chiffres assez frappants et assez révélateurs.

Encore une fois, je ne dis pas qu'on aurait dû prendre au complet le modèle fédéral, parce qu'il y a des failles dans le modèle fédéral, c'est très clair, des failles importantes au niveau méthodologique. Mais, si ce gouvernement avait voulu – comme ça a été demandé par beaucoup de groupes, incluant le Barreau du Québec – vraiment faire quelque chose pour atténuer la pauvreté chez les familles monoparentales à la suite d'une rupture, il aurait pu incorporer, adapter le modèle fédéral pour tenir compte de cette possibilité d'égaliser les revenus après la rupture, mettre plus d'argent dans la main du parent gardien plus le revenu familial est important. Je pense que le gouvernement aurait dû le faire. Et j'ai l'intention de questionner la ministre là-dessus lors de nos travaux en commission parlementaire.

Je fais un petit aparté en disant à la députée de Blainville que nous avons l'intention de l'appuyer, elle, dans les deux démarches qu'elle avait soulignées ici, en Chambre, quant à la possibilité pour une famille sur l'aide sociale, l'aide de dernier recours, de garder le premier 100 $ de la pension alimentaire, de ne pas la réduire dollar pour dollar. Mme la députée de Blainville va avoir notre appui complet à cet égard. Et j'espère qu'elle va le démontrer comme elle l'a déjà démontré en commission parlementaire. Elle va avoir notre appui – c'est une revendication qu'on fait depuis deux ans, nous, de ce côté de la Chambre, la député de Saint-Henri–Sainte-Anne la fait depuis deux ans – que la pension alimentaire ne sera pas réduite dollar pour dollar pour l'aide sociale.

Et l'autre élément où elle va avoir notre appui constant, c'est au niveau de la simplification du formulaire. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne en a parlé. On peut assurer Mme la députée de Blainville, députée ministérielle, qu'elle va avoir notre appui également pour simplifier la formule que les deux parents doivent remplir après la rupture.

M. le Président, une dernière préoccupation quant au montant moyen de la pension alimentaire, suite à l'adoption du projet de loi n° 68. Mme la ministre, quand elle a commencé ses consultations, avait indiqué, par la voie d'un communiqué de presse, qu'il devrait y avoir une hausse moyenne de 1 200 $ par année par enfant avec l'utilisation du modèle de grille de fixation des pensions alimentaires. Entre-temps, plusieurs choses sont arrivées, entre autres l'exemption de base pour chacun des parents a été augmentée de 6 800 $ à 9 000 $. L'impact réel de cette augmentation, oui, pour en partie protéger les parents les plus démunis de la société... L'effet réel, également, ce serait d'avoir un impact négatif sur le montant de la pension alimentaire payable. Autrement dit, si le montant annuel de base d'exemption est haussé de 6 800 $ à 9 000 $, les pensions alimentaires pour enfants vont diminuer légèrement. Alors, quant à moi, il faut que la ministre fasse une mise à jour de cette annonce qu'elle a faite en assez grande pompe quant à l'effet réel de l'adoption du projet de loi n° 68. Et on va encore une fois l'interroger en commission parlementaire.

Je soupçonne, M. le Président, que la hausse moyenne annoncée par la ministre au mois d'août, le 28 août, de 1 200 $ n'est plus exacte avec les informations qu'on détient suite au dépôt du projet de loi n° 68, des règlements et du tableau de fixation qui a été déposé ici, en Chambre. Si la ministre est capable de nous convaincre autrement, on serait ravis.

Alors, pour résumer, encore une fois on est tout à fait d'accord que le Québec adopte son propre modèle de fixation. On félicite le gouvernement fédéral pour la possibilité de le faire.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Nous allons travailler dans le sens de la députée de Blainville quant à la simplification de formules puis à l'impact des pensions alimentaires sur l'aide sociale, afin d'aider les familles les plus démunies de notre société, les récipiendaires de dernier recours, afin qu'eux autres puissent bénéficier de cette augmentation dans les pensions alimentaires pour les enfants. Nous allons travailler avec assiduité, et je suis convaincu qu'ensemble on pourrait même encore améliorer davantage le projet de loi et les règlements qui en découlent. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Y a-t-il d'autres intervenants?

Une voix: Non.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Pas d'intervenant.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 68, Loi modifiant le Code civil du Québec et le Code de procédure civile relativement à la fixation des pensions alimentaires pour enfants, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Étant donné l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 20 h 4)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 15 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 73


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 15. M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor propose l'adoption du principe du projet de loi n° 73, Loi concernant la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances et modifiant diverses dispositions législatives en matière de retraite. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 73? M. le ministre et président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Oui. M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée. M. le Président, j'ai le plaisir de présenter le projet de loi concernant la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances, qu'on appelle la CARRA, et modifiant diverses dispositions législatives en matière de retraite.

Le printemps dernier, j'avais émis l'intention de trouver des solutions moins coûteuses pour l'État dans l'administration des régimes de retraite publics. Ainsi, j'avais avancé le projet d'intégrer certaines fonctions de la CARRA au Secrétariat du Conseil du trésor. À ce moment, les organisations syndicales avaient souhaité amorcer des discussions avec le gouvernement à ce sujet. Ce projet de loi a pour objet de donner suite à ces discussions concernant le financement de la CARRA, qui, comme vous le savez, est l'organisme chargé de l'administration des régimes de retraite des secteurs public et parapublic.

Il a également pour objet de donner suite à certaines demandes formulées notamment par le personnel d'encadrement du secteur public qui participe au Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, que nous appellerons le RREGOP.

Il concerne enfin certaines modifications à la Loi sur le régime de retraite des agents de la paix en services correctionnels afin d'harmoniser quelques dispositions de ce régime avec les règles qui découlent de la réforme fédérale de l'aide fiscale à l'épargne-retraite.

M. le Président, la CARRA administre tout régime de retraite qui lui est confié par le gouvernement ou par une loi. La presque totalité de ses frais d'administration, soit 27 400 000 $ en 1996-1997, est votée par l'Assemblée nationale et versée par le gouvernement sur le fonds consolidé du revenu. Les frais d'administration des principaux régimes de retraite des secteurs publics au Canada sont financés directement par les participants et les employeurs à même la caisse de ces régimes. Et de plus, les frais des autres grands régimes publics au Québec, tels que l'assurance automobile et le Régime de rentes du Québec sont également assumés par le fonds des régimes concernés.

M. le Président, le gouvernement a déjà exprimé sa volonté de retrancher du livre des crédits budgétaires tout élément de programme relatif aux frais d'administration des régimes de retraite. Les associations d'employés représentant les participants du RREGOP ont récemment accepté le principe selon lequel les frais d'administration de ce régime doivent être financés par le régime lui-même. À cet effet, plusieurs modalités ont fait l'objet de négociations, dont la structure de la CARRA et les pouvoirs et devoirs du Comité de retraite. Par ailleurs, le gouvernement s'est entendu avec ses principaux partenaires syndicaux afin que certaines activités de la CARRA non reliées directement à l'administration des régimes de retraite soient transférées au Secrétariat du Conseil du trésor.

L'un des objectifs du projet de loi est de consacrer le statut de la CARRA comme administrateur autonome tout en permettant aux parties négociantes de fixer les frais nécessaires à l'administration du RREGOP, à l'exception toutefois de ceux relatifs à la gestion des fonds de ce régime à la Caisse de dépôt et placement du Québec. La même approche de financement est retenue en ce qui concerne les autres régimes de retraite, faisant ainsi de la CARRA un organisme public extrabudgétaire, concrétisant ainsi l'entente conclue entre le gouvernement et les associations syndicales notamment.

À ce titre, la CARRA se verra accorder certains pouvoirs d'emprunt, et un fonds sera constitué afin qu'elle puisse y percevoir ses frais d'administration. Ce fonds sera constitué des sommes que la CARRA prendra sur les fonds du RREGOP, ou le compte des régimes de retraite, ou de toute autre somme qu'elle percevra dans le cadre de ses activités.

Par ailleurs, la CARRA continue d'être administrée par un président nommé pour une période n'excédant pas cinq ans, après consultation des syndicats et des associations représentant des employés de niveau syndicable et non syndicable. Le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor demeure le ministre responsable de la CARRA. Le président de la CARRA relève directement de lui et doit lui faire rapport périodiquement des sommes prises sur le compte des régimes de retraite ainsi que de l'administration de ces sommes.

(20 h 10)

Quant au Comité de retraite constitué actuellement au sein de la CARRA, il se voit accorder des pouvoirs et des devoirs additionnels à l'égard de l'administration des régimes de retraite relevant de sa compétence. Ainsi, le Comité de retraite doit notamment approuver le plan d'action de la Commission et le budget afférent au RREGOP, dicter conjointement avec la Caisse de dépôt et placement du Québec une politique de placement des fonds provenant des cotisations des participants et prendre les décisions relatives aux services que la Commission doit dispenser.

Par ailleurs, la Loi sur le RREGOP sera modifiée afin d'y préciser que les frais administratifs encourus par la CARRA seront dorénavant inclus dans le financement général des régimes de retraite qu'elle administre. Ainsi, pour l'année 1996-1997, sur un budget d'environ 27 400 000 $, près de 10 000 000 $ seront à la charge des participants du RREGOP, le reste étant déboursé à même le compte des régimes de retraite du gouvernement et le compte des régimes pour lesquels les fonds sont gérés par la Caisse de dépôt et placement du Québec.

À cet effet, la Loi sur le RREGOP sera modifiée afin qu'il y soit prévu que les frais d'administration relatifs au RREGOP syndicable sont assumés, à compter du 1er avril 1996, par les participants de ce régime et que le montant requis doit être pris sur le fonds de ce régime à la Caisse de dépôt et placement du Québec. La Loi sur le RREGOP prévoira également que le gouvernement assume à compter de cette date la moitié des frais d'administration relatifs à ce régime et que le montant requis est pris sur le compte des régimes de retraite.

M. le Président, je souligne également que la Loi sur le RREGOP sera modifiée afin d'y prévoir que le gouvernement pourra déterminer par règlement les normes conduisant à l'établissement du budget de la CARRA. Le règlement concernera notamment toutes règles et modalités requises pour l'établissement du budget de la CARRA, dont celles relatives à la répartition des frais et dépenses d'administration entre les divers régimes de retraite concernés ainsi que les modalités d'acquittement de ces frais et dépenses. L'enveloppe budgétaire afférente à l'administration du RREGOP, tant syndicable que non syndicable, par la CARRA sera établie par les parties, tel que le prévoit l'entente conclue entre le gouvernement et les associations d'employés. En ce qui concerne l'enveloppe budgétaire afférente à l'administration des autres régimes de retraite, celle-ci est soumise au ministre et approuvée par le gouvernement.

Enfin, la Loi sur le RREGOP sera modifiée afin que les employeurs et les organismes qui doivent verser leur contribution en application, premièrement, de la Loi sur le régime de retraite de certains enseignants; deuxièmement, de la Loi sur le régime de retraite des agents de la paix en services correctionnels; troisièmement, de la Loi sur le RREGOP; quatrièmement, de la Loi sur le régime de retraite des enseignants; et, cinquièmement, de la Loi sur le régime de retraite des fonctionnaires, versent également, pour le paiement des frais d'administration de ces régimes, en même temps qu'ils font remise des cotisations de leurs employés, un montant égal à un pourcentage de ces cotisations, établi par règlement du gouvernement.

En ce qui concerne les modifications donnant suite aux demandes formulées par les employés de niveau non syndicable qui participent au RREGOP, je souligne, M. le Président, que la Loi sur le RREGOP établit une distinction à l'égard des employés qui participent à ce régime. En effet, la loi distingue les employés selon qu'ils sont de niveau syndicable ou non et elle prévoit des dispositions particulières applicables à ceux qui sont de niveau non syndicable. De plus, elle prévoit que les fonds de ces employés sont déposés à la Caisse de dépôt et placement du Québec, dans un compte distinct de celui des employés de niveau syndicable. D'ailleurs, un comité de placement de ces fonds est constitué en vertu de la loi pour édicter des normes générales concernant la distribution des placements dont la Caisse de dépôt et placement du Québec doit tenir compte.

Le projet de loi propose aussi des modifications à la Loi sur le RREGOP afin de permettre au gouvernement de prévoir par règlement d'autres dispositions particulières. Pour concrétiser des distinctions qui existent actuellement dans la Loi sur le RREGOP entre deux groupes d'employés participant à ce régime, le projet de loi propose la constitution, au sein de la CARRA, d'un nouveau comité de retraite pour représenter les employés de niveau non syndicable. Ce nouveau comité de retraite bénéficiera des mêmes pouvoirs et devoirs que ceux du Comité de retraite actuel, de même que des nouveaux pouvoirs et devoirs qui sont accordés à ce dernier en vertu du présent projet de loi.

Le projet de loi apporte également des modifications à la Loi sur le régime de retraite des agents de la paix en services correctionnels afin d'harmoniser certaines de ses dispositions avec les règles qui découlent de la réforme fédérale de l'aide fiscale à l'épargne-retraite. Ainsi, le projet de loi introduit, notamment à la Loi sur le régime de retraite des agents de la paix en services correctionnels, une nouvelle formule afin d'établir la cotisation requise en vertu de ce régime et une nouvelle formule de calcul de la rente de retraite. Cette loi est également modifiée afin d'y prévoir une nouvelle prestation accordée à certains participants, suite aux versements de cotisations excédentaires à ce régime. Toutes les modalités concernant cette nouvelle prestation seront prévues par règlement.

En outre, le projet de loi offre au participant de ce régime de retraite la possibilité de bonifier la rente qui sera payable à son conjoint au moment de son décès. À cet effet, le participant pourra choisir de réduire sa propre rente de retraite de 2 % afin que son conjoint puisse obtenir une rente équivalant à 60 % du montant de la rente payable à ce participant lors de son décès, au lieu de 50 % comme c'est le cas actuellement.

M. le Président, le projet de loi propose aussi d'autres modifications de nature technique ou de concordance ou visant à faciliter l'administration des régimes de retraite.

Voilà, j'ai présenté brièvement les principaux éléments du projet de loi concernant la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances, qu'on appelle la CARRA, et modifiant diverses dispositions législatives en matière de retraite.

Je m'en voudrais de conclure ma présentation sans souligner la qualité des discussions qui ont eu lieu entre le gouvernement et ses partenaires syndicaux sur le partage des frais d'administration de la CARRA. Évidemment, l'entente conclue permet au gouvernement d'économiser près de 10 000 000 $ annuellement et donne aux employés de l'État québécois plus de pouvoirs et de responsabilités relativement à la gestion de la CARRA et des régimes de retraite dont elle est responsable. Mais, plus que cela, cette entente démontre que la voie de la discussion que le gouvernement a toujours privilégiée peut donner des résultats concrets à court terme non seulement pour le gouvernement, pour qui la santé des finances publiques est une priorité fondamentale, mais aussi pour les employés et leurs représentants qui souhaitaient s'impliquer davantage dans la gestion de leurs régimes de retraite.

Le gouvernement du Québec a misé sur la transparence et la responsabilisation durant les discussions qui ont mené à l'entente dont ce projet de loi est l'aboutissement. Je constate que cette approche s'est avérée profitable à toutes les parties et ultimement à l'ensemble des Québécois et des Québécoises, qui exigent avec raison, de la part du gouvernement et de l'ensemble des élus, une gestion sans faille du budget de l'État québécois. C'est pourquoi, M. le Président, je recommande l'adoption du principe de ce projet de loi. Et je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le président du Conseil du trésor et député de Labelle. Je cède maintenant la parole au député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, comme l'a très justement rappelé le président du Conseil du trésor, on a devant nous un projet de loi qui est le résultat d'une négociation entre les parties, c'est-à-dire d'une négociation entre le gouvernement et l'ensemble de ses partenaires syndicaux. L'opposition serait très malvenue de voter contre un tel projet de loi, qui est le résultat d'une entente entre les parties.

Néanmoins, M. le Président, je dois signaler un certain nombre d'interrogations de la part de l'opposition sur ce projet de loi. Oui, nous sommes d'accord qu'il y a entente actuellement pour un meilleur financement de l'unité autonome de services que constitue la CARRA et faire en sorte que cette Commission administrative, qui gère les régimes de retraite, soit financée à même les fonds de retraite. Et je crois que les partenaires se sont entendus. Et, d'un autre côté, nous devons prendre acte de l'entente et questionner peut-être à savoir les implications d'une telle entente. Mais nous devons en prendre acte.

Dans le projet de loi, il y a aussi un deuxième élément nouveau, si on laisse de côté la question du financement de la CARRA, qui est l'instauration ou l'extension de pouvoirs à un comité de retraite. Il existait déjà, à l'intérieur, un comité de retraite pour ce qu'on a appelé les employés syndiqués du RREGOP; on l'étend maintenant aux autres employés, les employés non syndiqués.

(20 h 20)

Le problème que l'on peut avoir à ce moment-là, c'est l'étendue qu'a ce Comité de retraite, les pouvoirs qu'il peut avoir. Ils sont extrêmement limités. Et ceux d'entre vous, comme parlementaires, qui connaissez ce qui se passe dans d'autres régimes de retraite, souvent les comités de retraite ont le pouvoir de recommander à l'organisme qui gère le fonds de pension... Et je sais particulièrement que le président du Conseil du trésor, qui participe d'ailleurs au même fonds de pension que moi, sait que le Comité de retraite peut faire à l'organisme qui décide, dans les fonds de retraite privés, des recommandations sur l'utilisation du surplus actuariel. Là, à l'heure actuelle, le Comité de retraite n'a pas cette possibilité, et je vais rentrer, M. le Président, dans mon propos sur l'utilisation actuellement dangereuse qui est faite du surplus actuariel.

L'article 40 du projet de loi va modifier l'article 177... Enfin, c'est une question de rédaction. On a: L'article 40 du projet de loi modifie l'article 177 et permet au gouvernement de fixer, par règlement, le taux de cotisation. Alors, on sait, M. le Président, à l'heure actuelle, le débat qui est sur la place publique et sur lequel nous nous opposons profondément, qui est de demander aux fonctionnaires de l'État québécois de prendre un congé de cotisation, ce qui diminuerait d'autant le surplus actuariel, qui est, si on prend les deux régimes du RREGOP: un, de 8 400 000 000 $ pour le RREGOP des syndiqués et de 1 100 000 000 $ pour le RREGOP des personnes non syndiquées.

Mais là, M. le Président, il y a, de notre point de vue – et, de la part de l'opposition, vous allez avoir en commission parlementaire de longs échanges à avoir – disons, un vol, entre guillemets – je ne voudrais pas avoir un langage non parlementaire – des biens, des avoirs comme tels des fonctionnaires.

Une voix: ...

M. Gautrin: Entre guillemets. Bon, si vous voulez discuter sur le mot, disons un détournement.

Une voix: ...

M. Gautrin: Ah! écoutez. Enfin, on ne discutera pas sur les mots, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'on peut s'entendre sur «ponction», M. le député de Verdun?

M. Gautrin: Une ponction, si vous voulez. Ça m'est égal. La réalité, c'est de voir que vous allez jouer dans les avoirs de l'ensemble des fonctionnaires, qu'ils soient syndiqués ou non syndiqués, dans ce qui constitue leurs avoirs.

Je ferai référence – et je suis sûr que le président du Conseil du trésor y fait référence – au jugement de la Cour suprême du 29 juin 1995 dans la fameuse question Singer. Et il en a parlé, parce que je m'en rappelle parfaitement – mais alors, c'est très drôle, me rappeler, parce que ça fait longtemps qu'on travaille ensemble de part et d'autre de la Chambre – lorsqu'il était dans l'opposition. À tel point que dans l'opposition il était un défenseur, justement, des avoirs contenus dans les fonds de pension des fonctionnaires, qu'ils soient syndicables ou non syndicables.

Dans l'arrêt Singer, pour les gens qui ne le connaissent pas, on dit que les surplus des fonds de pension appartiennent aux cotisants et que ce n'est pas parce qu'il y a un surplus actuariel – dans le cas de Singer, c'est une compagnie privée – qu'une corporation peut prendre un congé de cotisation. Là, on est à peu près dans la même situation, et l'article 177 donne pouvoir au règlement de fixer le niveau de cotisation. Donc, je comprends que vous vous donnez les pouvoirs pour agir. Ça, je le comprends. Je trouve néanmoins que c'est moralement injustifié et moralement inacceptable. C'est inacceptable, à moins qu'il y ait une recommandation, une volonté réellement des parties. C'est inacceptable unilatéralement de vouloir imposer un congé de cotisation dans les régimes de rentes, que ça soit celui du RREGOP syndiqué ou du RREGOP non syndiqué pour, de fait, diminuer le surplus actuariel.

Le surplus actuariel aurait pu... C'est quoi, un surplus actuariel? Ce n'est pas réellement de l'argent qui existe comme tel, c'est de se dire: En fonction des paramètres, des prévisions que l'on fait quant aux taux d'intérêt, à la croissance de l'économie, les montants d'argent que nous avons accumulés par rapport aux obligations que le fonds peut avoir, la capitalisation est plus importante que ce dont nous pensons avoir besoin pour assumer l'ensemble de nos pensions.

Sauf, M. le Président, et vous le savez parfaitement, qu'une simple variation de quelques pour cent, soit dans le taux d'intérêt, soit dans le taux de croissance de l'économie, soit dans le taux d'inflation, peut avoir des influences extrêmement rapides sur le montant du surplus actuariel. Parce que, actuellement, et c'est vrai, il y a, dans les deux régimes, un surplus actuariel. Demander et imposer aux fonctionnaires syndiqués et aux fonctionnaires non syndiqués un congé de cotisation, et on peut le faire bien sûr en application de l'article 40, qui introduit une modification à l'article 177 de la loi sur le RREGOP, me semble absolument inacceptable et injustifié.

M. le Président, dans ce sens-là et dans cette approche-là, l'opposition va voter en faveur du projet de loi en deuxième lecture parce que c'est le résultat d'une négociation entre les parties. Néanmoins, en commission parlementaire, nous annonçons tout de suite à nos amis d'en face et aux ministériels que nous allons questionner afin d'avoir beaucoup plus d'information, particulièrement sur les articles 39 et 40 du projet de loi, qui modifient les articles 174 et 177 de la loi du RREGOP, et sur ce principe que nous trouvons totalement injustifié, qui amène le gouvernement à pouvoir – et je ne ferai pas de jeu de mots – prendre une ponction ou imposer une suspension de cotisation, un congé de cotisation à ses fonctionnaires, ce qui a pour effet de diminuer d'autant le surplus actuariel et de mettre en question ce que je pourrais appeler le côté extrêmement sain du régime actuellement. Et nous allons avoir des échanges en commission parlementaire sur ces articles-ci.

Les articles, donc, qui créent le Comité de retraite sont des articles qui font avancer, je pense, la participation du RREGOP. On aurait aimé, et je pense qu'on va essayer de faire en sorte que le Comité de retraite doive donner son avis quant à l'utilisation éventuelle des surplus actuariels, ce qui n'est pas prévu actuellement dans le projet de loi, c'est-à-dire qu'on pourrait étendre la juridiction du Comité de retraite pour lui permettre de donner son avis.

La bonification qui est prévue au régime de rentes quant à la possibilité d'augmenter la rente du conjoint en cas de décès est une modification qui a été négociée et sur laquelle nous ne pouvons qu'être d'accord. Les autres modifications dans le projet de loi sont des projets de loi négociés sur lesquels nous sommes globalement d'accord. Nous ne sommes pas d'accord à l'heure actuelle face à la possibilité du congé de cotisation qui peut être permis pour utiliser le surplus actuariel sans la volonté des parties, donc c'est quelques articles que nous allons contester.

Donc, n'interprétez pas, M. le Président, notre vote en faveur du projet de loi en deuxième lecture comme un vote automatiquement en faveur en troisième lecture. Nous pensons qu'une discussion article par article permettra de clarifier – je vais reprendre le même terme que vous avez utilisé – cette ponction inacceptable dans le régime de rentes ou ce congé de cotisation.

(20 h 30)

Mais, en deuxième lecture, parce qu'il s'agit essentiellement d'un accord entre les parties, du moins sur ce qui est là et avec le danger qu'on peut y voir, nous allons voter en faveur du projet de loi en deuxième lecture, en étant bien conscients que ceci n'implique pas un accord en troisième lecture, parce que nous croyons être en mesure, en commission parlementaire, de convaincre le ministre de ne pas faire la ponction qu'il se permet de vouloir faire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, s'il n'y a point d'autres intervenants, M. le ministre, vous avez le droit à votre réplique. M. le président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard (réplique)

M. Léonard: M. le Président, d'abord je prends acte de la volonté ou de la décision de l'opposition de voter pour ce projet de loi en deuxième lecture. Je comprends qu'ils veulent exprimer, que le député de Verdun veut exprimer des réticences ou des réserves quant à l'article 40, mais je vais le lire pour le bénéfice de nos auditeurs, parce que vous verrez qu'il y a des balises très précises à la lecture de cet article. Alors, l'article 40 modifie l'article 177, qui se lirait désormais comme suit:

«Le gouvernement peut, par règlement, réviser les taux de cotisation du Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics.» C'est le bout qu'il a mentionné. Mais le suivant: «Le taux applicable aux employés de niveau syndicable et celui applicable aux employés de niveau non syndicable visés par le titre IV.0.1 sont basés sur le résultat de l'évaluation actuarielle du régime faite respectivement à leur égard et sont ajustés à compter du 1er janvier suivant la réception par le ministre du rapport de l'actuaire-conseil.» Donc, cela impose une balise très précise aux règlements du gouvernement.

Alors, nous en débattrons en commission parlementaire. Mais, d'ores et déjà, je voudrais quand même atténuer l'impression qu'il a pu laisser, que le gouvernement se donnait carte blanche pour fixer les taux de cotisation, ce qui n'est pas du tout le cas. M. le Président, ces balises sont basées sur les évaluations d'actuaires-conseils, et nous en débattrons. Alors, je suis très heureux que nous en soyons venus à une entente avec les organisations syndicales, avec aussi des employés non syndicables et les cadres sur ce projet de loi. Nous irons le bonifier, si besoin est, en commission parlementaire. Et j'espère que nous nous retrouverons très bientôt ici, en Chambre, pour l'adoption en troisième lecture. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le président du Conseil du trésor et député de Labelle.


Mise aux voix

À ce stade-ci, le principe du projet de loi n° 73, Loi concernant la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances et modifiant diverses dispositions législatives en matière de retraite, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission du budget et de l'administration

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 13 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 70


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 13. M. le ministre des Ressources naturelles propose l'adoption du principe du projet de loi n° 70, Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe?

M. Chevrette: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci. M. le Président, j'ai eu l'occasion plus tôt aujourd'hui de rendre publique la nouvelle politique énergétique. Celle-ci devrait nous permettre d'assurer le développement durable de nos ressources, dans le contexte particulier de la libéralisation des marchés, tout en intégrant les préoccupations sociales, environnementales et économiques qui sont propres à notre société.

Or, Hydro-Québec est le premier outil dont nous disposons pour gérer nos intérêts énergétiques. C'est donc sur elle que nous devons nous appuyer pour tirer profit du nouveau contexte créé par la restructuration du marché nord-américain de l'électricité. Mais, pour cela, notre société d'État doit être prête à affronter les conditions du marché, beaucoup plus exigeantes que celles qu'elle a connues jusqu'ici. Pour y arriver, elle doit réduire l'ensemble de ses coûts de production, d'aménagement et de fonctionnement. Elle doit aussi rétablir sa marge bénéficiaire et accroître son taux de rendement afin de pouvoir, en bout de ligne, dégager un bénéfice accru pour son unique actionnaire qu'est l'État du Québec, à toutes fins pratiques toutes les Québécoises et tous les Québécois.

Ce virage important, Hydro-Québec l'a déjà entrepris. Suite à la commission parlementaire du printemps dernier, le Conseil des ministres lui avait demandé de prendre les mesures nécessaires pour dégager des bénéfices nets d'au moins 516 000 000 $ en 1996. Un tel résultat ne pouvait être atteint sans un plan de réduction des charges d'exploitation. Depuis ce temps, Hydro-Québec en est venue à une entente de principe avec les syndicats qui représentent ses employés. Les uns et les autres, c'est-à-dire les syndicats d'Hydro-Québec et Hydro-Québec elle-même, comme structure, ont convenu d'un contrat social d'une durée de cinq ans qui prévoit, entre autres, une diminution de l'effectif grâce à des offres de départ, de retraite anticipée.

Par ailleurs, en fonction d'une diminution importante de certaines de ses activités, Hydro-Québec a mis en place un programme d'indemnité de départ et a prévu des dépenses exceptionnelles de réorganisation. Ces dépenses inhabituelles devraient être comptabilisées cette année en vertu des normes comptables applicables aux entreprises commerciales. Cela se traduirait notamment par une diminution de l'ordre de 478 000 000 $ des bénéfices escomptés pour cette année. Donc, une telle diminution aurait comme conséquence d'affecter de façon négative et la santé financière d'Hydro-Québec et les équilibres financiers du gouvernement, et ce, pour une mesure qui se veut un investissement vers une rentabilité accrue.

Cependant, nous savons qu'un organisme de réglementation peut prescrire à une entreprise dont les tarifs sont réglementés des traitements comptables différents des normes comptables en vigueur de manière à favoriser l'appariement des coûts de telles mesures avec les économies qu'elles permettent d'obtenir dans le futur. Une telle solution a été utilisée récemment dans le cas de Bell Canada, qui a obtenu dans une situation semblable la permission d'étaler sur cinq ans le coût des mesures d'assainissement budgétaire. Le projet de loi que nous soumettons aujourd'hui a donc pour but de permettre un tel étalement, c'est-à-dire d'autoriser Hydro-Québec à utiliser des méthodes et des pratiques comptables qui sont généralement reconnues par des organismes de réglementation.

En favorisant un meilleur appariement des coûts avec les économies générées dans le futur, ce projet de loi aura comme conséquence de minimiser leur impact sur le cadre financier d'Hydro-Québec et sur les équilibres financiers du gouvernement en 1996. Nous avons discuté avec mon collègue de l'opposition et nous savons très bien que c'est le fruit, à ce moment-là, d'un consensus entre les parties, et nous ferons le nécessaire de part et d'autre. Et je voudrais en remercier d'ores et déjà mon vis-à-vis, M. le député de Saint-Laurent, pour sa collaboration, parce qu'il y va de l'intérêt non seulement d'Hydro, mais aussi de l'ensemble des actionnaires que sont les Québécois et les Québécoises. Je vous remercie, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Ressources naturelles et député de Joliette. Je cède maintenant la parole au député de Saint-Laurent. M. le député.


M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. Tel que vient de le dire le ministre, il s'agit d'un projet de loi qui a sa nécessité et qui découle de l'entente qui est intervenue entre les parties. Il s'agit de permettre, et vous me permettrez ici de référer aux notes explicatives, au gouvernement d'autoriser Hydro-Québec à utiliser des méthodes et pratiques comptables généralement reconnues par des organismes de réglementation.

(20 h 40)

En simple, c'est qu'à cause d'une diminution du nombre d'employés d'Hydro-Québec il semble qu'un nombre important de ces gens... Les chiffres ont été évoqués en fin de semaine dans un article d'un journal: on parlait d'au-delà de 6 000, M. le Président. Donc, il s'agit d'encourager ces gens-là à accéder à une retraite anticipée. On appelle ça des départs assistés. Enfin, il y a tout un jargon, mais l'objectif, c'est pour encourager, inciter des gens qui sont à l'emploi d'Hydro-Québec depuis de nombreuses années à se prévaloir d'un programme de départs assistés.

Et le but de ce projet de loi, il est bien simple finalement, c'est qu'un organisme comme celui d'Hydro-Québec, si on ne consentait pas à modifier ou, si vous voulez, à accepter le projet de loi de ce soir, pourrait avoir comme conséquence que les gens responsables de la vérification à Hydro-Québec auraient l'obligation de comptabiliser, à l'intérieur de la même année, l'ensemble des départs plutôt que, si vous voulez, de les amortir sur des années subséquentes. Et on sait que l'organisme va trouver là tous les avantages nécessaires. Il y a des gens qui devraient partir dans deux ans, dans trois ans, dans quatre ans, donc Hydro-Québec en bénéficierait année après année. Donc, il semblerait que ce serait injuste – si vous me permettez le terme – d'exiger qu'Hydro-Québec comptabilise, et ce, à l'intérieur de la même année fiscale, l'ensemble des sommes consacrées pour permettre à ses employés de profiter d'un programme de départs assistés. Alors, comme ça c'est le résultat d'ententes qui ont été négociées entre les parties, il s'agit simplement de permettre à Hydro-Québec de pouvoir comptabiliser, de la façon dont je viens de décrire, les sommes qui seraient consacrées à ce programme de départs assistés.

Donc, vous comprendrez, M. le Président, que, même si c'est un projet de loi qui ne contient que très peu d'articles, il a une importance capitale sur l'ensemble du rendement et des finances non seulement d'Hydro-Québec, mais bien sûr également du gouvernement du Québec, parce qu'on sait que le ministre des Finances fait appel, à chaque année, à des contributions, de la part d'Hydro-Québec, à l'équilibre des finances publiques. Le budget de cette année indique qu'Hydro-Québec doit collaborer pour une somme de 516 000 000 $. Et, lorsque, tout récemment encore, le gouvernement a découvert qu'il y avait un différentiel de 245 000 000 $ entre les sommes qu'il escomptait recevoir et celles qui, effectivement, sont entrées au gouvernement, de ce montant de 245 000 000 $, immédiatement Hydro-Québec a été appelée à faire une contribution additionnelle de 50 000 000 $.

Donc, M. le Président, comme il s'agit du fruit d'ententes négociées aux tables des conventions collectives, et, pour soutenir les arguments que je viens de décrire... On m'indique également qu'on devrait aller – le terme m'échappe, là – en plénière pour que nous puissions... J'aurai une ou quelques questions à soulever. Mais, au niveau du principe, vous comprendrez bien, M. le Président, que le rôle des législateurs, c'est vraiment de permettre et à la Société et aux employés d'Hydro-Québec d'atteindre les objectifs qu'ils se sont fixés. Et, dans ce sens-là, c'est avec intérêt que je verrai à aller en plénière pour soulever les quelques questions qui, je crois, sont d'importance dans ce projet de loi. Ça termine les remarques, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 70?

Une voix: Non.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre, est-ce que vous exercez votre droit de réplique?

M. Chevrette: Non, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Le principe du projet de loi n° 70, Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission plénière pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que l'Assemblée se transforme en commission plénière.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): En conséquence, je suspends les travaux quelques instants afin de permettre à l'Assemblée de se constituer en commission plénière pour l'étude détaillée du projet de loi n° 70, Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec.

(Suspension de la séance à 20 h 46)

(Reprise à 20 h 49)


Commission plénière

M. Pinard (président de la commission plénière): Alors, conformément à la motion qui vient d'être adoptée, nous sommes réunis en commission plénière pour étudier en détail le projet de loi n° 70, Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec.

Nous allons donc entreprendre nos travaux par les remarques préliminaires. M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Chevrette: M. le Président, il n'y aura pas de remarques préliminaires, puisqu'on vient de faire le principe et qu'on a expliqué très bien, je crois, de part et d'autre, à la grande compréhension de tout le monde, quel était l'objectif du projet de loi. Donc, je m'abstiendrai de tout commentaire additionnel.

Le Président (M. Pinard): Merci. En ce qui vous concerne, M. le député de Saint-Laurent?

M. Cherry: Il en va de même, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Merci. Est-ce que vous avez des motions préliminaires?

M. Chevrette: Il n'y a aucune motion préliminaire.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Saint-Laurent?

M. Cherry: Aucune, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Très bien. Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

M. Chevrette: Quelle motion?

Le Président (M. Pinard): À l'effet qu'il n'y a aucune espèce de motion.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): Il n'y a pas de motion préliminaire?

M. Chevrette: Mais, s'il n'y a pas de motion préliminaire, elle ne peut pas être adoptée.

Le Président (M. Pinard): Alors, on n'a pas à l'adopter, vous avez tout à fait raison.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cherry: On accepte qu'il n'y ait pas de motion. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): C'est quand même surprenant de voir la célérité avec...

(20 h 50)

M. Chevrette: Mais si ça vous surprend, voulez-vous nous permettre de vous surprendre davantage?

Le Président (M. Pinard): Oui, effectivement, M. le ministre.

M. Cherry: Il s'agit de confier ça à des gens d'expérience, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!


Étude détaillée

Le Président (M. Pinard): Alors, nous allons maintenant procéder à l'étude détaillée. Y a-t-il des interventions sur l'article 1 du projet de loi? Alors, M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Chevrette: Non, je me contenterai de lire l'article, puisque c'est le seul article. C'est-à-dire qu'il y a deux articles, dont un pour l'entrée en vigueur. Mais l'article 1, c'est: La Loi sur Hydro-Québec, modifiée par le chapitre 4 des lois de 1995 et par le chapitre 2 des lois de 1996, est de nouveau modifiée par l'insertion, après l'article 21.3, du suivant: «Le gouvernement peut autoriser la Société à utiliser des méthodes et pratiques comptables généralement reconnues par des organismes de réglementation.» On ajoute, après 21.3, un 21.4.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: M. le Président, je me permettrai de soulever une question au ministre. L'article qu'il vient de lire: «Le gouvernement peut...» Est-ce qu'on parle de 21.4 ou si on est à...

M. Chevrette: 21.4.

M. Cherry: 21.4. «Le gouvernement peut autoriser la Société à utiliser des méthodes et des pratiques comptables généralement reconnues par des organismes de réglementation.» Ce que je soulève, M. le Président, c'est «le gouvernement peut autoriser la Société». Et, quand on prend connaissance des notes explicatives, on dit: «Ce projet de loi modifie la Loi sur Hydro-Québec afin de permettre au gouvernement d'autoriser Hydro-Québec...», tandis que, dans le 21.4, on dit «le gouvernement peut autoriser». Alors, est-ce qu'il est question, une fois que ce projet de loi sera devenu loi, d'autoriser Hydro-Québec à le faire ou est-ce que le gouvernement pourra se garder la possibilité, même avec le projet de loi, de ne pas l'autoriser? Et je soulève ma question parce que, entre la note explicative et l'article, il y a une distinction dans les mots utilisés.

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, bien, dans les notes explicatives, c'est que c'est un pouvoir habilitant. On dit: Le projet de loi est amendé afin de permettre... Mais, dans l'article de la loi, ça devient une «facultativité». Si c'est nécessaire, on le fait, et le pouvoir habilitant est là. Si ce n'est pas nécessaire, on ne le fait pas, donc ça prendra un décret. Supposez, par exemple, que, au moment où la loi est adoptée, il y a eu une lettre d'entente entre les parties puis que ça ne devienne plus nécessaire de passer un décret. Donc, on met, au niveau de l'article, un «peut», et c'est un pouvoir habilitant qu'on donne dans la loi.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Donc, M. le Président, en entendant les propos du ministre, c'est ce qui explique pourquoi, dans les notes explicatives, on dit: C'est ce qui va «permettre au gouvernement d'autoriser», mais que dans... Il dit qu'il peut. J'ai de la difficulté à concevoir comment le gouvernement... Comme vous dites... L'argument que le ministre a invoqué, c'est à savoir, à moins qu'il y ait une entente qui diffère de ce que les parties ont fait, ou est-ce que... Il me semble que le nombre d'employés visés... À moins qu'il y aurait là une déception énorme et qu'il y aurait si peu d'employés qui s'en prévaudraient que, pour l'année en cours, le gouvernement n'ait pas à utiliser... Mais il me semble que...

M. Chevrette: C'est parce que, dans beaucoup de législations, quand vous lisez les notes explicatives, dans le domaine de la santé entre autres – parce que j'ai été ministre de la Santé en 1984 – il y a beaucoup de pouvoirs habilitants. Quand on lit les notes explicatives, c'est comme si le gouvernement faisait, faisait, faisait, c'est-à-dire se donne une permission de... Quand on arrive dans les articles concrets du projet de loi, ce pouvoir habilitant qu'on se donne est utilisé si nécessaire. Donc, on dit «peut», et ça oblige, à ce moment-là, le gouvernement, d'autre part, à faire un décret, s'il s'autorise, en vertu du projet de loi qui l'habilite à le faire... Ça l'oblige à faire un décret pour rendre effective sa décision.

M. Cherry: M. le Président, il me semble que le ministre, tantôt, dans ses remarques préliminaires, a mentionné un chiffre. S'il y avait un nombre important – je pense que l'objectif, c'est un petit peu au-delà de 6 000 – en somme d'argent, c'est quoi, ce qu'on pourrait appeler...

M. Chevrette: ...le chiffre, je pense, de 478 000 000 $... C'est qu'on sait qu'il y a tel nombre qui sont habilités – oui, je dis bien, là – à prendre ce congé plus rapide ou ce départ assisté. Par exemple, ceux qui ont x années de service sont habilités à... S'ils comptabilisaient tout cela... ou bien sur cinq ans, le problème, c'est que ça fait une période de neuf ans, et je vais vous l'expliquer.

Si j'en ai – je ne sais pas, moi – 500, la première année, qui prennent un congé, ces 500 là sont répartis sur cinq ans. La deuxième année, supposons qu'il y en a 600, c'est la deuxième année pour cinq ans, ça fait sept ans. La troisième année, s'il y en avait 1 000, ça fait la troisième année plus cinq autres années, ça fait huit ans. Et, la dernière année, le tout, c'est sur neuf ans. Et c'est accepté en pratique comptable maintenant, en autant qu'on a un pouvoir habilitant. Donc, on m'a dit: Prépare un projet de loi fort simple pour permettre que de telles pratiques comptables soient permissibles, comme ça l'a été pour Bell Canada.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Est-ce que je dois comprendre des explications du ministre que l'objectif maximum de la durée, c'est bien cinq ans? En d'autres mots, là, est-ce que c'est quelque chose que, une fois inscrit comme ça, le gouvernement pourra autoriser Hydro-Québec à s'en prévaloir pour une durée beaucoup plus longue que... Ou est-ce que, vu que ça doit être incitatif, c'est pour encourager? Est-ce qu'il n'y a pas là l'avantage d'avoir une limite de temps pour que les gens, ils sachent qu'ils ont telle période pour s'en prévaloir?

M. Chevrette: Bien, je n'ai pas mis de chiffres dans le projet de loi. Vous comprendrez que c'est une entente de cinq ans qu'ils ont. C'est pour ça qu'au niveau du discours je parle de cinq ans. Est-ce que... À partir d'une clause de réouverture qu'il pourrait y avoir dans la convention, puis s'ils concluaient une autre clause pour trois ans... Le pouvoir habilitant est d'une portée générale, de sorte que l'article pourrait être utile en tout temps, dorénavant, pour ce genre d'activité.

M. Cherry: O.K. Donc, ce que vous me dites, c'est que, parce que les parties viennent de signer une entente ou sont sur le point, dans certains cas, de le faire, qui est d'une durée de cinq ans, c'est ce qui vous permet d'utiliser la période de cinq ans. Si, ou durant la durée de ces cinq années là ou aussi à la fin de cette cinquième année là, lors du renouvellement, ils décidaient de poursuivre ça... c'est la raison pour laquelle vous ne voulez pas la limiter à cette période-là.

M. Chevrette: Même à l'intérieur de cela, il pourrait y avoir des lettres d'entente qui modifient les clauses de l'entente de principe actuelle. C'est du cas par cas. Le gouvernement devra, à chaque fois, passer un décret cependant, parce qu'il a le pouvoir habilitant de le faire. Mais il devra passer un décret. C'est pour ça qu'on dit «peut».

Le Président (M. Pinard): M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Oui, avec ces explications-là, M. le Président, ça me va. Il me semblait important que ce soit des points qui soient soulevés pour que les gens qui auront à interpréter ça connaissent bien l'intention du législateur dans ce dossier-là.

Le Président (M. Pinard): Alors, est-ce que l'article 1 est adopté?

M. Cherry: Adopté.

M. Chevrette: Oui.

Le Président (M. Pinard): Adopté. L'article 2: La présente loi entre en vigueur le...

M. Chevrette: Le jour de sa sanction.

Le Président (M. Pinard): Le jour de sa sanction?

M. Chevrette: «C'est-u» ça? C'est le jour de la sanction. Lorsque le lieutenant-gouverneur en conseil y apposera sa griffe.

Le Président (M. Pinard): Très bien. M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Est-ce que, M. le Président, la ronde des négociations étant terminée, les assemblées de ratification sont également terminées ou sont sur le point de l'être?

M. Chevrette: On m'a informé que c'était le 29 novembre que nous connaîtrions les résultats définitifs, mais je n'ai pas été plus au courant que cela, là. C'est un processus de démocratie interne...

M. Cherry: Oui.

M. Chevrette: ...que vous connaissez bien vous-même, pour être un ancien syndicaliste. Mais il y a eu des assemblées régionales. C'est un syndicat qui est immense; c'est plus de 20 000 employés. Donc, ça demande une tournée nationale pour les dirigeants, puisque c'est un syndicat national avec des sections régionales. Et je crois bien que nous serons en mesure, au début de décembre, de part et d'autre, de s'informer des résultats ultimes.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Ça répond à mes interrogations, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci messieurs. Est-ce que l'article 2 est adopté?

M. Cherry: Adopté.

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Pinard): Est-ce que le titre du projet de loi est adopté?

M. Chevrette: Adopté.

M. Cherry: Adopté.

Le Président (M. Pinard): En conséquence, la commission plénière met fin à ses travaux. Je remercie celles et ceux qui ont participé. Et, pour permettre à l'Assemblée de poursuivre sa séance, je suspends les travaux quelques instants et je prie toutes les personnes qui doivent se retirer de bien vouloir le faire immédiatement. Merci.

(Suspension de la séance à 21 heures)

(Reprise à 21 h 5)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

M. le président de la commission plénière.

M. Landry (Bonaventure, président de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière a étudié en détail le projet de loi n° 70, Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec, et qu'elle l'a adopté sans amendement.

M. Chevrette: Sans amendement.


Mise aux voix du rapport de la commission

Le Vice-Président (M. Pinard): Ce rapport est-il adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le président. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 13 de notre feuilleton.


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre des Ressources naturelles propose l'adoption du projet de loi n° 70, Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec. Y a-t-il des interventions?

M. Chevrette: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, avant de procéder à l'adoption du projet de loi n° 70, conformément à notre règlement, en vertu de l'article 230, y a-t-il consentement pour déroger à la procédure?

Des voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, est-ce qu'il y a des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 70? M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, je ne voudrais surtout pas vous surprendre, mais les seuls mots que je voudrais dire, c'est remercier mes collègues et remercier l'opposition pour la diligence avec laquelle on adopte ce projet de loi, puisqu'il y va de l'intérêt, je crois, non seulement de la société d'État, mais aussi des travailleurs et de l'ensemble des Québécois. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: Bah, M. le Président, simplement pour ajouter que le ministre m'indiquait tantôt que les gens, les travailleurs, travailleuses d'Hydro-Québec doivent se prononcer d'ici à la fin du mois sur l'acceptation du projet qui leur est proposé, à savoir une convention collective d'une durée de cinq ans. Il semble que ça, ce soit un outil important, et notre objectif, c'est d'indiquer que la volonté du législateur, la volonté du gouvernement, ça peut inciter ces gens-là à croire au sérieux de l'accompagnement que le législateur fait de la volonté de l'entente qui s'est dégagée des négociations à Hydro-Québec. Alors, dans ce sens-là, je concours aux déclarations du ministre, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Puisqu'il n'y a pas d'autres intervenants, le projet de loi n° 70, Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui. M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 3 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 56


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 3 de notre feuilleton. M. le ministre de l'Environnement et de la Faune propose l'adoption du principe du projet de loi n° 56, Loi modifiant la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables. Y a-t-il des interventions? Alors, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.


M. David Cliche

M. Cliche: M. le Président, merci. Comme vous le savez sans doute, c'est en 1989 que cette Assemblée a doté le Québec d'une législation importante qui vise à protéger les espèces menacées, tant les espèces fauniques que les espèces floristiques, et il y a lieu, à cette étape-ci, de modifier la loi pour faire en sorte que nous puissions faciliter son application, notamment en ce qui concerne la préservation de la flore menacée et en ce qui concerne le travail des agents de conservation de la faune.

Vous allez vous demander comment il se fait que les agents de conservation de la faune aient à voir avec la protection de la flore. Parce qu'il faut que vous sachiez, M. le Président, que nos agents de conservation de la faune sont également des agents de protection de la flore et qu'à cet effet ils ont le devoir et les pouvoirs d'appliquer la loi sur la protection des espèces menacées, notamment en ce qui concerne la flore.

(21 h 10)

Vous avez sûrement entendu parler, M. le Président – sans doute que vous en avez d'ailleurs mangé dans vos jeunes jours – de l'ail des bois, et c'est dans l'application de la protection de l'ail des bois, qui, comme vous le savez, est une espèce sur la liste des espèces menacées, que nous sommes arrivés à convenir, à conclure qu'il était temps de modifier cette loi, la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables, pour pouvoir en faire une meilleure application, et ce, sur deux aspects. D'abord, les modifications que nous suggérons dans ce projet de loi vont donner une beaucoup plus grande latitude aux inspecteurs de la flore qui – comme je l'ai dit, ce sont des agents de conservation de la faune – pourront, selon les situations, assurer la garde de choses saisies, s'en départir, les détruire ou les céder à des fins de transplantation. Effectivement, M. le Président, il y a des cas où, comme les agents de conservation n'avaient pas le pouvoir, ils devaient garder les plantes saisies. Dans certains cas, nos agents de conservation de la faune, qui ont le pouvoir d'inspecteurs de la flore, auraient préféré pouvoir replanter les plantes arrachées, les plantes enlevées, dans leur habitat naturel afin qu'on puisse préserver ces plantes dans leur habitat. Il y a donc la volonté, dans ce projet de loi, de donner beaucoup plus de flexibilité dans la façon dont les agents de conservation de la faune peuvent se départir ou soit même replanter les plantes qui ont été saisies dans l'exercice de leurs fonctions pour la protection de ces plantes.

L'autre élément, c'est de permettre, de donner une période plus grande au-delà de laquelle les agents de conservation, dans l'exercice de leurs fonctions, puissent officiellement déposer une plainte lorsqu'ils sont intervenus. En ce moment, la période maximale est de 90 jours. Nous voulons l'étendre à 120 jours pour une raison administrative, mais pour une raison qui relève également de la botanique. D'abord, 90 jours se révèlent dans certains cas un délai administratif un peu trop court pour que les agents de conservation de la faune et les inspecteurs de la flore puissent préparer correctement leurs dossiers, leurs cas, mais également dans certains cas nous devons faire des cultures. Lorsque, par exemple, nous saisissons ce que nous croyons être des graines d'une plante qui est protégée, il faut, dans certains cas, prendre le temps, avoir la patience, avec le pouce vert de nos inspecteurs de la flore, de faire germer ces graines pour s'assurer que la graine que nous avons saisie correspond effectivement à la plante que nous voulons protéger. Donc, une période de 120 jours – et je vois que des députés de cette Assemblée nationale sont des experts dans la germination de ces graines – est nécessaire pour pouvoir conclure la preuve et faire en sorte que le dossier puisse faire l'objet d'une plainte officiellement.

Ces modifications vont permettre d'améliorer l'application de la loi sur la protection des espèces menacées et elles vont permettre de pouvoir dire que le Québec est à la fine pointe de la protection des espèces menacées. Et je veux dire quelques mots sur cet aspect parce que le gouvernement canadien vient de déposer, avec ses gros sabots, un projet de loi, C-65, qui voudrait mettre en place une législation canadienne en matière de protection des espèces menacées. Je tiens à souligner que le Québec est à l'avant-garde de la protection des espèces menacées, ayant passé sa propre législation en 1989. Je tiens à signaler non seulement que le Québec est à l'avant-garde, mais que le fédéral s'est de façon évidente inspiré de notre législation et de notre pratique et que le Québec, dans la protection de la biodiversité, qui est un élément essentiel visé par la protection des espèces menacées, est le premier État du monde occidental non seulement à s'être donné une politique de biodiversité, mais j'ai eu le plaisir de déposer en cette Chambre non seulement la politique, mais également le plan d'action en protection de la biodiversité au Québec.

L'application de cette loi sur la protection des espèces menacées se fait, bien sûr, avec l'aide des meilleurs hommes et femmes de science du Québec qui conseillent le ministre de l'Environnement et de la Faune sur les espèces qu'ils jugent nécessaire de mettre en protection. Je peux vous dire, M. le Président, qu'il y a déjà 12 rapports complets d'espèces fauniques qui, selon les comités d'experts, sont menacées ou vulnérables et qu'il y a 20 rapports complets d'espèces florales qui, elles aussi, sont jugées en état de menace, menacées ou vulnérables. De ces espèces de plantes, huit sont déjà sur la liste, et j'ai l'intention de recommander à mes collègues du Conseil des ministres que très bientôt soient ajoutées sur la liste des espèces fauniques. Nous avons en tête le béluga. Nous avons en tête le suceur cuivré, poisson bien connu qui a fait beaucoup parlé de lui. Nous avons également en tête le carcajou, qui, quoiqu'il soit une bête que nous voulions peu rencontrer dans la forêt, cette bête s'amusant à dévorer nos campements, à ouvrir les boîtes de farine, les pots de graisse, néanmoins est une bête qu'il faut protéger, et nous pensons très bientôt devoir l'ajouter sur la liste des espèces menacées et vulnérables.

Et finalement nous pensons également malheureusement devoir placer sur la liste des espèces menacées et vulnérables, pour une meilleure protection, le caribou des bois, le dernier caribou des bois qui vit au sud du Saint-Laurent, dans le parc de la Gaspésie, magnifique bête, comme vous le savez, M. le Président, au niveau génétique, qui est différent du caribou de la toundra, le Barren Grounds caribou, qui est plus petit. Et cette espèce, selon nous, au sud du Saint-Laurent, nécessite une protection. Il était un temps où le caribou des bois, au sud du Saint-Laurent, rejoignait même Drummondville. Mon grand-père me disait que son grand-père avait même tué des caribous des bois dans les forêts appalachiennes de la Beauce, ce qui témoigne que le caribou des bois au sud du Saint-Laurent est maintenant confiné au parc de la Gaspésie. Il doit nécessiter une protection accrue. J'ai moi-même dû intervenir récemment pour faire arrêter une prospection minière, l'opération d'une drille qui se retrouvait dans le chemin de migration du caribou que nous avons l'intention de reconnaître comme une espèce vulnérable.

Je reviens au fédéral parce que, avec ses gros sabots, qui ne sont pas les sabots ongulés de notre caribou mais les gros sabots d'une juridiction qui fait fi des juridictions québécoises, il vient de déposer en Chambre des communes un projet de loi qui est inquiétant pour le Québec. Je tiens à le mettre en contexte parce que ceci témoigne des difficiles relations fédérales-provinciales. C'est ainsi que récemment je défendais les intérêts du Québec et je représentais le Québec au niveau de l'Environnement et de la Faune dans une conférence ministérielle des ministres de la Faune à Charlottetown. Nous nous étions entendus, nous avions même signé un accord écrit à cet effet, que, si le fédéral déposait une législation visant la protection des espèces menacées de juridiction fédérale, ceci devait se faire dans le respect des juridictions provinciales, notamment les juridictions territoriales. Nous pensions avoir convenu avec nos collègues canadiens, notamment le ministre de l'Alberta, le ministre de la Saskatchewan et le ministre du Manitoba avec qui j'entretiens d'excellentes relations, nous pensions avoir convenu avec Ottawa du principe suivant, qui est simple: si nous convenons qu'une espèce est menacée, il est du ressort de la juridiction qui a la juridiction sur le territoire et l'habitat de cet animal de faire en sorte que son habitat soit protégé et de faire ainsi en sorte que l'animal soit protégé. On ne peut pas protéger un animal sans protéger son habitat. Et, comme les habitats sont de juridiction provinciale pour ce qui est du territoire provincial, ainsi il en revient à la province ou au Québec de s'assurer de la protection de cet habitat.

Or, M. le Président, à notre grande surprise, le gouvernement du Canada, le ministre de l'Environnement du Canada a déposé un projet de loi qui dit essentiellement les choses suivantes: Si le gouvernement du Canada déterminait qu'une espèce... Et, à ce moment-là, la définition de l'espèce n'est pas limitée à une espèce de juridiction fédérale que sont notamment les oiseaux migrateurs, ces palmipèdes qui, au moment où on se parle, pour la plupart, sont rendus vers des cieux plus chauds. Ces palmipèdes sont de juridiction fédérale, M. le Président. Or, cette loi dit que, pour toute espèce fédérale et toute espèce qu'ils décrivent comme étant transfrontalière, c'est-à-dire un caribou qui traverse une frontière, un ours qui traverse une frontière, à ce moment-là, selon la proposition actuelle du fédéral, le fédéral pourrait intervenir – et là je cite de mémoire la juridiction fédérale, la proposition de législation fédérale – pour protéger la résidence de l'animal. Ce qui veut dire, en termes clairs, et ceci a soulevé un tollé de la part des ministres canadiens de la Faune, qu'un animal que le fédéral pourrait juger être menacé ou en voie de disparition ou vulnérable, le fédéral pourrait unilatéralement décider d'intervenir dans des territoires provinciaux, dans le territoire du Québec, invoquant la protection de cet animal, alors que l'esprit de l'entente de Charlottetown – une autre, M. le Président – du mois d'octobre, entre les ministres de la Faune du Canada, c'est que, si nous nous entendons sur un animal qui doit être placé sur la liste, il est du ressort des juridictions qui contrôlent le territoire de faire en sorte que l'habitat sur ce territoire soit dûment protégé. Et, en ce sens, nous n'avons aucune leçon à recevoir du Canada. Nous avons été la première législation à se donner une loi sur la protection des espèces menacées et nous sommes capables de protéger les espèces menacées sur notre territoire.

(21 h 20)

Un exemple que j'ai soulevé auprès de mon collègue canadien, prenons l'exemple, que vous connaissez tous sans doute, de l'état précaire du canard arlequin, qui est un beau petit canard, avec une longue queue, délicieux, dont malheureusement le nombre diminue et qui... Il y eut un temps où ils étaient plus nombreux, et le ministre de l'Environnement et de la Faune a même eu le plaisir de les récolter, M. le Président, dans les années où ils étaient abondants, dans mon jeune temps. Il est maintenant devenu en moins grand nombre, et ce canard a la caractéristique de nidifier le long des eaux vives des grands rapides. Or, on sait très bien que certaines rivières du Québec, lorsqu'elles sont harnachées, font en sorte que les eaux vives disparaissent.

Or, en invoquant la protection du canard arlequin, que nous reconnaissons – et c'est d'ailleurs une des espèces qui fait partie des 76 espèces animales qui habitent le territoire du Québec qui sont déclarées comme étant en situation précaire, et j'ai parlé du canard arlequin – le fédéral, en prétextant la protection du canard arlequin, pourrait intervenir directement dans notre politique énergétique en disant que, pour la protection du canard arlequin, le ministre des Ressources naturelles pourrait faire en sorte qu'une rivière soit exclue du développement hydroélectrique et de son utilisation rationnelle, M. le Président. C'est un exemple flagrant d'intervention fédérale dans nos juridictions en invoquant des nobles bêtes comme le canard arlequin. Je pourrais vous parler également de la bernache cravant et d'autres palmipèdes en danger.

C'est une intervention inconcevable, irrecevable et inacceptable de la juridiction canadienne dans nos juridictions, M. le Président, et je terminerai en disant que le Québec est fier d'avoir une loi qui protège les espèces menacées, tant au niveau floristique qu'au niveau faunique, que le Québec, encore une fois, est à l'avant-garde, que le Québec continuera d'être à l'avant-garde et que le Québec n'a rien à recevoir de leçon du fédéral, que le Québec sait très bien s'occuper de ses propres affaires sur son territoire. Le canard arlequin, la bernache cravant, le carcajou, le caribou des bois du sud du Saint-Laurent, le suceur cuivré et les autres espèces animales peuvent compter sur cette législation et sur notre juridiction pour voir à leur protection. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 46 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 53


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, l'article 46 du feuilleton: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation propose l'adoption du projet de loi n° 53, Loi sur les appellations réservées et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 53? M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et député de Trois-Rivières.


M. Guy Julien

M. Julien: M. le Président, le projet de loi que je dépose pour adoption par cette Assemblée permettra au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de reconnaître des appellations attribuées à des produits agricoles et alimentaires à titre d'attestation de leur mode de production, de leur région d'origine et de leur spécificité. Il prévoit notamment la certification de ces produits d'appellation, l'accréditation des organismes de certification de ces produits et la réservation de l'utilisation de ces appellations aux membres de ces organismes. Ce projet s'inscrit tout à fait dans les courants modernes de responsabilisation du secteur privé, de l'allégement de l'intervention de l'État et du rôle d'accompagnateur qu'on attend de celui-ci.

Avant d'évoquer les grandes lignes du projet de loi n° 53, je rappelle à cette Assemblée que ce projet a été référé à la commission parlementaire sur l'agriculture afin d'en étudier la teneur article par article. Je profite de cette occasion pour souligner le professionnalisme des membres de cette commission parlementaire. Bien qu'il s'agisse d'un nouveau projet et assez technique, ils ont manifesté un intérêt certain. D'ailleurs, à la suggestion de Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata, ils se sont assurés de bien comprendre le fonctionnement des systèmes de certification et d'accréditation avant d'en étudier l'encadrement. Je remercie aussi les gens de mon ministère et du ministère de la Justice de nous avoir soutenus dans l'élaboration de l'étude de ce projet de loi. La commission parlementaire sur l'agriculture a donc adopté le projet sans modification des articles proposés.

Le projet de loi sur les appellations réservées qui a été adopté par la commission parlementaire sur l'agriculture s'inscrit dans une approche nouvelle en agroalimentaire, approche axée sur la qualité. Il convie le secteur privé à assumer, aux fins de protection de ses activités, l'ensemble des responsabilités dont certaines ont été jusqu'à maintenant considérées comme une prérogative de l'État.

Le projet de loi s'inscrit également dans ces approches qualité qui permettent aux opérateurs qui s'en donnent les moyens de faire ressortir leurs produits parmi des produits de même catégorie. Ces opérateurs, M. le Président, ce sont les intervenants de la chaîne agroalimentaire, du producteur au détaillant.

Le projet de loi s'inscrit aussi, par les critères de réservation qu'il prévoit, dans le sillon des dispositions de l'Organisation mondiale du commerce et des ententes commerciales en utilisant des outils reconnus internationalement. Il s'inscrit enfin dans les politiques de responsabilisation des intervenants mises de l'avant par le gouvernement.

Le projet de loi sur les appellations réservées touchera les produits de l'activité agricole et alimentaire, qu'ils soient non transformés ou qu'ils soient des aliments ou autres produits de la ferme portant une valeur ajoutée soit par l'élaboration ou la transformation. Ce projet permettra aux opérateurs qui mettent sur le marché ces produits spécifiques différents par leurs caractéristiques des produits de même catégorie de bénéficier d'une protection de l'appellation qu'ils donnent.

La responsabilisation est la pierre d'assise de ce projet de loi. Je réserverai l'exclusivité de l'utilisation de l'appellation aux groupes qui auront démontré leurs capacités de s'autoréglementer, de s'autocontrôler et, bien sûr, d'autofinancer leurs opérations. Si un groupe d'opérateurs soutient une appellation, il lui revient de la définir selon des principes et des critères reconnus internationalement.

Cette loi sera un outil qui sensibilisera les régions à la récupération des traditions dont la mémoire s'efface rapidement, soit celles des saveurs régionales et locales qui appartenaient au milieu agricole. Elles étaient intimement liées au terroir, et on ne les retrouvait que dans certains coins de pays, principalement à cause des conditions environnementales et du savoir-faire des artisans qui pouvaient allier toutes les conditions donnant aux produits une saveur particulière. Cette récupération des traditions est possible si les gens du milieu s'en donnent la peine.

(21 h 30)

Cette loi sera une garantie de bonne santé de l'activité agricole des régions qui voudront et qui pourront s'en prévaloir et, par le fait même, de leur économie. Ce sera un outil de plus pour le développement régional, un attrait supplémentaire pour le tourisme, un mode de préservation de notre patrimoine culinaire et une base pour l'éveil aux saveurs et pour l'éducation des générations à venir.

Ce lien de confiance devra être garanti par une responsabilisation entière des gens engagés dans la production des produits agricoles et des aliments ainsi que dans la mise en oeuvre des systèmes de contrôle qui assureront le respect des cahiers de charges. C'est pour cette raison que je transfère l'entière responsabilité du système d'accréditation et de certification aux opérateurs qui bénéficieront de ce système.

Le projet de loi que je dépose donne aux gens un rôle proactif les obligeant à faire la preuve de leur capacité à se conformer et à respecter un système avant de pouvoir en bénéficier. Les conseils d'accréditation auxquels j'aurai donné le pouvoir de faire en sorte que les opérateurs non certifiés par un organisme de certification accrédité ne puissent utiliser indûment les appellations réservées pourront déposer eux-mêmes une poursuite pénale dans le cas des infractions qu'ils auront constatées.

En terminant, M. le Président, je voudrais ajouter que ce projet de loi, ce lien entre les appellations et le gouvernement, est le résultat de la concertation des milieux agricoles. Il faut souligner le travail soutenu du secteur biologique en particulier, qui est à l'origine de ce projet qui fera en sorte que les gens des milieux visés pourront assumer l'ensemble des responsabilités quant à leur propre développement. Je demande donc à cette Assemblée d'adopter le projet de loi sur les appellations réservées et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et député de Trois-Rivières. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Alors, en vertu de l'article 100 de notre règlement, je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, les débats sont ajournés.

Mme Caron: Le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Le débat? Excusez-moi, Mme la leader adjointe du gouvernement. Alors, je vous recède la parole, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 45 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 52


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 45 du feuilleton. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation propose l'adoption du projet de loi n° 52, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments et modifiant également la Loi sur la qualité de l'environnement. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi? M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et député de Trois-Rivières. M. le ministre.


M. Guy Julien

M. Julien: M. le Président, j'ai le plaisir de vous présenter, pour son adoption par l'Assemblée nationale, le projet de loi n° 52 modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments ainsi que la Loi sur la qualité de l'environnement. Nous avons procédé à l'étude détaillée, article par article, du projet qui nous occupe, et je saisis cette occasion pour remercier l'ensemble des parlementaires et autres intervenants qui ont participé aux travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 52.

M. le Président, comme je le mentionnais dans mon intervention lors de l'adoption du principe en cette Assemblée, ce projet de loi consiste à transférer le secteur des eaux et de la glace commerciales de la Loi sur la qualité de l'environnement à la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments. Je vous rappelle que le gouvernement a attribué par décret, en 1994, au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation la responsabilité de l'application des dispositions légales et réglementaires de la Loi sur la qualité de l'environnement relatives aux eaux commerciales, à la glace commerciale et à celle mise gratuitement à la disposition du public, de même qu'à l'eau des fontaines d'eau embouteillée et à l'eau servant à la préparation des aliments destinés à des fins de consommation humaine.

Vous comprendrez, M. le Président, qu'afin d'effectuer correctement ce transfert de juridiction nous devions nous assurer que la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments possédait les pouvoirs de régir notamment la qualité de l'eau utilisée lors de la préparation d'un aliment. À ce titre, le projet de loi n° 52 transfère au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation les pouvoirs de réglementation nécessaires à l'accomplissement de sa future mission dans le domaine des eaux commerciales et de la glace. Ainsi, le projet de loi n° 52 vise à reproduire dans la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments un pouvoir que le ministre de l'Environnement et de la Faune exerce présentement.

Ce pouvoir consiste à permettre au ministère de l'Agriculture ou à une personne désignée de requérir d'une personne régie par les présentes lois ou les règlements édictés en vertu de celles-ci les documents ou renseignements requis pour lui permettre de s'assurer de la conformité du produit avec les dispositions de la loi ou du règlement. Ce pouvoir s'appliquera à l'ensemble des produits alimentaires régis par la loi, puisque l'eau et la glace seront dorénavant incluses dans la définition d'un aliment.

De plus, le projet de loi n° 52 reproduit également dans la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments un pouvoir réglementaire actuellement en vigueur dans le règlement sur les eaux embouteillées. Ce pouvoir permettra au gouvernement de prévoir les cas et les conditions auxquels une personne doit transmettre au ministre, avant ou pendant la commercialisation d'une eau, les renseignements, documents ou toute autre pièce nécessaire pour vérifier l'exactitude des déclarations qui figurent sur l'étiquette, l'affiche, le contenant ou l'emballage.

En terminant, M. le Président, ce projet de loi s'inscrit dans ma préoccupation de ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de veiller non seulement à la sécurité des denrées alimentaires mises à la disposition des Québécois et des Québécoises, mais également à la salubrité des produits alimentaires destinés à des marchés extérieurs. Il s'agit, en effet, de maintenir la réputation de notre secteur bioalimentaire sur les marchés extérieurs, là où nos eaux commerciales possèdent déjà une réputation unique en Amérique du Nord. Nous tenons à maintenir cette démarche qui consiste, par une législation responsable, à hausser la compétitivité de nos entreprises sur nos marchés domestiques et extérieurs. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et député de Trois-Rivières. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est acceptée? Elle est adoptée.

Mme Caron: M. le Président?

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Je vous demande de suspendre nos travaux pour quelques minutes, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, j'avise cette Assemblée que les travaux sont suspendus.

Maintenant, tel que mentionné, nous avons trois débats de fin de séance, notamment un débat qui aura lieu entre M. William Cusano, député de Viau, et le ministre de la Santé et des Services sociaux, député de Charlesbourg; un autre débat entre le député de Richmond et le ministre responsable du Développement des régions; et enfin, un troisième débat entre le député des Îles-de-la-Madeleine et le vice-premier ministre et député de Verchères.

Alors, nous allons suspendre maintenant nos travaux pendant quelques minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 40)

(Reprise à 22 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Débats de fin de séance

Alors, tel que le mentionne notre règlement, nous devons procéder maintenant à nos trois débats de fin de séance, puisqu'il est 22 heures précisément. Nous avons un premier débat entre le ministre des Ressources naturelles et député de Joliette et le député de Richmond, M. Vallières; un second débat entre le ministre de la Santé et des Services sociaux et député de Charlesbourg et le député de Viau, M. Cusano; et un troisième débat entre le vice-premier ministre et le député des Îles-de-la-Madeleine.

Alors, M. le député de Viau, vous connaissez les règles du jeu. Normalement, un débat débute à l'heure, et l'heure était 22 heures. Alors, M. le député de Viau, vous avez un droit de parole de cinq minutes, nous aurons une réplique du ministre de la Santé de cinq minutes, et vous aurez, à la toute fin, une réplique de deux minutes. Alors, je commence immédiatement à vérifier votre temps. M. le député de Viau.


Nomination de M. Gilles Lagacé à la présidence de Québec-Transplant


M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président. Depuis que le ministre de la Santé a décidé de fermer des centres de transplantation pulmonaire à Montréal et, comme par un coup de baguette magique, en ouvrir un ici, à Québec, les gens dans le milieu, les experts se posent des questions sur la logique de toute l'opération, M. le Président. Effectivement, les gens de Montréal, où se trouve l'expertise, se posent la question à savoir pourquoi, du jour au lendemain, le ministre décide qu'on ferme Montréal et qu'on amène ça ici, à Québec.

Pour vous dire, M. le Président, pour ceux qui ne connaissent pas le dossier de la transplantation pulmonaire, saviez-vous qu'il s'est fait autant de transplantations pulmonaires à Montréal qu'il s'en est fait durant les cinq dernières années à Stanford, aux États-Unis, qui est reconnu comme le centre mondial de la transplantation pulmonaire?

Ce que les gens, les experts dans le domaine ont beaucoup de difficultés à comprendre, c'est: Pourquoi, lorsqu'il y a une expertise à Montréal, on déménage ça à Québec? Et ce n'est pas une bataille de clocher, M. le Président. On ne parle pas de l'ouverture d'un casino, là – on ne parle pas de l'ouverture d'un casino – on parle d'une expertise qui se trouve à Montréal qui est équivalente à plusieurs centres américains. Bien là le ministre nous a dit ici, dans cette Chambre, qu'il n'y en aurait plus à Montréal, c'est-à-dire que ce serait à Québec que ça se passerait et que c'est à Québec qu'on serait autorisé à faire de la transplantation pulmonaire, et, à Montréal, ils pourraient quand même en faire mais ils ne seraient pas autorisés à le faire. Moi, j'ai beaucoup de difficultés à comprendre tout ça, M. le Président.

Alors, pourquoi les gens ont de la difficulté à comprendre, des gens qui travaillent dans le domaine de façon quotidienne? C'est parce que, vous savez, la transplantation, ce n'est pas comme ça se passe dans les vues, M. le Président. Ça ne se passe pas comme ça, une transplantation. On a vu ça, là, dans certaines vues qui ont passé à la télévision, où une personne décède dans un champ, on prend son coeur, on l'amène à l'hôpital puis on le met dans le corps de quelqu'un d'autre. Ce n'est pas comme ça que ça se produit du tout, M. le Président.

Il faut comprendre qu'une personne doit être cadavérique. C'est une personne qui est cadavérique, qui est dans un hôpital, qui a eu à un certain moment l'intelligence de signer sa carte de don d'organes. Et à ce moment-là, M. le Président, puisque, dans plusieurs cas, dans la majorité des cas, les donneurs que nous avons au Québec, c'est des donneurs multiples... «Multiples», ça, ça veut dire qu'on procède sur cette personne qui est encore pour... Médicalement, la personne est décédée, mais elle continue à respirer, son coeur continue à battre, et on prend les organes et on les transplante dans un autre corps qui en a besoin, M. le Président.

Ce que le ministre vient de faire... Ce qu'on voudrait bien que le ministre réalise, c'est tout le problème de l'ischémie de l'organe, parce que les études démontrent que, justement, il est préférable d'avoir et le donneur et le receveur dans un endroit immédiat l'un de l'autre pour que, au moment où on sait qu'un organe est prélevé du donneur, il soit presque instantanément transplanté dans le receveur. Des études démontrent que le transport de ces organes-là, et spécialement lorsqu'on parle de Montréal–Québec avec une distance qu'on connaît... C'est que ces organes-là, ils vont être moins efficaces et que ceux qui ont beaucoup de difficultés, c'est justement à cause du fait que le temps qui s'est écoulé entre le moment où l'organe a été prélevé puis implanté dans le receveur, M. le Président, c'est là qu'il y a beaucoup de complications.

Alors, c'est ça qu'on essaie de faire comprendre au ministre, M. le Président, que ça n'a pas d'allure. Puisque le grand bassin de la population de donneurs est à Montréal, est-ce qu'on va prendre les donneurs potentiels, les amener ici, à Québec, et après ça transférer les organes de Québec pour les envoyer à Montréal, parce que, comme je vous le disais, la plupart des donneurs, c'est des donneurs multiples, M. le Président?

Alors, à cause de l'expertise, ce qu'on demande au ministre, c'est de réviser sa position et de dire qu'il est absolument nécessaire de maintenir les centres à Montréal et que graduellement on en ouvre un à Québec, et il aura toute notre bénédiction, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Viau. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux et député de Charlesbourg. M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: M. le Président, je vais donner ma réplique en touchant à deux sujets. D'abord, celui qu'avait annoncé le député de Viau et qui fait suite à son intervention de cet après-midi à la période de questions où, encore une fois, sans aucune rigueur, on a lancé toutes sortes de procès d'intention sur la nomination du Dr Lagacé comme président du conseil d'administration de Québec-Transplant. On en a fait un procès d'intention, suggérant là qu'il y avait une situation de conflit d'intérêts. Et, par honnêteté pour le Dr Lagacé et pour tous ceux qui peuvent avoir été impliqués dans ce domaine-là, je voudrais rappeler les faits, M. le Président.

Les faits sont que le Dr Lagacé était déjà membre du conseil d'administration de Québec-Transplant depuis 1994 et qu'il y était à titre de représentant des centres hospitaliers transplanteurs. Le deuxième élément des faits, M. le Président, c'est qu'en vertu de ses règlements Québec-Transplant, à tous les deux ans, procède à l'élection de son président, le président du conseil d'administration, et qu'on le fait à tous les deux ans immédiatement après... Et je cite le règlement, l'article 6.03 du règlement de Québec-Transplant: «À tous les deux ans, immédiatement après l'assemblée générale annuelle des membres de la corporation, se tient une assemblée des administrateurs nouvellement nommés et formant quorum, sans qu'un avis de convocation ne soit requis, aux fins d'élire ou de nommer des officiers et autres dirigeants de la corporation.» Et le Dr Lagacé, qui, à titre de représentant des centres hospitaliers transplanteurs, est un membre du conseil d'administration depuis 1994, a été élu, par les membres du conseil d'administration, président de ce conseil en juin 1996.

Et la décision qui a été prise pour que le centre et l'institut de pneumologie et de cardiologie soient responsables de coordonner et d'exécuter les greffes pulmonaires a été prise à l'automne seulement après qu'une évaluation eut été faite. À la suite d'un certain nombre de questions soulevées par le député de Viau en cette Chambre à deux ou trois reprises, j'ai fait mon devoir, je suis allé voir sur le terrain, j'ai demandé au président du Conseil médical du Québec – qui connaissait bien la situation, qui avait été à l'origine de la création du programme de transplantation pulmonaire alors qu'il était sous-ministre adjoint au ministère à l'époque – de revoir sur le terrain toute la situation.

Et il est très bien ressorti qu'à Montréal, après une période de cinq ans, et spécialement dans la dernière année où l'hôpital Notre-Dame avait pris la relève à défaut d'aucun autre centre désigné qui pouvait continuer de garder une responsabilité qui avait été désignée à l'Hôpital général de Montréal qui ne pouvait plus continuer à faire les greffes – l'hôpital Royal Victoria ne pouvait pas les faire non plus – Notre-Dame l'avait prise, mais on n'avait pas pu réussir, après plus d'un an, à réaliser les conditions de base pour qu'un programme comme ça fonctionne très bien, et sur lequel tout le monde s'entend: avoir une seule liste, une coordination centralisée et prioriser le programme pour qu'on ait toutes les conditions pour procéder avec la plus grande efficacité possible.

(22 h 10)

Notre-Dame nous disait qu'il lui fallait d'autre argent, d'autres ressources pour développer et prendre la responsabilité du programme. Et il fallait la prioriser à l'intérieur des ressources de l'hôpital pour le faire parce que, en alternative, ces ressources-là existaient ailleurs au Québec, ailleurs dans un institut de pneumologie qui depuis presque le début du siècle est impliqué dans la pneumologie, qui a tout ce qu'il faut pour exécuter dans ce domaine-là, toute l'équipe complète.

Il faut se rappeler que la partie chirurgicale, c'est 10 % de tout le traitement, et l'ensemble de tout ce qui regarde le traitement préparatoire, l'investigation, le traitement de la greffe elle-même après est complètement contrôlé par l'institut. Alors, c'était une décision tout à fait logique qui a été prise avec l'avis du Conseil médical, du président du Conseil médical du Québec, du président du Collège des médecins du Québec et du Fonds de la recherche en santé du Québec pour la partie évaluation de ce traitement qui est encore innovateur, non un traitement régulier. Toutes les évaluations techniques me conseillaient de procéder dans ce sens, et ça a été fait comme ça pour assurer un traitement de qualité pour l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec.

Il ne faut pas se faire d'illusion avec les distances – on a fait tout un plat avec ça – on envoie régulièrement depuis quelques années une douzaine de poumons prélevés au Québec qui sont transplantés à Toronto ou ailleurs au Canada, et ça se fait sur une base tout à fait régulière. On est allé chercher des poumons aux États-Unis et à différents endroits, avec les moyens modernes de transfert. Toute la période critique de cinq heures peut être gérée très, très bien et se fait sur des relativement grandes distances de façon régulière.

Alors, M. le Président, c'est important que le monde comprenne que c'est une décision prise sur une base technique pour la qualité du traitement et pour le bien-être de tous ceux qui doivent avoir ce type de traitement et assurer leur suivi à long terme, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux et député de Charlesbourg. Alors, M. le député de Viau, réplique de deux minutes.


M. William Cusano (réplique)

M. Cusano: M. le Président, compte tenu du fait que j'ai seulement deux minutes pour la réplique, j'aimerais seulement souligner, là, au ministre: Je ne sais pas où il prend, lui, ses cinq heures de période quand tous les spécialistes en Amérique du Nord parlent de deux heures; maximum, trois heures. Ah bon! ce n'est pas vrai, là? Bon. Peut-être qu'il devrait consulter ces gens-là, il va s'apercevoir que tous les spécialistes en Amérique du Nord parlent d'un délai de deux heures; maximum, trois heures. Mais, pour le ministre, c'est cinq heures. Bon, mettons ça de côté.

Lorsqu'il parle de la question du 10 %, l'acte chirurgical, M. le Président, oui, je suis d'accord avec lui, c'est seulement 10 % de l'ensemble. C'est la préparation de ces gens-là, c'est la préparation, c'est l'attente de ces gens-là. Être à côté d'un téléphone à attendre que vous ayez gagné le 6/49, là, je vais vous dire une affaire, ce n'est pas drôle. Ce n'est pas drôle, ça, d'attendre cet appel-là. Et, lorsque vous savez que vous devez, de Montréal, partir pour venir à Québec, lorsqu'il est extrêmement important que la santé mentale de ces personnes-là soit à son meilleur, d'imposer ça aux gens, c'est inhumain.

Deuxièmement, le ministre lui-même l'a dit que c'est seulement 10 %. Le 80 % qui est le suivi, moi, j'aimerais bien comprendre du ministre comment il va accepter qu'un individu, un transplanté pulmonaire qui tout d'un coup fait face à un rejet massif... Comment va-t-il se déplacer de Montréal à Québec? Et, même s'il y a des ambulances, M. le Président, il n'y a pas un hôpital entre Montréal et Québec même qui est capable de reconnaître le problème d'un rejet d'un organe qui vient de quelqu'un d'autre, M. le Président. C'est ça que les gens se disent. C'est ça qu'ils disent puis c'est des experts, et je suis le porte-parole de ces gens-là justement pour faire comprendre au ministre, faire comprendre à ses collègues que la décision n'est qu'une décision du ministre et qu'il ne tient absolument pas compte des besoins des gens à être transplantés. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Viau. Alors, ceci met fin à notre premier débat de fin de séance. J'inviterais maintenant le député de Richmond. Vous avez un temps de parole de cinq minutes. M. le député de Richmond.


Création éventuelle d'un ministère des régions


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Oui. Alors, je vous remercie, M. le Président. Si j'ai demandé un débat au ministre en fin de cette séance, c'est que cet après-midi, lors de nos échanges lors de la période des questions, j'ai posé quelques questions, qui, à mon avis, sont très importantes, au ministre du Développement des régions et je n'ai pas pu honnêtement, M. le Président, obtenir des réponses satisfaisantes ou à tout le moins complètes, compte tenu de la nature de ces questions.

Ce court débat, ce soir, sera certainement l'occasion d'obtenir ces précisions – je l'espère – sur les intentions du gouvernement quant à sa volonté de créer, entre autres, un ministère des régions.

Bien sûr, le ministre, depuis déjà plusieurs mois, fait de grands discours, fait même de beaux discours, mais ça ne débouche sur rien de concret, M. le Président. D'ailleurs, le ministre nous a fait des annonces depuis les deux dernières années, si on fait le total, et en après-midi, en cette Chambre, il nous promettait à nouveau de l'action, mais cette fois-là au printemps. C'est donc dire que le ministre aura mis environ près de trois ans à penser à ce qu'il pourrait faire dans le domaine du développement des régions.

Et le ministre en après-midi faisait allusion aux politiques du gouvernement qui a précédé le gouvernement du Parti québécois. Et je dois dire au ministre, en réponse à ça – et j'espère qu'il pourra nous en traiter à nouveau – qu'il devrait être heureux de la réforme qui a été mise de l'avant par notre ex-collègue, M. Yvon Picotte, puisqu'il est encore, comme ministre du Développement des régions, sous l'impulsion de la politique du dernier gouvernement libéral, sans quoi nous serions face à absolument rien. Qu'on pense aux plans de développement stratégiques qui ont été mis de l'avant, au Fonds d'aide aux entreprises, au Fonds d'initiatives régionales, enfin aux ententes spécifiques et autres politiques qui avaient été mises de l'avant par M. Yvon Picotte. Et il faut insister, M. le Président, sur le fait que le gouvernement actuel n'a pas été capable, à ce jour, d'enrichir cette politique, et je crois que jamais le relais n'a été pris par ce gouvernement.

Votre principal objectif consiste plutôt à inventer une structure authentiquement péquiste, mais cette obsession aura coûté près de trois ans d'inaction et de retard inadmissibles. Et, M. le Président, est-ce utile de rappeler que, pendant la première année, ce gouvernement s'est contenté de référender, que, pendant la deuxième année, il nous a dit vouloir préparer un sommet, et, la troisième année, vous n'êtes pas encore branchés: aucune législation cet automne, encore des remises à plus tard?

Le ministre, M. le Président, n'a vraiment pas à se péter les bretelles. Et, quand on fait le bilan, je crois bien qu'on comprend mieux ce que son premier ministre disait quand il est arrivé sur cette chaise et en cette Chambre en nous indiquant qu'il y a eu très peu de fait dans le domaine du développement des régions à partir du moment où le gouvernement du Parti québécois est arrivé au pouvoir comme tel.

Mais, si ce n'était que ça, M. le Président. C'est qu'actuellement ça se continue, cette inaction. Même au Sommet, le gouvernement a ignoré la réalité régionale du Québec. Et c'est confirmé tant par M. Brunet qui disait dans un article, récemment, de journal... qui nous disait, et je le cite: «Le Québec des régions a l'impression qu'on n'a pas parlé de lui, qu'il a été ignoré.» Constatation qui a été partagée par M. Jacques Proulx qui déclarait: «La machine a "fucké" notre rapport.» Encore une fois, le ministre aura réussi à créer d'énormes attentes, mais, au net, il ne reste pas grand-chose.

Mais revenons rapidement, M. le Président, au bilan de ce gouvernement. Parce que ce bilan, c'est le témoin, finalement, de l'inaction du gouvernement: baisse des investissements dans 10 des 16 régions; augmentation du taux de chômage; exode dramatique de la population de certaines régions; 400 000 chômeurs; 800 000 assistés sociaux; des entreprises qui quittent le Québec pour réaliser leurs projets d'expansion, et ainsi de suite.

Et je pourrais, M. le Président, si le temps nous le permettait, rappeler au ministre les engagements formels qu'il a pris en cette Chambre, les 25 avril et 10 mai 1996, sur la création d'un ministère, alors que cet après-midi ils étaient, lui et le premier ministre, mi-chair, mi-poisson. On ne savait pas encore, après la période des questions, si le ministre réussirait à obtenir les appuis dont il a besoin au Conseil des ministres et du premier ministre pour créer ce qu'il avait annoncé avec tambours et trompettes, s'inscrivant ainsi d'ailleurs en contradiction totale avec le dernier sommet économique où la table qui s'occupait de cette partie du Sommet recommandait, elle, non pas la création d'un ministère, mais que plutôt l'instance régionale relève du Conseil exécutif et donc du premier ministre.

Vous m'indiquez, M. le Président, que mon temps est terminé. J'espère que le ministre aura l'occasion dans les cinq minutes qui viennent de faire le point.

(22 h 20)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Richmond. M. le ministre des Ressources naturelles et député de Joliette, vous avez également un droit de parole de cinq minutes. M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, merci, M. le Président. Tout d'abord, M. le Président, je vous ferai remarquer qu'on a établi un consensus au niveau des régions du Québec, à savoir qu'il fallait régionaliser l'action gouvernementale, décentraliser ou déconcentrer l'action gouvernementale en région.

Nous avons eu une consultation sur le livre vert sur la régionalisation, la décentralisation et la déconcentration. Nous avions parlé d'une forte décentralisation advenant un référendum positif, mais nous nous sommes refusés, par exemple, à marginaliser l'État du Québec étant donné le non au référendum, puisque l'État central aurait facilement pu sauter par-dessus la tête du gouvernement actuel puis aller directement dans les instances décentralisées, puis on aurait marginalisé ainsi l'État du Québec. On est plus responsable que cela, M. le Président, on ne l'a pas fait.

Cependant, on a dit: Oui, on va régionaliser. Et on a procédé, M. le Président, avec la Table Québec-régions, à la création d'un chantier qui a travaillé avec le monde municipal, avec les deux structures. Et, au Sommet, M. Brunet, qui est maire d'Amos et président du CRD, a présenté un rapport dans lequel il y a un bon nombre de projets qui ont été adoptés, M. le Président. D'abord, des projets concrets, d'autres qui ont été adoptés en principe, qui feront l'objet d'un suivi puis qui vont avoir des retombées carrément directes dans chacune des régions du Québec.

Mais, plus encore, il y a eu des projets d'économie sociale qui ont des répercussions sur l'ensemble du Québec. Je pense, par exemple, aux éclaircies forestières, qui vont être adoptées au niveau de l'économie sociale, qui vont servir au Bas-Saint-Laurent puis à la Gaspésie; je pense à la cueillette sélective qui va être intensifiée, à l'élargissement de la consigne. Il y a une foule de projets qui ont vu le jour au Sommet qui vont aider nos régions. Je pense à la création du fonds industriel; je pense au 250 000 000 $ annoncé aujourd'hui par le ministre des Finances, qui va servir à l'intégration à l'emploi dans chacune des régions du Québec, plus particulièrement bien sûr dans celles qui ont un plus haut taux de chômage, nécessairement, et qui va aider à l'intégration à l'emploi. Ça, je pense que c'est une attitude responsable, M. le Président.

Nous allons présenter avant Noël un cadre de référence où l'individu en recherche d'emploi, en recherche de formation, en recherche de réorientation face au marché du travail va pouvoir se présenter à un endroit et tout avoir les services reliés à l'emploi, et ça, sur un territoire de MRC, beaucoup plus près du citoyen qu'une simple région. Comme la Gaspésie, par exemple, une région aussi vaste, on sait que les Gaspésiens ont plutôt tendance à vouloir travailler au niveau des MRC. Ça va être le cas probablement dans plusieurs régions du Québec à part de ça, le territoire de la MRC, où tous les acteurs vont participer à leur développement économique, où l'entreprise, ou celui qui veut partir une entreprise, ou celui qui veut consolider son entreprise ou connaître de l'expansion à son entreprise pourra aller là et recevoir tous les services en un seul endroit. Ça, c'est du positif. Ça a été bâti en concertation avec le milieu. Puis je suis sûr qu'on va réaliser quelque chose, M. le Président. Et ça sera suivi d'un plan d'action très concret de la présence de l'État ou de la nouvelle façon de l'État d'être présent en région.

M. le Président, je dois vous avouer qu'on n'a pas de leçon vraiment à retirer. Je me suis fait faire des bilans par chacune des régions du Québec, puis je vais les déposer en cette Chambre pour bien démontrer, M. le Président, que ce n'est pas de la poudre aux yeux, on a travaillé avec les régions. Je regardais la Gaspésie, juste cet après-midi, c'est 3 600 000 $ qui est venu soit par le FIR, soit par le FAE, soit par le conseil régional de développement, ou encore par le projet d'emplois municipaux où il y a eu plus de 51 ou 52 municipalités sur 60 qui en ont bénéficié. Ça a été du grand concret, mais on ne s'est pas pété les bretelles, M. le Président, on a plutôt travaillé sur le terrain.

Et je rappellerai au député de Richmond que, comme ministre régional, moi, dans mon milieu, j'ai réussi à contrer les gâchis qu'il avait faits. Il avait fermé un abattoir à Saint-Esprit et je l'ai réouvert. Et un peu partout à travers le Québec, c'est ce qu'on va faire, on va réparer vos gâchis. Après ça, on va pouvoir faire un petit peu mieux. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Joliette, ministre des Ressources naturelles. Est-ce que vous déposez...

M. Chevrette: Je ferai tout ça en même temps.

Le Vice-Président (M. Pinard): D'accord. Alors, M. le député de Richmond, vous avez un droit de réplique de deux minutes. M. le député.


M. Yvon Vallières (réplique)

M. Vallières: Oui, M. le Président. Vous avez dû comme moi remarquer que le ministre n'a pas défendu la création d'un ministère, contrairement à ce qu'il a fait à deux reprises en cette Chambre. M. le Président, ça me surprend un peu, mais est-ce que ça voudrait signifier que son collègue immédiatement à sa droite l'aurait convaincu que ce n'était pas une structure de cette nature que ça prenait dans les régions, qu'un ministère était une structure trop complexe, pas suffisamment flexible pour arriver aux fins qui sont visées par le gouvernement? Est-ce que ça voudrait signifier, l'absence de défense du ministre responsable du Développement des régions, qu'il renonce carrément à la création de ce ministère? Et, M. le Président, après l'avoir dit deux fois ici, en cette Chambre, on s'attendait du ministre qu'il précise sa pensée sur un sujet aussi important.

M. le Président, j'aurais aimé que le ministre nous indique comment il compte, avec les structures dont il vient de nous faire part, ramener ici, au Québec, la vingtaine de grandes entreprises qui ont quitté le Québec pour le Nouveau-Brunswick, les dizaines de petites entreprises qui ont quitté le Québec également pour d'autres provinces, faute de structures d'accueil suffisantes ici, au Québec. Et, M. le Président, il serait intéressant également de savoir comment, par ces nouvelles structures, le ministre responsable du Développement des régions va permettre de stimuler davantage l'investissement dans les régions, qui a connu une baisse de 5 % l'année dernière, de près de 2 % cette année; comment il compte remplacer les 55 000 emplois qui ont été perdus par les Québécois et Québécoises depuis l'arrivée dans cette chaise, dans cette Chambre, du premier ministre, M. Lucien Bouchard; comment il compte, M. le Président, réduire le nombre de faillites. C'est près de 4 000 faillites au cours des huit premiers mois depuis le 1er janvier au Québec. Alors, M. le Président, comment il compte les réduire? C'est 40 % des faillites de tout le Canada qu'on compte au Québec au cours des huit premiers mois.

Alors, M. le Président, je dois constater – vous m'indiquez que mon temps est terminé – que le ministre, malgré ce débat de fin de séance, n'aura pas répondu, malheureusement, à l'ensemble des interrogations que j'avais et dont je lui faisais part cet après-midi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Richmond. Ceci met fin au débat de fin de séance entre le député de Richmond et le ministre des Ressources naturelles.

Alors, nous allons procéder maintenant au dernier débat de fin de séance entre le député de Richmond et le ministre des Ressources naturelles.

Alors, nous allons procéder maintenant au dernier débat de fin de séance entre le vice-premier ministre et le député des Îles-de-la-Madeleine concernant l'engagement du gouvernement d'implanter une cimenterie à Port-Daniel. Alors, M. le whip en chef de l'opposition et député des Îles-de-la-Madeleine.


Implantation d'une cimenterie à Port-Daniel


M. Georges Farrah

M. Farrah: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je remercie le ministre des Finances d'être présent ce soir pour clarifier la position gouvernementale relativement à l'implantation d'une cimenterie à Port-Daniel. J'écoutais le ministre responsable du Développement des régions nous dire que, par une batterie de mesures, tout allait bien dans les régions.

M. le Président, on se demande pour quelles raisons il y a autant de manifestations. On a vu hier à Port-Daniel que plus de 500 personnes étaient réunies dans une église parce qu'elles sont complètement désillusionnées de ce gouvernement. Alors, je ne pense pas que c'est à cause de cette batterie de mesures que ça va tellement bien, compte tenu des manifestations qu'on a vues au cours des derniers mois, et notamment des dernières semaines.

Alors, essentiellement, les citoyens de la Gaspésie sont victimes du double langage du gouvernement du premier ministre. Et, si on fait un peu l'historique du dossier de l'implantation d'une cimenterie à Port-Daniel depuis la campagne électorale: le Parti québécois en avait fait une promesse quant à son implantation; on a eu par la suite le premier ministre du Québec d'alors, M. Parizeau, qui était venu annoncer une subvention pour une étude de prix ou de faisabilité; en octobre dernier, le premier ministre actuel du Québec était de passage en Gaspésie où il a dit que c'était un projet prioritaire, un projet essentiel pour le développement de la région. Alors, quand on voit, M. le Président, tout ce discours qui a été tenu par ce gouvernement au fil des années et au fil des mois, on peut comprendre que la population est en attente de gestes concrets de ce gouvernement. Et, au-delà des beaux discours, hein, on est en attente de décisions concrètes pour faire en sorte que ce projet-là puisse se réaliser.

(22 h 30)

Lors du Sommet sur l'économie et l'emploi, M. le Président, les gens de la Gaspésie qui étaient présents, ils sont montés de la Gaspésie à Montréal pour essayer de faire pression sur le gouvernement, notamment sur le ministre des Finances, j'imagine bien. Moi-même, j'ai rencontré à Montréal le maire de Port-Daniel. Il y avait aussi le préfet de la MRC de Pabok. Ils sont allés à Montréal pour faire pression au niveau du gouvernement, au niveau des instances gouvernementales pour faire en sorte que leur projet soit priorisé. Et ces gens-là sont revenus très déçus, compte tenu que leur projet n'a pas été priorisé lors du Sommet et notamment le projet de la cimenterie.

M. le Président – et je le disais cet après-midi – lors de la manifestation, d'ailleurs même l'évêque de Gaspé, Mgr Maurice Dumais, ne croit plus et ne croit pas ce gouvernement, M. le Président, et je vais vous le citer, alors qu'il disait: «Notre premier ministre a affirmé – et c'est Mgr Dumais qui disait ça – que dorénavant le Québec est plus ouvert sur le monde. Alors, qu'en est-il de son ouverture sur ses régions? La réponse à cette question reste encore difficile à dire, sauf au plan du discours, de la mise en place de structures et en situation de catastrophe...», a lancé Mgr Dumais. Alors, c'est rendu, M. le Président, que même l'Église trouve que ce gouvernement-là ne donne pas l'heure juste, ne dit pas la vérité et tient un double langage. Alors, on peut voir, M. le Président, où on en est rendus.

Alors, la réponse de cet après-midi du ministre des Finances sur ce projet-là a fait en sorte, M. le Président, de créer davantage de brouillard dans ce dossier, compte tenu de ce que d'autres de ses collègues véhiculent en Gaspésie en suscitant beaucoup d'espoir au niveau de la population. Alors, c'est la raison pour laquelle je demande au ministre des Finances, qui est un des grands responsables de ce dossier compte tenu des investissements qui peuvent être en cause, de donner l'heure juste à la population de la Gaspésie. M. le Président, compte tenu que c'est le plus haut taux de chômage au Québec, ces gens-là ont besoin d'un appui gouvernemental solide, et notamment dans ce dossier-là qui pourrait créer jusqu'à 400 emplois. Mais, compte tenu que plusieurs des collègues du ministre qui vont en Gaspésie montent la barre au niveau de l'espoir, bien, maintenant, ces gens-là, compte tenu que la barre est très haute, on attend davantage. Et là, maintenant, bien, on attend que ça livre, puis ça ne livre pas.

Alors, j'espère que, dans sa réplique – et j'en suis certain, d'ailleurs – le ministre des Finances pourra nous donner l'heure juste pour faire en sorte que la population de la Gaspésie sache à quoi s'attendre de ce gouvernement et que, pour une fois, on ait l'heure juste dans ce dossier, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. M. le vice-premier ministre et ministre des Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, je pense que c'est une bonne idée qu'a eue le député des Îles-de-la-Madeleine de me donner un peu plus de temps pour répondre à sa question de cet après-midi, à laquelle, il doit le reconnaître, j'ai quand même répondu avec beaucoup de sincérité et en pensant avoir éclairci la question. Mais, avec un peu plus de temps, ça va être encore un peu mieux.

D'abord, il a commencé un petit historique à la campagne électorale. Je comprends que le député est beaucoup plus jeune que moi, mais je vais aller remonter dans l'histoire pas mal plus que ça. La première fois que j'ai entendu parler du projet de Port-Daniel, j'étais ministre du Développement économique, oui, mais de René Lévesque, et j'ai rencontré les promoteurs à plusieurs reprises. Alors, je veux bien croire qu'il croit que c'est un dossier urgent et prioritaire, puis il est député de cette région-là, mais il a été pendant 10 ans dans un gouvernement qui aurait eu le temps de faire quatre cimenteries à Port-Daniel. Tout ça pour dire que je ne pense pas qu'il ait été négligent puis je ne veux pas qu'il dise que nous le sommes. Parce que, maintenant que je suis ministre des Finances et de l'Économie de Lucien Bouchard, j'ai rencontré encore les promoteurs. Ce ne sont plus les mêmes, mais c'est le même projet: c'est Port-Daniel, c'est le même excellent gisement de calcaire Trenton, pour faire du ciment. Et les problèmes sont compliqués, et il y a encore un espoir. Je rappelle que c'est notre gouvernement qui a subventionné l'étude de faisabilité. Ça, ce n'est pas un engagement à faire la chose, comme le dit le mot, c'est voir si c'est faisable. On l'a fait, c'est déjà quelque chose. Et le premier ministre a dit que, pour nous, c'était un projet prioritaire. Ça en est un parce que, même si on n'est pas élu en Gaspésie ou aux Îles, on connaît l'état de la région, on connaît son ardeur, sa vaillance, on sait que les gens se mobilisent, qu'il y a eu les opérations Dignité, on sait tout ça, et il n'y a rien qu'on aimerait mieux que de faire une cimenterie à Port-Daniel, et c'est la raison pour laquelle, cette semaine encore, il y aura rencontre entre les dirigeants de la SDI au plus haut niveau et les promoteurs de la cimenterie.

Mais, en gros, quel est le problème? Le problème, c'est qu'on a 3 000 000 t de capacité, de ciment, après la fermeture de celle de la Côte-de-Beaupré; on était à 3 600 000 avant, mais au 31 décembre, là, il y a des travailleurs qui vont perdre leur emploi sur la Côte-de-Beaupré, et ça va nous faire trois installations pour 3 000 000 t: Lafarge à Saint-Constant, Ciment St-Laurent à Joliette, Ciment Québec dans le comté de Portneuf. Or, notre marché domestique absorbe à peu près 1 500 000 t; donc, il faut exporter la moitié de ce qu'on produit déjà. Cela veut donc dire que la cimenterie de Port-Daniel doit travailler surtout à l'exportation, et les promoteurs sont d'accord, et c'est dans la nature même des choses; autrement, même le député des Îles, tout bon représentant de sa population qu'il soit, ne voudrait pas qu'on ferme à Saint-Constant, ou à Joliette, ou à Portneuf, là. Ça ne serait pas correct ni pour les travailleurs de ces endroits-là ni pour ceux de la Gaspésie qui leur auraient enlevé leur emploi.

Alors, il faut donc que ça travaille à l'exportation. Si ça travaille à l'exportation, par définition, ça doit se tenir debout sur ses pieds sur le plan économique, sans subventions qui dépassent ce qui est acceptable en droit international. Vous savez qu'on s'est fait faire des causes, aux États-Unis, pour le bois d'oeuvre, qu'on s'en est fait faire pour divers autres matériaux, pour le porc, pour... Alors, tout ça pour dire que le gouvernement cherche à intervenir, veut intervenir. Nous sommes dans une économie de marché, c'est un projet privé, il doit se tenir sur ses pieds, solidement en termes économiques, avec l'appui le plus grand possible que le gouvernement pourra donner. Et ça, c'est ce qu'on est en train d'essayer de faire, sans perturber notre industrie et sans, avec les deniers publics, rendre la vie impossible à des travailleurs des cimenteries qui sont déjà à l'oeuvre. Alors, c'est ça que j'aurais pu dire plus longuement cet après-midi si j'avais eu le temps. Mais, encore une fois, je remercie le député de m'avoir donné la possibilité de préciser ma pensée et je lui réitère, dans les quelques secondes qui me restent, que j'ai l'intention de continuer à m'occuper personnellement de ce dossier. Il n'y a rien qui me serait plus plaisant que d'aller avec lui, un jour, assister à l'inauguration de ces installations, si elles doivent voir le jour.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le vice-premier ministre et ministre des Finances. Alors, vous avez droit à une réplique de deux minutes, M. le whip de l'opposition et député des Îles-de-la-Madeleine.


M. Georges Farrah (réplique)

M. Farrah: Oui. Merci, M. le Président. Une brève réplique. Je vois que c'est un discours très réaliste de la part du ministre des Finances. J'aurais peut-être aimé entendre de sa part quelle est la situation, justement, sur le marché international, parce que, évidemment, si la création ou l'implantation de cette cimenterie dépend uniquement ou pratiquement exclusivement de l'exportation, il est bien évident que la situation du marché mondial est très importante, dans l'analyse d'un tel dossier.

Mais, encore une fois, M. le Président, je veux juste venir sur les commentaires qui sont souvent... qui émanent des collègues du ministre des Finances, à l'effet que ces gens-là ne sont pas de la même prudence que le ministre des Finances, alors qu'on promet que le marché est capable, est apte à pouvoir recevoir une telle cimenterie, sans déranger rien, de la manière dont ces gens-là parlent. Alors, par conséquent, je pense que les gens, cette population-là que je respecte, et qu'on respecte beaucoup, sont en mesure de s'attendre à avoir l'heure juste, l'heure juste de ce gouvernement, compte tenu qu'il est très, très dangereux pour une population d'avoir de faux espoirs, M. le Président. En conséquence, j'espère... et je suis content d'apprendre aussi que le ministre va rencontrer les promoteurs encore cette semaine ou la semaine prochaine. Je peux lui dire tout bonnement, aussi, que nous serons vigilants, dans ce dossier, pour faire en sorte que les engagements que ce gouvernement a pris au cours de la campagne électorale ou depuis nombre d'années, bien, ils soient respectés pour que, justement, la Gaspésie puisse bénéficier d'un investissement économique important. Et Dieu sait qu'on a besoin d'un investissement de la sorte dans la Gaspésie et aux Îles également. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le whip de l'opposition et député des Îles-de-la-Madeleine. Alors, j'ajourne maintenant les travaux au mercredi 27 novembre, à 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 39)


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