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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 13 mars 1997 - Vol. 35 N° 77

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Table des matières

Affaires du jour

Présence du consul général de Roumanie à Montréal, M. Gheorghe Baltac, et du consul général du Portugal à Montréal, M. Eduardo Fernandes De Oliveira

Affaires courantes

Affaires du jour


]

Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Affaires du jour

Alors, nous allons débuter nos travaux aux affaires du jour. J'inviterais M. le leader du gouvernement à appeler...

M. Bélanger: M. le Président, l'article 1 de notre feuilleton.


Débats sur les rapports de commissions


Reprise du débat sur la prise en considération du rapport de la commission qui a tenu des consultations particulières sur le rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les intermédiaires de marché

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, à l'article 1 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat sur la prise en considération du rapport de la commission du budget et de l'administration qui, les 24, 25 et 26 septembre ainsi que les 9, 16 et 17 octobre 1996, a tenu des consultations particulières sur le rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les intermédiaires de marché intitulé «La distribution de produits financiers aux particuliers: relever résolument le défi du changement». Ce rapport, déposé le 19 décembre 1996, contient des recommandations.

Alors, c'est la poursuite du débat qui a été entrepris déjà hier. Il reste environ 11 à 12 minutes pour le Parti libéral et 8 à 9 minutes pour le parti au pouvoir, l'aile parlementaire du gouvernement. Alors, j'inviterais M. le leader de l'opposition à prendre la parole.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Il me fait particulièrement plaisir de prendre la parole pour que nous continuions de débattre parmi nous le mandat de la commission du budget et de l'administration, ou son rapport, plutôt, qui touchait à la distribution de produits financiers aux particuliers. Le défi, c'est relever résolument le défi du changement.

Je tiens, dans un premier temps, M. le Président, à féliciter tous les parlementaires de l'Assemblée nationale qui ont pris part à cette commission. Il ne s'agissait pas là d'un travail facile, il s'agissait d'un travail complexe. La commission parlementaire, composée de députés de toutes les allégeances politiques, a consacré plus de 30 heures, entendu plus d'une vingtaine de témoins et produit un rapport aux membres de l'Assemblée nationale, et c'est ce rapport que nous discutons présentement.

M. le Président, ce rapport se situe dans un contexte un petit peu particulier. Ce n'est pas tous les jours, et vous en êtes un témoin privilégié, que les députés des deux côtés de la Chambre font consensus sur un projet aussi important pour l'ensemble des consommateurs et des intervenants du milieu des assurances au Québec. Pour dégager ce consensus, les députés suivants ont dû travailler fort, mettre de l'eau dans leur vin et aller au fond de chacune des questions qui les préoccupaient. C'est sous la présidence du député d'Arthabaska, président de la commission, et la vice-présidence du député de Westmount–Saint-Louis que les travaux se sont déroulés. Les députés des deux formations politiques qui composaient la commission étaient les suivants: Mme la députée de Vanier, M. le député de Marguerite-D'Youville, M. le député de Charlevoix, M. le député de Masson, M. le député de l'Acadie, M. le député de Crémazie, M. le député de La Peltrie, M. le député de Verdun, M. le député d'Abitibi-Ouest, M. le député de Bellechasse, M. le député de Verchères, ministre d'État de l'Économie et des Finances, M. le député de Hull, M. le député de Viger.

M. le Président, vous aurez reconnu là, parce que vous les connaissez tous et toutes, des députés qui sont bien enracinés dans leur milieu et ont tenté de bien représenter à la fois les intérêts des gens qui vendent ces produits et des consommateurs qu'ils représentent à l'Assemblée nationale du Québec.

M. le Président, j'ai été un petit peu estomaqué ce matin en prenant connaissance, par le biais des médias d'information, d'une manchette du journal La Presse sous la plume du journaliste Miville Tremblay, je le cite comme tel – on fait référence au député de Verchères qui est le ministre des Finances – comme suit: «Landry écarte le rapport Baril sur les intermédiaires financiers». J'espère, M. le Président, que le titre ne traduit pas la réalité de ce que nous nous apprêtons à vivre à l'Assemblée nationale du Québec.

Au moment où, de part et d'autre, sous la vigilance et parfois, M. le Président, sous la férule de la présidence, nous nous sommes engagés dans une réforme parlementaire, au moment où nous en sommes venus à un consensus sur des modifications importantes au calendrier des travaux, au moment où nous nous apprêtons à annoncer, dans les prochaines heures, sinon dans les prochains jours, que nous avons franchi une autre étape de part et d'autre de la réforme parlementaire, nous sommes soumis à peut-être le test le plus important: Sommes-nous capables comme députés, sommes-nous capables comme députés de l'Assemblée nationale d'imposer à l'Exécutif la volonté des élus du peuple?

Cette question-là, M. le Président, il appartiendra à chacun et à chacune d'entre nous d'y répondre au moment opportun. Le moment opportun, ce sera le dépôt du projet de loi qui donnera suite au rapport comme tel des parlementaires. Moi, je demeure confiant que, si nous continuons à maintenir ensemble les mêmes objectifs comme parlementaires, si nous nous souvenons que nous sommes d'abord et avant tout responsables face à la population qui nous a élus, que nous disposons du temps suffisant pour arriver à faire en sorte que tout le travail qui aura été accompli par les parlementaires se retrouve traduit, je ne dirai pas dans le moindre détail, mais dans sa substance toujours, dans le projet de loi qui sera déposé devant l'Assemblée nationale et, si ce n'était pas le cas, que nous puissions continuer à travailler au niveau de la commission parlementaire à l'étude article par article pour que ces articles de la loi reflètent la position consensuelle qui se dégage du rapport Baril...

M. le Président, le travail de député, ce n'est pas toujours un travail qui est apprécié. Mais, lorsque ce travail-là est fait de façon sérieuse, disciplinée et bien informée, il serait plutôt inapproprié à ce moment-ci d'envoyer le message à l'ensemble de la députation, un message négatif: Travaillez tant que vous voulez, travaillez aussi sérieusement que vous voulez, ce n'est pas l'Assemblée nationale du Québec qui va faire en sorte que des virages importants vont être entrepris; ça va continuer à être, dans l'ordre ou dans le désordre, la technocratie et l'Exécutif ou l'Exécutif et la technocratie, M. le Président. Et, si nous n'avons pas le courage, si nous n'avons pas la force, si nous n'avons pas la solidarité nécessaire pour nous tenir debout, pour continuer les pourparlers avec, oui, l'Exécutif, oui, la technocratie, mais si nous n'avons pas la force d'imposer la vision unanime des parlementaires, moi, je vous le dis tout de suite, M. le Président, je perdrai beaucoup de foi à une véritable réforme parlementaire. Oui, on continuera de s'entendre sur des éléments accessoires: calendrier, additionner ou soustraire le nombre de commissions, de ses membres. On s'entendra sur l'accessoire, mais jamais on n'atteindra le principal.

(10 h 10)

Il y a deux jours, en cette Chambre, M. le Président, je vous faisais part d'un extrait du journal Le Devoir de samedi dernier sous la plume du chroniqueur Gilles Lesage. Je ne pensais pas que nous aurions à si court terme, à ce moment-là, l'opportunité de nous sortir d'un cercle vicieux qui ne dépend pas – et je le dis, là, sans partisanerie – de nos amis d'en face, qui dépend simplement de la façon dont, au cours des 30 dernières années – ça, ça inclut beaucoup de monde, beaucoup de parlementaires – nous avons, nous, les élus du peuple, laissé glisser le pouvoir, laissé glisser l'orientation de la société québécoise chaque jour un petit peu plus dans les mains de la technocratie et, par le biais parfois, dans les mains de l'Exécutif. Nous avons une occasion en or de nous sortir de ce cercle vicieux, M. le Président, et d'indiquer à l'ensemble de la population qu'être député à l'Assemblée nationale du Québec, ça veut dire qu'il y a encore un pouvoir à exercer. Si on ne peut pas le faire lorsqu'on s'entend, de part et d'autre, on ne pourra jamais le faire. Lorsque nous sommes divisés, moi, je peux comprendre, M. le Président, que la majorité l'emporte. J'ai eu l'occasion de siéger des deux côtés de cette Assemblée et il faut que le gouvernement gouverne et que la majorité défasse la minorité. Et ça, bien qu'on ne s'y habitue jamais, il faut comprendre que ça fait partie des règles du jeu.

Mais lorsqu'il y a unanimité des députés de l'Assemblée nationale, membres du législatif comme tel, je ne veux jamais m'habituer à être défait, soit par la technocratie, soit par l'Exécutif, parce que je demeure convaincu, M. le Président, comme vous l'êtes, que la suprématie du pouvoir se doit d'être exercée par l'Assemblée nationale.

Je vois mon ami d'en face le leader du gouvernement qui dit: Ce sont de beaux discours. Je ne le prononcerais pas si on était dans un projet de loi où on était divisé, M. le leader, mais, dans un projet de loi où on se retrouve unis, je vous incite et je vous invite à utiliser votre poids, parce que vous êtes à la fois un législateur, un député et un membre de l'Exécutif et un personnage important de cet Exécutif, à utiliser votre poids pour que le poids législatif commence à se manifester davantage.

C'est Gilles Lesage qui nous disait que pour sortir du cercle vicieux dans lequel nous sommes... Et là je ne blâme pas, et je le dis, aucun gouvernement – même si on remonte à l'Union nationale – de nous avoir embarqués là-dedans. Je blâme un petit peu l'ensemble de tous les parlementaires et nous en avons tous été un peu responsables. On doit faire preuve d'un peu plus de solidarité et de vision. Pour sortir de ce cercle vicieux, Gilles Lesage nous dit ce qui suit: «Il faudrait que les sans-grade, les pelés et les galeux de part et d'autre du président, et avec son appui, lui qui fut un de ces pestiférés, entreprennent de se comporter comme des représentants de leurs électeurs plutôt que comme des porte-voix du pouvoir.»

M. le Président, si les députés, cette fois-ci unanimement, décident d'agir en fonction de leurs convictions et des intérêts de leurs électeurs, ça ne sera pas une victoire de la technocratie ni de l'Exécutif, ce sera une victoire du Parlement. Trop souvent, les ministres déposent en cette Chambre des projets de loi qui n'ont été inspirés ni par le programme de parti de leur formation politique ni par une impulsion des porte-parole de leur caucus respectif, mais plutôt par des bureaucrates et des technocrates qui ont leurs propres agendas et qui ont plus d'influence sur l'Exécutif que le député, qui permet au ministre d'être ministre. Il n'y a personne qui aurait occupé, dans notre système, un fauteuil ministériel si ce n'eût été du fait que des gens ont gagné dans leur comté la confiance de leur population, au moment de la convention, lorsqu'ils ont été choisis candidats de leur formation politique, au moment de l'élection, lorsqu'ils ont réussi à convaincre la majorité de leurs électeurs qu'ils étaient les meilleures personnes pour les représenter.

Le test auquel nous sommes présentement confrontés, M. le Président, c'est de choisir à ce moment-ci entre des éléments qui ont fait en sorte que nous avons amoindri le Parlement, aveuglés par la technocratie, soumis à l'Exécutif et parfois même, M. le Président, nous nous sommes affaiblis en faisant montre de trop de partisanerie de part et d'autre. Nous avons devant nous un rapport, parce que les députés y ont travaillé assidûment, qui fait l'unanimité des législateurs comme tels. Nous avons devant nous un rapport qui répond aux préoccupations des citoyens que nous représentons et nous avons un rapport qui nous indique une voie de l'avenir, qui conjugue les besoins des marchés financiers avec l'implication des intermédiaires d'assurance dans chacune de nos circonscriptions électorales sur le plan des affaires et sur le plan social.

Nous avons devant nous, au moment où nous entreprenons cette réforme parlementaire, le plus beau des défis. Si nous pouvons maintenir un ton, au cours de ce débat, qui soit correct et respectueux avec l'Exécutif, avec la technocratie, entre nous, moi, je demeure convaincu que nous pouvons encore gagner ce combat. Et, si ce combat est le premier que nous remportons ensemble comme législateurs, il imprégnera la réforme parlementaire d'une volonté de l'ensemble des élus du peuple de reprendre, au sein de la société québécoise, le rôle qui est le leur: celui d'orienter cette société vers un meilleur avenir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le leader de l'opposition. Je vais maintenant céder la parole à M. le leader du gouvernement. Il vous reste, M. le leader, sept minutes pour terminer votre exposé.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. C'est dur, M. le Président, de ne pas se laisser attendrir, émouvoir par le vibrant plaidoyer du leader de l'opposition sur les vertus des commissions parlementaires, les vertus du parlementarisme, alors qu'il n'y a quand même pas si longtemps que ça, M. le Président, le leader de l'opposition était à ma place, leader du gouvernement. Et sous ses fonctions, on ne peut pas dire qu'il y avait une très grande... les mandats d'initiative n'étaient pas légion, les initiatives parlementaires étaient très rares. Je peux vous dire que c'est depuis que notre gouvernement a pris le pouvoir que justement on a recommencé à faire en sorte qu'il y ait de plus en plus de mandats d'initiative, à ne pas retenir des mandats d'initiative que se donnaient les commissions parlementaires.

C'était connu que l'aile parlementaire ministérielle de l'époque était peu friande des mandats d'initiative ou de l'autonomie des commissions parlementaires. Donc, je dois constater que l'opposition a fait faire un virage à son chef, à son leader, et que maintenant on chante les vertus de cette autonomie législative et on chante même les louanges de la force parlementaire qui va mettre au pas le pouvoir exécutif. Le leader de l'opposition me fait part plutôt d'un équilibre. Je pense que oui, je serais plutôt d'accord avec lui que justement notre système parlementaire est plus basé sur un équilibre du pouvoir de l'Exécutif et du pouvoir parlementaire.

Tout à l'heure, le leader parlait du consensus qui s'est dégagé, d'ailleurs, devant la commission parlementaire. Je tiens à lui dire que ce n'est pas rare qu'en commission parlementaire nous avons des consensus. Quand j'étais porte-parole en matière de justice, je dirais qu'une bonne partie des projets de loi qui se débattaient devant la commission des institutions se débattaient et on arrivait à des consensus. Et il y a eu des exemples assez remarquables de consensus qu'on a eus au niveau des commissions parlementaires. Je regarde en particulier notre Code civil, la réforme dans notre Code civil. Pendant plus d'un an, on s'est réuni, les membres de la commission des institutions, pour arriver à ce que tous les articles soient adoptés à l'unanimité. Donc, ce n'est pas si rare que ça qu'il y ait des consensus dans les commissions parlementaires et à l'Assemblée nationale.

(10 h 20)

C'est vrai, M. le Président, que les membres de la commission du budget et de l'administration ont fait un travail remarquable, qu'ils ont pris à coeur le travail qu'ils ont fait, qu'ils y ont mis à la fois leurs connaissances personnelles, leur expérience professionnelle, pour certains, dans le milieu, dans le domaine qui faisait l'objet du mandat de la commission, et je crois que c'est tout à l'honneur du travail de cette commission parlementaire. Mais, d'un autre côté, il ne faut pas oublier que, quand il y a une disposition législative ou une loi qui est proposée, ce n'est pas uniquement la commission parlementaire qui va déterminer s'il y a unanimité en cette Chambre, c'est l'ensemble des députés qui sont présents en cette Chambre qui fait en sorte s'il y a unanimité. Donc, il peut y avoir un consensus au niveau de la commission parlementaire, il peut y avoir unanimité au niveau de la commission parlementaire, mais cette unanimité n'est pas nécessairement évidente au niveau de l'Assemblée nationale. Mais je crois que le consensus qui s'est dégagé, le point de vue qui a été dégagé par la commission parlementaire va enrichir le débat sur l'éventuel projet de loi qui sera déposé à l'Assemblée nationale relativement à ce domaine.

Et je crois aussi, M. le Président, que, quand le leader de l'opposition disait: Ah! c'est un moment, une bataille importante où le parlementaire va mettre, va pouvoir... où le pouvoir parlementaire va peut-être pouvoir imposer au pouvoir exécutif ses vues, je pense que c'est mal connaître, et ça me permet peut-être de faire connaître aux gens qui nous écoutent un peu le travail, aussi, qui se fait au niveau de nos caucus. Il y a un travail qui se fait qui n'est pas connu, qui n'est pas télévisé. Mais, au niveau des caucus, les débats se font. Les parlementaires, à ce moment-là, peuvent – et ils le font d'une façon constante – émettre leur point de vue, tenter de modifier certaines avenues, certaines portées d'un projet de loi, et ça, je crois que déjà ça se fait, ce travail, et ce travail-là est peu connu. Et c'est pour ça que ce n'est pas parce qu'on est à l'Assemblée nationale, et quand il y a des lignes de parti relativement à certains votes, au niveau des votes sur des projets de loi, qu'il n'y a pas eu de débats qui se sont faits ailleurs. Des débats se font ailleurs, des échanges se font ailleurs, et ça, je crois qu'il faut le rappeler aux gens qui nous écoutent, parce que, justement, les gens, s'ils voient uniquement le débat qui se fait ici, à l'Assemblée nationale, et le vote, pourraient penser que, justement, il n'y a pas d'autres forums de discussion. Mais il y a d'autres forums de discussion et ces discussions se font.

Donc, dans notre réforme parlementaire, M. le Président, oui, je crois qu'on va s'attaquer au travail et au rôle des commissions parlementaires. On va peut-être avoir quelque chose bientôt à pouvoir proposer d'ailleurs aux membres de l'Assemblée nationale relativement aux commissions parlementaires. On va regarder évidemment de quelle façon on peut enrichir le travail qui se fait en commission parlementaire, redonner... On sait que le constat de la réforme parlementaire au niveau des commissions parlementaires n'est peut-être pas des plus reluisants. Je lisais le document; on a voulu donner une certaine initiative, une certaine autonomie aux commissions parlementaires, et le constat qui doit être fait, c'est que les buts recherchés n'ont pas été atteints. Alors, regardons de quelle façon nous pouvons le faire. Mais je tiens à préciser qu'on doit toujours avoir à l'esprit, M. le Président, l'équilibre entre le pouvoir parlementaire et le pouvoir exécutif, qui est le fondement même de notre système parlementaire. Nous ne sommes pas dans un système présidentiel américain. D'ailleurs, si on faisait un débat là-dessus, M. le Président – des fois, on en fait à notre caucus là-dessus – pour moi, c'est un des pires systèmes qu'il n'y a pas, le système parlementaire américain. Mais c'est un débat qui vaut la peine d'être fait. Et, quand on arrivera, peut-être, un jour à un débat plus en profondeur sur nos institutions parlementaires, quand, évidemment, le Québec sera un pays, à ce moment-là on pourra voir de quel système parlementaire on pourra doter notre pays du Québec. Alors, peut-être qu'à ce moment-là on décidera de se donner un système parlementaire du type présidentiel américain, du type présidentiel français ou du type britannique. On verra, M. le Président. Mais c'est un débat qui se fera à ce moment-là et c'est un débat beaucoup plus vaste que la réforme parlementaire que nous connaissons.

Donc, M. le Président, en terminant, oui, contribution importante faite par la commission du budget et de l'administration et, surtout, par son président, le député d'Arthabaska, qui a fait un travail, je crois, remarquable. Je suis certain que le rapport de cette commission va enrichir à la fois l'éventuel projet de loi qui va être déposé et l'ensemble de nos débats. Alors, merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le leader du gouvernement. Ceci met fin au débat sur la prise en considération du rapport de la commission du budget et de l'administration.

M. le leader du gouvernement, pour la suite.

M. Bélanger: Article 3 de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 40


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 3, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 13 décembre dernier sur l'adoption du principe du projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française. Le dernier intervenant était le député d'Orford, qui avait terminé son intervention. Alors, je suis prêt à céder la parole à un membre de l'aile parlementaire. Alors, c'est M. le député de D'Arcy-McGee qui va prendre la parole. Je vous cède la parole, M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Ce n'est pas de gaieté de coeur que je prends la parole aujourd'hui devant vous parce que je ne croyais jamais que le gouvernement irait jusqu'à nous demander de nous prononcer sur le projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française, Bill 40, An Act to amend the Charter of the French language.

M. le Président, je suis fier d'être canadien, je suis fier d'être québécois et je suis fier d'être un membre de la communauté anglophone du Québec. Avant toute chose, je veux qu'il soit très clair que nous, membres de la communauté anglophone, sommes fiers de vivre au Québec, fiers de nos nombreuses réalisations qui ont contribué à construire une société québécoise fleurissante à l'intérieur d'un Canada uni.

M. le Président, nous sommes heureux d'avoir contribué, à notre manière toute spéciale, au fait français de notre province et même avec un accent, des fois, un peu différent. Nous sommes prêts à relever nos manches une fois de plus pour travailler à retrouver la société québécoise pluraliste et dynamique que nous connaissions avant l'arrivée au pouvoir du gouvernement péquiste. Sondage après sondage, il a été démontré que le Québec avait atteint la paix linguistique. Alors, dites-moi, M. le Président, qu'est-ce qui a bien pu arriver pour que nous soyons aujourd'hui pris avec ce projet de loi n° 40?

Mr. Bouchard goes to the Centaur Theater and talks about dialogue, tolerance and diversity, but, when his leadership is required to take action to promote those values, his voice, like that of his government, is sadly silent.

Mr. Speaker, much has been made recently of the political and economic uncertainty which the PQ Government has brought upon this province, but, Mr. Speaker, the uncertainty which the PQ Government has brought upon this province is as much moral as it is political and economic. The bill before us, creating the dreaded language police, will bring moral outrage against this PQ Government at home and abroad.

Le premier ministre, dans une récente allocution aux membres de son parti, leur a demandé de faire preuve de plus de tolérance dans le futur. J'en déduis que les propos du premier ministre étaient aussi destinés aux députés assis en face de nous puisqu'ils sont tous membres du Parti québécois. Comment, après avoir parlé de tolérance, le premier ministre peut permettre que soit déposé devant nous ce projet de loi dont les conséquences seront désastreuses?

(10 h 30)

Ce projet de loi créera des divisions, des tensions parmi les membres de notre société et même ailleurs. Il n'est que de la provocation pure et simple. C'est un affront à la population du Québec, un exemple flagrant de l'attitude antidémocratique dont fait preuve ce gouvernement du Parti québécois.

M. le Président, des francophones, anglophones et allophones, tant fédéralistes que séparatistes, se sont prononcés contre ce projet de loi, et ce, en termes très clairs et dont je vous donne quelques exemples. Gérald Larose a mentionné que «la Commission de protection de la langue française agresserait inutilement le milieu des affaires et la communauté anglophone». Clément Godbout, de la FTQ, a, quant à lui, ajouté: «Nous ne croyons pas que la Commission de protection de la langue française constitue la meilleure option. Ce n'est pas notre premier choix.» Me Julius Grey, avocat reconnu, a déclaré: «C'est humiliant, ridicule, honteux et risible.»

Mr. Speaker, why has the PQ Government created a language crisis? Why, when most Quebeckers agree that there is a language balance, are they fanning the embers of hatred and intolerance? Why? Because, firstly, they have to satisfy the radicals in their own party. But more important is the philosophy of the PQ Government which is to make life here as unpleasant as possible for the anglophone community. The people of Québec, Francophones, Anglophones, Allophones, Québec born and those who have chosen this wonderful land are ashamed of this bill and of the harm and damage that you are causing to the anglophone community and to all Quebeckers.

Mr. Speaker, the PQ Government before us has failed in its ability to manage the economy, there is rising unemployment and there is decreasing investment. The PQ Government has made disastrous changes to the health care system. The PQ Government has added a tax to medication being consumed. We are a province in a crisis. The PQ Government is trying to divert the attention of the population. What an odious tactic! A tactic designed to create divisions and to provoke intolerance.

The bill before us, which is antiliberal, a restriction of human liberties, will severely penalize the anglophone and allophone communities, anglophone and allophone small and medium-sized businesses. It will specially hinder their operations and, in some cases, force them out of business.

J'accuse le gouvernement du Parti québécois d'encourager au sein de la communauté anglophone un sentiment de désespoir et d'exclusion, alors que c'est la communauté anglophone qui a, jusqu'à l'arrivée du Parti québécois au pouvoir, vécu dans l'harmonie avec la communauté francophone, qui a toujours fait partie intégrante de la société québécoise et a été une de ses composantes essentielles.

You, the PQ Government, incite odious publications, as La tempête , published by Raymond Villeneuve of the Mouvement de libération nationale du Québec, the headline of its recent edition stating: «English, go home! Take the 401.»

Des voix: Oh!

M. Bergman: The lead article talks about making Anglophones feel uncomfortable...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! Une minute, s'il vous plaît. M. le leader du gouvernement, vous avez demandé, vous avez soulevé une question de règlement. J'inviterais les autres, s'il vous plaît, à laisser la parole à M. le leader du gouvernement, qui a soulevé une question de règlement.

M. Bélanger: M. le Président, vous savez, en vertu de notre règlement, 35.7° en particulier, on ne peut «se servir d'un langage violent». Est-ce qu'il sait c'est quoi, le député de D'Arcy-McGee, un langage violent? Je crois qu'il en est le plus bel exemple, M. le Président. Quand il accuse le gouvernement de choses, c'est complètement contraire à notre règlement. Alors, M. le Président, je vous demanderais tout simplement de rappeler un peu la tolérance et la modération dans les propos du député de D'Arcy-McGee.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Et l'article 35.7° poursuit aussi: «blessant à l'adresse de qui que ce soit». Alors, je vous inviterais, à la lumière de cet article, de pondérer un petit peu peut-être vos remarques qui peuvent être effectivement très blessantes. Ça n'empêche pas d'exprimer des opinions, mais le faire dans un langage et dans des formules qui respectent un peu aussi, je dirais, les sensibilités respectives des membres de cette Assemblée. Alors, je vous inviterais à poursuivre, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Mr. Speaker, it's obvious that the truth hurts very badly, the truth hurts the House Leader very badly. And I'll continue in the tone I have because this is the truth, and perhaps it's bothering him that the truth is coming out and being said publicly. But that's his problem, it's not my problem.

The lead article, Mr. Speaker, of La tempête talks about making anglophones feel uncomfortable and unwelcome and goes on to discuss encouraging anglophone exodus. Mr. Speaker, I ask you: Is the PQ Government doing anything different by reinstating the language police? The PQ Government, with this bill, lowers itself to the level of Raymond Villeneuve. Montréal used to be a place where people came to. Now, because of the PQ Government's intolerance, Montréal is a place where people come from.

M. le Président, nous sommes témoins aujourd'hui du bilinguisme presque parfait d'un grand nombre de nos jeunes et de nos moins jeunes, comme moi, qui tentent d'améliorer leur accent, qui ainsi ont une plus grande liberté de choix quant à leur avenir. Mais, en réaction au climat général d'incertitude et d'exclusion instauré par le gouvernement du Parti québécois, que le présent projet de loi n° 40 n'aide pas à améliorer, nous voyons un nombre sans précédent de nos jeunes anglophones et francophones quitter le Québec au lieu de s'établir chez eux.

Imaginez-vous un peu la perte que cela représente pour notre société québécoise. Pourtant, laissez-moi vous dire, afin de faire disparaître un autre mythe véhiculé par le gouvernement du Parti québécois, que le problème qui existe au Québec n'a rien à voir avec la langue. Il n'y a pas de meilleur allié de la langue française en Amérique du Nord que la communauté anglophone, ou à tout le moins ce qui en reste. Si nous avions réellement voulu vivre dans un milieu où l'on parle seulement anglais, ne pensez-vous pas, M. le Président, qu'il y a longtemps que nous serions partis? Ceux qui quittent actuellement le Québec ne le font pas parce qu'ils le veulent, mais bien parce qu'ils sont obligés de le faire, puisqu'ils sentent bien qu'il n'y a pas d'avenir pour eux ici au Québec.

Ce sentiment qu'il n'y a pas d'avenir au Québec n'a rien à voir avec la dimension des affiches en anglais dans les magasins. Non, ce sentiment provient du fait que la communauté anglophone réalise que le Québec est poussé inexorablement vers la descente aux enfers par ce gouvernement du Parti québécois. Les tisons de la colère et de la discorde sont enflammés par les discussions interminables sur un supposé projet de souveraineté-association et la promesse de tenir référendum après référendum jusqu'à ce que les défenseurs de l'option fédéraliste, anglophones, francophones, allophones, fatigués et épuisés, aient quitté le Québec, permettant ainsi au Parti québécois d'obtenir la majorité des votes.

(10 h 40)

Le fait que les Québécoises et Québécois aient rejeté deux fois l'option souverainiste ne semble pas compter dans la balance. Au contraire, les indépendantistes continuent d'attaquer leurs adversaires avec cette option, faisant fi de la volonté de la majorité des Québécois exprimée démocratiquement. Et, parce que les gens sont fatigués de vivre dans un monde où leurs droits ne sont pas respectés, ils préfèrent s'en aller. Ces départs constituent la plus grande menace à la survie de non seulement la communauté anglophone, mais de la province toute entière. Alors que nous balançons entre l'intolérance que personne ne désire et le ridicule que personne ne souhaite, nous privons la province d'une de ses plus précieuses ressources: une génération future d'anglophones, de francophones et d'allophones dynamiques, entreprenants et bien éduqués.

Le manque d'investissements, le déplacement des capitaux d'expansion vers les villes et les cités d'autres provinces sont en train de ronger la base future de l'économie de cette province, et particulièrement de la ville de Montréal. Nos débats continuels sur la langue et la souveraineté finiront par se résoudre un jour au dessus d'un gouffre sans fin. Il n'y a pas d'emplois, les listes d'attente pour l'aide sociale sont interminables, les coffres du gouvernement sont vides, et le gouvernement, lui, continue à chercher des pauvres. Il est temps de mettre un terme à tout cela, sinon le Québec va bientôt se transformer en un immense cratère humain. Notre système d'éducation, notre système de santé, notre économie, voilà nos priorités. Elles devraient aussi être celles du gouvernement péquiste. Ce projet de loi n° 40 nous montre malheureusement qu'il n'en est rien. Enfin, le projet de loi n° 40, en plus de briser la paix linguistique qui s'est installée grâce à la loi 86, il brime les libertés individuelles.

Vous aurez compris, pour toutes ces raisons, M. le Président, que je m'oppose vigoureusement à l'adoption du principe du projet de loi n° 40. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député. Est-ce qu'il y aurait un autre intervenant? Mme la députée de Chapleau, je vous cède la parole.


Mme Claire Vaive

Mme Vaive: Merci, M. le Président. M. le Président, à mon tour, je tenais absolument à prendre la parole dans le cadre de ce débat entourant l'adoption de principe du projet de loi n° 40. Pourquoi? Tout simplement parce que je fais partie d'une formation politique qui a à coeur la promotion et la protection de la langue française. Avant d'entrer dans le coeur du sujet, je tiens à rappeler que c'est un gouvernement du Parti libéral du Québec qui a consacré le français langue officielle du Québec en proposant la loi 22. C'est aussi sous le règne libéral que le français a été reconnu la langue du travail. Puis, avec la loi 86, notre gouvernement avait réussi à créer un climat de paix linguistique reconnu, mais surtout apprécié par l'ensemble des Québécoises et des Québécois.

En septembre 1995, la ministre de la Culture et des Communications croit bon de mettre sur pied un comité interministériel ayant pour mandat d'analyser la situation de la langue française au Québec quelque 20 ans après l'entrée en vigueur de la Charte de la langue française. À la suite de la publication du bilan de ce comité, la ministre annonce, en avril, un bouquet d'une quarantaine de mesures pour renforcer la place du français, parmi lesquelles ne figure pas le rétablissement de la Commission de protection de la langue française, et j'y reviendrai. Le bouquet dans tout ça, c'est que l'on sait que le Conseil des ministres a reçu favorablement le rapport du comité interministériel qui indique clairement d'ailleurs qu'il n'est pas opportun de modifier la Charte de la langue française.

Pourquoi la ministre et son gouvernement ont-ils déposé le projet de loi n° 40, en juin 1996, modifiant la Charte de la langue française? Que s'est-il donc passé entre avril et juin 1996? Mes concitoyens et concitoyennes de Chapleau et des autres comtés du Québec cherchent, tout comme moi, à comprendre. Pourtant, le rapport sur l'«Évolution de la situation de l'affichage à Montréal, 1995 et 1996» commandé par la ministre elle-même au Conseil de la langue française et à l'Office de la langue française établit le constat suivant: «La situation est stable, et il n'est pas nécessaire de modifier la Charte de la langue française.» C'est simple. Qu'est-ce qui a donc fait changer d'idée la ministre?

Devant ce changement de cap, l'opposition officielle a insisté pour que se tiennent des consultations générales sur le projet de loi n° 40. Plus de 70 mémoires ont été déposés devant les membres de la commission et plus d'une quarantaine de groupes et d'individus se sont fait alors entendre. Les critiques envers la proposition du gouvernement de ressusciter la Commission de protection de la langue française, la police de la langue, ont été nombreuses.

«La Commission de protection de la langue française agresserait inutilement le milieu des affaires et la communauté anglophone», déclare Ghislain Dufour. «C'est l'organisme le plus détesté au Québec. Au lieu de servir la langue, elle va la desservir», dit Aimé Gagné, du CPQ. «Si j'entends bien le discours du ministre des Finances, il n'y a pas de petites économies avec les compressions qui s'en viennent dans le secteur de la culture. Et rien ne nous a prouvé que l'Office de la langue française ne pourrait pas remplir le rôle de la Commission de protection de la langue française», mentionne de son côté Serge Turgeon, président de l'Union des artistes. Le chef syndical Clément Godbout abonde dans le même sens: «On ne perdrait pas connaissance si c'est chapeauté par un organisme comme l'Office de la langue française.»

Pourquoi le gouvernement péquiste tient-il absolument à briser la paix linguistique qui existe au Québec? Comme l'a dit lui-même le ministre d'État à la Métropole: «On ne doit pas se payer le luxe d'une lutte linguistique à Montréal. C'est la position du gouvernement.» Comme vous avez pu le constater, plusieurs dispositions de cette pièce législative font l'objet de critiques, alors que d'autres soulèvent moins de commentaires. Certains articles vont même à l'encontre des libertés individuelles en plus de promouvoir des valeurs antilibérales.

Pourquoi sommes-nous là à débattre aujourd'hui de cette question, alors que 84,5 % des personnes interrogées par la firme Sondagem désirent le maintien de la loi n° 86, que les messages des devantures de 94 % des commerces de l'île de Montréal sont en français, que l'unilinguisme français dans l'affichage est stable à 84 % et que l'affichage unilingue anglais est présent dans une proportion de 2,6 %? À la lumière de ces données, la présidente du Conseil de la langue française, Mme Nadia Assimopoulos, déclarait: «Il n'est pas nécessaire d'amender la loi n° 86. Où est la menace de l'anglais sur le français? Pourquoi rétablir la Commission de protection de la langue française, alors que l'Office de la langue française joue déjà le rôle de surveillant de l'application de la Charte?»

La protection de langue française est très importante pour les Québécois, mais depuis l'adoption de la loi n° 86, les citoyens du Québec, qu'ils soient francophones, anglophones ou allophones, sentaient que nous avions atteint un équilibre, équilibre que la ministre de la Culture et des Communications tente de briser maintenant avec le projet de loi n° 40.

Je termine, M. le Président, par un appel pressant au gouvernement. Cessez de chercher des solutions à un problème qui n'existe pas et consacrez-vous aux véritables problèmes, ceux qui touchent les Québécois et les Québécoises: la protection de notre filet de sécurité sociale et la création d'emplois. C'est ça, le meilleur intérêt des Québécois et des Québécoises. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Chapleau. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Masson. M. le député.

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Il arrive parfois que nous ne soyons pas à l'Assemblée nationale et que nous écoutions dans nos bureaux ce qui se dit en Chambre. Je viens d'entendre le député de D'Arcy-McGee faire un exposé qui m'a fait un peu frémir.

(10 h 50)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, M. le député de Masson, de vous interrompre. On me fait part que vous êtes intervenu, le 12 décembre, sur cette question, sur l'adoption du principe, et la règle, c'est qu'un député ne peut intervenir qu'une seule fois. Alors, je m'excuse, je ne...

M. Blais: Merci, M. le Président. Cependant, en disant ça, j'ai montré mon désaccord. C'est au moins ça d'acquis.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci bien, M. le député de Masson, de votre compréhension. Je vais maintenant céder la parole au prochain intervenant, M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, M. le Président. Je trouve que c'est un net recul aujourd'hui, la présentation et le débat sur le principe du projet de loi n° 40, la Loi modifiant la Charte de la langue française, «Bill 40, an Act to amend the Charter of the French language». On assiste aujourd'hui à un net recul pour les relations entre les communautés linguistiques au Québec. Et je pense qu'on met en relief aussi une différence fondamentale entre les deux formations politiques.

En 1993, le Parti libéral, le gouvernement du Parti libéral a fait un choix qu'on peut miser sur la confiance des Québécois dans leur langue. On peut dire qu'on met l'emphase de nos efforts pour promouvoir le fait français sur l'éducation, sur inciter à prendre les mesures proactives afin de promouvoir le français. C'est quelque chose que le Parti libéral a toujours appuyé, je pense, dans le travail.

Moi, j'ai l'honneur d'être membre de la commission de la culture. Depuis deux ans et demi, nous avons travaillé pour trouver, entre autres, les moyens de promouvoir le fait français sur l'inforoute, on a essayé de promouvoir le fait français sur le réaménagement de Télé-Québec. Alors, je pense qu'on a fait preuve de notre volonté de participer avec le gouvernement, avec les motions qui vont promouvoir le fait français, qui vont fournir les modèles avec les nouvelles technologies, et tout ça, de trouver une place pour le français en Amérique du Nord. Alors, je pense que, au niveau de notre collaboration quant aux mesures de coopération, de collaboration, il n'y a aucun problème.

Mais c'est quand on revient toujours aux mesures de méfiance, c'est là où les deux partis se divisent. Et qu'est-ce qu'on a dans le projet de loi n° 40? L'essentiel, c'est la création d'une Commission de protection de la langue française. On peut continuer de tirer sur le messager comme le leader du gouvernement a fait pendant l'intervention du député de D'Arcy-McGee, mais la communauté d'expression anglaise, beaucoup de personnes à Montréal voient dans la création d'une police de la langue un geste de méfiance. Alors, tirez sur moi aussi si vous voulez, mais ça, c'est la vérité des choses.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Masson, sur une question de règlement.

M. Blais: S'il vous plaît. M. le Président, la loi n'institue pas une police et ce n'est pas normal de dire que c'est une police de la langue: c'est des inspecteurs.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ce n'est pas du tout une question de règlement.

M. Blais: C'est une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce n'est pas du tout une question de règlement. Alors, vous pourriez passer vos messages à d'autres qui ont encore le droit d'intervenir, M. le député de Masson. Alors, M. le député de Jacques-Cartier... M. le leader de l'opposition, rapidement.

M. Paradis: Oui, question de directives. Le député de Masson semble très intéressé à réintervenir dans le présent débat, mais je lui indique immédiatement – et on sait que ce n'est pas la règle – que, de ce côté-ci, il y aurait accord, plutôt que de le voir se lever et tenter de passer des messages, à ce qu'il puisse produire un discours conformément aux règles.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vais céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.

M. Kelley: J'ai anticipé les commentaires du député de Masson, mais, quand La Presse , qui est un des journaux les plus importants à Montréal, dans un éditorial qui traite le sujet, dit: «Bonjour la police», on peut toujours essayer de nous faire... On est au-delà de la réalité de l'utilisation de la langue au Québec. Mais, moi, je pense que La Presse ... C'est l'usage courant, on dit: «Bonjour la police». Alors, pour les distinctions, les choses que le député de Masson veut, il peut intervenir après, mais c'est monnaie courante à Montréal, on parle de la police de la langue. Je regrette, mais ça, c'est la vérité des choses, et je cite entre autres... C'est Mme Gruda qui l'utilise, qui, à ma connaissance, a une bonne connaissance de la langue française.

Alors, c'est ça la différence et, comme j'ai dit, ils ont déjà commencé, M. le Président, de tirer sur le messager, mais c'est un geste de méfiance. Quand nous avons aboli la Commission, qui coûtait aux contribuables québécois au-delà de, je pense, 1 600 000 $ ou 1 700 000 $, 90 % des plaintes déposées venaient de six citoyens et citoyennes du Québec. Alors, c'était vraiment un loisir, c'était vraiment une boîte à lettres pour quelques personnes qui ont pris des formulaires pour aller regarder un petit peu partout, semer la méfiance entre les voisins, semer la méfiance entre les Québécois.

Alors, on veut recréer tout ça. Et pour quelle fin, pour quelle raison? C'est quoi, le besoin? Et, encore une fois, je peux citer une énorme pile d'évidences, une énorme pile de preuves. L'article que ma collègue de Chapleau a mentionné: «Le paysage linguistique reste plutôt stable à Montréal», et ça, c'est l'information des deux présidents de l'Office et du Conseil de la langue française. Alors, ça, c'est la preuve qu'avec les données, avec la situation, on n'a pas besoin de retoucher la Charte de la langue française et de réintroduire une police de la langue. On peut voir le constat qui a été fait dans un document par Mme Nicole René, qui a dit: «Aujourd'hui, le français est nettement prédominant dans l'image linguistique des commerces de l'île de Montréal. Il est possible de se faire servir en français presque partout à Montréal, et, à l'extérieur de Montréal, 88 % des travailleurs exercent leurs activités presque exclusivement en français.»

Je peux aller au commentaire d'Alain Dubuc, dans La Presse : «Un échec pour le premier ministre et pour Montréal», en parlant de la création de la police de la langue, etc. Même dans mon coin... Parce que, au-delà de tout ça, on avait, semble-t-il, une crise dans mon comté, la grande crise, il y a un an, à Fairview. Même la Société Saint-Jean-Baptiste de l'Ouest-de-l'Île de Montréal a dit: Il n'y a pas de crise, c'est de l'invention pure dans l'imagination de ce gouvernement.

Et on peut continuer, en effet. Les commissions parlementaires aussi, on peut faire la liste des témoins qui sont venus pour dire: On n'en a pas besoin. À la fois des représentants patronaux, les représentants des syndicats, l'Union des artistes, toute une grande liste de personnes sont venues témoigner pour dire: On n'a pas besoin de ça. On peut miser sur la confiance des Québécois et des Québécoises dans leur langue au lieu de reculer dans la méfiance. Et c'est ça, le débat qui est devant nous aujourd'hui. Il faut comprendre ça, de l'autre côté de la Chambre: on n'a pas besoin d'une Commission de protection de la langue française. Et ça, c'est le coeur du débat.

Il y a d'autres éléments dans le projet de loi n° 40, qui traitent... Les nouvelles technologies, et tout ça, on est prêt à regarder ça article par article, en commission. Mais, sur la question de fond, sur la police, sur envoyer un autre geste de méfiance, on n'est pas prêt, on ne veut pas, on ne veut rien savoir.

As we say in English – there was a record album in the 1970s: «Crisis? What crisis?» It's something that has been invented by this Government. It doesn't exist. You can go through statistics, you can go through the testimony we heard in parliamentary commission – unions, employers, the Union des artistes – lots of people came to testify to say: We do not need a language police.

And I think it's important for all of us to put our place. Because the language police goes out and deals with small businessmen and small businesswomen, people who are in a little store. All the rest of us here in the National Assembly, we're O.K., we get paid every two weeks; maybe a little bit less soon, but we get paid every two weeks. Usually, we have a direct deposit into our bank accounts. So, we have no problem at all. But, for the small businessman, life isn't that easy. You have to deal with your banker, maybe get a little extra on your line of credit, on your loan and everything else like this. You have to go to your landlord to see if maybe you can get your lease renegotiated. You have to deal with your customers, you have to deal with your suppliers, hope that maybe you can keep your store together so you can get to the Christmas season, hope that Québec consumers are buying, this Christmas. Maybe things will go well, maybe you'll have a little bit of money to send to «le ministre du Revenu» at the end. So, that's what you're hoping for. You're hoping that you can just make it through. You work very, very long hours. And one of the things that we've seen is this great expansion in the hours of work that we have for our small businessmen: they work seven days a week, their stores open earlier and earlier in the morning, they close later and later at night. It's a very difficult life. But, as large companies hire fewer and fewer people, as the Government hires fewer and fewer people, we tell Quebeckers: Well, go out, start your own business, get things going and try to make a go of it.

(11 heures)

So, what do we do to help them? We're going to send out inspectors who are going to come and they're going to measure the sign and the lettering and everything else like this, make life difficult, send them lawyers' letters, take them to court, find them, so on and so forth.

It is a very funny message to send where our Government said: We don't need that anymore. That is an old way of doing things. The new way of doing things is confidence, is education, is perhaps sending the people from the Office out to sit down and explain to people: These are the rules. You have a new store or you are going to try to put something up. This is what works. This will help. This will allow you to address your English-speaking customers. This will allow you to respect your French-speaking customers and the wider society. This is what we can do to help you out.

That was the approach the Liberal Government took. That, we thought, was something that could help out the small businessman, could explain the rules. And, as I say, if you look to the proof in the last three or four years, it is working. It is working. There are fewer problems. There are always going to be incidents, it is never going to be perfect, but the approach is working. There is not a problem, except in the minds of the ministers of this Government and certain members of their party who come every once in a while to their Conseil national and try to divide Quebeckers. And I find that regrettable, Mr. Speaker, because I think we have something in place that is working. I think we have something that sends out a message of confidence, and the Government is trying to undo it.

Alors, c'est avec beaucoup de tristesse, honnêtement, M. le Président, qu'on assiste à ça qui va encore une fois compliquer la vie de nos petits entrepreneurs qui vivent une vie difficile, qui ne sont pas, comme nous, payés à chaque deux semaines. Ils n'ont pas le dépôt direct à la banque pour leur salaire, et tout ça. Ils doivent travailler fort. Ils doivent forger des liens avec leur banquier, avec le propriétaire de leur centre d'achats, avec leurs clients, avec les fournisseurs de leurs biens. Ils doivent travailler des heures de plus en plus longues à cause des changements dans les horaires des magasins, et c'est ça, le monde qui est ciblé par le projet de loi n° 40.

On veut, encore une fois, envoyer les inspecteurs, des lettres d'avocat, augmenter les coûts. Prendre le temps qu'il faut pour essayer de faire vivre ton entreprise: Oublie ça. On va essayer de vous faire tomber dans les règlements du gouvernement avec des avocats, et tout ça. Ça, c'est l'approche que nous avons rejetée comme formation politique. On a dit: On va envoyer les conseillers de l'Office, on va essayer, avec l'éducation, avec des liens de confiance, d'améliorer la situation, de promouvoir le fait français. Mais on dit: Confiance, oublie ça. Parce que, ça, c'est un gouvernement de méfiance. Ça, c'est un gouvernement qui dit: On n'a pas confiance que les personnes dans la région de Montréal vont respecter ça. Alors, on a besoin de nouveau d'une police.

Une triste journée aujourd'hui pour le Québec, M. le Président. Et ça ajoute un climat autour de ça. Parce qu'on ne fait pas les lois dans le vide. On fait les lois dans le contexte actuel. Et ça, c'est un gouvernement qui est meilleur dans les bons discours. Pour les discours, on ne peut pas battre ce gouvernement. Le spectacle au Centaur, il y a un an, est parmi les exemples avec les sommets économiques et toutes les autres choses. Au niveau des spectacles et des discours, ce gouvernement est imbattable. Mais c'est dans les gestes, c'est dans les choses qu'on fait qu'on voit des lacunes énormes.

Qu'est-ce qui s'est passé depuis le bon discours au Centaur pour améliorer... Parce que c'est ça, le devoir d'un gouvernement, c'est toujours d'améliorer le climat, d'améliorer les relations entre les communautés linguistiques. Qu'est-ce qui s'est passé depuis? Un mois après, on a mis des problèmes avec la nourriture casher. Quelques semaines après ça, il y a toute une manif devant l'hôpital juif de Montréal qui a rendu des services de qualité et a donné des soins à des milliers de personnes d'expression française. Mais, à cause d'un incident, c'est les grandes manchettes.

Et, dans tout ça, il n'y a rien eu de fait par le gouvernement pour essayer de calmer la situation, ce qui est son devoir. Au contraire, depuis ce temps-là, au lieu d'essayer d'améliorer, de bonifier les plans d'accès à la santé pour la communauté anglophone: Non, non, non. Ça va trop loin. Ça va trop loin. Alors, il faut faire passer ça par l'Office qui ne connaît rien, rien, M. le Président, là-dedans, dans la gestion des soins de santé. Mais quand même on va envoyer les plans de gestion de santé et de services sociaux à l'Office. Quel beau geste pour rétablir les relations entre les communautés!

Moi, je dis aussi, M. le Président, que c'est un petit peu un geste hypocrite, parce que c'est le même gouvernement, au mois d'août, qui a décidé que, pour être un croupier au Casino, pour être un préposé au bar au Casino, on peut exiger le bilinguisme. Pas de problème avec ça. Mais, pour être une infirmière pour soigner une personne âgée avec l'Alzheimer, c'est un risque, mais on doit travailler. Alors, on ne peut pas exiger un certain bilinguisme de nos infirmières. Quand c'est un travailleur social qui doit travailler avec une famille éclatée, on ne peut pas aller trop loin et exiger le bilinguisme. Alors, c'est ça; ça, c'est les plans d'accès que nous avons discuté, qui ont fait des vagues récemment; ce sont les soins directs aux personnes en crise, et on veut remettre tout ça en question. Mais, pour préparer un martini au casino, il faut être bilingue pour faire ça.

Où est la logique? Où est l'effort pour améliorer les relations entre les deux communautés? Je ne le vois pas, M. le Président. Au contraire, c'est juste un autre geste de méfiance. C'est des gestes qui vont, encore une fois, diviser nos communautés. Je pense que tout le monde, j'ajouterai y compris le ministre de la Métropole, beaucoup de chroniqueurs, les personnes des deux communautés comprennent qu'à Montréal, entre autres, et dans la société québécoise en général on ne peut pas se payer le luxe des chicanes linguistiques.

We can't do it, Mr. Speaker. Montréal's economy has to get going again, we have to say things as they are. Everyone on the other side of the House won't say it, but they know it. One of the advantages of Montréal is that we have a very well trained work force that speaks English and French. I call that bilingual where I come from. Apparently, that's an awful word, we can't use the «b words»; so it's people with the «connaissance de l'anglais, connaissance du français», I don't know how we want to... the different ways we want to cut it.

We were all happy that Abitibi-Consolidated chose Montréal has its headquarters. But we all know one of the reasons they did it, there, I say it: Montréal is a bilingual city. It helps out. It's one of Montréal's big advantages. It's one of the most exciting things about Montréal, as we go into the 21st century, in the area of the information highway, and every thing else like this, it's that you can do things in English and in French. You can tap into the English and French world. It's a real crossroad, it's a real exciting place, Montréal.

And when you add to it groups that come from different communities from around the world, you make Montréal what it's always been, a very exciting place, but you don't do it with «la police de la langue», because that divides people, that discourages people, that depresses people. It sends out a message that «we don't trust you, we want to exclude you». And, as I say, this Government can continue to shoot on the messenger, that does not bother me, but that's the truth. The truth is that Montréal is going to work if our economy is going to go, if we are going to generate the taxes to support our social services, to keep our social safety net alive. It's because the English, and the French, and the Italian, and the Greek and everyone else are going to roll up their sleeves and they are going to work together to make Montréal go. And if the Government doesn't realize it, if the Government continues in its gestures to divide us, Montréal is going to find it more and more difficult.

So, I urge all of you to look through Bill 40 and say: What is positive? What is there in Bill 40 that will advance the cause of the protection and the promotion of the French fact in North America? Those are the things we'll work on and those are the things the Liberal Party is willing to go into parliamentary commission, tomorrow morning, and work and think about, to make sure they work better. But article 12 and what follows from that, which deals with the creating of «la Commission de protection de la langue française», Mr. Speaker, we don't need it; it divides us, it's bad news. It's a setback for Québec, it's a setback for Montréal, the region that I love, the region I represent here in the National Assembly.

So, I think, without delay, the Minister should rethink her Bill, should withdraw her decision, should do what the Liberals did four years ago and that is to bet on confidence, to bet on the fact that we are able to work together and not to continue on measures of distrust, of division and exclusion, because that's what Bill 40 does by recreating the police.

Et, comme tout le monde l'a dit, on ne peut pas se payer ce luxe. On a tout intérêt à travailler ensemble et ce n'est pas en divisant les Québécois et les Québécoises qu'on va faire progresser notre société. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre des Relations internationales. C'est bien ça, c'est exact, oui? Alors, je vous cède la parole, M. le ministre.


M. Sylvain Simard

M. Simard: Merci, M. le Président. Je pense que les discours que nous avons eus au cours des dernières minutes en cette Chambre illustrent bien des propos qui ont été attribués récemment au député de Brome-Missisquoi, leader de l'opposition en cette Chambre, concernant l'avenir du Parti libéral. Le leader remarquait, avec beaucoup de sagesse, que, si le Parti libéral et son chef pouvaient avoir quelque espoir de regagner du poids politique au Québec, il faudrait qu'ils cessent d'être à l'écoute quasi exclusive des représentants, des élus du West Island et de l'Outaouais.

(11 h 10)

Je pense qu'on a une excellente illustration, ici, du piège dans lequel le Parti libéral est en train de tomber en cédant chaque jour davantage la place aux extrémistes, aux discours extrêmes, aux discours paniquants, aux discours qui excluent les grands consensus qui ont été réalisés dans l'ensemble de la population québécoise. Lorsque, pendant des années, y compris ces récentes années où l'Office de la langue française n'avait plus aucun moyen d'appliquer la loi, nous avons pu lire dans les journaux à Montréal et à l'extérieur du Québec que la police de la langue française terrorisait les anglophones de Montréal, nous savions, nous, que cette terrible police qui terrorisait des milliers de personnes se résumait à un fonctionnaire dans un bureau qui avait des budgets pour sortir de son bureau une fois par semaine, prendre trois photos, rentrer et compléter ses rapports.

Nous savions que cette fameuse police que l'on utilisait pour faire peur et tenter de dépeindre la société québécoise comme intolérante, pour tenter de faire croire que la loi 101, que nos lois linguistiques étaient des lois qui réprimaient les droits fondamentaux des citoyens, nous savions, nous, que cette police n'était qu'un fantasme, le pur fruit de l'imagination politique de certaines personnes qui avaient intérêt, et qui ont toujours intérêt, à faire croire que la place du français au Québec est toujours trop grande et qu'il faudrait sans cesse la diminuer.

M. le Président, tout cela est une question de climat. Lors du sommet socioéconomique à Montréal, au mois d'octobre, le rapport Levitt a bien démontré que la réalité linguistique de Montréal, la réalité des rapports entre les différentes communautés était une réalité positive, une réalité – d'ailleurs, le député de Jacques-Cartier en faisait mention tout à l'heure – dont nous sommes fiers, le fait que Montréal soit une ville où des gens venus de tous les horizons se fréquentent avec plaisir, peuvent discuter quotidiennement, peuvent travailler ensemble et créer une culture dont nous sommes tous fiers, les Québécois.

Eh bien, cette réalité, elle est dépeinte dans les journaux anglophones montréalais tous les jours, et de plus en plus d'ailleurs, puisque c'est souvent leur seule source d'information, dans les médias anglophones du Canada et parfois à l'étranger, et je vous assure, à titre de responsable des Relations internationales, que cela me fait souvent très mal. Cette réalité linguistique de Montréal, elle est caricaturée, déformée, transformée. On y dépeint Montréal, on y dépeint le Québec comme un lieu d'intolérance, comme un lieu d'oppression, comme un lieu où des policiers tous les jours vont chercher à identifier des gens qui auraient le malheur de ne pas parler français.

Cette image d'intolérance de Montréal et du Québec, que certains tentent de façon, je dirais, systématique d'imposer à l'ensemble de la communauté anglophone du Québec dans le reste du Canada et ailleurs dans le monde, est une image fausse. Les lois linguistiques du Québec sont des lois qui ont fait l'objet de consensus. Les lois linguistiques du Québec ont été imposées parce qu'elles étaient nécessaires. Nous sommes la seule minorité de langue française en Amérique du Nord. Nous sommes un lieu où, pour s'épanouir, il nous faut avoir la protection de la loi.

D'ailleurs, je souligne à ceux qui en face n'ont pas oublié son nom que la première loi linguistique fut la loi 22, à laquelle faisait allusion d'ailleurs la députée du comté de Chapleau, tout à l'heure. Cette loi linguistique a été à l'époque sans doute rédigée de façon maladroite, mais indiquait très clairement la volonté des Québécois de protéger par la législation, par la volonté de cette Assemblée nationale la langue de la majorité des Québécois, la langue française.

M. le Président, ou bien la loi existe ou elle n'existe pas. Si la loi existe, elle doit être appliquée. Si la loi existe, si ses règlements existent, si ses dispositions existent, ils doivent, comme toutes les lois de cette Assemblée nationale, être suivis par l'ensemble de la population. Et la responsabilité du gouvernement est de s'assurer que ces lois soient respectées. Tout ce que fait le projet de loi n° 40 en cette matière est de s'assurer que les dispositions de la loi soient respectées. Cela ne dit rien d'autre que le respect de la loi non pas par des moyens qui seraient abusifs, jugés abusifs, paraissant abusifs ou étant réellement abusifs, mais par des simples moyens que prévoient déjà les règlements et la loi: envois de lettres, rencontres, incitations. C'est une procédure qui est très nettement pédagogique. Il s'agit de convaincre ceux qui pourraient être les contrevenants à la loi de bien vouloir prendre les mesures pour s'assurer de respecter les lois linguistiques du pays.

Et, si quelqu'un s'obstine à violer la loi, que ce soit dans le domaine de l'impôt, que ce soit dans le domaine criminel, dans quelque domaine que ce soit, les citoyens du Québec, lorsqu'ils violent systématiquement la loi, lorsqu'ils ont été prévenus, lorsqu'ils savent ce qu'ils font, doivent recevoir évidemment sanction pour cette violation. La loi prévoit depuis toujours un certain nombre de sanctions qui sont tout à fait dans l'ordre normal des choses, et je n'ai entendu personne prétendre qu'elles étaient excessives.

M. le Président, j'ai entendu le député de D'Arcy-McGee, tout à l'heure, faire ce que font une partie des députés de l'opposition en cette Chambre, ce que font certains journalistes et certains leaders de la communauté anglophone, c'est-à-dire que ce sont des propos incendiaires, des propos qui jettent de l'huile sur le feu, des propos qui tentent de crier au loup tout en, sans cesse, s'assurant que le climat qu'ils dénoncent se perpétue comme un climat de tension, un climat d'agressivité.

Nous sommes tous d'accord, de ce côté-ci de la Chambre, que la paix linguistique doit exister, que les conditions maximales doivent être retenues de façon à ce que Montréal puisse se développer dans l'harmonie, que le Québec puisse se développer dans l'harmonie, que l'économie montréalaise et l'économie québécoise puissent se développer. Mais nous ne pouvons pas accepter que constamment, sous prétexte de maintenir ce climat que nous souhaitons tous, nos adversaires fassent écho à certains propos qui sont de nature purement raciste à l'égard de la majorité francophone. Prétendre que les Québécois francophones sont intolérants parce qu'ils tiennent à leur langue, prétendre que nous n'avons pas de respect pour les différentes communautés qui partagent avec nous le glorieux titre de Québécois, c'est avoir à notre égard une attitude qui est inacceptable.

M. le Président, dans le débat linguistique que nous avons actuellement, j'inviterais l'opposition à mesurer ses propos, avec nous à travailler à maintenir un climat positif, à faire en sorte que les relations entre la communauté anglophone et la communauté francophone, entre les Québécois de toutes origines soient les meilleures possible. Nous sommes tous québécois et, jusqu'à plus ample informé, nous avons une loi qui fait du français la langue commune d'usage au Québec. Cette loi nous fait obligation de tenter, partout où c'est possible et souhaitable, de nous assurer que le français soit la langue d'usage effectivement.

M. le Président, que ce soit dans les hôpitaux, que ce soit dans les usines ou que ce soit dans les magasins, je veux qu'au Québec, je souhaite et nous souhaitons tous qu'au Québec les Québécois puissent parler français, puissent s'exprimer en français, que la langue française ne recule pas, que la langue française reste la langue de la majorité des Montréalais.

(11 h 20)

Il ne faut jamais oublier que le rapport qui a été commandé à un groupe de travail cette année, qui faisait le bilan de la réalité du français à Montréal, était très inquiétant. Ce rapport démontrait dans plusieurs secteurs des reculs notoires. Je ne veux pas être de ceux qui sont, dans tous les domaines, alarmistes sur les questions linguistiques. Nous avons fait des progrès, nous continuerons à faire des progrès. Mais il ne faut pas se fermer les yeux devant des reculs qui sont manifestes. Il ne faut pas accepter un seul instant de baisser les bras et d'accepter que la loi, à plusieurs endroits et dans plusieurs circonstances, soit violée tous les jours.

Et c'est pour cela et uniquement pour cela que le gouvernement vient, avec la loi n° 40, demander qu'une fois pour toutes les lois soient appliquées avec souplesse, avec intelligence, avec finesse, mais appliquées. Et c'est tout ce que propose la loi n° 40 sur cet aspect de notre réalité, en plus évidemment d'avoir des dispositions qui font face aux nouvelles réalités qui étaient impensables il y a 15 ans, il y a 20 ans, il y a 25 ans et qui touchent l'audiovisuel, qui touchent le multimédia, qui touchent des secteurs qui ont une importance quotidienne dans la vie de l'ensemble des Québécois.

M. le Président, contrairement au député de D'Arcy-McGee, sachons garder dans ces matières la tête froide, sachons aborder ces questions avec raison, et je suis sûr que, de part et d'autre de cette Chambre, nous arriverons à des conclusions qui nous permettront de défendre le français au Québec, tout en assurant un climat, une image du Québec dont nous puissions être toujours fiers au Québec même et à l'étranger. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Relations internationales. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Montmagny-L'Islet. M. le député.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Comme l'ont fait plusieurs de mes collègues dans la session avant l'ajournement des fêtes et ce matin, à la reprise des travaux, au sujet de la loi n° 40, je pense que, comme représentant du comté de Montmagny-L'Islet, d'une région qui ressemble à la plupart des régions du Québec, excepté les grands centres urbains évidemment, on se doit de réfléchir deux fois, comme population, comme citoyens de régions rurales, à l'importance d'apporter le projet de loi n° 40 et d'insister pour débattre à ce moment-ci du projet de loi n° 40. Et je reprends l'expression qui a été utilisée par mes collègues précédemment: un projet de loi qui institue la police de la langue.

Au moment où une partie de la population, qui est sans travail, qui est à la recherche d'emplois, voit à l'Assemblée nationale un ministre ou une ministre du gouvernement du Québec établir, à ce moment-ci, à l'ouverture de la session, comme priorité de débattre le projet de loi n° 40 pour établir, renforcer justement la surveillance des établissements commerciaux – de façon majoritaire, je pense que c'est eux autres, dans ce cas-là, qui sont touchés par une police de la langue – on doit se questionner, et je me dois d'apporter ma contribution, ma collaboration au nom des citoyens de ma région.

Il s'agit de lire le projet de loi tel que présenté. Cette commission renforce et remet... On institue une Commission de protection de la langue française. Je pourrais dire: On remet en force ce qui a déjà été, mais c'est sous une tout autre forme. Et cette Commission, elle va avoir le pouvoir d'effectuer des inspections – donc, le mandat – et des enquêtes, de transférer, de déférer les dossiers au Procureur général, d'une part, et, s'il y a lieu, d'établir les poursuites appropriées.

Donc, c'est ce qu'on appelle la police de la langue, qui va intervenir sur le territoire où il y a des citoyens et des citoyennes, des employeurs, des travailleurs qui tentent tous les jours d'améliorer leur situation, des entreprises et des employeurs qui tentent d'améliorer leur situation comme industriels ou comme manufacturiers, d'une part. Et, d'autre part, c'est l'ensemble de l'économie du Québec dont nous souhaitons qu'elle puisse s'améliorer dans les meilleurs délais.

M. le Président, l'opposition officielle appuie de tout coeur, comme elle l'a toujours fait et le fera toujours, tout effort, toute politique, toute mesure législative dont l'intention est de protéger et de promouvoir la langue française. Et ça, ça vaut pour la région de Montmagny-L'Islet. On l'a toujours fait, et la population, de façon générale, a toujours été en accord quand il y a eu des gouvernements, des hommes politiques, des structures qui ont fait les efforts souhaités pour s'assurer du maintien et de l'utilisation de la langue française à tous les jours et d'une langue de qualité.

M. le Président, je pense que, l'opposition officielle, on n'a de leçons à recevoir de personne à ce niveau-là. Nous avons été aux beaux jours de la Révolution tranquille – je tiens à vous le rappeler, ce sont des choses que vous savez et que vous avez vécues comme tous nous autres – la formation politique qui s'est faite le champion de la protection et de la promotion du français il y a déjà plusieurs années et encore aujourd'hui, du renforcement de son statut légal et réel, mais également de l'amélioration de sa qualité d'expression.

Avec le débat sur la loi n° 40 que nous avons actuellement, nous croyons toujours que le gouvernement fait fausse route et que le prix de ses erreurs pourrait être élevé compte tenu des fractures qu'il pourrait nous faire subir et du fossé qu'il pourrait creuser entre des composantes de la société québécoise qui sont maintenant réconciliées.

M. le Président, je ne reviendrai pas très longuement sur les réserves exprimées concernant la façon dont le gouvernement a choisi de concevoir opérationnellement le dessein de promouvoir la langue française en cette terre d'Amérique. Le français, langue commune est une conception du résultat de la politique linguistique qui doit être clarifiée, précisée et, je dirais mieux, caractérisée si l'on veut qu'elle devienne le critère à l'aide duquel on peut évaluer la politique et un symbole capable d'y rallier les communautés de chacune de nos régions au Québec. Les malentendus sur ce terrain de la mise en oeuvre de l'intention gouvernementale pourraient avoir des conséquences fatales. Nous pensons donc qu'il est de notre devoir, en tant qu'opposition officielle responsable, de le dire et qu'il est de notre devoir de le répéter.

M. le Président, quel premier ministre, et de quelle formation politique, fut le premier à instituer, à établir et à ériger le français langue officielle du Québec? On se rappelle tous que c'est le regretté premier ministre Robert Bourassa. Et j'ajoute: C'est encore le premier ministre Robert Bourassa qui, dans la foulée de ses prédécesseurs, a su donner l'élan et l'envergure que l'on connaît aux grandes ententes de coopération entre la France et le Québec, ententes qui furent et qui sont toujours si essentielles au soutien du français au Québec, en Amérique et dans plusieurs autres pays.

M. le Président, quelle formation politique l'histoire va reconnaître comme ayant été dans un esprit de fidélité à l'identité du Québec et au respect de nos valeurs libérales? C'est la formation politique du Parti libéral qui aura fait adopter la législation linguistique la plus équitable que nous avons connue, et je parle de la loi 86 qui a rétabli un climat plus serein au Québec dans des années où nous avions vraiment besoin, tous ensemble, comme Québécois et Québécoises, de nous ressaisir et ensemble de faire en sorte que l'on puisse rassurer la population québécoise et la plupart des communautés québécoises.

La décision annoncée dans le projet de loi n° 40 de rétablir la Commission de protection de la langue française, ainsi que mes collègues l'ont affirmé lors de leurs remarques d'ouverture de la commission, est inopportune, injustifiée, donc une mauvaise décision, à ce moment-ci. Des personnes compétentes, raisonnables et dont la fidélité à l'esprit et à la lettre de la Charte est indiscutable sont venues témoigner à cette commission et – je pense qu'on doit se le rappeler – devant nous leur opposition à la décision annoncée dans le projet de loi n° 40. Si, après avoir entendu ces personnes, ces représentantes et ces représentants de vastes secteurs de l'opinion publique québécoise, le gouvernement s'entête à maintenir sa décision, il aura réussi à confirmer ce qu'il nous aura affirmé, à savoir que le motif qui explique son choix relève d'un autre ordre de considérations que celui de la responsabilité politique.

(11 h 30)

On se rappelle tous, M. le Président, que c'est un engagement du Parti québécois, à l'occasion de l'élection 1994, qu'il avait pris, qu'il tente de faire respecter ou de respecter, et je pense qu'on va tous reconnaître, et la ministre responsable de la langue française... et le ministre des Relations internationales et non la ministre responsable de la langue française, qui a pris la parole juste avant moi, l'a mentionné. Il y a des points importants avec lesquels nous devons légiférer dans le contexte actuel. C'est pourquoi l'opposition officielle vient faire ressortir que nous sommes en accord avec certaines parties de la loi. Je pense qu'on doit l'améliorer. Mais il n'y a pas lieu de faire un débat qui porte surtout sur le rétablissement ou la mise en place d'une commission de protection de la langue française qu'on appelle communément la police, comme je le mentionnais.

Donc, le Parti québécois, son gouvernement et les ministres qui le représentent se sentent obligés aujourd'hui de respecter cet engagement qu'ils ont pris de mettre en place une commission pour rassurer certains citoyens et citoyennes qui trouvaient qu'il y avait recul de la langue française dans différents secteurs. Bien, il y a des recherches et des statistiques qui ont démontré qu'il est possible qu'il y ait eu recul au niveau de certains secteurs, mais, de façon majoritaire, la langue française s'améliore. Les gens, de façon majoritaire, les entreprises et les gens qui l'utilisent, donc les Québécois et les Québécoises, au travail comme dans le domaine du commerce et dans leurs relations de tous les jours, ont amélioré l'utilisation de la langue française de façon générale et la façon de la parler.

Donc, M. le Président, ce qu'on doit reconnaître à ce moment-ci, c'est tout ce que je viens de vous dire. Le gouvernement a choisi comme priorité, à l'ouverture de la session de mars 1997, de débattre du projet de loi n° 40, qui institue la police de la langue, d'une part, et, d'autre part, néglige de rassurer la population québécoise en traitant d'autres dossiers comme celui de faire des efforts pour rassembler, pour améliorer le climat politique, ce qui aurait pour effet de rassurer les investisseurs, de permettre aux entreprises d'améliorer leur industrie, ce qui aurait probablement comme conséquence de créer des emplois dans une région comme la mienne, comme dans d'autres régions du Québec.

Je pense que ce que la population souhaiterait, ce n'est pas, aujourd'hui, de débattre d'un projet de loi qui institue un organisme qui va surveiller tous ceux et celles qui vont afficher ou qui vont utiliser la langue française – je pense qu'on reconnaît tous que c'est important – mais ce serait un gouvernement qui s'applique à créer un climat politique, comme je le mentionnais tantôt, amélioré et arrête de débattre, de diviser les Québécois et les Québécoises, d'une part.

M. le Président, on l'a mentionné tantôt, ceux qui sont venus en commission... la population, de façon générale, est contre ce projet de loi là à cause des points que je viens de mentionner tantôt. Je me permettrai d'être contre ce projet de loi là qui institue la Commission, donc la police de la langue, d'une part, pour les citoyens et les citoyennes de Montmagny-L'Islet. Et vous allez me dire que ce n'est peut-être pas la région qui est la plus touchée par cette conséquence-là, évidemment, parce que la possible utilisation d'une autre langue que le français dans la région de Montmagny-L'Islet est peu probable. Elle n'est pas utilisée souvent.

Mais ça a aussi des conséquences vis-à-vis des entreprises qui viennent produire. Et je pense, au moment où je parle, à la compagnie Inglis, où il y a 500 ou 600 employés qui produisent de l'ameublement ménager qui est redistribué dans l'ensemble de l'Amérique du Nord. Évidemment, ces gens-là ont à recevoir de la clientèle qui vient d'autres provinces canadiennes et d'autres États américains, ont à faire de la promotion de leurs produits et ont, à l'occasion, à s'exposer à être pris en défaut sur soit de l'affichage soit de la publicité ou de l'utilisation de documentation en langue anglaise.

Donc, c'est un irritant. Et je reconnais, et ces gens-là seront probablement les premiers à le reconnaître, qu'on doit faire des efforts – et ça, toujours au nom des gens de la région que je représente – continuer à faire des efforts pour améliorer l'utilisation et le statut de la langue française. Mais il faut éviter de créer des irritants comme ceux que je viens de mentionner.

Donc, M. le Président, comme membre de l'opposition officielle, je me questionne sur la pertinence de débattre aujourd'hui le projet de loi n° 40 et de tenter d'utiliser, de prendre du temps de l'Assemblée nationale et des commissions à venir pour faire avancer ce projet de loi là. On devrait, tous ensemble, les parlementaires des deux côtés de la Chambre, tenter d'établir des priorités, démontrer à la population que nous sommes conscients de la situation des travailleurs et des travailleuses et des gens qui sont sans emploi – soit sur le chômage, les bénéficiaires de l'aide sociale – pour trouver des solutions pour améliorer leur situation. Donc, M. le Président, je vous remercie du temps qui m'était alloué et je saurai suivre avec mes collègues le débat de ce projet.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Montmagny-L'Islet. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Mille-Îles. Mme la députée.


Mme Lyse Leduc

Mme Leduc: Merci, M. le Président. Merci, chers collègues. Alors, je tenais à prendre la parole aujourd'hui dans le cadre de l'adoption du principe du projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française. J'aimerais, en guise de préambule, réciter un extrait de la Déclaration de souveraineté qui a été lue en public pour la première fois au Québec le 6 septembre 1995: «Parce que cette terre bat en français et que cette pulsation signifie autant que les saisons qui la régissent, que les vents qui la plient, que les gens qui la façonnent, parce que notre langue scande nos amours, nos croyances et nos rêves pour cette terre et ce pays à naître, nous proclamons notre volonté de vivre dans une société de langue française afin que le profond sentiment d'appartenance à un peuple distinct demeure à jamais le rempart de notre identité.»

M. le Président, à travers ces paroles, mes commettants du comté de Mille-Îles ainsi que les Lavalloises et Lavallois comprendront certainement l'importance que leur députée attache à la question de la langue française et, par conséquent, au projet de loi n° 40. La question du statut et de la prédominance de la langue française me préoccupe également à la lumière des statistiques officielles qui indiquent que le français est la langue d'usage de 76 % de la population lavalloise.

Le projet de loi n° 40 modifie la Charte de la langue française afin d'abord d'y instaurer une Commission de protection de la langue française. Il vient aussi préciser l'application de la Charte sur le plan pénal en ce qui a trait notamment aux inscriptions sur les produits, à la présentation des menus, à certaines publications et à l'offre sur le marché de jouets et de jeux.

De plus, le projet de loi n° 40 introduit le principe que tout logiciel doit être disponible en français, à moins qu'il n'en existe aucune version française. Au sujet de cette dernière disposition, permettez-moi de dire qu'il ne saurait être question que le Québec subisse la révolution technologique comme il a subi la révolution industrielle, c'est-à-dire essentiellement en anglais.

M. le Président, avant tout, je voudrais féliciter ma collègue la ministre de la Culture du Québec, Mme Louise Beaudoin, pour avoir préparé et présenté cette législation longuement attendue et combien nécessaire. En effet, la langue française a subi un certain affaiblissement tout comme elle a souffert d'un manque de volonté politique quant à sa protection et à sa promotion, et cela, pendant les 10 ans du pouvoir du régime libéral. Ce laxisme, M. le Président, est tout simplement scandaleux quand on sait que le français est au coeur de l'identité québécoise et que notre langue est le ciment qui unit les francophones de l'Amérique du Nord.

M. le Président, commençons par répondre à une question très simple: Est-il nécessaire de légiférer pour protéger le français et pour en assurer le développement? À cette question, force est de constater que la seule réponse est oui. Oui, parce que la langue est l'outil d'expression par excellence de chaque peuple. C'est à travers la langue que chaque citoyen s'exprime et fonde son identité culturelle. C'est à travers la langue que les peuples maintiennent leur cohésion sociale. C'est aussi sur le fondement de la langue française que nos ancêtres ont bâti le Québec depuis l'aube du XVIIe siècle. Par ailleurs, notre situation géographique sur le continent américain fait du Québec le seul îlot francophone dans une mer à la fois anglophone et hispanophone. Nous vivons aux portes de la société américaine et de sa culture qui s'exprime en anglais et qui exerce comme jamais auparavant un des plus grands pouvoirs d'attraction culturelle au monde, et cela, non seulement sur les Québécois et les néo-Québécois, mais aussi – et je le dis en tout respect – sur le Canada anglais.

(11 h 40)

Dans un monde qui tend à s'uniformiser à plusieurs égards, il revient au gouvernement du Parti québécois d'assurer la défense et la promotion du français au Québec. Ce n'est pas le gouvernement fédéral qui va le faire, lui qui fait la promotion systématique au Canada d'un bilinguisme qui n'existe que sur papier. Ce n'est pas non plus le Parti libéral du Québec qui va le faire, lui qui a aboli la Commission de la protection de la langue française et qui a démissionné des responsabilités qui étaient les siennes par rapport à la langue française lorsqu'il était au pouvoir. C'est donc au gouvernement du Parti québécois que revient la responsabilité de faire appliquer la notion de français langue commune par l'entremise du projet de loi n° 40.

Dans tous les débats qui ont lieu autour de la question de la langue française au Québec et des mesures législatives qui encadrent son statut, son utilisation et sa promotion, il faut garder à l'esprit les cinq principes suivants qui guident l'actuel gouvernement du Québec dans ses politiques: un, la langue française est au coeur de l'identité québécoise; deux, la langue française est le fondement et la cohésion de la société québécoise; trois, les apports de toutes les minorités de la société québécoise sont une richesse et un avantage; quatre, la connaissance d'autres langues est un enrichissement personnel et social; et enfin, l'approche législative doit être complétée par une approche sociale et une approche de concertation internationale.

Depuis 1994, ces principes ont été soutenus par les actions concrètes émanant du gouvernement du Québec, et le projet de loi n° 40 n'est qu'une des nombreuses manifestations de cette volonté gouvernementale de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger et promouvoir la langue française au Québec. Le projet de loi n° 40, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, rétablit la Commission de la protection de la langue française que le gouvernement du Parti libéral avait abolie en 1993. Le mandat de la Commission sera de voir au respect de la Charte de la langue française, notamment dans le domaine de l'affichage commercial. C'est une tâche importante, quand on sait à quel point la société québécoise tient aux objectifs exprimés dans la Charte de la langue française.

Afin de prouver sa détermination à faire respecter les dispositions de la Charte, le gouvernement emploiera une vingtaine d'inspecteurs au sein de la Commission. Cela est significatif, quand on se souvient que le Parti libéral, en 1993, à l'occasion de la loi 86, avait confié le mandat de surveillance de la Commission à l'Office de la langue française, sauf que l'on n'avait transféré que trois inspecteurs du traitement des plaintes à l'Office de la langue française et que l'on avait aboli les autres postes. À la lumière de ces faits, les Québécois voient bien que les libéraux sont très peu crédibles dans ce dossier, surtout quand ils se posent en défenseurs de la langue française, eux qui ont présidé à 10 ans d'incurie. Il faut se souvenir que le régime de l'époque n'avait qu'une seule politique linguistique, celle de l'inaction, qui consistait tout bonnement à ne pas appliquer la Charte. Trois inspecteurs pour faire appliquer une loi fondamentale comme la Charte de la langue française, c'est non seulement insignifiant, mais c'est aussi faire fi de la volonté des Québécoises et des Québécois de vivre en français au Québec.

L'opposition officielle et certains analystes nous accusent de conférer des pouvoirs exorbitants aux inspecteurs de la Commission via le projet de loi n° 40. Ils ont pris l'habitude, et ils le répètent à satiété, de surnommer ces inspecteurs les «policiers de la langue». Ils se servent de cette expression, j'imagine, dans le seul but d'apeurer la population en faisant allusion à d'éventuelles arrestations et même à de possibles incarcérations. Je pense qu'en termes de démagogie on aura rarement vu mieux. J'ajouterai que ce n'est pas en répétant continuellement une chose qu'elle devient vraie.

Il faut se rappeler que les inspecteurs de la Commission ne porteront pas d'armes, n'arrêteront personne et ne jetteront personne en prison. Leur démarche consiste à visiter les commerces, à envoyer une lettre au commerçant fautif en lui indiquant l'infraction et en l'encourageant à y remédier. Et je rappelle aux membres de cette Assemblée que 97 % des infractions à la loi se règlent de cette façon. Quelques dossiers seulement sont déposés auprès du Procureur général et sont passibles d'amendes. Voilà la réalité, et j'inviterais mes collègues de l'opposition à en faire la promotion auprès de leur communauté et dans leur comté afin justement, comme ils le souhaitent, d'améliorer le climat entre les communautés linguistiques et culturelles au Québec. C'est le souhait d'ailleurs qu'exprimait mon collègue de Jacques-Cartier, tantôt.

De plus, M. le Président, les pouvoirs de l'inspecteur sont les mêmes que ceux que l'on retrouve dans des dizaines de lois québécoises et canadiennes. Ils sont presque identiques aux dispositions de la Loi sur la protection du consommateur. Si un gouvernement, quel qu'il soit, prend les moyens nécessaires pour faire respecter une loi comme la Loi sur la protection du consommateur et qu'il choisit directement ou indirectement de surseoir à l'application d'une autre loi telle la Charte de la langue française, à quoi bon à ce moment-là légiférer? Nous croyons que pour faire respecter une loi de cette importance il faut un organisme distinct et responsable dont le mandat est de veiller au respect et à l'application de celle-ci. En plus d'être nécessaire, on peut donc dire que le projet du gouvernement est légitime, responsable et équilibré.

L'opposition officielle ainsi que certains commentateurs reprochent au gouvernement d'agir à un moment où le français ne serait pas menacé et prétendent que le rétablissement de la Commission est une mesure pour satisfaire avant tout, comme ils le disent, les soi-disant ayatollahs de la langue. M. le Président, permettez-moi d'exprimer en cette Chambre mon profond désaccord par rapport à ces deux affirmations nettement exagérées. L'utilisation du français dans la vie quotidienne au Québec, nous le savons tous, a fait des progrès depuis l'adoption de la Charte de la langue française et de la loi 101. S'il faut se réjouir du progrès accompli jusqu'à maintenant, il faut aussi demeurer vigilant et se préoccuper de son statut à l'avenir, car, après tout, le français reste vulnérable et le sera toujours en Amérique du Nord.

Permettez-moi de poser les questions suivantes: Est-ce que les progrès accomplis jusqu'à maintenant doivent servir à masquer une situation qui demeure perfectible dans un avenir immédiat? Cela justifie-t-il que l'on abdique ses responsabilités, que l'on adopte une attitude de laisser-aller en espérant que les choses s'améliorent d'elles-mêmes? Non, je ne le crois pas et j'irai même jusqu'à dire qu'il serait dangereux pour un gouvernement d'adopter une telle attitude. En effet, pourquoi attendre qu'il y ait menace avant d'agir et de prendre des mesures préventives ou correctives? Je crois qu'en matière de langue comme en matière de santé la prévention est tout aussi importante, car on peut très bien chercher à corriger ou à améliorer une situation sans qu'il n'y ait pour autant une menace. Et j'ajouterais même que la meilleure chose à faire en ce moment est de prendre des mesures de redressement et de prévention maintenant plutôt que d'attendre plus tard, car, qui sait, sans cadre législatif, la situation pourrait se dégrader rapidement et les mesures de redressement que nous devrions prendre alors pourraient être plus importantes.

Le bilan de la situation de la langue française, rendu public le 22 mars 1996, nous indiquait certains endroits et certains domaines d'activité où le français peut et doit encore faire des progrès. C'est le cas notamment pour la région de Montréal et de l'Outaouais, où l'on constate que le français n'est pas encore la langue commune. Il y a également des progrès à faire du côté de l'affichage commercial, car de nombreux commerces de l'île de Montréal dérogent aux dispositions sur l'affichage soit par des messages unilingues anglais ou soit par des messages où le français n'est pas nettement prédominant.

Le même document souligne que, dans certains domaines d'activité, des défis doivent être relevés pour que la généralisation du français se poursuive. Ainsi, l'attention du gouvernement devrait porter sur les objectifs suivants: faire jouer à l'administration publique un rôle moteur et exemplaire quant à l'usage du français; faciliter l'intégration linguistique des allophones, particulièrement à Montréal; placer la langue au coeur de l'éducation; investir les nouvelles technologies de l'information et des communications pour assurer que le français soit la langue de travail; assurer la protection du consommateur et son droit d'être servi en français; mieux intégrer les deux volets de l'aménagement linguistique, soit la promotion de son statut et celui de la qualité de la langue. Donc, dans tous ces domaines, le français peut et doit encore faire des progrès, et le projet de loi n° 40 répond à certains de ces besoins.

M. le Président, la population québécoise peut se rassurer, car le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires qui n'ont pas encore été prises pour renforcer le statut du français comme langue commune partout au Québec. Car ce que le peuple québécois désire, c'est que le français soit la langue normale et habituelle de travail, d'enseignement, de communication, du commerce et des affaires au Québec.

(11 h 50)

Afin de répondre à cette volonté commune, nous nous sommes engagés à adopter des mesures concrètes pour protéger et promouvoir le français dans le domaine du travail, de l'intégration des immigrants, de l'administration publique, des nouvelles technologies de l'information, bref dans les domaines de notre vie collective. Outre le projet de loi n° 40, ce gouvernement a aussi présenté une nouvelle politique linguistique, a procédé à la mise en place d'une nouvelle grille de sélection favorisant la venue d'immigrants ayant déjà une connaissance du français, a rendu publique une politique administrative à l'égard de l'utilisation du français au sein de l'administration publique. De plus, nous avons augmenté de façon substantielle les sommes accordées à la francisation des immigrants en milieu de travail et, à toutes ces initiatives, s'ajoutent finalement des crédits de 60 000 000 $ pour encourager la création du contenu québécois en français sur l'inforoute.

Quant à la question de l'accès aux services en langue anglaise dans le réseau de la santé et des services sociaux, nous savons que l'Office de la langue française sera consulté dans ce dossier. Encore une fois, l'opposition officielle, dans un élan démagogique sans précédent, a tenté de discréditer l'action du gouvernement avec des arguments fautifs. Rappelons à la population les enjeux dans ce dossier tels qu'exprimés par mon collègue David Payne, adjoint parlementaire du premier ministre. Sachant que l'accès à des services en langue anglaise doit être garanti, il s'agit de faire les vérifications et les aménagements nécessaires pour protéger également les droits des travailleurs francophones de la santé à travailler dans leur langue. Ces deux impératifs peuvent être parfaitement réconciliés avec un peu de travail et de bonne foi de part et d'autre.

Par ailleurs, l'accès aux services de santé pour les citoyens québécois d'expression anglaise est garanti par la loi. Notre gouvernement et notre parti y souscrivent totalement et cela continuera d'être ainsi, même dans un Québec souverain. En adoptant cette position, le gouvernement du Québec démontre son ouverture envers la minorité d'expression anglophone et réaffirme son engagement à lui garantir des services juridiques, sociaux, d'éducation et de santé d'excellente qualité, en langue anglaise.

Je peux également assurer à toute la population québécoise ainsi qu'à tous les membres de l'Assemblée nationale qu'en tant que députée de Mille-Îles et secrétaire régionale de Laval, une région pluriculturelle où les gens vivent en harmonie, je suis tout aussi attachée aux droits et garanties démocratiques des minorités vivant au Québec qu'au développement de la langue française: l'un n'exclut pas l'autre.

En guise de conclusion, M. le Président, je terminerai en disant que le projet souverainiste est un projet rassembleur. Les Québécois, de quelque origine ethnique ou linguistique qu'ils soient, sont des gens ouverts, tolérants et accueillants. Le peuple québécois a cependant choisi d'avoir une seule langue commune et officielle, c'est la langue française. Les Québécois et Québécoises souhaitent que le français soit adéquatement protégé tout comme ils souhaitent que des mesures soient adoptées pour en faire la promotion. Le projet de loi n° 40, en rétablissant la Commission de protection de la langue française, répond à ce souhait exprimé par une forte majorité de Québécois, je le rappelle, tel que le confirment les résultats du sondage paru dans le journal La Presse le 13 septembre 1996. En effet, 63 % des répondants avaient répondu par l'affirmative à la question suivante: Selon vous, le Québec a-t-il besoin d'une Commission de protection de la langue française? C'est pourquoi, en tant que députée de Mille-Îles et secrétaire régionale de Laval, j'exprime la position de mes commettants en appuyant le principe du projet de loi n° 40. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Mille-Îles. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chomedey. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, dans les quelques minutes qui nous restent, j'exprimerai le même avis déjà donné de ce côté de la Chambre à l'effet qu'il n'est pas nécessaire de réinstaurer la Commission de protection de la langue française.

Rappelons, M. le Président, que, lorsque la Charte de la langue française fut adoptée en 1977, donc tout près de 20 ans, on avait prévu l'existence de très nombreuses entités administratives. Il y avait non seulement la commission de surveillance, à l'époque, de la langue française, devenue depuis la Commission de protection, il y avait, bien sûr, l'Office de la langue française, le mieux connu, il y avait le Conseil de la langue française, mais il y avait également le Bureau d'admissibilité à l'enseignement en anglais, il y avait une commission d'appel en matière de francisation des entreprises, une Commission de toponymie, et j'en passe. Depuis lors, des centaines et des centaines de millions de dollars ont été dépensés pour administrer les politiques linguistiques du Québec.

La question qui se pose à l'égard du projet de loi n° 40, c'est: Est-ce que, aujourd'hui, il est nécessaire de dépenser à nouveau des millions de dollars pour faire revivre une des nombreuses entités administratives? La présidente de l'Office de la langue française, M. le Président – ce n'est pas juste l'opposition officielle qui le dit – l'actuelle présidente de l'Office de la langue française, nommée par l'actuel gouvernement, dit la même chose que nous, qu'elle a les ressources nécessaires, le personnel compétent nécessaire pour veiller à l'application de la Charte de la langue française. Alors, la question est de savoir quel autre motif est visé par la réinstitution de cette Commission. D'aucuns pourraient dire que c'est de l'«english bashing» – je ne sais pas comment on traduirait ça, peut-être «bashant» – que la ministre responsable est en train d'essayer de faire avec ça. Il y a sans doute le fait qu'elle veut effectivement faire plaisir à ses troupes.

Par contre, M. le Président, si on regarde le détail du projet de loi, notamment l'article 30.1, on constate qu'on est en train de faire plaisir notamment à ceux qui ont rédigé un rapport récemment, Michel Plourde et Josée Legault, parce qu'on change un article concernant la demande qui est faite à un professionnel pour avoir certains documents rédigés. Si on regarde aux pages 388 et 389 du rapport Plourde-Legault, on constate que ça a été une de leurs grandes préoccupations. Ce qu'ils oublient de mentionner lorsqu'ils changent ça, c'est que c'est un gouvernement du Parti québécois, lorsque Gérald Godin était le ministre responsable et que, par pur hasard, Michel Plourde était le président du Conseil de la langue française, qui a adopté l'actuelle règle. Alors, c'est pour montrer jusqu'à quel point ce projet de loi là est fait pour faire plaisir à certains éléments radicaux et extrémistes dans la députation et dans ses alentours, parce que ce sont des changements qu'eux-mêmes ont votés.

Alors, c'est sûr qu'ils peuvent se vanter de vouloir renforcer la loi. Je pense qu'on dit «renforcer», bien que, de l'autre côté, je n'arrête pas d'entendre «renforcir». Je suis peut-être anglophone, mais je pense que c'est comme ça qu'on dit. Mais on constate que le prix à payer est assez élevé, que la présidente de l'Office de la langue française dit que ce n'est pas nécessaire et que peut-être justement cet argent-là serait mieux dépensé pour améliorer la qualité du français écrit et du français parlé par les étudiants qui sortent de nos écoles. Mais on comprend qu'il y a aussi des priorités et des réalités politiques qui existent dans ces matières-là.

Mais je me permets juste de dire à la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française qu'on a bien lu le rapport Plourde-Legault, qu'on a lu ce qu'il y avait d'autre à la page 388. Il y a deux paragraphes très intéressants qui précèdent la modification qui est faite ici, à 30.1, un premier article où on lit, horreur d'horreurs, que la loi qui permet les services de santé et les services sociaux en anglais est une porte ouverte au bilinguisme, qu'il faut revoir tout ça. Quelle fut donc notre surprise de voir que, malgré le fait que la ministre disait qu'il y avait des éléments un peu trop réactionnaires et radicaux dans le rapport en question, c'est justement ça que l'actuel premier ministre a fait lorsqu'il a dit: Nonobstant la loi qui dit que ce sont les régies régionales de la santé qui doivent faire un certain travail, nous, péquistes rassemblés un dimanche après-midi, on lève nos cartons, on défait une loi de l'Assemblée nationale et on shoote ça à l'Office de la langue française.

Ce qui est d'autant plus intéressant, M. le Président, c'est que le paragraphe immédiatement précédent parle de leurs intentions en ce qui concerne les commissions scolaires linguistiques. Et ça, c'est très intéressant, parce qu'ils disent que l'article 23 de la Charte canadienne, qui normalement est là pour garantir la gestion et le contrôle des écoles et des commissions scolaires, eh bien, ça n'a jamais été accepté par Québec et ça ne fait pas partie de ce qu'on doit respecter au Québec. Ça aussi, dans le contexte actuel où le gouvernement tente de nous faire croire qu'on peut lui faire confiance dans le dossier linguistique scolaire, c'est un pensez-y bien.

Moi, je me souviens de ce qui est écrit dans le rapport Plourde-Legault et je pense que la ministre aurait intérêt à le lire elle-même, parce que c'est, ni plus ni moins, une carte routière des intentions des bureaucrates qui l'entourent, même si elle n'est pas toujours aussi perspicace qu'elle devrait l'être et assez capable de suivre le modèle qu'ils sont en train de tracer.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, on trouve que cet exercice, même si on comprend la priorité politique qui contraint la ministre de le proposer, n'est absolument pas nécessaire et que les millions de dollars qui seront dépensés pour le mettre en vigueur seraient beaucoup mieux dépensés pour assurer la sécurité du public ou les services de santé et les services sociaux ou un tas d'autres besoins réels de la population et ne pas servir juste les priorités politiques du gouvernement du Parti québécois. Merci.

(12 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Chomedey.

À cette heure, nous allons donc suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi. Les travaux sont suspendus.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 14 h 6)

Le Président: Alors, nous allons nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Présence du consul général de Roumanie à Montréal, M. Gheorghe Baltac, et du consul général du Portugal à Montréal, M. Eduardo Fernandes De Oliveira

J'ai d'abord aujourd'hui le grand plaisir de souligner la présence dans les tribunes du consul général de Roumanie à Montréal, M. Gheorghe Baltac.

Et j'ai le grand plaisir également de souligner la présence dans les tribunes du consul général du Portugal à Montréal, M. Eduardo Fernandes De Oliveira.


Affaires courantes

Alors, nous abordons d'abord les affaires courantes.

Déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, article a de notre feuilleton.


Projet de loi n° 95

Le Président: À l'article a du feuilleton, M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances présente le projet de loi n° 95, Loi instituant le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Ce projet de loi, M. le Président, a pour objet la constitution du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Ce fonds est affecté au financement de mesures visant à lutter contre la pauvreté en favorisant l'intégration au travail des personnes démunies.

Ce projet de loi donne suite à la déclaration ministérielle du ministre des Finances du 26 novembre 1996 concernant la constitution du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail.


Mise aux voix

Le Président: Alors, l'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article b de notre feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 96

Le Président: À l'article b du feuilleton, M. le ministre du Travail présente le projet de loi n° 96, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail concernant la durée de la semaine normale de travail. M. le ministre du Travail.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur les normes du travail afin de réduire progressivement la durée de la semaine normale de travail de 44 à 40 heures, à raison d'une heure par année à partir du 1er octobre 1997 jusqu'à l'an 2000.

Ce projet de loi prévoit des mesures transitoires qui ont pour objet de régir l'application temporaire de toute disposition relative à la durée de la semaine normale de travail contenue dans une convention collective, ou une sentence arbitrale qui en tient lieu, ou encore dans un décret de convention collective en vigueur ou expiré à la date de la sanction de la loi.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Article d de notre feuilleton.


Projet de loi n° 94

Le Président: À l'article d du feuilleton, Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce présente le projet de loi n° 94, Loi modifiant la Loi sur l'aide au développement des coopératives. Mme la ministre.

(14 h 10)


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Ce projet de loi modifie la Loi sur l'aide au développement des coopératives afin d'élargir son champ d'application en y intégrant les personnes morales sans but lucratif de même que les filiales de coopératives. Ainsi, il permet au gouvernement d'établir tout programme d'aide financière et technique pour favoriser la création, le maintien et le développement de ces entreprises et visant notamment à assurer une participation accrue de la population à l'activité économique ainsi que la création d'emplois. Par ailleurs, ce projet de loi simplifie les modalités relatives à la présentation et au cheminement d'une demande d'aide. Enfin, ce projet de loi contient certaines modifications de concordance. Merci.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie du projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Rapport sur l'application de la procédure d'examen des plaintes du Commissaire aux plaintes en matière de santé et de services sociaux

M. Rochon: M. le Président, je voudrais déposer le rapport sur l'application de la procédure d'examen des plaintes pour 1995-1996 du Commissaire aux plaintes en matière de santé et de services sociaux.

Le Président: Alors, ce document est déposé. M. le ministre des Transports.


Rapport d'activité de l'Office des autoroutes du Québec

M. Brassard: Oui, M. le Président. Je voudrais déposer le rapport d'activité 1995-1996 de l'Office des autoroutes du Québec, et je pourrais vous en faire lecture.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Ça ne sera pas long.

Le Président: M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.


Rapport annuel du Bureau de révision en immigration

M. Boisclair: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 du Bureau de révision en immigration.

Le Président: Ce document est déposé.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, Mme la présidente de la commission de l'aménagement et des équipements et députée de Mégantic-Compton.


Étude détaillée du projet de loi n° 56

Mme Bélanger: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 12 mars 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 56, Loi modifiant la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables. La commission a adopté le projet de loi sans amendement.

Le Président: Alors, ce rapport de commission est déposé. M. le président de la commission de la culture et député de Lévis.


Vérification des engagements financiers du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration et de la Commission d'accès à l'information

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de la culture qui a siégé le 6 mars 1997 afin de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration et de la Commission d'accès à l'information contenus dans les listes de janvier 1993 à décembre 1996, soit quatre ans, M. le Président.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Pontiac.


Éviter d'augmenter les droits et taxes exigés des automobilistes et les utiliser pour la construction, la remise en état et l'entretien du réseau routier

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 26 469 pétitionnaires résidents du Québec. J'aimerais, M. le Président, solliciter aussi le consentement de cette Assemblée pour ajouter à la pétition de 26 469 noms 8 720 signatures, ce qui fait un total de 35 189. Ces 8 720 résidentes et résidents du Québec ont retourné par la poste un coupon publié dans le magasine du CCA-Québec présentant le même libellé que la pétition.

Le Président: Alors, il y a consentement? M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, c'est la première fois que j'entends parler des 8 000 qui se sont rajoutés, mais je vais donner le consentement, M. le Président.

M. Middlemiss: Merci.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant...» Et, M. le Président, j'aimerais...

Le Président: On comprend, M. le député de Pontiac, qu'il y en a beaucoup.

M. Middlemiss: D'accord.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que les usagers du réseau routier québécois versent chaque année au gouvernement provincial 2 000 000 000 $ en taxes routières – taxes sur les carburants, droits d'immatriculation et droits sur les permis de conduire;

«Considérant que le gouvernement du Québec investit actuellement sur les routes, malgré leur mauvais état général, moins de la moitié des sommes perçues en taxes spécifiques auprès des usagers du réseau routier de la province;

«Considérant que c'est au Québec que les taxes routières sont les plus élevées au pays et que le Québec est la seule province canadienne à percevoir une taxe de vente provinciale sur sa taxe sur les carburants;

«Considérant que l'état de détérioration actuel du réseau routier affecte la sécurité des usagers;

«Considérant que les entreprises québécoises doivent pouvoir compter sur des routes en bon état pour demeurer compétitives et participer ainsi à la création d'emplois et à la relance de l'économie de la province;

«Considérant que tout délai supplémentaire dans la réfection du réseau routier se traduira par des coûts beaucoup plus élevés dans l'avenir;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale du Québec d'intervenir afin que:

«Ni la taxe routière sur l'essence ni les droits d'immatriculation et sur le permis de conduire ne soient augmentés et qu'aucune aucune autre forme de taxation aux automobilistes ne soit ajoutée;

«Toutes les taxes routières payées par les usagers du réseau routier soient versées dans un fonds spécifique et servent uniquement à la construction, à la réfection et à l'entretien des routes;

«Le réseau routier québécois soit remis en état sans tarder et qu'un entretien régulier soit effectué par la suite.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. M. le député de Groulx.

M. Kieffer: M. le Président, je demande la permission de la Chambre afin de pouvoir déposer une pétition non conforme au règlement.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Il y a consentement. Alors, vous pouvez y aller, M. le député.


Maintenir la maternelle mi-temps et octroyer les budgets nécessaires pour ce faire

M. Kieffer: Merci, M. le Président. Alors, je dépose l'extrait d'une pétition par 30 107 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le Québec est une société démocratique;

«Considérant que les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants;

«Considérant que le projet de maternelle temps plein cinq ans ne convient pas à tous les enfants mais répond aux demandes de 50 % des parents du Québec;

«Considérant que la maternelle mi-temps existante répond aux attentes de 50 % des parents du Québec;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale: premièrement, de maintenir telle qu'elle existe présentement la maternelle mi-temps, tout en offrant la maternelle temps plein à la demande des parents; deuxièmement, de confier aux commissions scolaires et aux milieux-école le pouvoir et les budgets nécessaires pour répondre adéquatement à cette requête.»

Je certifie, M. le Président, que cet extrait est conforme à une partie de l'original de la pétition. Merci.

Une voix: Bravo!

Le Président: Alors, cette pétition est également déposée.

Il n'y a pas, aujourd'hui, d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.


Questions et réponses orales

Ce qui nous amène directement à la période de questions et réponses orales. M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: M. le Président, peut-être que le leader du gouvernement pourrait nous indiquer si le président du Conseil du trésor va arriver cet après-midi. J'avais une question à lui poser immédiatement, mais il n'est pas là.

Le Président: M. le leader.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. On m'avait avisé que le président du Conseil du trésor devait être parmi nous aujourd'hui pour la période de questions, alors je vais vérifier. Il devrait être ici avant la fin de la période de questions, M. le Président.

Le Président: M. le député de Robert-Baldwin, en principale.


Décès d'une patiente dans la région de Québec

M. Marsan: M. le Président, ce matin, un quotidien nous apprenait qu'un autre drame a été vécu dans un des hôpitaux de Québec: Mme Adrienne Voiselle qui, après quatre visites à l'urgence en une semaine dans un hôpital de la région de Québec, est décédée parce qu'elle n'avait pu être hospitalisée.

Ma question, M. le Président: Comment le ministre de la Santé explique-t-il à la famille de Mme Voiselle le drame qu'ils vivent actuellement?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je trouve toujours délicat quand on se complait à exhiber en public des situations au moment où les gens les vivent et sont très malheureux. Je voudrais dire d'abord, par toute déférence pour la famille de cette dame, que quand une situation arrive, quand un décès arrive, quand une vie ne peut pas être sauvée, c'est toujours dramatique et c'est toujours mal vécu par tout le monde. Et on sait très bien que dans le réseau de la santé et des services sociaux il y a là non seulement des conditions, mais une culture qui fait que, par réflexe, tout le monde fait tout, y compris l'impossible, pour sauver une vie humaine; ça fait partie des valeurs des professionnels dans ce domaine-là.

Maintenant, il y a des situations où il y a quand même des décès, Et, dans ce cas-ci, je pense qu'il serait, sur la base des informations que j'ai, tout à fait prématuré et probablement injuste de conclure – surtout pas la conclusion que vient de suggérer le député de Robert-Baldwin – que la dame est décédée parce qu'elle n'a pas pu être hospitalisée. Et, selon les informations que j'ai présentement, ce n'est pas vraiment une question de service, ce n'est pas une question de manque de soins. Il y a eu une situation dont je n'ai pas encore tous les détails – de toute façon, je ne parlerai pas des détails en public, par respect pour la personne et la famille – mais c'est une situation d'un état de santé d'une dame de 68 ans qui s'est aggravé rapidement, et malheureusement sa vie n'a pas pu être sauvée. Mais sauter aux conclusions que c'est parce qu'on n'a pas pu être hospitalisé et parce qu'il n'y avait pas des soins de disponibles – selon les informations que je possède – ça ne correspond absolument pas aux faits, et je pense que c'est pour le moins imprudent de tenter de tirer de telles conclusions. Il y a un fait malheureux. Je pense qu'il faut d'abord sympathiser avec la famille. Par contre, toutes les vérifications qui doivent être faites, comme dans tous ces cas-là, sont en cours actuellement et seront faites, M. le Président.

M. Marsan: En principale, M. le Président.

(14 h 20)

Le Président: Alors, en principale.


Accès aux examens de contrôle postopératoires

M. Marsan: Hier, dans un autre quotidien, une patiente de Charlesbourg, Mme Yolande Beaumont, écrivait qu'après avoir subi une mastectomie au sein gauche elle ne pouvait même pas avoir un examen de contrôle un an après son opération. Comment le ministre de la Santé explique-t-il à son électrice qu'elle doive attendre si longtemps pour être traitée?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, vous comprendrez, M. le Président, que je ne peux pas être au courant de toutes les situations personnelles.

Des voix: ...

M. Rochon: Non, non. Je vais vérifier les faits. Si on dit qu'un an après une mastectomie une personne n'a pas pu avoir un examen de contrôle, on va vérifier. Est-ce que l'examen de contrôle était dû à ce moment-là? Est-ce qu'il avait été prescrit? Est-ce qu'il y a eu attente? Alors, je vais devoir m'informer. J'entends parler pour la première fois de cette situation, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Marsan: M. le Président, avant-hier, dans une urgence du comté de Shefford...

Le Président: En principale? C'est votre choix.


Engorgement des salles d'urgence

M. Marsan: Oui, oui. Alors, M. le Président, avant-hier, dans une urgence du comté de Shefford, huit patients et patientes, dont la mère du député de Shefford, ont attendu plus de 10 heures avant d'être traités. Comment le ministre peut-il expliquer à la population qu'il faut attendre 10 heures avant de se faire soigner?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, dans un système comme celui de la santé et des services sociaux, où il se rend des milliers et des milliers de services à chaque jour à des milliers de personnes, dans 80 % à 90 % des cas, comme on le sait très bien – et j'ai eu la chance de le dire hier – par les sondages et les vérifications qu'on fait, les gens sont satisfaits. Dans les urgences spécialement, j'ai eu aussi souvent l'occasion de le dire, c'est de la nature d'une urgence qu'à certains moments il y a un engorgement, il y a une demande plus forte pendant une période de temps. Ça se produit et on ne pourra jamais être immunisés contre ce genre de situations, parce qu'il faudrait qu'on ait des urgences qui soient organisées, en termes de personnel et d'équipements, à des prix pharamineux, où les gens, à 80 % du temps, seraient là à ne rien faire, à attendre pour les quelques moments dans l'année où il y a des engorgements comme ça.

Alors, je regrette beaucoup pour tout le monde, y compris pour notre collègue, si c'est à un moment comme ça que s'est produit le moment où il devait aller à l'hôpital. Mais il ne faut pas, encore une fois, conclure parce qu'on ressort quelques cas... Et on peut faire le tour du Québec et sortir dans chaque région une situation où, dans une journée, le service n'a pas été optimal, mais en même temps, cette même journée-là, dans ces mêmes régions là, à 90 %, il s'est donné des services à des gens qui ont été très heureux et très satisfaits. La vraie réalité au complet, quand on veut la regarder correctement, c'est ça, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: En complémentaire, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: M. le Président, à combien d'autres drames d'horreur faudra-t-il assister avant que le ministre reconnaisse que ses coupures de budget sont des coupures de services et que son virage est, dans les faits, un mirage?

Une voix: Ils sont de moins en moins forts, hein!

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Là, M. le Président, on se lance dans les effets de rhétorique et dans la démagogie pure et simple. D'abord, les coupures. Pourquoi on fait des coupures, M. le Président? Tout le monde le sait, on a hérité d'une situation qui était catastrophique et, si on n'avait pas commencé à corriger les situations, on serait dans la catastrophe.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Rochon: Et le virage, ce qu'on a appelé le «virage ambulatoire», mais c'est partout puis c'est dans tous les pays que ça se fait, et probablement que le député de Robert-Baldwin... Puis il y a peut-être une cour autour de lui qui entretient le même langage, mais, dans le fond, ou bien ils ne connaissent rien de la situation ou bien ils savent qu'ils disent quelque chose qui ne correspond pas à la réalité, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Marsan: M. le Président, complémentaire: Est-ce que le ministre pourrait reconnaître que si ça va mal dans le système de santé c'est parce qu'ils ont fait de mauvaises dépenses dans la...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! De part et d'autre, on a pu le remarquer depuis le début de la période de questions, on se sent concerné, et les réactions viennent alors qu'il n'y a qu'un député qui a la parole d'un côté ou de l'autre. Alors, je demanderais, tant au moment où la question est posée qu'au moment où la réponse est donnée, qu'on laisse celui qui a la parole s'exprimer; les autres doivent assister au débat en silence. Alors, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Est-ce que le ministre, M. le Président, pourrait reconnaître toutes les dépenses inutiles qui ont été faites depuis l'arrivée de son gouvernement, particulièrement dans les structures? On nous avait dit qu'on ne devrait pas couper au niveau des services; on augmente les structures, on coupe au niveau des services aux patients, notamment dans les régies régionales.

M. Rochon: Revoilà un des petits dadas du député de Robert-Baldwin: les structures et les régies régionales. Je ne sais pas ce que les régies régionales lui ont fait dans sa vie récente, mais il a l'air d'avoir une dent contre les régies régionales. Les régies régionales, c'est une structure qui assume. On croit à la régionalisation; la décentralisation, on n'y croit pas. S'il y a des responsabilités qui sont confiées en région, ça prend des gens qui ont le mandat, qui ont la responsabilité et qui sont capables d'accomplir ces actes-là.

Dans les régies régionales au cours des trois dernières années, depuis que le virage ambulatoire est entrepris, le nombre de personnels, dans l'ensemble, est demeuré stable et, pendant ce temps-là, le nombre de personnels au ministère a diminué. Dans les dernières années, on a diminué d'à peu près 200 à 250 le nombre de personnels au ministère et on l'a maintenu stable dans les régions alors qu'il y a des responsabilités qui étaient transférées dans les régions. Au total, c'est terriblement important, les gaspillages qui se font là: c'est de l'ordre d'à peu près 75 000 000 $ par année. C'est 0,7 % du budget total du réseau de la santé et des services sociaux. C'est 75 000 000 $ sur 10 000 000 000 $. Alors, je pense que le député de Robert-Baldwin, il a dû connaître une époque où il ne savait pas ce que c'était que d'avoir des instances responsables qui prenaient des décisions, puis il ne peut pas s'imaginer ce qu'elles font là. C'est ça qui est son problème.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Johnson: Oui, M. le Président. Au lieu que le ministre, lui, nous donne de la rhétorique et qu'il parle des dadas des gens qui sont de ce côté-ci, ou où que ce soit, qui ne pensent pas comme lui, comment peut-il dire que tout va bien? Est-ce qu'il entend dire que tout va bien à des gens qui attendent 10 heures, à 70 ans, pour se faire réparer un bras cassé? Est-ce qu'il va dire que ça va bien à des gens qui, pour la moitié, à Sacré-Coeur ou à Maisonneuve-Rosemont, sont dans le corridor, dans les civières, à l'urgence au lieu d'être dans des chambres? Est-ce que le ministre va s'apercevoir qu'il est le ministre des citoyens puis de tout le monde, puis que ce n'est pas les quatre couleurs à 2 000 000 $ qui font état des sondages qui disent que 70 % des affaires sont correctes qui font que ça règle le problème des 30 % qui attendent après les services?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Quel élan de sincérité, M. le Président! Je suis obligé de reconnaître que ça pourrait aller mieux. Mais ça va graduellement mieux. Et, si le chef de l'opposition se rappelait dans quel état il nous a laissé la situation, c'était 10 fois pire. Les attentes dans les urgences se sont améliorées dans 75 % des hôpitaux et les temps d'attente de 40...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Alors, le chef de l'opposition a l'air d'oublier qu'on est pris à corriger une situation qu'ils nous ont laissée. Si on regarde aujourd'hui, je suis d'accord, ça peut être encore mieux et ça va graduellement mieux. On a produit un bilan avec des chiffres, pas mes opinions, pas des opinions de qui que ce soit, des chiffres, des données réelles pour dire à la... et des données qui sont de ce qui se passe et de ce que la population nous dit. Et on est – ça ne vous fera pas plaisir – obligés de constater que, tout en ayant encore du progrès à faire, il s'en fait régulièrement depuis deux ans. Et, s'il avait au moins le sens de regarder d'où on est partis et où on est aujourd'hui, il verrait que les choses bougent et bougent dans le bon sens, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, chiffres pour chiffres, est-ce que le ministre se souvient que M. Parizeau lui a demandé, le 26 septembre 1994, de diminuer de moitié la liste d'urgence à Sainte-Justine et qu'elle est passée de 3 000 à 3 500? C'est ça, le progrès, des augmentations de 15 %?

(14 h 30)

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Si on parle de Sainte-Justine, avec le chiffre de 3 500, le chef de l'opposition veut probablement parler de la chirurgie. C'était le chiffre pas pour l'urgence, M. le chef de l'opposition, mais pour la chirurgie. C'était 3 500...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, parlons-en, de la liste d'attente de Sainte-Justine, M. le Président. Les informations du chef de l'opposition ne sont pas tout à fait récentes, parce que, il y a quelques semaines, la liste d'attente était baissée à à peu près, de mémoire, 2 700, ou quelque chose du genre, des 3 600. Elle était montée jusqu'à 3 600; elle est rendue à 2 700. L'analyse de cette donnée, maintenant. Comme nous dit l'hôpital, on commence à voir là le reflet de ce qu'est le volume de demandes de services. Alors, c'est sûr qu'un hôpital qui est le centre universitaire pédiatrique pour la grande région de Montréal et pour l'Est du Québec, il y a un grand volume de demandes de services et il y aura toujours beaucoup de monde. On pense qu'on est rendu à peu près au niveau optimal du nombre de personnes en liste d'attente. Ce qui devient important maintenant, c'est de diminuer le temps en attente.

Présentement, à Sainte-Justine – j'étais là justement il y a quelques mois, on a fait le point sur leur situation – ils ont un plan sur les trois prochaines années où ils vont pouvoir diminuer le temps d'attente; ils l'ont eux-mêmes annoncé publiquement il y a quelques semaines ou quelques mois. Et une des choses qu'ils vont faire, entre autres, c'est de développer un réseau avec l'ensemble des régions, parce que, après l'analyse des cas, ils ont pu voir qu'il y a plusieurs interventions chirurgicales qui pourraient être très bien faites en région, avec des médecins et des chirurgiens qui seraient en réseau et en lien avec les spécialistes de Sainte-Justine, ce qui non seulement va diminuer le temps d'attente – on est à peu près au niveau optimal actuellement – mais va rendre le service accessible aux gens beaucoup plus près de chez eux, dans leur région. C'est ça que ça fait, le virage ambulatoire. C'est ça que ça fait, une vraie transformation de système, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée de La Pinière, en principale.


Financement des centres jeunesse de la Montérégie

Mme Houda-Pepin: M. le Président, en parlant de liste d'attente, le 4 décembre dernier, le ministre de la Santé et des Services sociaux a déclaré en cette Assemblée que les centres jeunesse de la Montérégie qui dénonçaient le sous-financement chronique de leurs services se plaignaient pour rien parce qu'ils étaient pris en charge par Montréal. Or, pas plus tard que la semaine dernière, M. Charles Lemieux, de la Protection de la jeunesse de Longueuil, réfutait les prétentions du ministre en déclarant au Journal de Montréal , le 4 mars, que ce n'est absolument pas le cas.

Aujourd'hui, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse confirme que la situation est alarmante. À telle enseigne que des jeunes ont été placés en centre de détention alors qu'ils devaient être placés en centre pour la rééducation. Cinq adolescents se sont ainsi révoltés lors d'une émeute à Saint-Luc et se sont évadés en emportant la caisse, après avoir séquestré les gardes.

M. le Président, qu'attend le ministre de la Santé et des Services sociaux pour répondre à l'urgence des listes d'attente et du sous-financement chronique qui prévaut dans les centres jeunesse de la Montérégie?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, la députée semble connaître assez bien son dossier, parce qu'elle a bien dit qu'il s'agit d'une situation chronique. «Chronique», ça veut dire que ça dure depuis quelque temps et, en effet, ça dure depuis quelque temps. Alors, je ne veux pas vous renvoyer ça dans votre temps, mais faites attention à vos questions.

Des voix: ...

M. Rochon: M. le Président, ils sortent des problèmes de situations dont on a hérité. Choisissez vos questions.

Des voix: ...

Le Président: Bien. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, ceci dit, M. le Président, pour informer la population et cette Chambre de ce qui se fait quand même depuis deux ans, devant cette situation chronique, on a commencé à intervenir pour corriger un peu. Il y a eu, par exemple, une injection de plus de 2 000 000 $ de budget pour que du personnel additionnel soit engagé; il y a l'autorisation qui a été donnée et il y a en construction présentement 84 places additionnelles pour des jeunes; et finalement il y a les cinq régions du Grand Montréal métropolitain qui, au cours de la dernière année, ont développé un plan. Parce que, dans le fond de l'analyse de la question, ce n'est pas les ressources de personnel et budgétaires qui manquent dans le Grand Montréal métropolitain, mais c'est la distribution qui n'est pas adéquate et, dans certaines parties du Grand Montréal métropolitain, il y a surcroît, et il y a déficience de ressources à d'autres endroits. Et ça, ça devrait commencer à donner certaines résultats, ce plan des cinq régions, encore plus au cours de l'année prochaine.

Mais, déjà là, ce qu'on a déjà fait a commencé à donner des résultats. Parce que, si on compare avec la même période de l'an passé... Et c'est à chaque année, on en a parlé au même moment l'an passé parce que, à ce moment-ci de l'année, en général, il y a une plus grande demande des services dans les protections de la jeunesse et dans les services de jeunesse. Alors, si on compare la même période l'an passé, c'étaient plus de 300 jeunes qui étaient en attente d'évaluation; cette année, c'est un peu plus de 200. C'est quand même, sur un an, une augmentation de 30 %, et il y a encore des choses qui sont en marche.

Alors, l'an prochain, j'espère que la question sera encore posée et que je pourrai dire qu'on a fait un autre 30 % de progrès, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, est-ce que la réponse technocratique que le ministre de la Santé vient de nous donner est la même qu'il va servir à la Direction de la protection de la jeunesse des Laurentides qui vient d'être blâmée aujourd'hui par la Commission des droits de la personne du Québec pour avoir émis une directive ordonnant à son personnel de ne plus retenir les signalements des jeunes de 16 à 17 ans, faute de ressources?

M. le Président, le ministre ne réalise-t-il pas que les centres jeunesse sont rendus à dire: Il n'y a pas de service au numéro que vous avez composé?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Alors, depuis la situation à laquelle réfère la... D'abord, je voudrais dire, M. le Président, que «technocratique»... Technocratique: qu'est-ce qu'il y a de si technocratique que de se référer à de l'information précise? De dire qu'on a donné 2 000 000 $ à une région, c'est technocratique? Qu'on va créer 84 places pour des jeunes, c'est technocratique? Non. Moi, j'appelle ça de l'information, mais de la vraie information, ne pas dire n'importe quoi.

Des voix: Bravo!

M. Rochon: Et, au moment où on se parle, en ce qui regarde la région des Laurentides, c'est une situation qui est déjà corrigée, depuis une semaine à 10 jours. Il y a une nouvelle direction générale, il y a des réenlignements qui ont été faits dans cette région...

Une voix: ...

M. Rochon: Non. Des problèmes dans un système comme ça, il y en a, mais on ne les laisse pas devenir chroniques, on les règle. Alors, il est réglé, celui-là.

Des voix: Ha, ha, ha! Bravo!

Le Président: En complémentaire? En complémentaire?

M. Kelley: Non. Une question principale.

Le Président: En principale, M. le député de Jacques-Cartier.


Coûts pour les familles de la maternelle à plein temps

M. Kelley: Hier, au sujet des frais de garde remboursables de 12 $ à 14 $ par jour pour payer la surveillance de midi et les services de garde avant et après les heures d'école, la ministre responsable de la Famille a dit, et je la cite: «Effectivement, on continuera, dans le cas de ces enfants, à avoir accès au crédit d'impôt remboursable.» Fin de la citation. Pourtant, dans son propre document sur la réforme de l'éducation, on lit, je cite: «À compter de septembre 1997, les parents dont les enfants auront accès au nouveau système ne pourront plus se prévaloir des mesures fiscales existantes.»

(14 h 40)

Ma question s'adresse au ministre délégué au Revenu: Quelles mesures est-ce que son ministère va appliquer: la réponse d'hier de la ministre ou le contenu de son livre?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Merci, M. le Président. J'ai bien fait les nuances et je peux les réexpliquer très bien au député. Nous avons prévu que les enfants qui effectivement bénéficieraient de la nouvelle allocation, à savoir un coût de 5 $ par jour pour occuper une place en milieu de garde, éventuellement n'auraient plus accès, évidemment, au crédit d'impôt remboursable. Mais on parle donc de ceux qui auront quatre ans à l'automne et qui utiliseront à plein temps les services de garde et non pas des enfants qui sont déjà inscrits aux services de garde en milieu scolaire. Éventuellement, nous proposerons cependant des mesures de réaménagement au niveau de la garde en milieu scolaire.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Kelley: Ma question est simple: Qu'est-ce qui va arriver pour les enfants aujourd'hui qui ont cinq ans, les 95 000 enfants inscrits pour la maternelle à l'automne de cette année? Ils vont être sur l'ancien régime? Ils vont être dans le nouveau système? Est-ce que ces parents peuvent réclamer les frais de garde qui vont être de 12 $ à 14 $ par jour? C'est 280 $ par mois, c'est 2 800 $ par année. Ce sont des sommes importantes. Les familles veulent savoir. Pas les quatre ans. Je n'ai pas dit les quatre ans, mais j'ai clairement dit: Les enfants de cinq ans au mois de septembre de cette année, ils vont être dans quel régime?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Je pourrais dire «bis», M. le Président, à ce que j'ai répondu tout à l'heure. Effectivement, ils pourront avoir accès, ces parents, au crédit d'impôt remboursable. D'ailleurs, au moment de la présentation du discours du budget, sûrement que le ministre des Finances précisera un certain nombre de choses comme celle-là, mais qui sont déjà, dans les documents, suffisamment clairs.

Le Président: M. le député.

M. Kelley: Est-ce que la ministre peut donc corriger son propre document qui dit le contraire, que ces parents, à partir de septembre 1997, n'auront pas accès au crédit d'impôt remboursable? C'est à la page 5. C'est son document.

Une voix: Qui dit vrai?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: On parlait, M. le Président, et c'est clair – il faut relire les phrases les unes à la suite des autres – des enfants de quatre ans qui seront reçus dans le système à raison de frais payables par le parent de 5 $ par jour comparativement à des frais actuels de l'ordre de 20 $, 22 $, 25 $ selon la garderie qu'ils fréquentent.

Une voix: Ah oui!

Le Président: M. le député.

M. Kelley: M. le Président, je lis le paragraphe au complet.

Des voix: ...principale.

M. Kelley: En principale. Mais c'est juste pour mettre ça clair, parce que je pense... Moi, je ne parle pas des enfants de quatre ans qui vont aller aux centres à la petite enfance; moi, je parle des enfants de cinq ans qui commencent cette année à la maternelle, alors cette année 1997. Alors, le paragraphe se lit: «Les parents dont les enfants fréquentent présentement l'école primaire continueront de bénéficier des mesures fiscales actuelles liées aux frais de garde, et ça, pour la durée des études primaires de leurs enfants. À compter de septembre 1997, les enfants dont les parents auront accès au nouveau système ne pourront plus se prévaloir de ces mesures.»

Alors, j'aimerais savoir: À partir de cette année, pour les frais de garde après les heures d'école, avant les heures d'école, pour la surveillance du midi, qui varient, entre commissions scolaires, entre 10 $, 12 $ et 14 $ par jour, est-ce que ces parents auront accès au crédit d'impôt remboursable ou non?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, M. le Président, je répète ce que j'ai dit aux membres de cette Assemblée: Les enfants qui fréquenteront les services de garde à l'âge de quatre ans et pour lesquels les parents auront à payer une contribution de 5 $ par jour ne pourront pas avoir accès au crédit d'impôt remboursable. Cela est tout à fait normal. Cela fait donc trois fois que je dis au député de Jacques-Cartier...

Le Président: Mme la ministre, en conclusion.

Mme Marois: Alors, dans le cas actuel des enfants qui bénéficient et bénéficieront à compter de l'automne de services de garde en milieu scolaire, ils pourront avoir accès, pour les enfants qui auront cinq ans en septembre, ils continueront de pouvoir avoir accès, M. le Président, au crédit d'impôt remboursable.

Des voix: Ah!

Le Président: M. le député.

M. Kelley: Étant donné la complexité de sa réforme, est-ce que la ministre peut s'engager à tenir des commissions parlementaires dans les plus brefs délais pour regarder l'ensemble de sa réforme et l'impact sur la fiscalité des familles québécoises?

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, M. le Président, évidemment, cette réforme, elle comportera l'adoption d'un certain nombre de lois et de règlements. Nous aurons donc l'occasion, au moment de la tenue de commissions parlementaires, de débattre de toutes ces questions, puisque, dans les faits, par exemple, l'allocation unifiée devra faire l'objet d'une loi. Un certain nombre d'autres mesures qui sont prévues là, dont, entre autres, la révision de l'ensemble de la loi des services de garde, qui devra être faite, bien sûr, nous permettront sûrement de discuter de ces questions que soulève le député de Jacques-Cartier.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: En principale, M. le député de Chomedey.


Demande d'enquête sur le meurtre de M. François Mario Bachand

M. Mulcair: Oui, merci, M. le Président. M. le Président, des révélations récentes concernant l'assassinat de François Mario Bachand, présumément par d'autres membres du FLQ, nous ont permis d'apprendre que ni la police française ni la GRC n'ont pu trouver de suspect et qu'il y a prescription concernant toute poursuite criminelle là où le crime a eu lieu, en France. Toutefois, ici, au Québec, il n'y aurait pas un tel empêchement pour des actes qui auraient pu être commis ici soit avant, telle la planification, soit après, telle la complicité pour aider les présumés meurtriers.

Est-ce que le ministre de la Sécurité publique peut nous dire si la Sûreté du Québec enquête ici, au Québec, suite aux révélations détaillées faites par les journalistes de Radio-Canada?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Perreault: M. le Président, le député fait référence à un assassinat qui s'est passé sur le territoire français. Il a lui-même évoqué le fait que cette question relevait de la juridiction du gouvernement français. C'est une question qui a également fait l'objet d'une prescription. Il n'y a aucune enquête de la Sûreté du Québec, à ma connaissance, dans ce dossier, à ce moment-ci.

Le Président: M. le député.

M. Mulcair: Est-ce que le ministre a l'intention de demander une telle enquête, étant donné qu'ici, au Québec, il n'y a pas prescription dans une affaire de meurtre, soit pour la complicité soit pour le complot, et qu'effectivement, si les gestes ont été posés ici, on peut faire une telle enquête et on peut éventuellement, le cas échéant, poursuivre?

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, c'est un dossier qui a été traité, fondamentalement et essentiellement, par la Gendarmerie royale du Canada, compte tenu de la nature et du lieu où s'est commis ce crime. Je pense que cette décision, si jamais elle devait être prise, appartiendrait d'abord et avant tout à la GRC, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Chapleau, en principale.


Difficultés financières des organismes communautaires de l'Outaouais

Mme Vaive: Merci, M. le Président, en principale. Pour la deuxième année consécutive, le Québec est considéré comme la province la plus pauvre du Canada. Les banques alimentaires ne fournissent plus à la demande, et les organismes communautaires n'ont pas les ressources financières nécessaires pour combler les besoins des plus démunis du Québec. La Soupière de l'amitié et plusieurs autres organismes de la région de l'Outaouais ont vu leurs profits générés par les bingos fondre au soleil depuis l'ouverture du Casino de Hull.

On apprend que le ministre des Relations internationales utilisera 1 % des profits générés par les casinos du Québec pour venir en aide aux pays étrangers.

En question principale, M. le Président: Le ministre des Relations internationales et ministre responsable de l'Outaouais peut-il me confirmer s'il a l'intention de tenir sa promesse qu'il a faite, en décembre dernier, aux organismes communautaires de l'Outaouais qui s'occupent de pauvreté et de leur accorder une compensation financière afin de combler leurs déficits?

Le Président: M. le ministre des Relations internationales.

M. Simard: Cette question, M. le Président, renferme plusieurs volets dont certains méritent d'être éclaircis rapidement.

(14 h 50)

Lorsqu'il s'agit de l'aide humanitaire internationale, le 1 %... Ça a été la volonté d'ailleurs de l'unanimité de cette Chambre d'accorder 1 % des profits des casinos pour l'aide humanitaire internationale. Je pense que nous avons tous à être fiers, ici, de ce geste que les Québécoises et les Québécois posent, de ces gestes que posent chaque jour, partout à travers le monde, des milliers de Québécoises et de Québécois qui se dévouent pour l'aide aux plus défavorisés de ce monde. Nous devons être fiers de cela. Et je suis sûr que Mme la députée de Chapleau n'infère aucunement, par ses questions, que nous devrions regretter ce geste.

Des voix: Bravo!

M. Simard: M. le Président, quant aux revenus des bingos, dans l'Outaouais, qui ont diminué suite à la venue d'un casino, la Société des loteries du Québec a annoncé une série de mesures, et le ministre de la Sécurité publique a annoncé une série de mesures qui vont faire en sorte que ces bingos, au cours des prochaines années, auront des revenus supérieurs à ce qu'ils étaient antérieurement.

En tout état de cause, la semaine prochaine, en compagnie de la ministre responsable de la Sécurité du revenu, je rencontrerai les organismes responsables dans l'Outaouais et je verrai avec eux à trouver les meilleurs moyens pour nous assurer que les plus démunis dans notre société, particulièrement dans l'Outaouais, réussissent à obtenir justice. Je vous remercie.

Le Président: M. le député d'Orford, en principale.


Droits environnementaux versés à Collecte sélective Québec

M. Benoit: M. le Président, lors du sommet économique de l'automne dernier, le ministre de l'Environnement annonçait qu'il déposerait un règlement d'ici la fin de 1996 pour obliger les entreprises à récupérer leurs produits ou à contribuer financièrement à Collecte sélective Québec, ainsi que la création – vous comprenez bien – de 1 600 emplois. Alors, au moment où on se parle, aucun emploi n'a été créé, le ministre n'a pas encore livré la marchandise et Collecte sélective Québec doit jongler avec un manque à gagner de plus de 13 000 000 $, et plusieurs des 711 municipalités qui ont cru le ministre sont en attente d'aide de Collecte sélective Québec.

Quand est-ce que le ministre va arrêter de faire des promesses et agir? Parce que, pendant qu'il ne fait rien, les municipalités attendent l'argent promis par Collecte sélective, et le taux de chômage chez les Québécois est un des plus élevés sur le continent nord-américain.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Cliche: Oui, M. le Président. Cet engagement que nous avions pris lors du Sommet de faire en sorte que l'ensemble des producteurs d'emballage de courte vie versent un droit environnemental à Collecte sélective pour étendre le réseau à la grandeur du Québec, nous allons le respecter.

Ceci dit, avec Collecte sélective, il a été trouvé plus difficile que prévu d'identifier quels étaient les producteurs d'emballage de courte vie que nous allions inclure dans ce règlement. Au moment où on se parle, le travail est pratiquement terminé. On parle de l'ordre d'entre 850 et 900 entreprises qui devront verser un minime droit environnemental pour permettre d'étendre le réseau de Collecte sélective. Et je peux assurer le critique officiel de l'opposition que cet engagement sera maintenu et que nous allons étendre à la grandeur du Québec le réseau de Collecte sélective.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député d'Orford.

M. Benoit: M. le Président, quand Collecte sélective Québec pourra-t-elle respecter ses engagements auprès des municipalités et leur verser l'argent dû pour l'implantation de ce système de recyclage? Et je rappelle au ministre qu'une seule municipalité, la ville de Sherbrooke, attend toujours le 1 000 000 $ qu'on lui a promis.

Le Président: M. le ministre.

M. Cliche: M. le Président, le 1 000 000 $ a été promis par Collecte sélective. Et je pourrai acheminer au Conseil des ministres un règlement aussitôt que nous aurons convenu avec Collecte sélective du nombre et du nom des entreprises qui devront verser un doit sur l'emballage de courte vie.

Le Président: M. le député de Marquette, en principale.


Nouvelle carte des commissions scolaires

M. Ouimet: M. le Président, selon certaines sources d'information, le Conseil des ministres aurait finalement approuvé hier la nouvelle carte des commissions scolaires. Cette carte a été dessinée cependant par des fonctionnaires du ministère sans la participation des intervenants scolaires. Les nouvelles commissions scolaires devraient voir le jour le 1er juillet 1998.

La ministre de l'Éducation peut-elle déposer cette carte en cette Chambre aujourd'hui même? Et peut-elle indiquer quel sera l'échéancier des consultations des intervenants scolaires et à quel moment le décret sera adopté?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Il n'y a pas beaucoup de nouvelles dans ce que nous dit le député, M. le Président. Ça fait déjà deux mois que j'ai annoncé qu'il y aurait effectivement une nouvelle carte des commissions scolaires, j'en ai même annoncé le nombre, enfin un nombre évidemment qui pourra varier, mais qui sera autour de 70 commissions scolaires. J'ai indiqué à quel moment j'avais l'intention de déposer cette carte – à la fin mars ou au début avril; qu'elle serait d'abord déposée, et cela va de soi, à la Table Québec–commissions scolaires; que, par la suite, il y aurait une consultation qui se tiendrait entre le moment où je déposerai la carte et le printemps, le mois de juin – il y a donc quelques mois devant nous, ce qui permettra à tous les intervenants de faire valoir leur point de vue; et, par la suite, que le gouvernement prendrait ses décisions.

Une voix: Parfait.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: Le Conseil des ministres a-t-il, oui ou non, hier, approuvé la nouvelle carte des commissions scolaires?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Le Conseil des ministres, M. le Président, a été saisi effectivement d'un projet à la séance d'hier. Il reste un certain nombre d'éléments à finaliser, à ce moment-ci, et, lorsque ces éléments seront finalisés, je procéderai comme je viens de l'indiquer au député.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: La ministre croit-elle que la date du 1er juillet 1998 est réaliste, tenant compte du fait que l'échéancier prévu dans la loi 107 démontre qu'elle est déjà en retard de plusieurs mois?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, M. le Président, lorsque je déposerai les documents utiles et pertinents, on regardera ensemble l'échéancier et on verra si effectivement celui-ci est réaliste. J'ai compris cependant qu'il y avait, de la part du député qui me pose actuellement la question, une volonté de voir à rationaliser l'ensemble de nos structures scolaires et, en ce sens-là, je suis persuadée que je pourrai compter sur son appui.

Une voix: Bien, c'est évident.

Le Président: En principale, M. le député de Westmount–Saint-Louis.


Rémunération des croupiers dans les casinos

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Le premier ministre a déclaré plusieurs fois dans cette Chambre que tous les employés de l'État devaient collaborer au rétablissement des finances publiques. On sait, par ailleurs, qu'il y a presque un an et demi les croupiers travaillant dans les différents casinos du Québec ont eu un règlement de leurs conditions de travail qui les amenait à une augmentation de 6 % de leur rémunération, dont le dernier 2 % devra être versé à partir du 1er juin qui vient.

M. le Président, puisque le président du Conseil du trésor n'est finalement pas arrivé pendant notre période de questions, j'adresserai ma question au ministre des Finances: M. le Président, dis-je, comment pouvons-nous permettre une augmentation de 6 % aux croupiers des différents casinos lorsque, au même moment, le gouvernement est en train de demander à ses employés – infirmières, enseignants – de réduire pour l'équivalent de 6 % leur masse salariale?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): D'abord, M. le Président, je vais répondre de mémoire, là. Je ne veux pas induire la Chambre ni le député en erreur. Il s'agissait d'un arbitrage, autant que je me souvienne, et ce dont vous parlez là... Le député en convient? Alors, ça change un peu les circonstances. Les deux parties s'en remettent à un arbitre, et la tradition et notre règle de droit veulent qu'on suive ce que l'arbitre a dit, premièrement. Alors, ça fait donc une différence notable.

Quant aux négociations qui se poursuivent présentement, anticipant certaines questions de l'opposition là-dessus, je me suis informé avant d'entrer en cette Chambre, et on me dit en particulier qu'à la table de la santé ça travaille très dur, très fort. Tous les syndicats, y compris la puissante Fédération des affaires sociales, sont présents et cherchent une solution. C'est tout à fait différent d'une situation d'arbitrage.

La deuxième différence, c'est le fait que nous sommes, un peu comme dans le cas d'activités industrielles et commerciales, en concurrence. Un croupier n'exerce pas une fonction de fonctionnaire, évidemment, il est en concurrence dans l'industrie nord-américaine du jeu. Et j'imagine que l'arbitre, dans l'arbitrage dont nous parlons, en a tenu compte.

Le Président: M. le député.

M. Chagnon: En additionnelle, M. le Président, j'aimerais suggérer ou apprendre au vice-premier ministre que, si les croupiers sont en concurrence avec...

(15 heures)

Le Président: Monsieur... Alors, vous savez, M. le député de Westmount–Saint-Louis, qui avez beaucoup d'expérience parlementaire, qu'à ce moment-ci vous ne pouvez pas faire de commentaires. Vous posez votre question complémentaire directement.


Rémunération des infirmières

M. Chagnon: En principale, M. le Président, puisque j'allais signaler que la réponse du vice-premier ministre à l'effet que les croupiers vivent dans un monde de concurrence, puis les prochains sont à Atlantic City ou Las Vegas, mais nos infirmières, ici, sont en concurrence avec celles de l'Ontario, celles du Nouveau-Brunswick, celles du nord-est des États-Unis puis celles d'Europe, elles sont aussi en concurrence.

M. Landry (Verchères): Dans son petit spectacle, le député a négligé que, dans l'industrie des jeux, il y a la loterie vidéo du coin et il y a l'hippodrome de Montréal, qui n'est pas aux Trois-Rivières ni à Aylmer, parce qu'il y en a deux autres là, et ni les uns ni les autres ne sont à Las Vegas.

Des voix: ...

M. Chagnon: M. le Président, doit-on apprendre du vice-premier ministre que les croupiers, on les retrouve dans les vidéopokers puis un peu partout, à l'hippodrome?

M. Landry (Verchères): Votre petit psychodrame est de plus en plus confus. J'ai parlé de l'industrie globale des jeux. Ne savez-vous pas qu'en Ontario, province voisine, il y a plus de casinos encore qu'au Québec? Ne savez-vous pas que l'industrie du jeu, qui est gérée par Loto-Québec, ne va pas chercher l'essentiel de ses revenus dans les casinos mais bien des loteries et autres genres d'activités de jeu? Alors, si vous ne connaissez pas la structure de l'industrie, ça ne me surprend pas que vous ayez posé votre question au sujet des croupiers.

M. Chagnon: M. le Président, doit-on comprendre que les croupiers auront 6 % d'augmentation, pendant que les infirmières verront leur salaire diminuer de moins 6 %?

M. Landry (Verchères): On doit comprendre, et je le répète, que les infirmières... Et j'ai eu le plaisir de participer à la rencontre où était le Syndicat des infirmières, qui est un des syndicats les plus responsables du Québec, et qu'ils sont présentement à table pour chercher une solution à un problème grave de société que manifestement le député veut faire dériver vers des considérations secondaires. Et on ne considère pas un arbitrage dûment mené comme une négociation cruciale comme celle qui a lieu présentement et dont nous espérons qu'elle va apporter la satisfaction à nos employés syndiqués comme au gouvernement.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période des questions et des réponses orales.

Il n'y a pas de réponses différées aujourd'hui, ni de votes reportés. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. À ce stade-ci, je demanderais la permission de la Chambre pour pouvoir procéder à l'avis touchant les travaux de la commission de l'aménagement et des équipements.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, compte tenu que nous avons été informés que le ministre d'État à la Métropole doit se rendre à Montréal pour 17 heures ce soir, dans ce cas-ci et par mesure exceptionnelle, il y aurait consentement, M. le Président.

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole, aujourd'hui, immédiatement jusqu'à 17 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, ainsi que le mardi 18 mars 1997, de 9 heures à midi, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May.

Le Président: Alors, nous en arrivons aux motions sans préavis. Auparavant, je demanderais aux collègues qui doivent quitter l'enceinte du salon bleu de le faire rapidement. Et, entre-temps, je vais céder le fauteuil au vice-président, le député de Saint-Maurice.

Le Vice-Président (M. Pinard): J'inviterais les députés qui ont à quitter cette enceinte de le faire le plus rapidement possible, s'il vous plaît. M. le député de Groulx, s'il vous plaît.


Motions sans préavis

Merci. Nous en sommes maintenant aux motions sans préavis. M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et de l'Immigration. M. le ministre.


Souligner la Journée mondiale des droits des consommateurs

M. Boisclair: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Journée mondiale des droits des consommateurs qui sera célébrée le 15 mars prochain.»

Le Vice-Président (M. Pinard): Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, juste pour confirmer qu'il y aura entente pour un intervenant de part et d'autre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Il y a entente? Alors, M. le ministre.


M. André Boisclair

M. Boisclair: Il vous a dit de faire ça court. Ha, ha, ha!

Alors, M. le Président, comme ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et responsable de la protection du consommateur, je suis particulièrement honoré de proposer à cette Assemblée de souligner, encore cette année, la Journée mondiale des droits des consommateurs, qui sera célébrée le 15 mars prochain.

D'entrée de jeu, M. le Président, il faut rappeler que le Québec a toujours été à l'avant-garde de la défense des consommateurs. C'est le Québec qui a adopté sa propre Loi sur la protection du consommateur, et ce, dès 1971, soit 14 ans avant la déclaration de l'Organisation des Nations unies. Il y a donc, je pense, de quoi se réjouir, de part et d'autre de cette Chambre, de cette initiative des législateurs et des parlementaires de l'époque. Il est d'autant plus important et intéressant de le faire cette année alors que nous célébrons le vingt-cinquième anniversaire de l'Office de la protection du consommateur.

Des problèmes criants et, disons-le franchement, l'exploitation, entre autres, dont étaient victimes certains consommateurs au tournant des années soixante-dix avaient rendu nécessaire la création de l'Office. En posant ce geste, les parlementaires et le gouvernement démontraient leur ferme volonté de promouvoir et de protéger les droits des consommateurs, puisqu'ils mettaient sur pied un organisme voué spécifiquement à la défense des consommateurs québécois et québécoises.

L'Office, donc, de la protection du consommateur s'acquitte sans relâche de cette tâche et de cette mission depuis sa création, en 1971. Cette mission comporte deux principaux volets. D'abord, surveiller l'application des lois sous sa responsabilité. Et, pour ce faire, M. le Président, l'Office reçoit les demandes de renseignements et les plaintes, aussi, des consommateurs et il les supporte dans leurs démarches pour régler les problèmes de consommation et pour faire respecter leurs droits. À cet effet, l'Office intervient dans certains cas auprès des commerçants afin de négocier une solution aux problèmes soumis par les consommateurs. L'Office fait aussi des enquêtes et des inspections afin de vérifier et de contrôler les pratiques commerciales. Il peut également avoir recours à des interventions médiatiques, comme le communiqué de presse, comme aussi des mises en garde, et utiliser d'autres moyens, comme celui de la mise en demeure, comme aussi celui de l'engagement volontaire et de la poursuite, en cas extrême, contre des commerçants contrevenants. Enfin, l'Office oblige certains commerçants à détenir un permis, à fournir aussi, dans certains cas, un cautionnement, ou encore il exige le maintien en fiducie de certaines sommes appartenant aux consommateurs.

En plus de sa fonction de surveillance, donc, l'Office détient également des responsabilités d'éducation et d'information de la population, qui donnent à sa mission une dimension sociale plus globale. À cela s'ajoutent la promotion et la subvention d'organismes de protection du consommateur ainsi que la réalisation d'études ou de recherches qui fournissent un support essentiel aux activités d'éducation et d'information, de surveillance de l'application de la loi.

Il va donc sans dire que les bénéfices tant économiques que sociaux qui résultent des actions de l'Office de la protection du consommateur sont considérables. De fait, sa rentabilité n'est certainement pas à démontrer. Considérant ses coûts de fonctionnement, qui se chiffrent, dis-je, à moins de 8 000 000 $, la protection du consommateur est assurée de manière exemplaire pour aussi peu que 1,14 $ par Québécois par année.

Ainsi, d'un projet législatif visant à apporter la solution à certains problèmes aigus de consommation, l'Office est devenu une véritable institution qui a marqué les rapports de la consommation québécoise dans de nombreux domaines. Son envergure dépasse celle de tout autre organisme canadien intervenant dans ce domaine, qu'il soit privé, qu'il soit, aussi, public, ce qui vaut à l'Office de la protection du consommateur, M. le Président, une notoriété et une crédibilité importantes. L'Office de la protection du consommateur est vu maintenant par l'ensemble des Québécois et des Québécoises comme le guichet unique de la population en matière de consommation. À cette occasion, M. le Président – il est important de le faire – je tiens à souligner que cette motion prend tout son sens alors que nous sommes à célébrer le vingt-cinquième anniversaire de l'Office de la protection du consommateur.

Et je terminerais, M. le Président, en partageant une pensée avec le personnel de l'Office de la protection du consommateur, en partageant aussi une pensée avec les centaines de Québécois et Québécoises qui sont engagés, dans l'action quotidienne, dans des organisations communautaires à la défense des droits des consommateurs et des consommatrices. C'est en pensant à eux que j'ai cru bon de présenter cette motion à l'Assemblée nationale. Je vous remercie.

(15 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Alors, nous cédons maintenant la parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. C'est en ma qualité de critique de l'opposition officielle en matière de protection du consommateur que je prends la parole sur la motion du ministre, et je veux indiquer tout de suite évidemment qu'on souscrit à la motion du ministre responsable des Relations avec les citoyens afin qu'on souligne la Journée mondiale des droits des consommateurs, qui sera célébrée samedi prochain. Et en souscrivant, M. le Président, il faut constater également que le gouvernement actuel, le gouvernement du Parti québécois, nage dans l'incohérence complète dans le dossier de protection des consommateurs québécois.

M. le Président, comme le ministre l'a indiqué, nos lois sur la protection du consommateur datent d'il y a plus de 35 ans. Le Parti libéral du Québec a été à l'origine de notre première loi sur la protection du consommateur, en 1971, gouvernement du Parti libéral dirigé par le regretté Robert Bourassa. Mais, depuis ce temps-là, M. le Président, beaucoup de choses ont changé dans les habitudes de consommation des Québécois et des Québécoises: on a passé au système des lecteurs optiques dans les magasins, des épiciers, l'Internet, toute la possibilité de faire des achats par Internet aujourd'hui, M. le Président, la carte de débit elle-même et d'autres formes de «smart cards» qui vont permettre aux consommateurs d'utiliser des moyens autres que le comptant pour faire leurs achats.

C'est clair, M. le Président, que l'Office de la protection du consommateur a un rôle important dans l'éducation, le service de renseignements et des études sur les habitudes de consommation au Québec. Mais il est également encore important aujourd'hui, M. le Président, en 1997, d'assurer une protection des consommateurs contre, entre autres, la publicité trompeuse et les pratiques de commerce déloyales. Ces éléments, M. le président, le mandat de surveillance de l'Office de la protection du consommateur et le mandat de poursuivre des firmes québécoises pour soit de la publicité trompeuse, commerces déloyaux ou autres, doivent demeurer une partie importante du mandat de l'Office.

Quand je parlais de l'incohérence, M. le Président, la démonstration est très simple: En réponse aux nouveaux défis en matière de protection du consommateur, le Parti québécois, le gouvernement actuel, n'a fait qu'une chose, sabrer dans le budget et les effectifs de l'Office de la protection du consommateur. Ils ont sabré, M. le Président, au point que, selon beaucoup d'observateurs, ça remet en cause la capacité de l'Office de remplir son mandat de protéger les 7 000 000 de consommateurs québécois. Je ne veux d'aucune façon, M. le Président, mettre en cause – d'aucune façon – le travail exemplaire que font les employés de l'Office, leur bonne foi. Ce qu'on remet en cause, M. le Président, c'est le fait que les compressions du gouvernement actuel remettent en cause la capacité des employés et de l'Office de remplir son mandat.

Et nous avons des chiffres à l'appui, M. le Président, des chiffres à l'appui: Le nombre d'enquêtes, à l'Office, est passé de plus de 700 en 1994-1995 à 338 en 1995-1996, diminué de moitié; le nombre de poursuites intentées contre les commerçants est passé de 320 en 1994-1995 à 130 en 1995-1996, pour une diminution de 59 %; en 1995-1996, le plus du quart des demandes de renseignements acheminées à l'Office ont été référées à d'autres organismes et même à des association de consommateurs; le nombre de plaintes traitées par l'Office est passé de 159 000 en 1994-1995 à 55 900 en 1995-1996, soit une diminution de 65 %; le nombre de dossiers réglés par médiation de l'Office est passé de 3 400 en 1994-1995 à 2 500 en 1995-1996, soit une diminution de 27 %. M. le Président, ces diminutions sont dues au fait qu'il y a deux ans le gouvernement actuel du Parti québécois a sabré de 30 % dans le budget de l'Office et éliminé 40 % des effectifs de l'Office.

Et voilà que, cette année, le 22 janvier, en commission parlementaire, le Protecteur du citoyen, Me Daniel Jacoby, concluait à peu près la même chose, appuyait la mise en garde que, nous, on a faite il y a un an quant à la capacité de l'Office de remplir son mandat. Le Protecteur du citoyen a dit, et je le cite – 22 janvier de cette année: «La constatation qu'on peut faire aujourd'hui, c'est que l'Office de la protection du consommateur, en grande partie, tient la façade, une vitrine sur l'information, et, au niveau des enquêtes, au niveau des recours pour infraction aux lois, le personnel n'est plus là. Et donc, on tient la façade au niveau de l'information, mais ça ne va pas plus loin.» Ça, c'est la constatation du Protecteur du citoyen du Québec, 22 janvier de cette année.

M. le Président, nous souscrivons à la motion du ministre responsable des Relations avec les citoyens, mais nous vous ferons remarquer également que ça prend énormément d'audace pour un gouvernement qui a amputé de l'Office de la protection du consommateur sa capacité de remplir adéquatement son mandat, ça prend beaucoup d'audace pour ces gens-là de se lever en Chambre pour souligner la journée mondiale de protection du consommateur, quand ils ont amputé de 30 % le budget, 40 % des effectifs et dont le résultat net est que l'Office n'est pas capable de remplir son mandat. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Mise aux voix

Ceci met fin à notre débat sur cette motion. Est-ce que la motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté.


Avis touchant les travaux des commissions (suite)

Nous allons maintenant passer à la rubrique Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des affaires sociales poursuivra les consultations particulières sur le livre vert intitulé «La réforme de la sécurité du revenu: un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi» aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, et le mardi 18 mars 1997, de 9 heures à 12 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader. Pour ma part, je vous avise que la commission de l'éducation se réunira aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est d'entendre les dirigeants des établissements d'enseignement de niveau supérieur quant aux rapports annuels déposés à l'Assemblée nationale en application de la loi sur les établissements d'enseignement de niveau supérieur.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

La rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Le 23 octobre dernier, j'ai posé une question sur le feuilleton au ministre de la Santé, question qui portait essentiellement sur quatre volets. De ces quatre volets, j'ai effectivement eu hier une réponse précise à un des volets, un chiffre qui correspond à une réponse. Pour les deux autres volets, le ministre me disait: Attends le projet de règlement, attends le projet de règlement. C'est peut-être compréhensible. Mais la quatrième, il s'agissait d'une liste d'attente en audiologie que j'ai demandée le 23 octobre.

La réponse que j'ai eue, je la cite, M. le Président: «Quant à la liste d'attente en audiologie, elle est en cours de validation. Dépôt à venir.» Ça a pris, semble-t-il, au ministre de la Santé quatre mois et demi pour me dire que la liste que j'ai demandée il y a quatre mois et demi est en validation, et il faut que j'attende le dépôt.

Est-ce qu'on peut savoir du leader du gouvernement quand on va avoir enfin une vraie réponse à ce volet de la question déposée le 23 octobre?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

(15 h 20)

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je crois que le ministre de la Santé et des Services sociaux a répondu du mieux qu'il pouvait à la question qui lui avait été posée. Et vous savez qu'en vertu de notre règlement on ne peut faire un rappel au règlement ou une intervention à l'effet qu'on n'est pas satisfait de la réponse qu'on a eue. Cependant, dans la réponse qui est donnée, le ministre s'est engagé, donc, à déposer quand la liste aura été validée. C'est ce que je comprends, je n'ai pas vu, là, le document. Donc, il dit qu'il y aura un dépôt d'une telle liste. Alors, dès que cette liste sera disponible, à ce moment-là, le ministre la déposera.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: M. le Président, la situation est assez claire quant à moi: Comment se fait-il qu'on me répond quatre mois et demi plus tard qu'une liste, que j'ai demandée il y a quatre mois et demi, est en validation avec un dépôt à venir? Il me semble qu'on aurait pu avoir cette réponse-là il y a fort longtemps. Pourquoi est-ce qu'on attend quatre mois et demi pour me dire: Attendez donc? Est-ce que c'est comme ça que le gouvernement répond à ses questions? C'est une drôle de façon de procéder, en tout cas!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, on savait à quel point le député de Notre-Dame-de-Grâce était impatient, donc on voulait absolument lui donner une réponse. Alors, je comprends, le ministre de la Santé a attendu un peu espérant que la validation soit peut-être plus rapide. Voyant que cette validation n'arrivait pas en temps et lieu, alors, à ce moment-là, il dit: Je vais tout de suite donner une réponse au député de Notre-Dame-de-Grâce parce que je sais, sinon, qu'il va tout de suite se lever pour demander au leader: Quand est-ce que j'aurai une réponse? Alors, on lui a donné la réponse qu'on pouvait pour le moment: En cours de validation. Dès qu'elle sera disponible, on la déposera et j'espère, à ce moment-là, que le député de Notre-Dame-de-Grâce sera satisfait de la réponse.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader.

Alors, toujours à la rubrique renseignements sur les travaux de l'Assemblée, je vous informe que l'interpellation prévue pour vendredi prochain, soit le 21 mars 1997, portera sur le sujet suivant: l'implantation de la réforme de l'éducation. M. le député de Marquette s'adressera alors à Mme la ministre de l'Éducation.


Avis touchant les travaux des commissions (suite)

Je vous prierais toutefois de revenir à la rubrique «avis touchant les travaux des commissions». J'ai omis, tout à l'heure, de vous aviser que, mardi le 18 mars 1997, il y aura consultation générale, commission de la culture, à la salle Louis-Joseph-Papineau, de 9 heures à midi et de 15 heures à 18 heures, sur les cartes d'identité et la protection de la vie privée.


Affaires du jour


Projet de loi n° 40


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Comme nous avons terminé les affaires courantes, nous allons poursuivre les affaires du jour qui ont été suspendues à midi. Alors, l'Assemblée reprend le débat suspendu ce matin sur l'adoption du principe du projet de loi n° 40, soit la Loi modifiant la Charte de la langue française.

Alors, le dernier intervenant a été le député de Chomedey, qui avait terminé son allocution. Alors, y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 40? Alors, M. le député d'Argenteuil.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Je dois vous affirmer aujourd'hui, M. le Président, d'entrée de jeu, que ce n'est pas avec grande joie que je lève pour m'adresser à cette Assemblée, car j'ai l'impression de venir perdre notre temps à essayer de défendre quelque chose qui nous apparaît aussi évident et aussi évident à toutes les communautés, aussi évident, aussi, M. le Président, qu'on a bien d'autres choses à débattre de plus important que de renouveler, de remettre en cause le problème de la langue au Québec.

La ministre de la Culture veut remettre en place sa police de la langue, et nous savons tous qu'une police, c'est une contrainte. Et la langue, c'est bien loin d'être un élément qu'on doit contrôler, comme un événement particulier, par une loi. Il serait beaucoup plus propice d'inciter les francophones à mieux parler leur langue, d'inciter les anglophones à se mêler avec les francophones et de les encourager à participer à toutes les activités que nous vivons au Québec, tous ensemble.

On a l'impression que nous avons une majorité qui est insécure, et pourtant, et pourtant, nous avons une forte majorité au Québec. Pourquoi ne pas exercer nos droits et toujours demeurer éveillés pour la protection de nos droits et de notre langue?

Ce matin, le député de Richelieu, qui d'ailleurs, on me dit, est rarement dans son comté, nous parlait que la police, c'est un fantasme, c'est un fantasme. Et un fantasme, M. le Président, je comprends mal de nous parler d'un fantasme alors qu'on nous parle d'une structure avec des employés, une structure dans laquelle on va mettre un budget. Et pourtant le député et ministre des Affaires internationales nous disait que c'était un fantasme.

La loi, elle existe, M. le Président. La loi, elle existe et elle a été appliquée. Pourquoi recréer les problèmes et faire ressurgir des conflits entre les différentes agglomérations linguistiques au Québec, alors que nous avions la paix qui nous avait été apportée par la loi 86? Pourquoi ne pas faire la promotion de notre langue et la rendre inclusive plutôt qu'exclusive? D'ailleurs, M. le Président, la ministre elle-même n'y croyait pas, puisqu'au mois d'août, en 1996, elle disait elle-même qu'elle ne croyait pas nécessaire de faire imposer une telle loi, que probablement l'aile radicale de son parti lui a imposée. Je cite les écrits de Michel David dans son article du mois d'août, où il disait: «Quand la ministre Louise Beaudoin avait présenté son bouquet de mesures, au début d'avril, elle avait clairement indiqué qu'il n'était pas nécessaire de reconstituer la Commission de protection de la langue française abolie en 1993.»

Hier, elle en parlait comme d'un outil essentiel au respect de la Charte. M. le Président, qu'est-ce qui est arrivé entre les deux? Il a dû y avoir des pressions, si la ministre n'y croyait pas et que, tout d'un coup, elle revient à sa police de la langue. Elle a dû avoir des pressions indues.

On est conscient, M. le Président, du moins, en tout cas, dans la région de Montréal, que la langue française ne s'est jamais aussi bien portée. On ne s'est jamais aussi bien portés. On a l'impression que le traitement qu'elle veut appliquer, c'est un traitement de choc, M. le Président. Elle va finir par tuer le patient, hein? Si le patient lui dit, lui répète: Ça ne me va pas, ce que vous me donnez, ça me fait mal, je me sens mal, je me sens incapable de supporter un tel traitement et qu'elle continue à le lui donner, son traitement, elle va finir par le faire mourir. Le problème qu'elle essaie de régler, M. le Président, elle ne fera pas disparaître le problème, elle va le faire ressurgir. Parce que le problème, c'est le patient qui était calme, était bien soumis, et on va ramener les conflits.

Combien de nous se souviennent qu'il y a 45, 50 ans – ou du moins par leurs lectures – le conseil de ville de Montréal se tenait en anglais. J'ai assisté moi-même, M. le Président, à des réunions de la Fondation des maladies du coeur, lesquelles se tenaient en anglais parce qu'il y avait des gens qui étaient des anglophones. Je vous défie de trouver une réunion aujourd'hui, de tous les organismes officiels, qui se tient en anglais parce qu'il y a un anglophone. Ils ont tous appris la langue du Québec, qui est le français, la langue de la majorité. Ils se conforment à l'utilisation de la langue par la majorité, qui est la langue commune, la langue de travail.

Aujourd'hui, la ministre veut nous imposer une police alors qu'on n'en a pas besoin. On voudrait changer dans une courte période de temps, quelques années, une situation qui a perduré pendant 100 ans. Depuis 30 ans on fait des progrès avec la langue française au Québec, M. le Président, et aujourd'hui on nous parle de ramener une police de la langue.

M. le Président, si on est si fiers de notre langue, qu'on commence donc par la parler comme il faut, avec un langage qui soit approprié, et, notre langue, elle sera protégée non pas par les autres, non pas par des mesures coercitives, mais par des mesures incitatives... à favoriser les gens d'une autre communauté à apprendre notre langue et à la partager avec la majorité.

(15 h 30)

M. le Président, nous avions une réconciliation qui avait été apportée par la loi 86. On avait la paix. Aujourd'hui, on se prépare à nouveau à des conflits, à des problèmes, et on demande à la région de Montréal, qui est une région particulière, où la majorité des anglophones et des allophones demeurent, on leur demande de fonctionner dans une seule langue et de faire abstraction de tout le restant. C'est comme si la région de Chicoutimi se voyait imposer par la région de Montréal une façon de fonctionner. Ils ne l'apprécieraient pas. Mais pourtant, M. le Président, c'est les régions de Chicoutimi, du Bas-du-Fleuve ou du Nord-du-Québec qui vont imposer à la région de Montréal leur façon de voir les choses. La région de Montréal a un mode de fonctionnement qui lui est particulier. Qu'on le respecte, tout comme on respecte, de la région de Montréal, qu'à Chicoutimi ça se passe en français parce qu'il n'y a pas d'anglophones, que dans le Bas-du-Fleuve ça se passe en français parce qu'il n'y a pas d'anglophones. Mais, à Montréal, il y en a des anglophones, et il faut les respecter, et je pense que c'est important qu'on voie à cette situation.

En plus, la ministre, elle oublie la nature des coûts. Aujourd'hui, on nous parle de coupures, de fermetures de lits, de fermetures d'hôpitaux, de fermetures de toutes sortes d'organismes et en même temps on nous dit: On va mettre une nouvelle structure en place. Et elle dit: Ah bien! ça ne coûtera pas très cher. Elle devrait relire le témoignage de M. Serge Turgeon – je ne pense pas que son affiliation avec le parti ministériel puisse être mise en doute – qui lui disait: «Il n'y a pas, Mme la ministre, de petites économies.» Il n'y en pas de petites économies. Alors, il est temps que la ministre se soumette à ce genre d'argument pour comprendre que la police de la langue, nous n'en avons pas besoin.

Le gouvernement devrait prendre comme responsabilité de transmettre à nos enfants la langue qui nous tient tant à coeur, la belle langue française. Et c'est en communiquant à nos enfants et en leur transmettant notre héritage que nous pourrons assurer la survie de notre langue dans cette terre d'Amérique. Vous savez, si on recule d'il y a une quinzaine d'années, les communistes avaient très bien compris ce mode de fonctionnement. Lorsqu'ils ont envahi l'Afghanistan, la première chose qu'ils ont faite: ils ont pris tous les professeurs, ils les ont changé et ils ont mis des communistes. Ils étaient sûrs que, par ce mode de fonctionnement, les enfants élevés et éduqués dans une formation communiste le seraient éventuellement.

D'ailleurs, c'est un phénomène que les professeurs au Québec semblent avoir un peu compris, pas sur le même problème, mais sur la séparation du Québec. Alors, ils ont sûrement lu «The organization of weapons», par Phillip Felznik, qui disait très bien: Transmettez des notions aux enfants, et à long terme ils vont vous croire et vont finir par évoluer avec le même cheminement que vous faites. D'où notre jeunesse, aujourd'hui, qui s'en va et qui, en nombre important, a la notion de la séparation du Québec, parce que les professeurs le font. Mais, au lieu de s'occuper de transmettre la notion de séparation dans les écoles, il serait beaucoup mieux de transmettre la notion du bon français. Qu'on commence à avoir nos enfants qui parlent un français impeccable et on n'aura pas peur de perdre notre langue au Québec, on n'aura pas peur de faire face à qui que ce soit parce que nous aurons la fierté de notre langue et la capacité de la parler comme on se doit de la parler. La promotion de la langue française, ça passe d'abord et avant tout par la transmission de notre héritage à nos enfants. Et malheureusement ce que nous voyons dans les écoles, aujourd'hui, ce n'est sûrement pas l'héritage que nous avons heureusement reçu par le passé.

Dans le beau comté d'Argenteuil, il y a quand même une importante communauté anglophone de 16 %. Et ces gens avaient la paix, ils fonctionnent en paix avec la communauté francophone du milieu. Il n'y a pas de problème, on se parle en anglais, on se parle en français; tout est pour le mieux. Mais aujourd'hui on va leur envoyer la police de la langue, M. le Président, on va les faire surveiller. Ces gens respectent la majorité. Et on fonctionne en paix entre nous. On n'a pas besoin de police de la langue, on n'a besoin de personne pour protéger le français. On essaie de le parler le mieux possible et de le transmettre à nos enfants le mieux possible. Et c'est comme ça, avec la fierté que nous avons de notre langue, que nous allons être capable de la protéger, au Québec.

La loi 86 avait ramené cette paix sociale. Et la ministre, aujourd'hui, par son projet de loi et sa Commission de protection de la langue française, communément appelée la police de la langue, remet de l'huile sur le feu. Elle va ramener les conflits. Moi, M. le Président, en terminant, je demande à la ministre de retirer cette partie de sa loi concernant la police de la langue française pour que, nous, au Québec, nous continuions à vivre en paix avec les différentes communautés qui nous entourent, qui gravitent autour et qui échangent avec nous, qui ont le respect de la majorité et de la langue commune, comme disait si bien M. Turgeon, la langue du Québec, la langue dont nous sommes fiers et la langue qui n'est pas le français de France, mais qui a toutes ses beautés et ses valeurs, et c'est celle-là qu'on veut transmettre à nos enfants. Et commençons par la transmettre à l'école, que ce soit dans les communautés allophones ou dans les communautés francophones, pour que nous puissions en profiter à long terme et que nous arrêtions de ramener ce sujet à chaque période pour mettre de l'huile sur le feu et continuer ce même conflit. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député d'Argenteuil. Nous céderons maintenant la parole au député de Frontenac et leader adjoint de l'opposition. M. le leader adjoint.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Nous avons repris les travaux de l'Assemblée nationale mardi de cette semaine, après une suspension, un ajournement de ses travaux de trois mois. On a terminé, si je me souviens bien, les travaux de la session d'automne, sauf erreur, le 19 décembre. Alors, trois mois sans qu'on puisse, comme parlementaires, débattre des grandes questions qui préoccupent les Québécois et les Québécoises.

Voici que le premier débat qui est soumis à l'attention des parlementaires – si on oublie évidemment la période quotidienne des questions – le premier débat qui touche les législations soumises à l'attention des parlementaires, ça ne touche pas, ça ne rejoint pas les problèmes quotidiens des Québécois tels que l'emploi, tels que le chômage, tels que les questions extrêmement préoccupantes du développement régional, de la santé et de l'éducation. Non, M. le Président, on soumet à notre attention un faux problème: la question de la langue au Québec. Et, de notre côté, du côté de l'opposition officielle, on ne peut conclure autrement que de retrouver dans cette démarche du gouvernement des motifs obscurs, mais, pour ce qu'on peut comprendre, évidemment d'abord et avant tout des motifs politiques.

Ce projet de loi n° 40, qui essentiellement se limite à vouloir calmer les radicaux du Parti québécois, a pour objet de recréer la Commission de protection de la langue française dont personne ne veut au Québec, sauf une certaine faction que l'on retrouve à l'intérieur du Parti québécois dont est issu ce gouvernement qui est en face de nous; et pas tous les péquistes, M. le Président, pas du tout: les radicaux, un certain nombre de péquistes que l'on retrouve au Québec et qui sont plus à gauche, plus à droite que la majorité des partisans du Parti québécois. Et le premier ministre, sa ministre et certains membres du cabinet ont voulu acheter la paix avec cette clientèle.

Vous savez, le projet de loi n° 40, M. le Président, c'est la vieille stratégie: diviser pour mieux régner. On retrouve dans ce projet de loi encore une fois la philosophie du Parti québécois, qui est essentiellement un gouvernement qui est d'abord préoccupé par l'intérêt de ses membres, de sa clientèle plutôt que d'avoir à l'esprit l'intérêt de tous les Québécois et de toutes les Québécoises, peu importe où on les retrouve au Québec.

(15 h 40)

Le projet de loi n° 40, on en a parlé pour la première fois à l'occasion de la première étape de la discussion, du débat sur la première étape, qui est, on le sait, M. le Président, le débat sur le principe. C'est la deuxième étape, en réalité, parce que, dans un premier temps, au niveau du processus législatif, il y a le dépôt du projet de loi. On a abordé le principe le 12 décembre 1996, et, au préalable, avant le 12 décembre 1996, il y avait eu des consultations, on s'en souviendra, aux mois d'août et septembre derniers. Une cinquantaine de groupes ont été entendus, et, de façon générale et globale, le message qu'on a adressé au gouvernement à l'occasion de ces auditions et également autrement, soit par des réactions de groupes normalement sympathiques ou des leaders d'opinion au Québec normalement sympathiques au gouvernement du Parti québécois, ça a été: Pourquoi recréer la Commission de la protection de la langue française? Pourquoi remettre en place la police de la langue alors qu'on ne retrouve pas, au Québec, nulle part au Québec, y compris sur l'île de Montréal, de motifs justifiant une telle décision du gouvernement du Québec? Et j'aurai l'occasion tout à l'heure de pointer de façon plus précise ceux et celles qui ont indiqué très clairement au gouvernement – je parle de leaders d'opinion – ne pas être, et pas du tout, d'accord avec la démarche gouvernementale.

M. le Président, si on fait un court rappel à l'histoire et, entre autres, à ce que le Parti libéral du Québec a fait quant à la protection, à l'amélioration de la langue française, on se souviendra – et on en est très fier, du côté de l'opposition – que c'est le Parti libéral du Québec, par la loi 22, en 1974, qui avait décrété que la langue française était la langue officielle au Québec. Alors, dans ce sens-là, on n'a pas évidemment de leçons à recevoir des ministériels quant à la volonté que l'on a, comme membres de l'opposition officielle, du Parti libéral du Québec, de protéger le français, d'améliorer le français.

J'entendais tout à l'heure mon collègue député d'Argenteuil exprimer d'une façon très concrète comment lui et les membres de l'opposition officielle et plein d'autres citoyens et citoyennes du Québec comprennent comment on doit protéger le français, sinon par des encadrements nécessaires. Ce n'est pas par de la législation, mais c'est essentiellement par de la promotion, par des gestes positifs adressés à tous les Québécois et Québécoises, mais sûrement pas avec la stratégie que l'on retrouve dans cette proposition d'adopter le projet de loi n° 40.

M. le Président, on s'en souviendra, il y avait eu des débats, pas nécessairement faciles, y compris dans notre formation et ailleurs. L'adoption du projet de loi 86, en juin 1993, ça suivait une décision de la Cour suprême. Je ne veux pas insister là-dessus, sinon pour rappeler à ceux et celles qui nous écoutent que, à l'époque, justement le député d'Argenteuil du temps, M. Claude Ryan, qui avait la responsabilité de la protection du français, la responsabilité d'administrer la Charte de la langue française, avait... Et ça avait été salué, j'oserais dire, partout au Québec, comme étant une décision dans laquelle on retrouvait un juste équilibre. Essentiellement, ça a été ça, le projet de loi 86, qui est encore évidemment en vigueur. Je me souviens qu'à l'époque même des députés du Parti québécois, sur l'essentiel, avaient rejoint les objectifs du ministre du temps, M. Ryan, et du gouvernement de Robert Bourassa.

Comment les Québécois peuvent-ils comprendre, comme je le disais en introduction tout à l'heure, qu'on arrive hier, mercredi, encore une fois, alors qu'on vit une situation économique extrêmement préoccupante – c'est le moins qu'on puisse dire... Comment les Québécois et les Québécoises peuvent-ils suivre le gouvernement dans cette décision de revenir avec ce débat commencé, comme je l'indiquais tout à l'heure, en décembre dernier et au préalable par des consultations? On aurait espéré, du côté de l'opposition, que le gouvernement aurait eu le temps, pendant cette interruption de trois mois, de comprendre que ce n'était pas ce qui préoccupait les Québécois, de comprendre également, après les avertissements qu'on avait servis au gouvernement, que ce n'était pas nécessaire de recréer cette police de la langue.

Il n'y a pas, comme je l'indiquais tout à l'heure, que l'opposition qui dit au gouvernement et à sa ministre: Vous faites fausse route. En juin 1996, j'ai ici un texte de La Presse , le titre, c'est: «Personne ne veut de la Commission de protection de la langue française». La Fédération des travailleurs du Québec, dans un mémoire qui mettait beaucoup plus l'accent sur la francisation des lieux de travail, est venue dire qu'elle verrait d'un bon oeil que l'Office de la langue française assume... est venue dire que la Commission de protection de la langue française n'était absolument pas et, d'aucune façon, nécessaire.

M. le Président, la CSN demande à Québec de surseoir au projet de loi n° 40. Gérald Larose, ce n'est pas ce qu'on peut qualifier d'un allié, dans son travail quotidien, du Parti libéral du Québec, on peut considérer à la rigueur que Gérald Larose serait apolitique dans ses prises de position, et, lorsque M. Larose dit ceci... Le président de la CSN, Gérald Larose, que la ministre connaît sûrement très, très bien, elle a eu l'occasion, j'en suis convaincu de discuter avec Gérald Larose de sa position, de sa vision de la protection, de l'amélioration du français au Québec. Est-ce que Gérald Larose est d'accord avec l'objectif recherché par le projet de loi n° 40, qui est la remise en place de la Commission de protection de la langue française? Le président de la CSN, Gérald Larose, avait formulé des réserves à l'endroit de la Commission de la protection: «Il ne faut pas jouer inutilement avec les irritants, avait-il dit. Ce n'est pas nécessairement de ça que nous avons besoin, mais plutôt d'un message clair qui dit qu'il n'y a pas d'avenir en dehors d'une place toujours plus grande pour le français au Québec.»

Alors, Gérald Larose est carrément en désaccord avec l'objectif recherché par Mme la ministre, qui est d'instituer la Commission de protection de la langue française. «84,5% des personnes interrogées au Québec – et c'est récent, le 4 septembre 1996 – désirent le maintien de la loi 86.» Il n'y a pas que les libéraux qui pourraient, de façon un petit peu reprochable, étant donné que la loi 86, M. le Président... On pourrait nous reprocher de manquer d'objectivité. C'est un projet de loi, j'en ai parlé tout à l'heure, qui a été initié, voté à l'Assemblée nationale sur l'initiative du député d'Argenteuil du temps. On pourrait dire: Bien oui, il y a les libéraux qui y tiennent à tout prix parce qu'ils en sont les parrains. Mais 84,5 % des Québécois considèrent qu'on a eu, avec 86, la paix et qu'on a encore la paix linguistique. Et les Québécois, à 85 %, disent, au gouvernement du Parti québécois, comme Gérald Larose: Pourquoi reprendre un débat qui risque et qui va nécessairement diviser les Québécois? C'est ça, le message qu'on adresse à Mme la ministre.

Mais Mme la ministre et son gouvernement et son premier ministre n'ont pas la marge de manoeuvre qu'ils souhaiteraient avoir; ils sont poussés, acculés au mur par les radicaux que l'on retrouve à l'intérieur du Parti québécois. Et le premier ministre aime mieux risquer, pour avoir la paix avec ceux et celles qu'on qualifie – et je me répète – de radicaux à l'intérieur du Parti québécois, pour avoir la paix avec ces gens-là, on aime mieux prendre des risques de provoquer un débat linguistique absolument inutile et de diviser encore une fois les Québécois sur quelque chose d'aussi fondamental. C'est ça, les risques qu'on prend de ce côté-là, et on les prend de façon absolument consciente, M. le Président. C'est encore plus reprochable.

(15 h 50)

Michel David, M. le Président, disait, au mois d'août dernier, au moment où le projet de loi a été déposé, ou au moment où les auditions commençaient, ou on était en cours d'auditions: «Ressusciter la police de la langue ne peut être perçu autrement que comme une provocation. Il ne faut pas prendre les gens pour des valises. Entre le début et la fin d'avril, quand ce virage a été effectué, rien de particulier n'est survenu, au Québec, si ce n'est la tenue du Conseil national du Parti québécois. La situation toujours fragile du français commandait peut-être des mesures plus musclées, mais la façon dont le projet de loi n° 40 a été amené témoigne d'un opportunisme tel que même les anglophones les plus sensibles à cette nécessité ne peuvent qu'en être choqués.» Ce n'est pas les libéraux qui disent ça, c'est Michel David, très sévère. Et c'est comme ça partout. Au moment où on a à nouveau initié ce débat-là, c'était à peu près unanime qu'on faisait fausse route, du côté du gouvernement. Et, pour plusieurs, on s'interrogeait sur les motifs. Et, avec le temps, on a compris. On a compris ce qui motivait le gouvernement de M. le premier ministre à ramener ce débat absolument inutile.

Ce que les Québécois souhaiteraient du gouvernement du Parti québécois, c'est qu'on crée de l'emploi, qu'on diminue le chômage. Depuis l'arrivée du premier ministre, du nouveau premier ministre, sur les 15 régions administratives, au Québec, 12 se retrouvent aujourd'hui, plus ou moins un an plus tard... Un an après l'arrivée du nouveau premier ministre, 12 des 15 régions ont dû subir une augmentation du taux de chômage. En 1996, au Canada, le Québec est considéré comme étant le champion quant au record de ses faillites: 42 % des sociétés qui, au Canada, ont fait faillite se retrouvent au Québec.

Augmentation du taux de chômage dans 12 régions sur 15, championnat des faillites, au Québec, M. le Président, et on parle de quoi? De diviser les Québécois. On parle de quoi, M. le Président? D'un problème qui n'existe pas, sinon à l'intérieur de la formation politique dont est issu le gouvernement. On parle de quoi, M. le Président, hier et aujourd'hui? Pas de chômage, pas d'emplois, on parle de faux problèmes.

Pendant qu'on discute aujourd'hui de la police de la langue, bien, la vraie police qu'est la Sûreté du Québec, dirigée par un ministre fantôme incapable de prendre ses responsabilités, pendant qu'on discute de la langue, la vraie police qu'est la Sûreté du Québec est incapable de régler les vrais problèmes, les vraies questions de sécurité au Québec, c'est-à-dire la sécurité physique des citoyens. On a eu droit hier à des réponses absolument incroyables du ministre de la Sécurité publique sur le drame que vivent les citoyens et les citoyennes de la vieille capitale et d'une petite municipalité qui s'appelle Saint-Nicolas.

M. Simard: Pertinence!

M. Lefebvre: Oui, M. le Président, comme le député de Richelieu le dit, c'est très pertinent. Il a raison, c'est vrai que c'est pertinent de faire un parallèle entre la police de la langue, qui va coûter je ne sais pas combien de millions, si jamais Mme la ministre persiste dans son intention, et la Sûreté du Québec qui, au dire du premier ministre et de son gouvernement, manque... Au dire... Évidemment, jamais on ne viendra avouer qu'on a coupé les vivres de la Sûreté du Québec sans mesurer les conséquences; mais c'est ce qui s'est produit. La Sûreté du Québec est incapable – au moment où on se parle, c'est à tout le moins les questions qu'on doit se poser – de régler les problèmes qui la confrontent parce qu'elle est dirigée par un ministre qui fait preuve d'un leadership absolument désolant. Puis, ne pas avoir de leadership dans un dossier aussi important que la sécurité des citoyens...

Je comprends, le député de Richelieu, ça le fait rire, il trouve ça drôle, lorsque je parle des drames que les Québécois vivent, les Québécois et les Québécoises de la ville de Québec, la population de Saint-Nicolas. Pour le député de Richelieu, ce n'est pas un problème, ça: ils ont à vivre avec les conséquences de l'incapacité de son gouvernement à régler des problèmes quotidiens. Mais en inventer, des problèmes, ça, c'est ce qu'on fait, M. le Président, avec le projet de loi n° 40, de sorte qu'on peut masquer la réalité des choses.

L'opposition va faire son travail. On est en désaccord avec l'objectif visé par le projet de loi n° 40. Cependant, dans le but de permettre à nos collègues d'en face peut-être d'éclairer l'opposition et également dans le but de permettre à Mme la ministre, qui est parraine ou marraine du projet de loi, marraine du projet de loi n° 40, d'éclairer ses propres collègues, on va proposer, de notre côté, de scinder le projet de loi. Hein? Pourquoi? Parce que, même si on est en désaccord avec l'ensemble et toutes ses dispositions, si, par hypothèse, le gouvernement consentait à scinder le projet de loi, peut-être, à tout le moins, qu'on pourrait avoir un discours un peu plus cohérent et peut-être qu'on pourrait, sans nécessairement voter pour l'un ou l'autre des blocs du projet de loi, pour l'un ou l'autre des deux blocs même si, et je le dis tout de suite à mes collègues d'en face, la motion de scission est considérée recevable, puis je suis convaincu que vous arriverez à cette décision-là... Et, si mes collègues d'en face, avec en tête Mme la ministre, consentaient à ce qu'il y ait un débat sur un bloc et un autre débat sur un autre bloc, deux principes bien différents, probablement qu'on ne nous ralliera pas, mais au moins on sera en désaccord mais dans une certaine logique, et les collègues d'en face auront compris que l'opposition, encore une fois, aura fait son travail au moins d'identifier dans le projet de loi n° 40 deux principes très différents, puis c'est ce que le règlement nous permet de faire, à l'article 241.


Motion de scission

Alors, c'est la motion que je propose:

«Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi n° 40 soit scindé en deux projets de loi: un premier intitulé Loi modifiant la Charte de la langue française, comprenant les articles 1 à 10, 13 à 16 et 20; et un deuxième intitulé Loi constituant la Commission de protection de la langue française, comprenant les articles 11, 12, 17 et 19.»

Et, à moins que vous m'indiquiez que vous considérez... Et je ne serais pas surpris, M. le Président, que vous me disiez tout de suite: M. le député de Frontenac, votre motion, elle est recevable. Si ce n'est pas le cas, bien, j'inviterais – parce que vous savez que et la coutume et la jurisprudence nous permettent de le faire – M. le député d'Outremont, qui est porte-parole en cette matière du côté de l'opposition officielle, à bien vouloir vous donner quelques explications sur les raisons qui justifieraient votre décision de déclarer recevable cette motion de scission que je viens de déposer. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. La motion est déposée?

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, comme vous connaissez tous notre règlement de l'Assemblée nationale, à l'article 206, il est dit: «Le président décide si la motion peut être scindée.» Alors, avant toutefois de prendre une décision sur la recevabilité et afin de permettre à la partie ministérielle d'examiner cette motion de scission, je vais suspendre les travaux pendant une période de 10 minutes. M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Lefebvre: ...M. le Président, que vous ne délibérez pas sur la recevabilité, là.

Le Vice-Président (M. Pinard): Immédiatement? Non. Je vais...

M. Lefebvre: Parce que j'ai...

Le Vice-Président (M. Pinard): Le but de l'exercice, actuellement, c'est de permettre à la partie ministérielle d'examiner votre motion de scission, et je reviendrai dans 10 minutes pour vous entendre de part et d'autre, brièvement toutefois, et, par la suite, je prendrai tout ça en délibéré.

Une voix: Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous suspendons les travaux pendant 10 minutes.

(Suspension de la séance à 16 heures)

(Reprise à 16 h 17)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Alors, nous étions à la motion de scission présentée par l'opposition officielle. M. le leader adjoint du gouvernement, est-ce que vous...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui?


Débat sur la recevabilité


M. Jacques Brassard

M. Brassard: J'aurais quelques remarques à faire. M. le Président, il s'agit essentiellement d'un projet de loi qui, comme vous le savez, modifie une seule loi qui est la Charte de la langue française. Il est bon de rappeler que la Charte de la langue française vise à assurer une meilleure protection des droits fondamentaux linguistiques, droits fondamentaux qui sont bien décrits et bien identifiés dans la Charte. Et l'objet du projet de loi n° 40 est très simple, c'est d'une limpidité que je qualifierais presque d'absolue, c'est d'introduire ou de prévoir de nouveaux outils, de nouveaux moyens, d'autres instruments que ceux qu'on retrouve dans la Charte de la langue française pour mieux assurer la protection du français au Québec. Essentiellement, c'est ça.

Alors, c'est ce qu'on retrouve dans le projet de loi n° 40. Ce sont ces nouveaux outils, ces nouveaux moyens pour mieux assurer la protection de la langue française au Québec. Parmi ceux-ci, évidemment, il y a la Commission de la langue française. Je conviens que c'est le principal moyen qui est prévu dans le projet de loi pour atteindre cet objectif de mieux assurer la protection du français au Québec. D'ailleurs, il suffit d'entendre les allocutions des députés de l'opposition pour s'en rendre compte. Ce dont ils parlent surtout, c'est de la Commission, la création de la Commission. Donc, il va sans dire qu'effectivement c'est le principal moyen qu'on prévoit dans le projet de loi n° 40 pour assurer la protection de la langue française. Mais il y en a d'autres également. Il y a des dispositions concernant les logiciels, par exemple. C'était moins évident au moment de l'adoption de la Charte, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, mais maintenant, à l'époque où on vit, compte tenu de l'importance des moyens informatiques, de l'apparition de l'autoroute de l'information, etc., il est devenu important de prévoir des dispositions concernant les logiciels, encore une fois, toujours pour viser le même objectif qui est d'assurer la protection des droits fondamentaux linguistiques, la protection du français au Québec. On prévoit aussi des dispositions pénales, toujours évidemment pour viser le même objectif.

(16 h 20)

Alors, M. le Président, je pense que la motion de scission ne m'apparaît pas, quant à moi, recevable. Il y a des décisions qui ont été rendues antérieurement qui indiquent bien que... Il y a un premier critère qui veut que chaque partie d'un projet de loi doit être perçue comme une fraction d'un tout, une partie d'un tout; le tout constituant le principe. Je pense que, manifestement, dans le cas du projet de loi n° 40, c'est évident qu'il y a un principe qu'on retrouve dans la Charte, mieux assurer la protection de la langue française, et on y ajoute, par le projet de loi n° 40, un certain nombre de nouveaux moyens, de nouveaux outils, dont la Commission. Tout cela forme un tout.

Manifestement, M. le Président, et, dans les circonstances, il me semble que la présidence devrait déclarer irrecevable la motion de scission et considérer que ce projet de loi constitue un tout, qu'il a un seul principe, plusieurs modalités, j'en conviens, mais un seul principe et qu'il n'y a pas lieu de recevoir la motion présentée, la motion de scission présentée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader adjoint du gouvernement. Nous cédons maintenant, pour votre argumentaire, M. le député d'Outremont.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean se fait une notion fort élastique de ce qu'on entend par la promotion d'une langue. Le député du Lac-Saint-Jean n'a sûrement pas beaucoup réfléchi à ce qu'on appelle communément les conséquences non anticipées et, bien souvent, perverses de l'action volontaire.

M. le Président, l'une des raisons pour laquelle cette motion de scission devrait être acceptée par vous, c'est que – et ça, on aura amplement l'occasion d'en débattre, je l'ai mentionné déjà à maintes reprises – les mesures prévues par la loi n° 40 en matière de contrôle et de surveillance auront, de façon prévisible, des conséquences contraires à celles qu'on peut viser lorsqu'on parle de promotion de la langue.

Donc, M. le Président, le règlement énonce que toute motion de fond peut être scindée lorsqu'elle contient plusieurs principes pouvant faire chacun l'objet d'une motion distincte; et, dans le cas du projet de loi n° 40, M. le Président, deux principes sont, de toute évidence, en cause, et même trois principes, puisqu'il y a une partie de cette législation qui contient des mesures visant à préciser l'exercice des fonctions des personnes qui sont appelées à diriger les organismes administratifs de la Charte. Donc, dans un sens, il y a trois principes, mais je m'en tiendrai surtout aux deux principes qu'on a mentionnés jusqu'ici.

Un premier principe concerne la promotion, je dis bien la promotion, de l'utilisation du français dans un domaine particulier, à savoir l'informatique grand public: les logiciels, les judiciels, les systèmes d'exploitation, qu'on pense à Windows, qu'on pense à Office, qu'on pense à Quicken, il y a énormément de ces systèmes d'exploitation ou de ces logiciels qui sont d'usage grand public. C'est un aspect important des mesures qui sont prévues au projet de loi n° 40, même si ces mesures sont évidemment moins nombreuses que celles qui concernent le deuxième principe, à savoir la création ou le rétablissement d'une commission de protection de la langue française. Et j'ai bien dit «d'une commission» plutôt que «de la Commission», parce que l'organisme qu'on est en train de rétablir, ce n'est pas, mais ce n'est pas du tout l'organisme qui existait avant l'adoption de la loi 86 et que j'ai présidé moi-même durant une année, alors que j'étais président de la Commission de protection de la langue française. Je l'ai dit lors du débat en commission parlementaire, contrairement à ce que veut nous faire accroire la ministre, ce qui sort du tombeau avec la loi n° 40, ce n'est pas Lazare, c'est Frankenstein. Et, dans ce sens-là, il est évident, à nos yeux – et j'espère que ça le deviendra aux vôtres, M. le Président – que la motion de scission est une motion qui est entièrement opportune.

Donc, la motion de scission est entièrement recevable, à nos yeux, et j'ai à plaider qu'elle devrait l'être aux vôtres, M. le Président. Je vais vous donner quatre raisons pour lesquelles ça devrait être le cas. Je commencerai, M. le Président, par l'argument qui me... Pardon?

Le Vice-Président (M. Pinard): ...M. le député d'Outremont, à ce stade-ci, vous n'avez pas à me donner les arguments pour lesquels vous allez voter pour ou contre. Ce dont j'ai besoin et très rapidement... Parce que je ne suis même pas tenu d'entendre des argumentaires de part et d'autre. À ce stade-ci, vous n'êtes pas en allocution, vous êtes en plaidoirie. Donc, ce que j'ai besoin de savoir: Quels sont les arguments sur lesquels je devrais m'asseoir pour décider que la motion de scission est acceptable pour moi?

M. Laporte: C'est précisément ce que je suis en train de faire, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, j'apprécierais, à ce stade-ci, que vous accélériez, s'il vous plaît.

M. Laporte: Vous savez que, moi, je ne suis pas un juriste, mais ça ne me rend pas bête pour autant, et je pense que je peux vous exposer, ainsi que vous venez de le demander, les arguments qui me paraissent plaider en faveur d'une scission.

Le premier argument, M. le Président, c'est celui qui vous convaincra peut-être le plus aisément, je pense, qu'il est dans l'intérêt du gouvernement d'accepter cette motion de scission. En effet, le projet de loi n° 40 de la ministre de la Culture et des Communications contient des mesures opportunes, mais il contient aussi des mesures que nous jugeons inopportunes. Et il faudrait, je pense, dans l'intérêt du gouvernement – dans l'intérêt du gouvernement, n'est-ce pas – séparer ces mesures opportunes de ces mesures inopportunes, puisque, évidemment, dans un cas, les coûts et les bénéfices pour le gouvernement seront évidemment très différents de ce qu'ils devraient être dans l'autre cas.

Deuxièmement, une autre raison pour laquelle la scission nous apparaît opportune, c'est qu'il serait dans l'intérêt du Québec que le projet soit scindé. M. le Président, la partie de la loi n° 40 qui traite de la Commission de protection de la langue française risque de ternir l'opinion, la réputation qu'on se fait du Québec à l'extérieur de nos murs. La Commission de protection de la langue française, qu'on appelle communément la police de la langue, est un dispositif, et on ne retrouve nulle part de dispositifs comparables à l'échelle des sociétés occidentales.

Donc, le gouvernement et l'opposition, de par son rôle d'opposition responsable, de par sa volonté d'agir de façon responsable, l'opposition se doit d'essayer de vous convaincre que, dans le meilleur intérêt de la réputation du Québec à l'échelle mondiale, il est important que nous discutions séparément des mesures qui sont prévues dans la loi n° 40, parce que, ainsi que je vous l'ai mentionné tantôt, il y a de bonnes mesures et qu'elles méritent d'être évaluées selon le cas, alors qu'il y a de mauvaises mesures et qui, elles, doivent aussi être évaluées, selon le cas, parce que, si le gouvernement, comme on peut le prévoir, s'entête à vouloir...

(16 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): J'ai compris cet argument. Je vous prierais maintenant d'avoir votre troisième argument.

M. Laporte: Le troisième argument...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, s'il vous plaît.

M. Laporte: ...M. le Président?

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui.

M. Laporte: C'est que c'est dans l'intérêt du français de faire cette scission, puisque – et ça, c'est un argument qui est fondamental – si on veut assurer le plus large ralliement de la population québécoise derrière l'objectif de promotion du français, eh bien, ce n'est pas en ayant recours à des mesures outrageusement coercitives et punitives, ainsi que l'ont mentionné bon nombre d'éditorialistes et bon nombre des personnes et des groupes qui se sont présentés devant nous, donc ce n'est pas de cette façon-là qu'on peut mieux servir l'intérêt de notre langue.

Et puis finalement, eh bien, il y a un autre argument qui milite en faveur de la scission, c'est que, comme je l'ai mentionné plus tôt, puisqu'il y a dans cette loi des mesures qui sont de bonnes mesures, qui sont des mesures acceptables, mais qui sont des mesures qui pourraient être rendues plus efficaces, plus capables d'une application efficace de la loi, il me semble que c'est évidemment le rôle d'une opposition responsable de faire savoir au gouvernement comment ces mesures pourraient être améliorées, et pour éviter, je le répète, la confusion des mesures, il serait donc à mon avis très opportun qu'on en discute séparément.

Donc, en conclusion, je ne veux pas retenir plus longuement votre attention, M. le Président, nous sommes donc en présence de classes de mesures qui sont très différentes les unes des autres. Les unes devraient avoir des bons effets, les autres devraient avoir de mauvais effets, et, pour cette raison, pour ces raisons-là, je pense que nous souhaitons que le projet de loi puisse être scindé, et, M. le Président, l'opposition officielle souhaite très humblement que vous...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Outremont. Permettez-moi, M. le leader adjoint de l'opposition. Avant de sortir pour prendre en délibéré, je me dois de vous aviser qu'il y aura un débat de fin de séance ce soir entre le vice-premier ministre, M. Bernard Landry, et le député de Westmount–Saint-Louis, M. Jacques Chagnon, concernant la question d'une éventuelle augmentation de salaire des croupiers de casinos. Et, par la suite, il y aurait également un autre débat de fin de séance entre le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Rochon, et la députée de La Pinière, Mme Fatima Houda-Pepin, concernant la question du centre jeunesse de la Montérégie.

Alors, très rapidement, M. le leader.

M. Lefebvre: Je voulais tout simplement vérifier auprès de mon collègue le leader adjoint du gouvernement, le député de Lac-Saint-Jean, après avoir entendu le plaidoyer assez exceptionnel de mon collègue, s'il n'y a pas maintenant acquiescement sur la motion de scission. Ça vous éviterait de sortir et de délibérer, M. le Président. Est-ce que le député...

Le Vice-Président (M. Pinard): Très rapidement, M. le leader adjoint...

M. Brassard: Ça appartient à la présidence.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...du gouvernement.

M. Brassard: Bien non...

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous allez me permettre...

M. Brassard: ...je ne suis pas convaincu!

Le Vice-Président (M. Pinard): ...de délibérer?

M. Brassard: Bien non, je ne suis pas convaincu!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je suspends immédiatement les travaux, le temps de régler.

(Suspension de la séance à 16 h 34)

(Reprise à 16 h 49)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Décision du président sur la recevabilité

Alors, nous avons étudié la motion de scission qui a été déposée par le député de Frontenac et leader adjoint de l'opposition. Nous convenons actuellement que le projet de loi n° 40 contient plusieurs principes. Alors, chaque partie du projet scindé de la manière proposée par le député de Frontenac peut être considérée distinctement, de sorte que les projets de loi qui résulteraient de la scission constitueraient des projets de loi cohérents en eux-mêmes. Pour ces motifs, je déclare donc la motion de scission recevable.

Nous avons également tenu une rencontre entre les leaders du gouvernement et l'opposition officielle pour la répartition du temps de parole que doit constituer ce débat restreint. Alors, les députés indépendants auront un temps de parole de cinq minutes. Le reste du temps sera partagé en parts égales entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et le groupe parlementaire formant l'opposition. Également, je vous avise qu'il n'y aura pas de limite de temps lors des interventions. Le temps non utilisé par un groupe parlementaire pourra être dévolu à l'autre groupe parlementaire.

(16 h 50)

Alors, nous sommes maintenant prêts à débuter le débat restreint. Nous céderons la parole à Mme la députée de Matapédia. Mme la députée.


Débat sur la motion de scission


Mme Danielle Doyer

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, au lieu de parler de scission, de partition, de séparation, je préfère parler de souveraineté du Québec, je préfère parler de la souveraineté de la Charte de la langue française.

M. le Président, je trouve important d'intervenir relativement au projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française, projet de loi présenté par Mme Louise Beaudoin, ministre de la Culture et des Communications et ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.

Que fait le gouvernement du Québec en modifiant la Charte de la langue française du Québec? Il crée un organisme distinct, la Commission de protection de la langue française, au Québec, dont le mandat sera de voir au respect de la Charte de la langue française au Québec. Par ce projet de loi, nous nous assurons que cet organisme disposera des ressources nécessaires à l'atteinte des objectifs fixés, c'est-à-dire que le français soit la langue d'usage, que la langue de la majorité française au Québec soit protégée, la langue de 80 % de la population du Québec.

Deux domaines d'intervention sont particulièrement ciblés: le domaine du travail et surtout celui du commerce relié aux consommateurs et consommatrices, notamment les inscriptions sur les produits, la présentation de menus, certaines publications et l'offre sur le marché de jouets et de jeux. Aussi, il stipule que tout logiciel doit être disponible en français et il apporte des modifications concernant la fourniture en français de documents par les membres des ordres professionnels.

M. le Président, le gouvernement agit de façon responsable, résolue et équilibrée. Les libéraux, eux qui appellent au statu quo, à l'immobilisme en matière linguiste, sous prétexte que tout va bien, décrient la volonté gouvernementale de se doter de moyens concrets d'action pour protéger la langue française au Québec. Ils parlent de police de la langue, de coercition. J'ai même entendu le député de D'Arcy-McGee parler du désespoir ressenti par certaines personnes par la mise en place de la Commission de protection de la langue française. Quel charriage! Qu'est-ce que ça veut dire, «charrier»? Chez nous, que ce soit dans le comté de Matapédia ou dans le Bas-Saint-Laurent, c'est une expression populaire courante. On dit souvent: Aïe! Tu charries. Eh bien là, vous, les libéraux, les gens d'en face, vous charriez, vous exagérez, vous allez trop loin, et c'est sciemment que vous le faites. Les libéraux parlent de police. Mais voyons donc! Les fonctionnaires inspecteurs responsables de l'application de la langue française n'auront pas d'arme, n'arrêteront personne, ne mettront personne en prison. Bien non! L'arme redoutable utilisée sera une lettre au commerçant fautif, qui lui indiquera l'infraction, l'incitera à y remédier.

J'ai entendu des expressions excessives, démagogiques. M. le Président, toute citoyenne ou tout citoyen vivant en société est assujetti au respect d'une multitude de lois. On doit détenir un permis pour conduire une voiture, respecter le Code de la route. Si l'on va trop vite, on encourt des amendes. La loi sur la salubrité publique doit aussi être respectée par les restaurateurs. Les parents sont tenus d'envoyer leurs enfants à l'école jusqu'à l'âge de 16 ans. Nous sommes régis, donc, par une multitude de lois qui cherchent à équilibrer les droits individuels et les droits collectifs. Les lois qui ont été adoptées au fil des dernières décennies concernant la protection de la langue française au Québec ont voulu répondre aux inquiétudes de la majorité française du Québec.

L'automne dernier, M. le Président, 63 % des Québécois répondaient oui à la question: Le Québec a-t-il besoin d'une Commission de protection de la langue française? et 29 % répondaient non. Ceux ayant comme langue maternelle le français répondaient oui à 71 % et 21 % non. Chez ceux de langue anglaise, 27 % répondaient oui et 66 % non. Là comme pour d'autres questions, il y a une polarisation des opinions.

Nous sommes une des sociétés les plus démocratiques au monde. Les francophones du Québec sont extrêmement tolérants. Nous cherchons à franciser davantage les lieux de travail, nous voulons vivre en français, vivre, nous exprimer en français. Mme la ministre Louise Beaudoin a adopté diverses mesures qui vont améliorer la situation du français au Québec. Il faut voir que nous sommes tous et toutes, individuellement et collectivement, responsables de la qualité de la langue française. Vingt-cinq postes ont été ajoutés à l'Office de la langue française, alors que les libéraux n'en transféraient que trois pour surveiller les commerçants en infraction.

Pour les libéraux, la paix linguistique, c'est de ne pas appliquer la Charte. Pour eux, c'est de ne pas se donner les moyens de la faire respecter, alors qu'autour de 40 % des commerces de l'île de Montréal dérogent aux dispositions sur l'affichage, soit par des messages unilingues anglais, soit par des messages où le français n'est pas nettement prédominant. Sont-ils contre le respect des lois ou le sont-ils uniquement quand ça fait leur affaire?

M. le Président, le sort de la langue française au Québec sera toujours précaire. Les francophones représentent environ 80 % au Québec, 25 % au Canada et 2 % en Amérique du Nord. Toujours nous devrons être vigilants si l'on veut préserver et protéger la langue française. Dans les dernières décennies, bien des améliorations ont été apportées quant à la situation du français. Je cite un extrait du document «Le français, langue commune: politique gouvernementale en matière linguistique»: «Le gouvernement propose aujourd'hui de s'engager dans une nouvelle voie en mettant en place une stratégie à plusieurs volets qui s'inspire des conclusions du bilan de la situation de la langue française au Québec. De plus, le gouvernement constate que la Charte a été malgré tout efficace et qu'elle offre toujours les moyens d'accroître l'usage du français, si on en redynamise l'application.»

Cette efficacité découle du statut du français langue officielle du Québec et des règles qui en généralisent l'usage dans tous les secteurs de la vie collective où ce statut peut le mieux se manifester et se réaliser. Mais la Charte peut difficilement atteindre des objectifs sociaux dans les domaines qui relèvent de la liberté personnelle de choix. Pour y parvenir, la Charte doit se compléter d'une stratégie différente, mieux adaptée à la poursuite d'objectifs tels que la qualité de la langue, l'intégration des immigrants et la concurrence internationale entre l'anglais, le français et toute autre langue nationale.

Les modifications apportées à la Charte de la langue française par le projet de loi n° 40 font partie de cette stratégie. Je félicite la ministre pour l'action entreprise. Elle s'est engagée à suivre de près les résultats des diverses mesures adoptées depuis l'an dernier, et je dirais même depuis notre entrée au pouvoir. Elle peut compter sur ma collaboration afin de poursuivre l'amélioration de la situation du français au Québec, objectif fondamental pour les citoyennes et citoyens de mon comté de Matapédia, que je représente, et pour ceux du Bas-Saint-Laurent.

En passant, je voudrais dire que, pour eux et elles aussi, les personnes de mon comté et du Bas-Saint-Laurent, le développement régional, c'est important; la santé, c'est important; les services sociaux, c'est important; l'éducation, tout ça, c'est important. Mais la question de la langue française aussi, c'est important, c'est fondamental. Je me souviens que M. Parizeau nous disait souvent: On est capable de marcher et mâcher de la gomme en même temps. On est capable, M. le Président, de mâcher, de marcher, de parler aussi, même des fois de mâcher de la gomme puis de parler un bon français en même temps. Alors, je vous remercie, M. le Président.

(17 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Matapédia. Y a-t-il d'autres intervenants sur la motion de scission? Alors, M. le député d'Outremont, sur la motion de scission, je vous cède la parole.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: Évidemment, M. le Président, l'objet de mon intervention, ce serait de démontrer aux membres de cette Assemblée pourquoi, en quoi il est opportun de voter en faveur de la motion de scission. Et, très candidement, M. le Président, je vous avoue que ce n'est pas tous les jours qu'une opposition puisse agir de façon si responsable qu'elle s'efforce de convaincre un gouvernement de ce qu'il serait dans son meilleur intérêt de faire ou de ce qu'il serait dans son meilleur intérêt d'éviter de faire. Il faut vraiment aimer beaucoup la loi 101, il faut aimer beaucoup les organismes qui l'ont appliquée jusqu'ici, il faut aimer beaucoup ou souhaiter vivement que son application soit améliorée pour pouvoir aller jusqu'à essayer de convaincre la partie adverse que ce serait dans son meilleur intérêt de ne pas faire ce qu'elle a décidé de faire ou ce qu'elle envisage de faire.

Essentiellement, ce que je veux dire, M. le Président, et je veux le dire le plus brièvement possible, c'est que je pense que la décision de ne pas scinder la loi n° 40 fait encourir un risque à son application et je pense qu'il y a un risque sérieux. Je pense donc qu'il serait opportun, et je ne le dis pas pour offenser mes collègues du gouvernement, de séparer, dans ce cas-ci, l'ivraie du bon grain. Parce que, comme je l'ai mentionné, il y a des bonnes mesures et il y a un risque que, en amalgamant ces bonnes mesures avec des mesures moins bonnes et, dans certains cas, des mesures mauvaises, on en vienne à donner de la loi qu'on veut maintenant faire adopter une image qui, à mon avis, ne sera pas celle qu'elle devrait avoir si on a le souci de sa meilleure application. Je pense en particulier à l'image qui pourrait résulter de cette loi de la ministre des Communications et de la Culture auprès d'une grande partie de la clientèle des organismes responsables de son administration, qui, si la loi était scindée, pourrait se faire de cette loi une image plus positive que si elle ne l'est pas, population qu'il serait, à mon avis, plus facile de rallier derrière la cause de promouvoir le français que ce sera le cas autrement.

J'en profiterai aussi, M. le Président, pour revenir un peu sur ce qui vient d'être mentionné à propos du sondage de l'automne dernier. C'est vrai qu'il y a eu un sondage de fait. Je l'ai consulté dernièrement. Je ne me rappelle pas exactement, je pense que c'était au début de l'automne ou à la fin de l'été. Il y a un sondage qui montrait que la majorité des Québécois, et en particulier la majorité des Québécois de langue française – un plus forte majorité des Québécois de langue française – était favorable à... c'est-à-dire jugeait qu'il y avait un besoin de créer une commission de protection de la langue française. Mais je vous avoue que... D'abord, dans le sondage lui-même, il y a un certain nombre de problèmes techniques. Il y a des effets d'acquiescence là-dedans, la façon dont la question est posée. Et je dois vous dire que, si on leur avait dit exactement de quelle commission de protection de la langue française il s'agissait, de quel type d'organisme il s'agissait, je ne suis pas sûr que l'opinion favorable aurait été au niveau qu'on l'a observé dans le sondage.

Je pense qu'il faut tout de même retenir certains des propos importants qui ont été tenus sur la Commission de protection de la langue française et sur l'idée de la rétablir par un bon nombre de personnes qui se sont présentées devant nous comme par un bon nombre – une majorité, je pense – des éditorialistes qui se sont aussi prononcés sur cette question. Je pense, par exemple, au témoignage de Julius Grey, qui nous a dit là-dessus des choses qui sont à considérer sérieusement. On est en présence d'une décision qui crée un organisme qui attribue à des inspecteurs un droit d'inspection sans mandat de cour, sans mandat préalable. Donc, finalement il y a un dispositif là qui est un dispositif coercitif de bon calibre. M. le professeur Grey s'est évertué à essayer de convaincre la ministre que ce genre de dispositif pouvait... Je ne me rappelle pas exactement de ce qu'il a dit, mais je pense que c'était qu'il pouvait entraîner des conséquences fâcheuses pour le respect des libertés individuelles. Et une chose sur laquelle le professeur Grey insistait, et, je pense, à juste titre, c'est que, compte tenu des sensibilités qui existent sur le terrain des relations interlinguistiques, il y a un risque que, en créant un organisme ayant des pouvoirs renforcés comme ceux de la Commission de protection de la langue française dont il est question dans la loi, on en arrive à des épisodes de confrontation.

J'ai regardé dernièrement ce qui se passe dans certains petits commerces qui ont eu maille à partir un peu avec l'Office de la langue française, là. Il y a peut-être... J'en ai rencontré... Un commerçant en particulier. Il y a évidemment des risques de malentendus qui sont réels, et je ne vois pas... je n'entrevois pas ou je n'anticipe pas d'un bon oeil qu'un organisme sans tradition, qu'un organisme sans expérience de l'application comme c'est le cas pour l'Office de la langue française, mais comme ce ne sera pas le cas pour la Commission de protection lorsqu'elle aura été ressuscitée de ses cendres... Je ne suis pas sûr du tout, comme je l'ai mentionné tantôt, que la création d'un organisme comme celui-là n'entraînerait pas des risques sérieux, là.

Une autre statistique. Et là je me rappelle, cet après-midi, l'intervention du ministre de la Santé et des Services sociaux, qui nous disait que faire état de statistiques, ce n'était pas faire de la démagogie ou de la technocratie, mais que c'était simplement vouloir informer les gens. Eh bien, je vais vous informer d'une chose, là, d'une statistique qui circule – Mme la ministre de la Culture en a fait abondamment usage – à savoir qu'il y aurait 40 % des commerces de la région de Montréal qui seraient en dérogation. Mais ça, c'est ce qu'on appelle une mesure de fréquence; ce n'est pas une mesure d'intensité, là. On ne sait pas exactement de quelles dérogations on parle. On peut parler de toutes petites dérogations mineures, de petites affichettes qui sont dérogatoires, et souvent par ignorance de la loi de la part des contrevenants ou de la part des clients. Mais j'ai passé une partie de mon temps libre à essayer de voir ce qui se passait dans la région métropolitaine de Montréal, et évidemment je ne parle pas de ce qui se passe dans les autres régions du Québec. Mais des dérogations majeures, des dérogations flagrantes, des dérogations sérieuses, il faut vraiment les chercher à la longue vue et à la loupe pour les trouver.

Donc, ce 40 % dont on parle, de dérogations, et dont on se sert pour justifier la décision qu'on a prise de ressusciter la Commission de protection de la langue française, je le répète, ce sont des dérogations qui, dans bien des cas, dans la très grande majorité des cas, sont des dérogations que je considère relativement anonymes... c'est-à-dire anodines. Je ne suis pas en train de justifier qu'on puisse déroger à une loi. Je suis entièrement... et l'opposition est entièrement ralliée et d'accord avec le principe que la loi doit être appliquée. Mais il faudrait tout de même voir au juste à quels besoins d'application on fait face. Et ça, je reviendrai là-dessus, M. le Président.

À mon avis, le grand défaut de la Commission de protection de la langue française... Et je le dis comme ça, encore là, de façon responsable, parce que, si le gouvernement voulait accepter cette suggestion, il pourrait peut-être arriver à inventer un dispositif amélioré. Je pense que le gros problème de la loi n° 40, du point de vue de la Commission de protection de la langue française et dans son esprit d'application, c'est que, en matière de gestion des rapports linguistiques, il faut surtout concevoir des mesures d'application qui reposent sur ce qu'on pourrait bien appeler – et je ne veux pas faire de démagogie par là – une approche partenariale. Ça veut dire, ça, qu'il faut que les organismes administratifs, M. le Président, en plus d'être dotés de pouvoirs coercitifs qui sont des pouvoirs de dernier recours, fassent d'abord et avant tout ou se donnent d'abord et avant tout comme priorité d'informer, d'aider et je dirais même de reconnaître et de récompenser ceux qui se sont conformés.

Je me rappelle très bien que, lorsque j'étais président de l'Office de la langue française, on avait ciblé la région des Bois-Francs comme l'une des régions où on pouvait, par justement cette approche de partenariat avec la clientèle, favoriser la diffusion du français. Et c'est une région qui s'est très largement francisée. Mais à combien de manifestations d'encouragement, de festivals, de soirées linguistiques ai-je assisté, justement dans le but de faire de l'animation dans cette région-là? Je ne dis pas que la coercition légale est absolument mauvaise, mais je dis qu'il faut l'utiliser avec prudence, il faut l'utiliser avec mesure et il faut l'utiliser comme une mesure de dernier recours, et ce n'est pas ce que malheureusement on trouve dans la loi n° 40 telle qu'elle est rédigée actuellement.

(17 h 10)

Donc, M. le Président, je ne veux pas m'étendre indéfiniment là-dessus. Je sais que je n'aurai peut-être, encore là, pas réussi à convaincre la partie d'en face, mais je trouve qu'il y a dans la loi n° 40... Je pense, par exemple, à l'article qui prévoit une mesure en matière de francisation de l'informatique de masse ou de l'informatique de grand public. Il est clair que, dans ce domaine-là, il y a un très réel besoin d'un effort concerté à partir d'une stratégie de partenariat avec la clientèle pour assurer une meilleure, une diffusion plus extensive, plus large du français. Sur cet article-là, après des petites enquêtes que j'ai faites à Montréal auprès de bon nombre de commerçants, de petits commerçants et de grands commerçants dans ce domaine-là, j'aurai des recommandations à faire à la ministre pour qu'on puisse améliorer le dispositif.

Mais je répète que le risque que prend le gouvernement en n'acceptant pas de scinder la loi, c'est celui de faire disparaître, compte tenu de la réactance négative qu'il va y avoir à la décision de ressusciter la Commission de protection de la langue française – je n'emploierai pas, pour l'instant, les mots «police de la langue»... Je pense que, en ne séparant pas le bon grain de l'ivraie, justement, et en voulant courir deux lièvres à la fois, on risque de manquer son coup lamentablement, et en particulier auprès de cette partie de la clientèle qui est composée prioritairement ou d'abord et avant tout de petits commerçants, de petites gens qui...

Ce n'est pas Future Shop qui est en dérogation, ce n'est pas K Mart, ce n'est pas les grandes places commerciales, ce n'est pas le centre d'achats Fairview. Allez vous y promener, vous n'y verrez absolument rien d'autre qu'une application raisonnable et acceptable de la loi 86. Ce n'est pas là qu'est le problème. Le problème, il est vraiment, comme je l'ai vu tout au long de ma carrière d'administrateur de la loi 101, avec les petits commerçants, les petites gens, qui, je le répète, sont parfois en dérogation, mais sans qu'il n'y ait jamais de malice, n'est-ce pas? Ce n'est pas pour des raisons malicieuses que les gens ne se conforment pas, c'est souvent par ignorance, parce que le dispositif est compliqué, parce qu'il faut évidemment avoir été informé. Il faut peut-être avoir été un peu aidé pour pouvoir le faire.

Je me rappellerai toujours de cet exemple du commerçant grec sur la rue Saint-Laurent chez qui j'étais entré un jour pour lui dire: Écoutez, mais votre affiche, là, elle est en dérogation de la Charte de la langue française, et qui me dit: Oui, mais quelle affiche, monsieur, quelle affiche? Bien, j'ai dit: L'affiche qui est là à l'extérieur. Ah! bien, il dit: Écoutez, sortons puis allons voir. Il ne me disait pas ça comme ça dans un français comme celui que je parle, mais c'était néanmoins en français populaire. On est sortis, on est allés voir, et il m'a dit: Oui, ah, c'est vrai, vous avez raison, oui. Mais, vous savez, moi, quand j'ai acheté l'établissement, ici, l'affiche était là, et puis, depuis ce temps-là, je n'ai pas pensé qu'il fallait que je corrige. Donc, finalement le petit commerçant, il l'a corrigée, son affiche, mais ce n'était pas par malice qu'il était en dérogation, c'était par ignorance, c'était un peu par négligence, c'était un peu par inertie.

Ce que je répète, M. le Président, c'est que, dans une stratégie d'application plus partenariale, en prévoyant une fonction de contrôle qui serait logée ailleurs que dans le dispositif prévu, à mon avis, on pourrait avoir une efficacité d'application qui serait une efficacité d'application accrue. C'est la raison pour laquelle je me suis, disons, de tout coeur rallié à l'idée d'une motion de scission. Mais je répète, M. le Président – et je ne le dirai pas encore beaucoup de fois – qu'il y a une limite à vouloir être responsable. Si le gouvernement veut se conduire à partir d'une logique de conviction, on va le laisser aller vers le four vers lequel il s'en va. Mais il n'y a tout de même personne qui – moi en tout cas, comme membre de l'opposition, comme ancien gestionnaire responsable au plus haut niveau de l'application de la Charte – pourra me reprocher que je n'ai pas essayé de me conduire de la façon la plus responsable possible. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Outremont. Est-ce que vous intervenez sur la motion de scission? Je crois qu'il y avait eu une entente. C'est probablement sur le débat. Nous allons revenir au projet de loi. Vous n'êtes pas intervenu sur le projet de loi encore? Ah, c'est ça, c'est après. Alors, je vais mettre la motion de scission aux voix?


Mise aux voix

La motion de scission du projet de loi n° 40 est-elle adopté?

Une voix: Rejeté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Rejeté sur division.


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Alors, nous revenons maintenant au débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 40, et je crois que le dernier intervenant était M. le leader adjoint de l'opposition. Alors, je vais céder la parole à M. le député de Bourget.


M. Camille Laurin

M. Laurin: Merci, M. le Président. À l'exposé objectif, mesuré et serein de la politique linguistique du gouvernement et du projet de loi présenté par la ministre de la Culture responsable de la Charte de la langue française, les porte-parole de l'opposition libérale ont choisi de répliquer par des propos enflammés, démesurés et injustifiés.

Dans sa charge à fond de train, le député d'Outremont reconnaît toutefois qu'il est d'accord avec plusieurs éléments de la politique linguistique du gouvernement, mais il se garde bien de préciser lesquels de peur de paraître apporter quelque appui que ce soit au gouvernement qui l'a élaborée au nom des intérêts supérieurs du Québec dont la langue officielle est le français. Après une brève allusion à ces éléments positifs, il choisit plutôt de consacrer l'essentiel de son discours à une attaque en règle contre la Commission dont il fut le président, dénonçant un rôle, des pouvoirs et des moyens qui sont pourtant essentiellement les mêmes que ceux qu'elle a toujours eus et doit avoir si elle doit et veut être efficace.

D'autres députés libéraux crient au gaspillage parce que le gouvernement a consacré 5 000 000 $ à la défense et à la promotion du français, et pourtant ce sont ces mêmes députés qui ont, durant des années, coupé les vivres à l'Office de la langue française, aboli la Commission de protection, fait montre de laxisme dans l'application de la Charte, démontrant ainsi qu'ils se souciaient comme de leur dernière chemise d'une loi pourtant fondamentale pour le destin, l'identité et l'essor de notre peuple en terre d'Amérique.

Quant au député de Châteauguay, il ne veut voir que les progrès accomplis depuis l'adoption des lois 22 et 101. S'appuyant sur les constats du rapport du Comité interministériel sur la situation de la langue française, il affirme que l'amélioration est évidente et marquée dans tous les domaines qui faisaient auparavant problème, qu'il n'y a de crise que celle inventée par les extrémistes nationalistes, que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes et qu'il faut passer à autre chose. C'est là pour le moins, M. le Président, une lecture sélective et biaisée du bilan dressé par le Comité. Il serait étonnant en effet que le vigoureux coup de barre donné par la loi 101, en 1977, n'ait pas produit en 20 ans de remarquables progrès. Le Comité en fait état, mais il affirme aussi avec force qu'il reste énormément de travail à accomplir. Il en donne des exemples tout au long du rapport. Il y revient dans ses constats. Et, dans sa synthèse et sa conclusion, il fait montre intensément de son inquiétude et de ses préoccupations tout en rappelant avec clarté et insistance les objectifs qu'il faut poursuivre. Mais de cette partie du rapport la plus importante pour l'avenir, le député de Châteauguay n'a soufflé mot, que ce soit par aveuglement, parti pris ou partisanerie.

Le gouvernement, quant à lui, se sent trop responsable pour le suivre dans cette voie. Il se doit d'abord de rechercher la vérité, et c'est pourquoi il a demandé à un comité interministériel d'établir les faits, tous les faits, d'en rechercher les causes et de lui faire des recommandations. Vingt-cinq ans après la commission Gendron, ce rapport, très bien fait, nous trace un tableau exhaustif de la situation, nous indique le long et difficile chemin qu'il reste à parcourir ainsi que les moyens qu'il nous faut utiliser pour faire véritablement du français la langue commune de tous les Québécois.

(17 h 20)

Les chantiers où il nous faut travailler d'arrache-pied sont nombreux. Malgré l'ordre qui lui en a été donné en 1977, l'administration, c'est-à-dire les ministères et les organismes gouvernementaux n'ont jamais communiqué systématiquement en français avec les personnes morales. Un tiers d'entre eux seulement se sont dotés d'une politique d'utilisation du français. On a laissé aux fonctionnaires toute liberté pour utiliser l'une ou l'autre langue. Les politiques d'achat en français et d'utilisation du français dans les technologies de l'information ont été laissées à l'arbitraire des ministères et des organismes du gouvernement. Un rigoureux redressement s'impose, comportant l'établissement de normes et de balises, mais aussi et surtout la mise sur pied d'un comité interministériel chargé de l'élaboration et de l'implantation de normes et de balises communes. C'est de cette seule façon que l'administration pourra jouer le rôle moteur et exemplaire qu'elle se doit d'exercer, car, si la lumière se cache sous le boisseau, qui donc éclairera les citoyens?

La loi 101 précisait qu'en 1983 toutes les entreprises de 50 employés et plus devaient avoir obtenu leur certificat de francisation. Or, en 1996, 25 % des entreprises de 100 employés et plus ne l'ont pas encore obtenu, de même que 18,5 % des entreprises de 50 employés et plus. Le rapport établit clairement les raisons de ce retard qui demeure scandaleux et inacceptable. Maintenant bien identifiés, tous ces obstacles peuvent et doivent être éliminés dans les délais les plus courts, avec des moyens énergiques et appropriés. Quant aux entreprises de 50 employés et moins, le comité Grant a fait au gouvernement des recommandations très opportunes sur les mesures qu'il doit prendre pour qu'elles fonctionnent également en français.

Il importe également de réviser le régime spécial qui est accordé aux sièges sociaux et aux centres de recherche. Ceux-ci ont en effet indûment tiré sur la corde qui leur était laissée pour maintenir ou favoriser une anglicisation qui va à l'encontre du droit qu'ont les travailleurs québécois de travailler en français. Dans les entreprises où le propriétaire est francophone, la langue de travail est désormais le français à près de 90 %. Ce pourcentage tombe à 45 % quand leur propriétaire est allophone et à 30 % quand il est anglophone. Cette situation est injuste et inacceptable pour le travailleur québécois, en même temps qu'elle constitue une entrave pour la cohésion sociale et l'usage public de la langue française commune. L'Office de la langue française devra solliciter et obtenir la collaboration responsable des organisations patronales et syndicales pour l'établissement de normes et de mesures qui corrigeront rapidement cette situation. Comme le dit si bien le rapport, à la page 226, «cette seconde étape aura pour effet de faire du français la langue commune des échanges verbaux et écrits entre francophones et anglophones».

Dans le domaine du commerce et des affaires, les progrès du français, bien qu'importants, sont encore largement insuffisants. Pour reprendre les constats du rapport, l'emballage, l'étiquetage, les modes d'emploi et les consignes de sécurité sont encore trop souvent unilingues anglais ou traduits dans un français écorché ou primitif. Les logiciels français sont largement disponibles, mais ne sont offerts au public consommateur que dans 32 % des établissements. Les jeux vidéo, logiciels et jouets sont à toutes fins pratiques unilingues anglais. La loi n° 40 inaugure à cet égard un vigoureux redressement que devront surveiller et amplifier la vigilance et l'action des citoyens et de la Commission de protection de la langue française.

Un enseignement amélioré du français à tous les niveaux d'enseignement, dans les réseaux français et anglais, dans les COFI comme dans les entreprises, pour les enfants comme pour les adultes, s'avère nécessaire et urgent pour la francisation du Québec. L'effort exigé est énorme et multidimensionnel. Il faudra mettre en marche des programmes qui visent la maîtrise du français parlé et écrit dans un monde où l'internationalisation des marchés et la révolution numérique font de cette maîtrise une nécessité et un outil de promotion économique, social et culturel. Les professionnels anglophones devront pouvoir communiquer dans un français correct avec leurs clients francophones. Les anglophones et allophones qui ont une connaissance insuffisante du français devront pouvoir bénéficier de cours de français sur les lieux mêmes du travail.

L'ampleur de la tâche ne doit pas nous faire reculer. Si nous tenons vraiment à notre identité, si nous tenons vraiment à faire du français, non pas du bout des lèvres mais dans les faits, la langue officielle et commune du Québec, il faudra y mettre une volonté de tous les instants et y consentir les efforts pédagogiques et financiers que la conjoncture exige.

Cela est particulièrement important pour Montréal, la moitié du Québec, où se jouera, comme l'affirme le rapport à la page 238, le sort de la langue française dans les années qui viennent. La politique linguistique doit y être la même que dans l'ensemble du Québec, à défaut de quoi le Québec sera brisé en deux. Ce sera inévitablement la porte ouverte à une plus grande bilinguisation institutionnelle et, à terme, à l'anglicisation. Au contraire, Montréal doit rester et devenir de plus en plus le symbole non pas de la survie, mais de la vie française en Amérique.

Dans les circonstances, la réinstauration de la Commission de protection de la langue française s'avère une nécessité incontournable. Les insuffisances et lacunes de tous genres notées dans le rapport, le très grand nombre d'infractions et de plaintes auxquelles celles-ci donnent lieu en démontrent le bien-fondé. Entre autres devoirs, c'est à la Commission qu'il incombera de faire respecter les dispositions législatives et réglementaires sur l'affichage, l'étiquetage, la disponibilité en français de logiciels, jouets et jeux vidéo. Pour l'application judicieuse et efficace de ces dispositions législatives réglementaires, la Commission a besoin, comme pour l'application de toute autre loi, de pouvoirs et moyens appropriés. Les dénoncer à coup d'injures et de sophismes, comme le font l'opposition libérale, la Gazette et plusieurs groupes anglophones comme Alliance Québec, confine à l'auto-intoxication, à l'hystérie et au délire mythique.

Pour l'avenir, comme dans le passé, la Commission informera les contrevenants, leur donnera du temps pour se conformer, réglera à l'amiable la presque totalité des cas et n'aura que très rarement à en déférer au Procureur général. La raison et le test de la réalité prévaudront ainsi sur toutes les clameurs et témoigneront de notre maturité.

La politique linguistique et la loi n° 40. Nous ne pourrons cependant régler à notre satisfaction tous les problèmes actuels. Les ministères et organismes fédéraux oeuvrant au Québec continueront de ne pas tenir compte de nos lois et règlements, de même que les entreprises à charte fédérale. La loi fédérale sur les langues officielles continuera de pousser à la bilinguisation du Québec. L'enregistrement des marques de fabrique, telles Canadian Tire, Head & Shoulders, Pizza Hut et autres Second Cup, demeurera de juridiction fédérale. L'article 23 de l'inique Constitution fédérale de 1982 continuera d'imposer au Québec la clause Canada dans le domaine de l'enseignement primaire et secondaire. L'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique continuera de s'imposer en matière de langues des lois et des tribunaux. Les jugements de la Cour suprême continueront d'entraver la francisation du Québec.

Mais prenons patience. La souveraineté nous délivrera bientôt de ce dernier joug colonialiste. Constituant un dernier amendement à la Charte de la langue française, cette souveraineté redonnera à celle-ci tout son sens, son ampleur, en même temps qu'elle donnera enfin à notre peuple pour toujours sa liberté, sa dignité et les conditions de son épanouissement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Bourget. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. M. le Président, permettez-moi d'intervenir sur le projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française.

Et je voudrais d'entrée de jeu dire, en cette Assemblée, M. le Président, que je suis de ceux et celles qui croient à la défense et à la promotion du français. Je suis également de ceux et celles qui croient que la langue française est un patrimoine commun à tous les Québécois, quelles que soient leurs origines.

Sur le fond, M. le Président, je crois qu'il est nécessaire de promouvoir la langue française et de la défendre. Mais c'est sur les moyens qui nous sont proposés par ce projet de loi qu'il y a divergence. D'où l'importance, M. le Président, d'avoir accepté la motion de scission qui a été présentée par mon collègue le député de Frontenac.

(17 h 30)

Ce projet de loi, qui a été déposé à la hâte par la ministre responsable de la Charte de la langue française, le 10 juin dernier, n'a qu'un seul objectif, celui de rétablir une institution coercitive: la Commission de protection de la langue française. Une commission qui aurait pour mandat d'effectuer des inspections et des enquêtes et, dans certains cas, de déférer le dossier au Procureur général pour des poursuites pénales éventuelles, d'où le nom, qui a été attribué à cette Commission, de «police de la langue».

La question qui se pose est de savoir si nous avons réellement besoin d'une telle structure. Et, subséquemment, est-ce que cette Commission va vraiment nous assurer la promotion de la langue française? Partant de là, il y a un constat incontournable, qu'on ne peut nier: la très grande majorité des Québécois et des Québécoises reconnaît que la loi 86, adoptée par le gouvernement libéral en 1993, a permis de retrouver la paix linguistique et, avec elle, la paix sociale indispensable à notre stabilité économique et à l'image que l'on se fait du Québec comme société majoritairement francophone, pluraliste et riche de sa diversité. Ce constat est confirmé par un sondage rendu public le 4 septembre 1996 par Sondagem, qui indique que 84,5 % des Québécois interrogés se déclarent très favorables ou favorables au maintien de la loi 86, loi, faut-il le rappeler, qui a modifié la Charte de la langue française et qui portait plus spécifiquement sur l'affichage.

Il faut se rappeler, M. le Président, que le Parti libéral du Québec a toujours su mettre de l'avant les solutions et les instruments appropriés pour protéger et promouvoir la langue française. En effet, c'est le gouvernement libéral qui a fait du français la langue officielle du Québec en adoptant, en 1974, la loi 22. C'est également le gouvernement libéral qui a fait du français la langue du travail. C'est aussi le gouvernement libéral qui a signé la paix sociale en adoptant la loi 86 sur l'affichage. Alors, pourquoi vouloir instaurer une commission de protection de la langue quand on sait que des progrès significatifs ont été réalisés depuis l'adoption de la loi 86? Nous avons déjà un conseil de la langue française et un office de la langue française qui reconnaissent tous deux que la situation de l'affichage commercial s'est améliorée.

Dans une étude rendue publique en novembre 1996 par ces deux organismes majeurs, il est clairement indiqué que l'affichage en français sur les devantures des commerces de l'île de Montréal était de l'ordre de 94 % en 1995, une situation identique en 1996. Donc, il n'y a pas feu dans la demeure; au contraire, on note une très grande stabilité dans les commerces qui affichent en français. Par ailleurs, l'étude démontre aussi que l'affichage unilingue anglais dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal a diminué de 14 % en 1995 à 11 % en 1996, ce qui a amené la présidente du Conseil de la langue française, Nadia Assimopoulos, ancienne vice-présidente du Parti québécois de 1984 à 1988, à dire sur les ondes de RDI, le 20 novembre 1996, et je cite: «Il n'est pas nécessaire d'amender la loi 86.»

Alors, qu'est-ce qui justifie l'introduction du projet de loi n° 40 et l'appareillage coercitif qui l'accompagne? Tous les analystes qui se sont penchés sur cette question constatent le peu de fondement objectif à un tel projet de loi. Alain Dubuc, par exemple, dans un éditorial de La Presse en date du 31 août 1996, écrivait ceci au sujet du premier ministre du Québec, et je cite: Le premier ministre du Québec «doit se rappeler qu'il est le premier ministre de tous les Québécois et qu'il doit agir non pas en fonction des luttes de factions qui agitent son parti, mais pour le bien du Québec. Il doit rétablir la paix linguistique parce que la crise actuelle nous mène tout droit à une catastrophe sociale, économique et morale». Fin de citation.

La consultation générale en commission parlementaire a permis d'entendre une cinquantaine de groupes, et, là encore, la ministre n'a pas été en mesure de justifier le bien-fondé de son projet de loi. Même son collègue le ministre d'État à la Métropole a déclaré – et je cite – qu'«on ne doit pas se payer le luxe d'une lutte linguistique à Montréal». Fin de citation. Le président de la CSN, Gérald Larose, a abondé dans le même sens en affirmant que «la Commission de protection de la langue française agresserait inutilement le milieu des affaires de la communauté anglophone». Fin de citation. Ghislain Dufour, alors président du Conseil du patronat du Québec, n'y est pas allé par quatre chemins, il a dit tout haut ce que les gens d'affaires pensent tout bas de la Commission de protection de la langue française en déclarant, et je cite: «C'est l'organisme le plus détesté au Québec. Au lieu de servir la langue, elle va la desservir.» Serge Turgeon, président de l'Union des artistes, voit dans cette structure un dédoublement inutile de ce qui existe déjà. Je le cite: «Rien ne nous a prouvé, a-t-il dit, que l'Office de la langue française ne pourrait pas remplir le rôle de la Commission de protection de la langue française», ajoutant: «Deux ou trois affiches en anglais ne me donnent pas d'urticaire.» Fin de citation.

Le premier ministre lui-même a déclaré, en 1993, que «la prohibition d'une langue dans l'affichage et le prix qu'on paie à l'extérieur à cause de ça, comme on l'a vu à l'ONU, tout cela est vrai». Fin de citation. Alors, si tout cela est vrai, pourquoi introduire une police de la langue? La seule explication qui tient, c'est que la ministre responsable de la Charte de la langue française a cédé aux pressions exercées par les éléments radicaux de son parti, suite au Conseil national du Parti québécois, les 27 et 28 avril dernier. Michel David, d'ailleurs, a écrit à ce sujet dans Le Soleil du 28 août 1996, et je cite: «Il ne faut pas prendre les gens pour des valises. Entre le début et la fin d'avril, quand ce virage a été effectué, rien de particulier n'est survenu, si ce n'est la tenue d'un conseil national du Parti québécois».

M. le Président, j'ai entendu le ministre des Relations internationales s'indigner, ce matin, de l'image que certains médias projettent de Montréal à l'étranger. Il faut peut-être lui rappeler que c'est dans un bulletin émanant de son ministère, Québec international, publié en novembre dernier, qu'il était écrit, et je cite: «Montréal is a bilingual city.» Nous avons là un exemple concret du double langage et de l'ambiguïté qui caractérisent ce gouvernement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.

(17 h 40)


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. C'est avec un certain regret que je me lève en Chambre, mais je le fais par sens de l'obligation; oui, obligation pour les électeurs et électrices du comté de Notre-Dame-de-Grâce à Montréal. Avec regret, parce qu'on se sent obligé, de l'autre côté de la Chambre, du côté du Parti québécois, qu'on refasse la querelle, qu'on reparte la querelle qui est la question linguistique au Québec. C'est avec regret et même tristesse, parce que, pour quasiment tous les observateurs de la scène québécoise, la situation linguistique est stable et calme au Québec, sauf évidemment pour le Parti québécois. On a une situation stable.

M. le Président, les faits, je pense, ont été évoqués par d'autres collègues, mais ça vaut la peine de faire un petit rappel. Le 3 avril 1996, quand la ministre responsable de la Charte de la langue française a déposé un bouquet de mesures pour renforcer la place du français comme langue commune au Québec, il n'était nullement question, à ce moment-là, le 3 avril, de rétablir la Commission de protection de la langue française. Elle ne se sentait pas obligée à ce moment-là de le faire. Même rendu en novembre 1996, il y a à peine quelques mois, on a eu un rapport, «Évolution de la situation de l'affichage à Montréal, 1995 et 1996», par nul autre que le Conseil de la langue française et l'Office de la langue française – pas Alliance Québec, le Conseil de la langue française et l'Office de la langue française – dont le constat était que la situation d'affichage linguistique était stable, de 1995 à 1996. Il n'est pas nécessaire de modifier la Charte de la langue française ni, j'imagine, de la modifier pour établir la Commission de protection de la langue française.

D'autres observateurs de la scène politique québécoise, en commission parlementaire qui avait été convoquée aux mois d'août et septembre de l'année passée sur le projet de loi n° 40 qui, à ce moment-là, rétablissait la Commission de protection de la langue française, la majorité des intervenants était contre le rétablissement de cette Commission. Et, parmi la majorité des intervenants qui était contre, il y en avait quelques-uns, pour moi, assez surprenants: l'Union des artistes et, encore plus surprenant pour moi personnellement, Gérald Larose, de la CSN, l'ami notoire des anglophones du Québec, défenseur ardent des droits et libertés des anglophones du Québec, qui était contre la Commission de protection de la langue française et qui a dit pendant la commission – ça vaut la peine de le citer: «Lorsque le principal instrument d'application d'une politique linguistique est un ruban à mesurer, cela nous pose des difficultés. C'est humiliant, ridicule, honteux et risible.» Gérald Larose, M. le Président, pas le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Je prétends que la majorité des Québécois n'a pas besoin et n'en veut pas, d'une police de la langue, n'en veut pas, du rétablissement de la Commission de protection de la langue française. Il y a beaucoup de témoins experts, entre autres mon collègue le député d'Outremont, lui, ancien président de l'Office, qui nous témoignent que ce n'est pas un outil efficace pour protéger le français, avec toute son expertise dans le domaine. Et d'autres experts. Ce n'est pas un outil efficace pour faire promouvoir le français au Québec.

Et pire, je pense, M. le Président, c'est une phrase qui émane du député d'Outremont, qui m'a beaucoup frappé, qui prétend, lui, que ça brise la grande tradition de civilité au Québec, le rétablissement de la Commission de protection de la langue française, la grande tradition de civilité qu'on a comme Québécois. Et cette police de la langue brise cette tradition, et je suis entièrement d'accord avec lui.

Mais, M. le Président, le débat, quant à moi, est triste et regrettable pour une autre raison fondamentale, et je m'explique. M. le Président, au moment où on se parle, il y a 800 000 Québécois et Québécoises, incluant plus de 200 000 enfants, qui vivent, dans des conditions pénibles, sur l'aide sociale. Tout le monde va reconnaître, M. le Président, que la situation des assistés sociaux au Québec est difficile. Il y a 800 000 Québécois et Québécoises qui vivent de l'aide sociale. Il y a 400 000 Québécois et Québécoises qui vivent de l'assurance-emploi parce qu'ils ne sont pas capables de trouver un emploi, parce qu'ils ont perdu un emploi; ils n'en trouvent pas d'autre.

M. le Président, le taux de chômage: 12 % au Québec. C'est resté inchangé fondamentalement depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois. Un Québécois sur cinq vit soit de l'assistance sociale ou de l'assurance-chômage. Un sur cinq. M. le Président, mars 1997, avec tous ces chiffres: pénible pour le Québec.

Quel est le premier geste législatif de ce gouvernement au printemps de cette année, session printanière, mars? Quel est le premier geste de ce gouvernement? Le premier geste n'est pas de réduire le chômage, le premier geste législatif n'est pas de créer des emplois, sauf pour des polices, sauf pour des inspecteurs de la langue, il n'est pas de réduire des impôts, il n'est pas d'améliorer notre système de santé, il n'est pas d'améliorer notre système éducatif. Le premier geste législatif, mars 1997, après plus de deux ans au pouvoir, c'est de rétablir la police de la langue française au coût de 5 000 000 $ à peu près par année, M. le Président.

Moi, je trouve ce geste incrédule. Le choix du gouvernement, le premier choix à la rentrée parlementaire, en mars 1997, c'est de créer une police de la langue qui va nous coûter à peu près 5 000 000 $ par année, pendant qu'il y a 800 000 personnes sur l'aide sociale et 400 000 chômeurs. Incrédule.

Mr. Speaker, this debate is, for me, regrettable and sad because of a fundamental reason. And that fundamental reason is that, as I speak, Mr. Speaker, on the 13th of March, 800 000 Quebeckers live on welfare, including 200 000 children. They live under extremely difficult conditions, Mr. Speaker. We have had, in the social affairs commission of the House, group after group come to give witness before that commission about the extremely difficult situation under which welfare recipients live in this province. Mr. Speaker, 400 000 Quebeckers live of employment insurance because they've lost their job and can't find no other. The unemployment rate has remained at 12 % since the PQ arrived in Government, hasn't change essentially in two and a half years. One in five Quebeckers lives either on welfare or on employment insurance.

And what is the first legislative gest that this Government poses in the spring of 1997? The most crucial issue for this Government, it would appear, is to resurrect the language police at a cost of $5 000 000 a year. It's not, Mr. Speaker, to reduce unemployment; it's not to create jobs; it's not to reduce taxes; it's not to improve our health care system; it's not to improve our education system. No Sir. For this Government, the first and most important legislative gesture that they wish to do in the spring of 1997 is to resurrect the language police at a cost of $5 000 000 a year, generally speaking, Mr. Speaker.

Mr. Speaker, governments make choices. That's what they are elected to do. This Government has chosen to close hospitals to save money – people of NDG are particularly aware of that, the closure of the Queen Elizabeth Hospital. They have chosen to cut services, public services. They have chosen to reduce benefits for those on welfare. They have chosen to do all those things and they can find $5 000 000 a year for a language police to deal with an issue that isn't even an issue, according to all major political observers of the Québec scene, Mr. Speaker. It's surreal, it's kafkaesque, as far as I am concerned.

(17 h 50)

On Tuesday, I took my daughter Emma to the doctor. She's 21 months old. She has repeated ear infections. We went to an ear, nose and throat specialist, and one of the patients I began to discuss, have a chat with... Her name is Meredith Dobman, from the town of Dollard-des-Ormeaux, in the riding of Robert-Baldwin. It's a pure coincidence. I assure you that I found this person in the doctor's waiting room. Mrs. Dobman has a recurrence of a benign tumor in her ear canal, which was already surgically removed in 1994. The tumor has reoccurred. And I know this will particularly interest the Minister of Health, I am sure it will. The tumor has reoccurred, Mr. Speaker. It's benign, but it's dangerous. She is a presurgical candidate. The doctor sent her to the Montréal Neurological Institute for a MRI, magnetic resonance imaging, which he felt was essential before he attended surgery on her condition.

Mrs. Dobman was told by the Montréal Neurological Institute that there was a four month wait for an haemorrhage – four months, Mr. Speaker. I'd be very interested to know how the Minister responsible for the Charter of the French language could explain to Mrs. Dubman why this Government can find 5 000 000 $ to the correct the problem that most people say doesn't even exists – 5 000 000 $ per year – when Mrs. Dubman has to wait four months for a test that could very seriously affect her ability to stay healthy as a member of Québec society. This Government has the room to cut hundreds of millions dollars in health care, but finds 5 000 000 $ for language police, Mr. Speaker. It's surreal. It's unbelievable. Mr. Speaker, the resurrection of the language police, to most observers, was most unexpected. It is, generally speaking, perceived by experts to be useless. It is, by many accounts, perceived to be a provocation to members of Québec's English speaking community. It is, as far as I am concerned, pity and sad, when there are 800 000 people living on welfare and 400 000 people unemployed.

M. le Président, quand on a 800 000 personnes sur l'aide sociale et 400 000 personnes sur l'assurance-chômage au Québec, la résurrection de la Commission de la protection de la langue française est, quant à moi, inattendue. C'est inutile, c'est provocateur et c'est triste. Si c'est ça que le gouvernement veut comme bilan, il va l'avoir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je crois que ceci met fin au débat.


Mise aux voix

Alors, nous serions prêts à mettre aux voix l'adoption du principe du projet de loi. Le principe du projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française, est-il adopté?

Une voix: Adopté sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. Je crois que nous avons des débats de fin de séance. Il reste cinq minutes...

M. Bélanger: Je fais motion pour déférer...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien, M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de la culture

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de la culture pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): La motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.


Débats de fin de séance


Centres jeunesse de la Montérégie

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, nous allons entreprendre le débat entre le ministre de la Santé et des Services sociaux et Mme la députée de La Pinière, débat concernant le Centre jeunesse de la Montérégie. Alors, Mme la députée de La Pinière, vous avez une intervention d'une durée de cinq minutes; M. le ministre, d'une durée de cinq minutes; et une réplique de deux minutes pour Mme la députée de La Pinière. Alors, Mme la députée, je vous cède la parole.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. M. le Président, ce matin, j'ai questionné le ministre de la Santé et des Services sociaux sur la situation critique qui prévaut dans les centres jeunesse de Montérégie qui ont manifesté à plusieurs reprises pour signaler au ministre la situation chronique de sous-financement et le manque de ressources pour les jeunes de la Montérégie.

En novembre 1996, les centres jeunesse de la Montérégie ont organisé une assemblée générale durant laquelle une résolution a été adoptée en vue de mener une action pour un financement équitable des centres jeunesse de la Montérégie. Depuis, de nombreuses actions ont été entreprises et un comité d'action a été créé. En décembre dernier, il y a eu une conférence de presse qui a été tenue par le syndicat des employés du Centre des services sociaux Richelieu–Longueuil– Saint-Jean. Durant cette conférence de presse, un signal d'alarme a été envoyé dans la population, dans l'opinion publique et au ministère de la Santé et des Services sociaux.

Que disaient les intervenants du milieu? Ils disaient que la Montérégie était sous-financée en ce qui concerne les services de santé et les services sociaux, plus spécifiquement en ce qui concerne les services pour les jeunes. Ce sous-financement est dû essentiellement aux compressions budgétaires du ministre de la Santé et des Services sociaux. Ce matin, le ministre nous disait que c'est une situation chronique qui date de longtemps. Tout le monde réalise dans le milieu que c'est le virage que le ministre a fait prendre aux services de santé et aux services sociaux qui a eu pour conséquence qu'actuellement des groupes se retrouvent dans une situation assez critique.

Le deuxième constat qui a été fait, c'est un manque de ressources pour faire face à des besoins criants et en croissance. On se rappellera, M. le Président, que la Montérégie compte 320 000 jeunes, et c'est une population qui est en perpétuelle croissance, donc les besoins s'en vont en croissant. En décembre dernier, plus précisément le 4 décembre, quand j'ai posé la question au ministre, il m'avait répondu qu'il n'y avait pas de quoi fouetter un chat et que finalement les gens de la Montérégie étaient servis par Montréal, une affirmation qui a été vertement dénoncée par le milieu, notamment par le syndicat lui-même, qui a déclaré, par la voix de M. Lemieux dans Le Journal de Montréal , que cette affirmation était totalement fausse. Non seulement on ne pouvait pas se prévaloir des services disponibles à Montréal, mais, à cause des compressions et des fermetures et du virage que le ministre a imposés à la population, Montréal ne suffit plus à ses propres besoins.

(18 heures)

Troisième étape, M. le Président, il y a eu également une plainte qui a été formulée auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, et hier la Commission s'est prononcée sur cette situation. Donc, le ministre ne peut pas toujours nous dire que c'est une situation chronique, que c'est le Parti libéral qui nous a légué cet héritage, etc., c'est sa responsabilité. Il est élu depuis trois ans, et on ne voit pas le bout du tunnel avec lui en ce qui concerne cette situation qui est très grave et qui affecte la vie, la sécurité de centaines d'enfants. En Montérégie, là, je vous lis, si vous permettez, M. le Président, le communiqué de presse rendu public par la Commission des droits de la personne et que le ministre n'oserait peut-être pas contester. Je vous fais lecture partiellement de ce communiqué daté du 12 mars 1997, c'est-à-dire hier: «En Montérégie, en janvier 1997 – c'est-à-dire il y a à peine un mois et quelques – 207 enfants signalés au directeur de la protection de la jeunesse comme pouvant voir leur sécurité ou leur développement compromis attendaient une évaluation de leur cas, la majorité depuis plus d'un mois. Dans la même région – c'est-à-dire la Montérégie – 174 autres enfants dont la sécurité ou le développement ont été reconnus comme compromis attendaient aussi, la majorité depuis plus de trois mois, que puissent leur être assurés la protection et les services dont ils ont besoin.» C'est un commentaire qui est émis, un jugement, une évaluation émise par la Commission des droits de la personne.

M. le Président, j'interpelle le ministre pour qu'il nous dise ce qu'il va faire immédiatement pour remédier à la situation des jeunes en Montérégie. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux pour une intervention d'une durée de cinq minutes. M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: M. le Président, je suis, dans un sens, assez content d'avoir cette occasion pour réexpliquer la situation, parce que, d'une part, comme je l'ai dit cet après-midi lors de la période de questions, on ne nie pas qu'il y ait des problèmes importants encore à régler en ce qui regarde les services à la jeunesse dans la région de la Montérégie. Mais, par contre, il y a beaucoup d'actions qui sont en place depuis deux ans, qui ont déjà commencé à faire sentir une certaine amélioration et qui devraient, au cours de la prochaine année, continuer d'améliorer sensiblement la situation.

Permettez-moi, M. le Président, une légère précision au sujet de ce que vient de dire la députée. Le problème n'a pas été créé, mais pas du tout, par le virage ambulatoire et la réorganisation des services de santé et des services sociaux. C'est un problème qui remonte à assez longtemps, et, dans la petite histoire de ce problème, dans les années 1989 à 1991, il y a eu un plan qu'on a tenté de mettre en marche, en place, de développement de places, entre autres, pour les jeunes, et, pour différentes raisons – on n'a pas le temps de les remonter – mais, en partie, c'est une situation qui a été mal gérée et c'est à partir de ce moment-là que la situation a commencé à s'aggraver régulièrement d'année en année.

Ce que le virage ambulatoire et la transformation ont permis de faire, quand même, c'est de clarifier beaucoup cette situation, de voir exactement quelles sont les ressources que chacune des régions du Grand Montréal ont et doivent avoir, quelles sont les ressources qui sont, comme on dit, suprarégionales ou qui doivent se partager entre les régions et quelles sont d'autres ressources de personnel ou d'argent qui doivent venir directement du ministère. Ça, ça a été clarifié, et les gens savent exactement quels sont les montants, les chiffres, les endroits, les personnes. Le plan d'action se détermine. Mais ça n'a pas été évident, parce qu'on a vraiment pris une situation où tout était confus.

Maintenant, les régions ont clarifié la situation, se sont entendues, et, dans les prochains jours, dans les prochaines semaines, il devrait – on en est rendu là, M. le Président – y avoir une entente entre les régies régionales pour voir comment les ressources vont être réparties entre les régions. Parce que fondamentalement – et, ça aussi, c'est contrairement à ce que vient d'affirmer la députée – l'ensemble du Montréal métropolitain a les ressources en places et en personnel, sur une base de population, comparé à toutes les régions du Québec, mais la répartition est mal faite. Les régions doivent conclure dans quelques semaines, et on est dans ce genre de situation.

Comme on a fait dans différentes décisions qui ont été prises avec la réorganisation de nos services de santé, si, pour quelque raison que ce soit, il y avait des décisions que les régions ne pouvaient pas faire entre elles conjointement et solidairement, eh bien, c'est le ministre qui va faire l'arbitrage dans les prochaines semaines. De sorte qu'en commençant la prochaine année budgétaire, autant au plan local... Parce que la régie régionale de Montérégie devra faire certaines réallocations, elle aussi. Autant d'ententes entre les différentes régions, on aura clarifié des choses et il y aura des ressources qui seront mieux réparties. Et, au cours de la prochaine année, on aura une amélioration.

Maintenant, avant de terminer, je voudrais bien clarifier la situation actuelle. Parce qu'il y a des jeunes en attente, mais d'abord tous les cas d'urgence qui doivent être vus immédiatement sont vus immédiatement, à 100 %. L'intervention est immédiate. C'est priorisé. Tous les cas. Et il y a une autre catégorie de types de problèmes qu'on classe comme ce que les gens appellent, dans leur jargon, un code 2, c'est une intervention qui doit être faite dans les 24 heures. À 85 %, ces jeunes-là sont vus dans les 24 heures. C'est la troisième catégorie où l'intervention est moins urgente, moins immédiate, où là, comme on a concentré pour répondre d'abord aux urgences, les retards se prennent.

Maintenant, comme je l'ai dit, pendant que les plans de transformation ont été faits, qu'on a clarifié la situation, qu'on a vu comment on peut la régler à moyen et long terme, on a fait des actions à court terme. Il y a eu 2 100 000 $ qui ont été investis dans la région. Il y a des places qui ont été développées sur une base temporaire à l'intérieur de la région. Il y a une construction qui est partie, et ça, ça fait partie du projet qui n'a jamais décollé à la fin des années quatre-vingt, des années quatre-vingt-dix, parce que mal géré sur le terrain. Là, c'est parti. La construction va se faire, 84 places. Et, avec celle qui va se mettre en place dans à peu près un an d'ici, la répartition des ressources aura été faite et la région aura ce qu'il lui faut pour répondre à cette situation.

Les mesures mises en place jusqu'ici ont déjà commencé quand même à alléger le fardeau. Et, comme je le rappelle, ce n'est pas par hasard qu'on revient toujours à ce moment-ci de l'année sur cette question-là. C'est un moment de l'année où, pour différentes raisons, il y a toujours un plus grand nombre de cas qui sont signalés et de demandes d'évaluation. C'est vraiment une année où il y a une pointe de demandes. Donc, quand on parle de 207, c'est un peu une pointe durant l'année. Pendant beaucoup d'autres périodes de l'année, avec une certaine fluctuation, on va plutôt avoir tendance à avoir... Ça ne devrait pas dépasser ça. Mais, l'an passé à la même date, si on compare des périodes comparables, c'était au-dessus de 300, plutôt que 200, qui étaient en attente. Donc, c'est quand même, avec les mesures qui ont été prises immédiatement, une amélioration de 30 %.

Les mesures à plus moyen et long terme sont clarifiées maintenant. Des décisions seront prises dans les prochaines semaines, au besoin par arbitrage, mais ça ne sera probablement pas nécessaire, parce que les régies ont très bien travaillé ensemble. Et, comme je le disais cet après-midi, j'espère que tout se passera comme c'est prévu et que l'an prochain à pareille date on aura une situation qui sera sous contrôle et qui sera normale. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Je vais maintenant, pour terminer ce débat, céder la parole à Mme la députée de La Pinière, pour une réplique de deux minutes. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin (réplique)

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, encore une fois, le ministre s'évertue à nous parler de l'état de la question d'il y a 10 ans, d'il y a 20 ans. Jusqu'à quand le ministre de la Santé et des Services sociaux va remonter dans l'histoire, M. le Président? Il ne réalise pas qu'il est élu depuis trois ans et que le ministre a une responsabilité vis-à-vis des citoyens par rapport aux décisions qu'il a à prendre lui-même depuis trois ans.

Il faut savoir que la situation est assez critique. Ce n'est pas des chiffres que, moi, je demande au ministre, c'est des actions concrètes parce qu'il y a des enfants abusés sexuellement qui n'ont pas accès aux services, des enfants victimes de violence qui n'ont pas accès aux services. On a un article qui nous relate que des enfants en bas âge, des jeunes ont été mis en détention, faute de services, en Montérégie.

Qu'est-ce qu'il faut amener comme argument au ministre pour qu'il réalise que la situation est grave et qu'au-delà de l'état de la question c'est un règlement de la question qu'il faut, M. le Président? Le ministre nous dit que, dans les prochains jours, les régies régionales vont se réunir et vont décider du partage des ressources. Mais quelles ressources, M. le Président? Toutes les régies régionales sont en crise dans le moment et réclament la même chose du ministre. La ministre responsable de la Montérégie nous a clairement dit hier que la Montérégie, le territoire, elle n'y tient pas plus qu'il le faut. Et, s'il y a une métropole, bien, il faut repenser la Montérégie. Qu'est-ce qui va arriver des services à livrer pour les jeunes dans le domaine de la santé et dans le domaine de l'éducation, mais de la santé plus spécifiquement?

(18 h 10)

M. le Président, je viens de lire un paragraphe du communiqué de la Commission des droits de la personne. Permettez-moi, juste en terminant... «Parmi les 207 enfants attendant que leurs conditions de vie soient évaluées, 81 étaient âgés de 10 ans ou moins et 44 étaient signalés aux motifs qu'ils étaient l'objet de mauvais traitements physiques ou encore victimes d'abus sexuels.» C'est la Commission des droits de la personne qui parle, en date d'hier. Et le président ajoute: «Il est troublant de constater que cette absence de prise en charge d'enfants en difficulté est le fait même de l'organisme public qui a spécifiquement le mandat de les protéger.» C'est grave. Le ministre peut-il entendre raison?


Rémunération des croupiers dans les casinos

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ceci met fin au premier débat. Nous allons entreprendre le deuxième entre le vice-premier ministre et M. le député de Westmount–Saint-Louis concernant une éventuelle augmentation de salaire des croupiers de casino. Les règles de procédure sont les mêmes. Je cède la parole à M. le député de Westmount–Saint-Louis pour une intervention d'une durée maximale de cinq minutes.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Vous aurez remarqué, puisque vous avez participé à la période de questions, que le temps imparti à la période de questions n'a pas été suffisamment long pour permettre, entre autres, au ministre de pouvoir compléter la réponse qu'il avait commencé à nous donner.

Alors, je soulevais ce matin le problème – cet après-midi, plutôt – et la question suivante à l'effet que, en lisant les conventions collectives, je me suis aperçu qu'on avait donné une augmentation de 6 %, il y a un an et demi, aux gens, aux croupiers qui travaillent dans les casinos de l'État, les casinos de Charlevoix, Hull et Montréal, et que, dans ce 6 %... Et le ministre avait raison de signaler que c'était par arbitrage que ça avait été fait. Mais n'empêche que l'arbitrage a été reçu et accepté par les parties. Alors, l'arbitrage en tant que tel avait donné 6 %, mais il y a un 2 % qui va rentrer pour le 1er juin 1997.

Je soulevais la question que c'était un peu étonnant de voir, au moment où le premier ministre a demandé la collaboration de tous les employés de l'État, non seulement, évidemment, les enseignantes, les enseignants, les gens du secteur de la santé et les infirmières, mais tous les employés de l'État, que personne n'avait remarqué, nulle part, qu'une partie des employés, entre autres les croupiers, auront des augmentations de 6 % pendant que l'ensemble des autres employés de l'État, les infirmières, les enseignants, les enseignantes auront, eux, des diminutions de 6 % ou l'équivalent de 6 %.

C'était un peu bizarre d'entendre le ministre nous parler de la cause de la concurrence dans le secteur des jeux, qui permettait évidemment aux croupiers d'avoir des augmentations de salaire au moment où les autres employés avaient des diminutions. J'ai trouvé un peu l'argument surréaliste, et c'est la raison pour laquelle nous allons en rediscuter. Il est assez étonnant qu'on tente de comparer des casinos avec des hippodromes ou des locaux de vidéopoker. D'abord, les croupiers, on n'en trouve que dans les casinos. Quant à l'hippodrome, j'ai vérifié les conventions collectives des hippodromes, particulièrement celui de Montréal, et je rappelle au ministre que la dernière convention collective signée à l'Hippodrome Blue Bonnets – le plus important au Québec, plus important que celui de Trois-Rivières ou celui d'Aylmer dont il nous parlait cet après-midi – a vu, à la fin de sa négociation avec ses employés, une diminution de près de 20 %, et non pas une augmentation de 6 % comme les croupiers. S'il faut faire une étude dans l'industrie du jeu, on va s'apercevoir que, dans le cas des croupiers, on les a traités fort différemment que les gens qui travaillent dans les hippodromes.

Ceci étant dit, la concurrence, elle s'exerce aussi pour nos employés. Les enseignantes, les enseignants, les gens qui sont des techniciens, des techniciennes dans les hôpitaux, les infirmières, ils sont aussi en concurrence avec les gens qui travaillent dans des mêmes métiers en Ontario, au Nouveau-Brunswick, dans le Nord-Est des États-Unis, et, dans ces cas-là, évidemment je ne sache pas qu'on leur ait aussi exigé des diminutions de salaire. Alors, nous aussi, nos employés, nous devons chercher non seulement à avoir une captation, une rétention d'employés, mais il faut les garder nos employés. Si on veut évidemment qualifier le type de travail qu'ils font comme étant secondaire pour le gouvernement, bien, nous, ça nous offusque.

J'ajouterai, dans le dossier des négociations, un autre exemple, M. le Président. Les représentants de l'association des cadres du gouvernement et des réseaux de la santé, des cadres du gouvernement, là, les cadres du vice-premier ministre et ceux du réseau de la santé et du réseau de l'éducation, ont tenté de rencontrer le premier ministre hier matin. On apprenait dans les journaux que la seule personne qu'ils ont pu voir – ils se sont fait arrêter à l'entrée de la porte du bureau du premier ministre – c'est les agents de sécurité qui leur ont dit: Retournez chez vous. Ces gens-là sont éminemment frustrés. Il y a 25 000 cadres dans le gouvernement et dans les réseaux de la santé et dans le réseau de l'éducation qui sont outrés du traitement qu'on leur fait subir ces temps-ci, et, particulièrement, une rencontre avec le premier ministre ou le vice-premier ministre n'aurait pas nui à la connaissance du dossier de ces deux personnes-là.

Alors, on se retrouve dans une situation, M. le Président, où, d'une part, on aura des croupiers qui travaillent, qui font un emploi sur lequel... Je ne veux pas remettre en question l'utilité des gens qui travaillent dans les casinos, mais on aura de toute façon des croupiers à Hull, à Pointe-au-Pic et à Montréal qui auront 6 % d'augmentation de salaire pendant qu'on va demander 6 % de retenue de salaire ou 6 % de diminution de salaire pour l'ensemble des autres employés de l'État. Alors, c'est absolument un peu anormal. Et c'est là-dessus que notre discussion a porté cet après-midi, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Je vais maintenant céder la parole à M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Le député a bien fait de demander ce petit débat de fin de séance, parce que, cet après-midi, j'ai parlé un peu de mémoire, mais je ne me suis pas trompé, par ailleurs, mais j'ai parlé moins précisément que je ne vais pouvoir parler maintenant parce que j'ai eu le temps évidemment de consulter mes notes. Et il y a aussi une autre raison. Il l'a redit, là; il l'avait dit à la période de questions aussi, qu'on coupait 6 % aux infirmières. Je me demande...

M. Chagnon: Ou l'équivalent.

M. Landry (Verchères): Non, non, mais là il dit, de l'autre côté de la Chambre, alors qu'il n'est plus dans le micro: Ou l'équivalent. Mais, à la face du Québec, cet après-midi, il a dit 6 % et il a redit 6 % il y a quelques minutes. C'est comme ça que l'opposition, la loyale opposition officielle de Sa Majesté aide la vie québécoise, en répandant des choses fausses et en précisant sottovoce par la suite «ou l'équivalent». Les conventions collectives du secteur public, dans nos offres, vous le savez, sont maintenues. Vous savez que l'augmentation de 1 % est maintenue. Vous savez que tous les avantages sont maintenus et que nous négocions – et c'est à la gloire de nos employés, d'ailleurs, d'avoir redemandé une semaine de plus pour sortir de cette impasse – une façon de contrebalancer un départ de 15 000, très assisté et très demandé par beaucoup de fonctionnaires, de contrebalancer à l'intérieur par des aménagements à la tâche. C'est normal. S'il y en a qui partent, il faut que les choses se réorganisent, et c'est dans ce sens-là qu'on travaille, non pas dans des hypothèses catastrophiques.

Mais ce qu'il m'a permis aussi, le député de Westmount–Saint-Louis, c'est d'aller vérifier mes notes. Et les notes, c'est que toute cette affaire du casino était l'épilogue d'une grève. Alors, une grève le 25 juin 1995 qui débute dans les casinos; le 25 juillet, elle se termine, pour une partie des grévistes, par une première convention collective signée avec les syndiqués de la FTQ; et, le 14 août, la grève se termine totalement parce que l'enjeu est référé à un arbitre. C'est une façon civilisée, ça, de finir un conflit, de recourir à un arbitrage. Mais, quand on recourt à l'arbitrage, évidemment on est lié par ce qu'a dit l'arbitre.

Alors, l'arbitre, qu'est-ce qu'il a dit? D'ailleurs, ce n'était pas un arbitrage tout à fait ordinaire, c'était un arbitrage de première convention collective. C'est encore plus grave, parce que, là, il n'y a pas de base de départ, c'est la première convention. Alors, l'arbitre, qu'est-ce qu'il a dit? Il a dit: Une augmentation de 2 % rétroactive au 1er juin 1996 plus une augmentation de 2 % effective le 1er juin. Alors, premièrement, le député parlait de 6 %; c'est 2 % rétroactif au 1er juin et une autre de 2 % effective au 1er juin 1997.

Alors, je comprends que le député veut faire un parallèle avec les actuelles négociations de la fonction publique. Je pense qu'il a tort à cause de ce fait qu'il s'agit d'une première convention collective dont les résultats ont été étendus à l'autre syndicat par équité, à cause du fait qu'il s'agit d'un arbitrage et que le gouvernement aurait été malvenu, ayant mis fin à la grève par l'arbitrage et les bons offices du ministère du Travail, de ne pas se plier à l'arbitrage. Mais, en plus, au-delà de ça, une question d'une de ses collègues cet après-midi a dit que le Casino de Hull avait diminué les revenus des bingos, et c'est vrai. Et on essaie de compenser maintenant les associations sans but lucratif qui ont perdu par une réorganisation de l'industrie du bingo. Alors, on voit bien que tous ces jeux-là, ça transpose...

L'hippodrome de Montréal a été très fortement affecté par l'ouverture du casino. Le casino, les bingos et autres jeux qui sont l'apanage des sociétés nord-américaines, la nôtre pas plus que les autres... la nôtre moins que les autres, parce qu'il y a plus de casinos et plus de jeux en Ontario, par exemple, qu'au Québec, tous ces employés, donc, travaillent dans un système de vases communicants; ils sont en concurrence avec d'autres. C'est un univers à la frontière du commerce et de l'industrie, ce qui n'est pas du tout la même chose, et là je ne comprends pas son... Le fait de dire qu'une infirmière du Québec est en concurrence avec une infirmière du Nouveau-Brunswick, c'est des propos qui sont tout à fait inquiétants, parce que la concurrence se calcule dans l'espace national, et théoriquement, oui, il peut y avoir libre circulation des personnes et des biens entre les États-Unis et le Québec, mais c'est absolument marginal. C'est toujours marginal. Ça ne l'a pas été après la Confédération – là, on a perdu la moitié de la population – mais, après ça, ça s'est restabilisé, M. le Président.

(18 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le vice-premier ministre. Je vais maintenant céder la parole, pour les deux dernières minutes de réplique, à M. le député de Jacques... de Westmount– Saint-Louis.


M. Jacques Chagnon (réplique)

M. Chagnon: En fait, de Jacques Chagnon. Ha, ha, ha! M. le Président, je vous remercie. J'écoutais les arguments du vice-premier ministre, qui sont fort différents de ceux de cet après-midi. On ne parle plus, évidemment, de la règle de la concurrence entre vidéopoker, hippodrome et casino.

M. Landry (Verchères): Je viens d'en parler.

M. Chagnon: Et non. Vous avez parlé des casinos entre le Québec et l'Ontario. Alors, vous parliez, cet après-midi...

M. Landry (Verchères): ...

M. Chagnon: J'ajouterai, M. le Président, que les croupiers, la conclusion qu'on peut tirer, c'est qu'effectivement les croupiers auront 6 % d'augmentation, comme l'a expliqué le vice-premier ministre. Toutefois, je suis un peu étonné de constater que le premier ministre m'amène comme argument qu'une bonne façon de régler un problème puis d'avoir 6 % d'augmentation, c'est de faire une grève. C'est un peu étonnant de penser qu'on pourrait solutionner nos problèmes, entre autres, de finances publiques en demandant à nos employés de faire une grève pour s'assurer d'avoir une plus grosse augmentation ou d'éviter d'être coupés. Coupés, je le maintiens. On demande aux gens actuellement – et je l'ai dit, je l'ai répété cet après-midi, je le répète ce soir – on demande aux gens... On donne aux croupiers 6 % d'augmentation pendant qu'on va demander aux infirmières l'équivalent d'une perte de 6 % de leurs revenus, M. le Président.

Le vice-premier ministre semble ne pas savoir qu'en Amérique du Nord et en Europe les infirmières du Québec, les infirmières de l'Ontario sont très recherchées. Et le vice-premier ministre a intérêt à se présenter et à vérifier devant les écoles, services de nursing des universités, et des cégeps pour les auxiliaires, il s'apercevrait que plusieurs hôpitaux américains et européens viennent faire du recrutement d'infirmières ici. Alors, évidemment, la question des relations de travail, la question de la qualité de la rémunération de nos infirmières nous importent et devraient aussi importer au ministre des Finances et faire en sorte que les croupiers ne soient pas traités différemment des infirmières. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Ceci met fin à notre débat et à nos travaux d'aujourd'hui, et nous allons ajourner à mardi prochain, 10 heures, le 18 mars.

(Fin de la séance à 18 h 23)