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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 25 mars 1997 - Vol. 35 N° 82

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Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes

Affaires du jour


Annexes
Impact sur le revenu disponible de la réforme de l'impôt sur le revenu des particuliers
Sommaire des opérations financières 1995-1996 – 1996-1997
Sommaire des opérations financières 1997-1998
Revenus budgétaires – Prévisions 1997-1998
Dépenses budgétaires – Prévisions 1997-1998
Opérations non budgétaires – Prévisions 1997-1998
Opérations de financement – Prévisions 1997-1998
Annexes du Discours sur le budget
Annexe A: Les mesures fiscales et budgétaires
Addenda 1: Recommandations de la Commission sur la fiscalité
et le financement des services publics
Addenda 2: Nouveau régime simplifié d'impôt sur le revenu:
spécimen des formulaires de déclaration simplifiée de revenus
et de l'annexe sur le calcul des crédits d'impôt basés sur le revenu
Addenda 3: Entente relative aux pourboires: formulaire-type
Annexe B: Perspectives à moyen terme de la situation financière du gouvernement du Québec
Annexe C: La situation financière du gouvernement et les emprunts du secteur public
Annexe D: Revue de l'évolution de l'économie en 1996 et perspectives
Annexe E: Rapport sur l'application de la Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire
DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le mardi 25 mars 1997

Journal des débats


(Dix heures dix minutes)


Affaires du jour

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons débuter aux affaires du jour. Je vous inviterais à vous asseoir, s'il vous plaît. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 4 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 89


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 4, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 20 mars dernier sur l'adoption du principe du projet de loi n° 89, Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative. Le dernier intervenant était le député de Marquette. Je serais prêt à céder la parole à un nouvel intervenant. Alors, M. le député de l'Acadie, je vous cède la parole.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, je tenais à intervenir, à ce moment-ci, au niveau de l'adoption de principe du projet de loi n° 89 parce que j'ai eu l'occasion, d'abord, de suivre en commission parlementaire et ici, à l'Assemblée nationale, le projet de loi n° 130, qui évidemment était intimement relié à celui que nous avons devant nous présentement.

Alors, il faut rappeler que, essentiellement, le projet de loi n° 89 vise à mettre en oeuvre dans des lois particulières les principes qui ont été établis dans la Loi sur la justice administrative, c'est-à-dire la loi n° 130 qui a été votée ici, en Chambre, en décembre dernier. Alors, essentiellement, quand on regarde la projet de loi n° 89, on peut constater qu'on parle d'une loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative. Et, si on regarde les notes explicatives du projet de loi, je pense qu'il y a un certain nombre d'éléments auxquels on fait référence, mais il y a deux éléments sur lesquels j'aimerais attirer l'attention des membres de cette Assemblée. On dit que certaines dispositions visent la déjudiciarisation du processus de l'administration publique menant à la prise de décision individuelle dans l'exercice d'une fonction administrative. Deuxièmement, on parle de l'intégration dans le Tribunal administratif du Québec, ce qu'on appelle communément le TAQ, des organismes existants que sont la Commission des affaires sociales, le Bureau de révision en immigration, la Commission québécoise d'examen des troubles mentaux, le Bureau de révision de l'évaluation foncière et le Tribunal d'appel en matière de protection du territoire agricole. De plus, certaines dispositions visent à confier au Tribunal administratif du Québec la compétence qui est actuellement confiée à certains organismes gouvernementaux comme la Commission municipale du Québec et la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. Alors, essentiellement, le noeud, si on veut, de la mise en application de la loi n° 130, c'est la création du Tribunal administratif du Québec qui va regrouper toute une série de compétences qui étaient distribuées dans différents organismes qui visaient essentiellement à assurer la justice dans les décisions administratives.

C'est un projet de loi qui est excessivement important, d'abord par son étendue. C'est un projet de loi qui a des ramifications dans de nombreuses autres lois. En fait, le projet de loi n° 89 modifie plus de 110 lois particulières. Alors, on crée un organisme qui aura à rendre des décisions pour assurer la justice à l'égard des citoyens et on va toucher à toute une série de secteurs, si on veut, d'activité de l'administration publique qui sont excessivement importants pour les concitoyens, et c'est ça que je voudrais bien faire ressentir. Il ne s'agit pas tout simplement d'une structure pour une structure, c'est une structure administrative qui va avoir des incidences quotidiennes dans la vie de très nombreux concitoyens du Québec.

Par exemple, je vais juste énumérer... Je ne vous ferai pas la liste, évidemment, des 110 lois qui sont touchées. Mais, juste pour démontrer l'ampleur de l'impact ou des conséquences du projet de loi n° 89, il faut mentionner que cette loi-là va modifier la question de l'aide juridique, les allocations d'aide aux familles, l'assurance-récolte, les affaires sociales, le transport, l'enseignement privé, les établissements touristiques, la fiscalité municipale, l'immigration au Québec, la libération conditionnelle des détenus; va avoir des impacts au niveau des mines, du camionnage, de la mise en marché de produits agricoles alimentaires et de la pêche, au niveau des permis d'alcool, de la protection de la jeunesse, de la protection de la santé publique, de la protection du malade mental, de la qualité de l'environnement, de la Régie du logement, des régimes de retraite, de la sécurité du revenu, des services de garde à l'enfance, et on pourrait continuer, M. le Président. Je pense que ça démontre, de façon très claire, que ce projet de loi va avoir des conséquences qui vont toucher inévitablement, un jour ou l'autre, à peu près tous les citoyens du Québec.

Alors, les réserves ou les commentaires que j'aurai à faire sur le projet de loi n° 89, de façon plus précise, il faut considérer que ça va s'appliquer ou que ça pourrait s'appliquer éventuellement dans tous ces secteurs-là. Alors, c'est un projet de loi important en termes d'étendue, d'ampleur, et c'est aussi un projet de loi qui est important en termes, tout simplement, du contenu du projet de loi, puisqu'il s'agit d'un projet de loi qui regroupe exactement 916 articles de loi.

Alors, pour comprendre le projet de loi n° 89, comme je le mentionnais tout à l'heure, il s'agit d'une loi qui vise à l'application de la Loi sur la justice administrative. Il faut retourner au projet de loi n° 130, qui a été adopté – il faut le souligner ici, M. le Président, parce que ça va être important aussi pour comprendre la suite – dans une motion de suspension des règles, en décembre dernier. C'est un projet de loi qui avait fait l'objet de plus de 130 heures de travaux en commission parlementaire, sur lequel il y a eu des réserves très importantes qui ont été soulignées, notamment par le Barreau, et l'opposition aussi, évidemment, a fait écho à de nombreuses réserves qu'on avait par rapport à ce projet de loi. Le gouvernement a jugé bon, dans un bâillon, de suspendre la discussion, de cesser de tenter d'améliorer le projet de loi, et a fait passer de force, par le poids de sa majorité, le projet de loi, dans une motion de suspension des règles qui a eu lieu à la toute fin de la session, en décembre dernier.

Pour le gouvernement, les réserves que les gens pouvaient avoir – et, quand je parle des gens, je parle d'experts, notamment le Barreau – ça n'avait aucune importance. L'objectif, c'était de faire passer le projet de loi n° 130 coûte que coûte, essentiellement parce qu'il y avait des conséquences budgétaires. Et c'était ça, l'objectif essentiel de la démarche du ministre de la Justice à ce moment-là.

Alors, le projet de loi n° 89 doit être évalué, puisqu'il s'agit d'une loi qui vise à mettre en application cette loi-là, à la lumière des réserves que nous avions à ce moment-là concernant le projet de loi n° 130. L'objectif que l'opposition officielle a toujours eu dans ce débat sur la réforme de la justice administrative – ça a été notre position en commission parlementaire et aux différentes étapes de l'étude du projet de loi n° 130 et ce sera encore notre position dans le cadre du projet de loi n° 89 – c'est de satisfaire, au fond, certains objectifs qui nous paraissent fondamentaux, et je voudrais ici tout simplement les énumérer.

Pour nous, ce qui était important, c'était d'assurer la qualité des services en matière de justice administrative. Le deuxième objectif, c'était d'assurer l'accessibilité des citoyens à un système de justice qui va leur donner l'assurance que leurs droits sont respectés. Et, troisièmement, c'était aussi de s'assurer que cette réforme qui nous était apportée par le gouvernement avait des objectifs clairement démontrés d'économie de coûts, mais pas d'économie de coûts à n'importe quel prix, d'économie en relation avec le maintien de la qualité des services aux citoyens en matière de justice administrative. Alors, M. le Président, c'étaient là les objectifs que nous cherchions à atteindre à l'intérieur de la discussion sur le projet de loi n° 130, et ce sera évidemment les mêmes règles qui vont nous régir comme opposition officielle quand nous allons étudier, aux différentes étapes, le projet de loi n° 89.

Dans le projet de loi, quand on parle de justice administrative... je vous parlais tout à l'heure de l'accessibilité à la justice. C'est évidemment excessivement important que, dans le cadre d'une justice administrative, les citoyens qui, pour différentes raisons, pensent que l'État ne leur a pas rendu justice suite à certaines décisions que le gouvernement aurait pu prendre dans les nombreux secteurs auxquels j'ai fait référence tout à l'heure, que ces citoyens-là aient la possibilité d'en appeler de la décision, dans une instance impartiale, indépendante et qui aura à trancher entre le citoyen et l'État, de façon à déterminer les actions subséquentes, mais également à assurer que le citoyen aura l'impression – et c'est important ça dans notre système de justice – qu'il a été entendu, qu'il a pu faire valoir ses arguments et qu'une instance indépendante, impartiale, a rendu justice, ce qui donnerait la satisfaction à tous les citoyens de dire: Bien, j'ai fait valoir mes points de vue et il y a une décision qui a été prise, on m'a écouté. Malheureusement, on ne m'a pas donné raison. Mais, avoir au moins l'impression qu'il y a eu une analyse impartiale de leur cas, c'est fondamental, c'est toute la question de la confiance à l'égard de la justice qui est en cause ici et également la confiance à l'égard de l'administration publique.

(10 h 20)

Il ne faut jamais oublier, M. le Président, que le citoyen, face à l'État, se sent toujours dans une situation très difficile, très pénible quand il veut contester une décision prise par le gouvernement. Vous savez, le citoyen, quand il arrive vis-à-vis de la machine gouvernementale et qu'il veut faire valoir ses droits, ce n'est pas facile. Et je pense que le préjugé que le gouvernement doit avoir dans toute réforme de justice administrative, c'est de s'assurer – et ça, c'est le devoir des législateurs ici et du gouvernement aussi – qu'il va y avoir des mécanismes en place qui vont permettre aux citoyens, avec le plus de facilité possible, de rendre la justice accessible à tout le monde de sorte que ces gens-là qui veulent contester une décision puissent le faire sans que ce soit trop compliqué et puissent, à la fin de tout le processus, avoir la conviction que la décision – peu importe qu'elle leur soit favorable ou non – a été rendue en toute justice. Alors, c'est excessivement important quand on parle d'une réforme de la justice administrative. Et, évidemment, ici, on ne fait pas référence aux tribunaux qui traitent de causes pénales, on fait ici référence à des décisions strictement administratives qui impliquent l'État et le citoyen.

M. le Président, nous étions tout à fait d'accord avec la démarche que le gouvernement a entreprise quand il a amené ici, en Chambre, le projet de loi n° 130 qui visait à déjudiciariser le processus, à le simplifier, et je voudrais ici citer le programme du Parti québécois lors de la dernière élection. Dans le programme du Parti québécois, il y avait une section qui traitait justement de la justice administrative, et on disait: «En matière administrative, une loi-cadre couvrant l'ensemble des organismes ou personnes exerçant des fonctions quasi judiciaires sera adoptée pour assurer aux administrés des décisions rendues par une personne ou un organisme impartial et indépendant. Cette loi prévoira des règles de procédure permettant un appel des décisions rendues par ces organismes ou personnes devant la chambre administrative de la Cour du Québec et de la Cour supérieure.» C'était un engagement électoral qui était véhiculé par les gens d'en face, et notamment par le ministre de la Justice lui-même, au cours de la dernière campagne électorale. On disait qu'on ferait une réforme de la justice administrative en tenant compte de l'impartialité et de l'indépendance des tribunaux qui auront à rendre des décisions et aussi qu'on protégerait le droit d'appel des décisions des tribunaux administratifs devant la Cour du Québec.

Alors, M. le Président, à aller jusque-là, nous étions parfaitement d'accord et nous avons entrepris des travaux en commission parlementaire en nous basant sur cet engagement et aussi sur les objectifs que nous cherchions à atteindre, qui ressemblaient à ces objectifs-là. Malheureusement, ce qu'on a eu en commission parlementaire, ce n'est pas ça. On a eu, en commission parlementaire, un projet de loi qui avait trois lacunes majeures. La première lacune traite de l'indépendance et de l'impartialité des membres des tribunaux administratifs. Ici, on disait qu'on assurerait cette chose-là, cet élément-là, l'indépendance du Tribunal administratif, mais, dans le projet de loi n° 130, il n'y a eu absolument rien pour nous convaincre que le mécanisme qu'on voulait mettre en place pour nommer, renouveler, sélectionner les membres des tribunaux administratifs permettait de garantir l'impartialité et l'indépendance nécessaires à des gens qui auront à juger de causes qui impliquent à la fois le gouvernement, incidemment qui les engage dans ce cas-là, et le citoyen, lui, qui veut contester une décision du gouvernement.

Ce n'est pas simplement une position de l'opposition officielle, ici, à laquelle je fais référence quand on a dit qu'on n'avait pas la conviction qu'il y avait là suffisamment de garanties de l'indépendance. Je veux tout simplement citer un extrait d'un article qui est paru et qui est signé par le bâtonnier du Québec qui a pour objectif, le bâtonnier du Québec, de surveiller et de s'assurer que les citoyens sont bien servis en matière de justice au Québec, c'est sa responsabilité première.

Le bâtonnier disait: Le Barreau du Québec a toujours été d'avis que la pierre angulaire de toute réforme en matière de justice administrative doit reposer sur l'indépendance des personnes exerçant des positions judiciaires. C'est d'autant plus important que ces décideurs doivent trancher, par définition, des litiges qui se retrouvent dans les relations entre les justiciables et leur gouvernement et que c'est ce même gouvernement qui les nomme et qui renouvellera éventuellement leur mandat. S'il est un secteur de notre système judiciaire qui doit donner des garanties d'indépendance, c'est bien celui-là. Les membres du Tribunal administratif doivent donc détenir un statut leur garantissant l'indépendance nécessaire pour leur permettre de rester crédibles et d'exercer leurs fonctions. Or, le projet de loi ne garantit d'aucune façon que le renouvellement des mandats de cinq ans des membres du Tribunal administratif du Québec qui satisferont aux exigences sera assuré. Le renouvellement du mandat est laissé à l'entière discrétion du gouvernement.

Alors, M. le Président, quand on a un citoyen qui est en face d'une personne qui aura toujours à se dire: Écoutez, si je prends une décision qui va contre le gouvernement, est-ce que le gouvernement va m'en vouloir au point où on ne voudra pas renouveler mon mandat? est-ce que vous pensez que ça permet, ça, M. le Président, que les décisions soient prises en toute impartialité, en toute indépendance, et que le citoyen qui se trouve en face de ce membre du Tribunal administratif va avoir la conviction qu'on l'écoute et qu'on va juger sur les faits et non pas sur une épée de Damoclès que ces gens-là pourraient avoir au-dessus de la tête concernant le renouvellement?

D'ailleurs, quand on a parlé de ça, il y a eu des échos également dans les journaux. Je fais référence ici à un article qui a été fait par M. Mario Cloutier dans Le Devoir du 12 novembre 1996. Et M. Cloutier disait: «La loi n° 130 renvoit à des principes subjectifs dans le cas du renouvellement des mandats des juges administratifs. Les comités de renouvellement nommés par le Québec devront notamment tenir compte des critères comme les besoins du Tribunal administratif et l'opportunité de favoriser la présence de nouveaux membres.» Est-ce que, M. le Président, il n'y a pas plus subjectif que ça?

M. Cloutier continue: «En outre, il est permis de penser que le non-renouvellement des mandats de 21 commissaires à la CALP et de 20 régisseurs à la Régie du logement cadre présentement avec une remise en question complète du rôle des juges du Tribunal administratif.» Un peu plus loin, il disait: «Mais, dans le domaine de la justice administrative, cela veut bien souvent dire "nomination partisane", ce que le ministre de la Justice semble vouloir faire présentement, lui qui refuse depuis deux mois de rencontrer des représentants de l'Association des commissaires en matière de lésions professionnelles, et de se garder une porte ouverte pour utiliser ses fameuses prérogatives ministérielles, du moins dans le cas de renouvellement de mandat de juges administratifs. En français, cela s'appelle du favoritisme.»

Alors, ça, c'était l'opinion de M. Cloutier, qui est un éditorialiste, qui avait fait part de ce point de vue dans Le Devoir . Ça a été repris, ça a été mentionné, M. le Président, par le Barreau du Québec. Il y avait un problème majeur de ce côté-là auquel le projet de loi n° 130 n'a jamais répondu, et on est maintenant devant le projet de loi n° 89 qui vise essentiellement à mettre en application la Loi sur la justice administrative et, encore là, on n'a pas de réponse à ce facteur-là qui est excessivement important, l'indépendance des juges ou des membres du Tribunal administratif.

Je vois, M. le Président, que le temps passe assez rapidement. Je voulais aborder trois points, je vais peut-être me limiter à mentionner les deux autres points. À ce moment-là, peut-être que mes collègues pourront intervenir et faire référence à ces points-là.

Le deuxième point, c'était le droit d'appel. Actuellement, les citoyens qui n'étaient pas satisfaits d'une décision d'un tribunal administratif pouvaient en appeler à la Cour du Québec. Essentiellement, ce qui se passe avec le projet de loi, la nouvelle réforme de la Loi sur la justice administrative, les citoyens perdent ce droit d'appel. Ça veut dire qu'il y aura une décision qui sera rendue par le Tribunal administratif du Québec et ce sera final. Encore là, par des gens qui seront nommés de la façon dont on y a fait référence tout à l'heure. Donc, il faut se questionner sur la qualité de la justice qui pourrait être rendue par les membres du Tribunal administratif et le fait qu'on enlève le droit d'appel, contrairement à l'engagement qu'avait pris le Parti québécois, et le ministre de la Justice lui-même, lors de la dernière campagne électorale, qui nous avait garanti que ce droit d'appel ne serait jamais enlevé, le droit d'appel à la Cour du Québec, ce qui n'est pas le cas présentement. Alors, ça, c'est un problème majeur auquel a fait référence le Barreau et ce problème-là n'a jamais été réglé dans la réforme de la justice administrative.

Le troisième point auquel je voulais faire référence, c'était l'économie de coûts. Encore une fois, jamais le ministre de la Justice n'a pu mettre sur la table une étude qui démontrait quelle était l'économie concrète que le gouvernement pouvait faire en termes de coûts. Et, dans l'optique de l'assainissement des finances publiques, évidemment, c'est toujours justifié, mais on n'a jamais eu de démonstration claire sur l'économie de coûts et dans quelle mesure cette économie de coûts ne pouvait pas affecter la qualité de la justice administrative au Québec.

Alors, M. le Président, vous me faites signe que mon temps est fini. Ces points-là pourront être repris par des collègues tout à l'heure. Je vais me limiter à ça, mais c'est évident que le projet de loi n° 89 ne règle pas les problèmes que nous avions soulevés au niveau de la Loi sur la justice administrative et nous continuerons à collaborer, mais en cherchant à atteindre les mêmes objectifs qui garantissent l'accès et la qualité de la justice administrative pour tous les citoyens du Québec. Merci, M. le Président.

(10 h 30)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de l'Acadie. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je tenais à intervenir dans le cadre du débat sur l'adoption du projet de loi n° 89, Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative; Bill 89, An Act respecting the implementation of the Act respecting administrative justice.

M. le Président, tel que décrit par mon collègue, le député de l'Acadie, je pense que ça vaut la peine de reprendre un peu le cheminement de cette loi-là. Il découle évidemment du projet de loi n° 130, le projet de loi n° 130 qui modifiait et créait, en principe, la Loi sur le Tribunal administratif du Québec. On peut se rappeler, M. le Président, pour ceux et celles qui nous écoutaient au mois de décembre de l'année dernière, que ce projet de loi n° 130 était un projet de loi pas mal contesté, contesté par diverses instances, divers groupes dans la société québécoise, entre autres le Barreau du Québec, qui avait amené un point de vue assez éclairé, quant à moi, qui avait soulevé beaucoup d'interrogations et d'observations quant à des lacunes importantes qui se trouvaient dans le projet de loi n° 130.

On peut se rappeler également, M. le Président, tel qu'indiqué par mon collègue le député de l'Acadie, que le gouvernement a été obligé, par une motion de suspension des règles, communément appelée le bâillon, d'imposer le projet de loi n° 130. Semble-t-il que le ministre de la Justice était incapable de faire consensus autour de cette réforme majeure des tribunaux administratifs au Québec. Il n'était pas capable de faire consensus. Il y avait trop d'opposition non seulement ici, en Chambre, M. le Président... Parce que, nous, on reprenait beaucoup des arguments fournis par d'autres groupes, des groupes assez influents, comme je l'ai mentionné, comme le Barreau du Québec.

Le gouvernement a été obligé d'imposer la loi n° 130 par une motion de suspension des règles, par le bâillon. On s'est battus, nous, de ce côté de la Chambre, pour tenter de convaincre le gouvernement de ne pas procéder d'une telle façon. Quant à moi, le gouvernement procède trop souvent avec des motions de suspension des règles pour faire adopter ses lois. Je pense que c'est le ministre de la Santé qui détient le record. Lui, il a présenté, si ma mémoire est bonne, à peu près quatre projets de loi ici, en cette Chambre, dont la totalité a été adoptée par motions de suspension des règles. Pas capable de faire consensus dans la société québécoise autour des projets de loi du ministre de la Santé; non plus, semble-t-il, celui du ministre de la Justice, qui a vu la nécessité d'imposer par bâillon le projet de loi n° 130.

On peut se rappeler facilement, M. le Président, ça fait à peine quatre jours, que l'Assemblée nationale a été convoquée d'urgence pour adopter encore une fois un projet de loi spécial, cette fois-ci sous la suspension des règles, pour essentiellement obliger des syndiqués et des travailleurs non syndiqués de la fonction publique et parapublique québécoise à négocier avec un couteau sur la gorge, pour tenter de réduire les dépenses sur la masse salariale du gouvernement du Québec. Un autre exemple, M. le Président, de l'incapacité de ce gouvernement de faire consensus autour de ses projets de loi, de faire adopter des projets de loi par nos règles habituelles et normales, sans avoir à recourir à cette fameuse technique du bâillon, de suspension des règles, technique, d'ailleurs, que les gens d'en face, les députés du Parti québécois qui étaient ici lors de la dernière Législature décriaient à chaque fois que ça a été utilisé et même ont pris certains engagements de tenter de réduire l'utilisation de ce mécanisme exceptionnel, pour l'adoption de nos projets de loi, au minimum. Et on est rendu avec le marathon de décembre. Si, encore une fois, ma mémoire est bonne, juste dans la session d'octobre-décembre, 11, sinon 14 projets de loi ont été adoptés par bâillon, M. le Président, dans une seule session de cette Législature.

Je pense que ce gouvernement s'apprête à rivaliser avec les records d'autres gouvernements au niveau des projets de loi adoptés par bâillon, une situation qu'ils décriaient quand ils étaient dans l'opposition – il faut le répéter, il ne faut jamais lâcher. Un changement d'attitude: quand les gens étaient de ce côté de la Chambre, ils décriaient cette mesure, et ils l'utilisent très, très souvent pendant les travaux de cette Législature.

M. le Président, l'histoire est faite: le projet de loi n° 130 a été adopté par bâillon. Le ministre de la Justice nous arrive avec un projet de loi qui essentiellement va implanter le Tribunal administratif du Québec. C'est un projet de loi, celui qui est devant la Chambre présentement, d'une certaine envergure, M. le Président, 916 articles qui apportent des changements majeurs dans la façon dont les citoyens ont accès à la justice administrative et recours à la justice administrative au Québec.

M. le Président, le but, semble-t-il, de ce projet de loi a été de tenter de déjudiciariser certains processus de l'administration publique et de tenter d'établir des mécanismes de recours à un droit administratif plus sain, plus facile, plus accessible aux citoyens, un but qui est louable en soi. Je crois, par contre, M. le Président, que le ministre de la Justice a encore une fois raté son but. L'autre élément important a été évidemment de transférer au Tribunal administratif du Québec certaines juridictions actuellement détenues par des organismes administratifs ou d'autres instances qui existent présentement.

M. le Président, nous, de ce côté de la Chambre, nous avons déjà énuméré certaines de nos préoccupations majeures face au projet de loi n° 89 et, quant à moi, M. le Président, elles se situent largement autour de deux principes. L'absence d'appel de certaines décisions du Tribunal administratif du Québec. Le droit d'appel est un droit fondamental dans n'importe quelle société. Le droit d'être entendu par une cour, ou une cour administrative supérieure, ou une cour de droit supérieure, à un autre niveau, est fondamental. Il est reconnu comme tel dans n'importe quelle société qui suit des règles judiciaires le moindrement équitables et démocratiques dans l'Occident.

(10 h 40)

Mais le projet de loi n° 89 élimine un certain nombre de recours à l'appel des décisions du Tribunal administratif du Québec. Ça peut poser certains problèmes pour les citoyens, M. le Président. Ça peut poser des problèmes dans le quotidien, parce que notre système de cour évidemment repose, ou la crédibilité de notre système judiciaire au Québec repose sur la notion d'impartialité des membres qui vont, parmi leurs pairs, rendre des décisions. Et il y a certaines indications, M. le Président, avec le Tribunal administratif du Québec, certains articles du projet de loi n° 130 adopté en décembre, qui nous laissent croire qu'il y a une possibilité de nominations douteuses, de changements, de façon dramatique, dans la composition des tribunaux administratifs au Québec. Parce qu'il y a une petite référence dans le projet de loi n° 130, adopté sur bâillon, qui ajoute un critère, qui est celui de l'opportunité de favoriser l'arrivée de nouveaux membres sur le Tribunal administratif du Québec. Favoriser l'arrivée de nouveaux membres, ça implique un certain, quant à moi, M. le Président, manque d'impartialité, manque d'indépendance nécessaire pour un tribunal administratif au Québec. La suggestion dans un projet de loi qu'on peut, et de façon générale, regarder l'opportunité de changer massivement la composition de ce qui deviendra le futur Tribunal administratif du Québec pose certains problèmes, surtout avec le bilan des nominations faites par ce gouvernement dans d'autres matières.

Une autre difficulté que soulève le projet de loi n° 89, c'est qu'on remplace une série de tribunaux administratifs qui existent présentement pour créer une mégastructure qui s'appellera le Tribunal administratif du Québec. Et on va intégrer, à l'intérieur de cette mégastructure, des instances administratives qui, dans leur présente forme, dans leur forme actuelle, sont appréciées par les citoyens et fonctionnent relativement bien, telles que le BREF, le Bureau de révision de l'évaluation foncière. Alors, ça pose des problèmes, M. le Président.

Mais revenons à une de nos préoccupations majeures: l'élimination de ce droit d'aller en appel. C'est, quant à moi, M. le Président, de limiter vraiment l'accès des Québécois et Québécoises à une saine justice au Québec, de limiter des jugements, limiter l'appel à la Cour du Québec de certains jugements de ce futur Tribunal administratif du Québec. Des exemples, M. le Président, assez frappants qui peuvent toucher les Québécois et les Québécoises dans leur quotidien: la suspension, annulation ou révocation d'un permis pour les agents de voyages. Ils n'ont plus la possibilité d'être entendus en appel, d'aller en appel devant la Cour du Québec. Cette possibilité d'aller en appel est annulée dans le projet de loi. Ça me préoccupe personnellement, M. le Président, et particulièrement à cause de mon rôle de critique de l'opposition officielle en matière de protection du consommateur. Et je vais aborder certains des changements imposés par le projet de loi n° 89 à cet égard, en ce qui touche les consommateurs québécois.

Alors, un sujet qui n'est plus appelable devant la Cour du Québec, c'est la suspension, l'annulation ou la révocation du permis d'agent de voyages par le ministre. La nomination par le président de l'Office de la protection du consommateur d'un administrateur provisoire selon la loi sur les arrangements préalables des services funéraires n'est plus appelable devant la Cour du Québec. Et, peut-être de façon plus importante, M. le Président, sans minimiser les autres, mais le refus, la suspension et l'annulation par l'Office de la protection du consommateur d'un permis à un commerçant ou pour qui a été nommé un administrateur provisoire, selon la Loi sur la protection du consommateur, n'est plus appelable devant la Cour du Québec.

Ça, c'est des pouvoirs énormes, M. le Président: le refus, la suspension ou l'annulation par l'Office de la protection du consommateur d'un permis à un commerçant. Ça, ça touche potentiellement tous les Québécois et Québécoises. Dorénavant, avec le projet de loi n° 89, s'il est adopté tel quel, l'Office de la protection du consommateur peut refuser, suspendre ou annuler un permis d'un commerçant, et ce commerçant n'a plus le droit d'aller en appel devant la Cour du Québec. C'est inquiétant, M. le Président, c'est le moindre qu'on puisse dire. C'est le moindre qu'on puisse dire.

La Loi sur le recours collectif est touchée. Le refus d'une demande d'aide financière par le Fonds d'aide aux recours collectifs n'est plus appelable. M. le Président, les recours collectifs sont un élément important dans tout notre processus, notre système de protection du consommateur au Québec. Si les gens qui sont impliqués dans un recours collectif n'ont plus le droit, à la suite d'un refus d'aide, d'aller en appel, ça va limiter, quant à moi, M. le Président, l'exercice de leurs droits comme consommateurs québécois. Et la même chose pour la Loi sur le recouvrement de certaines créances: le refus, la suspension et l'annulation par l'Office de la protection du consommateur d'un permis d'agent de recouvrement.

M. le Président, il y a d'autres domaines dans lesquels le refus d'aller en appel touche particulièrement ou peut potentiellement toucher des Québécois et Québécoises de façon très concrète. Il s'agit de... Je disais «le refus d'appel», ce n'est pas tout à fait ça, on change la nature des appels ou le droit d'être entendu devant diverses instances administratives au Québec. On réduit, en certaines instances, le droit d'être entendu, qui est une notion en droit, à la notion simplement de présenter des observations. Alors, le projet de loi n° 89 propose de transformer, dans une multitude de lois, comme je le disais, le droit d'être entendu, qui est une notion en droit assez claire. M. le Président. Je ne suis pas avocat, mais cette notion est assez claire. Un droit d'être entendu et un droit de présenter des observations, qui est un droit beaucoup plus limité dans le droit québécois...

Et ces changements-là peuvent avoir un effet, un impact également dans la vie quotidienne des Québécois. Et je m'explique. Il y a plusieurs lois qui sont touchées, entre autres les lois assurant l'exercice des droits des personnes handicapées au Québec, l'autre dossier pour lequel je suis responsable au sein de l'opposition officielle. Alors, la nomination d'un administrateur provisoire dans une salle de travail adaptée, cette décision... On ne peut plus se faire entendre devant l'instance, mais on ne peut que présenter des observations.

Il y a également, dans le domaine de la santé, l'administration provisoire par le ministre de la Santé d'un établissement. C'est important, ça, M. le Président, selon la Loi sur la santé et les services sociaux, l'administration provisoire par le ministre d'un établissement. L'établissement n'a plus le droit d'aller se faire entendre devant le ministre, mais simplement de présenter des observations, ce qui est beaucoup plus limitatif. Ça limite, en pratique, la possibilité des Québécois et Québécoises de faire valoir leur point de vue sur une multitude d'actions portées par le gouvernement.

(10 h 50)

M. le Président, il y en a d'autres, exemples, également dans le domaine de la protection du consommateur, où ce droit d'être entendu est remplacé par le droit de présenter des observations, qui est, quant à moi, insuffisant. Et on en vient à la conclusion, M. le Président, que ce projet de loi a besoin d'être refait. Ça suit un peu le même cheminement que le projet de loi n° 130: plein de trous, plein de problèmes, projet de loi bâclé, avec lequel on est contre. Et on va travailler contre pour tenter, si l'occasion a lieu, en commission parlementaire, de l'améliorer, si le gouvernement décide d'aller de l'avant. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Châteauguay. M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Alors, j'interviens, à cette étape du processus législatif, sur le projet de loi n° 89 sur l'application de la Loi sur la justice administrative, qui n'est pas sans rappeler un long débat que nous avons eu en commission parlementaire sur le projet de loi n° 130. Évidemment, d'ailleurs, le projet de loi n° 89 y fait référence. Je lis ceci, dans le premier paragraphe des notes explicatives – qui, ce coup-ci, au contraire du projet de loi de vendredi dernier, sont exemptes d'argumentation et de libellé partisan. Donc, ce premier paragraphe dit ceci: «Ce projet de loi a pour objet d'assurer la mise en oeuvre, dans les lois particulières, des principes établis dans la Loi sur la justice administrative.»

Donc, c'est un débat que nous connaissons, sur lequel nous avons déjà débattu, et je vous annonce à l'avance la conclusion des remarques que je vais faire dans le cadre de ce débat sur le principe, M. le Président, conclusion qui s'inspire de la lecture des deux projets de loi, n° 130 et n° 89. Remarque suivante: Ce qu'on lit dans ces documents, ce qu'on voit, les couleurs qu'on y trouve, c'est de la censure, du dirigisme, du reniement de promesses. Ce qu'on retrouve dans ces deux projets de loi, dans cette réforme, dit-on, de la justice administrative, c'est une atteinte aux droits, une atteinte à la liberté, une atteinte à la démocratie.

C'est ce que nous propose le ministre de la Justice du gouvernement du Parti québécois et c'est ce que je vais vous démontrer à l'occasion des quelques minutes qui me sont accordées, pour que tous et chacun, ceux qui suivent ces débats, ceux qui les liront plus tard, puissent comprendre d'où venaient les problèmes. Parce que problèmes il y aura, parce que conséquences il y a, parce que les droits de nos concitoyens sont affectés, parce que la liberté de notre société est atteinte. Des problèmes, il y en aura, et j'aimerais bien qu'on puisse se rappeler que nous les avions vus et que nous avions demandé à ce gouvernement de ne pas être sourd à nos arguments. Pour nous, il est hors de question que nous les suivions aveuglément. Et, bien qu'ils aient déjà souvent utilisé le bâillon, M. le Président, nous ne resterons pas muets devant eux.

Aujourd'hui, je voudrais donc établir les liens à faire entre le projet de loi n° 89 et le projet de loi n° 130. D'abord, nous souvenir, à l'égard du projet de loi n° 130, que ce projet de loi, sous le prétendu vocable de «réforme administrative», visait en définitive à enlever des droits d'appel à nos concitoyens contre l'administration. Autrement dit, l'administration, un; les citoyens, zéro. C'était l'administration qui gagnait, M. le Président, dans ce projet de loi n° 130. On enlevait des droits d'appel.

Mes collègues ont fait état du programme électoral du Parti québécois, parti qui forme le gouvernement, qui nous amène ces lois. Dans ce programme, M. le Président – et je vois qu'il y en a certains qui écoutent, de l'autre côté – les candidats du Parti québécois se faisaient élire en disant qu'ils allaient réformer la justice administrative en accordant des droits d'appel des décisions du tribunal administratif à être formé, à la Cour du Québec, la Cour supérieure.

Pourquoi pensez-vous que le Parti québécois avait fait cet engagement? Eh bien, parce qu'il voulait paraître aux yeux de la population comme étant intéressé à protéger les droits de la population. De quoi on s'aperçoit lorsqu'il arrive au gouvernement? Il enlève des droits d'appel de nos concitoyens. Il utilise le bâillon, évidemment, à cette occasion-là pour ne pas qu'on le dise trop souvent à la population qu'il dénaturait son mandat démocratique en allant à l'encontre de sa promesse. Bâillon! On demande à l'opposition de se fermer. Pourtant, il y a au moins une quarantaine de droits d'appel qui ont été affectés à l'occasion de l'adoption du projet de loi n° 130.

Juste – et je ne ferai pas le tour, M. le Président, je ne pourrai pas tous les énumérer, je n'ai pas le temps – simplement rappeler qu'à l'égard des agents de voyages, et il en est question dans le projet de loi n° 89, ne nous trompons pas, la mise en application, elle s'en vient, là... Les agents de voyages, ils perdent leur droit d'appel pour une suspension, une annulation et une révocation du permis par le ministre. C'est le ministre qui gagne, les citoyens qui perdent.

Aménagement et urbanisme, la valeur du terrain exproprié par la municipalité. C'est l'institution qui gagne, le citoyen qui perd. C'est des droits d'appel qu'on enlève, M. le Président.

Assurance-récolte – ce n'est pas juste dans les villes que ça se passe – décision de la Régie concernant l'assurance-récolte. Si les citoyens veulent en appeler de la décision de la machine, est-ce qu'ils ont un droit d'appel? Non. Est-ce qu'il y en avait un? Oui. Est-ce que le PQ avait promis qu'il le préserverait? Oui. Est-ce qu'il le préserve? Non. Non, il fait le contraire de ce qu'il avait promis, et les citoyens sont affectés.

Code de la sécurité routière – ça touche quand même pas mal de monde au Québec, ça – les décisions de la SAAQ concernant un permis de conduire, un permis pour école de conduite, un permis de vendeur d'automobiles ou des points d'inaptitude. Pensez-vous que vous pouvez aller en appel à la Cour du Québec ou à la Cour supérieure, comme le disait le programme du Parti québécois? Non. Le contraire. Et ce n'est pas pour deux, trois personnes au Québec, là. Là, on parle de tout le monde, tout le monde est touché.

Développement des entreprises dans le domaine du livre, annulation ou suspension par le ministre d'un agrément pour un éditeur, distributeur ou libraire. Est-ce que les citoyens sont protégés? Est-ce que le libraire est protégé? Moi, je veux bien des mégaconférences de presse pour dire que la culture, on a donc ça à coeur. Mais, quand on regarde l'action concrète, M. le Président, ce n'est pas vrai.

Établissements touristiques, suspension ou annulation par le ministre d'un permis pour exploiter un établissement touristique. Bien, si vous n'êtes pas d'accord avec la machine, si vous n'êtes pas d'accord avec le ministre, si vous n'êtes pas d'accord avec le fonctionnaire qui a pris la décision, qui a dit au ministre: Fais donc ça! vous aimeriez avoir un droit d'appel. Parce que vous en aviez un dans la société dans laquelle on était habitué de vivre. Bien, la société du PQ, c'est fini, il n'y en a plus de droit d'appel. En gros, on a mis un bâillon, on n'aimait pas ça que l'opposition en parle.

Pêcheries et aquaculture commerciales, suspension, annulation ou refus par le ministre d'un permis d'aquaculture ou de concessions.

Recours collectifs. Écoutez, ce n'est pas banal, là, les recours collectifs; les recours collectifs, par définition, ça concerne des citoyens en nombre. Refus d'une demande d'aide financière par le Fonds d'aide aux recours collectifs. Vous voudriez, vous, avoir accès à ce Fonds-là; l'administration vous dit non. Avant, vous aviez le droit.

Maintenant, il y a une réforme de l'administration de la justice – pas de la justice administrative, de l'administration de la justice: moins de justice, plus d'administration. C'est ça qu'on a fait avec le projet de loi n° 130, M. le Président, et ce projet de loi là vient le mettre en vigueur. Nous étions contre cette atteinte aux droits des citoyens et nous sommes encore contre, M. le Président. Nous allons être persévérants pour dire au gouvernement combien il dénature son mandat, il va à l'encontre de ses promesses, il affecte les citoyens et il affecte la liberté de notre société qui, jusqu'alors, était démocratique. Mais là on se le demande bien, où on s'en va, M. le Président.

Revenons au projet de loi n° 89 dans son essence. On a parlé de 130, du lien avec 89; revenons à 89. Déjà, dans 130, on avait enlevé les droits d'appel qu'on avait promis. Là, M. le Président, le ministre pousse un peu fort. Après avoir enlevé les droits d'appel pourtant promis par le programme, on pousse un peu plus loin la contradiction avec le programme, faire le contraire de ses promesses. On pousse un peu plus loin. Après avoir enlevé le droit d'appel des concitoyens, maintenant c'est le droit d'être entendu qui est retiré aux concitoyens, que nous devons pourtant défendre, c'est notre mission ici. À quoi on sert si on ne peut pas parler pour nos concitoyens, si on ne peut pas défendre nos concitoyens devant la grosse machine? Qu'est-ce que c'est, quand le ministre propose un projet de loi où, après avoir enlevé les droits d'appel... Maintenant il les prend au début, là; ce n'est même plus l'appel. Vous n'aurez plus le droit d'être entendu.

(11 heures)

C'est quoi, ça, le droit d'être entendu, cette règle qui est au coeur même de notre système judiciaire? C'est le droit de faire des représentations. Plus le droit. C'est le droit de faire présenter une preuve, des témoins, de contre-interroger, de faire décider de son sort dans le cadre d'une audition publique, pas en privé, d'être informé de la preuve utilisée par l'autre, par la machine, de la corriger, de la réfuter. C'est ça, le droit d'être entendu.

Alors, dans un premier temps, le ministre nous a enlevé à nous autres, population du Québec, le droit d'aller en appel. Il nous a pris par la fin. Maintenant, il nous prend au début. Il dit: Là, je vais vous enlever le droit d'être entendu. Et puis il appelle ça une réforme de la justice administrative. Moi, je pense, M. le Président, que c'est un jour sombre, c'est une période sombre, c'est un mandat de gouvernement sombre, c'est un gouvernement sombre que nous avons devant nous lorsqu'on voit la démarche qui est adoptée.

Vous allez me dire, il y en a peut-être qui vont dire: Oh! Mais ça ne doit pas être dans tous les cas. Tu sais, il y en a qui ne l'ont peut-être pas lu, de l'autre côté, le projet de loi; il est assez épais, là. Peut-être qu'ils vont dire: Ça ne doit pas être dans tous les cas. Il doit y avoir deux cas, puis le député doit exagérer. Il y a en a qui doivent dire ça: Il doit exagérer. Je veux juste qu'on s'entende tout de suite. On va faire le débat pendant quelques semaines là-dessus, M. le Président, là. Bien, vous tournez les pages. Après les notes explicatives, on a les lois modifiées par ce projet. Ce n'est pas de la petite bière. On va tourner les pages ensemble: 20 lois à la première page; 20 autres lois; 19 lois à la page 3. Et on continue. Ça, c'était à la page 5. À la page 6, 19; à la page 7, 18; à la page 8, 15. Je ne sais pas si vous avez vu, mais il y a en a 111, lois, il y a 111 lois qui sont touchées par ce projet de loi là. Alors, ce n'est pas rien. Ce n'est pas deux ou trois cas.

C'est une nouvelle façon de voir la justice. Je peux vous dire tout de suite, M. le Président, que, moi, je suis contre cette nouvelle façon de faire. Cette nouvelle façon de voir la justice, c'est de se dire: Le gouvernement du Parti québécois est en charge de nos vies. Il va décider pour nous ce qui est bon et puis, nous, on a juste à se fermer les yeux, être muets, se taire et suivre. C'est ce qu'on nous propose lorsqu'on nous enlève nos droits d'appel, lorsqu'on nous enlève nos droits d'être entendus, de présenter des preuves, de faire valoir notre point de vue, de dire qu'on n'est pas d'accord avec la décision de tel ministre, ou de tel fonctionnaire, ou de telle régie, ou de telle agence. Lorsque les citoyens veulent se lever, veulent présenter leurs arguments debout, veulent se défendre, le gouvernement du Parti québécois dit: Non, assis! Maintenant, la justice, c'est moi!

Bien, moi, M. le Président, je vous dis: Moi, je suis contre ça. Moi, je suis contre ça. Ce n'est pas comme ça que je vois la société québécoise. Ce n'est pas comme ça que je vois l'avenir de mes concitoyens. Je voudrais qu'on reste sur la ligne qu'on s'était donnée. Je voudrais qu'on s'ancre dans notre héritage, dans notre patrimoine et qu'on se souvienne que la liberté est une de nos valeurs, la plus fondamentale. La liberté, c'est ce qu'on doit chérir à tous les jours. On doit se poser des questions lorsque des projets de loi sont déposés et se demander: Est-ce que nos concitoyens vont y gagner? Est-ce qu'on va former une société plus heureuse? Est-ce qu'on va avoir une société qui accepte les cadres qu'elle s'est donnés ou si on n'est pas en train de semer des germes dans la société, dans la population et que le cadre, il ne correspond plus du tout à ce qu'on voulait, à ce qu'on pensait, que le cadre nous empêche d'exprimer nos choix, notre liberté?

Cent onze lois sont affectées dans un projet où on enlève le droit d'appel, dans un projet où on enlève le droit d'être entendu. Je vais vous en citer quelques-uns encore une fois. Tantôt, j'ai fait la liste, M. le Président, des droits d'appel qui avaient été retirés. Maintenant, si vous le voulez bien, on va regarder... Je ne ferai pas toute la liste, il y a en a beaucoup trop. Je vais en prendre au hasard, comme ça, pour que les gens puissent savoir ce que ça veut dire, là. On a déjà dit, tantôt, que le droit d'être entendu, quand on l'enlève, ça veut dire qu'on ne peut plus faire de représentations, qu'on ne peut plus faire entendre de témoins, qu'on ne peut pas vraiment réfuter la machine, qu'on ne peut plus se battre contre la machine.

Je fais une parenthèse avant d'entrer dans cette liste. Récemment, M. le Président, il y avait une interpellation, en vertu de 198, avec la sous-ministre du Revenu qui nous expliquait que les fonctionnaires du ministère du Revenu étaient très parlables avec les concitoyens et qu'ils pouvaient toujours s'entendre avec nos concitoyens. Je lui ai fait mention, M. le Président, à elle comme à ses fonctionnaires, qu'il faut sortir de la bulle de Québec, à un moment donné. Il faut s'apercevoir que, lorsque le ministère du Revenu écrit à un de nos concitoyens, le concitoyen se demande qu'est-ce qu'il y a derrière ça. Quel poids a-t-il devant la machine? C'est vrai pour le Revenu, c'est vrai pour tous les secteurs de l'administration. C'est gros, la machine. C'est intimidant, la machine.

S'il faut, au-delà de ça, donner tous les droits à la machine, retirer tous les droits aux citoyens, comment peut-on voir un projet de loi comme celui-là comme étant valable? Moi, je ne peux pas croire que, de l'autre côté, ils vont se lever pour nous dire: C'est un projet de loi merveilleux. Ils ne vont pas me dire que ça accorde plus de liberté à notre monde. Ils ne vont pas nous dire que ça accorde plus de protection pour nos droits. C'est l'État omniprésent, c'est le Parti québécois qui a pris le contrôle puis qui dit: Moi, je suis au gouvernement, puis je vais vous dire où aller. Ce n'est pas comme ça, M. le Président, qu'on avait convenu de bâtir la société québécoise.

Loi sur l'assurance automobile: l'examen par la SAAQ d'une demande d'indemnité. S'ils ont pris leur décision, n'essayez pas d'être entendu, c'est enlevé.

Loi sur le bâtiment: révocation d'un permis de construction. Alors, si vous aviez un permis de construction et qu'ils le révoquent, n'essayez pas d'être entendu, c'est enlevé.

Loi sur les biens culturels: révocation, modification d'une autorisation du ministre. Le ministre a pris sa décision. Vous voulez être entendu? Non, vous n'avez plus le droit. Merci beaucoup, c'est réglé, le PQ est au pouvoir!

Loi sur le camionnage: refus, suspension ou révocation d'un permis. On vous enlève votre permis. Vous dites que c'est à tort, le fonctionnaire a dû se tromper. Vous aimeriez ça le dire, vous aimeriez ça être entendu. Le Parti québécois dit: Non, c'est fini, tu n'as pas le droit.

Charte de la langue française. Une bonne petite vite, celle-là, ici, M. le Président. Décision de l'Office concernant la francisation de l'administration. Alors, quand on sait déjà qu'on peut se poser des questions des fois sur l'idée qui anime les fonctionnaires... Hein! On sait déjà qu'il y a un petit peu des ordres qui sont donnés de l'autre côté: Soyez rigoureux, il faut les poigner! Une belle petite société qui est bâtie avec le Parti québécois, hein! Bien, là, ils prennent une décision. Vous voulez la contester, vous voulez vous lever debout, vous voulez parler, vous voulez vous faire entendre? Non, fini, c'est vite réglé. Le ministre de la Justice s'en est occupé pour le Parti québécois. Formidable! Il va sûrement y avoir une salve d'applaudissements pour lui quand il va se lever sur ce projet de loi. Ils vont tous se lever debout, ils vont tous dire: Merci beaucoup! Enfin, on contrôle; les gens n'ont plus de droits.

Loi sur le cinéma: suspension ou révocation d'un visa d'exploitation. On appellerait ça de la censure dans d'autres lieux. Ici, on dit: Le Parti québécois décide pour nous. C'est de la censure, M. le Président. On n'a plus le droit de se faire entendre pour contester.

Loi sur l'enseignement privé: révocation ou suspension d'un permis à un établissement, modification ou révocation d'un agrément aux fins d'une subvention à un établissement. Ils veulent être entendus? Non, merci. Fini. C'était bon dans le temps, ce n'est plus bon maintenant. On avait de la censure tantôt, on est rendu au dirigisme. C'est comme ça, M. le Président, dans ce projet de loi. Et il y en a d'autres et j'en passe. Il y en a trop, M. le Président.

Loi sur les services de garde à l'enfance. Il en est question, en ce moment, de la politique familiale. On en parle pas mal. On sait que le gouvernement tente, en termes de politique familiale, d'imposer un seul modèle à la famille québécoise: C'est comme ça que ça va marcher à l'avenir. Il y en a un modèle. Les incitatifs qu'il y avait pour créer plusieurs choix, pour que la liberté puisse s'exprimer, fini, ça. On crée une voie, un entonnoir, tout le monde rentre dedans. Puis on dit: Regarde si c'est beau, le consensus. Regarde si c'est beau, la solidarité. Ils sont tous rentrés dans mon entonnoir.

Bien, merci beaucoup pour votre consensus puis votre solidarité. J'aimerais mieux qu'on soit solidaires pour la liberté. J'aimerais mieux qu'on fasse un consensus sur la liberté. J'aimerais mieux qu'on s'entende pour qu'on donne à nos concitoyens des marges de manoeuvre, des choix à faire, des possibilités de s'exprimer selon leur choix à eux, pas suivre l'entonnoir du Parti québécois tout le temps, M. le Président! Moi, je ne peux pas croire.

Loi sur les services de garde à l'enfance: annulation, suspension, refus ou révocation d'un permis de services de garde. Déjà qu'en ce moment il y a de nombreuses questions qui se posent à l'égard des services de garde: Comment, quel est le modèle qui va être suivi? Juste pour s'assurer que, l'entonnoir, tout le monde va être dedans, bien, ils vont enlever les permis au monde puis ils vont dire: Regarde, tu rentres par là. Tu veux te faire entendre? Non, merci. Ce n'est plus bon; ça, c'était avant nous autres. Depuis qu'on est là, des droits d'appel, c'est fini; des droits d'être entendu, c'est fini. C'est la machine qui gagne, c'est le citoyen qui paie.

Moi, je me souviens d'avoir entendu le premier ministre en cette Chambre dire qu'avec son gouvernement, c'est la machine qui sera affectée, pas les citoyens. Mais, je regarde ça, il s'est un petit peu trompé. La machine a été affectée pas mal. La machine est devenue le grand entonnoir. On lui a donné le plus de moyens de pression pour amener tout le monde dans la machine, dans l'entonnoir. Les citoyens pas affectés? Et comment donc! Tous les moyens sont portés pour les amener dans l'entonnoir. Moi, je dis: Ils sont affectés parce qu'on ne veut pas être tous dans l'entonnoir. On veut de la liberté.

(11 h 10)

Alors, je vous disais, M. le Président: Quand on regarde les nos 89 et 130, censure, dirigisme, reniement des promesses électorales. C'est quoi, ces projets-là? C'est quoi, cette supposée réforme? C'est une atteinte aux droits de nos concitoyens, c'est une atteinte à la liberté, c'est une atteinte à la démocratie. Je suis convaincu que le ministre, qui est avec nous ce matin, va entendre tous nos collègues lui dire que nous n'en voulons pas, de son entonnoir, que nous voulons une société où nous allons pouvoir nous exprimer dans tous les choix que nous voulons faire. Nous refusons son modèle unique. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Papineau. M. le député.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, c'est à mon tour. Il me fait plaisir de prendre la parole, au nom de notre formation politique, à propos du projet de loi n° 89, Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative. Ça ne viendra sans doute pas comme une surprise, M. le Président, pour mon collègue le ministre de la Justice d'apprendre que l'opposition officielle est tout aussi opposée à l'adoption de la loi d'application de la loi visant à créer le nouveau Tribunal administratif du Québec qu'elle l'était à l'égard de la création même du Tribunal et pour sensiblement les mêmes raisons.

Le projet de loi, comme le ministre l'a mentionné, comporte au-delà de 900 articles qui ont été déposés au mois de décembre, M. le Président. Son but principal est justement d'assurer la mise en oeuvre, l'application dans les lois particulières des principes établis dans la Loi sur la justice administrative, qui était le projet de loi n° 130 et qui a été adopté en utilisant le bâillon ici, à l'Assemblée nationale, avant Noël.

Le projet de loi dont il est question aujourd'hui, M. le Président, modifie au-delà d'une centaine de lois particulières afin d'assurer leur concordance avec le projet de loi n° 130. Les principes qui étaient censés être suivis dans l'élaboration de la réforme des tribunaux administratifs ici, au Québec... Certains processus, M. le Président, comme l'administration publique, de faire des modifications qu'on leur croyait imposées par la suite de l'intégration des organismes existants au sein du Tribunal administratif du Québec... Par exemple, la Loi sur la Commission des affaires sociales est modifiée afin de l'abroger, puisque cette dernière Commission est intégrée au Tribunal administratif du Québec.

On a, par ailleurs, visé à transférer au Tribunal administratif du Québec certaines compétences ou juridictions actuellement détenues par des organismes administratifs ou d'autres instances. Cette dernière modification vise, par exemple, à prévoir que certains pouvoirs de la Commission municipale seront dorénavant exercés par le Tribunal administratif du Québec. Mais – et c'est là, M. le Président, notre objection principale à l'égard de cette loi – on vise surtout à faire disparaître certains droits d'appel à la Cour du Québec au profit d'un recours au Tribunal administratif du Québec, par exemple tous les domaines de l'expropriation ou la décision de révoquer certains permis. Et, plus tard, M. le Président, je citerai en exemple la Communauté urbaine de l'Outaouais, côté touristique, pour des permis d'exploitation, les sports et loisirs, etc.

M. le Président, non seulement l'opposition officielle n'acceptera jamais d'avoir une diminution des droits dans un domaine aussi important qui affecte les citoyens, mais aucune démonstration n'a été faite dans la nécessité de réduire ainsi les droits. La seule et unique explication plausible qui a été fournie jusqu'à date, c'est que ce sont des priorités d'ordre économique qui ont prévalu dans l'élaboration de cette réforme et, maintenant, dans cette loi d'application. C'est sûr, et tout le monde s'entend là-dessus, M. le Président, qu'on doit viser à faire le plus possible avec l'argent dont on dispose. Cependant, M. le Président, la plupart des cas doivent être entendus. Ce droit d'être entendu émane de la «common law», M. le Président, d'une partie de notre riche héritage.

M. le Président, c'est d'avoir le droit aussi d'être entendu, c'est-à-dire que la personne, avant de décider, doit toujours entendre les deux côtés de l'histoire. Ce que l'on ferait ici, avec le projet de loi, c'est qu'on érigerait un système, une manière de faire qui ne respecterait ni l'un ni l'autre des grands principes de droit, car on veut mettre en place un système où on va avoir des décideurs qui seront toujours dans une situation précaire, parce que c'est le gouvernement qui va décider de les renouveler ou pas. C'est une épée de Damoclès qui va toujours être là, M. le Président, au-dessus de la tête des décideurs qui sont en train justement... Et c'est ça que veut dire «justice administrative», M. le Président. Ils vont décider entre le gouvernement ou un de ses organismes, ou agences et le membre du public qui se présente devant eux. La personne qui est devant un tel décideur sera en droit de demander si cette personne-là n'est pas justement influencée par le fait que c'est ce même gouvernement qui va décider si, oui ou non, elle aura le droit de continuer à gagner sa vie comme juge administratif.

Cette nouvelle structure, M. le Président, qui vise strictement une chose, sauver de l'argent au gouvernement, ne saura jamais résister à un questionnement sérieux qui va inévitablement venir devant les tribunaux sur la question de l'autonomie et de l'indépendance, et sur les autres garanties qui doivent être là, mais qui n'y sont plus, M. le Président. Ceci est tellement vrai que le ministre, dans un règlement qu'il nous a montré déjà en commission parlementaire pour aider les travaux, va jusqu'à dire qu'un des critères pour déterminer qu'on ne renouvellera pas le mandat d'un juge du Tribunal administratif du Québec – et ça, pour le ministre, c'est un bon critère, et je le cite – c'est «l'opportunité de favoriser l'arrivée de nouveaux membres». C'est bien beau, M. le Président.

Alors, un ministre de la Justice quelconque a juste la peine de se lever le matin et de dire: Bon, j'ai du monde que je veux mettre en place et il faut que je mette mon monde là-dedans. C'est de même que ça fonctionne. Malheureusement, il y a une gang de juges qui sont déjà là, M. le Président. «Je vais tous les remplacer avec ma gang.» Il n'a qu'à dire cette phrase-là; il n'a pas besoin de dire que la personne est incompétente, il n'a pas besoin de dire que la personne est malhonnête, il n'a pas besoin de dire que la personne ne travaillait pas suffisamment fort et mettait six mois à rendre des jugements, rien de ça. Il a juste à se lever, un beau matin, et à dire: Je trouve qu'il serait important de favoriser l'arrivée de nouveaux membres, et le tour est joué, M. le Président. Ça n'a pas de sens de construire cette nouvelle structure d'un tribunal administratif pour le Québec sur une base si peu solide. C'est regrettable.

Mais on voit le désarroi qui préside dans les décisions de l'actuel gouvernement, désarroi et incapacité de préparer et de présenter des projets de loi cohérents parce qu'ils sont tous sous la même pression: couper à tout prix. Alors, ce qu'on est en train de couper ici, M. le Président, ce sont des droits existants des citoyens. Et on a déjà eu l'occasion de le dire au ministre avant Noël, M. le Président, et sans doute plusieurs de mes collègues, au cours des prochaines semaines ou jours, lorsqu'on aura l'occasion de débattre ici ce projet de loi, auront l'occasion de lui rappeler qu'une des promesses formelles du programme du Parti québécois avant les dernières élections était de dire que, si on instaurait un tribunal administratif du Québec, les juges, les décideurs allaient être autonomes et impartiaux, ce qui n'est pas le cas ici, et, c'est très important, qu'on allait conserver un droit d'appel des décisions de ce Tribunal administratif.

Alors, M. le Président, c'est une autre raison pour laquelle cette loi va être cassée par les tribunaux. La loi non seulement a une faille majeure en ce qui concerne la nomination et la reconduction, mais la loi ne prévoit même pas les garanties minimales nécessaires pour avoir un appel vers quelqu'un d'autonome et d'indépendant à l'extérieur. Car, effectivement, M. le Président, le ministre peut se soulager et trouver refuge dans certaines décisions des plus hauts tribunaux qui lui auraient permis d'avoir cette possibilité de renouvellement, un peu à leur gré, des décideurs, si encore le citoyen avait un appel à une autre instance qui serait autonome et indépendante. Mais ce n'est pas le cas ici, M. le Président.

Ce que le ministre de la Justice du Parti québécois est en train de nous dire, c'est que non seulement c'est lui qui décidera de l'opportunité de favoriser l'arrivée de nouveaux membres – il faut bien lire de «mettre son monde en place» – mais c'est lui qui est en train de nous dire que, malgré l'engagement formel pris auprès de la population lors de l'élection de 1994 par son Parti québécois, bien, oubliez ça, il n'y aura pas d'appel. Ce sont ces mêmes décideurs là. Ça va être le dernier recours, M. le Président.

(11 h 20)

Il y a une autre partie de cette démarche de l'élaboration et de l'adoption de cette réforme en matière de tribunaux administratifs qui mérite aussi qu'on s'y arrête, M. le Président. Ça affecte non seulement le nouveau Tribunal administratif du Québec, mais ça affecte également, dans un sens très profond, tous les travaux qu'on entreprend ici, à l'Assemblée nationale, que ce soit ici, en Chambre, ou dans les commissions parlementaires. Les commissions parlementaires, souvent, c'est là que se fait la vaste majorité du travail législatif, c'est là qu'on regarde article par article, phrase par phrase, clause par clause chaque loi, puis qu'on débat de part et d'autre, qu'on apporte des suggestions, des modifications.

Lorsqu'on était en train de débattre le projet de loi n° 130 portant sur la réforme des tribunaux administratifs, on avait fait de bons progrès, M. le Président. La vaste majorité de cette loi-là a pu être adoptée avec le concours de l'opposition. Un des changements qui avaient été proposés par l'opposition – et ça, c'est très important – acceptés, adoptés et votés unanimement, c'est-à-dire que le gouvernement était d'accord, visait à assurer le droit d'être entendu, visait à assurer que, avant qu'une décision négative soit prise à ton endroit, tu continuerais à avoir les mêmes garanties qui existent à l'heure actuelle: le droit d'être avisé de quand ça va avoir lieu, le droit d'amener des témoins, le droit de contre-interroger les témoins de l'autre pour t'assurer qu'ils n'ont pas dit n'importe quoi, puis le droit d'essayer de faire sortir la vérité dans l'intérêt de faire valoir tes droits.

M. le Président, c'est justement tout le contraire. Le gouvernement du Parti québécois est en train, par cette loi d'application, d'institutionnaliser ce que nous avons si sévèrement critiqué avant Noël. Le gouvernement du Parti québécois est en train de nous dire: Oubliez vos droits, oubliez nos engagements formels pris lors de la dernière campagne électorale, en 1994, oubliez ce que vous avez vu comme garanties de vos droits dans le passé; dorénavant, ça va être comme ça.

M. le Président, aussi il faut comprendre que ça touche plusieurs parties de toutes les sphères d'activité sociale, allant de l'agriculture au tourisme en passant par la fiscalité municipale, les caisses d'épargne, l'enseignement, les régimes de retraite, les compagnies, la santé et le transport. Son impact et ses effets sont beaucoup plus grands que le simple domaine de la justice québécoise, devrais-je dire que le seul domaine de la justice québécoise.

Quelques-unes des lois qui seront affectées et les sujets au recours qui n'est plus appelable devant la Cour du Québec sont les suivants: la Loi sur les agents de voyages. Aux termes de cette loi, la suspension, l'annulation ou la révocation d'un permis par le ministre ne seraient plus appelables devant la Cour du Québec. Donc, M. le Président, on regarde les recours pour lesquels les citoyens perdent un droit d'appel devant les juges de la Cour du Québec, dont les conditions garantissent l'impartialité et l'indépendance, au profit d'un appel devant les juges du Tribunal administratif du Québec, dont les conditions, comme on l'a vu tantôt, ne garantissent pas cette impartialité et cette indépendance.

Exemple: liste des recours par lesquels les citoyens perdent l'appel devant les juges de la Cour du Québec, dont les conditions garantissent l'impartialité et l'indépendance, au profit d'un appel devant les juges du Tribunal administratif du Québec, dont les conditions ne garantissent pas l'impartialité et l'indépendance. La sécurité dans les sports, M. le Président: le refus, la suspension ou l'annulation par la Régie d'un permis en vue d'organiser une manifestation sportive ou pour la confiscation du cautionnement par la Régie.

La Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux: décisions de la Régie dont l'annulation, la suspension, le refus ou la révocation d'un permis. Étant hôtelier moi-même, on enlève le droit d'aller se défendre, et laisser ça à un tribunal administratif qui va entendre toutes les sphères, comme on le mentionnait tantôt, d'activité sociale, ça ne donne pas la chance aux petites et moyennes entreprises comme les hôtels, les bars, les restaurants d'aller pouvoir se défendre avec des témoins. Souvent, ces gens-là qui siègent au tribunal de la Régie ont l'expérience et comprennent les deux côtés, si vous voulez. Souvent, le policier qui fait une visite peut trouver quelque chose qui fait défaut, mais souvent l'hôtelier, lui, a la chance, avec des témoins, de pouvoir aller se défendre.

Avec ça, M. le Président, on va sûrement empêcher les gens d'aller se défendre et d'être devant des gens qui vont être impartiaux, indépendants et des gens qui, comme à la Régie des alcools, connaissent vraiment le rôle du défendeur, si vous voulez, de la personne qui a la chance d'aller défendre son point pour ne pas perdre son permis, perdre des emplois et perdre la chance aussi de faire très simplement les paiements de sa petite et moyenne entreprise et de la création d'emplois.

Chez nous, dans l'Outaouais aussi, dans la liste des recours pour lesquels les citoyens perdent leur droit, il y a la Communauté urbaine de l'Outaouais: indemnité pour expropriation par la Société de transport de l'Outaouais d'une entreprise de transport en commun, M. le Président. Les établissements touristiques: la personne qui exploite un établissement touristique pourrait se voir retirer son permis. Ça arrive dans la vie que ce ne soit pas seulement pour des motifs qui sont prévus aux termes de la loi. Au moment où on se parle, cette personne-là a un droit d'appel. Un droit d'aller devant un juge autonome, impartial et indépendant. On va le remplacer par ce nouveau Tribunal administratif du Québec où ce droit n'est plus garanti. On perd le droit dans cette loi-là. Ce que le gouvernement du Parti québécois est en train de faire, messieurs, c'est d'enlever le droit aux citoyens du Québec.

Aussi, dans la Régie des sports, que je mentionnais tantôt, enlever ou annuler... pour lequel le droit est réduit à un simple... Au lieu d'avoir un droit de se défendre, exactement comme la Loi sur la sécurité dans les sports... Le type de recours, il y avait annulation, suspension, refus ou révocation d'un permis d'exploitation et appel d'une décision d'une fédération sportive.

Alors, M. le Président, je pense vraiment que le projet de loi n° 89 enlève un droit aux citoyens de vraiment pouvoir défendre leurs points de vue directement en appel. Le projet de loi n° 89 est un projet de loi qui, sûrement, va donner le droit à la personne qui est accusée – je ne sais si c'est le bon mot, je ne suis pas avocat, là – qui est appelée à aller devant le Tribunal administratif du Québec... Avant, antérieurement, on avait le droit, avec des témoins, de pouvoir se défendre devant quelqu'un qui était impartial, indépendant, et je pense, M. le Président, que nous devons continuer à nous battre pour changer ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Papineau. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Viger. M. le député.


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. J'interviens aujourd'hui dans le cadre de l'adoption de la loi d'application de la Loi sur la justice administrative, soit le projet de loi n° 89. Ce projet de loi de 916 articles n'est pas autre chose qu'une loi visant à assurer la mise en oeuvre, dans les diverses lois particulières, des principes établis dans la Loi sur la justice administrative, soit le projet de loi n° 130 adopté en décembre dernier. Je dis «adopté», M. le Président; on devrait plutôt entendre «adoption forcée par bâillon en décembre dernier». On se rappellera que le ministre a exigé le bâillon sur ce projet de loi, M. le Président.

On se souviendra aussi que les arguments avancés à l'époque par l'opposition et divers experts, dont le Barreau du Québec, oeuvrant dans le domaine de la justice administrative, n'avaient pas su convaincre le ministre de surseoir, ou de le modifier, à l'adoption du projet de loi n° 130. Conséquemment, le ministre avait été forcé de faire passer encore une fois l'une de ses réformes à l'aide du bâillon.

Il n'est pas inopportun de rappeler brièvement les motifs qu'avait invoqués l'opposition en décembre dernier quant à l'adoption du projet de loi n° 130, puisque le projet de loi n° 89 en est la suite logique. Premièrement, il importe de souligner que l'objectif essentiel de toute réforme de la justice administrative invoquée depuis près de 25 ans était d'assurer une meilleure indépendance et impartialité des membres des tribunaux administratifs.

(11 h 30)

Je m'explique, M. le Président, à l'aide d'un exemple qui illustrera la particularité du droit administratif. En effet, imaginons que l'administration publique ou le gouvernement décide d'exproprier un terrain d'une valeur, par exemple, de 1 000 000 $. Le gouvernement, dans sa procédure d'expropriation, accorde une indemnité au propriétaire de la moitié de la valeur, dans l'exemple qu'on a devant nous, de 500 000 $. Bien évidemment, la différence entre la valeur réelle et la valeur de l'indemnité proposée par le gouvernement fera l'objet d'un litige devant un tribunal administratif. Dans l'état actuel du droit, ce litige sera entendu par la Chambre de l'expropriation de la Cour du Québec. Le juge qui a à trancher ce genre de litige bénéficie, au sein de la Cour du Québec, de toutes les conditions nécessaires pour assurer son indépendance et son impartialité.

Mais, dans ce même exemple, avec la réforme de la justice administrative, soit les effets combinés de la loi n° 130 et de la loi n° 89, ce litige sera entendu devant le Tribunal administratif du Québec. Les juges de ce Tribunal sont nommés par le gouvernement pour une période de cinq ans seulement, et le renouvellement de leur mandat, aux termes du règlement d'application, dépend de l'opportunité de favoriser l'arrivée de nouveaux membres. Ainsi, M. le Président, dans cet exemple, nous pourrions voir un juge du Tribunal administratif du Québec, dans la quatrième année de son mandat, qui espère être renouvelé pour un autre terme de cinq ans par le gouvernement et qui voit, d'une part, son patron, le gouvernement, c'est-à-dire celui qui décidera ultimement si, oui ou non, il sera renouvelé pour une période de cinq ans, et, d'autre part, un administré s'affronter devant lui. Dans notre exemple, son patron ne veut accorder qu'une indemnité de 500 000 $ pour un terrain qui en vaut 1 000 000 $. Peut-on réellement croire que ce juge est en position d'indépendance et d'impartialité lorsque sa décision, pour un montant aussi astronomique, peut avoir de très graves conséquences pour son employeur et sur l'humeur de celui-ci lorsque viendra le temps du renouvellement de son mandat de juge?

Donc, M. le Président, vous comprendrez que toute la question de l'indépendance et de l'impartialité des membres des tribunaux administratifs est extrêmement importante. Et, comme je le soulignais tout à l'heure, la loi n° 130 et la loi n° 89 ne réussissent pas, dans cet objectif, à assurer une meilleure indépendance et impartialité, puisque, selon les termes du même règlement d'application, le renouvellement des mandats de cinq ans dépend de l'opportunité de l'avis du ministre de favoriser l'arrivée de nouveaux membres, soit, en termes polis, le renvoi à des critères arbitraires et larges qui ne font pas en sorte qu'un juge puisse prendre une décision sur la base d'arguments solides sans craindre quant à son avenir et au renouvellement de son mandat. C'est donc dire, M. le Président, que toute son indépendance et son impartialité sont grandement affectées par la loi n° 130 et la loi n° 89.

Donc, M. le Président, puisque, à notre avis, la réforme proposée par la loi n° 130 ne réussissait pas à assurer l'indépendance et l'impartialité des membres des tribunaux administratifs, il nous paraissait essentiel – et nous l'avons souligné à de nombreuses reprises au mois de décembre dernier – que ce manque d'indépendance et d'impartialité soit compensé par un droit d'appel à la Cour du Québec, dont les juges, eux, sont assurés de toute l'indépendance et l'impartialité nécessaires, puisque leur mandat n'est pas renouvelable à tous les cinq ans et ne dépend pas du bon plaisir du ministre. L'indépendance et l'impartialité sont assurées à ce moment-là, M. le Président. Or, ces demandes répétées de l'opposition, appuyées en cela, entre autres, par le Barreau du Québec, sont restées lettre morte, puisque le ministre n'a pas modifié, à l'époque, la loi n° 130 avant d'en imposer l'adoption.

Plus encore, M. le Président, on constate, à la lecture du projet de loi n° 89, que ces demandes sont toujours restées lettre morte, puisque l'on ne prévoit pas, dans pratiquement tous les recours qui peuvent être entendus par le nouveau Tribunal administratif du Québec, un droit d'appel à la Cour du Québec. Donc, c'est là l'un des objectifs du projet de loi n° 89, soit le transfert au nouveau Tribunal administratif du Québec de certaines juridictions actuellement détenues par des organismes administratifs ou autres instances.

Par exemple, dans la situation que je viens d'illustrer, la juridiction de la Chambre de l'expropriation de la Cour du Québec est transférée au Tribunal administratif du Québec. Je vous réfère, entre autres, à l'article 232 du projet de loi n° 89, qui opère le transfert en question. Mais on compte au-delà de 40 articles dans le projet de loi n° 89 qui ont pour but justement de transférer un droit d'appel qui est actuellement devant des juges de la Cour du Québec à des juges du nouveau Tribunal administratif du Québec.

Un autre but important du projet de loi n° 89 vise, à l'intérieur d'une centaine de lois particulières, à déjudiciariser certains processus de l'administration publique. Vous vous souviendrez qu'en décembre dernier l'opposition et de nombreux experts et praticiens du droit administratif faisaient valoir que la réforme s'attaquait davantage aux structures qu'aux besoins des citoyens. Eh bien, avec le projet de loi n° 89, nous avons une très bonne illustration de cet argument que soulevait l'opposition en décembre dernier. En effet, avec le projet de loi n° 89, il faut entendre concrètement, M. le Président, la perte des droits fondamentaux pour les administrés et les citoyens québécois. Plus particulièrement, 131 sur 916 articles ont pour but de transférer à l'intérieur d'une multitude de lois particulières le droit pour un citoyen d'être entendu à un simple droit pour lui de présenter ses observations.

Qu'en est-il de cette distinction, M. le Président? Eh bien, les juristes ou les avocats vous le diront, le droit d'être entendu est un droit fondamental dans notre régime où prévaut la règle du droit. Il sous-entend le droit pour le citoyen de faire des représentations, le droit de présenter une preuve et des témoins, le droit de contre-interroger, le droit de faire décider de son sort dans une audition publique ou, à tout le moins, significative. Le droit d'être entendu implique aussi le droit d'être informé de la preuve utilisée contre vous et de la corriger ou de la réfuter. Cela représente aussi le droit d'être représenté par un avocat et le droit de pouvoir obtenir, dans certaines circonstances, un ajournement. Or, ce droit d'être entendu est transformé, comme je le soulignais tout à l'heure, dans une multitude de lois particulières, à un simple droit de présenter ses observations.

Je vais essayer, ici, à l'aide d'exemples tirés de très nombreux exemples que nous fournit le projet de loi n° 89, de vous illustrer l'impact de cette mesure. Ainsi, en matière d'aide juridique, une personne qui se voit refuser ou suspendre l'aide juridique a le droit de faire réviser cette décision par un comité de la Commission des services juridiques. À l'heure actuelle, c'est-à-dire avant la modification proposée par le projet de loi n° 89, les citoyens auront le droit de se faire entendre devant le comité en question. Or, M. le Président, après l'adoption du projet de loi n° 89, le citoyen n'aura plus l'occasion de présenter ses observations, ce qui veut dire que pour lui il sera plus difficile de convaincre le comité, n'ayant pas à sa disposition toutes les mesures que prévoit le droit d'être entendu, c'est-à-dire le droit de présenter une preuve, le droit de présenter des témoins, de contre-interroger, d'avoir une audition publique, etc.

(11 h 40)

Autre exemple, M. le Président: la Loi sur le bâtiment, telle qu'elle est actuellement rédigée, prévoit qu'avant d'annuler, de suspendre, de refuser ou de révoquer une licence d'un entrepreneur en construction on doit laisser à l'entrepreneur l'occasion d'être entendu. Encore une fois, on limite ce droit à la baisse, le transformant en simple droit de présenter ses observations, et ce, même si son entreprise et son gagne-pain dépendent de ce permis, M. le Président.

On retrouve pas moins d'une cinquantaine de recours où, justement, suite à l'adoption du projet de loi n° 89, les détenteurs de permis, licences ou autorisations se voient imposer une procédure de révocation ou de suspension beaucoup plus expéditive.

Je laisserai à mes collègues le soin d'élaborer davantage sur ces diverses situations, non sans souligner au passage que celle-là m'apparaît inacceptable et nuisible pour l'emploi et l'entrepreneurship québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Viger. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. M. le Président, je discuterai avec vous aujourd'hui, devant cette Assemblée, du projet de loi n° 89, Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative. D'après les notes explicatives qu'on retrouve au début du projet de loi, celui-ci aura pour but d'assurer la mise en oeuvre dans les lois particulières des principes établis dans la Loi sur la justice administrative.

This bill also contains articles with respect to the inclusion of existing bodies, such as Commission des affaires sociales, Bureau de révision en immigration, Commission d'examen des troubles mentaux, Bureau de révision de l'évaluation foncière et Tribunal d'appel en matière de protection du territoire agricole into the Administrative Tribunal of Québec.

The explanatory notes of the bill in question tell us that the effect actually is to harmonize the procedure in effect before these bodies. In addition, Mr. Speaker, the jurisdiction of the governmental bodies such as the Commission municipale, the Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec and the Court of Québec in administrative matters and in the determination of expropriation indemnities is transferred to the Administrative Tribunal of Québec.

Je pense plutôt, M. le Président, que le but réel de ce projet de loi est de donner trop de pouvoirs judiciaires accrus entre les mains des tribunaux administratifs du Québec.

The bill before us has 916 articles, and its principal goal was to ensure the implementation, in the particular laws, of the principles established in Bill 130, An Act respecting administrative justice, which was passed in December 1996 by closure in this National Assembly. The bill before us modifies almost 110 bills in order to make them conform to Bill 130 and to achieve the following: firstly, to achieve dejudiciarisation of certain procedures of public administration – and I can assure you, after a study of this bill, that this effect will not be achieved; secondly, to make the necessary modifications resulting from the integration of existing bodies into the Administrative Tribunal of Québec; and, thirdly, to make a transfer to the Administrative Tribunal of Québec of certain jurisdictions presently held by various bodies of government.

M. le Président, le projet de loi déposé devant nous touche un vase réseau d'activités affectant le quotidien de tous les Québécois. En effet, que ce soit l'agriculture ou le tourisme, les individus ou les corporations, tout passe par les effets de cette loi. Je pense qu'il faut être réaliste et bien savoir que ce projet de loi aura un impact fort important sur la vie de tous les jours des citoyens du Québec, et pas seulement dans le domaine de la justice, comme on voudrait nous le faire croire. Je suis certain que le projet de loi n° 89, sur lequel nous nous penchons aujourd'hui, est une suite au projet de loi n° 130, auquel mes collègues et moi-même de l'opposition officielle nous nous sommes vigoureusement opposés.

Comprenez-moi bien. Nous n'avons pas manifesté notre opposition à l'époque parce que nous étions contre le processus de déjudiciarisation, mais bien parce que nous étions opposés, et nous le sommes toujours à ce jour, à certaines conséquences répugnantes qu'amenait la loi n° 130 et qu'on va voir par l'entrée en vigueur du présent projet de loi n° 89.

M. le Président, permettez-moi de réviser avec vous certains effets négatifs qu'on va voir sur notre société québécoise par l'adoption du projet de loi n° 89. Premièrement, la loi n° 130 n'a jamais réglé le problème soulevé par l'inquiétude face à l'indépendance et à l'impartialité des membres des tribunaux administratifs. Si vous vous souvenez, ce projet de loi a été amplement et sévèrement critiqué par tous les professionnels du monde légal parce qu'ils étaient d'avis qu'il permettait aux membres du gouvernement de nommer leurs amis à des postes au sein des tribunaux administratifs, et ce, sans égard à leurs qualifications.

Secondly, there is no possibility to appeal decisions of the Administrative Tribunal of Québec to the Courts of Québec. For example...

M. le Président, est-ce qu'il y a une question du membre?

M. Blais: Oui, M. le Président. Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Masson, sur une question de règlement. M. le député.

M. Blais: Dans son discours, le député fait atteinte à l'article 37 en prêtant au ministre de la Justice des intentions, ce qu'il n'a pas le droit.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de D'Arcy-McGee, la dernière phrase était beaucoup plus... vous exprimiez ce que vous considériez comme une situation de fait. Alors, ça, on peut différer d'opinion, puis je laisse à chacun d'en débattre. Alors, je vous permets de poursuivre, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Ça va? Secondly, as I was saying, Mr. Speaker, there's no possibility to appeal decisions of the Administrative Tribunal of Québec to the Court of Québec. For example, one cannot appeal a decision of the Administrative Tribunal in the matter of the protection of agricultural land. This matter is a serious concern to the farmers of Québec whose lands, in certain areas, are zoned «agricole» – in the industry, we call it green land. Decisions, for or against, have a great impact on our society. For example, in the areas of municipal development, protection of our farms, protection of our heritage, protection of the agricultural industry of Québec, why is an appeal to the Court of Québec being so easily discarded? There may be some circumstances where a particular farmer will feel that the decision of the Administrative Tribunal of Québec was not correct and will wish to be heard by an independent court. The bill before us limits this possibility.

M. le Président, dans au moins 40 causes dont les décisions seront rendues par le Tribunal administratif du Québec, des citoyens perdront, avec ce projet de loi qui est déposé devant nous, le droit d'en appeler devant des juges impartiaux et indépendants de la Cour du Québec. On nous présente une parodie de justice, un danger pour notre société, compte tenu que ce gouvernement est incapable de nous garantir l'impartialité de ses nominations. Ce qu'il nous a démontré, par contre, et ce, sans équivoque, c'est son habilité à nommer ses proches à des positions importantes et à tous les niveaux du gouvernement, incluant les tribunaux administratifs.

(11 h 50)

M. le Président, les citoyens du Québec feront face à de sérieux problèmes lorsqu'ils se présenteront devant le Tribunal administratif du Québec. Leur crainte, leur insécurité de voir les jugements rendus teintés enlèveront toute crédibilité à notre système judiciaire. Nous devons éviter cela à tout prix. Nous devons préserver ce droit d'appel devant la Cour du Québec à la population du Québec. C'est un principe fondamental dans une société démocratique qui se veut ouverte, libre et transparente. Ce gouvernement devant nous a perdu toute conscience sociale. Depuis son arrivée au pouvoir, il nous a montré qu'il est si loin de la réalité qu'il ne reconnaît même plus les besoins des citoyens. M. le Président, dans une société démocratique comme la nôtre, la population mérite mieux que cela.

Troisièmement, nous et beaucoup d'experts pratiquant le droit administratif disons et répétons que ce projet de loi ne vise que des considérations de structure administrative plutôt que de répondre aux besoins réels des citoyens. La loi n° 130 insère au sein d'une même mégastructure, c'est-à-dire le Tribunal administratif du Québec, des matières administratives déjà confiées à l'heure actuelle à d'autres organisations gouvernementales qui pourtant représentent bien la population.

Dites-moi pourquoi, alors que ce projet de loi n° 130 n'a pas encore montré une déjudiciarisation, on effectue des sévères réductions des droits des individus face à cette mégastructure, un système qui, comme on le sait, peut rendre des décisions fort injustes, des décisions froides et loin de nos citoyens et qui est incapable de faire preuve de compassion ou de compréhension du vrai monde de cette province.

M. le Président, le droit à l'individu d'être entendu est un droit fondamental dans notre système légal. C'est la base même de notre société démocratique d'avoir le droit d'être assisté d'un avocat, de faire des représentations, de présenter preuves et témoins, de contre-interroger, d'avoir des consultations publiques, d'être informé de toute preuve existant dans un dossier et de pouvoir la réfuter ou la corroborer. C'est tout cela que le gouvernement du Parti québécois veut modifier avec ce projet de loi n° 89.

In this bill before us, there's a transformation of many of the existing laws where the right to be heard is now only the right to present observations, an expeditive procedure which can prejudice the citizen. Prior to Bill 89, Mr. Speaker, the citizen in a case before this or that «régie», before having his license suspended or revoked, or before a company had its permit revoked, would have the opportunity to be heard by the «régie» in question.

Now, with Bill 89, the régie can proceed after having permitted the citizen to only make cursory and very superficial observations. Thus, a company can be put out of business by having its permit revoked without having the chance to present witnesses, to examine proof, to cross-examine, and in some cases without even a valid hearing. Yes, it would be eventually an appeal to the Administrative Tribunal of Québec, but this only after the business activities of that particular company would be suspended and employees put out of work while they're waiting for the appeal. The consequences to the business in question, to the employees would be tragic while we would be waiting for the Administrative Appeal Board to hear their appeal.

Imagine the negative effects on the individual or the business concerned. Mr. Speaker, our economy is weak enough, why are we continuously adding a burden to it? Let's not make the possible impossible. Let's make the challenges and dreams of our citizens attainable.

Comme si le monde des affaires n'allait pas assez mal comme cela. Laissez-moi vous dire qu'une des dispositions du projet de loi n° 89, en l'occurrence l'article 77, qui touche la Loi du bâtiment, aura comme effet de permettre l'annulation, la suspension, le refus ou la révocation d'une licence d'entrepreneur en construction ou, suivant l'article 78, la possibilité de révoquer un permis de construction. Je comprends difficilement les raisons qui poussent le gouvernement péquiste à faire peser une telle menace sur une de nos plus importantes industries au Québec.

M. le Président, vous aurez compris que je m'oppose à ce projet de loi que je qualifie de très dangereux parce qu'il brime les droits et libertés de la population du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee. Je vais entendre maintenant la prochaine intervenante. Il vous reste trois minutes d'ici à midi, mais vous pourrez poursuivre dès la reprise du débat, mais vous devrez poursuivre dès la reprise du débat si vous voulez garder votre droit de parole, à ce moment-là. Alors, je vous cède la parole, Mme la députée de La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, dans les quelques minutes qu'il nous reste, permettez-moi d'intervenir sur le projet de loi n° 89, Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative, un projet de loi qui modifie près de 110 lois particulières, en concordance avec les principes imposés par le projet de loi n° 130 qui a été adopté en pleine nuit, à la dernière session parlementaire.

J'ai eu l'occasion, M. le Président, d'intervenir sur le projet de loi n° 130 en cette Assemblée et en commission parlementaire. J'ai pu alors dénoncer l'attitude du ministre de la Justice qui, au mépris de tous les arguments qui ont été apportés tant par l'opposition officielle que par le Barreau du Québec, a décidé, pour des raisons purement budgétaires, d'imposer le bâillon pour forcer l'adoption du projet de loi n° 130.

M. le Président, je tiens à le répéter, comme mon collègue le critique en matière de la justice ainsi que l'opposition officielle, nous sommes tout à fait en faveur de la réforme de la justice administrative; nous ne sommes pas cependant en faveur des moyens bureaucratiques mis de l'avant par le ministre de la Justice pour réaliser cette réforme.

Deux points majeurs ont retenu mon attention: l'impartialité des juges et la nécessité de prévoir un droit d'appel. Ces deux points ont été relevés par le Barreau du Québec, tels qu'exprimés par son président, Me Claude Masse, dans une lettre adressée au premier ministre en date du 11 décembre 1996. Vous me permettrez d'en citer quelques extraits, M. le Président.

«Au chapitre du renouvellement des mandats des membres des tribunaux administratifs, la problématique n'est pas nouvelle et a été maintes fois dénoncée. L'indépendance passe notamment par un processus transparent de renouvellement des mandats. Il est inadmissible – selon le Barreau – que le renouvellement des mandats des membres d'un tribunal dépende de la discrétion du gouvernement, d'autant plus qu'en matière administrative le citoyen se retrouve chaque fois confronté à l'État. Le gouvernement possède encore à ce jour, selon nous – dit Me Masse – une discrétion trop étendue. Des dispositions du projet de loi n° 130 doivent donc être revues et bonifiées.

«Par ailleurs, dans l'intérêt des justiciables, le Barreau ne peut accepter qu'aucune décision du tribunal proposé ne puisse faire l'objet d'un appel de plein droit à une cour de justice, d'autant plus qu'il n'est pas assuré que le statut des membres du tribunal offrira toutes les garanties nécessaires. L'appel partiel est, sur permission, en matière d'expropriation, d'évaluation foncière et de protection des territoires...»

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je m'excuse, Mme la députée de La Pinière, il est actuellement 12 heures. Alors, nous devons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures, et vous aurez un droit de parole à la reprise du débat sur cette question.

Alors, nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 14 h 8)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous débutons immédiatement par les affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.

Dépôt de documents.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, Mme la présidente de la commission de l'aménagement et des équipements et députée de Mégantic-Compton.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 92

Mme Bélanger: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé les 4, 5, 6, 11, 13, 18, 19 et 20 mars 1997 afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole.

Le Président: Ce rapport est déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Robert-Baldwin... qui n'est pas ici. Alors, M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 2 718 pétitionnaires du comté de Frontenac.

«Les faits invoqués...»

Le Président: M. le député de Frontenac, au préalable, je pense qu'il faudrait solliciter le consentement, puisque votre pétition n'est pas conforme.

Alors, il y a consentement, vous pouvez y aller.


Maintenir la maternelle mi-temps et octroyer les budgets nécessaires pour ce faire

M. Lefebvre: Alors, M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 2 718 pétitionnaires du comté de Frontenac.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le Québec est une société démocratique;

«Considérant que les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants;

«Considérant que le projet de maternelle temps plein cinq ans ne convient pas à tous les parents et à tous les enfants;

(14 h 10)

«Considérant que, lors des états généraux sur l'éducation, la Fédération des comités de parents du Québec n'a pas demandé la maternelle plein temps mais plutôt réclamé la maternelle mi-temps;

«Considérant que la maternelle mi-temps répond au choix spécifique de la moitié des parents du Québec émis lors des sondages des commissions scolaires;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons aux membres de l'Assemblée nationale: de maintenir telle qu'elle existe présentement la maternelle mi-temps tout en offrant la maternelle plein temps à la demande des parents; de confier aux commissions scolaires et aux milieux-écoles le pouvoir et les budgets nécessaires pour répondre adéquatement à cette requête.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député. Alors, la pétition est déposée.


Questions et réponses orales

Il n'y a pas aujourd'hui d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, ce qui fait que nous arrivons immédiatement à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Mesures visant la création d'emplois pour les jeunes

M. Johnson: Oui. Le problème du sous-emploi chez les jeunes demeure extrêmement préoccupant, et tous les gouvernements occidentaux, chose certaine, essaient de rivaliser d'imagination pour arriver avec des programmes d'intervention, de soutien, d'encouragement à l'emploi et à la création d'emplois chez les jeunes, font l'effort, dis-je, de rivaliser d'imagination, dont le Québec ne devrait certainement pas être absent. Le contexte dans lequel ça se déroule, c'est que, malgré une reprise économique qui demeure fragile, on a vu au Canada environ 200 000 emplois se créer l'an dernier chez les gens de 25 ans et plus, pendant que les jeunes, pour leur part, perdaient 20 000 emplois au net malgré leur arrivée en nombre de plus en plus grand sur le marché du travail. Ça a des effets extrêmement pénibles, au point de vue social, que de se faire rejeter à répétition lorsqu'on loge une demande d'emploi, même au salaire minimum, et on connaît à répétition le rejet dont ces jeunes sont l'objet. Ça les oblige également, compte tenu de l'absence de revenus, à se retourner vers leurs familles et à vivre, comme certains d'entre eux disent... C'est qu'au sortir de l'université, dans la vingtaine, ils considèrent qu'ils vivent encore comme des adolescents chez leurs parents.

Est-ce que le premier ministre, dans un contexte comme celui-là, pourrait brièvement nous indiquer – je dis «brièvement», ça risque d'être très bref, malheureusement – ce que son gouvernement fait depuis un an pour susciter et faciliter l'emploi chez les jeunes, qui sont les premières victimes de la fragilité économique qu'on traverse?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous souscrivons au diagnostic que porte le chef de l'opposition sur les problèmes qui affligent les jeunes par rapport à l'emploi. Nous savons que c'est un des maux qui affligent notre économie, notre société. Nous savons combien l'avenir du Québec dépend de la capacité de notre société de les pourvoir d'emplois, d'espérance pour l'avenir, d'un rôle à jouer et de la relève à assurer. Dans cette mesure, d'une façon générale d'abord – et je dirai ce qu'il en est de façon spécifique – les politiques du gouvernement que nous avons mises en oeuvre sont toutes destinées à créer une société québécoise qui sera plus ouverte pour les jeunes, qui ne va pas leur léguer un patrimoine hypothéqué, qui va leur donner la chance d'agir à travers un État qui aura les moyens de prendre les dispositions qui s'imposent pour créer un climat d'investissement, et la politique de rigueur que nous avons menée s'oriente de ce côté-là.

De façon spécifique, par exemple, quand nous décidons de hausser les contributions au Régime de rentes pour la génération actuelle, c'est dans le but d'assurer les jeunes qui poussent de pouvoir eux aussi compter sur les mêmes dispositions, les mêmes avantages que nous aurons nous-mêmes quand nous allons prendre nos retraites.

En même temps, nous savons bien que parler d'emploi, c'est parler de préparation de la main-d'oeuvre. Il se trouve que l'analyse que nous faisons de nos régimes de formation de la main-d'oeuvre pour les jeunes montre des déficiences. Ce n'est pas un blâme qu'on jette sur le passé, mais il se trouve que nous avons été à peu près dépassés souvent par l'évolution technologique et que les jeunes que nous avons formés sont insuffisamment prêts à relever les défis nouveaux dans le domaine de l'emploi technologique. En particulier, on se rend compte, par exemple, que nous avons formé beaucoup d'universitaires, ce qui est très bien, mais que nous avons pas mal tourné le dos à la formation de techniciens. Dans les cégeps par exemple, le secteur professionnel a été désavantagé quand on compare ce que nous avons fait avec des pays comme l'Allemagne, le Japon, les États-Unis. On a comme manqué le bateau, et je pense qu'à tort nous avons eu une tendance à dévaloriser la formation de techniciens qui peuvent s'épanouir dans des métiers de grande importance aujourd'hui.

Donc, la réforme de l'éducation comporte entre autres volets celui d'établir des passerelles entre l'usine, l'apprentissage et l'école, et vice versa, avec une diplomation au sortir – ...

Des voix: ...

M. Bouchard: ...bien, je prends tout le temps parce qu'il y a beaucoup de choses qu'il faut dire, M. le Président, de ce que nous faisons – avec bien sûr la possibilité de sortir du professionnel avec une diplomation, mais en même temps d'avoir un lien avec l'usine.

M. le Président, vous noterez aussi que le gouvernement s'est imposé le respect d'un engagement qu'il a contracté par rapport aux jeunes, c'est-à-dire de maintenir le gel des frais de scolarité, ce qui fait que les jeunes Québécois sont avantagés par rapport au reste du Canada d'à peu près la moitié de ce que coûtent les frais de scolarité à l'université dans le reste du Canada. Et je pense, M. le Président, que, si on regarde du côté des entreprises, les programmes par exemple, qui favorisent les jeunes à partir des PME, à se lancer en affaires, il y a deux programmes extrêmement intéressants dont nous avons haussé les budgets récemment.

Je pense, M. le Président, que c'est vrai que le gouvernement ne peut pas apporter les solutions à tous les problèmes, mais nous faisons un effort considérable du côté des jeunes.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Oui, M. le Président, à part d'entendre avec beaucoup de surprise que le gel des frais de scolarité permet l'accession des jeunes sur le marché du travail, dans l'esprit du premier ministre – nouvelle théorie économique – est-ce qu'il pourrait nous dire, au lieu de nous abreuver de discours, et de discours, et de discours, nous indiquer quels sont les gestes concrets, les éléments de sa politique de création d'emplois, sa stratégie pour l'emploi depuis un an qui font en sorte que les jeunes vont cesser d'être rejetés sur le marché du travail, qu'ils vont cesser de vivre – comme ils le déplorent eux-mêmes – comme des adolescents? Est-ce que le premier ministre pourrait nous indiquer concrètement, là, pas des discours puis des grands tableaux, des grands ensembles – c'est lui, le premier ministre du Québec – ce qu'il fait depuis un an pour faciliter l'accès à l'emploi, au marché de l'emploi chez les jeunes?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il faut avoir la franchise de dire aux jeunes ce qui en est. Il n'y a pas de solution miracle immédiate. Mais nous savons cependant que ce sur quoi il faut travailler, c'est sur la diplomation des jeunes, parce que les données incontestables nous montrent que, plus les jeunes ont de l'éducation formelle, plus ils fréquentent l'école et l'université, moins ils ont de difficulté à trouver de l'emploi. Ça peut prendre un peu plus de temps qu'autrefois, mais il reste que, de façon régulière, après un certain temps, les jeunes qui ont un diplôme, de façon générale, trouvent de l'emploi.

Or, le problème, c'est le décrochage. Le problème, c'est ceux qui ne terminent pas leurs cours. C'est donc une réforme de l'éducation qui est importante, c'est donc une préparation plus immédiate et mieux ciblée à la prise en charge d'emplois qui sont vacants. Au Québec, on dit qu'il y a des dizaines de milliers d'emplois qui sont vacants parce qu'on ne trouve pas les gens formés pour les remplir. C'est donc beaucoup, beaucoup – pas uniquement, mais beaucoup – du côté de la réforme de l'éducation qu'il faut agir: une préparation meilleure et plus adéquate à l'emploi pour les jeunes.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, en remarquant une autre contribution originale du premier ministre à notre débat, que, pour mieux former les jeunes, il faut couper 700 000 000 $ dans l'éducation...

Des voix: ...

M. Johnson: C'est exactement ça. Je repose la question au premier ministre: Où est sa stratégie pour l'emploi? Quels sont les éléments qu'il privilégie pour assurer à court terme des emplois pour les jeunes qui n'en ont pas, ceux qui sont rejetés fois après fois, après fois, demande après demande d'emploi, après demande d'emploi? Qu'est-ce qu'il fait de concret à part des discours sur la souveraineté et la sécession? Comment son option contribue-t-elle à créer des emplois pour les jeunes?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je rappelle que la première obligation que nous avons envers les jeunes, c'est de gérer correctement les affaires de l'État. Et ce n'est pas en laissant un déficit de 6 000 000 000 $ à la fin de son dernier mandat que le Parti libéral a préparé l'emploi pour les jeunes. Au contraire, il a hypothéqué l'avenir des jeunes en ce faisant. Donc, première obligation, c'est de redresser la situation de l'État et c'est de mettre en place des mesures comme celles, par exemple, qui concernent les carrefours jeunesse-emploi. La ministre d'État de l'Emploi a mis sur pied, à date, 49 nouveaux centres de Carrefour jeunesse-emploi, ce qui est une façon d'orienter les jeunes sur le marché du travail et de les assister dans leurs démarches pour obtenir de l'emploi.

De plus, nous pouvons déjà annoncer des résultats extraordinaires quant au programme Démarrage d'entreprises: 54 000 emplois ont été créés par 10 000 entreprises, dont 42 % mises sur pied par des jeunes.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

(14 h 20)

M. Johnson: Comment le premier ministre peut-il prétendre que ça va bien chez les jeunes, qu'il y a beaucoup de choses qui sont en place, qu'il y a des dizaines de milliers d'emplois qui sont créés, alors que les statistiques le font mentir, le contredisent? Non, le contredisent. Les statistiques font mentir les propos de ceux qui disent que ça va bien. Ça, c'est une réalité, là, les statistiques font mentir ceux qui disent des choses comme ça.

Comment le premier ministre peut-il répéter, répéter et répéter que ça va bien chez les jeunes quand on a juste à voir comment la vraie situation se déroule? Quelles sont les perspectives pour les jeunes à court terme? Et quelle est la stratégie précise et concrète du gouvernement pour assurer l'emploi chez les jeunes? À part parler de souveraineté et de sécession, qu'est-ce que vous faites pour les jeunes?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition pourfend des ennemis qu'il crée lui-même. Il dit que je viens d'affirmer que ça allait bien pour les jeunes; j'ai dit le contraire. Mes premiers propos ont été pour tomber d'accord avec lui, pour dire que la situation des jeunes était inacceptable et qu'il fallait que tout le monde se donne la main pour faire en sorte que les jeunes reprennent espoir et puissent prendre leur place dans la société d'aujourd'hui et de demain. Alors, ce n'est pas avec le mot «menteur» à la bouche à toutes les phrases que le chef de l'opposition va redresser l'économie du Québec, certainement pas.

Le Président: En principale, M. le député de Richmond.


Taux de chômage au Saguenay–Lac-Saint-Jean et dans les régions

M. Vallières: M. le Président, le Québec comptait, en février dernier, 19 000 emplois de moins qu'en février 1996, et, comme on le sait, les régions et les jeunes ont été particulièrement touchés.

Est-ce que le premier ministre du Québec peut nous faire part du taux de chômage dans sa propre région, celle du Saguenay–Lac-Saint-Jean, au cours du mois de février dernier?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous avons un taux de chômage beaucoup trop élevé dans ma région, un des pires du Canada, qui est au-delà de 15 % présentement, je crois, qui est même peut-être un peu plus haut, qui évolue régulièrement, qui change un peu en dents de scie. Mais il reste que, dans ma région, comme dans beaucoup d'autres régions du Québec, le taux de chômage est inacceptable comme il l'est dans l'ensemble québécois et comme il l'est dans l'ensemble canadien, comme il l'est en Allemagne en particulier. Il est certain que le taux d'emploi est inacceptable.

Mais je ferai remarquer à la Chambre que ce gouvernement, d'accord avec ses partenaires socioéconomiques du monde des décideurs, que ce soit communautaire, social ou économique, a pris l'engagement de redresser, d'ici l'an 2000, le taux de création d'emplois. Nous voulons et nous allons orienter nos efforts en fonction de rejoindre et même de dépasser le taux moyen de création d'emplois au Canada. On sait qu'historiquement il y a toujours à peu près 2 % de différence, et nous avons décidé de consacrer tous les efforts de notre société québécoise, dans tous les milieux de décision et d'action, pour faire en sorte que nous puissions améliorer la performance du Québec dans le domaine du taux de création d'emplois.

Et je dois dire que, depuis trois mois à peu près, nous sommes – à peu près le moment où on a pris l'engagement – en ligne avec l'engagement que nous avons contracté. Nous avons mieux réussi que le reste du Canada le mois dernier et depuis trois mois consécutivement. Ça ne veut pas dire que ça va être la même chose le mois prochain, mais il reste qu'il y a une tendance qui paraît s'amorcer à la hausse, à la faveur des politiques que le gouvernement a mises en place, qui favorisent les conditions d'investissements. Et tous les indicateurs économiques en cours qui permettent de juger de l'avenir nous permettent d'avoir une espérance pour l'avenir du Québec.

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, est-ce que ça pourrait aider le premier ministre si je lui indiquais que le taux de chômage dans sa région, en février dernier, était de l'ordre de 17,1 %? Et est-ce que le premier ministre peut nous confirmer quel était le taux de chômage dans sa région quand il est arrivé à son poste de premier ministre? Est-ce que ce taux de chômage, il y a maintenant un peu plus d'un an, ne se situait pas, en février 1996, à 15,4 %?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, ce n'est pas un débat arithmétique, nous le savons bien, c'est un débat économique. Nous savons que les régions du Québec sont durement frappées par les rationalisations qui ont eu lieu et nous savons bien que c'est le développement régional qui doit être l'une des mesures à mettre en place. Je demanderais à l'opposition, en particulier, d'attendre que le budget soit annoncé cet après-midi, on verra que le gouvernement et le Québec tout entier feront un effort de ce côté.

Et je pense que, du côté du développement régional, ce qui est important, c'est que nous puissions réaliser les engagements qui ont été pris au Sommet et les projets que nous avons mis en place pour à peu près toutes les régions du Québec.

De toute façon, M. le Président, il y a un effort général qui est déployé; le Québec s'oriente dans la bonne voie, une voie qui est faite de solidarité, qui est faite de confiance. Et, si l'opposition peut nous donner un coup de main dans la création d'un climat favorable, nous réussirons.

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, de la réponse du premier ministre, est-ce que nous devons conclure, de ce côté-ci de la Chambre, que le Sommet économique a été un échec? Que le dernier budget, celui de l'année dernière, a été un échec aussi? Que l'éventuelle politique de développement économique pour les régions du ministre responsable est sur un échec également?

Comment le premier ministre et député de son comté peut-il nous indiquer ce qu'il va faire pour éviter l'aggravation de la situation dans sa région? Et qu'est-ce qu'il y a eu de fait au cours de la dernière année, dernière année pendant laquelle il est arrivé comme député dans sa région, pour éviter la perte de 2 000 emplois, plus particulièrement dans sa région, qui est passée de 111 000 à 109 000 emplois? Qu'est-ce que son gouvernement, qu'est-ce que son ministre responsable du Développement des régions a mis de l'avant? Qu'est-ce que lui, comme député, a fait afin d'éviter cette perte d'emplois de 2 000 dans sa propre région, à part les discours du premier ministre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, l'économie des régions n'est pas dissociée, n'est pas à dissocier, en tout cas, de l'économie du Québec, et les mesures que nous prenons au plan général auront et ont des effets favorables sur la promotion des économies régionales.

Et, parlant de l'économie de ma région en particulier, celle du Saguenay–Lac-Saint-Jean, nous savons que c'est une région qui dépend beaucoup de ces deux grands piliers économiques qui sont celui de l'aluminium et du papier, du bois. On voit qu'actuellement les grands investissements du côté de ces industries vont se poursuivre encore, mais que ce n'est pas surtout de ce côté-là qu'il faut attendre la création d'emplois.

On sait que l'Alcan travaille sur un projet d'investissement considérable pour son usine d'Alma. On sait qu'à Kénogami en particulier Abitibi-Price est en train de considérer un investissement qui n'est pas facile à faire, mais qui aurait pour effet de moderniser l'usine de Kénogami, ce sur quoi nous travaillons tout le monde. Mais, en même temps, on a vu, depuis un an, dans la région, ouvrir plusieurs entreprises de transformation secondaire, et c'est du côté... Dans ma région, comme dans celles du Québec en général, il faut cesser de miser uniquement sur la matière première qu'on exporte sans valeur ajoutée: c'est comme exporter des emplois ailleurs. Il faut qu'on concentre l'activité économique sur la transformation de l'aluminium, du papier, du bois, dans nos régions. La solution est certainement de ce côté-là.

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. le Président, est-ce que le premier ministre, qui nous a dit que jusqu'à ce jour il s'était beaucoup trop parler de développement régional mais qu'il n'y avait rien eu de concret de réalisé, peut nous indiquer comment, dans sa région, il va faire en sorte que le taux de chômage chez les 15-24 ans va se situer en deçà du 26 %? C'est un record actuellement au Québec, dans sa propre région.

Quelles sont les mesures concrètes que vous entendez prendre, au-delà du discours et de votre ministre responsable du Développement des régions et du vôtre, M. le premier ministre, et par surcroît député dans cette région?

M. Bouchard: Encore une fois, je vais être contraint de corriger les propos et les affirmations tenus par le député, selon lequel j'aurais affirmé qu'il ne se fait pas assez de développement régional et que, quand il devra s'en faire, j'en parlerai, ou vice versa.

Ce dont il était question, c'était de la régionalisation. C'était à un colloque avec les jeunes du Parti québécois, à Rimouski, je crois, auquel je participais et où il était question de la régionalisation. Et j'ai dit que mon gouvernement travaillait activement sur la formation, l'élaboration d'une politique concrète de régionalisation. Nous sommes en train de mettre la dernière main à un livre blanc qui sera rendu public; et justement on n'en parle pas, mais on agit. Puis on verra bientôt.

Le Président: En principale, Mme la députée de La Pinière.


Image de Montréal véhiculée par la presse écrite américaine

Mme Houda-Pepin: M. le Président, le Boston Globe Magazine , dans son édition du 16 mars 1997, titrait, et je cite: «Montréal, une ville éclatée. Même dans cette grande métropole cosmopolite du Canada, les tensions séparatistes sont en train de faire fuir les anglophones et de faire chuter l'économie». Cet article, publié dans l'un des magazines américains les plus prestigieux, a créé une vive commotion dans les milieux d'affaires canado-américains, considérant l'importance des échanges économiques entre le Québec et la Nouvelle-Angleterre, qui s'élèvent à 9 200 000 000 $ en chiffres de 1994.

M. le Président, le premier ministre, qui a déjà effectué un pèlerinage en Nouvelle-Angleterre l'année dernière, peut-il nous dire ce qu'il a fait depuis le 16 mars pour corriger cette image dévastatrice pour le Québec et les Québécois?

Le Président: M. le premier ministre.

(14 h 30)

M. Bouchard: M. le Président, je suis en train de me demander si c'est la position du Parti libéral concernant l'avenir de Montréal. Est-ce que le Parti libéral va joindre sa voix à tous les gens qui sont les détracteurs de la ville de Montréal et du Québec à l'étranger et qui inspirent ce genre d'articles, M. le Président? Je voudrais savoir.

Le Président: Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, je comprends que le premier ministre n'a rien fait.

Le Président: En complémentaire, Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, en complémentaire: Est-ce qu'on doit comprendre de la réponse du premier ministre, qui est très fort sur les discours, qu'il n'a rien fait pour corriger l'image du Québec à l'étranger suite à la publication de cet article dévastateur pour notre image?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, un des grands bénéfices, et je dirais une des grandes réussites du Sommet économique de Montréal, c'est que le Sommet a été saisi d'un... Le Sommet a reçu un rapport d'un groupe d'hommes d'affaires qui a été constitué pour faire une enquête dans les milieux financiers, dans les milieux commerciaux et industriels et dans le milieux des investisseurs éventuels au Québec, rapport unanime qui concluait que les fausses perceptions qui sont parfois véhiculées à l'étranger, par rapport à Montréal en particulier, sont justement fausses, sans fondement et que c'est une opération qu'il faut faire, nous tous de tous les milieux au Québec, d'aller expliquer la véritable situation de Montréal et de Québec, les grands atouts que nous avons, la grande structure d'accueil et d'investissement que nous avons. Et ce groupe a été formé par M. Brian Levitt, M. Henri-Paul Rousseau et M. Royer, je crois. Et j'ai vu hier un rapport préliminaire d'une campagne que nous allons lancer avec l'aide des gens d'affaires à l'étranger.

Je dois dire que ces propos arriérés qui nous sont cités aujourd'hui, ces propos hargneux et profondément injustes et fielleux dont se fait le porte-parole la députée de l'opposition, M. le Président, sont dénoncés maintenant et sont mis de côté par bien des gens, en particulier l'analyste Jack Dempsey, à New York, qui conclut maintenant que Montréal est en train de refaire surface avec ses grands avantages, et qu'il y a de plus en plus de gens maintenant à New York qui nous disent qu'ils vont investir à Montréal compte tenu des avantages que ça représente, sans compter l'impact extrêmement positif qu'a eu sur les milieux new-yorkais le fait que le siège social de la nouvelle compagnie Consol et Abitibi-Price, la fusion qui est née des deux, sera maintenant à Montréal.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Johnson: La question était claire, pourtant. Je la répète. Moi aussi, je la reprends à mon compte pour tout le monde qui attend une réponse: Qu'est-ce que le premier ministre a fait depuis dimanche, le 16 mars, afin de corriger les perceptions qui ont encore cours dans la presse nord-américaine à l'endroit des politiques du gouvernement, à l'endroit de ce que MM. Levitt, Ducros et Rousseau ont dénoncé comme étant le brassage de débat linguistique, eux qui ont demandé qu'on arrête de parler de ça, et que d'aucune façon l'option de séparation n'a rien à faire dans une stratégie de création d'emplois et de rassurer les investisseurs?

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je peux comprendre qu'il y ait une plus grande latitude qui est accordée au chef de l'opposition, mais, en vertu de 78, les questions complémentaires doivent être brèves, précises et sans préambule.

Le Président: Je voudrais inviter tout le monde à faire attention, en particulier quand on n'a pas le droit de parole, à l'utilisation d'un certain nombre d'épithètes que la présidence entend et que les médias entendent, que les gens qui sont dans l'assistance entendent et qui finalement ne sont pas à l'avantage et à l'honneur des membres de l'Assemblée.

Alors, à ce moment-ci, le ministre d'État à la Métropole va répondre.

M. Ménard: Oui, M. le Président, parce que nous estimons, au ministère de la Métropole, que c'est une partie de notre devoir de répondre à ces articles calomnieux qui se publient de temps à autre dans la presse anglophone du monde et parfois même dans d'autres presses internationales qui ne savent lire que l'anglais. Et nous essayons d'avoir...

Répondre officiellement, ce n'est pas bon. Ce que nous cherchons, ce sont effectivement les anglophones heureux à Montréal. Brian Levitt est un de ceux-là, et il y en a d'autres qui sont prêts à répondre à ces journaux. Ces articles sont des tissus de mensonges. Ils tirent des conclusions exagérées. Par exemple, il y a une psychologue qui dit que la moitié du monde à Montréal ne dort pas la nuit parce qu'elle est inquiète. On tire des conséquences exagérées de la fermeture d'une boulangerie écossaise, alors que chaque personne qui vit dans la métropole sait comment nous apprécions les cuisines ethniques, et il y a dans la métropole d'excellentes boulangeries arabes qui restent ouvertes, italiennes, françaises et de toutes les sortes. C'est un marché qui est très compétitif, et seuls les meilleurs survivent.

Maintenant, ce serait beaucoup plus facile si, par inadvertance – parce que je pense que souvent c'est par inadvertance – l'opposition cessait d'utiliser des termes qui sont repris à l'étranger et qui expriment mal... Par exemple, la police de la langue. Le mot «police» exprime l'idée d'arrestation, d'incarcération, et c'est pour ça qu'il est utilisé, alors que les gens de l'opposition savent très bien que nous avons des inspecteurs, comme nous avons des inspecteurs dans la construction, pour que justement les infractions aux lois de la langue ne soient pas poursuivies par tout un chacun mais par des inspecteurs qui utilisent leur jugement et qui aident les gens à se corriger pour se soumettre à la loi, ce qui arrive dans l'immense majorité des cas. Alors, cessons d'utiliser ces termes qui nuisent à Montréal.

Le groupe de Brian Levitt, composé d'anglophones hommes d'affaires, l'a compris, et il va nous aider à rétablir la réputation de Montréal. Et la meilleure façon, c'est de diffuser et de dire la vérité sur Montréal.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Après avoir compris que le ministre fait une distinction entre une police de la langue qui peut entrer dans un commerce et un inspecteur de la langue qui peut entrer dans un commerce, on doit se réjouir que ce ne soit pas lui qui ait répondu au Boston Globe.

M. Bélanger: Question complémentaire.

Le Président: M. le leader du gouvernement, ce que je voudrais vous faire remarquer, c'est que depuis la reprise de nos travaux parlementaires j'ai dirigé la période des questions de telle sorte que j'ai accordé, comme à l'accoutumée, une latitude au chef de l'opposition officielle et au premier ministre; je crois que jusqu'à maintenant ils en usent dans des paramètres qui sont ceux qui sont normalement impartis à l'un et à l'autre, sans qu'il n'y ait eu, à mon sens à moi, et c'est le jugement que je porte actuellement, des débordements excessifs. Cependant, je sais très bien que, si on s'en tenait au texte du règlement, ni l'un ni l'autre n'aurait cette latitude. Alors, à ce moment-ci, le chef de l'opposition officielle a la parole.

M. Johnson: Oui. M. le Président, maintenant qu'on sait et qu'on se félicite de savoir que le ministre responsable de la région de Montréal ne s'est pas mêlé du dossier et qu'il n'a rien fait, lui, depuis le 16 mars, ma question s'adressait au premier ministre: Est-ce que lui a fait quelque chose, depuis le 16 mars, pour contrer cette perception? Que ce soient des campagnes ou pas des campagnes, que ce soit de bonne ou de mauvaise foi, il y a des journaux américains qui reprennent à leur compte, pour l'ensemble de l'Amérique du Nord, des propos contre lesquels le premier ministre veut s'élever. Est-ce qu'on pourrait savoir, depuis le 16 mars, ce que le premier ministre a fait? Ou est-ce qu'il a suivi son habitude, lui pour qui régler un problème, c'est d'en nier l'existence, comme il l'a fait avec le gouverneur du New Hampshire, qui a demandé qu'est-ce que c'était que cette histoire de séparation là, et le premier ministre a dit: Il ne m'a pas parlé de ça?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, hier encore, j'ai consacré du temps dans ma journée sur la préparation de la campagne qui va nous permettre de redresser ces sornettes à l'étranger. Je ne perds pas une occasion de bien parler de Montréal et du Québec. Je rencontre de multiples gens d'affaires à Montréal et ailleurs, et qui passent actuellement à Montréal, et qui veulent savoir ce qui se passe au Québec, qui ont des discussions à faire sur l'investissement. Je me rends disponible complètement pour ce genre de rencontre. Je m'investis totalement dans la nécessité de redresser ce genre de propos. Je vante les mérites de Montréal, je vante les mérites du Québec. Et j'aimerais, M. le Président, ne serait-ce qu'une fois, aujourd'hui en cette Chambre, entendre le chef de l'opposition bien parler de Montréal et du Québec.

(14 h 40)

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: M. le Président, je me permets, à titre de question, de rappeler au premier ministre, de demander au premier ministre s'il se souvient que son propre ministre de la Métropole, quant à lui, lorsqu'il a été nommé ministre de la Métropole, souhaitait qu'au moins il fasse une chose, c'était quelque chose d'équivalent à mettre sur pied la Société Innovatech du Grand Montréal, et que, s'il avait fait ça, il considérerait qu'il aurait fait quelque chose de valable, lui, et au moins ça ne lui donnerait pas le déplaisir de voir des en-têtes de journaux dans le genre: «La métropole s'ennuie de Daniel Johnson». C'est exactement ça...

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: ...

Le Président: Je ne voudrais pas, à ce moment-ci, être obligé de nommer un député, mais ça fait plusieurs fois que j'entends une épithète qui est inacceptable de la part d'un député qui a, en plus, des fonctions importantes dans l'Assemblée. Alors, j'espère qu'à ce moment-ci je n'entendrai plus ce genre d'épithète du côté gouvernemental. M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: Alors, je pense que j'ai dit, et c'est l'approbation générale, qu'il se dit beaucoup de faussetés sur Montréal. C'est une manchette de plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Ha, ha, ha! Maintenant, avouez...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: ...qu'il y a quelque chose d'inquiétant... Mais je voudrais répondre ici à l'autre remarque qui a été soulevée par le chef de l'opposition, encore sur le fait que l'on doit qualifier de police des inspecteurs qui ont le pouvoir de pénétrer dans des endroits. Les inspecteurs des viandes ont les pouvoirs de pénétrer sur les lieux qu'ils doivent examiner, les inspecteurs des restaurants ont le pouvoir d'aller vérifier la propreté des toilettes et des cuisines, et on ne pense pas à les appeler «police». Je pense que les hommes d'affaires de Montréal, Dieu merci...

Une voix: Les gens d'affaires.

M. Ménard: ...les gens d'affaires, pardon, oui...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: Les gens d'affaires de Montréal, qu'ils parlent anglais – d'ailleurs, ils parlent tous français ou presque maintenant – quelle que soit leur langue d'origine, se sont unis pour ne justement plus utiliser ces termes qui discréditent Montréal. Je demande, M. le Président... Je dis que ce serait une bonne idée si, comme partout ailleurs, l'opposition décidait de faire la même chose que les gens d'affaires.

Des voix: Bravo!

Le Président: En principale, M. le député de Marquette.


Effets de l'entente dans la fonction publique sur le personnel enseignant et sur la réforme du système d'éducation

M. Ouimet: M. le Président, dans une lettre adressée aujourd'hui au premier ministre du Québec, le président de la Fédération des enseignants et enseignantes des commissions scolaires, M. Luc Savard, dénonce sévèrement toutes les manigances du gouvernement pour forcer l'entente intervenue vendredi dernier. M. Savard ajoute, et je cite: Elle crée un sentiment d'insécurité chez les enseignants, un climat d'instabilité dans les milieux de travail et elle sape l'engagement du personnel enseignant pourtant indispensable à la réforme du système d'éducation. Dans tous les débats qui ont conduit au plan d'action ministériel sur la réforme en éducation, les enseignants ont pu croire que ce gouvernement reconnaissait la valeur de leur profession et que cette profession serait revalorisée.

Ma question: Le premier ministre reconnaît-il que, même si sa stratégie de négociation l'a conduit à une entente, elle a des conséquences désastreuses sur la motivation du personnel enseignant et qu'elle met en péril la réforme du système d'éducation?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, c'est le contraire. Le règlement que nous avons obtenu dans le consensus et l'harmonie nous permet maintenant de travailler la main dans la main avec les enseignantes, les enseignants et les syndicats, les commissions scolaires, pour mettre en place cette réforme extrêmement importante que le gouvernement a préparée.

Je suis convaincu que la très, très grande majorité des enseignants et des enseignantes est très satisfaite de ce qui est arrivé comme règlement. Il est certain que la CEQ les représentait correctement quand elle a recommandé la signature et l'acceptation des offres du gouvernement, de sorte que nous devons plutôt nous réjouir de ce qui est arrivé. J'aimerais que l'opposition, encore une fois, cesse, à cause du dépit qu'elle éprouve du fait qu'il y a eu un règlement, de mettre du fiel dans une discussion qui n'en comporte pas actuellement, alors que nous sommes en face d'une trajectoire d'espoir et de réussite pour le Québec dans l'éducation.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.


Document déposé

M. Ouimet: M. le Président, je demande le consentement pour déposer la lettre du président de la Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du Québec.

Le Président: Il y a consentement.

M. Ouimet: Il y a consentement?

Le premier ministre n'est-il pas conscient qu'en bout de ligne ce sont les élèves qui subiront les contrecoups de sa stratégie de négociation, que le personnel enseignant, malgré ce que lui affirme aujourd'hui, s'est senti dévalorisé, dénigré par le premier ministre et par l'ensemble de son gouvernement dans sa stratégie de négociation et que, dans le fond, ça ne fait pas avancer les intérêts de quiconque?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Je pense, M. le Président, qu'au contraire c'est en tout respect les uns pour les autres que nous avons travaillé dans des conditions, oui, qui n'étaient pas très faciles, je n'en disconviens pas, à trouver des solutions qui convenaient aux deux parties. Et, en ce sens, nous sommes arrivés à une entente où justement on ne touche pas aux services aux étudiants et aux élèves. J'en remercie d'ailleurs les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec de même que les autres centrales syndicales qui ont travaillé très positivement en ce sens parce qu'ils ont voulu préserver ces services. Nous avions toujours marqué une ouverture au fait que toutes les avenues étaient à envisager, à l'exception de la tâche, si nous pouvions arriver autrement au même résultat, et c'est ce que nous avons fait. J'en remercie les enseignants.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Châteauguay, en principale.


Avis juridique concernant les commissions scolaires linguistiques

M. Fournier: Merci, M. le Président. Dans le dossier des commissions scolaires linguistiques, tous les constitutionnalistes qui se sont prononcés publiquement sur la proposition du gouvernement ont dit qu'elle était illégale. Que ce soit Me Woehrling, Me Brun, Me Pelletier ou Me Beaudoin, tous prétendent que le moyen choisi par le gouvernement ne peut se réaliser de façon bilatérale. De son côté, le ministre des Affaires intergouvernementales prétend détenir une opinion juridique qui contredit Me Woehrling, Me Brun, Me Pelletier et Me Beaudoin. Mais, depuis six semaines d'exploration bidon, il refuse de rendre publique son opinion juridique.

Puisque c'est Québec qui lance l'initiative et que le ministre a le fardeau de donner à la population au moins un soupçon d'argument pour nous convaincre que Me Woehrling, Me Brun, Me Pelletier et Me Beaudoin ont tort, ma question: Est-ce que le ministre va rendre publique son opinion juridique avant le dépôt du projet de résolution prévu pour demain?

Le Président: M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Brassard: M. le Président, le député sait très bien qu'il n'est pas coutumier que les gouvernements rendent publics les avis juridiques qu'ils sollicitent. Il le sait, puisque le ministre Dion le lui a dit quand il l'a rencontré et que le gouvernement fédéral a, lui aussi, refusé de rendre publics les avis qu'il possède. Alors, je ne sais pas ce qu'il faut pour convaincre le député de Châteauguay puis l'opposition officielle, quand vous avez des avis juridiques du gouvernement fédéral, des avis du gouvernement québécois, que les deux convergent, alors qu'on sait que ce sont des gouvernements qui ne sont pas particulièrement issus de partis frères. Ça converge. On s'entend. On s'est encore rencontrés hier, M. Dion et moi, puis on s'est entendus pour dire que les choses peuvent se faire de façon bilatérale.

(14 h 50)

Au lieu de s'égarer dans le désert juridique, le député de Châteauguay devrait plutôt demander à son chef de convoquer d'urgence un caucus pour qu'on sache où il se branche afin que demain, quand on commencera le débat sur la motion, l'opposition officielle affiche ses couleurs et sorte de la brume dans laquelle elle patauge.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Fournier: En additionnelle, M. le Président. Est-ce que le ministre est au courant – peut-être qu'il ne le sait pas – que la proposition Proulx-Woehrling a été déposée ici par l'opposition officielle il y a plus d'un an et que c'est la même position? Est-ce qu'il est au courant que, lorsqu'il dit qu'on a les opinions juridiques du gouvernement du Québec et d'Ottawa, on ne les a pas? Lorsqu'il nous dit que ce n'est pas coutumier... ou que c'est coutumier de ne pas les rendre publics, comment peut-il expliquer que dans l'affaire Le Hir il y a eu, le 6 décembre 1995, par son gouvernement, un dépôt de documents...

M. Bélanger: M. le Président...

M. Fournier: ...et d'avis juridiques?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, on ne peut utiliser le nom d'un député en cette Chambre, on doit le désigner par le nom de son comté ou par ses fonctions ministérielles ou ses fonctions comme député.

Une voix: Un règlement, un règlement.

Le Président: Vous avez raison, M. le leader du gouvernement. Je pense que M. le député de Châteauguay le sait très bien. Alors...

M. Fournier: Sans reprendre toute la question, M. le Président – je pense que j'ai expliqué certaines choses – simplement, quand le ministre nous dit que ce n'est pas coutumier de rendre publiques des opinions juridiques, comment peut-il nous dire cela, alors que son propre gouvernement a déposé une opinion juridique le 6 décembre 1995? C'était du sous-ministre Michel Bouchard. Lorsqu'on veut établir un consensus, le moins qu'on puisse faire, c'est au moins donner les informations que l'on cache. Pourquoi cachez-vous des renseignements?

Une voix: C'est ça.

Le Président: M. le ministre.

M. Brassard: M. le Président, je ne veux pas mettre la chicane, là, entre le Parti libéral du Québec et le Parti libéral du Canada.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Dieu m'en garde!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Mais la question qui se pose actuellement sur ce dossier des commissions scolaires linguistiques, c'est la question du consensus. Il y a de multiples intervenants de la société québécoise qui se sont exprimés et qui ont donné leur appui à la démarche du gouvernement.

On attend maintenant – et c'est d'ailleurs pour cette raison qu'on enclenche le débat demain – que l'opposition officielle se branche, qu'elle affiche ses couleurs et qu'elle nous dise clairement si elle est d'accord d'abord avec les commissions scolaires linguistiques et, deuxièmement, sur la démarche bilatérale entreprise avec l'accord du gouvernement fédéral, de leur maison mère.

M. Fournier: En principale, M. le Président.

Le Président: M. le député de Châteauguay, en principale.


Convocation d'une commission parlementaire concernant les commissions scolaires linguistiques

M. Fournier: Après avoir constaté que l'opinion juridique va rester cachée dans le coffre-fort du ministre... M. le Président, le 21 février dernier, La Presse rapportait que le premier ministre acceptait de convoquer une commission parlementaire dans le dossier des commissions scolaires linguistiques. On aurait cru qu'elle se serait tenue durant la phase exploratoire de six semaines. On pense que le gouvernement a sans doute exploré le néant, il ne s'est rien passé pendant ces six semaines.

Après avoir perdu 11 mois en analyse d'astuces sur la proposition Proulx-Woehrling, connue depuis un an maintenant et de laquelle Lise Bissonnette disait ceci: «La proposition que vient de déposer l'opposition officielle à l'Assemblée nationale – ça, c'est nous autres et c'est notre proposition – est la plus prometteuse de toutes; aucune raison partisane ne devrait empêcher le gouvernement de l'étudier, de l'adopter. Le rapport Proulx-Woehrling emporte l'adhésion du début à la fin», ma question au premier ministre, M. le Président: Entend-il convoquer la commission parlementaire pour la semaine prochaine et s'engage-t-il à permettre aux spécialistes de l'éducation et aux juristes d'être entendus avant que cette Assemblée ne soit appelée à voter pour le projet de résolution? Je tiens à rappeler, M. le Président, que le seul cas où il y a eu des résolutions comme celle-là... En 1987, il y a eu une commission parlementaire qui a siégé avant le dépôt de la résolution et avant le vote. Alors, suivez donc les précédents.

Le Président: M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Brassard: M. le Président, le gouvernement n'a pas l'intention, n'envisage pas de commission parlementaire. Il y en aura une cependant sur un projet de loi que ma collègue de l'éducation déposera d'ici peu et qui porte justement sur les commissions scolaires linguistiques. Il y aura à ce moment-là une commission parlementaire sur le projet de loi.

Sur la résolution constitutionnelle, nous n'envisageons pas de commission parlementaire. Nous commençons le débat demain. L'opposition aura à ce moment-là l'occasion d'afficher ses couleurs, d'exprimer sa position; j'espère qu'elle sera claire, limpide, sans équivoque. Et nous ajournerons le débat pour laisser le temps au gouvernement fédéral de donner des assurances, tel que le premier ministre du Québec l'a demandé à son homologue fédéral, que la modification, que le processus sera complété de façon rapide et de façon bilatérale. Arrêtez donc de vous égarer dans des chemins de traverse puis prononcez-vous donc sur le fond des choses!

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui, au premier ministre, qui a une longue et d'aucuns diraient une brillante carrière de juriste derrière lui: Pourquoi persiste-t-il, d'une part, à maintenir secrètes les opinions juridiques que prétend avoir son ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes? Pourquoi endure-t-il que son ministre prétende que des opinions juridiques, ça ne se publie pas, de la part d'un gouvernement, quand le ministre de la Justice lui-même, dans l'affaire du député d'Iberville, en a publié et déposé ici même en Chambre? Pourquoi le premier ministre refuse-t-il de fournir à l'Assemblée et donc au public un forum qui permettrait de vérifier quelle est la solution la moins contestable et la plus solide, comme le disent l'ensemble des juristes qui se sont prononcés sur la question, afin de confronter le texte même, d'une part, et l'attitude, d'autre part, de son ministre des Affaires intergouvernementales avec un document, une opinion juridique à répétition qui existe, qui a été soumise par l'opposition, qui s'est prononcée de cette façon-là et clairement et de façon incontestable et plus solide en faveur des commissions scolaires linguistiques?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, d'aucuns et lui-même diraient du chef de l'opposition qu'il a derrière lui une longue et prestigieuse expérience parlementaire. Il a même été premier ministre, il a été longtemps un ministre très important d'un cabinet, il sait que c'est un usage, un ancien et solide usage justifié par les circonstances des Parlements et des gouvernements qui veut que les gouvernements ne déposent pas publiquement les avis juridiques sur lesquels ils s'appuient. Il peut arriver, par exception, que cela se fasse, mais la règle générale est celle à laquelle nous nous conformons présentement.

Le Président: Alors, cet échange met fin pour aujourd'hui à la période des questions et des réponses orales.

Il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés.

Aux motions sans préavis. M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Oui, M. le Président, j'aimerais avoir le consentement de cette Assemblée pour déposer la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement du Québec qu'il s'inspire du précédent créé à l'occasion du débat sur la résolution de modification constitutionnelle de 1987 en tenant une commission parlementaire sur son projet de modification constitutionnelle à l'égard des commissions scolaires linguistiques avant la tenue d'un vote sur ledit projet à l'Assemblée nationale.» Merci, M. le Président.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

M. Bélanger: Il n'y a pas consentement, M. le Président.

Le Président: Alors, il n'y a pas consentement, M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: Je suis déçu!

Le Président: Vous avez le droit. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Est-ce qu'on pourrait savoir du leader du gouvernement...

Des voix: ...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Est-ce qu'on pourrait savoir du leader du gouvernement si son refus, pour le moment, vient du fait que, cet après-midi, à 16 heures, il y aura discours sur le budget? Maintenant, la motion du gouvernement ne sera appelée que demain après-midi. Est-ce que c'est une question de calendrier et d'agencement des travaux ou c'est un refus de discuter le fond de la question?

M. Bélanger: M. le Président, je n'ai pas à justifier mon refus.

Des voix: ...

Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis?


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous allons passer aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

(15 heures)

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission des affaires sociales poursuivra ses consultations particulières sur le livre vert intitulé «La réforme de la sécurité du revenu: un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi» aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 16 heures, ainsi que demain, le mercredi 26 mars 1997, de 9 heures à midi, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de la culture poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française, demain, le mercredi 26 mars 1997, de 9 heures à midi, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Pour ma part, je vous avise que la commission de l'économie et du travail se réunira le mercredi 26 mars 1997, de 9 heures à midi, à la salle du Conseil législatif. L'objet de cette séance est d'entendre les dirigeants d'Hydro-Québec dans le cadre du mandat de surveillance de cet organisme.

Alors, je demanderais aux députés qui doivent quitter l'enceinte du salon bleu pour vaquer à d'autres occupations de le faire rapidement, là.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui, M. le Président. Est-ce que le leader du gouvernement pourrait nous indiquer, puisqu'il y a une commission, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, qui devrait siéger en avril, après le congé pascal, sur les règlements qui devraient accompagner l'application de la loi n° 23 sur le droit de produire, est-ce que le leader est en mesure de nous indiquer si tous les groupes intéressés auront l'occasion de se faire entendre au cours de cette commission?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. On continue de se parler entre l'opposition et le gouvernement. On espère s'entendre, M. le Président, mais, si on ne s'entend pas, M. le Président, bon, il y a une motion qui a été présentée, qui est au feuilleton présentement. Mais nous espérons toujours, comme d'ailleurs c'est la tradition, qu'on s'entende relativement aux auditions relativement à cette importante affaire, M. le Président.

M. Vallières: M. le Président, juste à titre de renseignement additionnel au leader, est-ce que le leader est conscient que, s'il décide d'entendre tous les groupes qui sont listés, l'opposition va vite tomber d'accord et est tout à fait d'accord avec la liste qui a été proposée?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, est-ce que je peux suggérer au député de Richmond de parler à son leader et, à ce moment-là, peut-être qu'on pourra s'entendre, les deux leaders ensemble, sur les groupes? Moi, c'est la meilleure des choses que je puisse lui faire comme recommandation, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. La réponse est la même de la part et du président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et de la part du leader. Est-ce qu'il y a consentement pour entendre les gens qui sont intéressés à se faire entendre? On sait que c'est un débat multipartite: vous avez les gens du milieu des affaires municipales, les gens du milieu de l'environnement, les gens du milieu de la santé et les gens du milieu de l'agriculture. Lesquels souhaitez-vous éliminer?

M. Bélanger: M. le Président, je suis content que, sur ce sujet en particulier, l'opposition s'entende entre elle. Maintenant, je veux lui dire qu'on continue de négocier. On ne négocie pas, comme ça, en Chambre. Moi, je suis toujours disponible. J'attends toujours des propositions, des contre-propositions qui vont, à ce moment-là, satisfaire tout le monde. Nous voulons toujours entendre le plus grand nombre de personnes possible, M. le Président, mais ça se fait par entente, ça se fait par entente et aussi selon les réalités de l'agenda parlementaire, M. le Président.

Le Président: Très bien. Alors, de mon côté, je vous informe que demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par M. le député d'Iberville. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale, dans un souci de réaffirmer les principes de la Charte des droits de la personne et de favoriser la bonne entente entre tous les citoyens du Québec, quelles que soient leurs origines, condamne le nationalisme ethnique sous toutes ses formes et l'utilisation par qui que ce soit de ses thèmes, de ses stratégies et de son langage pour favoriser et entretenir la discorde entre les Québécois, dans quelque intérêt que ce soit, et invite, en conséquence, tous les groupes d'intérêts qui représentent des Québécois, indistinctement ou selon leurs origines, à s'abstenir de favoriser ou d'entretenir la discorde entre les Québécois sur la base de leurs origines ethniques.»

À ce moment-ci, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, on m'indique, M. le Président, que trois députés de l'opposition manifestent leur intérêt de se prévaloir des dispositions du règlement quant à la tenue des débats de fin de séance. Compte tenu que nous sommes dans une journée un peu particulière, qui est la journée du dépôt du budget, ces avis normalement vous sont remis une heure après la période des questions. Matériellement parlant, je vous en informe.

Maintenant, nous serions disposés, si le gouvernement y était prêt, à ce que l'on puisse procéder soit avant le discours sur le budget, soit après le discours sur le budget, quant à la tenue de ces débats de fin de séance.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, moi, je n'aurais aucune objection, si c'est possible même qu'on les fasse le plus rapidement possible, même tout de suite, les débats de fin de séance, là. Moi, je ne sais pas comment on peut arranger ça. Ce n'est pas prévu dans notre règlement, la présente situation, mais je pense qu'à ce moment-là on peut regarder ça ensemble, si c'est possible.

Le Président: Ce que je vous suggère, c'est qu'à ce moment-ci on suspende quelques instants, le temps de permettre peut-être aux deux leaders de s'entretenir ensemble et de voir comment cette question-là pourrait être réglée. Alors, nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 5)

(Reprise à 15 h 18)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Débats de fin de séance

Nous allons procéder, en vertu du chapitre V, à un débat de fin de séance entre le député de Châteauguay et le premier ministre, qui sera représenté, en l'occurrence, par le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Le thème du débat, c'est sur les modifications constitutionnelles concernant les commissions scolaires linguistiques. Alors, M. le député de Châteauguay, vous avez un droit de parole de cinq minutes.


Avis juridique et convocation d'une commission parlementaire concernant les commissions scolaires linguistiques


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Cinq minutes, c'est court, mais je vais tenter de prendre le temps pour réexpliquer ce qui est l'enjeu qu'on a vu à la période de questions, l'enjeu qui va suivre aussi dans les semaines à venir.

Il y a un an, l'opposition officielle a joué son rôle d'opposition constructive. Des gens disent: L'opposition critique tout le temps. Des fois, ça apporte des solutions. L'opposition a déposé l'étude Proulx-Woehrling qui démontre le chemin à suivre pour avoir de façon correcte et valable des commissions scolaires linguistiques. Nous, c'est ça qu'on veut. On veut qu'elles soient établies et qu'elles soient établies valablement.

Pendant 11 mois, dans la foulée du dépôt de cette étude, le gouvernement a tergiversé, a attendu, a essayé de se faire une tête. Moi, j'ai l'impression qu'ils ont joué d'analyses, d'astuces pour se dire: Comment on peut contourner Proulx-Woehrling? Et, il y a six semaines, le ministre des Affaires intergouvernementales est arrivé avec sa phase exploratoire. Et, dans cette phase, il dit: Moi, je vais déposer une nouvelle façon de faire, je propose une nouvelle façon pour amener les commissions scolaires linguistiques. La façon qu'il propose, c'est exactement le chemin à ne pas suivre, qu'avaient dit Me Woehrling, Me Brun, Me Beaudoin et Me Pelletier. Tous les constitutionnalistes qui ont eu à se pencher sur le dossier ont dit: La voie que le gouvernement veut prendre ne se fait pas de façon bilatérale.

Ils nous ont dit: Nous avons une opinion juridique. Alors, moi, je dis ceci, M. le Président, et c'est ce qu'on demande: Est-ce que le gouvernement, s'il est sérieux, si vraiment il veut avoir des commissions scolaires linguistiques, peut au moins faire un petit mouvement pour montrer sa sincérité et nous déposer l'opinion juridique qu'il a en sa possession, qui semble être si forte qu'elle conteste tout ce qui est connu en ce moment?

(15 h 20)

De ce côté-ci, après avoir été une opposition constructive en déposant des solutions pour avoir des commissions scolaires linguistiques, nous allons demeurer une opposition responsable, c'est-à-dire qu'on ne va pas s'arrêter à entendre le ministre dire: J'ai une opinion, vous pouvez vous taire. Nous, on veut l'avoir, l'opinion. On veut comprendre ce qu'il y a dedans. La population du Québec, puisqu'on parle d'un consensus, a le droit de ne pas se faire cacher des documents par le ministre. Et c'est ça qui se passe en ce moment. Et il nous dit: J'ai les précédents, ce n'est pas coutumier de donner des opinions juridiques.

Je rappelle ceci au ministre: il a le choix, il peut le faire, c'est dans sa faculté, et ce gouvernement l'a déjà exercée, cette faculté. Dans l'affaire du député d'Iberville notamment, le 6 décembre 1995, c'était le premier ministre qui déposait un avis du sous-ministre de la Justice, Michel Bouchard. Ça se fait, ça, M. le Président, de déposer des avis juridiques. Pourquoi on ne le fait pas, si ce n'est parce qu'on veut cacher des choses?

Alors, de ce côté-là, on a soulevé l'avis juridique. Est-ce que le gouvernement est suffisamment honnête et sincère dans sa volonté d'avoir des commissions scolaires? Si oui, qu'il nous dise comment c'est faisable valablement, selon son opinion. Parce que toutes les autres opinions disent que ça ne se fait pas. Tout ce qu'on connaît, nous... Et, s'il fallait qu'on suive le ministre, il faudrait qu'on soit irresponsable, ce que l'on ne veut pas être. On veut avec la population partager ces renseignements.

L'autre élément, M. le Président, suite à l'exploration, là, qui a... Ça fait six semaines, ça, qu'on a lancé la phase exploratoire. Le ministre a dit hier qu'elle était terminée. Mais c'était une phase exploratoire bidon; ils ont exploré le néant. Il ne s'est rien passé. On se serait attendu, dans la foulée de l'engagement du premier ministre, renié aujourd'hui, d'avoir une commission parlementaire, on se serait attendus que la phase exploratoire, ce serait ça.

Pourquoi on se serait attendu à ça? Parce que les précédents sont dans ce sens-là. Parce que c'est comme ça, ici, au Québec: lorsqu'on dépose une résolution de modification constitutionnelle, on fait une commission parlementaire. Pourquoi, M. le Président? Pour savoir ce que le monde pense. Pour ne pas être celui qui détient la vérité à la place du monde. Ça c'est fait comme ça en 1987. Il y a eu une commission parlementaire du 12 mai au 25 mai 1987, huit séances, et le 18 juin, donc après, il y a eu le dépôt de la résolution, et le 23 juin, il y a eu le vote sur la résolution. C'est comme ça que ça a fonctionné, M. le Président. C'est ça, le précédent. Alors, pourquoi on ne s'engage pas là-dedans?

Je regarde le feuilleton d'aujourd'hui, M. le Président – pas celui d'hier, de la semaine passée, celui de demain ou de la semaine prochaine, celui d'aujourd'hui – vous avez deux nouveaux préavis. Il y en a un sur la modification constitutionnelle – on parle de la loi fondamentale du pays, ici, là: aucune commission parlementaire, aucune consultation. Je tourne ici, l'autre préavis que vous avez, c'est pour des modifications sur la proposition aux principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole. Puis, là, vous avez tout le groupe de ceux qui vont être entendus en consultation. Je ne vais pas loin, là. Je vais dans le feuilleton d'aujourd'hui. Il y a des consultations quand c'est pour parler des odeurs puis de la poussière en milieu agricole, puis, moi, je pense que c'est correct qu'il y ait des consultations. Là, il y a des consultations, mais, quand c'est le cas de modifications constitutionnelles, pour constater un consensus, là, il n'y en a pas. Qu'est-ce que le ministre a à cacher à la population du Québec?

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Châteauguay. Nous cédons maintenant la parole au ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. M. le ministre.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président. Tout d'abord, je constate que l'opposition officielle s'acharne à avancer puis à proposer la solution Proulx-Woehrling. Ce n'est pas la nôtre. Je le dis, là: Nous n'avons pas l'intention d'aller dans cette direction-là. La solution Proulx-Woehrling, ça veut dire des superpositions de structures scolaires, ça veut dire un enchevêtrement de structures scolaires – particulièrement à Montréal – linguistiques, confessionnelles protestantes, confessionnelles catholiques. On ne fera pas une modification constitutionnelle pour aboutir à un pareil fouillis. C'est clair, là?

Donc, notre approche et notre démarche, qui est évidemment la meilleure, la plus simple – la plus simple parce qu'on se retrouvait avec, partout au Québec, des commissions scolaires linguistiques et uniquement des commissions scolaires linguistiques, rien d'autre – notre démarche, donc, consiste non pas à abroger 93, mais à suspendre l'application sur le territoire québécois des dispositions de 93. C'est ça, notre solution, et on peut le faire de façon bilatérale. Si le député de Châteauguay ne me croit pas, au moins qu'il croie M. Dion. M. Dion ne cesse de répéter qu'on peut faire un amendement constitutionnel de façon bilatérale. Il me l'a répété encore hier. Bon. Et c'est dans cette voie-là qu'on veut s'engager.

M. le Président, je vous signale que M. Woehrling a indiqué récemment que la solution idéale, c'est celle du gouvernement du Québec: déconfessionnaliser complètement le système scolaire, jugé par lui anachronique et archaïque. Ça, c'est dans une déclaration rapportée par La Presse canadienne dans Le Soleil du 18 février 1997. Ça, c'est M. Woehrling qui faisait cette déclaration. Donc, notre solution est la meilleure, elle est la plus simple et elle agrée au gouvernement fédéral. Par conséquent, dans cette perspective, M. le Président, je souhaiterais que l'Assemblée nationale parle d'une seule voix, je souhaiterais que l'Assemblée nationale parle d'une voix unanime et j'espère que, dans les heures qui suivent, l'opposition officielle va compléter sa réflexion.

Je trouve ça désolant, je trouve ça déplorable que l'opposition officielle s'enlise dans des mesures dilatoires – avis juridiques, commissions parlementaires – pour, au fond, on le sait bien, faire oublier qu'elle est incapable de prendre une position claire et sans équivoque sur le dossier. Moi, je demanderais tout simplement au député de Châteauguay – encore une fois, c'est ce que j'ai dit tout à l'heure en période des questions – qu'il demande à son chef ou au whip de convoquer un caucus d'urgence du Parti libéral pour que ce dernier adopte enfin une position claire, de telle sorte que demain, quand on amorcera le débat, le député de Châteauguay va se lever pour dire: L'Assemblée nationale parlera d'une seule voix, elle est d'accord avec les commissions scolaires linguistiques, elle est d'accord avec une démarche bilatérale, avec celle qu'on propose. C'est la plus simple, c'est la plus limpide et c'est celle qui enfin va faire en sorte que, après des années et des années, le Québec va se retrouver avec des commissions scolaires linguistiques et uniquement des commissions scolaires linguistiques.

En terminant puis en conclusion, je le prie de joindre sa voix à la nôtre. Je voudrais que l'Assemblée nationale parle d'une seule voix. Si ça n'arrive pas, bien, on va continuer d'aller de l'avant quand même, là, parce qu'il y a des exemples d'amendement bilatéral dans le passé où les Parlements concernés n'étaient pas unanimes. La dernière en date, concernant Terre-Neuve, là, la Chambre des communes n'était pas unanime, le Sénat n'était pas unanime. Alors, ce ne sera pas un motif pour nous arrêter, mais ce serait souhaitable qu'on parle d'une seule voix, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Alors, un droit de réplique de deux minutes, M. le député de Châteauguay.


M. Jean-Marc Fournier (réplique)

M. Fournier: Merci, M. le Président. Je prends le ministre point par point. Terre-Neuve. Je lui rappelle qu'à Terre-Neuve il y a eu un référendum. On demande une commission parlementaire, et le ministre refuse même une commission parlementaire. S'il veut faire des analogies, qu'il regarde comme il faut.

Il nous parle de Woehrling dans une affaire de la PC, une dépêche de la PC. S'il avait eu le courage de lire un peu plus loin, il aurait vu que Me Woehrling dit là-dedans que sa proposition, ça ne se fait pas de façon bilatérale, c'est illégal. Alors, c'est pour ça qu'on en parle. Lorsqu'il dit: Proulx-Woehrling, ce n'est pas bon, c'est la nôtre qui est la meilleure, je lui rappelle ce que sa bonne amie Lise Bissonnette dit: La proposition que dépose l'opposition officielle est la plus prometteuse. Et là il y a un petit bout, je pense que ça s'adressait au gouvernement: Aucune raison partisane ne devrait empêcher le gouvernement de l'étudier et de l'adopter. Le rapport Proulx-Woehrling emporte l'adhésion du début à la fin.

Mais le gouvernement aimerait mieux qu'on parle d'une seule voix, c'est-à-dire la sienne. Il aimerait mieux que l'opposition se taise. C'est un gouvernement dirigiste. Il veut bâillonner, il bâillonne constamment l'opposition. Alors, moi, je dis au ministre: Nous sommes responsables. Nous lui demandons ceci: Vous dites que vous avez une opinion juridique qui contredit Me Woehrling, Me Brun, Me Beaudoin, Me Pelletier, tout le monde qui s'est prononcé. Vous dites que vous en avez une? Montrez-la. Et le ministre voudrait se cacher derrière Ottawa. S'il est responsable, s'il veut prendre sa marge d'autonomie, qu'il nous montre qu'il est capable de se lever debout et de faire comme le ministre de la Justice a déjà fait: sortir son opinion juridique.

(15 h 30)

Alors, je suis obligé de conclure que le ministre a joué d'astuce. Il dit qu'on a fait des mesures dilatoires. Ça fait un an que c'est sorti, Proulx-Woehrling: six semaines en phase exploratoire. Et c'est le ministre qui refuse encore de dire aux Québécois ce qu'il a dans son coffre-fort. Alors, nous, on va continuer de se battre pour qu'il y ait des commissions scolaires linguistiques, qu'elles soient valables, qu'il n'y ait pas de contestation judiciaire et que nos enfants puissent en profiter, plutôt que des stratégies partisanes que le gouvernement a. Merci, M. le Président.


Taux de chômage au Saguenay–Lac-Saint-Jean et dans les régions

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Châteauguay. Nous allons passer maintenant au deuxième débat de fin de séance, qui aura lieu entre le député de Richmond et M. le premier ministre, qui sera représenté en l'occurrence par M. le ministre des Affaires intergouvernementales. Alors, vous connaissez les règles. M. le député de Richmond, vous avez un droit de...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Messieurs, s'il vous plaît! M. le député de Richmond, vous avez un droit de parole de cinq minutes.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Alors, je vous remercie, M. le Président. Évidemment, j'eus aimé que le premier ministre se présente lui-même à cette demande de débat additionnel, compte tenu que les questions que je lui adressais cet après-midi visaient particulièrement sa région. J'aurais même pu viser presque sa ville, puisque la ville de Jonquière et également Chicoutimi, à côté, sont dans des problèmes presque... pour ne pas dire encore plus aigus que ceux que j'ai soulevés cet après-midi à l'Assemblée nationale. Mais je sais qu'on va gâter le ministre responsable de cette région, le député de Lac-Saint-Jean, qui, je le sais, est très intéressé par les questions qui ont été soulevées cet après-midi. Je le sais intéressé parce que je le connais comme étant d'un réalisme très intéressant en politique. Et je pense que les données que j'ai fournies cet après-midi sont de nature à réveiller quelque peu ceux qui ont à se soucier du développement des régions, mais aussi ceux qui ont le souci de la création d'emplois dans ces mêmes régions.

Ce que j'ai voulu faire ressortir cet après-midi, c'est qu'au net dans le fond, depuis février de l'année dernière, février 1996 par rapport à février 1997, c'est 19 000 jobs de moins qu'on retrouve, dont 9 000 à temps partiel puis environ 11 000 à temps plein, et que les régions et les jeunes plus particulièrement sont très durement frappés. Et la région du premier ministre et celle du ministre à qui je m'adresse cet après-midi le sont très fortement, avec un taux de chômage qui dépasse les 17 %. Alors, j'entendais, cet après-midi, le premier ministre dire qu'évidemment c'est regrettable. Mais je veux profiter de cette occasion pour indiquer qu'à maintes reprises en cette Chambre je me suis levé sur différents aspects, dans différents débats pour demander au gouvernement de s'adresser à cette problématique particulière qu'on retrouve dans des régions qui souvent sont les mêmes qui reviennent au fil du temps.

Alors, à partir du moment où on a identifié des problèmes de cette nature-là, ce que je cherche à savoir, c'est quelles sont les mesures particulières que l'on met de l'avant ou que l'on veut mettre de l'avant au gouvernement pour corriger ces situations qu'on connaît dans des régions qui sont déjà ciblées, qu'on connaît, avec les taux de chômage qui sont publiés. Les plus récents datent du mois de février dernier. Et c'est pour ça que c'eût été intéressant que le premier ministre soit là, parce que ça dépasse largement la région du Lac-Saint-Jean, puisque, quand on s'adresse...

Par exemple, dans le Bas-Saint-Laurent, le taux de chômage est de 21,3 %; au Saguenay–Lac-Saint-Jean – je le mentionnais – à 17,1 %; dans les Laurentides, un taux de chômage, enfin, de près de 13,4 %. On remarque également un taux de chômage sur la Côte-Nord et le Nord-du-Québec de 17 %. Enfin, on peut continuer quasiment cette litanie... Ce qui fait en sorte qu'on doit reconnaître qu'il y a un problème de façon définitive dans plusieurs régions du Québec.

Et on est encore à attendre cette politique de développement des régions. Ça aura pris presque trois ans, cette affaire-là, à mettre en place afin qu'on puisse – je l'espère – assister à des mesures concrètes de redressement. Et, si ça peut aider le ministre responsable, également, de la région du Lac-Saint-Jean, j'ai une autre donnée ici qui est toute récente, du mois de février, qui dit que le taux d'emploi était en baisse dans 11 des 15 régions économiques au cours de la période de décembre à février 1997 par rapport à la période correspondante de l'année précédente. Alors, ce sont là des faits, ce sont des données précises. Et, pour un, je trouve que le gouvernement n'y fait pas suffisamment attention et devrait s'adresser à cette question.

Également, M. le Président, pour indiquer jusqu'à quel point c'est catastrophique, il y a deux régions où le taux de chômage dépasse 20 % et il y en a deux autres où le taux de chômage dépasse 17 % et, dans 11 sur 15, il y a une augmentation du taux de chômage par rapport à la même période l'année dernière.

Nous, M. le Président, on veut faire de cet exercice de cet après-midi un exercice positif. Ce que je demandais au premier ministre... Et là j'adresse la question au ministre responsable du Développement des régions, parce que chez les jeunes, plus particulièrement dans sa région, chez les jeunes de 15-24 ans, c'est 22 000 emplois au cours de la dernière année au Québec qui ont été perdus. Mais, dans la région précise du premier ministre, c'est 26 % de taux de chômage et c'est la perte de 2 000 emplois globalement dans cette région: de 111 000 à 109 000 emplois au cours de la dernière année.

Alors, moi, je me dis qu'il y a là un problème particulier. La région a peut-être la chance d'avoir le premier ministre, d'avoir un ministre influent au sein du gouvernement, et nous sommes toujours en attente de solutions concrètes visant à éviter ce type de problématique, dans cette région en particulier et dans bien d'autres régions du Québec.

M. le Président, j'ai hâte d'entendre le ministre pour voir quels sont les actes concrets qu'on peut proposer afin d'éviter que cette situation n'empire dans cette région et dans d'autres régions du Québec.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Richmond. M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et ministre responsable du développement de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, de la part du député de Richmond, s'apitoyer sur le sort des chômeurs du Saguenay–Lac-Saint-Jean, verser un pleur sur les dures statistiques du chômage dans la région, particulièrement à Chicoutimi et Jonquière, je dois vous dire que ça manque singulièrement de crédibilité. Parce que ce n'est pas un phénomène nouveau, là. Ça fait plusieurs années, malheureusement, que la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean est durement frappée par le chômage.

Pendant les neuf ans où ils ont été au pouvoir, ces statistiques qui arrachent des larmes au député de Richmond étaient à peu près les mêmes. Et on pourrait lui retourner la question: Qu'est-ce que le gouvernement libéral a fait à cette époque pour sortir la région du chômage? C'est un phénomène complexe mais connu. Depuis un certain nombre d'années, dans les grandes entreprises chez nous, et ça constitue l'essentiel, les assises mêmes de l'économie, il y a des rationalisations et il y a des réductions d'effectifs. Et, pendant les neuf ans où ils ont été au pouvoir, il y a plusieurs centaines et même plusieurs milliers d'emplois qui sont disparus dans les grandes entreprises des pâtes et papiers et de l'aluminium.

Face à ça, écoutez, il n'y a pas de solution miracle puis il n'y a surtout pas de solution instantanée. Il y a des efforts soutenus qu'un gouvernement se doit de faire. C'est ce qu'on fait depuis deux ans. Encourager les investissements, ça donne des fruits puis ça donne des résultats. C'est évident que ça ne crée pas des milliers d'emplois immédiatement, mais ça donne des résultats. Je vous signale qu'à La Baie il va y avoir bientôt en opération une usine de panneaux-particules. Plus d'une centaine d'emplois. Du côté de Saint-Ludger-de-Milot, il y a un gisement de wollastonite qui va bientôt entrer en exploitation. Là aussi, une centaine d'emplois.

Il y a donc des investissements qui se font présentement. Il y en a même des gros qui s'en viennent. Le premier ministre l'a évoqué en période de questions. L'Alcan s'apprête bientôt sans doute à initier un des plus gros chantiers privés probablement de l'histoire du Québec. Elle a déjà conclu un accord avec Hydro-Québec pour l'approvisionnement en énergie. L'étude d'impact est en cours et, donc, quelque part à la fin de 1997, devrait s'ouvrir un immense chantier de plus de 1 500 000 000 $ d'investissements. Ce n'est pas rien. Ça s'en vient.

Donc, il y a des choses qui se font. On veut aussi cibler la transformation de l'aluminium. Il y a des efforts qui seront faits dans ce sens-là dans la nouvelle ou la prochaine politique économique de développement que mon collègue des Finances devrait rendre publique bientôt. On espère que la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean sera considérée comme, je dirais, un endroit privilégié pour de la transformation de l'aluminium et aussi pour de la recherche sur la transformation de l'aluminium. On y travaille et on y réfléchit actuellement pour que ça fasse partie intégrante de la politique du gouvernement en matière de développement économique de la région.

(15 h 40)

Alors, il y a des efforts qui se font, mais c'est évident que le chômage ne disparaîtra pas par enchantement. Ça, on peut le croire quand on est dans l'opposition, que la plaie du chômage va disparaître comme par enchantement. Mais c'est évident que, dans la réalité, ce n'est pas le cas. Alors, le chômage, il va baisser, particulièrement le chômage des jeunes, à partir d'une stratégie, à partir d'efforts soutenus de la part d'un gouvernement, et je pense que le gouvernement dirigé par le député de Jonquière travaille très fort dans ce sens-là, et ça donne des résultats, ça va en donner encore davantage par la suite. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. M. le député de Richmond, votre droit de réplique de deux minutes.


M. Yvon Vallières (réplique)

M. Vallières: Oui. Alors, M. le Président, le ministre faisait allusion au phénomène du chômage comme n'étant pas un phénomène nouveau. Je l'ai mentionné, moi aussi, tantôt. Il y a des régions, on le sait, où c'est chronique. Alors, pourquoi ne pas s'adresser à cette problématique en particulier?

Mais ce qu'il y a de nouveau et ce que je veux faire ressortir cet après-midi, c'est que, depuis que le premier ministre est arrivé à son siège, à la gouverne du Québec, ça fait un peu plus d'un an, c'est que le taux de chômage a augmenté dans cette région au lieu d'être réduit. Le taux de chômage a augmenté de près de 2 % depuis que le premier ministre est là. Moi, ce que je dis, ce qu'on dit, de ce côté-ci de la Chambre, c'est: Pourquoi ne pas profiter de cette extrême chance qu'a cette région d'avoir le premier ministre chez elle et faire en sorte qu'on puisse mettre en place des mesures spécifiques dans cette région, dans d'autres régions également, pour éviter que cette situation ne continue et voire même ne s'aggrave? C'est 2 000, emplois, M. le Président, de perdus, 2 000 emplois de moins depuis que le premier ministre est là, dans cette région. Je pense bien qu'il reste un peu de temps au premier ministre pour se reprendre, mais, si on mesure son niveau d'efficacité avec le nombre d'emplois qui ont été perdus dans sa région, ça pourrait lui faire très mal.

M. le Président, le ministre nous dit: Il ne faudrait pas que l'opposition demande la disparition totale du chômage. Ce n'est pas ce que nous demandons. Ce que nous demandons, c'est de s'assurer que ça va baisser, qu'on s'attaque à cette problématique. Et le ministre nous dit en même temps: Bien, ça nous prendrait une stratégie. Bien, oui, mais on l'attend encore. On l'attend encore, ça fait bientôt deux ans et demi de ce gouvernement, et de façon hebdomadaire on se lève en cette Chambre, dans différents travaux, on demande au ministre responsable du Développement des régions, on demande au ministre des Finances, on demande au premier ministre quelle est cette stratégie, et force nous est de constater qu'elle est inexistante. Par conséquent, ce qu'on voit, c'est que les problèmes grossissent. Et, je le mentionnais après midi, c'est dommage, la clientèle la plus visée, ce sont les 15-24 ans dans l'ensemble du territoire québécois.

Dans la région de Québec, 26,4 % de chômage, en février 1997, chez les 15-24 ans. Dans Laval, M. le Président, 25 %. Vous m'indiquez que mon temps est terminé. Simplement vous indiquer que je voudrais qu'on profite de ce type d'occasion pour au moins attirer l'attention du gouvernement sur le fait qu'il y a une problématique. Il faudrait un jour s'y adresser et solutionner le problème dans toute la mesure du possible.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Richmond. Ceci met fin à ce deuxième débat de fin de séance.


Image de Montréal véhiculée par la presse écrite américaine

Alors, nous allons maintenant procéder au troisième et dernier débat de fin de séance, entre la députée de La Pinière et M. le premier ministre, qui sera représenté en l'occurrence par le ministre des Relations internationales. Alors, le débat se tiendra au sujet de l'article paru dans le Boston Globe sur la ville de Montréal. Mme la députée de La Pinière, vous avez cinq minutes.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. En effet, cet après-midi, j'ai questionné le premier ministre, et je regrette qu'il ne soit pas parmi nous pour répondre à la question que je lui ai posée au sujet d'un article qui est paru dans The Boston Globe Magazine . C'est un magazine extrêmement important où il y a eu un article publié sur Montréal, mais, en fait, ce n'est pas juste Montréal, c'est l'ensemble du Québec et, au-delà de ça, c'est l'image de toutes les Québécoises et de tous les Québécois à l'étranger qui est ternie par ce type d'article.

Comme le premier ministre, qui était aussi un ancien ambassadeur, s'intéresse beaucoup aux questions internationales et a lui-même effectué un voyage, en juin 1996, aux États-Unis, plus précisément en Nouvelle-Angleterre, il était tout à fait légitime que je le questionne sur les réactions et surtout sur les actions qu'il a entreprises pour corriger cette situation-là. Et j'ai été extrêmement déçue de la réponse du premier ministre qui, de nuance en nuance et de zigzag en zigzag, a fini par nous dire qu'il n'a rien fait. Je suis extrêmement désolée de voir que le premier ministre du Québec n'ait pas agi dans ce dossier alors que cette situation-là est très inquiétante.

J'ai eu l'occasion de discuter avec des gens d'affaires de Montréal qui, eux, ont lu cet article, et qui en mesurent l'impact, et ils m'ont dit, M. le Président, qu'il y a déjà un certain nombre d'Américains qui ont commencé à annuler leur réservation de voyage au Québec suite à la publication de cet article, tellement que c'est très important que l'on puisse s'en préoccuper.

Alors, le premier ministre n'avait rien à dire! Pourtant, la Nouvelle-Angleterre, M. le Président, c'est l'un de nos principaux partenaires économiques aux États-Unis, 9 200 000 000 $. Et je suis remontée assez loin pour regarder un peu comment ça s'est fait lors du voyage du premier ministre aux États-Unis, précisément, et je me suis dit que finalement il y a une relation de cause à effet entre cet article-là et ce que le premier ministre lui-même est allé dire aux États-Unis.

On se rappellera, M. le Président, que cette mission que le premier ministre avait effectuée devait se faire sous le signe de l'économie. Pourtant, le premier ministre a trouvé le moyen, lors de son passage aux États-Unis, de parler de la séparation. Et on se rappellera dans quel contexte il en a parlé, parce que, dans un premier temps, il avait nié en avoir discuté avec les gouverneurs des États qu'il avait rencontrés. Ce n'est qu'à force de persistance des questions des médias qu'il a fini, de façon voilée, par reconnaître qu'effectivement il avait entretenu les Américains de cette question-là, qui était à l'agenda de sa visite aux États-Unis.

M. le Président, comment est-ce qu'on peut du même souffle continuer à mettre sur l'agenda économique du Québec l'option de la séparation tout le temps et constamment, comme une épée de Damoclès, et en même temps prétendre vouloir créer des emplois et en même temps prétendre vouloir créer la stabilité politique et la stabilité économique?

On le voit, M. le Président, les résultats sur le plan économique sont très graves, sont très dangereux pour l'économie québécoise, pour l'avenir des Québécois et des Québécoises. On a perdu des centaines et des centaines d'emplois au Québec et actuellement, c'est l'image du Québec à l'étranger qui est en train de se faire ternir. Ça fait au moins dix jours que cet article-là est paru et le premier ministre du Québec n'a rien fait, lui, en tant que premier ministre, alors qu'il doit défendre les intérêts supérieurs du Québec.

Alors, M. le Président, moi, je trouve ça scandaleux que ce gouvernement, et surtout par la voix de son premier ministre, n'ait pas trouvé matière à réaction, lui qui se préoccupe tant de sa propre image, alors qu'actuellement c'est l'image des Québécois et des Québécoises qui est en cause.

Voilà, M. le Président, les quelques titres qu'on peut lire lors du voyage du premier ministre aux États-Unis: L'économie avant la souveraineté. Ça, c'était le titre, mais en fait, dans la réalité, c'était la souveraineté qui était cachée derrière les discussions sur le plan économique. J'en ai plusieurs, M. le Président, pour vous dire que c'est en alimentant le partenaire de ce débat sur le référendum qui n'en finit plus que les gens finissent finalement par écrire des énormités sur le Québec, que je dénonce, M. le Président, parce que c'est inacceptable que des choses comme ça soient écrites sur le Québec et sur l'ensemble de la société québécoise. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la députée de La Pinière. Maintenant, je cède la parole au ministre des Relations internationales. Alors, M. le ministre.


M. Sylvain Simard

M. Simard: Merci, M. le Président. Tout d'abord, pour répondre factuellement à la question de la députée de l'opposition, Mme Raymonde Saint-Germain, directrice d'États-Unis, Amérique du Nord au ministère des Relations internationales, a rencontré ce matin l'auteur de l'article publié dans le Boston Globe afin de répliquer, mot par mot, phrase après phrase, idée après idée, à toutes les sornettes qui étaient contenues dans cet article.

Mais, évidemment, ce qui est important ici aujourd'hui, ce n'est pas de savoir que le ministère des Relations internationales, le premier ministre et tout ce gouvernement répliquent à chaque fois de façon très claire aux articles qui sont publiés à l'étranger et qui parfois tentent de ternir notre image, mais plutôt de s'interroger sur ce qu'est vraiment le Québec, ce qu'est Montréal à l'étranger.

(15 h 50)

D'ailleurs, je profite de l'occasion, M. le Président, où nous avons dans les tribunes à la fois le consul des États-Unis à Québec et le président-directeur général de la Société Montréal internationale pour rappeler à l'opposition et rappeler – mais je n'ai pas besoin de le faire, je pense que tous les Québécois le savent – à quel point la réalité du Québec et de Montréal ne correspond en rien au contenu d'un article, de cet article. Pendant ce temps-là, Dieu merci, des dizaines d'articles sont publiés aux États-Unis et partout à travers le monde qui font l'éloge justement de Montréal.

Mais, lorsque Montréal internationale, par exemple, tente de vendre Montréal, tente de vendre le Québec et de convaincre des secrétariats des Nations unies, par exemple, de s'y installer, quels arguments utilise-t-on? La qualité de la vie exceptionnelle à Montréal, qualité de la vie qui se reflète au niveau culturel, au niveau du coût de la vie, au niveau de la sécurité des citoyens. La richesse de la culture montréalaise est connue de tout le monde. Le plaisir de vivre à Montréal est connu de tous ceux qui y vivent. Ça ne correspond en rien à l'image que tente de véhiculer un certain nombre de personnes qui parfois ont intérêt à véhiculer à l'étranger et à faire transmettre ce genre d'information.

M. le Président, un travailleur sur six, à Montréal, travaille dans des secteurs des technologies de pointe. Montréal est le site de centres de recherche de très, très haute qualité, de maisons de haut savoir, d'universités reconnues internationalement, qui contribuent, qui apportent à Montréal, qui apportent au Québec une richesse qui est reconnue dans tous les pays du monde.

Lors du dernier Sommet sur l'économie et l'emploi, un groupe de recherche présidé par M. Brian Levitt, M. Ducros et M. Henri-Paul Rousseau a bien analysé la situation lorsqu'il a conclu que Montréal avait un problème d'image, mais que la réalité montréalaise méritait d'être exportée, que la réalité montréalaise méritait d'être mieux connue. C'est ce à quoi s'emploie ce gouvernement, c'est ce que nous faisons maintenant de façon systématique, ne laissant jamais sans réplique des accusations non fondées à l'égard du Québec, contrairement à ce qui s'est passé avant notre arrivée au pouvoir à l'égard de plusieurs accusations. On se souvient de dossiers célèbres concernant Hydro-Québec. Nous ne laissons rien passer, nous répondons parce que nous sommes fiers du Québec, parce que nous sommes fiers de Montréal.

M. le Président, en terminant, je voudrais simplement citer la conclusion de l'article qui a provoqué cette interpellation en Chambre aujourd'hui. Il y a, je pense, lieu d'être comme le journaliste, optimiste, lorsqu'il conclut son article en soulignant que «Montréal reste la ville la plus excitante au Canada, un oasis de culture, de mode, de gastronomie, de haute technologie et un important centre financier». Dans ce contexte, M. le Président, et je conclus là-dessus, Montréal n'a rien à envier aux autres grandes villes canadiennes.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Relations internationales. Alors, Mme la députée de La Pinière, vous avez un droit de réplique de deux minutes. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin (réplique)

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, même après cette période où nous avons pu aller un petit peu plus loin qu'en période de questions, en débat de fin de séance, je constate qu'on n'est pas plus rassuré qu'en période de questions.

Ce que le ministre des Relations internationales vient de nous dire en toutes lettres et en toute forme, c'est que le premier ministre du Québec n'a pas réagi, n'a pas jugé bon de réagir lui-même à cet article-là et que c'est une fonctionnaire du ministère qui s'est donnée la peine de rencontrer le journaliste. On peut voir l'importance que ce gouvernement accorde à l'image du Québec à l'étranger, lui qui contribue, par ses discours d'exclusion, par ses actions aussi qui vont à l'encontre des intérêts du Québec, à renforcer cette image-là. Et je suis profondément déçue d'entendre le ministre des Relations internationales répondre ce qu'il a répondu.

Montréal. Oui, Montréal est une ville cosmopolite, c'est une ville qui a d'énormes qualités. Montréal internationale, c'est une initiative du milieu, c'est un partenariat entre le fédéral, le provincial, les municipalités, plusieurs partenaires socioéconomiques qui se mettent ensemble pour vendre Montréal à l'étranger, et ça, c'est une initiative qu'il faut soutenir. Mais ce qu'il faut faire en même temps, c'est dénoncer l'inaction de ce gouvernement qui ne juge pas opportun de défendre les intérêts du Québec, l'image du Québec à l'étranger, alors qu'il s'évertue à imposer aux Québécois et aux Québécoises une police de la langue dont on n'a pas besoin, parce qu'ici au Québec on est capable de vivre en harmonie, au-delà de nos origines. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la députée de La Pinière.

Ceci met fin à nos trois débats de fin de séance. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Compte tenu que le ministre d'État de l'Économie et des Finances va présenter son budget à 16 heures, je vous demanderais de suspendre nos travaux jusqu'à 15 h 58.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 h 58.

(Suspension de la séance à 15 h 56)

(Reprise à 16 h 7)

Le Président: Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Affaires du jour

Nous abordons maintenant les affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je vous demanderais de céder la parole au ministre d'État de l'Économie et des Finances.


Affaires prioritaires


Discours sur le budget

Le Président: Alors, M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances prononcera maintenant le discours sur le budget. M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, au cours de la dernière année, le Québec s'est engagé dans un effort sans précédent pour redéfinir ses objectifs socioéconomiques et les moyens pour les atteindre dans un cadre à la fois progressiste et rigoureux. Deux sommets nationaux couronnés de succès ont réuni les forces vives de notre nation. Entre les deux sommets, plusieurs chantiers ont conçu toute une série d'initiatives pour améliorer économiquement et socialement les vies individuelle et collective de nos compatriotes.

Cet exercice extraordinaire de réflexion nous a permis de dégager les deux grandes priorités du présent budget: poursuivre l'assainissement des finances publiques et éliminer le déficit budgétaire avant l'an 2000 dans l'équité et sans compromettre notre solidarité et, en même temps et avec la même ardeur, mener la bataille pour l'emploi en rattrapant et dépassant le taux de création d'emplois du Canada d'ici trois ans.

Sur le plan du redressement financier, la route est tracée et suivie. Nous étions convenus de réduire le déficit à 3 200 000 000 $ au cours de l'année qui vient de s'écouler. C'est fait.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Pour la deuxième année de suite, nous atteignons la cible fixée. Depuis des années, le gouvernement était incapable de respecter ses cibles de déficit. Mon prédécesseur, le député de Crémazie, a mis fin à cette disgrâce. Le cercle vertueux est maintenant amorcé. La crédibilité nouvelle du gouvernement du Québec se consolide une année à la fois, et cela va continuer.

(16 h 10)

Pour l'année qui vient, la cible maintenant consacrée dans nos lois est de 2 200 000 000 $. Avec le budget que je dépose aujourd'hui, nous maintenons le cap et nous allons ainsi franchir une autre étape cruciale en direction du déficit zéro. L'année qui commence est la plus difficile, mais c'est la dernière à requérir d'aussi grands sacrifices: nous entrerons bientôt dans des eaux plus calmes.

L'objectif de cette année cependant exige des efforts importants de la part de toute la société québécoise, notamment, on le sait, des employés du gouvernement, puisque c'est d'abord par une compression des dépenses de 2 300 000 000 $ que nous l'atteindrons. Un effort particulier sera aussi demandé aux grandes entreprises. Une dernière source de réduction du déficit proviendra de la lutte contre le travail au noir et l'évasion fiscale.

Sur le front de la croissance économique, nous avons observé plusieurs signes encourageants au cours des derniers mois. Les prévisions pour 1997 ne sont pas pour autant satisfaisantes, notamment en termes de création d'emplois. C'est pourquoi ce budget contient des mesures majeures pour nous rapprocher des objectifs d'emplois convenus avec nos partenaires des sommets, objectifs d'autant plus ambitieux que le Québec ne contrôle pas encore tous les leviers nécessaires à son développement.

J'annonce aujourd'hui un plan d'investissements privés et publics de plus de 5 000 000 000 $.

Ce budget propose en outre une réforme majeure de notre fiscalité, pour la rendre plus simple, plus compétitive, plus équitable et plus créatrice d'emplois. L'heure n'est évidemment pas venue de diminuer notablement la ponction fiscale globale. Nous allons donc faire autrement, avec plus d'efficacité économique et plus de justice sociale.

Cette réforme est au départ neutre sur le plan financier, pour l'État comme pour les contribuables.

Elle sera en grande partie financée par un relèvement de la taxe de vente, qui passera de 6,5 % à 7,5 % en janvier prochain.

Elle comporte par ailleurs une importante diminution de l'impôt des particuliers et permettra d'alléger le fardeau fiscal global des contribuables dès que le déficit zéro sera atteint. Ils y gagneront quelque 280 000 000 $.

À partir du 1er janvier prochain, la classe moyenne et les travailleurs à faibles revenus en seront les principaux bénéficiaires. J'annonce une baisse moyenne de 15 % de l'impôt sur le revenu des ménages gagnant 50 000 $ ou moins, qui s'appliquera à compter du 1er janvier prochain.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): J'annonce que quelque 200 000 contribuables à faibles revenus n'auront plus aucun impôt à payer.

Une voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Jamais, en 25 ans, notre système fiscal n'aura été refaçonné aussi profondément. Jamais il n'aura été autant simplifié. Au total, j'annonce une réduction d'impôt sur le revenu des particuliers de 850 000 000 $.

Ce budget comporte enfin un allégement des taxes sur la masse salariale, une série d'actions pour aider les jeunes à prendre leur place dans la société et un appui au développement des divers secteurs tels que l'économie sociale, la forêt, les mines, l'habitation sociale et les communautés rurales.

L'an dernier, la croissance de l'économie québécoise a été de 1,2 %. Cela se compare bien à celle du Canada qui a été de 1,5 %, surtout si l'on considère l'austérité de notre dernier budget.

Malgré l'augmentation des investissements et la croissance des exportations, la création nette d'emplois en 1996 n'aura été que de 8 500, ce qui constitue une grande déception. J'utilise l'expression «création nette» parce qu'il s'est créé bien plus d'emplois en 1996, mais qu'il en est aussi disparu beaucoup. Le résultat est que le taux de chômage en 1996 s'est établi à 11,8 %, ce qui demeure inacceptable, bien que ce soit une amélioration notable par rapport au triste résultat de 13,2 % atteint en 1993.

Ce taux de chômage de 11,8 % est supérieur au taux canadien dans des proportions similaires à ce qui prévaut depuis 40 ans. Le différentiel relatif entre le Canada et le Québec est donc structurel. C'est la raison pour laquelle seuls des efforts majeurs, structurels eux aussi, pourront le combler.

Sur le plan de la conjoncture économique, on note toutefois, depuis quelque temps, une amélioration sensible.

Les taux d'intérêt ont beaucoup diminué au cours des deux dernières années. Cette diminution commence à porter fruit. D'ailleurs, grâce à sa gestion serrée, le gouvernement du Québec emprunte aussi plus facilement et à bien meilleur compte.

Depuis plusieurs mois, de nombreux indicateurs économiques progressent rapidement et généralement plus vite au Québec qu'au Canada. C'est le cas des ventes d'automobiles et des ventes au détail. Le marché de la revente d'habitations a aussi rebondi de façon spectaculaire. Les livraisons du secteur manufacturier se sont accrues fortement. Depuis mars 1996, les exportations internationales du Québec ont fait un bond spectaculaire de près de 18 % contre 7,4 % pour le Canada.

Cette amélioration de la conjoncture se répercute sur le marché du travail. Depuis juillet, il s'est créé quelque 64 000 emplois au Québec, dont près de la moitié durant les trois derniers mois. Cela représente la majorité des emplois créés au Canada depuis juillet dernier.

Les investissements des entreprises sont une condition essentielle à la prospérité économique. Combien de fois n'a-t-on pas entendu dire l'an dernier, par des esprits chagrins et de moroses gazettes, que les investisseurs boudaient le Québec au profit d'autres régions du Canada. La réalité leur a donné tort.

Que s'est-il passé vraiment en 1996? Les nouvelles données de Statistique Canada nous le disent. Les entreprises privées ont accru de 12,6 % leurs investissements au Québec dans l'expansion de leurs installations et dans la modernisation de leur équipement.

En soi, cette augmentation, la plus forte depuis la fin des années quatre-vingt, est remarquable. Mais ce qui l'est plus encore, c'est que cette hausse était trois fois plus forte qu'au Canada. Elle a également dépassé, et par une forte marge, l'augmentation de 7,8 % dont l'Ontario a bénéficié.

Par ailleurs, on lit et on entend régulièrement que le Québec recevrait moins de 10 % des investissements étrangers au Canada. Ces données ne concernent en fait que les acquisitions de compagnies canadiennes par des entreprises étrangères.

Notre objectif à nous, c'est d'attirer au Québec l'investissement direct étranger qui crée des emplois. C'est ce qui s'est produit l'an passé: les firmes étrangères ont annoncé au cours de 1996 des investissements de 2 500 000 000 $ au Québec, le tout fortement concentré dans les technologies de l'avenir. Il est clair que ces décideurs étrangers font confiance au Québec et qu'ils contribuent à la force de son économie. C'est d'ailleurs une des bonnes années de notre histoire économique pour ce type d'investissement.

La récente étude réalisée par Price Waterhouse le confirme: notre structure fiscale est compétitive pour attirer ces investissements, particulièrement pour les entreprises qui font de la recherche-développement.

Les conditions d'un redressement graduel et durable de l'économie sont donc en place. Cette hausse marquée de plusieurs indicateurs économiques montre que le processus est solidement amorcé. Il devrait se poursuivre, étant donné le faible niveau des taux d'intérêt et la conjoncture favorable qui dure et perdure aux États-Unis d'Amérique, notre plus grand marché extérieur.

Malheureusement, les contraintes que nous impose le lourd endettement des ménages et des gouvernements nous entraveront encore en 1997. Elles tendront à freiner notre croissance dans l'année qui vient. Le passé pèse lourd. Si nos finances avaient été redressées avant, nous pourrions mieux profiter de la portance, de la conjoncture actuelle.

À partir de 1998, cependant, les perspectives s'annoncent plus favorables. Au fur et à mesure que les contraintes héritées du passé seront levées, nous pourrons encaisser les dividendes de l'élimination du déficit.

Je dois ajouter que, comme l'an dernier, ce budget a été élaboré à partir de prévisions économiques très prudentes. Par exemple, notre hypothèse d'une croissance de 1,5 % pour 1997 est inférieure à celles de tous les experts du secteur privé.

Les hypothèses de création d'emplois qui ont servi à préparer le présent budget n'en prévoient que 25 000. Encore une fois, c'est plus modeste que ce qu'anticipent les experts de tout le secteur privé. Mais, de toute manière, les mesures annoncées aujourd'hui, l'action globale du gouvernement et de ses partenaires se conjugueront pour que cette prévision conservatrice soit largement dépassée.

(16 h 20)

En effet, au sommet économique de Montréal, en novembre dernier, nous nous sommes tous collectivement donné l'objectif, d'ici trois ans, de créer proportionnellement autant, sinon plus, d'emplois au Québec qu'au Canada. Le mouvement est bien amorcé. Il faut l'accélérer.

Ce budget propose donc une stratégie concrète pour faciliter le démarrage de 5 300 000 000 $ de nouveaux investissements créateurs d'emplois au cours des 18 prochains mois. Cette stratégie repose d'abord et avant tout sur le déclenchement de 4 200 000 000 $ d'investissements privés, véritable moteur de la croissance économique.

Pour ce faire, le gouvernement mettra en place le train de mesures suivant: création d'un Fonds pour l'accroissement de l'investissement privé et la relance de l'emploi, le FAIRE; renforcement des dispositions fiscales favorisant l'investissement privé; partenariat avec les sociétés d'État pour la réalisation de projets du secteur privé; appui massif à des investissements en environnement. Ces mesures viennent s'ajouter aux instruments déjà mis en place lors du Sommet de Montréal.

J'annonce donc aujourd'hui la création du Fonds pour l'accroissement de l'investissement privé et la relance de l'emploi, le FAIRE – F-A-I-R-E – qui permettra de soutenir des projets pour une valeur totale de 2 200 000 000 $. Ce fonds vise prioritairement les projets de plus de 25 000 000 $, notamment dans le secteur manufacturier, les technologies de l'information et le tourisme.

L'aide gouvernementale prendra différentes formes: garanties de prêts, prise en charge des intérêts, aide à la formation de la main-d'oeuvre. Un exemple des projets visés est l'accélération du virage stratégique de l'industrie des pâtes et papiers vers la fabrication de produits à plus haute valeur ajoutée. Plusieurs de ces projets d'envergure sont déjà sur les planches à dessin.

J'annonce que le fonds disposera d'une enveloppe prédéterminée de 250 000 000 $. Il ne pourra plus accepter de projets après les 18 prochains mois. C'est une invitation au secteur privé à faire vite et bien.

En matière d'investissements et d'incitations fiscales, j'annonce que tout nouvel investissement manufacturier réalisé au Québec d'ici au 31 décembre 1998 bénéficiera d'un congé de taxe sur le capital pour une période de deux ans et d'un amortissement accéléré égal à 125 % de la dépense engagée.

Et, puisque les petites et moyennes entreprises demeurent, comme au temps de l'énoncé de politique «Bâtir le Québec», les principales créatrices d'emplois, j'annonce que toutes les PME nouvellement crées jouiront d'un congé fiscal total de cinq ans. Elles ne paieront ni la taxe sur le capital, ni l'impôt sur les profits, ni les cotisations au Fonds des services de santé pendant les cinq premières années de leur existence.

Pour leur part, les sociétés d'État déploieront des efforts accrus pour favoriser le démarrage de nouveaux projets en partenariat avec le secteur privé. Il s'agit d'utiliser nos sociétés d'État comme un levier pour inciter les entreprises privées à investir chez nous.

Les dispositions fiscales que j'ai déjà mentionnées et les partenariats des sociétés d'État devraient engendrer un minimum de 1 300 000 000 $ d'investissements industriels nouveaux. On trouvera le détail de ces mesures à l'annexe sur les mesures fiscales et budgétaires, qui fait partie intégrante du présent discours.

Par exemple, l'association actuelle de la Société générale de financement avec Noranda et des partenaires japonais dans le projet Magnola pourrait aboutir prochainement à la construction d'une usine de magnésium de taille mondiale à Asbestos. On parle d'un investissement de plus de 500 000 000 $.

D'autres partenariats de la Société générale de financement pourraient se concrétiser rapidement dans les secteurs de la transformation de l'aluminium, des semi-conducteurs, de la pétrochimie et de l'industrie pharmaceutique. Je suis d'ailleurs persuadé que la nouvelle direction de la SGF, dont tous saluent la grande compétence, saura animer de façon déterminante les synergies nécessaires au sein du groupe des sociétés d'État.

D'autres projets à valeur ajoutée sont bien avancés chez REXFOR dans la transformation du bois et dans le secteur du papier. L'alliance récente entre Hydro-Québec et Noverco permettra d'appuyer la mission continentale d'Hydro-Québec et favorisera l'expansion du réseau gazier au Québec. À ce propos, il faut espérer que tous appuieront, autant que notre gouvernement, le projet de Gaz Métropolitain de raccorder le gisement gazier de l'île de Sable en Nouvelle-Écosse au réseau canadien, via le Nouveau-Brunswick et le Québec. Cette ambitieuse initiative pourrait se traduire par des investissements majeurs au Québec.

Les entreprises agricoles, pour leur part, auront aussi à consentir des investissements importants dans les prochaines années. Nous entendons soutenir l'effort d'adaptation que leur imposent à la fois les contraintes environnementales et les exigences des nouveaux marchés.

L'industrie agroalimentaire contribue pour près de 10 % à la production intérieure au Québec et procure de l'emploi à plus de 370 000 personnes. Mais la cohabitation des agriculteurs avec les autres citoyens des milieux agricoles est parfois problématique. Il n'est pas convenable que le Québec ne soit pas en harmonie avec la puissante agriculture qui contribue tant à sa prospérité et qui lui permet d'occuper de façon équilibrée et humaine son vaste domaine rural. Les femmes et les hommes du monde agricole méritent notre respect et notre appui.

On sait que les producteurs agricoles investissent déjà dans la protection de l'environnement et la réduction des nuisances. Il faut les aider à aller plus loin en leur facilitant l'accès à de nouvelles méthodes, par exemple celle développée par le Centre de recherche industrielle du Québec.

Afin de faciliter à nos agriculteurs la poursuite de l'adaptation de leur entreprise, j'annonce un programme d'aide à l'investissement dans les structures d'entreposage et les équipements de traitement des déchets organiques. Ce programme sera mis en oeuvre concurremment à l'entrée en vigueur de la loi n° 23 sur le droit de produire et du règlement sur la pollution d'origine agricole.

Pour s'y conformer, les agriculteurs devront réaliser des investissements de plus de 500 000 000 $ sur cinq ans. L'aide gouvernementale devrait permettre que près de 200 000 000 $ soient investis au cours des deux prochaines années. C'est évidemment grâce au travail concerté de mes collègues de l'Agriculture et de l'Environnement que ces initiatives furent rendues possibles.

Dans le domaine industriel, le lourd héritage d'activités passées requiert des investissements auxquels l'aide de l'État est indispensable. De nombreux terrains contaminés forment aujourd'hui de véritables trous noirs dans le tissu urbain et paralysent le développement économique des villes. Montréal et Québec ont particulièrement besoin de notre appui à cet égard.

J'annonce donc un nouveau programme d'aide financière qui permettra la réhabilitation de terrains contaminés dans les villes de Montréal et de Québec. Ce programme sera financé en parts égales par le gouvernement et les villes concernées. Il permettra de réaliser des investissements de 32 000 000 $ au cours des deux prochaines années.

Toujours pour des raisons de protection du milieu ambiant, j'annonce aujourd'hui l'abolition de la taxe de 0,082 $ sur le litre de propane. Ainsi le mettrons-nous sur le même pied que le gaz naturel et l'éthanol utilisés pour la propulsion des véhicules. Tout en réduisant la pollution, nous aurons favorisé l'industrie québécoise de fabrication de réservoirs de propane.

Nous disposons actuellement de deux leviers importants mis au point lors du Sommet de Montréal pour attirer une nouvelle clientèle industrielle au Québec: le Fonds de développement industriel et la disponibilité d'un bloc réservé de 500 MW de puissance énergétique. Au cours des deux prochaines années, on prévoit susciter un minimum de 500 000 000 $ d'investissements privés, notamment dans les segments à haute valeur ajoutée de l'électrométallurgie et de l'électrochimie.

Le secteur public contribuera lui aussi à la création d'emplois. Il le fera en assurant la réalisation, dès cette année et l'an prochain, de plusieurs projets prioritaires pour la satisfaction des besoins de la population québécoise. J'annonce donc de nouveaux investissements publics pour un total de 763 000 000 $ au cours des deux prochaines années.

Nous investirons 305 000 000 $ dans la transformation du réseau de la santé et des services sociaux qui se trouve en pleine restructuration et adopte de nouvelles façons de dispenser les soins à la population. Ces investissements sont une autre étape dans la réalisation de cette réforme majeure dont l'architecte, le député de Charlesbourg, mérite toute notre admiration.

(16 h 30)

Des voix: Oui. Bravo!

M. Landry (Verchères): Nous consacrerons 150 000 000 $ à améliorer la capacité du réseau de fournir des soins de première ligne à la population. Ces investissements permettront l'agrandissement ou la relocalisation de plusieurs établissements. Ils permettront également d'y ajouter l'équipement requis pour diminuer la durée d'hospitalisation ou, le cas échéant, éviter l'hospitalisation elle-même.

Nous allouerons 124 000 000 $ aux équipements de soins de longue durée. Ces investissements serviront, entre autres, à reconvertir les immeubles libérés par la transformation du réseau afin qu'ils puissent accueillir la clientèle de longue durée, principalement les personnes âgées.

Il existe également des besoins importants dans les établissements dispensant des services d'adaptation sociale pour jeunes ou adultes en difficulté. Nous consacrerons 31 000 000 $ à en ouvrir plus largement l'accès.

Dans l'éducation, j'annonce que nous investirons 348 000 000 $ pour répondre aux nouveaux besoins nés, entre autres, de la réforme de l'éducation et de la politique familiale. La ministre responsable est en train de mettre en place cette dernière politique. Les ajustements envisagés sont présentés en annexe au présent discours.

Il faudra construire de nouvelles écoles ou agrandir des écoles existantes pour tenir compte de l'augmentation de clientèle prévue principalement en maternelle, naturellement. Quelque 103 000 000 $ seront consacrés à ces investissements.

Nous allouerons 64 000 000 $ pour transformer et aménager des locaux ainsi que moderniser des ateliers pour répondre aux nouvelles exigences des programmes dans le domaine de la formation professionnelle. Par ailleurs, une rénovation des écoles de l'île de Montréal est essentielle pour qu'elles continuent d'accueillir adéquatement la clientèle qui les fréquente. Nous y investirons 25 000 000 $. Enfin, dans le réseau des cégeps et celui des universités, nous investirons 150 000 000 $ dans la rénovation d'édifices afin qu'ils accueillent les étudiants dans des locaux plus propices à l'apprentissage. De plus, je suis heureux d'annoncer des investissements nouveaux dans la culture totalisant quelque 53 000 000 $ pour des projets d'équipements culturels structurants ainsi que la restauration d'édifices patrimoniaux.

Le métro de Montréal constitue un patrimoine immobilier majeur et rentable pour la métropole. Les 26 premières stations ont toutefois 30 ans déjà. Si nous n'agissons pas pour empêcher la détérioration de ce patrimoine, la qualité du service pourrait être affectée. Les usagers en souffriraient, ainsi que l'environnement urbain si crucial à la sécurité et à l'harmonie dans la ville. J'annonce donc que 57 000 000 $ seront investis en deux ans dans des rénovations majeures. Nous paierons la moitié de cette somme, stimulant ainsi l'emploi au coeur de Montréal.

Un autre patrimoine essentiel qui se détériore vite, si on ne l'entretient pas, c'est le réseau routier. Pour le maintenir en état, nous devons accroître le niveau de nos investissements. C'est pourquoi j'annonce aujourd'hui un plan d'investissement visant à relever, sur une période de trois ans, le niveau des budgets pour le réseau routier. Les investissements routiers seront ainsi augmentés progressivement pour atteindre 638 000 000 $ en 1999-2000. J'annonce que, dès cette année, nous les porterons à 515 000 000 $, une augmentation de 155 000 000 $ par rapport aux investissements prévus au livre des crédits déposé la semaine dernière. L'an prochain, ces investissements atteindront 574 000 000 $, une augmentation de 214 000 000 $.

Les automobilistes et les transporteurs en seront les premiers bénéficiaires, et c'est pourquoi mon collègue des Transports et moi-même leur demanderons d'y contribuer par le biais d'une hausse des droits d'immatriculation de 28 $ par véhicule. Ces droits seront majorés pour les véhicules de luxe, conformément aux recommandations de la Commission sur la fiscalité. La majoration s'appliquera aux véhicules valant plus de 40 000 $ et correspondra à 1 % de la valeur excédant ce montant.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Par ailleurs, conscient que le réseau autoroutier reste à compléter, notre gouvernement est disposé à examiner des propositions de partenariat avec le secteur privé pour son expansion et son exploitation.

Ce budget, je l'ai dit, propose une réforme majeure de notre fiscalité. La fiscalité a des impacts déterminants sur la croissance économique et la création d'emplois. La Commission sur la fiscalité et le financement des services publics a abondamment démontré la nécessité de rendre la nôtre plus simple, plus compétitive et plus équitable. Je tiens à souligner ici le travail immense effectué par M. Alban D'Amours, président de la Commission, qui a bien servi le Québec en compagnie des femmes et des hommes qui l'ont assisté. Leur travail est d'autant plus remarquable qu'ils ont produit un rapport unanime malgré les divers horizons d'idées d'où ils provenaient.

Un niveau trop élevé d'impôt sur le revenu nuit à la création d'emplois, les particuliers et les entreprises préférant limiter leurs efforts productifs ou les déployer dans des régions où ces efforts sont moins taxés. Il y a donc un danger d'appauvrissement collectif et individuel lié à un trop lourd fardeau pour ceux et celles qui travaillent. Le Québec est déjà dans la zone rouge à ce chapitre.

L'impôt sur le revenu des particuliers au Québec est aujourd'hui surutilisé dans notre fiscalité. Le poids de l'impôt sur le revenu des particuliers est le plus élevé au Canada. Il dépasse même le niveau atteint dans tous les pays du Groupe des Sept. Un tel niveau de prélèvement fiscal mine notre compétitivité et sape progressivement notre capacité de maintenir la justice sociale.

La réforme de la fiscalité que j'annonce aujourd'hui s'articule largement autour de recommandations de la Commission sur la fiscalité, à savoir: rendre la fiscalité plus favorable à l'emploi; réduire le fardeau fiscal global des contribuables dès que nous aurons atteint l'objectif du déficit zéro; rechercher une plus grande équité entre les contribuables; simplifier l'impôt et son administration; et améliorer la situation des travailleurs à faibles revenus.

Cette réforme majeure de la fiscalité des particuliers et les modifications à la taxe de vente du Québec se traduiront dans trois ans par un gain net global de 280 000 000 $ pour les contribuables. À court terme, la réforme est neutre pour les équilibres financiers du gouvernement.

Le premier volet de cette importante réforme consiste, je l'ai dit, en une réduction de 850 000 000 $ de l'impôt sur le revenu des particuliers à compter du 1er janvier 1998. Cette réduction permettra: d'abaisser de 15 % l'impôt des ménages gagnant 50 000 $ ou moins; de réduire de 3 % l'impôt de ceux gagnant plus de 50 000 $; d'éliminer totalement l'impôt à payer pour 200 000 contribuables à faibles revenus; d'améliorer aussi substantiellement l'aide fiscale en faveur des travailleurs à faibles revenus; et de simplifier, enfin, considérablement l'application de la fiscalité pour quatre contribuables sur cinq.

Il s'agit d'une réduction importante de l'impôt. Elle profitera principalement aux contribuables de la classe moyenne tout en augmentant le revenu disponible des ménages les plus démunis.

Le régime d'imposition des particuliers s'avère, comme on le sait, beaucoup trop complexe. Certains nous ont même suggéré que le format d'une carte postale devrait pouvoir suffire à remplir une déclaration de revenus.

Sans aller jusque-là, la réforme que j'annonce aujourd'hui permet une énorme simplification: la déclaration de revenus de 80 % des contribuables tiendra désormais en seulement deux pages. Ces deux petites pages, recto verso, pourront même inclure la déclaration des deux conjoints à la fois, s'ils le souhaitent.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Landry (Verchères): En même temps, le régime fiscal deviendra plus équitable pour la vaste majorité des contribuables, sans toutefois accroître les taux supérieurs d'imposition.

À cette fin, nous introduirons une nouvelle disposition fiscale destinée à favoriser spécifiquement les contribuables qui utilisent peu les divers crédits d'impôt et les déductions. Ils pourront désormais se prévaloir d'un nouveau montant forfaitaire s'élevant à 2 350 $ par contribuable. Ce nouveau montant remplacera plusieurs des crédits d'impôt et déductions offerts dans le régime général. Il bénéficiera particulièrement aux ménages à plus faibles revenus.

(16 h 40)

Les contribuables qui, eux, par ailleurs, utilisent intensément les différents crédits d'impôt et déductions pourront continuer à se prévaloir du régime général et des dispositions actuellement en vigueur. Chaque contribuable pourra ainsi exercer son choix entre le régime général ou le régime simplifié, suivant sa situation personnelle.

De plus, afin d'améliorer l'équité fiscale dans le traitement des conjoints, ce nouveau montant pourra, si les deux le désirent, être transféré d'un conjoint à l'autre lorsqu'il ne peut servir à réduire l'impôt de l'un des conjoints.

Un élément majeur de la réforme de la fiscalité des particuliers consiste à simplifier la table d'imposition. Le régime actuel comporte cinq taux d'imposition, auxquels s'ajoutent deux surtaxes et une réduction d'impôt.

À compter du 1er janvier prochain, ces dispositions complexes seront remplacées par une nouvelle table d'imposition qui ne comportera que trois taux. Le taux marginal supérieur d'imposition, d'ailleurs, diminuera légèrement à 26 %. De plus, afin d'améliorer la progressivité de notre régime fiscal, les crédits d'impôt, qui sont actuellement établis selon un taux de 20 %, le seront en fonction d'un taux de 23 %, à l'avantage des contribuables.

La réforme améliore aussi fortement le régime fiscal des travailleurs à faibles revenus. Pour les assister autant que possible dans leur démarche d'intégration au marché du travail, nous augmenterons à 26 000 $ le niveau de revenu familial à partir duquel l'aide fiscale aux ménages à faibles revenus commence à être réduite. Nous réglons ainsi un problème lancinant que notre fiscalité traîne depuis des décennies.

L'aide fiscale accordée aux ménages gagnant moins de 26 000 $ s'en trouvera considérablement accrue: 35 000 000 $ serviront à bonifier le remboursement d'impôts fonciers; 23 000 000 $ viendront bonifier l'aide aux familles à bas revenus à l'égard des frais de garde que leur occasionne le fait de travailler.

Notre gouvernement entend également soutenir la démarche des personnes handicapées qui désirent participer comme les autres au marché du travail. Nous injecterons 19 000 000 $ par an dans le régime fiscal pour qu'il reconnaisse une plus grande partie des dépenses qu'entraîne leur handicap.

Au total, la réforme de l'impôt sur le revenu des particuliers bénéficiera à tous les contribuables et particulièrement à ceux de la classe moyenne. Il s'agit d'un juste retour des choses, considérant que ces contribuables furent durement sollicités ces dernières années.

Afin d'illustrer ces impacts positifs pour la classe moyenne, prenons à titre d'exemple des ménages dont le revenu est de 30 000 $.

Un couple ayant deux enfants et disposant de deux revenus bénéficiera d'un gain de 1 296 $, alors qu'une famille monoparentale ayant un enfant profitera d'une hausse de son revenu disponible de 1 510 $. Les personnes seules profiteront également de ces importants allégements alloués à la classe moyenne. Par exemple, une personne seule de moins de 65 ans verra son revenu disponible s'accroître de 465 $. Une personne âgée de 65 ans ou plus bénéficiera d'un gain total de 1 144 $.

La réforme permettra également aux ménages à faibles revenus d'améliorer leur situation. Une famille ayant deux enfants et un revenu de 20 000 $ profitera d'une hausse de revenu disponible de 458 $. Une famille monoparentale gagnant un peu plus que le salaire minimum, soit 15 000 $, bénéficiera d'un gain de 550 $. Les gains apportés par cette réforme compléteront l'importante entreprise de soutien financier aux familles qu'a lancée le premier ministre et dont est responsable ma collègue de l'Éducation, la politique familiale.

Dans les deux cas, notre action sera particulièrement bénéfique aux nombreuses femmes chefs de famille monoparentale, qui méritent particulièrement notre respect et notre appui.

La réforme rendra également notre fiscalité plus compétitive par rapport à celle de nos voisins et partenaires commerciaux. En réduisant les impôts sur le revenu, elle permettra un allégement des coûts de production des entreprises. Elle favorisera également l'investissement en contribuant à attirer au Québec les travailleurs spécialisés qui sont nécessaires à la prospérité ou en incitant ceux que le Québec forme chaque année à y demeurer.

Par exemple, un couple ayant deux enfants et dont le revenu total est de 80 000 $ bénéficiera d'une baisse d'impôts atteignant 1 012 $. Une personne seule disposant de ce même revenu profitera de son côté d'une hausse de revenu disponible de 363 $. Et je vais déposer, M. le Président, ce tableau montrant l'impact sur le revenu disponible des contribuables de la réforme de l'impôt sur le revenu des particuliers. (Voir annexe).

Dans le contexte actuel des finances publiques du Québec, cette vaste réforme de l'impôt sur le revenu des particuliers ne peut se concevoir sans un financement alternatif, là où la compétitivité fiscale le permet. À l'exception de l'Alberta, le Québec est actuellement l'endroit au Canada, le seul, où le taux de taxe de vente est le plus bas. Le taux de la taxe de vente sera donc porté, comme je l'ai dit, de 6,5 % à 7,5 % le 1er janvier 1998, soit au moment même de l'entrée en vigueur de la réforme de l'impôt des particuliers.

L'annonce de cette mesure avec un préavis de neuf mois pourra même avoir un effet stimulant, non récurrent, sur les ventes au détail au cours de 1997 en incitant les consommateurs à devancer l'achat des biens importants.

Ce déplacement du fardeau fiscal vers la taxe de vente permettra au Québec de mieux contrer l'impact des réductions d'impôt sur le revenu annoncées en Ontario et accroîtra la compétitivité de notre économie.

En effet, le poids de l'impôt sur le revenu tend à alourdir les coûts de main-d'oeuvre des entreprises. La taxe de vente est beaucoup moins dommageable pour l'économie, puisqu'elle est soustraite du prix des produits exportés. Le Québec, comme on le sait, est une puissante exportatrice. Elle est aussi plus respectueuse de la liberté des choix des contribuables, qui utilisent leur revenu disponible comme bon leur semble, pour l'épargne ou pour la consommation.

Ce rééquilibrage de notre système fiscal est conforme à notre stratégie budgétaire qui consiste à éliminer le déficit avant de réduire globalement les impôts et taxes. Le relèvement du taux de la taxe de vente permet en effet d'autofinancer entièrement la réforme de l'impôt sur le revenu des particuliers au cours des deux prochaines années. L'année suivante, le déficit zéro sera atteint. La réforme se traduira alors pour les contribuables par une baisse nette de leur fardeau fiscal global de l'ordre de 288 000 000 $.

C'est ainsi qu'en 1999-2000 les Québécoises et les Québécois pourront profiter encore davantage de la gestion rigoureuse de leurs finances publiques et recueillir les fruits de tous leurs efforts et sacrifices.

J'ai voulu que ce déplacement de fardeau fiscal ne se fasse pas au détriment des ménages à faibles revenus. C'est pourquoi j'annonce une augmentation substantielle du crédit d'impôt pour taxe de vente, qui sera à la fois plus généreux et accessible à un plus grand nombre de contribuables.

Cette hausse du crédit pour taxe de vente, conjuguée aux mesures que je décrivais précédemment concernant l'aide fiscale aux ménages à faibles revenus, injectera 265 000 000 $ de plus dans cet instrument de redistribution, dont le coût total sera ainsi porté à 515 000 000 $ en 1998.

Grâce à cette mesure importante, la totalité de la taxe additionnelle qui découlera de la hausse du taux de la taxe de vente sera remboursée à tous les ménages à faibles revenus. Mieux encore, cette bonification du crédit d'impôt pour taxe de vente fera complètement disparaître le fardeau de cette taxe pour les personnes dont le revenu est inférieur à 10 000 $.

Ainsi, pour la première fois depuis la mise en place de la taxe de vente au détail, en 1940, les personnes qui comptent parmi les moins nantis de notre société seront complètement exemptées du fardeau de la taxe de vente. Il s'agit là d'une amélioration majeure de notre régime fiscal et de son degré de progressivité. En outre, ce crédit d'impôt fera dorénavant l'objet chaque année de deux versements par chèque.

(16 h 50)

Actuellement, les prestataires de la sécurité du revenu ne sont pas imposables: ils ne le deviendront pas davantage. Ceux et celles qui vivent uniquement de ces prestations n'auront, pas plus qu'aujourd'hui, à payer d'impôt.

Toutefois, un contribuable qui, dans une année, reçoit à la fois des revenus de l'aide sociale et d'autres revenus qui le portent globalement au seuil d'imposition se trouve présentement avantagé indûment. Le fait que la portion de son revenu provenant de l'aide de dernier recours soit soustraite au fisc crée une situation injuste par rapport aux autres contribuables. À compter du 1er janvier prochain, les prestations de sécurité du revenu reçues par ceux qui ont d'autres sources de revenus imposables seront donc comptées dans le revenu total, comme l'a proposé ma collègue, la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité, dans son projet de réforme de la sécurité du revenu.

Chaque emploi nouveau est précieux. C'est pourquoi j'annonce en outre que nous rembourserons 1 200 $ de taxes sur la masse salariale pour chaque emploi nouveau. Ainsi, toute entreprise pourra obtenir des remboursements allant jusqu'à 36 000 $ si elle crée 30 emplois dans l'année.

Cela représente une bonification substantielle de l'allégement des taxes sur la masse salariale annoncé en décembre dernier. Cette mesure vise à stimuler la création d'emplois stables et à plein temps, décourager l'usage du temps supplémentaire et la précarisation du travail, encourager la réduction volontaire et le partage du temps de travail.

Cette mesure permettra à de nombreuses entreprises qui créent des emplois au Québec de payer des taxes sur la masse salariale plus basses qu'en Ontario, pour l'année au cours de laquelle elles créent ces emplois.

Au salaire minimum, cela équivaut à une abolition totale des taxes québécoises sur la masse salariale pour les emplois nouvellement créés.

J'ai annoncé une stratégie visant le démarrage de plus de 5 000 000 000 $ d'investissements. Je viens aussi d'annoncer une réforme qui simplifie le régime fiscal, accroît son équité et améliore la compétitivité de l'économie québécoise. Nous répondons là sans conteste aux attentes des partenaires du Sommet sur l'économie et l'emploi envers leur gouvernement en matière d'économie, mais aussi de justice.

Ils nous ont dit qu'il fallait agir sur des éléments structurels afin de positionner avantageusement le Québec pour le virage des années 2000. À cet effet, ils nous ont demandé d'agir sur la réglementation, la conquête des marchés, la place à faire aux jeunes, le développement de l'économie sociale et des communautés rurales.

Nos partenaires nous ont rappelé que les entreprises évoluent dans un environnement réglementaire qui nuit à leur compétitivité et à la création d'emplois. Notre gouvernement s'est engagé à moderniser la réglementation et élaguer celle qui est inutile. Il peut aujourd'hui présenter fièrement son bilan et les actions qu'il s'apprête à prendre. Je rends publique aujourd'hui la liste de près de 120 mesures d'allégements réglementaires qui résultent de notre effort de mobilisation des ministères et organismes.

Tel que promis au Sommet sur l'économie et l'emploi, les décrets tenant lieu de conventions collectives sont actuellement réexaminés. Des projets de règlement sur l'abrogation des décrets dans les secteurs du bois ouvré et du verre plat viennent d'être publiés. Mon collègue, le ministre du Travail, procédera d'ici la fin de juin prochain à la révision prioritaire des décrets du vêtement, du meuble et des services automobiles.

Par ailleurs, afin de faciliter le démarrage des entreprises et de simplifier leurs échanges avec le gouvernement du Québec, je propose qu'à compter du 1er janvier 1998 chaque entreprise soit dotée d'un numéro unique valide dans les ministères et organismes. La tracasserie administrative des multiples numéros d'identification, qui n'a plus sa raison d'être avec la technologie actuelle, sera alors éliminée.

L'économie du Québec, on le sait, est très ouverte vers l'extérieur. Néanmoins, par rapport à d'autres économies occidentales, trop peu de PME exportent leurs produits.

Notre objectif, que j'ai énoncé l'an dernier, est d'augmenter de 2 000 le nombre des PME exportatrices d'ici l'an 2000. Depuis juin 1996, plus de 650 entreprises ont déjà manifesté un intérêt nouveau pour l'exportation. Ce budget propose d'augmenter de près de 30 % l'appui financier du gouvernement à l'exportation pour nous rapprocher encore plus rapidement de la cible.

Notre gouvernement entend offrir un service individualisé aux PME localisées à l'extérieur des grands centres et intéressées par les marchés de l'exportation. De plus, il mettra à la disposition des entreprises un système d'information commerciale performant et efficace.

Par ailleurs, l'an dernier, nous avons remplacé une partie de notre réseau de délégations à l'étranger par diverses formes de représentations désignées sous le nom d'antennes à l'étranger, en collaboration, d'ailleurs, avec mon collègue des Relations internationales et des partenaires québécois, privés ou publics. Outre les délégations qui ont été maintenues et le nouveau bureau de Munich, le Québec est désormais assuré d'une présence dans 14 villes, outre ce qui avait été maintenu. Ces villes sont: Atlanta, Boston, Chicago et Los Angeles, aux États-Unis d'Amérique; Bogota, Buenos Aires et Santiago du Chili, en Amérique du Sud; Bangkok, Beijing, Hanoi, Jakarta, Kuala Lumpur et Taipei, en Asie; et Milan, en Europe.

Les résultats préliminaires encourageants de cette formule incitent à poursuivre dans cette voie pour que nos entreprises puissent profiter des grands marchés développés et des marchés en émergence. Dans un premier temps, nous établirons d'autres antennes à Séoul et Manille. Nous envisageons ensuite d'en ouvrir à Barcelone ainsi que dans d'autres villes en Asie, en Amérique latine, en Europe de l'Est et au Moyen-Orient.

Nous multiplierons également les missions commerciales et nous comptons aussi profiter de l'appui de nos dirigeants d'entreprises et de nos chefs de file qui accepteront, sur une base volontaire, de contribuer à la promotion, dans leurs réseaux respectifs, des investissements au Québec et à la croissance de nos exportations. Cette année, notre gouvernement organisera un nombre record de 150 missions commerciales. Pour leur contribution jusqu'à ce jour à nos ventes à l'étranger, je remercie particulièrement mes collègues des Relations internationales, des Ressources naturelles, la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce ainsi que les députés de Berthier, de Johnson et de Marguerite-D'Youville, et d'autres. Deux de ces missions, une en Chine à l'automne et l'autre en Amérique latine en 1998, seront dirigées par le premier ministre lui-même, qui ne ménage et n'a ménagé aucun effort pour promouvoir notre commerce extérieur.

Une voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): L'économie du Québec ne peut se priver du dynamisme, de l'imagination et des talents de sa jeunesse. Nous voulons donc que nos jeunes puissent briser le cercle vicieux du «pas d'expérience, pas d'emploi» et puissent prendre leur place sur le marché du travail.

Ce budget augmentera de plus de 30 000 000 $ au cours des trois prochaines années les sommes consacrées à la création d'emplois d'été pour les jeunes dans les entreprises et au gouvernement.

Une voix: Ça, c'est beau. Bravo!

M. Landry (Verchères): J'annonce l'injection de 21 000 000 $ au cours des trois prochaines années pour aider financièrement les entreprises à embaucher des étudiants stagiaires.

En versant aux employeurs une subvention au salaire pour des emplois d'été, nous aiderons des étudiants et des étudiantes en formation professionnelle au secondaire et aux niveaux collégial et universitaire à acquérir une expérience de travail dans leur domaine d'études.

Seront admissibles les entreprises et les organismes sans but lucratif des secteurs de l'agriculture, des forêts, des mines, de la culture, des communications ainsi que du secteur manufacturier, du recyclage et des services aux entreprises.

J'annonce, de plus, que nous doublerons les sommes consacrées l'an dernier à l'embauche d'étudiants au gouvernement durant l'été.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Nous y affecterons plus de 10 000 000 $ au cours des trois prochaines années.

Au total, avec ces deux dispositions, quelque 20 000 jeunes pourront obtenir cet été un emploi en passant par Placement étudiant du Québec. C'est une augmentation de 50 % par rapport à l'an dernier.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Former adéquatement les jeunes contribuera à résoudre le problème qu'éprouvent certaines entreprises à combler leurs besoins en main-d'oeuvre hautement spécialisée.

J'annonce à cet effet l'octroi d'un montant de 10 000 000 $ pour des formations et des stages, notamment dans les secteurs des technologies de l'information et de l'aérospatiale. Notre action favorisera l'adaptation des compétences de jeunes diplômés aux besoins spécifiques des entreprises de ces secteurs.

(17 heures)

Quand on veut apporter des solutions concrètes au problème du chômage, on doit bien comprendre que le taux persistant de 11,8 % de chômage n'est pas uniformément réparti dans la société. Il varie beaucoup selon les niveaux de scolarité et de formation, qui demeurent des facteurs déterminants. Avec un diplôme universitaire, le taux de chômage tombe de moitié. À l'inverse, les travailleurs qui ont moins de neuf années de scolarité connaissent un taux de chômage de près de 18 %.

Le taux de chômage varie beaucoup aussi en fonction du secteur d'activité. En 1996, il atteignait 20 % dans le secteur des mines et de la forêt pendant qu'il était à peine de 6,4 % dans les transports et les communications. Dans ce dernier secteur, le gouvernement du Québec, en partenariat avec l'École de technologie supérieure et l'Institut national de recherche scientifique et avec l'appui de grandes entreprises comme Téléglobe, compte mettre sur pied un Centre international de formation en télécommunications. Ce centre formera sur une plus grande échelle la main-d'oeuvre hautement qualifiée que requiert la nouvelle économie.

Ce budget propose aussi la création de milieux fertiles à la transmission du savoir et de la culture de certaines entreprises à des jeunes Québécoises et à des jeunes Québécois. J'annonce donc la création de centres de développement des technologies de l'information chargés d'appuyer des entreprises oeuvrant dans des secteurs d'activité en émergence. Ces entreprises de ces secteurs bénéficieront d'un congé fiscal de cinq ans de taxe sur le capital, d'impôt sur les profits et de cotisations au Fonds des services de santé. Elle auront droit aussi à un crédit d'impôt pour l'acquisition de matériel spécialisé. Il leur sera cependant demandé d'exercer leurs activités à l'intérieur d'édifices spécialement désignés à cette fin. Pour que des jeunes puissent bénéficier de la présence des ces entreprises au Québec, je propose un crédit d'impôt égal à 40 % des salaires versés par ces entreprises à des jeunes de 18 à 35 ans.

Sur le plan fiscal aussi, notre gouvernement entend améliorer l'arrimage entre la formation et le marché du travail. Au niveau de l'école, j'annonce donc que le crédit d'impôt pour stages en milieu de travail sera doublement élargi. Il sera étendu aux entreprises qui accueillent des apprentis du nouveau régime d'apprentissage annoncé au Sommet de Montréal sur l'économie et l'emploi ou des étudiants adultes inscrits au secondaire dans les services d'insertion socioprofessionnelle.

Pour mieux appuyer fiscalement les jeunes qui préparent leur avenir par des études plus poussées, j'annonce en outre que les frais de scolarité admissibles au crédit d'impôt qui ne seront pas utilisés dans une année pourront l'être au cours des années subséquentes. La notion de frais de scolarité sera élargie pour inclure tous les frais afférents demandés par les universités et les collèges.

Notre gouvernement, sous l'inspiration de mon collège des Affaires municipales, vient d'adopter un plan d'action en habitation sociale. Ce plan contribuera de diverses façons à la relance de l'emploi dès cette année. Au total, le présent budget engage près de 100 000 000 $ supplémentaires dans plusieurs mesures d'habitation sociale qui aussi seront créatrices d'emplois.

Tout d'abord, pour donner suite aux engagements du Sommet sur l'économie et l'emploi à l'égard de l'économie sociale, nous mettrons sur pied le Fonds québécois du logement social. Avec les 43 000 000 $ que nous y injecterons à chaque année, nous pourrons rendre disponibles annuellement: 1 200 logements pour des ménages à faibles revenus; 500 logements pour des personnes âgées en perte d'autonomie; et 120 logements pour des personnes ayant des besoins particuliers, comme les femmes victimes de violence, les individus atteints d'une déficience intellectuelle ainsi que les itinérants.

Par ailleurs, nous investirons 30 000 000 $ de la part du gouvernement et au moins 20 000 000 $ en provenance des municipalités, pour un total de 50 000 000 $, pour la rénovation de logements et la revitalisation de quartiers dans les zones urbaines et rurales; 5 000 000 $ additionnels au Programme d'aide à l'adaptation de domicile pour les personnes handicapées; 3 000 000 $ à l'adaptation de logements pour les aînés en perte d'autonomie; et 1 300 000 $ pour des projets spécifiques issus du milieu et pour les organismes de représentation et de défense du droit des citoyens en matière de logement.

De plus, nous créons une allocation-logement unifiée et élargie à laquelle auront droit non seulement les bénéficiaires actuels, mais aussi près de 28 000 ménages additionnels. Grâce à cette réforme, 106 000 familles verront leur aide au logement augmentée.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Le Sommet sur l'économie et l'emploi a mis en évidence le potentiel important de création d'emplois dans le secteur de l'économie sociale et la nécessité de nous doter des moyens d'en faire une composante à part entière de l'économie.

J'ai le plaisir d'annoncer aujourd'hui un soutien financier spécifique à trois projets de création d'emplois soumis par le Groupe de travail sur l'économie sociale, que dirigeait Mme Nancy Neamtan. Ces projets créeront plus de 7 000 emplois sur trois ans.

Le premier est un programme d'exonération financière à l'attention des ménages qui ont recours aux services d'aide domestique à domicile offerts par des entreprises de l'économie sociale. L'aide accordée sera versée directement à l'organisme qui dispense le service. Ainsi, la personne admissible ne déboursera que la différence entre le tarif exigé par l'organisme et le montant de l'aide accordée. Ce programme coûtera 79 000 000 $ au cours des trois prochaines années et créera 6 000 emplois.

Le second projet permettra la création de 1 050 emplois sur trois ans pour les personnes handicapées dans les centres de travail adapté. Des fonds de 7 500 000 $ seront alloués à cette fin à l'Office des personnes handicapées du Québec.

Enfin, nous contribuerons à un fonds d'accompagnement des entreprises et organismes oeuvrant dans le secteur de l'économie sociale. Des crédits de 4 000 000 $ sur trois ans seront attribués à ce fonds, le secteur privé ayant au préalable apporté une contribution équivalente.

Notre gouvernement est très sensible, on le sait, à la vitalité et au dynamisme des communautés rurales. C'est dans ce contexte que j'annonçais, lors du dernier Discours sur le budget, la mise sur pied d'un groupe de travail sur les villages prospères pour identifier les caractéristiques des milieux ruraux qui connaissent du succès dans le développement de leur communauté.

Ce groupe de travail a conclu que, si l'engagement de la communauté constitue effectivement l'ingrédient essentiel au succès de son développement, l'État se doit d'appuyer cette prise en charge. Mon collègue, le ministre responsable du Développement des régions, déploie des efforts inlassables dans ces domaines. Ses moyens seront augmentés.

J'annonce donc aujourd'hui qu'un montant de 6 000 000 $ sur trois ans sera consacré au financement de mesures de soutien spécifiques aux milieux ruraux. Une partie de ce montant sera accordée à Solidarité rurale du Québec, qui a accepté de conseiller le gouvernement en matière de développement rural.

Par ailleurs, le Fonds conjoncturel de développement sera pourvu d'une enveloppe supplémentaire de 3 000 000 $ sur trois ans.

Est-il nécessaire de réitérer l'attachement historique de l'État du Québec au soutien de la culture? Une malhabile et récente contestation de cette évidence a permis de mettre en lumière le rôle prépondérant de l'action du Québec en matière de culture. C'est normal et c'est vital aussi. De Georges-Émile Lapalme à la députée de Chambly, plusieurs hommes et femmes de qualité ont appuyé de toutes leurs forces et de celles de l'État l'effort des artistes qui sont la conscience et l'âme de notre peuple.

Je redis d'une autre manière ce que j'ai dit l'an dernier: un peuple sans culture est un peuple pauvre, quel que soit le niveau de sa richesse matérielle.

Notre gouvernement continuera donc d'apporter un soutien majeur à l'industrie culturelle québécoise qui contribue si magnifiquement à notre spécificité.

Ce budget annonce, d'une part, deux assouplissements à la déduction pour frais de divertissement de nature culturelle. Je rappelle que, depuis l'an dernier, ces frais sont déductibles à 100 %, plutôt qu'à 50 %, dans le calcul du revenu imposable des entreprises. J'annonce aujourd'hui que dorénavant les abonnements à des spectacles de chanson seront aussi déductibles à 100 %, tout comme les abonnements à des concerts ou à des spectacles d'opéra, de théâtre ou de danse.

De plus, lorsqu'une entreprise achète la totalité des billets d'une représentation culturelle, cet achat sera dorénavant déductible à 100 %, tout comme s'il s'agissait d'un abonnement.

Par ce budget, notre gouvernement désire, d'autre part, favoriser une plus grande diffusion d'un produit culturel toujours capital: le livre.

Encore aujourd'hui, malgré le potentiel exceptionnel que nous annoncent les nouvelles technologies, l'accès à la connaissance et aux compétences passe d'abord par le livre. C'est vrai également pour la maîtrise de la langue. Les spécialistes ont depuis longtemps établi un lien explicite entre la lecture et la capacité de maîtriser une langue. La vitalité du français au Québec suppose donc aussi que les Québécoises et les Québécois aient la possibilité d'entretenir un contact direct et régulier avec les livres.

(17 h 10)

C'est pourquoi notre gouvernement souhaite participer à la redynamisation de nos bibliothèques publiques. Elles ont en effet un important rattrapage à effectuer, notamment pour renouveler leurs collections de livres.

J'annonce donc aujourd'hui que notre gouvernement entend construire à Montréal, dans un court délai, une grande bibliothèque de prêt ouverte au grand public. Nous parlons ici d'un projet de l'ordre de 75 000 000 $, dont notre premier ministre fait une priorité personnelle.

J'annonce aussi que nous faisons passer de 10 000 000 $ à 15 000 000 $ par année les sommes prévues au Programme de soutien aux bibliothèques publiques pour l'acquisition de livres. Ce programme fonctionnant en appariement avec les municipalités, il s'agit d'une injection supplémentaire de 10 000 000 $ par an dans l'acquisition de livres pour toutes les bibliothèques publiques du Québec.

L'industrie touristique est une industrie hautement créatrice d'emplois. C'est pourquoi il est important de contribuer à la qualité et à la compétitivité du produit touristique québécois par de nouveaux investissements. À cette fin, le congé de taxe sur le capital annoncé précédemment sera aussi applicable aux investissements de cette industrie.

La ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce, responsable du Tourisme, a déjà annoncé une refonte majeure de la réglementation dans ce secteur, de façon à alléger les contrôles et favoriser l'autoréglementation. Cette réforme fut accueillie avec enthousiasme et saluée par l'industrie.

C'est à l'industrie qu'il appartient de se prendre en main et de garantir la qualité du produit touristique québécois. Nous lui avons donc demandé de se doter d'un programme de certification de la qualité des établissements. Afin d'appuyer l'industrie dans cette tâche, j'annonce que nous lui accorderons un budget de 1 000 000 $ par an au cours des trois prochaines années.

Parmi les attraits touristiques du Québec, les grands espaces viennent au premier rang. Or, la région du Grand Nord québécois est la seule qui ne possède pas encore d'association touristique régionale. Ce budget débloque les fonds nécessaires pour combler cette absence. Qu'on me permette ici de rendre hommage à M. Henri Jamet, qui oeuvrait au service de l'État lors de l'accident d'avion fatal survenu en avril dernier dans ce Grand Nord qu'il a tant aimé et contribué à faire connaître.

Deux secteurs clés de notre économie, soit la forêt et les mines, sont particulièrement créateurs d'emplois dans les régions. En plus de diverses incitations fiscales spécifiques que le présent budget vient bonifier, mon collègue des Ressources naturelles disposera de budgets de 130 000 000 $ sur trois ans pour la forêt et les mines, qui seront affectés dans les quatre domaines suivants: la mise en valeur des ressources en forêt; la création d'emplois en forêt pour les bénéficiaires de la sécurité du revenu; des mesures d'appui à l'entrepreneurship et aux promoteurs pour accélérer la mise au point et la fabrication de produits forestiers à forte valeur ajoutée; et un nouveau programme pour le développement de l'industrie minière.

Enfin, selon diverses études bien connues, l'épargne des Québécoises et des Québécois ne serait pas réinvestie au Québec dans des proportions convenables. Nous croyons que, dans ce domaine, la transparence s'impose. Je prendrai donc des dispositions pour que la population puisse connaître la répartition des portefeuilles de placements des organismes des secteurs public et parapublic.

Par ailleurs, le gouvernement n'entend pas intervenir de façon autoritaire dans un univers où la fluidité doit prévaloir, surtout quand on sait que le Québec est un importateur net de capitaux. Cependant, il faudra peut-être envisager diverses mesures incitatives afin de favoriser la croissance de l'industrie de la gestion de portefeuille au Québec. Le député de Crémazie m'aide de son expérience et de ses conseils en cette matière.

Il est temps maintenant, M. le Président, d'aborder une autre priorité de notre gouvernement: le redressement des finances publiques. Lors du Discours sur le budget du 9 mai dernier, nous nous sommes engagés à suivre un plan financier d'élimination du déficit budgétaire. La séquence des cibles de déficit est maintenant bien connue: 3 200 000 000 $ en 1996-1997; 2 200 000 000 $ cette année; 1 200 000 000 $ l'an prochain; et, finalement, zéro en 1999-2000. Ces objectifs ont d'ailleurs été inscrits dans la Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire, adoptée à l'unanimité par cette Assemblée en décembre dernier.

J'ai annoncé que notre cible de 1996-1997 était atteinte. Pour une deuxième année consécutive également, nous avons réduit les dépenses de programmes en valeur absolue. Deux années de suite, c'est une première dans l'histoire du Québec moderne. Saluons ici cette performance remarquable qu'ont réalisée au Conseil du trésor la députée de Taillon et le député de Labelle.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Je dépose, M. le Président, le tableau suivant qui représente les résultats préliminaires des opérations financières du gouvernement pour 1995-1996 et 1996-1997. (Voir annexe).

Ce qu'il y a de plus encourageant dans ces résultats, c'est que nous avons parcouru la moitié du chemin sur la voie du déficit zéro. Nous avons hérité d'un déficit de près de 6 000 000 000 $; nous venons de le réduire pratiquement de moitié, à 3 200 000 000 $.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Landry (Verchères): Le redressement des finances publiques du Québec se bute toutefois à un obstacle de taille: la volonté du gouvernement fédéral de faire assumer par le Québec et les autres provinces le fardeau de la réduction de son déficit.

Après deux décennies de laxisme budgétaire, le gouvernement du Canada a entrepris d'assainir ses finances publiques. Louable objectif. Mais il faut s'interroger maintenant sur les moyens utilisés.

Depuis 1993, la moitié des réductions de dépenses du gouvernement fédéral ont été faites en sabrant les transferts aux provinces. La moitié. Pour le Québec, les coupes dans les programmes sociaux annoncées dans les budgets de mon collègue fédéral se sont traduites par un manque à gagner de 800 000 000 $ au cours de l'année qui vient de s'écouler. L'an prochain, le manque à gagner atteindra 1 400 000 000 $. En fait, ces coupes représentent 60 % des réductions de dépenses que nous devons faire cette année. Quand on connaît les sacrifices imposés à nos employés par ces coupes, on mesure l'ampleur du délestage fédéral.

Et le plus choquant dans tout cela, c'est que les économies réalisées par Ottawa servent à financer de nouvelles intrusions fédérales dans les champs de compétence du Québec. Parmi les empiétements fédéraux annoncés en février dernier, mentionnons la nutrition prénatale, l'alphabétisation, les interventions auprès des enfants et des personnes handicapées, les infrastructures de recherche dans les universités et les hôpitaux, la mise sur pied d'un système d'information en santé, et j'en passe.

Plutôt que d'intervenir ainsi dans nos champs de responsabilité, le gouvernement fédéral devrait donner suite à la demande formulée à maintes reprises par le Québec: il devrait se retirer du financement des programmes sociaux et transférer au Québec, en contrepartie, des points d'impôt sur le revenu des particuliers, respectant en cela l'esprit et la lettre de la Constitution canadienne.

Des voix: Voilà!

M. Landry (Verchères): J'aimerais maintenant prendre quelques minutes pour parler de l'harmonisation de la taxe de vente du Québec avec la TPS fédérale. On se rappellera qu'en 1992 le Québec a été un pionnier en matière d'harmonisation de sa taxe de vente avec la TPS fédérale. C'était une bonne décision, prise en particulier par notre regretté collègue Gérard D. Levesque. Cette décision permettait d'augmenter la compétitivité de nos entreprises sur les marchés et de réduire le coût de leurs investissements.

Le Québec n'a rien reçu du gouvernement fédéral pour compenser les pertes de revenus découlant de l'harmonisation. En fait, pour que cette réforme soit neutre sur ses revenus, le gouvernement québécois a dû augmenter les taux de taxation des entreprises.

(17 h 20)

Par la suite, trois provinces maritimes ont décidé d'harmoniser, à compter du 1er avril prochain, leurs taxes de vente avec la TPS fédérale. Dans leur cas, Ottawa leur versera, pour quatre ans, une compensation de près de 1 000 000 000 $. Ces trois provinces se seront donné, avec l'argent fédéral provenant en partie de nos impôts, un régime fiscal plus compétitif: elles vont réduire le taux de leur taxe de vente; elle vont donner à leurs entreprises des remboursements complets de la taxe de vente payée sur leurs achats; elles n'auront pas à augmenter les impôts de leurs entreprises pour financer leur réforme; et elles se seront donné ces avantages en les faisant payer par nos propres impôts. En plus, elles font de la publicité dans les journaux du Québec pour attirer nos entreprises chez elles.

Le Québec a dénoncé dès sa mise en oeuvre le programme fédéral d'aide à l'harmonisation. Toutefois, le respect le plus élémentaire de l'équité exige d'Ottawa qu'à défaut de retirer son aide aux Maritimes il consente une aide équivalente à toute province qui aura choisi d'harmoniser sa taxe de vente avec la TPS. Le Québec demande donc à ce titre une compensation de 2 000 000 000 $, soit un montant nettement inférieur à ce qu'obtiendront, par habitant, les provinces de l'Atlantique. Malgré l'évidence des coûts qu'a entraînés pour le Québec l'harmonisation, Ottawa refuse de traiter le Québec d'une façon juste et équitable.

Lors du Sommet de Montréal, notre gouvernement a reçu l'appui de nos principaux partenaires socioéconomiques dans ses démarches de recouvrement de ce qui lui est dû. Nous allons continuer la bataille, et j'espère que l'opposition officielle, après étude soignée des chiffres, appuiera sans équivoque la position du Québec, comme l'ont fait l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Landry (Verchères): Pour l'année qui vient, conformément à l'orientation que nous avons suivie jusqu'à maintenant, j'annonce que l'objectif de déficit de 2 200 000 000 $ sera respecté. Et je dépose, M. le Président, ces tableaux qui présentent les prévisions des équilibres financiers du gouvernement pour 1997-1998. (Voir annexes).

Nous atteindrons notre objectif de déficit principalement par la réduction des dépenses. La semaine dernière, mon collègue le président du Conseil du trésor a présenté les crédits pour la prochaine année financière. L'effort de réduction des dépenses en 1997-1998 atteindra 2 300 000 000 $.

Un effort particulier sera demandé aux grandes entreprises. Lors du dernier budget, j'avais fixé au 31 mars prochain la date à laquelle les grandes entreprises pourraient commencer à recevoir un remboursement complet de la taxe de vente du Québec payée sur leurs achats. Actuellement, certains de leurs achats ne donnent pas droit au remboursement de la taxe de vente. Afin que tous participent à nos efforts pour éliminer le déficit et après avoir soigneusement examiné la situation, j'en suis venu à la conclusion que nous n'avons pas les moyens, à ce moment-ci, d'appliquer cette mesure qui aurait coûté plus de 500 000 000 $ au trésor québécois cette année.

Si, par ailleurs, Ottawa décidait de nous verser notre juste compensation pour l'harmonisation avec la TPS, je reviendrais immédiatement sur cette décision.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Landry (Verchères): Au terme de leurs consultations, les membres de la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics ont été clairs sur la question du travail au noir et de l'évasion fiscale. Ils ont écrit: «...les citoyens souhaitent que le gouvernement s'attaque vigoureusement et rapidement à ce problème avant que les conséquences ne soient irréversibles». Voilà des propos on ne peut plus clairs.

Depuis deux ans, notre gouvernement a entrepris une série d'actions dans ce domaine. Avec le présent budget, nous accélérons le pas: nous effectuons un blitz du côté du travail au noir dans l'industrie de la construction; nous régularisons la situation des travailleurs à pourboires et améliorons du même coup leur protection sociale; nous accentuons les efforts de perception des revenus déjà entrepris.

Ces actions devraient engendrer des revenus additionnels de 326 000 000 $ en 1997-1998, en percevant simplement ce qui nous est dû.

Pour enrayer le travail au noir et l'évasion fiscale dans la construction, qui demeure l'industrie la plus affectée par ces problèmes, ce budget propose des mesures qui comportent trois volets: intensifier les mesures mises en oeuvre au cours des dernières années; améliorer les mécanismes de contrôle; intégrer les activités de la Régie du bâtiment et de la Commission de la construction.

Maintenant, dans un autre domaine, la sous-déclaration des revenus de pourboires dans l'hôtellerie et la restauration est un problème généralisé que les gouvernements ont négligé. Seulement 5 % des pourboires sont déclarés, ce qui occasionne des pertes fiscales de 115 000 000 $.

Cette situation porte préjudice non seulement aux revenus du gouvernement, mais aussi aux employés eux-mêmes. En effet, ceux-ci ne bénéficient de l'assurance-emploi que sur la partie de leurs pourboires qui est contrôlée par leur employeur. Certains nous proposent, vous le savez, de rendre obligatoire le pourboire, pour mettre fin de façon radicale à cette situation doublement antisociale. Nous avons retenu une approche plus modérée, préconisée d'ailleurs par de nombreux acteurs du milieu de la restauration.

Cette nouvelle approche devrait servir à la fois les employés, les employeurs, les finances publiques et le civisme fiscal.

Tout d'abord, nous ferons en sorte que les travailleurs de la restauration et de l'hôtellerie puissent bénéficier des mêmes avantages sociaux que les autres travailleurs. À cette fin, notre gouvernement exigera qu'une entente écrite, négociée entre employeur et employés dans chaque établissement, fasse partie intégrante du contrat de travail de ces employés. Cette entente précisera les modalités de remise des pourboires du salarié à l'employeur, le taux de prélèvement pour les retenues à la source sur ces pourboires et les modalités de redistribution des pourboires aux employés.

Le gouvernement fédéral nous a annoncé que cette entente garantira enfin aux employés l'assurance-emploi sur leurs pourboires.

Une voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Par ailleurs, les employeurs seront tenus, à compter du 1er janvier prochain, d'effectuer les retenues à la source sur un montant équivalant à 8 % des ventes sujettes à pourboires effectuées par l'employé, si celui-ci lui remet une somme inférieure à ce montant.

Les dispositions existantes des régimes québécois de prestations sociales, tels que le régime de rentes et le régime de prestations aux accidentés du travail, garantissent déjà à ces employés les bénéfices correspondant aux revenus de pourboires qu'ils déclareront. De cette manière, les travailleurs seront incités à déclarer tous leurs pourboires.

En raison de ces changements, les employeurs seront amenés à verser des cotisations sociales sur la totalité des pourboires. Pour les aider à s'adapter à cette nouvelle situation, le présent budget leur accorde un crédit d'impôt égal aux cotisations additionnelles qui en résulteront.

Certains groupes criminalisés ont des comportements très violents qui mettent en danger la vie et la sécurité des honnêtes gens.

Notre gouvernement et mes collègues, les ministres de la Justice et de la Sécurité publique, n'ont et n'auront aucune indulgence à cet égard. D'ailleurs, le gouvernement est intervenu avec vigueur par des opérations policières spéciales, dont les escouades Carcajou et GRICO. Ces opérations seront poursuivies.

Mais nous frapperons aussi d'une autre manière les groupes criminalisés, sans violence aucune, en leur point qui traditionnellement leur fait très mal: leurs ressources financières clandestines. Nous intensifierons notre lutte contre le commerce illégal d'alcool, une source importante de revenus pour le crime organisé.

Par exemple, les détenteurs de permis d'alcool verront leurs permis de vente suspendus pour un minimum de 30 jours s'ils se rendent coupables de vente d'alcool de contrebande ou d'exploitation de jeux illégaux.

La diminution de la contrebande d'alcool et l'augmentation correspondante des ventes légales de boissons seront profitables au trésor public, il est vrai, mais les travailleurs de l'industrie des spiritueux et leurs patrons, qui nous pressent d'agir depuis longtemps, s'en trouveront aussi gagnants.

Plusieurs services produits ou subventionnés par le gouvernement sont surtout d'intérêt local. Ils seraient probablement mieux gérés s'ils étaient produits par des instances locales, y compris les municipalités régionales de comté, les MRC, comme on dit, et les communautés urbaines. Cela devrait favoriser la mise en place de services et de façons de faire mieux adaptés aux désirs des populations et assurer un meilleur contrôle des coûts par les citoyens.

(17 h 30)

Par ailleurs, les instances locales ont eu l'occasion, au cours des derniers mois, de nous faire part d'un certain nombre de leurs problèmes. On pense entre autres aux difficultés des villes-centres, dont le fardeau fiscal est particulièrement élevé, à l'étalement urbain et au poids excessif de la rémunération dans les dépenses des municipalités. En ce qui concerne la ville de Montréal, je tiens à souligner que nos discussions pour un pacte fiscal vont bon train et que nous pourrons annoncer d'ici quelques semaines les décisions de notre gouvernement.

Nous entendons procéder à un réaménagement de la fiscalité locale et confier aux instances locales des responsabilités accrues. Ces responsabilités ont trait, entre autres, à la planification et au financement des services et équipements locaux et régionaux. Ce réaménagement devra respecter les principes d'autonomie locale, de subsidiarité et d'équité dans le partage des coûts et des services.

Les instances locales seront amenées à rationaliser leurs activités, à réduire leurs coûts de fonctionnement et à dégager les sommes nécessaires dans le but de ne pas alourdir le fardeau fiscal des contribuables locaux. Elles devront inévitablement réexaminer les coûts de leur main-d'oeuvre. En effet, l'importance de ces coûts dans leur budget de fonctionnement et l'écart parfois considérable en faveur des employés municipaux entre leur rémunération globale et celle du personnel des secteurs public et privé commandent un tel examen. À cet égard, le gouvernement entend favoriser des échanges soutenus avec les autorités municipales et leurs associations de salariés afin qu'ensemble et, le cas échéant, avec l'aide du gouvernement elles puissent trouver des solutions appropriées à ce problème réel. L'équité et les impératifs de saines finances publiques imposent une obligation de résultat à tous les intéressés.

De plus, nous sommes déterminés à accélérer la mise en place de la politique de consolidation des communautés relative aux agglomérations de plus de 10 000 habitants. Pour que les instances locales puissent assumer adéquatement leurs nouvelles responsabilités, d'autres moyens devront être envisagés. Les parties concernées auront le temps d'en discuter, puisque cette réforme de la fiscalité locale n'entrera en vigueur qu'à compter du 1er janvier 1998. Les budgets des municipalités pour 1997 ne seront donc nullement affectés.

La réforme devra entraîner pour le gouvernement des économies budgétaires de 125 000 000 $ pour l'exercice 1997-1998 et de 500 000 000 $ pour l'exercice suivant. Le cadre financier est donc ferme, mais toutes les modalités peuvent être discutées et le seront dans le respect de nos interlocuteurs des collectivités locales. Mon collègue le ministère des Affaires municipales déposera bientôt un document d'orientation présentant le contexte général de la réforme proposée, les enjeux et les mesures envisagées. Il y sera prévu une démarche de consultation au cours de laquelle les élus locaux et la population en général pourront largement exprimer leurs points de vue.

Par ailleurs, on se rappellera que le gouvernement du Québec s'était engagé, en février 1994, dans une politique de réduction des taxes sur les produits du tabac de concert avec le gouvernement fédéral. Ce dernier avait réduit sa taxe de 10 $ par cartouche de 200 cigarettes, tandis que le Québec avait réduit la sienne de 11 $. En mai 1995, nous avons récupéré 0,72 $ de ce dollar supplémentaire. À compter de minuit ce soir, nous récupérerons les 0,28 $ restants.

En conclusion, M. le Président, j'insiste pour dire à quel point j'ai cherché dans ce budget à allier le plus possible, comme trait de gouvernement, les vertus d'audace, de détermination et de ténacité que requièrent des circonstances particulièrement difficiles. Ce budget est un plan d'action exigeant qui a mobilisé tout l'appareil public. Il a été rendu possible grâce au dévouement des grands serviteurs de l'État, des hommes et des femmes qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes pour nous seconder dans son élaboration.

J'aimerais remercier aussi les membres du caucus des députés ministériels pour leurs suggestions pertinentes qui ont contribué à enrichir le contenu de ce budget. Je voudrais exprimer toute ma gratitude, enfin, au premier ministre et à mes collègues du Conseil des ministres, qui n'ont jamais cessé d'afficher un parti pris pour les réformes, pour l'action et contre l'immobilisme et le laisser-aller. De cela, l'ensemble du gouvernement peut être fier. C'est un budget qui s'attaque aux vrais problèmes que vit le Québec, qui améliore notre compétitivité sans sacrifier nos idéaux de solidarité. C'est un budget qui met de l'ordre, qui prépare l'avenir et qui rehausse la crédibilité de notre État.

Tous ces travaux, longs et difficiles, sont une autre façon d'aimer notre patrie. Ce voyage vers la santé économique et financière recoupe parfaitement le cheminement vers notre destin national. C'est pourquoi je dis enfin, reprenant le vers immortel de Gaston Miron, qu'en préparant ce budget avec mes excellentes équipes «je n'ai jamais voyagé vers autre pays que toi mon pays».

Des voix: Bravo!


Motion proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement

M. Landry (Verchères): Je propose donc, M. le Président, que l'Assemblée nationale approuve la politique budgétaire du gouvernement. Merci à l'Assemblée et à vous tous et toutes, chers collègues.

Des voix: Bravo!


Commentaires de l'opposition

Le Président: Alors, M. le vice-premier ministre, votre motion est présentée. Je cède maintenant la parole à M. le député de Laporte et porte-parole de l'opposition officielle, pour ses commentaires.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, lors du budget de 1995, à quelques mois du référendum, le ministre des Finances de l'époque menaçait les Québécois d'augmenter la taxe de vente du Québec de 1 % si les Québécois votaient oui au référendum. Quelques mois plus tard, M. le Président...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: On aura compris, M. le Président...

Le Président: À ce moment-ci, ça me permet, ce petit lapsus, de demander à tous les membres de l'Assemblée autant de respect pour le député de Laporte que nous en avons eu pour le ministre des Finances.

M. Bourbeau: M. le Président, je voulais vérifier le degré d'attention des députés. Alors, menaçait d'augmenter de 1 % la TVQ si les Québécois votaient non au référendum. Le premier ministre, quelques mois plus tard, nous rassurait: Il n'est pas question, disait-il, d'augmenter de 1 % la TVQ.

Aujourd'hui, M. le Président, le ministre des Finances n'a pas respecté la promesse du premier ministre. On nous annonce une hausse de 1 % de la taxe de vente du Québec, laquelle, nous dit-on, est une des moins élevées au Canada. M. le Président, ce qu'on ne dit pas, c'est qu'ailleurs au Canada la taxe de vente ne porte que sur les biens et non pas sur les services. Au Québec, elle porte à la fois sur les biens et sur les services, ce qui veut dire que son champ d'action est à peu près deux fois plus étendu que dans les autres provinces. Les Maritimes verront bientôt leur taxe harmonisée, mais là on baissera les taux.

M. le Président, on nous annonce également une pseudoréforme fiscale, laquelle, nous dit-on, se fera à coûts nuls. C'est-à-dire que la hausse de la TVQ qu'on nous annonce serait contrebalancée par une baisse des impôts des particuliers. Voyons ce qu'il en est et voyons la face cachée de cette annonce.

M. le Président, est-ce que cette réforme-là se fait à coûts nuls? Voyons voir ce qu'en pensent certaines catégories de citoyens. Qu'en pensent, par exemple, les propriétaires et les locataires du Québec. La taxe municipale sera augmentée, je peux en faire l'annonce, à compter de minuit ce soir, à compter... en tous les cas, d'ici quelque temps.

(17 h 40)

Le gouvernement a, au cours des derniers mois, transféré aux municipalités beaucoup de responsabilités. Avec les transferts d'aujourd'hui, on estime à peu près à 450 000 000 $ les sommes d'argent transférées aux municipalités, et on nous en promet un autre 500 000 000 $ pour l'an prochain, c'est-à-dire que les municipalités du Québec – et donc les citoyens, les locataires, les propriétaires – devront absorber l'équivalent de presque 1 000 000 000 $ d'augmentation de taxes foncières au cours de la prochaine année ou des deux prochaines années. Taxes scolaires, M. le Président. Avec le budget de ce soir, on en est à peu près à 220 000 000 $ de plus à imposer aussi évidemment aux locataires et aux propriétaires.

M. le Président, qu'en pensent également les automobilistes? Qu'en pensent les automobilistes? Avec les annonces de ce soir plus celles des derniers mois, on en est à peu près à 150 000 000 $ de plus payables par les automobilistes, principalement au titre de l'immatriculation. Il ne faut pas oublier non plus les tarifs d'électricité qu'on a augmenté de 2,5 %, alors que le coût de la vie n'augmente que de 1,6 %.

Qu'en pensent les personnes âgées, à qui on a imposé un régime d'assurance-médicaments qui leur coûte 200 000 000 $ à peu près? Et elles savent maintenant de quoi ça retourne, depuis quelques mois. Dans son budget de l'an dernier, le ministre des Finances avait placé en sourdine des augmentations d'impôts pour cette année à l'égard des personnes âgées. Elles viennent maintenant en vigueur à partir du 1er avril: 82 000 000 $ de plus pour les personnes âgées, en raison de l'abolition de crédits d'impôt en raison d'âge, crédits d'impôt pour les personnes vivant seules, crédits d'impôt pour les revenus de retraite et pour l'aide fiscale à la retraite; 82 000 000 $ pour les personnes âgées, qui s'ajoutent aux 200 000 000 $ du programme de médicaments, donc à peu près 282 000 000 $ pour les personnes âgées.

M. le Président, qu'en pensent également les entreprises québécoises, à qui on avait imposé 500 000 000 $ de taxes sur la masse salariale en leur disant: Nous vous rembourserons ça l'an prochain dans le budget? Et le remboursement maintenant est déplacé, retardé sine die. Qu'en pensent également les entreprises et les syndicats, les associations professionnelles, les associations artistiques, à l'égard desquelles la déduction fiscale à laquelle elles avaient droit a été transformée en crédit d'impôt dans le budget de l'an dernier? Et ça vient maintenant en vigueur cette année, un coût additionnel de 17 000 000 $ pour ces associations-là.

Le ministre des Finances a cité la Commission sur la fiscalité et il semble avoir oublié qu'une des recommandations les plus importantes, c'est la recommandation 10 qui disait que le gouvernement ne devait pas augmenter le fardeau fiscal des municipalités, qui, comme on le sait, est plus important que celui de l'Ontario, dans une proportion de près de 30 %. Le ministre, manifestement, n'a pas tenu compte de cette recommandation-là de la Commission.

En bref, on le voit, avec toute cette montagne de taxes que le gouvernement a imposées aux Québécois depuis quelques mois et ce soir également, le gouvernement écrase les Québécois sous les taxes et promet des baisses pour plus tard, pour l'an prochain, semble-t-il, ou les années subséquentes. Et le gouvernement vient maintenant supplier les entreprises québécoises de créer des emplois. C'est ça dont il a été question dans le présent budget. Et pourtant, en matière d'emplois, ce gouvernement-là a un triste bilan, très triste bilan. Il est incapable, semble-t-il, de créer des emplois.

Dans le budget de l'an dernier, le ministre des Finances avait annoncé la création de 45 000 nouveaux emplois. Ce chiffre fut revu à la baisse au mois d'octobre: 29 000 nouveaux emplois, nous disait-on à ce moment-là, plutôt que 45 000. Ce soir, le ministre des Finances, tout confus, nous annonce que finalement ce ne sera que 8 500 emplois créés l'an dernier, c'est-à-dire à peu près 7 % de tous les emplois créés au Canada; c'est ce que nous avons créé au Québec. M. le Président, on nous dit maintenant que, pour l'an prochain, ce sera mieux, on créera 25 000 nouveaux emplois au Québec, ce qui est très modeste, quand on sait que, sous l'administration libérale – la dernière – nous avons créé 77 000 emplois en 1994, sous l'administration du premier ministre Johnson, bien sûr.

M. le Président, comment peut-on croire les chiffres du ministre des Finances en matière de création d'emplois, puisque ce gouvernement-là est incapable de créer des emplois, on le voit? La raison pour laquelle ce gouvernement-là n'est pas capable de créer des emplois, c'est qu'il fait le maximum pour faire fuir les emplois; ça, c'est bien clair dans l'esprit de tous ceux qui surveillent le monde des affaires le moindrement.

Pourquoi donc le gouvernement est-il obligé d'imposer tant de nouveaux impôts et tant de nouvelles taxes? Pourquoi l'économie du Québec est-elle incapable de générer davantage de nouveaux revenus, puisque le gouvernement nous dit qu'il va faire tout le travail sur les dépenses? Pourquoi le rendement prévu des impôts et des taxes qui existent déjà est-il à la baisse, tel qu'on l'a vu en octobre dernier lorsque le ministre des Finances a réduit ses prévisions de revenus autonomes de 355 000 000 $? La réponse est toute simple, l'économie du Québec est malade. Parce que le gouvernement est incapable de la guérir et de créer des emplois générateurs de nouveaux revenus. En ayant recours à de nouveaux impôts, de nouvelles taxes et de nouveaux tarifs, le gouvernement étouffe l'économie du Québec et nuit à la création d'emplois. Et en menaçant les Québécois d'un autre référendum, le gouvernement maintient l'incertitude, maintient l'insécurité, ce qui effraie les consommateurs et nuit grandement aux investissements qui sont générateurs d'emplois. De sorte qu'on peut affirmer, comme la plupart des gens d'affaires, que trop d'impôts tuent l'emploi et que l'option du Parti québécois aussi tue l'emploi.

Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que le Québec n'ait créé que 7 % des emplois créés au Canada l'an dernier, d'où le manque à gagner du gouvernement au chapitre de ses revenus et d'où sa décision d'augmenter de nouveau les impôts, les tarifs et les taxes des Québécois. C'est là un cercle vicieux d'où le gouvernement semble incapable de s'extirper, puisqu'il ne peut relancer l'économie génératrice d'emplois.

M. le Président, je termine en disant que, si le gouvernement n'avait pas gaspillé près de 1 000 000 000 $ en cadeaux préréférendaires à ses fonctionnaires, à la veille du référendum de 1995, et s'il nous débarrassait de ses menaces de tenir un autre référendum, nous n'en serions pas là. Un gouvernement du Parti libéral, en tout les cas, n'en serait pas là.

Des voix: ...

M. Bourbeau: Il aurait maintenu la loi 102. Il aurait continué sur la lancée économique de 1994, la dernière année du gouvernement libéral, où furent créés 77 000 nouveaux emplois dans une économie en pleine expansion.

M. le Président, je conclus; je pense que vous avez donné une certaine liberté tout à l'heure au ministre. Avec un gouvernement du Parti libéral, nous n'en serions pas là, puisque l'économie continuerait à générer des revenus, les dépenses salariales du gouvernement n'auraient pas été amputées de 1 000 000 000 $ et le gouvernement pourrait réduire son déficit à zéro, tel que nous l'avions proposé en 1994, sans hausser les impôts, sans hausser les taxes et sans hausser les tarifs, tel qu'a choisi de le faire le ministre des Finances. Le gouvernement aurait pu faire autrement et épargner aux Québécois tant de souffrances. En tentant d'acheter le vote de ses fonctionnaires en 1995, en y engloutissant 1 000 000 000 $, le gouvernement a décidé de sacrifier l'intérêt des Québécois sur l'autel de son option séparatiste. La devise du Québec, c'est «Je me souviens». Les Québécois s'en souviendront.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mercredi 26 mars 1997, à 10 heures.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Alors, je demanderais aux députés d'attendre, comme le prévoit le règlement, avant de quitter l'enceinte.

(Fin de la séance à 17 h 50)


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