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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 29 mai 1997 - Vol. 35 N° 108

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Table des matières

Présence de l'ambassadeur de la République du Bénin, M. Léopold-David Gnahoui, et du consul général de la République de Colombie à Montréal, M. Fabio Avella

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Présence de l'ambassadeur de la République du Bénin, M. Léopold-David Gnahoui, et du consul général de la République de Colombie à Montréal, M. Fabio Avella

Alors, nous avons aujourd'hui des invités de marque dans les tribunes. J'ai d'abord le grand plaisir de souligner la présence de l'ambassadeur de la République du Bénin, Son Excellence M. Léopold-David Gnahoui. J'ai aussi le grand plaisir de souligner la présence du consul général de la République de Colombie à Montréal, M. Fabio Avella.


Affaires courantes

Aux affaires courantes, déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article b de notre feuilleton.


Projet de loi n° 254

Le Président: À l'article b du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 254, Loi concernant Trust Bonaventure inc. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé, et je dépose ce rapport.

Alors, est-ce que l'Assemblée accepte... En fait, M. le député de Laporte, d'abord, présente le projet de loi d'intérêt privé n° 254, Loi concernant Trust Bonaventure inc.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques et que le ministre des Finances en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: La motion est adoptée? Adopté.

Il n'y a pas de dépôt de documents.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission de la culture et député de Lévis.


Étude détaillée du projet de loi n° 40

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de la culture qui a siégé les 25, 26 et 27 mars, 15 avril, 7, 8, 13, 14, 15, 27 et 28 mai 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, le rapport de la commission de la culture est déposé. M. le président de la commission des finances publiques et député d'Arthabaska.


Étude détaillée des projets de loi nos 95, 57 et 120

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je dépose le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé le 28 mai 1997 afin de procéder à l'étude détaillée de trois projets de loi: le premier, le projet de loi n° 95, Loi instituant le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail, et la commission a adopté le projet de loi avec des amendements; le deuxième, le projet de loi n° 57, Loi modifiant la Loi sur les fabriques et d'autres dispositions législatives, le projet de loi a été également adopté avec des amendements; et, le troisième, le projet de loi n° 120, Loi modifiant la Loi sur l'inspecteur général des institutions financières et d'autres dispositions législatives, également, ce projet de loi a été adopté avec un amendement.

Le Président: Alors, merci, M. le président de la commission des finances publiques. Les rapports de la commission sont déposés.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Jacques-Cartier.


Cesser toute action visant à réformer ou éliminer les garderies privées

M. Kelley: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 2 000 pétitionnaires de différentes régions du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le législateur québécois croit en l'existence d'un réseau témoin, empêchant ainsi d'accorder un statut de monopole au secteur public;

«Considérant qu'il en coûte annuellement à l'État 141 $ par enfant dans une garderie privée et 1 191 $ par enfant dans une garderie sans but lucratif;

«Considérant le droit au libre choix des parents et au libre accès de nos enfants au secteur privé;

«Considérant les 20 000 familles utilisatrices du système des garderies privées au Québec;

«Considérant que le secteur des garderies privées est créateur de 4 000 emplois au Québec;

«Considérant la nécessité d'une réduction des dépenses dans les finances publiques;

«Considérant que le secteur privé occupe à lui seul 40 % du réseau actuel, donc plus de 400 garderies au Québec;

«Considérant que le réseau des garderies privées du Québec est un service public qui doit être rendu accessible à tous les citoyens;

«Considérant que le secteur privé est un partenaire de premier ordre dans le système d'éducation national et qu'il offre des services éducatifs de qualité à tous les enfants du Québec;

«Considérant que les droits en éducation appartiennent d'abord à la population et non à l'État:

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, prions l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du gouvernement afin qu'il cesse toute action entreprise dans le but de réformer et d'éliminer la présence des garderies privées du réseau actuel dans le milieu des services à la petite enfance.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Cette pétition est déposée. M. le député de Richmond.


Rattacher les MRC d'Arthabaska et de Drummond au territoire de la nouvelle commission scolaire anglophone des Cantons-de-l'Est

M. Vallières: Oui, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 2 218 pétitionnaires provenant de la communauté anglophone des comtés d'Arthabaska, Drummond, Johnson et Richmond.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que, le 24 mars 1997, la ministre de l'Éducation a proposé de fusionner une partie des territoires de la commission scolaire Eastern Townships et de la commission scolaire du District de Bedford et de créer une nouvelle commission scolaire anglophone à compter du 1er juillet 1998;

(10 h 10)

«Considérant que la ministre de l'Éducation a proposé que le territoire de la commission scolaire Eastern Townships soit modifié afin de placer les municipalités régionales de comté d'Arthabaska et de Drummond sous la juridiction d'une "nouvelle" commission scolaire pour la région de l'Est du Québec;

«Considérant que, traditionnellement, la population anglophone de ces deux MRC fait partie du territoire de la commission scolaire Eastern Townships;

«Considérant que les membres de la communauté anglophone des MRC d'Arthabaska et de Drummond ont été des participants actifs du réseau scolaire de la commission scolaire Eastern Townships;

«Considérant que les membres de la communauté anglophone des MRC d'Arthabaska et de Drummond s'identifient comme faisant partie de la région historique des Cantons-de-l'Est;

«Considérant que la population anglophone des MRC d'Arthabaska et de Drummond est étroitement liée à la région de Sherbrooke dans les domaines des services de santé, de l'éducation, des activités culturelles, des activités communautaires et du milieu des affaires;

«L'intervention réclamée se résume ainsi, M. le Président:

«En conséquence, nous, les soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès de la ministre de l'Éducation afin de s'assurer que les MRC d'Arthabaska et de Drummond soient désignées comme faisant partie du territoire de la "nouvelle" commission scolaire anglophone pour la région des Cantons-de-l'Est.»

Je certifie que ce extrait est conforme à une partie de l'original de la pétition.

Le Président: Merci, M. le député de Richmond. Dans la précipitation, j'ai pris pour acquis qu'il y avait consentement pour permettre cette pétition non conforme. Alors, M. le leader du gouvernement m'indique qu'il y avait effectivement consentement. M. le député de Masson, maintenant.

M. Blais: Moi aussi, j'ai une pétition non conforme et je voudrais la... Merci beaucoup, M. le Président.


Demander à la reine Élisabeth II de renoncer à sa représentation par un lieutenant-gouverneur au Québec

Je dépose l'extrait d'une pétition signée par 11 474 citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que nous ne voulons plus d'un représentant de la reine au Québec;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à Sa Majesté la reine Élisabeth II d'Angleterre de renoncer à un représentant de Sa Majesté en la personne d'un lieutenant-gouverneur au Québec.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. M. le député de Rousseau.

M. Brien: Merci, M. le Président. Je demande aussi le consentement de la Chambre pour déposer une pétition non conforme à nos règlements.

Le Président: Alors, il y a consentement.


Maintenir la maternelle mi-temps et octroyer les budgets nécessaires pour ce faire

M. Brien: Merci. Je dépose l'extrait d'une pétition signée par 109 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du comté de Rousseau, dont 22 pétitionnaires sont de la région des Laurentides.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le Québec est une société démocratique;

«Considérant que les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants;

«Considérant que le projet de maternelle temps plein cinq ans ne convient pas à tous les enfants et à tous les parents;

«Considérant que lors des états généraux sur l'éducation la Fédération des comités de parents du Québec n'a pas demandé la maternelle temps plein, mais a plutôt réclamé la maternelle mi-temps;

«Considérant que la maternelle mi-temps existante répond au choix spécifique de la moitié des parents du Québec émis lors des sondages des commissions scolaires;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale: de maintenir telle qu'elle existe présentement la maternelle mi-temps, tout en offrant la maternelle temps plein à la demande des parents; de confier aux commissions scolaires et aux milieux-écoles le pouvoir et les budgets nécessaires pour répondre adéquatement à cette requête.»

Je certifie que cet extrait est conforme à une partie de l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est également déposée.

Il n'y a pas d'interventions, aujourd'hui, portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période des questions et réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de M. le ministre d'État à la Métropole proposant que le principe du projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole, soit adopté.


Questions et réponses orales

Nous en arrivons maintenant à la période des questions et des réponses orales. M. le leader de l'opposition officielle.


Patients en attente de chirurgie

M. Paradis: Oui, M. le Président. La semaine dernière, le Curateur public, le président de la Commission des droits de la personne et le Protecteur du citoyen ajoutaient leur voix aux médecins, infirmiers et infirmières, pharmaciens, intervenants du réseau de la santé, comités de malades, pour dénoncer des situations inacceptables et inhumaines dans le réseau de la santé. Le bureaucrate technocrate ministre de la Santé répond à tous ces intervenants qu'ils ont tort, que le régime de santé se porte bien, et ajoute même qu'ils auront à absorber des coupures additionnelles au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Aux patients souffrant de cancer et qui attendent plus de trois mois pour des traitements en radiothérapie, il leur répond de ne pas s'inquiéter parce que, dans son plan, il les a programmés.

Aujourd'hui, M. le Président, un important quotidien québécois titrait à la une: Coincés à l'hôpital par les coupures, 58 jours en otages . Vous me permettrez, M. le Président, de citer brièvement quelques extraits de cet article. Des cardiaques en attente crient leur détresse . «Les services de chirurgie cardiaque sont tellement congestionnés dans les grands hôpitaux montréalais que des malades en attente – dans certains cas, depuis plus de 58 jours – ont lancé un appel de détresse. "On joue avec notre coeur et notre vie", ont-ils crié. C'est la femme de l'un des patients, Hélène Racicot, qui s'est levée hier et a parlé pour ces malades. André Martineau attend sa chirurgie depuis 28 jours, Fernand Lessard, 58 jours, et François Turcotte, 28 jours. Ils se sont fait dire par les chirurgiens cardiaques débordés de l'hôpital Notre-Dame, qui doivent les opérer, qu'ils pourraient devoir attendre encore cinq à sept semaines. Après leur crise cardiaque, ces gens auraient dû être opérés, idéalement, dans un délai de 48 à 72 heures. Des patients attendent également dans l'ensemble des centres hospitaliers pour des chirurgies cardiaques. Ça se passe à Joliette, ça se passe à Saint-Hyacinthe, ça se passe à Saint-Jean d'Iberville, ça se passe dans l'ensemble des capitales régionales au Québec.»

Aujourd'hui, M. le Président, Mme Racicot demande au premier ministre d'intervenir. Elle lui lance ce cri du coeur au nom de ces patients qui sont en détresse. Et la question est très simple: Ces patients se demandent s'ils avaient rendez-vous avec la mort ou avec un chirurgien. Que leur répond le premier ministre?

Le Président: M. ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Bon. Alors, M. le Président, devant encore ce genre d'intervention un peu démagogique, je veux d'abord dire que je comprends très bien l'inquiétude et l'anxiété qui peuvent être celles de gens qui attendent pour une chirurgie de façon générale et plus spécialement pour une chirurgie cardiaque, bien sûr, de même que l'anxiété de leurs proches et de leur famille. Je comprends très bien ça. Tout ce qui peut être fait pour continuer à améliorer l'efficacité de nos services, continuer à diminuer les temps d'attente, on y travaille et on y arrive progressivement.

Maintenant, ceci dit, je pense qu'il faut faire attention pour ne pas non plus exagérer les causes de la situation actuelle. À la suite de cette publication ce matin, j'ai fait vérifier un certain nombre d'informations pour l'ensemble du Grand Montréal, et on me dit qu'il y a présentement exactement 72 personnes qui attendent une chirurgie cardiaque. Elles sont sur des listes d'attente. On me dit, par ailleurs, que les cas urgents sont toujours faits immédiatement, qu'il n'y a pas d'attente pour les cas urgents. Parmi les 72 patients, il y en a 15 qui sont au pavillon Notre-Dame du Centre hospitalier de l'Université de Montréal.

La principale difficulté – le CHUM est conscient de ça, il travaille avec les régies régionales et avec les équipes du ministère – n'est pas, comme on dit dans l'article, un marasme du système de santé. Elle est reliée à une pénurie, présentement, d'anesthésistes, surtout des anesthésistes qui sont disponibles pour des interventions pour des patients qui ont ce qu'on appelle des pathologies multiples, où la situation est plus complexe. C'est là qu'est la grande difficulté. Il s'agit qu'il y ait un élément, dans toute la chaîne des services qui doivent opérer pour faire une intervention, qui a une faiblesse pour que l'engorgement se fasse sur les listes d'attente et qu'on ait plus de monde en attente.

Alors, moi, j'invite tous ceux qui sont impliqués et qui peuvent apporter une solution là-dedans à se joindre, si ce n'est pas déjà le cas, spécialement les médecins de l'établissement, à la régie régionale, à nos équipes techniques, aux associations professionnelles pour qu'on règle la situation.

Maintenant, il y a un problème particulier, mais il ne faut pas en faire un problème de tout le système de santé. Là, ça serait une grossière exagération.

(10 h 20)

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président, que répond le premier ministre au médecin qui déclare – contrairement à ce que vient de dire le ministre en Chambre, je suis obligé de prendre sa parole en Chambre – que 980 malades sont en attente d'une chirurgie cardiaque? La moyenne d'attente est de six mois. En sept mois, il y a eu une augmentation de 420 malades. Est-ce que lui aussi trouve que ça va bien?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Les chiffres qu'on vient de citer sont exacts, selon l'information que j'ai; maintenant, ce sont les chiffres de juin 1996. Ce qu'on me dit ce matin, c'est que, depuis lors, il a commencé à y avoir une amélioration qu'on est en train de vérifier. On aurait commencé à rabaisser la liste totale pour tout le Québec plus vers le 900 que ce qui était le 980. Donc, c'est vrai, il y a eu une augmentation du nombre de patients; par contre, le temps d'attente est demeuré stable, un peu moins de six mois. Ce temps d'attente est stable depuis plus d'un an. Le nombre de patients a augmenté et on connaît très bien le problème: il nous faut surtout une plus grande disponibilité d'anesthésistes, surtout pour les cas plus graves, et les gens travaillent à ce problème-là.

Alors, tout ce que je veux bien confirmer, M. le Président: il y a une difficulté, il y a place à de l'amélioration, les gens travaillent pour apporter l'amélioration, et la situation a déjà commencé à s'améliorer un peu. Donc, il y a quelque chose à faire là qui se fait présentement, mais il faut qu'on arrête de faire ce qui est un petit peu du jaunisme, je pense, de lancer des drames généralisés à partir d'une difficulté réelle mais qui ne donne pas le ton pour tout le système de santé.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Ces patients, M. le Président, et ces conjoints font du jaunisme, sont des démagogues. Que répond le premier ministre maintenant au Dr Normand Poirier, qui s'exprimait comme suit dans le même journal ce matin, et je le cite: «Le ministre – je n'ai pas le droit de mentionner son nom – de la Santé, le bureaucrate, se met le doigt dans l'oeil jusqu'au coude et ment lorsqu'il dit que les coupures n'affectent pas les services»?

Le Président: Vous savez très bien que, même si on cite un texte, on ne peut pas utiliser un texte pour faire indirectement ce qui ne nous est pas permis de faire directement.

M. Paradis: Très bien, M. le Président, je me rends à votre décision. Je vais donc remplacer le mot, pour qu'on se comprenne bien. C'est ça qui était écrit; moi, je l'ai lu. Je vais remplacer le mot par «mythomane». «Le ministre Jean Rochon, le bureaucrate, se met le doigt dans l'oeil jusqu'au coude et "est un mythomane" lorsqu'il dit que les coupures n'affectent pas les services.»

Le Président: Je pense, M. le leader de l'opposition officielle, que, pour faire la citation que vous avez à faire... Nos règles de procédure nous imposent un certain nombre de restrictions et, à cet égard là, je vous demanderais de ne pas, encore une fois, faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement et de ne pas soulever de débats inutiles à cet égard-là.

M. Paradis: En retirant mes paroles, mais sans retirer les paroles du docteur parce que, lui, il n'est pas lié par le même règlement que nous, M. le Président. En parlant du ministre: «"Lui est en haut et les malades souffrent en bas et ne peuvent être opérés", affirme d'un ton catégorique le Dr Normand Poirier, chef de la chirurgie cardiaque au pavillon Notre-Dame. Le spécialiste se dit désespéré, comme plusieurs de ses collègues, de la situation dans les hôpitaux. "Ces pauvres patients cardiaques de Saint-Jean doivent attendre, ainsi que d'autres de Joliette, de Saint-Hyacinthe et d'autres villes régionales, car même nos patients de Notre-Dame sont dans des lits sur nos étages et ne peuvent être opérés. Certains de nos malades attendent huit mois et plus."»

Est-ce que le premier ministre croit encore son ministre de la Santé ou est-ce qu'il va croire les patients, leur conjoint, leur famille et les spécialistes de la santé?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, je ne sais pas si ça va être une nouvelle pour le Dr Poirier qu'on vient de citer, mais lui, comme tout le monde au Québec, doit savoir que le ministre ne travaille pas sur ces problèmes-là seul, mais avec des experts et avec d'autres spécialistes au niveau de l'ensemble du Québec et au niveau de la région de Montréal, et je pense que, si le chef du département de chirurgie cardiaque veut vraiment aider... Si ce n'est pas le cas, il devrait plutôt se joindre aux experts qui travaillent et qui informent le ministre, parce que, quand il dit ça, c'est grave. S'il dit que le ministre ne dit pas la vérité quand il donne l'information, moi, je travaille sur la base d'experts qui nous montent des dossiers. Alors, il y a pas mal de monde qui se tromperait, et là on a peut-être affaire à celui qui est le seul à avoir le pas dans le régiment, et je voudrais bien qu'on vérifie les choses avant.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Peut-être que le seul qui a le pas, c'est le ministre de la Santé.

Le Président: Encore une fois, je vous inviterais, M. le leader... Vous êtes en complémentaire, allez directement à votre question.

M. Paradis: M. le Président, encore une fois au premier ministre qui aurait peut-être avantage à regarder de plus près le fonctionnement des blocs opératoire plutôt que du Bloc québécois...

Une voix: C'est ça!

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je comprends, le leader de l'opposition, son chef n'est pas là, il va en profiter un peu, mais il faut quand même qu'il respecte le règlement. Il est en question complémentaire.

Le Président: En complémentaire, M. le leader du gouvernement.

M. Paradis: Oui. M. le Président, devant l'insensibilité du ministre de la Santé, est-ce que le premier ministre, qui a déjà vécu une situation personnelle difficile, peut s'impliquer, lui, dans ce dossier, lui qui avait déclaré à l'Assemblée nationale que les services ne seraient pas touchés, que les patients ne seraient pas touchés, que seulement les structures seraient touchées? Est-ce qu'il peut se lever, aujourd'hui, à l'Assemblée nationale du Québec et donner les outils nécessaires au système de santé pour que les cancéreux et les cardiaques cessent de s'ajouter sur les listes d'attente au Québec?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je pense que la population souhaite que l'opposition cesse de faire de la politique avec la santé, cesse de faire de la petite politique démagogique avec la santé et avec les cas personnels des autres. Nous avons, M. le Président, à la tête du ministère de la Santé un ministre d'une compétence, d'un dévouement et d'une intégrité professionnelle sans précédent. Nous sommes en train...

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Nous l'avons entendu affirmer en cette Chambre que les cas urgents sont traités immédiatement. Nous savons qu'il y a une liste d'attente. Nous le savons maintenant parce que c'est nous, c'est le gouvernement actuel, et c'est lui, le ministre actuel, qui avons commencé à la dresser cette liste qui permet de suivre l'évolution des soins de santé. Nous savons que les soins de santé au Québec sont d'une très grande qualité. Qu'il y ait des anxiétés, des angoisses qui s'expriment, c'est normal, puis nous sympathisons tous avec ces cas-là, c'est entendu. Mais le ministre nous assure que toutes les ressources sont mises à la disposition, que toutes les ressources du ministère et du système sont maintenant mises en oeuvre pour pallier à cette difficulté particulière qu'on vient de mentionner et qui est reliée – c'est le ministre qui nous l'a dit – à la principale cause comme étant le fait qu'ils ne disposent pas présentement dans cet hôpital d'autant de disponibilité d'anesthésistes qu'il le faudrait, que maintenant les gens sont mobilisés et que les efforts sont tous déployés pour redresser la situation.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Comment le premier ministre peut-il être plus insensible que son prédécesseur, M. Jacques Parizeau, qui dénonçait, à l'occasion de la dernière élection générale au Québec, qu'il était intolérable que 30 000 personnes, au Québec, soient en attente d'une hospitalisation, dont 14 000 pour une intervention chirurgicale, alors que, suivant les chiffres donnés en cette Chambre par le ministre de la Santé, il y en a plus de 70 000 présentement? Comment peut-il être plus insensible que Jacques Parizeau qui a dénoncé cette situation?

(10 h 30)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, c'était avant qu'on connaisse exactement le niveau des listes d'attente réel. À l'époque des libéraux, ils procédaient par des sondages hebdomadaires auprès des chirurgiens pour savoir quel était le niveau des attentes. Le gouvernement a voulu se doter et doter la population d'un indicateur objectif qui est une liste d'attente réelle à laquelle on peut référer. Et j'invite l'opposition à coopérer avec le gouvernement pour maintenir la qualité des soins et faire en sorte de ne pas énerver et de ne pas inquiéter les gens inutilement.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Est-ce que Mme Racicot et les patients qui sont pris en otages présentement, en attente, doivent comprendre de la réponse du premier ministre que rien ne sera fait pour leur venir en aide, qu'un patient du Lac-Saint-Jean qui est hospitalisé présentement à l'hôpital de Saint-Jean-sur-Richelieu, qui est en attente lui aussi, devra se satisfaire de la réponse du premier ministre et des compressions de son technocrate ministre de la Santé?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, je ne peux que redire ce que j'ai déjà donné comme information. Un, le temps d'attente depuis plus d'une année pour les interventions en chirurgie cardiaque n'a pas augmenté. Il est d'un peu moins de six mois, et c'est ce que le journal dit, d'ailleurs. Les statistiques que j'ai sont à l'effet que c'est moins de six mois. Il y a eu une augmentation de personnes en attente, sauf les urgences, qu'on me confirme, qui sont faites en urgence. Il y a eu une augmentation du nombre de personnes en attente, effectivement, mais ce n'est pas à cause, comme on dit dans le journal – parce que je l'ai lu rapidement ce matin – d'un marasme ou d'un problème de tout le système de santé. Les difficultés sont connues et c'est surtout relié, me confirme-t-on ce matin, après vérification sur le terrain, aux anesthésistes. On manque d'anesthésistes, surtout pour les interventions de patients qui ont des pathologies multiples. Je n'ai pas à promettre qu'on va s'en occuper, on s'en occupe déjà. Il y a des équipes techniques, au niveau de la régie, du ministère et des établissements... J'invite prestement les médecins de l'hôpital à travailler de près avec leurs collègues, au niveau de Montréal, avec la régie, parce que les gens travaillent fort là-dessus, et, à ça aussi, on va trouver une solution.

Je comprends très bien l'anxiété, surtout, que ce genre de publication dans un journal peut faire, mais je veux que la population réalise qu'elle n'est pas dans une situation qui est incontrôlée et incontrôlable. Il y a une difficulté, on la connaît, la difficulté, et des gens compétents travaillent pour le régler, le problème, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Paradis: M. le Président, est-ce que le premier ministre est d'accord que des cas de crises cardiaques, qui doivent être traités dans un délai maximum de 48 à 72 heures, attendent 58 jours, au Québec, pour être traités?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, à moins qu'on vienne me prouver que tous ceux qui me donnent l'information, à partir du terrain jusqu'au ministère, qui sont des gens qui connaissent le secteur aussi, techniquement, des gens qui connaissent la situation et qu'on me confirme que les cas urgents sont opérés, malgré le fait que c'est impossible... Il faut comprendre qu'on ne peut pas inventer des anesthésistes de plus. Il faut les trouver. Il faut réorganiser le travail avec l'ensemble des anesthésistes d'une région pour qu'ils soient disponibles. Il y en a, une solution, mais il faut qu'il y ait de la collaboration de tout ce monde-là qui est impliqué pour régler le problème. Ça, ce n'est pas un coup de baguette magique qui va le régler. Alors, il y a une difficulté. Ça peut être amélioré, ça va l'être, et ça va l'être encore plus vite si tout le monde, au lieu de faire des conférences de presse, travaille pour régler le problème avec ceux qui peuvent le régler, M. le Président.

Le Président: M. le député de Lévis, en complémentaire.

M. Garon: M. le Président, est-ce que le ministre de la Santé peut ou pourra autoriser d'autres hôpitaux qui en font la demande depuis longtemps, comme l'Hôtel-Dieu de Lévis, de pouvoir poser des simulateurs cardiaques, justement? Parce que, actuellement, c'est l'entonnoir à l'hôpital Laval. On accepte d'abord ceux qui sont hospitalisés et on oblige d'autres hôpitaux à hospitaliser des gens qui attendent, à quelques centaines de dollars par jour, d'être acceptés à l'hôpital Laval.

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Alors, M. le Président, le député de Lévis est gentil de me permettre de redire publiquement ce que je lui ai déjà donné comme information. Effectivement, dans les domaines d'interventions plus spécialisées, de plus en plus, à partir des hôpitaux universitaires et des instituts universitaires, le travail se développe en réseau. On établit des pôles dans d'autres régions pour qu'ils puissent rendre les différents services plus accessibles, plus rapidement aux personnes. Alors, le député de Lévis a retenu la solution, sait que ça s'en vient. Je le comprends de souhaiter que ça vienne le plus vite possible, et je peux l'assurer qu'on va tout faire pour que ce réseau-là se développe dans les meilleurs délais.

Le Président: M. le député de Mont-Royal, en principale.


Débat sur l'exportation de l'eau potable

M. Ciaccia: Au premier ministre, M. le Président. Reconnaissant que l'eau est l'une de nos plus grandes richesses, le premier ministre du Québec, en 1968, M. Daniel Johnson, a mandaté une commission pour entre autres faire les recommandations qu'elle jugera opportun afin de permettre au gouvernement québécois de disposer d'instruments juridiques lui permettant d'entreprendre la mise en valeur systématique de son patrimoine hydrique. M. Robert Bourassa, lui, dans son livre L'Énergie du Nord , avait élaboré un projet visant à recycler et exporter l'eau du Québec. Bien qu'avant-gardistes dans leur forme, l'objectif principal de ces projets semble faire des adeptes aujourd'hui dans l'entreprise privée et, je pense, même dans le gouvernement. Même le premier ministre, M. le Président, s'est montré vivement intéressé; je crois qu'il y a des études en cours.

Certains experts prétendent que plusieurs endroits dans le monde, et même ici en Amérique du Nord, pourront connaître une pénurie d'eau dans l'avenir. Donc, aucun doute qu'il peut y avoir des exportations intéressantes, la question étant: Doit-on en exporter et en quelle quantité? Parce que la gestion d'une ressource aussi vitale que l'eau soulève bien des questions, qu'elles soient environnementales, sociales et économiques. Et tous les Québécois, ceux d'aujourd'hui et de demain, sont interpellés par ces questions.

Est-ce que le premier ministre peut nous assurer qu'un vaste débat public aura lieu sur cette question et que toutes les informations utiles seront connues des participants avant qu'il ne se tienne pour permettre des choix vraiment éclairés? Et est-ce que le premier ministre peut nous assurer que le débat ne sera pas limité à un symposium, tel qu'on en entend parler, mais que peut-être il pourra même envisager une commission parlementaire itinérante afin que nous puissions avoir un vrai débat public?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le député a raison de mentionner que la question de l'eau soulève beaucoup d'intérêt actuellement pour toutes sortes de raisons, notamment plusieurs qu'il a énumérées. C'est un fait qu'au Québec en particulier nous sommes bénis par la qualité et la quantité extraordinaire d'eau potable que nous avons. Il y a beaucoup de travaux qu'il faut faire maintenant parce que nous nous rendons compte que... On s'est intéressé à l'eau, bien sûr, on a légiféré par rapport à l'eau, mais, à la pièce, au hasard des différentes lois qui ont été adoptées dans différents secteurs. Il n'y a jamais eu, de la part d'un gouvernement du Québec – puis, ce n'est pas un blâme que je fais à personne parce que, à l'époque, ce n'était pas un débat très actuel – un débat qui traite d'une démarche globale par rapport à l'eau, d'une législation qui va définir l'encadrement juridique et qui va regarder l'eau sous l'angle du maintien de sa qualité, de la protection, par exemple, des eaux souterraines, qui est une question très importante qui se soulève maintenant, et qui va examiner également la question de l'eau par rapport au développement économique, parce qu'il y a un lien direct à établir par rapport à cette question.

Alors, le gouvernement a mis à l'oeuvre un groupe de travail interministériel. Il a consacré une bonne partie d'un Comité des priorité récemment à la question pour entendre les premiers rapports qui sont venus. Nous avons décidé qu'il y aurait, comme l'a mentionné le député avec beaucoup d'à-propos, un symposium, donc un colloque général auquel toute la population serait conviée et que cela serait précédé de la publication de documents qui vont faire le point sur ce que nous connaissons déjà de la question de l'eau. Je ne vois pas pourquoi on limiterait le débat à un symposium; il n'y a rien qui s'oppose à ce qu'on l'élargisse. Au contraire, je crois qu'il y a intérêt à ce que ça s'élargisse. Certainement que la Chambre, l'Assemblée nationale, devrait être mêlée à la question, devrait être au centre même du débat et il y a lieu de penser à des formules comme celles qui ont été suggérées sans s'y arrêter de façon spécifique. Mais je crois, en effet, que la question est d'une importance telle qu'il faut l'examiner à fond dans un très large débat.

(10 h 40)

Pour ce qui est de l'exportation, il faut être prudent parce qu'on soulève rapidement des appréhensions. L'idée, par exemple – je crois que c'était l'idée qui avait été explorée par M. Bourassa dans son livre – d'un canal qui permettrait d'acheminer de l'eau potable du Canada aux États-Unis, c'est probablement prématuré, et ça, ça inquiète beaucoup de gens, parce que, il faut faire attention aussi, l'eau potable que nous avons, il faut d'abord la préserver pour nous. Mais, par contre, voyons dans quelle mesure on peut en exporter. Déjà, on en exporte. On sait qu'il y a des entreprises québécoises qui font beaucoup d'activités sur les marchés étrangers avec l'eau potable. Mais il faudra voir dans quelle mesure on peut aller plus loin dans cette question et il faudra toujours le faire à partir des intérêts publics, économiques et écologiques du Québec.

Le Président: M. le député.

M. Ciaccia: Est-ce que le premier ministre pourrait nous indiquer quand ce débat public pourrait commencer et, si les conclusions du débat public sont d'aller de l'avant avec l'exportation de l'eau, s'il envisage de confier la gestion de ce bien public, l'eau, à une société d'État, peut-être conjointement avec les municipalités, dans un contexte où ces dernières doivent trouver des façons innovatrices de financement, ou si le premier ministre entend confier la gestion de ce bien public au secteur privé?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Manifestement, ce débat a été amorcé de façon informelle. Il va prendre une tournure plus systématique à compter de l'automne quand nous aurons cette grande réunion où nous traiterons de la question. Ensuite, le débat se poursuivra certainement avec beaucoup d'acuité et d'intensité. Quelles seront les conclusions de ce débat? Je pense qu'il faut attendre. On va faire le débat, et le gouvernement donne l'assurance qu'aucune décision le moindrement significative par rapport à ces questions ne sera prise avant que les débats appropriés n'aient eu lieu.

Le Président: M. le député de Laurier-Dorion, en principale.


Rôle du BAPE dans l'exploitation de l'eau

M. Sirros: Oui, M. le Président. Suite à cette question, le BAPE est, dans le domaine de l'examen des impacts environnementaux, l'instrument le plus rodé, le plus expérimenté que nous ayons, et, à moins d'instaurer un mécanisme d'examen public supérieur, équivalent, par exemple, à une commission royale d'enquête, il va de soi que c'est le BAPE qui est tout désigné pour traiter d'une question aussi cruciale pour notre avenir collectif que celle de l'exploitation de l'eau.

Ma question est très courte et simple: Le ministre de l'Environnement peut-il nous assurer qu'il ne laissera pas son gouvernement mettre le BAPE de côté dans un dossier aussi stratégique que celui de l'exploitation de l'eau? Et, deuxièmement, est-ce qu'il peut nous garantir que l'examen de la question de l'exploitation des eaux souterraines, qui se fait actuellement déjà à peu près sans contrôle, fera aussi partie de cet examen du BAPE, M. le Président?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: Naturellement, le ministère de l'Environnement et de la Faune est au coeur de cette réflexion avec d'autres ministères, et l'option d'une audience publique dans le débat est sur la table au même titre que d'autres options. Et je pense que le premier ministre a été clair sur le fait qu'il n'y avait pas de volonté gouvernementale de limiter le débat, et on va l'encadrer correctement pour que le débat se fasse.

En ce qui concerne les eaux souterraines, il y a un projet de politique qui a été déposé par le ministère de l'Environnement et de la Faune en mars 1996. Suite à ce dépôt de projet de politique, plus de 100 mémoires ont été reçus par le ministère de l'Environnement et de la Faune. La compilation et l'analyse de ces mémoires sont terminées, et, aussitôt qu'on aura la compilation et la conclusion de ceci, je les acheminerai au Conseil des ministres. Mais, à court terme, avant même que cette politique ne soit confirmée, ce que je veux dire – notamment, on parle beaucoup du cas de Franklin en ce moment – c'est que, chaque fois qu'il y a une demande d'autorisation au ministère de l'Environnement et de la Faune pour le pompage d'une eau souterraine, des analyses sont faites par le ministère de l'Environnement et de la Faune pour s'assurer que ce pompage ne porte pas atteinte à la pérennité de la ressource, que le pompage de l'eau qui est prévu est égal à la capacité de la nappe compte tenu de sa recharge. Donc, il y a un projet de politique qui est en cours, qui va être déposé au Conseil des ministres au mois de juin, je l'espère, et, à court terme et ceci depuis des années, chaque fois qu'il y a des demandes de pompage, des analyses sont faites pour s'assurer que la nappe phréatique a la capacité pour fournir le pompage prévu.

M. Sirros: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Sirros: Pourquoi le ministre tente-t-il de diviser la question de l'exploitation des eaux souterraines de celle de l'exploitation de l'eau de surface? Les deux se rejoignent, M. le Président. Si on veut véritablement avoir une approche globale, comme le disait le premier ministre, comment est-ce que le ministre peut déjà acheminer au Conseil des ministres des questions sur l'eau souterraine sans consultation dans le débat global?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, ce n'est pas nous qui divisons les questions, c'est le député qui a posé une question spécifique sur l'eau souterraine; on lui a répondu. Les politiques par rapport à l'eau vont être définies de façon globale, une fois le grand débat terminé. Il n'y a pas de politique marginale qui va être mise en oeuvre avant que nous ayons un portrait global pour que nous sachions exactement quel sera le régime des eaux au Québec.

Le Président: M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Dois-je comprendre, de la part du premier ministre, qu'il contredit son ministre et que la question des eaux souterraines serait incluse dans l'examen du débat public sur l'eau, point?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il n'y a aucune contradiction. Le ministère de l'Environnement fait son travail avec diligence. Il est en train d'exécuter un mandat qui lui a été confié par rapport aux eaux souterraines. Il y a un mémoire qui viendra au Conseil et ça va faire partie de l'ensemble des décisions que le gouvernement aura à prendre une fois le grand débat terminé.

Le Président: M. le député d'Outremont, en principale.


Mission régionale de Télé-Québec

M. Laporte: M. le Président, on se souviendra qu'il y a à peine 10 mois la ministre de la Culture et des Communications annonçait à grand renfort de publicité la nouvelle vocation de Télé-Québec qui mettait l'accent sur le renforcement de sa mission régionale. La ministre annonçait donc l'ouverture de bureaux régionaux dotés d'équipes de production, munis d'une technologie de pointe. Elle y consacrait d'ailleurs un budget de 5 600 000 $.

Or, à peine 42 semaines après la décision ministérielle, nous sommes informés que 20 de ces employés de production de Télé-Québec sont congédiés, provoquant ainsi le démantèlement des bureaux régionaux. Pour comble d'ironie, M. le Président, ces employés ont appris leur congédiement par voie de télécopie, ce qui, vous en conviendrez, ne constitue pas une façon de faire acceptable au sein d'une organisation qui a le souci du bien-être de ses employés. De toute évidence, il n'y a pas qu'en santé que règne la technocratie et les technocrates.

Ma question, M. le Président, s'adresse à la ministre de la Culture et des Communications. Comment la ministre explique-t-elle pareille improvisation? Comment justifie-t-elle pareil gaspillage financier? Comment accepte-t-elle pareil abandon des régions suite à l'érosion de la mission régionale de Télé-Québec?

Le Président: Mme la ministre de la Culture et des Communications.

Mme Beaudoin: M. le Président, il faut d'abord noter que les neuf bureaux régionaux de Télé-Québec demeurent avec les mêmes coordonnateurs régionaux et des employés en place donc, incluant un cameraman-monteur dans chacune des régions. La situation est la suivante. Dans certaines régions, dont Trois-Rivières, la situation demeure la même que celle qu'elle était auparavant; en Abitibi aussi; en Outaouais aussi. En somme, neuf bureaux régionaux sont maintenus, les neuf sont maintenus de même que tous les 28 employés permanents qui sont dans les régions. Il y a effectivement un certain nombre de postes d'occasionnels et, comme les contrats arrivaient à échéance, la direction de Télé-Québec leur a annoncé la fin de leur contrat d'occasionnels. Mais les neuf bureaux régionaux demeurent et la régionalisation est toujours présente dans le mandat de Radio-Québec, en même temps que son mandat de télévision éducative et culturelle, M. le Président.

Le Président: M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. le Président, la ministre n'est-elle pas d'avis que dans le cas de régions, par exemple comme Sept-Îles, Val-d'Or et Carleton, où il restera, comme elle vient de le mentionner, du personnel sur place, du personnel de secrétariat et peut-être aussi du personnel qui n'est pas équivalent au personnel qui était là antérieurement... Comment peut-elle s'imaginer, comment peut-elle envisager, avec le personnel qui reste en place, que des régions comme Sept-Îles, Val-d'Or et Carleton, qui sont mal dotées, pourront continuer à maintenir leur mission régionale? Et comment la ministre peut-elle justifier que, pour sauver la face finalement, que pour sauver sa face elle dilapide des fonds publics, puisque ce sont finalement des coquilles vides qui sont maintenues, en abandonnant la véritable mission des régions?

(10 h 50)

Le Président: Mme la ministre.

Mme Beaudoin: M. le Président, il y aura des approches concernant les régions qui vont être développées, puisque nous maintenons justement les bureaux régionaux en place et la vocation régionale de Télé-Québec. Il y aura recours, de plus en plus, à des producteurs régionaux capables de soumettre et de réaliser des projets valables, comme ce fut le cas pour l'émission Les pays du Québec . Il y aura la captation d'événements locaux ou régionaux susceptibles d'intéresser l'ensemble des téléspectateurs, comme le Festival de jazz de Rimouski, le Festival de Lanaudière, une télé-série avec Robert Lepage sur Les sept branches de la rivière Ota . Une séance spéciale – en terminant – du conseil d'administration de Télé-Québec aura lieu le 13 juin prochain pour explorer toutes les voies de solution à cette question, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Laporte: M. le Président, la ministre ne croit-elle pas qu'après avoir dépensé 5 600 000 $ pour des équipements de production comme ceux que j'ai mentionnés tantôt Télé-Québec aurait dû faire preuve de logique en maintenant son plan de production régional et que, dans le cas contraire, la ministre aurait tout simplement dû avoir le courage politique de fermer des bureaux régionaux qui risquent maintenant de devenir des coquilles vides, puisque les employés – et on m'en informe par téléphone – qui y demeureront dans bien des cas n'auront rien d'autre à faire qu'à se tourner les pouces en attendant leur chèque de paie?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Beaudoin: M. le Président, je m'engage à défendre la présence et l'existence des bureaux régionaux contre les attaques de l'opposition.

Le Président: M. le député.

M. Laporte: Elle peut s'engager verbalement à faire ce qu'elle voudra, mais il n'en reste pas moins que les...

Le Président: Bien. M. le député d'Outremont, en complémentaire.

M. Laporte: M. le Président, je constate qu'il n'y a pas seulement le président de la commission... M. le Président, qu'est-ce que la ministre a l'intention de faire pour ces 26 personnes qui nous appellent, qui ne sont défendues ni par la direction de Télé-Québec ni par leur syndicat, mais qui sont néanmoins mises à pied par la décision qu'elle a prise? Merci, M. le Président.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Beaudoin: M. le Président, je rappelle que c'est le Parti libéral, quand il était au gouvernement, qui a fermé les bureaux régionaux de Télé-Québec et qu'il voudrait les refermer, si j'entends le député d'Outremont. Alors donc, moi, je répète que les bureaux régionaux de Télé-Québec demeureront ouverts dans toutes les régions.

Le Président: M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, M. le Président. Un autre exemple démontrant comment le gouvernement péquiste abandonne les gens. Peut-être que les régions ce n'est pas important pour vous, mais c'est important pour nous.


Règles fiscales applicables aux gîtes touristiques

Le ministre du Revenu est en train d'appliquer, de façon abusive encore une fois, certaines dispositions de sa loi. Malgré le fait que le gouvernement vienne tout juste d'établir les règles du jeu pour les gîtes touristiques, il a décidé de les recotiser pour les années 1996, 1995, 1994 et 1993; un geste qui cause un impact dévastateur dans les régions touristiques du Québec.

Comment le ministre délégué au Revenu peut-il permettre ce genre de comportement? Est-ce que le ministre a l'intention de dénoncer l'attitude de son inspecteur qui dit que c'est plus facile de visiter ceux qui produisent des déclarations que ceux qui opèrent au noir? Dans un deuxième temps, est-ce que c'est dans son intention de mettre la hache dans les gîtes touristiques de toutes les régions du Québec?

Le Président: M. le ministre délégué au Revenu.

M. Bertrand (Portneuf): M. le Président, je peux vous assurer que, de ce côté-ci de la Chambre, les gîtes touristiques constituent pour nous des ressources d'hébergement tout à fait valables. Il n'est certainement pas question de nuire de quelque façon que ce soit à la pérennité de ces ressources-là.

Ceci étant dit, j'ai la responsabilité de faire en sorte que les dispositions de la fiscalité soient appliquées conformément au texte de la loi. Or, la loi prévoit, dans le cas d'établissements qui sont opérés dans un domicile, que les dépenses afférentes à l'entreprise soient, bien sûr, déductibles des revenus, jusqu'à concurrence, justement, des revenus de l'entreprise. On ne peut pas, dans le cas d'un commerce exploité à domicile par exemple, appliquer l'excédent de ces dépenses-là à d'autres revenus.

Cependant, il est possible pour une entreprise ainsi exploitée de reporter la déduction excédentaire qui existerait à une autre année. Dans le cas présent, il s'agit de savoir si de tels gîtes doivent être assimilables à des entreprises opérées au domicile. Ça peut être le cas dans certains; ça peut ne pas être le cas dans d'autres. C'est ce que j'ai demandé de faire examiner de façon à s'assurer justement que les dispositions de la loi soient appliquées, dans le cas des gîtes touristiques, si tant est qu'ils soient assimilables à des commerces opérés au domicile, conformément aux dispositions de la loi, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Williams: En complémentaire, M. le Président. Est-ce que cette stratégie de changer les règles en cours aujourd'hui pour les gîtes touristiques dans le but de recotiser pour les années passées, comme il a fait dans les cas de recherche et développement, comme il fait dans le cas des employés à pourboire, comme il fait dans le cas des chauffeurs de taxi, est en train de devenir une directive gouvernementale pour vider les poches des contribuables?

Le Président: M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): M. le Président, voilà encore un procès d'intention. Il n'y a pas de stratégie sur le plan de l'application de la fiscalité qui soit différente de ce qui existe normalement. Il est vrai qu'une nouvelle entreprise, pendant les cinq premières années, peut appliquer, à l'encontre de ses revenus, des dépenses et, lorsqu'il ne s'agit pas d'entreprises telles que je les expliquais tout à l'heure, ces excédents de dépenses là peuvent être appliqués à d'autres catégories de revenus. Ceci demeure toujours vrai, M. le Président.

Il arrive cependant que, dans le cas d'entreprises qui peuvent être assimilables justement à une entreprise exploitée à domicile, les règles fiscales usuelles doivent également s'appliquer. Elles s'appliquent dans ces cas-là, éventuellement, comme dans tous les autres cas.

Ceci étant dit, le député de Nelligan faisait référence au dossier de la recherche et développement. Puis-je lui rappeler qu'il s'agit d'un problème qui a été causé sous l'administration précédente, et ça fait référence au genre de trou noir dont on essaie justement de se sortir.

Le Président: Dernière complémentaire, M. le député de Nelligan.

(11 heures)

M. Williams: Est-ce que la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce et ministre responsable du Tourisme est d'accord avec le ministre délégué au Revenu sur sa stratégie de mettre la hache dans les gîtes touristiques dans toutes les régions du Québec?

Le Président: Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce.

Mme Dionne-Marsolais: Je suis d'accord avec les propos de mon collègue, parce qu'il n'est pas question de mettre la hache dans les gîtes, M. le Président, tellement que nous avons un groupe de travail, qui travaille, entre Tourisme Québec et le ministère du Revenu, pour préciser ces règles, M. le Président.

Le Président: Alors, la période des questions et des réponses orales est terminée.


Votes reportés


Adoption du principe du projet de loi n° 92

Nous allons immédiatement aux votes reportés. Alors, tel que je l'ai annoncé précédemment, nous allons procéder au vote sur la motion de M. le ministre d'État à la Métropole proposant que le principe du projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole, soit adopté.

Très bien. Maintenant que nous sommes prêts pour le vote, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Charest (Rimouski), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Boisclair (Gouin), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Côté (La Peltrie), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kieffer (Groulx), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet)...

Le Président: Alors, nous sommes à enregistrer un vote et je vous rappelle que non seulement tout le monde est tenu au silence, mais qu'en plus un officier de la table doit exercer et a besoin d'un minimum de concentration.

Le Secrétaire adjoint: ...M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Lafrenière (Gatineau), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vaive (Chapleau), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Lefebvre (Frontenac), M. Cherry (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Laporte (Outremont), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:53

Contre:40

Abstentions:0

Le Président: La motion est adoptée et, en conséquence, le principe du projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole, est adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et du territoire pour étude détaillée.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.


Motions sans préavis

Aux motions sans préavis, M. le leader du gouvernement.


Procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 136

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission des institutions procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur l'organisation policière et la Loi de police en matière de déontologie policière, le mercredi 4 juin 1997 ainsi que le vendredi...»

M. Lefebvre: Je n'entends pas bien.

Le Président: Alors, vous avez raison, M. le député de Frontenac. Ceux qui doivent quitter le salon bleu pour aller travailler à l'extérieur de l'enceinte de l'Assemblée doivent le faire maintenant.

Alors, chers collègues, rapidement, ceux qui ont à quitter la salle.

M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Donc, «que la commission des institutions procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur l'organisation policière et la Loi de police en matière de déontologie policière, le mercredi 4 juin 1997 ainsi que le vendredi 13 juin 1997 et, à cette fin, entende les organismes suivants:

«Le mercredi 4 juin 1997: de 11 heures à 11 h 30, des remarques préliminaires; de 11 h 30 à 12 h 30, M. Claude Corbo; de 15 heures à 16 heures, le Protecteur du citoyen; de 16 heures à 17 heures, le Barreau du Québec; de 17 heures à 18 heures, la Coalition des gais et lesbiennes; de 20 heures à 21 heures, l'Union des municipalités du Québec; de 21 heures à 22 heures, l'Association des directeurs de police et pompiers du Québec; de 22 heures à 23 heures, l'Office des droits des détenus;

«Le vendredi le 13 juin 1997: de 11 heures à midi, l'Association des policiers provinciaux du Québec, conjointement avec la Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de Montréal et la Fédération des policiers municipaux du Québec; de midi à 12 h 30, des remarques finales;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 20 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 40 minutes, partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que le ministre de la Sécurité publique soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

(11 h 10)

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: Consentement.

Le Président: Consentement et adoption de la motion. Très bien. Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis?


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, maintenant.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 106, Loi modifiant la Loi sur la presse, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et, si nécessaire, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des finances publiques procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 139, Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, et, si nécessaire, de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'éducation poursuivra et terminera les consultations particulières sur le projet de loi n° 109, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

Et que la commission des finances publiques procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 110, Loi modifiant la Loi sur la Société des alcools du Québec et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Pour ma part, je vous avise que la commission de l'administration publique se réunira en séance de travail aujourd'hui, jeudi 29 mai, de 14 h 30 à 15 heures, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est d'examiner la version préliminaire du premier rapport de la commission sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.

Je vous avise également que la commission de l'administration publique se réunira aujourd'hui, jeudi 29 mai, de 15 heures à 18 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, volet tourisme, du mois de novembre 1994 au mois de mars 1997.

Et je vous avise enfin que la commission de l'Assemblée nationale se réunira aujourd'hui, de 13 heures à 15 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. J'avais une missive de l'Ordre professionnel des conseillers et conseillères en orientation du Québec de même que de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec. Lorsqu'on la reçoit dans l'opposition, on prend pour acquis que, du côté gouvernemental, on s'est adressé là en premier lieu.

On nous indique qu'à la suite d'un avis de l'Office des professions du Québec et dans l'optique d'améliorer la protection du public, tout en considérant l'économie du système professionnel, les deux organismes ont entrepris des discussions avec les représentants de quatre associations professionnelles afin d'intégrer les membres dans leurs rangs. Pour donner suite à ces ententes, un projet de loi se doit d'être déposé à l'Assemblée nationale du Québec. Les réponses que ces gens ont obtenues leur ont fait comprendre que, pour le dépôt du projet de loi, le consentement de l'opposition était nécessaire. J'ai dû leur expliquer, à ces gens, le règlement, que vous connaissez bien, M. le Président, et qu'on n'a pas besoin, du côté gouvernemental, du consentement de l'opposition, même si la date du 15 mai est passée, pour déposer un projet, adopter son principe, commission parlementaire article par article. Où ça prend un consentement, c'est pour le vote de troisième lecture, l'adoption comme telle.

Est-ce qu'il est de l'intention du gouvernement de donner suite à ces demandes de ces ordres et de déposer un projet de loi à l'Assemblée nationale?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Première des choses, c'est que, normalement, à cette période-ci de nos travaux, les questions portent sur des affaires inscrites au feuilleton. Alors, comme l'a si bien souligné le leader de l'opposition, il n'y a pas de projet de loi au feuilleton qui traite de ce problème.

Maintenant, M. le Président, de mon côté, j'ai eu copie de cette lettre adressée par l'Ordre et, moi, je m'attendais – je vous le dis très honnêtement – peut-être à ce que le leader de l'opposition pose la question au ministre de la Justice. Pendant la période des questions, il aurait pu la lui poser, et le ministre de la Justice, ça lui aurait fait plaisir d'y répondre et puis de lui faire part, à ce moment-là, de l'état du dossier. Alors, c'est ce que je peux répondre, tout simplement, au leader de l'opposition. Si, demain, il veut poser la question directement au ministre de la Justice, moi, je suis certain que le ministre de la Justice, ça lui fera plaisir de répondre à cette question et de lui faire part de l'avancement du dossier. Quant à moi, je ne peux pas répondre; je ne peux répondre que sur les affaires qui sont présentement au feuilleton, M. le Président.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Comme, lorsque j'ai débuté ma question, le ministre de la Justice était parmi nous, le leader du gouvernement l'a regardé. Là, je n'ai pas le droit d'invoquer qu'il n'est plus parmi nous, mais c'est ce qui est arrivé pendant que la réponse a été donnée. Là, pour ces gens-là, un petit peu de transparence puis un petit peu de franc-parler: Est-ce qu'il est de l'intention du gouvernement – c'est le leader du gouvernement – de le déposer, oui ou non? Ces gens-là veulent le savoir. Si c'est non, ils vont savoir à quoi s'en tenir, puis, si c'est oui, ils vont se préparer en conséquence.

M. Bélanger: M. le Président, justement dans cet esprit de transparence et de franc-parler, je crois que, si la question avait été posée à la période des questions... On sait que les cotes d'écoute à la période des questions sont plus élevées, que les gens suivent encore plus nos travaux au niveau de la période des questions. Je crois que la question est assez importante pour que le leader de l'opposition se serve de l'influence que je sais qu'il a au niveau du comité de la période de questions et qu'il fasse en sorte que la question puisse être posée, demain, directement au ministre de la Justice. Je pense que le sujet est assez sérieux pour ça. Je le dis, là, avec tout le sérieux que le sujet mérite. Donc, je peux m'attendre ou je peux prendre préavis que, demain, il va y avoir une question posée là-dessus.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, je sais qu'il est plus préoccupé par les cotes d'écoute que par les réponses à donner. Est-ce que les ordres qui sont en demande pour un projet de loi doivent comprendre de la réponse du leader du gouvernement que, lui, n'a aucun projet quant à ces deux ordres?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je ne peux que demander au leader de l'opposition de lire le feuilleton. Il n'y a pas de projet de loi, actuellement. Alors, demain, il verra la réponse du ministre de la Justice. À ce moment-là, on pourra regarder ce qu'on fera avec le projet de loi, si projet de loi il y a.

Le Président: Rapidement, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, il y a un peu plus d'un mois, même pratiquement un mois et demi maintenant, j'ai adressé une question au ministre de la Santé et au ministre du Travail concernant la conformité des établissements de santé, des centres hospitaliers, des centres hospitaliers de longue durée et des centres pour psychiatrisés au code de sécurité du Code du bâtiment comme tel. Les deux ministres ont pris avis de la question. J'y suis revenu, à cette étape-ci de nos travaux, au moins à deux reprises. À chacune des reprises, le leader m'a assuré que ça serait fait dans les meilleurs délais. On parle de la sécurité de gens qui sont hébergés dans ces édifices publics. Ces gens-là ont le droit de savoir. Est-ce que le leader va encore me répondre qu'il va faire son possible, mais qu'il ne réussira pas?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, tout ce que je peux répondre au leader de l'opposition, c'est qu'à chaque fois qu'il m'a fait le message je l'ai personnellement transmis au ministre du Travail. Demain, peut-être, aux renseignements sur les travaux, le ministre du Travail pourra répondre directement à la question. Quant à moi, chaque fois que le leader de l'opposition m'a fait le message, je l'ai transmis directement au ministre du Travail.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Question de directive, M. le Président. À partir du moment où on peut constater que le leader du gouvernement a fait son travail avec toute sa bonne volonté, comment un député de l'Assemblée nationale qui a posé une question dont un ministre a pris avis, alors que le leader a fait son travail à plusieurs reprises auprès des ministres concernés, peut-il obtenir une réponse auprès des clientèles?

Le Président: À moins de vérification, ma longue expérience en cette Chambre est qu'il n'y a pas de sanction autre que la sanction de l'opinion publique. À cet égard, le forum public qu'est l'Assemblée fait en sorte que, si on invoque une question ici et que nos concitoyens et nos concitoyennes jugent finalement qu'un comportement qui aurait dû être celui d'un responsable gouvernemental n'est pas adéquat ou que ses justifications ne sont pas adéquates, c'est aux gens à porter leur jugement, non pas à l'Assemblée. Pour le moment, nos règlements ne prévoient pas de sanction particulière à cet égard.

M. Paradis: Par ce que vous venez de dire, M. le Président, est-ce que vous excluez une possibilité de question de fait personnel ou de privilège à un député qui n'obtient pas une réponse à une question quand le ministre a pris avis et que le règlement prévoit qu'il doit y donner suite?

Le Président: Écoutez, je ne sais pas. Franchement, très franchement, je ne suis pas certain, à ce moment-ci, que ça constituerait une question de fait personnel, en fait, d'infraction à nos droits et privilèges. Je peux vérifier, mais, à première vue, j'en doute. Néanmoins, je ferai des vérifications pour voir si la jurisprudence pourrait nous indiquer un chemin quelconque à suivre à cet égard. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Avant que la présidence ne se prononce sur ce sujet, je crois qu'il serait peut-être plus judicieux ou plus sage qu'une question de privilège ou de fait personnel soit posée. Je soumets ça à votre réflexion, M. le Président.

Le Président: Oui, bien sûr. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, je pense que les questions de directive demeurent, en vertu de l'article 2 de notre règlement, une possibilité d'intervention et que la présidence peut, suite à une question de directive, agir comme vous souhaitez le faire, c'est-à-dire prendre avis de la question de directive et se prononcer sur la question de directive posée par un député de l'Assemblée nationale.

Le Président: De toute façon, il y a un article du règlement qui doit être rappelé à cette étape-ci, c'est l'article 82. «Refus de répondre. Le ministre auquel une question est posée peut refuser d'y répondre, notamment:

«1° s'il juge contraire à l'intérêt public de fournir les renseignements demandés;

«2° si les renseignements ne peuvent être colligés qu'à la suite d'un travail considérable que leur utilité ne justifie pas.

«Il doit refuser d'y répondre si sa réponse aurait pour effet de contrevenir aux paragraphes 2° et 3° de l'article 35.» Cet article concerne, en l'occurrence, les paroles interdites et les propos non parlementaires.

(11 h 20)

Évidemment, l'article prévoit également, vous le savez très bien, que «le refus de répondre ne peut être discuté». À cet égard-là, il n'y a pas eu de question... c'est-à-dire qu'il y a eu une question adressée au leader du gouvernement, mais peut-être que la meilleure façon à cet égard-là, c'est de poser la question directement au ministre à la période des questions et des réponses orales. S'il refuse de répondre, à ce moment-là l'article 82 pourrait s'appliquer.

M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Juste pour remettre certains faits bien clairs, le ministre n'a jamais refusé de répondre. Il a répondu à la question qui lui avait été posée. Cependant, il s'est engagé à produire un document, à déposer un document. Pour plusieurs raisons qui peuvent être hors du contrôle du ministre, le document, ça se peut qu'il ne soit pas déposé, M. le Président. Donc, on ne peut pas, à ce moment-là, inférer aucune intention au ministre, on ne peut pas inférer qu'il y a eu du tout refus de répondre. Il a répondu à la question et il s'est engagé à produire un document. Maintenant, ce document-là, je comprends qu'il n'a pas été produit.

Bon, alors, je pense que la meilleure des choses, M. le Président... Moi, je peux faire cette offre-ci au leader de l'opposition: Demain, à la période des renseignements sur les travaux, le ministre du Travail sera présent, et il pourra directement poser la question. Ou encore, puisque c'est la prérogative de l'opposition, si l'opposition veut mettre cette question comme première question de la période des questions et poser la question au ministre, il pourra le faire.

Mais, à ce stade-ci, M. le Président, il n'y a aucun refus de répondre. Il y a, tout simplement, un engagement de produire un document. Ce document n'a pas été déposé. À deux reprises au moins, même peut-être à trois reprises, le leader de l'opposition m'a demandé qu'est-ce qu'il arrivait du document. Moi, je lui ai fait part que j'avais fait le message. Maintenant, c'est tout ce que je peux faire, M. le Président.

M. Paradis: M. le Président...

Le Président: Remarquez que je n'ai pas indiqué... Juste avant. Je n'ai pas indiqué qu'il y avait eu refus de répondre de la part du ministre. Par ailleurs, il faut constater aussi que... Le fait est que, si, à un moment donné, d'une façon régulière, il n'y a pas de réponses, la réalité des choses pourrait faire en sorte que, sans qu'il y ait refus formel, il y ait refus de fait. Mais, à ce moment-là, on n'en est pas là.

M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, strictement pour que les choses soient bien claires, le leader du gouvernement a raison de mentionner qu'on n'a pas signifié à la Chambre qu'il y avait, en aucun moment, refus de répondre. Au contraire, on a pris avis d'une question. Et je ne voulais pas le limiter au simple dépôt de document. Dans le cas du ministre de la Santé et du ministre du Travail, les gens ont déclaré qu'ils allaient aux renseignements et qu'ils produiraient la réponse à la Chambre dans les meilleurs délais. C'est ce qui a été déclaré comme tel.

Moi, tout ce que je souhaite, c'est que ça soit fait. Si le ministre souhaite ne pas le faire parce qu'il veut invoquer l'article 82 du règlement, il peut le faire en tout temps. Mais on n'est pas dans cette situation-là au moment où on se parle. Il y a eu un ministre qui s'est levé et qui a dit: Je n'ai pas la réponse avec moi; je m'en vais la chercher puis je la rapporte, puis je vais vous la donner dans les meilleurs délais. Ça fait un mois et demi. Ça touche la sécurité de bâtiments où sont hébergées des personnes qui sont alitées comme telles. Ça commence à traîner en longueur. C'est tout ce que je voulais souligner ce matin, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Comme l'a bien souligné le leader de l'opposition, l'engagement du ministre du Travail était de le déposer dans les meilleurs délais. En vertu de notre règlement, il n'existe pas de délai obligatoire pour le dépôt d'un document quand un ministre dit qu'il va déposer un document. Je comprends que le sujet est très sérieux et c'est pour ça que, bon, l'opposition veut que le document soit déposé. Mais, comme le sujet est aussi sérieux, il faut s'assurer que le document soit vraiment bien complet et qu'il contienne toutes les informations que l'opposition veut. Alors, on peut imaginer que c'est peut-être la raison pour laquelle le document n'a pas été déposé encore.

M. Paradis: Oui, deux choses, M. le Président. Les meilleurs délais, ça exclut les pires, et je pense qu'on est en train de se retrouver dans les pires délais. C'est une question de sécurité publique. L'appareil gouvernemental, le ministère du Travail et le ministère de la Santé sont supposés posséder en tout temps ces certificats de conformité pour tous les établissements. Est-ce que le problème, c'est qu'on ne les a pas et qu'il y a des établissements qui sont défectueux?

M. Bélanger: M. le Président, je ne veux pas commencer le débat là-dessus. Je crois que la meilleure façon est de poser directement la question au ministre du Travail. Donc, deux possibilités s'offrent au leader de l'opposition: soit, à ce moment-là, poser une question à la période des questions ou encore, demain, aux renseignements sur les travaux, je demanderai au ministre du Travail d'être présent à ce moment-là pour répondre directement à la question.

Le Président: Sauf qu'il faudrait qu'on s'entende. Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, le ministre pourra indiquer quand il répondra, mais, je veux dire... Ou bien la réponse vient s'il y a une question à la période des questions et des réponses orales ou bien aux réponses différées.

Une voix: Parfait.

Le Président: D'accord? On se comprend?

Une voix: Oui.


Affaires du jour

Le Président: Aux affaires du jour maintenant, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 11 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 150


Adoption du principe

Le Président: Alors, à l'article 11, Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité propose l'adoption du principe du projet de loi n° 150, Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail. Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Ce matin, un collègue de cette Assemblée nationale me racontait avoir rencontré plus tôt des étudiants d'une école polyvalente de son comté, qui sont d'ailleurs parmi nous, je crois, ce midi, dans les galeries, et avoir dit à ces étudiants qu'ils avaient la chance, aujourd'hui, d'assister à un événement que l'on peut considérer modestement à caractère historique et qui était le dépôt du projet de loi n° 150 créant le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail. Je pense, M. le Président, que ce député ne savait pas si bien dire, à quel point ce fut là, depuis le début de notre décennie, une question qui s'est avérée consensuelle au sein même du salon bleu où nous nous retrouvons ce matin.

D'ailleurs, M. le Président, pour le prouver, j'ai retrouvé le communiqué de presse envoyé par le député de Laporte au moment où il était ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, communiqué de presse daté du 13 décembre 1990. Alors, vous vous rendez compte, M. le Président, que cela fera bientôt déjà sept ans. Et je vous en lis rapidement un extrait. Ce communiqué était titré Québec veut assumer la pleine responsabilité . Il se lisait comme suit: «Fort du mandat que lui a donné le Conseil des ministres, le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle a annoncé l'intention du gouvernement d'amorcer des négociations avec Ottawa dans le but d'assumer la pleine et entière responsabilité des politiques et programmes d'adaptation de la main-d'oeuvre et de la formation professionnelle et de rapatrier l'ensemble des budgets fédéraux qui y sont rattachés. Il est primordial – ajoutait le député de Laporte alors ministre – d'associer véritablement le patronat, les syndicats et le secteur coopératif dans l'élaboration des politiques d'adaptation de la main-d'oeuvre au Québec.»

Il ajoutait d'ailleurs, et je cite: «Les pays qui connaissent le plus de succès dans ce domaine sont ceux qui ont vu s'associer les partenaires socioéconomiques du gouvernement. C'est, notamment, le cas des pays comme l'Allemagne, la Suède ou le Japon.» Et je comprends que le ministre parlait en connaissance de cause; il venait, avec une délégation, en mission, de visiter tous ces pays-là. Alors, M. le Président: «Par conséquent – ajoutait encore le député de Laporte, et je cite – le Québec, mieux au fait de ses propres besoins en matière de main-d'oeuvre, doit devenir le seul responsable des politiques d'adaptation de la main-d'oeuvre et de la formation professionnelle sur son territoire et rapatrier les budgets que le gouvernement fédéral alloue à ces programmes au Québec.»

Dans une lettre adressée le matin même, 13 décembre 1990, à Mme Barbara McDougall, ministre de l'Emploi et de l'Immigration du Canada, le ministre Bourbeau a fait part à son homologue fédérale de son intention d'amorcer le plus rapidement possible la discussion dans le cadre des pourparlers sur le renouvellement des accords fédéraux-provinciaux dans le domaine de la formation professionnelle.

Sept ans presque, M. le Président. Changements: deux élections, entre-temps, au niveau fédéral, deux référendums, Charlottetown et le référendum québécois, et puis une élection québécoise. En fait, il aura fallu cinq scrutins, cinq scrutins avant que finalement, ce matin, je puisse, je pense, avec fierté, au nom de cette Assemblée nationale, dire que nous avons progressé. Tout n'est pas encore réglé, et j'y reviendrai, mais nous avons progressé. Et, pour montrer le chemin parcouru, encore faut-il bien évidemment, M. le Président, savoir les difficultés que nous avons rencontrées en cours de route et les problèmes que nous voulons corriger.

Le projet de loi n° 150, c'est une solution. J'imagine que des députés de l'opposition viendront, les uns après les autres, nous dire que le projet de loi n° 150, c'est un problème, c'est un problème de structures, alors que, M. le Président, justement c'est l'éparpillement dans les structures qu'enfin nous allons régler. Cet éparpillement, je ne veux pas, moi, le plaider. Je vais laisser un autre à ma place vous dire ce qu'est cet éparpillement.

(11 h 30)

Et cet autre-là, alors, je suis obligée, puis je vais d'ailleurs le faire vraiment très cordialement, je vais rendre hommage au député de Laporte. Je vous le dis, M. le Président, on ne peut pas être plus éloquent qu'il le fut au moment où il était ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle sur les effets pervers, sur les effets délétères pour les chômeurs du Québec, sur ces effets vraiment extrêmement négatifs de ces chevauchements et de ces cloisonnements.

Peut-être, M. le Président, simplement un extrait, un court extrait d'une déclaration ministérielle faite en Chambre en 1990. Alors, je cite: «Pour l'heure – disait le député de Laporte, ministre alors – une préoccupation dominante anime le gouvernement du Québec – et je dirais que c'est cette préoccupation dominante qui anime l'actuel gouvernement du Québec aussi – celle des besoins croissants ressentis par les personnes en emploi, les chômeurs et les entreprises en matière d'adaptation de la main-d'oeuvre. Le terme "adaptation de la main-d'oeuvre" doit prendre ici une large signification. Il comprend notamment la formation, la qualification professionnelle, la reconnaissance des compétences, l'apprentissage, le recyclage et les diverses formes d'aide à l'emploi: placement, reclassement, mesures créatrices d'emplois, subventions salariales.» On achète la même définition, M. le Président.

Le député ajoutait un diagnostic accablant sur la situation qui a prévalu pendant presque 30 ans, et je cite: «J'ai déclaré plus tôt à l'Assemblée nationale – disait le député de Laporte – que les interventions des deux ordres de gouvernement dans le domaine de la main-d'oeuvre souffrent d'une lourdeur et d'une complexité qui nuisent à notre capacité de répondre au défi du développement des compétences, défi que la mondialisation de l'économie rend particulièrement urgent.» Peut-on dire mieux? Lequel défi, quasi une décennie plus tard, n'est-ce pas, est devenu d'autant plus urgent qu'on a piétiné pendant toutes ces dernières années sans pouvoir le régler. Le député de Laporte ajoutait: «Essayons de suivre le cheminement que peut emprunter une entreprise qui fait face à la nécessité pressante d'adapter ses employés à une nouvelle technologie de production.»

Et là il décrivait la situation: «Par l'intermédiaire du Programme de la planification de l'emploi – fédéral – qui comprend 18 volets, 15 objectifs, 31 sous-objectifs, il faudra alors déterminer si la formation requise peut être qualifiée d'acquisition de compétences directement reliées à l'emploi, ou si elle correspond à un secteur d'activité souffrant de pénurie de main-d'oeuvre, ou encore si elle pourrait être analysée sous l'angle du Programme de développement de l'emploi, ou si, enfin, il faut traiter la demande dans le cadre du programme Formation sur mesure en établissement. Chacune de ces options comporte bien entendu des critères de sélection spécifiques, et l'aide offerte peut différer grandement d'un programme à l'autre. À la suite de l'approbation dans l'une ou l'autre de ces quatre catégories, alors des communications auront lieu entre la Commission québécoise de formation professionnelle – de l'époque – et le Développement des ressources humaines Canada – de l'époque – avant d'arrêter le choix de l'organisme qui dispensera la formation. Ajoutez à cela qu'il faudra remplir plusieurs formulaires. On a dénombré 130 formulaires dans le Programme fédéral de la planification de l'emploi.»

Le député-ministre ajoutait, en 1990: «Évidemment, il faut frapper à plusieurs portes pour savoir quelle mesure convient à la situation de l'entreprise. La situation est encore plus décourageante pour la personne qui vient de perdre son emploi et qui ressent un besoin de recyclage ou d'une formation d'appoint.» Je cite toujours, M. le Président, la déclaration ministérielle de 1990: «Les dédales que cette personne doit traverser pour se faire reconnaître des acquis professionnels, pour choisir une voie de recyclage réaliste, s'y engager, recevoir une aide financière convenable sont d'une telle complexité qu'elles rendent pratiquement inaccessibles les programmes de formation pourtant destinés à ces personnes. Je vous fais grâce de ce labyrinthe.»

Alors, M. le Président, c'est navrant, n'est-ce pas, mais c'est la situation telle que décrite que nous avons retrouvée; une situation, comme je vous l'ai dit, bien, bien et très éloquemment illustrée, mais jamais corrigée par le gouvernement précédent, à la fois illustrée dans les déclarations ministérielles ici, à cette Assemblée, illustrée aussi dans un livre blanc publié en 1991 et intitulé Partenaires pour un Québec compétent et compétitif . Alors, là, il y en a des pages et des pages, M. le Président, sur la lourdeur, la complexité, la confusion des régimes de gestion des programmes de main-d'oeuvre, des pages et des pages sur la nécessaire concertation. Simplement pour vous dire que les orientations étaient bien tracées, mais que le gouvernement n'a pas agi; bien tracées effectivement en matière de partenariat.

Et je vous lis d'ailleurs un extrait de ce que le livre blanc de 1991 en disait: «Dans la plupart des pays industrialisés, les organismes chargés d'élaborer et de gérer les politiques d'aide, de soutien ou de développement de la main-d'oeuvre font largement appel à la contribution active des partenaires du marché du travail.» Et ça, c'est à la page 24. Alors, on décrit ce qui se passe ailleurs de mieux, en disant qu'il faudrait s'en inspirer.

M. le Président, lorsque, il y a deux ans et demi maintenant, nous sommes arrivés au gouvernement et que j'ai eu, à titre de ministre responsable de la main-d'oeuvre, donc, tout le dossier non seulement de la formation, mais de la main-d'oeuvre, j'y ai retrouvé un héritage assez compliqué. Je vais vous l'illustrer par le tableau suivant. J'ai retrouvé le tableau suivant. Est-ce que ce tableau peut être à lui seul assez révélateur de la confusion, de la complexité, du dédoublement qui pouvait exister en matière de programmes et mesures à l'intention de la main-d'oeuvre québécoise? Il y en a 110, n'est-ce pas, des deux niveaux de gouvernement. Même moi, là, qui avais la responsabilité, dans l'opposition comme au gouvernement, depuis 10 ans, j'avais beaucoup de difficultés à m'y retrouver.

Alors, le choix, quel était-il? En ajouter, il n'en était pas question, n'est-ce pas, M. le Président. Il ne fallait pas en ajouter, d'autant plus que, dans la réalité, on dépense beaucoup d'argent. Je ne suis évidemment pas la seule à le dire. Encore une fois, c'est un constat, c'est un diagnostic qui a été fait par le gouvernement précédent, que j'ai repris, en fait, avec l'appui du Conseil des ministres, dans un petit document publié en 1995 et qui s'intitule L'emploi: travaillons-y ensemble! , et qui, en fait, a été une proposition du gouvernement du Québec à ses partenaires socioéconomiques pour une politique active du marché du travail. Alors, c'est une recherche d'harmonisation de ces 110 mesures et programmes relatifs à la main-d'oeuvre, parce qu'on dépense beaucoup d'argent. On en dépense, M. le Président, considérablement.

Je voudrais vous retrouver à ce sujet ce qu'en disait à la fois le ministre qui m'a précédé lorsqu'il avait la responsabilité de ce dossier... Simplement vous signaler ceci. M. le Président, on dépense quasiment deux fois plus que l'ensemble des pays industrialisés pour, finalement, des résultats beaucoup moins intéressants, beaucoup moins encourageants. Alors, ces dépenses qui sont effectuées, pensez, par exemple, que c'est presque un peu plus que 9 000 000 000 $, en fait, c'est presque, au total, un effort public qui est de 10 000 000 000 $ depuis le début des années quatre-vingt-dix. C'est très considérable.

On parle d'un effort public, en matière de main-d'oeuvre, que cet effort public vienne des cotisations versées par les travailleurs, travailleuses, employeurs à la caisse d'assurance-emploi – cotisations des travailleurs et employeurs québécois – ou qu'il vienne par le biais de nos impôts dans les programmes des deux gouvernements, d'à peu près 5 000 000 000 $ qui nous vient de la caisse d'assurance-emploi par le biais des cotisations versées, environ 800 000 000 $ dans les mesures actives des deux niveaux de gouvernement, plus 3 500 000 000 $ pour les chômeurs à l'aide sociale.

(11 h 40)

Et ça, c'est une réalité qui a aggravé, la réalité des chômeurs qui sont de moins en moins à l'assurance-emploi et de plus en plus à l'aide sociale, c'est une réalité qui s'est accélérée au cours des années quatre-vingt-dix. Ce n'était pas un phénomène qui était connu au moment où les travaux du gouvernement précédent ont été publiés, puisque c'est à partir du début 1990 que le gouvernement fédéral cessera totalement de cotiser à la caisse d'assurance-emploi. Et alors, il cessera d'y verser les 2 000 000 000 $ qu'il y mettait auparavant.

Et puis c'est, au cours des années quatre-vingt-dix, imaginez-vous, en accéléré, puisqu'en 1992 les chômeurs québécois recevaient 2 000 000 000 $ de plus en prestations que les travailleurs et employeurs québécois ne versaient en cotisations. Alors, imaginez-vous, en l'espace de cinq ans, non seulement les resserrements à l'admissibilité et les resserrements dans les prestations à l'assurance-emploi ont fait en sorte que de moins en moins de chômeurs... Il n'y en a quasiment plus qu'un sur deux. Les dernières statistiques de Statistique Canada nous révèlent que c'est 51 % seulement des travailleurs qui ont cotisé qui reçoivent des prestations lorsqu'ils ont perdu leur emploi: un sur deux travailleurs qui cotisent à une caisse, qui s'appelle toujours assurance-emploi, qui, au moment où la perte d'emploi surgit, n'y a pas droit, à cause des resserrements. En plus de ça, en l'espace des cinq dernières années finalement, avec un taux de cotisation qui est resté très, très élevé, c'est non seulement plus le 2 000 000 000 $, là, mais c'est des cotisations, l'an passé, de 66 000 000 $ de plus qui ont été versées que les prestations qu'ont reçues les chômeurs au Québec.

Vous n'y étiez pas, vous, M. le Président, mais il y a eu une époque, ici, dans cette Assemblée, où, de l'autre côté de la Chambre, j'assistais à des périodes de questions où le premier ministre de l'époque brandissait toujours le 1 000 000 000 $, le 1 500 000 000 $ de plus que les chômeurs québécois recevaient de la caisse d'assurance-emploi pour justifier de rester dans le Canada. C'était un argument de poids, ça, M. le Président. L'idée étant que, comme on avait plus de chômeurs en ayant le tiers des chômeurs canadiens qui étaient Québécois, il fallait rester dans le Canada pour aller chercher nos prestations d'assurance-chômage, n'est-ce pas, puisqu'il y avait 1 000 000 000 $ de plus qui étaient versés que des cotisations.

Alors, ça, il faut comprendre que cette période-là est complètement dépassée. Non seulement les travailleurs et les employeurs québécois cotisent plus que les prestations qui sont versées, mais, en plus de ça, M. le Président, c'est les chômeurs québécois qui, même s'ils en ont versé, des cotisations, n'y ont plus droit. Et là on y reviendra, mais ça créé une immense pression sur le budget de l'aide sociale. Un chômeur qui a perdu son emploi, qui n'a pas droit à l'assurance-emploi à cause des resserrements puis du nombre d'heures maintenant qui ont augmenté, alors il peut nécessairement, s'il n'a pas de revenu, demander de l'aide sociale.

Et là, l'autre problème – il faut se le rappeler – c'est, avec l'annonce du budget de Paul Martin il y a deux ans, un plafonnement à l'aide sociale, un plafonnement qui, de 1994-1995, nous aura coupé de 800 000 000 $ l'an passé. 800 000 000 $ au total, dans les programmes fédéraux pour la santé, l'éducation et l'aide sociale, mais pensez tout de suite, calculez tout de suite que c'est la moitié toujours qui allait à l'aide sociale, autour de 50 %. Alors, pour l'an passé, c'est 400 000 000 $ de moins que le Québec aura reçu en matière de transfert fédéral dans le programme d'aide sociale. Et cette année, compte tenu que les coupures fédérales dans la santé, l'éducation et l'aide sociale totalisent 1 200 000 000 $, alors vous vous rendez compte, M. le Président, que c'est autour de 600 000 000 $ de moins pour la présente année que nous aurons eu – en ce qui concerne le financement des impôts qu'on envoie à Ottawa puis qui nous sont remboursés – 600 000 000 $ de moins, juste au chapitre, n'est-ce pas, du régime d'aide sociale.

Alors, c'est évident qu'on est coincé des deux côtés: d'un côté parce qu'on nous renvoie les chômeurs qui auparavant avaient droit à l'assurance-emploi, puis de l'autre côté parce qu'on nous coupe dans les transferts le financement du programme d'aide sociale.

Alors, je reviens donc, M. le Président, à une situation qui exigeait d'être corrigée. C'est le constat navrant auquel tous les gouvernements et les partenaires du marché du travail étaient arrivés: chevauchements, dédoublements, foisonnement de programmes, multiplicité des intervenants sur le terrain, y incluant tous les paliers d'intervention du gouvernement. Tout ça, sans résultat probant.

Alors, est-ce que j'ai besoin de conclure à quel point ce n'était pas une situation à l'avantage des citoyens et des citoyennes ou à l'avantage des travailleurs et travailleuses, et d'autant plus que le cloisonnement des clientèles, alors, là, ça s'ajoutait à tout ça bien évidemment parce que ce cloisonnement des clientèles faisait que, pendant un certain temps, vous apparteniez au provincial parce que vous étiez sur l'aide sociale, ou bien vous apparteniez au fédéral parce que vous étiez sur l'assurance-chômage, et puis que vous étiez de plus en plus nombreux au Québec, au cours des dernières années, à être sans chèque et donc à n'appartenir ni à l'un ni à l'autre des deux gouvernements, et, finalement, à avoir le sentiment qu'on vous laissait tomber tout le temps, n'est-ce pas, une sorte de sentiment d'injustice.

Je me rappelle en particulier un chauffeur de taxi, il y a quelques années à peine, qui m'avait dit, lors d'une course à Montréal, avoir comme espoir dans la vie de devenir ambulancier. Alors, je lui avais dit: Écoutez, je vais vérifier cet après-midi, passez au bureau à la fin de la journée, puis je vous donnerai toutes les modalités pour obtenir la formation qui vous permettrait de réaliser ce rêve, d'être ambulancier. Alors, je m'étais informée, M. le Président, pour me rendre compte qu'effectivement le cours se donnait. Il se donnait dans un cégep, pour ne pas le nommer, Ahuntsic, à Montréal. Il durait, je pense, huit ou 13 semaines, mais la condition pour y être inscrit était de recevoir l'assurance-chômage et d'être, donc... La qualification pour suivre le cours, ce n'était pas de vouloir le devenir ou d'être capable de le devenir puis d'avoir les prérequis pour le devenir, mais c'était de recevoir des prestations d'assurance-chômage. Alors, ce chauffeur de taxi m'avait dit, évidemment découragé: Bien, moi, je fais un métier où je n'y ai pas droit; ça veut dire que – j'ai trouvé ça très injuste – je vais être mis de côté.

Là, M. le Président, ce qui est déposé ce matin – et j'en suis personnellement très contente, très contente, ça fait des années que j'y tiens – c'est une réorganisation des services publics d'emploi, où les services offerts, les programmes offerts le seront indépendamment de l'étiquette que les gens portent dans le front, indépendamment du fait d'appartenir ou pas à l'un ou l'autre des programmes de sécurité du revenu, indépendamment de la couleur du chèque, n'est-ce pas. Que le chèque soit rouge parce qu'il vient de la caisse d'assurance-emploi ou bleu parce qu'il vient du Québec, M. le Président, ce sera des services qui s'adresseront, n'est-ce pas, à des demandeurs d'emploi, à des chercheurs d'emploi, à des travailleurs, et ce seront des services équivalents. Et c'est tellement important parce que c'est la pierre d'assise, M. le Président, d'une véritable politique publique de main-d'oeuvre et c'est la pierre angulaire de services publics d'emploi qui vont livrer des services à des citoyens qui, évidemment, les réclament depuis longtemps.

(11 h 50)

Alors, M. le Président, je vous parlais tantôt, donc, de l'extrême nécessité, à partir de ce tableau des 110 mesures et programmes, de se donner un cadre cohérent, simplifié. En plus du décloisonnement des clientèles dont je viens de parler, en plus de l'intégration des trois réseaux dont je parlerai, il y a un troisième élément, extrêmement important, qui est la simplification des 110 mesures et programmes en cinq – cinq – grandes orientations, cinq axes, comme on dit, ou cinq interventions, là. Et ces cinq interventions, on ne les a pas inventées. On les a copiées, je vous le dis en toute modestie, des travaux très importants réalisés dans les pays industrialisés par l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économique, qui a produit, en 1994, un rapport extrêmement substantiel intitulé simplement L'emploi . Et l'OCDE, finalement, est le club des 25 pays industrialisés, n'est-ce pas, 25 pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économique, 25 pays auxquels nous nous associerons certainement le jour de notre souveraineté.

Et vous comprenez, M. le Président, que le Québec, avec son produit intérieur brut, se situe environ juste au milieu, au 15e, 16e rang, au niveau finalement de l'Australie, à peu près le même produit intérieur brut. C'est très important de pouvoir toujours se comparer, puisque ce sont des pays avec lesquels on a finalement à compétitionner. Qu'on aime ou pas cette règle du jeu, la règle de la compétitivité avec la mondialisation des marchés est telle qu'on a à soutenir cette compétitivité, et on a donc à se comparer.

Peut-être juste un élément, par exemple, puisqu'on est à étudier, dans la loi n° 103 qui a été examinée ici même en deuxième lecture et en commission parlementaire, le régime d'apprentissage. Alors, M. le Président, vous voyez, ça nous a permis de voir quel rattrapage il fallait faire en matière d'apprentissage. Quand on pense que, l'an dernier, la moyenne des jeunes qui sont sortis avec un diplôme secondaire de métier dans ces 25 pays industrialisés, ça a été 38 % qui sont sortis avec un diplôme secondaire de métier – alors que les plus performants, c'était 68 %, comme l'Allemagne, et, dans les plus performants, comme la France et la Belgique, c'est entre 40 % et 60 % – avez-vous idée qu'avec notre 2,5 % on a vraiment, je dirais, des croûtes à manger puis du rattrapage à faire? Et ce rattrapage, M. le Président, c'est évidemment avec le nouvel outil, le nouvel instrument du régime d'apprentissage, je pense, qu'on va être mieux équipé pour le faire.

Alors donc, décloisonnement des clientèles, simplification mesures, programmes en cinq axes, les cinq axes étant: la préparation à l'emploi; l'insertion en emploi; le maintien à l'emploi; la stabilisation de l'emploi; et, finalement, la création d'emplois. On retrouve ces cinq axes dans cette politique active qui a été la proposition du gouvernement du Québec à ses partenaires socioéconomiques en juin 1995. Ces cinq axes vont nous permettre, dans le fond, M. le Président, de simplifier et puis d'orienter notre façon de travailler dans la préparation à l'emploi particulièrement au niveau de la formation des personnes, mais plus une formation comme avant, formation académique seulement, puisque dorénavant il sera possible, en travaillant, de se faire diplômer avec une reconnaissance d'un métier par le ministère de l'Éducation.

L'insertion en emploi, c'est finalement l'ensemble des programmes que l'on connaît pour favoriser soit dans le cadre des entreprises d'insertion pour des personnes fortement défavorisées à l'emploi soit dans le cadre des services externes de main-d'oeuvre, qu'on appelle communément les SEMO... justement pour accompagner dans leur démarche d'insertion des personnes fortement défavorisées à l'emploi, qu'on appelle souvent les chômeurs de longue durée, ou soit encore pour soutenir par des subventions salariales, comme le programme PAIE qu'on connaît habituellement, l'insertion à l'emploi.

Alors que le maintien en emploi, c'est vraiment toute l'approche dynamique de supplémenter les revenus de travail. Pensons au programme APPORT, par exemple, qui, dans le fond, permet à des personnes, qui autrement auraient peu d'intérêt à travailler, à continuer de le faire en ayant le support finalement d'une supplémentation de revenu de travail, ou le support pour les services de garde, ou un support aussi en termes d'allocation au logement, par exemple.

Alors, le maintien en emploi, c'est aussi beaucoup autour du 1 %. Ça, M. le Président, c'est un élément clé. Parce que, à l'époque du gouvernement précédent, l'argent public souvent était investi pour la formation des travailleurs en emploi. C'est une époque encore récente où une bonne partie des crédits votés par les deux gouvernements s'en allaient dans les entreprises pour former des travailleurs en emploi. La question est évidemment que c'est important. On ne peut pas soutenir l'adaptation des entreprises, on ne peut pas soutenir la mondialisation des marchés, on ne peut pas soutenir la tertiairisation de notre économie sans investir aussi pas juste dans les équipements, pas juste dans les technologies, mais dans la main-d'oeuvre.

Mais, avec la loi du 1 %, dorénavant ce sont les entreprises qui contribuent à la formation de leurs employés, dans le cadre d'une dépense qui doit au moins, n'est-ce pas, être à chaque année de 1 % de leur masse salariale. Alors, ce que ça va permettre, c'est d'additionner les efforts. L'entreprise fait son effort. Et on sait que, l'an dernier, sur un total de 580 000 000 $ que l'entreprise, dans le cadre de la loi du 1 %, devait dépenser pour former les employés, imaginez-vous, il y en a juste 2 % qui finalement ont choisi de le verser au ministère du Revenu sans le dépenser dans des plans de formation qui profitent à leurs employés. C'est à peu près autour de 9 000 000 $ sur le 585 000 000 $, seulement. Imaginez-vous. Je pense que c'est une très belle réussite, ça, et ça introduit une culture de formation continue dans l'entreprise, et c'est indispensable.

On n'y arrivera pas si on ne comprend pas que c'est un investissement aussi important que n'importe quel autre investissement. Et je pense qu'on est sur la bonne voie, on est bien engagé. Vous savez que, cette année, ce sont les entreprises de 500 000 $ de masse salariale qui seront dorénavant amenées à contribuer 1 %. Et, l'an prochain, ce sont les plus petites entreprises, celles qui ont 275 000 $ de masse salariale, et ce sera complété, à ce moment-là. Alors, M. le Président, décloisonnement des personnes, simplification des programmes et intégration des réseaux.

Trois réseaux, imaginez-vous, pour 7 000 000 de population, l'équivalent, quand on se compare, à une grande ville de certains pays comme le Mexique ou les États-Unis. Imaginez-vous que nous avions trois réseaux, trois adresses différentes qui, à travers le Québec, dispensaient, dans 287 points de services et directions régionales, des services de main-d'oeuvre.

Le réseau des centres Travail-Québec pour les chômeurs à l'aide sociale, en fait, avec les mesures d'employabilité: 129 centres Travail-Québec, 14 directions régionales, 5 600 personnes, 3 500 000 $ pour ce qui est, si vous voulez, des prestations et environ 200 000 000 $ pour les mesures actives.

Deuxième réseau, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre: 51 points de services, 12 directions régionales, 1 000 employés et un budget d'environ 175 000 000 $.

Et, finalement, le réseau du Développement des ressources humaines Canada: 78 centres locaux, 3 directions régionales; pour ce qui est des personnes qui administraient des mesures actives: 1 084 personnes; pour des mesures actives de la caisse d'assurance-emploi d'environ 500 000 000 $.

Alors, vous vous rendez compte, M. le Président? Trois réseaux, trois cultures, comme si les chômeurs à l'aide sociale, les chômeurs prestataires d'assurance-emploi et les chômeurs qui faisaient appel aux programmes de la SQDM, c'étaient des chômeurs de catégories différentes. Comme s'il fallait que chacun tourne dans ces normes, critères différents. Trois adresses différentes.

(12 heures)

Alors, M. le Président, je pense que c'est avec fierté, ce matin, que je peux vous confirmer qu'avec le projet de loi n° 150 qui est présenté il n'y aura plus maintenant qu'une adresse. Et cette adresse, c'est au niveau local du territoire de la MRC ou au niveau du quartier de la grande ville qu'elle va se trouver. Le choix du gouvernement, c'est le choix de livrer des services au niveau du territoire de la MRC ou du quartier de ville.

Alors, M. le Président, évidemment, je mentionnais en tout début de cette intervention que nous avons pu signer un transfert de responsabilités à l'égard des mesures actives de la caisse d'assurance-emploi fédérale, un transfert de responsabilités qui va nous permettre aussi d'accueillir 1 084 fonctionnaires fédéraux. Mais, M. le Président, puis-je vous dire que la négociation n'est pas finie? Ai-je besoin de rappeler ce que mon prédécesseur le député de Laporte disait ici même, en cette Chambre, en 1990? «Le Québec, mis au fait de ses propres besoins en matière de main-d'oeuvre, doit devenir le seul responsable des politiques d'adaptation de la main-d'oeuvre et de la formation professionnelle sur son territoire, et rapatrier les budgets que le gouvernement fédéral alloue à ces programmes.» C'est toujours aussi notre intention, M. le Président.

On comprend que c'est quasi la moitié seulement de ce qu'on a demandé qu'on a eu, puisque tout ce qui est mesures actives qui continuent d'être financées par nos impôts à même le fonds consolidé et le ministère fédéral du Développement des ressources humaines Canada, ça, ça continue de nous piler sur les pieds, ça continue aussi de faire des chevauchements et des dédoublements. Alors, c'est évident qu'il faut continuer à négocier. Et ai-je besoin de vous dire que, pour y arriver, encore faut-il souhaiter qu'il y ait pas mal de députés du Bloc québécois qui soient là pour nous aider? Parce que c'est évident que n'eût été des 80, 80 bien comptées, interventions, interpellations à la période de questions à la Chambre des communes, pensez-vous qu'on y serait arrivés?

Imaginez que l'actuel premier ministre, M. Chrétien, avait dit au chef de l'opposition, au moment où il était premier ministre, il y a trois ans de ça exactement, avril 1994, il lui avait dit que c'étaient des caprices du Québec de vouloir se faire rapatrier les budgets de main-d'oeuvre. Alors, avez-vous idée que, s'il a signé avant une élection... Une chance qu'on est en démocratie, n'est-ce pas, puis que de temps en temps la crainte est le début de la sagesse. Mais, s'il a signé, c'est bien évident qu'il a signé parce qu'il voulait, dans le fond, être capable de dire qu'il n'était pas resté insensible à l'unanimité, au consensus unanime qui s'était dégagé au Québec durant toutes ces années.

Alors, c'est évident qu'il faut continuer à négocier, et on va continuer à négocier, et avec l'appui certainement de l'opposition également et de tous nos partenaires sociaux et économiques. Je suis convaincue, M. le Président, qu'on va faire valoir le bon sens. Il n'y a pas de raison, comme le fait actuellement d'ailleurs le Parti libéral du Canada, il n'y a pas de raison de prétendre que les chevauchements ont cessé alors que c'est juste la moitié. Si, justement, ils sont contents de pouvoir invoquer cette signature, eh bien, il faut qu'ils soient conséquents, puis il faut qu'ils soient contents que les dédoublements puis les chevauchements cessent complètement. M. le Président, donc, nous pouvons cependant intégrer ces trois réseaux.

Je voulais vous signaler que je me réjouis d'ailleurs que les employés fédéraux, par l'intermédiaire de l'Alliance de la fonction publique fédérale, aient émis un communiqué au moment du dépôt du projet de loi n° 150 pour faire valoir leur point de vue positif. Vous voyez, M. le Président, il s'agit là quand même d'un transfert, d'un changement important, puis souvent les changements inquiètent, quels qu'ils soient, sur le plan personnel comme sur le plan collectif. Alors, c'est d'autant plus, je pense, significatif que l'Alliance de la fonction publique fédérale du Canada ait émis un communiqué qui s'intitulait Projet de loi n° 150 sur la formation de la main-d'oeuvre: Vers une intégration harmonieuse des employés . Je pense qu'on peut s'en féliciter et s'en réjouir, M. le Président.

Je me félicite également et je me réjouis de l'appui des partenaires socioéconomiques, des partenaires à la fois du monde des affaires, des partenaires du milieu communautaire, des partenaires syndicaux et de l'éducation. Je m'en réjouis, M. le Président, d'autant plus que toute notre démarche qui a été guidée vers le décloisonnement, la simplification des programmes. La livraison dans un guichet unique des services publics d'emploi a aussi été guidée par une quatrième, si vous voulez, préoccupation qui a été celle – tout au long de ces négociations, tout au long aussi de l'élaboration du projet de loi n° 150 – d'associer les partenaires du marché du travail. C'est une valeur ajoutée, le partenariat québécois, que nous envient finalement autant nos voisins canadiens, ontariens et américains. C'est vraiment un partenariat qui a réussi à traverser les écueils, n'est-ce pas, des points de vue parfois divergents et légitimes, mais qui a réussi, M. le Président, à convenir que, pour l'ensemble des besoins de main-d'oeuvre au Québec, il y avait lieu dans le fond de concerter une politique active du marché du travail.

Cette concertation de la politique active du marché du travail, je dois en rendre hommage au Forum pour l'emploi qui en a été l'initiateur, depuis le début des années quatre-vingt-dix. Et, suite à cette proposition du gouvernement du Québec sur la politique active, en juin 1995, le Forum pour l'emploi me faisait parvenir un avis sur l'harmonisation des programmes de la main-d'oeuvre et de la politique active du marché du travail. Je vais simplement vous en citer un extrait, M. le Président, parce que c'est aussi forte de cet avis de novembre 1995, qui nous a beaucoup inspiré, que je peux considérer ce matin qu'avec le projet de loi n° 150 nous satisfaisons, n'est-ce pas, les préoccupations qui nous avaient été transmises du Forum pour l'emploi, il y a déjà un an et demi.

Alors, cet avis dit ceci... Pour un politique intégrée et centrée sur les besoins des clientèles, le Forum pour l'emploi dit ceci: «Il semblerait approprié d'utiliser la notion de services intégrés faisant appel à une concertation et à une coordination des ressources dans le but d'offrir un service accessible et efficace aux différentes clientèles concernées. Pour le client, l'important, c'est en effet d'avoir d'abord accès à un service simple, rapide, efficace de renseignements et de références, d'obtenir ensuite un suivi personnalisé avec quelqu'un qui l'accompagnera tout au long de sa démarche à travers un ensemble d'activités s'inscrivant dans un continuum bien compris de tous. Ceci vaut pour toutes les clientèles, tant pour la personne sans emploi qui veut s'insérer au marché du travail, pour l'entreprise qui veut réorganiser sa production, que pour la communauté qui veut se doter de services collectifs particuliers.

«Ainsi, les groupes qui s'occupent d'insertion à l'emploi insistent, ajoutait le Forum pour l'emploi, sur la notion d'accompagnement à travers un parcours d'insertion individualisé, tenant compte des besoins de chaque client, sans discrimination par rapport à sa participation à un programme particulier: sécurité du revenu, assurance-chômage, sans-chèque.» On insiste aussi sur la nécessité de respecter le client et de l'engager personnellement face à ce parcours d'insertion. C'est dans cette direction que nous nous engageons, M. le Président.

(12 h 10)

J'ajouterais un autre élément – élément important – parce que j'anticipe et j'appréhende d'une certaine façon que l'opposition nous conduise vers la voie de deux réseaux, en nous disant: Un seul, c'est trop gros, et en nous proposant d'avoir finalement un réseau pour la sécurité du revenu, mesures passives, différent du réseau des mesures actives. Je le dis, M. le Président, parce que c'était là quasi l'essentiel de la critique qui a été faite à chaud au moment où je déposais le projet de loi n° 150 et où je présentais une déclaration ministérielle en cette Chambre.

Le député de Laporte qui, à ce moment-là, a réagi au nom de l'opposition, à cette déclaration ministérielle, a fait valoir qu'un seul ministère de l'Emploi et de la Solidarité avec deux missions – puisque c'est de ça dont il s'agit dans le projet de loi n° 150 – mission sur la sécurité du revenu, c'est-à-dire la livraison des prestations, qu'on appelle mesures passives; puis une mission d'emploi, donc, à l'égard d'une politique active... Il nous a dit: C'est trop, il vaudrait mieux garder deux réseaux.

Et là, M. le Président, je voudrais justement citer l'avis du Forum pour l'emploi de novembre 1995, qui disait ceci: «Pour alimenter la réflexion sur la question de l'intégration des services, rappelons que l'OCDE, dans son étude sur l'emploi 1994, suggère que des services publics d'emploi efficaces doivent pouvoir intégrer à la fois les services de placement, le versement des prestations et l'accès à des mesures actives. L'existence de plusieurs réseaux de services au Québec ne facilite certes pas cet objectif d'intégration.»

Je pense, M. le Président, que c'est là un aspect extrêmement important. Toutes les études, d'ailleurs, de l'OCDE le révèlent: pour empêcher une dérive vers le chômage de longue durée, pour empêcher un dérapage vers l'exclusion sociale, il est indispensable de mettre en place des politiques intégrées qui facilitent, qui favorisent l'accès au travail, la création d'emplois et qui, en même temps, favorisent aussi l'arrimage entre les mesures actives et les mesures passives d'emploi. C'est là un aspect déterminant, névralgique, extrêmement important. À la fin du présent siècle et à la veille de traverser un prochain millénaire, c'est vraiment là un aspect extrêmement important, celui de l'arrimage entre les mesures actives et ce qu'on appelle habituellement les mesures passives, particulièrement ici, au Québec où, pendant des décennies, les chômeurs à l'aide sociale ont été mis à l'écart des politiques et des programmes de main-d'oeuvre.

Alors, M. le Président, je voudrais faire état également, puisque le projet de loi n° 150 propose un rôle prépondérant aux partenaires du marché du travail, je voudrais faire valoir les échos extrêmement positifs qui ont suivi le dépôt du projet de loi n° 150. Dans une déclaration commune émise au moment du dépôt du projet de loi, les membres du comité exécutif de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, composé de Mme Nancy Neamtan, qui se trouve être la porte-parole de la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre, de même que M. Gaétan Boucher, président-directeur général de la Fédération des cégeps et membre du comité exécutif de la SQDM, de même que M. Ghislain Dufour, président du Conseil du patronat du Québec, de même que M. Gérald Larose, président de la CSN, M. Henri Massé, secrétaire général de la FTQ, M. Gérald Ponton, président-directeur général de l'Alliance des exportateurs et manufacturiers, des gens qui viennent d'horizons différents, pourtant, et ils ont choisi, dans une déclaration commune émise au moment du dépôt du projet de loi, et je cite, «d'accueillir favorablement le projet de loi sur la réorganisation des services publics d'emploi».

Et ils ajoutaient ceci: «Ces partenaires membres de l'exécutif et du conseil d'administration de la SQDM ont insisté et ont fait depuis longtemps consensus sur la nécessité de regrouper l'ensemble des mesures actives au sein de services intégrés d'emploi.» Ces mêmes partenaires déclaraient que «le projet de loi qui mènera à la création d'Emploi-Québec répond donc, pour l'essentiel, à leurs attentes». Ils donnaient en outre leur accord sur la structure proposée dans le projet de loi n° 150, lequel crée le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et institue la Commission des partenaires du marché du travail.

D'ailleurs, la création du ministère a été soumise aux partenaires au fur et à mesure que nous avons discuté des modalités d'implantation pour qu'il soit possible d'intensifier le partenariat aux niveaux local, régional et national. De l'avis donc de ces personnes qui sont directement concernées, la Commission des partenaires, instituée par le projet de loi et qui se trouve à remplacer l'actuel conseil d'administration de la SQDM, leur permettra, et je le cite: «de maintenir leur engagement en faveur de la politique active du marché du travail.» Ils y voient d'ailleurs, M. le Président, une reconnaissance du gouvernement sur le fait que la concertation et le partenariat sont nécessaires pour faire reculer le chômage. En conséquence, ils offrent leur collaboration au gouvernement pour relever le défi de l'emploi et souhaitent que les mesures mises en place permettent de réaliser les objectifs poursuivis.

M. le Président, je pense que c'est là une prise de position extrêmement importante qui d'ailleurs s'est traduite par une résolution en bonne et due forme du conseil d'administration de la SQDM, sur lequel siège l'ensemble de ces partenaires, laquelle résolution je cite: «Il est unanimement résolu d'exprimer la satisfaction ainsi que l'appui des partenaires des marchés du travail réunis au sein du conseil d'administration de la Société québécoise du développement de la main-d'oeuvre au projet de loi n° 150.» C'est un extrait du procès verbal de la 45e séance du conseil d'administration, qui eut lieu le 22 mai dernier.

Il y a là de quoi nous réjouir puisqu'une gestion concertée du marché du travail, une politique active du marché du travail, ça ne peut pas se faire comme avant, avec des normes et des critères de gouvernement. Une gestion concertée, ça se fait dans l'entreprise, ça se fait avec l'appui et la collaboration autant des syndicats que des employeurs. Ça se fait aussi avec la collaboration des organismes communautaires qui ont à coeur le sort des chômeurs de longue durée, des personnes fortement défavorisées à l'emploi, celles qui risquent plus d'être mises de côté par un marché du travail très sélectif.

C'est évident que d'avoir leur appui me réjouit. Je vous le dis en toute sincérité. Parce que ça nous donne évidemment beaucoup plus de garanties que nous allons pouvoir nous fixer des objectifs de résultats. Ça, c'est le cinquième élément important. C'est que dorénavant, plutôt que d'administrer des programmes normés, c'est à partir d'objectifs de résultats, résultats concrets, résultats en terme d'insertion, en termes du nombre d'apprentis, du nombre de personnes insérées, du nombre de personnes maintenues à l'emploi, du nombre d'emplois créés, c'est à partir d'objectifs de résultats concrets inclus dans des plans locaux, plans régionaux et plan national – un plan d'action d'ailleurs que, dans le projet de loi n° 150, le ministre ou la ministre s'engage à signer avec ses partenaires au sein de la Commission des partenaires – plan d'action annuel avec des objectifs de résultats dans les cinq axes que je vous ai décrits tantôt, plan d'action annuel au niveau régional et plan d'action annuel au niveau local, plan d'action avec des objectifs à réaliser et avec un budget qui va se retrouver dans des enveloppes locales, régionales et nationales...

(12 h 20)

M. le Président, c'est toute la différence entre une gestion par programme où, la plupart du temps, dans les programmes qui fonctionnaient, au bout de trois mois l'argent était dépensé. Ceux qui ne fonctionnaient pas, à la fin de l'année l'argent était périmé. C'est des dizaines de dizaines de millions qui étaient périmés en main-d'oeuvre, le croiriez-vous, avec le précédent gouvernement? Alors que dorénavant, dans le cadre des enveloppes locales, régionales et nationales, dans le cadre des plans locaux, régionaux et nationaux, avec des objectifs de résultats concrets, c'est évident qu'on va être capable de s'ajuster à des marchés du travail qui sont différents.

La main-d'oeuvre, M. le Président, ce n'est pas pareil, entre Moose Jaw, Terre-Neuve et Montréal. Mais c'est aussi différent, les besoins de main-d'oeuvre, entre Laval et la Côte-Nord, et l'Abitibi et Lanaudière parce que ça dépend intimement plus du développement économique, parce que ça dépend intimement aussi des besoins de scolarisation ou de formation. Pensez qu'à Montréal, c'est très souvent des besoins de qualification qui font que les Montréalais sont écartés des nouveaux emplois créés au profit des gens qui habitent la banlieue. Alors, on sait qu'à Montréal la priorité entre toutes, c'est le relèvement du niveau de qualification, alors qu'il se peut très bien que, dans des régions limitrophes, dans des régions voisines, ce soit – par exemple, du côté des Hautes-Laurentides – beaucoup plus la stabilisation de l'emploi, de façon à ce que l'emploi saisonnier, dans le tourisme en particulier, puisse s'allonger.

Alors, il va y avoir la possibilité dorénavant de moduler les argents – puis c'est des sommes considérables, on parle de 800 000 000 $ dans les mesures actives – en fonction des besoins identifiés et des résultats qui vont devoir être atteints, les résultats élaborés à l'intérieur des plans locaux et régionaux, lesquels plans sont arrimés avec le développement local et régional dans le cadre du livre blanc déjà publié par mon collègue le ministre responsable du Développement des régions. Le chapitre 3 explique très bien l'arrimage qui va se faire entre la main-d'oeuvre et l'emploi puis le développement local et régional. Les deux sont indispensables, il ne faut pas les confondre et, en même temps, il faut être capable de les arrimer parce que les deux – développement local, régional et politique active du marché du travail avec les partenaires, employeurs, travailleurs et communautaires – ces deux politiques-là, elles sont faites pour nous permettre de marcher puis même de courir, je pense, pour faire du rattrapage dans ce qu'on a à faire comme société.

C'est évident que la prolifération des réseaux actuels, le cloisonnement des clientèles, le dédoublement des programmes étaient, en soi, un obstacle majeur à une politique énergique pour réduire le chômage au Québec. Et, je vous le dis, je crois que le projet de loi n° 150, dans la réorganisation des services publics d'emploi, va être un outil, un instrument d'abord et avant tout pour l'ensemble de la société, pas juste pour le gouvernement. Le gouvernement est un partenaire important, déterminant, celui qui détermine les règles du jeu. Mais le jeu, c'est avec le milieu qu'on va le jouer, c'est avec les employeurs, c'est avec les travailleurs, c'est avec les municipalités, les commissions scolaires et également les CLSC, puisqu'il y a aussi, chez les demandeurs d'emploi ou les chômeurs, des personnes qui ont besoin d'accompagnement et de support psychosocial.

Alors, voilà l'essentiel de cette réorganisation. La responsabilité du ministre ou de la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité sera d'élaborer et d'adopter des politiques visant la main-d'oeuvre de l'emploi, de définir des orientations générales de la politique active, alors que, réunis au sein d'une commission instituée par le projet de loi, les partenaires du marché du travail seront consultés sur ces politiques.

Dorénavant, les services publics d'emploi porteront le nom d'Emploi-Québec, avec le statut d'une unité autonome de services au sein du ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Comme je le signalais, une entente de gestion sera conclue entre la ministre et la commission des partenaires, et, annuellement, un plan d'action avec des objectifs de résultat sera élaboré, signé et approuvé par le gouvernement pour mettre en oeuvre l'entente de gestion.

Je pense que, dès que l'Assemblée nationale aura accepté ce projet de loi, nous pourrons mettre en place cette réorganisation. Les premiers gagnants, j'en suis certaine, seront nos concitoyens à la recherche d'un emploi, ceux et celles qui, désespérément, sont parfois envoyés d'un service à l'autre. Et je comprends que c'est là vraiment un projet de loi majeur qui met à contribution l'essentiel des efforts qu'on a pu faire depuis deux ans et demi maintenant. Et je souhaite évidemment que l'opposition s'y associe. Je souhaite également, s'il y a moyen de le bonifier en commission parlementaire, que nous le fassions. Mais je pense que c'est là une piste d'atterrissage et une piste d'atterrissage indispensable pour l'ensemble de la politique active du marché du travail qui va pouvoir dorénavant se déployer dans le cadre de cette réorganisation des structures. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité. Nous cédons maintenant la parole à la critique officielle de l'opposition en cette même matière, Mme la députée de Saint-François. Mme la députée.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. C'est en pensant d'abord aux chômeurs et aux chômeuses de mon comté, aux personnes sans emploi, aux personnes à la recherche d'un emploi, aux trop nombreuses personnes victimes de la nouvelle économie, de la mondialisation, de la concurrence internationale que j'interviens aujourd'hui devant cette Assemblée pour débattre du principe du projet de loi n° 150 présenté par la députée de Hochelaga-Maisonneuve et ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité. C'est en pensant à tous ces phénomènes nouveaux et rapides qui poussent toujours un peu plus les entreprises du monde entier à rationaliser, à couper dans les coûts de production, à investir dans la nouvelle technologie, à réduire l'apport en main-d'oeuvre pour le remplacer par un apport en matière grise, c'est dans ce contexte d'urgence et de transformations profondes que j'interviens dans ce débat que nous amène la ministre.

Aujourd'hui, M. le Président, c'est le savoir qui compte, c'est la connaissance de nouvelles technologies, de nouvelles technologies qui suscitent l'intérêt du marché du travail, et de nouvelles techniques. Ce projet de loi, comme l'a expliqué la ministre, est une pièce, une étape, un élément d'une vaste réorganisation administrative des services offerts aux citoyens et citoyennes du Québec en matière d'emploi et de formation de la main-d'oeuvre.

La ministre a choisi de tout faire en même temps, soit mettre en oeuvre l'entente signée entre Ottawa et Québec au mois d'avril qui donne suite aux revendications du Québec en matière de formation de la main-d'oeuvre. Alors, comme vous vous souviendrez, M. le Président, c'est une revendication du Québec depuis fort longtemps. On s'est tous réjouis que le Québec ait pu signer avec le gouvernement fédéral cette entente sur la main-d'oeuvre. Mais, contrairement à ce que la ministre disait qu'elle croyait que c'était le Bloc québécois qui avait donné le coup de pouce, moi, je dois dire qu'il ne faut pas oublier que le gouvernement fédéral a signé une telle entente avec quatre autres gouvernements, quatre autres provinces et que je doute que ce soit le coup de pouce du Bloc québécois. D'ailleurs, je me demande toujours, en ce moment important, ce que le Bloc fait naturellement au palier fédéral. Mais de toute manière, M. le Président, je pense que ce qui est important, c'est de reconnaître le bien-fondé de cette entente qui va éviter des chevauchements et qui va permettre à la ministre, justement, de décloisonner tous les services et les programmes. Donc, on s'en réjouit, M. le Président.

(12 h 30)

Mais, en même temps que la ministre doit mettre en oeuvre cette entente, doit négocier les modalités de l'entente, puisqu'elle a jusqu'au mois de septembre pour le faire, et qu'on sait très bien que l'entente sera en vigueur à compter du 1er janvier 1998, au même moment où la ministre doit tout faire ça, la ministre doit aussi naturellement travailler et négocier, parce qu'on se souviendra que c'est 2 700 000 000 $ sur cinq ans que le gouvernement du Québec va chercher en transferts au niveau du gouvernement fédéral, et elle devra aussi recevoir près de 1 000 fonctionnaires qui passeront du giron fédéral au giron provincial.

Mais, M. le Président, en même temps que la ministre doit négocier cette entente, comme je le disais – pas l'entente, mais, je veux dire, les modalités de l'entente et la mise en oeuvre de l'entente – la ministre en même temps souhaite décloisonner les services offerts en matière d'emploi et de formation de manière à offrir les mêmes services aux chômeurs et chômeuses et aux prestataires de la sécurité du revenu. On se réjouit également que la ministre puisse décloisonner les services et les programmes. Je pense que c'est une bonne nouvelle. Mais, en même temps, la ministre choisit de structurer aussi, d'annoncer des structures et, entre autres, de démanteler la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre qui existe depuis 1992-1993 et qui avait suscité beaucoup d'espoir lors de sa création. Pourquoi, à ce moment-ci, démanteler la Société québécoise de la main-d'oeuvre? Cette Société, comme je le mentionnais, avait été créée justement pour assumer les responsabilités qui devaient lui être dévolues suite à la signature d'une entente avec le gouvernement fédéral, une entente sur la main-d'oeuvre. Pourquoi donc, à ce moment-ci, démanteler? Pourquoi tout faire en même temps? Pourquoi commencer à négocier l'entente qui a été signée avec le gouvernement fédéral, s'occuper du décloisonnement des services et des programmes, mais, en même temps, démanteler immédiatement la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, avant d'expérimenter et de proposer de nouvelles structures?

Personne, à mon avis, M. le Président, n'a exigé ou encore n'a demandé au gouvernement de démanteler la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. J'entendais tout à l'heure la ministre qui disait qu'elle avait eu des appuis favorables de tout le milieu des partenaires socioéconomiques. J'en conviens, M. le Président. J'en conviens parce que, finalement, ils ont pris pour acquis qu'ils n'avaient pas le choix, que la ministre avait décidé de démanteler la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Donc, ils ont essayé d'obtenir le maximum au point de vue, je dirais, de s'assurer qu'ils auraient un rôle important à jouer, un rôle décisionnel qu'ils pourraient jouer au niveau d'une nouvelle structure.

Mais ils n'ont pas demandé, à ma connaissance, à la ministre de démanteler la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Au contraire, ils auraient souhaité, à mon avis, que cette Société puisse être maintenue. Mais, finalement, la ministre, on comprendra que, dans son projet de loi, elle a décidé de démanteler la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Je comprends, M. le Président, que certaines difficultés persistent actuellement au sein de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, que la ministre n'a peut-être pas le rôle qu'elle souhaiterait avoir au sein de cet organisme, et du fait, entre autres, que plusieurs syndicats qui représentent les travailleurs et les travailleuses ont des vues divergentes. D'ailleurs on en avait discuté lors de l'étude des crédits.

Mais, étant donné que le gouvernement a l'intention d'accorder la sécurité d'emploi à tous ceux et celles qui y travaillent actuellement qui ne l'ont pas, cette sécurité d'emploi, c'est-à-dire de réintégrer dans la fonction publique l'ensemble des travailleurs, qu'aussi bien ceux et celles qui n'avaient pas la sécurité d'emploi ou qui n'étaient pas des fonctionnaires du gouvernement que ceux qui l'étaient réintègrent la fonction publique ou intègrent la fonction publique, à ce moment-là je me dis que les difficultés qui persistaient auparavant quant aux nombreux syndicats qui pouvaient avoir des vues divergentes, ces difficultés, à mon avis, seront aplanies.

Alors donc, c'est quoi, finalement? Pourquoi on démantèle la Société québécoise? Pourquoi tout simplement ne pas offrir à l'ensemble de ses fonctionnaires ce que la ministre veut leur offrir à l'intérieur de son ministère et peut-être créer des relations beaucoup plus harmonieuses et permettre à la ministre de pouvoir avoir quand même un oeil plus critique et de pouvoir avoir un certain contrôle? Je pense que là n'est pas... On n'est pas contre ça, mais je pense que démanteler à ce moment-ci, comme je le disais, étant donné que la ministre a beaucoup de chats à fouetter en même temps et a beaucoup de projets, peut-être que c'est un peu trop tôt. Il m'apparaît que c'est trop tôt actuellement pour prendre cette décision.

Alors, M. le Président, ce n'est pas rien, ces changements qu'on apporte actuellement. C'est tout un bouleversement de structures. Je comprends qu'on en élimine, mais vous verrez tout à l'heure, puis je vais vous faire la démonstration qu'on en crée d'autres. On en crée d'autres. Ce n'est pas uniquement quelques structures, c'est d'innombrables structures. Alors, c'est tout un bouleversement de structures, et je suis loin d'être certaine qu'on y gagne au change.

La ministre, comme je le mentionnais, a choisi de tout faire en même temps, comme le gouvernement d'ailleurs, et c'est un peu pour ça qu'on n'a pas cette vision d'ensemble. On ne sait pas trop où on s'en va actuellement.

D'une part, M. le Président, vous avez le ministre des Affaires municipales qui vient de déposer un projet majeur pour aider la fusion ou bien pour demander aux municipalités de se fusionner. On veut réduire le nombre de municipalités. D'autre part, vous avez la ministre de l'Éducation qui veut fusionner des commissions scolaires, qui veut réduire le nombre de commissions scolaires, qui veut changer les cartes des territoires des commissions scolaires. Et ça, ce débat-là n'est pas terminé, M. le Président.

On sait, par exemple, que les parents s'inquiètent énormément actuellement. Vous avez justement des municipalités qui se sont déjà fusionnées. Entre autres, dans mon propre comté, vous avez une municipalité ou une partie de municipalité qui s'est annexée ou qui a fusionné avec d'autres municipalités. Aujourd'hui, ils se voient contraints d'envoyer leurs enfants complètement dans une autre MRC. Donc, ils sont désemparés parce qu'ils n'ont pas nécessairement ce lien d'affinité, mais ils se voient obligés de changer de MRC. Là, ils remettent en question l'annexion qui a eu lieu pour une portion de cette municipalité. J'imagine que la même chose va survenir à un moment donné, on aura ces mêmes difficultés, parce qu'on n'est pas capable de tout faire en même temps. On a beaucoup de chantiers d'ouverts, sur tous les fronts, mais on ne sait pas trop comment ça va s'imbriquer tout à l'heure l'un dans l'autre.

Alors, je vous disais, M. le Président, qu'il y a beaucoup de chantiers d'ouverts, celui des municipalités, celui des commissions scolaires, mais on se prépare aussi, on le sait – les municipalités sont inquiètes – à refiler la facture aux municipalités, aux MRC aussi. Quand on pense, par exemple, qu'à compter du 1er janvier 1998, c'est 500 000 000 $ qu'on refilera aux municipalités et que les municipalités ne savent même pas encore comment aller le chercher... On leur demande de couper dans les salaires, 6 % dans les salaires. Il y a peut-être des municipalités qui peuvent le faire, des villes qui peuvent le faire, mais ce ne sont pas toutes les municipalités. Vous avez des municipalités qui ont 2 000 de population, elles ont un secrétaire ou parfois un secrétaire à temps partiel ou une secrétaire à temps partiel. Comment aller chercher 6 % dans les salaires, M. le Président? Ça équivaut à presque 70 $ par citoyen. On me disait, dans certaines municipalités, qu'on s'attend à des augmentations de comptes de taxes de l'ordre de 150 $ à 180 $ par résidence; c'est quand même énorme.

Donc, toutes les municipalités sont à faire également cet exercice, essayer de voir comment on va pouvoir réduire le compte ou au moins maintenir le compte de taxes sans l'augmenter avec les demandes ou le pelletage que fait actuellement le gouvernement. Ça, bien sûr, c'est sans compter tout ce qui a été fait l'année dernière. C'est presque, si ma mémoire est fidèle, 1 300 000 000 $, je pense, ou 1 700 000 000 $ avec le 500 000 000 $ d'efforts supplémentaires qui leur seront demandés à compter du 1er janvier.

M. le Président, ça sent l'improvisation. Et le projet de loi, malgré qu'il poursuit l'ambitieux défi de mettre de l'ordre dans le secteur stratégique du développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi en fusionnant trois réseaux... On verra tout à l'heure qu'il y a également des structures. C'est au niveau des structures, je pense, qu'on se questionne à ce moment-ci; ce n'est pas au niveau du décloisonnement des services ou encore des programmes, comme je le mentionnais, on s'en réjouit. On est très heureux de voir que la ministre a décidé de mettre de l'ordre dans ces nombreux programmes et services et qu'elle peut profiter heureusement de l'entente qui a été signée avec le gouvernement fédéral pour faire ce ménage.

Mais, lorsqu'on parle du projet de loi n° 150, M. le Président, on parle également des 129 centres – parce qu'on veut fusionner les trois réseaux que je mentionnais tout à l'heure, les trois réseaux que l'on veut fusionner dans le projet de loi – de Travail-Québec qui rendaient des services aux clientèles de la sécurité du revenu; on parle des 51 points de services et des 12 sociétés régionales de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre qui offraient des services aux entreprises et aux personnes; on parle des 78 centres locaux et des trois directions générales du ministère fédéral du Développement des ressources humaines. Tout cela, M. le Président, sans que nous ayons devant nous le contenu des programmes que les uns et les autres appliquent sur le terrain. Il aurait été intéressant d'avoir ou de connaître le contenu de ces programmes. On ne parle que du contenant, c'est-à-dire que du squelette, que de la structure, mais on ne nous parle pas du contenu.

(12 h 40)

C'est une des raisons, M. le Président, qui rendent l'étude de ce projet de loi passablement complexe. Il faut comprendre, comme je le mentionnais, M. le Président, qu'on nous demande de décider aujourd'hui des structures qui auront à gérer les réformes qu'on annonce en matière, entre autres, de sécurité d'emploi et en matière de développement régional. Donc, on nous demande aujourd'hui de nous prononcer sur ces structures, alors qu'on ne connaît pas encore tout à fait les réformes et les programmes qu'on a l'intention d'implanter, ou de remplacer, ou entre autres de transformer.

Ces réformes, comme je le mentionnais, ont fait – je pense à la réforme de la sécurité du revenu, entre autres, ou en matière de développement régional – l'objet de nombreuses critiques, des critiques assez sérieuses pour qu'on puisse être suffisamment sensibilisé et prendre un temps d'arrêt. Et c'est ce qui m'amène à me poser la question suivante: Comment porter un jugement clair et complet sur le plan de réorganisation des structures du gouvernement? Ce plan, par bribes, par morceaux, ressemble davantage à un casse-tête qu'à un véritable plan. C'est une vraie tour de Babel.

Comme je le mentionnais, chaque ministre a sa vision des structures, nous propose des structures, des changements, que ce soit au niveau même de la santé... Quel bouleversement au niveau de la santé! On se rend compte aujourd'hui des ratés. Mais quel bouleversement! On va trop vite, ça sent l'improvisation. On avait avisé le ministre de la rapidité avec laquelle il faisait cette réforme. Je conviens qu'il avait un mandat de faire des compressions, mais, à un moment donné, il y a des limites, M. le Président. C'est la vie des malades qui est en danger.

Alors, il faut s'arrêter. Que ce soit au niveau de la santé, que ce soit au niveau des municipalités, que ce soit au niveau du développement régional, que ce soit au niveau des commissions scolaires, que ce soit au niveau de la sécurité du revenu, on n'est pas devant des lois, des projets de loi, on n'est pas devant des décisions définitives, on est en consultation ou on a consulté et on est en attente de décisions suite à certaines recommandations, mais on n'a pas ce plan d'ensemble. Comment voulez-vous qu'on se prononce aujourd'hui sur des structures qui concernent la main-d'oeuvre, des structures régionales ou des structures locales, alors qu'on n'a pas ce plan d'ensemble?

Comme je le mentionnais, on n'a rien contre le décloisonnement des programmes et des services, mais c'est contre les structures. Actuellement, on n'a pas cette vue d'ensemble. Donc, comment porter un jugement objectif et critique quand nous n'avons devant nous qu'une partie d'un vaste puzzle? Comment appuyer ou encore rejeter une proposition, alors qu'un observateur attentif est incapable de saisir globalement l'image que le gouvernement a en tête? Comment on peut appuyer ou rejeter cette proposition? Moi, je ne l'ai pas, en tant que critique de l'opposition, je n'ai pas cette image globale que le gouvernement a en tête actuellement. Je souhaiterais l'obtenir, je souhaiterais l'avoir. Je ne demanderais pas mieux que de donner mon appui à la ministre pour ce projet, mais je ne l'ai pas, je suis incapable de l'obtenir.

Où s'en va ce gouvernement dans sa lutte au chômage, à la pauvreté, à l'exclusion? Pourquoi investir tant d'efforts dans les structures plutôt que de s'attaquer aux véritables problèmes? Le ministre du Développement régional vient de nous soumettre un livre blanc sur le développement local et régional. On vient à peine d'amorcer la discussion. Ce document, il n'est même pas en forme législative. Quand pourra-t-on voter un projet de loi pour mettre en vigueur les structures prévues dans cette politique du développement régional pour donner suite aux recommandations du livre blanc? Sûrement pas d'ici la fin de juin, nous sommes maintenant le 29 mai, M. le Président; probablement à l'automne.

Mais il y a la réforme de la sécurité du revenu aussi, qui est une réforme inachevée. Une vaste consultation a eu lieu au printemps, mais à quand les propositions qui iront dans le sens des recommandations? Parce qu'on sait que, dans le projet de loi n° 150, la ministre touche également les programmes ou les mesures se rapportant à l'aide sociale. Tout comme d'ailleurs, M. le Président, c'est en lisant non pas le projet de loi, mais c'est en lisant soit les communiqués de presse ou encore le document sur le développement régional du gouvernement qu'on apprend qu'il y aura des centres locaux d'emploi et des centres de développement, parce que, à la lecture même du projet de loi, on ne le voit pas, on ne le sait pas. Alors, je vous disais, ça arrive par bribes, ça arrive par morceaux, mais on n'a pas cette vue d'ensemble. Et c'est ce sur quoi j'en ai, M. le Président. Comment pouvoir obtenir ce plan?

Le ministère et les structures que veut créer la ministre ont un effet direct, comme je le mentionnais, sur la réforme de la sécurité du revenu. Pourquoi changer les structures avant de connaître la politique finale? À moins que la ministre connaisse déjà sa politique finale et qu'elle soit en mesure d'ici l'adoption du projet de loi ou du principe... qu'elle puisse nous renseigner, nous le dire. Mais, M. le Président, mon collègue qui est responsable et critique de la sécurité du revenu n'en sait pas plus que moi. On est tous au même niveau.

Je suis persuadée, M. le Président, que les députés qui sont ici, dans cette Chambre, sont comme moi. Ils se questionnent actuellement puis ils se demandent dans quelle tour de Babel on s'en va. Mais où on s'en va avec toutes ces structures? Qui va faire quoi demain matin? Et, dans la vraie vie, là, dans la vraie vie, comment ça va arriver? Comment ça va se passer? C'est beau, des papiers, c'est beau, des structures, mais, dans la vraie vie, comment on va y arriver? Je pense que c'est ça que le client est en mesure de s'attendre. Il faut penser aux bénéficiaires, il faut penser à la clientèle. Il ne faut pas penser aux luttes de pouvoir entre un et l'autre, ou quoi que ce soit. Il faut penser davantage à ces gens qui ont besoin de services.

Il nous manque également, M. le Président, et ça, je pense que c'est très important... J'aurais souhaité que l'on puisse avoir un plan d'harmonisation, concernant la formation en matière de formation professionnelle, entre les actions de la ministre de l'Emploi et les actions de la ministre de l'Éducation. La ministre de l'Emploi a une portion de la main-d'oeuvre, de la formation professionnelle, mais le plus gros du bâton appartient à la ministre de l'Éducation. Et, même si la ministre de l'Emploi a signé avec la ministre de l'Éducation une entente concernant le programme d'apprentissage, qui est un programme qui va faciliter l'apprentissage des étudiants dans le milieu de l'entreprise, on n'a pas entendu dire qu'il y avait d'autres ententes à d'autres niveaux.

On sait très bien qu'il y a toujours eu cette guerre entre les deux ministères au niveau de la formation professionnelle. Comment répondre aux besoins du milieu? Comment répondre aux entreprises qui ont besoin – comment pourrais-je dire, donc – d'une formation adéquate, d'une formation technique qui puisse répondre à leurs besoins? Actuellement, il y a énormément de chômeurs, mais aussi il n'y a pas preneurs nécessairement à certains emplois, faute de formation adéquate, formation professionnelle ou technique adéquate. Mais comment on va pouvoir harmoniser les gestes que posera la ministre de l'Éducation avec ceux que posera la ministre de l'Emploi, M. le Président?

Cette semaine, j'avais l'occasion de questionner justement la ministre de l'Éducation sur un projet très important pour l'Estrie. Lors du dernier Sommet, on demande aux différentes régions du Québec d'être imaginatives, d'être innovatrices et de proposer au gouvernement des pistes de solution pour intégrer puis réintégrer puis former les gens sur le marché du travail. Alors, la région s'est consultée, comme on le fait toujours, avec tous les intervenants, M. le Président. Non seulement ils se sont consultés, mais ils ont accepté de transférer des cartes d'éducation, des cartes de formation d'une école à l'autre, d'une commission scolaire à l'autre. Ils étaient prêts, dépendamment des besoins dans une sous-région par rapport à une autre sous-région, à se transférer ces cartes. Si une année vous avez un besoin dans un tel secteur et puis que trois ans après ou quatre ans après vous ne l'avez plus, les commissions scolaires étaient d'accord pour dire: On transfère ça dans une autre sous-région. Tout le monde était d'accord; ils s'étaient tous entendus. Et ce beau projet, on pouvait le mettre en vigueur à compter de septembre 1997. Mais, M. le Président, on envoie au ministère de l'Éducation ce beau projet et on nous revient en nous disant: Non, on ne peut pas y donner suite pour le moment.

(12 h 50)

J'écoutais la ministre de l'Éducation qui me disait qu'elle allait voir s'il y a des possibilité, mais qu'en même temps elle attendait tous les plans des autres régions. Mais, M. le Président, vous avez une région qui se prend en main, qui a un excellent projet qui est en fonction des besoins de cette région-là, et là il faut attendre les plans des autres régions pour pouvoir harmoniser. J'imagine qu'on n'acceptera pas des plans identiques et des plans uniformes. Les régions prennent le temps de se consulter, de se concerter et d'accepter des changements, des modifications et parfois même des budgets en moins pour faire profiter d'autres commissions scolaires de certains programmes. Mais là on attend.

Alors, c'est une année de perdue, tout à fait une année de perdue parce que, si la décision n'est pas prise d'ici quelques jours, si une décision imminente n'est pas prise d'ici quelques jours, c'est sûr qu'on ne peut pas mettre en branle ce projet pour septembre 1997. On vient de perdre une autre année. Et ça, qui est perdant là-dedans? Tout simplement les étudiants qui sortiront dans trois, quatre ans. C'est ça. Et on n'aura pas répondu aux besoins des entreprises parce que c'était fait en fonction justement des besoins des entreprises.

Alors, M. le Président, j'aurais souhaité que l'on puisse obtenir de la ministre un plan d'harmonisation, qui aurait été souhaitable entre les deux ministres qui s'occupent de la formation professionnelle, pour qu'on puisse savoir comment se feront tous ces arrimages d'une structure à l'autre, d'un palier à l'autre, d'une région à l'autre.

Autrement dit, est-ce que le citoyen du comté de Saint-François, celui de Hochelaga-Maisonneuve, celui du Saguenay–Lac-Saint-Jean dans le besoin, celui qui cherche du travail, celui qui a besoin de renforcer son employabilité ou améliorer ses compétences, est-ce que ce citoyen est rassuré par le brassage de structures qui s'annonce dans les prochains jours, dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, les prochaines années? Est-ce qu'il sera rassuré? Est-ce que ce gouvernement répond à sa détresse, à son stress d'être exclu du marché du travail? Est-ce que ce projet permettra de l'aider davantage? Est-ce que ce brassage de structures va créer des emplois? Est-ce que ce citoyen ou cette citoyenne, est-ce que cette personne va être mieux servie, sera servie plus rapidement, plus efficacement? Je doute, M. le Président.

À ce moment-ci, M. le Président, une première lecture du projet de loi n° 150 laisse le lecteur avec une impression de brouillard. Ce brouillard qui persiste, la ministre devra s'employer à le dissiper dans les étapes ultérieures de son projet de loi. Elle devra s'employer à nous faire voir la lumière, à nous convaincre que cet exercice, cette gymnastique où on monte et démonte des structures, où on fait et défait des organigrammes, où on place et déplace des travailleurs et des travailleuses de la fonction publique, servira d'abord les intérêts des plus démunis de notre société, de ceux et celles, jeunes et adultes, qui sont à la recherche d'un emploi. Je pense que c'est ça qui est important.

Bien sûr, M. le Président, on comprend les grandes lignes. On comprend que ce gouvernement a choisi de s'attaquer aux structures existantes dans un premier temps, et au chômage et à la pauvreté plus tard. C'est ce que, nous, on comprend de ce côté-ci, M. le Président. Bien sûr, on comprend qu'il y aura des ententes de gestion à négocier avec les partenaires, avec les unités autonomes au sein du nouveau ministère, avec les représentants des nouvelles structures, comme Emploi-Québec, comme la future commission des partenaires du marché du travail, comme les futures commissions régionales des partenaires du marché du travail.

Mais ces négociations se feront à l'extérieur de l'Assemblée nationale. On ne les connaît pas encore. On ne sait pas de quoi ça va se chauffer. On ne sait pas le contenu, on ne le connaît pas. Tout ça va se négocier à l'extérieur de l'Assemblée nationale par des personnes qui auront été nommées. Les parlementaires qui auront à étudier le projet de loi ne pourront pas enrichir leur réflexion du contenu et des résultats de ces discussions très importantes en regard de l'organisation, de l'efficacité et de la qualité des services publics d'emploi et de formation de la main-d'oeuvre. Tout cela, c'est bien beau, mais, pour le citoyen ordinaire, pour la personne qui cherche la bonne adresse, le bon numéro de téléphone, la bonne personne qui peut l'aider, le bon programme, ça risque de compliquer les choses encore plus.

Bien sûr, la ministre a travaillé fort pour que son projet reçoive les appuis essentiels pour sa réalisation. Nous avions eu l'occasion, lors de l'étude des crédits du ministère, de discuter, comme je le mentionnais tout à l'heure, du différend qui subsistait à ce moment-là entre les principaux acteurs socioéconomiques du monde du travail et la ministre quant au rôle des partenaires dans les nouvelles structures.

Selon les informations que nous avions du milieu, les partenaires souhaitaient obtenir ou conserver dans les nouvelles structures un pouvoir décisionnel, alors que la ministre penchait plutôt vers un rôle consultatif. Eh bien, nous avons été heureux de lire, dans un communiqué diffusé le 16 mai dernier, soit le lendemain du dépôt du projet de loi, et suite, je pense, aussi à une visite au bureau du premier ministre, que les membres du comité exécutif de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, appelée à disparaître, appuyaient le démembrement de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre en appuyant le projet de loi.

Mais, comme je le mentionnais tout à l'heure, ils ne l'ont pas demandé, le démantèlement de la SQDM, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Quand ils ont vu que la ministre avait pris la décision de démanteler la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, ils ont essayé d'aller chercher le plus possible en termes de responsabilités et de s'assurer qu'ils auraient un rôle à jouer; non pas un rôle uniquement consultatif, mais un rôle décisionnel. Donc, ils sont heureux du rôle qu'ils auront à jouer, mais ils n'ont pas dit et ils ne sont pas nécessairement heureux du fait qu'on démantèle la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Ainsi, M. le Président, Mme Nancy Neamtan, directrice générale du Regroupement pour la relance économique et sociale du sud-ouest de Montréal, RESO, et porte-parole de la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre; M. Gaétan Boucher, président-directeur général de la Fédération des cégeps; M. Ghislain Dufour, président du conseil d'administration du Conseil du patronat du Québec; M. Gérald Larose, président de la Confédération des syndicats nationaux; M. Henri Massé, secrétaire général de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; M. Gérald A. Ponton, président-directeur général de l'Alliance des exportateurs et manufacturiers du Québec accueillent favorablement le projet de loi. Mais, comme je le mentionnais, M. le Président, ça ne veut pas dire pour autant qu'ils sont d'accord avec le démantèlement de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Je comprends, M. le Président, qu'à ce moment-ci il faut ajourner, que mon temps est écoulé, je devrai revenir lors de votre retour en Chambre. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Saint-François. Je vous rappelle que, sur votre temps de parole de 60 minutes, nous avons actuellement 32 min 32 s d'écoulées. Alors, considérant l'heure, je suspends les travaux de cette Assemblée jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise de la séance à 15 h 4)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Alors, nous sommes toujours aux affaires du jour. Et nous reprenons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 150, Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail. Lors de notre suspension à 13 heures, Mme la députée de Saint-François et critique officielle de l'opposition en la matière avait utilisé 32 min 32 s de son temps de parole qui est de 60 minutes. Alors, Mme la députée de Saint-François, si vous voulez bien reprendre et continuer votre allocution.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, merci, M. le Président. Lorsque vous avez suspendu les travaux de l'Assemblée nationale, à 13 heures, j'étais à vous expliquer les raisons qui motivent notre questionnement. Entre autres, je vous disais que l'opposition n'a absolument rien contre le décloisonnement des services et des programmes que s'apprête à faire la ministre. Au contraire, on s'en réjouit. Je vous disais cependant que nous avons beaucoup de difficulté à comprendre les nouvelles structures, et nous disions également que même tous les partenaires qui font partie actuellement du conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre sont plutôt d'accord avec le projet de loi quant au rôle qu'ils joueront. Et je vous disais qu'ils avaient, à ma connaissance, obtenu un engagement du gouvernement à l'effet qu'ils pouvaient jouer un rôle décisionnel dans le fonctionnement de la nouvelle structure.

Cependant, en relisant les notes de la ministre, j'ai cru comprendre, et là j'espère que je me trompe, qu'elle parlait d'un rôle consultatif. Alors, c'est exactement ce que ne voulaient pas les membres du conseil d'administration. Ils voulaient vraiment avoir un rôle décisionnel. Alors, je pense que la ministre aura à nous préciser davantage quel rôle pourront jouer les membres du conseil d'administration actuel de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Je vous disais également qu'ils ne s'étaient pas prononcés sur les structures. Je pense qu'ils n'ont pas eu non plus l'opportunité de revoir ou de regarder l'ensemble des structures. Mais, cependant, pour nous, ce qui était important, c'était que le citoyen et la citoyenne puissent se retrouver, puissent être mieux servis, plus rapidement, plus efficacement, ce dont je doutais, M. le Président.

Je dénonçais aussi le fait que le gouvernement actuellement ouvre des chantiers un peu partout, mais finalement on ne sait pas où on s'en va, on n'a pas de plan d'ensemble, y compris, en ce qui nous regarde, avec le projet de loi n° 150. C'est la raison pour laquelle j'ai beaucoup de difficulté, à titre de critique de l'opposition officielle, à m'avancer et à dire à la ministre: Oui, nous allons voter pour, étant donné qu'il nous manque vraiment des éléments.

Donc, je vous disais que, par exemple, nous avons le ministre responsable des régions qui vient de déposer un livre blanc sur le développement des régions, qui n'est pas encore en forme législative, on vient d'amorcer des discussions. Alors donc, c'est dans ce document qu'on retrouve, entre autres, la création des conseils locaux de développement, la même chose que les centres locaux de développement et les CLE. Donc, ce n'est pas dans le projet de loi que la ministre nous a présenté et qu'on étudie présentement.

Je vous disais également qu'au même moment le ministre des Affaires municipales demande aux municipalités de réduire le nombre de municipalités, de se fusionner, tout en ayant en tête l'importance soit de s'annexer ou de se fusionner.

Il y avait aussi toute la question des commissions scolaires, la ministre de l'Éducation qui demande la réduction des commissions scolaires, la fusion des commissions scolaires, un réaménagement des cartes des territoires des commissions scolaires. Et je déplorais le fait aussi qu'il ne semblait pas y avoir de plan d'harmonisation entre la ministre de l'Emploi, qui a une portion de la formation professionnelle et main-d'oeuvre pour répondre aux besoins des entreprises, et la ministre de l'Éducation qui, elle aussi, fait la formation de base, la formation importante pour répondre aux besoins des entreprises, de sorte que cette formation puisse être qualifiante et structurante pour les étudiants qui sortent soit des cégeps ou encore des universités.

Alors donc, je vous disais qu'actuellement c'est ce qui nous inquiète, parce qu'on n'a pas cette vue d'ensemble. On ne sait pas, finalement, comment ça va s'imbriquer une dans l'autre, toutes ces structures. Et la ministre de l'Emploi, tout en éliminant certaines structures, un nombre assez considérable de structures, elle en crée presque autant.

(15 h 10)

Donc, je vous disais, M. le Président, qu'à ce moment-ci une première lecture du projet de loi n° 150 laisse le lecteur avec une impression de brouillard, ce brouillard qui persiste. La ministre, bien sûr, d'ici à ce qu'on étudie le projet de loi article par article, devra s'employer à dissiper toutes ces interrogations. Elle devra s'employer à nous faire voir la lumière, à nous convaincre que cet exercice, cette gymnastique où on monte et démonte des structures, où on fait et défait des organigrammes, où on place et déplace des travailleurs et des travailleuses de la fonction publique, servira d'abord les intérêts des plus démunis de notre société, c'est-à-dire de ceux et celles des jeunes, des adultes à la recherche d'emploi.

Donc, M. le Président, je vous disais également que tous ces appuis qu'a reçus la ministre des différents partenaires de la Société québécoise de la main-d'oeuvre ne nous rendent pas la tâche facile, nous, de l'opposition, parce que nous savons qu'ils sont d'accord avec le décloisonnement des services et des programmes, mais, cependant, j'aimerais les entendre aussi sur les structures, parce que, comme je vous disais, moi-même, j'ai de la difficulté actuellement. Alors donc, ça ne nous rend pas la tâche facile, mais je pense que nous avons un rôle à jouer comme législateurs et comme opposition. Nous allons réserver notre position officielle sur le projet de loi lorsque nous aurons été convaincus que le chemin qu'emprunte le gouvernement est le bon. Par exemple, est-ce qu'il y a lieu de conserver la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, de renforcer les pouvoirs de la ministre, d'amoindrir ou, c'est-à-dire, d'aplanir les difficultés qui existent actuellement au niveau des fonctionnaires, de voir si ça pourrait se faire dans ce sens-là? Mais, pour le moment, ce chemin nous semble assez tortueux, nous semble complexe.

Il y a encore, dans le dispositif présenté par la ministre, un nuage de brume, il faut bien que je le dise, qui nous empêche de voir comment le gouvernement, avec le projet n° 150, pourra rapidement combattre le chômage et la pauvreté chez nos concitoyens et nos concitoyennes. Nous ne sommes pas convaincus que le temps est au brassage de structures et d'organigrammes. Pourquoi rendre si compliqué ce qui pourrait être enfin, au fait, si simple? Donc, pourquoi démanteler – je reviens à la Société – la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre pour la remplacer par une multitude de structures?

Pour avoir une idée des nombreuses structures prévues, M. le Président, et du rôle que chacune aurait à jouer, j'ai dû faire un exercice qui n'était pas du tout simple. J'ai dû m'inspirer, d'une part, du projet de loi, parce qu'on ne retrouve pas tout dans le projet de loi – ce n'est pas là qu'on voit, par exemple, les centres locaux d'emploi ou les centres locaux de développement – j'ai dû en même temps me servir du communiqué de presse qui avait été émis par la ministre lors de sa déclaration ministérielle pour en savoir un peu plus sur le rôle de chacun et, par la suite, j'ai dû m'inspirer également du livre blanc du ministre du Développement des régions concernant le développement régional pour être capable de construire mon propre organigramme, pour savoir où on s'en va et c'est quoi, les structures que nous propose la ministre.

Alors, j'ai constaté qu'en démantelant la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre on crée, bien sûr, un ministère, on commence par créer un ministère. À l'intérieur de ce ministère, on va créer également une unité autonome de services qu'on va appeler Emploi-Québec, on crée une Commission des partenaires du marché du travail et on crée, bien sûr, aussi le Fonds de développement du marché du travail.

Et là je reviens sur chacune de ces structures. Alors, au niveau du ministère, je pense qu'on serait à même de se questionner aussi au niveau du ministère, parce qu'on se souviendra du discours du gouvernement. Le discours du gouvernement était à l'effet qu'il fallait déréglementer, qu'il fallait réduire les structures et non pas les augmenter. Mais, depuis un certain temps, on se rend compte que c'est tout près de quatre nouveaux ministères qu'on crée. On a créé le ministère des Relations avec les citoyens, on a créé le ministère de la Métropole, on s'apprête à créer le ministère de la Famille et de la petite enfance et maintenant on va créer le ministère de l'Emploi; quatre nouveaux ministères, M. le Président! Et ça, ça suppose, bien sûr, des nouvelles structures, quand vous avez un ministère, ça prend toute une organisation qui entoure ce ministère-là. On ne peut pas seulement créer une boîte vide, une coquille vide, il faut remplir chacun de ces ministères. On s'apprête à créer la Régie de l'énergie.

Alors, au moment où le gouvernement a ce discours où il nous promet qu'il veut déréglementer ou qu'il veut réduire les structures, on réglemente à nouveau, puisqu'on crée de nouvelles structures, on crée de nouveaux ministères, une nouvelle régie. Et là on est à même de se questionner, parce que, pour être capable de répondre aux besoins de la clientèle de la ministre, c'est-à-dire de décloisonner les services et les programmes, on n'a pas besoin de nouveau ministère pour ça. Pour être capable de donner des services, actuellement, étant donné que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre est en place et avec déjà toutes les structures qu'on a aux niveaux régional et local, je ne pense pas qu'on ait besoin de créer un nouveau ministère ou d'autres structures, puisque je prétends qu'on a déjà, aux niveaux régional et local, les structures en place pour donner les services. Il s'agit tout simplement de les bonifier, de les améliorer, mais je ne pense pas qu'on soit obligé de refaire tout le système.

Donc, M. le Président, on crée un nouveau ministère et, à l'intérieur de ce nouveau ministère, il y aura ce qu'on appelle Emploi-Québec. Et là, je vous avoue qu'il faut savoir exactement ce qu'un fait par rapport à l'autre, et ça, ce n'est pas facile. Je vous dis, j'ai fait l'exercice à un moment donné, je n'ai pas nécessairement trouvé ça facile.

Donc, Emploi-Québec, comme le disait la ministre, c'est une unité autonome. Au départ, je me disais: Emploi-Québec, est-ce qu'on va retrouver ça dans toutes les régions ou si on va retrouver ça au ministère? Mais là j'ai réalisé que, d'après le projet de loi, on ne retrouve pas ça dans les régions, mais au niveau du ministère. Donc, c'est une unité autonome, identifiée sous le nom d'Emploi-Québec, pour s'occuper de la mise en oeuvre de la gestion aux niveaux national, régional et local des mesures et programmes dans les domaines de la main-d'oeuvre et de l'emploi, ainsi que de la prestation des services publics d'emploi. Ces derniers comprennent l'information sur le marché du travail, le placement et les services liés à la politique active du marché du travail.

Le ministère et le conseil permanent des partenaires du travail concluent une entente de gestion relative à Emploi-Québec. Cette entente doit prévoir les responsabilités respectives des trois, c'est-à-dire le ministère, conseil – voyez-vous, M. le Président, il y en a tellement que j'ai de la difficulté à les identifier – Commission des partenaires du marché du travail de même qu'Emploi-Québec, et les fonctions et les services offerts, les modes d'établissement d'objectifs, de résultats et des indicateurs de performance, des mécanismes de suivi et de reddition de comptes.

Chaque année, le ministère et la Commission des partenaires du marché du travail préparent un plan d'action qui complète l'intention de gestion relative à Emploi-Québec. Si on comprend bien le sens de l'article 33, c'est le secrétaire général de la Commission des partenaires du marché du travail qui aura la responsabilité d'Emploi-Québec, et, à cette fin, il sera considéré comme sous-ministre associé relevant du sous-ministre de l'Emploi et de la Solidarité.

Alors, c'est ce qu'on retrouve au niveau du ministère, cette unité autonome qui, j'ai bien compris, finalement, va s'occuper de la gestion de l'entente qui sera signée par la suite entre la ministre et la Commission des partenaires du marché du travail.

Mais on retrouve aussi cette Commission des partenaires du marché du travail. En somme, c'est un peu l'équivalent des membres du conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, qui existe déjà. Alors, c'est ces partenaires qui dorénavant siégeront sur la Commission des partenaires du marché du travail. Alors donc, cette nouvelle Commission des partenaires est responsable, notamment, de l'application de la loi favorisant le développement de la main-d'oeuvre, qui oblige les entreprises à investir au moins 1 % de leur masse salariale à la formation. Elle doit aussi examiner les plans d'action régionaux soumis par les conseils régionaux des partenaires du marché du travail et les approuver. Elle doit conclure une entente de gestion avec le ministre et, avec lui ou elle, préparer un plan d'action annuel et évaluer périodiquement les résultats. Bon! Bien sûr qu'on s'occupe aussi de la répartition des ressources sur le territoire, et ainsi de suite.

Alors donc, M. le Président, cette Commission des partenaires du marché du travail, les partenaires qui font partie actuellement du conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, voulaient avoir un rôle décisionnel. Moi, j'avais compris – la ministre pourra me rassurer – que ce rôle a été accordé lors d'une rencontre avec le premier ministre, et tout ça, et que la ministre n'avait pas objection. Cependant, comme je vous le mentionnais au tout début de mon intervention, lorsque j'ai revu le discours de la ministre de ce matin, à un moment donné, j'ai senti qu'elle avait parlé d'un rôle consultatif. Alors là, je me suis peut-être trompée, mais la ministre pourra nous le confirmer, parce que, dans mon esprit à moi, il s'agissait vraiment d'un rôle décisionnel et non pas d'un rôle consultatif.

(15 h 20)

Mais, une fois qu'on a créé le ministère, qu'on a créé cette unité autonome à l'intérieur du ministère, qu'on appelle Emploi-Québec, et qu'on a créé cette Commission des partenaires du marché du travail, on crée également le Fonds de développement du marché du travail. Alors, ce fonds, bien sûr, était prévu pour être capable d'administrer le 1 % qui est perçu des entreprises pour la formation professionnelle. Mais, lorsque je regardais la façon dont ce fonds était créé, il est institué par la ministre, les modalités et la gestion seront déterminées par le Conseil du trésor, la gestion des sommes sera confiée au ministre des Finances, mais la comptabilité du fonds et l'enregistrement des engagements financiers seront sous la responsabilité de la ministre de l'Emploi. Alors donc, on crée un fonds, et vous avez là trois ministres qui ont une part de la responsabilité. Je trouve ça lourd. C'est lourd, très lourd. Peut-être que dans les faits ça peut se faire simplement, mais je trouve ça lourd. À première vue, je trouve ça lourd.

Une fois qu'on a créé ces structures au sein du ministère, là il faut descendre au niveau régional. Qu'est-ce qui se passe au palier régional? Au palier régional, M. le Président – de la façon dont je l'ai compris, bien sûr, parce que, comme je vous dis, j'ai de la difficulté – alors donc, on commence par créer 16 directions régionales du ministère de l'Emploi et de la Solidarité qui auront un rôle important dans la gestion des budgets régionaux et dans l'harmonisation des politiques et des stratégies d'emploi. Là, je me suis demandé – parce que la ministre est aussi responsable de la Sécurité du revenu et qu'il y a aussi des directions régionales de la Sécurité du revenu qui doivent assurer l'implantation et la gestion des mesures de soutien de revenu à l'échelle régionale – là, je me suis dit: Est-ce qu'il s'agit de 16 directions régionales, c'est-à-dire dans chacune des régions administratives du Québec, à deux volets? Est-ce que c'est ça ou si on crée 16 directions régionales du ministère de l'Emploi et de la Solidarité et 16 directions régionales pour la Sécurité du revenu?

Alors, j'ose espérer que c'est une direction par région, avec deux volets, un pour l'emploi et l'autre pour la sécurité du revenu, mais là je ne suis pas certaine. J'ai essayé de faire cet organigramme, M. le Président, mais je ne suis pas tout à fait certaine. Une chose est certaine, c'est qu'il y en a 16, il y a au moins 16 directions régionales du ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

Par la suite, on crée 16 conseils régionaux des partenaires du marché du travail, lesquels travailleront de concert avec les directions régionales à la définition de la problématique régionale du marché, à l'harmonisation des objectifs nationaux et des réalités régionales. Ils devront, en plus, promouvoir auprès des CRD, les conseils régionaux de développement, les politiques régionales en matière de main-d'oeuvre et d'emploi. Ils devront soumettre un plan régional à la Commission des partenaires du marché du travail, au plan national, et identifier les stratégies et les objectifs en matière de main-d'oeuvre et d'emploi.

Alors là, nous sommes au niveau régional, on doit déterminer nos besoins, on doit déterminer nos priorités, on doit élaborer un plan, lequel plan sera soumis au Conseil des partenaires du marché du travail, au niveau du ministère, pour que ce Conseil puisse approuver ces plans. Et, malgré tout, la ministre pourrait désavouer un quelconque plan, elle a toujours ce pouvoir de désaveu.

Alors donc, 16 directions régionales du ministère, peut-être 16 autres – je ne sais pas encore – au niveau de la sécurité du revenu, 16 conseils régionaux des partenaires du marché du travail, par la suite; ça, c'est au niveau régional.

Mais là on descend un petit peu plus bas, on s'en va au niveau local, au niveau des municipalités. Et là, au niveau des municipalités – ça, ça ne fait pas partie du projet de loi de la ministre, mais on le retrouve soit dans les communiqués de presse ou encore dans le livre blanc du ministre responsable du Développement des régions – la création de 130 – minimum – centres locaux d'emploi. On pourrait en créer davantage, parce que j'ai cru comprendre qu'une localité, une municipalité pourrait en avoir plus qu'un, dépendamment des besoins; ce n'est pas clair. Et ces centres seront responsables de l'application de la politique active du marché du travail, agiront en concertation avec les centres locaux de développement que le ministre du développement régional va créer.

Alors donc, M. le Président, 130 centres locaux d'emploi, ça, c'est au niveau local, et par la suite on prévoit la création de 96 centres locaux de développement, c'est-à-dire un par MRC. Il y en aura peut-être plus aussi, là, je ne sais pas encore, mais il y a un minimum au moins de un par MRC, lesquels centres élaboreront un plan local d'action concertée pour l'économie et l'emploi, et ces centres donneront les services de soutien à l'entrepreneuriat.

Par contre, ce qu'on apprend dans le document du ministre du développement régional, c'est que le coût de ces centres locaux de développement sera de l'ordre d'environ 55 000 000 $. Mais on apprend en même temps, en plus de la facture que le gouvernement s'apprête à refiler aux municipalités, a déjà refilée et refilera aux municipalités à compter du 1er janvier prochain, que les MRC devront supporter 70 % des coûts de ces centres locaux de développement. Or, on sait très bien que, lorsqu'on parle de municipalités régionales de comté, ce sont les municipalités qui investissent des sommes nécessaires dans les MRC, dans les municipalités régionales de comté.

Donc, M. le Président, au moment où la ministre a fait le ménage dans ses structures et qu'elle abolit à peu près 287 points de services ou structures, on constate que, si on calcule les 16 directions régionales, les 16 conseils régionaux – puis là je ne mets pas les 16 directions régionales, peut-être, au niveau de la sécurité sociale – 130 centres locaux, 96 centres locaux de développement, ça, ça fait 258 structures, M. le Président. Et ça, si j'ajoute, par exemple, les 55, à peu près 50, 55 carrefours jeunesse-emploi, on est rendu à 313. Alors, on a coupé 287; on est rendu à peu près, là, à – 258 plus 55 – 313.

Je ne pense pas que l'on puisse alléger. Je ne pense que l'on puisse parler d'allégement, avec toutes ces structures. Et, surtout, je me dis: Dans toutes ces structures, on va faire la nomination de personnes. Soit que le gouvernement nomme des personnes, soit que le milieu nomme des partenaires ou des personnes pour siéger sur ces structures. Mais, M. le Président, on a déjà de la difficulté, même en région, à trouver du monde pour siéger sur les structures actuelles, que ce soit, par exemple, au niveau des conseils de développement régional ou même au niveau du conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Déjà, les partenaires ont de la difficulté à mandater quelqu'un pour siéger sur ces comités. Là, on les multiplie. Ça veut dire que vous aurez des gens qui vont siéger au conseil des partenaires du marché du travail, au niveau du ministère, vous en avez au niveau local, vous avez des centres, 130 centres locaux d'emploi, vous avez 96 centres locaux de développement.

Il y aura du monde, il y a des gens qui devront siéger sur ces différents comités, mais c'est toujours les mêmes personnes. Lorsqu'on parle de région, localité, ce sont toujours les mêmes personnes. Alors, comment on va pouvoir intéresser autant de personnes dans autant de structures? Alors, M. le Président, et ça, ça exclut... Là, je ne parle pas de la région de Montréal. J'ai complètement exclu la région de Montréal, parce que la région de Montréal, il pourrait y avoir une table de concertation qui pourrait être formée, si la ministre le désire. Alors, vous voyez, M. le Président, toutes les structures. Je me pose vraiment des questions à ce moment-ci, comme je le mentionnais, non pas sur le décloisonnement des services et des programmes, mais sur ces structures. Avec les autres projets gouvernementaux actuellement, ça sent l'improvisation. Il y a de l'inconnu. On change des structures, ça représente des coûts. Je n'ai pas l'impression qu'on pense vraiment aux citoyens.

M. le Président, je dois vous dire que c'est difficile. Je me demande si une chatte pourrait retrouver ses chats dans l'ensemble de ces structures. Il est urgent, comme je le mentionnais, que les programmes disponibles soient efficaces, accessibles, mais il est urgent aussi que la qualité des services réponde au marché du travail, parce que ça évolue naturellement à une vitesse qui n'a jamais été égalée. Il est urgent de remettre le Québec sur l'autoroute de la croissance économique.

Finalement, c'est un peu pourquoi nous devons examiner avec beaucoup d'attention la proposition du gouvernement. Nous ne sommes pas prêts à voter pour quelque chose que nous avons de la difficulté à saisir, quelque chose qu'on ignore, quelque chose de nébuleux, puisqu'il nous manque des morceaux du casse-tête. Et je maintiens que, dans les circonstances, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre aurait été en mesure de recevoir les responsabilités du gouvernement fédéral, avec la signature de l'entente, puisque nous l'avions prévu. Et, comme je le mentionnais, nous sommes tout à fait d'accord avec le décloisonnement des services et des programmes.

(15 h 30)

Et, lorsque la ministre cite le député de Laporte, elle a raison. Comme je le mentionnais, justement, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre a été créée pour répondre à ces objectifs. Alors, pourquoi démanteler? Je pense que ce qui est important, c'est d'assurer le service à la clientèle le plus rapidement possible. Et, si on avait un portrait d'ensemble, un portrait plus global de ce qu'entend faire le gouvernement au niveau de l'ensemble des structures dans les autres domaines, que ce soit au niveau de l'éducation, municipal, régional ou quoi que ce soit, on aurait beaucoup plus de facilité à comprendre les structures que nous propose la ministre et il serait beaucoup plus facile pour l'opposition, à ce moment-là, d'appuyer le projet de la ministre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Saint-François. Je regrette, Mme la ministre...

Mme Harel: M. le Président, est-ce que Mme la députée de Saint-François accepterait, en vertu de notre règlement, que je puisse lui poser une question?

Le Vice-Président (M. Pinard): En vertu de l'article 213? Madame, est-ce que vous accepteriez?

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, oui. Généralement, c'est l'opposition qui pose les questions.

Mme Harel: En fait, notre règlement nous permet, immédiatement à la fin d'une intervention, de poser une question au parlementaire qui est intervenu. Alors, M. le Président, la question est très simple. Elle est la suivante: Est-ce que la porte-parole de l'opposition est consciente que, en recommandant de ne pas intégrer la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre au sein du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, ce serait là un ajout de structures au niveau des points de services locaux, régionaux et au niveau national qui viendrait encore ajouter à cette liste qu'elle dit déjà trop impressionnante?

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la députée.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, normalement, c'est l'opposition qui pose les questions, mais je vais y répondre quand même. Écoutez, mon point de vue, ce n'était pas de dire que je ne veux pas que la ministre récupère la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, ce n'est pas ça. La ministre pourrait très bien récupérer la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre telle qu'elle est actuellement sous la responsabilité de son ministère sans créer, premièrement... Elle n'a pas besoin de créer le ministère pour ce faire. Je pense qu'elle pourrait se donner des pouvoirs supplémentaires pour mieux gérer ou mieux contrôler la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Et, finalement, étant donné que tous les partenaires y siègent actuellement et qu'ils vont devoir siéger de toute manière au niveau du conseil des partenaires au niveau du ministère... Ce sont les mêmes personnes et ce sont les mêmes fonctionnaires.

Je comprends qu'elle a certaines difficultés actuellement à gérer, compte tenu des fonctionnaires qui proviennent des anciennes commissions de formation professionnelle, et ainsi de suite, mais, puisque dans son projet de loi elle accepte, elle convient que tous les fonctionnaires feront partie de la fonction publique – elle les intègre, même ceux qui n'en font pas partie actuellement – je pense qu'il y aurait possibilité, à mon avis, de voir à améliorer cette structure, finalement d'assurer les fonctionnaires du rôle qu'ils auront à jouer et aussi d'une certaine sécurité, tel qu'elle a l'intention de le faire dans son projet de loi. Elle aura sûrement, à ce moment-là, je pense, l'appui des fonctionnaires pour faire des modifications à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre sans avoir à tout remettre en branle et sans avoir à créer des conseils régionaux, des conseils locaux, l'ensemble des structures.

M. le Président, c'est mon opinion. Parce que je vous avoue, comme je vous ai dit, que j'ai essayé de faire mon propre organigramme de ces structures et que j'ai eu toutes les misères du monde à me retrouver puis à dire qui fait quoi. Puis là je me suis dis: Dans la vraie vie – là, c'est sur papier – comment ça va vraiment fonctionner? Alors qu'on n'a pas tous les morceaux du casse-tête. Il nous en manque. Le document, le livre blanc n'est pas encore sous forme législative. La ministre de l'Éducation ne nous a pas encore fait connaître sa position sur les modifications des cartes des territoires des commissions scolaires. Il y a beaucoup d'interrogations, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Saint-François. Nul doute que tout cela va faire l'objet de débats très intéressants au niveau de la commission des affaires sociales. À ce stade-ci, y a-t-il d'autres intervenants? Alors, nous allons céder maintenant la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je sais que ça ferait l'affaire du député de Maskinongé qu'il n'y ait pas d'autres intervenants, mais malheureusement il y en a. Il y en aura, je crois, pour un bout de temps.

M. le Président, la ministre, dans ses remarques préliminaires sur le projet de loi n° 150, Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail, a cité longuement le député de Laporte, l'actuel député de Laporte, au moment où il était ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. Ça m'a fait sourire un tout petit peu, M. le Président, parce que, lors de l'étude des crédits, j'ai cité assez longuement la députée actuelle de Hochelaga-Maisonneuve quand elle était dans l'opposition pour me faire reprocher par la ministre, gentiment... Elle souhaitait que je ne devienne pas le champion des citations d'autres députés en cette Chambre. Mais je souhaite la même chose à la ministre, qu'elle ne devienne pas la championne des citations d'autres députés en cette Chambre.

M. le Président, la ministre a également dit que, probablement, il y aura une série de députés de l'opposition qui vont venir dire à tour de rôle que le projet de loi n° 150 est un problème. C'est peut-être prescient de la part de la ministre, ces paroles-là. Je ne suis pas convaincu qu'il va y avoir à tour de rôle des députés qui vont dire que le projet de loi n° 150 est un problème. Mais, M. le Président, je vous dis une chose: On est loin d'être convaincu que le projet de loi n° 150 est une solution, et c'est là la différence.

Oui, il y a un problème qu'il faut régler, une question de décloisonnement et de simplification dans nos programmes de main-d'oeuvre, d'emploi et d'aide sociale, d'aide financière. C'est clair, il y a un problème. Il faut procéder au décloisonnement. Nous sommes en faveur du décloisonnement, parce que, effectivement, on ne veut pas que des personnes obtiennent des services en vertu d'une étiquette sur le front. On est tout à fait d'accord avec ça. Il faut simplifier; là aussi nous sommes d'accord, il faut procéder à une simplification.

Il reste à savoir, comme je l'ai indiqué: Est-ce que le projet de loi n° 150 est la solution à ces préoccupations, à ces problèmes? Tout comme la députée de Saint-François, j'ai lu attentivement le projet de loi, j'ai lu la petite brochure explicative, Pour un ministère de l'Emploi et de la Solidarité , pour tenter de comprendre cette nouvelle organisation. Je me suis même fait un tableau, M. le Président. Malheureusement, nos ressources, de ce côté de la Chambre, sont un peu plus limitées. C'est un peu brouillon, mon tableau, mais il est là. Il n'est pas aussi grand que celui que la ministre a montré tantôt, mais j'ai appris, dans la vie, M. le Président, à ne pas juger les choses par leur grandeur.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Un petit tableau peut avoir aussi de la valeur. C'est un peu drôle, venant de moi, M. le Président, mais c'est exact quand même. M. le Président, trois paliers: palier national, palier régional, palier local.

(15 h 40)

Au palier national... Je n'aime pas ce mot-là, M. le Président, personnellement, ça me fait penser à un palier canadien. Mais, quand même, nous sommes ici dans l'Assemblée nationale, alors on reprend un peu les mêmes termes. Le palier national qui se trouve à être Québec... On n'est pas encore une nation et on ne le sera pas. On ne le sera pas. On ne le sera pas, longtemps. Alors, M. le Président, au palier du Québec, à la grandeur du Québec, on crée le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, on crée une Commission des partenaires du marché du travail, CPMT, on a également un ministre responsable du Développement des régions, le député de Joliette. Peut-être que bientôt on va avoir un ministère du Développement des régions, on ne sait jamais, avec ce gouvernement qui crée des ministères, on dit, en anglais, «at the drop of a hat», Mr. Speaker, it's very possible that we'll have a ministry for Development of regions. Ce serait un autre ministère à ajouter.

Au palier régional... Moi, je suis visuel, M. le Président. Au palier national, dit-on, avec les intervenants, une nouvelle Commission des partenaires du marché du travail, le ministère comme tel – il y a interchange entre les deux – et le responsable du Développement des régions – lui, il est là aussi – ça fait trois regroupements au niveau du palier dit national.

Au palier régional, la Commission des partenaires du marché du travail a des conseils régionaux des partenaires du marché du travail. Alors, c'est des CRPMT dans chaque région. Je ne sais pas si on parle de 17 régions ou de 16, parce que je pense qu'on vient de créer une 17e région; ça se peut qu'il faille qu'on ajuste nos tirs. Je pense que ce n'est plus 16, c'est peut-être 17. Pas encore.

Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, lui, a des directions régionales dans toutes les régions, mais deux directions régionales, M. le Président: il y a celle d'Emploi-Québec, si j'ai bien compris, qui est une unité autonome de services et l'autre, la Direction régionale de la sécurité du revenu, qui est une unité administrative. Là, les subtilités commencent à sortir: on a des unités administratives et des unités autonomes de services. C'est clair, c'est simple, M. le Président. C'est très simple. Nous avons également des conseils régionaux de développement, tous au palier régional. Mais les conseils régionaux de développement ne relèvent pas de la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité, ça relève de son collègue le ministre responsable du Développement des régions. Encore une fois, un, deux, trois acteurs avec deux sets, si je peux dire le mot, M. le Président, de directions régionales à l'intérieur.

Au palier local, un minimum, comme a dit la députée de Saint-François, de 130 centres locaux d'emplois, des CLE, avec deux modules – là, on n'est plus dans des directions régionales, c'est des modules: le module Emploi-Québec, le module Sécurité du revenu, avec de l'interaction évidemment, M. le Président. Mais on a aussi, sous la responsabilité du collègue de la ministre, les conseils locaux de développement, au palier local, qui ne relèvent pas du ministère, mais bien du ministre responsable du Développement des régions. Nous avons également des carrefours jeunesse-emploi; plusieurs, 55, on me dit. Nous avons également, sur l'île de Montréal, des corporations de développement économique communautaire, les CDEC.

Là, on est rendu avec un plan qui me semble, c'est le moins qu'on puisse dire, pas tout à fait simplifié. Il y a peut-être un effort qui a été fait, mais on est loin d'être capable, quant à moi, de dire: On simplifie des choses. Notre tableau, comme je vous dis, ça fait brouillon un peu, M. le Président, mais il est compliqué en s'il vous plaît. De dire, M. le Président, qu'on parle d'un guichet unique... Parce qu'à un moment donné on parlait d'un guichet unique pour être capable de desservir en première ligne les chômeurs, les personnes assistées sociales, des gens à la recherche d'emplois, des gens qui veulent changer d'emploi. Un guichet unique. Mais là on est rendu non pas avec un guichet unique – et le terme est assez clair, «unique», il me semble que ça fait «un»; moi, je suis enfant unique, un – mais on a plusieurs guichets uniques: on a les CLE, centres locaux d'emploi, on des carrefours jeunesse-emploi, on a des CDEC, on a les conseils locaux de développement. On est rendu avec plusieurs guichets uniques, là. Il me semble que ce n'est plus des guichets uniques. Et je me demande, comme se le demande la députée de Saint-François, comment les gens vont se retrouver à l'intérieur.

M. le Président, la ministre a déjà dit: L'arrimage des politiques actives de l'emploi avec le développement local et régional est essentiel; les deux sont indispensables. Je suis d'accord, M. le Président, ils sont indispensables. Les deux vont ensemble. Moi, je serais porté à dire: Oui, les deux vont ensemble.

À la page 5 de ce livret explicatif, on dit: «Les efforts de concertation prendront dorénavant un nouveau sens au palier local. En effet, tous les services de première ligne, qu'il s'agisse d'emploi ou de sécurité du revenu, seront enfin regroupés sous un même toit: le centre local d'emploi, le CLE. Le CLE, qui sera responsable de l'application de la politique active du marché du travail, agira en étroite concertation avec le centre local de développement...» Je les ai nommés tantôt comme des conseils locaux et je m'en excuse, M. le Président, il s'agit évidemment des centres locaux de développement, des CLD.

Également, un peu plus tard dans le livret, à la page 15: «Pour être efficaces, les actions des centres locaux de développement, gérés par des représentants du milieu, et les CLE, gérés par une instance gouvernementale, doivent pouvoir s'arrimer.» Même, on voit l'arrimage. «Le conseil d'administration du CLD, qui fait office de conseil local des partenaires auprès du CLE, sera composé des partenaires locaux de l'économie et de l'emploi.»

Il y a un petit problème, quant à moi, M. le Président. Oui, on a une loi qui organise le ministère, qui indique qu'il y aura des unités administratives, des unités autonomes de service, il y a une assise législative, mais tout le reste qui s'appelle «développement régional» – les conseils régionaux de développement, les centres locaux de développement – est contenu dans un livre blanc du ministre responsable du Développement des régions. Au moment où on se parle, aucune assise législative pour un volet si important dans la stratégie de développement d'emplois de ce gouvernement, aucune assise législative. Oui, ça va venir peut-être, mais, au moment où on se parle, il n'y en a pas.

Et pourquoi est-ce que le gouvernement procède à la pièce? C'est ça, la question: Pourquoi est-ce que le gouvernement procède à la pièce? Pourquoi un projet de loi déposé avant le 15 mai, qui est prêt, plutôt qu'un livre blanc qui n'a aucune assise législative mais qui comprend des éléments, selon la ministre, essentiels et indispensables? Aucune assise législative, aucun espoir de le faire adopter avant le 22 juin. Le projet de loi n'a pas été présenté en Chambre avant le 15, la date butoir; il n'y aura pas, avant le 22 juin... M. le Président, procéder à la pièce comme ça, c'est une marque d'improvisation pure et simple de ce gouvernement, ça ne peut pas être plus clair que ça.

Il y a une autre préoccupation majeure en tant que critique en matière de sécurité du revenu. On dit, pas dans la loi, mais on dit dans le livret explicatif publié par la ministre que «cette nouvelle structure de services que nous proposons est au coeur du projet proposé dans le livre vert sur la réforme de la sécurité du revenu et elle en est un élément clé». Page 8. Mais là je regrette, M. le Président, ça nous pose des problèmes, ça. Avec cet aveu de la ministre que la structure est un élément clé dans la réforme, ça pose un problème parce que ce livre vert...

M. Morin (Dubuc): Blanc, blanc.

(15 h 50)

M. Copeman: Non, vert, réforme de la sécurité du revenu. Il faudrait que le député de Dubuc me suive, il se perd un peu. Le livre vert de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, sa réforme sur l'aide sociale, a été vertement critiqué en commission parlementaire. Si on dit, dans ce livret explicatif, que la refonte des structures est essentielle à la réforme – il y a un lien direct entre les deux choses – on est loin d'être convaincu que la ministre était sur la bonne piste d'atterrissage avec son livre vert. Encore une fois, on n'a aucune assise législative pour la réforme de l'aide sociale si attendue par les gens du milieu.

M. le Président, pourquoi est-ce que cette réforme a été vertement critiquée? Je vous rappelle quelques éléments, simplement. Plusieurs éléments ont été vertement critiqués: le caractère obligatoire du parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi avec pénalités – vertement critiqué; l'abolition du barème de disponibilité proposé dans le livre vert pour deux catégories de personnes: les gens de 55 à 59 ans et les familles monoparentales avec des enfants en bas de cinq ans. Deux mesures vertement et quasi unanimement décriées par les quelque 100 groupes qui sont venus devant la commission parlementaire.

Comment est-ce que nous, comme opposition responsable, pouvons donner, à ce stade-ci, un assentiment à une loi qui change des structures mais qui se dit clairement un élément essentiel, un élément clé je devrais dire, M. le Président, dans la réforme de la sécurité du revenu?

Mr. Speaker, Bill 150, an Act respecting the ministère de l'Emploi et de la Solidarité and establishing the Commission des partenaires du marché du travail, was supposed to be the Minister's attempt to simplify and, to some extent, unify the various employment measures and financial-aid measures that exist under the various actors within the Government of Québec, including of course the Federal Government. Well, we support the notion that these programs need to be unified, because we agree entirely with the Minister that one should not receive services depending on one status or, as she puts it, the color of the cheque – whether it's red because it comes from employment insurance or whether it's blue because it comes from social assistance. We agree completely with that objective, Mr. Speaker.

Where the Minister seems to have gone wrong, in our view, at least from my understanding of the structures created, is that this doesn't simplify things sufficiently. It creates more levels of structure. It talks about a ministry, 16 regional directions, 130 points of service, but it goes from one ministry, a Ministry of Employment and Solidarity, to another ministry, responsible for Regional Development. We have the carrefours jeunesse-emploi, the CEDECs. There are so many actors, Mr. Speaker, that we don't believe it is a true simplification of the system. It may be an improvement, but does it go far enough? That's the question. And it's also a corner stone of the Minister's reform, green paper on the reform of social assistance. And if this change in structure is a corner stone, then we have grave reservations about it. Because, as a corner stone, for something that has been so openly and universally criticized, it puts into question the entire structure proposed by the Minister.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, il est difficile pour nous, de ce côté de la Chambre, de voter en faveur du projet de loi, tout en soulignant que plusieurs aspects sont louables en ce qui concerne le décloisonnement – surtout le décloisonnement – et une structure pour recevoir les services qui étaient auparavant fournis par le gouvernement fédéral. Je ne suis pas convaincu que la ministre était obligée de faire de tels changements législatifs pour recevoir les services du fédéral; la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre existait, était conçue même pour ça.

Alors, nous avons beaucoup de préoccupations, et on s'attend, de ce côté de la Chambre, M. le Président, si jamais le gouvernement va de l'avant avec ce projet de loi et que ça se rend en commission parlementaire, que la ministre nous explique plusieurs choses de façon très claire pour répondre à nos préoccupations. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Nous cédons maintenant la parole au député de Montmagny-L'Islet. Alors, M. le député.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Je pense que, dans le cadre du débat sur l'adoption de principe de la loi n° 150, il y a une inquiétude, une inquiétude fondée de la part des députés de l'opposition. Mme la ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu tantôt le mentionnait, elle disait: Je crois comprendre que plusieurs députés de l'opposition vont intervenir pour exprimer leur inquiétude. Elle avait vu juste. Et ce n'est pas seulement l'inquiétude des députés de l'opposition, c'est celle de plusieurs groupes du milieu. Et, je dirais, de façon générale, dans le milieu, les gens se questionnent, d'abord, de ce projet de loi là, les structures qu'il va créer, et d'autres projets du gouvernement actuel qui vient chambarder passablement les structures. Et ça, tout ensemble, crée une inquiétude.

J'ai trouvé intéressante la question de Mme la ministre à la députée de Saint-François qui est critique officielle. Question intéressante. Je crois comprendre, j'ose croire – c'est peut-être une partie qu'elle n'avait pas évaluée – que ça va l'amener à y réfléchir, parce que Mme la députée de Saint-François a clairement indiqué qu'il y aurait peut-être eu moyen de se servir des structures actuelles, de les intégrer au ministère. Je pense qu'il y a des conseillers et des officiers à son ministère qui auraient pu lui conseiller, lui proposer cette fusion – c'est un mot très à la mode – pour éviter tous ces chambardements, pour le moment.

M. le Président, le projet de loi n° 150 – je pense que je ne vais retenir que certaines parties du projet de loi, mes collègues ont élaboré abondamment sur l'inquiétude que nous avions au niveau de certains pouvoirs et de certains changements que le projet de loi imposait – il institue une commission des partenaires du marché du travail. Ça peut paraître nouveau. Les députés, et les ministres, et les membres du gouvernement pourraient peut-être dire: Vous êtes contre certains changements, vous êtes contre du renouveau, vous êtes contre de la réorganisation. Non, M. le Président, ce qui est inquiétant, c'est que c'est tout en même temps et qu'on sent que ce n'est pas planifié, ce n'est pas une concertation au sein de ministères du gouvernement du Québec, du gouvernement actuel. C'est ce qui inquiète à nouveau, et c'est le sens justement que je vais donner à mon intervention. Inquiétudes dans le milieu, et, à ce moment-ci, je vais vous en relater quelques-unes.

Le projet de loi, aussi, va élaborer les politiques et mesures gouvernementales dans le domaine de la main-d'oeuvre et de l'emploi. Je comprends que Mme la ministre, avec ce projet de loi, veut se donner une table qui va la conseiller, qui va l'aider à prévoir et à élaborer des politiques. Il y en a déjà au gouvernement du Québec qui pourraient, comme je le mentionnais, déjà commencer à mettre en place et à gérer justement le transfert des services en emploi du gouvernement fédéral.

La gestion des mesures et des programmes relevant de la ministre. Le projet de loi va mettre en place une structure qui va la conseiller sur la gestion. Je pense qu'on a déjà ça au sein de son ministère.

Favoriser le développement de la formation de la main-d'oeuvre. Il y a des programmes. Ils n'ont peut-être pas tous eu le succès attendu, M. le Président, mais ces programmes-là, dans le passé, ceux du gouvernement du Québec comme ceux du gouvernement fédéral, ont démontré un certain succès. Il y a peut-être lieu à amélioration, je le reconnais.

(16 heures)

Mais l'autre partie importante, comme je le mentionnais, Mme la députée de Saint-François l'a mentionné: abolition de la SQDM. Un organisme qui a été spécialement créé, initié, mis en place, et Mme la ministre a elle-même louangé le député de Laporte, au moment où il avait la responsabilité du ministère de la Main-d'oeuvre, d'avoir mis en place cette structure. Sans retrouver exactement les mots qu'elle a employés, elle a reconnu la vision du député de Laporte à ce moment-là. Donc, M. le Président, c'est une inquiétude dans le milieu, au même moment où le ministre responsable du Développement des régions – et mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce y a fait allusion tantôt, et d'autres le feront, j'en suis convaincu – vient de présenter aux municipalités son livre blanc – même s'il est bleu – qui vient décrire la nécessité de d'autres structures.

Donc, M. le Président, s'inquiéter, ici, du côté de l'opposition, je pense, ce n'est pas exagéré. Il s'agit de se questionner et de dire: Il va falloir, dans le cadre de ce projet de loi là, que la ministre précise ses intentions, précise de quelle façon le ministère, son nouveau ministère va gérer tous les pouvoirs qu'elle se donne. Et je pense que, pour le comble, et la population ne s'attendait absolument pas à ça, ça crée un nouveau ministère au moment où le discours du premier ministre, le discours du gouvernement actuel était d'éliminer des structures, de faciliter la compréhension des gens et une meilleure souplesse pour les services et l'organisation des services offerts à la population, décentralisation, ramener le service et les décisions dans le milieu. Donc, si vous reprenez tout ça et que vous voyez ce projet de loi-là venir s'ajouter aujourd'hui à tout ce que je viens de décrire, ne soyons pas surpris que la population s'inquiète. Les municipalités locales s'inquiètent. Les municipalités régionales de comté s'inquiètent.

La ministre se fait rassurante. Elle a décrit la liste des groupes qui étaient en accord avec son projet de loi. Elle l'a décrite, oui. On pourrait facilement, et Mme la députée de Saint-François l'a mentionné, être en accord s'il n'y avait pas, à certains égards, dans le cadre du projet de loi, un questionnement sérieux. Donc, ces organismes-là ont sûrement donné leur accord, avec la réserve à savoir qu'il y aura une commission parlementaire et que les choses seront clarifiées, c'est-à-dire que les intentions de la ministre, les pouvoirs de la ministre, les services et les structures seront clarifiés.

En même temps, toujours, M. le Président, les représentants des municipalités négocient à trois tables de travail avec le ministre des Affaires municipales pour voir de quelle façon ils vont gérer le transfert des responsabilités, pas qui leur est proposé, qui leur est imposé. Et ils vont devoir convenir avec le ministre avant le 1er septembre – ce qui nous apparaît impossible – de quelle façon ils vont absorber le 500 000 000 $ en 1998, suite aux 200 000 000 $ et quelques qu'ils ont déjà dû absorber en 1997, de quelle façon ils vont réorganiser les finances de chacune de leurs municipalités. Ça, c'est au même moment où on débat du projet de loi n° 150 et où les municipalités, les commissions scolaires et d'autres structures dans chacune des régions sont à se questionner.

Il faudrait voir ceux qui s'inquiètent, comme l'opposition, de la formation de quatre nouveaux ministères, des nouvelles régies, des conseils consultatifs de toutes sortes au moment où on coupe, comme je le mentionnais, dans la santé, l'éducation et les transferts aux municipalités. Et j'aimerais vous en citer quelques-unes, M. le Président. Vous comprendrez qu'un projet de loi, la formation de quatre ministères – j'ouvre cette petite parenthèse – au moment où la réorganisation des services gouvernementaux est d'actualité à tous les jours, pour tous les intervenants, je pense, ça inquiète.

Vous-même, dans votre vie passée, vous avez été un légiste. Vous avez été élu pour siéger à l'Assemblée nationale, comme nous, même si vous avez une position aujourd'hui de surveiller justement la législation qui a été proposée, j'allais dire même si aujourd'hui vous avez un rôle plutôt neutre, que vous faites assez bien, M. le Président. Je pense que vous le remplissez assez bien dans cette situation-là. Mais vous avez la connaissance. Donc, notre inquiétude aujourd'hui ne vous surprend sûrement pas, même si vous n'êtes pas tenu à des réactions.

M. le Président, vous avez des groupes qui sont très impliqués au niveau de leurs relations avec le gouvernement. À l'UMRCQ, le regroupement ou l'association des municipalités régionales de comté, eux autres, ils disent: La démocratie en prend un coup et perd du terrain. Ça a été pensé, ça. Le regroupement des maires nous dit: À ce moment-ci, la démocratie perd du terrain. C'est ce dont les citoyens devraient se préoccuper, que l'Union des conseils de comté et des MRC dit. Les citoyens devraient se préoccuper, à l'heure actuelle... C'est que la déconcentration des activités de l'État et la réorganisation des services gouvernementaux risquent d'être confiées à des organismes non imputables, c'est-à-dire – c'est des non-élus – à des instances non élues de la population, sur lesquelles les citoyens pourraient compter si elles étaient élues.

M. le Président, on ajoute à ça que l'UMRCQ déplore aussi le livre blanc. Comme je le mentionnais, il ne contient aucun chiffre. Au moment où on fait des débats importants, on présente des projets de loi qui revoient les structures gouvernementales de façon précipitée. Parce que Mme la ministre nous dépose le projet de loi n° 150, il semble que ce serait souhaitable qu'il soit adopté dans les meilleurs délais. Le député de Notre-Dame-de-Grâce a fait la démonstration que le ministre du développement régional, qui aura probablement des structures qui vont être considérées importantes, en collaboration avec celles de Mme la ministre du développement de la main-d'oeuvre, et qui devraient être en place en même temps, il n'a pas encore de projet de loi de présenté. On comprend que le livre blanc a retardé un peu à être déposé parce qu'il devait y avoir une concertation, ce qui semble n'avoir pas été facile, entre Mme la ministre de la main-d'oeuvre et le ministre du développement régional. Donc, vous voyez que l'UMRCQ, au nom des préfets, donc le regroupement des préfets, au nom des municipalités locales et au nom des citoyens, donc c'est tout le Québec des régions qui s'inquiète.

Il n'y a aucun chiffre. Quel est le budget que le gouvernement du Québec va investir dans les CLD? On n'a pas de chiffre. Ce qu'ils savent, c'est qu'ils investissaient, dans le passé, environ 25 %; aujourd'hui, c'est confirmé que ça va être 70 % de la facture et, l'an prochain, ça sera probablement 100 % de la facture, et ce n'est pas ce que je souhaite. Mais, au rythme où vont les choses, il semble que ça va être comme ça. Il faut aussi retenir que les MRC souhaitent et s'attendent que, si jamais on met en place tous ces services, ça se fasse dans 96 MRC du Québec, 96 régions du Québec, donc qu'on rapproche les services des citoyens. Et voilà pourquoi, M. le Président, les municipalités régionales de comté s'inquiètent d'une fusion possible des municipalités régionales de comté.

Le ministre des Affaires municipales nie qu'il y a projet de fusion. Le premier ministre dit: Oui, il y a trop de MRC, il devra y avoir fusions. Donc, il y a contradiction. Ils ont raison de s'inquiéter, après avoir vu la carte déposée par Mme la ministre de l'Éducation sur le regroupement des commissions scolaires. Et tout semble, en termes voilés, vouloir dire que les services décentralisés devraient dorénavant être calqués sur des régions semblables à celles-là, soit celles de la carte des commissions scolaires, et éventuellement ce sera probablement les comtés provinciaux des représentants qui siégeront ici, à l'Assemblée nationale, qu'il dit. Ça pourrait peut-être arriver.

Donc, M. le Président, il y a de bonnes raisons de s'inquiéter. L'UMRCQ, encore récemment, elle continuait sa réflexion. Elle continue sa réflexion dans le cadre du dépôt du livre blanc, comme je le mentionnais, toujours en rapport avec le dépôt du projet de loi n° 150 et d'autres projets de loi qui sont attendus et qui ont déjà été mis à la connaissance des deux Unions, qui sont des projets de loi à venir. C'est une gestion, qu'ils nous disaient il n'y a pas plus d'une journée – c'est le 27 – en catastrophe: «L'improvisation du gouvernement, constatent les maires, a des objectifs individualistes... des différents ministères qui sont en jeu. C'est les objectifs individualistes des différents ministères qui sont en jeu. C'est le cas, notamment, du livre blanc», comme je le mentionnais.

(16 h 10)

«"Cette attitude du gouvernement Bouchard, disent-ils, est inacceptable parce qu'elle provoque une méfiance grandissante chez les citoyens et les intervenants socioéconomiques au moment où nous avons besoin de fonctionner avec solidarité", affirme l'Union des municipalités régionales de comté».

Donc, M. le Président, que nous, ici, de l'opposition, on s'inquiète, que Mme la députée de Saint-François, responsable du dossier face à la ministre de la main-d'oeuvre et du développement des – je ne voudrais pas mal la citer – de la Sécurité du revenu... Nous avons raison de nous inquiéter. Nous avons raison de nous inquiéter au nom de la population.

C'est beau pour Mme la ministre de dire que ça l'a surpris de voir que les députés de l'opposition se préparaient à intervenir, quelques-uns du moins, ici, dans le cadre de ce projet de loi là, parce qu'il était considéré comme un projet de loi nécessaire à rapatrier les services du gouvernement fédéral dont l'entente vient d'être signée. Que, nous, on s'inquiète à ce moment-ci, c'est une réaction de la population.

Notre rôle ici, M. le Président, et vous êtes le premier à le reconnaître, est de représenter la population face aux projets du gouvernement du Québec, du Parti québécois, dont son objectif est, dans les meilleurs délais – son objectif, il semble, est de plus en plus évident – de mettre en place des structures où ils auront un contrôle à partir du gouvernement. On dit: Les décisions se prendront en région, mais on voit que plusieurs de ces conseils régionaux sont des conseils consultatifs qui recommanderont à la ministre ou à d'autres ministres responsables de ministères du gouvernement du Québec de quelle façon.

Donc, on décentralise en disant: Vous êtes les mieux placés pour nous dire ce qui se passe chez vous et quels sont les besoins, vous allez nous faire des recommandations, mais c'est nous qui allons continuer à donner notre assentiment sur tel ou tel projet ou telle ou telle partie de budget qui devrait être dépensée dans telle ou telle région du Québec.

Donc, M. le Président, pour conclure, je vous mentionne à nouveau que je ne suis pas le seul des députés de l'opposition, et je souhaite ne pas être le seul, qui va s'inquiéter au nom de nos électeurs, au nom des citoyens de Montmagny-L'Islet, au nom des citoyens de la région du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie, de la Côte-Nord, du Lac-Saint-Jean, de l'Abitibi, une région comme la vôtre, M. le Président. Je me fais le porte-parole pour ceux qui pensent comme moi dans votre région, qui s'inquiètent. C'est notre responsabilité, et nous allons supporter Mme la députée de Saint-François pour s'assurer que le projet de loi n° 150 soit clairement expliqué à la population d'abord dans sa forme et dans les pouvoirs qu'on donne au ministre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. Nous cédons maintenant la parole au député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai attendu quelques minutes avant de me lever parce que je pensais qu'au moins un des députés du côté ministériel voudrait faire une intervention sur le projet de loi n° 150. Malheureusement, il me semble qu'ils sont tous bâillonnés ou il y a un manque d'intérêt sur ce sujet. Mais ici, de ce côté de la Chambre, des questions aussi importantes que celle-ci nous intéressent. Bon, peut-être que les autres députés dans le coin ici vont faire des interventions un peu plus tard, si vous avez le droit ou de l'intérêt sur ces sujets.

Mais nous sommes ici, M. le Président, pour discuter, en principe, le projet de loi n° 150, Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail.

We're here to debate in principle Bill 150, Mr. Speaker, a bill that is entitled An Act respecting the Ministère de l'Emploi et de la Solidarité and establishing the Commission des partenaires du marché du travail, qui a été déposé, M. le Président, juste avant la date limite de cette session, si ma mémoire est bonne, le 14 mai, à toute vitesse, avec les autres projets de loi pour s'assurer que ça tombe dans les limites prévues par l'Assemblée nationale. Malheureusement, ça n'a pas été déposé avant, mais nous sommes ici pour commencer le débat sur ce projet de loi.

M. le Président, je voudrais féliciter la députée de Saint-François pour ses interventions aujourd'hui visant à s'assurer que le gouvernement et la population comprennent que l'opposition officielle veut supporter toutes les mesures qui peuvent améliorer la qualité des services pour les contribuables et les citoyens du Québec. Nous allons supporter tous les changements qui peuvent augmenter la qualité, qui peuvent rendre les services plus accessibles pour les questions d'emploi, les questions de sécurité de revenu, les allocations sociales, etc.

Nous allons certainement, M. le Président, questionner la ministre sur ce projet de loi pour nous assurer qu'il répond aux besoins de la population. J'ai bien écouté la ministre quand elle a fait ses remarques préliminaires et je ne suis pas convaincu que le projet de loi réponde aux besoins des chômeurs, des assistés sociaux, des personnes en recherche d'emploi et des entreprises.

Elle a dit, et je pense que c'est un excellent objectif, qu'elle voulait essayer de réduire le nombre des instances, le nombre de points de services et elle a parlé, si mes chiffres sont bons, de 129 centres Travail-Québec, elle a parlé de 51 points de services, 12 sociétés régionales de la SQDM, 78 centres locaux, trois directions générales, etc., et finalement elle est arrivée avec un total de 287 points de services. Mais la députée de Saint-François a clairement mentionné pendant ses interventions que, oui, peut-être qu'elle est en train d'enlever ces 287 points de services, mais le projet de loi et les autres projets de loi remplacent ces 287 points de services avec un total de 313 autres points de services. La ministre a dit qu'elle est fière de ces coupures, mais nous sommes arrivés avec 16 ou 17, dépendant du nombre de territoires, directions, 16 ou 17 conseils régionaux, 130 centres locaux, 96 centres locaux de développement, les carrefours jeunesse, etc. Nous sommes facilement arrivés au chiffre de 313, et peut-être que ça va être plus haut une fois que nous aurons compris tout ce projet de loi, M. le Président.

Quand j'étudie le projet de loi, M. le Président, je me demande tout le temps: Est-ce que ça répond aux besoins de la population québécoise? Est-ce que ça aide les 23 % de jeunes chômeurs? Est-ce que ça aide les personnes qui sont formées mais qui ont besoin d'une autre formation? Est-ce que ça aide les entreprises pour remplir leurs besoins? Je pense que non, M. le Président. Je pense que ce projet de loi ne répond pas à ces besoins, malheureusement. Peut-être qu'ensemble on peut améliorer ce projet de loi, parce que je pense qu'il n'y a personne ici, au moins de ce côté de la salle, qui veut créer d'autres structures.

Malheureusement, les réponses que j'ai vues dans le projet de loi n° 150... un problème réel, un problème sérieux, un problème urgent, c'est de créer plusieurs autres structures. Ça ne sera pas surprenant, M. le Président, avant la fin de cette session, que ce gouvernement péquiste arrive avec un avant-projet de loi, un projet de loi qui va créer un ministère des structures. Parce qu'ils ont vraiment créé de nombreuses nouvelles structures, et il doit y avoir un autre ministère pour juste organiser ça! Ou peut-être qu'ils vont arriver avec un ministre ou un ministre délégué et, dans ce cas, on parlera de création d'un nouveau ministre. Parce qu'ils sont en train de le faire un après l'autre.

(16 h 20)

M. le Président, ce n'est pas ça que la population veut, ce n'est pas ça que M. et Mme Tout-le-Monde veut. Ils veulent avoir un gouvernement qui réponde à leurs besoins, qui dépense leur argent d'une façon efficace et qui donne une haute qualité de services. Mais, afin de simplifier le travail et les démarches du monde pour avoir des services dans ce secteur, la ministre arrive avec une structure que je vais essayer d'expliquer.

Selon la ministre et dans tous les cahiers – nous avons lu tous les documents publiés par le ministère et la ministre – on arrive avec trois paliers, on arrive avec une structure que je vais essayer d'expliquer. Mais, franchement, M. le Président, pendant la commission, l'étude détaillée de ce projet de loi, je vais poser plusieurs questions parce que, je pense que vous êtes d'accord avec moi, c'est difficile de comprendre.

Dans un premier temps – ils disent «palier national», mais c'est du palier provincial qu'on parle – il y a le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, il y a aussi la Commission des partenaires du marché du travail, CPMT, et il y a le ministre responsable du Développement des régions, le ministère bientôt. Voilà trois niveaux.

Il y a un palier régional. Il y a tous les conseils régionaux des PMT. Il y a, sous le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, la Direction régionale d'Emploi-Québec et la Direction régionale de la Sécurité. N'oubliez pas, M. le Président, qu'il y a à ce palier – je ne parle pas du palier national, je parle du palier régional, du palier provincial et régional – régional, il y a les conseils régionaux des PMT, la Direction régionale de l'emploi, la Direction régionale de la Sécurité du revenu et les conseils régionaux de développement, les CRD.

Nous avons une instance provinciale, toutes ces instances régionales, il y a 16 ou 17 régions. Et, après ça, il va y avoir les paliers locaux, les centres locaux d'emploi, les CLE, il y a le module d'Emploi-Québec et le module de la Sécurité du revenu et, n'oubliez pas, M. le Président, les centres locaux de développement.

Au-dessus de tout ça, ils vont avoir les carrefours jeunesse-emploi et les corporations de développement économique communautaire. Et n'oubliez, M. le Président, qu'hier ou avant-hier nous avons créé une autre commission, la Commission économique de la métropole.

Avec ça, M. le Président, comment le simple citoyen, comment nous, on peut comprendre où on doit demander de l'information, où on doit se présenter pour avoir des services? Au moment où on parle, j'ai besoin de dire avec toute franchise, M. le Président: Je ne sais pas. Et j'ai pensé qu'avec les interventions de Mme la ministre j'aurais pu avoir plus d'informations sur ce projet de loi, mais malheureusement je n'en ai pas eu.

Il me semble qu'il y a toute une série d'improvisations, qu'à toute vitesse le gouvernement arrive avec les changements des commissions scolaires. Dans l'autre salle, juste de l'autre côté du corridor, nous sommes en train d'étudier les commissions linguistiques. Il y a tout le mouvement de fusion de municipalités. Nous sommes en train de bouleverser plusieurs systèmes en même temps.

M. le Président, les municipalités, les intervenants, les partenaires demandent un peu d'air, une chance de savoir exactement ce qui est en train de se passer. Nous sommes en train de changer tout en même temps. Ce n'est pas ma faute s'ils ont gaspillé deux ans avec leur obsession sur la séparation, avec les référendums. Et, maintenant, ils sont en train de prendre presque tout leur temps avec le Bloc québécois pendant les élections fédérales. Ce n'est pas de notre faute, M. le Président. Avec ça, pour être une opposition responsable, on doit demander des questions, on doit s'assurer que le projet de loi n° 150 réponde à la bonne foi, réponde aux voeux des Québécois et de la ministre, qui veut simplifier le système. Mais je suis loin d'être convaincu que nous sommes en train de créer un système qui va être plus efficace.

Je voudrais juste mentionner – et c'est au moins un peu mieux que ce que nous avons vu dans le projet de loi n° 92, dont nous avons discuté cette semaine – quand on parle de la Commission des partenaires du marché du travail, du module Emploi-Québec et du ministère, je voudrais juste citer deux phrases, M. le Président, des notes explicatives, que vous pouvez vous-même trouver dans le projet de loi, le cinquième paragraphe, à la fin: «Il prévoit que l'entente de gestion relative à Emploi-Québec sera conclue entre le ministère et la Commission.» Ça va, on peut avoir trois instances qui vont créer leur propre mission, j'espère sans trop de duplication: Emploi-Québec, le ministre et la Commission. Mais continuons à lire: «Il prévoit que le secrétaire général de la Commission est aussi le sous-ministre associé responsable d'Emploi-Québec.» Vous voyez assez facilement, M. le Président, qu'on tourne en rond pas mal ici. Au moins, c'est mieux que le projet de loi n° 92, comme je l'ai mentionné, qui crée la Commission de développement de la métropole, qui a un mandat de donner des conseils, des avis au ministre. Mais le ministre peut absolument contrôler tout, dans son projet de loi, parce que, dans son projet de loi, il est nommé lui-même comme président de la Commission. Dans ce cas-là, maintenant, ça va être le président qui va créer un conseil, fort probablement le conseil qui dit que la stratégie de ce gouvernement, ça va mal. Mais il va écrire à lui-même. Au moins, il y a un certain partenariat dans ça, mais j'ai des questions sur toutes ces nominations.

Comme la députée de Saint-François l'a mentionné, avec toute l'augmentation du nombre de points de service, du nombre des conseils d'administration, on doit s'assurer que nous avons un système qui va vraiment s'assurer que nous avons le monde qui peut prendre leur place, qui peut travailler comme bénévoles dans ce conseil. Et aussi – j'ai besoin de questionner – il y a plein d'espaces qu'on peut trouver, M. le Président, dans ce projet de loi, où le ministre peut nommer des personnes. Moi, je vois la façon dont ce gouvernement nomme les personnes. Souvent, particulièrement comme nous l'avons vu avec le ministre de la Justice, ils cherchent à même la liste des membres du Parti québécois. C'est la seule place où ils cherchent les nominations. Vous avez besoin de votre carte de membre avant d'être nommé par ce gouvernement. C'est inacceptable. Moi, avec ça, j'arrête sur ce point, j'ai déjà fait ce point. Mais j'ai pensé que c'était important d'au moins soulever la façon dont le gouvernement nomme les personnes alors que nous sommes en train de créer toutes ces autres instances décisionnelles.

Il me semble, M. le Président, que nous sommes devant un gouvernement qui est en train d'improviser toutes ces démarches, et on arrive avec une structure – et je l'ai clairement mentionné – qui est plus compliquée qu'avant, où au moins, selon mon interprétation, tel que j'ai compris le projet, il y a trois paliers; il y a une interconnexion entre tout ça, et il me semble que nous n'avons pas besoin de ces duplications de structures. Comme je l'ai mentionné, il y a les centres locaux d'emploi, il y a les centres locaux de développement. Nous, dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, on travaille avec fierté, avec énergie et avec un engagement pour avoir un carrefour jeunesse. Une fois que nous aurons ce carrefour jeunesse, nous allons ajouter cette structure.

Juste ouvrir une parenthèse, M. le Président. J'ai besoin de féliciter l'excellent travail de Gilles Bélisle dans ce dossier, un résident de l'Ouest-de-l'Île de Montréal, qui a vraiment travaillé pour assurer le développement de ce carrefour jeunesse. Nous-mêmes, dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, M. le Président, nous avons un grand esprit de partnership. Les municipalités travaillent ensemble. Le député de Jacques-Cartier, le député de Robert-Baldwin et moi-même avons écrit une lettre à 1 700 compagnies, entreprises, PME pour engager les jeunes pendant l'été. Nous avons eu l'appui dans cette démarche du commissaire du développement industriel.

(16 h 30)

Avec ça, M. le Président, nous avons le partenariat et nous allons continuer à encourager la synergie entre toutes les instances décisionnelles de notre communauté. Je pense que c'est loin d'être nécessaire d'avoir une autre structure, un autre ministère et une autre bureaucratie qui va causer, dans mon opinion, selon ma compréhension de ce projet de loi, plus de complications.

M. le Président, je dois aussi mentionner un point que peut-être les autres députés du côté ministériel n'ont pas étudié, c'est l'article 110. J'ai parlé, M. le Président, hier soir sur un article similaire qu'on trouve de plus en plus souvent dans les projets de loi du Parti québécois. Cet article 110 fait un amendement à l'article 69.1 de la Loi sur le ministère du Revenu, et c'est un changement de nom des organismes qui peuvent être impliqués dans le couplage des fichiers sur toute la vie privée de tous les Québécois et Québécoises.

Vous savez, M. le Président, que le projet de loi n° 32 l'année passée a donné le pouvoir au ministère du Revenu de faire le couplage de tous les dossiers importants dans la vie privée de la population québécoise. L'article 69.1 de ce projet de loi touche plusieurs ministères, incluant la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, les Affaires municipales, la Régie des rentes, le ministère de l'Éducation. Comme je l'ai mentionné hier soir, M. le Président, c'est vraiment «Big Brother». C'est un gouvernement qui veut tout savoir, qui veut tout contrôler, qui veut s'assurer qu'il n'y a rien de caché, particulièrement pour le fisc, pour ramasser tout l'argent.

Mais je vois, M. le Président, dans le projet de loi n° 150, qu'il est en train de changer les titres, parce qu'il est en train de mettre de côté la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Il dit qu'il veut avoir ce pouvoir d'échanger l'information avec la Commission des partenaires du marché du travail. Il y a un deuxième alinéa dans ce projet de loi qui dit qu'il veut changer les mots «Sécurité du revenu» par les mots «de l'Emploi et de la Solidarité». Avec ça, tout de suite il veut s'assurer, sans manquer une seconde, que, si cette loi passe, il peut tout de suite commencer à faire les échanges et le couplage d'informations sur la vie privée des Québécois et des Québécoises.

C'est assez surprenant de voir la vitesse à laquelle le ministère du Revenu arrive avec ces changements, alors que, dans les autres choses, particulièrement quand ça concerne des choses dues aux citoyens, ils sont pas mal lents. Nous avons vu des exemples de plus en plus habituels que ça prend trois ans pour faire des évaluations ou pour faire des analyses. Avec ça, M. le Président, j'ai pensé que c'était essentiel de mentionner cet aspect du projet de loi. Je vais continuer de questionner pour savoir comment la vie privée est protégée dans cette société, particulièrement avec cet appétit insatiable du ministère du Revenu d'avoir l'information sur la vie privée.

Mr. Speaker, Bill 150 unfortunately doesn't give decision-making powers to the SQDM, it unfortunately doesn't simplify the process. It complicates the process, at least in my understanding. It is maybe helpful in some areas, but I think it has missed the target. What Quebeckers want is a government more efficient, more responsible of their needs to help them get out of difficulties of employment. They want a government that can, without constant improvisation, always at the second priority of this Government... Because their first priority is the obsession of separation. But when they come around to thinking about how they can help people, respond to their basic fundamental concerns, they come up with: Ah! What we need is another structure, another ministry.

This population doesn't need more limousines. It needs that more people focus on issues of job creation, job training, because people want to get out of this vicious circle. 23 %, Mr. Speaker, 23 % of young people on unemployment. Will this Bill 150 help that? I think not.

I hope that during the next reading of this law, during parliamentary hearings, we will be able to help the Minister improve this law, to help the Minister adapt it in a way that actually responds to what she says she wants to do. Because I don't think Bill 150 does what the Minister says she wants to do. She says she wants to improve it, improve services, make them more simple, that you don't have to go to a labyrinth of various government departments – which I've named already. But in fact what the Minister is doing here, in my feeling, Mr. Speaker, is complicating this issue.

I hope today, in conclusion, that my comments have helped the Minister understand our concerns. And our concerns are to make sure that the Bill 150 actually does improve services to the people of Québec. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de Nelligan. Je cède maintenant la parole au député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je suis heureux d'intervenir sur la loi n° 150. Je ne peux pas m'empêcher de dire que c'est un numéro de loi qui donne un caractère tout à fait intéressant parce que, la dernière fois qu'on avait adopté une loi 150 à l'Assemblée nationale, nos collègues qui sont aujourd'hui dans l'opposition avaient voté en faveur de cette loi-là et avaient failli, hein, y donner toute la suite qui était attendue.

Je dois dire cependant que la loi 150 de l'époque en était une qui était un peu plus riche en substance que celle qui est devant nous autres, qui est un peu un kaléidoscope de structures. Vous savez c'est quoi, le kaléidoscope? Le petit jeu où tu mets ton oeil dans la lentille, puis tu tournes, puis il y a des espèces de petites billes aimantées de toutes sortes de couleurs qui changent de formes au fur et à mesure que tu tournes. On a l'impression que la priorité du gouvernement, c'est ça. C'est de jouer avec les structures, de les rebrasser: tu tournes le cylindre, puis les formes changent, les couleurs se déplacent, ça fait des étoiles, des triangles, des carrés, puis on vient de solutionner des problèmes parce que les structures changent de formes.

C'est d'ailleurs particulièrement surprenant en termes de cohérence, puis il y a des choses, je pense, que nos concitoyens sont absolument incapables de comprendre. On a un jour, au Québec, créé la SQDM, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, et l'idée derrière la création de la SQDM, c'était de dire: On va se faire un organisme qui va être géré par des gens qui ont les deux pieds dedans, qui sont des partenaires dans le marché du travail, en collaboration avec le gouvernement, parce qu'on s'attend à ce que prochainement le gouvernement fédéral – justement grâce aux pressions que vous mettez dans la loi n° 150 puis à ce qui devait en découler – nous transfère les pouvoirs en matière de main-d'oeuvre, puis, le jour où le Québec va avoir tous les pouvoirs en main en matière de main-d'oeuvre, il va être important d'avoir un organisme qui va pouvoir en faire une bonne gestion. Puis on est allé de l'avant. Avant même que l'entente soit faite avec le fédéral, on est allé de l'avant avec la création de la SQDM.

Une couple d'années plus tard, on s'apercevait qu'on mettait un quart de milliard, 250 000 000 $, d'argent dans la SQDM, qui n'avait même pas de mission, et le président de la SQDM de l'époque n'était même pas capable de dire c'était quoi, la mission de son organisme qui avait un budget de 250 000 000 $. Puis là le fédéral ne donnait toujours pas les pouvoirs en matière de formation de la main-d'oeuvre. Puis on a changé de gouvernement, on est arrivé avec un gouvernement du Parti québécois, qui a toujours gardé la SQDM, qui a conservé l'organisme, les budgets, puis beaucoup d'argent qu'on mettait là-dedans, avec des programmes plus ou moins clairs.

Et, au printemps, en mai 1997, le jour où on réussit à obtenir, après cinq ans d'efforts, une entente avec le gouvernement fédéral sur la question de la formation de la main-d'oeuvre, donc cinq ans plus tard, où on viendrait donner à la SQDM tout son sens, où on viendrait enfin dire à la SQDM qui a été créée il y a longtemps: Bien, enfin tu vas servir véritablement à quelque chose, tu vas prendre tout ton sens, bien, on a en même temps un projet de loi pour abolir l'organisme.

On pourrait être tenté de se demander: Est-ce que ce gouvernement-là s'est donné comme mission de simplifier les structures, de dire: Il faut qu'il y ait moins de structures? Parce que, si c'était le cas, ça mériterait d'être regardé, ça mériterait d'être analysé et de se dire: O.K., malgré que la SQDM ait été fondée il y a plusieurs années, malgré que là ce serait le temps de l'avoir parce qu'on l'a créée pour le moment où il y aurait une entente avec le fédéral, puis on a l'entente avec le fédéral, bien, ils veulent réduire les structures, donc, malgré tout ça, malgré tout ce contexte-là, ils sont quand même prêts à l'abolir.

Mais non, parce que, quand on regarde le projet de loi, au contraire, on institue une commission des partenaires du marché du travail, donc on crée cette structure-là dans les régions, on crée une multiplication des structures, en même temps on crée un ministère, on crée même des structures comme des carrefours jeunesse-emploi, on crée même des structures en région. Et, nous, les députés, on est appelés à offrir ce service-là à nos citoyens, puis je pense que la plupart se sont dévoués à mettre ça en place. Dans le comté de Rivière-du-Loup, c'est fait depuis déjà quelques mois, c'est ouvert au public.

(16 h 40)

Et là on vient nous dire, en même temps qu'on fait les inaugurations un peu partout à travers le Québec, qu'on n'est plus sûr qu'on va maintenir véritablement cette vocation-là en même temps qu'on les crée. On fait les inaugurations, le gouvernement fait couper des rubans d'une main puis de l'autre main prépare des réformes où il dit: Bien, peut-être que dans certaines régions ce sera maintenu; ça dépendra si c'est connecté aux CLE ou parce qu'on va faire d'autres structures en région.

Alors, on n'en sort plus, M. le Président. Puis, imaginez, c'est nous autres qui sommes là-dedans tous les jours, qui lisons les textes, qui voyons les rapports, qui voyons tous les discours de la ministre puis des membres du gouvernement, puis qui les entendons, avec tous leurs débats de structures. On est là tous les jours pour les suivre. Alors, imaginez la population.

Imaginez, d'abord, ceux qui travaillent dans le domaine, qui travaillent là-dedans, qui sont des agents qui veulent offrir à la population des services en cette matière-là. Eux-mêmes, ils s'y démêlent encore moins. Mais là imaginez, à l'autre bout de la ligne, ceux qui ont besoin des services, les gens qui sont sans emploi, les jeunes qui sont sans emploi et qui doivent essayer de se démêler. On est en train, je pense, ces gens-là, en même temps que de leur faire des changements constants au niveau structurel qui ont toutes les raisons de les mêler, de les oublier du point de vue de ce qui les préoccupe vraiment, qui est la création d'emplois. Parce que c'est une chose de dire aux gens: Bien, là, tu n'iras plus à la même adresse, ça ne portera plus le même nom, sur le coin de ton formulaire ça va avoir changé de nom, il va y avoir un ministère, ce ne sera plus la SQDM, mais, en bout de ligne, on n'en fait pas plus pour les aider, on n'additionne pas de nouvelles mesures, on ne fait pas de changements structurels.

On a parlé hier de l'article 45 du Code du travail. On a une foule de suggestions qu'on fait pour améliorer la compétitivité du Québec, pour permettre le développement de nouvelles entreprises, l'expansion des PME, les aider à prendre de l'envergure, les entreprises du Québec, pour embaucher des nouvelles personnes. Puis Dieu sait comment il faut se battre pour réussir à démarrer des projets en matière de création d'emplois au Québec! Quand je dis «se battre», pas seulement se battre contre les concurrents, se battre contre notre propre gouvernement, qui invente toutes sortes de mécanismes puis toutes sortes de barrières à la création d'emplois. Puis là on est en train de créer un ministère de l'Emploi.

Commission des partenaires du marché du travail. Quand on lit le document – j'écoutais le député de Nelligan, je pense qu'il a fait une analyse un peu semblable à la mienne – on s'aperçoit qu'on demeure toujours dans le vieux schème de la république des copains. La république des copains, elle est en train de s'ancrer au Québec. C'est-à-dire que, dans tout ce qu'on fait, il faut se garder des points d'ancrage pour les amis du régime, pour les gens qu'il faut garder de bonne humeur, les gens qu'on ne peut pas se permettre de voir de mauvaise humeur parce qu'on sait que, si on organise un Sommet, ces gens-là, on va avoir besoin de les avoir pour faire des petites déclarations favorables au bon moment et se rallier, à la dernière journée. Ça fait qu'il faut être capable...

Alors, la CSST. La CSST est bien organisée, M. le Président. On a des gens qui conseillent la CSST, qui veulent l'améliorer, mais, en échange, ils ont la main dans le sac, puis le gouvernement leur assure des rétributions fort généreuses. Alors, on peut se demander: Avec la Commission des partenaires, est-ce que c'est ce genre de partenariat qui va être implanté? J'entends les députés gouvernementaux, M. le Président, qui disent que ce n'est pas acceptable et qui commencent à prendre conscience du problème, et je suis convaincu qu'ensemble on va pouvoir faire des progrès sur ce point de vue là, de ramener le Québec, le gouvernement du Québec à une gestion pour le peuple et non pas une république des copains.

Formation de la main-d'oeuvre, M. le Président. Parce que c'est au coeur du projet, la formation de la main-d'oeuvre. On a vu des cas, dans tous nos comtés, où ce n'est pas la façon dont est organisée la structure, ce n'est pas le fait que ça s'appelle SQDM, que ça s'appelle un ministère qui cause le problème. Le problème, c'est un problème d'attitude. Je rencontrais des gens à mon bureau de comté, cette semaine. Dossiers d'horreurs, hein. On a donné à ces gens-là la chance de faire de la formation. Leur dossier a été approuvé par les représentants sur le terrain de la SQDM: Signez des rapports, bravo, vous allez faire votre formation. Une fois que la formation est faite, les gens, on les recotise, on leur refuse. Une semaine, ils doivent 2 000 $; l'autre semaine, c'est rendu 8 000 $. Une attitude où le gouvernement se mêle dans ses propres affaires, dit aux gens: On va vous encourager à faire de la formation, mais, de l'autre côté, punit ceux qui ont fait de la formation, dans les faits.

Alors, c'est là-dessus qu'il faudrait travailler, c'est sur le terrain, c'est sur les façons de faire, sur l'assouplissement des règles, pour permettre véritablement aux gens qui veulent faire de la formation, plutôt que de les obliger ou de leur faire des règles contraignantes, de leur donner des encouragements qui sont réels, d'avoir des politiques qui sont cohérentes, des politiques qui sont bien faites, qui sont respectueuses des PME qui vont les utiliser.

Et c'est là-dessus qu'on voudrait travailler. Puis on s'aperçoit que, là-dessus, on tourne en rond. On va changer les chapeaux, en haut de tout ça, les noms des structures, les appellations, puis ça va nous obliger à réimprimer: quelques contrats d'imprimerie pour réimprimer des enveloppes puis du papier à lettre. Mais, dans la pratique, les gens qui sur le terrain ont de la formation à faire, les gens qui ont des PME puis qui ont besoin de services de formation, puis qui ont besoin d'avoir accès rapidement et simplement aux programmes du gouvernement puis de se faire donner des réponses rapides, ces gens-là, il n'y aura rien de changé pour eux autres, M. le Président, à la fin de la session parlementaire, si jamais on adopte le projet de loi n° 150.

Quels problèmes on vient régler avec ça? On avait tous rigolé un matin – je pense que c'est cet hiver; ça fait quelques mois – quand un journaliste du Soleil avec l'oeil particulièrement aguerri s'était aperçu qu'on avait une ministre qui se disait un poids lourd du gouvernement dans les prises de décision puis qu'il y avait une ministre sans ministère ni plus ni moins et qui s'était inventé... On avait donné un beau nom. En termes de marketing, il y a un beau nom de ministère, mais dans la pratique il n'y avait pas de ministère. Alors, voilà un des problèmes qu'on vient régler.

D'ailleurs, dans la session parlementaire, on a un menu législatif qui est composé... On crée des ministères, on crée des jobs. De ce point de vue là, on crée des jobs. C'est probablement ça, en passant de ministres sans ministère à des ministres avec ministère, on veut de l'emploi moins précaire. C'est probablement ce qu'on veut régler, améliorer la situation de l'emploi, mais pas pour la population. Il n'y a rien pour la population là-dedans. Il n'y a rien qui, dans le concret, va améliorer ce que vivent les gens puis va améliorer ce que vivent les personnes qui ont besoin de meilleurs services.

Je me pose toujours la question. Quand, à la fin du mandat, ce gouvernement-là va avoir à faire un bilan, à rendre compte de ses actions en matière d'emploi, alors il va nous dire: Ah, qu'on en a fait des choses; on fait des sommets. Il nous ferait un bilan: Nous autres, on a fait deux sommets. Ça a discuté, «c'était-u» gros, les sommets? Il y avait du monde, il y avait du monde, puis des tables de journalistes puis des grandes tables. Puis là on regarde, des rapports du Sommet, y en «a-tu»? Ça d'épais, M. le Président, du gros travail qui s'est fait. Mais, dans la pratique, ce qui est ressorti du Sommet, les projets qui sont là, les projets concrets, là, les projets dans le Sommet qui pouvaient ouvrir, puis dire: Bien, ça, ça crée 150 jobs, si ça se fait, bien, la plupart sont tombés dans l'oubli. Puis, en fait, tous ceux où on avait besoin d'une action gouvernementale, tous ceux où ce n'était pas seulement une entreprise privée, ils sont tombés dans l'oubli, largement.

Ils vont nous dire: Aïe! On en a fait des choses pour l'emploi. On a créé des ministères: un ministère de l'Emploi et de la Solidarité, puis, pour l'emploi à Montréal puis l'économie de Montréal, on a créé un ministère de la Métropole. Dans la pratique, ça ne sera pas un bilan. Le bilan qu'on va vouloir voir, que la population va demander, c'est: Combien il y a de PME véritablement de plus au Québec? Puis comment ces PME là, leurs conditions de fonctionnement se sont améliorées? Comment la fiscalité aide les PME? Comment on a simplifié la réglementation pour faire fonctionner mieux les PME? Le bilan là-dessus, il va être mince.

Il va y avoir un bilan de sommets, il va y avoir un bilan de discussions, il va y avoir un bilan de discours, il va y avoir un bilan en matière de création de ministères puis de création de structures puis de changement de noms. Il va y avoir un bilan sur les changements de nom des structures. Il va y avoir un excellent bilan. Probablement même que, dans l'ensemble, le mot «emploi» va apparaître dans un plus grand nombre de noms de structure qu'il apparaissait avant. Mais il n'y aura pas plus d'emplois pour ça. Il n'y aura pas plus de travailleurs qui vont pouvoir partir tous les matins puis aller gagner leur vie honorablement, comme ils souhaiteraient tant le faire.

(16 h 50)

C'est pour ça, M. le Président, c'est parce que ce projet de loi là s'ajoute à un bilan de changement de noms, de changement de structures, d'addition de ministères et non pas à un bilan d'actions concrètes pour améliorer la situation de l'emploi qu'on ne peut pas y souscrire. C'est surprenant d'ailleurs.

Je réfère à ce que nous disait hier le ministre du Travail – ça devrait le préoccuper un peu, l'emploi – concernant une réforme du Code du travail, un assouplissement, une amélioration au Code du travail pour s'harmoniser avec le reste de l'Amérique du Nord puis rendre notre économie aussi productrice d'emplois qu'ailleurs en Amérique du Nord. Il nous disait: Écoutez, ce printemps, ce serait dur d'adopter un projet de loi comme ça, on a un menu tellement chargé, on a tellement de choses à l'ordre du jour ce printemps.

Dans la pratique, quand on regarde les mesures concrètes pour changer les conditions économiques, changer les conditions de création d'emplois au Québec, il n'y en a pas beaucoup. Il n'y en a à peu près pas. C'est très mince comme menu législatif. J'ai hâte de voir comment à la fin de la session le ministre du Travail va nous faire la longue liste de son menu chargé de mesures en matière économique. J'ai hâte de voir comment il va nous faire la liste de ce qui va avoir été adopté puis comment, dans les prochains mois, les prochaines années, tout ça va véritablement améliorer la situation économique du Québec.

C'était ce que je voulais dire, M. le Président, sur le projet de loi n° 150, en espérant – si je peux formuler un voeu fort positif – et en disant: Bon, bien, visiblement, le gouvernement a la majorité en Chambre, veut créer son ministère, veut créer ses structures. On peut espérer au moins qu'en découlent dans les plus brefs délais des actions concrètes, qu'une fois qu'ils vont avoir fait tout ça puis qu'ils vont s'être fait plaisir puis qu'ils vont avoir changé les noms, qu'ils vont avoir donné les noms qu'ils souhaitent à toutes ces choses-là, il va au moins, pour notre population, pour les Québécois et les Québécoises, en découler des actions concrètes, en découler des gestes très précis qui vont améliorer les conditions dans lesquelles les entreprises du Québec vont pouvoir dans l'avenir former leur main-d'oeuvre, les conditions dans lesquelles les chômeurs, les assistés sociaux du Québec vont pouvoir avoir accès à de la formation, avoir accès à de l'aide à l'employabilité pour retrouver leur place dans le marché du travail dans les plus brefs délais, parce que c'est seulement dans ces actions concrètes là que ce qu'on fait ici va pouvoir prendre un certain sens. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir d'intervenir sur le débat de principe sur le projet de loi n° 150, Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail; Bill 150, An Act respecting the Ministère de l'Emploi et de la Solidarité and establishing the Commission des partenaires du marché du travail. Je suis tenté de dire, au début: Bis. C'est la troisième fois cette semaine que je me lève dans cette Chambre pour regarder encore une fois la création d'une autre série de structures, des mesures qui vont augmenter d'une façon importante les coûts de gestion des services gouvernementaux, et je me demande toujours où est l'esprit ou le sentiment qui est exprimé par le premier ministre et député de Jonquière.

Au moment du dépôt des crédits dans son premier gouvernement, le premier dépôt du livre des crédits, où il s'est engagé à sabrer dans les machines, à sabrer dans l'appareil gouvernemental, mais à ce que les services à la population, les services aux citoyens ne soient pas touchés... Ça, c'est le grand engagement qui a été pris il y a 14 mois, M. le Président. Alors, on ne parle pas de l'ancienne histoire, on ne parle pas de quelque chose qui date de plusieurs années mais de quelque chose d'il y a 14 mois. Et c'est quoi, le bilan de cet exercice de réduire la taille du gouvernement? C'est quoi, le bilan de cet exercice de couper dans la gestion, de déréglementer, d'essayer de laisser la place aux citoyens pour aller de l'avant? On est en train, ici, aujourd'hui de créer le quatrième nouveau ministère.

Alors, dans 14 mois, c'est un ministère par trois mois, presque. Avec une autre couple d'années dans leur mandat, je pense qu'on peut prévoir une autre dizaine de ministères qui s'en viennent. On a vu la création d'un ministère des Relations avec les citoyens, on a vu la création d'un ministère de la Métropole, on est en train de faire la création d'un ministère de la Famille et de l'Enfance, maintenant c'est la création d'un ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Alors, quatre ministères en 14 mois, tous par ce gouvernement qui est dévoué à sabrer dans les machines, à sabrer dans la taille du gouvernement, l'appareil gouvernemental.

C'est un drôle de bilan, et il faut rappeler aux contribuables qui nous écoutent qu'il y a un prix à payer pour ça: les coûts de transition, les coûts de déménagement, on va rebrasser les fonctions de plusieurs fonctionnaires, des personnes qui doivent quitter un bureau pour un autre, on va fermer certains bureaux, on va en rouvrir d'autres. Il y a tous les déménagements, il y a toutes les inefficacités qui découlent de ces grands changements, et ça, c'est quelque chose dont il faut tenir compte.

Et, comme le député de Rivière-du-Loup vient de le mentionner, on est en train aussi de démanteler la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre qui avait été mise en place effectivement pour préparer le terrain pour le transfert souhaitable de la formation de la main-d'oeuvre, l'entente avec Ottawa. Alors, moi, je pourrais comprendre, si la ministre avait essayé, avec la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, de mettre en place la nouvelle entente avec le gouvernement fédéral et que ça n'aurait pas marché, alors il y aurait eu une certaine expérience: Nous avons essayé de faire le vécu avec la Société québécoise et ça ne marchait pas, alors, il faut la changer. Mais la ministre a fait son idée, même avant la signature de l'entente, qu'il fallait mettre la hache dans le système qu'on n'a jamais essayé.

Alors, je dis: Quel gaspillage pour le contribuable! Parce que nous avons mis en place une société, il y avait un partenariat déjà établi entre le gouvernement, les syndicats et la partie patronale, alors pourquoi ne pas laisser la chance au coureur, pourquoi ne pas laisser les structures existantes en place, leur donner la chance de faire leurs preuves? Et, si, après une couple d'années ou une année, on voit que vraiment il y a des lacunes, que vraiment il y a un problème avec la gestion, à ce moment, le gouvernement serait mieux placé pour dire: Il y a des ajustements à faire. Mais non. Le gouvernement dit: Il faut notre réforme, il faut tout bouleverser le système, il faut ajouter des coûts de gestion pour le contribuable, alors on va créer un autre ministère. Alors, on est devant le fait de créer un quatrième ministère. Ce n'est pas ça, pour un gouvernement, comme j'ai dit, qui était dévoué à sabrer dans la machine, sabrer dans l'appareil gouvernemental... Mais ils ne sont pas contents.

Leurs autres réussites, en 14 mois, il y a la création de deux agences, il y a la création maintenant de quatre commissions, à ma connaissance: la Commission de la protection de la langue française, la Commission nationale de la capitale, la Commission de développement du Grand Montréal et maintenant, nouveau titre, Commission des partenaires du marché du travail, la CPMT. On va se perdre, bientôt, dans les acronymes, on va se perdre dans les lettres de l'alphabet. C'est une véritable pluie d'acronymes, maintenant, au Québec, les nouvelles structures qu'on est en train de mettre en place.

Même, dans ce projet de loi, on a une nouveauté. Nous avons créé des agences, des commissions, des sociétés, des ministères, mais, à ma connaissance, c'est la première fois que ce gouvernement va créer une unité. Alors, c'est tout un nouveau champ de développement des structures. Maintenant, on va créer des unités. Emploi-Québec, quelque chose qui découle de ce projet de loi, va être une unité. Alors, pour le contribuable qui n'est déjà pas assez content avec les commissions, les offices, les conseils, les ministères, les agences, on va ajouter, maintenant, les unités. Alors, quelle bonne nouvelle ajoutée à l'autre bonne nouvelle: la création d'une 17e région administrative! Alors, toutes ces structures régionales, toutes ces structures locales, on va les multiplier davantage. Maintenant, au lieu de 16 régions administratives, il y en aura 17.

J'ai cité, hier soir, le débat dans La Presse : Est-ce qu'on va la nommer la région 04? Ou peut-être la région 17? Ou même – quelle intrigue! – La Presse a soulevé la possibilité qu'on utilise un autre numéro. Alors, on peut peut-être créer une commission pour étudier la question de quel numéro donner à la nouvelle région administrative. Moi, j'ai proposé, hier, 66, parce que Mario Lemieux des Penguins de Pittsburg prend sa retraite; alors, peut-être que la région 66, c'est une possibilité. On va créer, encore une fois, des structures après des structures.

On regarde les projets de loi du ministre responsable du Développement régional qui sont déjà sur la table, qui s'en viennent d'ici la fin de la session. On parle, dans le projet de loi, ici, des CLE, des centres locaux d'emploi. Dans la création d'un nouveau palier de gestion pour la gestion des offres de services de garde, on va créer les CPE, les centres à la petite enfance. Alors, sur la même rue, peut-être, on va mettre le CLE, on va mettre le CPE. Il y a également nos carrefours jeunesse-emploi, nos CJE qui sont déjà là. Peut-être, on peut mettre les trois sur la même rue, pour moins confondre le contribuable qui doit se retrouver dans tout ce grand effort de sabrer dans les services gouvernementaux.

Alors, moi, je regarde tout ça et je dis: Au lieu de simplifier l'affaire... On a déjà nos CLE, nos CGE, nos CPE, bientôt, on va arriver avec les centres locaux de développement, les CLD, peut-être, on peut mettre ça sur une rue avec les CRD, les conseils régionaux de développement. Alors, on pourrait avoir les CRD, les CLD sur une rue, et nos CLE, nos CGE et nos CPE sur une autre rue, pour peut-être simplifier la façon dont on va sabrer.

(17 heures)

Oh! les sacrifices que ce gouvernement est en train de faire dans l'appareil gouvernemental, c'est incroyable, M. le Président. Mais, moi, je ne le vois pas. Moi, je vois qu'on ajoute, on ajoute. On va compliquer davantage la vie des citoyens, parce que, au lieu de simplifier, au lieu de réduire la taille de l'appareil gouvernemental, on est en train de faire le contraire. Et le beau discours et la grande déclaration du premier ministre il y a 14 mois, qu'on va sabrer dans la machine, ce n'est pas vrai, M. le Président. C'est le contraire que le gouvernement a fait depuis ce temps-là, et le projet de loi qui est devant nous complique davantage l'affaire, ajoute davantage.

Ce gouvernement, avec son option constitutionnelle qu'il y a trop de paliers de gouvernement, est en train de créer ses propres paliers de gouvernement. Toutes les choses sont maintenant palier national, palier régional, palier local. Alors, on va dédoubler, on va faire des chevauchements importants. Tous les ministres veulent avoir leur propre réseau... des paliers autour des paliers autour des paliers. Alors, ça va compliquer la vie davantage pour le citoyen, le contribuable, la personne qui ne se trouve pas...

Alors, c'est formidable, dans ça, on va créer un autre conseil, des conseils régionaux des partenaires du marché du travail. Les CRPMT vont s'asseoir avec les conseils régionaux de développement, les CRD, pour voir ce que ça va donner, peut-être pour fixer la date de la rencontre avec les conférences administratives régionales, les CAR, que le ministre responsable des régions va inclure dans son projet de loi qui vient bientôt. Alors, on va voir notre CRPMT s'asseoir avec le CRD pour fixer une rencontre avec le CAR. Bonne nouvelle pour le citoyen, bonne nouvelle pour le contribuable, bonne nouvelle pour la personne qui, avant tout, cherche de la formation, cherche un emploi! Quelqu'un qui a perdu son emploi, un jeune qui cherche son premier emploi, c'est ça, les personnes qu'il faut viser avec nos actions dans la création d'un ministère de l'Emploi. Mais, dans ça, je ne retrouve pas une conscience de dire: Il y a les chômeurs, il y a un taux de chômage trop élevé, il y a des besoins criants. Qu'est-ce qu'on fait?

Si on est quelqu'un d'apte à travailler à l'intérieur d'une de ces structures, c'est une bonne nouvelle. Alors, c'est comme le grand programme de départs assistés de ce gouvernement. On va les aider à partir d'un ministère, d'un palier du gouvernement, et on va créer une autre place où il peut travailler. Mais, pour moi, c'est juste un «shell game», comme on dit en anglais. On est en train de rebrasser les choses, mais, au niveau des changements, au niveau de l'amélioration de la qualité des services à la population, je ne le vois pas. Je ne comprends pas comment, en créant autant de...

C'est un paradoxe, M. le Président. On va créer plusieurs guichets uniques! Alors, l'idée d'un guichet unique, c'est de simplifier l'accès aux services à la population. Tous les ministres pensent que ça, c'est une bonne idée: Mais je dois avoir mon propre guichet unique, parce que je ne veux pas partager mon propre guichet unique avec mes collègues autour de la table du Conseil des ministres. Un ministre arrive avec ses 17, ou 34, ou 42 guichets uniques à travers le territoire du Québec. Son collègue dit: Je suis jaloux. Je vais avoir mon propre réseau de guichets uniques aussi. Alors, il arrive aussi avec tout un réseau de guichets uniques. Un après l'autre qui va, comme je l'ai dit, sur la rue: On va trouver nos CLE, on va trouver nos CJE, on va trouver nos CPE, on va trouver nos CRD, on va trouver nos CLD. Comment ça va aider la personne qui a perdu un emploi? Comment ça va aider le jeune qui cherche un premier emploi? Ce n'est pas clair, M. le Président.

Moi, j'ai fait ça un petit peu rigolo parce que je trouve qu'il y a une pluie d'acronymes, mais, derrière tout ça, je trouve ça fort triste que, au lieu d'arriver avec des façons de simplifier ou vraiment de sabrer dans l'appareil gouvernemental et de réduire la taille du gouvernement, de laisser la chance à nos entreprises, de laisser une chance à nos familles de vraiment améliorer leur situation économique, on va leur imposer davantage de structures.

Et comment on va payer pour tout ça? Parce que, comme je l'ai dit, j'entends les ministres de ce gouvernement, un après l'autre: Oh, les grands sacrifices que nous sommes en train de faire! Mais ce n'est pas le gouvernement qui fait les sacrifices à ce moment-ci. Avant tout, il y a un document qui a été livré à nos pupitres ce matin sur le profil financier du Québec, et on voit que, oui, effectivement les dépenses du gouvernement sont à la baisse de 300 000 000 $ cette année, ce qui est un effort important, fort louable. On ne fait pas de débat sur ça. Mais, si on regarde à la page 10, les personnes qui vont réduire le déficit, c'est les personnes qui paient les revenus autonomes, qui vont augmenter l'année prochaine pour 1 300 000 000 $. Les revenus autonomes, ça cache la réalité. C'est les contribuables, c'est les hommes et les femmes des familles du Québec qui seront imposés davantage par ce gouvernement pour payer les structures. Parce que ça va coûter beaucoup plus en frais de gestion de mettre sur ma rue toutes les structures des paliers locaux, les paliers régionaux. Il y a un prix à tout ça.

Alors, ce gouvernement, oui, c'est vrai, il va couper dans les services donnés à la population, il va imposer davantage les citoyens pour payer les structures, pour les cérémonies pour couper des rubans. Alors, tout le monde va arriver, tout le monde va aimer ça. Ça va être l'ouverture dans le comté de Richelieu d'un CLE. Le ministre va être là pour couper le ruban et une photo dans l'hebdo. Et, la semaine après, son collègue le ministre responsable du Développement des régions va l'inviter pour l'ouverture d'un CLD. Il va arriver, peut-être une autre cravate, un autre veston pour changer l'image un petit peu, couper un autre ruban. L'hebdo va être là, va prendre la photo et on va mettre ça dans l'hebdo.

C'est bien beau, mais ce n'est pas quelque chose qui va aider les contribuables et les citoyens dans son comté. Et c'est ça que je trouve regrettable dans tout ça: on est en train d'imposer d'une façon très importante, 1 300 000 000 $ de plus d'impôts cette année par le gouvernement du Québec. Mais, si on ajoute à ça un transfert des responsabilités – ça, c'est un autre mot qui cache la réalité des taxes aux municipalités, de 500 000 000 $, 100 000 000 $ aux commissions scolaires, qui vont également être obligées d'imposer davantage; sur qui, M. le Président? Sur le même citoyen... On peut ajouter à la facture l'augmentation très importante des déficits dans nos établissements de santé, qui est une autre façon de cacher le déficit un petit peu, alors que nos hôpitaux et d'autres établissements ont maintenant des taux d'endettement d'environ 170 000 000 $. Ça, c'est une autre façon... Ah! Déficit zéro, nous avons réussi à faire ça. Mais comment, M. le Président? Parce que nous avons caché les déficits dans les autres coins.

Dans les municipalités, nous avons fait ça en transférant les dettes... ou en augmentant les dettes de nos établissements de santé, mais... laisse à côté tout ça, imposer, prendre un autre 1 300 000 000 $ dans les poches des contribuables, pour faire quoi? Pour ajouter une structure après l'autre, pour faire un autre ministère, le quatrième ministère qu'on est en train de créer, des commissions après commissions, des conseils, des agences, des régions administratives additionnelles et, comme je le dis maintenant, tout un nouveau champ à développer: des unités. Une unité Emploi-Québec – on va voir, dans la commission parlementaire, après l'adoption de principe, c'est quoi, un Emploi-Québec et c'est quoi, une unité. Mais j'imagine que tous les autres ministres doivent regarder la ministre et députée de Hochelaga-Maisonneuve: elle a maintenant une unité. Je vais demander à mes fonctionnaires si je peux avoir une unité aussi, parce que je ne veux pas ne pas avoir quelque chose que ma collègue a. Alors, on va voir, peut-être à la session de l'automne, tous les ministres arriver avec une demande pour la création d'une unité, parce qu'il faut avoir les choses que les autres ont, aussi.

Et même, on regarde dans les mandats, les grands «mission statements» qu'on trouve dans les premiers articles de nos projets de loi... Et Mme la ministre, députée de Hochelaga-Maisonneuve, travaille à ces fonctions depuis maintenant 14, 15, 16 mois, je pense. J'imagine que ça marche assez bien. Elle a un bureau, elle a un téléphone, elle a une secrétaire qui prend ses appels, elle a une place pour aller travailler. Après 16 mois, c'est quoi? On ne peut pas juste continuer avec le système existant? Non, non. Il faut rebrasser. Il faut refaire tout ça.

Quand je vois, dans l'article 3, entre autres... Ça, c'est les grandes... «De susciter l'emploi de la main-d'oeuvre disponible». Oui. Mais, il n'y a pas un chat qui va être contre ça. «De promouvoir le développement de la main-d'oeuvre». C'est de toute évidence qu'une ministre qui a une vocation d'emploi, de la formation professionnelle va faire ça. «D'améliorer l'offre de main-d'oeuvre et d'influer sur la demande de main-d'oeuvre, de façon à favoriser l'équilibre entre l'offre et la demande de main-d'oeuvre sur le marché du travail». Bon, c'est fort louable. Si on peut trouver un petit peu de place pour nos entreprises, peut-être qu'on va réussir à créer des emplois!

(17 h 10)

Quatrièmement, «d'assurer une qualité et un niveau de vie convenables à chaque personne et à chaque famille». Le quatrième, je le trouve voeu pieux pas mal. Encore une fois, parce que le gouvernement n'a pas d'idées, n'a pas de moyens, n'a pas le courage de vraiment sabrer dans l'appareil gouvernemental pour laisser la chance aux contribuables d'augmenter leur activité économique, qu'est-ce qu'on est en train de faire? Imposer davantage, faire des structures qui donnent l'impression que le gouvernement est en train de faire quelque chose. Mais, vraiment, c'est juste un grand exercice de relations publiques. Oui, on aime nos familles; on a créé un ministère. Le ministère ne fait pas grand-chose, mais on a créé un ministère. Encore une fois, parce qu'on veut donner l'image qu'on fait quelque chose pour l'emploi, on va créer tout un réseau de centres locaux d'emploi, mais sans vraiment leur donner une vraie vocation pour aider la vie des chômeurs et des personnes qui cherchent un emploi dans notre société. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de Jacques-Cartier. M. le député de Chomedey, maintenant.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Comme mon collègue le député de Jacques-Cartier vient de le démontrer avec autant d'éloquence qu'on lui reconnaît, le gouvernement du Parti québécois est en train de proposer un projet de loi, le projet de loi n° 150, visant à créer un nouveau ministère et les organismes qui vont avec; et, en faisant cela, il tente de donner l'impression qu'il a une vision, une manière d'intervenir qui va créer de l'emploi. Les gens qui nous regardent savent très bien que ce n'est pas avec plus de fonctionnaires, ce n'est pas en payant plus d'employés de l'État, ce n'est pas en changeant les choses de place et en jouant à une sorte de chaise musicale bureaucratique que l'on va vraiment créer des emplois pour les femmes et les hommes qui en ont besoin.

Le projet de loi n° 150 s'intitule Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail. Fabuleux, M. le Président! Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Malheureusement, ce gouvernement a déjà inventé tellement de nouveaux termes pour cacher le fait qu'il est en train de taxer que cela risquait de passer inaperçu, car c'est un terme que l'on doit au premier gouvernement Mitterrand. Lorsque, eux, ils ont décidé d'instaurer leurs premières nouvelles taxes, ils ont appelé ça des contributions de solidarité. C'était une nouvelle manière d'appeler ça et c'était tout à fait temporaire. Malheureusement, même si ça a été instauré il y a 15 ans, c'est encore là aujourd'hui. Et c'est la même manière ici avec les impôts sur le revenu: c'était une mesure tout à fait temporaire, introduite en 1914 pour aider à payer la Première Guerre mondiale. Vous voyez comment les choses sont temporaires lorsqu'on les impose, au gouvernement!

On dit que l'on crée tout cela pour harmoniser, pour réduire l'administration. Mais, lorsqu'on regarde la loi, lorsqu'on regarde ce qui est vraiment en place, on constate qu'on est en train de remplacer environ 200 structures et programmes existants avec 200 structures et programmes nouveaux. Mais ça change quoi, dans le fond? Pour la personne qui veut travailler, est-ce que le fait d'acheter de nouveaux locaux, est-ce que le fait de déménager, est-ce que le fait d'ouvrir ces nouveaux locaux avec le ministre et justement de faire plaisir aux gens de la place va changer sur le fond quoi que ce soit?

On a tous entendu le premier ministre lorsqu'il s'est levé dans cette Chambre pour dire que les coupures que le public est en train de subir à l'heure actuelle dans les hôpitaux, dans les écoles et dans beaucoup d'autres domaines visaient l'appareil administratif, visaient la machine et ne visaient pas les services à la population. Cependant, ce qu'on est tous en mesure de constater aujourd'hui, c'est le fait que le projet de loi n° 150 fait tout à fait le contraire. Le projet de loi s'attarde d'abord et avant tout aux structures, porte beaucoup d'attention à la création de nouveaux organismes et ne fait strictement rien qui est concret, positif et immédiat pour la population.

M. le Président, c'est intéressant aussi de constater, lorsqu'on regarde nos collègues en face, nos collègues du gouvernement du Parti québécois, à quel point il y en a peu parmi eux qui ont déjà travaillé dans le secteur privé. Ils ont tous presque toujours travaillé dans le secteur public: en enseignement, pour le Parti québécois, dans des domaines où leur chèque de paie avait l'écusson de l'université, du gouvernement du Québec, du Parti québécois. Mais l'idée même que l'État existe pour créer de l'emploi a déjà été réfutée à maintes reprises. Au contraire, M. le Président, ça a été prouvé au cours des 20 dernières années que, moins on intervient lourdement avec les programmes sociaux, plus l'argent de l'État peut servir à de réelles fins qui intéressent la population, à savoir l'éducation, la santé et les services sociaux, la justice, les communications et le transport des choses, les missions fondamentales de l'État, M. le Président.

Mais il n'est pas vrai que le gouvernement existe d'abord et avant tout pour créer de l'emploi. La meilleure manière de créer de l'emploi, c'est de laisser créer de l'emploi par le secteur privé. La seule manière de laisser créer de l'emploi par le secteur privé, c'est d'arrêter d'ajouter de nouvelles taxes à tous les 15 jours, comme on fait dans le gouvernement du Parti québécois.

On a tous vu à quel point ce gouvernement a besoin de fonds, on a vu les nouvelles taxes sur la masse salariale qui ont été imposées, et on sait à quel point cela étouffe la création d'emplois dans le secteur privé. Mais, justement, avec une ministre qui n'a jamais travaillé dans le secteur privé, qui, au contraire, a toujours eu une vision politique marginale, communiste, socialiste, marxiste, qui croit justement que l'État est la meilleure manière de prévoir la création d'emplois, c'est normal de voir que c'est la structurite qu'on impose encore, c'est justement beaucoup plus de fonctionnaires qui, dans sa vision tout à fait particulière, vont soi-disant créer des emplois pour les chômeuses et les chômeurs du Québec.

C'est faux, M. le Président. Tout le monde qui a le moindrement étudié la question est capable de démontrer par a plus b que c'est faux, que ce n'est pas par plus de structures, que ce n'est pas par plus de fonctionnaires, que ce n'est pas par plus de bureaucrates que les gens qui ont besoin de travail vont en trouver demain matin. Malheureusement, l'approche préconisée par le gouvernement du Parti québécois, c'est la création d'un nouveau ministère avec un titre ronflant mais qui ne parviendrait strictement pas à faire ce dont on a besoin, à savoir créer de l'emploi.

Mr. Speaker, Bill 150 is entitled, in its official English version – do not adjust your sets – An Act respecting the Ministère de l'Emploi et de la Solidarité and establishing the Commission des partenaires du marché du travail. That, Mr. Speaker, in a single title, is how the Government of the Parti québécois, which never hesitates to perform the humiliation hoedown, meets its constitutional obligation under Section 133 of the Constitution Act, 1867, the BNA Act, to provide bilingual statutes in the Province of Québec. That question of form notwithstanding, Mr. Speaker, when one looks at the substance of Bill 150, it is quite easy to recognize the fingerprints and the work of our current Minister responsible for Labor in the Province of Québec.

Mr. Speaker, what we have here is an accumulation of clichés that are firmly believed by the Parti québécois Government. The Minister firmly believes that she is right in creating a new ministry and the concomitant organizations – some 200 in number, Mr. Speaker – to come to the aid of those in the Province of Québec who are in need of a job. What she has failed to understand, unfortunately, is something that has become evident to anyone who has studied these interventionist policies over the past 20 years, it's that it is not governments, it is not bureaucrats, it is not civil servants who create jobs. The only way to create jobs that last, Mr. Speaker, is to allow the private sector to do so. And the only way for the private sector to be able to do so in any given region is to have a competitive tax structure.

(17 h 20)

Unfortunately, since the Parti québécois was elected, on September 12th, 1994, we have seen billions of dollars in new taxes imposed on businesses in the Province of Québec, usually in the most pernicious form, which is a payroll tax, meaning it is money taken straight off what the company is actually making. The net result of that, Mr. Speaker, is that, in addition to the political insecurity that is caused by its constant threat to break up the country, in addition to its spending on programs that have very little relation with the true interest of the population, in addition to the $1 200 000 000 in new taxes for this fiscal year alone, the $500 000 000 added to the municipal tax bill, the $100 000 000 added to the school tax bill, in addition to all of that, Mr. Speaker, what the Government of the Parti québécois is doing is creating a new very expensive, very heavy structure to replace something that was working relatively well.

It's the problem that this Government faces constantly. Incapable of any real action because it's strangling the economy by its very threat of separation, incapable of doing anything positive, well into the third year of their mandate, they have got to show that they have done something so that at the next electoral rendez-vous with the population, they will be able to stand up and say: Well, of course we did something for work, we created the ministère de l'Emploi et de la Solidarité et on a institué la Commission des partenaires du marché du travail. That's what they are going to say to the public, Mr. Speaker.

C'est la seule chose qu'ils pourront dire lorsque la question va leur être posée: Qu'avez-vous fait concrètement pour créer de l'emploi au Québec? Bien, on a changé les bureaucrates de place, on a loué de nouveaux locaux, on a fait des guichets uniques multiples. Il faut le faire! Il y a un terme pour ça en anglais, M. le Président, on appelle ça «an oxymoron», ça veut dire une contradiction inhérente de termes. Eux, ils vont faire des guichets uniques multiples. Fabuleux! Il faut le faire!

M. le Président, quand on n'est pas capable, parce qu'on a étranglé l'économie, de prévoir de réels programmes de création d'emplois, on change les structures. C'est un aveu d'échec de la part du gouvernement du Parti québécois, c'est un échec évident que de proposer une nouvelle structure de cette nature-là. La Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, mise en place il y a à peine quelques années, qui a fait ses preuves, qui faisait l'objet d'un consensus entre les milieux patronaux, syndicaux, sociaux, ça allait bien, pourquoi la changer? Parce qu'il faut donner l'impression qu'on a fait quelque chose.

Ils ne peuvent pas créer des emplois. Ça, ils en ont déjà fait la preuve. Depuis qu'ils sont là, on perd de l'emploi au Québec. Alors, qu'est-ce qu'ils font? Bien, ils changent les choses de place en espérant que, lors du prochain rendez-vous électoral, le public se laissera leurrer par leur chanson de sirène lorsqu'ils diront: Mais non, écoutez, c'est à la veille, là, on vient de pelleter ça en avant à nouveau, c'est à la veille, ça devrait commencer à marcher car on a fait quelque chose de très positif. On a créé un ministère, on a créé la Commission des partenaires du marché du travail, on a créé Emploi-Québec, on a les conseils régionaux des partenaires du marché du travail. Alors, ça, c'est les conseils régionaux, à ne pas confondre avec la Commission des partenaires du marché du travail, M. le Président. Si ce n'est pas ça, la définition même de bureaucratisation, je ne sais pas ce que c'est. Lorsqu'on n'a pas de vision, lorsqu'on n'est pas capable de dire à la population: Voilà, voici comment on va créer de l'emploi concrètement, bien, on change les fonctionnaires de place, on échange leurs chaises les unes avec les autres. C'est comme ça qu'on fait.

M. le Président, les taxes sur la masse salariale que le gouvernement du Parti québécois ne cesse d'imposer sont la réelle raison pour le manque d'emplois au Québec et pour un chômage toujours grandissant ici. Évidemment, il y a aussi leur menace de séparer le Québec du reste du pays qui, en soi, dans le monde dans lequel on vit aujourd'hui, est une autre source d'inquiétude, d'incertitude, et évidemment que ça contribue à faire perdre des emplois.

Le temps est révolu où une entreprise était vraiment fixée sur place, où il était extrêmement difficile de déménager, de bouger les capitaux. Dans le monde d'aujourd'hui, M. le Président – on parle toujours de mondialisation, de globalisation – effectivement, une entreprise a le choix d'investir à un endroit ou à un autre. Si ça va bien au Québec, dans le cours normal des choses, on s'attendrait à ce que l'entreprise, lorsqu'il y a un agrandissement, fasse son investissement ici, au Québec, et que les jobs qui vont avec soient pour les travailleuses et les travailleurs d'ici.

Mais qu'est-ce qu'on voit à la place, M. le Président? On voit un gouvernement qui chasse l'emploi du Québec, on voit un gouvernement qui, face à des investissements étrangers – on a eu un excellent exemple avec des investisseurs allemands qui étaient ici la semaine dernière – réussit, coup après coup, à envoyer un signal tellement négatif, tellement renfermé, tellement peu enclin à cette ouverture vers le reste du monde que les gens disent: Il est où exactement, l'«autobahn» 401? Comment on fait pour se rendre à Mississauga?

C'est ça, la réaction que le gouvernement du Parti québécois provoque, M. le Président, et c'est la raison principale pour laquelle on est face à cette législation aujourd'hui. Parce que, à défaut de pouvoir faire quelque chose de réel et de concret, bien, on propose des mesures qui sont tape-à-l'oeil, poudre aux yeux. On dit: Bien oui, on a trouvé enfin la solution, ce qui nous manquait, c'étaient d'autres bureaucrates. Ça doit être pour ça qu'il n'y a pas assez de travail au Québec, on n'a pas assez de fonctionnaires!

M. le Président, on l'a vu hier, lorsque le pauvre ministre de la Métropole a été appelé à tenter de défendre son idée de créer, avec son ministère de la Métropole, une nouvelle commission de la métropole de Montréal. Même problème. Ah oui! On constate qu'à Montréal il n'y a plus d'asphalte sur les rues, les touristes se demandent s'ils ne sont pas dans une zone de guerre, dans certains districts du centre-ville de Montréal, les gens ne viennent plus, les entreprises non plus, les gens déménagent vers l'extérieur. Une lumière de 15,5 W s'est allumée au-dessus de la tête du député de Laval-des-Rapides et il s'est dit: Je sais comment je vais convaincre la population que ce n'est pas de notre faute. Je vais leur dire que le problème, c'est qu'il nous manque une commission. On va créer une autre structure, une autre bureaucratie. Comme ça, la population va croire que ce n'est pas vrai que ça va mal au Québec; ça va en effet très bien. On va créer une autre structure bureaucratique!

C'est exactement la même chose aujourd'hui, puis cette législation, ce projet de loi n° 150 a «rendez-vous électoral» écrit en toutes lettres en première page. C'est la tentative de justifier l'inaction du gouvernement du Parti québécois en matière de création d'emplois. C'est ce qui va servir de prétexte lors de la prochaine élection, ils vont dire: Mais non, vous ne pouvez pas affirmer cela, vous ne pouvez pas nous dire qu'on n'a pas fait ce qu'il fallait. On a créé un nouveau ministère, après tout, puis on a des guichets uniques multiples. Fabuleux!

M. le Président, parler de solidarité, parler d'un ministère de l'Emploi, parler de commission des partenaires du marché du travail, tout cela est très beau, mais, à la fin de la journée, ce qui manque vraiment, c'est une vision de création d'emplois basée sur des incitatifs dans un marché libre de travail, dans le secteur privé, des incitatifs aux entreprises. Et la meilleure manière d'inciter les entreprises à créer de l'emploi, c'est d'enlever le gouvernement de leur dos; d'avoir moins de gouvernement, pas plus. Le gouvernement du Parti québécois est en train de faire exactement le contraire, il fait l'inverse de ce qu'il faut faire pour créer de l'emploi; il ajoute un nouveau ministère, de nouvelles structures, une nouvelle commission, des choses qui ne servent à rien dans le monde réel.

Et c'est désolant de les voir agir ainsi car ça va carrément à l'encontre d'un engagement maintenant bien connu de leur premier ministre à l'effet que les coupures que le gouvernement du Parti québécois était en train d'imposer dans les hôpitaux, dans les écoles, dans le domaine de la justice, ces coupures-là visaient les structures et pas les services à la population. Que voit-on, M. le Président? Nous voyons que la première chose qui est coupée, que ça soit dans les hôpitaux... Et on a eu l'exemple aujourd'hui avec les gens qui attendent pour être opérés du coeur. Ils attendent un mois, deux mois, trois mois pour avoir une opération qui auparavant, vu l'urgence de la situation, était disponible immédiatement. Ça, c'est le service direct à la population qui a été affecté. Il est inconcevable que le gouvernement du Parti québécois puisse continuer à prétendre qu'ils sont en train de faire autre chose que de couper le service direct à la population dans le domaine de la santé.

(17 h 30)

Dans le domaine des commissions scolaires, c'est exactement la même chose. 100 000 000 $ de nouvelles taxes pour l'exercice courant seulement. Dans le domaine de la justice, M. le Président, les procureurs de la couronne sont obligés de relâcher les accusés parce qu'il n'y a plus assez de procureurs de la couronne et ils ne peuvent plus être poursuivis à l'intérieur du délai imparti par la Charte canadienne, qui requiert un délai raisonnable. Alors, ici aujourd'hui, on a devant nous, avec le projet de loi n° 150, un aveu d'échec de la part du gouvernement du Parti québécois, un aveu d'incompétence et d'incapacité de prévoir des mesures réelles visant la création d'emplois. C'est une tentative de masquer les problèmes causés par leur option fondamentale qui vise la destruction du pays. Et, dans le monde d'aujourd'hui, où les marchés sont libres, où l'argent et le travail traversent les frontières aisément, ils doivent commencer à se rendre compte qu'ils font mal à l'emploi, mais ils ne peuvent pas l'admettre. Alors, la feuille de vigne que la ministre va porter, c'est son nouveau ministère et ses multiples commissions et organismes.

M. le Président, en terminant, les seules personnes qui vont profiter de ça, les seules personnes qui vont avoir du travail avec ça, ce sont les amis du régime qui vont avoir les jobs à 40 000 $ ou 50 000 $ ou 60 000 $ par année, assis dans des beaux bureaux où ils vont brasser du papier. Ça rappelle un peu ce qu'un de mes collègues a dit récemment: La seule chose qu'un député bloquiste a apportée dans son comté depuis les quatre dernières années, c'est son propre chèque de paie. La seule chose que la bureaucratie et une ministre bureaucrate sont en train de créer ici, c'est d'autre travail pour les bureaucrates. Merci.

Le Président: M. le député de Châteauguay.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Comme disait un de mes collègues un peu plus tôt, si j'ai tardé à indiquer mon intention de me lever, c'est bien sûr à cause de cette règle, que vous connaissez bien, de l'alternance. Mais cette règle, semble-t-il, est suspendue, devant le silence de nos collègues d'en face, et ça me fait plaisir d'intervenir à ce moment-ci sur le principe du projet de loi n° 150.

On prend toujours la peine, lorsqu'on fait ces présentations, de relire le titre du projet de loi. Vous me permettrez, M. le Président, de m'intéresser surtout aux notes explicatives. C'est souvent, les notes explicatives, le meilleur moyen d'identifier l'intention que vise le législateur par son projet de loi. Je ne vous lirai pas la page et demie ou la page et quart, mais certains extraits qui sont déjà, me semble-t-il, suffisamment concentrés dans un texte d'une page pour se rendre compte de quel est réellement le but que vise la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

D'abord, je lis ceci dans le premier paragraphe: «Ce projet de loi prévoit la création du ministère de l'Emploi». Bon. La première chose qu'on fait: on va créer un ministère. Un peu plus loin, on dit que «ce projet de loi a également pour objet d'instituer la Commission des partenaires du marché du travail». On a créé un ministère, maintenant on va instituer une commission des partenaires du marché du travail. Un peu plus loin: «Ce projet de loi crée, au sein du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, une unité autonome». Alors, maintenant on a un ministère, on a une commission, on a une unité autonome, et le projet de loi permet au gouvernement d'instituer un conseil régional des partenaires du marché du travail pour chaque région qu'il délimite. On voit bien que finalement ce n'est pas un projet de loi pour élaborer, présenter un plan qui va permettre d'avoir une meilleure formation pour favoriser l'emploi, favoriser la préparation à l'emploi; pas du tout. On n'est pas à ce stade-là présentement, on est au stade, comme disaient certains de mes collègues, de la structure.

C'est une suite incroyable d'acronymes, disait un de mes collègues, de nouveaux mécanismes, de nouvelles organisations, avec à l'intérieur, pour l'instant, à peu près rien. Quelqu'un a parlé des acronymes. Je regardais un peu rapidement ce que ça a l'air lorsqu'on implante ça au niveau régional, lorsqu'on regarde à quoi ça peut ressembler, cette bibite-là qu'on nous présente aujourd'hui: CPMT, CRPMT, CJE, CLD, CLE, MRC, et j'en passe, M. le Président. Moi, j'ai l'impression qu'à voir toute cette structure supposément...

Il ne faut pas l'oublier: tout ça, c'est dans la suite, vous savez, de ce débat sur le guichet unique. Il me semblait que tout le monde était d'accord avec ça. Moi, j'y avais cru, M. le Président. Nous, du côté du Parti libéral, on s'est battu pour ça, on a proposé ça, c'est nous qui avons lancé ça. Et il y avait des gens de l'autre côté qui disaient... – ah! ils faisaient leur rôle d'opposition à l'époque, il n'y a pas de problème – mais qui semblaient être d'accord avec ça puis qui continuent encore de nous dire... Puis j'entends quelqu'un qui, malheureusement, n'a pas sollicité le micro, mais, avec la règle de l'alternance, j'aurais pu l'entendre, qui me dit que ça en est, du guichet unique. Mais à regarder la suite, la panoplie de nouveaux organismes, si c'est un guichet unique, il faudrait au moins se rendre compte que c'est de nombreux guichets uniques. Et alors, les mots n'ont plus de sens, M. le Président. Si on a un guichet unique, est-ce qu'on peut avoir plusieurs guichets uniques? Alors, il n'est plus unique, ça va de soi.

Alors, je suis toujours étonné de m'apercevoir qu'on a créé toute cette structure, tous ces acronymes. Et ce qu'on pense qu'il va en découler, c'est bien un autre acronyme. C'est que les Québécois vont sûrement lancer un S.O.S. par rapport à la façon dont le gouvernement attaque ce qui devrait être une priorité, ce qui, dans les discours de ce gouvernement, est toujours comme: Nous, on a ça à coeur. Nous, on veut développer l'emploi. Et, lorsqu'on regarde les actions concrètes, c'est le vide, le néant. Une stratégie industrielle? Une politique d'investissement pour aller chercher les gens? C'est vide, c'est zéro, je ne retiens rien, M. le Président. Rien, rien, rien, vide, totalement vide! Totalement vide!

On va regarder ensuite vraiment comment ça peut fonctionner. Même si ça a l'air compliqué, toutes ces structures qui s'imbriquent les unes dans les autres, on va essayer de voir comment ça peut marcher. Je ne pourrai pas vous parler, à ce stade-ci, il va être impossible pour moi de vous parler de ce que ça va faire effectivement, de façon concrète, dans mon comté, par exemple, comment ça va fonctionner. Ni moi, ni la ministre, ni personne d'autre n'est capable de dire comment ça va fonctionner, quel programme va être mis de l'avant, comment ça va s'harmoniser avec le monde de l'éducation, avec, réellement, les partenaires économiques sur le terrain. Personne ne peut vous le dire, M. le Président, parce qu'il n'y a rien dedans. Il n'y a rien dedans.

Mais je voudrais revenir sur un point qui me semble être un élément important, puis ça, je pense qu'il faut le souligner, la ministre en a parlé, notre collègue de Saint-François en a parlé aussi, cette entente intervenue entre le fédéral et Québec au niveau de la formation de la main-d'oeuvre, qui permet de donner un coup de pouce à une meilleure formation, à une adaptation aux réalités du terrain pour la formation de la main-d'oeuvre. J'entendais la ministre – et je ne peux quand même pas m'empêcher de faire cette courte remarque – dire que c'était grâce au Bloc québécois – elle a dit ça, elle essayait d'être sérieuse, elle l'était peut-être, je l'ignore – que cette entente avait été signée. Alors, si je comprends bien sa logique, grâce au Bloc québécois, l'Alberta a pu bénéficier d'une telle entente avant le Québec! M. le Président, quand on regarde ça – il y en a qui appellent ça la «real politics» – qu'est-ce qu'on voit? On voit que le Bloc québécois, avec le Parti québécois, ont été ceux qui ont empêché qu'on en bénéficie avant.

Moi, je me souviens, M. le Président, l'offre sur laquelle nous avons finalement eu une entente, lorsqu'elle a été connue, c'était en juin 1996. Je pense même qu'on a fait une conférence de presse le 30 mai, un an, presque jour pour jour. J'étais avec notre ancien collègue de Bourassa et nous faisions une conférence de presse pour saluer l'offre qui était faite d'Ottawa et pour indiquer au gouvernement du Parti québécois de s'atteler à la tâche, d'appeler les partenaires d'Ottawa et de dire: Nous, on veut se mettre à la table et négocier avec vous. Au contraire, M. le Président, ça a pris un an pour se dire: Est-ce qu'on peut faire ça? Si on a une entente avec Ottawa, on va montrer que ça marche, le fédéralisme, puis on va perdre des points avec ça. Alors, vous comprenez, les gens du Bloc québécois, ça ne les tentait pas de montrer que le système fonctionne. Ça fait trois ans, trois ans et demi qu'à peu près tout ce qu'ils ont fait, ils se levaient, à Ottawa, puis là ils disaient: Ça ne marche pas, vous nous empêchez d'avoir des choses, on n'a pas notre argent, on n'a pas les structures, vous nous empêchez... Depuis trois ans et demi, tout ce que ça fait, ça se lève pour dénoncer, s'inventer des humiliations. Là, il y avait une offre; elle était bonne. Ils ne voulaient pas perdre un point. Tout à coup, M. le Président, on démontrerait aux Québécois que ça marche même si c'est un gouvernement du Parti québécois. Imaginez comment l'offre devait être bonne!

(17 h 40)

Alors, ils ont été pris puis, finalement, les partenaires sur le terrain leur ont fait de la pression. Parce que, en bout du compte, c'est toujours ça, c'est la population qui finit par gagner. Et elle a eu le meilleur sur le gouvernement, elle les a forcés à nous doter, au Québec, pour l'ensemble des Québécois, l'ensemble des partenaires, à nous doter de cette entente.

Ceux qui étaient les principaux intervenants qui faisaient pression sur le gouvernement pour que nous puissions en bénéficier, nous aussi, comme d'autres provinces l'ont eue avant nous, de l'offre qui était sur la table, c'étaient les gens de la SQDM. C'est quoi, la SQDM, et qui sont ces gens, M. le Président? La SQDM, c'est une idée que le gouvernement libéral avait eue, avait mise sur pied. La SQDM, c'était le guichet unique, l'endroit où on recevrait les fonctionnaires, les programmes qu'on pourrait harmoniser, qu'on pourrait mieux coordonner pour faire bénéficier l'ensemble des Québécois et des Québécoises. C'était là! Ça existait! Il ne fallait pas en inventer 22 de plus, il y en avait un qui était là, prévu pour ça. Extraordinaire! Il était prévu! Et ce qu'on voulait, c'était maximiser le rendement de la SQDM avec cette entente avec Ottawa. Alors, ce sont les partenaires de la SQDM qui travaillent avec le gouvernement – celui-ci comme celui qui l'a précédé – pour s'assurer qu'on ait ces moyens mis à notre disposition. Or, la ministre – et ça, personne ne peut le nier – a envoyé tous les signaux pour dire à la SQDM: Tasse-toi.

Le gouvernement du Parti québécois n'est pas capable d'accepter une véritable décentralisation, n'est pas capable d'accepter qu'on puisse mettre sur pied des organismes indépendants qui vont avoir une distance avec le gouvernement et qui vont être très près du milieu. C'était ça, la SQDM, M. le Président. Il y avait une distance. La SQDM, ce n'était pas une unité administrative du ministère, hein? Ce n'était absolument pas ça. Et la ministre a bien tenté de prendre le dessus, le contrôle. Moi, je vous soumets qu'elle y est arrivée en partie, et les partenaires, devant la volonté manifestée par la ministre, sont obligés de dire: Tant qu'à se rendre à ce niveau où on serait sous tutelle, aussi bien accepter celui-là.

Si on fait une analogie, c'est un peu comme les fonctionnaires qui avaient signé avec ce gouvernement une convention, une entente, un contrat de travail, puis on s'était entendu sur comment ça se passerait. Ils avaient signé avec ce gouvernement péquiste. Et puis là le gouvernement, il a dit: Bien, on va faire une loi spéciale puis on veut changer les règles du jeu; alors, vous avez le choix: soit que vous resignez puis qu'on change votre contrat, même s'il n'est pas arrivé à terme, ou bien qu'on vous passe sur le corps. Et là ils veulent nous dire, M. le Président, que les travailleurs de l'État, ceux qui sont avec nous pour servir les Québécois et les Québécoises, ils sont contents. Ils essaient de nous dire qu'ils sont contents. Même chose quand la ministre nous dit: Les partenaires sont contents. Ils veulent nous dire que les travailleurs sont contents.

Les travailleurs ne sont pas contents, personne ne peut être content. Aucun Québécois ne peut être content d'avoir un gouvernement qui renie sa signature. Quel signal on envoie à l'ensemble de la communauté québécoise lorsque l'institution suprême, le premier ministre du Québec, soit-il du Parti québécois, dit: Vous savez, la signature, ça ne vaut pas grand-chose?

Je vois le ministre de la Justice qui rentre, M. le Président. Ça me rappelle que les engagements électoraux du Parti québécois – quelqu'un m'a dit ça aujourd'hui – les engagements pour se faire élire, ce n'est pas comme des engagements électoraux. Des engagements pour se faire élire, une fois que t'es élu, il n'y a plus d'engagements. On comprend un peu. Le ministre de la Justice, même chose. Il y avait dans le programme électoral – le programme pour se faire élire – des éléments, au niveau de la justice administrative, où on protégeait les droits des Québécois. On arrive au pouvoir, on passe des lois, on fait le contraire, M. le Président. C'est exactement la même chose avec cette structure qu'on crée.

On nous disait: Oui, oui, le guichet unique, on est d'accord. Puis là on nous crée une panoplie de nouvelles structures sous prétexte, et ça, c'est l'autre élément, qu'il faut nous créer un organisme pivot. Moi, je veux bien. Moi, je veux bien qu'on ait un organisme – une organisation, qu'il faudrait plutôt dire ici, mais j'aurais préféré un organisme pivot – qui permet de faire les liens avec le monde de l'éducation, avec le domaine de l'économie, les gens en région, qui sont la réalité économique qui colle, qui permet d'adapter la formation, l'éducation avec le domaine du travail, les emplois qui sont disponibles.

Moi, j'aurais bien aimé. Mais, lorsqu'on regarde ce projet de loi, est-ce que ce pivot, il est harnaché, il est en contact avec ces milieux-là pour vrai, lorsqu'on regarde ce qui se passe dans le domaine de l'éducation, lorsqu'on regarde les territoires de référence, qui sont, pour l'instant, absolument pas définis à l'égard des cartes scolaires, parce que la ministre nous dit qu'on est en consultation? Et, ici, nous avons cette règle, M. le Président, où on est obligé de prendre la parole des parlementaires.

Alors, si je prends la parole de la ministre en cette Chambre, nous sommes en consultation, et ce n'est pas arrêté encore. Sauf qu'évidemment elle nous dit qu'il n'est absolument pas question de changer un des principes: c'est qu'il faut que la commission scolaire colle à la MRC même si ça n'a aucun rapport avec le territoire de référence, même si les réalités économiques, d'un coin de la MRC à une autre, sont tout à fait différentes, même si, en termes de lien de transport, c'est complètement différent. Le gouvernement du Parti québécois, lui, a décidé qu'il en établissait un, lui, un territoire de référence.

Ça se peut que des gens sur le terrain n'aiment pas ça puis que ça ne colle pas à la réalité. Ce n'est pas grave. Eux autres, ils le savent, M. le Président. C'est un peu comme la ministre, maintenant, de la Famille, je pense, ou à la veille d'être, la ministre de l'Éducation qui fait des projets de loi où elle dit aux familles québécoises: Faites des enfants, amenez-moi-les, moi, je vais les faire garder, moi, je vais les éduquer, puis ne vous occupez pas de ça. Il y a une espèce de dirigisme dans tous les secteurs d'intervention étatique que le gouvernement du Parti québécois a.

Et, moi, je suis obligé de dire aux députés du Parti québécois qui sont avec nous aujourd'hui, je suis obligé de leur dire: Ça ne marche pas. À force d'accumuler tous ces gestes où vous pensez savoir, où vous pensez que vous avez la bonne recette, vous vous mettez à dos tous ceux qui ont une autre idée, parce que ça existe, d'autres idées, ça existe, la liberté, ça existe, les choix. Et vous, à force, M. le Président, que le gouvernement du Parti québécois élimine les choix, il va s'apercevoir qu'il va y avoir un effet boomerang. Les gens vont leur dire que ces choix-là font partie de nos valeurs dans notre société, qu'il faut enrichir ces choix, qu'il faut permettre aux gens d'avoir différentes alternatives pour être, comme on dit, heureux. Cette zone de liberté me semble être atteinte par le gouvernement du Parti québécois, et ils en seront à leur tour atteints lorsque les Québécois auront à décider du sort de ce gouvernement.

Quant à moi, lorsque je regarde ce projet de loi, M. le Président, et bien qu'il y ait certains éléments qui soient valables dans le projet de loi... il y a certains éléments qui sont valables, mais comment on peut les interpréter? Parce qu'on discute du principe. Dans notre temps de parole à l'étape du principe, nous devons porter notre débat exclusivement sur l'opportunité du projet de loi, sur sa valeur intrinsèque. C'est ça qu'il faut qu'on discute à cette étape-ci.

Moi, je vous le dis bien franchement, sur l'opportunité, bon, si on m'en disait plus, si on me disait à quoi vont servir ces nombreuses structures, bien, peut-être que je pourrais dire: Oui, ça peut être opportun, mais, si je ne sais pas comment ces nouvelles structures vont se relier avec la réforme de la sécurité du revenu... Bien sûr, c'est une réforme qui n'est pas achevée. Le gouvernement va me dire: Je ne peux pas te dire comment ça va s'imbriquer l'une dans l'autre, on n'a pas fini. Bon, si le gouvernement me dit ça – puis il aurait raison de me le dire, ce n'est pas fini – comment je peux quand même comprendre ces nouvelles structures?

On me fait, de façon prématurée, une offre de structure dont je ne sais pas comment elle va se harnacher, s'attacher avec la réforme de la sécurité du revenu qui n'est pas complétée, dont on ne sait même pas si la ministre qui l'a présentée va la terminer, parce qu'on a plutôt l'impression qu'elle voudrait abandonner le bateau, M. le Président, à cet égard. On ne sait pas. Discuter de l'opportunité de ces structures quand cet élément manque: difficile.

D'en discuter à l'égard de l'autre domaine, l'emploi, l'éducation, comment ça se rattache à l'éducation... Lorsqu'il y a, et je le disais tantôt, des réformes à l'égard des commissions scolaires... Et ce n'est pas banal lorsque je dis ça, parce que, si on veut amener le domaine de l'éducation en relation encore plus directe avec l'économie régionale, locale, avec l'emploi qui existe dans le coin, bien, il faudrait s'assurer que les instances scolaires soient adaptées aux territoires, qu'on essaie de trouver le territoire le plus homogène. C'est ça qui est important.

(17 h 50)

M. le Président, juste pour donner un exemple qui me semble important. On parle de formation ici, on parle de préparation à l'emploi. La députée de La Prairie – je ne sais pas si je vais avoir le temps de finir mon histoire – était à Beauharnois il y a trois semaines à peu près pour faire une annonce au nom de la ministre de l'Éducation, pour présenter un budget pour la formation professionnelle en horticulture présentée par les commissions scolaires de Châteauguay et des Moissons, deux commissions scolaires différentes. Or, la députée de La Prairie vient de la commission scolaire du Goéland, où on connaît une réalité économique bien différente. Cette réalité, c'est la métallurgie, la mécanique. C'est bien différent de l'horticulture. Or, M. le Président, savez-vous que, dans la proposition de la ministre de l'Éducation, les deux commissions scolaires, qui en ce moment fonctionnent ensemble, qui ont présenté ce projet qui colle à la réalité, elles ne sont plus ensemble. La commission scolaire de Châteauguay doit partir avec les Goéland. On ne colle pas à la réalité et on est dans les structures, mais des structures qui sont mésadaptées, qui ne peuvent pas fonctionner.

Alors, moi, je veux bien qu'on crée un pivot, mais le pivot, il faut qu'il touche aux autres, il faut que les roues de l'engrenage, avec les autres roues – vous savez, c'est comme une horloge, il y a des roues d'engrenage qui s'imbriquent les unes dans les autres – eh bien, il faut qu'on soit capable de les définir pour qu'elles fonctionnent les unes avec les autres. Ce n'est absolument pas ça dans ce projet, à première vue, lorsqu'on regarde. Il est possible qu'on nous donne des explications, qu'on aille un peu plus loin dans la démonstration. Je le souhaite. Je le souhaite, M. le Président, parce que, moi, j'aimerais pouvoir accompagner le gouvernement dans une démarche où on va se donner non pas une multitude de structures, mais un pivot, des moyens adaptés où on va mettre en relation l'éducation, la réalité économique et qu'on va arrêter de se perdre dans des labyrinthes de plus en plus incroyables.

Comme je le disais tantôt, M. le Président, juste à nommer, juste à sortir les acronymes – et je termine là-dessus parce que je sais que vous m'avez indiqué que mon temps de parole était presque à sa limite – on a juste à se souvenir qu'on parle de CLD, de CLE, de CRD, de CPMT, de CRPMT, de CJE. Êtes-vous sérieux? Est-ce que le gouvernement est sérieux? Est-ce qu'il pense qu'il simplifie la vie des gens, de nos concitoyens, des gens que je représente, moi, dans le comté de Châteauguay? Est-ce qu'il pense vraiment que ça va simplifier? Moi, ma première réaction, c'est de vous dire: L'idée est bonne d'aider, mais de l'aide comme ça qui complique la vie au monde, ce n'est pas de l'aide; à moins que le gouvernement nous donne des explications, et puis je suis persuadé qu'il peut le faire. Mais j'aimerais qu'il en profite, par exemple, pour nous dire – et je termine – comment va finir la réforme de la sécurité du revenu, où on s'en va dans le domaine municipal, ce qui va se passer dans les régions et ce qui se passe avec les cartes scolaires, comment tout ça vient ensemble, quelle est l'image dans laquelle chacune de ces pièces du casse-tête doit aller s'imbriquer. Tant qu'on n'a pas ça, ce sera difficile de donner un jugement de valeur sur l'opportunité du projet de loi n° 150. Merci beaucoup.

Le Président: M. le député de Richmond, je vous signale à ce moment-ci que vous avez cinq minutes avant l'ajournement de nos travaux...

M. Vallières: Oui. Volontiers, M. le Président.

Le Président: ...la suspension.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Oui. Alors, M. le Président, je dois vous indiquer que j'ai trouvé fort convaincant mon collègue de Châteauguay, et à maintes reprises il a eu l'occasion...

Mme Charest: ...

M. Vallières: M. le Président, est-ce que Mme la députée de Rimouski est prête à prendre la parole?

Le Président: Je ne crois pas, M. le...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Vallières: Alors, je veux, moi aussi, m'inscrire à l'intérieur de ce débat que nous amorçons sur l'adoption du principe du projet de loi n° 150, Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail, en raison de ses incidences sur le développement régional plus particulièrement, dossier, comme vous le savez, dont j'ai la responsabilité à titre de porte-parole de l'opposition officielle. À première vue, M. le Président, ce projet de loi se nourrit de nobles ambitions. Il fait d'ailleurs la fierté de sa marraine, la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité, qui en parle et qui l'exhibe tel un véritable trophée de chasse.

Un des éléments de ce projet de loi qui m'intéresse plus particulièrement, davantage, fera en sorte que dorénavant il y aura une seule porte d'entrée pour les chômeurs et les personnes assistées sociales: les centres locaux d'emploi. Mais ce que Mme la ministre a oublié de nous dire, c'est que cette porte d'entrée est une porte tournante à plusieurs sections: un nouveau ministère de l'Emploi et de la Solidarité, une nouvelle structure nationale qu'on appelle la Commission des partenaires du marché du travail, une unité autonome attachée au ministère de l'Emploi qu'on appelle Emploi-Québec, une nouvelle structure régionale qu'on appelle les conseils régionaux des partenaires du marché du travail, qui pourra mettre en place d'autres structures qu'on appelle les comités consultatifs, les centres locaux d'emploi, les CLE, et j'en passe. Force nous est donc de constater, et je le fais avec beaucoup de désarroi, que le gouvernement, pour la troisième année de son mandat, après avoir référendé durant la première année, après avoir sommeté dans la deuxième année, voilà qu'il fait maintenant de la structurite.

Des voix: ...

M. Vallières: M. le Président, est-ce que le ministre du Revenu est prêt à prendre la parole aussi? Non? Bien. Alors, M. le Président, dans leur cas...

Des voix: ...

M. Vallières: M. le Président, il m'apparaît important pour mes collègues de l'opposition d'entendre et d'écouter ce qu'on a à dire. Peut-être que ça pourrait les aider dans la suite de ce débat important, compte tenu de toute l'attention qui est mise par le gouvernement pour l'adoption de ce projet de loi avant la fin de nos travaux.

Alors, M. le Président, la propension qu'a ce gouvernement pour son projet d'indépendance se confirme une fois de plus, à l'intérieur du projet de loi que nous avons devant nous. Pourtant, il s'est fait élire sur la promesse d'être un bon gouvernement. «Une autre façon de gouverner», nous disait-on alors. On voit ce que ça donne, cette autre façon de gouverner: des structures, un échafaudage de structures qui m'apparaît bien fragile, étant donné que la piste d'atterrissage n'est pas encore prête, ce dont je vous entretiendrai un peu plus loin et un peu plus longuement.

Toute cette mise en scène a comme canevas la réforme de la sécurité du revenu proposée dans le livre vert de la ministre et décriée unanimement, décriée par tous. Même le Protecteur du citoyen a déclaré que la réforme de la ministre ne réglerait rien à la pauvreté au Québec. «Et, pire encore, prévient-il, elle pourrait aggraver ce problème.»

Mais tel n'est pas l'objet de mon propos, car j'aimerais m'attarder davantage sur cette maladie qui semble avoir frappé de plein fouet notre gouvernement cette année et qui s'appelle la structurite aiguë. Je parlais précédemment d'un guiche unique pour les personnes, les centres locaux d'emploi. Ces centres locaux d'emploi auront comme pierre d'assise le réseau existant des 129 centres Travail-Québec, les CTQ, qui sont présents sur le territoire québécois et qui correspondent, dans les faits, en grande partie aux territoires des municipalités régionales de comté et des arrondissements urbains.

La responsabilité d'application de la politique active du marché du travail relève du module Emploi-Québec, du centre local d'emploi – les CLE. Dans le communiqué de présentation de la ministre, daté du 15 mai 1997, il est dit qu'Emploi-Québec collaborera étroitement avec le conseil d'administration du centre local de développement, les CLD. Pour être efficace, précise-t-on, les actions des CLD, gérés par des représentants du milieu, et des CLE, centres locaux d'emploi, gérés par une instance gouvernementale, doivent pouvoir s'arrimer. Et c'est là toute la beauté de la chose, car, pour pouvoir s'arrimer, il faut encore que ces organismes existent. Et, pour ce qui est des centres locaux d'emploi, ils font encore partie du monde merveilleux du ministre d'État responsable du développement régional. Les CLD, M. le Président, n'existent que de manière hypothétique. Ils ne sont pas campés dans une loi, même pas dans un projet de loi; ils sont simplement campés dans un livre blanc sur lequel des consultations n'ont pas encore débuté. On nage donc dans les possibilités.

Mais j'entends déjà les protestations du ministre des Affaires municipales qui me dira: Mais ils existent, ces CLD, puisque, dans mon projet de loi, la Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, je fais obligation aux municipalités régionales de comté de soutenir financièrement un centre local de développement. Voilà bien la preuve que les CLD existent, nous dira-t-il. M. le Président, vous m'indiquez que mon temps est terminé. Je pourrai continuer après la suspension de nos travaux, à 20 heures.

Le Président: Très bien, M. le député de Richmond. À ce moment-ci, compte tenu qu'il est 18 heures, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 5)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Alors, nous sommes toujours aux affaires du jour. Alors, nous continuons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 150, Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail. Lors de la suspension de nos travaux, M. le député de Richmond avait la parole. Vous avez écoulé sept minutes de votre temps de parole qui ne doit pas excéder 20 minutes. Alors, M. le député.

M. Vallières: Je vous remercie, M. le Président. Vous me permettrez peut-être, en ce deuxième début d'intervention, de resituer le débat là où je l'avais laissé; je parlais, à ce moment-là, de l'arrimage nécessaire entre les CLE et les CLD, soit les centres locaux d'emploi et les centres locaux de développement. M. le Président, je veux rappeler que les CLE, on les retrouve dans le projet de loi que nous avons devant nous, le projet de loi n° 150, mais que les CLD, quant à eux, n'existent que d'une façon hypothétique, existent pour l'instant dans un livre blanc qui n'a pas encore été l'objet de consultations; donc n'existent ni dans une loi, ni même dans un projet de loi.

Et je vous disais, à ce moment-là, en quittant, que le ministre des Affaires municipales, quant à lui, allait probablement nous indiquer qu'effectivement les CLD existaient. Ils existent, nous dirait-il, ces CLD, parce qu'à l'intérieur d'un projet de loi que nous avons présentement devant la Chambre, qui vient modifier certaines dispositions législatives concernant le domaine municipal, il est bien clair là-dedans que le ministre des Affaires municipales vient nous indiquer comment le milieu devra contribuer financièrement à la mise en place de ces structures. C'est donc dire qu'en autant que la facture est concernée on est certains que ça va s'appliquer. Alors, on ne prend pas de chance du côté du gouvernement, et le ministre des Affaires municipales a vraiment pris de l'avance à ce niveau-là. On s'assure que, quand ça sera mis en place, il y aura quelqu'un pour recevoir à nouveau une facture du gouvernement du Québec à l'endroit du financement de ces centres locaux de développement.

De toute façon, il faut croire que le ministre des Affaires municipales est comme plus rapide sur ses patins que le ministre responsable du Développement des régions, qui, lui, est encore à l'étape de son livre blanc avec des CLD qui sont hypothétiques, et il lui aura fallu, en plus, quelque deux ans et demi pour accoucher de ce qui, nous espérons, ne se limitera pas à être un éléphant blanc, mais sera vraiment quelque chose qui va nous conduire vers l'adoption de mesures concrètes pour l'avancement et le développement des régions.

M. le Président, vous me permettrez également de vous indiquer ce qu'on retrouve en page 17 de ce document, présenté par le ministre responsable du Développement des régions, concernant les centres locaux de développement, où on peut lire qu'«afin d'assurer l'efficacité et la cohérence dans le soutien à l'entrepreneuriat le gouvernement accrédite et contribue au financement d'un seul organisme local de soutien aux entreprises, par territoire de MRC ou de regroupement de MRC, et de son équivalent là où il n'y a pas de territoire de MRC».

Vous remarquerez que, malgré la bonne volonté du ministre, le centre local de développement existe dans un livre blanc qui doit faire l'objet d'un éventuel projet de loi de la part du ministre responsable du Développement des régions et qu'il y a encore loin, très loin, de la coupe aux lèvres. Et toute cette réorganisation des programmes de main-d'oeuvre, d'intégration des ressources sur le territoire québécois et les services accessibles pour les assistés sociaux, chômeurs, travailleurs ou étudiants a été intimement liée à la réforme du ministre responsable du développement régional, qui devrait fournir tous les instruments nécessaires pour mener à bien le projet ambitieux de la ministre, disait un porte-parole de la ministre.

(20 h 10)

Un peu plus avant dans mon intervention, je vous faisais part de mon appréhension face à cet échafaudage de structures fragile, puisqu'il repose sur un territoire appelé à se modifier dans le temps, celui des municipalités régionales de comté. Donc, des 96 MRC existantes, plus d'une quarantaine devront se regrouper car elles ne posséderaient pas une population suffisante pour offrir le service, selon ce qu'on retrouve dans le livre blanc, M. le Président, publié récemment. Ces regroupements vont certainement donner lieu à des négociations dans quelques cas et ils retarderont, dans d'autres, l'apparition, voire la mise en place des CLD sur une base permanente. Comme on peut retrouver plusieurs centres locaux d'emploi sur un même territoire, en autant que les territoires desservis par le CLE correspondent en totalité aux territoires desservis par le centre local de développement, cela pourrait occasionner des délais importants.

Alors, comme vous le constatez, mon intervention, jusqu'à ce moment-ci, s'est limitée ou s'est résumée à vous parler de structures, et, encore là, je ne me suis attardé qu'à un élément du projet de loi du ministre, les centres locaux d'emploi. Et je pourrais, M. le Président, longuement vous faire part de l'enchevêtrement de structures qui est proposé dans le livre blanc du ministre responsable du Développement des régions, évidemment qui a un lien direct avec les centres locaux d'emploi qui, à leur tour, ont des liens directs puis indirects avec toute une série d'autres organismes. Alors, c'est d'une complexité inouïe.

Alors, M. le Président, quand on nous dit que, dans ce projet de loi, la ministre veut faire le ménage dans les services offerts, la ministre, je pense, erre quand elle nous dit ça. Je dois vous avouer que, dans mon milieu, on n'appelle pas ça faire du ménage; on appelle plutôt ça déplacer de la poussière pour en faire plus qu'il y en avait auparavant. Alors, ça m'inquiète et ça me préoccupe, au même titre que le milieu dans lequel j'oeuvre comme député en cette Assemblée. C'est que, pendant que ce gouvernement s'amuse à restructurer, à travailler à l'intérieur des structures, il ne se passe rien au niveau de la création d'emplois, il ne se fait rien pour lutter contre la pauvreté. En fait, le gouvernement laisse les régions aux prises avec des problèmes criants de chômage, d'exode de leur population et de faiblesse des investissements.

M. le Président, au contraire, les chômeurs, les assistés sociaux, les personnes à la recherche d'un emploi et les entreprises risquent de se perdre dans ce nouveau dédale administratif de nouvelles structures, et ça, an nom des gens que je représente, je ne peux l'accepter. La population de chez nous lance un véritable S.O.S. au gouvernement qui devait nous amener quelque chose de simple, de facile à comprendre, de facile à se retrouver, mais qui nous propose des organigrammes que seul le gouvernement comprend, quand il les comprend. Parce que, quand on commence à fouiller, souvent on s'aperçoit que lui-même ne les comprend pas.

C'est, M. le Président, pour employer une expression populaire chez nous, un vrai «free-for-all» qu'on nous offre présentement: intervention dans les municipalités, intervention dans le développement régional, intervention dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre, intervention... Ça bouge de partout sans qu'on ait de direction, sans qu'on ait de cible précise à indiquer à la population. Je pense qu'il est de notre devoir, de ce côté-ci de la Chambre, d'attirer l'attention sur le fait que ça crée beaucoup de confusion dans nos milieux, que ça crée de l'inquiétude et que, de plus en plus, les gens se rendent compte que ce qui est proposé, dans le fond, c'est un rebrassage de structures et, voire même, la création de nouvelles structures.

M. le Président, juste avant de terminer, je veux vous indiquer qu'on assiste, là-dedans, à des affaires qui sont d'une incohérence totale. J'expliquais cette semaine, par exemple, au niveau scolaire, avec les nouveaux territoires qui doivent épouser nécessairement les territoires des municipalités régionales de comté, des situations aussi aberrantes que de voir des enfants qui actuellement font 20 minutes pour aller à leur école et qui devront dorénavant faire quatre heures d'autobus puis trois heures à l'école, plus de temps dans l'autobus que de temps à l'école. C'est vous dire l'incohérence qu'on retrouve et l'illogisme, pour ne pas dire. C'est incroyable, c'est inqualifiable. Et, dans nos milieux, je vous le dis, les gens ne s'y retrouvent plus.

Par voie de conséquence, M. le Président, malgré que certaines réformes aient été présentées bien en retard, depuis deux ans et demi que ce gouvernement travaille à d'autres choses, à référender puis à sommeter, voilà que maintenant on voudrait rapidement, en fin de session, nous amener des projets de loi aussi déterminants pour notre avenir collectif. Alors, je pense qu'on va demander au gouvernement de faire du ménage dans sa propre cour avant d'amener l'ensemble des parlementaires à prendre position sur pareils projets de loi.


Motion de report

C'est pourquoi, à ce moment-ci, avant que nous allions plus loin, j'aimerais faire motion en cette Chambre pour que la motion en discussion soit amendée en remplaçant les mots «soit maintenant adopté» par «soit adopté dans trois mois», ce qui nous permettrait évidemment de nous assurer de la cohérence vis-à-vis de toutes ces mesures, de toutes ces réformes qu'on voit, qui nous arrivent et dont seul le gouvernement semble connaître la cible ou la route qui est à suivre et surtout l'endroit que le gouvernement veut atteindre. M. le Président, je voudrais déposer cette motion écrite.

Le Vice-Président (M. Pinard): La motion est déposée.

M. Vallières: Ceci, M. le Président, terminera mon intervention.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Alors, à ce stade-ci, nous allons suspendre nos délibérations. Et, comme ce sera un débat restreint, j'inviterais les deux leaders à venir me rencontrer à la salle des drapeaux afin qu'on règle le partage du temps.

(Suspension de la séance à 20 h 16)

(Reprise à 20 h 23)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, concernant la motion de report déposée par le député de Richmond, nous avons convenu – tout d'abord, c'est un débat restreint de deux heures – d'accorder un temps global de 10 minutes aux députés indépendants. La balance du temps sera répartie équitablement entre le gouvernement et l'opposition officielle. Le temps non utilisé sera également réparti équitablement entre les deux formations. Quant aux interventions, celles-ci n'auront aucune limite de temps.

Je suis maintenant prêt à reconnaître la députée de Saint-François. Mme la députée.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Dans un souci d'efficacité, nous demandons à la ministre de surseoir à l'adoption de son projet de loi, c'est-à-dire de suspendre l'adoption de son projet de loi qui crée le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et qui institue la Commission des partenaires du marché du travail.

Pourquoi, M. le Président, à ce moment-ci, demandons-nous à la ministre de surseoir à l'adoption de son projet de loi? Eh bien, tout simplement parce que nous ne pouvons, à ce moment-ci, nous prononcer de façon éclairée sur ledit projet de loi étant donné que nous n'avons pas tous les morceaux du casse-tête. Plusieurs morceaux se retrouvent dans d'autres politiques gouvernementales qui n'ont pas reçu l'aval du gouvernement, qui n'ont pas encore été adoptées. Et c'est pourquoi, M. le Président, il est très difficile pour l'opposition officielle de se prononcer correctement sur un projet de loi pour lequel on a de la difficulté à en connaître tous les tenants et aboutissants. Je pense, entre autres, à toutes les structures.

Je le mentionnais cet après-midi, M. le Président, nous sommes tout à fait d'accord avec la ministre quand il s'agit de regrouper les programmes, décloisonner, s'assurer qu'on puisse avoir un guichet unique alors qu'actuellement on pense que...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, Mme la députée. Est-ce qu'il vous serait possible simplement de diminuer quelque peu votre intonation de sorte que la présidence n'aura aucun problème à suivre l'allocution de Mme la députée de Saint-François? S'il vous plaît, Mme la députée.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Alors, je disais qu'il était important d'avoir un guichet qui permettrait à la clientèle qui sera desservie de pouvoir obtenir les services de façon rapide et des programmes qui puissent répondre aux besoins du milieu, aux besoins des entreprises, et que les personnes concernées puissent être formées en fonction justement de ces besoins.

M. le Président, actuellement, le gouvernement travaille à peu près sur tous les fronts. Pensons, entre autres, au livre blanc sur la politique de développement régional. Le ministre du développement régional a déposé tout récemment un document sur la politique de soutien au développement local et régional. M. le Président, c'est dans ce document qu'on se rend compte qu'on crée différents centres locaux de développement qui ont un rapport très précis au projet de loi que nous soumet la ministre. M. le Président, la discussion vient d'être amorcée, la discussion n'a pas eu lieu encore sur cette politique de développement régional. On sait qu'on crée actuellement des structures à l'intérieur de ce document et on ne sait pas comment le tout va s'imbriquer, comment le tout va s'harmoniser avec les structures régionales déjà existantes, celles qui vont disparaître et aussi avec toutes les autres politiques gouvernementales.

Donc, M. le Président, je pense qu'il est important qu'on laisse le débat avoir lieu sur la politique de développement régional, qu'on puisse permettre aux intervenants du milieu de se prononcer, parce qu'il y a également des coûts qu'on retrouve dans cette politique de développement régional, entre autres en ce qui concerne la création des centres locaux de développement. Le ministre avise, entre autres, les municipalités qu'elles devront souscrire au paiement des coûts de ces centres à même les municipalités régionales de comté. C'est tout près de 55 000 000 $ qui devront être supportés à raison de 70 %, qu'on me dit, pour les municipalités.

M. le Président, je pense qu'il est important de surseoir afin que l'on puisse connaître ou bien étudier, ou accepter cette politique de développement régional. Aucun projet de loi n'a encore été déposé quant à cette politique de développement régional. On sait que la date butoir était le 15 mai dernier pour que l'opposition n'ait pas à donner son consentement pour tout projet de loi. On se rend bien compte, M. le Président, que, de toute manière, même s'il y avait un projet de loi qui était déposé, je doute qu'il puisse être adopté cet été et que, naturellement, le ministre, j'en suis persuadée, prévoit son adoption davantage pour l'automne, compte tenu des consultations qui s'amorcent seulement.

Alors, on a, d'une part, cette politique de développement régional qu'on ne connaît pas encore tout à fait. Il y a des structures à l'intérieur de cette politique et on ne sait pas exactement ce qui arrivera avec l'ensemble de ces structures. D'un autre côté, on a le ministre des Affaires municipales qui veut réduire le nombre de municipalités au Québec, qui, on m'a dit, veut même réduire ou pense réduire les municipalités régionales de comté, alors que, dans la politique de développement régional, on prévoit 96 centres régionaux de développement qui correspondent au nombre de municipalités régionales de comté. Alors donc, le ministre, actuellement, est en pourparlers avec toutes les municipalités pour savoir s'il y a lieu, d'une part, de réduire leur nombre et quelles sont les municipalités qui seraient prêtes à se fusionner avec d'autres municipalités, comment on pourrait réduire le nombre des municipalités et s'il y a lieu de réduire les municipalités régionales de comté. Ce débat-là n'est pas terminé, loin de là.

(20 h 30)

Actuellement, les gens du milieu municipal boudent, je dirais, les ateliers ou les chantiers du ministre des Affaires municipales parce qu'ils n'aiment pas, bien sûr, la façon dont ils sont traités. Et il faut dire aussi que, si on en est rendu à se questionner, c'est parce que le ministre des Affaires municipales a décidé de pelleter dans la cour des municipalités une somme assez considérable, c'est-à-dire 500 000 000 $ à compter du 1er janvier 1998, et ça, bien sûr, c'est sans compter tout près de 1 000 000 000 et quelques millions de dollars, depuis l'année dernière, qui ont été transférés aux municipalités. Alors donc, les municipalités, actuellement, sont bien plus préoccupées de savoir comment on va pouvoir absorber ce 500 000 000 $ sans augmentation de taxes, puisque le ministre a averti les municipalités qu'il n'accepterait pas d'augmentation de taxes et que les municipalités devraient plutôt réduire leur masse salariale.

Mais, comme je le mentionnais cet après-midi, pour des petites municipalités comme j'ai dans mon comté, à 2 000 et 3 000 de population, qui ont un secrétaire ou une secrétaire parfois à temps partiel, ce n'est pas avec un 6 % de réduction de la masse salariale qu'on va pouvoir absorber les coûts qui leur sont transférés par le gouvernement. Au contraire, il va s'agir d'une augmentation de taxes, purement et simplement. On s'imagine que ce sera de l'ordre de 150 $ à 180 $ par famille, c'est-à-dire par maison, par résidence, d'augmentation de taxes, à compter du 1er janvier 1998, et ça, c'est à part, bien sûr, de toutes les autres taxes indirectes ou des tarifications de toutes sortes qu'ont à assumer les citoyens du Québec.

Alors, M. le Président, sur toute cette politique des Affaires municipales, le débat n'a pas encore eu lieu. Alors donc, je me dis: Pourquoi ne pas attendre? Parce que tout est interrelié. Lorsqu'on parle de MRC, on parle de centres régionaux de développement, tout est interrelié. Alors, on n'a pas encore le portrait global de ce qui va se produire au niveau municipal. Ça, c'est la deuxième chose.

La troisième chose, M. le Président, il y a également la ministre de l'Éducation qui, actuellement, est en pourparlers, qui est en train de faire une vaste consultation pour réduire le nombre des commissions scolaires, pour fusionner des commissions scolaires dans l'ensemble des régions du Québec, pour réviser la carte des territoires des commissions scolaires également, ce qui ne fait pas l'affaire, bien sûr, de tout le monde, parce que actuellement il y a énormément d'inquiétude sur le territoire parce que vous avez des parents qui envoient leurs enfants déjà dans un certain territoire, mais, compte tenu de l'appartenance de la MRC, ces enfants pourraient se voir obligés d'aller à l'école dans une autre MRC, là où il n'y a aucun sentiment d'appartenance. Alors, vous comprenez, M. le Président, qu'actuellement tous les parents sont très inquiets, se posent de sérieuses questions quant à la répartition ou à la reconnaissance des nouvelles cartes concernant les territoires des commissions scolaires.

Il y a bien plus que ça, M. le Président; il y a aussi tout le chambardement des services de garde. Il me semble qu'on avait une certaine paix au niveau des services de garde, il me semble que ça n'allait pas si mal. On avait quand même élaboré une politique en 1989, et je sais de quoi je parle puisque j'en étais la titulaire à l'époque. Il me semble qu'on avait réussi à faire quelque chose et qu'il n'était pas nécessaire de tout chambarder le système. On aurait pu tout simplement le bonifier, mais on a tout chambardé le système. Alors là, on oblige les enfants, à l'âge de cinq ans, à la maternelle temps plein, on dit aux parents, qui ont le goût d'envoyer leurs enfants ou non: Écoutez, on va vous payer 5 $ par place de garde quotidiennement, et puis finalement on oublie, bien sûr, tous les autres parents qui voudraient garder leurs enfants, on met en péril les services de garde à but lucratif, et j'en passe. Tout ça pour vous dire que, au niveau de la politique familiale, on est loin encore d'un discours clair.

En plus de toute cette politique familiale, la ministre doit également travailler, à mon avis, avec sa collègue de l'Emploi pour harmoniser la formation professionnelle et technique de sorte qu'il n'y ait pas de chevauchement; bien, je ne devrais pas dire «chevauchement», mais davantage pour qu'il y ait une harmonisation, étant donné qu'on sait très bien les luttes qu'ont toujours menées les deux secteurs, les deux ministères à un moment donné quant à la formation professionnelle et technique.

M. le Président, pour être dans le milieu et travailler avec les entreprises, on sait jusqu'à quel point c'est important, on sait jusqu'à quel point nos étudiants et nos étudiantes doivent être bien formés pour répondre aux besoins des entreprises. Comme je le mentionnais, vous savez, il y a plusieurs emplois qui ne trouvent pas preneur, mais non pas parce que les emplois ne sont pas là, mais, plus souvent qu'autrement, c'est tout simplement parce que ces étudiants et ces étudiantes n'ont pas la formation requise pour l'emploi recherché. Alors donc, je pense que c'est important, ça aussi, de savoir exactement ce qui arrive entre les deux ministères au niveau de la formation.

Il y a encore un autre gros morceau au niveau du gouvernement, un autre gros morceau dont on ne sait pas exactement, on ne connaît pas encore tout à fait les conclusions, et c'est justement la politique de la sécurité du revenu de la ministre. Vous vous souviendrez que la ministre a fait connaître sa politique. Il y a eu de sévères critiques. Elle a décidé de faire une consultation pour écouter les gens, pour essayer d'améliorer cette politique. La consultation a eu lieu, et maintenant on attend les recommandations. Mais, encore là, M. le Président, quand on parle des centres locaux d'emploi, tout est relié avec cette politique, ça fait partie aussi de cette politique, mais on ne connaît pas encore les recommandations. Alors donc, on pense qu'il est prématuré parce que le gouvernement a ouvert plusieurs chantiers mais n'a pas encore fermé ses chantiers, et tout est interrelié, tout est imbriqué, comme je le mentionnais.

Et finalement on arrive aujourd'hui avec un nouveau projet dans le but de créer un nouveau ministère, et, moi, il m'apparaît qu'il n'y a pas urgence à créer un nouveau ministère à ce moment-ci. Je ne dis pas qu'un jour ça ne sera peut-être pas pertinent de le faire, mais, à ce moment-ci, je pense qu'il n'est pas nécessaire de créer un nouveau ministère, parce que je pense que la ministre a actuellement les pouvoirs nécessaires pour donner suite, entre autres, à l'entente qu'elle a signée avec le gouvernement fédéral et qu'elle peut aussi attendre de voir comment ses collègues vont se comporter face à toutes les structures régionales et locales avant de créer un nouveau ministère. Parce que, M. le Président, je le mentionnais cet après-midi, lorsqu'on parle des gros morceaux qu'on ne connaît pas, c'est un peu la même chose au niveau du ministère quant aux nombreuses structures.

Vous savez, M. le Président, on crée le ministère, on crée une unité autonome de services qu'on appelle Emploi-Québec et, finalement, à l'intérieur du ministère, on crée aussi une Commission des partenaires du marché du travail. La Commission des partenaires du marché du travail sera composée exactement des mêmes membres qu'on retrouve au niveau du conseil d'administration de la SQDM, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, exactement les mêmes personnes. Ces personnes ont accepté de faire partie de cette Commission parce qu'elles ont eu l'assurance qu'elles auraient un rôle décisionnel à jouer. Dans ce sens-là, elles pouvaient quand même s'accommoder de la création de cette Commission. Mais, encore là, il n'y a pas urgence, à mon avis, à créer cette Commission des partenaires du marché du travail, étant donné que ces mêmes partenaires siègent déjà au niveau de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

La ministre prévoit aussi, à l'intérieur de son projet de loi, la création du Fonds de développement du marché du travail. Je comprends que ce Fonds est important, parce que c'est à même ce Fonds qu'on gère le surplus du 1 % de la formation professionnelle perçu par les entreprises qui ont décidé de ne pas investir dans de la formation professionnelle, mais je ne vois pas pourquoi il y aurait urgence entre maintenant et possiblement l'automne pour que la ministre puisse en connaître davantage et que, nous, on puisse en connaître davantage sur les politiques de ses différents collègues, parce que ce Fonds de développement, quand même, était prévu avec la politique de la formation professionnelle.

(20 h 40)

Ça fait maintenant un an que cette politique est en vigueur, on n'en est pas mort, personne, on a continué à fonctionner, la ministre a quand même fonctionné, ça n'a pas empêché de fonctionner. Donc, ce n'est pas trois ou quatre mois de plus ou de moins qui pourraient empêcher la ministre d'avoir quand même un fonds ou de préparer un fonds, puisque ça fait déjà un an que la politique est en vigueur et que, à mon avis, il n'y a pas nécessairement urgence entre le temps qu'elle pourrait prendre maintenant et le temps que ses collègues nous fassent connaître l'ensemble des politiques gouvernementales.

D'autant plus, M. le Président, que ce Fonds, comme je le mentionnais ce matin, il est institué par la ministre, les modalités et la gestion sont déterminées par le Conseil du trésor, la gestion des sommes sera confiée au ministre des Finances, mais la comptabilité du Fonds et l'enregistrement des engagements financiers seront sous la responsabilité de la ministre de l'Emploi. Alors, trois ministres ont affaire à ce Fonds de développement du marché.

M. le Président, je vous mentionnais que, pour être capable de me retrouver moi-même dans les structures annoncées dans le projet de loi de la ministre, j'ai dû me faire un tableau, j'ai dû me faire une espèce d'organigramme pour voir où on s'en allait exactement. Parce que, comme je vous le mentionnais, dans un premier temps, nous avons la création du ministère, nous avons la création de cette unité autonome qu'on appelle Emploi-Québec, nous créons la Commission des partenaires du marché du travail, qui auront à réviser les plans soumis par les régions, et ainsi de suite, et aussi les ressources et la création du Fonds. Ça, c'est au niveau du ministère.

Au niveau régional, maintenant. Au niveau régional, il y aura la création de 16 directions du ministère de l'Emploi avec, j'imagine, deux volets, parce qu'il y a aussi la sécurité du revenu. On doit également administrer et gérer la sécurité du revenu. On crée en plus 16 conseils régionaux de partenaires du marché du travail. Une réplique, c'est une réplique de la création des partenaires du marché du travail au niveau du ministère, alors avec des partenaires, avec des représentants régionaux qui vont siéger. Déjà, on a de la difficulté à trouver des représentants pour siéger sur les différentes structures régionales, là, on en crée encore. Ça, c'est au niveau régional.

Au niveau local – on descend encore un peu plus – là on devra créer un minimum de 130 centres locaux d'emploi. Ça, ça ne fait pas partie du projet de loi, comme je dis, ça fait partie d'autres politiques gouvernementales qu'on connaît plus ou moins actuellement. Donc, il y a aura 130 centres locaux d'emploi et un minimum de 96 centres locaux de développement, c'est-à-dire un par MRC, et peut-être plus. D'ailleurs, c'est comme les directions régionales du ministère, il ne faut pas oublier que le gouvernement vient de créer une nouvelle région administrative, alors je devrais parler plus de 17, finalement, que de 16.

Alors, tout ça pour vous dire, M. le Président, que c'est près de 258 structures qui seront créées à même ce projet de loi ou d'autres lois qu'adoptera le gouvernement ultérieurement. Et tout ça, bien sûr, à part, je dirais, des 55 carrefours jeunesse-emploi qui ont été créés. Donc, ça signifie environ 313 structures, par rapport à environ quelque 260 ou 280 structures que la ministre entend éliminer du fait qu'elle doit fusionner trois réseaux qui existent actuellement.

Donc, M. le Président, à ce moment-ci, nous ne savons pas où on s'en va exactement. Il n'y a aucun plan d'ensemble. Comme je le mentionnais, il s'agit de morceaux du casse-tête qui nous arrivent à gauche et à droite dépendamment des politiques gouvernementales et dépendamment des ministres. Parfois, on se demande s'il y a eu consultation entre les différents ministres pour voir si vraiment ils sont d'accord avec ces structures, parce qu'à sa face même ça n'a presque aucun sens de créer autant de structures. Étant donné qu'on est, à mon avis, dans une ère de déréglementation, on doit éviter, au contraire, les nouvelles structures.

Moi, je me souviens, M. le Président, que, lorsque le Sommet a été tenu, l'automne dernier, il me semble que le discours des différents partenaires était à l'effet qu'il nous fallait déréglementer, il nous fallait éviter les structures, il fallait travailler dans ce sens-là. Mais, depuis ce temps-là, il y a eu deux ministères de crées; on s'apprête à en créer deux autres. Ce qui veut dire quatre nouveaux ministères, à part d'une Régie de l'énergie. On a déjà crée le ministère de la Métropole, souvenons-nous, on a créé celui des Relations avec les citoyens, on est en train de créer la Famille et l'Enfance, projet de loi qui a été déposé devant cette Assemblée, et là la ministre de l'Emploi et de la Solidarité propose un projet de loi pour créer le ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Et ça, c'est à part de la Régie de l'énergie que propose le ministre de l'Énergie et des Ressources. Alors, vous comprendrez qu'on n'est pas dans une ère de déréglementation; on est plutôt dans une ère de réglementation, de structures. Et, naturellement, chaque fois qu'on crée un ministère, qu'on crée une régie, bien, ça suppose une équipe qui entoure ce ministère ou qui travaille à ce ministère. On ne peut pas tout simplement créer une structure puis la laisser vide. Ce n'est pas des coquilles vides. Il faut quand même qu'il y ait des gens qui y travaillent.

Alors donc, M. le Président, je me dis: Pourquoi actuellement faire l'inverse du discours qu'on véhicule, étant donné qu'il me semblait, moi, qu'il fallait davantage être beaucoup plus souple, flexible? Et que je pense qu'on peut faire plus avec ce qu'on a actuellement. Il ne s'agit pas de tout mettre de côté, de tout balancer, mais de bonifier ce qui existe déjà. Je pense qu'avec ce qu'on a on peut le bonifier.

C'est pourquoi, M. le Président, moi, je demanderais à la ministre d'attendre un peu, de surseoir, et je souhaiterais que la ministre suspende l'adoption de son projet de loi, mais en même temps qu'elle puisse continuer à travailler. Parce que je sais qu'elle a encore énormément de boulot, elle a du travail à faire. La première chose, je pense, c'est toute la question de la mise en oeuvre de l'entente qu'elle a signée avec le gouvernement fédéral. Ils sont très fiers que la ministre ait réussi à s'entendre avec son collègue pour signer cette entente au niveau de la formation de la main-d'oeuvre. Elle était souhaitable, et nous nous en réjouissons, M. le Président. Ce qui est important, c'est de finaliser cette entente. Actuellement, je comprends que ses fonctionnaires travaillent là-dessus – mais ce n'est pas mauvais aussi – je suis persuadée qu'elle doit aussi suivre ça de très près. Il faut négocier les modalités de l'entente. Alors, la ministre a jusqu'en septembre pour négocier toutes les modalités de l'entente.

Vous savez, ce n'est pas une mince affaire de récupérer tous ces programmes, ces fonctionnaires. Je l'ai fait au niveau de l'immigration à un moment donné, et ça prend un certain temps. Ça nous avait pris, je me souviens, un an avant de pouvoir mettre en vigueur cette entente, compte tenu de tout ce que ça peut prendre pour récupérer ce monde, replacer, reclasser et aussi revoir l'ensemble des programmes.

Donc, je souhaiterais que la ministre, d'une part, commence par, bien sûr, travailler sur la négociation des modalités. Et, à compter du 1er janvier, l'entente entre en vigueur. Alors donc, on aurait le temps, à l'automne, d'adopter son projet de loi, si elle décide toujours de maintenir la création d'un ministère. À ce moment-ci, je trouve que c'est prématuré, pour les raisons que je vous ai données tout à l'heure, compte tenu des politiques gouvernementales. Peut-être qu'à l'automne elle réussira à nous convaincre du bien-fondé de la création d'un ministère, mais à ce moment-ci on trouve prématuré de le faire. Donc, je souhaiterais que la ministre puisse travailler sur cette entente signée avec le gouvernement fédéral, récupérer l'ensemble des fonctionnaires, travailler également sur l'ensemble de ces programmes, parce qu'elle a l'intention de réduire le nombre de programmes. C'est incroyable, elle nous montrait un tableau justement cet après-midi, et on se doit de réduire le nombre de programmes, décloisonner, s'occuper des services. Je pense qu'elle va en avoir plein les bras, M. le Président, sans ce projet-là; elle va en avoir plein les bras pour d'ici l'automne. Et ça ne dérangerait absolument pas si on retardait de quelques mois l'adoption de ce projet.

(20 h 50)

Entre-temps, la ministre pourrait aussi s'entendre avec sa collègue, s'assurer – parce que ça m'inquiète, la ministre va peut-être dire: Oui, mais vous n'avez pas réussi à le faire; mais ils sont au gouvernement actuellement et c'est à elle à travailler dans ce sens-là – qu'elle et sa collègue auront des politiques de formation professionnelle et technique qui répondront aux besoins du milieu, mais qu'on n'aura pas à attendre. Quand le milieu décide de se prendre en main, qu'on puisse y répondre rapidement et qu'on ne fasse pas comme il se fait actuellement, je pense, avec un projet de la région de l'Estrie. Les intervenants se sont consultés, concertés, ont décidé d'un projet commun qu'ils ont soumis à la ministre de l'Éducation, mais finalement on n'aura pas de décision suffisamment tôt pour permettre le démarrage de ce projet en septembre. Et, comme je le mentionnais, tout retard de quelques mois, c'est important dans la vie d'un étudiant ou d'une étudiante parce que ça signifie que c'est une année de perdue au niveau de la formation qui pourrait être adéquate pour remplir l'emploi.

Donc, la ministre pourrait travailler sérieusement avec sa collègue mais aussi permettre au milieu, permettre aux régions de s'adapter à ces changements que la ministre apportera au niveau des programmes, et la ministre de l'Éducation également, et commencer à changer la mentalité au niveau des régions aussi. Parce que, lorsque je disais qu'il était difficile parfois d'avoir l'aide d'un ministère et l'autre pour être capable de mettre en place les programmes adéquats, la même résistance existe également au niveau régional entre les différents intervenants. Ce n'est pas uniquement au niveau gouvernemental, on les retrouve aussi à d'autre paliers. Donc, ça permettrait de s'adapter à cette nouvelle philosophie, à cette nouvelle volonté du gouvernement de vouloir modifier les programmes pour les rendre plus conformes aux besoins du milieu.

Ça lui permettrait aussi, M. le Président, de travailler avec son collègue du développement régional pour voir si les structures qu'il propose dans son document sont importantes, si ces structures répondent véritablement aux besoins du milieu ou si les structures proposées par la ministre dans son projet de loi ne sont pas suffisantes. Est-ce qu'il faut en créer d'autres, ou bien, si la ministre, avec les structures qu'elle propose actuellement, si ces structures-là ne sont pas suffisantes... sans avoir à en créer d'autres? Alors, ça lui donnerait ce temps de travailler avec son collègue, de connaître la politique de son collègue – je sais qu'elle connaît actuellement cette politique, mais elle n'est pas définitive, dans le sens que, si je comprends bien, on est toujours en discussion; alors donc, elle n'est pas définitive, cette politique – de revoir la possibilité de conserver la Société actuelle, c'est-à-dire la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

M. le Président, personne n'a demandé, actuellement, de démanteler ou de mettre fin à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Ce ne sont sûrement pas les partenaires membres du conseil d'administration qui ont suggéré à la ministre de démanteler la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Pour être capable de mettre en oeuvre l'entente signée par le gouvernement fédéral, la ministre n'a pas besoin, d'une part, d'un ministère pour le faire puisqu'elle a déjà des responsabilités et elle a déjà tout le personnel, les fonctionnaires pour y donner suite. Pour être capable de transférer les responsabilités fédérales au niveau provincial, la ministre n'a pas besoin de démanteler la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre puisque cette Société existe déjà. Les membres de son conseil d'administration seront les mêmes que ceux qui siégeront sur la Commission des partenaires du marché du travail qu'elle a l'intention de créer. Donc, le report du projet de loi n'apporte, à mon avis, aucune difficulté.

La ministre, cependant, pourrait évaluer la possibilité de se donner plus de pouvoirs, si c'est ce qui manque, au niveau de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, de modifier cette Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Je sais, actuellement, qu'elle doit accorder la sécurité d'emploi aux fonctionnaires qui y travaillent actuellement et qui n'ont pas cette sécurité d'emploi, c'est-à-dire que tous les travailleurs de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre deviendront automatiquement les fonctionnaires du gouvernement. Alors donc, M. le Président, déjà, s'il y a cette assurance chez les fonctionnaires qu'ils auront cette sécurité d'emploi et qu'ils seront reclassés ou replacés soit dans un ministère ou dans un autre, mais qu'ils appartiendront toujours à la fonction publique québécoise, je pense qu'il sera facile pour la ministre, avec cette assurance, d'avoir leur appui pour être capable de mettre en place le nouveau programme, les nouvelles mesures. On n'a pas besoin, comme je le mentionnais, d'un ministère, on n'a pas besoin de démanteler la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre pour mettre en vigueur l'entente, pour modifier l'ensemble des programmes, pour décloisonner les services. Je pense que la ministre peut tout faire ça. Et, si elle pouvait se donner plutôt quelques mois avant d'adopter ce projet de loi au lieu de forcer son adoption d'ici quelques semaines, avant de connaître l'ensemble des politiques gouvernementales, je pense que ce serait favorable.

M. le Président, au lieu de travailler, justement, sur les structures, ce serait important de travailler immédiatement pour rendre le meilleur service à la clientèle. Et, comme je le mentionnais, il n'y a pas de partenaires et personne n'a demandé ou n'a exigé le démantèlement de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Le gouvernement devra nous dire aussi où il s'en va dans sa lutte au chômage, à la pauvreté, à l'exclusion. Pourquoi met-on tant d'efforts dans la création des structures plutôt que de s'attaquer aux véritables problèmes? Comme je le mentionnais, c'est quatre nouveaux ministères qu'on a créés dans l'espace de quelque temps, une régie. On bouleverse des structures, on bouleverse la Société, je devrais dire, on bouscule tout le monde. On bouscule à peu près tout le monde, de ce temps-ci. Je pense qu'on aurait besoin un peu de respirer puis qu'on aurait besoin, avant de créer des ministères, des nouvelles structures, de voir l'ensemble des politiques gouvernementales pour voir si elles s'harmonisent bien. On en a seulement actuellement des bribes, on a tout simplement des morceaux.

Alors donc, M. le Président, on est d'accord avec l'idée de fusionner les trois réseaux, de réduire les programmes, mais on n'est pas d'accord actuellement pour créer les nombreuses structures, comme le veut la ministre. Malgré tout, peut-être que la ministre pourrait réussir à nous convaincre même de ses structures, mais on ne peut pas porter un jugement éclairé sur le plan de réorganisation des structures du gouvernement car on n'a, je disais, que des bribes, que des morceaux partiels des casse-tête, donc on ne sait pas trop, trop actuellement où on s'en va. Lorsque nous aurons été convaincus que le gouvernement aura emprunté le bon chemin, à ce moment-là, nous appuierons la ministre dans ses actions; nous lui donnerons alors notre appui à l'adoption de son projet de loi. Mais, pour le moment, le chemin est trop tortueux, il est trop nébuleux, il est trop complexe pour donner notre appui à un tel projet de loi. Comme législateurs, on ne peut pas voter sur quelque chose ou voter pour quelque chose qu'on ne peut pas saisir, quelque chose qu'on ne connaît pas, quelque chose qu'on ignore parce que trop nébuleux. Je pense qu'il manque, comme je le disais, des gros morceaux au puzzle. C'est important d'avoir l'ensemble des pièces pour pouvoir se prononcer sur un tel projet.

Donc, il serait préférable que la ministre suspende l'adoption de son projet de loi jusqu'à l'automne pour qu'il soit conforme aux autres politiques de ses collègues, de reconsidérer justement sa décision de démanteler la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre et, en attendant, de travailler pour mettre en vigueur l'entente qu'elle a signée avec le gouvernement fédéral. Je vous remercie, M. le Président.

(21 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Saint-François. Nous allons maintenant céder la parole à la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité. Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci. M. le Président, peut-on considérer comme aberrant qu'une telle motion, à ce moment-ci de nos travaux, soit déposée à l'Assemblée nationale? J'aurais compris qu'une motion de l'opposition soit présentée à l'Assemblée pour nous reprocher de ne pas agir assez rapidement, pour exiger, pour réclamer que la mise en vigueur de la loi créant le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail, que cette mise en vigueur soit décrétée le jour de sa sanction et que l'opposition nous propose d'accélérer l'adoption de ce projet de loi. Avez-vous pu imaginer un jour, M. le Président, que, loin de nous reprocher de ne pas agir pour corriger la confusion, le dédoublement, le chevauchement qui sont des obstacles dans la lutte au chômage et à l'exclusion dans notre société, à l'exclusion sociale, qui sont des obstacles, M. le Président... quand on pense que les chômeurs à l'aide sociale sont, par définition, par législation déjà adoptée dans ce Parlement, exclus des politiques de main-d'oeuvre et qu'ils doivent tourner en rond dans ce qu'on appelle les mesures d'employabilité avec les limites que l'on en connaît, n'est-ce pas, où on sait très bien que des années de curriculum vitae de mesures d'employabilité ramènent les gens à la case de départ, plus découragés qu'avant. Alors, non, ce n'est pas une motion pour exiger d'accélérer le tempo pour mettre en vigueur le jour de sa sanction la loi, c'est une motion pour nous demander de suspendre, de retarder, de reporter. Comment penser possible maintenant de prendre au sérieux l'opposition quand elle va nous dire qu'elle s'intéresse au sort des chômeurs? Quand elle va prétendre qu'elle se préoccupe de ceux et celles qui ne travaillent pas? Quand elle va faire semblant de s'indigner parce que justement ça ne marche pas?

J'aurais souhaité que l'opposition relise le livre blanc du député de Laporte au moment où il était ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. Je ne vous en lirai qu'un extrait d'une ligne, M. le Président, page 49: «Le gouvernement du Québec réitère l'urgence de regrouper en une seule administration l'ensemble des services de main-d'oeuvre.» Cela fut déposé à l'automne 1991, il y a maintenant bientôt six ans. Et on devrait encore attendre?

Encore, M. le Président, un bref extrait de ce qui fut le préambule signé par le ministre lui-même, l'actuel député de Laporte, et qui dit ceci: «Si, dans certains secteurs, le Québec tire admirablement son épingle du jeu, on doit reconnaître – et c'est écrit en 1991 – qu'en dépit des efforts déployés au cours des dernières années il est en train de prendre des retards inquiétants, en particulier au chapitre de la formation continue de la main-d'oeuvre active. Il ne s'agit pas de dramatiser la situation mais de prendre pleinement conscience du danger et de déployer les efforts de redressement qui s'imposent.» C'était il y a six ans, M. le Président. Alors, puis-je vous dire à quel point cette motion de l'opposition est incompréhensible? D'autant plus que c'est certainement avec cynisme, n'est-ce pas, qu'elle sera reçue par bon nombre de nos concitoyens qui vont y trouver un motif supplémentaire de décrocher de la politique.

Imaginez-vous, M. le Président, que l'opposition ne trouve rien de mieux à nous proposer que de retarder les choses. Et ce qui est finalement le plus inquiétant, c'est d'entendre une sorte de discours recyclé. On nous a parlé de municipalités, de commissions scolaires, de services de garde, de MRC; une sorte de discours interchangeable, que j'ai entendu ici même dans cette Assemblée hier soir sur un autre projet de loi, qu'on nous resert à l'occasion du débat sur l'emploi et la solidarité. Mais quel jeu joue l'opposition, M. le Président? Bien honnêtement, quel jeu joue l'opposition? S'agit-il finalement de sacrifier à cette compulsion qui gagne le leader de l'opposition à chaque fin de session? Moi, ça fait 17 ans que je suis dans le Parlement et ça fait 17 ans que je vois la fièvre de la fin de session s'emparer de lui et l'amener, dans le fond, à influencer son équipe pour qu'une motion semblable nous arrive à ce moment-ci.

Voyez-vous, M. le Président, l'opposition, en général, quand elle s'oppose dans le Parlement, c'est qu'elle se fait l'écho de ce qui se passe dans la société, et cet écho n'est pas venu. Au contraire, puis-je vous rappeler les prises de position des partenaires du marché du travail, de ceux qui, au niveau des affaires, au niveau syndical, au niveau communautaire, au niveau de l'éducation, ont fait entendre leur voix, depuis le dépôt du projet de loi, pour dire qu'ils l'accueillaient favorablement? Quelques extraits vous suffiront, notamment d'un communiqué de presse qui a été envoyé à tous les médias et qui fut signé conjointement à la fois par Mme Neamtan, porte-parole de la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre, M. Gaétan Boucher, président-directeur général de la Fédération des cégeps, M. Ghislain Dufour, président du Conseil du patronat, M. Gérald Larose, président de la CSN, M. Henri Massé, secrétaire général de la FTQ, et M. Gérald Ponton, président-directeur général de l'Alliance des exportateurs et manufacturiers du Québec.

En général, M. le Président, on n'est pas habitué de voir des communiqués transmis aux médias où tous les gens que je viens de vous énumérer, qui appartiennent à des horizons qu'on peut considérer différents, pour ne pas dire divergents, où tous ces gens-là, d'un commun accord, se disent ensemble et en même temps favorables, «disent ensemble être favorables, accueillir – je les cite – favorablement le projet de loi sur la réorganisation des services publics d'emploi». Et leur communiqué ajoute: «Les partenaires ont insisté et ont fait depuis longtemps consensus sur la nécessité de regrouper l'ensemble des mesures actives au sein d'un service d'emploi intégré. Le projet de loi qui mènera à la création d'Emploi-Québec répond, pour l'essentiel, à leurs attentes. La Commission des partenaires du marché du travail, créée en même temps qu'Emploi-Québec, remplacera le conseil d'administration de la SQDM et permettra aux partenaires de maintenir leur engagement en faveur de la politique active du marché du travail. Ceux-là même qui siégeaient sur le conseil d'administration de la SQDM se réjouissent dorénavant de pouvoir continuer la concertation au sein de la Commission des partenaires instituée par le projet de loi.» Mais qu'est-ce que l'opposition attend pour reconnaître que ce projet de loi réjouit la majorité, pour ne pas dire la grande majorité, pour ne pas dire la totalité de ceux et celles qui depuis des années réclament une telle réorganisation?

Je continue la lecture de cette prise de position commune des partenaires, M. le Président: «Le projet de loi s'inscrit dans la poursuite de la régionalisation et de la décentralisation. Il confirme le rôle essentiel des conseils régionaux des partenaires du marché du travail dans la coordination des interventions en région. De plus, comme le souhaitaient les membres du conseil d'administration, le projet permet aux partenaires du milieu d'élaborer des plans locaux d'action concertée pour l'emploi. Par un tel projet de loi, le gouvernement reconnaît que la concertation et le partenariat sont nécessaires pour faire reculer le chômage. Les membres du comité exécutif de la SQDM offrent donc leur collaboration au gouvernement pour relever le défi de l'emploi et souhaitent que les mesures mises en place permettent de réaliser les objectifs poursuivis.»

(21 h 10)

Pouvions-nous espérer meilleur accueil? Pouvions-nous espérer que l'opposition s'inspire de ces prises de position publiques pour cesser de faire obstruction à l'adoption du projet de loi?

M. le Président, il est tout à fait incorrect, il est tout à fait inexact de prétendre que l'on crée un nouveau ministère; on en remplace un, M. le Président, celui de la Sécurité du revenu. Finalement, ce que l'on fait, c'est qu'on intègre trois réseaux, trois adresses. Comment prétendre, comme l'ont fait les députés de l'opposition, qu'il y aura plus de points de services, alors que le projet de loi clairement énonce qu'il y aura intégration des points de services qui se sont multipliés dans ces trois réseaux éparpillés? Dorénavant, il y aura une seule adresse – une seule adresse – pour offrir des services de sécurité du revenu et pour offrir des services d'emploi, une seule adresse pour les chômeurs à l'aide sociale, les chômeurs à l'assurance-emploi ou les chômeurs demandeurs d'emploi et travailleurs qui ne reçoivent pas de chèque du gouvernement; pas juste une seule adresse, la même adresse, M. le Président.

Alors, je comprends que l'opposition a multiplié les confusions, notamment au niveau des partenaires. M. le Président, la Commission des partenaires au niveau national, c'est l'équivalent du C.A. de la SQDM, et le Conseil des partenaires au niveau régional, c'est l'équivalent du conseil régional déjà existant. La différence des structures, M. le Président, c'est qu'au lieu d'avoir 129 centres Travail-Québec, 78 points de services DRHC et 51 points de services de la SQDM, il n'y en aura plus que 130, la moitié. C'est ça, M. le Président, et fondamentalement c'est aussi le décloisonnement des clientèles qui, jusqu'à maintenant, étaient isolées chacune dans des programmes normés.

Alors, pour le bénéfice des membres de l'opposition, j'aimerais déposer à nouveau... Il me semblait l'avoir déjà fait parvenir à leurs bureaux, mais je voudrais déposer ici un petit dépliant, Questions-Réponses , questions et réponses qui vont leur permettre, M. le Président, certainement de comprendre qu'il n'y a rien d'improvisé dans ce qui est présenté. Le projet de loi n° 150, M. le Président, est le fruit, mais d'une très, très, très longue attente du milieu, il n'y a aucune improvisation dans ses propositions. L'ensemble des questions qui pourraient encore rester en suspens pour l'opposition trouveront matière à réponses dans ce dépliant.

Je lis, par exemple, question 8: «Quels sont les liens avec la structure proposée par le ministre responsable du Développement des régions?» Réponse: «La planification du futur ministère de l'Emploi et de la Solidarité s'est effectuée en concertation avec le Secrétariat au développement des régions. C'est ainsi que le conseil régional de développement, CRD – ça, M. le Président, on ne peut pas dire que c'est nouveau, ça existe depuis l'époque du ministre Picotte, il y a plus que 10 ans – harmonisera son action avec le Conseil régional des partenaires du marché du travail – ce n'est pas nouveau, ça non plus, M. le Président, ça existe depuis 1993 – notamment dans la planification des stratégies régionales de développement.»

«Sur le plan local...» C'est ça qui est nouveau, sur le plan local, parce qu'enfin, M. le Président, on ne s'arrête plus, on ne s'est plus enfargé seulement au niveau régional et on va enfin atterrir au niveau local. Donc, je lis, réponse: «Sur le plan local, c'est le conseil d'administration du centre local de développement qui jouera un rôle de conseil auprès du CLE et qui proposera à la ministre et à la Commission des partenaires un plan local d'action concertée pour l'économie et l'emploi. De plus, mentionnons que le responsable d'Emploi-Québec du CLE siégera au conseil d'administration du centre local de développement.» C'est nouveau, le centre local de développement? Oui, si on veut, M. le Président. C'est nouveau parce que, enfin, ça va regrouper tout ce qui est éparpillé sur le plan de l'entrepreneuriat, de l'entrepreneurship, de l'économie sociale. C'est nouveau, dans un certain sens, comme appellation, mais on sait très bien que ça prend appui sur les corporations de développement économique qui existaient depuis longtemps. On sait très bien qu'à Montréal ça va prendre appui sur les corporations de développement économique et communautaire qui existaient depuis 10 ans.

M. le Président, c'est une simplification des structures et c'est une réorganisation des structures. Et c'est surtout une réorganisation pour se donner les outils et les instruments d'une politique active du marché du travail qui nous a fait défaut pendant si longtemps, politique active du marché du travail que les pays industrialisés avec lesquels on a à compétitionner se sont donnée depuis belle lurette. Et ce que ça signifie, M. le Président, c'est que c'est une vision qui repose sur le développement local et régional et sur la politique active du marché du travail. Et c'est l'addition, la conjugaison, l'arrimage des deux qui va nous permettre d'avoir des objectifs, à chaque année, de résultats concrets à atteindre en matière de lutte au chômage et de lutte à l'exclusion sociale.

Le reproche que j'ai entendu également, du côté de l'opposition, était de nous dire qu'il fallait attendre la réforme de l'aide sociale, qu'il fallait attendre la réforme des barèmes des prestations de la sécurité du revenu. C'est là un élément important, la réforme de l'aide sociale, mais vous êtes conscient, M. le Président, qu'une réforme de l'aide sociale qui repose sur un accompagnement des personnes, sur un parcours individualisé vers la formation, vers l'insertion, vers l'emploi, cette réforme en faveur d'une démarche active, il faut qu'elle atterrisse quelque part. Comment peut-elle atterrir présentement entre trois réseaux éparpillés, 110 mesures et programmes de toutes sortes? C'est évident que la piste d'atterrissage n'était pas asphaltée.

Le projet de loi n° 150, qui va réorganiser les services publics d'emploi, c'est, de façon indispensable, la mise en place, justement, de ce qui va permettre l'atterrissage de la réforme de l'aide sociale l'automne prochain. Et c'est indispensable que ce soit maintenant que l'on mette en place ces conditions d'atterrissage d'une réforme réussie. Il ne faut quand même pas imaginer qu'une réforme de l'aide sociale, c'est jongler avec des barèmes pour que les gens restent sur l'aide sociale. Une réforme de l'aide sociale, c'est donner le coup de pouce aux chômeurs qui en ont tant besoin et qui, à cause notamment des resserrements à l'assurance-emploi, se retrouvent de plus en plus nombreux à l'aide sociale. C'est leur donner finalement l'accompagnement dont ils ont besoin en faveur de la formation, de l'insertion, et c'est leur donner les chances, justement, de se mettre en mouvement.

(21 h 20)

Alors, une telle réforme est autre chose qu'un jeu de chaise musicale de barèmes. Elle suppose qu'on puisse réorganiser des services publics, notamment, pour les accompagner grâce à des conseillers à l'emploi, pour les accompagner grâce aussi au fait qu'on va se simplifier, qu'on va leur simplifier la vie dans le cadre de ces nouvelles interventions aux niveaux local et régional. Le calendrier, d'ailleurs, de mise en oeuvre de cette réorganisation des services publics d'emploi nous impose un compte à rebours très serré pour mettre en place les CLE dès le 1er janvier prochain et mettre en place l'intégration des fonctionnaires fédéraux dès le 1er avril prochain. Le fonds auquel Mme la députée de Saint-François faisait allusion n'est pas le fonds du 1 % de la formation et du développement de la main-d'oeuvre. C'est le Fonds du marché du travail qui va être constitué à même, n'est-ce pas, les transferts de 500 000 000 $ de la caisse d'assurance-emploi et à même également l'ensemble des autres crédits votés, ici, à l'Assemblée, mais qui étaient éparpillés à la fois à la SQDM ou à la Sécurité du revenu et qui vont se retrouver dans ce fonds-là à être additionnés, pour une somme totale de 800 000 000 $, permettant de donner des services et d'offrir des programmes équivalents aux demandeurs d'emplois, quel que soit leur statut, là, quelle que soit l'étiquette ou la couleur de leur chèque. Alors, c'est avec un sentiment d'urgence que j'appelle l'adoption, l'examen approfondi et l'adoption du projet de loi n° 150.

D'autant plus, M. le Président, qu'il n'y a aucune raison de plaider, par exemple, quelques critiques ou mécontentements qui se sont manifestés au moment de la commission parlementaire sur le livre vert sur l'aide sociale pour essayer de prétexter qu'il faudrait reporter jusqu'à la réforme. D'autant plus, M. le Président, que j'aimerais déposer d'ailleurs, avec votre consentement, déposer à la fois ces questions-réponses dont je vous ai parlé tantôt et déposer également une brochure, un dépliant, qui est disponible et qui s'intitule: Pour un ministère de l'Emploi et de la Solidarité et qui explique très bien à la fois les orientations et les modalités d'implantation au niveau local, régional et national.

Alors, j'aimerais, avec le consentement de l'opposition...


Documents déposés

Le Vice-Président (M. Pinard): Consentement accordé.

Mme Harel: ...déposer les documents. J'en aurai peut-être un troisième, avec le consentement. En fait, il s'agit, M. le Président, d'extraits de mémoires déposés devant la commission parlementaire sur la réforme de l'aide sociale.

On couvre, comme vous le savez, des audiences... 36 des organismes qui se sont présentés se sont prononcés sur tout le volet de l'emploi. Alors, j'aimerais vous citer leur prise de position pour que vous soyez convaincus, M. le Président, et ainsi que les membres de cette Assemblée, pour que vous soyez convaincus de l'appui que dans tous les milieux les orientations contenues sur l'emploi ont reçu.

Je commencerais avec la Coalition nationale sur l'aide sociale. Alors, c'est d'autant plus méritoire que la Coalition nationale n'a pas ménagé ses critiques sur l'aspect du livre vert, qui portait sur les prestations. Et pourtant, en matière d'intégration de la main-d'oeuvre, de la sécurité du revenu, à l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise, il faut que je vous dise que la Coalition nationale sur l'aide sociale a applaudi. Je vais les citer au texte: «La solution proposée sur la base de ces trois constats est d'intégrer la main-d'oeuvre de la sécurité du revenu à l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise afin que les personnes assistées sociales puissent profiter de la politique active du marché du travail. En ce qui concerne le volet aide à l'emploi du projet de réforme, nous sommes d'accord avec une approche qui fait appel aux collectivités locales par le biais des conseils de partenaires.»

Alors, vous comprenez, M. le Président, que des prises de position comme celle-là, de la Coalition nationale sur l'aide sociale, qui n'a pas été tendre sur d'autres chapitres, là, du livre vert, m'amène à penser que ce n'est pas seulement les partenaires du milieu des affaires, les partenaires syndicaux, les partenaires communautaires en main-d'oeuvre, les partenaires de l'éducation, c'est beaucoup plus élargi cet appui que reçoit l'orientation contenue dans la loi n° 150 d'intégrer, de décloisonner puis de simplifier.

Alors, évidemment je ne citerai pas les centrales syndicales, je vous les ai déjà citées. Le Conseil du statut de la femme qui, dans son mémoire devant la commission parlementaire, disait ceci: «Le Conseil du statut de la femme souscrit à l'orientation générale qui vise l'intégration des prestataires au marché du travail conjuguée au souci d'augmenter le bassin de véritables emplois susceptibles d'accueillir les sans-emploi. La création de centres de services intégrés sur la base des territoires des municipalités régionales de comté, les centres locaux d'emploi, présente l'intérêt de constituer un guichet unique pour les mesures d'adaptation de la main-d'oeuvre et l'appariement entre les demandes et les vacances d'emploi. Nous souscrivons à l'idée que toutes les personnes sans emploi, peu importe qu'elles soient prestataires de l'assurance-emploi ou de la sécurité du revenu ou encore sans prestation, aient accès à un réseau de services intégrés d'emploi sur l'ensemble du territoire québécois. Nous appuyons également l'intention de séparer le contrôle du Conseil et d'en faire des modules distincts.» Parce que c'est bien entendu, M. le Président, qu'il y a une seule adresse, un seul comptoir, une seule réceptionniste, mais il y a deux modules, le module Sécurité du revenu et le mode Emploi-Québec, et tout cela au sein d'un même ministère, tout cela avec la même adresse et tout ça en simplifiant les programmes.

M. le Président, je pense que le concert d'appuis est unanime. Je ne sache pas que personne ne se soit présenté, durant les cinq semaines qu'a duré la commission parlementaire sur la réforme de l'aide sociale... Aucun des 102 organismes qui ont présenté des mémoires, aucun n'est venu parler contre les orientations, ne s'est prononcé contre, et, pour la totalité des organismes qui en ont fait mention, c'est, en fait, d'un appui qu'il s'est agi.

Alors, comment expliquer, comment justifier, comment comprendre une motion comme celle que l'opposition nous présente ce soir, d'autant plus que la porte-parole de l'opposition tantôt décrivait la situation dans sa région de l'Estrie en regard du dossier de la formation en disant que tout retard de quelques mois était regrettable pour des étudiants privés d'une formation et qu'une année de plus, c'était une année de perdue pour trouver un emploi? M. le Président, je reprendrais exactement les mêmes arguments, de la même façon, en disant que tout retard de quelques mois est regrettable en matière de services publics d'emploi, en matière d'intégration de tout ce qui est éparpillé, en matière de simplification et de décloisonnement et je fais appel au sens des responsabilités de l'opposition. Je comprends que nous avons débuté la fin de la session, mais je pense que l'opposition elle-même se discrédite quand elle s'engage de cette façon dans un genre de filibuster sans fondement, sans fondement!

Je n'ai reçu, moi personnellement, aucune lettre venant de notre société civile, je n'ai pas reçu un téléphone, une lettre me disant: Votre projet de loi demanderait à être examiné. D'aucune façon, M. le Président. Les échos que j'ai, c'est qu'on l'attend impatiemment. Et je souhaite bien évidemment qu'on mette fin le plus rapidement possible à cette diversion. Je pense qu'il n'y a aucune explication qui pourrait justifier de reporter. Je vous remercie.

(21 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la ministre, merci. Alors, nous allons maintenant céder la parole au député de Montmagny-L'Islet. M. le député.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Toujours sur la motion de report présentée par le député de Richmond dans le cadre de la loi n° 150, je pense que vous comme moi venons d'entendre Mme la ministre. Finalement, elle nous donne raison. Nous sommes partis, au cours de l'après-midi, au début de l'après-midi, en démontrant notre inquiétude de la compréhension du projet de loi. Notre collègue la députée de Saint-François l'a démontrée en disant: C'est dans la brume, on a de la misère à comprendre l'impact du projet de loi, les structures qu'il met en place. Pourquoi la ministre présente son projet de loi plusieurs semaines avant le ministre du Développement régional, dans le cadre de son livre blanc qui va nécessiter aussi un projet de loi? Il semble que ces deux interventions dans le milieu, c'est-à-dire le projet de loi de Mme la ministre qui forme... elle nous a expliqué que ça remplace un ministère, mais qui met en place un nouveau ministère, parce qu'il va porter un autre nom. Nous sommes en attente, justement, de la présentation du ministre du Développement régional, de son projet de loi aussi pour répondre aux aspirations du milieu.

Donc, Mme la ministre, dans son intervention des dernières minutes, vient de nous démontrer qu'on avait raison de s'inquiéter, et ça lui a permis d'ajouter des explications. Dans les dernières minutes, comme je vous le mentionnais, Mme la ministre a précisé certains points, que nous avons tous à gagner à approfondir davantage la pertinence et la nécessité de ce projet de loi pour atteindre son but d'aider les gens qui sont sans emploi ou qui ont besoin de formation professionnelle.

Mme la ministre, vous venez tout juste de déposer un document intitulé Questions et réponses [/I]. Je pense que je vais vous démontrer, dans la prochaine minute... Vous étiez préparée probablement à ajouter à l'information que l'opposition se posait, et certains partenaires. Je m'étais préparé à vous faire la démonstration – qui pourrait peut-être être de trop, mais, si j'ai du temps, je vous la ferai pareil – qu'au niveau des MRC, des municipalités et de leurs partenaires eux autres aussi se questionnaient.

Le document est très clair, et j'en lis un passage: «Ce document a été préparé pour répondre aux questions que pourrait se poser le personnel sur le futur ministère de l'Emploi et de la Solidarité.» Donc, Mme la ministre était consciente que son projet de loi serait difficile à suivre pour les non-initiés – oui, absolument – et elle avait déjà préparé un document pour que son personnel soit en mesure de répondre aux questions. On va dire que, dans tout nouveau projet de loi, je pense que ça se justifie, mais celui-là davantage.

Donc, Mme la ministre, nous savons très bien que vous avez à coeur, et vous l'avez démontré dans vos responsabilités passées, de supporter, de travailler en vue d'aider les gens qui sont sans emploi ou ceux qui sont à la recherche de formation additionnelle pour améliorer leur sort au niveau du travail; nous le reconnaissons. Ce projet de loi là, sans exagérer, vient modifier au-delà de 34 lois. Donc, c'est un projet de loi qui valait la peine d'être questionné, et c'est ce que l'opposition a fait. C'est ce que l'opposition continue de faire en vous demandant de reporter le projet de loi.

Mais vous avez démontré, en autant que je suis concerné, dans les dernières minutes, que vous étiez consciente et que vous avez reconnu qu'on avait raison de se questionner, que d'autres partenaires sur le terrain avaient raison de se questionner, et vous avez commencé à répondre à une partie de notre questionnement. Et je pense que tous les députés de l'opposition comme ceux du gouvernement auront avantage à lire davantage vos Questions et réponses [/I]. Ça ne veut pas dire que ça répond à la satisfaction de tous ceux qui se questionnent aujourd'hui, mais il faudrait voir, d'une part.

D'autre part, vous avez aussi parlé de notre collègue le député de Laporte, qui, déjà, en 1991, s'inquiétait et souhaitait regrouper... À un moment donné, je pense que vous l'avez dit: Les intérêts du député de Laporte, en 1991, étaient de regrouper les services aux travailleurs et à ceux à la recherche d'un emploi, démonstration qu'il préparait, d'abord, avec la mise en place de la SQDM et en continuant à négocier le transfert des services et le budget du fédéral en matière de formation professionnelle. Donc, le député de Laporte, déjà en 1991, s'en préoccupait. Il a mis en place la SQDM. Et, depuis toutes ces années, les représentants de ce dossier au gouvernement qui vous a précédés, comme vous aujourd'hui, ont continué à négocier à la satisfaction. Je pense qu'il y a une entente qui a été signée récemment.

Donc, Mme la ministre, oui, nous avons raison de nous questionner, oui, le député de Richmond avait raison de demander le report du projet de loi, en souhaitant que, au fur et à mesure que vous allez reconnaître l'avantage de préciser la portée du projet de loi, de préciser où ceux qui vous conseillent et votre ministère s'en vont avec le projet de loi, de quelle façon ils veulent l'appliquer...

On a mentionné tantôt que c'est pour regrouper à une seule adresse les chômeurs et les sans-emploi. Mais, encore une fois, où en est la concertation avec le ministre du Développement régional en rapport avec son livre blanc? C'est un tout et c'est ce sur quoi se questionnent les représentants des municipalités, soit les préfets, dans le cadre de leur table de l'UMRCQ: «Une convergence – qu'ils nous disent – des réformes de différents ministères, mais le plan de match reste secret.» Au moment où on se parle, les maires des municipalités, les préfets disent: «Le plan de match du gouvernement reste secret.» On en avait une démonstration, le projet de loi n° 150 est déposé, il y en a d'autres à venir, mais on sait que, éventuellement, ça fera un tout dans chacune de nos régions.

«L'UMRCQ sent la grogne dans les milieux qui s'inquiètent des impacts de nombreuses réformes que le gouvernement concocte actuellement.» C'est les maires qui disent ça, Mme la ministre. Fusion des commissions scolaires, transport intégré. Je sais que vous avez fait allusion tantôt... Vous avez dit: Les députés de l'opposition tentent de tout mêler. C'est les maires, au nom de leurs citoyens, qui vous disent: Nous nous inquiétons parce que le projet du gouvernement, ça semble concocté en secret et il semble vouloir tout mêler en même temps sans nous donner toute l'information nécessaire pour comprendre.

«La révision du pacte fiscal Québec-municipalités, développement local et régional, réorganisation des services gouvernementaux – ç'en est déjà pas mal, ça, ç'en est qu'on n'avait même pas mentionnés que je mentionne aujourd'hui – en région, redécoupage territorial, toutes des réformes qui auront des conséquences sur la gestion des municipalités, sur les services aux citoyens, qui se font en catimini, par étape, sans qu'on nous expose, à nous, contribuables et gestionnaires de fonds publics locaux, quel est le plan d'ensemble.»

M. le Président, je sais que vous êtes sensible à ce que je fais ressortir aujourd'hui, parce que probablement que des gens dans votre milieu vous en ont fait part aussi. Je sais très bien que vous allez fréquemment dans votre comté et qu'il n'est pas si différent de celui que je représente, comme celui de la députée de Mégantic-Compton et celui d'autres députés en région. Ce sont des pans de mur de notre société que le gouvernement manipule comme si c'étaient des briques de Lego. M. le Président, je pense que c'est des gens qui le vivent sur le terrain.

Je voudrais tout simplement rappeler à Mme la ministre que nous allons tous ensemble, dans cette Assemblée, en rapport avec ce qui se prépare comme décentralisation, comme désorganisation des services du gouvernement du Québec, comme tentative de transférer des responsabilités dans chacune des régions, d'une part... C'est tout à fait normal que ça puisse inquiéter le payeur de taxes, le travailleur, aussi bien dans les régions que dans les centres urbains. M. le Président, je pense que je n'ai pas à faire d'autres démonstrations que celle-là.

(21 h 40)

Je reviens. Mme la ministre a compris. Je pense qu'on est fiers, je suis personnellement fier d'avoir attiré son attention sur l'inquiétude que nous avions et qui était tout à fait fondée. Elle a précisé, elle a ajouté de l'information, et je sais très bien qu'elle est de bonne foi. Il y a une partie du projet de loi – on n'a pas à y revenir – qui était attendue, qui était nécessaire et je suis en accord avec elle quand elle dit: Nous avons des partenaires qui sont en accord avec le projet de loi n° 150. Oui, sur une partie du projet de loi.

Ils sont comme nous: sur l'autre partie, il y a un vide, c'est une inconnue, l'impact qu'aura le projet de loi n° 150 sur les réformes que propose Mme la ministre, parce qu'on sait très bien que d'autres ministères et d'autres ministres ont d'autres projets de loi à déposer. Certains le sont, certains seront annoncés d'ici l'automne, et c'était le but du député de Richmond de demander le report, pour que nous puissions, ici, membres de l'Assemblée nationale, faire l'analyse dans une période donnée, tous ensemble, de l'impact de chacun de ces projets de loi. Donc, M. le Président, je vous remercie de l'attention que vous m'avez portée, et c'était le point que je voulais faire. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. Nous allons maintenant céder la parole au député de Bellechasse. M. le député.


M. Claude Lachance

M. Lachance: Merci, M. le Président. Le 15 mai dernier, la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité, la députée de Hochelaga-Maisonneuve, nous déposait un projet de loi majeur, Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail. Ce projet de loi était attendu depuis déjà plusieurs semaines, pour ne pas dire depuis déjà plusieurs mois. J'aurais espéré que ce soir on puisse procéder avec célérité, étant donné que ce projet de loi, à mon avis et de l'avis des gens que je côtoie régulièrement, devrait franchir les différentes étapes qui sont prévues dans notre règlement le plus rapidement possible, sauf qu'il faut bien se rendre à l'évidence que, pour des raisons tactiques, j'imagine, parce que nous avons entrepris la période de session intensive, l'opposition officielle a décidé de ralentir les travaux.

J'ai été surpris de constater que le député de Richmond, il y a quelques minutes, déposait une motion de report de trois mois, alors que tout le monde sait fort bien, quand on connaît les règles parlementaires, que, avec la majorité ministérielle et en souhaitant la collaboration de l'opposition, ce projet de loi là a de fortes chances, de toute façon, d'être adopté. Alors, pourquoi retarder la procédure en utilisant un vocabulaire qui, me semble, est assez familier dans la bouche de nos amis d'en face? On a parlé de craintes, on a parlé d'appréhensions, on a parlé d'inquiétude; bien, ce sont des mots, de la part de nos amis fédéralistes, qu'on retrouve souvent. Nos amis d'en face ont un vocabulaire parfois de frileux où on sent qu'ils ont besoin d'une paire de bretelles et puis d'une ceinture pour attacher leurs culottes. Alors, je n'aurais pas pensé que dans un projet de loi comme celui-ci on se retrouve avec un argument comme celui-là qui, somme toute, est assez facétieux.

M. le Président, je vais très rapidement vous faire état d'une expérience que j'ai vécue dans une vie antérieure à titre de maire et de préfet de comté, et j'en prends témoin ici le père de la loi 125, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, l'actuel président du Conseil du trésor, qui, en 1978-1979, avait fait adopter une pièce législative extrêmement importante, et cette pièce, c'était finalement de mettre en place tout ce qu'il fallait pour en arriver à avoir une nouvelle structure qui a fait ses preuves depuis, les MRC. Or, si on se souvient, nos amis d'en face, nos amis qui sont frileux, qui ont besoin d'une paire de bretelles et puis d'une ceinture, ils avaient voté contre la loi 125. Ils avaient fait même une obstruction systématique. Ils avaient fait ce qu'on appelle une obstruction de tous les temps et ils avaient même promis que, le jour où ils reviendraient au pouvoir, ils allaient abolir les MRC.

Je pense, M. le Président, que, vous-même, à ce moment-là, vous étiez dans le monde municipal, et mon prédécesseur, tantôt, le député de Montmagny-L'Islet, était maire de Saint-Adalbert, dans le comté voisin de chez nous, dans la MRC de L'Islet, et il a été mis au parfum de ce qui se discutait à l'époque. Sauf que, lorsque le Parti libéral a pris le pouvoir en 1985, ils se sont rendus compte que la structure était tout à fait justifiée et que les maires voulaient la conserver. Aujourd'hui, quand on arrive avec ce que la ministre nous propose, la mise sur pied de centres locaux de l'emploi, et éventuellement on aura aussi les centres locaux de développement, c'est sur le territoire des MRC que ça va se faire, donc à une échelle humaine, à une échelle de territoires d'appartenance, où les gens sont capables de se retrouver.

Alors, ça m'étonne de constater ce soir qu'on dise qu'il n'y a pas urgence, qu'on dise que c'est prématuré, comme le disait la députée de Saint-François, alors que, pour les gens concernés, les gens qui ont des problèmes dans le domaine de l'emploi, pour ces gens-là, le temps est précieux. Ils ont hâte qu'on arrête de taponner, qu'on passe à l'action, et personnellement j'ai la profonde conviction que le projet de loi apporte un certain nombre de réponses à leur questionnement en guise d'efficacité et d'efficience.

M. le Président, j'entendais tantôt le député de Richmond nous reprocher d'avoir, comme il disait de façon dérisoire, sommeté et en même temps il disait que ça bougeait de partout. Je pense qu'il faut qu'il se fasse une idée: ou bien ça ne bouge pas ou bien ça bouge, mais on ne peut pas faire les deux choses en même temps. Alors, on voit bien que les arguments sont plus ou moins sérieux. Si ça bouge tant à l'heure actuelle, c'est peut-être parce que ça n'a pas assez bougé pendant les neuf ans que le Parti libéral a été au pouvoir.

Alors, M. le Président, en terminant, je voudrais dire amicalement à nos amis libéraux, nos amis de l'opposition officielle, qu'il n'y a pas de votes à gagner en ralentissant le processus législatif. Je pense que ce qu'il faut avoir à l'esprit, c'est le bien-être, c'est ce que les gens attendent dans les différents milieux où ils ont besoin de services gouvernementaux, où ils ont besoin qu'on leur donne un coup de pouce puis qu'on soit efficace au lieu de s'épivarder dans des dizaines et des dizaines de programmes où ils ne savent pas trop quel bord prendre. Alors, il faut mettre ça en place le plus vite possible de façon à ce que la ministre soit bien préparée pour que le 1er janvier 1998 les centres locaux de l'emploi soient en place et que tout ça fasse en sorte qu'on réponde véritablement aux besoins de la population qui en a le plus besoin. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Bellechasse. Nous allons maintenant céder la parole au leader adjoint de l'opposition et député de Châteauguay. Alors, M. le député et leader adjoint.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: C'est avec plaisir que j'interviens sur la motion de report de mon collègue, M. le Président, et je dois avouer que cette motion qui a suivi l'allocution que j'ai prononcée sur le principe me semble aller dans une continuité avec ce que je disais un peu plus tôt. Finalement, lorsqu'on regarde tout ça, on s'inspire même de notre règlement, M. le Président. Lorsque je parlais cet après-midi, je rappelais justement quel est l'objet lorsqu'on discute sur le principe. J'appelais l'article 239 qui nous dit que «le débat porte exclusivement – et c'est pour ça qu'on ne peut pas déborder sur d'autres choses, par exemple, j'entends un peu les collègues d'en face nous parler du Bloc québécois, la ministre l'a fait ce matin, utiliser ce débat sur le principe pour essayer de dire que le Bloc québécois était utile; quelle impertinence, je dirais, M. le Président – sur l'opportunité du projet de loi, sur sa valeur intrinsèque, ou sur tout autre moyen d'atteindre les mêmes fins».

(21 h 50)

Ce que je disais cet après-midi, c'est qu'il était excessivement difficile de pouvoir débattre de l'opportunité du projet de loi, de sa valeur intrinsèque lorsqu'il nous manque un tas d'éléments autour. Ça ne serait peut-être pas si grave si les éléments autour n'avaient rien à faire avec le projet de loi, mais c'est qu'il y a des éléments autour qui doivent, si on suit le principe exposé par la ministre, s'imbriquer les uns avec les autres. Alors, lorsqu'on regarde ça et qu'on est devant cette constatation...

C'est ce que je disais cet après-midi. Normalement, ce que les Québécois cherchent, lorsqu'on regarde la formation, lorsqu'on regarde la façon de joindre éducation et emploi, éducation, économie régionale, comment on peut former notre monde adapté à la région... Qu'est-ce que les gens cherchent? Ils cherchent à ce qu'il y ait comme des roues d'engrenage, les unes qui s'imbriquent dans les autres. Et il faut que tout soit bien ajusté parce que sinon, M. le Président, tout déraille. Et l'idée qui avait été amenée avec la SQDM, c'était justement cette roue d'engrenage excessivement bien adaptée, souple, qui correspondait au milieu.

Là, on arrive avec le Parti québécois. On l'a déjà dit, deux ans un peu à faire autre chose que ce qu'ils auraient dû faire, et là, tout à coup, il y a un tas de réformes dont on peut dire: Ou bien c'est improvisé et on ne sait pas où ça s'en va et, jusqu'à un certain point, c'est irresponsable, ou bien il y a un petit truc là-dedans, c'est qu'on y va à la pièce. Eux autres savent, au sein du Conseil des ministres, où ils s'en vont, mais ils ne nous le disent pas, à nous, et ils ne le disent pas non plus à personne dans la communauté. Personne au Québec n'est au courant du plan de match. Le grand jeu? Personne ne le sait.

Et, nous, on se lève au principe, et la motion de report, c'est un peu ça, d'ailleurs... Il n'est pas étonnant de voir que c'est l'article qui suit, 240, M. le Président, qui vient dire justement, lorsqu'on discute du principe et qu'on a des difficultés avec 239 à établir sur le principe: Vous pouvez faire une motion de report. C'est ce qu'on fait. On vient dire au gouvernement: C'est difficile de savoir où vous allez. Peut-être qu'ils le savent, eux. Mais, M. le Président, on sait, parce que Jacques Parizeau l'a écrit, quelle est la ligne de conduite du gouvernement du Parti québécois. Je vous cite rapidement un extrait du livre: «Ceux qui parlent ne savent pas; ceux qui savent ne parlent pas.» Ceux qui savent de l'autre côté, M. le Président, ne parlent pas, ne nous donnent pas l'ensemble des explications, ne nous donnent pas le portrait global.

Ma collègue de Saint-François parlait d'une pièce du casse-tête. Il est possible qu'il y ait une grande image; enfin je l'espère. Si le gouvernement n'a pas l'image du projet global qu'il veut faire, c'est complètement irresponsable d'agir de la main gauche et que la main droite ne sait pas ce qu'elle fait. J'espère qu'ils savent ce qu'ils font. Je dénonce qu'ils ne nous le disent pas, mais j'espère qu'ils savent ce qu'ils font.

Alors, on a devant nous, et je reviens là-dessus... Si, pour avoir des roues d'engrenage, les unes qui s'imbriquent dans les autres, si ce projet-là, il pouvait être une structure pivot qui permet de mettre en interrelation différentes organisations et différents secteurs d'intervention étatique, où sont les autres secteurs aujourd'hui? La ministre de l'Éducation – éducation, emploi, formation, ça devrait être assez relié, ça, on imagine; c'est ce que les Québécois cherchent – où en est-elle rendue dans ses réformes? Et je ne vais pas aborder ici l'ensemble des bouleversements qui sont entraînés dans la société par la ministre de l'Éducation aujourd'hui, notamment en termes de valeurs de liberté qu'elle attaque constamment, la liberté, les choix, l'alternative qu'on a donnés à tous les Québécois. Je n'en parlerai pas. Je vais m'intéresser simplement, M. le Président, à ce qu'on peut considérer comme important lorsqu'on regarde les cartes des commissions scolaires, comment ça s'établit, le territoire de référence.

Si on est pour se dire ici, puis on est d'accord des deux côtés, que le territoire de référence, c'est quelque chose d'excessivement important parce qu'on veut faire coller la formation au milieu, si on veut que ça colle au milieu, il faudrait qu'on ait un milieu adapté. Il ne faut pas qu'on ait un milieu difforme, il ne faut pas qu'on ait un territoire de référence où il n'y a pas d'homogénéité. On s'entend là-dessus, c'est clair. Or, M. le Président, la ministre nous dépose une proposition de structures, je le disais un peu plus tôt: création de ministère, de commission, on crée des sous-groupes. Qu'en est-il du lien avec le territoire de référence? Avec le territoire de référence de l'éducation, si je prends la parole – et c'est ce que le règlement me force à faire – de la ministre de l'Éducation, elle me dit qu'elle n'a pas encore d'idée sur le territoire de référence parce que c'est en consultation.

Moi, les citoyens du comté de Châteauguay m'ont envoyé ici, M. le Président, à l'Assemblée nationale, comme législateur, et je considère dans mon mandat de pouvoir essayer de lire quelle est la volonté du gouvernement et je suis obligé de dire à la ministre: Mais il manque un morceau. Votre collègue la ministre de l'Éducation ne sait pas où elle s'en va, n'a pas encore pris sa décision. Moi, de ce côté-ci, honnêtement, M. le Président, je ne peux rien faire d'autre, à moins que la ministre de l'Éducation n'ait pris sa décision et que sa consultation soit bidon et que ceux qui savent ne parlent pas. Ah! ça, c'est possible, M. le Président, c'est possible. Mais, pour l'instant, pour moi et pour les gens qui sont à l'extérieur de ces murs, qui nous regardent à la télévision, c'est impossible de le savoir. Ça, c'est une chose.

La ministre disait que tout le monde au Québec salue son projet de loi. Oui! Je ne demande qu'à la croire, sauf que, lorsqu'on regarde en détail – c'est notre travail de faire ça – ce qui est proposé, est-ce qu'on sait où on s'en va? Est-ce que les gens, les groupes communautaires notamment, qui ont à surveiller les développements de la réforme de la sécurité du revenu, laquelle, à moins que je ne me trompe, n'a pas encore abouti – à moins que je ne me trompe – dont on se demande d'ailleurs si la ministre est toujours intéressée à la faire aboutir... On ne le sait pas. Est-ce que ce sera la ministre présente ou une autre qui lui succédera? On l'ignore, on ne le sait pas. Mais où ça va aboutir, tout ça, M. le Président? Comment on va harmoniser les relations entre les deux? Comment les roues d'engrenage – parce que c'est ça, la question – vont pouvoir fonctionner ensemble lorsqu'on aura à débattre des structures, parce que, jusqu'ici...

Puis je peux vous faire un discours d'une heure, M. le Président, sur la vertu de la tarte aux pommes, savoir ce qui serait bon pour la société, les programmes, comment il faut harmoniser. Je peux faire des discours d'une heure, de deux heures, la ministre aussi, tout le monde aussi peut faire des discours comme ça. L'action qui compte, ce que les Québécois cherchent, c'est, dans le concret, l'action sur le terrain demain matin. La structure qu'on met sur pied, qu'est-ce qu'elle va faire? Quels sont les programmes qu'elle va administrer? Comment elle va faire les liens avec les gens de l'Éducation?

Je prenais un exemple cet après-midi, je vais le répéter parce que ça me semble tellement important. La députée de La Prairie vient dans la ville de Beauharnois, qui est le comté de Beauharnois-Huntingdon, de mon collègue, ville de Beauharnois. Il y a la commission scolaire des Moissons qui est là. La commission scolaire des Moissons avec la commission scolaire de Châteauguay, qui est dans mon comté, se sont mises ensemble et ont présenté un projet pour la formation professionnelle. Domaine: l'horticulture. Vous allez me dire: Pourquoi l'horticulture? Bien, parce que ça colle à la réalité de mon comté et de celui de mon collègue. L'horticulture, formation professionnelle adaptée à la réalité. C'est pour ça. C'est bien logique et ça fonctionne.

Le problème, c'est que la députée de La Prairie est venue à Beauharnois nous annoncer, justement, que le gouvernement acceptait le projet d'horticulture. Mais la députée de La Prairie, qui est voisine de mon comté, elle, elle a la commission scolaire du Goéland et, lorsqu'elle est venue faire l'annonce, elle est venue dire: Ah! vous, c'est l'horticulture; chez nous, c'est la métallurgie et la mécanique. Sauf, M. le Président, que, dans la fusion des commissions scolaires, même si la commission scolaire de Châteauguay a déjà de nombreux partenariats avec celle des Moissons parce que la réalité économique du terrain correspond, elles sont assez homogènes l'une avec l'autre, devinez où la ministre de l'Éducation a envoyé la commission scolaire de Châteauguay? Évidemment, pas avec celle des Moissons, M. le Président, ça aurait marché, ça. Elle l'a envoyée avec le Goéland, là, pour faire en sorte que la commission scolaire de Châteauguay ne soit plus, n'ait plus un territoire de référence homogène.

Alors, Mme la ministre de l'Emploi, je lui dis: C'est beau, vos structures. Je regarde tout ça, on a fait la liste des CLD, CLE, CMPTR, et puis il y en a je ne sais plus combien, on a fait le tour. Je me dis: Comment ça marche avec la ministre de l'Éducation? Moi, je veux bien qu'on ait une formation adaptée à ma région, mais pourquoi on ne respecte pas la réalité de mon comté, pourquoi on ne tient pas compte de la réalité d'aujourd'hui? Deux commissions scolaires qui sont ensemble, se mettent aujourd'hui ensemble – tu sais, on peut inventer toutes les économies qu'on peut faire avec les fusions, mais il faut s'ouvrir les yeux – ça marche en ce moment, elles se parlent, ces commissions, elles s'entendent, elles développent des projets ensemble, et là on les divise et on les envoie chacune de leur côté. Comment on va réussir, avec ce territoire de référence, à avoir toutes les clés qu'on voudra, M. le Président, toutes les «CLE» qu'on voudra...

Une voix: Les CLE.

(22 heures)

M. Fournier: Elles n'ouvriront jamais les bonnes portes, M. le Président, jamais, parce qu'on se trompe d'adresse lorsqu'on décide de choisir le mauvais territoire de référence.

Alors, moi, je vous dis: Mon collègue présente une motion de report, pas aux calendes grecques, pas aux calendes grecques, motion de report, M. le Président, pour qu'on sache enfin ce qui se passe à l'Éducation, ce qui se passe aux Affaires municipales. Ah! ça, M. le Président, aux Affaires municipales, trois mois, ce n'est peut-être pas assez pour savoir ce qui se passe, mais au moins pour qu'on ait une idée. Le ministre des régions aussi, qui aurait son mot à dire. Est-ce qu'il n'est pas possible, un jour, d'espérer... Puis j'oserais vous dire le ministre des Transports, qui a aussi un impact, mais on n'en entend pas trop parler, mais qui a un impact dans tout ça, quand on va parler du territoire de référence.

Nous autres, tout ce qu'on souhaite ici, parce qu'on veut, on veut, nous, que les gens qui sont sur la sécurité du revenu, comme ceux qui sont chômeurs, puissent bénéficier d'une formation qui va permettre une réinsertion en emploi, qui va permettre... Évidemment, ce n'est pas le débat ici. Encore faut-il que le gouvernement pense, un jour, à un moment donné... Si jamais ça vous vient à l'esprit de commencer à avoir un plan d'action pour créer de l'emploi, ça, ça serait utile. Ça viendra peut-être plus tard, dans les prochaines promesses électorales. C'est peut-être ce qu'ils vont nous dire. Il faut faire attention parce qu'ils n'ont pas beaucoup l'habitude de les respecter, les promesses.

Je termine là-dessus, M. le Président. Nous sommes d'accord pour qu'on puisse faciliter la vie des gens. Nous aimerions que le gouvernement commence à nous donner une idée, un aperçu du plan global qu'il doit avoir. S'il ne l'a pas, c'est irresponsable. Et, puisqu'il l'a, j'imagine, ce serait peut-être bon qu'il commence à partager avec nous ce que ça représente. Un peu plus de transparence, ce serait utile pour le Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Châteauguay et leader adjoint de l'opposition officielle. Nous cédons maintenant la parole au député de Taschereau. Alors, M. le député.


M. André Gaulin

M. Gaulin: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord commencer en disant que je suis, moi aussi, comme beaucoup d'autres députés de la formation gouvernementale, très étonné de voir que les libéraux, les membres de l'opposition officielle nous demandent de retarder le projet de loi qui est devant nous, le projet de loi n° 150, d'autant plus qu'ils nous ont souvent parlé, eux, en termes d'emploi, de nécessité d'en créer très vite. Chaque matin que Dieu amène, le chef de l'opposition officielle se lève et intervient là-dessus. Constamment, d'ailleurs, les gens de l'opposition officielle, à la période des questions, et c'est leur fonction, c'est leur rôle, nous somment constamment d'aller vite, d'agir vite, de faire rapidement des choses, de répondre rapidement à des besoins. Mais je suis obligé de constater que, depuis presque trois ans que je suis à l'Assemblée nationale, ils sont toujours peu pressés de faire adopter les grandes politiques du gouvernement, les grandes politiques que nous avons fait adopter depuis que nous sommes là.

J'écoutais tout à l'heure le député de Châteauguay nous dire que nous ferions des promesses électorales. Nous avons, oui, nous, une plate-forme électorale, nous en avons respecté au moins 80 %...

Une voix: ...

M. Gaulin: Je vous ai écouté, M. le député de Châteauguay. Quand on les dérange, ils parlent.

Nous avons une plate-forme électorale, mais nous avons aussi un programme. Et pour le programme, chez les libéraux, c'est plutôt, pas la plate-forme, mais la forme plate, ce n'est pas épais.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gaulin: Pourtant, nous savons, M. le Président, qu'il y a au Québec 800 000 chômeurs et gens qui vivent sur la sécurité du revenu. C'est quelque chose qui est assez tragique. J'entends parfois la députée nous le rappeler, celle qui est la vis-à-vis du ministre de la Santé, ou celle qui est la vis-à-vis de la ministre de la Solidarité.

Une voix: Mme Harel.

M. Gaulin: C'est ça.

Une voix: Saint-Henri–Sainte-Anne.

M. Gaulin: Alors, je peux taire le nom des députés, je ne veux pas leur faire de publicité!

Alors, M. le Président, ce qu'il faut se demander, c'est: Qu'est-ce que nous faisons, nous, pour répondre aux besoins qui sont là? Je pourrais donner comme exemple, par exemple, que, aujourd'hui même, dans la capitale nationale s'est créé un nouveau carrefour jeunesse-emploi pour la Commission de la capitale nationale grâce à, justement, l'aide la ministre, Mme Harel – enfin, la ministre de la Solidarité, que nous remercions – et qui va pouvoir répondre aux besoins de 43 000 jeunes âgés de 15 à 34 ans. La ministre accorde une subvention de 367 000 $. Voilà de la concertation qui se fait dans le centre de la capitale.

Des voix: Bravo!

M. Gaulin: En fait, le rôle du gouvernement, c'est de faire des lois. Le rôle de cette Assemblée, d'ailleurs, c'est de faire des lois. Le rôle de l'opposition, certes, c'est de s'opposer, mais d'une certaine manière, parce qu'il faudrait peut-être leur rappeler que, depuis que nous sommes ici, ils ont constamment demandé qu'on reporte des lois. Je pourrais citer l'assurance-médicaments, mais je vais simplement rappeler le virage ambulatoire. Virage ambulatoire qu'ils ont refusé, au fond, à leur ancien ministre de la Santé et des Services sociaux, le député de Charlesbourg, à l'époque. C'était aussi le député de Charlesbourg. Lui n'a pas réussi parce qu'on a fait un blocage. On l'a empêché de le faire. Il a fallu faire le virage un peu plus prononcé, hein? Pendant qu'ils auraient dû faire ce virage, contrôler les dépenses publiques, entre autres, et améliorer les conditions de santé et de services sociaux, ils dépensaient 2 000 000 000 $, 3 000 000 000 $, 4 000 000 000 $ et jusqu'à 6 000 000 000 $ de plus que ce qu'ils avaient dans leurs poches. Alors, le rôle du gouvernement, c'est donc de légiférer, et il le fait en fonction d'une architecture, c'est-à-dire d'un programme, d'une conception, d'une vision du Québec que, nous, de ce côté-ci, nous avons.

Je ne sais pas ce qui fait peur, ici, aux gens de l'opposition officielle. Ils ont ce que j'ai appelé – puisqu'ils ont dit qu'on a référendé – leur exercice préféré, c'est la procrastination, c'est-à-dire l'atermoiement, la remise à demain. Il y a au moins deux fois où j'ai eu l'occasion de le dire en commission, ils m'ont demandé de retirer mes paroles. Alors, ce n'était pas une injure, puisque c'était tout simplement la remise à plus tard. Le rôle que doit jouer l'opposition est un rôle dynamique et non pas un rôle statique, et, en l'occurrence, dans le cas de la loi n° 150, je ne sais pas s'ils ont acquis une sorte de syndrome, puisque 150, le député de Rivière-du-Loup nous le rappelait ce matin, ça leur rappelle peut-être la remise à demain éternelle du référendum qu'ils devaient faire sur la souveraineté. Alors, c'est peut-être pour ça, au fond, qu'ils nous demandent de reporter cette loi.

Je pense, M. le Président, que nous devons supporter le gouvernement et faire en sorte que la loi n° 150 soit une loi qui soit adoptée le plus rapidement possible, puisque cette loi veut répondre à des besoins. Il faut éviter, quand on fait des lois, l'esprit de scrupule, c'est-à-dire de vouloir faire la loi la plus parfaite possible. J'écoutais tout à l'heure le député de Montmagny-L'Islet qui laissait entendre qu'on avait pas assez précisé des choses. Des lois, on les fait et, quand il y a des imperfections dans ces lois, on les refait par la suite. C'est comme un vêtement, on peut toujours recoudre un bouton, réparer quelque chose. On voit à l'usure ce qui se passe. Alors, dans le cas de la Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, c'est une loi qui s'impose rapidement, et je pense que c'est pour le bien-être de nos concitoyens et concitoyennes qui actuellement attendent de toute leur ardeur cette loi de la part du gouvernement pour qu'il y ait davantage de concertation et davantage de solidarité dans la société québécoise. Merci, M. le Président.

(22 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Taschereau. Nous cédons maintenant la parole au député de Saint-Hyacinthe. Alors, M. le député.


M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, M. le Président. Ça me fait vraiment plaisir de parler aujourd'hui sur ce projet de loi, la Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail. Mon objectif, M. le Président, c'est un peu de remettre les choses dans leur perspective.

Tout à l'heure, j'étais tout à fait surpris d'entendre le député de Châteauguay dire: Mais le gouvernement doit bien avoir certains plans secrets que personne ne connaît, et c'est pour ça qu'on veut avoir plus de temps pour qu'il finisse par nous dire ce qu'il pense, le gouvernement. Quand on sait que ça fait à peu près un an et demi qu'on parle de ces choses-là à l'Assemblée nationale, sous différentes façons, qu'on sait que le gouvernement a publié un livre blanc sur ces questions-là qui a été largement discuté par les partenaires... On sait que les partenaires, maintenant, applaudissent l'arrivée de ce projet de loi. Mme la ministre nous a parlé tout à l'heure de tous les organismes qui sont les leaders dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre et de l'emploi et qui ont salué, avec beaucoup de satisfaction, l'arrivée de ce projet de loi. Quand je sais que... Sur le terrain, quand je parle avec les gens chez nous, qu'est-ce qu'ils me disent? Mais quand est-ce que vous allez mettre ça en place? Quand est-ce que vous allez organiser, structurer le rassemblement des forces vives du milieu, qui déjà ont commencé à travailler ensemble?

Alors, peut-être que, pour nos amis de l'opposition, ils ne se rendent peut-être pas compte de ça. Peut-être qu'ils vivent sur une autre planète. Ils ne voient pas ce qui se passe sur le terrain, et puis ils sont encore dans des discussions théoriques, dans leur tour d'ivoire. Ils devraient descendre un peu sur le vrai terrain, sur le plancher des vaches et voir ce qui se passe, M. le Président, et ils verraient que, probablement, chez eux, c'est comme chez nous. Probablement que, chez eux aussi, les gens travaillent ensemble et ils ont hâte que toute la situation se simplifie.

Vous savez, on a tout près de 300 bureaux qui comportent les bureaux du centre Travail-Québec, Direction des ressources humaines Canada, Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, et presque autant de règlements, de normes, de programmes et des budgets séparés, ce qui fait que ces gens-là qui sont sur le terrain, les fonctionnaires, font de leur mieux pour aider les gens, pour collaborer au désir des gens d'avancer, de développer leur propre personnalité et se rendre plus capables de jouer un rôle dynamique dans la société, mais c'est compliqué. Ça dépend de quel budget on dépend. Est-ce qu'on dépend du budget de la Direction des ressources humaines Canada? Est-ce qu'on dépend du budget du centre Travail-Québec? Est-ce qu'on dépend du budget de la SQDM? Alors, c'est compliqué terrible. Chaque budget a ses normes, chaque budget a ses programmes et les gens se débrouillent comme ils peuvent, mais c'est compliqué, c'est difficile.

Alors, quand je le regardais parler, ça me replongeait dans la situation qu'on a connue il y a environ cinq ans. Vous vous souvenez, M. le Président, la fameuse trouvaille de Charlottetown, où on avait dit: Bon, on va le régler, le problème. Parce que, au plan constitutionnel, on n'arrive pas à se mettre d'accord, alors on va proposer une mécanique pour régler les questions par arrangements administratifs. C'était génial, M. le Président. C'était absolument génial. On réglerait maintenant les questions par des arrangements administratifs.

Évidemment, ça a été rejeté par la population. Parce que, à ce moment-là, c'était il y a cinq ans, et, il y a cinq ans, on pouvait expliquer aux gens que ça faisait au moins 10 ans qu'on essayait de faire un arrangement administratif; alors que le Québec était unanime, on essayait de faire un arrangement administratif avec le fédéral, M. le Président, et ça ne marchait pas. À chaque référendum, à chaque élection, on nous promettait que c'était pour le lendemain. Bien, là, M. le Président, à la veille des élections fédérales, enfin après 15 ans de discussions, on a un arrangement. Formidable, M. le Président! C'est un arrangement qui vaut pour trois ans. Extraordinaire! On a négocié 15 ans, on a un arrangement qui vaut pour trois ans, qui peut peut-être, soyons honnêtes, M. le Président – on l'est toujours – valoir pour cinq ans.

Alors là, nous, on se dépêche de bouger, parce qu'on sait qu'on a des gens sur le terrain qui sont pleins de bonne volonté et qui veulent réaliser des choses pour les sans-emploi qui veulent trouver leur place dans la société, M. le Président. Alors on se dépêche. On a pensé à ça depuis un an et demi: on a préparé le terrain, on a un projet de loi qui a été longuement mûri, qui est prêt, et on est prêt à l'adopter, on est prêt à passer en commission pour l'étudier article par article.

Mais là, le vertige. Nos amis de l'opposition ont attrapé le vertige. Ils voient que ça bouge un peu trop vite pour eux. Vous savez, quand on a été 10 ans à lambiner, 10 ans à ne pas faire grand-chose, bien, quand ça commence à bouger, c'est énervant. Alors ils sont tout énervés.

Je comprends que, pour les libéraux fédéraux, ça prend 15 ans à négocier une entente administrative qui vaut pour cinq ans. Pour les libéraux provinciaux, eh bien, imaginez-vous, adopter une loi dans une session, ce n'est pas pensable! Alors, M. le Président, je vais leur demander humblement, amicalement, d'être un peu plus sérieux. Les gens sur le terrain, ils attendent des solutions, ils veulent que ça avance un peu plus vite.

Chez nous, à Saint-Hyacinthe, ça fait au moins un an, malgré la complication des normes différentes, malgré la complication des programmes différents, malgré la complication des budgets différents, que le centre Travail-Québec, la Direction des ressources humaines Canada, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre ont formé un comité, de bonne foi, pour travailler ensemble. Magnifique! Mais il reste que c'est compliqué quand même: ils sont obligés de passer par telle norme qui ne convient pas avec tel autre programme et dire aux gens: Non, va à l'autre bureau qui est là-bas. Maintenant, avec la formation du ministère, la formation des CLE, la formation du guichet unique, c'est fini, ces folies-là. Les gens sauront qu'on est là pour les servir, pas pour leur dire: Va à l'autre bureau; non, ce programme-là ne te convient pas, ce serait l'autre programme, mais, l'autre programme, c'est la Direction des ressources humaines Canada ou c'est la SQDM. Non, ils auront tout à la même place. C'est ça qu'on veut faire. On veut faciliter les choses pour que les gens de bonne volonté, qui sont engagés, qui sont des fonctionnaires désireux de servir la population, on veut leur faciliter les choses pour qu'ils donnent aux gens la possibilité de prendre leur place sur le marché du travail.

M. le Président, je pense qu'au lieu de décrier, au lieu de discréditer, au lieu d'essayer de gagner du temps, pourquoi ne pas collaborer? Pourquoi ne pas adopter le plus rapidement possible cette loi-là pour que toute la mécanique se mette en place pour que ces gens-là puissent travailler plus efficacement? Ce sont eux qui le demandent. Ce sont les gens du terrain qui le demandent et qui attendent avec impatience.

L'autre jour, il y a moins d'une semaine, je rencontre le directeur des ressources humaines Canada à Saint-Hyacinthe, tout rayonnant. C'était la première fois que je le rencontrais depuis le dépôt du projet de loi. Il était heureux, très heureux, parce qu'enfin... Lui, son problème, ce n'était pas de savoir lequel va être le directeur de l'autre. Il s'en foutait. Ce qui l'intéressait, c'est que ce soit efficace et qu'enfin les sommes d'argent servent à ce pourquoi elles sont votées, c'est-à-dire à faire en sorte que chaque Québécoise et chaque Québécois trouve sa place sur le marché du travail et puisse rendre à la société les services et les devoirs et les responsabilités qu'il veut rendre. Alors, M. le Président, qu'on arrête de perdre du temps et qu'on adopte la loi au plus vite. Merci, M. le président.

(22 h 20)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Nous allons maintenant céder la parole au whip en chef du gouvernement et député de Laviolette. M. le député, je vous rappelle que le temps écoulé maintenant pour le parti gouvernemental est de 53 minutes sur 60. Donc, il vous reste une intervention de sept minutes, maximum. M. le député.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci M. le Président. Je ne suis pas surpris de voir le Parti libéral adopter une telle façon d'agir. Ce n'est pas la première fois en 21 ans, dans le contexte de pouvoir, que je vois le Parti libéral prendre de telles décisions. On peut deviner les raisons pour lesquelles ils ont décidé de le faire, mais j'essaie de savoir la sincérité de leur décision. Ils avaient, à un certain moment donné, décidé d'appuyer un tel projet, semblaient, en tout cas, vouloir appuyer un tel projet. Il ne semblait pas y avoir de problème. Pour une raison qui est la leur, ils ont décidé de commencer à faire parler du monde, une douzaine de personnes. En cours de route, ils ont décidé de prendre le moyen qui est permis par le règlement, c'est-à-dire de faire une motion de report, puis, au moment où la motion de report est faite, c'est un deux heures de plus de perdu pour, finalement, arriver tout à l'heure au niveau du vote, où on aura à continuer le débat ou à prendre d'autres décisions. Mais, chose certaine, c'est que nous avons l'intention de passer ce projet de loi, et les libéraux ont décidé, pour une raison qui leur appartient, de faire l'inverse. Je voudrais juste leur rappeler que, dans des régions comme la mienne, il y a des gens qui attendent avec impatience qu'on règle une fois pour toutes ces imbroglios dans lesquels ils sont placés, tous les chevauchements dans lesquels ils sont placés.

Je me souviens, à l'époque où le Parti conservateur était au pouvoir à Ottawa, on avait un député dans mon coin et on avait fait une rencontre avec tous les gens dans le milieu, à Sainte-Thècle, à une cabane à sucre qui sert des fois pour des réunions pour les gens du milieu, et on avait, tous ensemble, décidé qu'il devrait y avoir un fameux guichet unique. On a essayé de le mettre en place chez nous. On a essayé avec ce qu'on appelait le CADC de l'époque, qui est devenu la SADC ou le ministère du Québec, au niveau du Centre Travail-Québec. On a essayé de regarder comment un jeune pouvait se débrouiller dans un contexte où, s'il ne rentre pas dans une case, on essaie de le tasser dans une autre case, puis si, en cours de route, il a le malheur d'être à la fois une personne dans un couple où l'épouse travaille, n'étant plus admissible à l'assurance-chômage, n'étant pas admissible à l'aide sociale, n'ayant aucune case pour lui, se retrouvant sur le carreau, alors que cette personne-là, dans un contexte de ce que l'on doit faire, pourrait retrouver le moyen d'avoir le goût de travailler, mais aussi le plaisir de travailler...

Or, ces gens-là s'étaient posé la question il y a maintenant sept ans. Les négociations étaient en marche, on s'en souvient, on essayait de faire en sorte qu'elles aboutissent, puis, au dernier moment, au courant de l'année qui vient de s'écouler, on avait presque pensé qu'on ferait, entre le groupe Corporation de développement de Mékinac-des Cheneaux, qui s'appelait de même à l'époque, avec la SADC de Mékinac-des Cheneaux, un jumelage pour permettre aux gens d'avoir quelque chose qui était potable. Mais, pour des raisons de négociations, semblerait-il, ça a, en bon québécois, floppé.

Mais, ces gens-là, ils n'ont quand même pas lâché. Difficultés en cours de route, et allez les voir, même si la politique n'était pas en marche pour ce qu'on appelle le centre local de développement, le CLE, ils ont commencé à se mettre en marche et ont décidé de former leur propre corporation de développement dans le sens présenté par les documents qui sont devant nous maintenant. Les gens ont tellement bien fait ça qu'ils ont demandé leur accréditation. Ils ont passé ça à la MRC. Ils ont fait la réunion du monde concerné par la corporation. J'en suis membre, comme député, parce qu'ils ont accepté cette décision-là, on est 13 personnes sur la corporation. On a demandé notre accréditation avec l'appui du CRD de notre région, en sachant que même notre CRD, compte tenu de la décision de la formation d'une nouvelle région dans le Sud, était en train de se reformuler, dans la Mauricie, comme étant la nouvelle région du nord du Saint-Laurent, et les gens sont prêts.

Voilà que, ce soir, les libéraux leur disent: Messieurs dames, même si vous êtes prêts, attendez. Attendez, nous autres, nous ne sommes pas prêts. Pour des raisons qui sont évidentes, d'astuce au niveau de procédures ici, dans la mesure où ces gens-là ont décidé tout simplement de gagner du temps pour d'autres raisons que la raison principale qui nous amène à discuter du projet de loi ce soir, M. le Président.

Moi, je suis toujours abasourdi de telles choses, parce que j'ai connu une session intensive dernière qui a amené des changements à notre règlement, et je me souviens de ces libéraux-là, à une heure du matin, monter en courant ici, puis en applaudissant, puis en chantant des choses qui leur donnaient un peu l'impression d'avoir gagné. Sauf que, le lendemain, quand on leur a dit qu'on reviendrait le samedi, ils ont réglé. Ce sont des gens qui, comme ça, malheureusement, pensent qu'en reculant comme ils le font on va faire avancer le Québec. Moi, je vous dis non, M. le Président. Nous avons l'intention de le passer. Il y a une motion de report que nous allons finaliser de débattre et battre, nous allons passer à l'étude du projet de loi, nous allons continuer notre marche vers la commission parlementaire en sachant, M. le Président, que nous avons raison de répondre aux besoins de la population.

Puis, ça, allez le dire aux gens de Saint-Tite, vous autres, allez le dire, et vous allez voir qu'ils vont vous le dire, qu'est-ce qu'ils ont fait. Vous avez essayé la dernière fois, dans mon propre comté, de faire l'inverse. Vous avez perdu à 9 000 voix de majorité parce que je suis avec le monde, près du monde, puis ils savent ce qu'ils veulent, puis ils savent comment ils le veulent, puis ils savent qu'on est capables de les défendre. Et ça, il n'y a personne ici, dans cette Chambre, dans un contexte de notre propre région, qui est capable de dire l'inverse, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Jolivet: Même Jean Chrétien, dans la campagne électorale actuelle, a voulu imposer des choses. Puis regardez les journaux chez nous, la ville de Grand-Mère ayant fait volte-face contre Jean Chrétien parce qu'ils ont compris que, quand on est déconnecté de la réalité, bien, on ne réussit pas à convaincre la population, M. le Président. Et, moi, je vais vous dire: Nous avons à faire des choses pour la population et nous allons les faire.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Laviolette et whip en chef du gouvernement.

Ceci met fin à notre débat restreint sur la motion de report déposée par le député de Richmond, qui se lit comme suit:

«Je fais motion pour que la motion en discussion soit amendée en remplaçant les mots "soit maintenant adopté" par les mots "soit adopté dans trois mois".»

Alors, nous allons maintenant procéder à la mise aux voix sur cette motion de report.

Des voix: Vote nominal.

Le Vice-Président (M. Pinard): Le vote nominal est demandé. Alors, veuillez appeler les députés, s'il vous plaît, et nous allons suspendre quelques instants.

(22 h 28 – 22 h 36)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés qui sont debout, veuillez vous asseoir. Ha, ha, ha!


Mise aux voix

Nous allons mettre maintenant aux voix la motion de report déposée par le député de Richmond, qui se lit comme suit: Je fais motion pour que la motion en discussion soit amendée en remplaçant les mots «soit maintenant adopté» par les mots «soit adopté dans trois mois».

Que les députés qui sont en faveur de la motion de report déposée par le député de Richmond veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), M. Lafrenière (Gatineau), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vaive (Chapleau), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Lefebvre (Frontenac), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Mulcair (Chomedey), M. Laporte (Outremont), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce).

Le Vice-Président (M. Pinard): Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bélanger (Anjou), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve)...

Des voix: Bravo!

Le Secrétaire adjoint: ...M. Léonard (Labelle), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Charest (Rimouski), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), Mme Doyer (Matapédia), M. Julien (Trois-Rivières), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Morin (Dubuc), M. Landry (Bonaventure), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Garon (Lévis), M. Côté (La Peltrie), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kieffer (Groulx), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau).

Le Vice-Président (M. Pinard): Y a-t-il des députés qui s'abstiennent? M. le secrétaire général, le résultat, s'il vous plaît.

Le Secrétaire: Pour:30

Contre:46

Abstentions:0

(22 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): Je déclare donc la motion de report du député de Richmond rejetée.


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Nous allons maintenant poursuivre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 150, Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 150?

Excusez. Il y a trop de députés debout actuellement, je ne sais point à qui remettre le droit de parole. MM. les députés, s'il vous plaît!

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, est-ce que je vous cède la parole?

Messieurs dames, s'il vous plaît!

Je répète: À ce stade-ci, est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur l'adoption?

M. Gautrin: Oui, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, j'ai écouté avec intérêt les interventions de nos collègues ministériels sur le projet de loi n° 150 et je suis arrivé à une conclusion, c'est que le projet de loi n° 150 s'intègre complètement dans une stratégie qui est la stratégie de développement local et régional déposée par le député de Joliette et ministre responsable du Développement des régions, stratégie sur laquelle nous n'avons pas consensus, stratégie de développement sur laquelle nous ne sommes pas d'accord. Voici la raison pour laquelle, nous, de ce côté-ci, on est opposés au projet de loi n° 150. Je vais essayer d'expliquer ça d'une manière assez simple.

J'ai écouté le député de Saint-Hyacinthe dire que les gens, localement, dans le milieu, ont besoin de ce projet de loi. Alors, je vais vous demander: Est-ce qu'il y a quelqu'un parmi vous qui veut avoir des CLE, des CRD, des CAR, des CLD, des comités de partenaires régionaux? Vous êtes conscient, M. le Président, que c'est de ça qu'on parle. On ne parle pas, à l'heure actuelle, de vouloir – et ça, on est tous d'accord, ici – travailler pour faciliter l'emploi, pour faciliter la réinsertion sociale des gens qui sont sur l'aide sociale. Bien sûr que nous sommes d'accord avec ça, mais ce n'est pas de ça qu'on parle; c'est d'un amalgame bigarré de structures complexes. Alors, on va en faire le tour, si vous voulez, parce que c'est important de les voir et de les comprendre. On va voir, à l'heure actuelle, que, au niveau d'une région, vous allez avoir un CRD, c'est-à-dire un comité...

M. Létourneau: Conseil.

M. Gautrin: ...un conseil de développement régional. Merci, M. le député d'Ungava. Vous avez aussi une autre structure, un CRES, un conseil régional pour l'économie sociale. Ce n'est pas tout. Vous allez rajouter une conférence administrative régionale. Ça s'appellera la CAR. Et ce n'est pas tout; en plus de ça, vous allez rajouter une troisième affaire qui s'appelle – ça, c'est dans le projet de loi qu'on est en train de voter – le conseil régional des partenaires, un autre groupe qu'on est en train de mettre au niveau des régions. Et puis il y a encore un groupe-conseil qui est le groupe-conseil des élus ici, à l'Assemblée nationale.

Alors, vous voyez un peu cette espèce de salmigondis, M. le Président, dans lequel toutes ces espèces de conseils vont se parler les uns aux autres pour essayer de mettre de l'ordre à l'intérieur de cela. Ça serait déjà bien difficile à comprendre – c'est le premier élément – mais vous retombez au niveau local, parce que, ça, c'est au niveau régional. Alors, au niveau local, on recommence exactement le même scénario. Vous avez un CLD, un comité local de développement. Je suis sûr que tous les membres, ici, vous avez entendu vos militants dire: On veut notre CLD, on veut notre comité local de développement.

Mais ce n'est pas tout, M. le Président. En plus, vous recréez le CLE, le comité local pour l'emploi.

Une voix: Le centre.

M. Gautrin: Le problème de l'opposition n'est pas, ici, mais en aucune manière, de dire, de soutenir qu'il est nécessaire et sain que les structures de formation et les structures de l'emploi soient unies. Lorsque la ministre intervient dans ce sens-là, nous sommes d'accord. Lorsque la ministre va dire qu'il est important d'agir rapidement, nous sommes d'accord, mais nous ne sommes pas d'accord le jour où on veut multiplier des structures dont les rapports les unes avec les autres sont, sinon mal définis, du moins extrêmement peu clairs. Et c'est ça, la raison pourquoi, nous, les gens de l'opposition, nous nous opposons, à l'heure actuelle, au projet de loi n° 150.

Le projet de loi n° 150, c'est la petite porte par laquelle on rentre après dans le développement local et régional. C'est la porte pour rentrer dans cette multiplication de structures dans lesquelles des groupes divers vont s'interrelier les uns par rapport aux autres sans réellement communiquer les uns avec les autres. Ce que nous voulons, ce que nous souhaitons, ce sont des structures beaucoup plus simplifiées dans lesquelles le même groupe, au niveau local, sera en mesure de faire toutes ces fonctions-là. Et on veut nous faire adopter aujourd'hui le premier pas dans la loi n° 150 sans réellement qu'on ait eu tout le temps de débattre à satiété de ce qu'il y avait dans cette espèce de réforme du développement local et régional. Et c'est ça, le problème à l'intérieur du projet de loi.

Les gens sont intervenus et, tout à l'heure, le député de Saint-Hyacinthe qui a parlé avant moi, M. le Président, l'a bien rappelé: il existait des sociétés québécoises de développement de la main-d'oeuvre. C'était une structure... Et je me permets de rappeler à la ministre que, dans son projet de loi – elle l'a rappelé d'ailleurs aussi dans son intervention – les comités des partenaires régionaux et les comités des partenaires locaux ressemblent bigrement dans leur composition en partie – et il faudra qu'on m'explique pourquoi on a choisi ça plutôt que ce qui existe actuellement – aux sociétés québécoises de développement de la main-d'oeuvre. Ils ressemblent, dans leur composition, c'est-à-dire dans la manière dont on compose ces comités des partenaires régionaux et les comités des partenaires locaux, à ce qui existe déjà.

Autrement dit, ce que nous disons, en même temps que, de ce côté-ci, nous le saluons aujourd'hui – et il est important de le rappeler – c'est que les transferts de responsabilités en matière de formation et de main-d'oeuvre du gouvernement fédéral vers le gouvernement provincial, c'est quelque chose sur lequel nous sommes entièrement d'accord, et nous le saluons aujourd'hui. Qu'il y ait une simplification et une unification du ministère de l'Emploi et du ministère de la Sécurité du revenu, c'est quelque chose, je pense, qui est sain. Que formation et emploi aillent de concert avec la sécurité du revenu, bien sûr que nous sommes aussi d'accord dans cette approche-là. Mais nous ne pouvons pas aujourd'hui accepter ce premier pas dans l'engrenage qui nous amène lentement à devoir accepter toute la politique de développement local et régional, et c'est ça qu'il faut que vous compreniez.

Lorsqu'on voulait vous demander la motion de report, à l'heure actuelle, ce n'était pas un report sur les principes, etc.; c'était un report parce que la multiplicité des comités que vous créez et au niveau régional et au niveau local va absolument faire une toile du Québec dans laquelle il deviendra complètement invivable de se comprendre, où on va et ce qu'on va faire. Voici la raison profonde, M. le Président, pourquoi nous nous opposons à la loi n° 150.

(22 h 50)

Qu'on n'essaie pas de nous faire croire ici qu'on est contre la loi n° 150 parce que nous sommes contre, actuellement, l'importance aujourd'hui de procéder pour la création d'emplois, l'importance de dire qu'on travaille de concert entre la formation, les gens qui sont sur la sécurité du revenu. La ministre sait que, sur ça – et les interventions des parlementaires de l'opposition ont toujours été claires – elle a entièrement, je crois, notre appui.

Par contre, nous ne pouvons pas accepter aujourd'hui cette multiplicité des structures. Voter aujourd'hui le principe de la loi n° 150, M. le Président, c'est déjà, pour la première fois, faire voter le principe de ce qui n'a même pas encore été débattu des politiques de développement local et régional. Et, moi, je vous dis: Je ne suis pas d'accord avec la politique de développement local et régional, particulièrement la multiplicité des structures qui s'y trouve. Donc, je suis obligé de vous dire que, parce que la loi n° 150, dans les structures qu'elle propose, présuppose l'acceptation du document et la logique du développement local et régional, nous sommes obligés de dire: Nous ne pouvons pas être d'accord avec les structures proposées parce qu'elles sont à l'intérieur d'une plus grande structure, laquelle nous ne partageons pas et nous ne pouvons pas être d'accord avec cette plus grande structure.

C'est ça, la logique de l'opposition. Il ne s'agit pas de dire qu'on veut tout retarder, il ne s'agit pas de dire qu'on veut retarder le développement de la main-d'oeuvre, M. le Président. La ministre le sait parfaitement, elle peut, en utilisant les structures actuelles, c'est-à-dire les sociétés québécoises de développement de la main-d'oeuvre, faire la majeure partie de ce qu'elle recherche. Elle peut tout à fait être en mesure de simplifier les structures de son ministère sans nécessairement être obligée de réintroduire cette vision, que j'appellerai pernicieuse, du développement du sol québécois avec ces structures régionales, avec ces multiples comités qui font qu'on ne sait jamais trop qui parle à qui, qui contrôle qui et qui conseille qui. Et, après, on redescend au niveau local avec la même complication des CLE, des comités locaux de développement économique. Voici ce que nous critiquons, M. le Président, et voter 150, ça veut dire accepter implicitement la logique qui est derrière le livre blanc sur le développement régional, et c'est pour ça, M. le Président, que nous allons être contre l'adoption de principe de la loi n° 150.

Il faut bien comprendre les raisons qui nous amènent à être contre. Ce n'est en aucune manière parce que nous ne sommes pas en faveur du rapatriement des pouvoirs de main-d'oeuvre et de formation pour le Québec, ce n'est en aucune manière parce que nous ne pensons pas qu'il est important d'aller de concert entre formation, sécurité du revenu et développement de l'emploi, mais c'est parce que les structures qui nous sont proposées nous semblent éminemment pernicieuses non pas tellement à l'intérieur de la loi n° 150, mais parce que la loi n° 150 ne peut se comprendre qu'en ayant une acceptation globale du plan qu'est le plan de développement régional. Et notre opposition au plan de développement régional amène, dans la simple logique, de devoir être contre les structures qui sont à l'intérieur de la loi n° 150. Et voici, M. le Président, pourquoi moi et beaucoup de mes confrères, nous allons être contre la loi n° 150.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Verdun. Y a-t-il d'autres intervenants? Mme la députée de La Pinière, je vous cède la parole.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, je voudrais intervenir à cette étape-ci de l'adoption du principe du projet de loi n° 150, Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail.

M. le Président, la main-d'oeuvre et l'emploi sont des domaines névralgiques pour notre économie et, comme députée présente sur le terrain – puisque ce projet-là appelle justement le niveau local et régional – je voudrais témoigner de ce qui se fait sur le terrain et des attentes du milieu régional. Le dossier de l'emploi, M. le Président, est un dossier très important dans une région comme la Montérégie où les décideurs locaux et régionaux se sont penchés à différents niveaux pour trouver des solutions concrètes au problème du chômage et de la formation des jeunes.

J'ai moi-même, M. le Président, participé à différentes tables de concertation, participé à différentes sessions de travail pour trouver des solutions au problème du chômage. Et, en même temps, M. le Président, dans ces instances de consultation et de discussion, dans ces tables de partenaires pour l'emploi, à la Société montérégienne de développement, au Sommet régional montérégien, les consultations qui ont été faites de tous les partenaires socioéconomiques, communautaires, locaux, des élus municipaux, tout ça, M. le Président, a amené à un consensus: c'est que l'emploi est une priorité n° 1 pour le milieu régional en Montérégie, comme d'ailleurs pour le reste du Québec.

M. le Président, chacun d'entre nous, comme député, nous sommes impliqués dans nos comtés respectifs, et je suis persuadée que nous avons une petite idée de ce que c'est les problèmes concrets de l'emploi tels qu'ils se posent et qu'ils sont vécus par nos commettants, parce que nous côtoyons régulièrement des gens, des citoyens qui sont soit à la recherche d'un emploi ou d'une formation qualifiante, plus particulièrement les jeunes. C'est dire donc toute l'importance qu'il faut accorder à cette question névralgique.

Je m'attendais à ce que la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité dépose aujourd'hui un projet de loi qui réponde justement aux attentes des Québécois et des Québécoises qui luttent dans le quotidien pour un travail qui leur permette de gagner dignement leur vie. Or, ce que nous avons devant nous est un exemple concret de labyrinthe sans fin. En effet, le projet de loi n° 150, Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail, ne répond à aucune question que le vrai monde se pose. Il répond, d'abord et avant tout, aux attentes de la bureaucratie gouvernementale. Ce que la ministre dépose n'a rien d'une pièce législative majeure; c'est un simple document attestant la naissance d'un ministère, encore un autre, celui de l'Emploi et de la Solidarité.

Ce gouvernement, qui vit dans l'improvisation la plus totale, a ouvert des chantiers sur tous les fronts, du virage ambulatoire aux commissions scolaires, en passant par la métropole, la politique familiale et le développement régional. Le gouvernement a mis plusieurs fers au feu sans savoir ce qui va en résulter, avec, comme conséquence, le mécontentement général des citoyens qui ne savent plus sur quel dieu se fier. Et, à chaque fois que la colère gronde dans la population, le gouvernement se dépêche d'éteindre le feu en créant des structures pour donner l'impression qu'il fait quelque chose, qu'il bouge, mais il bouge, malheureusement, dans la mauvaise direction.

C'est ainsi que ce gouvernement a créé avec tambours et trompettes le ministère de la Métropole qui a engendré d'énormes attentes avant de sombrer dans le ridicule. Aux familles québécoises qui ont marché jusqu'à Québec pour protester contre la maternelle cinq ans et le démembrement des garderies privées, le gouvernement a sorti de ses cartons une autre structure en annonçant la création du ministère de la Famille. Aujourd'hui, on revoit le même scénario avec le dépôt du projet de loi n° 150 créant le ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

(23 heures)

M. le Président, à quoi ça rime d'avoir un ministère de l'Emploi, avec toutes les structures et les couches de structures qui se superposent, quand ce projet de loi n'amène aucune mesure concrète pour aider à la création d'emplois, n'amène aucun nouveau programme qui va stimuler l'économie et engendrer de nouveaux emplois. Cette mégastructure introduit également une kyrielle d'autres structures imbriquées les unes dans les autres, comme des poupées russes qui nous amènent de surprise en surprise.

C'est ainsi que le projet de loi n° 150 crée d'abord le ministère de l'Emploi qui, sous couvert de réorganisation administrative, regroupera désormais les services jusque-là dispensés dans trois réseaux: le réseau des centres Travail-Québec, le réseau du Développement des ressources humaines du Canada et la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Au total, on parle de 287 points de services et structures. Vu sous l'angle de la rationalisation, on serait tenté de se réjouir si le résultat escompté était une meilleure qualité et une plus grande accessibilité de services à la population. Mais il n'en est rien. Et c'est là où le labyrinthe commence.

En plus du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, le projet de loi n° 150 crée une Commission des partenaires du marché du travail chargée de l'application de la loi qui oblige les entreprises à investir au moins 1 % de leur masse salariale dans la formation. Cette Commission est composée de 16 membres, en plus du sous-ministre de l'Emploi, d'un président et d'un secrétaire général. Elle a, entre autres mandats, de déterminer les critères de répartition des ressources sur le territoire. Mais son pouvoir demeure limité puisque la ministre se réserve le pouvoir de rejeter les plans d'action régionaux que les membres de la Commission lui soumettent.

On est loin du modèle autonome de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre sur laquelle la ministre ne pouvait pas avoir de prise, du moins pas totalement. À cet effet, M. le Président, il est utile de rappeler que la ministre avait un préjugé très défavorable à l'égard de la SQDM, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Depuis longtemps, elle cherchait à la démembrer. Ce projet de loi lui en donne l'occasion puisque c'est exactement ce qu'elle est en train de suggérer.

À cette structure boiteuse et sans réel pouvoir s'ajoute une autre couche de bureaucratie: Emploi-Québec, une sorte d'unité autonome qui se chargera de la mise-en-oeuvre des mesures et programmes de la main-d'oeuvre et de l'emploi. Emploi-Québec va signer des ententes avec le ministère de l'Emploi et la Commission des partenaires du marché du travail afin de déterminer les responsabilités de chacun de ces niveaux de bureaucratie. Qu'est-ce que cela va ajouter à l'amélioration de la qualité des services, à l'accessibilité des services en matière d'emploi, de main-d'oeuvre et de formation, M. le Président? Rien. Au contraire, ça va compliquer l'existence des gens qui sont à la recherche d'un emploi.

Ensuite, M. le Président, dans le labyrinthe, on va trouver 16 conseils régionaux des partenaires du marché du travail, un par région, à moins qu'on se ramasse avec le double, si la ministre décide d'avoir deux conseils régionaux par région, un pour l'emploi et l'autre pour la sécurité du revenu; ce n'est pas clair dans le projet de loi. Ces conseils régionaux doivent identifier des stratégies et des objectifs de main-d'oeuvre et d'emploi et soumettre un plan d'action régional à la Commission des partenaires du marché du travail. Ces conseils régionaux sont composés à leur tour d'une quinzaine de membres nommés par la ministre, et on sait très bien, quand il y a des nominations politiques, que ça ouvre la voie à beaucoup de décisions qui sont fort discutables. Ces conseils régionaux pourront avoir plusieurs branches en se dotant de comités consultatifs. À cela, il faut ajouter les structures bureaucratiques annoncées par le ministre responsable du Développement des régions dans son livre blanc.

Si on regarde le projet de loi n° 150 à la lumière de l'énoncé de politique sur le développement local et régional, c'est le cafouillis le plus total. Donc, ce que la ministre appelle «la réorganisation des services publics en matière d'emploi» n'est en réalité qu'une désorganisation et un chambardement sans aucune vision ni aucun objectif clair ni aucune planification stratégique.

Je pourrais témoigner concrètement de ce que j'ai vécu au Sommet régional de la Montérégie. Lorsque les gens du gouvernement sont venus expliquer ce que c'était, le guichet unique, on a fait la présentation du guichet unique. M. le Président, j'ai été témoin: les partenaires qui étaient présents, une fois qu'on leur a expliqué tous les méandres de cette bureaucratie, ils ne savaient plus ce que c'était qu'un guichet unique, ils ne savaient plus si le guichet unique était la MRC ou si la MRC allait coordonner des guichets uniques sectoriels.

Lorsqu'on regarde justement la politique de soutien au développement local et régional, un livre blanc qui vient tout juste d'être rendu public mais qui n'est encore fixé dans aucune législation, on peut lire dans ce document qu'on aura d'autres structures. D'abord, au palier local, on aura les centres locaux de développement, les CLD. Ces centres locaux de développement vont s'occuper d'économie et d'emploi. Il seraient soutenus par le gouvernement mais gérés par le milieu local. Comment? Ça reste à déterminer. Au palier régional, on nous invite à garder une autre structure qui existe déjà, mais qui va s'intégrer dans les méandres qui nous sont proposés, celle des conseils régionaux de développement qui, comme on le sait, fonctionnent assez bien dans certaines régions et pas du tout ailleurs.

Troisième palier, M. le Président, au niveau local: la conférence administrative régionale, la CAR; ce sont finalement les représentants du gouvernement au plan régional.

Et enfin, une nouveauté qui est proposée par le livre blanc, c'est la table régionale des députés qui va faire l'interface entre le gouvernement et les instances locales et régionales.

M. le Président, une chatte perdrait ses petits dans une telle structure. Comment est-ce qu'on peut envoyer dans le champ, sur le terrain... La ministre est en train de rire, mais c'est tout à fait vrai, Mme la ministre, c'est la réalité. Les gens ne savent plus à quel dieu se fier. Pourquoi? Parce qu'au lieu de mettre sur pied des programmes qui vont aider à la création, à la consolidation de l'emploi, la ministre s'est évertuée à nous présenter un labyrinthe. Et on connaît très bien les exercices du labyrinthe, c'est extrêmement difficile, dans certains cas, de s'y retrouver.

(23 h 10)

Alors, je voudrais joindre ma voix à celle de ma collègue la critique officielle en matière d'emploi, la députée de Saint-François, et de mes autres collègues qui m'ont précédée pour dire à la ministre qu'il faut qu'elle refasse ses devoirs parce que le projet de loi qui nous est proposé, dans l'état où il est, est inacceptable. On ne peut pas accepter un projet de loi qui propose des structures et uniquement des structures. C'est des boîtes vides. Il faut absolument, et on en a besoin de façon urgente, une véritable politique de l'emploi, une véritable stratégie de l'emploi, surtout avant que le gouvernement ou que la ministre de l'Emploi dise au milieu local et régional ce qu'il faudrait avoir comme structure. Il faut d'abord et avant tout que le gouvernement, à l'interne, se coordonne, que les différents ministères se parlent, que lorsqu'on garroche des structures dans le champ au moins il y ait une coordination entre les différents ministères. Parce que tout ça arrive en même temps et les décideurs locaux et régionaux ne savent plus sur quel pied danser.

Pas plus tard que la semaine dernière, j'ai participé à un conseil d'administration du CRD de la Montérégie. On leur a présenté justement le livre blanc – rien que le livre blanc, ils n'étaient pas encore rendus au projet de loi n° 150 de la ministre – et on leur a dit: Bien, voici comment on va fonctionner dorénavant. Savez-vous, M. le Président, quel était le commentaire qui a été fait spontanément par les gens autour de la table, des préfets, des élus municipaux, des socioéconomiques? Ils ont dit: On est fatigués de la structurite. On n'est même plus capables d'avoir assez de ressources, assez de personnes pour siéger sur tous ces comités qui nous tombent sur la tête. Et je parle d'une région dynamique économiquement, dynamique au niveau des professions, au niveau de son développement où il y a beaucoup de ressources. Les gens ne savent plus à quel dieu se fier. Pourquoi? Parce que tout ça leur arrive dans l'improvisation et la hâte, et les gens sont tannés. Ils attendent de ce gouvernement des concrètes pour régler les problèmes concrets, comme le problème du chômage. Or, ce que le projet de loi fait, c'est uniquement des structures par-dessus des structures. M. le Président, je voudrais inviter la ministre à refaire ses devoirs, et c'est pour ça que je joins ma voix à celle de mes collègues pour dire qu'on n'accepte pas ce projet de loi n° 150.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le député de Marquette, je vous cède la parole.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. À mon tour, je prends la parole sur le projet de loi n° 150. Ce que nous constatons, c'est que le gouvernement franchit un pas additionnel vers des gouvernements régionaux. D'ailleurs, aujourd'hui, en commission parlementaire, où nous étudiions le projet de loi n° 109, la CSN était devant nous – la CSN, partenaire privilégié du gouvernement – et M. Laviolette, qui est le troisième président, disait: Nous le constatons, le gouvernement se dirige vers des gouvernements régionaux. La plan de match a été établi par le gouvernement péquiste dans les années quatre-vingt. Il a été repris en 1992 par le vice-président de l'époque – il est présent en Chambre ce soir – c'est le ministre de la Justice, qui signait un document: Un développement régional enfin responsable . Le plan de match et la carte routière du gouvernement, on les retrouve ici. On les retrouve également dans un document qui s'intitulait Aménager l'avenir , de 1983. On les retrouve aussi dans un document intitulé Le choix des régions , également de 1983. Toutes ces idées ont été recyclées, et, aujourd'hui, ça se présentes dans le nouveau livre blanc Le développement local et régional .

M. le Président, le premier vice-président du Parti québécois de l'époque, l'actuel ministre des Finances, décrivait l'intention d'un futur gouvernement du Parti québécois en 1992. Dans La Presse du vendredi 26 juin 1992, on disait ceci, le ministre des Finances d'aujourd'hui résumait ainsi l'idée: «Envoyer aux régions des instruments en termes de pouvoirs avec la responsabilité de faire des ponctions fiscales [...]. L'idée de base est de remettre entre les mains des élus régionaux et locaux la responsabilité – écoutez bien – du niveau de l'emploi et de l'essor économique sur leur territoire. Parmi les pouvoirs qui seraient attribués aux MRC dans ce Québec souverain, on note certains services aux citoyens et, entre autres, services aux entreprises en matière d'économie, d'emploi, d'éducation, de santé, de services sociaux, de culture et d'environnement. Les budgets d'assurance-chômage – et on a vu ce que le gouvernement du Parti québécois a réalisé dans ses négociations avec le gouvernement fédéral, et c'était évoqué déjà le 26 juin 1992 – les budgets de l'assurance-chômage, de la sécurité du revenu et de l'administration de la main-d'oeuvre seraient décentralisés et consolidés dans un seul fonds.»

M. le Président, dans le document de 1983, on constate que les idées n'ont pas changé. Ce sont les mêmes idées qui réapparaissent aujourd'hui, sous la même forme. On disait, en 1983, et je cite le document Le choix des régions qui avait été déposé alors par le ministre responsable du Développement des régions et l'actuel président du caucus du Parti québécois: «Dans un esprit d'harmonisation et de rapprochement des services aux collectivités locales, le gouvernement envisage de promouvoir l'ajustement des territoires desservis par les organismes parapublics à ceux des MRC – oui, territoires d'appartenances du gouvernement, MRC. Ce pourrait être le cas des commissions scolaires – et on sait que la ministre de l'Éducation impose une carte scolaire qui doit, sans exception, épouser les territoires des MRC – et des CLSC.» Réforme qui va sûrement venir à un autre moment donné, peut-être à l'automne prochain... «Cette harmonisation territoriale améliorera sûrement la collaboration entre les principaux intervenants régionaux. Le gouvernement du Québec – on est toujours en 1983, M. le Président – a aussi l'intention d'adopter le territoire des MRC pour la localisation de ses bureaux offrant des services directs aux citoyens, tels ceux de l'aide juridique, de la Régie de l'assurance automobile, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu.» La ministre sûrement reconnaît ce que ses prédécesseurs, en 1983, tentaient de faire. Pourtant, ça avait été refusé et rejeté par la population de l'époque.

M. le Président, le gouvernement est en train de bouleverser, de chambarder l'ensemble des structures organisationnelles de notre société sans faire de débat public. Chaque ministre... Le ministre des Transports, lui aussi, a déposé un livre pour la consultation au niveau du transport des personnes qui implique le transport scolaire. Cela sera confié à un organisme régional. Le ministre responsable du Développement des régions, avec le dépôt de son livre blanc, est en train de confirmer les orientations gouvernementales des années quatre-vingt recyclées en 1997. La ministre de l'Éducation, au niveau des commissions scolaires, est en train de s'assurer que les cartes des territoires des commissions scolaires doivent épouser les territoires des MRC, et on sait que le gouvernement envisage la disparition des commissions scolaires. Le gouvernement envisage la disparition des commissions scolaires: c'est dans les cartons du gouvernement du Parti québécois des années quatre-vingt et c'est la même chose en 1996-1997, tel qu'annoncé déjà en 1992, par l'actuel ministre de la Justice.

(23 h 20)

Vers quoi se dirige-t-on? Le Devoir le titrait très bien le 26 juin 1992: Un Québec souverain sous le signe de la décentralisation . Et pourtant le gouvernement n'a pas ce mandat-là. Nous avons voté à l'Assemblée nationale une motion à l'unanimité pour reconnaître les résultats du dernier référendum. Le gouvernement a adopté cette motion-là avec l'opposition. Les résultats du référendum ne donnaient pas le mandat au gouvernement de préparer la voie à la souveraineté. Et pourtant, si les députés qui sont présents ici, en Chambre, ce soir, ne s'en rendent pas compte, l'actuel président du Conseil du trésor était responsable de l'aménagement du territoire sous le gouvernement dans les années quatre-vingt, et c'est lui qui a créé les MRC. Le ministre des Finances était le principal promoteur de l'idée, et ces gens-là occupent des postes stratégiques.

Les mêmes idées qui circulaient dans les officines gouvernementales du Parti québécois des années quatre-vingt ont été recyclées en 1997. Et, on le constate, c'est ce qui s'en vient. Il n'y a eu aucun débat de société. À cet égard-là, nous sommes en train de bouleverser les structures, et le président du Conseil du trésor sait très bien de quoi je parle. Le chat commence à sortir du sac. Malgré le fait que le premier ministre envoie sur le terrain plusieurs ministres qui font des réformes sans qu'il y ait coordination, sans qu'il y ait concertation, il y a quelques personnes au niveau gouvernemental qui voient les grands ensembles, mais on ne dévoile pas les stratégies à la population.

M. le Président, vers quoi ça va nous amener tout ça? Je vais reprendre les propos du ministre des Finances du mois de juin 1992. Il disait: «En effet, le Québec, devenu pays, permettrait à ses 96 municipalités régionales de comté de jouer un rôle clé dans l'intervention de l'État, en vertu duquel chacune se verrait octroyer des pouvoirs de taxation directe.» Chacune se verrait octroyer des pouvoirs de taxation directe. En 1992, on nous annonce les taxes qui s'en viennent, que le gouvernement est en train de préparer pour pelleter son déficit dans la cour d'un autre palier gouvernemental, et c'est de cette façon-là que le gouvernement veut réduire son déficit.

Je répète. Le ministre des Finances, alors qu'il était vice-président du Parti québécois, le disait en 1992: «L'État verra à octroyer des pouvoirs de taxation directe.» Toutes les MRC dont le préfet serait désormais élu au suffrage universel... autre réforme annoncée: les préfets seraient élus au suffrage universel, compteraient également sur un comité de développement et d'emploi chargé de déterminer la nature et les lieux d'intervention. «Or, affirme à l'époque le vice-président du Parti québécois et actuel ministre des Finances, il importe que celui qui perçoit les taxes soit aussi celui qui dispose du pouvoir de les dépenser. Cette responsabilité inclurait entre autres la gestion des établissements scolaires et de santé situés à l'intérieur de chaque territoire.»

M. le Président, la carte routière du gouvernement, nous la connaissons, mais la population ne la connaît pas. Le gouvernement est en train de cacher à la population ses véritables intentions. Parce que le gouvernement a dû reculer en 1983, c'était inacceptable pour la population à ce moment-là. Vers quoi se dirige-t-on? Lorsqu'on lit le document du Parti québécois du 25 juin 1992 Développement régional enfin responsable , on décrit les différents paliers de gouvernement. On décrit la nomenclature de tous les services qui dépendront désormais des gouvernements régionaux.

M. le Président, la question qu'on doit se poser: En quoi est-ce que les citoyens seront mieux servis par ces gouvernements régionaux? Et la réponse est évidente: Les citoyens ne seront pas mieux servis, ils auront moins de services et ils devront payer plus cher pour ces services-là à cause de l'intention du gouvernement de leur refiler un pouvoir de taxation. Et tout ça, M. le Président, dans la perspective d'un Québec souverain. Pourquoi? Parce que le gouvernement souverain exercerait les pouvoirs qui sont actuellement exercés par le gouvernement fédéral. Et on le dit clairement dans le document du Parti québécois, on appelle ça le «gouvernement national».

Lorsqu'on lit la politique du ministre responsable du Développement des régions, il parle aussi de responsabilité sur le plan national, premier palier de gouvernement; deuxième palier de gouvernement: des conseils régionaux pour les grandes régions; troisième palier de gouvernement: les MRC; quatrième palier de gouvernement: les municipalités locales; cinquième palier de gouvernement: les commissions scolaires. Et j'en passe. C'est vers ça que se dirige le gouvernement. Pourtant, le gouvernement n'a pas le mandat de préparer la voie à la souveraineté parce que la population du Québec a dit non lors du dernier référendum. Alors, c'est un détournement de démocratie auquel nous assistons.

Ça, M. le Président, je répète, il faut se placer dans la perspective suivante: En quoi est-ce que les citoyens du Québec seront mieux servis par ce que prévoit le gouvernement? La réponse, elle est claire: Le gouvernement national, dans un État souverain, devrait exercer les pouvoirs qui sont actuellement exercés par le gouvernement fédéral sans les leviers que possède actuellement le gouvernement fédéral, sans le bassin de population non plus. Au lieu d'être 30 000 000 de personnes, nous serions 7 000 000 de personnes, 7 000 000 de personnes qui doivent exercer tous les pouvoirs qu'exerce actuellement le gouvernement fédéral.

Et le gouvernement du Parti québécois doit se délester des fonctions qu'il doit exercer actuellement comme province de Québec. Il les déleste en faveur de qui? En faveur de gouvernements régionaux. Et ça, M. le Président, ça ne sert pas les intérêts des Québécois et des Québécoises parce que le gouvernement va devoir assumer le palier de pouvoirs actuellement assumé par le gouvernement fédéral sans les leviers que possède le gouvernement fédéral et avec une base de population beaucoup plus restreinte.

Il n'y a eu aucun débat de société par rapport à ces bouleversements-là, par rapport à ces chambardements-là. Et ça, pourquoi le gouvernement n'a pas l'honnêteté d'annoncer clairement ses intentions, d'indiquer clairement à la population ce qui attend la population? On vise à donner un pouvoir de taxation direct aux gouvernements régionaux; donc, on entend taxer davantage les citoyens parce que le gouvernement n'aura pas la marge de manoeuvre, dans un État souverain, d'exercer les responsabilités qu'un État souverain doit exercer. En d'autres termes, ça va coûter plus cher aux Québécois pour avoir moins de services par rapport à ce que nous avons actuellement.

Et le gouvernement est en train de préparer le terrain à cela. On le voit dans le monde municipal. Comment est-ce que ça s'articule? Ça s'articule par une facture de 500 000 000 $ qu'on refile aux municipalités. Le gouvernement se déleste, il est en train de dire aux municipalités: On vous demande d'exercer ces responsabilités-là, on vous prive de 500 000 000 $ et on vous dit: Organisez-vous. Organisez-vous pour assurer le service que le gouvernement du Québec assure actuellement. Ça, ça va coûter 500 000 000 $. On prévoit deux possibilités: ou vous taxez les citoyens ou vous coupez les salaires de vos employés. C'est ce qui est prévu.

(23 h 30)

Dans le monde scolaire, les cartes des territoires des commissions scolaires ne fonctionnent pas; elles sont artificielles, elles sont des artifices parce qu'on est en train de forcer un modèle par rapport à des bassins de population qui existent actuellement. Et ce modèle ne fonctionne pas, on l'a vu. Il y a des problèmes dans 90 % des commissions scolaires.

Au niveau du transport, qu'est-ce qu'on fait? Parce qu'on vise à donner au palier régional, au palier des MRC, la responsabilité du transport des personnes. Comment est-ce que ça s'est articulé cette affaire-là? On vous demande d'assurer le service et on vous coupe de 50 000 000 $. Alors, on voit la tendance. On demande à d'autres paliers de gouvernement locaux d'assumer les pouvoirs qu'assume actuellement la province sans leur donner les moyens, parce que le gouvernement n'a pas les moyens de leur fournir le financement. Extrêmement grave, M. le Président. Et tout ça, on ne fait pas ça à visière levée, parce qu'on l'a fait en 1983 et la population a refusé le projet du gouvernement. La population se posait la question: En quoi allons-nous être mieux servis par cela? Et le gouvernement, en 1983, a dû reculer. Il a reculé en 1983, mais il revient à la charge en 1996 et en 1997. Mais il n'y a pas un ministre qui nous a parlé de ça. Chaque ministre responsable des différents dossiers, des différents domaines vont de l'avant avec ces réformes-là, mais le plan d'ensemble, pour ceux qui ont lu les documents, pour ceux qui ont suivi l'action gouvernementale des années quatre-vingt, ça devient de plus en plus clair. Pour les partenaires du gouvernement, ils le disent ouvertement, le gouvernement se dirige vers des gouvernements régionaux.

Alors, M. le Président, nous allons voter contre le projet de loi n° 150 parce que le gouvernement ne joue pas à visière levée, ne pose pas les choses clairement sur la table et il poursuit d'autres objectifs pour lesquels il n'a pas le mandat de la population. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Marquette. Je vais maintenant céder la parole, s'il n'y a pas d'autres intervenants, à Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité pour sa réplique. Mme la ministre.


Mme Louise Harel (réplique)

Mme Harel: Merci, M. le Président. Encore une fois, le député de Marquette vient de nous présenter une sorte de complot appréhendé. Je ne sais si vous vous rappelez la fois où, durant une période de questions, le député de Marquette avait aussi brandi un tel complot à l'égard des machines à calculer achetées par les commissions scolaires.

M. le Président, je dois vous dire qu'il y a de la fabulation dans ce qu'on a entendu. Voyez-vous, le choix du gouvernement est un choix très clair, public, connu depuis l'automne passé, répété, qui est le choix du territoire local pour livrer des services publics, notamment ceux de l'emploi, ceux de la sécurité du revenu et l'ensemble des autres services publics. Alors, qu'on se le dise, qu'on se le répète, ça n'est ni en catimini ni en cachette. C'est d'ailleurs quelque chose d'extrêmement répandu, et je dirai, apprécié au Québec, le fait qu'on n'arrête pas en chemin au niveau de notre décentralisation, comme l'avait fait le gouvernement précédent qui s'était arrêté au niveau régional seulement.

Prenons l'exemple d'une région comme Montréal, 2 000 000 de population. M. le Président, que ce soit à ville Saint-Pierre ou à Hochelaga-Maisonneuve, finalement, les citoyens ont besoin d'un service bien identifié, facile d'accès. Comment peut-il, à ce moment-ci, s'il a justement en tête le sort de ses concitoyens, prétendre voter contre un projet de loi qui va enfin permettre qu'au niveau local son concitoyen ait une adresse où il pourra s'adresser, quelle que soit l'étiquette qu'il porte dans notre société, où il y aura une adresse où l'entreprise aussi pourra s'adresser lorsqu'elle a des besoins de main-d'oeuvre, où il y aura une adresse où va enfin se faire à nouveau le placement de la main-d'oeuvre, qui avait été interrompu au Québec depuis exactement 11 ans?

On nous a beaucoup parlé de structures, de l'autre côté, M. le Président, mais, vraiment, la contradiction de toutes les interventions de la soirée, c'est qu'en plus on nous plaidait pour garder la SQDM séparée. Il y a en avait trop, de structures, mais il en faudrait une de plus, avec ses 51 points de services et avec exactement ses 13 directions régionales. Donc, 64 structures de plus, points de services de plus, qu'ils voudraient nous voir ajouter.

M. le Président, je comprends qu'il y a une nostalgie de l'autre côté, sans doute une nostalgie alimentée par le député de Bourbeau, alors ministre responsable de la mise en place de la SQDM...

Une voix: Le député de Laporte.

Mme Harel: ... – le député de Laporte, excusez; vous allez m'excuser, c'est l'heure, hein – une nostalgie sûrement répandue, propagée par le député de Laporte. Pensez-y, M. le Président, à quoi a servi la SQDM jusqu'à maintenant avec 1 000 employés? Elle a remplacé les commissions de formation professionnelle qui s'adressaient aux travailleurs en emploi. Et qu'est-ce qui a changé fondamentalement dans nos orientations? C'est que, dorénavant, il n'y aura plus des programmes, des services, des conseillers différents pour les travailleurs en emploi que ceux des programmes, services, conseillers pour les chômeurs à l'aide sociale ou ceux des programmes, services, conseillers pour les chômeurs à l'assurance-emploi; et pas de conseillers, pas de programmes, pas de services pour ceux et celles qui ne sont ni chômeurs ni travailleurs mais qui voudraient, en tout cas, devenir travailleurs, M. le Président.

Il y avait l'absurdité, dans notre société, d'une politique où il fallait attendre d'être chômeur pour être aidé. C'était l'envers du bon sens: Devenez chômeur vous aurez droit à des programmes de main-d'oeuvre; devenez assisté social vous aurez droit à des programmes d'employabilité. C'était un parcours obligé pour de la formation. Ce n'est pas peu, M. le Président. Puis, c'est encore comme ça maintenant: Devenez chômeur puis vous allez avoir, dans vos hebdos, dans vos journaux de quartier, dans vos quotidiens, des annonces pour vous donner les cours que vous pouvez suivre dans les métiers où il peut y avoir de l'emploi, sinon attendez de devenir chômeur parce que ce n'est pas fait pour vous. C'est aberrant. «C'est-u» assez le temps qu'on change ça, M. le Président? C'est complètement aberrant.

C'est tellement évident que, dans un récent sondage réalisé pour le compte du ministère de la Sécurité du revenu par une firme de sondage engagée grâce à toutes les règles de l'art des contrats du gouvernement, 83 % de la population et 81 % des prestataires de la sécurité du revenu – on conviendra que ça se ressemble pas mal – sont en faveur de la mise en place d'un centre local d'emploi pour toute personne, sans distinction, qu'elle soit prestataire ou non de la sécurité du revenu ou de l'assurance-emploi. Bien, ça suppose quoi? Ça suppose qu'on ne peut pas garder la SQDM à côté, M. le Président.

Alors, ça a été confus toute la soirée, ce que nous proposait l'opposition. Mais ça revenait, de façon lancinante, de garder la SQDM. Alors donc, de garder un réseau de 1 000 employés pour y transférer des fonctionnaires fédéraux, peut-être, à ce moment-là, en gardant à côté le ministère de la Sécurité du revenu. Est-ce que c'est ça que l'on nous proposerait? En continuant l'exclusion des chômeurs à l'aide sociale de l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise, en continuant de les isoler de l'ensemble des politiques qui sont destinées à la main-d'oeuvre québécoise. C'est ça que l'on nous proposerait?

(23 h 40)

Or, M. le Président, il y a un fait d'évidence extrêmement important, un fait d'évidence qui est le même aujourd'hui qu'en 1991, et je vais encore citer le livre blanc – je ne sais s'il était vert ou blanc, mais, en fait, le livre qui a servi à la commission parlementaire, en 1991, de l'actuel député de Laporte, alors ministre – et c'est la même réalité. Je vous le lis à la page 22: «En fait, lit-on, les dépenses publiques affectées à ce que l'on appelle communément la "politique du marché du travail" représentent au Québec, toutes proportions gardées, près du double des dépenses moyennes correspondantes dans les pays de l'OCDE.» On dépense le double et on n'a vraiment pas les résultats conséquents aux investissements et aux efforts publics que l'on fait. Et le document ajoutait en 1991: «Une analyse plus détaillée des dépenses met en évidence un très grand déséquilibre. Ainsi, en 1989-1990, alors que les dépenses publiques au titre des programmes destinés au marché du travail au Québec totalisaient 6 100 000 000 $, soit environ 4 % du produit intérieur brut, les mesures passives y accaparaient plus de 5 000 000 000 $, soit près de 90 %.»

Ça, M. le Président, c'est fondamentalement vicieux. Tant que la personne ne bougeait pas, si elle se paralysait, on l'aidait. Mettre de l'argent, investir de l'argent dans le chômage, pas de problème, il y en avait et il y en a toujours, mais investir de l'argent dans une politique active du marché du travail, investir de l'argent dans la préparation à l'emploi, l'insertion en emploi, le maintien à l'emploi, la stabilisation de l'emploi, la création d'emplois, ça, non, ça ne correspondait pas avec les programmes des deux gouvernements. C'est ça qu'on va changer et c'est ça, l'orientation fondamentale qui a présidé à l'élaboration du projet de loi n° 150. Et ça signifie qu'on va travailler avec le ministère de l'Éducation, bien évidemment. Je ne sais pas si l'opposition s'est rendu compte que des représentants des commissions scolaires, des représentants des cégeps siégeaient autant au niveau national que régional sur les conseils de partenaires avec des associations de patrons, avec des associations syndicales et communautaires.

Vous voyez, M. le Président, déjà en place, le gouvernement a introduit la loi du 1 %. Pendant des années, on a parlé, de l'autre côté, du côté de l'opposition, quand ils étaient au gouvernement, d'une culture de formation continue. Pendant des années, on a fait semblant, et il a fallu attendre un changement de gouvernement pour que nous fassions adopter la loi du 1 % qui, cette année, aura amené les entreprises de plus de 1 000 000 $ de masse salariale à consacrer 585 000 000 $. C'est beaucoup d'argent, ça, hein? Bien, c'est ce que les entreprises québécoises auront dépensé au chapitre de la formation de leurs employés, et cette loi du 1 % qui a été adoptée va nous permettre justement de laisser à l'entreprise privée la responsabilité qu'elle a de formation de sa main-d'oeuvre dans cette période de compétitivité que l'on traverse. Il faut que cela devienne normal. Il faut que ça devienne aussi évident d'investir dans la main-d'oeuvre que d'investir dans des technologies, ou dans des équipements, ou dans de la recherche et du développement. Tout ça est étroitement combiné dans la même alchimie gagnante.

Puis, en même temps, ce que ça va nous permettre, ce que ça nous permet déjà, c'est que l'argent que l'on a, l'argent public, de le consacrer pour les personnes, ceux et celles qui veulent s'insérer à l'emploi, se préparer à l'emploi, qui, aussi, veulent créer leur emploi. Entre 1990 et 1995, en cinq ans, au Québec, on a assisté à une progression vertigineuse du travail autonome. Sur les 149 000 emplois créés pendant ces cinq années, 55 % ont été des emplois de travailleurs autonomes et non pas des emplois salariés. Alors, vous vous rendez compte de l'importance que prend le travail autonome dans notre société: 86 000 des 149 000 emplois créés l'ont été par des travailleurs et des travailleuses autonomes. Rien n'existait et rien n'existe toujours pour eux. Rien, M. le Président. Vous vous rendez compte? On passe complètement à côté de l'appui, du support, du coup de pouce qu'on doit donner à des personnes qui sont celles qui, dans le fond, vont faire en sorte qu'on va lutter contre le chômage en les appuyant.

Il y a donc eu la loi du 1 %. Il y a aussi la loi de l'apprentissage. Je le répète rapidement, mais, M. le Président, c'est une honte, le pourcentage de jeunes Québécois, Québécoises qui sortent diplômés, avec un métier, au secondaire. Une honte, quand on se compare aux pays de l'OCDE, donc aux 25 pays industrialisés, là, membres de l'Organisation de coopération de développement économique. 38 % des jeunes de ces pays sortent avec un diplôme secondaire de métier, en moyenne, alors que, en Allemagne, c'est 68 % puis que, dans les pays qui performent bien, c'est entre 40 % et 60 %. Ai-je besoin de vous rappeler, il y a deux ans, le pourcentage des jeunes qui sortaient avec un diplôme secondaire de métier au Québec? 2,5 %. Avez-vous idée du rattrapage qu'on doit faire?

Comment répéter, comme une incantation, du côté de l'opposition? Création d'emplois. Création d'emplois. M. le Président, il y a des conditions à satisfaire. C'est comme l'espérance de vie, ça, l'espérance d'emploi. L'espérance de vie, on sait très bien qu'il y a des conditions d'hygiène, d'alimentation qui la favorisent. L'espérance d'emploi, c'est pareil. Il y a des conditions pour améliorer son espérance d'emploi. Pensez qu'il y a 32 000 emplois qui ne sont pas occupés par des personnes parce qu'il y a une pénurie, justement, de travailleurs qualifiés. Pensez que, dès qu'il y a une diplomation, le risque du chômage diminue de moitié.

C'est évident qu'une véritable politique de l'emploi, ça signifie la création d'emplois, mais ça signifie aussi la formation. Ça signifie aussi le maintien en emploi. Les études sur la population active que Statistique Canada fait à chaque mois nous démontrent que, essentiellement, ce sont des personnes qui perdent leur emploi qui viennent augmenter les rangs, n'est-ce pas, des chômeurs, alors que, si on travaillait pour les maintenir à l'emploi, si on investissait dans l'emploi plutôt que dans le chômage, c'est évident qu'on aurait une situation pas mal meilleure pour nos concitoyens que celle qui sévit maintenant.

Alors, ceci étant dit, je termine simplement en vous signalant combien ce projet de loi n° 150 va lever les obstacles à des vrais services publics d'emploi. Obstacles qui paralysaient, qui neutralisaient les efforts considérables, y compris financiers, qui étaient faits au Québec jusqu'à maintenant. Je vous remercie, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 150, Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Mme Gagnon-Tremblay: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

(23 h 50)

M. Bélanger: Article 42, M. le Président.


Projet de loi n° 102


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 42, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec et la Loi sur les régimes complémentaires de retraite afin de favoriser la retraite progressive et la retraite anticipée.


Mise aux voix du rapport

Alors, je cède la parole à Mme la ministre. Il n'y a pas d'intervention. Alors, s'il n'y a pas d'intervention, le rapport de la commission des affaires sociales portant sur ledit projet de loi est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Alors, compte tenu de l'heure, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au vendredi 30 mai 1997, à 10 heures. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures. C'est plus simple comme ça.

(Fin de la séance à 23 h 51)