L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 3 juin 1997 - Vol. 35 N° 110

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Présence du consul de la République tunisienne à Montréal, M. Abdelaziz Ghodbane

Nomination d'un membre suppléant du Bureau de l'Assemblée

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons débuter par une période de recueillement.

Très bien, si vous voulez vous asseoir.


Présence du consul de la République tunisienne à Montréal, M. Abdelaziz Ghodbane

J'ai le grand plaisir, pour débuter aujourd'hui, de souligner la présence dans les tribunes du consul de la République tunisienne à Montréal, M. Abdelaziz Ghodbane.


Nomination d'un membre suppléant du Bureau de l'Assemblée

Avant de procéder aux affaires courantes, je désire vous faire part que j'ai reçu de M. le chef de l'opposition officielle une lettre datée du 27 mai dernier m'informant que M. Norman MacMillan, député de Papineau, a été désigné membre suppléant du Bureau de l'Assemblée nationale pour représenter... Le député de Papineau représentera l'opposition officielle en remplacement de Mme Nicole Loiselle, députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Cette nomination prenait effet le 27 mai dernier.


Document déposé

Alors, je dépose la lettre. M. le vice-président.


Motion proposant d'adopter des modifications à la composition du Bureau de l'Assemblée nationale

Le Vice-Président ( M. Brouillet): Je fais motion pour que soit adoptée cette modification proposée par le chef de l'opposition officielle à la composition du Bureau de l'Assemblée nationale.


Mise aux voix

Le Président: La motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.


Affaires courantes

Le Président: Alors, nous abordons maintenant les affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le leader du gouvernement.


Réponse à une question inscrite au feuilleton

M. Bélanger: M. le Président, je dépose la réponse à la question 31 inscrite au feuilleton du 13 mars 1997 par le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Le Président: Alors, ce document est déposé.

M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Rapport sur la chirurgie cardiaque

M. Rochon: M. le Président, je dépose le rapport sur la chirurgie cardiaque qui m'a été transmis sous la signature du Dr Michel Tétreault par l'équipe du GTI.

Le Président: Alors, ce document est déposé.

J'ai reçu, de mon côté, de l'Inspecteur général des institutions... Au dépôt de documents, il n'y a pas de question au dépôt de documents.

M. Ouimet: Je demanderais à la ministre de l'Éducation...

Le Président: Vous pouvez poser ces questions-là aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le député de Marquette.


Rapports annuels du Conseil des assurances de dommages et du Conseil des assurances de personnes

Alors, j'ai reçu de l'Inspecteur général des institutions financières les rapports annuels pour l'année 1996 du Conseil des assurances de dommages et du Conseil des assurances de personnes. Alors, je dépose ces documents.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion.


Étude détaillée du projet de loi n° 97

M. Sirros: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé les 15, 21 et 30 mai 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 97, Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, le rapport de la commission de l'économie et du travail est déposé. M. le président de la commission des finances publiques et député d'Arthabaska.


Étude détaillée des projets de loi nos 108 et 110

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je dépose le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé les 22 et 30 mai 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 108, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Également, je dépose le rapport de la même commission qui a siégé le 29 mai 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 110, Loi modifiant la Loi sur la Société des alcools du Québec et d'autres dispositions législatives. La commission a adopté également ce projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, les rapports de la commission des finances publiques sont déposés. M. le président de la commission de l'administration publique et député de Westmount–St-Louis.


Audition du sous-ministre des Affaires municipales et du secrétaire du Conseil du trésor conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministre et des dirigeants d'organismes publics

M. Chagnon: M. le Président, il me fait plaisir de déposer le rapport de la commission de l'administration publique qui a siégé le 14 mai 1997 afin de procéder à l'audition du sous-ministre des Affaires municipales dans le dossier des infrastructures et, le 21 mai 1997, à l'audition du secrétaire du Conseil du trésor dans le dossier de l'assurance-traitement, en vertu de l'article 8 de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministre et des dirigeants d'organismes publics. La commission a également tenu des séances de travail les 14, 21 et 22 mai 1997.

Le rapport de la commission, M. le Président, dans le fond, arrive la veille du rapport du Vérificateur général, tel que nous l'avions décidé dans nos travaux préparatifs en commission parlementaire, et le rapport de la commission contient des recommandations tant dans le dossier des infrastructures que dans l'assurance-traitement.

Le Président: Alors, le rapport de la commission de l'administration publique est donc déposé.


Diverses affaires courantes

De mon côté, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'Assemblée nationale qui a siégé le 29 mai dernier afin de statuer sur diverses affaires courantes.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Masson.


Maintenir la maternelle mi-temps et octroyer les budgets nécessaires pour ce faire

M. Blais: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 247 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du comté de Masson.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le Québec est une société démocratique;

«Considérant que les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants;

«Considérant que le projet de maternelle temps plein cinq ans ne convient pas à tous les enfants et à tous les parents;

«Considérant que, lors des états généraux sur l'éducation, la Fédération des comités de parents du Québec n'a pas demandé la maternelle temps plein mais a plutôt réclamé la maternelle mi-temps;

«Considérant que la maternelle mi-temps existante répond au choix spécifique de la moitié des parents du Québec, émis lors des sondages des commissions scolaires;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale: de maintenir telle qu'elle existe présentement la maternelle mi-temps, tout en offrant la maternelle temps plein à la demande des parents; de confier aux commissions scolaires et aux milieux-écoles le pouvoir et les budgets nécessaires pour répondre adéquatement à cette requête.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Merci, M. le député de Masson. Cette pétition est déposée. Mme la députée de Vanier.

(10 h 10)

Mme Barbeau: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 161 pétitionnaires, citoyennes et citoyens du comté de Vanier.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le Québec est une société démocratique;

«Considérant que les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants;

«Considérant que le projet de maternelle temps plein cinq ans ne convient pas à tous les enfants et à tous les parents;

«Considérant que, lors des états généraux sur l'éducation, la Fédération des comités de parents du Québec n'a pas demandé la maternelle temps plein mais a plutôt réclamé la maternelle mi-temps;

«Considérant que la maternelle mi-temps existante répond au choix spécifique de la moitié des parents du Québec, émis lors des sondages des commissions scolaires;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale: de maintenir telle qu'elle existe présentement la maternelle mi-temps, tout en offrant la maternelle temps plein à la demande des parents; de confier aux commissions scolaires et aux milieux-écoles le pouvoir et les budgets nécessaires pour répondre adéquatement à cette requête.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition. Merci.

Le Président: Merci, Mme la députée de Vanier. Alors, il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise que, après la période des questions et des réponses orales, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux répondra à une question posée le 30 mai dernier par Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne concernant les foyers de groupes pour les mères en difficulté d'adaptation.

Je vous avise également que, après la période des questions et des réponses orales, sera tenu le vote reporté sur le rapport de la commission de la culture qui a étudié en détail le projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française.


Questions et réponses orales

Nous en arrivons maintenant à la période des questions et des réponses orales. M. le député de Richmond.


Stratégie de création d'emplois en région

M. Vallières: M. le Président, ma question est à l'endroit du ministre responsable du Développement des régions. Le dernier bilan de l'économie des régions du Québec, publié par le gouvernement du Québec, vient confirmer ce que nous avons maintes fois soulevé en cette Chambre, soit la faiblesse de l'emploi dans bon nombre de régions. Ce bilan vient confirmer que ce gouvernement oublie les régions. Neuf régions sur 16 ont vu, en 1996, leur nombre de chômeurs et le taux de chômage augmenter. Dans la majorité des régions, le nombre d'emplois perdus a dépassé le nombre d'emplois créés.

Devant l'urgence de la situation et surtout devant l'urgence d'agir, est-ce que le ministre responsable du Développement des régions réalise que sa seule action concrète aura été d'échafauder, pendant deux ans et demi, son livre blanc et qu'il vient ainsi condamner les régions à une autre année d'immobilisme gouvernemental et une autre année d'appauvrissement collectif, puisque son livre blanc, selon ses propres dires, ne pourra s'appliquer qu'au cours de 1998?

Le Président: M. le ministre responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: M. le Président, il me fera plaisir de déposer en cette Chambre la comparaison de 1993 et 1997 qui prouvera qu'au cours des deux dernières années, malgré des pertes dans certaines régions, au moins la très grande majorité des régions a plus d'emplois de créés actuellement qu'il n'y en avait à la dernière année du gouvernement du Parti libéral. Ça, c'est important qu'on le dise. Deuxièmement, on ne regarde pas exclusivement ce qui peut être fait par le Secrétariat au développement pour le développement des régions. On sait que cette année nous n'avons baissé d'aucun sou toutes les sommes d'argent qui étaient destinées au développement. Qui plus est, au niveau des forêts, grâce au budget du ministre des Finances, on a plus d'argent injecté au niveau des régions pour des programmes de création d'emplois. Je pense que la meilleure manière de fonctionner en politique, ce n'est pas de regarder dans le rétroviseur, mais c'est de regarder en avant.

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, est-ce que ce n'est pas le ministre qui regarde dans le rétroviseur plutôt que de regarder dans la lunette avant? Est-ce que je peux ramener le ministre à la publication de son propre document et au livre blanc? Est-ce que la lourdeur du processus que le ministre vient d'enclencher avec son livre blanc, c'est-à-dire: consultation dans chacune des régions, à venir; législation, à venir; mise en place des centres locaux de développement, à venir; mise en place des centres locaux d'emploi, à venir; réflexion sur l'organisation territoriale, à venir... Est-ce que le ministre peut nous dire où se cache, dans cette mixture de structures, sa véritable stratégie de création d'emplois pour des régions dont il vient de reconnaître l'existence d'une faiblesse des investissements, d'une faiblesse de création d'emplois? Où se cache, dans votre livre blanc, cette stratégie particulière pour le développement des régions qui sont en difficulté?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: Pour nous, M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre, «avenir» s'écrit en un seul mot et il est rempli d'optimisme. Cependant, je voudrais répondre de façon très précise au député de Richmond qui manifestement n'a pas lu le livre blanc, parce que le livre blanc, la politique, c'est une politique gouvernementale qui est à se mettre en place. Dorénavant, les entrepreneurs, au lieu de faire ce qu'ils faisaient dans le temps des libéraux... Ils s'en allaient au SDR et, regardez bien, suivez-moi bien, du SDR, on les envoyait au CRD; du CRD, on les référait au FAE; du FAE, on les renvoyait au FIL, au FIR, aux SOLIDE, personne ne se retrouvait.

Dorénavant, il y aura un conseil d'administration formé des forces vives du milieu, au niveau d'un territoire de MRC. C'est un consensus national, ça. Il y aura un seul guichet unique multiservices où un entrepreneur ou un groupe d'entrepreneurs pourront retrouver l'ensemble des services pour partir leur entreprise, consolider leur entreprise ou faire connaître de l'expansion à leur entreprise. Et, au lieu d'agir par programme, comme c'était le cas sous les libéraux, on va avoir une enveloppe budgétaire qui va permettre aux gens du milieu de fixer leurs propres critères, leurs propres balises, leurs programmes à eux, qui cadrent avec la réalité, alors que, dans le temps des libéraux, c'étaient des programmes nationaux; puis, quand un programme ne marchait pas, on créait un programme pour corriger un autre programme.

Donc, M. le Président, je dois vous dire très sincèrement que les gens du milieu ont applaudi le livre blanc, ils sont à le mettre en pratique, ils vont créer leur conseil d'administration. Le ministre des Affaires municipales y collabore. Dans les amendements législatifs, on répond aux voeux de l'UMRCQ et de l'UMQ. Et, à votre grande déception, ça marche!

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. le Président, est-ce que le ministre veut dire le contraire de ce que j'ai affirmé tantôt, c'est-à-dire que son livre blanc va être en application au cours de 1998? En second lieu, est-ce que le ministre a pris connaissance de l'organigramme préparé par son ministère, un véritable tas de spaghetti?

M. le Président, est-ce que le ministre, qui s'est targué, au cours des dernières semaines, des derniers mois, de nous indiquer qu'une chatte ne retrouverait pas son petit chat à l'intérieur de tous les programmes gouvernementaux – il vient d'y faire allusion – est-ce qu'il ne pourrait pas nous confirmer ce matin que, là, on est en train de perdre et le petit chat et la chatte à l'intérieur de l'organigramme qu'il nous a présenté?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, on ne se fiera sûrement pas sur le député de Richmond pour les retrouver.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Il n'y a rien de plus simple que la procédure et la formule et l'organigramme qui a été déposé. Au niveau des territoires de MRC, il y aura un centre local de développement. C'est tout ce qu'il y a. Il n'y aura plus sept, huit structures. On n'accréditera pas 25 structures. On ne paiera pas 80 000 000 $ exclusivement en structures. On n'accréditera et ne subventionnera qu'une seule structure au niveau local. C'est une amélioration extraordinaire. Et il y a bien rien que les libéraux au Québec qui ne sont pas d'accord avec ça, parce qu'il y a une unanimité sur le terrain concernant ce guichet multiservices qu'on a mis sur pied. Au niveau régional, il n'y a que le CRD. Donc, si le député pouvait me suivre, là, il y a trois petites cases: la case du bas, près du monde où ils pourront s'impliquer, se responsabiliser, on appelle ça un centre local de développement; au niveau régional, conseil régional de développement; au niveau national, Secrétariat au développement des régions. S'il n'est pas capable de suivre une ligne droite, je les comprends, mais, pour nous, c'est ce qui est accepté dans le milieu, c'est ce que les députés ont fait dans leur milieu en interrogeant les gens, en consultant les gens. C'est une politique ministérielle qui fait consensus. Et, par les temps qui courent, je «peux-tu» vous dire que les ovations sont rares et qu'on en a eu une là-dessus.

(10 h 20)

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, est-ce que le ministre, qui s'est à ce jour montré incapable de solutionner les problèmes chroniques de chômage qu'on retrouve dans certaines régions de même que la faiblesse des investissements dans certaines régions, peut nous indiquer à quand, de la part de ce ministre, le début de l'ombre d'un soupçon de changement d'attitude plutôt que de s'adresser aux structures et de véritablement tripoter dans toutes les structures qu'on retrouve en région? À quand peut-on s'attendre à une véritable stratégie d'emploi, une stratégie qui s'attaque à l'emploi dans des régions dont on connaît les problèmes? À part les structures, à part les consultations, à part les montagnes de papier que nous a fournies le ministre, à part beaucoup de verbiage, c'est à quand l'action concrète sur le terrain? Son livre blanc nous annonce que c'est au cours d'avril 1998, ça fera plus de trois ans, M. le Président. À quand l'action concrète? À quand les jobs dans les régions qui sont concernées?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, on ne s'attaque pas à l'emploi. Nous, on s'attaque au chômage. Et, premièrement, je vous dirai que, depuis novembre 1996, c'est 57 200 emplois de plus. Depuis juillet dernier, c'est 91 400 nouveaux emplois. Je sais que c'est décevant pour une formation politique qui avait une tendance à s'attaquer à l'emploi en taxant, en réglementant, en faisant des déficits de 5 700 000 000 $, en se trompant annuellement de près de 1 000 000 000 $. Écoutez, c'est vrai que c'est frustrant de traverser la Chambre. C'est vrai que le purgatoire est long, surtout quand on n'a pas été bon, puis qu'on a l'air un petit peu fou, M. le Président, quand on essaie de prêcher une vertu qu'on n'a pas pratiquée.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, est-ce que je peux soumettre bien modestement au ministre responsable du Développement des régions, sous la signature de Mme Baril, dans le journal Le Soleil très récemment, un article de journal qui nous indique, et je lis le titre: Le chômage atteint le cap de 20 % chez les moins de 30 ans. Une première dans la région ? C'est à ça que s'adresse ma question. Le ministre connaît des endroits, des régions où il y a des problèmes cruciaux. Tout le monde le reconnaît. Quelle est sa stratégie particulière d'attaque face à ces problèmes dans les régions qui sont concernées?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, 91 400 emplois depuis juillet dernier, c'est quelque chose. C'est quelque chose. Je suis convaincu que le Parti libéral aurait aimé ça performer autant lorsqu'il occupait les banquettes du pouvoir. Mais, que voulez-vous, nous, on ne s'attaque pas nécessairement à une région en particulier, on travaille sur l'ensemble du territoire québécois par les programmes en forêt, par des programmes au niveau des jeunes, par la mise sur pied des carrefours jeunesse-emploi, par les programmes à valeur ajoutée dans le domaine forestier, la transformation forestière.

Mercredi, demain, j'annoncerai un investissement majeur dans une région – et le député pourra venir, ce n'est pas loin de chez lui – un investissement de 100 000 000 $. Et on continue à travailler sur des projets concrets. On travaille au niveau de l'économie sociale aussi, conformément aux engagements qu'on a pris au Sommet. Et je dois vous dire qu'on est particulièrement fier et je l'invite dimanche prochain pour bien démontrer que le livre blanc, ce n'est plus quelque chose dont on discute, c'est quelque chose qu'on commence à mettre en pratique. Et ça commence dans ma région dimanche matin à Charlemagne, dimanche après-midi, Joliette. Vous êtes le bienvenu. Peut-être que ça vous permettra de comprendre.

Le Président: En principale, M. le député de Richmond.


Haut taux de chômage dans le Bas-Saint-Laurent

M. Vallières: Oui, M. le Président, en principale. Les statistiques les plus récentes publiées cette fois par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre nous démontrent que la majorité des régions ont connu en avril un taux de chômage se situant bien au-delà de la moyenne québécoise. Un autre exemple qui témoigne de l'abandon des régions par le gouvernement du Québec.

Dans la région du Bas-Saint-Laurent en particulier, le taux de chômage était, en avril, de 20,9 %. Nous constatons de plus, dans un document du gouvernement, qu'il s'est perdu plus d'emplois qu'il ne s'en est créé en 1993 dans le Bas-Saint-Laurent, ce qui représente 1 100 jobs de moins dans cette région au cours de 1996.

Le programme électoral, ou plutôt le programme pour se faire élire du Parti québécois stipulait, en page 31, que, dans certaines régions du Québec, des situations particulières commandent des stratégies particulières. J'aimerais savoir du ministre responsable du Développement des régions: Quelle a été sa stratégie particulière mise en place dans cette région pour nous conduire au résultat que nous connaissons, c'est-à-dire 1 100 jobs de moins en 1996, dans le Bas-Saint-Laurent?

Le Président: M. le ministre responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: M. le Président, quand on prend un endroit bien précis et qu'on le compare au reste du Québec, c'est vrai qu'on peut arriver à des aberrations, qu'on peut être malheureux du fait qu'une région soit plus durement touchée qu'une autre. Mais, M. le Président, dans l'espace des quatre ou cinq derniers mois, Québec a créé plus de 50 % de tous les emplois du Canada, que vous aimez tant, que vous chérissez tant.

Des voix: Bravo!

M. Chevrette: Que vous chérissez tant même si on nous rejette de plus en plus, comme on l'a constaté aux élections d'hier soir.

Ceci dit, M. le Président..

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, je disais qu'on ne regarde pas seulement les sommes dépensées par le Secrétariat au développement des régions. Je prends le Bas-Saint-Laurent en particulier, dans le programme REXFOR où on met 17 000 000 $ en création d'emplois, c'est le Bas-Saint-Laurent qui va chercher une grosse part. Plus que ça, on a même ajouté au Bas-Saint-Laurent, parce que la manne libérale fédérale est passée durant les élections, ils ont promis de donner de l'argent dans un programme, on a dit: Oui, on embarque tout de suite. On a versé immédiatement, au Bas-Saint-Laurent, au CRD, au conseil régional du Bas-Saint-Laurent, 1 000 000 $ pour dire: Oui, on embarque dans ce programme-là, pour aider, de façon très spécifique, le Bas-Saint-Laurent.

M. le Président, je pense véritablement, quand on regarde ce que REXFOR fait sur le terrain, recherche de promoteurs, par exemple, pour sortir certaines régions de difficultés, qu'il nous faut trouver des promoteurs intéressants. Pour repartir, par exemple, dans les pâtes et papiers, la modernisation, alors qu'il ne s'est rien fait pendant neuf ans dans ce secteur-là, on va y aller, nous.

Dans le domaine des projets à valeur ajoutée, M. le Président, encore en forêt, nous travaillons très, très fort. Nous avons maintenu les accréditives pour d'autres régions. Il faut regarder globalement la situation québécoise. Je suis particulièrement fier – et notre équipe est très fière – du fait qu'on dépasse 50 % de toutes les créations d'emplois du Canada et qu'on ait créé, depuis juillet dernier, 91 400 emplois.

Le Président: M. le député.

M. Vallières: Est-ce que le ministre est en train de se convertir au fédéralisme? M. le Président, est-ce que le ministre reconnaît que la donnée que je viens de lui fournir pour le Bas-Saint-Laurent, si on donnait celle de Mauricie–Bois-Francs, c'est 9 500 jobs de moins; en Estrie, 2 100 jobs de moins; dans la région de Laval, 6 500 jobs de moins de créées que celles qui ont été perdues?

Est-ce que le ministre peut nous indiquer, en particulier, si la publicité réalisée récemment grâce à la collaboration de son ministère dans le journal Le Rimouskois , édition du 9 avril 1997, invitant la population de Rimouski à magasiner à Québec, fait partie d'une de ses stratégies particulières pour créer des emplois dans le Bas-Saint-Laurent? Magasinez à Québec , stipule cette publicité payée en collaboration avec son ministère, est-ce que ça fait partie, ça, d'une stratégie particulière pour stimuler l'économie dans le Bas-Saint-Laurent?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, à ce que je sache, ça doit être une publicité de la Commission de la capitale nationale, dont vous avez essayé de retirer le mot «nationale» en amendement en commission parlementaire. La députée de Jean-Talon, qui siégeait, a été obligée de se rendre à la raison et de retirer son amendement parce que les gens de Québec étaient assis au salon rouge. Donc, s'il vous plaît!

(10 h 30)

Mais, M. le Président, la fable de La Fontaine s'appliquerait bien dans leur cas: Que faisiez-vous par les temps chauds? Au moment où les fédéraux se sont présentés, en 1993, en criant: Jobs, jobs, jobs – rappelez-vous, ça résonnait, ça transperçait l'écran: Jobs, jobs, jobs – dans le comté de Saint-Maurice, il y a plus de chômage qu'il y en avait en 1993 au moment où on a arraché le pouvoir au fédéral. On n'a pas entendu un libéral québécois, même au moment où ils occupaient les banquettes du pouvoir, se scandaliser de cela. On n'a pas entendu un libéral dans cette Chambre s'objecter au fait que le développement des régions, le fédéral donnait de l'argent à McKenna, 1-800-McKenna, pour marauder des entreprises québécoises dans le Kamouraska-Témiscouata, mais on les entend, par exemple, essayer de diminuer les efforts qu'on faits, alors qu'on a créé 91 400 emplois et qu'on a plus de 50 % de tous les emplois du Canada. Au lieu de vous «à-plat-ventir» puis de faire les tapis de porte, relevez-vous et soyez fiers de ce qu'on fait.

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, est-ce que le ministre a compris que l'exemple que je viens de lui donner – et c'est vraiment mentionné que son ministère est partie prenante de la publicité... Est-ce que le ministre est d'accord pour nous indiquer que ce n'est pas avec ce genre de stratégie qu'on va réussir à récupérer, dans le Bas-Saint-Laurent, les 1 100 jobs perdues? Et est-ce que le ministre peut, par la même occasion, m'indiquer comment il se fait, depuis qu'il est arrivé avec son gouvernement à la gouverne du Québec, qu'il n'a toujours pas mis en application la page 67 de son programme Des idées pour mon pays où on disait qu'un gouvernement du Parti québécois proposerait, dans les 100 jours suivant son élection, de mettre en place les mécanismes nécessaires à l'implantation d'une politique de plein-emploi? Est-ce que ça ne visait pas l'ensemble des régions du Québec et en particulier les régions qui ont des problèmes spécifiques reconnus, connus par l'ensemble des ministères?

C'était ça, ma question, ce matin, M. le Président: Quelle est l'approche, la stratégie concrète d'investissement, de création d'emplois dans ces régions-là? Pas dans six mois, dans un an, c'est maintenant que ça existe et c'est maintenant qu'il faut corriger la situation.

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, tout d'abord, l'allusion faite à l'annonce de la Commission de la capitale, moi, je dois vous avouer... Est-ce que je peux continuer, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais donner au député quelques statistiques pour lui montrer qu'il devrait se rafraîchir... En 1993, c'était au plus fort du gouvernement libéral – au plus fort des déficits, mais au plus fort aussi de leur gestion – 7,9 % de chômage en Chaudière-Appalaches; en 1996, c'est 6,8 %. En Estrie, c'était 11 %; c'est 9,8 % aujourd'hui. Ce n'est pas si mal. En Montérégie, c'était 13,2 %; c'est 10,1 %. Dans les Laurentides, c'était 12,1 %; c'est 10,5 %. Et je pourrais continuer. Dans les Laurentides, c'était 14,1 %; c'est 10,6 %. En Abitibi-Témiscamingue, c'était 14 %; c'est 11 %. Et je pourrais continuer à les défiler.

Je pense que le député aurait avantage, au lieu d'utiliser des mauvaises statistiques, des vieilles statistiques, il devrait reconnaître qu'il y a un effort extraordinaire de fait par le gouvernement actuel, et ce n'est pas fini. Mais on ne le regarde pas exclusivement en fonction d'une région, on veut un développement économique global, au Québec, en se servant de nos ressources naturelles, en se servant de tous les programmes qu'on peut mettre sur pied pour développer des produits à valeur ajoutée qui vont nous permettre de percer non seulement les marchés nord-américains, mais les marchés asiatiques et européens.

Le Président: M. le député.


Document déposé

M. Vallières: M. le Président, est-ce qu'on me permettra, à ce moment-ci, de déposer la copie de l'article de journal en question...

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?

M. Vallières: ...pour que le ministre en prenne bien connaissance? Publicité payée et réservée par le ministre.

M. le Président, est-ce que le ministre a pris connaissance des données les plus récentes émanant de la SQDM, qui font état d'un taux de chômage de 25 % en Gaspésie–Les Îles; de 20,9 % dans le Bas-Saint-Laurent; de 15 % au Saguenay–Lac-Saint-Jean; de 12,4 % en Mauricie–Bois-Francs; de 13,6 % dans Laval; de 13,5 % dans Lanaudière; de 16,5 % en Abitibi? M. le Président, est-ce que ces données récentes ne témoignent pas du désintérêt de ce gouvernement et du ministre en particulier à s'adresser à un contexte particulier dans certaines régions et à prendre les mesures requises pour le corriger?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: Gaspésie–Bas-Saint-Laurent, c'était 21,9 % durant votre règne; c'est 18,3 %, M. le Président. 10,3 % ou 18,3 %. C'est en avril que c'est sorti. Il y a des limites. Je ne sais pas qui leur prépare leurs questions, M. le Président, mais qu'ils se mettent à la page, s'il vous plaît! Ils découpent les journaux. Ils font accroire n'importe quoi, M. le Président. Mais je dois vous dire une chose personnellement: notre équipe, on est particulièrement fier d'avoir réussi un sommet économique, des consensus à travers le Québec. On est particulièrement fier d'avoir créé 91 400 emplois depuis juillet dernier, malgré les coupures d'Ottawa, malgré qu'on n'ait pas l'argent au développement des régions que certaines provinces ont. Et, avoir créer 50 % de tous les emplois canadiens au cours des derniers mois, il y a de quoi être fier, sinon de s'enorgueillir.

Le Président: M. le député des Îles-de-la-Madeleine, en principale ou en complémentaire?

M. Farrah: En principale.

Le Président: En principale.


Plan quinquennal d'investissements en agroenvironnement

M. Farrah: Merci, M. le Président. Après avoir démontré un manque de leadership au niveau de la défense du monde agricole – on s'en est rendu compte en avril dernier, alors que 12 000 agriculteurs sont venus manifester devant le Parlement – après avoir coupé plus de 100 000 000 $ aux agriculteurs et agricultrices du Québec, après avoir été carrément mis à la porte lors du congrès de la Fédération des producteurs de lait, on peut dire que le ministre crée autour de lui l'unanimité; cependant, c'est l'unanimité contre lui. Et, pour comble, le ministre en remet encore. Dans l'édition du début de mai du journal La Terre de chez nous , le ministre faisait paraître une publicité par laquelle il tente de laisser croire que des argents neufs totalisant 319 000 000 $ sont offerts en aide aux agriculteurs par un nouveau programme d'investissement en agroenvironnement.

Ma question, M. le Président: Le ministre de l'Agriculture reconnaît-il que, dans les faits, pour les deux prochaines années, il n'y a aucun argent neuf, mais qu'il s'agit plutôt d'un nouveau programme qui est financé par l'abolition de l'actuel programme d'aide à la gestion du fumier? Le ministre croit-il que les agriculteurs sont dupes de ce maquillage?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: Alors, M. le Président, effectivement, on va investir 318 000 000 $ dans les cinq prochaines années concernant l'agroenvironnement au Québec. Ça va concerner les fosses, mais aussi, ce qui n'existait pas, des investissements au niveau des nouvelles technologies, des équipements et du conseil-gestion. Donc, comme gouvernement, dans le cadre actuel de notre situation financière, je pense que, par le budget, nous avons fait un excellent geste, une excellente intervention pour permettre à nos producteurs de s'adapter aux nouvelles réalités au niveau de l'agroenvironnement.

Le Président: M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui, M. le Président. Comment peut-on concilier la réponse du ministre avec sa publicité qui est fausse: «319 000 000 $ aux agriculteurs», alors que l'argent neuf est seulement disponible en l'an 1999-2000 et les années subséquentes?

Comme on l'indique dans le Discours sur le budget , à la page 104, annexe A, tableau A-38, l'impact budgétaire au niveau du programme, donc argent neuf au niveau du gouvernement: 1997-1998, zéro; 1998-1999, zéro. Comme disait le premier ministre, zéro plus zéro, ça fait zéro.

Le Président: M. le ministre.

M. Julien: M. le Président, pendant 10 ans, ils devaient investir près de 300 000 000 $ et ils ont à peine investi 100 000 000 $ et quelques pour régler le problème de l'environnement. Nous, on met 318 000 000 $ pour le régler en cinq ans. Sur cinq ans, évidemment, ça part, ça va monter puis ça va diminuer. Comme dans n'importe quel programme, il y a des gens qui vont prendre ça dans la première année, dans la deuxième année, dans la troisième année. Alors, c'est progressif. Ce qu'il faut regarder, c'est 318 000 000 $ sur cinq ans qui vont toucher et les fosses, et les technologies, et les équipements, et les conseils de gestion, ce qui n'existait pas avant. Et, s'ils avaient fait leur job quand c'était le temps, on n'aurait pas le problème aujourd'hui.

(10 h 40)

Le Président: En principale, M. le député de Laurier-Dorion.


Contrôle de l'exploitation des nappes d'eau souterraines

M. Sirros: Merci, M. le Président. Le ministre de l'Environnement, il n'est pas sans savoir que d'importantes campagnes de prospection pour de nouveaux gisements en eaux souterraines se multiplient au Québec, notamment dans les régions de Mirabel, de Franklin et de Vaudreuil. Déjà, dans les secteurs de Mirabel et de Franklin, d'importantes quantités d'eau sont pompées quotidiennement de la nappe phréatique, sont embouteillées, vendues et exportées. Des citoyens rapportent déjà des problèmes réels de manque d'eau, d'altération de la qualité de l'eau et d'affaissement du sol. Étant donné que nous devons tenir un débat public approfondi sur la question de l'eau, un débat qui se doit d'inclure la question des eaux souterraines et qui doit être plus qu'un mini-sommet préarrangé, étant donné que la vente des eaux embouteillées pompées à partir de nos nappes phréatiques augmente à un rythme très important, vu ces perspectives réelles de surexploitation et étant donné que nous devons agir rapidement avant de nous trouver devant des situations de fait accompli plus avancées que nous ne le sommes déjà, est-ce que le ministre de l'Environnement peut s'engager à déclarer un moratoire sur de nouveaux permis d'exploitation, afin de nous assurer de sa volonté véritable de protéger le plus rapidement possible une ressource aussi vitale que l'eau?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: M. le Président, la réponse à cette question est négative parce que, en ce moment, chaque fois que nous autorisons un nouveau puits de pompage dans la nappe phréatique, nous le faisons en nous assurant que le pompage de cette eau se fait dans le respect de la pérennité de la nappe, c'est-à-dire que la nappe peut se recharger de façon suffisante pour permettre ce pompage, d'une part. D'autre part, nous allons déposer un projet de politique concernant la conservation des nappes souterraines, dans le cadre du débat sur l'eau dont le premier ministre parlait la semaine dernière. Donc, il n'y a pas lieu de décréter des moratoires pour les pompages sur les nappes souterraines. Nous traitons les dossiers correctement, cas par cas, pour nous assurer que, lorsqu'il y a du pompage, ceci se fait sans affecter la pérennité de la nappe.

En ce qui concerne spécifiquement – je vais terminer là-dessus, M. le Président – le cas de Franklin, c'est un projet que nous avons autorisé au mois de décembre 1996. Les gens qui s'inquiètent disent avoir maintenant en main des données qu'ils veulent me soumettre et je vais les rencontrer cet après-midi même pour recevoir ces données. Nous aviserons à ce moment-là. S'il y a effectivement des données qui n'étaient pas disponibles lors de l'autorisation, nous allons analyser ces données et aviser au moment opportun.

Le Président: M. le député.

M. Sirros: M. le Président, le ministre peut-il convenir, comme le font les experts partout au Québec ainsi que les officiers de son propre ministère, et je les cite, «que les informations hydrogéologiques que nous avons, qui sont disponibles, ne peuvent être considérées comme complètes ni suffisamment denses pour l'ensemble du territoire québécois et que le niveau de nos connaissances et le niveau de l'impact des activités humaines sur les aspects qualité et quantité de la ressource eau souterraine ne sont connus que d'une façon qui peut être qualifiée d'anecdotique»? Est-ce que le ministre se contentera d'émettre des permis sur la base de données anecdotiques?

Le Président: M. le ministre.

M. Cliche: Encore là, M. le Président, la réponse est négative. Les nappes phréatiques qui sont utilisées en ce moment, qui sont pompées, desquelles on pompe des eaux souterraines pour embouteiller et exporter, ces nappes phréatiques ont fait l'objet d'études approfondies. Il est vrai que nous n'avons pas une connaissance de l'ensemble des nappes phréatiques dans le Bouclier précambrien, mais les nappes phréatiques qui font en ce moment l'objet d'exploitation, elles font l'objet d'études approfondies.

Notamment, à Franklin, le critique de l'opposition officielle reconnaîtra qu'il faut avoir une analyse approfondie de cette nappe phréatique qui se trouve dans les grès de Potsdam, des grès qui s'étendent jusque dans l'État de New York. On connaît la facturation de ces grès, on connaît leur porosité, et c'est sur la base de ces données et de l'évaluation qu'on peut déterminer, à partir des lieux de recharge, des eaux qui rechargent naturellement ces nappes par les pluies et par les rivières, c'est à partir de la connaissance des roches qui contiennent ces nappes. Dans le cas de Mirabel, c'est le calcaire de Trenton. Dans le cas de Franklin, c'est les grès de Potsdam. C'est à partir de la connaissance de ces nappes qu'on peut donner et autoriser des permis de pompage.

Si le critique de l'opposition officielle a des données qu'il voudrait porter à mon attention, pensant que les experts de notre ministère, les hydrogéologues, les géologues et les experts en porosité et en recharge de nappes ont fait erreur, je le convie à me soumettre ces données afin que nous puissions réviser, le cas échéant, des décisions que nous avons prises.

Le Président: M. le député.

M. Sirros: M. le Président, est-ce que le ministre est d'accord avec son propre ministère qui parle de la désuétude du système d'information que nous avons, et je le cite: «Malgré la désuétude du système actuel, le ministère répond annuellement à des centaines de demandes provenant des différents acteurs pour le pompage de l'eau souterraine»? Est-ce que le ministre est en train de nous dire que tout est parfait et que nous n'avons aucune raison de nous inquiéter sur l'utilisation des eaux souterraines? À ce moment-là, pourquoi tenir un débat public, M. le ministre?

Le Président: M. le ministre.

M. Cliche: M. le Président, c'est la matinée des réponses négatives. Encore là, la réponse est négative. Je ne dis pas que tout est parfait. C'est pour ça que nous avons engagé, dans le ministère de l'Environnement et de la Faune, un vaste exercice de modernisation de nos outils de protection de l'environnement, dont j'ai fait état à plusieurs occasions dans cette salle. Nous modernisons les outils de protection et de surveillance de l'environnement, au niveau de la surveillance et du suivi, au niveau de l'évaluation préalable de l'examen et de l'évaluation des projets.

Et ce n'est pas pour rien qu'en mai dernier, en avril, fin avril dernier, à Saint-Hyacinthe, nous déposions un projet de politique pour la protection des eaux souterraines parce que, au-delà de cette protection essentielle au niveau du pompage, certains pays – c'est ce que nous proposons, par exemple – visent à protéger notamment les zones de recharge des eaux souterraines pour s'assurer que, là où les eaux souterraines se rechargent, une fois qu'on a évalué, localisé ces lieux, ce soit protégé. Donc, nous modernisons nous outils de protection de l'environnement, nous avons présenté un projet de politique de la protection des eaux souterraines, et le critique officiel de l'opposition devrait se réjouir des efforts de modernisation que nous faisons sans lésiner sur la protection de l'environnement.

Le Président: M. le député.

M. Sirros: Le ministre convient-il que le projet de politique n'a jamais été soumis à un examen public? Et est-ce que j'ai bien compris qu'il prend l'engagement que ce projet de politique sera effectivement soumis à un examen public approfondi avant qu'il soit mis en opération?

Le Président: M. le ministre.

M. Cliche: Or, dans ce cas-ci, la réponse est affirmative, M. le Président, pour faire changement. J'invite l'opposition à nous faire des commentaires sur le projet de politique des eaux souterraines qui a été déposé en avril dernier. Nous avons reçu plus de 100 mémoires écrits en réponse à ce projet de politique, et je me suis étonné de souligner l'absence d'un mémoire écrit, d'un positionnement de l'opposition officielle. Semble-t-il, c'est une question qui ne préoccupe pas l'opposition officielle, compte tenu de leur silence total sur notre projet de politique. Et, quant à la suite de ce projet de politique, une fois qu'il aura été adopté en principe par le Conseil des ministres, le premier ministre a été clair, cette politique de protection des eaux souterraines sera soumise au public et fait partie d'une politique globale de l'eau au Québec, et ce sera soumis à une discussion publique à l'automne, le premier ministre le disait en cette Chambre la semaine dernière.

Le Président: M. le député de Montmorency, en principale.


Adoption du schéma d'aménagement de la MRC de La Côte-de-Beaupré

M. Filion: Oui, M. le Président. Le schéma d'aménagement de la MRC de La Côte-de-Beaupré n'est pas encore adopté, bien que la première génération de schéma d'aménagement ait été votée à l'Assemblée nationale en 1979.

Le 21 mai dernier, le ministre des Affaires municipales, dans une lettre-réponse adressée au député fédéral Michel Guimond, informait ce dernier des récentes décisions prises dans ledit dossier, et ce, sans informer pour autant le député provincial concerné par le dossier, M. le Président.

Et le ministre s'exprimait ainsi dans sa lettre: «Je vous confirme que mon collègue de l'Environnement et de la Faune, M. David Cliche, m'a donné son accord de principe sur un seuil minimal d'empiètement de la zone riveraine. Cet accord permettra l'accélération des démarches visant l'entrée en vigueur du schéma d'aménagement.»


Document déposé

Avec le consentement de la Chambre, j'aimerais déposer la lettre, M. le Président.

Ma question, M. le Président: Est-ce que le ministre des Affaires municipales peut nous expliquer pourquoi il informe le député fédéral Michel Guimond sans en informer le député provincial, et ce, dans un dossier de compétence exclusive au Québec?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

(10 h 50)

M. Trudel: M. le Président, effectivement, au ministère des Affaires municipales, d'abord, on répond aux lettres qui nous sont écrites, hein! Et on répond aussi, le député en conviendra, aux questions verbales qui sont posées sur le parquet de la Chambre, ici, comme l'a fait le député de Montmorency, réponses qu'il a obtenues du ministre des Affaires municipales. Il opine du bonnet, alors il convient que j'ai donné ici les réponses au député sur la façon dont nous pensons arriver enfin à une solution. Parce que, vous savez, le schéma d'aménagement de la MRC de La Côte-de-Beaupré fait l'objet d'une très longue discussion, depuis un très grand nombre d'années, et la question, c'est la protection des bandes riveraines et la question des terres le long du fleuve Saint-Laurent. Et nous devons, comme vous le savez probablement, M. le Président, en arriver à conclure des schémas d'aménagement sur la base du principe de l'harmonisation dans l'occupation du territoire.

Le principe de base de la loi 125 sur l'aménagement et l'urbanisme, c'est que chacun des usages doit se retrouver en harmonie sur un territoire de MRC. Et, par ailleurs, nous devons négocier, échanger jusqu'au moment où on arrive à une entente. Et là, actuellement, on m'informait, ce matin, que nous sommes, je dirais, à 6 000 m près d'une solution, après au-delà d'une dizaine d'années de discussion, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Filion: M. le Président, doit-on comprendre, par cette façon de procéder, que le ministre cautionne ainsi l'ingérence fédérale dans les dossiers exclusifs au Québec?

Le Président: M. le ministre.

M. Trudel: M. le Président, parfois, il y a des élastiques qui sont étirés, qui risquent de casser et un peu de nous revoler dans le visage. Je pense que le député de Montmorency pose une question sur le fait qu'il y a une communication qui a été faite à un député de la Chambre des communes qui s'inquiétait de la longueur du processus, qui s'inquiétait du fait que nous cherchons tous une solution pour en arriver à une occupation harmonieuse du territoire de la MRC de La Côte-de-Beaupré. Jamais, au cours des 12 dernières années, n'avons-nous été aussi près d'une entente. Il nous reste maintenant une toute petite distance à franchir. Et là le député de Montmorency pourra assister, bien sûr, au dévoilement. Je lui enverrai une copie conforme de l'acceptation du schéma d'aménagement de la Côte-de-Beaupré, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Filion: M. le Président, j'ai cru comprendre que c'était pour bientôt, la réponse ou la décision du ministre. Est-ce que je pourrais savoir la date, à peu près, où je devrais recevoir l'invitation, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Trudel: Alors, M. le Président, il faut indiquer très clairement le processus qui doit être suivi. Le schéma d'aménagement d'une MRC est toujours soumis à tous les ministères concernés pour vérifier évidemment si cela est conforme aux orientations du ministère sectoriel concerné dans le gouvernement. Alors, il nous manque, jusqu'à maintenant, l'autorisation du ministère de l'Environnement quant à l'acceptation de l'occupation d'une certaine quantité de terres sur des bandes riveraines. Le ministre de l'Environnement pourrait compléter, mais, lorsque nous arriverons à une solution, je réserverai la réponse la journée où le député de Montmorency sera en Chambre.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: Le ministre de l'Environnement et de la Faune a été interpellé dans les trois questions du député. Je crois qu'en complément d'information...

Le Président: M. le député de Montmorency, sur une question de règlement.

M. Filion: Oui, question de règlement, M. le Président. On ne doit pas parler des absences des députés en cette Chambre. Dans la réponse du ministre, on a insinué que certains députés pouvaient être absents.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement et de la Faune, rapidement.

M. Cliche: Rapidement, M. le Président. Je m'étonne de l'ignorance du député parce que j'étais dans son comté, samedi, et les gens du comté que j'ai rencontrés connaissent le dossier.

Le dossier, essentiellement, c'est de tirer la ligne entre la zone inondable et la zone que nous allons reconnaître comme urbanisable. Il y avait une prétention de 1 400 000 m² que la MRC de La Côte-de-Beaupré voulait rendre urbanisables. Au moment où on se parle, on est tout près d'une entente de principe. J'ai rencontré l'ensemble des maires et ça va tourner autour de 144 000 m². À partir de ça, ça va être la ligne. Et, après ça, les marais, les zones inondables, les zones à sauvagine vont être protégés pour des générations futures, M. le Président.

Le Président: Dernière complémentaire, M. le député.

M. Filion: Juste pour informer le ministre, M. le Président, sur l'ignorance qu'il a soulevée. Est-ce que le ministre est conscient, par ce genre d'attitude, que ça a fait l'objet d'une annonce à la place du ministre, dans mon comté, comme quoi le schéma d'aménagement était réglé et adopté? C'est pour ça qu'il y a une confusion dans le comté. C'est que, actuellement, on est train de faire l'annonce à la place du ministre des Affaires municipales. Alors, le ministre de l'Environnement, M. le Président, devrait s'informer avant de dire n'importe quoi. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le ministre.

M. Trudel: M. le Président, on comprendra que les discussions ont été tellement intenses au cours des dernières semaines et des derniers mois, et vous avez vu la distance qui séparait les parties au niveau de l'occupation du territoire concerné quant à l'espace qui sera réservé à l'urbanisation et, par ailleurs, l'espace qui sera protégé. On est parti d'une demande d'au-delà de 1 400 000 m² et là on est dans une fourchette en quelque sorte entre 150 000 et 144 000, et nous sommes donc tout près d'une entente. Eh oui, ça a demandé beaucoup, beaucoup, beaucoup de discussions, beaucoup d'échanges et un grand nombre de compromis aussi d'un grand nombre de personnes. Le climat est bon, mais on comprend aussi que l'anxiété d'en arriver à un résultat positif fait en sorte que parfois les esprits vont un peu plus loin. Cependant, je peux confirmer, comme ministre des Affaires municipales, qu'il n'y a pas eu d'acceptation formelle encore du schéma d'aménagement.

Le Président: M. le député de Papineau.


Renforcement des mesures de sécurité entourant la pratique du soccer

M. MacMillan: M. le Président, il y a cinq ans, un but de soccer mal ancré avait coûté la vie à un jeune garçon de Le Gardeur. Suite à cette triste tragédie, la Régie de la sécurité dans les sports était intervenue en établissant des normes de sécurité plus sévères. Fait troublant, depuis six semaines, des buts de soccer ont blessé gravement trois enfants, dont le dernier qui a subi une fracture du crâne. Heureusement, le jeune va survivre, et j'en profite pour lui souhaiter bonne chance.

Suite à l'annonce par le ministère des Affaires municipales d'abolir la Régie de la sécurité dans les sports, plusieurs parents sont inquiets pour la sécurité de leur enfant qui pratique le soccer, un sport qui connaît d'ailleurs une popularité grandissante. Le ministre peut-il nous dire quelles sont les actions qu'il a demandées à la Régie de la sécurité dans les sports, en plein démantèlement, de mettre de l'avant pour assurer la sécurité des milliers d'enfants qui jouent au soccer au Québec?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: M. le Président, comme ministre responsable des loisirs et des sports, d'abord, oui, cette situation est inquiétante, puisque la pratique de ce sport dans un certain nombre de municipalités a amené des accidents avec les résultats qui ont été énumérés.

Deuxièmement, il n'y aura pas de modifications et on n'ira pas jusqu'à supprimer la Loi sur la sécurité dans les sports. Il faut rassurer tous les parents de l'ensemble du Québec dans chacune des régions: la Loi sur la sécurité dans les sports va continuer de s'appliquer dorénavant directement par le gouvernement.

Troisièmement, à l'égard des gestes qui doivent être posés, dans quelques minutes on débutera l'étude d'un projet de loi qui vise à contrôler la sécurité dans la pratique d'un autre sport, et tout cela va nous permettre d'affirmer la nouvelle façon dont nous voulons aborder la sécurité dans les sports, c'est-à-dire responsabiliser davantage les personnes ou les groupes qui sont les adeptes de ce sport.

Dans le cas échéant ici, nous devons faire un rappel aux municipalités qui sont responsables de l'organisation de ces terrains, de l'organisation de ces sports au niveau de leur service de loisirs. Nous devons aussi adopter une attitude qui fasse en sorte que, dès le moment où la fédération spécialisée responsable désire collaborer, eh bien, nous allons mettre à sa disposition l'appareil normatif nécessaire pour être capable de bien contrôler la pratique d'un tel sport.


Réponses différées


Fermeture de foyers de groupe pour mères adolescentes

Le Président: Alors, cette réponse met fin à la période des questions et des réponses orales, mais il y a une réponse différée, comme je l'avais indiqué précédemment. Alors, à ce moment-ci, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux répondra à une question posée le 30 mai 1997 par Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne concernant les foyers de groupe pour les mères en difficulté d'adaptation. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

(11 heures)

M. Rochon: M. le Président, je pense qu'il serait utile pour tous d'apporter certaines précisions et clarifications en regard des questions qui ont été posées à l'égard des places d'hébergement, soit en foyer de groupe ou en différentes modalités d'hébergement pour les jeunes femmes enceintes ou en difficulté dans l'ensemble du Québec. Vous vous en rappelez, il était essentiellement question d'une décision ou d'un élément, dans le plan d'organisation des services du centre jeunesse de la région de Montréal, afin de diminuer de 29, c'est-à-dire de passer de 63 à 47 places d'hébergement pour les jeunes filles ou les jeunes femmes.

Je voudrais rappeler trois choses pour bien clarifier cette situation, après avoir reparlé à tout le monde qui est impliqué dans cette affaire, M. le Président. D'abord, ce qui est à la base des décisions et des orientations, c'est la conjoncture de trois plans. Il y a le plan d'action en matière de condition féminine que la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne avait mentionné en posant sa question. Il y a les orientations ministérielles sur la planification des naissances du ministre de la Santé et des Services sociaux, ce qui qui a été la base, depuis 1996, de ce que ma collègue la ministre responsable de la Condition féminine a préparé dans son plan d'action. Et, finalement, il y a le plan d'organisation des services du centre jeunesse de Montréal. Ces trois plans-là convergent dans le même sens des objectifs qui sont en lien avec la prévention des grossesses précoces indésirées et la prévention des difficultés que vivent les jeunes femmes et les jeunes filles.

Deuxièmement, à la base de ces objectifs communs, ce qui est en préparation, c'est une concertation très importante autant au niveau national qu'au niveau de la région et qu'au niveau local entre, par exemple, les CLSC, les groupes communautaires, les garderies, et le secteur de l'éducation est mis à partie dans cette concertation. Ce qui est visé, c'est...

Le Président: En terminant, M. le ministre. Juste avant que vous terminiez, là, je voudrais rappeler – et je pense que je viens de vous indiquer, de vous demander de terminer – à tous les députés et ministres qui sont appelés à répondre à la période des réponses différées que les règles de la période des réponses différées doivent être les mêmes qu'à la période des questions et réponses orales. Ce n'est pas, à ce moment-ci, de répondre d'une façon plus élaborée qu'on pourrait le faire normalement à l'autre étape précédente. Alors, M. le ministre, en terminant.

M. Rochon: Je vais conclure très succinctement, M. le Président, mais on en a fait tellement un plat pendant plusieurs jours que je pense que c'est important que la population soit bien informée. Qu'est-ce qui va résulter de ça? C'est plus de services, des services mieux intégrés et un redéploiement de personnel, par exemple, de 90 professionnels, dont 20 qui vont travailler spécialement avec et pour les jeunes filles et les jeunes mères en difficulté.

En ce qui regarde les places d'hébergement, ce qui est prévu, c'est d'abord, dans l'immédiat, que le centre jeunesse maintient tout son potentiel d'hébergement pour s'assurer que la disponibilité va être là et que les jeunes femmes qui doivent être hébergées le seront. Au début de 1998, on va refaire le point et, s'il devait y avoir, comme on prévoit que ça pourrait arriver, une diminution de places, c'est parce que effectivement les services développés auront remplacé à la satisfaction de tous les places d'hébergement. Mais, autrement, les places d'hébergement vont être là pour s'assurer que le service est complet et adapté aux besoins, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Johnson: Est-ce qu'on doit comprendre de la réponse du ministre que, contrairement à ce que le premier ministre disait la semaine dernière, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, elle ne disait pas n'importe quoi, elle n'était pas intellectuellement malhonnête; et, quant à la ministre de l'Emploi, qui a dit que c'était la technique de l'épouvantail qui était utilisée, que ça aussi, c'était à côté de la coche complètement et qu'en réalité c'était déjà annoncé qu'il y avait moins de places à l'endroit de ces jeunes femmes, de ces jeunes filles enceintes; que le virage que le ministre prétend vouloir prendre, de retourner dans leur milieu ces jeunes filles, risque d'ignorer que c'est souvent dans ces circonstances-là que se produisent les problèmes avec lesquels elles sont prises, et que ce n'est pas une solution de fermer les places, qu'il faut, au contraire, en financer davantage et montrer plus de sensibilité et de compassion à l'endroit de ces jeunes filles compte tenu de leur état, compte tenu des circonstances qu'elles vivent, compte tenu des conséquences que ça représente pour elles et pour leur famille?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Je voudrais rappeler, M. le Président, que c'est pour ça que j'ai voulu rappeler les objectifs et les trois plans qui concourent à les soutenir. L'objectif est la prévention et, si la prévention réussit, on aura, à terme, éventuellement, besoin de moins de places. L'objectif n'est pas de laisser les problèmes courir et d'intervenir en bout de ligne avec plus de places d'hébergement. C'est exactement le contraire qui est prévu.

Donc, ce qui était réel, c'est que, de la façon dont on a sorti la question, on a oublié les objectifs, on a oublié les nouveaux services qui se développaient, on a oublié tous ceux qui concouraient pour mieux intégrer les services et on n'a que, effectivement, monté en alarme, de façon complètement disproportionnée, ce qui sera probablement, peut-être, éventuellement, un résultat de la politique parce qu'on aura prévenu plus plutôt que de guérir trop tard, M. le Président.


Votes reportés


Rapport de la commission de la culture qui a fait l'étude détaillée du projet de loi n° 40

Le Président: Alors, nous allons maintenant passer au vote reporté sur le rapport de la commission de la culture qui a étudié en détail le projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française.

Que les députés en faveur de ce rapport veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Charest (Rimouski), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Jolivet (Laviolette), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kieffer (Groulx), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

M. Filion (Montmorency).

Le Président: Que les députés contre ce rapport veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vaive (Chapleau), M. Parent (Sauvé), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Benoit (Orford), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), M. Lefebvre (Frontenac), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce).

M. Dumont (Rivière-du-Loup). M. Le Hir (Iberville).

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:64

Contre:37

Abstentions:0

(11 h 10)

Le Président: Alors, le rapport de la commission de la culture est adopté.

Nous allons maintenant aborder les motions sans préavis. M. le leader du gouvernement, auparavant.

M. Bélanger: M. le Président, avant d'aborder les motions, je demanderais le consentement de la Chambre afin que nous puissions faire l'avis touchant les consultations particulières sur la loi n° 138, Loi modifiant la Loi sur les loteries et les courses.

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Bélanger: Oui. M. le Président, j'avise l'Assemblée que la commission des institutions procédera aux consultations particulières sur le projet de loi n° 138, Loi modifiant la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif.


Motions sans préavis

Le Président: Très bien. Cet avis étant fait, nous allons revenir aux motions sans préavis. M. le ministre des Affaires municipales.


Souligner la 10e édition de la Semaine de la municipalité

M. Trudel: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la 10e édition de la Semaine de la municipalité, qui se déroule du 1er au 7 juin 1997, sous le thème Au coeur de la municipalité: le citoyen , et qui a comme principal objectif de sensibiliser les citoyens et citoyennes à l'importance de la municipalité dans leur vie quotidienne.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, il y aurait consentement pour qu'il y ait deux interventions du côté de l'opposition officielle. De notre côté, il y aurait l'intervention du ministre et, exceptionnellement, un droit de réplique.

Le Président: Alors, il y a consentement sur cette façon de procéder. M. le ministre des Affaires municipales.

Auparavant, avant de vous laisser la parole, les députés qui doivent travailler à l'extérieur du salon bleu, je vous prierais de quitter la salle rapidement. Rapidement, s'il vous plaît!

M. le ministre des Affaires municipales.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Donc, la motion qui a été déposée ce matin, M. le Président, vise à souligner la 10e édition de la Semaine de la municipalité au Québec. C'est une semaine importante, puisqu'elle concerne donc effectivement les quelque 1 389 communautés locales au Québec, c'est-à-dire des municipalités de différentes tailles, parce que, M. le Président, au Québec, il faut le rappeler, nous avons, en gros, deux types de municipalités au niveau de leur taille: des municipalités de grande taille qui vivent dans des agglomérations de 10 000 personnes et plus, aux alentours de 260, et, par ailleurs, 1 100 municipalités qui sont, pour les groupes vivant dans des agglomérations de moins de 10 000 personnes, des municipalités de petite taille. Ça, M. le Président, c'est bien caractéristique à la situation du Québec et à l'évolution de l'histoire du Québec.

Il y a 1 390 communautés locales, M. le Président, qui sont par ailleurs regroupées dans 96 municipalités régionales de comté, les MRC, et trois communautés urbaines, en Outaouais, à Montréal et à Québec, donc des organismes au niveau supralocal. Et ça, c'est une autre particularité de l'organisation territoriale québécoise qui, je le souligne, M. le Président, à ce moment-ci, fait l'orgueil d'ailleurs de plusieurs pays, de plusieurs provinces, puisque nous avons réussi à développer non seulement une planification basée sur l'harmonisation des différents usages du territoire dans les schémas d'aménagement justement dans 95 territoires de MRC au Québec et également dans les communautés urbaines au Québec. Et ça, c'est assez exceptionnel en termes de planification quant à l'occupation du territoire.

Ce qu'il faut, M. le Président, souligner davantage à l'occasion de la Semaine de la municipalité, dont le thème, cette année, est Au coeur de la municipalité: le citoyen , c'est, d'abord, l'implication de quelque 10 000 personnes au Québec. Il y a 10 000 hommes et femmes qui siègent dans les différents conseils municipaux dans les municipalités de différentes tailles. Alors ça, ça veut dire, M. le Président, donc quelque 1 389 maires et mairesses à travers le Québec, et, suivant la taille des municipalités, eh bien, c'est 10 000 personnes qui sont impliquées au niveau du gouvernement local.

Une semaine par année, nous tenons à leur dire: Merci pour votre implication. Merci de cette décision qui fait en sorte que profondément on s'intéresse au développement de la communauté et qu'on gère cette communauté-là en vertu principalement de deux lois au Québec: le Code municipal et la Loi sur les cités et villes. Dix mille personnes, 10 000 hommes et femmes qui, dans chacune des communautés, s'impliquent, il faut le soulever.

Mais également, M. le Président, il faut soulever l'ensemble des personnels, l'ensemble des personnes, hommes et femmes, qui travaillent dans les municipalités au Québec. En plus, il faut ajouter, dans chacune de ces municipalités, de très nombreux bénévoles qui travaillent, par exemple, au niveau des services de loisir. Dans beaucoup d'occasions aussi, dans beaucoup de municipalités également, au niveau, par exemple, de la protection contre les incendies, bien, on travaillera avec des équipes de pompiers volontaires, des gens qui vont suivre des formations et qui se dévouent au niveau de leurs concitoyens et concitoyennes pour la prévention et la protection contre les incendies. Je prends ces deux éléments comme exemples pour souligner donc et reconnaître le travail de 10 000 élus municipaux, de l'ensemble des hommes et des femmes qui travaillent dans les municipalités du Québec et qui se dévouent, mais énormément, pour le bien-être de leurs concitoyens et concitoyennes, et également les bénévoles qui interviennent dans ces municipalités.

C'est pourquoi d'ailleurs, M. le Président, nous aurons à la fin de la semaine une cérémonie, une rencontre au niveau de la remise de prix, de récompenses du Mérite municipal pour différentes catégories de personnes qui se sont illustrées dans leur communauté locale, pour souligner ce travail-là. Ce sera également, et depuis un très grand nombre d'années, un événement qui va nous permettre de souligner tout ce travail, toutes ces heures qui sont données dans les municipalités.

Par ailleurs, M. le Président, deuxième élément de la motion, le thème retenu cette année Au coeur de la municipalité: le citoyen . Au moment où nous sommes, oui, engagés dans un mouvement qui non seulement implique, mais implique profondément et directement les citoyens au niveau local, eh bien, il vaut la peine de rappeler, à l'occasion de cette Semaine de la municipalité, que les premiers concernés... que tout ce travail qui est accompli, c'est d'abord pour le citoyen qui est le contribuable dans l'ensemble de nos municipalités locales.

M. le Président, nous nous sommes engagés, cette année, dans un processus de réaménagement de la fiscalité locale, également de réduction des dépenses du gouvernement et des dépenses dans les municipalités pour une somme de 500 000 000 $. Alors, on ne peut pas non plus être dans la Semaine de la municipalité et ne pas rappeler tous ces efforts immenses que nous allons demander à l'ensemble des collectivités locales. Que ces collectivités soient de petite taille ou de grande taille, c'est un exercice qui va demander d'être imaginatif, créatif. Déjà, il y a beaucoup de gens qui sont au travail, et nous pensons que nous pourrons en arriver, oui, dans notre effort au niveau de l'ensemble du Québec, à réduire nos dépenses pour une somme importante.

Et tout le monde convient qu'il s'agit là d'un objectif qui est élevé, qui correspond à 5 % des 10 000 000 000 $ de budget que nous retrouvons dans les municipalités du Québec, parce que l'ensemble des budgets de l'ensemble des municipalités, c'est 10 000 000 000 $. Alors, rapidement, 5 % de cette somme, ça veut dire chercher une réduction des dépenses de 500 000 000 $. Et c'est pourquoi nous allons tenter d'arriver avec détermination, avec courage, avec beaucoup d'énergie aussi à réduire ces dépenses dans les municipalités pour faire en sorte qu'au niveau de la main-d'oeuvre on puisse consentir un effort similaire à ce qui a été consenti dans la fonction publique et par ailleurs que nous procédions à un certain nombre de mises en commun des services pour en arriver à économiser.

Au coeur de la municipalité: le citoyen , ça veut dire aussi, M. le Président, que le gouvernement, que le ministère des Affaires municipales, que l'ensemble des personnes qui travaillent dans ce secteur d'activité vont développer énormément d'efforts au cours des prochaines semaines pour que le citoyen contribuable soit le moins affecté possible au niveau de cette réforme, de cette réorganisation de la fiscalité municipale et des pouvoirs qui seront dorénavant dévolus aux municipalités en termes de production de services au plan local.

(11 h 20)

Voilà pourquoi, M. le Président, nous présentons cette année encore cette motion à l'Assemblée nationale pour souligner ce travail, pour souligner l'ensemble des énergies qui sont consacrées à l'administration locale au Québec et aussi pour souligner qu'il nous faudra, encore une fois, beaucoup d'énergie au cours des prochaines semaines pour vraiment maintenir le citoyen au coeur de l'ensemble et de chacune des municipalités du Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Affaires municipales. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que j'interviens au nom de ma formation politique afin de souligner la 10e édition de la Semaine de la municipalité qui a pour thème Au coeur de la municipalité: le citoyen . L'organisation de cette Semaine relève d'un comité composé de représentants de l'Union des municipalités du Québec, de l'Union des municipalités régionales de comté, des municipalités locales du Québec et du ministère des Affaires municipales. Il faut souligner ici la contribution de Bell Canada, M. le Président, à la promotion de la Semaine et au Mérite municipal qui se tiendra à Québec le 6 juin prochain.

La Semaine de la municipalité est une occasion particulière pour souligner la contribution de milliers et de milliers d'élus, hommes et femmes, d'employés municipaux à la qualité de vie du milieu et au mieux-être collectif. Le comité de coordination de cette Semaine nous propose le même thème que l'an dernier, soit Au coeur de la municipalité: le citoyen . Cette décision m'apparaît judicieuse, puisqu'il est important d'attirer l'attention sur le nombre grandissant de services offerts par la municipalité, toujours avec le souci croissant de qualité et d'efficacité, et cela, malgré, M. le Président, comme vous le savez, le désengagement constant de ce gouvernement dans plusieurs champs d'activité municipale.

On le sait, les deux dernières années ont été particulièrement éprouvantes pour les citoyens municipaux du Québec: d'abord, par la politique de fusion qui a eu pour conséquence et qui aura encore pour conséquence de modifier les limites du territoire telles que les municipalités les connaissent; de plus, cette politique de fusion a pour conséquence de ramener le dévouement et la contribution de nombreux élus municipaux à une échelle économique ayant pour but de réaliser des économies que bien des spécialistes ne peuvent même pas prouver.

Le journal Les Affaires du 30 novembre dernier publiait les propos de M. Roger Lachance, un ancien maire, vice-président de Raymond Chabot Muni-Consult, à l'effet que, et je le cite: «Les économies d'échelle à réaliser en fusionnant les municipalités, c'est de la bouillie pour les chats.» Fin de la citation. L'ex-premier ministre du Québec, M. Jacques Parizeau, indiquait, à l'occasion du congrès de l'Union des municipalités de 1996, que le regroupement des municipalités n'entraîne aucune économie d'échelle et ne sert en réalité que pour les commodités du gouvernement. De façon plus précise, il mentionnait que, dans le passé, on croyait que plus une municipalité grossissait, moins elle coûtait cher. Or, selon lui, exception faite des services d'aqueduc, il n'y a aucune économie d'échelle à l'augmentation de taille des municipalités. M. le Président, notre formation politique est plus respectueuse du thème proposé, puisque, en ce qui concerne les fusions, nous avons toujours indiqué que l'initiative doit venir, d'abord et avant tout, des citoyens, des citoyennes et des conseils municipaux qui doivent être les seuls à décider de leur avenir.

Le désengagement du gouvernement s'est fait sentir depuis plusieurs années. Toutefois, le dernier pelletage de 500 000 000 $ de responsabilités et de factures dans la cour des municipalités n'aura jamais représenté un aussi grand défi aux élus et aux employés municipaux. Dans le passé, ils ont su relever ce défi. Cependant, il n'y a aucune correspondance avec la commande budgétaire qu'on leur transmet aujourd'hui, pas plus qu'avec la procédure employée par ce gouvernement afin d'atténuer l'impact fiscal auprès du citoyen.

Certains même – des mauvaises langues, M. le Président – prétendent que nous nous réjouissons de l'impasse actuelle dans laquelle se trouve le ministre des Affaires municipales dans les négociations avec le monde municipal et avec les syndicats. C'est totalement faux. Notre formation politique ne peut se réjouir d'une telle possibilité, puisque, qu'il soit citoyen municipal, contribuable provincial ou fédéral et payeur de taxes, c'est toujours le même individu qui paie.

M. le Président, les activités de la Semaine devraient permettre d'accroître la visibilité du conseil municipal et de l'administration locale de façon à faire prendre conscience aux citoyens et aux citoyennes que la conduite des affaires municipales s'exerce avec eux et pour eux. La municipalité est le palier de gouvernement le plus près des citoyens, on ne le dira jamais assez. Nous souhaitons que le gouvernement concrétise ses nombreuses promesses de décentralisation des activités gouvernementales. Cependant, cette volonté ne nous semble pas très forte ni très claire et, malheureusement, nous nous répétons lorsque nous évoquons le double discours du gouvernement.

Je souhaite donc que tous les membres du gouvernement, que les membres de l'Assemblée nationale, y compris ceux du côté ministériel, réfléchissent à la signification du thème de cette Semaine. Je souhaite également une bonne Semaine de la municipalité à tous les citoyens et les citoyennes du Québec, aux dizaines de milliers d'élus, hommes et femmes, et aux employés municipaux qui auront l'occasion, au cours de cette Semaine, de faire valoir tout le travail qui se fait sur le terrain. J'invite les citoyens à participer aux nombreuses activités qui se tiendront dans leur municipalité. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, je vous cède la parole.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de souligner, à mon tour, la 10e édition de la Semaine de la municipalité qui a pour thème Au coeur de la municipalité: le citoyen . Cette Semaine a pour objectif principal de sensibiliser les citoyennes et citoyens à l'importance de la municipalité dans leur vie quotidienne. En effet, M. le Président, je crois qu'il est fondamental de rappeler le plus souvent possible que ce qui caractérise la réussite d'une saine gestion et d'une compréhension des besoins des citoyens, c'est de s'adresser au palier de gouvernement qui est le plus près de ses préoccupations. À cet égard, le rôle joué par les municipalités est fondamental.

Nous nous devons toujours de garder à l'esprit, comme législateurs, que nous avons la responsabilité de donner à l'ensemble des élus municipaux les outils nécessaires pour réaliser leur objectif. Je me permets donc, à ce moment-ci, de souligner le travail exercé, jour après jour, par les élus municipaux qui ont le souci d'assurer des services de qualité à bon prix à leurs citoyens et citoyennes, et une plus grande efficacité aussi dans la gestion de leur administration. D'autre part, cette semaine thématique nous permet aussi de féliciter l'Union des municipalités du Québec ainsi que l'Union des municipalités régionales de comté pour leur excellent travail à titre de défenseurs des intérêts des municipalités et de leurs élus.

Par ailleurs, M. le Président, l'objectif de sensibiliser les citoyens et citoyennes à l'importance de leur municipalité dans leur vie quotidienne doit se concilier avec un autre objectif fondamental, qui devrait être le leitmotiv du gouvernement du Parti québécois. Il s'agit de l'importance qu'il doit accorder aux municipalités et à leurs représentants et de son devoir de les respecter. À cet égard, M. le Président, nous ne pouvons dire que les gestes posés dernièrement par le gouvernement sont éloquents. Nous n'avons qu'à penser à cette stratégie toujours présente de procéder à l'imposition de fusions de municipalités. Comme le mentionnait ma collègue de Jean-Talon précédemment, nous avons toujours cru et croyons aussi toujours, comme formation politique, qu'il est préférable de laisser le libre choix aux municipalités. J'ajouterais aussi qu'il est préférable de procéder par incitation plutôt que par imposition.

Que dire aussi du récent pelletage, pour septembre 1997, de 500 000 000 $ imposé aux municipalités par le gouvernement du Québec. À cet égard, les citoyens et citoyennes ont une occasion privilégiée de considérer l'importance de leur municipalité dans leur vie quotidienne, car leurs élus, leur maire ont la lourde tâche d'empêcher le gouvernement de leur imposer un fardeau fiscal qui risque de se répercuter directement. Je vais référer d'ailleurs le ministre des Affaires municipales aux propos de la mairesse de Sainte-Foy, ce matin, à Radio-Canada, qui est aussi vice-présidente de l'UMQ, ça pourrait peut-être le faire réfléchir. À cet effet, je me permettrai de rappeler que, dans toute décision ayant un impact direct sur nos municipalités, c'est toujours le citoyen qui contribue et c'est toujours lui qui en fait les frais.

(11 h 30)

D'autre part, la motion présentée aujourd'hui devrait intéresser particulièrement le ministre d'État à la Métropole, ministre qui a, depuis sa nomination, plus souvent qu'à son tour, critiqué l'attitude des élus municipaux, qui a réussi plus souvent à les blâmer qu'à les glorifier. Je vais lui rappeler la réunion annuelle du CRDIM de mai dernier, mai 1996, où il a, tout simplement, dit à un groupe de maires de la région de Montréal que, eux, leur rôle, c'était de planter des fleurs ou encore de s'assurer qu'il y avait les bons arrêts au coin des rues, ce qui a eu pour effet de plaire – et je le dis ironiquement – aux élus municipaux. On s'aperçoit aussi que, dans la région de Montréal, effectivement, ce n'est pas tout à fait l'harmonie entre les élus municipaux et le ministre de la Métropole, qui s'enrage plutôt que de s'asseoir avec eux pour essayer de tirer un certain consensus dans cette grande région qui regroupe 111 municipalités.

Je vais me permettre aussi de rappeler au ministre de la Métropole le rôle fondamental joué par les élus municipaux dans le développement du Grand Montréal. Il ne doit jamais sous-estimer cette volonté commune de travailler collectivement au mieux-être de nos concitoyens. Si les élus sont, dans bien des cas, réticents aux projets du ministre d'État à la Métropole, entre autres versus la Commission de développement de la métropole que nous allons étudier jeudi prochain – jeudi qui s'en vient – une étude article par article et pour laquelle nous n'avons pas encore d'amendement, 36 heures avant, d'une part, et à laquelle n'a pas souscrit l'ensemble des élus municipaux, ils ont demandé d'ailleurs au ministre de surseoir à ce projet jusqu'à la session prochaine pour leur laisser le temps de terminer leurs négociations avec le ministre des Affaires municipales, voeu qui, évidemment, n'a pas été entendu. Alors, M. le Président, encore une fois, s'ils sont réticents, c'est peut-être justement parce qu'il n'a pas su mettre le citoyen, lui, au centre de ses préoccupations.

Finalement, M. le Président, s'il faut sensibiliser les citoyennes et les citoyens à l'importance de la municipalité dans leur vie quotidienne, il faut dès lors sensibiliser le gouvernement à l'importance des municipalités dans la défense des intérêts des citoyens et des citoyennes. J'espère que les membres du gouvernement comprendront ce message et je souhaite une bonne Semaine de la municipalité à tous les citoyennes et citoyens du Québec ainsi qu'à leurs représentants municipaux. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre des Affaires municipales pour son droit de réplique. M. le ministre.


M. Rémy Trudel (réplique)

M. Trudel: Brièvement, M. le Président, tel que nous en avons convenu, donc, avant la présentation de cette motion, uniquement une intervention pour apporter quelques précisions. D'abord, pour souligner l'implication de la députée de Jean-Talon et également de la députée de Marguerite-Bourgeoys dans le monde municipal – selon une expression consacrée et selon l'expression que l'on emploie généralement – en particulier pour la région de Montréal, pour la députée de Marguerite-Bourgeoys; et pour l'ensemble du Québec, maintenant, dans son rôle de porte-parole de l'opposition, pour la députée de Jean-Talon, donc se faire leur porte-parole et indiquer comment nous devons ne jamais oublier...

M. le Président, il faut reconnaître une chose. Lorsqu'on est en administration publique, il ne faut jamais oublier pour qui on travaille, pour qui on développe de l'énergie, pour qui on intervient dans nos dossiers et pour qui on réalise des interventions au niveau du développement de la collectivité. C'est toujours pour le citoyen, la citoyenne qui est au coeur de l'action. Et il peut arriver, oui, M. le Président – les processus, Weber a tellement bien décrit ça dans ses publications – on peut avoir un certain nombre de tentations, au niveau bureaucratique, qui parfois nous font dévier de notre trajectoire principale. Et, à l'occasion de la Semaine de la municipalité, il faut se rappeler ce message: nous réalisons tout ce travail, nous développons cette énergie, nos interventions pour les citoyens et citoyennes qui vivent dans nos collectivités locales.

Quelques remarques, M. le Président, en rapport avec l'intervention de la députée de Jean-Talon, au niveau de la politique de consolidation municipale. Effectivement, nous avons donc proposé à 411 municipalités, essentiellement villages, paroisses, de dire: Maintenant, villages et paroisses, vous pourriez étudier le phénomène suivant, c'est-à-dire pourquoi ne seriez-vous pas dans une seule et même administration municipale et vous retrouver toujours dans une collectivité de petite taille, évidemment, au sein et autour de la table de la MRC, la municipalité régionale de comté, comme lieu de coopération au niveau d'un certain nombre de dossiers?

M. le Président, nous avons choisi l'approche libre et volontaire. C'est un peu plus long, ça demande un peu plus d'énergie, mais essentiellement, oui, effectivement, c'est les conseils municipaux qui prennent la décision d'une demande commune de regroupement. Tout cela est précédé d'une étude qui vise à renseigner non seulement le gouvernement local, le conseil municipal, mais les citoyens également, et à étudier, analyser le pour et le contre et en arriver – comme dans le comté du chef de l'opposition, Vaudreuil – à une décision qui parfois, évidemment, suscite de la controverse parce que c'est une façon différente de faire l'histoire; c'est une conjonction de forces. Alors, tout cela, M. le Président, doit être basé sur l'information, sur la discussion, sur l'échange. C'est pourquoi nous avons proposé ce processus basé sur cet élément-là, cet élément fondamental.

M. le Président, il n'y a pas d'évangile, je crois, suivant les études que nous avons, à l'égard de: Est-ce qu'il y a dans le monde occidental, est-ce qu'il y a au Québec une taille optimale pour une municipalité? On doit étudier cela dans chacun des cas, M. le Président, et trouver une réponse dans la réalité du terrain suivant ce qu'on a comme situation. C'est pourquoi on base notre processus sur le volontariat, sur l'étude de la connaissance du phénomène.

Quant au désengagement, tel que l'a mentionné la députée de Jean-Talon, au niveau des finances publiques et des responsabilités que nous entendons confier aux municipalités, bien, M. le Président, ce n'est pas tellement à l'occasion d'une motion sur la Semaine des municipalités qu'il faut rappeler ici qu'il y a eu précédemment, par la formation politique qui maintenant forme l'opposition, une autre réforme. On l'appelait «la réforme Ryan» à l'époque.

Et essentiellement, M. le Président, le monde municipal avait dit à cette époque-là: Pourquoi vous ne nous consultez pas? Pourquoi on n'est pas consulté dans le processus pour en arriver à ce qu'il y ait davantage de services qui soient assumés au niveau local? Bien, M. le Président, là aussi on a choisi d'intervenir et on a choisi de travailler avec des processus consultatifs qui sont et, évidemment, qui demandent beaucoup d'énergie, qui demandent beaucoup de détermination, qui appellent à l'originalité et qui appellent à trouver des solutions qui sont différentes pour l'incontournable objectif ou l'incontournable résultat recherché: 500 000 000 $.

Alors, M. le Président, nous avons des discussions, en priorité, sur la main-d'oeuvre en ce qui regarde l'UMQ et l'UMRCQ, mais pour l'UMQ – l'Union des municipalités du Québec – elle nous a indiqué qu'elle souhaitait travailler ardemment à la réduction des coûts de main-d'oeuvre, c'est-à-dire l'effort qui a été consenti dans les secteurs public et parapublic, un effort similaire.

Alors, M. le Président, on ne peut que se féliciter de dire: On va d'abord travailler avec intensité au niveau de ce chapitre qui représente 43 % des dépenses municipales au Québec. Par ailleurs, nous pensons que nous devons continuer notre travail sur la mise en commun d'un certain nombre de services, d'équipements, ou encore le partage d'un certain nombre d'équipements et la façon de réaliser des services de façon à ce que ce soit moins onéreux pour les citoyens.

Par ailleurs, M. le Président, nous allons continuer intensément cette semaine encore, chaque jour, nos échanges avec l'UMRCQ, avec l'UMQ, avec les villes-centres, avec les communautés urbaines pour en arriver à un projet de pacte municipal qui, oui, implique une réduction des investissements du gouvernement ou des dépenses du gouvernement, et la même chose du côté des municipalités.

C'est un objectif qui passe par un étroit corridor. M. le Président, quand on prend un engagement... l'opposition a participé à cet engagement-là et joue son rôle à cet égard-là, elle a participé au Sommet sur l'économie et l'emploi. On a dit que chacun allait faire sa part, bien, dans le monde municipal, nous sommes rendus à ce moment où c'est notre part qu'il y a à réaliser.

On a vu – en conclusion, M. le Président – que, tel que l'indiquait la députée de Marguerite-Bourgeoys, dans un certain nombre de régions, ce n'est pas toujours l'harmonie entre les représentants locaux des différents types de collectivités. Il y a deux manières de prendre cela: la façon négative ou la façon positive, évidemment. La façon négative, c'est d'indiquer qu'il n'y a pas toujours unanimité, qu'il n'y a pas unicité au niveau de la vision de l'avenir dans l'ensemble des municipalités au Québec, parce que les municipalités ont des caractères différents.

(11 h 40)

Ou bien, donc, M. le Président, au plan plus positif, il faut prendre en compte le caractère, les caractéristiques, les éléments particuliers de chacune des collectivités. Qu'on soit de la couronne, qu'on soit, comme on dit communément, de la banlieue, qu'on soit dans la ville-centre, qu'on soit au coeur, il y a une préoccupation que nous avons tous, M. le Président, c'est le mieux-être de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Pour ce faire, on s'est tous donné comme objectif d'avoir des finances publiques saines, au plan local comme au plan national, de façon à retrouver de la liberté, une marge de manoeuvre pour choisir des investissements, et non pas, M. le Président, uniquement choisir à qui on va faire les paiements d'intérêts sur nos dettes accumulées.

Alors, c'est un travail qui est difficile. Les élus municipaux, avec un certain nombre de différences, y participent avec une intensité que je trouve remarquable. Je pourrais citer ici une quarantaine d'exemples de chantiers qui se sont ouverts au Québec en termes de travail. Encore ce soir, nous aurons une rencontre avec les représentants de l'UMRCQ et bientôt avec les représentants aussi des autres groupes qui interviennent dans les municipalités pour arriver, M. le Président, au 1er janvier 1998 avec le résultat recherché de réduction des dépenses de 500 000 000 $. D'ici là, M. le Président, toujours se souvenir, de chaque côté de la Chambre, que le plus important dans l'ensemble de cette situation, ce qui doit être au coeur de notre action, c'est le citoyen, le contribuable. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Affaires municipales. La motion présentée par M. le ministre des Affaires municipales est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Nous sommes maintenant rendus aux avis touchant les travaux des commissions. J'inviterais M. le leader du gouvernement à nous faire part de ces travaux.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'aménagement du territoire procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre suivant: le projet de loi n° 140, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports, le projet de loi n° 112, Loi modifiant la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, soit le projet de loi n° 111, Loi modifiant la Loi sur les forêts, le projet de loi n° 141, Loi sur l'Agence de l'efficacité énergétique, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le leader. Le document est déposé.

Nous sommes rendus maintenant aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. S'il n'y a pas de demande de renseignements, ceci met fin aux affaires courantes.

Et nous allons entreprendre les affaires du jour. J'inviterais M. le leader à nous indiquer l'affaire à l'ordre du jour présentement.


Affaires du jour

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je vous demanderais de prendre en considération l'article 36 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 57


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 36, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 57, Loi modifiant la Loi sur les fabriques et d'autres dispositions législatives. Je vais céder la parole à M. le ministre...

Une voix: Il n'y a pas de débat.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il n'y a pas de débat. Alors, ce rapport est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: L'article 37, M. le Président.


Projet de loi n° 95


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 37, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 95, Loi instituant le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Alors, je vais céder la parole à M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances. M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, cette loi que nous allons étudier maintenant découle directement de la phase II des grandes rencontres économiques et sociales appelées sommets que le gouvernement a organisées dès le début du mandat de l'actuel premier ministre, et en séquence, et avec rapidité, et avec le succès que l'on sait.

Cette loi, dans n'importe quel contexte usuel d'un pays occidental, est une singularité, une chose extrêmement curieuse. Les États-Unis d'Amérique, avec des centaines de millions d'habitants, ne peuvent pas espérer – d'ailleurs, ils n'en ont guère besoin à cause de leur dynamisme particulier et leur dynamique interne – faire un consensus sur une chose de ce genre. On sait qu'après 20 ans de débat national américain ils n'ont pas pu faire consensus sur un système de santé public et universel.

Le Canada, à cause de sa diversité, diversité régionale et nationale, puisque le mot «unité nationale», on le sait, est un mot extrêmement abusif; il ne peut pas y avoir d'unité nationale quand il y a plus qu'une nation; il faudrait parler de dualité nationale, comme peut-être l'ancien premier ministre Bourassa, dans sa proposition de Bruxelles, y songeait... Mais quand il n'y a pas une possibilité même d'employer à bon escient l'expression «unité nationale», quand on voit le résultat des élections d'hier qui démontrent une invraisemblable division au point qu'il n'y a pratiquement plus de parti qui soit vraiment implanté de l'Atlantique au Pacifique suivant la devise du pays, qu'il y a l'Ontario qui domine totalement la fédération, ce qui, d'ailleurs, est conforme à la nature économique des choses – il y a deux provinces industrialisées au Canada, l'Ontario et le Québec; le Québec forme une nation, et un peuple de facto – alors, l'Ontario prend le leadership qui lui revient pour le reste. Dans une division qui fait qu'une loi comme celle qu'on présente ce matin ne pourra pas être présentée au Parlement fédéral, on ne pourrait pas invoquer un consensus national pour les raisons que je viens d'expliquer.

Peut-être qu'en Suède on pourrait voir un tel mouvement de solidarité, dans des pays de relative petite taille en termes de population où le dialogue est possible et où les individus peuvent se connaître et se faire confiance. Le Conseil du patronat, par exemple, qui a été représenté jusqu'à ces dernières semaines par Ghislain Dufour, incarne bien cette dynamique québécoise tout à fait spécifique où une grande organisation patronale représentative – non pas la seule, mais dominante – peut venir à une table de concertation avec les représentants du monde du travail, avec les représentants gouvernementaux et, de façon crédible, dire devant les caméras de la télévision, ce qui est une façon symbolique de dire devant le peuple: Oui, nous allons consentir à un effort particulier pour faire face à une problématique grave, dramatique, et dont nous partageons et l'analyse et la solution. C'est pour cette raison que nous avons la création du Fonds de lutte à la pauvreté ce matin.

D'abord, parce que les divers intervenants au Sommet ont reconnu qu'en dépit d'efforts conventionnels de relance de l'économie et de réorganisation de l'économie et en dépit d'un vent de conjoncture assez favorable la plaie de notre temps, le mal de notre temps, le chômage, n'allait pas reculer à des niveaux qu'on peut accepter sur le plan social, ni au Canada ni au Québec d'ailleurs. 10 % de chômage, c'est, sur le plan social et sur le plan économique, une déperdition d'énergie humaine incroyable. C'est la génération d'un réservoir d'amertume et de désespoir qu'on peut à peine imaginer. Et nous ne sommes pas prêts comme société – et aucune société démocratique où les gens s'expriment librement par le vote – à accepter une telle situation, à la considérer comme normale et, en même temps, nous n'avons pas la préparation psychologique pour en vivre les conséquences inévitables tant que le phénomène ne sera pas résorbé.

(11 h 50)

Il y a eu un ouvrage américain qui a fait son tour de piste au cours des derniers mois, qui a été traduit en français d'ailleurs, qui est publié chez Boréal, de Jeremy Rifkin, qui s'appelle La fin du travail . Les deux éditions, celle en anglais comme en français, sont très bien présentées et illustrent que c'est dans la mécanique d'évolution économique du dernier siècle, mais peut-être un peu plus des 150 dernières années, que s'est développée cette situation que personne n'avait vu venir avec suffisamment de lucidité et pour laquelle personne n'a de réponse purement économique.

Libéralisme à l'ancienne ou néolibéralisme ne sont pas des solutions. Même le plus croyant en l'économie de marché, même le libéral le plus pur doit bien se rendre compte que 10 % de chômage, ce qui est hélas la norme dans plusieurs grands pays occidentaux dont le Canada, l'Allemagne, la France et un certain nombre d'autres, ne peut pas permettre de chanter les louanges du libéralisme à l'état pur et ne peut pas permettre de faire l'impasse sur le fait que, quelque soit la croyance qu'on peut avoir en l'entreprise privée, la décision individuelle, la libre circulation des biens, services et des capitaux, un système qui empêche 10 % de la main-d'oeuvre active de se joindre dans la dignité à l'effort national de production n'est pas défendable tel qu'il est.

C'est donc qu'il faut trouver comme parade à ce désarroi, et rapidement, des instruments économiques, bien sûr, mais surtout des instruments socioéconomiques nouveaux pour faire face à une telle situation, surtout qu'il reste une inquiétude économique – c'est ça, l'ouvrage de Rifkin et le mérite de sa réflexion – il reste une inquiétude théorique et pratique quant à la capacité d'un système comme le nôtre, avec ses orientations actuelles, de ne jamais recréer par lui-même le plein-emploi. La démonstration de Rifkin, elle est simple. Je la refais en quelques mots. La révolution industrielle a pu s'amorcer parce que des progrès fabuleux dans le machinisme agricole, en particulier, dans l'eugénisme vétérinaire et biologique ont permis d'avoir des productions agroalimentaires énormes avec des quantités restreintes de travailleurs et de travailleuses. Fort heureusement, si je peux dire, entre guillemets, à la même époque, et avec un ajustement convenable, le machinisme industriel, la production de série, la hausse de la consommation de masse ont permis d'absorber dans l'industrie des travailleurs et des travailleuses libérés par l'agriculture.

Un certain nombre d'années plus tard, une autre révolution s'est abattue sur le monde industriel: révolution technologique, virage technologique que personne n'avait le choix d'accepter ou de ne pas accepter. Fort heureusement, encore une fois, le monde du tertiaire, le monde du service, le monde des idées, de la pensée, de la réflexion, de la science, de la technologie, a absorbé une très grande partie des travailleurs libérés par la révolution technologique dans l'industrie, ce qui fait qu'aujourd'hui, au moment où nous nous parlons, 70 % de notre population active est dans ce troisième secteur. Ceux qui sont encore directement dans l'agriculture ne sont que quelques pour cent; ceux qui sont dans l'industrie, ça varie de pays à pays suivant l'avancement, mais c'est plus ou moins 20 %; et 70 % dans les pays avancés sont dans ce qu'on appelle le tertiaire.

Or, voilà l'angoisse. Le tertiaire lui-même est frappé par la même révolution qui avait frappé le primaire et le secondaire, c'est-à-dire que l'on peut maintenant, à l'aide d'équipements très développés, au point où un ordinateur – je comprends que ça lui prend un très gros volume – est capable de jouer aux échecs contre un être humain... Si l'ordinateur est capable de jouer aux échecs, il est capable de faire pas mal d'autres choses en termes d'opérations pas mal plus simples qu'une partie d'échecs contre Kasparov. Ce qui veut dire que ces travailleurs du tertiaire, à leur tour – travailleurs et travailleuses du tertiaire – sont menacés par une révolution technologique que nous ne pouvons pas, surtout quand on est un petit pays et un petit État, refuser sans des périls imminents de se condamner à une pauvreté plus grande, et qu'on ne peut pas, par ailleurs, accepter aveuglément et dire: Les lois du marché et le capitalisme vont tout régler.

Ça nous amène à la loi qui est devant nous ce matin. Très sagement, le Sommet économique de Montréal, avec unanimité... Je sais que le chef de l'opposition veut intervenir sur cette loi, c'est à son honneur, mais il était présent dans la salle aussi quand l'unanimité s'est faite au Sommet de Montréal, où tous les intervenants, en sa présence, ont convenu de faire très exactement ce que le gouvernement propose de faire ce matin. Alors, j'espère qu'au moins sur les principes – je comprends que c'est son rôle de chef de l'opposition de s'opposer à un certain nombre de choses – et sur l'effort global décidé au Sommet de Montréal, nous aurons son appui ce matin. En tout cas, ce serait une surprise assez négative d'entendre le contraire.

Et son appui, sur quoi? Son appui sur le fait que, de façon volontaire pour le Sommet mais fiscale pour l'ensemble de la population, le gouvernement va constituer sur trois ans un fonds de lutte à la pauvreté de 250 000 000 $. Ce fonds se constitue par la demande fiscale à chacun et chacune des personnes qui travaillent, en pensant à ceux qui ne travaillent pas; l'équivalent d'une heure de travail, à peu près, par année, au cours des trois dernières années, pour accumuler ce fonds. Les travailleurs et les travailleuses individuels souscrivent, bien entendu, les entreprises le font et, d'une façon un peu particulière, pour des raisons que tout le monde connaît, les entreprises s'adonnant au commerce bancaire, c'est-à-dire les institutions financières dont on sait que leur sort n'a pas été misérable au cours des dernières années. Ces trois contributions, ces trois sources de contributions réunies, réparties sur trois ans vont mener, donc, à la constitution de ce fonds d'environ 250 000 000 $.

Qu'est-ce que nous ferons avec ces sommes? Nous nous attaquerons directement, avec ces moyens non négligeables – 80 000 000 $ par année, ce n'est pas rien – à cette fameuse réinsertion au travail. C'est le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Ce n'est pas un fonds macroéconomique pour subventionner des entreprises ou ce n'est pas un fonds destiné à améliorer les transferts en aide sociale qui, chacun le sait, ne sont pas suffisants – et, si on était plus riche, on pourrait et on devrait faire beaucoup mieux – ce n'est pas ça qu'on va faire. On va attaquer au coeur de cette détresse qui frappe des gens qui, voulant et pouvant travailler, ne peuvent pas le faire et qui pourraient trouver espoir soit par un projet d'économie sociale, soit dans un projet d'économie conventionnelle capitaliste si on leur donnait très rapidement et de façon très ad hoc la formation requise pour passer du désemploi à l'emploi, si on permettait à une initiative locale, encore une fois, qu'elle soit de l'économie de marché ou qu'elle soit dans cette variante sociale de l'économie de marché qu'on appelle l'économie sociale, d'étendre ce pont sur ce passage difficile à traverser pour quitter l'exclusion – c'est le mot à la mode, et il dit bien ce qu'il veut dire, des gens qui voudraient travailler et qui sont exclus pour des circonstances qui ne dépendent ni d'eux, ni d'elles – de mettre un pont et des ponts et des passerelles sur cette impasse de l'exclusion.

On aurait pu décider de le faire à travers l'activité gouvernementale générale, c'est-à-dire qu'on aurait pu dire à un ministère: Bien, voici, 280 000 000 $ de plus qui vient du fonds consolidé et, avec cet argent, vous ferez ce que je viens de décrire comme objectif. On n'a pas choisi cette approche, et quand je dis «on», je fais toujours allusion au Sommet. C'est le Sommet qui a décidé que nous allions récolter les fonds, c'est le Sommet qui a décidé que l'emploi de ces fonds serait pour la réinsertion et c'est le Sommet qui a décidé que les partenaires qui ont si généreusement consenti à cet effort puissent avoir leur mot à dire dans le suivi et dans la dépense des fonds et pour que tout reste absolument transparent et surtout reste ciblé et centré sur les objectifs de réinsertion plutôt que sur des opérations usuelles du gouvernement.

(12 heures)

Alors, le premier ministre sera lui-même le grand responsable de cette loi, d'une façon générale, un ministère sectoriel sera désigné par le gouvernement pour en faire la gestion au jour le jour – expédier les chèques, faire les diverses analyses – et un comité aviseur déjà formé, présidé par celui qui fut pendant de nombreuses années le fonctionnaire le plus important du gouvernement, M. Louis Bernard – un homme d'une très grande crédibilité, je crois des deux côtés de la Chambre, qui est aujourd'hui dans l'activité bancaire, une institution financière connue...

Alors, M. Louis Bernard et un certain nombre de collaborateurs de tous les horizons – public, privé, coopératif – et de toutes les régions du Québec seront requis pour d'abord faire que les choses soient transparentes, que cet effort que les Québécois et les Québécoises consentent aille bien à l'endroit où on veut; deuxièmement, qu'il soit dynamique, qu'il utilise les moyens appropriés pour vraiment lutter contre l'exclusion, qu'il soit spécifique et qu'il se fasse rapidement. C'est trois ans, que ça dure, c'est 36 mois. On pense que ces 36 mois pourraient être suffisants pour avoir une action significative en appui au développement économique conventionnel.

Ce développement économique conventionnel, on le voit bien, il est au rendez-vous. Il n'y a pas de quoi être triomphaliste. On est parti d'un taux de chômage de 13,5 % il y a quelques années; on est à 11,5 % aujourd'hui. Le Québec a créé 50 % de tous les emplois créés au Canada au cours des six derniers mois. L'an dernier, nous avons eu l'année record de la décennie en termes d'investissements étrangers. Il y a des sociétés qui sont situées à Düsseldorf ou au Wisconsin ou ailleurs qui ont décidé de mettre 2 500 000 000 $ dans l'économie québécoise non pas en investissements de portefeuilles, ce qui n'est pas significatif... Quand le Groupe Commerce a été acheté par les Hollandais, ça n'a pas créé un emploi de plus. Ce n'est pas de ce genre d'investissements étrangers que je veux parler. Je veux parler du véritable investissement étranger direct qui consiste à acheter un terrain, acheter un immeuble, le construire, l'équiper en machineries et créer des emplois.

2 500 000 000 $ l'an dernier, et les indications que nous avons cette année – et nous n'avons qu'un trimestre d'à peu près bien évalué – c'est qu'on va aller vers un sommet plus élevé encore. Il se pourrait qu'on se rende à 3 000 000 000 $. Si c'était 2 000 000 000 $, ce serait déjà beau parce que, encore une fois, c'était le record de la décennie, à 2 500 000 000 $. Mais, si on peut battre ce propre record, ce sera encore utiliser toutes les virtualités de l'économie conventionnelle, de l'économie capitaliste de marché pour créer des emplois, créer la richesse, créer la prospérité.

Le tout supporté par une action nord-américaine jusqu'à ce jour satisfaisante et qui n'est pas trop angoissante. On pense qu'il est raisonnable de croire que chaque année d'ici l'an 2000 et au-delà l'économie nord-américaine dans laquelle nous sommes si profondément imbriqués va être de plus en plus riche d'une année sur l'autre. C'est-à-dire qu'on n'aura pas de récession, on n'aura pas de croissance négative, on ne passera pas en bas de zéro, on va se maintenir en haut de zéro. Tant qu'on se maintient en haut de zéro, ça fait plus de richesse à partager pour les gens qui n'ont pas eu accès à leur juste part.

Donc, ces deux facteurs s'additionnant, plus – on l'a bien vu par l'accueil qui était fait au dernier budget du gouvernement du Québec – une série de mesures à nos moyens... On ne peut pas se relancer dans l'endettement puis les déficits à 6 000 000 000 $ par année pour relancer l'économie d'une façon artificielle alors que même le Japon, à coup de dizaines et de dizaines de milliards, n'a pas été capable de réussir cet exploit. La preuve est faite que, quand l'économie ne tourne pas convenablement, ce n'est pas par l'injection artificielle et massive d'argent public – que nous devrions emprunter, soit dit en passant, à cause de l'état lamentable des finances publiques – que nous pouvons atteindre nos objectifs.

Alors, encore une fois, le gouvernement est très fier de saluer la concertation économique québécoise, qui a donné naissance à l'idée d'un tel projet de loi. Le gouvernement est fier de proposer ce projet de loi à notre Assemblée et le gouvernement espère être fier dans quelque temps... Il est trop tôt pour exprimer quelque satisfaction, avoir quelque attitude triomphaliste. On parle de la tragédie d'hommes et de femmes qui voudraient travailler, et qui ne peuvent pas travailler et qui sont dans l'exclusion. Ce n'est pas le temps de claironner quoi que ce soit, mais nous espérons que dans quelques temps cette formidable intuition du Sommet de Montréal de créer un fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion donnera des résultats dont nous pourrons enfin nous réjouir.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances. Je vais maintenant céder la parole à M. le chef de l'opposition.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Je vous remercie, M. le Président. Les dernières quelques minutes que vient de nous exprimer le ministre des Finances m'amènent à un commentaire. À l'écouter, il y a tellement d'investissements étrangers et domestiques au Québec, une telle croissance de l'activité économique, il y a tellement de création d'emplois qu'on est en droit de se demander comment il se fait qu'on ait un projet de loi comme celui-là devant nous, où des gens, à l'entendre parler, ont eu la formidable intuition d'insister auprès du gouvernement pour qu'il monte les impôts de 250 000 000 $ pour faire la lutte à la pauvreté quand ça va bien comme il dit que ça va bien.

On voit là le discours un peu contradictoire dans lequel le gouvernement est pris avec ce dossier-là, sans nier – et c'est le premier objet de mon propos – les ravages que cause le sous-emploi dans les familles québécoises, sans nier les ravages que la pauvreté, parce que c'est comme ça que ça se traduit, peut signifier pour des dizaines de milliers de familles québécoises, des centaines de milliers de Québécois, sans nier, bien évidemment, que la fracture sociale et la fragilité de notre société sont les effets à plus ou moins long terme de cette incapacité de notre économie, aussi moderne, aussi bien équipée qu'elle soit, de donner des emplois en nombre suffisant à nos concitoyens.

Quant au phénomène de la pauvreté, moi, j'irais même jusqu'à dire que ce qu'on voit sur le terrain, lorsqu'on est un député ici, au Québec, et qu'on circule le moindrement dans les régions et qu'on n'évite pas non plus la métropole ou la capitale... On s'aperçoit que la pauvreté a toutes sortes de manifestations. Il y a la manifestation technocratique: revenu industriel moyen; le nombre de ménages qui ont un revenu qui est inférieur à ce revenu industriel moyen. On peut prendre les tranches de 10 %, 15 %, 25 % inférieures dans notre échelle ou dans le regroupement des différentes tranches de revenus. La réalité, c'est que ça dépend beaucoup, d'un endroit à l'autre au Québec, des conditions dans lesquelles les gens vivent cette pauvreté, ce sous-emploi, ce manque de revenus. Il est évident que, lorsqu'on voyage dans certaines régions-ressources, on peut constater qu'il n'y a pas de misère. Il y a beaucoup de gens qui sont pauvres. Il y a des gens qui sont sur le chômage. Il y a des gens qui n'ont pas de revenus. Il y a des gens qui n'ont pas d'espoir, non plus, de se voir, à très court terme, attribuer un emploi qui leur permette de retirer un revenu pour eux et pour leur famille.

Mais il y a des solidarités dans certaines régions du Québec, il y a des traditions qui font en sorte que l'entraide est une réalité et que la pauvreté de revenus ne se traduit pas nécessairement en misère. Tant qu'on n'est pas seul, au moins on peut avoir de l'espoir. Tant qu'on sent la chaleur de l'amitié ou de la solidarité de ses concitoyens, d'une famille, d'une famille étendue, on peut mettre à profit ces éléments de solidarité humaine pour laisser naître et survivre l'espoir, et éventuellement s'y accrocher afin de se donner la détermination et d'aller trouver le courage qu'il faut pour tenter de contribuer au maximum... je dirais, contribuer au maximum à l'édification de la société.

(12 h 10)

Il n'en reste pas moins que, dans la capitale, dans certaines zones de la capitale, dans certaines de nos villes-centres et certainement dans certaines régions de la métropole, dans la ville de Montréal comme telle, le phénomène de la pauvreté se traduit en misère en raison de l'esseulement que connaissent certains de nos concitoyens, en raison de l'ensemble de politiques qui renvoient les gens à eux-mêmes et à leurs seules ressources, un petit peu beaucoup indistinctement de leur capacité réelle à affronter des difficultés, soit par manque de formation, soit pour des raisons de santé physique ou mentale, soit pour des raisons de disparition de certaines ressources, que ce soient les ressources institutionnelles ou les ressources communautaires. Il y a, dans certaines de nos grandes villes et certains centres-villes, des poches de misère très réelles qui vont bien au-delà de ce qu'on peut envisager lorsqu'on se demande ce que c'est, la pauvreté.

Alors, il est évident que c'est un problème qui vient tous nous chercher beaucoup. Et, à l'occasion du Sommet du mois d'octobre, on a été témoin de ce que le gouvernement appelle une spontanéité ou une intuition de la part des milieux d'affaires et que j'appelle, moi, une compensation nécessaire pour l'insensibilité du gouvernement à l'endroit des sans-travail.

Les coupures – et je reviendrai sur le mécanisme qu'est en train d'emprunter le gouvernement afin d'équilibrer son budget – n'ont épargné personne. Les coupures n'ont pas épargné l'éducation. Ça n'a pas épargné les services sociaux et de santé. Ça n'a pas épargné non plus les efforts qu'on doit faire du côté de la Sécurité du revenu afin de réintégrer les sans-emploi sur le marché du travail par toutes sortes de programmes qui existaient déjà.

La réalité, donc, c'est qu'à l'automne dernier, sur fond de scène de coupures et de lutte au déficit, autour desquelles les objectifs sont extrêmement clairs et autour desquelles il n'y a pas juste solidarité, il y a unanimité, là, au Québec, et tous les gens qui s'expriment là-dessus, bof! à l'exception notable du président de la CSN, M. Gérald Larose... Ça fait qu'en réalité, sur 7 000 000, il y a quand même 6 999 999 personnes qui trouvent que c'est une bonne idée de s'attaquer à la pauvreté, et M. Larose, lui, continue son bonhomme de chemin dans l'autre direction.

Alors qu'on se bat contre un déficit, alors qu'on doit retrouver l'équilibre budgétaire afin de se conformer à une loi qu'on a votée ici à l'unanimité afin de donner de l'espoir toujours davantage non seulement aux entreprises, non seulement aux gens qui doivent emprunter, mais également à l'ensemble de nos concitoyens, si on veut assurer une base plus solide pour l'économie du Québec à même des finances publiques plus saines, le gouvernement se trouve dans une situation où il coupe dans les dépenses, incapable qu'il est d'assurer des meilleurs revenus par des politiques favorables à l'investissement, à la création d'emplois.

Alors, là, évidemment, c'est dans ce contexte-là d'absence de politiques précises de création d'emplois, d'absence de politiques précises de création d'emplois dans les régions – comme on l'a vu à la période de questions tout à l'heure lorsque le député de Richmond a interpellé le ministre responsable du Développement régional qui nous promettait de l'action dans les 100 jours de l'élection du gouvernement du Parti québécois en 1994 et qui, presque 1 000 jours plus tard, n'a encore rien fait – qu'on va réaliser qu'il y a un retard réel à combler et qu'il y a l'inaction coupable, de la part du gouvernement, à cet égard-là.

Mais toujours est-il que, si on doit faire la lutte au déficit, encore faut-il comprendre les deux termes de l'équation qui permettent d'arriver à diminuer le déficit. Il y a, oui, les coupures dans les dépenses, enfin la rationalisation, tenter de dépenser moins, mais il y a également l'autre colonne, celle des revenus, sur laquelle le gouvernement doit se pencher davantage mais dont la traduction en actions réelles se fait toujours attendre.

D'une part, du côté du déficit, bien, au-delà des chiffres qui sont encore assez impressionnants, on doit également ajouter les aspects du déficit caché que les institutions publiques québécoises doivent supporter et que les contribuables québécois éventuellement doivent supporter. Quand je parle de déficit caché – toujours dans la première colonne, la colonne des dépenses – il est évident que certaines dépenses ne sont pas comptabilisées de façon transparente, ou habituelle, ou usuelle dans les comptes du gouvernement.

On sait, par exemple, que, dans le réseau de la santé, les hôpitaux ont eu l'autorisation récemment d'emprunter afin de combler le manque de ressources financières qui apparaît au crédit. Autrement dit, là, le déficit, il n'apparaît plus dans le bilan. Il va falloir, un peu plus tard, aller creuser et s'apercevoir que, pendant un bon moment, le déficit a été artificiellement dégonflé dans les comptes du gouvernement, alors qu'il était regonflé ou en voie d'être regonflé dans les institutions elles-mêmes à charge pour le gouvernement de s'occuper de payer l'intérêt sur ces emprunts additionnels que contractent, par exemple, les établissements hospitaliers.

La même chose est vraie lorsqu'on regarde la soi-disant baisse du déficit d'à peu près 500 000 000 $ lorsqu'on envisage le pelletage de dépenses gouvernementales de 500 000 000 $ dans le champ des municipalités. On a changé le déficit de place, en réalité. Ce n'est pas une véritable réduction du déficit pour le contribuable, lorsqu'il s'aperçoit que ce n'est plus de la poche droite qu'il va être taxé, c'est de la poche gauche, ou alors qu'alternativement les services publics vont être diminués, non pas ceux que le gouvernement du Québec pouvait lui offrir, mais ceux que sa municipalité lui offrait. Il y a une situation de vases communicants, ici, sur laquelle le gouvernement est en train de jouer, qui donne l'illusion qu'il y a une lutte au déficit.

La même chose est vraie de façon encore plus originale dans le financement de certains axes routiers, dans le financement des programmes d'amélioration et de conservation du réseau routier, où, pour la première fois au Québec – là, c'est un véritable changement dans les méthodes de comptabiliser les dépenses – on amortira les dépenses qui sont effectivement encourues cette année non en les comptabilisant dans leur totalité dans les crédits de cette année, mais en ne comptabilisant que les intérêts sur ces sommes-là, l'amortissement sur des périodes de cinq à 12 ans selon les tronçons de route et les frais d'administration de ce nouveau système.

Alors, on voit que, par exemple, on pourrait faire des investissements routiers de 300 000 000 $ et ne retrouver que 50 000 000 $ ou 60 000 000 $ dans les dépenses de cette année. Il y a un 240 000 000 $ qui est disparu, là. Il n'est pas disparu pour vrai, il a été emprunté, il a été dépensé, il existe, mais il n'est pas dans le déficit courant du gouvernement, il est différé. Alors, caché ou différé, à mon sens, c'est exactement la même chose, et ça donne l'illusion que le gouvernement est en train de régler le problème du déficit.

Mais, du côté de la colonne des revenus, c'est là qu'on voit pas un manque de transparence, mais une incapacité de susciter du développement économique et de la création d'emplois. Les chiffres sont éloquents, pourtant. J'ai toujours beaucoup de plaisir, intellectuel à tout le moins, à écouter le ministre des Finances pérorer sur les avancées extraordinaires au point de vue des investissements, de la création d'emplois. C'est absolument extraordinaire, ce qui se passe au Québec, à l'entendre parler, depuis deux ou trois ans.

Pourtant, les chiffres, la résultante, le net, net de tout ça, c'est que, par exemple, depuis que le premier ministre actuel, le député de Jonquière, est aux affaires, comme on dit, depuis février 1996, la création d'emplois au Canada nous montre une perte nette de 3 000 emplois au Québec. Donc, il y a moins d'emplois, de février 1996 à avril 1997, moins de gens au travail au Québec, 3 000 de moins, sur cette période-là, au net, alors qu'en Ontario il y en a 73 000 de plus; et, dans l'ensemble du Canada, c'est 182 000 de plus. Alors, moi, je cherche où est le pétage de bretelles. Si tout va bien, comment se fait-il que les chiffres ne reflètent pas cette situation-là, comment se fait-il que le gouvernement se sente obligé d'arriver avec un projet de loi pour augmenter les impôts afin de faire la lutte à la pauvreté? Ça ne doit pas aller si bien que ça. La réalité, évidemment elle est chiffrée, est effectivement à l'effet que ça ne va pas si bien que ça.

(12 h 20)

La croissance moyenne de l'économie, en réel, nette d'inflation, ce que ça signifie vraiment si on veut comparer les pommes avec les pommes, les oranges avec les oranges, lorsqu'on compare les quelques années de 1986 à 1994 où le Parti libéral était au pouvoir et lorsqu'on regarde la période de 1994 à 1997... Vous me direz: Une période de huit ou neuf ans d'un côté et de trois ans de l'autre, mais je viens d'écouter le ministre des Finances qui dit que les neuf années avant qu'il soit élu en 1994, c'était le désastre et le désert de l'emploi à tous égards et que, finalement, là, c'est la mine d'or et le pactole mur à mur depuis que ces gens ont été élus, en 1994.

La réalité des chiffres est absolument à l'effet contraire, notamment lorsqu'on se compare, comme on doit le faire. C'est une référence habituelle en matière économique pour le Québec: on regarde notre voisin, l'Ontario, comment il se comporte sur les mêmes périodes. Alors que la croissance moyenne de l'économie du Québec, en termes réels, de 1986 à 1994, se situait à environ 2 %, l'Ontario était à 2,3 %. À toutes fins pratiques, c'est du même ordre de grandeur. Alors que, depuis trois ans maintenant, on voit que la croissance au Québec est de 1,5 %, alors d'abord beaucoup plus basse que les années précédentes, elle se compare défavorablement avec l'Ontario qui est à 2,8 %, presque le double.

Alors, là, il doit y avoir des facteurs qui viennent jouer dans les plates-bandes du ministre des Finances, dont il ne nous parle pas, malheureusement, ou dont il ne parle pas suffisamment et sur lesquels on aimerait l'entendre. Il devrait nous expliquer comment il se fait que, malgré ses discours ronflants, il y a un retard qui s'accumule, du Québec, à de nombreux titres, soit celui de l'investissement, celui de l'emploi, de la rémunération hebdomadaire moyenne – j'y reviendrai – qui font en sorte qu'on perd du terrain. On n'en gagne pas, du terrain. Lorsque la croissance moyenne de l'emploi, toujours pour les mandats qu'on est en train de comparer, 1986 à 1994, d'une part, montre, au Québec, une croissance moyenne de l'emploi de 1,1 % comparativement à 1,0 %, 1 % en Ontario – donc on fait un peu mieux – et que, depuis 1995, c'est plutôt une croissance de 0,5 % au Québec et de 1,6 %, un rythme de croissance trois fois plus rapide, en Ontario, bien là on voit aussi qu'on perd du terrain.

Mais c'est ça, le bilan. Le bilan chiffré, chiffrable que les Québécois vivent dans toutes les régions du Québec, c'est ce bilan-là. Ça ne va pas mieux. Alors, il faudrait évidemment s'attaquer aux causes de cette différence, de ces divergences. Et, M. le Président, je vous proposerais d'examiner les programmes, les discours, les gestes et les décisions du gouvernement, comparativement à ce que nous proposons de ce côté-ci, afin que, sur les grandes dimensions qui déterminent les perspectives de création d'emplois, d'investissement, de solidité, de stabilité, les Québécois, à l'examen, choisissent de plus en plus la voie que nous proposons du côté de l'opposition officielle plutôt que la voie que propose le gouvernement actuel.

On a vu qu'il est incapable de s'attaquer au déficit par la création d'emplois et donc par la création de richesse qui permette de préserver les services publics. Je n'aurai pas le temps, dans la demi-heure qui m'est impartie, de passer à travers tout ce qui se passe dans nos écoles, nos hôpitaux, les centres de services sociaux, compte tenu du manque de moyens qui résultent de l'incapacité du gouvernement de mettre sur pied et, je dirais, de mettre en vigueur des politiques de développement économique qui vont soutenir l'emploi et qui vont créer la richesse dont on a besoin pour assurer la pérennité de nos services sociaux, du service de santé, et la qualité des services publics de façon générale, notamment en matière d'éducation et de formation.

Mais, lorsqu'on compare les programmes politiques, lorsqu'on écoute les discours, lorsqu'on se donne la peine de voir comment le gouvernement actuel passe son temps à blâmer les autres, de voir comment c'est toujours la faute des autres Canadiens, ce qui leur arrive, de voir cette espèce de sentiment de culpabilisation constante à l'endroit des Québécois qui, eux, ne votent pas pour le Parti québécois ou pour les séparatistes de façon générale, on est obligé de constater que l'option fondamentale du Parti québécois...

Je ne parle pas de son idéologie – on pourrait y revenir – son idéologie comme gouvernement, comme intervenant dans le monde économique, comme intervenant dans l'économie, comme intervenant dans les services publics, comme intervenant à l'endroit des parents, des choix que les parents peuvent exercer, y compris pour les garderies, comme intervenant dans le milieu scolaire, le milieu hospitalier, comme intervenant à titre d'interlocuteur complice, je dirais, coopérateur et collaborateur avec le mouvement syndical, de comment ses choix idéologiques n'aident pas l'économie du Québec.

Je veux juste parler de l'option parce que l'option, entre les mains du Parti québécois, de détruire, par tous les moyens et le plus rapidement possible... Ah! ils disent que c'est démocratique, mais, en attendant, ce n'est pas démocratique de ne pas respecter le jugement de la population d'octobre 1995, c'est-à-dire: Passez à autre chose, s'il vous plaît, passez donc à autre chose; arrêtez de nous parler puis de nous menacer d'un prochain référendum; il y en a eu un, passons aux affaires qui préoccupent les gens à tous les jours. Mais on voit que l'option, c'est un phénomène qui est central à toute l'action du Parti québécois, son option constitutionnelle. Et la réalité, c'est que ça nuit à l'économie.

Moi, j'ai toujours été surpris... Non, ce n'est pas vrai, je n'ai pas toujours été surpris, toujours déçu de voir le ministre, depuis que je suis ici... Ça fait plusieurs années, ça fait 16 ans que je suis ici. On a siégé ensemble de nombreuses années, à tout le moins de 1981 à 1985. Il est revenu ça fait trois ans. À peu près la moitié de mon temps, ici, j'ai siégé avec le député de Verchères, et député de Mille-Îles d'alors, autant que je me souvienne, le ministre des Finances d'aujourd'hui, qui dit constamment, lorsqu'on s'oppose à ses politiques, lorsqu'on met en doute la validité de l'option, la pertinence de l'option constitutionnelle et des politiques du gouvernement: Les autres tirent dans le dos de l'économie du Québec, tout le monde. Alors, évidemment, c'est de bonne guerre, mais ça, c'est sa rhétorique, c'est ce qu'il dit. Il accuse ceux qui ne partagent pas son avis de tirer dans le dos de l'économie du Québec.

Bien, les derniers qui ont tiré assez clairement dans le dos de l'économie du Québec sont des gens d'affaires qui étaient au Sommet, à qui le premier ministre avait demandé de faire un rapport sur les perceptions, l'état d'esprit, les perspectives politiques et économiques et l'influence qu'il y a entres les deux – la politique et l'économique – auprès des gens d'affaires du Québec. C'était à M. Ducros, à M. Proteau et à M. Levitt qu'on avait demandé de faire ce rapport-là, qui était axé largement sur, je dirais, la législation linguistique.

Ça a eu l'avantage, ce rapport-là, de rassurer tout le monde sur le fait que les gens comprennent que c'est le français qui est la langue officielle, que ce n'est pas une menace pour l'économie, que c'est un avantage, en Amérique du Nord, de pouvoir maîtriser plus qu'une langue, que, nous, on est dans, je dirais, un creuset où on peut acquérir, dès notre jeune âge, notre plus tendre enfance, une des plus grandes langues de culture, d'idées, de dissémination de la culture et des idées de l'Occident qu'est la langue française et qu'en plus on habite en Amérique du Nord, où on retrouve évidemment bien majoritairement la langue, l'anglais, qui s'est imposée comme langue internationale des échanges commerciaux et scientifiques.

Et, dans ce contexte-là, les politiques qu'on a prises, que Robert Bourassa d'abord, en 1975, a prises pour assurer le français langue officielle doivent être mieux comprises. Et ça a été, je pense, la contribution de ces messieurs du groupe Proteau et Levitt d'expliquer qu'il y a des moyens à prendre pour réexpliquer à l'ensemble de ceux qui veulent faire affaire au Québec que c'est le français qui est la langue officielle, que c'est en français que ça se passe et que ça fait partie de l'originalité, je dirais même que c'est un avantage, sur le plan des idées et du maniement des idées et des talents que les Québécois ont, d'être dans un continent largement anglophone mais de pouvoir pratiquer le français en toute sécurité, ici même, au Québec et, ma foi, dans d'autres endroits au Canada.

Mais ce qu'ils ont dit également, ces messieurs, c'était que «ce ne serait pas faire justice à leurs propos – ils parlent des gens qu'ils ont interviewés – que de ne pas mentionner que l'incertitude politique impose un lourd tribu à l'économie de Montréal pour son influence sur les investissements et climats d'affaires». Ce n'est pas moi qui ai dit ça, ce n'est pas des libéraux, ce sont des gens d'affaires qui ont dit: C'est le français, la langue officielle, c'est important, il faut le réexpliquer, on ne retourne pas là-dessus, mais, quant à l'option du Parti québécois, là il y a un problème. «Faire de Montréal une ville plus accueillante rendra sûrement Montréal plus compétitive. Mais, en bout de ligne, tant que l'hypothèque de l'incertitude politique n'aura pas été levée – ce n'est pas moi qui dit ça, c'est des gens à qui on a demandé de le regarder et qui ont fait rapport au Sommet – on ne peut raisonnablement s'attendre à ce que Montréal réalise le potentiel économique qui devrait normalement être le sien et créer ainsi tous les emplois dont Montréal a tant besoin.»

(12 h 30)

Rendre Montréal plus accueillante, rendre le Québec plus accueillant aux investissements, se préoccuper des besoins des investisseurs, ne pas essayer d'utiliser leur venue ici, comme à l'égard de la mission qui venait d'Allemagne, pour que ça soit un «photo-op» pour le premier ministre... Parce que, relisez la lettre que l'ineffable ministre des Relations internationales a déposée ici, il y a quelques jours, en réponse aux répliques à toutes sortes de débats qui ont eu lieu à propos de la langue, encore une fois, le responsable de la Chambre de commerce Canada-Allemagne a dit: Le premier ministre nous a promis qu'il viendrait nous rencontrer pour le déjeuner, si on pouvait avoir également un autre événement au programme. Assez sibyllin. J'ai pris la peine de me renseigner. Il s'avère que le bureau du premier ministre voulait absolument être sûr qu'il y aurait une photo avec ce monde-là pour dissémination, pour la presse, pour montrer qu'il s'occupe d'investissements, lui. Mike Harris n'a pas demandé ça, lui, en Ontario. Quand les Allemands sont allés, il a dit: Ça me fait plaisir. Ça a été un succès phénoménal. Quand il vient ici, le premier ministre du Québec, lui, demande: Je «peux-tu» avoir une photo avec vous autres? Les gens disent: Non. Nous autres, on ne fait pas de politique. Ah! c'est de valeur, je ne pourrai pas vous voir pour déjeuner.

C'est ça qui est arrivé. Et, du côté du gouvernement du Québec, on a tenté de faire tout oublier cette réalité du désintérêt qu'a le premier ministre et son gouvernement pour s'occuper... Même quand on ne le sait pas... Parce que c'est sa job! On n'est pas obligé de le savoir... à temps plein, pas voir ça à la télévision, qu'il a vu des gens d'affaires allemands. On n'est pas obligé de voir ça à la télévision. On veut juste savoir qu'il l'a fait. Mais il ne l'a pas fait parce qu'il n'y avait pas de photos prévues.

Et ça, je trouve ça éminemment regrettable. Tout le débat a été dévié, notamment par le ministre des Finances, en raison d'un supposé problème de langue qui se serait posé pendant la visite où un représentant du gouvernement du Québec a parlé français à des gens qui ne comprenaient pas le français. Le ministre des Finances est allé... comme d'habitude, il s'est scandalisé, il a même accusé l'opposition de vouloir blâmer les fonctionnaires de parler français. Complètement ridicule!

Pour avoir voyagé, puis il le sait – il a fait la même chose – il le sait bien, lorsqu'on voyage à l'étranger, ça dépend des circonstances. Moi, j'ai parlé français à des groupes considérables de Japonais au Japon, avec interprète, un interprète français-japonais. Je ne parle pas japonais, les Japonais ne parlaient pas français. Ils ne parlaient pas anglais non plus. Ils ne comprenaient pas toujours, incidemment. On s'imagine que l'anglais est la langue internationale. Il faut aller en Chine où il y a 1 000 000 000 de personnes puis au Japon où il y en a 160 000 000 pour s'apercevoir que ça fait pas mal de monde important qui n'ont pas la moindre idée d'une autre langue que le japonais et le chinois, respectivement. Alors, ça prend des interprètes, il n'y a pas de doute.

Mais il faut se servir de sa langue, oui. Ça, c'est un signal important que tous les représentants du gouvernement du Québec doivent donner, qu'ils soient élus ou non élus. Ça, c'est important. Mais, moi, je dis: Il faut se servir de sa langue; il faut se servir de sa tête aussi lorsqu'on a des circonstances privées. Moi, je ne vois pas pourquoi quelqu'un qui est parfaitement bilingue impose à un vice-président d'une chambre de commerce locale ou à quelqu'un qui s'adonne à être là en passant d'être obligé de traduire en catastrophe ce que quelqu'un qui est parfaitement bilingue décide qu'il dit en français tout d'un coup à des gens qui ne comprennent pas un mot de français, alors que toutes les discussions s'étaient déroulées en anglais jusqu'à ce moment-là.

Enfin, il y a peut-être une question symbolique qui a été téléguidée par le bureau du ministre à l'endroit de ses fonctionnaires, mais, moi, je ne blâmerai jamais les gens d'utiliser leur langue. Je vais les blâmer de ne pas utiliser leur tête, leur jugement quand, pour le Québec, ça donne un signal qu'on accueille mal les gens. La réalité, c'est que les témoins, les participants de cet échange trouvent qu'on a manqué une chance. C'est une opportunité, une occasion manquée, ça, littéralement, qui, au dire des Allemands eux-mêmes – ce n'est pas moi qui le dis – au dire des Allemands, a été perçue comme un geste non amical ou de résistance ou d'incompréhension sans doute, alors que dans le fond non seulement on parle et maîtrise une langue, on en parle et maîtrise deux et trois et quatre au Québec en raison de notre situation sociolinguistique absolument remarquable.

Moi, je veux bien qu'on doive apprendre des langues. Je pense qu'il est important qu'on maîtrise des langues, je pense qu'il est important de savoir plus qu'une langue, plus que la nôtre – le français – mais il faut les utiliser. Quand on sait des langues, quand on les maîtrise, quand on les a apprises, il faut les utiliser.

Alors, c'est tous ces petits signaux-là, M. le Président, qui à mon sens démontrent l'incapacité du gouvernement à créer des emplois. Je pourrais continuer avec la différence entre les programmes, entre la privatisation, la sous-traitance, le recours à l'entreprise privée, la création d'emplois, dans la prestation de services publics, par le recours au talent de tous les Québécois. C'est dans notre programme à nous. C'est le contraire du programme du Parti québécois.

Je pourrais également montrer comment on peut avoir un programme de déréglementation qui facilite la création d'emplois, l'administration dans les petites entreprises. On l'a fait en 1994. On a mis sur pied un secrétariat au bureau du premier ministre, que j'occupais à l'époque, afin d'assurer cette déréglementation, cette simplification des rapports entre l'État et les petites entreprises. C'est dans notre programme. C'est le contraire de ce que le Parti québécois est en train de faire.

On pourrait continuer sur la priorité à l'éducation qu'il faut donner si on veut créer des emplois au lieu d'augmenter les impôts pour combler le déficit, comme on est en train de le faire, là, malheureusement. Mais enfin, de façon intuitive et spontanée, tout le monde au Sommet, le peuple en entier, et tout ce que vous voulez, veut cette taxe-là. Ah oui! Ça va être unanime ici aussi, mais, M. le Président, moi, je vous dis que ce n'est pas la meilleure façon de créer de l'emploi, c'est la dernière façon de créer de l'emploi. Il est impératif que le gouvernement corrige le tir, qu'il s'adresse aux vrais problèmes des Québécois, qu'il ait une politique et qu'il ajuste son tir afin de refléter les aspirations des Québécois.

Ce que je vous dis en attendant, M. le Président, c'est qu'il y en a un, parti politique, qu'il y a en un, programme, qui s'occupe d'économie au lieu de s'occuper de séparation, c'est le Parti libéral du Québec. C'est ça qu'on suggère, nous autres, pour créer de la richesse.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le chef de l'opposition. Je vais céder la parole à M. le ministre pour une intervention de cinq minutes.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, je vais utiliser les virtualités de notre procédure parce que le chef de l'opposition mérite quelques petites réponses en raison de son statut, d'une part, et en raison de ce qu'il a dit, d'autre part.

Je constate que, dans un débat dramatique sur la pauvreté et la réinsertion, le chef de l'opposition a plutôt essayé de se tirer d'une bourde et d'une situation où il s'est mis la semaine dernière, et ses longs débats linguistiques basés encore sur des faits qui ne sont pas exacts. Ce ne sont pas les Allemands qui se sont plaints, c'est M. Phil O'Brien, de Devencore. Les Allemands ont écrit, par lettre, qu'il n'y a pas eu d'incident linguistique et qu'il n'y a eu rien d'agressif et de déplacé pour eux, car les Allemands ont signé avec les Français, en particulier, le traité de Rome en 1957. Les Britanniques sont arrivés 15 ans en retard. Ils sont exposés quotidiennement, par des économies interpénétrées, peut-être les deux plus interpénétrées du monde occidental, les uns à la langue de l'autre. Et, d'une façon vraiment incompréhensible et politiquement très désastreuse pour le Parti libéral, on vient essayer de nous faire croire que des Allemands vont s'offusquer qu'on s'adresse à eux en français, par interprète. C'est désolant que l'incident ait eu lieu. Le Parti libéral s'est mis dedans avec ça, mais qu'il essaie de s'en sortir à l'occasion d'un débat sur la pauvreté, ce n'est pas d'une élégance suprême.

Deuxième petite constatation. Le chef de l'opposition a dit qu'on était triomphant, qu'on était... Ce n'est pas vrai. On s'évertue à répéter la trilogie désastreuse qui caractérise le Québec d'aujourd'hui. Je le redis pour vous, M. le Président, j'espère que le chef de l'opposition va écouter, entendre et comprendre: Le Québec est la province la plus endettée du Canada, 10 200 $ par tête, hommes, femmes et petits enfants. Le Québec est la province la plus taxée du Canada. C'est ici que la ponction fiscale est la plus élevée de toutes les provinces de Canada. Troisièmement, sur le plan du chômage, autre élément de trilogie, le Québec est dans la médiocrité, c'est-à-dire que tout ce qui est à l'est chôme plus que nous et tout ce qui est à l'ouest chôme moins que nous.

M. le Président, est-ce que c'est du triomphalisme, ça? Est-ce que c'est vraiment claironner? Est-ce que le chef de l'opposition est capable de comprendre qu'il faut expliquer franchement à la population ce qui se passe si on veut rendre service au Québec, des deux côtés de cette Chambre?

Je lui rappelle aussi une vérité élémentaire et facile à calculer. Il a encore parlé de ce qu'il appelle la séparation, et tout ça, ce qui n'est, en vérité, que la quête pour l'identité et la souveraineté nationale du Québec. La séparation, ça, ce serait comme si l'Ontario du nord voulait se séparer de l'Ontario du sud. Ce n'est pas un peuple, dans aucun des cas. Mais, quand il s'agit de la question du Québec qui forme un peuple et une nation – et si le Parti libéral n'est pas d'accord avec ça, qu'il nous le dise une bonne fois pour toutes – ce n'est pas la séparation, c'est la marche vers la souveraineté nationale, inexorable, qui avance toujours, ne recule jamais. Il y avait 30 souverainistes il y a 50 ans, il y en avait 49 % et quelques de la population il y a quelques mois et, la prochaine fois, il y aura une nette majorité, sans compter que je n'ai pas honte de dire et nous disons, de ce côté de la Chambre, qu'il y a eu 60 % des francophones qui ont appuyé cette thèse respectable et qui doit être respectée même quand on ne la partage pas.

Je n'ai jamais, moi, employé de mots aussi définitifs que ceux que le chef de l'opposition a employés, je l'ai rappelé la semaine dernière pour qualifier le projet fédéral canadien. Le projet fédéral canadien, c'est une grande affaire idéaliste à laquelle nos grands-pères, arrière-grands-pères et arrière-grands-mères ont cru. Très bien, il n'y a rien de méprisable là-dedans. Mais l'indépendance du Québec ne doit pas être méprisée. Le Parti libéral a déjà eu deux schismes pour s'être trompé là-dessus: ils ont perdu un homme de la qualité de René Lévesque, ils ont perdu le jeune député de Rivière-du-Loup parce qu'ils n'ont rien compris à ça. Il faut qu'ils se réajustent.

(12 h 40)

Je dirais enfin, sur le plan historique, c'est facile à vérifier: quand Maurice Le Noblet Duplessis était premier ministre du Québec, l'écart entre le taux de chômage du Québec et de l'Ontario était rigoureusement le même que sous Lucien Bouchard. Delta égale k. Il doit y avoir un problème structurel là-dedans. Il doit être temps que quelqu'un s'en occupe. Et c'est pour ça que nous voulons nous attaquer aux structures qui ont causé ce problème. Maurice Duplessis est mort en 1959. Il devrait être à peu près temps que le Parti libéral sache lire les courbes historiques et enfin comprenne l'erreur qu'il a commise en s'inscrivant comme le champion à l'encontre de l'accession du Québec au concert des nations. Robert Bourassa, dans des moments extraordinaires de lucidité, des belles phrases mais aussi des bons concepts, a parlé – la question de Bruxelles, ça vous dit quelque chose? – de deux États souverains. Vous n'y échapperez pas. M. le Président, les libéraux n'y échapperont pas. Nous irons à ce que Robert Bourassa a contemplé au moins dans son esprit et dans son coeur, deux États souverains. Après ça, on pourra casser les structures néfastes.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances. D'autres intervenants? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je vous cède la parole pour un 10 minutes au maximum.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. J'ai l'intention de parler, de vouer la très grande majorité de mon temps sur le projet de loi n° 95. Je ne peux pas m'empêcher de dire un petit commentaire sur les derniers propos du ministre d'État des Finances et de l'Économie.

Moi, je n'ai jamais considéré que l'option séparatiste du Parti québécois était méprisable. Jamais. Je la considérais comme nuisible aux Québécois, comme néfaste, comme négative, mais jamais méprisable. Ce que, peut-être, je peux qualifier comme un peu méprisable, c'est l'attitude de ce présent gouvernement qui, après deux référendums, refuse d'accepter le verdict populaire, que les Québécois ont dit, à deux reprises dans un intervalle de 15 ans, non à cette aventure, mais que le gouvernement revient temps après temps après temps...

Ça me fait penser un peu, M. le Président, à une série finale de hockey. Est-ce qu'on va jouer le meilleur... sept référendums sur sept? Est-ce que c'est ça que ça va prendre aux gens d'en face pour comprendre que les Québécois et Québécoises ne veulent pas la séparation? Est-ce que c'est le meilleur sur sept qui va gagner? Le meilleur sur cinq? Déjà, les fédéralistes sont deux à zéro. Alors, à un moment donné, je crois, M. le Président, que les gens en face vont être obligés d'accepter un verdict populaire. Nous, on va leur servir ce verdict aux prochaines élections. Si, par malchance, dans un autre 15 ans, le Parti québécois – parce que notre système veut un peu, M. le Président, une certaine alternance – dans une quinzaine d'années, si jamais le Parti québécois reprend le pouvoir, on va leur servir une autre défaite, si nécessaire, pour leur faire comprendre que les Québécois et Québécoises ne veulent pas de la séparation.

M. le Président, le projet de loi n° 95. J'ai assisté aux travaux de la commission sur l'étude détaillée en tant que critique en matière de sécurité du revenu. Comme le chef de l'opposition a indiqué, on ne votera pas contre ce projet de loi. Il y a, par contre, M. le Président, beaucoup, quant à moi, d'incohérence et plusieurs contradictions dans la philosophie même qui sous-tend le projet de loi. Au moment où le gouvernement actuel ampute le budget du ministère de la Sécurité du revenu de 188 500 000 $ – ça, c'est l'effort réel, M. le Président, ce n'est pas des crédits, mais c'est l'effort réel; la reconduction des programmes en matière de sécurité du revenu, mesures actives d'emploi, coûterait 188 500 000 $ de plus que ce que l'Assemblée nationale a voté, en termes de crédits – au moment où on fait une compression, une coupure de 188 500 000 $ dans le budget du ministère qui devrait s'occuper de l'intégration à l'emploi, on crée un nouveau fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail!

Je comprends, le vice-premier ministre et ministre des Finances va peut-être dire: Oui, mais on a fait des amendements pour s'assurer que les sommes dans le fonds ne servent pas pour financer des programmes gouvernementaux. Oui, ils ont accepté, suite à nos interventions, M. le Président, d'ajouter la notion qu'il faut que ces programmes-là soient complémentaires. Mais quand même, M. le Président, le but de ce fonds, c'est de prendre des gens qui sont sur la sécurité du revenu et de développer des projets pour faire l'insertion au travail. Mais c'est exactement le même but, M. le Président, que le ministère de la Sécurité du revenu. C'est un peu, je dirais, M. le Président, qu'on déshabille Pierre pour habiller Paul. J'enlève 188 500 000 $ du budget du ministère de la Sécurité du revenu, puis on crée un fonds sur trois ans – ça, c'est juste cette année, M. le Président – de 250 000 000 $.

C'est peut-être une autre façon de déguiser le déficit et de dire: Regardons-nous, nous avons créé un fonds spécial. C'est à l'unanimité et cela découle du Sommet. Je veux bien, M. le Président, mais, comme je l'ai dit, on ne votera pas contre ce projet, parce qu'on ne veut pas, une fois la décision prise, priver des prestataires de l'aide sociale de la possibilité d'avoir accès à ces projets. Ce qu'on reproche, M. le Président, c'est qu'au même moment où on crée ce fonds-là on impose une nouvelle taxe pour le financer, on coupe dans les programmes réguliers, les programmes normés du ministère responsable d' atteindre les mêmes objectifs, M. le Président. C'est un peu incohérent.

M. le Président, le processus aussi, je pense que ça mérite quelques remarques. Nous avons questionné, en commission, la pertinence d'avoir essentiellement trois ministres impliqués dans ce fonds. Le ministre des Finances a répliqué qu'ils l'ont souhaité ainsi. Son implication, en termes de ministre des Finances, vient du fait que c'est un fonds, et il gère, il est responsable de tous les fonds, semble-t-il. Alors, il y a le ministre des Finances qui est là-dedans. Il est, à l'article 4, responsable de la gestion des sommes. Semble-t-il que c'est courant, c'est normal que le ministre des Finances soit responsable de la gestion des fonds créés par le gouvernement du Québec.

Mais, à l'article 12, M. le Président, il y a la notion que le premier ministre est responsable de l'application de la loi; le même article indique que le gouvernement désigne un ministre responsable de son administration courante.

Alors, on a le premier ministre qui est conseillé par un comité aviseur formé en vertu d'un décret et qui est responsable de l'application de la loi. On a, semble-t-il, par règlement, un ministre qui sera responsable de son administration, et je pense que la candidate la plus appropriée sera la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité. Et on a le ministre des Finances qui gère le fonds. Trois ministres dans un processus, un comité aviseur interposé. Moi, j'ai constaté, M. le Président, un certain processus élaboré, sinon lourd pour en arriver à l'approbation des projets sur trois ans pour 250 000 000 $ qui, semble-t-il, vont tenter d'intégrer les prestataires d'aide sociale au travail.

Alors, M. le Président, je pense que, un peu comme le chef de l'opposition a dit, nous, on n'aurait pas procédé ainsi. On n'aurait pas, quant à moi, coupé dans le budget du ministère pour en financer par une taxe spéciale. On n'aurait pas créé un genre de système où le premier ministre est interposé avec un comité aviseur. Pourquoi le premier ministre? Le ministre des Finances nous a répondu: Parce que c'est un projet qui découle du Sommet, puis c'est un projet de rare solidarité. Moi, ça m'a fait penser aux allusions faites par le chef de l'opposition. Quant à moi, le premier ministre est là pour des «photos-op». On verra. Mais, quand je vois comment ça va fonctionner, quand je comprends comment ça va fonctionner, essentiellement le premier ministre est là pour prendre le crédit. C'est ainsi fait dans la loi et c'est évidemment le choix du gouvernement de procéder tel quel.

Alors, des problèmes avec le fonctionnement: trois ministres interposés, comité aviseur, un fonds au moment où on coupe dans les budgets ministériels, on lève une nouvelle taxe pour compenser. C'est incohérent, contradictoire, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais, M. le Président, nous ne voterons pas contre, parce que, à ce moment-ci, avec 550 000 prestataires d'aide sociale adultes, on ne peut pas les priver d'un fonds qui va tenter d'aider un certain nombre à s'intégrer sur le marché du travail. C'est une drôle de façon de procéder, M. le Président, mais le gouvernement a fait son lit, ils vont vivre avec les conséquences. Merci, M. le Président.

(12 h 50)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, je vais céder la parole à M. le député de Châteauguay. M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci beaucoup, M. le Président. Je vais tenter de faire le tour du sujet dans les quelques minutes qui restent avant la suspension. À ce moment-ci, évidemment, lorsqu'on parle du Fonds de lutte contre la pauvreté, je pense que personne ne peut être contre l'idée de lutter contre la pauvreté. Ça va de soi. Il faut continuer la phrase, quand même, du projet de loi qui est sous étude: Le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail.

Lorsqu'on revoit ce qui est au coeur du sujet, est-ce qu'on peut vraiment dire que la lutte à la pauvreté se fait réellement par la réinsertion au travail, quand on voit que ce qui est constitué réellement à la base même de cette lutte, c'est un fonds constitué par une taxe de 250 000 000 $? Si on était plus juste, si on utilisait les mots qu'il faut utiliser pour dépeindre ce qui est devant nous en ce moment, c'est un fonds de lutte contre la pauvreté par une taxe additionnelle à hauteur de 250 000 000 $.

Le ministre des Finances a tenu quelques propos, il y a à peu près 15 minutes, où il nous a dit que le Québec était l'endroit le plus taxé – je pense qu'il est allé jusqu'à dire en Amérique du Nord, peut-être au Canada – au Canada. M. le Président, il nous dit que Québec est l'endroit le plus taxé au Canada. Qu'est-ce qu'il nous propose? Un fonds de lutte contre la pauvreté par une taxe additionnelle de 250 000 000 $!

Puisqu'on parle de taxe et de pauvreté il faudrait peut-être rappeler les autres mesures. Je n'ai pas le temps de faire le tour, M. le Président, mais simplement rappeler l'augmentation de 2,5 % des tarifs d'Hydro-Québec, qui va amener 41 000 000 $ de plus, décrétée par le ministre des Finances, les frais de service d'Hydro-Québec, par exemple les branchements, 17 000 000 $. Qui, pensez-vous, M. le Président, est le plus affecté, lorsqu'on regarde la proportion des revenus qui est affectée à des dépenses comme celles-là? C'est évidemment les gens qui sont démunis. Alors, lorsqu'on entend ces beaux discours sur la lutte à la pauvreté, moi, je veux bien qu'on partage cette lutte à la pauvreté, mais il faudrait quand même regarder l'ensemble de l'action que le gouvernement mène pour s'apercevoir que l'action et le discours ne collent pas tout à fait ensemble.

Maintenant, mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce a abordé la question: Est-ce que ce n'est pas un peu abusif de parler d'un fonds de lutte à la pauvreté par la réinsertion au travail, alors que le programme 3 du ministère de l'Emploi, qui concerne justement les mesures d'aide à l'emploi, a été coupé de 63 000 000 $? 63 000 000 $ de moins que l'an passé. Alors, si on veut parler de la réinsertion au travail, qui est l'outil pour lutter contre la pauvreté, la question est la suivante: Pourquoi le ministre des Finances, qui nous fait ce beau discours, est-il parrain, père d'une coupure de 63 000 000 $ dans des mesures d'aide à l'emploi? On voit quoi? On voit une taxe de plus, une coupure de plus. Et je me demande, si les gens réunis au Sommet avaient su que le gouvernement allait passer cette taxe de 250 000 000 $ et en même temps couper l'aide qu'il faisait déjà, s'ils auraient donné l'assentiment qu'ils ont donné.

Lorsqu'on parle de pauvreté, lorsqu'on parle de réinsertion en emploi, lorsqu'on parle de la possibilité pour des gens d'avoir un avenir meilleur et d'envisager, pour eux aussi, la prospérité sur une base individuelle, la question revient toujours à quelque chose d'excessivement fondamental: Y a-t-il de l'emploi? Y a-t-il du travail? C'est bien beau, et on est tous d'accord avec ça, d'avoir les meilleurs programmes pour améliorer l'employabilité de nos concitoyens, mais la question va toujours être la même: À la fin du parcours, soit-il personnalisé, de réinsertion en emploi, y a-t-il un emploi qui attend nos concitoyens? Et la question revient à celle-ci, quand on regarde le contexte dans lequel nous sommes: Y a-t-il de l'investissement? L'investissement d'aujourd'hui, c'est l'emploi de demain. Et c'est aujourd'hui... enfin, on aurait pu dire que c'est depuis l'élection de ce gouvernement que ce gouvernement aurait dû s'attarder à ça.

On sait que, la première année, ce n'était pas sa préoccupation. Quoi qu'en dise le ministre des Finances, la préoccupation de cette première année de ce mandat du Parti québécois, ce n'était uniquement que de préparer un référendum sur la séparation du Québec, soit-elle la souveraineté, la sécession. C'était ça, la première année. Et, évidemment, il fallait travailler très fort, parce qu'il y avait des comités secrets qui étudiaient à peu près tout, notamment le plan ou comment aller prendre 20 000 000 000 $ de nos épargnes, que nous avons tous comme Québécois... Parce que le Parti québécois, qui préparait ce référendum et tenait des discours comme le suivant, M. le Président: On va donc être plus riches après un Oui, en secret, préparait sans nous le dire une ponction de 20 000 000 000 $ de nos épargnes, qui nous appartiennent à tous, tous les Québécois et les Québécoises, 20 000 000 000 $, à la Caisse de dépôt, à Hydro-Québec, au ministère des Finances – dont le ministre des Finances, d'ailleurs, a plutôt dit qu'il ne savait pas si ça existait; il a fallu qu'un de ses fonctionnaires le dise – 20 000 000 000 $ pour les conséquences économiques. C'était ça, la première année.

La deuxième année, on a fait des sommets. La troisième année, on commence à faire de la législation. On s'aperçoit finalement que ça ne va pas dans le sens de la création d'emplois à venir parce que ça ne va pas dans le sens d'un soutien à l'investissement. Et il y a des chiffres, M. le Président, qui sont excessivement révélateurs. Lorsqu'on regarde la croissance des investissements de 1994 à 1997 et qu'on la compare, on voit qu'en Ontario la croissance des investissements durant ces années, c'est de 11,5 %. Alors, vous allez me dire: Oui, mais, là, ça, c'est en Ontario. Au Québec, c'est une chute, c'est négatif, c'est 2,4 % de moins d'investissements.

Alors, après ça, il y a des gens qui vont dire: Ah! bien, c'est toujours comme ça, c'est Ottawa, c'est de la faute du Canada, nous, on a rien, quand c'est à l'est de l'Ontario... Mais, M. le Président, quand on a un gouvernement qui a des moyens, qui est supposé avoir de l'imagination, en tout cas qui l'a prétendu pour se faire élire, quand est-ce qu'il va déposer son plan? Après trois ans, deux ans et demi, on s'en va sur trois ans, quand est-ce qu'on va avoir la proposition, le plan stratégique, la politique d'investissement? Quand est-ce qu'on va se réveiller et s'apercevoir, M. le Président – le chef de l'opposition en a parlé tantôt – s'apercevoir de ce qui se dit et pas juste... ce n'est pas toujours de dire: Ah! c'est les libéraux qui disent ça; les libéraux, ils n'ont pas d'allure; les libéraux, ils pensent mal, ils essaient de nous attaquer. La question n'est pas là. La question, c'est qu'il y a eu un sommet dont le Parti québécois, le gouvernement du Parti québécois se targue de toujours refléter ce qui en est sorti puis du consensus qui était là, sauf, M. le Président, que ce qui est dommage, c'est que c'est un peu comme un bar ouvert, hein, cette affaire-là, c'est un buffet. Ils prennent ce qu'ils veulent. Mais, dans le Sommet, il y avait le rapport Levitt où on disait ceci, et je vais le citer. Je sais que le chef de l'opposition l'a cité tantôt, mais je pense que c'est important que le gouvernement du Parti québécois comprenne que ce n'est pas que les libéraux qui disent ça: «Ce serait toutefois ne pas faire justice à leurs propos – les gens d'affaires – que de ne pas mentionner que l'incertitude politique impose un lourd tribut à l'économie de Montréal pour son influence sur les investissements et sur le climat d'affaires. Faire de Montréal une ville plus accueillante rendrait sûrement Montréal plus compétitive; mais, en bout de ligne, tant que l'hypothèque de l'incertitude politique n'aura pas été levée, on ne peut raisonnablement s'attendre à ce que Montréal réalise le plein potentiel économique qui devrait normalement être le sien et créer ainsi tous les emplois dont Montréal a tant besoin.»

M. le Président, il ne s'agit pas, pour nous... Puis, si le ministre des Finances et si le gouvernement du Parti québécois veulent continuer de faire avancer leur projet de sécession – ils veulent continuer d'y croire – bien, ils peuvent le faire. Nous sommes en démocratie, qu'ils continuent d'avancer leurs choses. Ce qui serait dommage, c'est qu'ils ne voient pas qu'effectivement cette incertitude crée un problème à l'investissement, et l'investissement ferme la porte aux emplois à venir – c'est simple logique – de la même façon que lorsque le ministre des Finances essaie de nous faire croire que, si nous avions été souverains – je termine là-dessus – les Québécois, les fonctionnaires n'auraient pas eu assez d'imagination pour inventer les programmes sur lesquels on aurait dépensé de l'argent. Il a dit ça il y a deux mois. C'est le même ministre des Finances qui est détenteur du plan O où on perdait 20 000 000 000 $ au début. 20 000 000 000 $, ce n'est pas 2 000 000 $, ce n'est 20 000 000 $!

(13 heures)

Alors, M. le Président, je vais terminer. Vous m'indiquez que la pause... Je vais terminer là-dessus, quitte à revenir un peu en début d'après-midi, en espérant que le ministre comprenne que, pour lutter contre la pauvreté, il n'y a pas que la taxation qui peut être utilisée. Au contraire. C'est le dernier moyen à utiliser. Ce qu'il faut, c'est créer de l'investissement, attirer les gens à avoir confiance au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay et leader adjoint du gouvernement. Sur ce, nous allons...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Leader adjoint de l'opposition.

Alors, sur ce, nous allons suspendre nos travaux à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 7)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Nous allons poursuivre nos travaux aux affaires du jour. J'inviterais Mme la leader adjointe à nous indiquer l'affaire à l'ordre du jour, s'il vous plaît.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Alors, je fais motion pour ajourner le débat sur l'article 37, le projet de loi n° 95.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Mme Caron: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 1 de notre feuilleton.


Débats sur les rapports de commissions


Prise en considération du rapport de la commission qui a procédé à un mandat d'initiative sur les enjeux du développement de l'inforoute québécoise

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 1 du feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de la culture qui a tenu des consultations particulières le 6 avril 1995 et une consultation générale en octobre 1996 dans le cadre de son mandat d'initiative sur les enjeux du développement de l'inforoute québécoise. Ce rapport, déposé le 27 mai 1997, contient des recommandations.

Je vous rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 95 du règlement, cette prise en considération donne lieu à un débat restreint d'au plus deux heures et aucun amendement n'est recevable.

Après entente avec les leaders des partis en Chambre, voici la répartition du temps: cinq minutes sont allouées à chacun des députés indépendants; les deux groupes parlementaires se partageront également le reste de la période consacrée à ce débat. Dans ce cadre, le temps non utilisé par l'un des groupes ou par les députés indépendants pourra être distribué équitablement, et les interventions ne seront soumises à aucune limite à l'intérieur de ce temps dévolu.

Alors, je serais prêt à entendre le premier intervenant. M. le député de Lévis, je vous cède la parole.


M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, c'est avec un grand plaisir que je participe au débat restreint suite au dépôt du rapport de la commission de la culture à l'Assemblée nationale le 27 mai dernier, ce rapport final sur les enjeux du développement de l'inforoute québécoise. Le rapport, intitulé Inforoute, culture et démocratie: enjeux pour le Québec , contient 47 recommandations adressées au gouvernement. Le rapport a été endossé unanimement par les membres de la commission, indistinctement des partis, tant du parti de l'opposition officielle que les députés ministériels.

Rappelons que, dans le cadre de ce mandat d'initiative adopté le 2 février 1995, ça veut dire près de deux ans et trois mois plus tard, la commission de la culture a publié en juin 1996 un document de consultation qui posait une centaine de questions sur les 11 grands enjeux qui avaient été identifiés. La commission a reçu en réponse 76 mémoires, dont 69 ont été présentés lors d'auditions publiques tenues à l'Assemblée nationale du 1er au 31 octobre dernier.

Les membres de la commission ont ainsi offert un forum privilégié pour tenir un important débat de société et osent croire que les mémoires de qualité présentés à la commission ainsi que ce rapport sauront inspirer l'ensemble des intervenants, dont le gouvernement, qui prépare présentement une stratégie d'ensemble. Celle-ci doit être dévoilée prochainement, et la commission croit qu'elle sera l'une des pierres angulaires du développement culturel, social et économique du Québec à l'aube des années 2000, c'est-à-dire que c'est un débat qui est vraiment de notre temps.

(15 h 10)

Les recommandations de la commission sont regroupées dans quatre grands chapitres qui portent sur, premièrement, les enjeux linguistiques et culturels, deuxièmement, les enjeux démocratiques, troisièmement, les champs d'application privilégiés, quatrièmement, les acteurs.

Les enjeux linguistiques et culturels. Il faut souligner ici que, tout au long de ce mandat, les membres de la commission ont accordé une attention particulière aux enjeux culturels et linguistiques, ce qui se reflète clairement dans le rapport final. Les membres en viennent notamment à la conclusion, comme l'ensemble des personnes consultées, que l'inforoute constitue bien plus une occasion à saisir qu'une menace pour notre langue et notre culture, et ça, après de nombreuses discussions. Ce n'est pas arrivé, une conclusion d'un coup sec, mais c'est le fruit d'une cogitation ou de cogitations qui ont duré plus de deux ans.

Les membres recommandent au gouvernement de se donner les trois priorités suivantes dans le cadre d'une stratégie de promotion du français sur l'autoroute de l'information: premièrement, accroître les contenus francophones de qualité par un ensemble de moyens, dont la mise en réseau de l'ensemble de l'information gouvernementale d'intérêt public; deuxièmement, développer des outils informatisés de traitement de la langue et, troisièmement, mettre en place, notamment dans la francophonie, les alliances stratégiques favorables à la diversité linguistique, parce qu'il y aura diversité linguistique s'il y a des contenus. Les gens ne pourront pas utiliser le réseau francophone s'il n'y a rien dedans. Alors, les contenus sont essentiels pour qu'il y ait une présence francophone et qu'on s'habitue à utiliser des instruments du réseau francophone.

Concernant l'enjeu culturel, des recommandations sont formulées afin d'encourager la production d'oeuvres québécoises numérisées et d'assurer une large diffusion aux produits culturels québécois. Concernant les droits d'auteur de la couronne, il est recommandé au gouvernement d'étudier la possibilité de renoncer à exiger des redevances pour la consultation sur l'inforoute des documents publics sur lesquels elle détient des droits d'auteur, d'autant plus que les gens sont supposés être au courant de ces documents-là. Ils doivent être accessibles, et ça serait déjà une façon d'utiliser l'autoroute québécoise avec des contenus auxquels les gens ont besoin de se référer. Ça pourrait être un incitatif très important pour l'ensemble de la société québécoise d'utiliser la section francophone de l'inforoute.

Les enjeux démocratiques. L'importante question de l'accessibilité fut au centre de nombreux mémoires. Les membres de la commission sont convaincus que le gouvernement peut jouer un rôle important pour faciliter l'accès de tous les citoyens aux services de l'inforoute, notamment par l'ouverture de points d'accès dans divers lieux publics. Elle recommande toutefois de procéder graduellement à l'implantation des services gouvernementaux sur l'inforoute en effectuant des projets-pilotes auprès de clientèles ciblées. Les membres recommandent par ailleurs que tous les aspects liés à la protection de la vie privée et à la protection des renseignements personnels sur l'inforoute fassent l'objet d'un examen attentif par l'ensemble des ministères et organismes publics en collaboration avec la Commission d'accès à l'information, le Protecteur du citoyen et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Il faudra évaluer non seulement les questions relatives à la circulation sécuritaire des renseignements personnels, mais aussi tout ce qui concerne la cueillette, la détention, la finalité des droits d'accès et la modification de ces renseignements.

D'autres enjeux font également l'objet de recommandations, tels le contrôle des contenus, la lutte à la criminalité, la protection du consommateur, l'utilisation de l'inforoute afin d'accroître la solidarité au sein de la société et la qualité de la vie démocratique. Quand on parle de contrôle des contenus, il ne s'agit pas d'avoir un index ou un imprimatur, mais il s'agit simplement de ne pas considérer comme une fatalité qu'on puisse trouver sur les inforoutes de la pornographie infantile ou des choses de cette nature, et qu'au contraire il est possible d'avoir des contrôles pour empêcher la diffusion de ces contenus.

Les champs d'application privilégiés. Les enjeux dans les champs d'application suivants... Quand on parlait d'enjeux démocratiques, également, il ne s'agit pas d'avoir deux catégories de citoyens, des citoyens qui ont accès ou des citoyens qui n'ont pas accès – ce que la députée de Sherbrooke a appelé les inforiches et les infopauvres – il s'agit de donner l'accès à tous. Il n'y a pas de catégorie sociale dans l'accès à l'information, au savoir ou aux communications. Mais, par ailleurs, parce que l'accès est généralisé, il ne s'agit pas non plus que dans les écoles ou dans les bibliothèques publiques on donne un accès pour des matières qu'on ne voudrait pas être l'objet d'études par les enfants ou encore pour des contenus pornographiques qui ne sont pas vraiment d'intérêt public.

Les champs d'application privilégiés. Les enjeux dans les champs d'application suivants font l'objet de recommandations: l'éducation, la santé, le travail, l'aménagement du territoire et le développement régional.

Dans le secteur de l'éducation, la commission de la culture propose notamment les grandes orientations suivantes. Que le personnel enseignant à tous les niveaux reçoive une formation adéquate afin de pouvoir se servir des nouvelles technologies comme outil pédagogique d'utilisation courante. C'est-à-dire que les professeurs sachent eux-mêmes comment se servir des nouvelles technologies, parce qu'ils ne pourront pas l'enseigner s'ils ne les connaissent pas. À ce point de vue là, on ne peut pas dire que les universités aient été une avant-garde; elles ont été plutôt une arrière-garde. Il faudrait actuellement, dans la formation des futurs maîtres, qu'on se mette à la page et qu'on fasse en sorte que les futurs professeurs soient au courant de ces technologies et soient capables de les enseigner correctement à leurs étudiants et, surtout, les connaissant, sachant aussi qu'il faut analyser ces instruments-là d'un oeil critique, qu'on soit capable de décerner ce qui est bon ou ce qui n'est pas bon, parce que avoir trop d'informations, ça peut être aussi pire que ne pas en avoir assez, que des outils pédagogiques soient créés et qu'on en vienne éventuellement à pouvoir les exporter, qu'en collaboration avec nos partenaires de la francophonie soit développé davantage l'enseignement postsecondaire virtuel.

Dans le secteur de la santé, l'usage de la télémédecine doit être encouragé sur l'ensemble du territoire en favorisant notamment une régionalisation des services. Il faut, par ailleurs, procéder à une révision du cadre juridique de la pratique médicale en regard du nouveau contexte créé par l'inforoute. Il ne s'agit pas, encore une fois, de dire: Oui, on pourra faire de la médecine à partir de Gaspé sachant que c'est un voeu pieux, que ça ne se fera jamais. Si on veut vraiment qu'il y ait des gens qui se concertent sur un territoire, bien, il faut avoir une volonté de le faire pour que des spécialistes se retrouvent aussi dans les différentes régions. Enfin, il faut s'assurer qu'un débat public ait lieu avant l'introduction d'une carte-santé et que la question de la sauvegarde de la vie privée ne soit pas escamotée.

Concernant les enjeux dans le monde du travail, il faut établir un plan d'action en matière de formation de la main-d'oeuvre qui tienne compte du contexte des inforoutes. Il faut aussi procéder à une révision de nos lois afin, notamment, d'accorder une protection au nombre grandissant de travailleurs à domicile ou travailleurs autonomes. On recommande également d'expérimenter des projets-pilotes de télétravail dans la fonction publique.

Enfin, la commission de la culture souhaite que le gouvernement voie à ce que l'inforoute contribue au développement des régions, par exemple, en encourageant des projets qui en émanent dans le cadre du Fonds de l'autoroute de l'information. Il faut, de plus, réfléchir à la possibilité de mettre Hydro-Québec à contribution pour assurer un meilleur accès aux régions dont les réseaux de télécommunications ne sont pas encore dotés de fibre optique.

Le rôle de l'État. La commission de la culture invite le gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale à accorder une attention prioritaire à ce dossier, à exercer un leadership stratégique et à présenter une vision d'ensemble et une stratégie de développement de l'inforoute québécoise qui s'inspirent des orientations proposées dans notre rapport.

Les membres de la commission recommandent, entre autres, au gouvernement d'intégrer les nouvelles technologies de l'information et des communications dans sa stratégie de développement économique et technologique de l'ensemble des régions du Québec. Ils croient également qu'il faudra de plus en plus utiliser les inforoutes afin d'améliorer les services rendus à l'ensemble des clientèles qu'il dessert. Ils recommandent enfin de s'assurer que le financement du plan d'action proposé se fasse en collaboration avec le secteur privé.

Dans leur rapport Inforoute, culture et démocratie: enjeux pour le Québec , les membres de la commission de la culture affirment que l'autoroute de l'information est jalonnée de menaces et d'écueils, mais aussi de possibilités et d'occasions qu'il faut absolument saisir. Les membres ont acquis la conviction qu'il ne faut pas surestimer les effets à court terme des nouvelles technologies. Il ne faudrait pas sous-estimer non plus leur impact à long terme. En effet, nous n'assistons pas présentement à une simple évolution technologique, mais à une véritable révolution dont l'impact sur nos vies sera au moins aussi important que l'invention de l'imprimerie par Gutenberg vers 1440. Dans notre quotidien, l'autoroute de l'information a déjà commencé à transformer nos façons de communiquer, d'apprendre, de travailler, de nous divertir. Pour les membres de la commission de la culture, il n'en tient donc qu'à nous de développer les véhicules nous permettant d'utiliser l'inforoute afin d'améliorer la qualité de vie des citoyens, de développer une économie plus concurrentielle.

(15 h 20)

Concernant les enjeux linguistiques et culturels, toutes les personnes entendues lors de notre consultation conviennent qu'un défi énorme devra être relevé si nous souhaitons que notre langue et notre culture ne nous marginalisent pas. Mais, en définitive, les membres de la commission conviennent avec la majorité des intervenants que l'autoroute de l'information constitue bien plus une occasion à saisir qu'une menace pour notre langue et notre culture.

Sur le plan du développement économique et technologique, force est de constater que partout des entreprises de la nouvelle économie du savoir connaissent une croissance plus rapide que les autres secteurs de l'économie. Le Québec doit relever cet important défi qui consiste à bâtir une économie compétitive dans un contexte de mondialisation des marchés. Il faudra notamment faire en sorte que le Québec sorte gagnant de l'importante mutation du monde du travail en cours actuellement en donnant la priorité à la formation d'une main-d'oeuvre compétente. Par ailleurs, l'inforoute offre des possibilités extraordinaires dans plusieurs champs d'application privilégiés; qu'on pense au système d'éducation, télé-enseignement, au réseau de la santé, télémédecine, au monde au travail, télétravail et formation à distance, et au développement régional.

La commission croit qu'il faut être optimiste parce que le Québec dispose de nombreux atouts qui lui permettront de profiter au maximum des possibilités considérables qu'offre l'inforoute. Nous avons en effet une population scolarisée, une importante industrie des technologies de l'information et des communications, un secteur de recherche et développement en plein essor et une situation stratégique unique en ce que nous sommes membres de l'ALENA, la francophonie, le Commonwealth. Dans ce contexte, les membres de la commission de la culture sont d'avis que le gouvernement du Québec, en raison notamment de son immense pouvoir d'achat, doit exercer un leadership stratégique et présenter une vision d'ensemble et une stratégie de développement de l'inforoute québécoise.

Son rôle ne doit pas se limiter aux enjeux décrits plus haut, mais doit également porter sur les enjeux importants que la commission qualifie d'enjeux démocratiques: assurer l'accessibilité de l'ensemble des Québécois dans toutes les régions et toutes les composantes de la société afin d'éviter que ne se crée un clivage entre inforiches et infopauvres; assurer le respect de la vie privée et préserver le lien de confiance entre le citoyen et l'État, combattant le spectre de «Big Brother»; promouvoir une inforoute qui respecte la dignité de la personne en contribuant, par exemple, à combattre la circulation dans Internet de contenus illicites et socialement inacceptables; promouvoir une inforoute qui contribue à une plus grande solidarité entre les citoyens plutôt que l'isolement des personnes, avec les risques de phénomènes sociaux susceptibles d'engendrer des coûts importants pour la société, tels que la cyberdépendance; développer l'inforoute québécoise afin qu'elle permette une plus grande participation de l'ensemble des citoyens à la vie démocratique et non pas qu'elle devienne un outil additionnel d'influence pour les groupes les mieux nantis; utiliser cet outil afin d'améliorer la productivité et les services rendus par l'État tout en réalisant des économies de fonctionnement.

Tous les changements technologiques majeurs sont sources de mutations et d'occasions à saisir. Il importe de bien s'y préparer en réfléchissant aux grands enjeux. C'est la contribution qu'ont voulu apporter les membres de la commission de la culture dans le cadre de ce mandat d'initiative.

En terminant, M. le Président, je voudrais remercier tous les membres de la commission, des deux partis, le parti ministériel et le Parti libéral, de la collaboration qu'ils ont apportée au travail, parce qu'on a parlé de 26 séances de travail, alors c'est un nombre considérable de réunions pour arriver surtout dans une perspective de prospective, c'est-à-dire qu'on est en train d'élaborer des choses en envisageant l'avenir. Ce n'est pas toujours facile; ça a pris de nombreuses discussions entre les différents membres de la commission.

Enfin, je voudrais remercier ceux qui ont travaillé avec nous, notamment Mme Langevin et M. Jolicoeur, qui ont travaillé avec nous pour la préparation de ce mémoire, parce que ça a été, encore là, au point de vue de la rédaction, un travail considérable, et je pense qu'aujourd'hui tout le monde est content que le rapport soit remis et que nous en soyons aux deux heures de débat concernant la remise de ce rapport. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Lévis. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais me lever pour participer à la prise en considération du rapport Inforoute, culture et démocratie: enjeux pour le Québec , qui découle d'un mandat d'initiative que la commission de la culture a pris il y a deux ans pour regarder cette nouveauté, ces nouvelles technologies et l'impact qu'elles pourraient avoir sur la société québécoise. Moi aussi, je veux joindre ma voix à celle de notre président en disant que le climat de la commission, le travail que nous avons fait ensemble étaient fort agréables, fort heureux. Je pense que nous avons, en premier lieu, à remercier les 70 groupes qui sont venus ici témoigner, partager leurs expertises.

Moi, j'ai dit dès le départ, dès l'entrée de jeu, que je n'étais pas un adepte avec nos ordinateurs et l'inforoute. Alors, c'est un genre d'apprentissage, même pour moi, de voir comment ces outils peuvent fonctionner et ce qu'ils peuvent faire pour à la fois améliorer notre travail, pour voir si on peut travailler d'une façon plus efficace ou trouver des divertissements ou d'autres utilisations. Également, tout l'enjeu pour l'éducation, je pense que c'est très important de voir, pour nos enfants, pour nos écoles, ce qu'on peut faire, ce que l'avenir nous promet pour ces nouvelles technologies.

Alors, ça a été, comme j'ai dit, un travail fort intéressant. Nous avons regardé ça sous plusieurs volets, à la fois l'impact sur la protection de la vie privée, l'accès démocratique, pour s'assurer qu'on n'est pas divisé en deux.

Je pense que c'est l'ancien secrétaire du travail aux États-Unis, Robert Reich, qui a parlé du XXIe siècle en fonction des «information workers», des personnes qui sont capables de travailler avec le savoir, de gérer et de traiter avec le savoir. Et c'est vraiment ces personnes qui, dans le XXIe siècle, ont les avenirs les plus prometteurs. Et pour les personnes qui sont moins adaptées pour travailler avec le savoir, peut-être qu'au XXIe siècle il y aura un grand écart dans notre société, un enjeu social qu'ils devront regarder dans l'avenir.

Alors, je pense qu'on a tout intérêt à regarder ces outils dès maintenant pour voir ce qu'on peut faire pour en profiter au maximum dans la société québécoise. Je pense qu'aussi – et je peux distinguer le climat sur cette question et la question du projet de loi n° 40 – on a fait preuve d'un intérêt autour de la table pour faire une promotion positive du fait français au Québec.

Moi, j'ai compris qu'il y a de la place dans le cyberespace pour tout le monde, toutes les langues du monde. Et si, à cause du fait que l'inforoute est développée avant tout aux États-Unis, il y a une prédominance de la langue anglaise, je pense qu'on a fait la preuve qu'avec le dévouement – et je pense que le Québec a pris un rôle de leadership mondial dans ça – il y a possibilité de faire la promotion d'autres langues et d'autres cultures à l'intérieur de l'Internet et de l'inforoute.

Alors, je pense que ça a été un travail fort agréable de voir les façons proactives, les façons modernes, les façons positives de promouvoir le fait français au Québec. Et, comme j'ai dit, c'est un travail unanime, un travail d'équipe qui a été fait à la fois par les membres du Parti québécois et les membres du Parti libéral avant d'arriver à des solutions ou au moins à des pistes de solutions pour le gouvernement afin de faire avancer la place du Québec dans son ensemble sur l'inforoute et dans le cyberespace.

Je pense aussi qu'on a vu des choses, au niveau de la communication mondiale, fort intéressantes. Moi, je rappelle la visite à la compagnie SIT à Sainte-Foy, ici. Ils sont en train d'élaborer des choses où on peut écrire en français et quelqu'un peut lire ça sur un écran dans une autre langue, soit l'anglais ou l'espagnol. Alors, c'est toujours quelque chose qui n'est pas mûr encore, mais on voit une façon que peut-être un jour quelques-unes de nos querelles linguistiques vont être chose du passé parce qu'il y aura d'autres moyens de passer autrement. Moi, je pense, entre autres, juste le site de l'Assemblée nationale, où on a juste à toucher l'écran et les projets de loi et les autres choses qui sont disponibles sont disponibles en anglais au lieu du français. Alors, ce n'est pas les chicanes: Dans quelle langue est-ce qu'on va répondre au téléphone? ou les choses qui ont occasionné des débats sans arrêt dans cette Assemblée. Peut-être que, dans l'avenir, ces outils pourront nous aider, tout le monde pourra se trouver à l'intérieur de ces nouvelles technologies.

Alors, tout ça dans le but de faciliter les communications. Je pense que nous avons vu des choses qui sont intéressantes et fort prometteuses pour l'avenir. Mais je pense aussi qu'il y avait quelques cautions. Surtout, je me rappelle le témoignage du Protecteur du citoyen, qui a dit qu'il était très important de ne pas aller trop vite, qu'il faut introduire ces services, surtout les services gouvernementaux, au rythme où nos concitoyens sont prêts à les accepter. On a même dit qu'il y avait peut-être quelques membres de la commission de la culture qui n'avaient jamais utilisé un guichet automatique.

(15 h 30)

Alors, c'est quelque chose qu'il faut toujours se rappeler, que, dans notre vitesse d'être à l'avant-garde et d'aller donner ça dans tous les villages, dans toutes les régions, dans toutes les couches de notre société, il faut faire ça à un certain rythme où les personnes sont à l'aise avec le rythme, à l'aise avec la vitesse, alors toujours avoir une alternative pour, entre autres, les analphabètes de notre société, qui ne sont peut-être pas encore capables ou bien prêts à s'adapter aux besoins des nouvelles technologies, parce que c'est vraiment une technologie qui fonctionne par la lecture, par l'écrit. C'est quelque chose qui pose des problèmes trop souvent insurmontables pour quelques-uns de nos concitoyens. Alors, je pense que, ça, c'était un grand mot de cautionnement qui a été émis par le Protecteur du citoyen. Je pense qu'on a tout intérêt, comme je le dis, dans notre intérêt ou... On veut être à l'avant-garde toujours, mais il faut faire attention. Il faut faire ça à un rythme convenable pour nos concitoyens.

Autre chose que j'ai trouvée très, très importante, et on le retrouve dans les recommandations, surtout les 28, 29 et 30 du rapport de la commission, on parle des outils. Moi, comme député, une des choses que je peux dire, c'est qu'on est déjà noyé dans l'information. Ça peut être sur un écran d'ordinateur, ça peut être dans les livres de notre Bibliothèque de l'Assemblée nationale, ça peut être dans les lettres des concitoyens, ça peut être dans les documents publiés par les organismes de l'État ou d'autres personnes, ce n'est pas l'information qui nous manque comme membres de cette Assemblée. Je pense que c'est un problème général. J'ai vu des manchettes en fin de semaine, encore une fois: Employés de bureau submergés; Frustration galopante à l'ère de la communication; Electronic messages burying workers . Alors, on voit, à travers le monde, on est en train un petit peu de se noyer dans ces informations. Le fax sonne, on a un autre téléphone, on a une boîte de messages, alors ça n'arrête pas. Mais il ne faut jamais confondre l'information avec la sagesse. Et, pour développer la sagesse et pour développer l'esprit critique dont on discute dans la recommandation 29, ça prend un certain temps. Et, si je peux faire un plaidoyer ici, c'est qu'avant tout il faut convaincre les Québécois et les Québécoises, leur donner le goût de lire.

Parce que l'inforoute, nos ordinateurs, et tout ça, au bout de la ligne, si on n'est pas prêt à prendre le temps de faire la lecture, de chercher... Moi, comme je dis, je peux lire sur un écran, je peux imprimer le document, lire ça dans mon bureau ou à la maison. Mais, au bout de la ligne, ça prend des personnes qui sont prêtes à lire. Ça prend le temps de digérer tout ça parce que, sinon, entendre... L'Américain Neil Postman a parlé d'une «information glut». Il y a trop d'informations. On n'est plus capable maintenant de voir derrière tout ça c'est quoi, les choses qu'il faut retenir, c'est quoi, les points les plus essentiels, bref, c'est quoi, la sagesse qui se trouve derrière ça.

Et, moi, je vois ça avec mes enfants parce qu'ils commencent à faire des travaux pour l'école. Ils trouvent des documents sur Internet, mais ils ont tendance à dire: Si c'est dans Internet, ça doit être vrai. Et ce n'est pas nécessairement le cas parce que c'est aussi vrai que l'auteur qui a mis ça sur un «Web site», alors, ça peut être quelqu'un de très crédible, ça peut être quelqu'un de beaucoup moins crédible. Et c'est essentiel pour nos jeunes, mais également pour tout le monde qui lit Internet, d'avoir cet esprit critique de dire: C'est un genre d'annonce, une annonce peut-être intellectuelle, mais quand même une annonce. C'est quelqu'un qui veut nous convaincre. C'est peut-être quelqu'un qui veut nous vendre un produit ou une idée.

Alors, il faut garder notre distance. Il faut toujours avoir à l'esprit que peut-être que c'est vrai, peut-être que ce n'est pas vrai. Et vraiment ça revient toujours au citoyen, à l'étudiant, aux personnes de regarder ça avec un grain de sel. Et je pense que c'est quelque chose de très important. Alors, moi et les autres membres de la commission, nous avons insisté sur la recommandation 29, parce que je pense que c'est très important pour nos jeunes d'avoir cet esprit critique, d'être capable de dire que, oui, peut-être que c'est vrai, mais peut-être que c'est quelqu'un qui veut me vendre de la marchandise, qui veut me vendre un tee-shirt, c'est quelqu'un qui veut me vendre d'autres choses.

Alors, je pense que c'est très, très important, et la recommandation 28 découle du fait que c'est très important d'avoir pour nos professeurs, les enseignants dans nos écoles, les moyens de comment utiliser ces outils. On peut rapidement aller déployer les ordinateurs dans toutes nos salles de classe à travers le Québec, mais, si l'école, si les professeurs, si les enseignants n'ont pas la moindre idée de comment utiliser ce nouvel outil, si on n'a pas les matériaux pédagogiques qui sont adaptés aux besoins des jeunes, on n'est pas beaucoup plus avancé.

Je pense que, encore une fois, dans notre empressement d'être à l'avant-garde, de mettre beaucoup dans le hardware, de mettre beaucoup dans les ordinateurs, de mettre les systèmes dans la classe... Mais, comme je dis, la présence même d'un ordinateur dans une salle de classe n'est pas une garantie de la sagesse. Et c'est vraiment le devoir de nos profs, c'est vraiment le devoir des personnes qui sont en train de développer des matériaux pédagogiques de dire: Qu'est-ce que je peux faire avec ça?

Et, surtout pour nos petites écoles, nos régions éloignées, le potentiel est énorme, les choses qu'on peut faire. Et déjà, moi, je sais... J'ai visité quelqu'un qui travaille dans le réseau anglophone de notre système d'école et les choses qu'on peut faire... Il y a un professeur à l'école secondaire de Beaconsfield, dans mon comté, qui a des élèves au nord de Chibougamau, qui enseigne une classe dans les sciences physiques. Alors, elle est assise dans sa classe, à Beaconsfield, et, avec un «two-way computer», elle est capable d'avoir des sessions interactives avec des étudiants dans les régions éloignées du Québec. Fort intéressant. C'est quelque chose à développer, mais ça va prendre, comme je dis, un plan d'action, ça va prendre les outils et la formation nécessaires pour les professeurs pour se rendre là.

Il y a aussi tous les autres enjeux qui vont arriver jour après jour. Et je pense que c'est très important d'avoir le même esprit que nous avons eu à la commission, de voir qu'il y aura toujours des défis au lieu des menaces. J'ai vu un autre... C'était toute la question, en fin de semaine... Il y avait un traitement assez drôle dans les médias. Parce qu'on ne peut plus publier les sondages concernant l'élection, mais, avec l'inforoute et tout ça, il y a des façons assez faciles de contourner tout ça parce qu'on peut, à partir des États-Unis ou d'autres endroits, mettre sur l'inforoute des résultats des sondages. Et le nouveau mot tabou... Je pense que c'est Lysiane Gagnon, dans La Presse , qui a eu beaucoup de plaisir avec cet essai du gouvernement de tout réglementer quelque chose qui est très difficile à réglementer. Je pense qu'il faut regarder ça, comme j'ai dit, dans un esprit de défi. Il faut adapter nos moyens, il faut faire les changements de nos moyens et avoir le même esprit qu'on va tout réglementer, on va tout contrôler. Ça va être beaucoup plus difficile, mais je pense qu'on va être capable de le faire.

L'autre mandat d'initiative de la commission de la culture, qui traite de la protection de la vie privée, va être un beau complément d'information à ce que nous avons fait ici, parce que c'est un des grands enjeux: Comment à la fois utiliser ces outils de manière efficace mais en même temps protéger la vie privée des personnes? C'est un enjeu. Je pense que le parallèle a été fait avec la protection de l'environnement. La vie privée dans le XXe siècle, ça peut être un parallèle aussi.

Alors, juste en conclusion, je veux féliciter le président et les membres de la commission. C'était un climat très agréable de travail. Je pense que nous avons appris beaucoup de choses. Je pense qu'on a mis maintenant une certaine contribution à comment stimuler le débat sur ces nouvelles technologies. Mais je pense que les conclusions sont toujours d'une certaine façon intérimaires, parce que c'est un secteur en vite expansion, en vite changement, et je pense qu'on a tout intérêt, comme parlementaires, à suivre de près les développements dans ce secteur de l'industrie. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Sherbrooke. Mme la députée.


Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Je suis heureuse à mon tour de pouvoir faire part de mes réactions face à ce rapport Inforoute, culture et démocratie: enjeux pour le Québec , d'autant plus que je fais partie des membres de la commission de la culture qui ont eu le privilège d'être associés à ce projet-là depuis les tous débuts, et ça fait un peu plus de deux ans, si je ne me trompe pas, que nous avons commencé à discuter de cette question-là.

(15 h 40)

J'aimerais m'attarder peut-être, pour commencer, au titre du rapport. Parce que, un titre, vous le savez, c'est un choix, et, dans le choix, généralement, on essaie, dans une petite capsule, de résumer l'ensemble de notre propos. Et ce n'est pas pour rien, donc, que nous avons dit «inforoute», bien entendu, parce que, au tout début de nos discussions – ça va permettre de comprendre peut-être un peu l'évolution de nos propos – nous parlions d'autoroute électronique, et puis, en cours de route, on s'est mis à parler d'autoroute de l'information – d'ailleurs, dans le texte, «autoroute de l'information» est utilisé souvent – et finalement, au moment de donner un titre à ce rapport, on a dit «inforoute».

On a pris, donc, le concept le plus moderne, probablement, le plus récent aussi et on pense qu'il traduit bien cette idée que non seulement il s'agit de mettre ensemble des mots qui existent déjà, mais, dans un domaine comme celui-là, qui est un domaine en grande effervescence, en grande ébullition, c'est important, c'est à propos d'inventer un mot. En français, on a moins de liberté pour inventer des mots qu'on n'en a en anglais, mais on peut se le permettre de temps en temps, et le concept «inforoute», je pense, rend bien cette idée, donc, de quelque chose de très moderne.

Ensuite, dans notre titre, nous avons mis «culture». Je pense que ça, c'était inévitable, puisque, au départ, c'était un mandat d'initiative de la commission de la culture. Mandat d'initiative, je le dis éventuellement pour des gens qui nous écouteraient, ça veut dire que la commission s'est donné ce mandat, elle a décidé de son propre chef de faire un peu l'inventaire des problématiques, l'inventaire des questions sur l'inforoute. Donc, il fallait – et on le trouve dans le rapport, bien entendu – parler de l'impact sur la culture québécoise, et la culture, comme on le sait, incluant, bien entendu, toute la question linguistique. Je pense qu'on n'a pas besoin de faire de dessin pour expliquer aux gens que, quand on parle d'inforoute au Québec, automatiquement on se pose un certain nombre de questions concernant la langue qui est véhiculée sur l'inforoute, et on avait des préoccupations concernant la langue française. Mais j'y reviendrai tout à l'heure.

Mais, en cours de route – et ça vous montre un peu l'évolution de nos discussions – on s'est rendu compte que ç'aurait été artificiel et ç'aurait été maladroit de notre part de nous cantonner à des réactions et à des recommandations concernant la culture, parce qu'il est très vite apparu en cours de route qu'il y avait, derrière toutes les questions touchant l'inforoute, des enjeux que nous avons appelés, dans tout un chapitre d'ailleurs, «les enjeux démocratiques».

On ne peut pas parler d'inforoute sans en même temps se poser les grandes questions de l'accessibilité à l'inforoute, sans se poser les grandes questions de la protection de la vie privée, de la protection du consommateur, etc. Et ça a été fort intéressant de nous rendre compte que, à travers les 70 mémoires que nous avons eu le privilège d'entendre en commission, ces questions-là revenaient de façon suffisamment soutenue pour qu'on juge bon d'en faire un chapitre. Alors, vous voyez donc que c'est un domaine qui est extrêmement large, dans lequel on avait commencé à regarder par un petit bout de la lorgnette. Et puis, petit à petit, notre horizon s'est agrandi, et, nous-mêmes, comme certains l'ont mentionné, on s'est mis, je dirais, à faire des progrès. Il y en a plusieurs parmi nous, je pense, sans être devenus des internautes aguerris, qui ont tout au moins mieux apprivoisé cette technologie et qui commencent à circuler sur l'inforoute avec un certain plaisir.

J'aimerais, dans le peu de temps que j'ai, peut-être insister sur deux aspects qui m'intéressent particulièrement dans nos recommandations. Il y en a 47. Si on avait tout l'après-midi, on pourrait vous expliquer, M. le Président, les 47 en détail, mais je vais en choisir simplement quelques-unes dans deux thèmes qui m'intéressent particulièrement. Le premier thème, c'est, vous comprendrez, la promotion du français, et puis le deuxième thème, ce sera l'accessibilité à l'inforoute, mais je vais y aller à grands traits parce que je sais qu'il y a d'autres personnes qui veulent prendre la parole.

La promotion du français, donc. Il y a un certain nombre de recommandations qui touchent à cette question-là, et je dois dire que, là encore, on a progressé dans notre façon de voir les enjeux. Au départ, je dirais que, dans notre groupe de travail, on avait tendance à être un peu sur la défensive, entre autres par rapport à l'usage de la langue française sur l'inforoute. On avait tendance à être un peu timides, on avait tendance à voir ce développement technologique comme étant plus un outil menaçant qu'une occasion de véritable développement. Et, au fur et à mesure – je vous rappelle que ce «fur et à mesure» a duré quand même pas loin de deux ans – je dirais que notre esprit, sans éliminer toutes les inquiétudes, s'est trouvé rassuré par un certain nombre d'éléments qui nous ont permis de voir que l'inforoute, bien sûr, pose des interrogations aux citoyens et aux citoyennes, mais aussi c'est un outil qui peut nous ouvrir des champs assez extraordinaires de savoir.

Concernant la langue, donc, je ne vous apprendrai rien probablement en vous disant que la langue anglaise est à plus de 90 % la langue qui circule actuellement sur l'inforoute. Donc, certains l'ont appelée, à juste titre, je pense – je trouve l'expression jolie – la langue maternelle d'Internet. C'est l'anglais, bien entendu. Et je pense qu'on n'a pas à s'en réjouir ou on n'a pas à s'en désoler; on a simplement à le prendre comme un fait, mais à se dire: Compte tenu de cela, que pouvons-nous faire, nous, de notre côté, pour nous assurer qu'il y ait d'autres langues qui puissent également circuler, dont, bien entendu, la langue française? La langue française, elle circule à environ 3 % sur l'inforoute, mais curieusement, même si nous sommes, dans la francophonie, un des plus petits États, il reste que nous produisons une bonne partie des produits en langue française sur l'inforoute.

Dans nos recommandations, donc, on va voir un certain nombre de points qui visent la promotion de la langue française, et je nomme au passage quelques-unes de ces recommandations, très rapidement. Première recommandation, qui est relativement simple... L'État du Québec produit énormément de choses, bien entendu, en langue française. Et je me permets d'ailleurs de dire aux gens qui seraient intéressés que notre rapport, qui s'appelle Inforoute, culture et démocratie: enjeux pour le Québec , sera accessible via le site de l'Assemblée nationale. C'est un exemple. Nous produisons beaucoup de choses: ce rapport, une multitude de projets de loi, évidemment le Journal des débats , énormément d'informations gouvernementales qui sont produites. Nous disons qu'un premier pas à faire, une première recommandation, c'est de profiter de l'inforoute pour mettre à la disposition des citoyens et des citoyennes toutes ces informations. Ça va déjà augmenter la masse critique de produits en langue française qui vont circuler sur l'inforoute.

Autre chose qui est aussi importante. Vous savez qu'il existe un fonds de l'autoroute de l'information qui prévoit 60 000 000 $ injectés sur trois années. Nous recommandons qu'une partie de ce Fonds de l'autoroute de l'information soit affectée à la production de contenus francophones. Il y a eu une époque où – je dirais plus dans les débuts de cet engouement pour l'inforoute – on mettait de l'argent surtout pour les infrastructures, c'est-à-dire les réseaux eux-mêmes, pour permettre à la technologie de s'installer. Nous en sommes venus à la conclusion que ce qui est urgent maintenant, c'est de s'assurer qu'il y ait des produits de qualité qui circulent sur l'inforoute. Et, puisqu'il existe un fonds gouvernemental dont la ministre Louise Beaudoin est responsable, assurons-nous qu'il y en ait une partie qui soit affectée à la production de produits de qualité en langue française.

Autre série de recommandations – je ne les nommerai pas toutes, mais j'aimerais qu'on ait à l'esprit qu'il y en a plusieurs dans ce sens. Le Québec est un petit État de 7 000 000 d'habitants. Il est bien sûr que, si on ne vise qu'à produire des choses pour nous-mêmes et entre nous, ça n'aura pas beaucoup d'intérêt. Donc, il y a, par l'inforoute, une occasion vraiment privilégiée pour faire des alliances, en premier lieu, avec la francophonie. C'est sûr que cette technologie de communication qui nous permet d'éliminer toutes les barrières dans l'espace géographique, qui nous permet aussi d'éliminer des barrières de temps – on se branche et puis on a accès directement à un certain nombre de produits à travers le monde – cet outil de communication révolutionnaire, donc, a l'avantage qu'il peut nous mettre en communication avec tout le monde de la francophonie, ça veut dire des pays dont la langue commune est le français, ça veut dire aussi des minorités à travers le monde, sur tous les continents, qui parlent la langue française, qui ont envie de communiquer en langue française, qui ont envie de se rendre des services en langue française, de s'instruire, de se documenter, de se divertir, etc. Donc, alliance stratégique avec la francophonie.

(15 h 50)

Mais une autre chose qui est peut-être moins visible à l'oeil nu. Quand on parle de l'inforoute, généralement on va dire ce que je viens de dire: C'est normal, entre pays francophones, de communiquer. Autre chose qui est moins habituelle ou qui est moins évidente peut-être pour les gens, mais une chose à laquelle nous nous sommes mis à réfléchir avec beaucoup de plaisir, c'est que l'idée d'introduire sur l'inforoute d'autres langues que sa langue maternelle, qui est l'anglais, c'est bon pour le français, mais évidemment c'est bon aussi pour d'autres langues et d'autres cultures dans le monde.

Donc, si nous arrivons à faire des alliances non seulement avec des gens qui partagent notre culture, mais avec des gens qui partagent d'autres cultures nationales, qui, là encore, s'ils restaient dans leur coin, risqueraient, à un certain moment, peut-être même de disparaître ou tout au moins d'être relativement exclus des grands courants d'idée, des grands courants de la culture mondiale, si nous pouvons faire des alliances avec ces autres cultures, avec ces autres pays, je pense qu'on s'assure que l'humanité sera enrichie de toute cette diversité.

Il n'y aurait rien de plus triste au monde que de se rendre compte que des outils de communication font qu'on se ressemble tous; ça n'aurait strictement aucun intérêt. Et je pense que nous avons découvert que l'inforoute, loin d'être un risque uniquement d'homogénéisation – vous me comprenez, je ne le dis pas très bien – de la culture, au lieu de nous faire tomber dans ce piège, peut au contraire nous permettre d'en sortir et donc de nous assurer de la diversité des cultures et de la circulation sur l'inforoute de cultures et de langues différentes à travers le monde. Et ça, c'est quelque chose qui est passionnant.

C'est peut-être une facette qui n'est pas encore très connue, mais, à travers, par exemple, des entreprises qui nous ont montré qu'elles travaillaient très ardemment sur des outils de traduction multilingues – ce n'est pas encore très développé, mais ça se développe – ça veut dire qu'éventuellement, moi, je pourrais communiquer en langue française sur l'inforoute et avoir mon texte traduit en langue allemande et, pourquoi pas, en japonais, et, pourquoi pas, dans d'autres langues. Donc, il y a là une ouverture qui est absolument fantastique, une possibilité qui est absolument fantastique.

Les gens qui sont experts en la matière, je ne dirais pas qu'ils ont enlevé toutes nos interrogations, mais ils nous ont au moins convaincus que c'était à nous, dans le fond, de nous organiser pour que ces moyens-là servent le plus grand nombre et qu'on ne tombe pas dans les pièges que l'on pourrait craindre au point de départ.

Comme le temps file, je voudrais dire un mot de la question de l'accessibilité, qui est un enjeu démocratique, bien entendu, et qui est un enjeu démocratique, je pense, dont un gouvernement doit particulièrement se préoccuper. Quel est notre rôle à nous? Notre rôle à nous, ce n'est pas, en soi, de développer des produits, ce n'est pas, en soi, de prêcher d'ailleurs que l'inforoute est bonne ou qu'elle n'est pas bonne. Notre rôle à nous, c'est d'abord de refléter les préoccupations des citoyens et des citoyennes et de nous assurer que ce que nous allons recommander va permettre au plus grand nombre, peu importe sa richesse, peu importe son degré de scolarisation, peu importe sa situation géographique, d'avoir accès à cette technologie qui est révolutionnaire et qui est fort intéressante.

Le président de la commission a indiqué tout à l'heure, le député de Lévis, qu'on voulait éviter de faire deux classes, d'inforiches et d'infopauvres, c'est-à-dire les gens qui auraient accès à la technologie et ceux qui en seraient exclus. Je pense que la plus grande préoccupation, probablement, que nous devons avoir comme parlementaires, c'est toujours de nous assurer que, dans nos orientations, dans nos politiques, ça ne conduise pas à l'exclusion d'un plus grand nombre de personnes.

Et, quand on a parlé d'inforoute, on s'est posé aussi cette question-là: Pouvons-nous faire des recommandations qui nous assurent que les gens vont se sentir concernés par cette problématique et vont y avoir accès? Ce qui fait que nous avons, par exemple, une recommandation qui vise à ce que, dans toutes les bibliothèques publiques, dans toutes les écoles, dans les centres communautaires à la grandeur du territoire québécois, il y ait des points d'accès gratuits. Parce que nous savons que toutes les familles du Québec n'ont pas forcément les moyens pour se munir d'ordinateurs ou encore, s'ils ont des ordinateurs, ils ne peuvent pas forcément se brancher à Internet. Mais il faut que particulièrement les enfants, les jeunes du Québec aient accès à cette technologie. Et on a donc une série de recommandations qui visent l'accessibilité.

Je voudrais dire un tout petit mot d'une autre question qui est toujours dans l'accessibilité mais qui est importante, c'est la question des régions. Je viens, moi, d'une région qui n'est pas la plus éloignée, vous me direz. Les gens de Sherbrooke peuvent avoir accès à peu près aux mêmes choses que les gens de Québec ou de Montréal. Mais il y a des gens qui sont venus nous parler de régions beaucoup plus éloignées. Je pense, par exemple, au Conseil de la Radissonie, qui est venu nous dire: Vous savez, chez nous, le téléphone cellulaire, ça ne fonctionne pas; le réseau Internet, ça ne fonctionne pas.

Donc, on s'est préoccupés, nous, de recommandations qui pourraient favoriser le développement du réseau Internet dans des régions éloignées. Parce que, si ce dont je vous parle aujourd'hui, ça n'a de sens que pour des petits réseaux et des petits milieux ou que pour nous qui sommes, ma foi, bien nantis en outils de communication, je pense qu'à ce moment-là je prêche simplement pour une minorité de gens. Il faut donc s'assurer que dans le Nord-du-Québec, que dans l'Ungava, que partout à travers le territoire, des gens aient accès... Via les bibliothèques, c'est une chose, mais ce n'est pas forcément suffisant.

C'est pourquoi vous allez trouver, entre autres, une recommandation disant: Peut-être qu'on pourrait mettre Hydro-Québec à contribution; Hydro-Québec qui, d'ici cinq ans, devrait avoir, sur support de fibre optique, développé un réseau à 85 % sur le territoire québécois. Et on dit: Regardons si Hydro-Québec ne pourrait pas être mis à contribution pour qu'à travers ce réseau de fibre optique on puisse avoir accès, dans toutes les régions du Québec, à Internet.

Alors, vous voyez que nos préoccupations, elles sont, oui, d'ordre culturel; bien entendu, c'était la commission de la culture. Mais, s'il y a une chose, je pense, qui est dans le mandat d'une commission de la culture comme d'un ministère de la Culture, c'est de mettre justement cette culture à portée des citoyens et des citoyennes. Et c'est pourquoi, à travers nos travaux, nous nous sommes préoccupés très largement de cette question de l'accessibilité.

Je vais m'arrêter là, M. le Président, parce que j'aurais encore bien d'autres choses à dire, mais je veux partager le temps avec mes collègues. Je peux simplement vous dire, en terminant, que je suis vraiment très heureuse d'avoir été associée à ce dossier. Je l'ai trouvé fascinant. Je l'ai trouvé très instructif. Je trouve qu'il nous a fait mûrir, comme groupe. Et je dis simplement, finalement, que c'est très agréable d'avoir occasionnellement des dossiers sur lesquels nous nous entendons, quelle que soit notre couleur politique. Je me plais à croire que c'est une bonne façon de faire avancer les enjeux démocratiques du Québec, de cette manière. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Sherbrooke. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Châteauguay et leader adjoint de l'opposition. M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de plaisir que j'interviens sur la prise en considération de ce rapport de la commission de la culture. Et je le dis parce que je ne suis pas membre de la commission de la culture, mais je n'en suis pas moins un parlementaire de cette Assemblée qui reçoit ce rapport et qui doit le décoder, qui doit comprendre les choses qui y sont incluses.

Je voudrais d'abord, d'entrée de jeu, un peu dans la foulée de ceux qui m'ont précédé, saluer le travail des parlementaires des deux côtés qui ont participé à ce mandat d'initiative, qui ont fait un travail utile dans un climat d'harmonie, et je pense que c'est à l'honneur des parlementaires. Ce sont des choses qui devraient être un peu plus sues, qu'il arrive, certains diront des moments magiques, mais qu'il arrive des moments où les parlementaires, sur un dossier, travaillent de façon assidue et développent une réflexion qui doit être un guide pour le gouvernement. Et, si vous me permettez, M. le Président, c'est un peu dans ce sens-là que je vais prendre en considération le rapport qui nous est déposé et voir un peu comment il se situe dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui.

D'abord, je vais, un peu dans la foulée de notre collègue de Sherbrooke, partir du titre de ce rapport pour faire le petit exposé que je me limiterai à 15 minutes, M. le Président, considérant que je voudrais réserver du temps pour le député d'Outremont. Donc, on dit: Inforoute, culture et démocratie , deux thèmes, culture et démocratie, que je voudrais aborder.

Culture, d'abord. Évidemment, ça soulève deux enjeux que je pourrais délimiter ainsi: culture et langue, culture et éducation. On retrouve donc dans le rapport, au niveau de la langue et de la culture, les recommandations 1 et 3, notamment. Moi non plus, je ne veux pas faire le tour et les citer les unes après les autres, mais certainement certaines d'entre elles nous interpellent un peu plus. «Élaborer une stratégie de promotion du français sur l'autoroute de l'information; encourager la production de contenus en langue française», pour une société comme la nôtre, au Québec, dans cet environnement, en Amérique du Nord, ça me semble quelque chose qui doit être fait, auquel on doit consacrer de l'énergie.

Ce n'est pas pour rien que, quelque temps avant que ce rapport ait été déposé, dans le document d'orientation du Parti libéral du Québec, il y avait déjà des pistes qui avaient été avancées, et c'est bien que l'ensemble des dossiers cheminent en même temps. Dans ce document du Parti libéral du Québec, Garantir l'avenir , on disait ceci, qu'«il faut veiller à ce que les nouvelles technologies soient des alliées du milieu culturel et qu'elles servent au rayonnement de la culture québécoise et de sa clientèle». Il y a même une proposition, la proposition 59, qui dit qu'«un gouvernement du Parti libéral du Québec veillera à assurer la place du français dans les nouvelles technologies».

(16 heures)

Alors, c'est un peu comme ça que je veux qu'on prenne en considération le rapport des parlementaires, voir comment on répond comme parti politique à ce genre de réflexion. Déjà, M. le Président, on voit que ce que dit la commission est accepté de façon anticipée, je dirais, par le Parti libéral du Québec dans son document Garantir l'avenir .

Il y a un autre volet qui doit être abordé, celui de l'éducation; certainement l'éducation. J'écoutais ce que le député de Lévis et notre collègue de Jacques-Cartier disaient tantôt et je suis tout à fait d'accord, j'ai l'impression qu'il y a beaucoup à faire de ce côté-là, bien qu'on sente déjà, pour ceux qui ont la chance d'avoir dans leur environnement immédiat des gens qui sont dans le domaine de l'éducation, qu'il y a, chez ceux qui se dévouent dans cette branche d'activité humaine qui est le domaine de l'éducation, des efforts qui sont faits dans ce sens-là. Et je note, M. le Président, la recommandation 28 où on dit qu'il faut s'assurer que le personnel enseignant de l'enseignement primaire, secondaire et collégial reçoive une formation adéquate afin de pouvoir se servir des nouvelles technologies comme outils pédagogiques d'utilisation courante. C'est très bien.

Ça permet de soutenir une autre des recommandations du document d'orientation du Parti libéral du Québec, Garantir l'avenir , dans lequel la proposition 6 dit ceci – et ce sont les membres du Parti libéral qui s'exprimaient ainsi: «Un gouvernement du Parti libéral du Québec s'assurera qu'à la fin du secondaire chaque élève maîtrise les habiletés mathématiques et informatiques ainsi que l'usage de nouveaux moyens de communication.» Encore une fois, en droite ligne, un peu en recevant un aval anticipé, comme je le disais tantôt, le rapport de la commission de la culture, suite à ce mandat d'initiative, a des échos positifs qui cautionnent la façon dont le Parti libéral du Québec entrevoit le développement de ces inforoutes.

Ça, c'est le premier volet que je voulais toucher. Le deuxième volet, c'est le volet démocratie, qu'on voit dans ce titre-là. J'écoutais notre collègue de Sherbrooke parler de l'accès, tantôt. Je ne voudrais pas passer sous silence, évidemment, la recommandation 13, et je pense que, comme parlementaires qui prenons en considération ce rapport, il faut bien essayer de voir comment on peut déjà passer à l'action. Alors, la recommandation 13 dit ceci: «Étudier la possibilité de renoncer à exiger des redevances pour la consultation sur l'inforoute ou le téléchargement des documents publics.» Nous sommes en train de parler d'accès, nous sommes en train de parler de démocratie. Moi, M. le Président, je vais vous dire que, du côté du Parti libéral du Québec, on n'en est plus à étudier la possibilité de renoncer à exiger des redevances, comme on le voit présentement; vous n'avez qu'à consulter le site du gouvernement. Mais là, pour savoir quelles sont les lois qui nous gouvernent – si on a quelque chose à considérer en termes de démocratie, on va bien considérer les lois – il faut payer pour ça. Ça, il faut payer, de ce côté-là, pour avoir les lois à partir du site du gouvernement.

Peut-être que le gouvernement pourrait écouter la voix des parlementaires à cette commission, qui ont été un peu subtils, parce qu'on dit qu'il faut étudier la possibilité de renoncer. Si le gouvernement voulait entendre la voix de l'opposition officielle et sans doute de tous ceux qui ont à coeur la démocratie et la pleine information pour nos concitoyens, on irait plus loin qu'étudier la possibilité de renoncer et on renoncerait, comme l'opposition officielle le demande déjà depuis avril dernier, lorsque nous avons découvert que, pour le gouvernement du Québec, plutôt que d'emprunter la voie de l'information, on avait plutôt choisi les postes de péage. Et peut-être qu'il serait bon de revenir à une autoroute qui fonctionne un peu plus vite que celle qui met des embûches à certains de nos concitoyens, toujours dans le cadre de cette démocratie qu'on veut atteindre, suite au mandat de la commission de la culture, pour que ce soit un peu plus facile. Je pense que le gouvernement devrait normalement écouter l'opposition officielle là-dessus.

Le dernier point que je veux souligner, M. le Président, c'est le suivant. Peut-être qu'on peut s'inspirer de la recommandation 23. C'est en relation avec ce que je viens de vous dire au niveau des lois, pour lesquelles il faut payer. Ça, il faut payer quand on va consulter les lois. Il y a autre chose qui est gratuit sur le site du gouvernement, et je voudrais, avant d'en parler, m'inspirer de la recommandation 23, et on en parle aussi à la recommandation 29. Mais, ceci étant, le point est le suivant: «Mettre au point un programme éducatif visant à sensibiliser la population à l'importance de faire preuve d'un esprit critique face à l'information qui circule sur l'inforoute.» On peut aller plus loin. On peut demander au gouvernement de faire aussi lui-même le ménage dans sa cour. Avant de renvoyer la balle à la population pour dire: Faites attention à ce que l'on vous dit et notamment à ce que je vous dis comme gouvernement, le gouvernement pourrait aller plus loin.

Je me suis déjà outré – et je vais le faire à nouveau rapidement – du fait que, sur le site du premier ministre, alors que, sur le site du gouvernement, si vous voulez consulter une loi, vous devez payer, mais, sur le site du premier ministre du Québec, pas du Parti québécois, là, le site du premier ministre du Québec, évidemment sur lequel c'est l'ensemble des Québécois qui contribuent pour tenir ce site à jour, en vie, eh bien, M. le Président, vous avez cette belle propagande qui essaie de vous expliquer comment fonctionne la démarche souverainiste et comment cette démarche est toujours, sans cesse avec un appui plus grand. C'est ce qu'on essaie de nous démontrer. On aura évidemment, vous allez le comprendre, une version de l'histoire, une vision et une version de l'histoire.

Ça met en relief cette recommandation où on dit qu'il faut développer un programme éducatif. Ça, imaginez-vous, des deux côtés de la Chambre, les gens se sont entendus pour dire: Faut faire attention à ce qu'il y a sur les inforoutes et avoir un esprit critique. Bien, le gouvernement du Québec, le gouvernement du Parti québécois devrait lui-même donner l'exemple et renoncer à ce genre de chose. Et si d'aventure il ne le faisait pas, moi, bien évidemment – je termine dans quelques minutes – je vais sûrement le consulter d'ici la fin de la semaine pour voir comment cette propagande se sera adaptée aux élections du 2 juin, parce que, lorsqu'on regarde ce document, on nous parle de la relance – on parle de l'élection de 1993: L'appui reçu par le Bloc québécois aux élections fédérales a confirmé la relance du mouvement souverainiste au Québec. Ça, c'est ce qui est écrit là. Évidemment, on dira sans doute, cette semaine, lorsqu'on va mettre à jour cette information, que cette relance constatée en 1993 s'est essoufflée en 1997. J'imagine que c'est ce qu'on va y lire. Mais, si ce n'est pas ce qu'on y lit, M. le Président, mon propos est d'autant plus pertinent. Il faudra y lire aussi que le Bloc québécois a perdu son statut d'opposition officielle, il faudra y lire que son appui populaire a chuté à 38 %, de 49 % à 38 %, donc en bas du 40 % de 1980. Ce sont des choses pratiques et qui mettent en relief les recommandations des parlementaires.

En pratique, le gouvernement peut facilement déjà essayer de s'inspirer de ce qu'il y a dans ce rapport, ces recommandations de la commission de la culture. Je le dis avec toute la bonne entente et l'ouverture à l'égard des parlementaires qui ont, des deux côtés, travaillé à ce rapport, M. le Président, dans un climat d'harmonie et je fais juste soulever que, à l'égard des actions des parlementaires, lorsqu'on s'entend, des deux côtés de la Chambre, j'espère que, pour les parlementaires représentant la partie ministérielle, ça ne s'arrêtera pas là et qu'ils pourront, au sein de leur caucus, discuter avec les ministres qui forment le Conseil exécutif, qui forment le gouvernement de manière à ce que le gouvernement lui-même donne l'exemple.

Bien sûr qu'on développe l'esprit critique, bien sûr il faut que les gens soient au courant que sur les inforoutes on peut trouver n'importe quoi; il ne faudrait quand même pas que le gouvernement du Parti québécois continue sur la lancée qu'il a entreprise pour utiliser ce mécanisme pour faire de la propagande gratuite, mais distribuer de l'information, comme les lois, qui est vraiment visée par l'aspect de démocratie dans ce rapport et pour laquelle il faudrait payer.

Alors, moi, je salue la commission, son excellent travail, le choix de son titre, comme notre collègue de Sherbrooke le disait à juste titre tantôt, Culture et démocratie . C'est excessivement important de toujours avoir ça à l'oeil parce que c'est pour l'ensemble de nos concitoyens que nous travaillons et non pas simplement pour les membres d'un parti ou de l'autre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Je vais céder la parole maintenant à M. le député de Taschereau. M. le député.


M. André Gaulin

M. Gaulin: Merci, M. le Président. Nous prenons en considération le dépôt du mémoire ou du rapport de la commission de la culture à laquelle ont participé un certain nombre de parlementaires sous l'animation du président de cette commission, M. le député de Lévis, projet d'ailleurs qui avait été introduit par le député de Vachon alors qu'il était président antérieurement, avant le député de Lévis. Il y avait, comme porte-parole de l'opposition officielle, le député d'Outremont, lui-même précédé par la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Je pense, M. le Président, qu'il faut, en parlant de l'inforoute, parler de la même manière que si l'on parlait de l'information. J'écoutais le député de Châteauguay, je pense qu'il y a autant de possibilités de faire de la propagande à partir de l'inforoute qu'à partir de l'information écrite. Il n'y a pas de variable. Je pense qu'un gouvernement qui est un gouvernement peut toujours utiliser les moyens à sa disposition pour faire valoir ses réalisations. Je pense que l'inforoute est un moyen qui peut le faire.

(16 h 10)

On s'est demandé beaucoup – et la députée de Sherbrooke allait dans ce sens-là – s'il s'agissait d'une simple évolution technologique ou d'une véritable révolution dont l'impact sur nos vies serait tout aussi important, dit le début, en introduction du rapport, que l'invention de l'imprimerie par Gutenberg vers 1440.

Je pense, M. le Président, qu'il y a des inventions qui ont changé fondamentalement nos vies, en particulier depuis 100 ans. On pourrait parler de l'avènement du téléphone, l'avènement de l'électricité, l'électricité et ce que ça a changé dans les vies, dans nos vies, pardon... ce que ça a changé dans Lévis aussi, bien sûr, puisque ça a changé des choses un peu partout.

On est porté à monter aux nues peut-être l'inforoute ou à craindre cette inforoute comme une sorte de boîte de Pandore. C'est probablement ni l'un ni l'autre. Mais il y a une chose qui est sûre, c'est que l'inforoute nous amène à une révolution qui est avant tout technologique. Elle est donc à l'usage de l'homme et de la femme, comme technologie, et c'est à nous d'en faire ce que nous voulons. Ça pourrait être, comme la langue d'Ésope, le meilleur ou le pire. Alors, c'est ça, l'inforoute.

Elle aura probablement un impact majeur sur l'organisation dorénavant et le fonctionnement de nos sociétés. On nous dit d'entrée de jeu dans le rapport que dans notre quotidien l'inforoute de l'information a déjà commencé à transformer nos façons de communiquer. Par exemple, on peut maintenant faire son marché chez Provigo par inforoute – c'est déjà parti – apprendre, on peut le faire par télématique, on peut le faire à distance; travailler, on a parlé de l'infotravail – à partir de sa chambre, à partir de sa maison, de son sous-sol ou de son grenier, peu importe, on peut aussi entrer en communication avec le monde – et enfin, nous divertir.

Bien sûr, si jamais je pense à aller dans un musée à Vancouver cet été pour voir une très belle exposition, peut-être que je peux au préalable consulter un cédérom et, parce que j'aurai consulté un cédérom, peut-être que je déciderai que ça vaut le voyage. Un voyage par inforoute. Comme le signalait tout à l'heure même la députée de Sherbrooke, ce que ça a pu également changer dans notre langage. Il y a là des nouveaux mots dans notre langue. On dit «naviguer». On va parler des «inforouteurs». On parle du «cyberespace».

Je sais, M. le Président, que vous vous intéressez beaucoup à la technologie, et on nous dit justement – vous avez insisté vous-même là-dessus à l'une ou l'autre occasion – que l'inforoute, c'est, à l'ère industrielle, un moyen de transport de la matière grise. C'est un moyen de transporter la connaissance, le savoir. L'inforoute n'a pas le savoir mais elle peut le transporter. Ce n'est pas un dieu, dieu Baal, mais c'est quelque chose qui peut amener les humains à une meilleure connaissance, meilleure prise en considération de leur richesse; je parle de la richesse du capital humain en particulier. Évidemment, il y a des retombées également qui sont des retombées économiques.

On nous dit, et là c'est le Conseil de la langue française qui nous disait ça, à l'occasion des 70 mémoires que nous avons entendus – en fait, c'est 69 – que c'est ainsi que 54 % de l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise tire aujourd'hui rémunération de sa capacité à produire, repérer ou analyser l'information. C'est donc quelque chose d'énorme. Celui qui possède la connaissance peut posséder là un capital très intéressant au niveau du travail. Il y a donc, si vous voulez, un déplacement des emplois. Il y a des emplois qui se perdent, mais il y a aussi, et c'est heureux, des emplois qui naissent. Ce qu'on espère, c'est qu'il y ait plus d'emplois qui naissent que d'emplois qui se perdent.

On pourrait regarder, par exemple, que l'industrie des technologies de l'information, comme on nous dit aussi, employait déjà en 1995 quelque 66 000 personnes dans plus de 3 400 entreprises, pour une valeur de production atteignant près de 10 000 000 000 $CAN. On voit donc que c'est important.

Parmi les acteurs majeurs du développement de l'inforoute, les 83 entreprises de services de télécommunications dominaient alors l'industrie des nouvelles technologies, comptant à elles seules pour plus de 24 000 emplois et un chiffre d'affaires de 3 500 000 000 $. Vous-même, M. le Président, et moi, nous connaissons, par exemple, à Québec, dans la capitale, une toute petite entreprise qui a commencé à deux personnes et qui maintenant a quelque chose comme 200 personnes et plus dont la moyenne d'âge est de 26 ans. Il y a donc quelque chose d'assez prodigieux dans ça.

La députée de Sherbrooke a insisté sur la possibilité, par l'inforoute, de valoriser notre culture et notre langue. Je voudrais simplement rappeler peut-être que l'autoroute, au plan culturel, est aussi un espace de solidarité, c'est-à-dire une solidarité des différentes langues. Elle parlait de la diversité, à juste titre, et je pense que c'est important. On nous signale que pour le moment il y a 90 % de la circulation qui se fait dans la langue anglaise, mais cependant il y a un 3 % pour le français, ce qui est la deuxième langue qui circule sur l'inforoute. Et on nous signale qu'avec 5 % de la population francophone mondiale, M. le Président, nous sommes à l'origine de 30 % des contenus de langue française véhiculés sur Internet. C'est donc quelque chose d'assez prodigieux. Je pense que c'est en expansion.

C'est un espace de solidarité dans la mesure, par exemple, où quelqu'un qui parle l'espagnol ici peut communiquer avec le Mexique, avec quelqu'un du Mexique, avec quelqu'un du Chili, avec quelqu'un du Costa Rica. Pour quelqu'un qui parlerait ici le portugais, bien, on peut communiquer avec le Brésil, etc. Alors, c'est donc une multiplication très importante, et ce que nous avons recommandé d'ailleurs à la commission, c'est de dire aux gens: Circulez dans votre langue. N'essayez pas de trouver une lingua franca, une sorte de langue dézonée qui va phagocyter les autres. Circulez donc dans vos langues et créez la solidarité des langues.

Je vais terminer pour laisser le temps au député de Champlain d'intervenir. Je voudrais terminer peut-être en rappelant Pascal, quelqu'un qu'on a vu comme un des premiers grands modernes, qui parlait des espaces infinis qui l'effrayaient. Nous sommes un petit peu là. C'est à la fois l'infiniment grand et l'infiniment petit, l'autoroute ou l'inforoute. Je pense que c'est quelque chose qui est au service des humains et qu'il faut utiliser cette inforoute-là pour le progrès de l'humanité. C'est quelque chose qui permet en particulier de ne pas devoir seulement compter sur le nombre, parce qu'à partir de l'inforoute on peut vivre en pleine forêt et pouvoir communiquer, faire, par exemple, de la télémédecine ou faire de la mise en scène à Tokyo. Alors, c'est quelque chose d'assez prodigieux. Je vous remercie, M. le président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Taschereau. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Champlain. Il reste environ 18 minutes à votre formation dans le cadre du débat. 18 minutes. Je vous cède la parole.


M. Yves Beaumier

M. Beaumier: Merci beaucoup, M. le Président. Toujours dans le cadre de l'appréciation du présent rapport de la commission de la culture, effectivement, mes collègues l'ont signalé auparavant, ce fut un travail intense de beaucoup d'entre nous des deux côtés de la Chambre. Il y a eu, aussi, unanimité. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas eu de débat, mais il y a eu à la fin unanimité sur les enjeux, sur les grandes orientations qu'on retenait quant au traitement du dossier de l'inforoute. Et effectivement, ça a déjà été souligné, c'est que l'une, pas des découvertes, mais l'une des grandes dimensions qui s'est imposée d'elle-même non seulement lors du document de consultation, qui est allé en consultation, mais également à travers les avis et les mémoires qui ont été présentés ou émis devant les membres de la commission et aussi tout au long de la réflexion des membres de la commission, ce qui s'est imposé par lui-même, c'est l'impact sur notre vie démocratique du fait de l'arrivée de l'inforoute non seulement sur la qualité de la vie démocratique, mais sur le développement, aussi, également, de cette vie démocratique. Il est évident que, lorsqu'on aborde ce sujet de la démocratie, il y a un certain nombre d'enjeux qui, de par la face même, nous arrivent à l'esprit. Je vais en nommer quelques-uns pour en faire ressortir un dernier qui est un peu plus nouveau, qui est peut-être aussi quelque chose qui sera d'intérêt et de développement.

(16 h 20)

Alors, c'est bien sûr qu'on parle, on en a parlé tantôt d'une façon très explicite et très indiquée aussi, de l'accès équitable au service. Si on prend comme acquis que l'autoroute, et si on envoie nos monstres et nos vieilles noirceurs, si on comprend et qu'on est d'avis que l'autoroute, c'est un outil de développement, c'est un outil d'ouverture, c'est un outil qui est extrêmement et en soi positif si on l'utilise comme il faut, il est évident qu'à ce moment-là l'accès pour tous les citoyens au service de l'inforoute à des coûts abordables, bien sûr, selon des conditions équivalentes dans l'ensemble des régions du Québec, bien, c'est un prérequis. Je ne veux pas expliciter davantage sur ça. Ça a été déjà élaboré. Aussi, en tenant compte des personnes qui, pour certaines raisons, dont le revenu, dont des gens qui ont certains handicaps... Il faut s'assurer aussi que, toujours dans le cadre de la démocratie, l'accès aux services soit favorisé et qu'il n'y ait pas qu'un mode d'accès aux services auquel nos citoyens et citoyennes ont droit.

Toujours dans les enjeux démocratiques, il a été soulevé, avec passion par moment, une des questions fondamentales de la démocratie, c'est-à-dire la protection de la vie privée. À cet égard, il est tout à fait essentiel, et il y a une recommandation qui est très spécifique sur ceci, de travailler de concert avec la Commission d'accès à l'information, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et également avec le Protecteur du citoyen pour assurer le respect des lois sur la protection de la vie privée sur l'inforoute et également s'assurer que tous les aspects liés à la protection de la vie privée et à la protection des renseignements personnels sur l'inforoute fassent l'objet – et ceci est très important – d'un examen attentif par l'ensemble des ministères et organismes publics non seulement en ce qui concerne la circulation sécuritaire des renseignements personnels, mais aussi en ce qui a trait à la collecte, à la détention, à la finalité, à la modification de ces renseignements ainsi que les droits d'accès à ces derniers. Donc, une deuxième dimension, un deuxième enjeu de la démocratie de l'inforoute, c'est tout ce qui concerne ce bien fondamental, cette dimension fondamentale qui est la protection de la vie privée et la sécurité des transactions aussi.

Troisième élément important, si on parle toujours de démocratisation, c'est l'égalité, le respect de la dignité humaine. Vous savez, dans Internet, il y a toutes sortes de circulation. On pourrait pratiquement dire qu'Internet, comme on disait dans le temps, c'est l'auberge espagnole, c'est-à-dire qu'on y retrouve tout ce qu'on y apporte. Il y a du meilleur et il y a du pire aussi. Cette circulation dans Internet de toutes sortes de contenus, les uns qui sont des contenus qu'on pourrait qualifier d'illicites, d'autres ayant un caractère haineux, un caractère violent, tout ce qui est, au fond, sectaire, tout ce qui est discriminatoire, ça constitue toujours et ça constitue essentiellement aussi une préoccupation majeure. On pense bien aussi qu'il ne faudrait pas se donner des positions illusoires à l'effet qu'on pourrait régimenter. Je ne crois pas, même, que ce soit nécessaire. Nous sommes quand même en présence de problèmes en ce qui concerne ces contenus-là, des problèmes d'ordre éthique et d'ordre juridique de dimension planétaire.

En ce sens-là, une des recommandations que nous demandons, qui pourrait être faite et qui est facilement faisable, c'est de mettre au point un programme éducatif pour l'ensemble de la population, sur Internet, un programme éducatif visant à sensibiliser la population à l'importance de faire preuve d'un esprit critique face à l'information qui circule sur ou dans l'inforoute. Je suis sûr que les gens y accéderaient, que les gens s'en inspireraient pour développer cette espèce, disons, d'autocritique ou de critique de tout ce qui s'est installé, s'installe et s'installera par le biais de l'inforoute et qui concerne – c'est une des choses aussi très fondamentales – le respect de la dignité des personnes.

Une autre dimension, également, de la démocratie par rapport à l'arrivée ou l'inclusion de l'inforoute, et ça s'est posé beaucoup: Est-ce que ça va promouvoir une forme de solidarité, davantage de solidarité ou davantage d'individualisme ou de solitude? Autrement dit, on l'avait formulé, dans le document de concertation, sous la forme de la question suivante: Est-ce que l'inforoute contribuera au développement d'une plus grande solidarité entre les individus et entre les peuples ou, au contraire, entraînera-t-elle une plus grande solitude chez l'individu et une tendance encore plus généralisée à l'individualisme? En somme, fait-elle progresser la démocratie? À ce sujet-là, la commission a cheminé très correctement aussi. On a une confiance correcte, on a une confiance normale, on n'a pas de craintes inutiles, non plus. Et on a bien conclu qu'il en tenait à nous d'utiliser l'Internet de façon à favoriser une plus grande solidarité au sein de la société et une meilleure qualité de la vie démocratique.

Alors, nous avons avancé un certain nombre de recommandations dans ce cadre-là. Et je retiens la dernière recommandation, qui est la suivante, c'est de dire d'utiliser l'inforoute pour améliorer la qualité de vie démocratique: «L'Assemblée nationale doit notamment utiliser ce moyen de communication pour renforcer les liens entre les citoyens et leurs représentants et pour échanger avec d'autres institutions démocratiques.» On l'a signalé tantôt, c'est très important que ce qui est le bien public, ce qui est le droit, ce qui est les lois, etc., qui sont l'intérêt et le fondement mêmes de nos institutions démocratiques, soit facilement disponible auprès de notre population.

Mais je partage l'opinion de M. Michel Venne, dans le journal Le Devoir du 29 mai, que nous aurions intérêt peut-être à aller plus loin dans la réflexion sur la démocratie et l'Assemblée nationale. Je voudrais juste ouvrir un volet que nous avons déjà ouvert dans notre rapport, c'est, au fond, le rôle du député par rapport à ses concitoyens et ses concitoyennes. Nous sommes avant tout des gens qui sommes des législateurs et nous sommes avant tout des personnes élues qui ont la confiance de leurs gens pour être des intermédiaires entre les citoyens et l'État. Et, sans tomber dans des choses un peu futuristes, je pense qu'on peut dès maintenant... Personnellement, je vais continuer la réflexion et, personnellement, je souhaiterais qu'un certain nombre de députés – parce que c'est au coeur de notre fonction – puissent développer une réflexion, aller beaucoup plus loin sur la possibilité d'augmenter, j'allais dire, la qualité démocratique dans leur propre comté. En ce sens-là, M. Venne disait, effectivement, que «le rapport coupe court à une réflexion, mais qui est déjà commencée, qui aurait pu aller plus loin et plus en profondeur sur l'utilisation de l'inforoute dans le développement de la démocratie dans leurs propres comtés».

(16 h 30)

Et j'imagine très bien, M. le Président, et je suis sûr que vous serez intéressé à ça aussi, que, quand il s'agit de l'élaboration d'une politique, de l'élaboration d'un avant-projet de loi ou d'une discussion sur un projet de loi et peut-être éventuellement sur de la réglementation, ce serait imaginable, ce serait faisable, ce serait très positif que nos concitoyens ou concitoyennes, soit individuellement ou par des groupes, par des focus, par des forums, puissent, dans un site Internet, émettre leurs propres opinions, puissent, en groupe ou individuellement, apporter des critiques, apporter des suggestions, ce qui fait que nous pourrons, comme députés et comme législateurs, être toujours plus près, être toujours plus en contact, en lien avec les besoins, avec les suggestions, avec les critiques aussi de nos concitoyens, parce que la qualité de la démocratie est toujours la plus petite distance entre ceux qui ont à prendre des décisions et ceux pour lesquels on les prend.

Alors, je ne sais pas quel développement personnellement je ferai de cette dimension-là, mais personnellement je suis intéressé à ce qu'on puisse continuer à réfléchir, comme on l'y invite aussi et comme on l'avait ouvert aussi, à une amélioration de la vie démocratique dans les comtés à partir et par le biais de ce potentiel qu'est l'inforoute. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Champlain. Il reste à peu près cinq minutes. Alors, à ce moment-là, on peut, s'il n'y a pas d'autres intervenants... Il reste le temps pour le député d'Outremont qui devrait venir un peu plus tard. Alors, on met fin au débat, c'est-à-dire qu'on suspend le débat ou on l'ajourne, si vous voulez. Ça prend une motion d'ajournement, finalement, étant donné que... Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est-elle adoptée? Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 46 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 102


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 46, Mme la ministre de la Sécurité du revenu propose l'adoption du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec et la Loi sur les régimes complémentaires de retraite afin de favoriser la retraite progressive et la retraite anticipée. Mme la ministre, je vous cède la parole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. M. le Président, à compter d'aujourd'hui, la retraite progressive cessera de n'être qu'un rêve inaccessible et pourra devenir une réalité pour des dizaines de milliers de travailleuses et de travailleurs du Québec. Je suis fière, en tant que ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité, de proposer l'adoption du projet de loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec et la Loi sur les régimes complémentaires de retraite afin de favoriser la retraite progressive et la retraite anticipée.

Ce projet de loi, M. le Président, c'est le résultat d'un consensus qui s'est établi entre les syndicats, les employeurs et le gouvernement au Sommet sur l'économie et l'emploi de l'automne 1996. Il devenait urgent d'offrir aux travailleuses et aux travailleurs des choix additionnels pour la retraite et de permettre, par le fait même, à un plus grand nombre de personnes d'avoir accès à un emploi, particulièrement les jeunes. Tous convenaient que l'État devait encourager le partage du travail, un moyen de manifester la solidarité envers les travailleuses et les travailleurs.

Ces nouvelles mesures rendront plus accessibles, pour les employés en fin de carrière qui participent à un régime complémentaire de retraite, l'aménagement et la réduction du temps de travail ainsi que le départ à la retraite. Alors, les mesures contenues dans le projet de loi n° 102 permettront aux travailleuses et aux travailleurs âgés de 55 ans ou plus de prendre une retraite progressive avec une compensation partielle pour la baisse de leurs revenus de travail, compensation à même leur régime privé de retraite. D'autre part, elles favoriseront la retraite anticipée pour celles et ceux qui désirent cesser complètement de travailler.

Jusqu'ici, à l'exception de certaines catégories de travailleurs privilégiés, la retraite progressive entraînait nécessairement une diminution des revenus de travail. Comme les cotisations au Régime de rentes du Québec sont fonction de ces revenus, cela signifiait donc une cotisation moindre au régime et, par le fait même, une rente de retraite diminuée. Quant aux régimes complémentaires de retraite, ils ne permettaient pas d'accorder une prestation partielle pour compenser la perte de revenus pour un travailleur qui accepte de réduire ses heures de travail. Même s'ils pouvaient offrir de remplacer une partie de la rente viagère par une rente temporaire au travailleur qui prend sa retraite avant de pouvoir bénéficier d'une rente des régimes publics, les régimes complémentaires n'avaient aucune obligation légale d'accorder cette rente temporaire.

La loi que l'Assemblée nationale adopte aujourd'hui encouragera donc, M. le Président, la retraite progressive en levant les obstacles qui empêchent travailleuses et travailleurs de profiter de cette option. Parmi les plus âgés, plusieurs employés souhaitent réduire leurs heures de travail, que ce soit pour des raisons de santé, d'insatisfaction au travail ou pour se consacrer à des activités de leur choix. Ils pourront enfin réaliser leur voeu, tout en permettant à plusieurs personnes sans emploi ou confinées à des emplois à temps partiel de travailler un plus grand nombre d'heures.

Comme vous le savez, M. le Président, l'opposition officielle a reconnu la pertinence du projet de loi et a décidé de voter en sa faveur. Je veux souligner ici l'excellent travail et la collaboration du porte-parole de l'opposition, le député de Verdun, durant les travaux de la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi article par article. Je regrette que ces propos flatteurs que je lui transmets ne puissent pas lui être communiqués immédiatement, mais je suis convaincue qu'ils lui seront communiqués très prochainement. Grâce à ses interventions, la commission parlementaire a été l'une des plus productives qui soient. Des actuaires-conseils nous ont aidés également en nous faisant parvenir des mémoires. Les efforts conjugués de tous ont permis d'apporter 13 amendements au projet initial. Je veux en remercier également mes collègues membres de la commission parlementaire. Ces amendements rendront plus facile l'application des nouvelles mesures par les comités de retraite.

Je crois que les travailleuses et travailleurs sauront gré à la commission parlementaire ainsi qu'à l'opposition de ne pas avoir tenté de semer des obstacles retardant l'adoption du projet de loi et d'avoir plutôt apporté une contribution remarquée à son amélioration. Je vous rappelle brièvement les modifications apportées à la Loi sur le régime de rentes du Québec et à la Loi sur les régimes complémentaires de retraite pour favoriser la retraite progressive, ainsi que les modifications à la Loi sur les régimes complémentaires de retraite pour faciliter la retraite anticipée.

Une première mesure vise à éliminer les dispositions du Régime de rentes du Québec qui font obstacle à la retraite progressive par la réduction de la rente de retraite. Dorénavant, il sera permis au travailleur qui réduit son temps de travail de cotiser au régime comme si son salaire n'avait pas été réduit. Cette mesure s'appliquera de façon générale au travailleur âgé d'au moins 55 ans qui conclut une entente en ce sens avec son employeur et qui bien évidemment a accès à un régime privé de retraite. La cotisation additionnelle sera alors versée en parts égales par l'employeur et le salarié. Cette mesure entrera en vigueur le 1er janvier 1998.

Les autres mesures concernent les régimes privés de retraite. Je regrette, M. le Président, cette première mesure qui concerne le Régime de rentes du Québec sera ouverte, en fait, à l'ensemble de tous les travailleurs qui sont cotisants au Régime de rentes, qu'ils aient ou pas accès à un régime privé.

Alors, quant aux autres mesures qui concernent les régimes privés de retraite, la première permet à un travailleur en fin de carrière qui acceptera de réduire son temps de travail à la suite d'une entente avec son employeur de recevoir une prestation annuelle de son régime de retraite. La prestation pourra atteindre le moindre de ces montants: soit 70 % de la perte de revenus découlant de la réduction des heures de travail – pensez, par exemple, à une personne qui réduit de moitié son temps de travail, qui avait un salaire industriel de 40 000 $, donc la réduction de moitié de ses heures de travail lui amène une diminution de moitié de sa rémunération, soit 20 000 $, alors elle pourra donc aller chercher 14 000 $ de versement de prestation de son régime de retraite combinés avec sa nouvelle rémunération – ou 40 % du maximum des gains admissibles, ce qui représente un montant de 14 320 $ en 1997. Ce sera donc autour de 14 320 $ de prestation annuelle du régime de retraite que le travailleur pourra combiner avec des revenus de travail qui seront conséquents de sa réduction du temps de travail.

Le taux de 70 % a été retenu parce qu'il correspond à ce qui est généralement reconnu comme un taux de remplacement adéquat. Quant au taux de 40 % du maximum des gains admissibles, il a été retenu par souci de cohérence avec les autres mesures.

(16 h 40)

Alors, pour bien faire comprendre l'importance de cette mesure, je reprends le cas d'une travailleuse ou d'un travailleur dont la rémunération annuelle était de 50 000 $, qui réduit son temps de travail de moitié. Sans mesure de retraite progressive, cette travailleuse ou ce travailleur aurait eu à diminuer son revenu de 25 000 $; à partir d'aujourd'hui, cette personne aura droit à une prestation annuelle de son régime de retraite de 14 320 $ qui va s'ajouter à son salaire de 25 000 $. C'est donc un revenu annuel de 39 320 $, soit 79 % de son revenu antérieur, dont elle pourra jouir tout en ayant la moitié des heures travaillées à faire.

Nous pouvons voir, par cet exemple, M. le Président, à quel point la situation des travailleuses et des travailleurs qui ont la chance de participer à un régime complémentaire de retraite et qui désirent prendre une retraite progressive est améliorée. Alors, cette mesure que je viens de décrire va entrer en vigueur dès maintenant, c'est-à-dire dès la sanction du projet de loi, qui devrait, n'est-ce pas, se faire dans les heures ou les jours qui viennent.

Un amendement apporté à la suite des travaux en commission parlementaire précise que les travailleuses et les travailleurs dont le régime complémentaire calcule leur rente de retraite sur le salaire des dernières années de carrière ne seront pas pénalisés. Ainsi, les années retenues seront celles qui précèdent la réduction du temps de travail, à moins, bien sûr, que le participant au régime complémentaire ne recommence à travailler à temps plein. C'est donc dire que les dernières années de carrière, qui sont toujours utilisées pour l'estimation des revenus de retraite, seront ces dernières années de carrière avant que ne débute la retraite progressive. Et je me réjouis que les travaux sérieux que nous avons menés en commission parlementaire aient pu amener l'introduction d'un tel amendement.

Les régimes de retraite privés pourront, s'ils le désirent, continuer d'offrir à la travailleuse ou au travailleur qui réduit son temps de travail et à l'employeur de continuer de cotiser au régime de retraite privé sur son salaire antérieur, l'équivalent tantôt de ce que je décrivais comme possibilité aussi de cotiser au Régime de rentes du Québec sur son salaire antérieur. Alors, voilà pour ce qui est de la première mesure.

La seconde concerne les régimes complémentaires de retraite, encore une fois, et vise à favoriser la retraite anticipée. C'est une retraite anticipée dans le cas d'un travailleur qui quitte définitivement son emploi, alors que le travailleur qui prend une retraite progressive continue d'avoir une prestation de travail puis une certaine rémunération. Alors, il faut bien distinguer retraite progressive de retraite anticipée, puisque, dans le cas de la retraite anticipée, l'employé quitte définitivement son emploi.

Cette deuxième mesure prévoit le droit à une rente temporaire payable jusqu'à ce que le travailleur atteigne 65 ans. Jusqu'à maintenant, un régime complémentaire de retraite, un régime de compagnie ou un régime privé, comme on dit, pouvait accepter de moduler le montant de la rente viagère, mais il n'était pas tenu de le faire. Dorénavant, le comité de retraite qui administre le régime devra accorder au travailleur ou à la travailleuse qui le demande le remplacement d'une partie de la rente viagère par une rente temporaire jusqu'à 65 ans. Ce montant de la rente temporaire ne pourra être supérieur à 40 % du maximum des gains admissibles, qui est, ce maximum, de 35 800 $. Alors, on est donc toujours autour, donc par cohérence, du 14 320 $. C'est donc là le montant de la rente temporaire qui pourra être versé.

Une rente viagère pourra s'ajouter à la rente temporaire, si la valeur des droits du participant dans son régime de retraite le permet. Cette mesure incitera les travailleurs en fin de carrière à quitter plus tôt le marché du travail tout en touchant un revenu de retraite acceptable jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de la retraite, fixé par les régimes publics à 65 ans. Actuellement, les revenus des régimes publics augmentent les revenus disponibles à 65 ans, mais c'est entre 55 et 65 ans que la personne ne pouvait pas moduler son régime de retraite de manière à se verser une rente temporaire plus importante et à la diminuer à 65 ans pour garder des revenus constants.

Alors, comme je vous l'expliquais, l'avantage de cette mesure, c'est de permettre à un travailleur ou une travailleuse qui désire prendre une retraite anticipée, donc, de quitter définitivement son emploi, de moduler la rente provenant de son régime complémentaire pour atteindre un revenu stable tout au long de sa retraite.

Par exemple, un retraité de 58 ans qui aurait droit actuellement à une rente viagère annuelle de 25 000 $ de son régime pourra la faire porter à 31 700 $ jusqu'à 65 ans. À 65 ans, son régime lui versera une rente de 18 200 $, à laquelle s'ajouteront les 13 500 $ de la rente de retraite du Régime de rentes du Québec et de la pension de sécurité de la vieillesse. Donc, avant 65 ans, sa rente sera de 31 700 $ et, à 65 ans, lorsque les régimes publics interviennent, sa rente va être de 18 200 $. Mais, avec l'ajout des régimes publics, ça va lui faire un revenu stable, constant. Alors, c'est donc des revenus totaux qui vont toujours demeurer au même niveau. Cette mesure entre également en vigueur à compter de maintenant, c'est-à-dire à compter de l'adoption et de la sanction de la loi.

Un amendement a aussi été apporté à cette mesure lors des travaux de la commission parlementaire. De façon à faciliter l'administration du régime par le comité de retraite, un travailleur ou une travailleuse qui a commencé à percevoir une rente de son régime complémentaire ne pourra pas décider en cours de route de la transformer en rente temporaire. Il faudra que la décision se prenne au moment où le travailleur ou la travailleuse commence à percevoir sa rente pour l'avenir, et à partir de maintenant il n'était pas possible de modifier ça rétroactivement.

La troisième et dernière mesure concernant les régimes complémentaires de retraite vise cette fois le fonds de revenu viager. Dorénavant, le fonds de revenu viager pourra servir à procurer un revenu temporaire à celui ou celle qui quitte son emploi pour prendre une retraite anticipée. Jusqu'à maintenant, les sommes accumulées dans un fonds de revenu viager ne pouvaient servir qu'à la constitution de revenus viagers, c'est-à-dire qu'elles ne pouvaient servir qu'à la constitution d'un revenu constant jusqu'au restant de ses jours, alors que dorénavant il va être possible de procurer un revenu temporaire avec le revenu viager de façon à moduler, comme je l'expliquais tantôt aussi, en fonction de ce qui rentre des rentes des régimes publics à partir de 65 ans. Cette mesure va entrer en vigueur le 1er janvier 1998.

Alors, pour résumer, la loi n° 102 vise, je vous le rappelle, à favoriser d'abord la retraite progressive à partir de 10 ans avant l'âge normal de la retraite, donc autour de 55 ans. Le projet de loi assure donc à la majorité des employés concernés une sécurité financière leur permettant de commencer à réduire la semaine de travail à l'âge de 55 ans, et même 50 ans pour celles et ceux, peu nombreux il faut le dire, dont le régime privé complémentaire a fixé l'âge de la retraite à 60 ans. Cette loi par ailleurs facilitera la retraite anticipée pour ceux et celles qui préfèrent quitter complètement le marché du travail.

La retraite progressive est une idée neuve au Québec et même en Amérique du Nord. La loi adoptée aujourd'hui permet au Québec de s'adapter encore plus et encore mieux à l'évolution socioéconomique, du marché du travail, M. le Président, et aussi à l'évolution, je dirais, démographique de la population, compte tenu du vieillissement. Puis il permet aussi au Québec de se préparer au prochain siècle. Nous pourrons mieux répondre aux nouvelles exigences du marché du travail, satisfaire davantage les besoins des travailleurs et des travailleuses en fin de carrière qui veulent ne pas avoir à choisir entre être employés ou retraités mais qui veulent pouvoir combiner les deux en même temps.

Comme le rappelait d'ailleurs une firme d'actuaires-conseils, lors de la commission parlementaire qui a suivi le dépôt du livre vert sur la réforme du Régime de rentes du Québec, l'automne dernier, un nombre de plus en plus important de Québécoises et de Québécois conçoivent leur retraite comme une réduction graduelle et pas brutale de leurs heures de travail plutôt qu'une fin abrupte de leur travail. C'est ce qu'on ne peut pas se permettre comme membres de cette Assemblée nationale évidemment, tout en le regrettant n'est-ce pas, M. le Président, et je suis convaincue que, si une telle mesure de retraite progressive existait, on serait pas mal nombreuses et nombreux à vouloir profiter du partage de nos fonctions.

(16 h 50)

Le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, où siègent les organisations syndicales et patronales, avait recommandé au gouvernement du Québec d'adopter les mesures législatives nécessaires pour permettre et favoriser la retraite progressive. Dans un rapport sur cette question de la retraite progressive... Je pense qu'il faut rendre hommage au CCTM, Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, d'avoir eu l'initiative d'enclencher des études sur ces questions.

Alors, l'étude réalisée, donc, à l'initiative patronale-syndicale explique, et je cite, «que la retraite progressive est une alternative à la retraite anticipée qui peut engendrer une épargne pour l'employeur et une amélioration des conditions de travail et des revenus des employés âgés».

Les avantages sont nombreux. Ils sont nombreux pour les travailleurs et travailleuses et aussi nombreux pour les employeurs et les entreprises. Les employés connaîtront une transition harmonieuse – plus harmonieuse, en tout cas – entre la vie en milieu de travail et la retraite, tout en conservant un niveau de revenus suffisant et en continuant d'accumuler – ça, c'est très important – des droits en vue d'une rente de retraite adéquate, parce qu'ils peuvent continuer à cotiser sur le salaire antérieur au régime privé et à la Régie des rentes. Le fait de se retirer progressivement permettra de plus aux travailleurs plus âgés de mettre leur expérience à profit pour préparer la relève. Les aînés en retireront sans nul doute un sentiment d'utilité et de fierté bien justifié, et les jeunes travailleurs et travailleuses auront l'occasion de bénéficier d'une expérience accélérée. La retraite progressive favorise la conciliation du travail et des contraintes occasionnées par le vieillissement.

Les avantages de la retraite progressive sont tout aussi évidents pour l'employeur: il ne risquera plus de perdre prématurément des employés en raison de leur retraite anticipée; il évitera les problèmes dus au vieillissement de la main-d'oeuvre; il verra diminuer l'absentéisme et augmenter la productivité; il s'assurera du transfert des connaissances et d'une diminution des coûts par rapport à la retraite anticipée. Le but ultime que le gouvernement vise avec ce projet de loi qui va s'appliquer dans le secteur privé de l'emploi est d'ouvrir aux jeunes le marché de l'emploi. On évalue à quelque 39 000 le nombre de participants à des régimes complémentaires de retraite entre 55 et 65 ans qui, compte tenu des droits déjà accumulés, des prestations déjà accumulées, pourraient profiter de ces nouvelles mesures.

Alors, M. le Président, une dernière fois je voudrais remercier les membres de la commission parlementaire ainsi que l'opposition, son porte-parole, le député de Verdun, pour le travail enrichissant que nous avons mené en commission. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de la Sécurité du revenu. Nous cédons maintenant la parole au député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Comme l'a rappelé la ministre, l'opposition va voter en troisième lecture en faveur de ce projet de loi et va le faire parce qu'on a pu travailler de concert et éclaircir un certain nombre de points. Mon intervention, ici, va se limiter à rappeler les grands éléments de ce projet de loi, un point sur lequel je m'interroge encore et quelques éléments qui ont touché les amendements qui ont été proposés.

Les grandes idées derrière ce projet de loi, deux points: retraite progressive, prestation anticipée de retraite. Il faut bien comprendre les deux éléments. Retraite progressive, ça veut dire quoi? Ça veut dire que quelqu'un va pouvoir passer d'une situation de plein temps à une situation où il sera progressivement moins employé, c'est-à-dire, par exemple, quatre jours, trois jours, deux jours, c'est-à-dire prendre progressivement sa retraite mais ne pas être pénalisé par rapport à ses contributions au Régime de rentes du Québec et à son fonds de pension, c'est-à-dire pouvoir payer ses contributions à son fonds de pension comme s'il continuait à travailler à plein temps.

Il faut bien que vous compreniez, M. le Président, que, quand quelqu'un avait des réticences à prendre une retraite progressive, c'est-à-dire à diminuer son temps de travail, c'est parce qu'il se disait: Si je diminue mon temps de travail, la manière dont sera calculée ma pension, ce sera calculé sur le temps que j'aurai réellement travaillé et à ce moment-là j'aurai après une pension moindre.

Ce que la loi vient changer, c'est dire: Même si vous avez diminué votre temps de travail pour progressivement vous amener vers la retraite, vous pourrez, pendant ce processus où vous diminuez progressivement votre activité, contribuer à votre fonds de pension ou au Régime de rentes comme si vous étiez engagé à plein temps. C'est ça, l'idée qui est derrière ce projet de loi.

Un élément de divergence, et je vais vous l'expliquer, je vais volontairement le relire, ça reste la manière dont sont écrites les lois. Je conteste encore la tendance que j'appelle pernicieuse du Comité de législation – et ça n'a rien à voir avec les différents partis politiques – des différents comités de législation qui n'incluent plus à l'intérieur des lois les définitions, laissant l'interprétation aux tribunaux des différents termes que l'on emploie.

À cette fin, M. le Président, et trois fois en commission parlementaire, je me suis permis de rerappeler ce que les législateurs entendent par retraite progressive et je vais me permettre ici... Et ça a été, et en commission et ici, de manière que, même si ce n'est pas dans la loi comme vertabim, intégralement dans la loi, lorsqu'on fera l'interprétation de la loi, le sens de retraite progressive soit clairement établi. Et, si vous regardez les galées des commissions parlementaires, il y a entente des deux partis sur le sens de retraite progressive.

Donc, M. le Président, pour les fins de l'enregistrement des débats, je vais relire ce que je crois qui aurait dû être dans le projet de loi, c'est-à-dire qu'on aurait dû définir retraite progressive. Ça ne l'a pas été, et je vais donc me permettre de vous le relire. Et c'est un terme sur lequel on a entente à l'heure actuelle des deux partis.

C'est issu du rapport du comité technique du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, et ça précise que: «La retraite progressive est une option – M. le Président – qui permet aux travailleurs de réduire graduellement la durée du temps de travail en anticipation de la retraite complète. Cette réduction peut prendre la forme d'une diminution de la durée journalière, mensuelle ou annuelle du temps de travail et peut s'échelonner sur plusieurs années – tous les termes sont importants, M. le Président. De plus, la retraite progressive peut comprendre des mesures de compensation partielle ou totale, immédiate ou différée des pertes de revenus encourues».

Alors, M. le Président, le pouvoir des juristes des comités de législation a fait que cette définition n'a pas été incluse à l'intérieur du projet de loi, même s'il y a consensus entre nous au sens de la définition. Je regrette cette tendance pernicieuse des comités de législation et je vais la combattre véhémentement dans plusieurs lois. Parce que je trouve qu'on doit d'abord définir ces termes avant de les utiliser plutôt que d'avoir une tendance à se référer au sens commun, parce que le sens commun n'inclut pas ce qu'on vient de dire.

Mais je dois dire, et je crois que, de part et d'autre, la ministre, elle pourra le confirmer, nous avons entente et les législateurs, en votant cette loi, s'entendent exactement sur ce que nous voulons couvrir par le terme «retraite progressive». Alors, c'est pour ça que je me suis permis de relire, ici, la définition qui avait été élaborée par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre dans le rapport déposé le 24 avril 1996.

(17 heures)

Deuxième élément dans le projet de loi, ce qu'on appelle la prestation anticipée. C'est quoi, ça? Ça, à ce moment-là, c'est quand quelqu'un prend sa retraite avant d'avoir atteint l'âge où il a le droit soit à la prestation de vieillesse – qu'on appelle communément la retraite du fédéral – ou la rente du Québec. Ce qui se passait actuellement, c'est que – si on ne passait pas la loi – pendant la période entre le moment où vous prenez votre retraite et le moment où vous avez droit à la rente – le RRQ ou la pension du fédéral – vos revenus étaient relativement plus bas et remontaient à 65 ans ou à 60 ans, lorsque vous aviez droit au Régime des rentes du Québec ou à la pension du fédéral.

Ce que va permettre le projet de loi, c'est de dire: Dans mon fonds de pension privé, je vais pouvoir m'en donner plus pendant cette période, entre le moment où je prends ma retraite et l'âge de 65 ans, de manière à niveler mon revenu sur la totalité de ma retraite. Autrement dit, dans ce qui va être la partie qui vient de mon fonds de pension, j'en obtiendrai plus dans la période de temps qui va de la date de prise de ma retraite à l'âge de 65 ans. Par contre, après 65 ans, j'obtiendrai moins de mon fonds de pension, ce qui permettra que dans l'ensemble tout soit équitable comme il l'est actuellement. Mais, parce que j'obtiendrai moins de mon fonds de pension, comme ce sera comblé par ce que je recevrai du Régime de rentes du Québec et de la prestation du fédéral, je pourrai maintenir, à partir de l'âge où je prends ma retraite et pour la durée de vie qui reste, le même revenu. C'est ça, l'idée qui est à l'intérieur de la prestation anticipée de retraite, et c'est quelque chose auquel on doit souscrire parce que ça assouplit, en quelque sorte, le fonctionnement.

Il y avait, à l'intérieur du projet de loi, un certain nombre de thèmes qui pouvaient paraître moins clairs ou peu clairs. On a travaillé, je crois, d'une manière tout à fait constructive, des deux côtés de la Chambre. Je dois signaler aussi un apport, l'apport d'une actuaire qui, tout à fait bénévolement, comme tout citoyen peut le faire, s'est permis d'écrire à la commission pour soulever, dans la rédaction du projet de loi, des points qui auraient pu prêter à confusion; je fais référence spécifiquement à Mme Louise Labrèche. La commission a essayé par amendements de combler les lacunes qui avaient pu être identifiées.

M. le Président, je ne m'étendrai pas plus longtemps. Je sais que certains de mes collègues ont des projets de loi aussi qu'ils voudraient débattre cet après-midi. Il s'agit d'un pas intéressant dans la bonne direction, dans l'assouplissement des régimes de retraite. Je ne dis pas que c'est la panacée universelle, je ne dis pas que c'est le miracle qui va régler tous les problèmes, mais c'est un pas dans la bonne direction pour assouplir les régimes de retraite. Je dois dire, en conclusion, que je diverge d'opinions en partie avec la ministre sur les effets de ce que la retraite progressive va pouvoir avoir sur le marché du travail. Ce n'est pas avec ces mesures-là que l'on peut et qu'on pourra réduire les poches importantes de sous-emploi, mais ces mesures vont dans le bon sens parce qu'elles vont dans le sens de l'assouplissement des régimes de retraite. Mais il va falloir être beaucoup plus imaginatif pour régler les graves problèmes de sous-emploi que l'on vit actuellement au Québec.

Avec tout le respect que je dois à la ministre, ce n'est pas avec la mesure de retraite progressive, qui, je le répète, est une très bonne mesure, que l'on va régler les poches importantes de sous-emploi au Québec. Alors, ceci étant dit, je dois vous rappeler que nous allons aussi voter en faveur, en troisième lecture, de ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Y a-t-il d'autres interventions sur l'adoption du projet de loi n° 102?

Alors, le projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec et la Loi sur les régimes complémentaires de retraite afin de favoriser la retraite progressive et la retraite anticipée, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Mme Caron: Vote nominal, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement demande le vote nominal.

Mme Caron: Et je vous demande, conformément à l'article 223 de notre règlement, de le reporter à demain, à la période des affaires courantes.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Pinard): Le vote sera donc reporté aux affaires courantes de mercredi, 4 juin. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 38 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 103


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et des amendements de la ministre

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 38 de notre rubrique. Alors, à l'article 38 de notre rubrique, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre et d'autres dispositions législatives, ainsi que les amendements transmis en vertu de l'article 252 du règlement par Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité. Ces amendements sont déclarés recevables. Y a-t-il des interventions sur ce rapport ainsi que sur ces amendements?


Mise aux voix des amendements de la ministre

Donc, comme il n'y a pas d'interventions, les amendements proposés par la Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité sont-il adoptés?

Des voix: Adopté.


Mise aux voix du rapport amendé

Le Vice-Président (M. Pinard): Le rapport, tel qu'amendé, de la commission de l'économie et du travail portant sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre et d'autres dispositions législatives, est-il adopté? Mme la ministre.


Adoption


Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais d'abord aborder la question des amendements qui ont été introduits dans le projet de loi n° 103, notamment pour faire valoir que les travaux en commission parlementaire ont justement permis d'identifier une omission qui a pu être corrigée au moment de la prise en considération que nous venons de compléter, de manière à introduire un amendement qui prévoit que, dans le cas de l'apprentissage, dans les décrets de conventions collectives, dans le cadre des travaux régis par des comités paritaires, la rémunération des apprentis, telle que décrite dans le projet de loi n° 103 – puis j'y reviendrai – va prévaloir sur le salaire du décret.

Je crois, M. le Président, que c'était l'esprit de la loi, étant donné que cette loi est la résultante, n'est-ce pas, d'une forte unanimité. Je ne sache pas qu'il y ait eu même de dissidence, peut-être les jeunes étudiants qui contestaient le niveau de rémunération, ayant souhaité que ce soit l'équivalent du salaire minimum, alors que l'apprentissage, il ne faut pas que ce soit considéré comme une façon moins chère de faire travailler les gens. En apprentissage, c'est comme si on était à l'école, mais en acceptant que l'école se fasse en dehors de l'école.

Je veux donc insister sur cet amendement qui a été introduit, qui donnera finalement au comité paritaire, quant au paiement du salaire de l'apprenti, les mêmes pouvoirs d'inspection, les mêmes recours que ceux qui concernent les conditions de travail prévues au décret dont il est chargé d'assurer et de surveiller l'observation. Cela, par analogie, est équivalent au pouvoir de la Commission des normes du travail quant à l'application de la rémunération de l'apprenti, qui va se trouver différente de celle du salaire minimum mais qui va pouvoir aussi être l'objet d'inspection et donner accès à des recours, si tant est qu'il y avait défaut.

Alors, je veux en remercier, encore une fois, l'opposition, ce qui prouve que les travaux en commission parlementaire sont profitables, n'est-ce pas, puisque c'est là finalement une omission qui a pu être identifiée au moment de nos travaux article par article du projet de loi n° 103.

(17 h 10)

Ce dont il s'agit avec le projet de loi n° 103, c'est de développer une culture de la formation. C'est là une valeur fondamentale maintenant dans notre société. Cette culture de la formation, on le sait, est le défi le plus important à relever dans la dynamique du marché du travail qui fait maintenant appel au savoir.

M. le Président, les chiffres les plus récents nous le démontrent, la connaissance d'un métier ou d'une technique professionnelle diminue automatiquement de cinq points le chômage chez les jeunes. Le fait d'avoir complété un diplôme secondaire diminue le risque de chômage de moitié chez les jeunes. Alors, on voit bien que l'espérance d'emploi chez un jeune, c'est un peu comme l'espérance de vie, ça se travaille aussi. Il y a des conditions pour l'améliorer, et, dans les conditions d'améliorer l'espérance d'emploi, c'est définitivement lié à la qualification.

Cette culture de la formation ne peut évidemment pas, cependant, être limitée au cadre strict de l'école. Elle doit être endossée et véhiculée par tous les milieux, que ce soient les entreprises, les partenaires, les gens d'affaires, que ce soient aussi le milieu des employés, le milieu syndical. Les entreprises et le monde économique ont au moins deux bonnes raisons de promouvoir et de soutenir une culture de la formation. Évidemment, la première est bien évidente, il y va de leur intérêt; la qualité des ressources humaines constitue aujourd'hui un des éléments centraux, avec le développement technologique, de l'amélioration de la compétitivité. Ça se joue à la fois en recherche et développement, ça se joue en transferts technologiques, ça se joue aussi au niveau des ressources humaines et de la main-d'oeuvre. Puis pour une autre raison, c'est que les entreprises ont aussi une responsabilité sociale à l'égard de la main-d'oeuvre.

Certains diront que c'est peut-être là une idée trop sociale-démocrate, mais, M. le Président, je vous rappellerai qu'il y a quelques années encore une personne qui osait parler de la responsabilité environnementale de l'entreprise passait pour quelqu'un qui était un peu hurluberlu, alors que maintenant cette responsabilité environnementale est bien intégrée dans la culture des entreprises et du monde des affaires. Je pense qu'il faut aujourd'hui appeler aussi à une responsabilité sociale de l'entreprise à l'égard, notamment, de la formation, d'abord parce que l'entreprise n'est plus isolée du milieu dans lequel elle évolue, pas plus que l'école ou les autres institutions sociales. L'entreprise tire sa force, son dynamisme de son environnement social. On en vient de plus en plus à l'idée que l'entreprise allemande ou l'entreprise japonaise est le résultat d'une culture performante, d'une culture d'entrepreneuriat et, donc, le produit, finalement, l'aboutissement de tout un tissu dont l'entreprise est simplement le ferment.

C'est justement pour soutenir le développement d'une culture de la formation que le gouvernement a adopté, il y a deux ans maintenant, la loi favorisant le développement de la main-d'oeuvre, qu'on appelle communément la loi du 1 %. La loi du 1 % envoie un signal clair: elle énonce que la formation, désormais, doit être traitée comme une nouvelle règle sociale, un principe incontournable de la vie économique et un principe incontournable de la vie en société, de notre manière de vivre ensemble. En d'autres termes, cette loi du 1 % collectivise ce qui auparavant relevait davantage de décisions privées. Disons-le clairement, la formation en entreprise est maintenant reconnue d'intérêt public. Voilà le sens premier, fondamental de la loi du 1 %.

Il faut encore, cependant, M. le Président, constater qu'un fossé nous sépare d'une véritable culture de la formation. Une enquête réalisée l'an dernier par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre avec le ministère du Développement des ressources humaines Canada a révélé que le milieu de travail adopte encore une vision à très court terme sur cette question de la formation. Selon cette enquête, très peu d'employeurs québécois, un sur six, en fait, s'étaient dotés de mécanismes pour évaluer et répondre aux besoins de formation de leurs employés; 20 % des 13 000 employeurs qui ont participé à l'enquête ne pensaient tout simplement jamais aux besoins de formation de leurs employés et ne réalisaient aucune activité de formation. Par ailleurs, quand la formation est à l'ordre du jour, deux fois sur cinq, c'est à la suite de demandes formulées par les employés eux-mêmes. Parmi toutes les formules possibles, c'était la formation sur le tas qui, dans le cadre de cette enquête, s'est révélée le plus souvent retenue, précisément dans 80 % des cas. Cette formation est donnée, comme on le sait, essentiellement par des employés, par des collègues au sein de l'entreprise.

Par ailleurs, 20 % des entreprises voudraient voir leurs employés mieux formés. Elles souhaitent notamment qu'ils améliorent leurs connaissances générales et leurs connaissances de la technologie. Ai-je besoin de vous rappeler que, dans une enquête menée à l'initiative de l'Alliance des manufacturiers et exportateurs et soutenue par le Bureau de la statistique du Québec, par Statistique Canada, par la SQDM notamment et par DRHC, il s'est avéré que 32 000 emplois au Québec étaient inoccupés faute de travailleuses et de travailleurs qualifiés. Ces résultats donnent une idée du chemin qu'il nous reste à parcourir.

Si l'entreprise s'est tenue à l'écart du milieu de la formation, il faut aussi dire que, pendant longtemps, l'école s'est placée en retrait du milieu du travail. Heureusement, les choses sont en train de changer et sont en train de changer rapidement. Il est bien évident qu'il nous faut attirer de plus en plus de jeunes en formation professionnelle et technique. On ne dit pas assez souvent, et je profite de l'occasion pour le répéter, à quel point les débouchés de cette formation professionnelle et technique sont importants pour les jeunes.

Sur les quelque 3 000 000 de travailleurs et de travailleuses en emploi au Québec, la moitié occupent des postes qui requièrent une formation professionnelle ou technique, 1 500 000. Si l'on considère le taux normal de remplacement et d'accroissement de la main-d'oeuvre, c'est 65 000 nouveaux travailleurs et travailleuses qu'il faut préparer chaque année à entrer sur le marché du travail pour occuper ces postes qui requièrent une formation professionnelle et technique. C'est d'ailleurs un fait reconnu que les diplômés en formation professionnelle et technique rencontrent beaucoup moins de difficultés à s'intégrer au marché du travail. Chez les 20-24 ans, le taux de chômage des diplômés de l'enseignement technique est de 5 points de pourcentage inférieur à la moyenne de chômage du groupe de 20-24 ans.

Et puis c'est un fait connu, nous attirons trop peu de jeunes en formation professionnelle de niveau secondaire. Moins de 3 % des jeunes du secondaire, au Québec, obtiennent un premier diplôme de formation professionnelle, comparativement à 38 %, en moyenne, pour l'ensemble des pays industrialisés qui sont membres de l'Organisation de coopération et de développement économique. La proportion de ces jeunes qui obtiennent un premier diplôme de niveau secondaire en formation professionnelle oscille entre 40 % et 60 % en Belgique, en France, en Finlande, en Norvège, dépassent le 60 % en Allemagne, en Suisse et en Suède. Avez-vous idée, avec notre 3 % seulement, on fait en retard, M. le Président!

Il y a des raisons historiques, des raisons culturelles pour expliquer cette différence, mais il y a aussi des raisons très structurelles. Par exemple, pour mieux comprendre la situation, il faut voir comment ça se passe ailleurs, dans des sociétés industrialisées qui ont les mêmes défis de mondialisation et de compétitivité que les nôtres et qui ont opté pour un système de formation école-entreprise. Et je pense ici, évidemment, à la Norvège, à l'Allemagne, à l'Autriche, à la Suisse. Dans ces pays, plus de la moitié des jeunes du secondaire choisissent le régime d'apprentissage en entreprise. Ces pays affichent des taux de décrochage scolaire plus faibles qu'ailleurs, notamment parce que les jeunes sont bien encadrés, qu'ils ont accès à des formes d'enseignement diversifiées, mieux adaptées, sans doute peut-être plus motivantes aussi, M. le Président. De plus, dans ces pays, la moitié des jeunes formés dans une entreprise restent au service de cette même entreprise une fois leur apprentissage terminé.

Un autre fait mérite d'être souligné. Dans les pays que je viens de mentionner, la formation professionnelle secondaire de métier est valorisée socialement. Le régime d'apprentissage offre une voie privilégiée pour accéder à des emplois dans des secteurs de pointe bien rémunérés, puisque toutes les passerelles peuvent conduire jusqu'à l'université.

(17 h 20)

Ce fait nous ramène à la dimension culturelle, qui m'apparaît être au coeur de la transition que nous sommes en train de vivre actuellement en matière de formation. Toutes les observations, tous les travaux depuis des années militaient, au Québec, en faveur de l'implantation d'un régime d'apprentissage, pour trois raisons: un, parce qu'il facilite l'insertion des jeunes sur le marché du travail en leur offrant une nouvelle voie d'accès qui a fait ses preuves, ensuite parce qu'il diminue le décrochage scolaire, et puis ensuite parce qu'il réduit les coûts sociaux qui sont liés au désoeuvrement des 48 000 jeunes de 18-24 ans qui sont sur l'aide sociale, qui n'étudient pas, qui ne travaillent pas, qui n'ont pas de handicap, qui n'ont pas d'enfants et qui, à 71 %, ont décroché de l'école il y a quelques années seulement.

Et puis un autre avantage: le régime d'apprentissage permet de resserrer les liens entre le monde du travail et les entreprises, et c'est bien évidemment la condition essentielle d'une culture de formation dans l'entreprise et d'une culture entrepreneuriale à l'école. Une entente a donc été signée l'an dernier entre Mme la ministre de l'Éducation et moi-même pour mettre en place le nouveau régime d'apprentissage, en préciser les modalités, et cette orientation gouvernementale a été annoncée lors du Sommet sur l'économie et l'emploi, l'automne dernier. Alors, dans les grandes lignes, le régime d'apprentissage va s'adresser en priorité aux jeunes de 16-24 ans, mais aussi aux travailleurs et travailleuses en emploi et aux adultes en général qui désirent suivre une formation professionnelle. Le régime sera accessible après la réussite d'une troisième année secondaire, qui est l'équivalent, dans le fond, de la neuvième année de nos parents.

Le régime est d'abord implanté, dans un premier temps, dans des secteurs cibles, des métiers qui présentent des perspectives d'emploi intéressantes immédiatement. Nous avons donc choisi de procéder par étapes afin de réaliser, le cas échéant, au fur et à mesure que ça se développera, les calibrages nécessaires. Alors, les métiers qui ont été retenus pour la première phase d'implantation sont les suivants – ça commencera immédiatement: production porcine, production laitière, conduite de véhicules lourds routiers, entretien de véhicules récréatifs, conduite et réglage de machines-outils à commande numérique, mécanique d'entretien de machines industrielles, tuyauterie industrielle, conduite et réglage de machines à mouler les plastiques, affûtage, classement de bois débité, mécanique de machinerie lourde, cuisine d'établissement, fabrication de moules, mécanique de machines à coudre industrielles, bobineur de moteurs électriques, débroussailleur, opérateur de fours en sidérurgie. La formation sera donc répartie entre l'entreprise et l'école.

L'école doit fournir aux apprentis un enseignement adapté dans les matières de base: la langue maternelle, la langue seconde, les mathématiques. Elle devra également enseigner les connaissances de base pour le métier visé. De son côté, l'entreprise sera chargée d'enseigner les compétences spécialisées nécessaires pour l'exercice du métier. Au sein de l'entreprise, ce sont des compagnons ou des compagnes qui seront responsables de la formation. Les partenaires du monde du travail ont établi les critères de sélection des compagnons. Cela est donc déjà réalisé. Ils ont également convenu que ces compagnons devraient recevoir une formation préalable de 135 heures.

Les apprentis recevront le même diplôme que s'ils suivaient une formation en établissement scolaire. Le régime d'apprentissage conduira à l'obtention d'un Diplôme d'études professionnelles ou d'une attestation de formation professionnelle dûment sanctionné par le ministère de l'Éducation. Les commissions scolaires devront transmettre au ministère de l'Éducation, pour fins de sanction d'études, les résultats d'évaluation des apprentis. Cette évaluation portera autant sur la formation offerte à l'école que sur la formation donnée au sein de l'entreprise. Les commissions scolaires doivent donc convenir d'ententes avec les entreprises pour assurer la jonction nécessaire entre les matières de base et l'apprentissage du métier.

Le ministère de l'Éducation élaborera – il est à le faire présentement – pour chacun des métiers les fiches d'évaluation requises ainsi que les outils nécessaires à la reconnaissance des compétences acquises. Tout le long de la formation, l'apprenti pourra recevoir une aide financière du ministère de l'Éducation, soit par le biais des prêts et bourses, et recevra aussi une rémunération de l'entreprise qui l'accueille. Le ministère de l'Éducation est à revoir les règles de financement adaptées au régime d'apprentissage. Quant à la rémunération des apprentis, elle sera établie de la façon suivante: les entreprises auront donc à débourser, pour la première année de l'apprentissage, 40 % du salaire d'un travailleur débutant diplômé; deuxième année, 60 %; troisième année, 80 %.

Les partenaires du milieu du travail ont convenu que le nombre de places d'apprenti dans une entreprise ne doit avoir aucun lien avec le niveau d'emploi. Cela signifie que les postes d'apprenti ne sauraient influer ni à la baisse ni à la hausse le nombre d'emplois au sein d'une entreprise.

Le régime d'apprentissage comporte évidemment des coûts pour l'entreprise. Ces coûts sont peu élevés, je pense, si l'on considère les règles fiscales en vigueur, notamment si l'on réfère au crédit d'impôt à la formation et aux coûts de formation admissibles en vertu de la loi du 1 %. La rémunération du compagnon, le salaire de l'apprenti seront admissibles au crédit d'impôt. L'entreprise bénéficiera d'un retour sur l'investissement d'environ le tiers des dépenses que l'apprentissage lui occasionnera. Par ailleurs, la somme résiduelle de ces dépenses, c'est-à-dire les émoluments du compagnon et de l'apprenti moins le crédit d'impôt, pourra être comptabilisée en vertu de la loi 90, la loi du 1 %.

Alors, c'est là un investissement pour les jeunes, pour l'entreprise, pour l'école, M. le Président. Le régime d'apprentissage a fait vraiment largement consensus entre tous les intervenants, qu'ils soient du milieu de l'éducation, du milieu des affaires, du milieu syndical, du milieu communautaire, et c'est évidemment pour des jeunes un nouveau débouché, un nouvel espoir de trouver une façon d'apprendre qui conviendra mieux à certaines et certains d'entre eux et qui leur permettra de s'intégrer au marché du travail.

L'un des premiers critères pour mesurer le degré d'avancement d'une société, c'est l'investissement qu'on consacre aux jeunes, à la relève. On est ce qui nous survit, n'est-ce pas, M. le Président. Alors, au Québec, nous avions le devoir de réagir devant un si fort taux de décrochage scolaire qui conduit à l'exclusion du marché du travail et à l'exclusion sociale. C'est un objectif social que nous partageons tous, j'en suis sûre, en cette Chambre. Cet objectif rejoint l'intérêt de l'entreprise. Je ne vais pas reprendre l'ensemble du discours sur l'importance des ressources humaines dans l'entreprise moderne, mais qu'il me soit permis de rappeler que, avec les développements technologiques, comme je le mentionnais tantôt, la formation est la clé, le grand déterminant dans cette période de compétitivité, la pierre angulaire de la réussite.

L'entreprise, M. le Président, a un défi important à relever, celui d'être un partenaire à part entière des jeunes de notre société. Le régime d'apprentissage va permettre de créer des ponts permanents entre l'école et l'entreprise. La circulation se fera bien évidemment dans les deux sens. Je pense que ça va être une voie royale pour fonder une collaboration durable et permettre aussi constamment d'actualiser les programmes de formation professionnelle selon les besoins du marché du travail.

Il ne s'agit pas de livrer nos jeunes aux entreprises, M. le Président, il s'agit de concevoir une réconciliation, d'une certaine façon, une sorte d'intimité entre l'école et l'entreprise où chacun va avoir à remplir pleinement sa mission, la mission de l'école étant de préparer des citoyens et la mission de l'entreprise étant de préparer des travailleurs bien formés. Alors, c'est là certainement une façon de mieux adapter nos programmes et de maximiser tous les investissements, publics et privés, qui seront faits dorénavant en formation professionnelle et technique dans l'enseignement des métiers. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre. Avant de céder la parole à la députée de Saint-François, je voudrais spécifier à ce moment que nous en sommes à l'étape de l'adoption du projet de loi n° 103. Donc, de ce fait, je présume que l'Assemblée a accepté de déroger à l'article 230.

Des voix: Adopté.

(17 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, nous allons maintenant céder la parole à la critique officielle de l'opposition, Mme la députée de Saint-François. Mme la députée.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. M. le Président, l'opposition officielle est d'accord avec l'adoption du projet de loi n° 103, qui modifie la loi sur le développement de la formation de la main-d'oeuvre et d'autres dispositions afin justement de créer un régime d'apprentissage qui est axé sur la formation en entreprise pour le secteur métier du secondaire. Ce projet de loi a été, bien sûr, endossé par l'ensemble des partenaires. Il faut dire qu'il fait suite à une promesse, à un engagement lors du dernier Sommet. Alors, bien sûr que l'opposition officielle est d'accord avec ce projet de loi.

Ce projet de loi n° 103 est un modeste pas vers un arrimage qui est beaucoup plus étroit entre l'école et le milieu du travail. Je dis modeste parce que, naturellement, il ne répond pas à l'ensemble des besoins, mais, quand même, c'est un pas dans la bonne direction. Bien sûr, si ça peut permettre aux nombreux jeunes, entre autres, qui ont de la difficulté à trouver du travail lorsqu'ils quittent l'école – même, souvent, ils décrochent avant de pouvoir avoir une formation adéquate – d'adhérer au marché du travail, tant mieux. On sait, M. le Président, cependant, que ça concerne seulement, pour la première année entre autres, 1 000 places de stage en entreprise pour 1 000 apprentis et, bien sûr, la formation aussi de 1 000 compagnons pour assurer la formation de ces élèves-apprentis en entreprise.

M. le Président, c'est un projet qui a déjà été expérimenté, entre autres dans la région de l'Estrie, peut-être pas du même modèle. Qu'on pense, par exemple, à l'Université de Sherbrooke, qui avait élaboré un programme, justement, d'alternance travail-études, la même chose aussi avec la commission scolaire Eastern Townships. Donc, ce genre de programme a déjà été expérimenté dans la région de l'Estrie et a connu un succès, aussi. Cependant, on sait qu'au cours des dernières années il y a peut-être eu un ralentissement compte tenu qu'il était beaucoup plus difficile de trouver des entreprises qui acceptaient de faire cette expérience. Je pense qu'avec ce projet, en aidant les entreprises, ça va sûrement permettre à plusieurs entreprises d'y adhérer.

Alors, M. le Président, bien sûr que c'est important pour les jeunes d'avoir cette culture de l'entreprise. Souvent, on étudie, on est sur les bancs de l'école, mais c'est toute une autre expérience que d'arriver dans le milieu de l'emploi. Donc, pouvoir alterner entre l'étude et le milieu du travail, je pense que ça va pouvoir permettre à ces jeunes d'adhérer davantage aux études, dans le sens qu'il y aura probablement moins de décrochage. Alors, M. le Président, je pense que c'est important.

Aussi, au niveau de la commission parlementaire, la ministre a répondu au grand nombre de nos questions. Il y avait, bien sûr, une inquiétude face aux décrets en général. Donc, la ministre a déposé un amendement aujourd'hui qui nous satisfait, ce qui veut dire que maintenant il n'y a pas d'obstacle quant à l'adoption de ce projet de loi. Nous avons terminé la commission parlementaire d'une façon, quand même, qui a permis de répondre à l'ensemble de nos questions.

M. le Président, la seule chose, cependant, que je souhaiterais, parce que je pense que c'est tout à fait important d'avoir ce projet de loi sur le régime d'apprentissage, mais je pense qu'il ne faut pas s'arrêter là. Le gouvernement va devoir aussi développer une véritable politique d'emploi chez les jeunes parce que, malheureusement encore, les jeunes sont le lot du chômage aigu dans toutes les régions du Québec. Alors donc, on souhaite, bien sûr, qu'avec ce programme d'apprentissage le gouvernement puisse déposer le plus rapidement possible une véritable politique d'emploi qui permettra non seulement aux jeunes d'avoir un emploi décent, mais aussi à tous les Québécois et les Québécoises qui désirent travailler. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Saint-François. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi n° 103? Est-ce que le projet de loi n° 103 est adopté?

Mme Caron: Vote nominal, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Vote nominal, donc...

Mme Caron: Je vous demande de le reporter à la période des affaires courantes de demain.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Pinard): Le vote sera reporté aux affaires courantes du mercredi 4 juin. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 49 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 126


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): La rubrique 49. M. le ministre du Travail propose l'adoption du projet de loi n° 126, Loi modifiant la Loi sur le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 126? Alors, M. le ministre du Travail.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, on propose le projet de loi n° 126 parce qu'on croit que nous avons atteint, au Québec, un stade de maturité, tant du côté syndical que patronal, et que cette maturité-là doit être reconnue une fois pour toutes.

Je rappelle aux membres de l'Assemblée que l'essentiel de ce projet de loi, c'est de permettre à un plus grand nombre d'associations d'employeurs et de travailleurs d'être représentées au sein du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

Il s'agit d'un organisme consultatif d'une très grande importance qui a comme mission première de conseiller le ministre en matière de législation et dans tout secteur touchant l'organisation du travail et le développement de la main-d'oeuvre. M. le Président, après bientôt 30 ans d'existence, il convient à mon avis de reconnaître formellement que d'autres groupes ont maintenant voix au chapitre dans le domaine des relations de travail. Ces groupes ont développé au cours des années une crédibilité certaine, et je dois dire qu'on ne peut plus exclure aujourd'hui des gens qui, par leur expertise, leur dévouement aussi, leur bénévolat, leur sens de l'entrepreneurship... on ne peut pas se priver de talents semblables. Et, au Québec, je trouve que, si on ne fait pas ça, on risque de compromettre l'esprit de concertation qui caractérise... cet esprit de concertation que nous avons développé et dont nous sommes très fiers aujourd'hui.

D'ailleurs, les sociétés industrielles avancées qui vivent à côté de nous nous envient d'avoir développé au Québec une façon exceptionnelle de concerter les partenaires que sont les syndicats, le patronat et le gouvernement. C'est dans cet esprit que le Québec doit continuer d'évoluer. C'est dans cet esprit aussi que nous devons mettre à contribution les forces vives de la société qui sont désireuses de contribuer à l'établissement et au maintien de relations de travail plus harmonieuses chez nous.

M. le Président, ce lieu de concertation, c'est le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Le projet de loi n° 126 vient consacrer la participation active des principaux acteurs en la matière. Et je trouve que cette institution, vieille de 30 ans, qui a fait ses preuves, qui mérite aujourd'hui d'avoir une plus large représentation, doit elle aussi faire son virage vers une plus grande représentativité. Il en a été ainsi, M. le Président, de la révision. Je pense à des exemples concrets où, par exemple, la concertation s'est bien exprimée. À trois reprises, M. le Président, de mémoire, à trois reprises le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre a élargi la participation de groupes intéressés à se faire entendre.

Ils ont élargi dans des cas particuliers. Je pense notamment à la révision de la Loi sur les décrets. Vous vous souvenez de cette révision. C'était important, ça, dans la vie du Québec. Je pense aussi à la réduction du temps de travail et également à la révision de la législation sur les licenciements collectifs. Alors, qu'est-ce que le Conseil a fait dans de telles circonstances? Il a invité des groupes à venir se joindre à lui pour pousser plus loin l'analyse, pour pousser plus loin l'expertise.

(17 h 40)

Alors, au fond si j'évoque ces trois exemples, M. le Président, avec l'aide d'exemples concrets, c'est pour démontrer que les membres du CCTM sont appelés à donner leur avis, et aussi souvent que le ministre l'exige, sur des incidences importantes, sur la situation des personnes syndiquées et non syndiquées. Je veux vous assurer que cette dimension est largement prise en compte dans les travaux. Par ailleurs, dans la situation où le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre aurait avantage à inclure des groupes spécifiques pour l'étude de certains sujets, il y a déjà le devoir de promouvoir et de former des groupes spéciaux qui peuvent s'adjoindre aux membres sur une base temporaire. Autant l'expérience vécue jusqu'à maintenant a été concluante, autant, maintenant, il faut en tirer toutes les conclusions et amener des organismes qui, à ce jour, n'ont pas réussi à siéger au Conseil.

Enfin, M. le Président, comme ministre du Travail, j'ai aussi la responsabilité d'adapter les normes du travail à l'évolution des besoins des personnes, du marché du travail de même que de l'économie. Les nombreux projets de loi modifiant la Loi sur les normes du travail, les études en cours sur les travailleurs autonomes attestent de l'exercice de cette responsabilité par le gouvernement du Québec. À cet égard, le Conseil consultatif s'est avéré un lieu de concertation efficace et ses avis ont éclairé la prise de décision gouvernementale.

M. le Président, c'est un projet de loi qui aujourd'hui vient consacrer ce que bien des gens attendent depuis très longtemps, c'est qu'on l'élargisse, cette représentation-là, et qu'enfin entreront au Conseil des organismes syndicaux et des organismes patronaux qui, à mon avis, ont l'expertise, la compétence, la volonté et surtout le goût de s'impliquer dans la modernisation des relations du travail au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre du Travail. Nous allons maintenant céder la parole au député d'Argenteuil et critique officiel de l'opposition. Alors, M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec beaucoup d'attention le ministre du Travail nous faire part des raisons motivant le projet de loi n° 126. Vous allez comprendre qu'avec les changements que le ministre nous propose, qui ne sont pas des changements énormes dans le fonctionnement du CCTM, actuellement on accepte qu'une plus grande démocratisation puisse jouer son rôle, c'est-à-dire de se mettre à jour. Alors, on va accepter de nouveaux organismes à l'intérieur du CCTM qui vont pouvoir influencer les décisions et aussi peser le poids de tous les événements qui surviennent dans le cours du travail et de la main-d'oeuvre au Québec.

Mais il y a un élément important, M. le Président, qui me frappe. Dans mes lectures sur le sujet, non seulement sur le CCTM mais sur tout l'emploi et le travail, il y a un élément qui me frappe, et qui me frappe vraiment de façon importante, c'est que les structures sont toujours en retard sur la culture. Les structures, M. le Président, c'est le CCTM. Le CCTM, on fait une mise à jour aujourd'hui. On veut introduire, faire rentrer au bercail les organismes qui ne siègent pas au sein du CCTM mais qui devraient siéger et qui sont présents dans le milieu depuis de nombreuses années, mais, en même temps, M. le Président, on oublie un secteur important de tous les travailleurs et les travailleuses au Québec, qui sont les travailleurs et les travailleuses non syndiquées et les travailleurs et les travailleuses autonomes. Alors, quand je dis que les structures sont en retard sur la culture, je transmets bien humblement que les structures, qui sont le CCTM, que l'on essaie de mettre à jour, on les met à jour et déjà elles sont en retard. Déjà, elles sont en retard parce que justement on n'intègre pas 60 % des travailleurs, on n'intègre pas le grand nombre des nouveaux travailleurs, des nouveaux arrivants sur le marché du travail qui sont les travailleurs autonomes qui, eux, n'auront pas voix au chapitre au sein du CCTM.

Je rejoins encore ce que je disais: Les structures sont en retard sur la culture. Je voudrais que le ministre du Travail puisse saisir cette importance. Et ce n'est pas uniquement dans le projet de loi en présence de nous ce soir, c'est sur un ensemble de structures où nous ne pouvons pas suivre actuellement les développements technologiques, les développements qui surviennent aujourd'hui dans le monde économique, dans le monde du travail, sur la fiscalité, sur les aménagements que nous devons faire. Pour moi, on ne peut pas, et on l'a déjà dit, M. le Président, on ne veut pas et on ne peut pas aller à l'encontre de la démocratisation que le ministre nous propose aujourd'hui; bien au contraire, on est tout à fait favorables à cette mesure, et c'est un signe d'ouverture de sa part.

Mais je lui traduis encore son retard, retard qu'on aurait pu corriger si le ministre avait pu choisir en même temps, au lieu de l'augmenter de deux, de l'augmenter de quatre ou de six, de sorte qu'on aurait pu introduire à l'intérieur du CCTM des corps représentant les travailleurs non syndiqués et les travailleurs autonomes. Si nous croyons que le développement du travail aujourd'hui passe par les travailleurs autonomes et les travailleuses autonomes, alors on aurait dû aller de l'avant et se mettre à l'avant-garde et non pas être encore en retard, et se mettre de l'avant pour... Vaut mieux toujours prévenir que guérir, M. le Président. Alors, ç'aurait été une mesure où on aurait usé de prévention plutôt que de guérison.

Alors là, nous sommes à la remorque. On essaie de corriger une situation qui, au fond, aurait dû être corrigée il y a déjà longtemps. Mais en même temps on en reconnaît une autre qui est existante, et le ministre l'a reconnu l'autre jour d'ailleurs en Chambre, que les travailleurs autonomes constituaient un élément important et les travailleurs non syndiqués tout autant. Alors, au lieu de prévenir cette situation, on va encore attendre, puis, dans un certain temps, nous reviendrons à la charge pour corriger une situation au lieu de la prévenir.

J'aurais souhaité que dans le projet de loi le ministre ait une ouverture à ces corps de travailleurs et de travailleuses qui représentent 60 % de la population des travailleurs et des travailleuses du Québec. Ce n'est pas banal, c'est la majorité des travailleurs. Mais, malheureusement, dans les structures, on va encore être en retard, en réaction à une situation au lieu de prévenir. Dans cette orientation, le ministre aurait très bien pu proposer d'inclure un nombre plus grand de représentants au CCTM qui auraient couvert cette partie importante des travailleurs, d'une part, mais une partie en progression, parce que c'est la partie la plus importante actuellement de tous les nouveaux travailleurs. La majorité s'en vont comme travailleurs autonomes. Et la prévention aurait été, il me semble, de bon aloi dans cette démarche où on a complètement oublié et les travailleurs non syndiqués et les travailleurs autonomes, d'une part et d'autre part.

Et je dis au ministre de ne pas oublier ce groupe de travailleurs et que, comme le projet de loi est déjà très avancé, il est difficile d'y mettre un papillon, au point où nous en sommes, puis de recommencer les argumentations pour un projet de loi, dans le fond, qui était banal. Ce n'était que de démocratiser la structure pour répondre à la culture. Alors, je dis au ministre: Ne l'oubliez pas, revenez avec un simple projet de loi aussi simple, aussi rapide, qu'on acceptera volontiers rapidement. Et on va répondre à son désir lorsqu'il arrivera avec un projet de loi qui rétablira la culture avec la structure. Merci, M. le Président.

(17 h 50)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le ministre, vous avez un droit de réplique.


M. Matthias Rioux (réplique)

M. Rioux: Très brièvement, M. le Président, juste pour rappeler au député d'Argenteuil, et ça ne surprendra personne, que je partage largement les remarques qu'il vient de faire. Je lui souligne, par ailleurs, que nous avons la Loi sur les normes du travail qui protège dans une large mesure les personnes, les femmes et les hommes non syndiquées au Québec. 41 % des travailleurs et des travailleuses sont syndiqués au Québec, et la loi des normes minimales les protège. Est-ce que ça les protège suffisamment? Je reconnais volontiers qu'on aurait peut-être un réexamen à faire là-dessus au cours des prochaines années.

J'aimerais juste dire au député que, lorsqu'il évoque le travail autonome, les emplois atypiques, les emplois précaires, ma collègue de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Solidarité et moi, nous sommes en train de travailler ensemble, en collaboration, à l'élaboration d'un document d'analyse sur la situation de l'emploi autonome et des emplois précaires au Québec. Ça va peut-être nous amener un jour à redéfinir la notion de salarié et donner raison ou encore répondre aux attentes du député d'Argenteuil.

J'aimerais lui dire une dernière chose. Bien sûr, le Conseil va passer de 10 à 12 membres, le quorum, de sept qu'il est aujourd'hui, passera à neuf, etc., mais j'aimerais qu'il retienne une chose. Il n'a pas, en ma personne, quelqu'un qui est marié avec les corporatismes, quels qu'ils soient, qu'ils soient syndicaux ou patronaux; j'aimerais qu'il retienne ça. Je sais que les gens qui siègent au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre viennent d'organisations structurées; c'est vrai. Mais je dis à mon collègue que nous allons franchir cette étape de démocratisation, d'élargissement. Ce n'est pas banal, je tiens à le lui souligner, mais, au cours des prochains mois, des prochaines années, je pense qu'il faudra se rendre un jour à la suggestion du député d'Argenteuil. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre du Travail. Comme il n'y a plus d'interventions sur le projet de loi n° 126, le projet de loi n° 126, Loi modifiant la Loi sur le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Compte tenu de l'heure, je vous demande de suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous suspendons les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 53)

(Reprise à 20 h 2)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Nous reprenons nos travaux aux affaires du jour, et j'inviterais M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances à nous indiquer l'affaire à l'ordre du jour.

M. Landry (Verchères): Oui. Je n'ai jamais rêvé d'être leader, M. le Président, mais tout arrive dans ce métier-là. Alors, je vous demanderais – ha, ha, ha! – comme font les leaders quand ils sont là, d'appeler l'article 37 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 95


Reprise du débat sur la prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): Avec plaisir, M. le ministre. L'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 95, Loi instituant le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Alors, M. le...

M. Landry (Verchères): C'est la poursuite.

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est la poursuite. Alors, très bien. Nous sommes maintenant à l'intervenant du groupe parlementaire de l'opposition. M. le député de l'Acadie, je vous cède la parole.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je tenais à intervenir à cette étape-ci de l'étude du projet de loi n° 95 concernant le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Si j'ai tenu à le faire, c'est en partie étant donné l'importance de cette question quand on connaît tous les effets néfastes qu'a la pauvreté dans notre société, et malheureusement la présence de plus en plus grande de cette calamité, si on veut, au sein de la société québécoise.

M. le Président, peut-être rappeler d'abord que le projet de loi a pour objet la constitution du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Ce fonds est affecté au financement de mesures visant à lutter contre la pauvreté en favorisant l'intégration au travail des personnes démunies. Évidemment, il est bien clair que l'opposition est d'accord avec l'objectif poursuivi par le gouvernement de lutter contre la pauvreté. Je mentionnais tout à l'heure les effets néfastes et tout le désespoir que crée la pauvreté au sein de la société québécoise, et nous ne serons certainement pas ici pour blâmer le gouvernement de prendre des mesures pour s'attaquer à cette difficulté que rencontrent nombre de nos concitoyens. Cependant, il faut peut-être mentionner que, là où nous avons des doutes sérieux et des questions, c'est sur les moyens que prend le gouvernement pour créer ce fonds.

Alors, je voudrais juste peut-être signaler que la création du fonds se fait essentiellement à partir d'une nouvelle taxe, un nouvelle taxe de 250 000 000 $, et c'est de cette façon-là que le fonds va être constitué, 250 000 000 $ sur trois ans, et ce moyen-là ne nous paraît pas celui qui est le plus approprié pour s'attaquer à cette question. Quand on regarde concrètement ce qui va se passer quand on parle d'une nouvelle taxe, le ministre responsable l'a très bien expliqué au moment de sa déclaration ministérielle, et je vais juste citer un extrait de sa déclaration. Il nous mentionnait «les particuliers et les entreprises seront donc appelés à contribuer en parts égales au financement de ce fonds. Cette contribution de solidarité s'élèvera à environ 250 000 000 $ sur trois ans, soit 125 000 000 $ provenant des particuliers et 125 000 000 $ provenant des entreprises».

Alors, pour les particuliers, M. le Président, ça veut dire essentiellement une contribution qui va être égale à 0,3 % d'impôts à payer en surplus. Pour ce qui est de la contribution exigée des sociétés, elle sera égale à 2,8 % de leur impôt à payer pour l'année. De plus, une contribution additionnelle sera exigible des sociétés reconnues comme institutions financières, notamment les banques et le Mouvement Desjardins, par l'application de la taxe sur le capital.

Alors, M. le Président, qu'est-ce qu'on fait? On crée encore une nouvelle taxe et on vient avec ça essayer de réduire les effets de la pauvreté. Mais, une nouvelle taxe, on connaît très bien les effets de ça. C'est une façon de ralentir l'économie, essentiellement. Je dois vous dire probablement qu'une des choses qui n'étaient pas tellement claires aussi... Parce qu'on a fait référence au fait qu'il y avait un accord de tous les partenaires vis-à-vis de la création de ce fonds, mais il faudrait peut-être signaler également qu'au moment où les partenaires étaient prêts à accentuer la lutte à la pauvreté en créant ce fonds-là, qui est un poids additionnel pour les entreprises et qui est en même temps un frein étant donné que c'est de l'argent en moins disponible pour la création d'emplois, le gouvernement faisait référence à la solidarité qui avait été manifestée par les partenaires. Mais, en même temps qu'on crée ce fonds-là, on s'aperçoit essentiellement, dans le discours du budget ou les crédits de l'année 1997-1998, qu'il y a une coupure de 63 000 000 $ au ministère de l'Emploi et de la Solidarité et de la Condition féminine dans le programme de réinsertion au travail des personnes qui sont démunies.

Alors, d'un côté, M. le Président, on va chercher 83 000 000 $ cette année pour créer le Fonds de solidarité, on le fait payer par les particuliers et par les entreprises, et le gouvernement retire, de l'autre côté, 63 000 000 $ du budget du ministère de l'Emploi et de la Solidarité qui étaient affectés à cette question-là, la réinsertion au travail des plus démunis. Alors, ça, M. le Président, ce n'était probablement pas très, très clair dans l'esprit des partenaires, parce qu'eux pensaient qu'on accentuait la lutte à la pauvreté, mais on n'accentue pas, on récolte d'un côté et on retire de l'autre bord ce qui était déjà disponible. Alors, à toutes fins pratiques, l'effet de toute cette question-là, ce sera un budget peut-être supplémentaire de 20 000 000 $ et non pas de 83 000 000 $, comme le prétendait le gouvernement.

J'ai fait référence tout à l'heure au fait que, sur ce moyen, on avait évidemment des doutes sérieux, quand on connaît la dynamique, au fond, des taxes. Et je voudrais juste rappeler au ministre des Finances un extrait de son budget où il nous disait, dans le budget de 1997-1998: «Un niveau trop élevé d'impôts sur le revenu nuit à la création d'emplois, les particuliers et les entreprises préférant limiter leurs efforts productifs ou les déployer dans des régions où ces efforts sont moins taxés. Il y a donc un danger d'appauvrissement collectif et individuel lié à un trop lourd fardeau pour ceux et celles qui travaillent. Le Québec est déjà dans la zone rouge à ce chapitre.»

Alors, c'est difficile de comprendre le message du gouvernement. D'un côté, le ministre des Finances nous dit ça dans son discours et, de l'autre côté, il crée une taxe pour atténuer la pauvreté alors qu'il vient de nous dire ici que c'est un facteur d'appauvrissement collectif, l'augmentation des taxes, à la fois pour les particuliers et les entreprises.

C'est bien clair, M. le Président, plus de taxes, pour les entreprises, ça veut dire moins d'argent disponible pour la création d'emplois et, plus d'impôt pour les particuliers, ça veut dire moins d'argent disponible pour la consommation. S'il y a moins de création d'emplois, s'il y a moins de consommation, il y aura évidemment moins d'emplois disponibles, moins de demande. Et, à ce moment-là, c'est exactement là que commence le problème. Quand les gens ne travaillent pas, ils se retrouvent après un certain temps dans un état de pauvreté relative et, à ce moment-là, on doit aussi remarquer qu'il y a moins de revenus pour le gouvernement. Et, comme il y a moins de revenus pour le gouvernement pour faire face à des difficultés comme la question de la pauvreté ou les services publics, on augmente les taxes, on crée de nouvelles taxes et, à ce moment-là, on entretient les cercles vicieux. Alors, c'est un exemple, ici, dans le cadre du projet de loi n° 95, de l'incohérence du gouvernement à ce niveau-là.

Il faut rappeler que cette taxe-là est payée en partie par les particuliers et les entreprises, mais ça s'ajoute aussi à toute une série de taxes qui ont été présentées par le gouvernement actuel depuis qu'il est au pouvoir. Je vais juste en citer quelques-unes, on pourrait en citer un grand nombre, mais je vais juste mentionner, par exemple, au niveau des particuliers, une augmentation de la TVQ de 6,5 % à 7,5 % qui va commencer le 1er janvier 1998. C'est les particuliers qui vont payer l'effet de cette politique.

(20 h 10)

On a vu des impôts minimums, au niveau des particuliers; on a vu des changements au niveau de la récupération de certains crédits d'impôt, qui vont apporter des revenus supplémentaires au gouvernement, payés par les particuliers; l'augmentation des tarifs d'électricité de 2,5 %, à Hydro-Québec, alors que l'augmentation du coût de la vie était de 1 %; les frais de services, à Hydro-Québec, encore là, ça va rapporter au gouvernement 17 000 000 $, payés par les contribuables.

Au niveau des municipalités, on parle du pelletage et du transfert des responsabilités aux municipalités et on leur a envoyé une facture, cette année, de 500 000 000 $. C'est inévitable, M. le Président, qu'un jour ou l'autre cette facture-là va se répercuter dans le compte de taxes foncières chez les particuliers. On l'a vu, d'ailleurs, très bien au niveau des commissions scolaires. Il faut rappeler que, dans les commissions scolaires, on a coupé, en 1996, 77 000 000 $, en 1997, 100 000 000 $, puis quel a été l'effet de ça? Augmentation du compte de taxes scolaires, par exemple, sur l'île de Montréal, de 17 % la première année, de 23 % la deuxième année et possiblement que le compte doublera l'année prochaine. M. le Président, je pourrais continuer. L'assurance-médicaments, etc.

Alors, on a créé, au fond, des conditions dans lesquelles de plus en plus de personnes se retrouvent en état de pauvreté et on veut régler le problème de la pauvreté en créant de nouvelles taxes pour les entreprises et limitant, de cette façon-là, leur possibilité d'action au niveau de la création d'emplois. On va même en chercher chez les particuliers.

Alors, je pense, M. le Président, que, sur ce côté-là, c'est là qu'on avait des réserves. Ce n'est pas sur le fonds. Sur le fonds, on est d'accord, mais, de la façon dont le gouvernement procède actuellement, évidemment, on pense que ce n'est pas la bonne façon et que ça va peut-être accentuer certains problèmes chez certaines catégories d'individus.

Alors, je vais clore là-dessus, M. le Président, comme vous me faites signe que mon temps est terminé. Encore une fois, nous allons être d'accord avec le projet de loi présenté par le gouvernement, nous allons l'appuyer, mais, évidemment, nous déplorons la façon dont le gouvernement le fait, qui est une façon, encore une fois, assez déguisée, comme on l'a fait dans la création de multiples taxes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de l'Acadie. Je vais maintenant céder la parole... Oui, vous pouvez utiliser votre droit de cinq minutes.

M. Landry (Verchères): J'aurais droit à cinq, je vais en prendre juste une.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Je vous demande quand même une directive. Le fait que j'utilise mon droit de réplique ne privera pas mon collègue de son droit d'intervention immédiatement après moi...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, ça ne le prive...

M. Landry (Verchères): ...puisqu'on est dans la procédure de prise en considération?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, ça ne le prive pas. Vous pouvez intervenir après chaque discours, quelle que soit la provenance du discours.

M. Landry (Verchères): Bon, bien, je vous remercie. Je n'abuserai pas de mon droit, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Je vous remercie de me confirmer. Il y a un mot, là, que le député de l'Acadie a employé et qui m'a fait sursauter parce qu'il n'est pas exact et qu'il n'a rien à voir avec la réalité. Il a parlé de «déguisée». Il n'y a rien de déguisé là-dedans. Ça a été décidé devant les caméras de la télévision, au Sommet de Montréal, après des négociations et des discussions où, dans un geste de solidarité sans précédent et non pas déguisé, mais le plus ouvert qu'on puisse imaginer, les partenaires ont décidé qu'il fallait, par impôts et taxes, prélever les montants nécessaires à la lutte à la pauvreté par la réinsertion à l'emploi.

Alors, dès la prise de décision collective et communautaire, c'était le contraire d'un déguisement, c'était une proclamation de solidarité. Et, par la suite, bien, ça a été la procédure régulière, c'est-à-dire que dans le budget, qui est loin d'être un document déguisé, qui est le document gouvernemental le plus couvert probablement de l'année politique, à quelques exceptions près et encore, il a été statué quels seraient les montants, quelle serait la durée du prélèvement, on a même fait une adéquation entre la contribution de chacun et une heure travaillée. Est-ce que c'est déguisé, ça? On a même fait un effort pédagogique pour bien démontrer à chacun et chacune que sa solidarité équivalait à une heure de son temps durant l'année.

Alors, je comprends que le député était probablement en toute bonne foi, mais il faut quand même se souvenir que les mots sont enregistrés, ce qu'on prononce dans notre Assemblée nationale va dans le Journal des débats , et qu'on ne peut pas dire n'importe quoi, même quand on veut accabler le gouvernement, se considérant, dans l'opposition, comme étant les dépositaires de ce devoir.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Abitibi-Ouest. M. le député.


M. François Gendron

M. Gendron: Oui, M. le Président, assez rapidement. J'ai été, moi aussi, un peu renversé, «renversé» serait un terme inexact, mais j'ai trouvé que le député de l'Acadie, au nom justement de cette tradition peut-être parlementaire d'avoir le droit de répliquer sur un projet de loi et de prendre l'habitude de dire: On va être d'accord pour le principe du projet de loi, on va être d'accord là-dessus, on n'a pas d'objection en principe, mais ce n'est pas la bonne manière, ce n'est pas la bonne façon... Puis on critique la manière, alors que ce n'est même pas la nôtre.

Je voulais quand même rappeler, parce que j'ai été membre de la commission lorsqu'on a étudié le projet de loi article par article, et, moi, je voudrais faire trois, quatre considérations. La première – et j'invite tous les parlementaires à être très attentifs – c'est effectivement un geste de très, très grande solidarité sociale, un peu unique, que des entreprises, sachant les mêmes choses que le député de l'Acadie nous a dites, que, règle générale, si le niveau de taxation est très élevé, ça a une portée difficile sur la relance, sur l'emploi, ainsi de suite, et ces gens-là étaient présents et ils savaient exactement cette théorie-là, et l'ensemble des intervenants du Sommet socioéconomique conviennent, justement parce qu'on a un déficit élevé, justement parce que le niveau de l'emploi est difficile, justement parce qu'il y a de plus en plus d'exclus dans cette société dite riche, alors qu'il y a de plus en plus de gens que ce n'est pas ce qu'ils constatent, et là des gens conviennent, au vu et au su de tout le monde, avec les caméras puis avec tout ce que j'appelle «l'événement médiatique qui a entouré ces choses-là» – ha, ha, ha! – de se faire accuser. Puis je prends des mots, là: C'était confus, c'était incohérent. C'était ça, les propos du député de l'Acadie tantôt: Il y avait de l'incohérence dans nos affaires, on a récolté d'une main ce qu'on a semé de l'autre. Des phrases clés, tu sais, des phrases passe-partout pour faire un 10 minutes alors que ça n'a rien à voir.

Je me rappelle très bien, le Sommet, il a eu lieu, M. le Président, en septembre-octobre, en termes de préparation, et le dernier jour d'octobre puis le premier de novembre en termes de tenue. O.K.? Il s'est tenu là. Et, de tout temps, à ce moment-là, les crédits budgétaires des différents ministères sectoriels, ils ne sont pas prêts, ils ne sont pas faits. On finalise cette opération dans des mois qui suivent. De nous dire aujourd'hui qu'on aurait demandé à ces gens-là de contribuer dans un fonds de lutte à la pauvreté pour faciliter la réinsertion sociale, entre autres, d'un certain nombre d'exclus et en même temps de permettre ce qu'on appelle de plus en plus, dans un vocable qui est connu, «l'économie sociale», de faciliter des mesures d'économie sociale, ça, là, au Sommet, on a convenu de ça.

Il nous arrive en commission parlementaire puis il dit: Lorsque les crédits ont été déposés, la ministre de l'Emploi a demandé à ses fonctionnaires et dans le ministère un effort budgétaire comme les autres, donc c'est incohérent. Il n'y a aucune incohérence. Au Sommet, on a créé le Fonds de lutte à la pauvreté, mais en même temps on a convenu qu'il serait logique de tout mettre en oeuvre pour que, dans un échéancier public connu, on arrive au déficit zéro alentour de l'an 2000. C'est les mêmes intervenants qui ont convenu de ça. Il n'y a aucune espèce d'incohérence et – je vous le dis comme je le pense – ça me choque d'entendre des propos qui n'ont pas d'allure par rapport aux faits.

Alors, essentiellement, mon propos, il n'est pas compliqué. Tout le monde était unanime là-dessus: unanimité des intervenants au Sommet, unanimité de l'opposition, unanimité sur le principe, unanimité en commission. Mais, sur le rapport, on va placoter puis on va dire des choses qui ne correspondent pas à ce qui s'est passé? On ne peut pas laisser passer ça, M. le Président. Et c'est un peu ça qui fait qu'on a des problèmes des fois avec l'image des politiciens, parce que, dès qu'on touche à ça, on est porté à tous nous mettre dans la même poche, puis c'est avec des discours comme on entend ici parfois, qui sont complètement en dehors de toute réalité objective... C'en était un, ce que j'ai entendu tantôt.

(20 h 20)

Il n'y a pas d'incohérence, c'est un geste de solidarité sociale sans précédent, c'est humanitaire et ça correspond à la volonté d'un certain nombre d'intervenants qui sont des partenaires sociaux du Québec, qui sont des partenaires économiques du Québec, des partenaires sociaux, puis ils disent: Tout ce qui a été essayé, là, en laissant supposément l'argent dans les poches des entreprises, puis ainsi de suite, si c'était le miracle puis si c'était la seule façon de faire, comment ça se fait qu'on a progressé dans le nombre d'exclus? Expliquez-moi ça. Comment ça se fait qu'on a progressé dans le nombre d'exclus au fil des ans dans la société? C'est qu'il doit y avoir lieu de temps en temps d'apporter des gestes beaucoup plus d'éclat, beaucoup plus serrés qui permettent effectivement d'arriver avec des correctifs précis sur un objectif déterminé. Et c'est le cas.

Alors, moi, c'est évident, M. le Président, je vais être pour, mais je vais être pour tout le temps puis je n'aurai pas cette fausse hypocrisie de faire accroire que: C'est bon, on est d'accord, mais ce n'est pas la bonne façon, parce que c'est celle du consensus du Sommet socioéconomique. C'est quoi, cette affaire-là?

Alors, moi, je prétends qu'il n'y avait pas d'autre façon de créer un fonds. Puis, juste un mot – il n'en a jamais parlé, lui – on veut tellement être certain que ça se fasse correctement et que ça serve pour les fins pour lesquelles on l'a prévu qu'on a créé un comité aviseur. Je n'ai pas le temps, mais j'aimerais ça, avoir le temps de vous parler des gens du comité aviseur là-dessus. C'est des sommités, au Québec, c'est des gens qui ont une personnalité très appréciée dans différents secteurs de l'activité économique québécoise et c'est eux qui vont être les chiens de garde de la surveillance, de l'application des sommes qui seront versées aux concernés afin que les objectifs soient rencontrés, à savoir: ça ne peut servir qu'à de la réinsertion sur des types d'emplois, qui va motiver des gens à essayer de se sortir de cette poche de pauvreté qui, malheureusement, grandit tout le temps.

Et, moi, il me semble que, que des intervenants sachent que parce qu'on est endetté puis qu'on est en difficulté ils prennent le temps de se concerter pour créer un fonds de lutte à la pauvreté, c'est un plus social au Québec, c'est une garantie additionnelle, au Québec, qu'on sait faire les choses, qu'on a assez de conscience sociale pour, de temps en temps, dire: On oublie nos petits bilans personnels puis on se concerte pour avoir une action très précise qui va permettre d'amener un peu plus d'espoir chez des gens qui souhaitent de temps en temps, avec raison, avoir un peu plus de chance de s'en sortir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Abitibi-Ouest. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Robert-Baldwin. M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Merci, M. le Président. Nous étudions aujourd'hui le projet de loi sur la constitution du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Ce fonds est affecté au financement des mesures visant à lutter contre la pauvreté en favorisant l'intégration au travail des personnes démunies. Je voudrais, comme le député qui a parlé avant moi, rappeler qu'il y avait eu consensus au Sommet du printemps dernier pour créer un tel fonds. Cependant, M. le Président, et je voudrais ajouter, mais avec beaucoup de modération et en étant très, très factuel... C'est que, au moment où ce gouvernement, le gouvernement du Parti québécois, crée un fonds de lutte pour enrayer la pauvreté, eh bien, de l'autre côté, je vais vous faire une liste des coupures qui ont été faites aux bénéficiaires de l'aide sociale sur les deux dernières années.

D'abord, le fameux projet de loi n° 115, qui a entraîné des coupures de 145 000 000 $. Je vous rappelle que c'est un projet de loi qui a été passé sous le bâillon, à toute vapeur à la fin de la session, la session intensive. Suite à ça, eh bien, il y a eu la baisse des barèmes de participation. Ce n'est pas gros, M. le Président, pour un assisté social, c'était 30 $; pour le gouvernement, c'était un 15 000 000 $. Mais, vous savez, 30 $ pour quelqu'un qui est sur l'assistance sociale, eh bien, c'est très important.

Ensuite, ce n'était pas assez, l'abolition du barème de non-disponibilité, un autre 50 $, coupure du gouvernement du Parti québécois, 30 000 000 $ dans les coffres. Le gouvernement du Parti québécois a ensuite aboli les avoirs liquides pour le mois de la demande, coupure additionnelle: 26 000 000 $. Le gouvernement du Parti québécois a coupé dans l'allocation-logement, une autre coupure qui rapporte 38 000 000 $.

M. le Président, nous avons discuté longtemps ici – vous étiez là – du dossier d'assurance-médicaments. Eh bien, les gens qui reçoivent des prestations de la sécurité du revenu, les assistés sociaux, doivent contribuer pour 60 000 000 $ à ce régime. Je vous rappelle que nous avons toujours indiqué que c'était plus de 250 000 000 $, 260 000 000 $. Eh bien, l'autre 200 000 000 $, ce sont les personnes aînées, les personnes aînées de notre société qui doivent contribuer à ce fameux régime d'assurance-impôt-médicaments.

Ce n'était pas assez, M. le Président. Ça fait deux ans et demi que ce gouvernement est au pouvoir. On continue: coupures dans les mesures de développement en employabilité: 27 900 000 $. Ça, ça va aider à créer de l'emploi! Coupures dans les mesures d'intégration à l'emploi, c'était le fameux programme PAIE, P-A-I-E, 15 000 000 $ de récupération. Désengagement au niveau des soins dentaires et optométriques, le délai d'admissibilité passe de six mois à 12 mois; diminution du niveau de la fréquence: tous les deux ans. Coupures dans les besoins spéciaux, et je vous rappelle également le projet de loi n° 84 – coupures de 7 000 000 $, presque 8 000 000 $ – qui prévoyait l'abolition du crédit d'impôts fonciers.

M. le Président, dans la seule année de 1996-1997, il y a eu récupération de plus de 250 000 000 $ auprès des gens les plus démunis de la société, les assistés sociaux. Ça, c'était 1996-1997.

Maintenant, 1997-1998. Eh bien, grosse consolation! Au lieu de couper 250 000 000 $, on va couper 200 000 000 $ cette année. Imposition des prestations d'aide sociale, 50 000 000 $. Abolition de l'impôt foncier, 10 $ par adulte, 1 $ par enfant; récupération de coupures du gouvernement péquiste: 46 000 000 $. Abolition du barème de non-disponibilité pour les femmes monoparentales ayant à charge des enfants de cinq ans: perte de 100 $ par mois; 3 000 000 $ de récupérés. L'attestation médicale pour remboursement de l'ambulance et transport médical par taxi: récupération, on a augmenté les franchises pour récupérer un autre 6 000 000 $.

M. le Président, on pourrait poursuivre de plus en plus. La réserve que je voulais apporter aujourd'hui dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 95, eh bien, c'est que, d'un côté, on crée un fonds pour lequel il y a eu consensus et, de l'autre côté, parce qu'on sait qu'il y a un fonds qui va être créé, eh bien, on va chercher l'argent chez les plus démunis de notre société.

Les prestations aux assistés sociaux sont bien en deça des besoins essentiels reconnus. Les prestations d'aide sociale pour une personne seule sont un peu moins de 8 000 $, alors que, pour vivre à Montréal, plus de 16 000 $ seraient nécessaires. Même le Protecteur du citoyen lançait un sérieux avertissement au gouvernement: «La réforme ne réglera en rien la pauvreté au Québec. Certaines mesures ne feront même qu'augmenter la pauvreté.» Et c'est pourquoi, M. le Président, nous avons un taux de pauvreté ex aequo avec la province la plus pauvre au Canada, malheureusement, Terre-Neuve, et c'est un taux de 20,6 %.

M. le Président, je me suis amusé à regarder une autre liste. Je ne vous ferai pas l'énumération, mais c'est la liste de nouvelles structures mises en place par le gouvernement. Ça, le gouvernement du Parti québécois, ils sont bien bons, 36 structures nouvelles en deux ans et demi, il faut le faire: trois agences, trois centres administratifs, huit commissions, huit fonds avec différentes missions, deux secrétariats et des dizaines d'autres structures.

M. le Président, c'est ça, le résultat de deux ans et demi d'un gouvernement et c'est pour ça que j'insiste pour dire que notre formation, même si on est d'accord avec la création du Fonds de lutte à la pauvreté, eh bien, nous constatons et nous avons déposé les faits qui démontrent que le gouvernement, d'un autre côté, a été chercher les argents auprès des gens les plus démunis de notre société.

Ce matin, Mme Françoise David et Mme Lorraine Guay nous rappelaient Du pain et des roses , un rappel et un appel: «Deux ans demain que nous arrivions par milliers sur la colline parlementaire. Nous étions portées par une vague de mobilisation sans précédent de citoyennes et de citoyens issus de tous les secteurs de la société québécoise qui avaient trouvé dans la marche des femmes Du pain et des roses le moyen de dire non à l'appauvrissement et à l'exclusion des femmes, de ces enfants, de ces hommes qui forment le quart de la population québécoise. Raison d'être inquiètes et fâchées, nous n'avons obtenu qu'une faible augmentation du salaire minimum et rien n'indique que le gouvernement entend s'attaquer à cette situation dans les mois qui viennent. Nous avons obtenu l'application de la loi des normes minimales de travail aux personnes participant à des mesures d'employabilité, mais c'est une goutte d'eau dans la mer des compressions répétées que le gouvernement a assenées aux prestataires de l'aide sociale depuis un an.»

(20 h 30)

M. le Président, ce sont des représentantes de l'Association des femmes qui nous donnent leur perception sur les décisions qui ont été prises par le gouvernement du Parti québécois et jusqu'à quel point ces coupures ont fait mal aux gens, aux bénéficiaires, aux prestataires de l'aide sociale et jusqu'à quel point elles font mal à leurs familles.

Il existe des solutions de rechange, M. le Président, et le chef de l'opposition, ce matin, y a fait référence, c'est dans le document Garantir l'avenir , document du Parti libéral qui a été approuvé au 27e congrès des membres au mois de mars dernier, où, tout de suite, dès la proposition 1, le Parti libéral du Québec indique qu'il est le parti de tous les Québécois, qu'il est le parti de l'égalité de toutes les personnes, sans distinction d'origine, de sexe, d'orientation sexuelle, de culture et de condition économique et sociale. Les objectifs du futur gouvernement du Parti libéral seront de rendre la société québécoise plus prospère, de garantir aux Québécois la maîtrise des outils nécessaires à leur prospérité dans le contexte à la fois compétitif et interdépendant de la mondialisation et de la nouvelle économie et également de promouvoir la prospérité du Québec et non pas la souveraineté.

M. le Président, le gouvernement du Parti libéral fondera son action sur l'investissement prioritaire dans le savoir, dans l'éducation, dans la formation de la main-d'oeuvre professionnelle en priorisant l'éducation et la formation continue au plan mondial. Il fondera également son action comment? Par l'investissement dans la croissance de l'emploi et de la richesse.

M. le Président, vous me faites signe que c'est, malheureusement, déjà terminé, mais je voulais indiquer quand même à cette Chambre qu'il y a des solutions de rechange, que, malgré le beau discours et le consensus que nous reconnaissons sur la création du Fonds avec laquelle nous sommes d'accord, le gouvernement du Parti québécois a trouvé le moyen de récupérer d'autre façon, par des taxes déguisées, par des impôts déguisés, des argents auprès des plus démunis de la société, mais qu'il y a un espoir. Et cet espoir-là, c'est d'avoir un gouvernement du Parti libéral bientôt. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. Alors, le prochain intervenant, M. le député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. La discussion sur la création de ce Fonds d'insertion destiné à aider les personnes en difficulté est certainement l'occasion privilégiée pour aborder ce drame actuel que connaît une grande partie de nos concitoyens. En effet, M. le Président, les Québécois et le Québécoises connaissent des difficultés comme jamais ils n'en ont connues, connaissent un taux de pauvreté comme jamais ils n'en ont connu, connaissent un taux de taxation comme jamais ils n'en ont connu, connaissent des taux de chômage comme jamais ils n'en ont connus et connaissent une situation dramatique dans les services de santé comme jamais on n'en a connue, une situation de désorganisation dans les services scolaires, d'enseignement comme jamais on n'en a connue.

M. le Président, si je mentionne cela tout de go en commençant ce discours, c'est parce qu'il y a là corrélation avec ce de quoi nous nous parlons. En effet, on nous annonce la création de ce Fonds comme étant la panacée et la solution à tous les problèmes de la pauvreté et de l'insertion au Québec. M. le Président, certes, nous y concourons, mais je crois et je pense sincèrement que ce n'est là qu'une mesure factice. Ce sont là des mesures à la pièce qui ne touchent pas les problèmes de fond que connaît notre société québécoise.

Et que sont-ils, M. le Président? Ils sont, tout d'abord, l'instabilité économique générée par l'instabilité politique que le Parti québécois crée avec son option souverainiste et l'indépendance depuis 25 ans. C'est là, je crois, le point de vue majeur des problèmes que notre société connaît. Moi, je suis arrivé ici, il y a 25 ans, comme immigrant, M. le Président, dans ce pays, au Canada, dans la province de Québec, et, à l'époque, en deux jours on trouvait du travail. À l'époque, les taxes étaient beaucoup et plusieurs centaines de fois moins élevées qu'elles le sont maintenant. La sécurité était dans les rues, on se faisait soigner dans les hôpitaux et nous avions une société en harmonie.

Qu'est-ce que j'ai connu depuis ces 25 ans que je suis ici? La division, la confrontation qui a été imposée, qui a été distillée entre nos concitoyens pour les séparer, pour les diviser, pour les monter les uns contre les autres. Et le résultat, c'est quoi? Le résultat, c'est le départ de centaines de milliers de nos compatriotes vers d'autres provinces, vers d'autres États américains; c'est la fermeture d'usines, la non-modernisation de notre appareil de production alors que ça devait se faire dans ces moments-là et que ça s'est fait ailleurs. Transferts de production, perte d'emplois, chômage, augmentation des impôts et des taxes, pertes au niveau des investissements. On sait qu'au Québec, l'année dernière, il y a eu, en ce qui concerne les investissements, une augmentation de seulement 3,80 %, alors qu'en Ontario on parle de 10,70 %; dans le reste du Canada, dans l'ensemble, hors Québec, on est à 11,60 %.

M. le Président, je vais expliquer, pour les gens qui nous écoutent, que, lorsqu'on parle de croissance d'investissements, on parle d'argent, de sommes qui sont investies dans des entreprises. On parle d'investissements privés. Je ne parle pas d'investissements gouvernementaux où les gouvernements – d'ailleurs, ils en font de moins en moins, car ils n'ont plus d'argent – investissaient des sommes dans des entreprises, dans des projets, des routes ou des barrages, mais d'investissements privés, donc dans des entreprises, par des industriels qui viennent s'établir ici, chez nous, au Québec, pour fabriquer, pour faire en sorte de créer de l'activité économique. Eh bien, nous avons seulement 3,80 % par rapport à 11,60 % dans le reste du Canada. Ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'il se crée à peu près quatre fois plus d'investissements, trois fois et demie plus ailleurs au Canada qu'au Québec. Résultat de ça: les emplois se créent ailleurs.

Et à quoi assistons-nous? À des départs. Dans l'est de Montréal, dans le nord-est de Montréal, M. le Président, tout le monde connaît des cas de jeunes Québécois, Québécoises, d'origine québécoise ou d'origine immigrante ou enfants de gens qui sont venus s'établir ici, au Québec, en provenance d'ailleurs, qui sont partis travailler en Ontario, partis travailler dans d'autres provinces parce qu'ils ne trouvent pas ici de quoi s'employer, de quoi mettre leurs talents et leurs énergies pour contribuer à la richesse collective, contribuer à développer le Québec que leur père, leurs parents, leur famille ont développé. Stagnation politique. Et qui dit stagnation politique dit émigration de nos élites, émigration des gens les plus dynamiques et les plus créateurs vers d'autres provinces. Et qu'arrive-t-il? Eh bien, en aval de ça, il se produit que d'autres gens n'ont pas d'emploi, sont laissés pour compte et tombent dans la pauvreté.

Qu'est-ce que le gouvernement trouve le moyen de faire? C'est de faire des coupures dans ses budgets. Dans le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, M. le Président, on a coupé 63 000 000 $. On l'a coupé. Et on arrive maintenant avec le fonds de développement où on va charger une nouvelle taxe de 83 000 000 $ par année. On nous dit: C'est le consensus; au Sommet, tout le monde était d'accord. M. le Président, le gouvernement nous dit même: On va mettre un comité aviseur – j'entendais un député qui disait ça, tout à l'heure – pour gérer ça, pour voir à ce que ça aille bien où c'est nécessaire. Depuis quand des élus, depuis quand un gouvernement a besoin d'un comité aviseur pour être le chien de garde de ce qu'il fait, comme disait le député, si ce n'est pour jeter de la poudre aux yeux de la population?

Ce sont des mesures artificielles destinées à rehausser l'image du gouvernement et non pas à régler les problèmes. Et c'est là le problème de ce gouvernement: il n'agit que pour son image. Il n'agit pas pour régler les problèmes, mais pour montrer qu'il administre bien afin d'amener les gens à voter pour son projet, celui qui divise les Québécois depuis 25 ans, celui qui crée les problèmes économiques au Québec depuis 25 ans, qui crée la pauvreté au Québec depuis 25 ans: la séparation du Québec.

C'est là le but ultime de ce gouvernement, et ça, même si nous sommes en faveur de ce Fonds, nous ne pouvons l'accepter parce qu'à tous les jours, dans les comtés de l'est de Montréal comme dans d'autres comtés, nous rencontrons des gens, des citoyens qui cherchent de l'emploi, des parents qui voient leurs enfants partir ou des parents qui ont des enfants pour lesquels ils ont fait des sacrifices pour leur faire étudier des matières, des métiers ou des professions, qui ne peuvent pas travailler, des pères de famille de 54, 55 ans qui perdent leur emploi, qui ne peuvent plus payer leur hypothèque, et les enfants sont encore à l'école.

(20 h 40)

L'avenir des enfants est incertain parce qu'ils ne savent pas s'ils trouveront un emploi à la sortie de l'école, et le père, bien souvent, et la famille sont affectés parce que le père n'a plus de travail. Il n'en trouvera pas, va perdre sa maison, ne pourra pas payer son hypothèque. C'est ça, la vraie situation québécoise. Quand allons-nous cesser cela, M. le Président? Quand allons-nous nous ouvrir les yeux? Quand le gouvernement va-t-il enfin décider de faire en sorte d'établir ici, au Québec, un climat propice aux investissements?

M. le Président, en cette Chambre, comme députés québécois, nous avons une responsabilité. C'est celle de voir au bien-être de nos concitoyens et au développement de notre pays et non pas à la poursuite de nos dogmes. Et c'est ça qui arrive actuellement. C'est ça qui arrive, et les Québécois et les Québécoises en paient le prix. Quand même vous mettrez des fonds avec des comités aviseurs comme chiens de garde – le député d'Abitibi nous disait ça – ça ne réglera rien. Le problème sera le même. On continuera, M. le Président, à voir des gens qui ne pourront s'employer. On continuera à voir des mères de famille qui verront leurs enfants partir et on continuera, M. le Président, à voir au Québec ce désespoir et cette situation qui fait que des gens n'ont pas les mêmes avantages, les mêmes possibilités que les autres.

Un député disait précédemment: Il faut donner aux gens les moyens de s'en sortir. Mais le meilleur moyen de donner aux gens les moyens de s'en sortir, ce n'est pas en faisant un fonds puis en chargeant une nouvelle taxe de 83 000 000 $ qui alourdit déjà les masses salariales, qui alourdit encore le fardeau fiscal des contribuables québécois; c'est en faisant la création d'emplois. Et, pour la faire, il faut restaurer la stabilité politique et la stabilité économique qui vient avec, donc amener les investissements. C'est ça. Il n'y a pas 36 autres méthodes. Quand même le ministre des Finances et de l'Économie nous dirait plein de recettes miracle, il n'y en a pas, de recettes miracle. La seule recette miracle, c'est que les entreprises investissent, qu'on travaille au Québec, qu'on manufacture, puis les gens travailleront. Et, pour ça, bien, il faut une fiscalité compétitive, il faut des lois sociales qui n'alourdissent pas indûment, M. le Président, les charges; sinon, les entreprises vont s'établir ailleurs.

Il faut aussi arrêter de parler de la séparation. Il faut arrêter de décourager les gens de venir s'établir ici. Il faut arrêter de diviser les Québécois. Il faut les réunir. Il faut tous marcher ensemble, il faut tous travailler ensemble et il faut tous faire l'effort pour mettre l'épaule à la roue, pour redonner à notre société québécoise ce qu'elle avait il y a 25 ans, c'est-à-dire l'espoir, la qualité de vie, M. le Président, et la fierté et du travail. Et la plus grande fierté d'un citoyen au Québec, c'est son travail. Et le meilleur moyen de lutter contre la pauvreté et le désespoir, c'est de lui donner du travail. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de LaFontaine. Je vais céder la parole à M. le ministre pour son intervention de cinq minutes.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, je ne réponds pas à tous les intervenants, même si le règlement m'en donne le droit. Mais, quand des intervenants comme l'intervenant précédent, qui parfois donne l'image, dans de courtes questions à la période de questions, d'une certaine cohérence... Il ne faut pas l'entendre en discours trop longtemps pour l'avoir entendu débiter les illogismes et les monstruosités qu'il vient de nous servir. D'abord, il dit qu'il est ici depuis 25 ans. Bon. Il n'y a pas de mal à ça. Moi, l'aîné de mes enfants est ici juste depuis trois ans de plus, après tout. Mais il y en a qui sont ici depuis 10 ans, puis qui comprennent 100 fois mieux le Québec, qui se sont donné la peine de lire un peu les manuels d'histoire.

Il fait un lien odieux entre le taux de chômage et la séparation, comme il a dit. Or, il y a 25 ans... Je présume qu'il origine de la France, pays de René Descartes. Comment se fait-il que le taux de chômage soit plus élevé en France qu'au Québec? Est-ce que c'est à cause de la séparation? Comment se fait-il que le taux de chômage soit plus élevé en Allemagne qu'au Québec? Est-ce que l'Allemagne est après se séparer de quoi que ce soit? Comment se fait-il que toutes les provinces à l'est du Québec, du Québec jusqu'à la mer, ont un taux de chômage plus élevé que le Québec? Terre-Neuve est-elle en train de se séparer, Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard?

Franchement, vous auriez dû apporter, du noble pays dont vous êtes originaire dans cette nouvelle patrie qui est la vôtre, un peu de l'esprit logique et de l'esprit cartésien qui fait que le français est le français et que la langue française se comprend, et que la pensée française évolue dans un univers cohérent et compréhensible. Il serait peut-être bon aussi que, ayant profité de ces 25 ans pour lire un peu notre histoire ou nous écouter, vous ayez compris ce qu'était le Québec il y a 50, ou 60 ans, ou même 30 ans...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez. Vous devez vous adresser, M. le ministre, au président. Tout en livrant votre message, c'est à moi que vous devez vous adresser.

M. Landry (Verchères): Je vais m'adresser à vous dans l'espoir qu'il va comprendre. C'est incroyable, venir nous servir des leçons d'une telle platitude! Le Québec, il y a 40 ans, était une colonie. Et, quand Jean Lesage, qui était le chef de votre parti et qui était sur ces banquettes, a fait campagne en disant: «Maîtres chez nous», c'est parce qu'il savait très bien que nous ne l'étions pas. Depuis ce temps, le Québec a remonté une longue pente. Et vous avez parlé des dernières 25 années comme d'un cauchemar. C'est le Parti libéral, essentiellement, qui a gouverné au cours des 25 dernières années. Absolument. 1997 moins 25, regardez ce qui s'est passé: Bourassa, première manière, René Lévesque, Bourassa, deuxième manière, et puis nous. Alors, faites le compte.

Si nous avons à nous diviser, de façon très démocratique, si la moitié de la population a voté pour la souveraineté et l'autre moitié a voté contre avec 60 % des francophones, ce n'est pas par fantaisie; c'est parce que notre pays, le Québec, contrairement à celui d'où vous venez, n'a pas pris sa place dans le concert des nations. Je veux dire au député, M. le Président, que le Québec forme une nation aussi vraie que la nation française est la nation française, avec des racines communes, aussi vraie que la nation danoise est la nation danoise.

Je pense que le député devrait, à l'avenir, ménager un peu plus de sympathie pour l'histoire difficile de sa patrie d'adoption, ménager un peu plus d'estime pour les 60 % de Québécois qui ont la même langue maternelle que lui et qui ont voté oui, ne pas faire de lien incohérent, sinon méprisant entre le taux de chômage et la situation politique. Quand Maurice Duplessis était assis à cette banquette – le député ne sait peut-être pas qui c'était, c'est un ancien premier ministre provincial, il le disait avec cet accent – le taux de chômage dans son différentiel avec l'Ontario était exactement le même qu'aujourd'hui. Et, si vous avez un petit peu de temps pour approfondir l'histoire de votre nouvelle patrie, vous saurez que Maurice Duplessis n'était pas séparatiste.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Y a-t-il d'autres intervenants?


Mise aux voix du rapport

Alors, le rapport de la commission des finances publiques portant sur le projet de loi n° 95, Loi instituant le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader. M. le ministre.

M. Boisclair: L'article 42 du feuilleton.


Projet de loi n° 139


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et de l'amendement du ministre

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, à l'article 42, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 139, Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières, ainsi que l'amendement transmis en vertu de l'article 252 du règlement par M. le ministre des Finances. Cet amendement est déclaré recevable. Y a-t-il des interventions sur ce rapport ainsi que sur cet amendement? Il n'y a pas d'intervention?

M. Landry (Verchères): Non, non. Moi, j'aurais une brève intervention, M. le Président, parce que mon collègue a aussi le désir d'intervenir.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre, pour votre intervention sur le rapport et puis l'amendement.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Oui. Je vais vous dire, M. le Président, cette loi est assez technique, mais recouvre une réalité et une mise à jour importante: il s'agit de modifier le statut de la Commission des valeurs mobilières. La Commission des valeurs mobilières était, à toutes fins pratiques, avant cette loi, une annexe du ministère des Finances qui la contrôlait comme s'il s'agissait d'une émanation de son budget, bien qu'elle se soit largement autofinancée, et même au-delà de ce qu'elle coûtait, par contribution des divers agents financiers à l'autodiscipline et à la surveillance, qui est le devoir de la Commission.

(20 h 50)

Mais le monde a changé, en particulier par la globalisation des marchés, par la rapidité et l'instantanéité des transactions, et une souplesse beaucoup plus considérable a été requise de la part de cette Commission des valeurs mobilières. Nous avons vu et le grand public a vu dernièrement un exemple à peine croyable tellement il est gros de la nécessité impérieuse d'avoir des commissions des valeurs mobilières efficaces. C'est cette aventure où la Bourse de Toronto, dans son indice des 100 meilleures valeurs, le TSE 100, a inclus Bre-X. Alors, en dépit de la vigilance, en dépit de l'efficacité de ces institutions dans leur forme actuelle, on se rend compte que les épargnants peuvent encore, petits comme grands, être abusés et croire de bonne foi que tous les contrôles ont été faits – on n'est jamais en sécurité absolue, évidemment; une spéculation foncière ou une spéculation de valeurs mobilières reste une spéculation – au moins, qu'un certain nombre de précautions élémentaires ont été prises. Or, il arrive encore des cas, malheureusement, où ça ne se soit pas avéré pour évidemment le plus grand désarroi des investisseurs, les petits comme les grands, encore une fois.

Alors, le présent projet de loi donne à la Commission des valeurs mobilières la liberté d'action, la confiance du gouvernement et de la société. C'est une loi basée sur la confiance, sur la souplesse. C'est une loi qui enjoint les divers agents du milieu de financer la Commission des valeurs mobilières et cette Commission, qui est l'émanation à la fois des pouvoirs publics et du milieu, de gérer cet univers de plus en plus complexe à cause, comme je l'ai mentionné, de la globalisation des marchés, à cause de l'utilisation de procédés de communication tellement rapides et tellement universels que le contrôle lui-même devient problématique, si on pense aux transactions qui peuvent se faire par les grands réseaux de communications, genre Internet ou autres réseaux spécialisés dans les transactions de valeurs mobilières.

Avec ce nouveau statut, notre Commission des valeurs mobilières acquiert une modernité qui est sans pareille au Canada, actuellement. Déjà, d'autres Législatures ont regardé de près le projet de loi que nous présentons ce soir pour considération, avec des intentions manifestes de s'en inspirer et de le copier. Donc, un projet de loi en apparence technique va propulser quand même le Québec à l'avant-garde dans cette activité d'apport des capitaux à partir du grand public jusqu'aux entreprises, à travers les Bourses et autres lieux de transaction des valeurs mobilières.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Westmount–Saint-Louis. M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, il me fait plaisir ce soir de prendre la parole sur le projet de loi n° 139 que nous avons étudié en Chambre et plus particulièrement en commission parlementaire la semaine dernière. Le projet de loi comme tel est une émanation d'une semaine d'auditions que la commission parlementaire, qui, à l'époque, s'appelait budget et administration, a tenues l'an dernier. L'an dernier, à même date, la commission du budget et de l'administration rencontrait les principaux artisans du marché des valeurs mobilières du Québec et même de certaines autres provinces, qui sont venus plaider à notre commission parlementaire sur différents sujets.

Un des sujets qui ont fait l'objet d'une demande de la part tant des émetteurs de prospectus que d'à peu près tout le monde du secteur des valeurs mobilières, enfin, M. le Président, était à l'effet que la Commission des valeurs mobilières, comme l'a souligné le ministre, était une créature du ministère, une créature à peine moins originale que l'ensemble des autres créatures du ministère; à l'effet de savoir que c'était un organisme qui percevait 23 000 000 $ de chacun des émetteurs de valeurs et qui n'avait comme budget que 8 000 000 $. Ce qui fait en sorte que la Commission des valeurs mobilières du Québec recevait 15 000 000 $ en plus de ses dépenses, qu'elle remettait au ministre des Finances, qui en faisait, comme vous le savez, toujours un excellent usage en le rentrant dans le fonds consolidé et en le dépensant à diverses autres activités.

M. le Président, l'opposition à l'époque, le Parti libéral, avait demandé au ministre des Finances de revoir et de changer les statuts de la Commission des valeurs mobilières. Le projet de loi n° 139 répond à ce voeu et à ce désir, à cette demande de l'opposition, et, dans ce sens-là, comme je l'ai dit précédemment, tant au niveau de l'adoption du principe qu'en adoption article par article du projet de loi, nous allons voter en faveur du projet de loi.

Ceci étant dit, j'aimerais quand même revenir sur quelques items qui ont fait l'objet de discussions en commission parlementaire avec les employés de la Commission des valeurs mobilières du Québec, particulièrement ceux qui sont représentés par l'Association des juristes de l'État, qui sont les avocats travaillant à la Commission des valeurs mobilières, et aussi les autres employés qui ont soulevé certaines inquiétudes par rapport à leur lien d'emploi, par rapport à leurs conditions de travail dans cette future Commission des valeurs mobilières qui sera un organisme extrabudgétaire.

C'est quoi, un organisme extrabudgétaire? S'il y a des gens qui nous écoutent, c'est un langage un peu hermétique. Un organisme extrabudgétaire, c'est un organisme qui va faire ses frais, qui va charger, par exemple, aux gens qui ont besoin d'avoir un prospectus pour aller sur le marché public des actions ou des options – donc, de pouvoir faire l'étude de ce prospectus, donc d'administrer et d'assurer la meilleure protection du public, la meilleure protection du consommateur du marché d'actions, d'obligations – de façon à faire en sorte, dis-je, que ces coûts qui sont chargés aux gens soient dépensés par la Commission.

Alors, la Commission va devenir indépendante financièrement du ministre des Finances et elle n'aura plus, d'ici trois ans, à verser des subventions comme elle l'a fait dans le passé, à verser ses surplus au ministre des Finances, ce qui faisait en sorte d'être une subvention déguisée ou une taxe déguisée, arrangée, organisée et reçue par le ministre des Finances. Donc, dans ces conditions, les employés de la Commission ont soulevé des problèmes qui en principe devaient faire l'objet, de la part du ministre, d'une étude durant la dernière fin de semaine, et je me serais attendu et je m'attends à ce que le ministre puisse nous dire ce qu'il en est advenu, de ces négociations-là avec les différents employés de la Commission des valeurs mobilières.

Notre commission a entendu différents groupes et particulièrement les juristes qui ont parlé au nom des autres employés. Le ministre s'est engagé auprès de ces juristes et auprès des employés à faire en sorte qu'en fin de semaine on regarde des amendements possibles. J'aimerais que le ministre nous signifie s'il y a effectivement des amendements et, si oui, si ces amendements ont reçu l'aval des groupes d'employés de la Commission des valeurs mobilières. Et, s'il y a des papillons à apporter, bien, évidemment il faudrait les apporter avant d'avoir fini d'adopter ce projet de loi là, parce que là on est dans les dernières étapes, M. le Président, vous le comprendrez aisément.

Mais je voudrais revenir sur une qualité particulière que cette Commission devrait avoir dans l'avenir et particulièrement en ce qui concerne une modification à l'article 276 de la Loi sur la Commission des valeurs mobilières qui autorise expressément la Commission des valeurs à fournir des services de consultation et de mise en oeuvre, pour l'essentiel, des services fournis par la Commission qui pourrait être appelée à oeuvrer dans des marchés en voie de développement. Dans l'esprit du ministre, il s'agissait de services, comme marchés en voie de développement, pour des pays comme la Hongrie, la Roumanie, la Tunisie, le Maroc et l'Algérie.

Je fais un rappel au ministre du fait que, au-delà de la Roumanie, de la Hongrie, de la Tunisie, qui sont des marchés qui pourraient être intéressants, je n'en doute pas, pour la Commission des valeurs mobilières, il y a aussi des marchés beaucoup plus près de nous, nos voisins à l'est, qui n'ont pas les moyens puis n'ont pas les outils puis n'ont pas les besoins que le Québec ou l'Ontario, ou l'Alberta, ou la Colombie-Britannique peuvent avoir dans le domaine des valeurs mobilières, et on serait prêt à avoir des ententes de services avec un organisme comme la Commission des valeurs mobilières du Québec, en autant que cette Commission-là puisse leur offrir les services.

(21 heures)

Alors, je soulignais au ministre des Finances que tant le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse que les provinces maritimes seraient intéressées, si on leur en offrait au moins la possibilité, de pouvoir faire une entente avec une commission des valeurs mobilières comme la Commission des valeurs mobilières du Québec, qui est sise à Montréal, pour pouvoir desservir le marché de l'Est du Canada.

Le député d'Orford, gentiment, ce matin, m'a apporté une de ses lectures favorites, le Financial Post . Dans le Financial Post de ce matin, on parle du «big shake-up for regulators». Les «regulators», ce sont justement ces commissions de valeurs mobilières qu'on retrouve dans les différentes provinces. Ça va sûrement faire plaisir au ministre des Finances d'apprendre, puisque ça a été pratiquement un radotage sur le dossier de la Commission nationale des valeurs mobilières, que c'est un projet qui, semble-t-il, est annoncé comme étant mort-né. Donc, avant de naître, il sera mort, comme nous l'avons souhaité tous ensemble.

Mais toutefois, pour le ministre des Finances du Québec, effectivement il y a une autre Législature qui s'apprête ou qui a passé une législation comme la nôtre, transformant sa Commission des valeurs mobilières en organisme extrabudgétaire, et c'est l'Ontario. Toutefois, je souligne, pour la mémoire du ministre et en fonction des modifications que nous avons déjà apportées à la loi lui permettant d'offrir des ententes de services à différentes provinces ou pays étrangers, provinces en dehors du Québec et d'autres pays étrangers s'il y a lieu, que, déjà – et c'est là l'intérêt de cet article – les commissions de la Colombie-Britannique et de l'Alberta sont en train de travailler un programme qui va faire en sorte d'intégrer régionalement, sur une base régionale, les commissions des valeurs tant d'Alberta que de la Colombie-Britannique. Ce qui fait en sorte qu'il y aura un organisme régulatoire des valeurs mobilières majeures dans l'Ouest – qui sera probablement situé à Vancouver – un organisme régulatoire majeur à Toronto – il est déjà là, d'ailleurs – et on risque justement de se bâtir un organisme régulatoire important et qui pourrait être majeur, si nous réussissons à avoir des clients supplémentaires pour l'alimenter et lui permettre de grossir, à Montréal.

Et c'est là le défi dont le ministre des Finances devrait se préoccuper dans les semaines et les mois et les années à venir permettant de faire en sorte que la Commission des valeurs mobilières du Québec soit un organisme majeur dans ce domaine et soit encore plus fort que ce qu'il serait s'il n'était qu'exclusivement un organisme québécois.

M. le Président, sur ce, j'aimerais encore une fois que le ministre nous indique ses intentions concernant la législation, concernant des amendements qu'il pourrait apporter à cette législation, plus particulièrement en ce qui regarde la protection des droits des travailleurs, des travailleuses de la Commission des valeurs mobilières, qui pourraient être tentés de garder un lien d'emploi soit avec la Loi sur la fonction publique ou encore, au moins, d'avoir le choix entre la Loi de la fonction publique et les futures protections qui découleront d'une entente de travail – dans le cas des juristes, d'une première convention collective – pour ceux qui resteront dans la Commission des valeurs mobilières et qui en feront carrière. M. le Président, ce serait approprié, de la part du ministre, de nous indiquer ce qu'il en sera. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Il y a un amendement au rapport; il est peut-être bon que je vous lise l'amendement pour le bénéfice de toute l'Assemblée.

L'article 15 du projet de loi n° 139, Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières, est modifié par le remplacement, à la quatrième ligne, de «30e jour» par «60e jour». On remplace «30e jour» par «60e jour». On peut vous indiquer le... L'article 15. C'est ça, après la date de la sanction. Si vous pouvez prendre l'article...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. À compter de la date de la sanction, vous pouvoir voir à l'article 15. C'est bien ça, oui. Est-ce que ça va, M. le député de Westmount–Saint-Louis?

M. Chagnon: ...commission parlementaire, on a souligné au ministre le problème que posait le fait que les employés n'aient que 30 jours après la sanction de la loi pour faire état de leur volonté de demeurer sous l'empire de la loi de la fonction publique ou encore sous celui de la Commission des valeurs mobilières. C'est dans ce sens-là que le ministre apporte l'amendement?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Oui, le député se souviendra qu'à la commission, avec son concours d'ailleurs et à sa suggestion, nous avions entendu brièvement les représentants des employés, qui étaient là, et nous avions aussi convenu qu'une séance de travail plus technique aurait lieu entre les employés et les fonctionnaires. L'amendement, c'est le résultat de la séance de travail, que l'on m'a rapporté avoir été harmonieuse. Les employés n'ont pas eu tout ce qu'ils souhaitaient obtenir mais, pour ces dispositions techniques, il y a eu une entente satisfaisante, paraît-il.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député.

M. Chagnon: Dans ces conditions, M. le Président, le ministre a mon concours.


Mise aux voix de l'amendement du ministre

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien, alors, cet amendement est-il adopté?

Des voix: Adopté.


Mise aux voix du rapport amendé

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le rapport, tel qu'amendé par la commission des finances publiques, portant sur le projet de loi n° 139, Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre, pour la prochaine affaire.

M. Boisclair: L'article 40, M. le Président.


Projet de loi n° 120


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 40, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 120, Loi modifiant la Loi sur l'inspecteur général des institutions financières et d'autres dispositions législatives. M. le ministre, pour votre intervention, s'il y a intervention. Pas d'intervention?


Mise aux voix du rapport

Alors, ce rapport est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le ministre.

M. Boisclair: L'article 44, M. le Président.


Projet de loi n° 90


Reprise du débat sur l'adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 44, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 28 mai dernier sur l'adoption du projet de loi n° 90, Loi modifiant la Loi sur les coopératives afin de permettre la constitution de coopératives de solidarité. Le dernier intervenant était Mme la députée de Rosemont. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le député d'Orford, vous intervenez sur ce projet?

M. Benoit: Oui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui, absolument, M. le Président. Ce projet de loi n° 90, c'est un projet de loi modifiant la Loi sur les coopératives afin de permettre la constitution de coopératives de solidarité. Peut-être dire quelques mots sur le projet de loi. D'abord, nous avons aidé le gouvernement à avancer dans ce projet de loi là. Nous allons voter pour. Nous avons aidé la ministre à améliorer, je pense, le projet de loi. Il faut comprendre que tout le mouvement coopératif du Québec – et les gens qui nous écoutent le savent – fondé par Alphonse Desjardins au début du siècle et les descendants d'Alphonse Desjardins, dont le président soupera d'ailleurs avec le Parti libéral demain soir, nous essayons de rester près de ces gens-là, de les entendre, de les écouter. Alors, la grande philosophie d'Alphonse Desjardins, nous le savons tous, c'était la participation, la démocratie, l'engagement des citoyens, et je pense que ce projet de loi là reflète bien les grandes orientations d'Alphonse Desjardins et des gens qui ont suivi et fait croître la mission du Mouvement Desjardins, comme on l'appelle.

D'autre part, de nouveaux phénomènes se développent dans la société d'une façon particulière au Québec; c'est celui de la pauvreté, c'est celui des gens qui sont laissés pour compte, c'est des gens qui ont des pauvretés absolument alarmantes. Je voyais, dans un document du ministre québécois de la Sécurité du revenu, il y a quelques jours, que 335 000 familles pauvres, au sein desquelles vivent nombre d'enfants, le tiers des ménages pauvres du Canada se retrouvent au Québec, 33 %, alors que nous sommes 24 % de la population. 16 % des familles pauvres, le Québec vient au premier rang du Canada, M. le Président. Alors, il y a des chiffres absolument préoccupants.

Le ministre des Finances peut nous dire que ça n'a rien à faire avec la souveraineté, on peut parler d'indépendance encore pendant des années, que ça n'a pas d'effet, mais, oui, ça a des effets, M. le Président. Les sièges sociaux ont quitté le Québec. On calcule que, depuis 1976, 500 sièges sociaux ont quitté le Québec. Il va nous dire qu'il y en a un qui est revenu récemment. Il a absolument raison. Toutes leurs installations étaient au Québec. Ils ont eu à choisir entre l'Ontario et le Québec, ils ont choisi le Québec. Sept de neuf de leurs installations étaient au Québec, alors c'est bien sûr qu'ils sont venus au Québec, M. le Président. Alors, on a à déplorer la pauvreté. On a à déplorer, bien sûr, comme opposition, ce qui se passe dans la ville de Montréal en ce moment. J'invitais le ministre des Finances à venir prendre une marche avec moi sur la rue Sainte-Catherine, de la rue Atwater jusqu'à la rue Papineau, et on va voir ce qui se passe. Ce n'est même plus drôle quand on entre dans la ville de Montréal. On sait comment en ce moment notre capital, finalement, notre capital économique est affecté par le projet de souveraineté.

(21 h 10)

J'écoutais le ministre des Finances tantôt nous dire: Ah oui, mais l'écart du temps de Duplessis était le même qu'il est maintenant quand on compare le chômage entre le Canada puis le Québec. Ce qu'il oubliait de nous dire, c'est que, les périodes où le Parti libéral a été là, le taux de chômage a été beaucoup moins élevé entre le Québec et le reste du pays. Oui, ça, le ministre a oublié de nous le dire. Et ce qu'il a oublié de dire aussi, c'est que, à chaque fois que le Parti libéral a été là, le Parti libéral a été créateur d'emplois, a été moteur d'emplois.

Quand les investisseurs venaient au Québec, bien, on leur parlait puis on leur tenait un discours de gens d'affaires, mais on leur parlait aussi dans leur langue. Et il n'y a pas un parti qui a plus défendu la langue, l'histoire de notre peuple, les racines de notre peuple, la langue de notre peuple. Mais on est aussi dans un contexte économique et on sait tous que, si on veut créer la richesse, bien, il faut l'aider, cette création de richesse là. Nous, on croit que, quand, par exemple, 15 des plus grands employeurs allemands viennent sur le continent, qu'ils sont reçus par Mike Harris en Ontario, qu'il les reçoit et qu'il leur fait une belle prestation... On sait comment Mike Harris est un gars qui vient du milieu des affaires, comment il leur a fait une présentation extraordinaire. On sait ensuite qu'ils sont allés à Ottawa. Savez-vous combien de compagnies ces 15 industriels représentaient, M. le Président? Ils représentaient 80 000 entreprises. Une seule de ces entreprises, celle des produits pharmaceutiques, avait 110 000 employés.

Alors, il a été reçu par Mike Harris, il a été reçu par le ministre de l'Industrie et du Commerce d'Ottawa. Et puis, nous, au Québec, un, le premier ministre ne s'est pas présenté puis, deux, on leur a adressé la parole en français. Il n'y a rien de pas correct à parler à des gens en français, il y a 100 000 000 de Français à travers le monde, il y a des milliards de parlant anglais. Tout le monde sait que la langue d'affaires, en grande partie, c'est, malheureusement peut-être pour nous, la langue anglaise. Et, quand on veut que des gens investissent chez nous, bien, on essaie, oui, de se faire comprendre par ces gens-là, M. le Président, surtout quand, de chaque côté de notre province, on a des gens...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez. M. le député, excusez-moi. M. le député. Je vous inviterais, s'il vous plaît, à lire l'article qui parle de la pertinence. Donc, le discours doit porter sur le sujet en question. J'ai laissé aller assez longtemps. Je croyais qu'il y aurait peut-être un retour au thème. Je vous inviterais, s'il vous plaît...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, j'inviterais les autres membres de l'Assemblée aussi à laisser le président intervenir dans ces situations. Alors, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. M. le Président, vous comprendrez que nous avons le droit à une heure, à ce point-ci, alors je veux développer certains aspects de ce projet de loi là et je le ferai. Le développement de l'aspect que je voulais faire, c'est: si on en est arrivé à créer des coopératives de solidarité, c'est parce qu'on parle de pauvreté. Et le point que j'essayais de faire – peut-être que vous m'avez mal compris – c'est que, oui, si on veut parler de solidarité, on peut aussi parler de création de richesse, et la création de richesse, ça se fait, bien sûr, en essayant d'inviter chez nous des gens à investir, particulièrement quand ils sont sur notre terrain, particulièrement quand ils veulent être rencontrés par le premier ministre du Québec, particulièrement quand ils représentent 80 000 compagnies, particulièrement quand un seul employeur représente 110 000 employés. Or, ces gens-là n'ont pas été reçus de la même façon.

On peut penser, comme le ministre des Affaires internationales vient de le dire, que c'était la bonne façon de le faire. Ils ont droit à leur opinion. Je vous dis que, nous, on ne croit pas que c'est la bonne façon. M. Bourassa, premier ministre du Québec, allait à Davos à tous les ans, rencontrait les grands hommes et les grandes femmes d'affaires du monde entier et essayait de les amener chez nous, et de là on a eu des investissements importants dans le secteur de l'aluminium, on a eu des investissements importants dans le secteur de l'automobile, on a eu des investissements importants dans le secteur de l'électricité et dans plein de secteurs qui ont créé de l'emploi, M. le Président. Oui, nous sommes allés à Davos, oui, nous avons rencontré les leaders économiques du monde, oui, nous avons prêché pour le développement économique. Ce n'est pas ce que ce gouvernement fait. Il refuse même de rencontrer 15 des plus grands industriels du monde qui étaient chez nous, au Québec. Et non seulement on ne les a pas rencontrés, mais, quand ça été le temps de leur parler, on n'a pas vraiment voulu que notre message passe.

C'était ça qui était le point, M. le Président. Je m'excuse si vous avez pensé que je n'étais pas à l'intérieur du sujet, mais, dans un discours d'une heure, il faut développer certains aspects. Et, quand on parle de coopératives de solidarité, je pense qu'on a le droit de parler aussi de création d'emplois et de création de la richesse collective au Québec.

M. le Président, le peuple québécois s'appauvrit en ce moment; les chiffres sont là. À la période de questions, la dernière phrase gogo qu'ils ont trouvée, c'est de nous rappeler que, sur trois mois, ils ont créé plus d'emplois qu'un certain nombre de provinces canadiennes. Ça, c'est une formule qui est juste sur le bord de ne pas être très, très correcte, M. le Président, pour ne pas prendre d'autres mots.

Pour les gens qui ont étudié en statistique, pour les gens qui ont appris l'éthique en affaires, la statistique de trois mois, elle ne veut rien dire, M. le Président. Un vendeur de fonds mutuels qui essaierait de vous vendre, pour votre REER, en vous disant que la performance des trois derniers mois a été de 18 %, la première question que vous lui demanderiez: Je ne veux pas savoir ce qu'a été la performance de ton fonds mutuel sur trois mois, je veux savoir ce qu'elle a été sur cinq ans, je veux savoir ce qu'elle a été sur trois ans.

Alors, là, on nous parle de trois mois, une statistique qu'on a pigée dans un chapeau, mais, dans la vraie vie, M. le Président, il faut regarder les choses sur beaucoup plus long que ça. Il faut regarder, par exemple, ce qui s'est passé depuis que ce gouvernement-là est en place et se comparer aux autres provinces canadiennes, et là on va voir que le chiffre magique qu'ils nous sortent du chapeau à tout bout de champ, il est peut-être un peu moins brillant.

Alors, de février 1996 à avril 1997, ça, c'est l'époque où le nouveau premier ministre est là, M. le Président, alors je pense que les gens peuvent le voir, au Québec, on a créé 3 000 jobs de moins; l'Ontario en a créé 73 000 de plus et le Canada, 185 000. On peut bien me sortir un chiffre de trois mois puis dire: On a fait très bien sur trois mois, je peux sortir des graphiques comme celui-là, si on les prend sur un an, un an et demi, je peux vous en sortir jusqu'à minuit ce soir, où, dans tous les cas, le Québec n'est pas avantagé.

Le prix de nos résidences, M. le Président. J'étais dans une réunion en fin de semaine, dans un sous-sol d'église, on fêtait le 50e anniversaire de la paroisse de Saint-Luc de Brompton, et un maire est venu me voir puis il m'a dit: J'arrive des autres provinces canadiennes puis j'ai l'impression que le prix des résidences augmente ailleurs. Je suis allé aux États-Unis et je pense que le prix des résidences, le prix de mon condo en Floride, disait-il, augmente. Comment se fait-il qu'au Québec le prix de nos maisons baisse? Bien, j'ai dit: Je ne le sais pas, je n'avais pas pensé à ça. Il dit: Ça se «peut-u» que, collectivement, on s'appauvrisse? C'est peut-être, effectivement, une façon de le voir, M. le Président, il y a un appauvrissement.

Regardez l'endettement dans le budget. Ces gens-là qui essaient de m'interrompre, M. le Président, qu'ils regardent le dernier budget, des chiffres de leur ministre des Finances. Quand on regarde l'endettement, la flèche s'en va comme ça, M. le Président, c'est absolument incroyable, des coupes du Québec. Dans ce même document préparé par le ministre des Finances, M. le Président, ils ont le droit de contester les propres chiffres de leur ministre, mais, quand on regarde l'économie que les gens mettent de côté depuis quelques années sous ce gouvernement, eh bien, là la flèche est en bas.

Or, bien sûr qu'on parle de solidarité. Nous, on va être d'accord avec ça, qu'on aide, oui, à la création, dans le projet de loi n° 90, de coopératives de solidarité. Maintenant, le Mouvement Desjardins, encore une fois, nous les rencontrerons, nous, les députés libéraux, demain soir, et on va converser avec eux. On aime ça, rencontrer ces gens-là qui sont près des gens. Il y a 3 300 coopératives, M. le Président, au Québec et c'est un mouvement qui est important, pas seulement au Québec. Le mouvement coopératif existe en Suisse, il existe au Rwanda. Les pères dominicains, là-bas, ont fait un ouvrage extraordinaire depuis 25 ans à essayer d'aider le peuple rwandais via un système de coopératives. Alors, que ce soit dans les pays les plus riches ou les plus pauvres du monde, que ce soit au Québec, le système coopératif a sa place, M. le Président. Ce projet de loi, je dois l'avouer, fait consensus dans la société québécoise, nous y souscrirons.

(21 h 20)

Maintenant, M. le Président, je veux juste répondre au ministre des Finances qui disait tantôt: Oui, nous devons créer un peuple, un peuple linguistique. Il était parti, l'envolée totale. Or, je finirai en rappelant au ministre des Finances que, oui, le Québec est un peuple, oui, le Québec, c'est une société distincte, nous sommes totalement d'accord avec lui là-dessus. Le seul endroit où nous ne sommes pas d'accord, c'est qu'un peuple doit nécessairement être un pays. Il y a 2 000 peuples à travers le monde et il y a 200 pays. Alors, il y a plein de peuples à travers le monde qui ne sont pas des pays. Or, quand j'entends le ministre des Finances nous dire que, parce qu'on est un peuple, parce qu'on est une société distincte, il faut être un peuple, bien, il y a, à ce moment-là, 1 800 peuples à travers le monde qui ne pensent pas de la même façon que le ministre des Finances.

Alors, M. le Président, nous voterons oui pour le projet de loi n° 90. Nous pensons que c'est un projet de loi dans la bonne direction, nous y avons souscrit et nous continuons à aider le gouvernement à avancer avec ce projet de loi là.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Il n'y a plus d'autres intervenants? Le projet de loi n° 90, Loi modifiant la Loi sur les coopératives afin de permettre la constitution de coopératives de solidarité, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le ministre?

M. Simard: L'article 45 de notre feuilleton, s'il vous plaît.


Projet de loi n° 94


Reprise du débat sur l'adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 45, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 28 mai dernier sur l'adoption du projet de loi n° 94, Loi modifiant la Loi sur l'aide au développement des coopératives. Le dernier intervenant était Mme la députée de Rosemont. Y a-t-il des interventions? Alors, M. le député d'Orford, je vous cède la parole.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui, M. le Président, c'est un très court projet de loi. Nous avons souscrit aussi à ce projet de loi là et nous avons aidé le gouvernement tout au long à améliorer le projet de loi. L'essence principale du projet de loi, c'est que, historiquement, dans l'aide qui pouvait être apportée aux coopératives, il y avait finalement une très grande discrétion de la part du ministre, et tout ça a été resserré un peu plus de façon à ce que la SDI ait maintenant une série de normes et de critères, ce qui va peut-être dépolitiser un peu la façon dont tout ça a été accordé.

Alors, sur le fond, c'est un projet de loi qui est très court, quelques articles seulement, qui nous paraît aller dans la bonne direction. Ça ne renversera pas grand-chose, ce projet de loi là, et ce n'est pas ça qui va créer un seul emploi dans les prochaines semaines. Ça précise un peu quelques éléments de cette loi-là.

D'autre part, vous savez, dans les dernières journées, on a travaillé, de notre côté, à regarder combien de structures les gens de ce gouvernement ont mis en place, structures qui ne créent pas un seul emploi, et je tiens à le préciser. Alors, sans faire une recherche exhaustive, nous sommes rendus à 40. Toutes sortes de structures. Je vous donne des exemples: Agence métropolitaine de transport, Agence de l'efficacité énergétique, centre local d'emploi, les Commission de la capitale, Commission sur l'équité salariale, Commission de développement de la métropole, commissions de protection, Commission des partenaires du marché du travail, Fonds de partenariat touristique, Fonds des pensions alimentaires, fonds national de développement en formation professionnelle, etc.

Il me semble qu'au Sommet socioéconomique, moi, j'étais assis dans un coin, et s'il y a quelque chose que j'ai entendu pendant tous ces trois jours du Sommet socioéconomique, ça a été des gens qui nous ont dit: Aïe! le gouvernement, arrêtez donc de réglementer! Aïe! le gouvernement, arrêtez donc de créer d'autres structures! Aïe! le gouvernement, arrêtez donc de tout brasser les structures, il n'y a pas un citoyen qui se comprend!

Or, M. le Président, le point que je veux faire, c'est que je pense que ce gouvernement, au Sommet socioéconomique, n'a bien compris que ce qu'il voulait comprendre. Oui, pour le projet de loi n° 90, oui, pour le projet de loi n° 94, mais, sur les structures, ils ont complètement échappé le gouvernail, ils ont laissé la haute bureaucratie s'organiser toutes sortes de patentes. Et les citoyens, qui trouvaient déjà compliquées nos structures gouvernementales... En trois ans au mois de septembre – c'est là que ce gouvernement a été élu – ça n'a pas d'allure, on est rendu à une quarantaine de structures. Et on n'a pas cherché très fort, hein, parce que, en lisant ça, juste en lisant, comme ça, je me suis aperçu qu'il en manquait trois. Je pourrais en rajouter trois, à partir du dernier budget provincial. Et, ça, c'est sans parler, bien sûr, dans les MRC, tout ce qu'on est après obliger de structures. Dans les déchets, on va avoir, dans chaque MRC, une structure. En agriculture, dans chaque MRC, on va avoir une structure. Puis là on s'en va comme ça, hein. M. le Président, il n'y a plus un citoyen...

J'espère que les députés du Parti québécois qui nous écoutent ici, ce soir, vont retourner dans leurs circonscriptions et dire aux gens: Aïe! en voulez-vous encore, des structures? Voulez-vous qu'on vous en donne plus, des gros lots? «C'est-u» ça que vous voulez avoir? S'il y a un seul citoyen qui vous dit: Oui, on aimerait ça, un autre 15, 20 structures, pourriez-vous me le présenter? Parce que, moi, dans mon comté, ce que les citoyens me disent, c'est: Baissez les impôts, baissez les taxes, enlevez des fonctionnaires puis, pour l'amour du bon Dieu, ne mettez plus une structure de plus, on en a déjà pas mal assez, merci!

Si vous faites du bureau de comté, les gens vous appellent, puis là on s'aperçoit que pour eux c'est très complexe, et c'est l'essence même de la démocratie de savoir, de comprendre comment fonctionne le gouvernement. Mais c'est le propre des gouvernements sociaux-démocrates d'en ajouter puis d'en remettre, puis envoie donc par là. Mais ce n'est pas ça que les citoyens veulent; ils veulent de l'efficacité. Quand on est en affaires, M. le Président, souvent, quand on voulait être efficace, on n'en ajoutait pas, on en enlevait, puis les affaires devenaient plus efficaces. Il y avait moins de monde qui prenait des décisions, puis elles étaient mieux prises. Ce n'est pas ça qui se passe ici. On crée des structures, on les multiplie. C'est comme des petits pains, des petits pains Pascal: ça se multiplie, cette affaire-là. Alors, je demande à ce gouvernement: Ça fait trois ans, là. Hier, vous avez eu comme une leçon. Vous avez eu comme une leçon, hier soir. Je demande à ce gouvernement: Arrêtez les structures, ce n'est pas ça que les citoyens veulent. Arrêtez d'en mettre, ils n'en veulent plus. Ce qu'ils veulent, c'est un gouvernement plus près des gens, plus humain.

J'aimerais ça, moi, que vous parliez à ma belle-mère, qui a 78 ans, qui vient d'être opérée pour un oeil, qui demeure à Granby et qui a dû être opérée à Sherbrooke. J'aimerais ça. Elle est chez moi, ce soir. J'aimerais ça que vous lui parliez, à ma belle-mère, Blanche Lacasse, mère de 12 enfants vivants, tous gradués universitaires, dont le père est décédé, dont le père a été teneur de livres dans un garage la nuit. Une famille absolument extraordinaire. Cette femme-là vient de passer à travers le virage ambulatoire. Elle vient de passer à travers le virage ambulatoire, M. le Président. Ce que je dis au ministre des citoyens, ce que je lui dis, c'est: Un peu d'humanité dans ce gouvernement, pas des structures. Ma belle-mère, elle n'a pas demandé une structure de plus quand elle est allée se faire opérer pour son oeil; ce qu'elle a demandé, c'est un peu d'humanité, c'est un peu qu'on l'accueille, à 78 ans, avec sa canne, c'est un peu qu'on comprenne qu'elle ne pouvait peut-être pas être là à 9 heures le matin parce que, à 78 ans, on ne prend pas son bain à la même vitesse qu'un petit jeune de 17 ou 18 ans, c'est peut-être qu'on marche un peu moins vite dans les corridors avec elle, c'est peut-être aussi que, dans le Centre hospitalier de Sherbrooke, on pourrait avoir les deux langues. Ça n'aurait rien enlevé à ma langue et ça aurait peut-être pu aider une clientèle qui est très âgée dans notre coin.

Un peu d'humanité, M. le Président. Ce n'est pas ça qu'on a fait chez nous, ce n'est pas tout à fait ça qu'on a fait chez nous; on a bulldozé les affaires, on a labouré les affaires et puis, pendant ce temps-là, on crée des structures. Ça ne crée pas une job de plus, mais ça met du monde en poste, hein? Ça met les amis du parti, puis nominations à gauche et à droite. Les Yves Michaud de ce monde vont se trouver des places là-dedans. Faites-vous-en pas, M. le Président, c'est en grande partie... On a déjà vu ce film-là avec le PQ.

J'arrête ici. Nous souscrivons au projet de loi n° 94. Un peu plus d'humanité, messieurs dames du gouvernement péquiste, un peu moins de structures, un peu moins de taxes, un peu moins d'impôts et un peu plus d'efficacité. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il n'y a plus d'intervenants? Alors, le projet de loi n° 94, Loi modifiant la Loi sur l'aide au développement des coopératives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

M. Boisclair: L'article 43 du feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 86


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 43, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune propose l'adoption du projet de loi n° 86, Loi sur le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent. Alors... S'il vous plaît! Je vous inviterais à revenir, nous sommes encore à la période des débats sur le projet de loi. M. le ministre, je vous cède la parole.

(21 h 30)


M. David Cliche

M. Cliche: Merci, M. le Président. Ainsi, en ce soir du 3 juin 1997, j'ai le plaisir de proposer, à titre de ministre de l'Environnement et de la Faune, l'adoption de ce projet de loi dont je garde d'excellents souvenirs au notamment au niveau de la négociation et au niveau du principe, parce que c'est en avril 1990, alors que M. Bouchard était le ministre de l'Environnement du Canada et que je le conseillais, que nous avions convenu des grandes lignes de la création de ce parc marin qui, nous disent les fonctionnaires fédéraux, est un exemple inédit qu'on ne reverra pas de sitôt, parce que ce projet de loi permet aux deux paliers de gouvernement, aux deux gouvernements, de s'associer, dans le respect des juridictions de chacun des deux gouvernements, pour la création d'un parc marin. Par la création de ce parc marin, non seulement le Québec confirme qu'il a la juridiction sur les fonds marins du Fjord du Saguenay et du fleuve Saint-Laurent, mais le Québec confirme qu'en matière de parc marin il est étroitement associé pour créer ce parc unique qui sera, en Amérique du Nord, le premier parc marin qu'on va mettre en place.

Il y a plusieurs éléments intéressants dans ce projet de loi et la création de ce parc marin. D'abord, allons à l'essentiel. Il est devenu évident à la fin des années quatre-vingt qu'il devenait nécessaire de protéger cette ressource, cette faune que de plus en plus de gens vont admirer dans toute sa beauté, dans toute sa splendeur et dans toute sa grandeur que sont notamment les mammifères marins qui se regroupent. Certains de ces mammifères marins même passent maintenant l'hiver avec nous. Mais c'est à cette période de l'année que les grands mammifères marins se regroupent dans l'estuaire du Saguenay pour se nourrir essentiellement du krill, de la nourriture qui provient de la rencontre de ces eaux arctiques qui arrivent dans le fond marin par le fond du fleuve Saint-Laurent, qui sont très riches en phytoplancton. Lorsque le phytoplancton refait surface, lorsqu'il est emporté par les eaux en provenance de l'estuaire du Fjord du Saguenay, il y a une explosion de cette richesse phytoplanctonique en richesse zooplanctonique et c'est à ce moment-là qu'il y a vraiment une explosion d'une source de nourriture. C'est ainsi qu'on retrouve, à l'estuaire du Saguenay, cette richesse qui a été depuis longtemps découverte par les mammifères marins.

Donc, on se devait de protéger cette ressource essentielle, parce que déjà à la fin des années quatre-vingt on notait, par exemple, que l'achalandage au niveau de l'observation pouvait dans certains cas amener du harcèlement auprès de ces animaux, les faire fuir, les stresser, amener même des problèmes au niveau de la productivité. Également, compte tenu de la profusion des animaux, il faut penser – et il fallait à ce moment-là penser – à mieux canaliser, baliser la circulation marine pour protéger ces mammifères marins et faire en sorte qu'ils demeurent en bonne santé et qu'on puisse les observer à bon gré.

Et c'est ainsi que ce projet de loi, que j'espère nous allons faire en sorte qu'il soit loi ce soir ou dans les jours qui viennent, a fait l'objet non seulement de ces négociations de principe entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec, qui ont été conclues en avril 1990, qui font en sorte que le parc marin est constitué du fond marin, c'est-à-dire du fond du Saguenay, du fond du fleuve Saint-Laurent jusqu'à une ligne médiane au milieu du fleuve Saint-Laurent, mais le parc marin – et c'est ça son caractère intéressant – est constitué des eaux marines où on pourra prendre les mesures nécessaires pour protéger les ressources. M. le Président, il faut que vous compreniez que, au pourtour de ce parc marin du Saguenay, il existe – dans la plus grande partie du pourtour – un parc qui est le parc québécois du Saguenay, qui est le pourtour terrestre de ce parc marin qui sera créé par cette loi.

Il y a eu, en 1990, une première longue consultation dans le milieu où on a demandé aux gens de déterminer avec nous quelles étaient les limites de ce parc marin que nous allons établir. Et c'est ainsi que, par cette consultation de 1990, il y a eu 70 mémoires de déposés et c'est à ce moment-là que nous avons décidé de porter ce parc marin d'une superficie prévue à ce moment-là de 746 km² à une superficie totale maintenant de 1 138 km². Il y a eu subséquemment, et ceci, c'est le coeur du développement, de la reconnaissance et du coeur de ce développement, une proposition faite par les deux ministres de l'Environnement et responsables des parcs – au Québec, c'est le ministre de l'Environnement et de la Faune, mais, à Ottawa, c'est la ministre du Patrimoine – il y a eu cette proposition du plan directeur du parc marin et 63 intervenants sont effectivement intervenus pour arriver à l'élaboration de ce plan directeur qui, en février 1986, a été ratifié et signé par les deux ministres responsables.

Le projet de loi prévoit essentiellement des obligations essentielles – et je sais que le député du Saguenay qui a participé à cette commission parlementaire, de même que le député de Laurier-Dorion qui a participé à cette commission parlementaire, nous en avons amplement discuté – mais ce projet de loi comporte des obligations, si je peux m'exprimer ainsi, de consultation: des deux ministres, un par rapport à l'autre, et principalement du ministre québécois de l'Environnement; consultation envers la population qui, elle, est associée intimement non seulement à la volonté de créer ce parc, mais qui sera elle-même intimement associée à la coordination et à l'application, à la mise en oeuvre de ce plan de développement.

La façon dont ça va fonctionner, M. le Président. Ce plan directeur, qui a été signé par les deux ministres en février 1996 et qui avait fait l'objet d'une longue consultation, ne pourra être modifié sans qu'il y ait une consultation ferme, une véritable consultation, et nous en avons amplement parlé en commission parlementaire, auprès du comité de coordination qui, dans le milieu, est formé des MRC, des deux MRC qui sont au pourtour du Saguenay, mais également des MRC qu'on retrouve également au sud du Saint-Laurent, de plus, de la communauté montagnaise de Essipit et d'autres représentants du milieu qui forment le comité de coordination qui est essentiel non seulement dans la mise en oeuvre de ce plan directeur de développement, mais dans l'élaboration des plans directeurs subséquents et dans toute modification des plans directeurs du parc du Saguenay.

Le comité de coordination est l'interlocuteur privilégié, essentiel, incontournable – et je veux mettre vraiment l'emphase là-dessus – pour chacun des deux ministres qui, dans leur juridiction, devront consulter ce comité de coordination pour l'élaboration, la préparation et la mise en oeuvre de ce plan directeur de développement. Entre les deux ministres, entre les deux gouvernements, entre les deux ministères, il y a ce comité d'harmonisation, comité d'harmonisation qui est beaucoup plus un comité administratif, composé de hauts fonctionnaires et dont le rôle principal est d'harmoniser les actions des deux gouvernements pour donner suite réellement à la mise en oeuvre du plan de développement du parc marin du Saguenay.

Des exemples, M. le Président. Si, dans l'élaboration de ce plan de développement et dans sa mise en oeuvre, il était décidé de faire en sorte que certaines activités soient interdites, comme le prévoient les possibilités du projet de loi... Le projet de loi prévoit non seulement qu'on peut baliser des activités mais on peut ou on pourrait faire en sorte qu'une réglementation établisse des distances minimales à établir entre les observateurs des mammifères marins, ceux qui utilisent les zodiacs et ces mammifères marins. Il y a même des possibilités que, par règlement, le gouvernement prescrive l'accès à certaines zones jugées essentielles à la préservation et la conservation. Parce qu'un parc, M. le Président, il ne faut jamais l'oublier, c'est d'abord et avant tout un territoire de conservation. Il y a notamment, dans ce territoire marin, des zones critiques en matière de frayères. Bref, lorsque le plan directeur déterminera les protections spécifiques dans certaines zones, l'encadrement de certaines activités, par ce comité d'harmonisation, les deux gouvernements s'assureront d'adopter les mesures législatives, surtout les mesures réglementaires nécessaires pour donner suite à l'application de ce plan de développement.

(21 h 40)

Je pense que ce n'est pas tous les jours que l'Assemblée nationale a l'occasion de se prononcer sur la création d'un nouveau parc. Ce nouveau parc est sans doute un joyau du Québec. Il est reconnu par la communauté québécoise, la communauté canadienne, la communauté nord-américaine, et il faut être allé, l'été, dans ce qui sera ce parc et ce qui est maintenant les lieux d'observation des baleines pour réaliser que c'est le monde entier, notamment les Européens, qui traverse l'Atlantique Nord pour venir voir ce spectacle magnifique du petit rorqual et des autres mammifères marins qui viennent se nourrir, comme je l'expliquais, dans ce parc marin.

Ce n'est pas tous les jours qu'on peut adopter un projet de loi qui, nous disent les hauts fonctionnaires fédéraux, malheureusement depuis l'élection du gouvernement libéral en 1993, est chose du passé, c'est-à-dire que le gouvernement du Québec a fait en sorte que, par la création de ce parc marin, il n'y ait aucun transfert de terres du Québec à l'endroit du Canada. C'est dans la reconnaissance pleine et entière de chacune des juridictions, sans accepter aucun empiètement dans nos juridictions, que nous créons ce parc marin qui sera là pour le plaisir des politiciens qui vont nous suivre, des générations qui vont nous suivre. Et, lorsque je repasserai dans ce beau coin de pays que j'essaie de visiter le plus souvent possible... Je suis sûr que la critique officielle de l'opposition et les députés membres de cette Assemblée, lorsqu'ils passeront dans ce joyau de pays, dans cette embouchure magnifique, ils garderont à l'esprit ce soir du 3 juin où nous avons adopté ce projet de loi créant un nouveau parc – une première – un parc marin dans ce beau coin de pays, ce beau coin de planète dont nous avons la responsabilité.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune. Je vais céder la parole maintenant à M. le député de Laurier-Dorion. M. le député.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. Il me fait également très plaisir de m'associer à l'adoption de ce projet de loi qui va créer un nouveau parc pour le Québec et le Canada. Je tiens également à féliciter le ministre pour son excellent discours qui démontre comment merveilleusement bien le fédéralisme peut fonctionner quand on y met les énergies, quand, sans rupture, sans sécession, sans séparation, sans chicane mais avec des négociations de bonne volonté, on peut mener à terme des projets qui bénéficient à nos citoyens d'aujourd'hui, à nos générations futures. C'est évident qu'on peut faire des choses quand on veut, et je tiens à féliciter le ministre pour avoir été le conseiller de celui qui était à l'époque ministre de l'Environnement du gouvernement fédéral. Je tiens à souligner au ministre – et c'est peut-être à propos de le faire, ce lendemain d'élection fédérale, ce 3 juin, effectivement – que des fois on évolue dans la vie, mais des fois on prend des mauvais chemins dans l'évolution.

J'aimais mieux le ministre quand il travaillait pour que ça fonctionne plutôt que quand il travaille pour que ça ne fonctionne pas. C'est dommage, parce que effectivement le ministre a bien fait l'éloge de ce qu'on peut faire, et, dans le domaine de l'environnement, l'avantage, l'importance de la collaboration, de la coopération. Mais on sait que cette coopération et cette collaboration ne peuvent se fonder que si les parties impliquées travaillent avec la volonté réelle de faire fonctionner les choses. C'est une démonstration un peu plus claire, M. le Président, de l'interdépendance dans le domaine de l'environnement, dans lequel les choses ne sont pas étanches, ne sont pas séparées les unes des autres. Dans une situation comme celle-ci, nous avons l'exemple de comment on peut faire effectivement fonctionner les choses pour le mieux-être de nos citoyens, de nos générations futures surtout. Quand on parle d'environnement, il faut toujours avoir ça en tête. On peut faire fonctionner les choses quand on veut.

Sur le fond, on ne peut pas être contre la vertu, surtout quand c'est un gouvernement du Parti libéral qui avait initié cette vertu du côté du Québec. Et le ministre a bien fait remarquer que c'est quelque chose qui a commencé en 1990, parce que effectivement je pense que tout le monde, y inclus les gens qui étaient ici en tant que ministres du gouvernement du Québec, comme les gens qui étaient à Ottawa... Et je n'ai aucune indication de croire que c'est différent quand il arrive des sujets aujourd'hui, quand il arrive des sujets qu'on peut effectivement aborder avec une bonne volonté de part et d'autre, M. le Président. Les gens décident effectivement de mettre leurs énergies à travailler pour qu'on puisse aujourd'hui, le 3 juin, se prononcer tous en faveur de ce projet de loi qui va effectivement garantir que, dans l'avenir, ce joyau du Québec et du Canada, qui est le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, protégera, conservera les diverses activités marines qui passent là, M. le Président. Je ne vous parlerai pas de plancton, de phytozoïdes, et tout ça. Le ministre a bien fait la démonstration de combien ça peut être... bien oui, mais phytozoïdes, je peux utiliser mon grec, vous savez, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: (S'exprime en grec). M. le Président, il me fait plaisir effectivement de m'associer avec tous les autres membres de cette Assemblée à la création de ce parc qui est effectivement un événement, je pense, important, un endroit que j'ai eu le plaisir de visiter à quelques reprises. Effectivement, je peux concourir avec le ministre pour ce qui est de la beauté du site, des activités qui se passent là, avec les mammifères qui nous visitent et qui hivernisent avec nous – si je comprends bien – qui attirent effectivement des touristes, des personnes qui viennent d'un peu partout dans le monde. Nous, ici, nous avons l'occasion de le visiter plus souvent, si on peut se permettre de le faire de temps en temps. J'encourage tous ceux de nos concitoyens qui peuvent le faire à le faire et en souhaitant que ceux qui n'ont pas pour l'instant les moyens trouvent les moyens, une fois que ce gouvernement va commencer à véritablement s'occuper de leur problème réel de manque d'emploi en arrêtant les chicanes et en mettant les efforts à avoir plus de réussites, de coopération comme celle-ci que le ministre a si éloquemment expliquée, la volonté qui existait et qui peut donc toujours exister.

Alors, j'invite le ministre à reconsidérer, M. le Président, le chemin qu'il a suivi depuis le temps qu'il travaillait pour que ça fonctionne, pour qu'il revienne véritablement à ce qu'on puisse travailler sans perte d'énergie inutile dans des projets illusoires de toute façon, à ce qu'on puisse multiplier des projets comme ceux-ci, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il n'y a pas d'autres intervenants.


Mise aux voix

Le projet de loi n° 86, Loi sur le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le ministre.

M. Boisclair: L'article 47, s'il vous plaît, M. le Président.


Projet de loi n° 105


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 47, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune propose l'adoption du projet de loi n° 105, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. David Cliche

M. Cliche: Merci, M. le Président. C'est un très court projet de loi, trois articles, mais c'est un projet de loi important parce qu'il signifie pour le gouvernement du Québec deux choses fondamentales. D'abord, ce projet de loi signifie que, lorsque le gouvernement adopte une politique, que ce soit en matière d'environnement ou en d'autres matières, lorsque le gouvernement adopte une politique, ça veut dire d'autre chose et plus que des voeux pieux, ça veut dire que, lorsque le gouvernement adopte, par son Conseil des ministres, une politique, elle doit éventuellement être suivie.

L'autre aspect fondamental de ce projet de loi porte sur la notion d'équité, c'est-à-dire qu'il faut être équitable envers ceux et celles, les organismes, qui décident de bon gré de suivre la politique que se donne le gouvernement, et faire en sorte que ceux et celles qui refusent de suivre la politique ne puissent le faire en toute impunité sans que, sur la base de l'équité, ils aient à rendre compte de leurs actes, et faire en sorte qu'il y ait une forme de pénalité pour ceux et celles qui refusent de suivre les politiques gouvernementales.

(21 h 50)

C'est ainsi, M. le Président, que l'idée de ce projet de loi nous est venue lorsque nous avons réalisé qu'essentiellement huit ans après 1988, soit en 1996, l'an dernier, nous avons réalisé que la politique qui vise à faire en sorte qu'on arrête de déverser dans les cours d'eau les neiges usées collectées par des municipalités au Québec, que ces municipalités arrêtent de le faire, ça avait été décidé en 1988. Or, en 1996, l'an dernier, nous avons réalisé que la majorité des municipalités qui collectaient des neiges usées et qui les déversaient dans les cours d'eau s'étaient conformées à la politique d'arrêter de jeter dans les cours d'eau ces neiges usées alors que d'autres, de façon évidente, se traînaient les pieds en se disant: Bof! l'an prochain, encore une fois, nous retournerons voir le ministre de l'Environnement et de la Faune et nous lui expliquerons que, pour différentes raisons techniques, nous ne pouvons malheureusement nous conformer à la politique gouvernementale, et on passera une autre année. Pendant ce temps, des municipalités, elles, avaient investi pour entreposer des neiges usées sur leur territoire, en milieu terrestre, pour les traiter correctement.

C'est ainsi qu'à peine quelques jours après avoir été nommé ministre de l'Environnement et de la Faune, en janvier, février 1996, je faisais l'objet de représentations et j'ai eu plusieurs rencontres avec des municipalités qui me disaient à juste titre: M. le ministre, nous nous sommes conformées à la politique qui fait en sorte que nous avons arrêté de rejeter nos neiges usées dans les cours d'eau; nous sommes convaincues que nous le faisons en contribuant à cet effort collectif des Québécois d'assainir leurs cours d'eau. Nous allons avoir investi bientôt 7 000 000 000 $ dans l'assainissement des cours d'eau... Or, ces municipalités me disaient: Comment se fait-il qu'une municipalité voisine de la mienne, elle, en toute impunité, continue de déverser ses neiges dans les cours d'eau, qui, disons-le, sont sources de pollution, M. le Président?

On pourrait avoir de longs débats sur la modification de la contamination des neiges subséquente à la modification des formules d'essence. On sait très bien, M. le Président, que nous avons banni le plomb de l'essence il y a déjà quelques années. Il va de soi que ce plomb ne se retrouve plus dans les neiges. Donc, cette partie de la pollution a été retirée. Mais il faut savoir, M. le Président, que la principale source de pollution, lorsqu'on rejette des neiges usées dans les cours d'eau, vient des matières solides, des matières qu'on retrouve en suspension. La ville de Montréal, M. le Président, qui, cette année, rejette encore 26 % des neiges usées qu'elle collecte sur son territoire, elle les rejette directement dans le fleuve Saint-Laurent, notamment au pont de la Concorde qui mène au Casino, bien, il faut que vous sachiez que, cette année, elle a rejeté, en même temps qu'elle rejetait les neiges usées, plus de 5 000 tonnes de matières solides. C'est comme si, impunément, la ville de Montréal avait jeté dans le fleuve Saint-Laurent 5 000 tonnes de déchets, directement dans le fleuve Saint-Laurent.

Alors, ce projet de loi, M. le Président, il vient corriger cette inéquité, c'est-à-dire que les municipalités qui continueraient en toute impunité de déverser dans les cours d'eau des neiges usées auraient à verser un droit environnemental, et c'est un concept nouveau. On a souvent utilisé la notion de pollueur-payeur, on a souvent utilisé également la notion de plus en plus d'outils économiques visant à diminuer la pollution, alors voici un bon exemple, un des premiers exemples que j'ai le plaisir d'amener devant cette législation, où le pollueur qui continuerait de polluer aura à verser un droit environnemental. Et, également, il faut remarquer que c'est sur la base de ce principe du pollueur-payeur, et de ce droit, que les municipalités vont, je l'espère, se conformer.

Il faut que vous sachiez, M. le Président, qu'il y a déjà... sur les 382 municipalités qui collectent des neiges usées, il n'y en a plus que 78 qui jettent encore des neiges usées dans les eaux du fleuve Saint-Laurent et dans les cours d'eau du Québec. Le fait, par exemple, que nous ayons clairement indiqué qu'une politique voulait dire qu'il fallait la respecter, et déjà des municipalités, en un nombre de plus en plus grand et accéléré, s'inscrivent auprès du ministère pour faire accepter un plan par lequel elles vont arrêter de déverser des neiges usées. Effectivement, ce que ce projet de loi prévoit, c'est que les municipalités qui ne font pas accepter par le ministère de l'Environnement et de la Faune des plans d'assainissement pour faire en sorte qu'elles arrêtent de jeter des neiges usées dans les cours d'eau, auront à payer une amende. Les autres municipalités, celles qui, d'ici le 1er novembre de cette année, 1997, auront fait approuver un programme d'assainissement, auront néanmoins à verser un droit qui sera calculé proportionnellement aux coûts évités, qu'elles évitent ainsi en jetant des neiges dans les cours d'eau au lieu de les traiter correctement.

Ce projet de loi est important, comme je le dis, parce qu'il y va de la crédibilité du gouvernement, il y va de la crédibilité du gouvernement au sens large, que ce soit un gouvernement du Parti québécois ou un gouvernement du Parti libéral – cette politique, cette bonne politique qui vise à arrêter le rejet des neiges usées dans les cours d'eau, a été mise en place par un ministre du gouvernement libéral – et je pense que le temps est maintenant venu de faire en sorte que les municipalités aient à respecter cette politique et, croyez-moi, M. le Président, il n'y aura pas de surprise de leur part. Les orientations et les volontés du ministre de l'Environnement et de la Faune leur ont été communiquées dans les premiers jours qui ont suivi ma nomination. Déjà, en mai 1996, nous leur avons remis l'ensemble des orientations et des objectifs. Nous leur avons même remis les droits environnementaux que les municipalités récalcitrantes auraient à payer. Ces municipalités ont ça en main depuis mai 1996.

Donc, M. le Président, il est venu le temps d'adopter ce projet de loi pour faire en sorte que ce projet de loi qui pourra également s'appliquer à d'autres secteurs, qui fait en sorte qu'une entreprise qui fait approuver par le ministère de l'Environnement et de la Faune un programme d'assainissement, mais qui déciderait de ne pas respecter ce programme d'assainissement ou qui continuerait de déverser dans les cours d'eau des matières qui sont interdites et qui sont prescrites en vertu d'un règlement ou en vertu d'une politique, que ces entreprises aient à verser un droit environnemental, une forme de pénalité, pour faire en sorte que les entreprises, les municipalités qui, elles, se sont conformées au programme d'assainissement, qui, elles, se sont conformées aux politiques environnementales, elles, en toute équité, ne puissent voir leur voisin municipal, leur voisin industriel, qui, en toute impunité, brime le droit environnemental de tous les Québécois en rejetant dans les cours d'eau, dans l'atmosphère, dans l'environnement des polluants qui sont prescrits.

C'est ainsi, M. le Président, que j'espère que nous allons adopter ce projet de loi. Il est attendu de tous. Il est attendu surtout de l'ensemble des citoyens du Québec qui partagent avec nous la nécessité de faire ce vaste effort collectif que nous avons entrepris il y a déjà 20 ans pour assainir nos cours d'eau, retrouver la jouissance de ces cours d'eau. Également, il a l'appui massif des municipalités qui se sont conformées en très, très grande majorité – près de 300 sur 370 – à cette politique et qui espèrent qu'enfin le gouvernement agira et pénalisera les municipalités qui, malheureusement, se sont traîné les pieds. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune. Nous cédons maintenant la parole au député de Laurier-Dorion. M. le député.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion de me prononcer sur le principe de ce projet de loi, annonçant clairement que nous étions en faveur du principe du projet de loi. Je ne reprendrai pas l'ensemble des éléments qu'a abordés le ministre au niveau de l'équité que ce projet de loi introduit dans la Loi sur la qualité de l'environnement par rapport à ces éléments concernant le principe du pollueur-payeur; nous sommes effectivement d'accord. Nous sommes effectivement d'accord également qu'il faut avoir une limite à un moment donné et que cette limite soit claire, qu'elle soit connue et qu'elle soit mise en application, par des pénalités s'il le faut.

Là n'est pas la question, M. le Président. Ce projet de loi est très court, il y a trois articles. Nous sommes donc d'accord avec l'ensemble du projet de loi dans son principe. Il y a un article, par exemple, que le ministre a oublié de mentionner précisément, c'est l'article 2. L'article 2 suspend l'obligation qu'a le gouvernement de prépublier le règlement qui sert de base pour les pénalités. Alors, il faut se poser la question: Pourquoi c'est fait comme ça? Pourquoi on ne va pas prépublier? Pourquoi on ne va pas donner 60 jours de temps aux personnes concernées, les municipalités en l'occurrence, pour recevoir le règlement, pour connaître quel impact ça va avoir, etc., par rapport aux pénalités qu'elles risquent d'encourir?

(22 heures)

Le ministre nous dit que les municipalités ne sont pas prises par surprise; j'en conviens. J'avais dit au ministre qu'elles sont prises à la gorge, par exemple, et il me semble qu'il y en a qui ont appris à faire des choses pareil, M. le député de...

Une voix: Laviolette.

M. Sirros: ...en tout cas, M. le whip en chef du gouvernement. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Il semble vous avez côtoyé assez les gens pour apprendre à faire les choses pareil, semble-t-il.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Parce que, M. le Président, ce qui arrive ici, la divergence que nous avons, à ce moment-ci, avec le ministre – sans nous empêcher de voter en faveur du principe et donc également de l'adoption, pour être conséquents – est la suivante: si on veut véritablement agir pour mettre un terme à une politique qui dure depuis trop longtemps parce qu'il n'y avait pas, dans la loi, une date ou un mécanisme qui forcerait la mise en oeuvre des pénalités, M. le Président, nous sommes d'accord, mais le but ultime de faire ça, c'est de faire en sorte que les neiges usées, dans ce cas-ci, puissent être traitées soit dans les usines de traitement des eaux, soit avec des mécanismes qui permettent d'éviter de les déverser dans la rivière ou dans le fleuve. Donc, un objectif environnemental. D'ailleurs, la loi s'appelle la Loi sur la qualité de l'environnement. Ce n'est pas une loi pour renflouer les finances gouvernementales, à ce moment-ci.

Et, s'il y avait une façon de nous démontrer qu'en agissant de la sorte, en suspendant la prépublication qui... Comme conséquence réelle, ça va être quoi? La conséquence réelle de ça, c'est que les municipalités qui ne seront pas en mesure – et c'est important de retenir ça – de traiter leurs neiges usées la saison qui vient, bien, elles vont être pénalisées. Elles vont être pénalisées même si elles ne sont pas capables. Même si elles voulaient, à partir du moment où on adoptait la loi, traiter leurs neiges, elles ne sont physiquement pas capables.

Une certaine dose d'humilité ferait en sorte que, normalement, comme législateurs, on fonctionne à partir du moment où on adopte nos textes et qu'on rend réelle et opérationnelle notre volonté. Ce n'est qu'à partir de ce moment-là que les citoyens ou les municipalités, ou les organismes concernés peuvent vraiment dire: C'est vrai, il y a dorénavant une volonté réelle du législateur et donc on doit se conformer, parce qu'elles n'auront plus le choix. Ce n'est pas à partir du moment des déclarations d'intention d'un ministre, même si c'est celui qui nous parlait; c'est à partir du moment où on adopte nos textes, et, normalement, c'est pour ça qu'il y a une procédure qui fait en sorte qu'un texte de loi est adopté, que les règlements sont prépubliés, que les gens peuvent, bon, etc., se prononcer sur ça, et qu'il y a un certain temps qui s'écoule, et que, éventuellement, les choses entrent en fonction. Ça devient réalité à partir de la volonté du législateur par l'adoption d'un projet de loi.

Or, dans ce cas-ci, c'est un peu comme si on disait... Parce qu'on a eu une discussion en commission parlementaire où il y avait un député ministériel qui disait: C'est un peu comme si on voulait vraiment dire à nos enfants qu'il faut arrêter de se comporter de cette façon-là puis qu'on leur donne une tape sur le derrière ou en tout cas. Et j'avais dit: Bien, ça dépend comment on veut élever nos enfants. Parce que, moi, j'ai appris que, quand on met quelqu'un dans une situation où il ne peut pas faire ce qu'on lui demande de faire puis qu'on le punit en plus, ce n'est pas exactement, je pense, comme ça que la majorité des gens élèvent leurs enfants.

Alors, à partir du principe que la déclaration de ce qui est permissible entre en opération à partir du moment où on adopte une loi et que ce n'est qu'à partir de ce moment-là que la loi traduit la réalité nouvelle qui existe dans la société, que celui qui est concerné sait ce qu'il a à faire, bien, si, en même temps, on lui dit: Bien, tant pis pour toi, parce que, là, je t'ai eu, j'ai adopté la loi... Je t'avais dit que j'allais le faire, je l'ai fait, puis je te punis. Même si tu veux le faire maintenant, le traitement de tes neiges usées, tu ne pourras pas, mais, moi, je vais te punir parce que je peux.

Incidemment, oublions le fait que nous avons pelleté, pour utiliser ce mot, 500 000 000 $ – pas nous; le gouvernement, M. le Président – dans la cour des municipalités au niveau des dépenses que les municipalités doivent assumer. Alors, si, en plus, vous ajoutez cet élément du casse-tête gouvernemental dans le tableau, vous avez une situation où les municipalités seront maintenant pénalisées sans avoir la possibilité de faire ce que le projet de loi que nous allons adopter dans les jours qui viennent, si ce n'est pas ce soir... Ça va être ce soir, ici, mais je pense que ça prend une sanction. Même s'ils veulent faire ce que nous disons qu'ils doivent faire, ils ne peuvent pas le faire, et on les pénalisera de toute façon, M. le Président, ce qui me semble être une façon punitive, sans autres mots. C'est strictement punitif. Ça n'a pas d'effet sur le traitement des neiges pour qu'on atteigne un objectif d'amélioration de la qualité de l'environnement.

Si, au moins, on pouvait me dire que les municipalités pourront, d'ici la saison prochaine, traiter leurs neiges usées et, si elles ne le font pas, on va les pénaliser à partir de ce moment-là et que ça nous prend la suspension de la prépublication pour qu'on puisse être en mesure de mettre en opération l'objectif d'amélioration de la qualité de l'environnement, je serais d'accord. Mais le ministre m'a bien dit que c'était impossible. Il était d'accord. Quand je lui posais la question que les municipalités ne seraient physiquement pas en mesure de le faire, il me disait: Oui, vous avez raison, mais, en dépit de ça, moi, je veux sévir; je veux démontrer que j'agis.

Mais il y a agir et agir. Il y a agir de façon correcte pour amener les gens à évoluer dans le sens d'une amélioration de la qualité de l'environnement avec – comment je peux dire – une adhésion volontaire; s'ils n'adhèrent pas de façon volontaire, bien, ils savent qu'il va y avoir des pénalités. Mais appliquer ces pénalités avant que ces gens-là puissent même avoir la possibilité physique de se conformer est punitif, rien d'autre.

La seule explication que je peux avoir, c'est qu'il doit y avoir une commande quelque part au niveau du ministère ou du gouvernement pour trouver des sous, parce qu'on sait que le ministre, lui, a perdu quelque chose comme 50 000 000 $ dans le budget de fonctionnement de son ministère. Et c'était l'autre élément de ce que je disais. Si, au moins, minimalement, on pouvait me dire que ces argents qui vont être collectés vont aller spécifiquement pour des objectifs d'amélioration de la qualité de l'environnement, que ça soit, par exemple, pour aider les municipalités à mettre en place des mécanismes ou pour compenser celles qui l'ont déjà fait, là, peut-être que le ministre aurait une certaine argumentation qui adoucirait cet aspect punitif du projet de loi, Mais, ça aussi, le ministre l'a exclu. Les revenus générés – parce qu'il s'agit de revenus que ce projet de loi va générer pour le ministre des Finances – vont aller dans le fonds consolidé, M. le Président.

C'est pour ça que je dis que cet aspect du projet de loi n'est pas ce qu'on aurait dû faire. On aurait dû – et je disais au ministre que c'est ce qu'on aurait fait à sa place – adopter le même projet de loi, mais ne pas suspendre la prépublication. En d'autres mots, indiquer clairement la volonté réelle avec l'adoption d'un projet de loi qui met fin à cette prolongation de la mise en oeuvre d'une politique adoptée il y a maintenant 10 ans; inclure également la possibilité d'avoir des amendes pour ceux qui continueraient de ne pas respecter cette volonté exprimée par le législateur, mais ne pas sévir de façon inutilement punitive, M. le Président.

Avec ça, je répète que, quant au principe de l'équité, quant au principe d'avoir un terme, nous sommes d'accord et nous voterons en faveur de ce projet de loi. En commission parlementaire, nous nous sommes objectés à cet article 2, mais, dans son ensemble, le ministre nous trouve d'accord.

Et j'invite les députés ministériels qui sont là à bien écouter leurs maires, à bien écouter les gens dans les municipalités qui, déjà, ne se trouvent pas surpris par le ministre, mais pris à la gorge avec les 500 000 000 $ qui leur ont été pelletés. Qu'ils écoutent bien les représentations qui leur sont faites parce que effectivement les municipalités trouvent, comme nous, que c'est une démarche punitive qui cherche à soutirer d'autres sous des municipalités qui sont déjà prises à la gorge. Puis, au bout de la ligne, qui est véritablement pris à la gorge? C'est le contribuable qui vit dans ces municipalités, qui va voir ses comptes de taxes augmenter et qui va se retrouver donc à subir inutilement des pressions pour des augmentations de taxes par rapport à ce projet de loi. Merci.

(22 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Laurier-Dorion. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, M. le ministre, vous avez droit à votre réplique de 20 minutes. M. le ministre.


M. David Cliche (réplique)

M. Cliche: Oui, M. le Président. Je serai bref. Je veux quand même répondre à cette notion importante qui est avancée à l'effet que nous prendrions les municipalités par surprise. En commission parlementaire, on en a longuement discuté, et le critique officiel de l'opposition suggère, en fait, d'aller en prépublication.

M. Sirros: Je ne veux pas faire une polémique, mais une question de règlement sur la correction des faits.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur une question de règlement?

M. Sirros: Je n'ai jamais prétendu, M. le Président, que le ministre les prenait par surprise. Je n'ai jamais prétendu que le ministre les prenait par surprise. J'ai dit qu'elles sont prises à la gorge, que le ministre décide d'agir d'une façon qui, comme résultat, est une façon strictement punitive, en reconnaissant qu'il les a effectivement avisées, mais que, fondamentalement, c'est le projet de loi qui les informe de la volonté réelle de la société. Et c'est comme ça que nous travaillons normalement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député. Alors, M. le ministre, en réplique.

M. Cliche: M. le Président, je le remercie d'avoir clarifié ses propos. Mais ce que je veux dire, c'est que tout ce qui est dans le projet de loi, tout ce qui est dans le règlement qu'on a discuté en commission parlementaire, ce n'est aucunement une surprise pour les municipalités. En 1988, on a adopté cette politique et c'est à l'automne 1994 que leur gouvernement avait décidé, au plus tard, de mettre fin au déversement des neiges usées. En 1994, le ministre de l'époque a accepté un délai supplémentaire de deux ans, soit à l'automne 1996. Et, au printemps 1996, lorsque je les ai rencontrés, à plusieurs occasions, j'ai dit à l'UMQ et à l'UMRCQ: Préparez-vous, tel qu'il avait été dit en 1994, c'est à l'automne 1996 que devra s'arrêter le rejet des neiges usées.

Et, en fait, par les technicalités, nous avons découvert qu'il fallait effectivement modifier la loi pour pouvoir effectivement imposer une forme de pénalité. C'est à ce moment-là que nous avons découvert que, par cette nécessité légale, en fait, en pratique, ce ne serait qu'à l'automne 1997 que commenceraient à s'imposer les premières pénalités pour les quelques municipalités, qui, j'espère, seront en très petit nombre, qui seraient, à ce moment-là, récalcitrantes.

Donc, vous voyez là, M. le Président, 1988 annonçant la politique, que sa mise en oeuvre devra être complétée en 1994, remise en 1996 et, par la force des choses, remise en 1997. Et, en toute équité pour les municipalités qui, comme Québec et d'autres grandes villes, ont investi, ont pris leurs responsabilités, à un certain moment donné je pense qu'il faut qu'une politique veuille dire quelque chose. Et je n'ai vraiment pas l'impression de faire tout ceci pour aller chercher des montants d'argent pour le fonds consolidé. J'ai, tout simplement, l'impression de faire une chose, c'est-à-dire de faire en sorte qu'une politique, qu'elle soit environnementale ou autre, mais, dans ce cas-ci, c'est une politique environnementale, veuille dire quelque chose. Et c'est la crédibilité même du gouvernement qui en sort grandie. Que ce soit un gouvernement du Parti québécois ou du Parti libéral, c'est la politique gouvernementale et la crédibilité du gouvernement qui en sort grandie.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune. Le projet de loi n° 105, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Boisclair: L'article 39 du règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Rubrique 39.

Une voix: Du feuilleton.


Projet de loi n° 106


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Pinard): Du feuilleton. On avait tous compris. Alors, à l'article 39 de notre feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 106, Loi modifiant la Loi sur la presse. Y a-t-il des interventions sur le rapport de la commission des institutions? Alors, M. le ministre de la Justice.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Alors, merci, M. le Président. Sans vouloir concurrencer mon collègue le ministre de l'Environnement qui parlait qu'il avait un projet de loi très important même s'il ne contenait que trois articles, je dois vous dire que j'ai un projet de loi très important qui contient deux articles. Alors, effectivement – l'article d'entrée en vigueur, on n'en parlera pas – il reste un article fondamental, puisqu'il s'agit de la liberté d'expression, qu'il s'agit du pouvoir de la presse de s'exprimer librement dans une société comme la nôtre, et je pense qu'il s'agit là de quelque chose de très important.

Un bref rappel historique. Il y a 20 ou 25 ans, tous les hebdos locaux ou régionaux fonctionnaient sur la base que l'on connaît de nos hebdomadaires, c'est-à-dire qu'ils publiaient un journal et qu'ils chargeaient un certain montant d'argent pour les personnes qui voulaient en prendre connaissance. Depuis 25 ans, graduellement, il s'est développé une nouvelle pratique commerciale qui consiste en ce que le journal, au lieu d'être vendu aux citoyens, lui est distribué gratuitement, et c'est la publicité qui est contenue dans ce journal qui constitue la source de financement de ce journal.

En soi, il n'y a rien là, M. le Président, de bien important en apparence, mais, par ce changement de façon de procéder, les journaux et les propriétaires, comme les gens qui écrivaient des articles à l'intérieur de ces journaux-là, qui bénéficiaient des avantages de la Loi sur la presse, ont cessé de pouvoir en bénéficier parce que la Loi sur la presse est ainsi rédigée qu'en bénéficient ceux qui sont vendus et distribués. Or, vous savez, par ce que je viens de dire, que les hebdomadaires locaux et régionaux ne sont plus vendus, mais sont simplement distribués. Donc, dans les faits, ils ne bénéficient plus de cette loi.

Mais encore quel est l'avantage qu'ils perdent de ne pas bénéficier de cette loi? Bien, simplement c'est que les journaux ont – et les journalistes, bien sûr – la liberté d'expression et de s'exprimer, mais que, à l'occasion, il peut arriver qu'un journaliste ou un journal dépasse certaines bornes et qu'on soit en présence d'un article diffamatoire ou libelleux. En conséquence, la Loi sur la presse prévoit que, si un journaliste ou un journal publie un article qui est considéré comme libelleux et qu'il reçoit un avis de la part de la personne qui considère que l'article est libelleux ou diffamatoire à son égard, s'il reçoit une demande de rétractation et qu'effectivement le journal publie une rétractation ou une rectification, à ce moment-là, la personne qui a été diffamée ou libellée ne peut réclamer autre chose que les dommages réels subis à ce moment-là. Bref, c'est un avantage considérable si le journal, par erreur, par distraction ou autrement, a commis un libelle et que, tout de suite, il se rétracte. Il évite, en ce faisant, des poursuites en dommages et intérêts qui pourraient être, dans certains cas, extrêmement élevés.

Alors, comme les journaux hebdos, régionaux et locaux ne sont plus sous le couvert de la loi, ils perdent le bénéfice que je viens d'exprimer et, en conséquence, ils seront exposés à des poursuites. Avec ce projet de loi, on fait en sorte que les bénéfices prévus anciennement par la loi puissent continuer à être ceux dont bénéficient les journaux hebdos et régionaux. En conséquence, M. le Président, même s'il ne s'agit que d'un article, il s'agit d'un article extrêmement important, puisqu'il protège, dans notre société, la liberté d'expression et, en conséquence, je demande à cette Assemblée d'adopter ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du rapport de la commission des institutions? M. le ministre.

M. Boisclair: En vertu de l'article 100 du règlement, pas du feuilleton, je ferais motion pour ajourner le débat, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous ajournons nos débats...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi. Excusez-moi, messieurs dames. Excusez-moi. Alors, il y a motion actuellement, dûment adoptée, pour ajourner le débat sur le rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 106. M. le ministre.

M. Boisclair: Je fais donc maintenant motion pour ajourner les travaux au mercredi 4 juin 1997, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Les travaux sont donc ajournés au mercredi 4 juin, à 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 20)


Document(s) associé(s) à la séance