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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 10 décembre 1997 - Vol. 35 N° 146

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Table des matières

Dépôt du document intitulé Réforme parlementaire – Proposition du président de l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre CharbonneauRéforme parlementaire – Proposition du président de l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre Charbonneau

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

Le Président: Alors, Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir un moment.

Très bien. Veuillez vous asseoir.

À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons débuter la séance.


Dépôt du document intitulé Réforme parlementaire – Proposition du président de l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre Charbonneau

Pour débuter cette séance, je dépose ce matin une proposition de modifications au règlement relatives aux thèmes suivants: l'élection du président et des vice-présidents, les procédures d'adoption rapide des projets de loi et des motions, les pétitions présentées par les citoyens à l'Assemblée nationale et les questions orales avec débats. Ce dernier thème vient modifier substantiellement la période des questions et des réponses orales telle que nous la connaissons.

Alors, ces propositions de modifications au règlement ainsi qu'une liste de sept autres thèmes ont été transmises aux deux leaders ainsi qu'aux députés indépendants. Je désire aujourd'hui, par ce dépôt, en saisir l'ensemble des membres de cette Assemblée. J'ai également l'intention de convoquer dans les prochains jours la commission de l'Assemblée nationale afin de pousser plus loin les discussions déjà amorcées.


Affaires courantes

Alors, aux affaires courantes, déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre de la Justice.


Rapport annuel 1995-1996 de l'Ordre des podiatres du Québec

M. Ménard: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1995-1996 de l'Ordre des podiatres du Québec.

Le Président: Alors, ce document est déposé.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions ni de dépôt de pétitions, pas plus qu'il n'y a d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Mais je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de Mme la ministre de la Sécurité du revenu proposant que le projet de loi n° 149, Loi portant réforme du régime de rentes du Québec et modifiant diverses dispositions législatives, soit adopté.


Questions et réponses orales

Ce qui nous amène dès maintenant à la période des questions et des réponses orales. Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, en principale.


Dépôt du projet de loi sur la réforme de la sécurité du revenu

M. Copeman: Merci, M. le Président. Il y a deux semaines, le premier ministre est sorti du Conseil national de son parti en s'engageant à déposer une réforme de l'aide sociale cette session. En l'absence du premier ministre, est-ce que le vice-premier ministre peut nous indiquer si, pour une fois, son gouvernement, son premier ministre a l'intention de respecter sa parole?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, M. le Président, il est certainement prématuré, comme l'a fait un quotidien aujourd'hui, de prétendre qu'il n'y aura pas dépôt de la réforme portant sur la sécurité du revenu durant la présente session. Nous sommes toujours en discussion, et j'indique au député de Notre-Dame-de-Grâce et à cette Assemblée que nous souhaitons pouvoir finaliser ce projet de loi et le déposer avant la fin des travaux de la présente session.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: M. le Président, est-ce que la ministre de l'Emploi et de la Solidarité peut expliquer pourquoi le Conseil des ministres ainsi qu'elle-même ont été capables, depuis trois ans, d'imposer coupure après coupure aux 750 000 bénéficiaires de l'aide sociale, mais qu'elle est incapable aujourd'hui – et, semble-t-il, ça prend des tiraillements à l'intérieur du Conseil des ministres – de faire passer une réforme juste et équitable de l'aide sociale?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, le député a basé sa question sur une manchette fausse, alors que la réponse se trouve dans une manchette vraie qu'il n'a pa évoquée et que je vais évoquer maintenant. Le gouvernement du Canada, depuis une dizaine d'années et singulièrement depuis trois ans – et c'était l'unanimité chez les ministres des Finances des provinces hier à Ottawa – a comprimé dans des secteurs aussi essentiels et vitaux que l'éducation, la santé, les transferts sociaux les moyens que nous avions pour nous occuper de ces tâches. Il a forcé divers ministres du Québec, dont ma collègue de la Solidarité et de l'Emploi, dont mon collègue des Finances et ma collègue de l'Éducation, à faire des opérations extrêmement difficiles et pénibles parce que, simplement cette année, les coupures du gouvernement fédéral ont un impact de moins 4 000 000 000 $ dans nos finances publiques. Vous savez que notre déficit, M. le Président, sera de 2 200 000 000 $. Si ce n'était de ces coupures, nous serions déjà à surplus.

Alors, si le député veut s'occuper des vrais problèmes au Québec, s'il veut s'occuper des vraies misères, qu'il aille aux vraies causes. Et les vraies causes, c'est celles que je viens d'exprimer, en ajoutant, M. le Président, que ce qui est d'autant plus odieux et qui fut constaté hier à Ottawa, c'est que, nous ayant fait subir tout cela, ils se déguisent pour venir envahir nos juridictions. C'est rendu que c'est les souverainistes qui défendent, à Ottawa, la Constitution de 1867. Réfléchissez à ça un peu.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: M. le Président, comment est-ce que le ministre des Finances peut se réfugier derrière quelque chose qui se passe ailleurs quand, lui, il connaît ses budgets? La ministre connaît ses budgets de l'aide sociale. Depuis trois ans qu'ils sont au pouvoir, ils sont capables de passer compression après compression, mais incapables de faire passer des bonifications, au moment où on se parle.

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Le député n'est pas assez naïf, M. le Président, comme personne dans cette Chambre d'ailleurs, pour ne pas se rendre compte que des choses qui se passent ailleurs, comme il dit, ont ici des conséquences dramatiques. C'est vrai qu'à Ottawa, ailleurs, comme vous dites, on nous a coupé 23 000 000 000 $ au cours des dernières années. C'est vrai qu'ailleurs, comme vous dites, on finançait à 50 % les programmes à frais partagés; on est rendu à moins de 33 %. Alors, réfléchissez à ailleurs. Ça vous rendra peut-être plus fervent de ce qui se passe ici.

(10 h 10)

Le Président: M. le député.

M. Copeman: M. le Président, si la ministre de l'Emploi et de la Solidarité est aussi sincère qu'elle le prétend, dois-je comprendre qu'elle est prête à quitter son poste de ministre si elle continue de frapper un mur au Conseil des ministres, ici, au Québec, qui refuse des bonifications qu'elle prétend défendre?

Le Président: Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: M. le Président, cela fait déjà trois ans que l'opposition manifeste un silence inquiétant, pour ne pas dire une sorte d'aveuglement à l'égard des coupures du fédéral à l'aide sociale. Juste cette année, seulement cette année, en matière de transfert, M. le Président, c'est 40 % à l'aide sociale, c'est l'équivalent de 600 000 000 $ de moins, pour cette année seulement, dans les budgets de transfert à l'aide sociale, qui s'ajoutent, bien évidemment, aux centaines de millions de moins en santé puis à l'éducation.

Alors, M. le Président, il est gênant de voir à quel point l'opposition, en fait, s'associe, par son silence, à ces coupures massives du fédéral. Et je rappellerais, M. le Président, que, loin de penser qu'il n'y aura pas de bonifications, nous sommes à discuter présentement, justement, pour que ces bonifications, dans la situation de nos concitoyens qui vivent de l'aide sociale, puissent vraiment améliorer leur sort.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, après avoir relu ce que la ministre a dit au cours des cinq dernières années sur l'aide sociale, est-ce que la ministre serait disposée à suivre le conseil que donnait Gérard D. Levesque dans un cas semblable, c'est-à-dire: Ou bien se soumettre, ou bien se démettre?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): D'abord, M. le Président, ce qu'a dit la ministre au cours des cinq dernières années, durant sa période dans l'opposition comme sa période au gouvernement, est admirable. Et tout le monde sait que la ministre est la conscience sociale de notre gouvernement, et nous en sommes fiers. Autant dans l'opposition. Et celui qui pose la question était victime comme nous des coupures fédérales. Autant dans l'opposition qu'au pouvoir.

Cependant, non seulement la ministre, mais l'ensemble du gouvernement et l'ensemble de la société du Québec se buttent à un manque de moyens parce que celui qui nous les donnait à travers des programmes à frais partagés nous les a brutalement coupés. C'est ça, la réalité. Ce n'est pas la sincérité de la ministre vis-à-vis des plus démunis ni le progressisme du gouvernement qui est en cause; c'est les finances publiques fédérales qui massacrent la société québécoise.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui. Est-ce que les membres du gouvernement ne constatent pas qu'on a affaire à un gouvernement de discours, à un gouvernement et un parti politique qui disaient qu'il fallait voter oui au référendum pour éviter un vent de droite, à un gouvernement et un parti politique qui se présentaient en 1994 en promettant mer et monde à absolument tout le monde au Québec et qui, aujourd'hui, montrent que c'est un gouvernement de discours et qui, dans la réalité, tape sur la tête des plus démunis au Québec? C'est ça que vous êtes en train de faire.

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, parlant de discours, le chef de l'opposition doit réaliser que, depuis plusieurs mois, il accable le ministre de la Santé du vocable de «technocrate», pensant que c'est là l'injure suprême. Il a tellement dit «technocrate» à notre endroit que le mot a fait le tour de la Chambre, et une de ses députées lui sert à lui, maintenant, le qualificatif de «technocrate». Alors, si c'était déshonorant, c'est lui qui est déshonoré. Mais cela n'est pas le fond de la question. Cela n'est pas...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Si jamais vous redécrivez le ministre comme un technocrate, pensez bien que, à chaque fois que vous utilisez ce vocable, vous risquez de vous décrire vous-même. Mais le fond de la question... Le chef de l'opposition a fait allusion à la notion de droite, une notion qu'ils connaissent bien, d'ailleurs. C'est leur caractéristique, ils sont le parti de droite, et il en faut dans des démocraties, des partis de droite. L'équilibre occidental est basé sur un long dialogue entre la droite et la gauche.

Mais un vrai parti de droite, quand il est au pouvoir, il fait son travail, comme l'a fait une femme avec laquelle je n'ai rien de commun, Mme Margaret Thatcher, en Grande-Bretagne. Elle n'a pas fait que parler et faire des discours, elle a fait le ménage dans les finances publiques. Vous êtes la droite du Québec, alors donnez au Québec les services qu'il est en droit d'attendre de la droite. Faites votre travail quand vous êtes au pouvoir. Vous ne l'avez pas fait, c'est pour ça qu'on est condamné à faire le travail des deux.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que les membres de cette Assemblée s'aperçoivent...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que les membres du gouvernement s'aperçoivent, contrairement au ministre, que ses réponses sont insuffisantes? Est-ce que...

Des voix: Bravo!

M. Johnson: Est-ce que le gouvernement ne s'aperçoit pas que ce qu'il est en train de pratiquer, c'est une politique non pas de discours ronflants qu'il a fait miroiter aux Québécois, non pas de promesses mirobolantes sur lesquelles il s'est fait élire, mais qu'il est en train de pratiquer une forme de gouvernement qui ne recule devant rien pour fermer des hôpitaux, priver les enfants de manuels scolaires, tout ça afin soi-disant de mettre la table pour se vanter que lui est capable de faire une job? C'est une job dont les Québécois ne veulent pas, fermer les hôpitaux et priver les enfants de manuels scolaires.

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, comme technocrate, le chef de l'opposition officielle a des hauts et des bas, au moins dans le vocabulaire. Hier, il parlait de «Pitou» et «Minou».

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Un langage plus vétérinaire que technocratique, bien que certains vétérinaires puissent être emportés par la technocratie.

Ce n'est pas ce matin, M. le Président, qu'on va départager les mérites de l'ancien gouvernement et du nouveau, nous avons une opposition fondamentale sur la question. Mais je vais invoquer un argument d'autorité qui est...

Des voix: ...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

(10 h 20)

M. Landry (Verchères): C'est assez impressionnant pour le gouvernement, cet argument que je vais invoquer, ça devrait l'être pour l'opposition. Il s'agit d'un organisme, le Conseil du patronat du Québec, qui, au cours des dernières années, ne s'est pas illustré par sa neutralité. Il s'est laissé carrément prendre au piège du Parti libéral dont il croyait qu'il allait agir comme un gouvernement de droite. Ils sont venus nous rendre visite la semaine dernière, je ne croyais pas voir ça de ma vie durant parce qu'on a rompu des lances, nous, avec le Conseil du patronat, à plusieurs reprises, parce qu'un parti progressiste, souvent, n'est pas en harmonie parfaite avec les patrons. Or, la semaine dernière, ils sont venus dire ici, premièrement, qu'ils étaient satisfaits, et pleinement, de l'action économique et budgétaire du gouvernement qui remettait de l'ordre dans les finances publiques et ils ajoutaient que la raison qui nous force à faire des choses parfois difficiles, elle est directement reliée à la négligence et au retard de ceux qui nous ont précédés.

Ce n'est pas une annexe du Parti québécois qui parle, c'est le Conseil du patronat du Québec qui, encore une fois, s'il avait un préjugé favorable, ce serait en votre faveur. Alors, quand vos amis parlent comme ça, méfiez-vous de vos ennemis.

Le Président: M. le député de Nelligan, en principale.


Congédiement d'employés du ministère du Revenu dans le cadre des enquêtes sur la divulgation de renseignements personnels

M. Williams: Merci, M. le Président. Hier, nous avons appris par les médias qu'un employé du ministère du Revenu avait fraudé l'État de plusieurs centaines de milliers de dollars et que ce n'était que la pointe de l'iceberg. Ma question...

Le Président: Je voudrais simplement vous rappeler les dispositions de l'article 35. À partir du moment où c'est une affaire devant les tribunaux criminels, d'abord il y a la présomption d'innocence, il n'y a pas encore de condamnation, alors on ne peut pas parler comme s'il y avait eu condamnation, d'une part. Deuxièmement, M. le député, je vous inviterais à beaucoup de prudence parce que, à ce moment-ci, il ne s'agit pas, d'aucune façon, de porter préjudice à qui que ce soit. Il y a des gens qui sont maintenant devant les tribunaux.

Alors, je vous invite simplement à la prudence dans les mots que vous utilisez, parce que ce que vous venez de dire, actuellement, c'est comme si, finalement, il y avait eu condamnation. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Non, non, non. M. le Président, le député connaît bien les dispositions de l'alinéa 3° de l'article 35. L'article 35 mentionne: «si les paroles prononcées peuvent porter préjudice à qui que ce soit». Et rien, dans les paroles qu'il avait prononcées, au moment où vous l'avez interrompu, ne portait préjudice à qui que ce soit. Donc, l'article a été respecté.

On considère ça comme un appel à la prudence, M. le Président, mais il n'y a pas eu violation du règlement.

M. Jolivet: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Si le leader de l'opposition dit que le député connaît bien l'article, il devrait bien l'appliquer, ce qu'il n'a pas fait.

Le Président: M. le député de Nelligan.

M. Williams: Ma question, M. le Président, est pour la ministre déléguée au Revenu, si elle peut répondre à ma question aujourd'hui: Est-ce que la ministre déléguée peut nous confirmer que cet employé fait partie des sept autres congédiements annoncés par la sous-ministre il y a quelques semaines?

Le Président: Mme la ministre déléguée au Revenu.

Mme Dionne-Marsolais: Alors, M. le Président, je confirme que l'employé dont il a été question hier fait partie des sept congédiements dont j'ai parlé ici, dans cette Chambre, dans les dernières semaines.

Et, parlant de discours, M. le Président, il serait peut-être intéressant de savoir ce que l'opposition a fait dans le passé par rapport à ce type de comportement aussi.

Le Président: M. le député.

M. Williams: Est-ce que la ministre déléguée... est-ce que ce congédiement des six autres employés... Maintenant, on parle de sept, là. Je ne me souviens plus. ll y en a eu un, après ça huit, et là on parle de sept. Est-ce que le congédiement de six autres employés impliquait d'autres combines frauduleuses et quelles sont les sommes impliquées dans les sept autres cas?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Dionne-Marsolais: Puisque notre intention, M. le Président, est de corriger des comportements et d'assurer des poursuites, le cas échéant, vous comprendrez que je ne peux pas commenter sur les six autres. Ce que j'ai dit en cette Chambre, c'est qu'il y avait eu un cas pour vente de renseignements et qu'il y avait eu sept autres congédiements pour des cas de manquements graves à l'éthique et qui pourraient éventuellement se traduire par des poursuites. Je n'en ajouterai pas plus, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Williams: Comment la population peut-elle avoir confiance envers le ministère du Revenu étant donné que, depuis des semaines, on découvre de plus en plus d'activités présumées criminelles, des cas d'abus de confiance, d'échange de renseignements, et qu'il est évident que la ministre n'a aucun contrôle sur son ministère?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Dionne-Marsolais: Justement, M. le Président, je pense que la population peut avoir grandement confiance en ce gouvernement parce que, nous, M. le Président, nous agissons quand il le faut et dès que ces informations-là arrivent à nos oreilles.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne, en principale.


Envoi d'avis de perception de pension alimentaire par télécopieur à l'employeur du débiteur

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. M. le Président, permettez-moi de rafraîchir la mémoire de la ministre déléguée au Revenu en ce qui a trait à l'article 75 de la loi qui est supposée faciliter le paiement des pensions alimentaires. Article 75: «Tout renseignement obtenu en vertu de la présente loi est confidentiel. Nul ne peut faire usage d'un tel renseignement à une fin non prévue par la loi, communiquer ou permettre que soit communiqué un tel renseignement à une personne qui n'y a pas légalement droit ou permettre à cette personne de prendre connaissance d'un document contenant un tel renseignement ou d'y avoir accès.»

Est-ce que, M. le Président, la ministre déléguée au Revenu trouve normal et acceptable que son ministère transmette des avis de perception de pension alimentaire par télécopieur, par fax, M. le Président, chez l'employeur du débiteur, quand on sait très bien que les renseignements confidentiels contenus dans les documents télécopiés sont à la vue, sont à la portée et sont, M. le Président, à la connaissance de tous les collègues de travail du débiteur?

Le Président: Mme la ministre déléguée au Revenu.

Mme Dionne-Marsolais: Je suis persuadée, M. le Président, que les fonctionnaires du ministère suivent à la lettre les règlements et les obligations de la loi. Je vais prendre note de la question et je vais vérifier ce qu'il y avait dans ce cas, M. le Président.

Le Président: M. le député de Chomedey, en principale.


Personnes désignées par la Commission d'accès à l'information pour enquêter sur la communication de renseignements personnels au cabinet du premier ministre

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Répondant à l'invitation que vient de nous faire la ministre déléguée au Revenu, de regarder ce qui s'est déjà passé, dans le passé justement, ce qui s'est produit dans le passé, on a reçu au bureau du leader de l'opposition, le 1er décembre 1997, il y a quelques jours, une lettre de Marc Bergeron, le procureur de la Commission d'accès à l'information, celui-là même qui avait dit publiquement qu'il y avait eu violation de la loi, c'est clair, une invitation à rencontrer M. Jean Foisy qu'il décrit comme étant l'enquêteur dans l'enquête sur les allégations de fuite de renseignements personnels.

Notre question au ministre responsable des Relations avec les citoyens et responsable de l'accès à l'information: Est-ce qu'il peut nous aider à savoir... Parce que, comme on leur a dit, on a référé cette question à nos procureurs. Est-ce que c'est possible que celui qui a été envoyé dans cette enquête neutre, indépendante, celui qu'on nous a envoyé pour checker ce que savait l'opposition là-dedans, ce soit un ex-candidat péquiste qui s'est présenté pour le Parti québécois dans Saint-Laurent en 1981? Est-ce que c'est le même Jean Foisy qui a été mêlé au scandale de la SHQ, en 1981, et dont les journaux, notamment Le Devoir , disaient à l'époque, et je cite: «Jean Foisy, ce fonctionnaire aurait profité de ses entrées auprès de M. Tardif, ex-ministre péquiste, pour obtenir l'adresse personnelle de Jean-Marie Couture, alors président de la SHQ», et que tout ça se serait fait avec Jean-Roch Boivin qui était mêlé là-dedans aussi? Est-ce qu'ils nous ont envoyé le même Jean Foisy pour faire enquête là-dedans? Est-ce que c'est ça qu'ils ont fait?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, le ministre des Relations avec les citoyens, bien sûr, va répondre à la question, mais je crois qu'il serait d'intérêt public, puisque, dans le préambule de la question du député de Chomedey, on fait allusion au passé, il est d'intérêt public et il faut que cela soit au Journal des débats ... Depuis quelques semaines, à la période des questions, des fois toute la période des questions, on débat très légitimement d'une question grave: la préservation des renseignements fiscaux. C'est une base démocratique importante.

(10 h 30)

Alors, pour teinter le débat, non pas le limiter d'aucune espèce de façon, mais pour le rendre moins partisan qu'il ne le fut, il faut rappeler que cette pratique de gens de cabinets consultant les renseignements fiscaux a été établie à la demande d'un ministre libéral, M. André Vallerand, et que son attachée politique, Mme Maya Raic, le 22 mars 1994, a demandé que le bureau du ministre ait accès aux dossiers de perception. Encore une fois, la chose est grave, mais je veux simplement que, lorsque nos amis d'en face tendent à être agressifs sur ce dossier, ils se rendent compte qu'ils ont, par lettre, établi cette pratique, qu'elle aurait pu être abandonnée plus tôt, que nous l'avons fait trois ans plus tard. Il vaut mieux tard que jamais, mais celui qui a instauré la mauvaise pratique est pas mal plus coupable que celui qui l'a abolie.

Le Président: M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, notre question concernait l'utilisation d'information confidentielle à des fins politiques partisanes par le bureau du PM et l'enquête derrière laquelle il se réfugie depuis des semaines. La question était adressée au ministre qui est responsable de la Commission d'accès à l'information. Elle concernait la personne qui nous a écrit à nous, dans l'opposition, pour savoir ce que, nous, on savait là-dedans, M. Jean Foisy. On veut savoir, est-ce que, parmi la dizaine de personnes qui sont habilitées à faire ce genre de travail à la Commission d'accès, est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est sérieux, est-ce que son gouvernement peut confirmer que c'est le même Jean Foisy qui est un ancien candidat du Parti québécois, qui était mêlé au scandale de la SHQ et qui est cité dans tous ces articles avec le même Jean-Roch Boivin qui, aujourd'hui, contrôle la Sûreté du Québec à partir du «bunker» et qui est empêché de faire son travail là-bas? Est-ce que c'est le même?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, il y a des accusations énormes qui sont faites à ce moment-ci. Je pense que le député n'a pas le droit d'attaquer quelque personne que ce soit de la façon dont il le fait. J'aimerais que vous le rappeliez à l'ordre, M. le Président.

M. Paradis: M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.


Document déposé

M. Paradis: Oui. Pour confirmer les dires du député de Chomedey, je demanderais le consentement du leader du gouvernement pour déposer les fonctions de Jean-Roch Boivin au bureau du premier ministre, conseiller spécial responsable de la Sûreté du Québec.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, il y a des gens qui sont responsables de bien des choses, mais, entre «responsable» et «contrôler», il y a une différence, et je pense que cette accusation-là, la personne n'est pas ici pour se défendre et, en conséquence, j'aimerais, M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, que vous en teniez compte dans la façon dont les questions sont posées, d'autant plus que, si le député, malgré ce que j'en connais, a de l'honneur, il retirera ses paroles.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, simplement pour vérifier s'il y a consentement ou si on veut cacher ça aussi.

Le Président: Je pourrais peut-être vous rappeler les dispositions de l'article 35, paragraphe 7°: il est interdit aux députés qui ont la parole de «se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à l'adresse de qui que ce soit». Sauf que, en l'occurrence, ici, c'est une question d'appréciation. Les uns peuvent avoir une opinion sur l'interprétation du paragraphe 7° de l'article 35 et, d'autres, une autre interprétation. À ce moment-ci, je vais reconnaître le ministre. M. le ministre.

M. Boisclair: Alors, à la question posée, M. le Président, le député de Chomedey a suffisamment d'expérience et connaît suffisamment bien la loi d'accès à l'information pour savoir que le ministre responsable de la Commission est responsable de l'application de la loi et non pas de l'administration de la Commission. Nous sommes dans une situation où la Commission a décidé de faire enquête sur les allégations dont nous discutons dans cette Assemblée depuis quelques semaines. La Commission a désigné une commissaire, la commissaire Boissinot, pour faire enquête. La commissaire est maître de sa procédure, et je pense qu'il n'appartient à personne dans cette Assemblée de lui dicter une conduite.

Le Président: M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, tout en constatant que ça n'a pas l'air de déranger le ministre, notre question concerne justement le manque de sérieux de l'enquête, et je vais reprendre...

Le Président: Je vous inviterais, en principale... Écoutez, je vous inviterais à ce moment-ci, quand on veut aller directement en principale, à y aller directement. M. le député de Chomedey, en principale.


Pouvoir d'enquête de la Commission d'accès à l'information

M. Mulcair: Merci, M. le Président. La question concerne le sérieux ou manque d'iceux de la commission d'enquête instituée dans cette matière. Le ministre vient de dire que la commissaire Boissinot mène l'enquête. D'ailleurs, c'est ce qui est confirmé mot à mot dans la lettre du procureur de la Commission, Me Marc Bergeron, qui dit: «L'enquête menée présentement par la commissaire Diane Boissinot...»

Est-ce que le ministre responsable de la Commission d'accès à l'information peut nous aider avec la question suivante? Comment il se fait qu'il y a une commissaire qui est en train de mener cette enquête alors que, dans un document qu'il connaît fort bien, aux pages 140 et 141, la Commission d'accès demande d'avoir le pouvoir pour ce genre d'enquête, que ça soit un ou une commissaire seule qui mène l'enquête? À l'heure actuelle, les seules choses qui peuvent être faites par un commissaire seul sont des choses comme une demande de révision. C'est spécifié, cela, à l'article 139 de la loi. La Commission d'accès, dans son rapport quinquennal, demande à ce que dorénavant une commissaire agissant seule puisse faire ce genre d'enquête.

Mais, puisqu'on est sur le sérieux ou manque de sérieux de l'enquête, est-ce que, contrairement à ce qu'il vient de faire dans le cas de Jean Foisy, cette fois-ci il peut nous répondre? Sur quelle base juridique est-ce qu'une commissaire agissant seule peut mener le genre d'enquête qui est prévue ici alors que c'est le contraire de ce qui est prévu dans la loi sur la Commission d'accès? À tel point que la Commission est devant la commission parlementaire en ce moment en train de demander à ce que dorénavant ça puisse être un et non pas les cinq. Sur quelle base juridique sérieuse cette fois-ci la Commission est-elle en train de procéder alors que c'est le contraire de sa loi, en dehors de l'ingérence politique déjà prouvée dans ce dossier?

Le Président: M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

M. Boisclair: D'abord, le député de Chomedey vient de faire une accusation grave. Il vient d'affirmer dans cette Assemblée qu'il y avait eu ingérence de la part du gouvernement auprès de la Commission d'accès à l'information. Je tiens ici à réfuter cette accusation, lui rappeler que l'objet des deux enquêtes, celle entourant les allégations concernant l'entourage du premier ministre, celle plus large concernant la qualité de la protection des renseignements personnels contenus dans les mégafichiers, elles ont fait l'objet, dans les deux cas, d'une décision de la Commission d'accès à l'information. Il est faux, M. le Président, de parler d'ingérence. C'est une affirmation que le député de Chomedey ne peut pas soutenir.

Deuxièmement, au sujet de la question précise soulevée par le député, ce qu'il convient de faire à ce moment-ci, c'est de le référer aux propos de Marc Bergeron. À l'occasion d'une conférence de presse, celui-ci a bien répondu à la question, et je ne voudrais pas faire autre chose que de le référer à ses propos. Il ne m'appartient pas ici de commenter les propos de M. Bergeron ni les agissements de la Commission d'accès à l'information. Ils ont toute notre confiance. Ils ont la confiance de l'ensemble des parlementaires, puisque c'est nous qui avons élu les commissaires.

Et la question de fond, M. le Président: si le député de Chomedey n'a pas confiance dans la Commission d'accès à l'information et dans ses propres choix qu'il a faits lorsqu'il s'est exprimé sur les personnes qui ont été nommées pour diriger la Commission d'accès à l'information, qu'il le dise, M. le Président.

Le Président: En complémentaire?

M. Mulcair: Est-ce que le ministre était ici, dans cette Chambre, le 25 novembre, lorsque le premier ministre a dit ceci: «Alors, j'ai décidé ce matin de confier un mandat particulier à la Commission»? Est-ce qu'il était ici, le même jour, lorsque le premier ministre a dit: «C'est pour ça que nous l'avons nommée»? Est-ce qu'il était ici lorsque le rapport de l'expert Yves Ouellette, ancien doyen de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, fut expliqué et qui dit que cela constitue, avec la lettre du premier ministre, une ingérence de l'exécutif dans le quasi-judiciaire?

Et pour ce qui est de la question qu'il a fuie concernant la constitution d'une commission d'enquête par une seule personne, alors que c'est devant la commission parlementaire en ce moment... ils n'ont pas le droit de la faire par une personne. On va tous comprendre la même chose, que le ministre n'est pas capable de répondre.

Le Président: M. le vice-premier ministre.

(10 h 40)

M. Landry (Verchères): M. le Président, je crois que le ministre a très bien répondu et il répondra encore. Mais je crois qu'il y avait...

Des voix: ...

Le Président: Alors, si on pouvait éviter les dialogues et les invectives, de part et d'autre, même s'ils ne sont pas compris par nos citoyens puisque le président est debout, je pense que ça aiderait à retourner au calme un peu. M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Mon collègue a bien répondu, surtout que la question comportait des procès d'intention, des fouillis d'argumentations par ouï-dire et autres méthodes que le député de Chomedey aime utiliser. Il a cité M. Ouellette, sans doute un juriste reconnu; le député de Chomedey me force à citer, moi, la Cour d'appel.

Le député de Chomedey, quand il était président et qu'il était l'avocat Thomas J. Mulcair, président de l'Office des professions, a déposé un affidavit, un document sous sa signature avec les règles de la preuve au Canada, dans une cause de l'Ordre des médecins du Québec...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement.

M. Paradis: Oui. Strictement, M. le Président – et je sais que vous étiez sur le point de...

Le Président: Je m'excuse, M. le leader, mais je ne comprends absolument rien. Je compte bien qu'on nous explique, M. le chef de l'opposition, mais, en attendant, je voudrais au moins comprendre votre leader.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Strictement – et vous étiez sur le point de le faire lorsque je me suis levé – rappeler au vice-premier ministre les dispositions de l'article 79 de notre règlement: «La réponse à une question doit être brève, se limiter au point qu'elle touche et ne contenir ni expression d'opinion ni argumentation. Elle doit être formulée de manière à ne susciter aucun débat.»

M. le Président, il y avait une question...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Strictement, il y avait une question très claire qui était adressée pour la deuxième fois au ministre responsable de la Commission d'accès à l'information, et le vice-premier ministre fait un tour de piste sur on ne sait quoi, M. le Président. S'il a des déclarations ministérielles à faire, qu'il les fasse au moment...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, le leader, il va le savoir, quoi, parce que je le dis. Dans l'affidavit déposé par celui que l'on pouvait appeler, dans le temps, Thomas J. Mulcair, la Cour d'appel a donné son opinion sur l'affidavit. Et c'est la Cour d'appel que je vais citer, tout simplement. Ça va être assez bref, c'est un paragraphe. Jugement 94: «Je suis d'avis, dit le juge, en effet, que non seulement aucune importance ne doit être accordée à cet affidavit, mais que surtout son contenu est absolument inadmissible selon toutes nos règles de preuve. Il me paraît en effet un fouillis d'argumentation, d'attestations par ouï-dire et de procès d'intention.» C'est ce que la...

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, est-ce que la présidence juge la réponse du ministre conforme aux dispositions de l'article 79 du règlement?

Le Président: Vous savez très bien, M. le leader de l'opposition officielle – c'est à plusieurs reprises que j'ai dû rappeler cette disposition-là – que, si le président commençait à apprécier les questions et les réponses et qu'il appliquait rigoureusement le règlement, il y aurait à peu près aucune question et aucune réponse qui ne seraient données. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, ce matin, dans le projet de réforme parlementaire que je dépose sur la modification de la période des questions et des réponses orales, vous retrouvez des nouvelles dispositions qui sont suggérées.

M. Paradis: M. le Président.

Le Président: Un instant. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, simplement pour vous demander d'apprécier de la même façon les réponses et les questions.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, le leader de l'opposition n'a pas changé, vous voyez bien qu'il retarde la période de questions.

Le Président: M. le député de Chomedey.


Allégeance politique d'un enquêteur de la Commission d'accès à l'information

M. Mulcair: Merci, M. le Président. En principale. En constatant comme tout le monde que, quand on commence à tirer sur le messager, on sait tous ce que ça veut dire. On sait tous aussi...

Le Président: M. le député de Joliette, s'il vous plaît. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: On sait tous aussi que le vice-premier ministre a jadis été avocat. Ça fait des années qu'il n'est plus membre du Barreau, donc il oublie peut-être que, avant qu'une cause se rende à la Cour d'appel, il y a un jugement de première instance. Cette fois-ci, ça a été écrit par un éminent spécialiste qui s'appelle Herbert Marx, qui a déjà siégé dans cette Chambre et qui nous a donné raison sur toute la ligne. Il est aussi vrai que, sur les quatre juges qui ont entendu cette affaire-là, il y en a un qui, effectivement, a dit: Écoutez, son affidavit d'expert dans une cause où il a été appelé à témoigner comme expert, je ne suis pas d'accord avec. Je pourrais aussi lui dire que le juge en question a déjà travaillé dans le domaine pharmaceutique et qu'il était contre.

Mais est-ce que le vice-premier ministre a eu le temps de lire le jugement de Herbert Marx et le jugement minoritaire dans l'affaire de la Cour d'appel? Et est-ce que lui, au lieu de regarder ceux qui ont déjà fait des choses intéressantes dans leur carrière, qui n'ont pas eu juste des chèques de paie avec l'écusson du Parti québécois ou d'un syndicat, peut quand même nous dire ce qu'il trouve de si grave que ça qu'un avocat qui a déjà occupé une fonction publique correctement aille, à la demande d'une des parties, témoigner dans une affaire? Est-ce que c'est supposé de nous intimider qu'un des juges ait déjà dit...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Tout ce que j'ai à dire, M. le Président, là-dessus, en plus de suivre le conseil du député de me remettre à certaines lectures juridiques, je vais le faire avec joie... Mais ce que j'ai à dire, c'est que, quand le messager est obligé de se défendre aussi longuement qu'il l'a fait, ça veut dire que le message ne vaut pas cher.

Le Président: M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration

M. Boisclair: Et, tant qu'à y être, M. le Président, on va aussi inviter le député de Chomedey, qui fait des allégations non fondées dans cette Assemblée... Je l'ai référé aux propos de Me Bergeron, je les lis pour que tous comprennent bien: «La Commission peut agir à huis clos, elle peut agir de façon privée, elle peut agir aussi en audiences publiques. Alors, la première possibilité, c'est que la commissaire Boissinot tienne elle-même, au moment où son dossier sera construit, des enquêtes publiques. Et, de toute manière, il y en aura. La deuxième possibilité, c'est qu'elle remette le dossier à la Commission d'accès à l'information au complet – au complet, donc tous les commissaires – pour que la Commission au complet – donc, tous les commissaires – tienne des audiences publiques sur le dossier.»

Alors, M. le Président, si, à chaque fois, il faut lui lire les galées de conférences de presse, je dois vous dire que je suis plutôt déçu du comportement du député de Chomedey. Qu'il fasse ses travaux et qu'il lise attentivement les documents.

Le Président: Dernière question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui, il reste juste un point à éclaircir. Est-ce que le Jean Foisy qu'on nous envoie par la tête pour savoir ce que l'opposition sait, c'est le même Jean Foisy qui était un candidat péquiste en 1981 et qui a été pris dans l'affaire de la Société d'habitation du Québec à l'époque et qui avait ses entrées auprès du gouvernement et du ministère...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

(10 h 50)

M. Johnson: Juste pour que ce soit compris, est-ce que le ministre responsable peut nous dire si c'est le même Jean Foisy? Et est-ce qu'il peut nous dire que, si c'est le même ancien candidat péquiste qui a été pris dans l'affaire de la SHQ, au début des années quatre-vingt – ça a été mentionné, j'étais là et le leader du gouvernement aussi, on s'en souvient – si c'est la même personne, il trouve que ça a du bon sens, dans une enquête comme celle-là, que ce soit à cette personne-là que ça ait été confié? C'est ça que je lui demande.

Le Président: M. le ministre.

M. Boisclair: Je ne tomberai pas dans un petit jeu...

Le Président: M. le ministre.

M. Boisclair: M. le Président, je ne commencerai pas à jouer à ce petit jeu partisan, puisque le chef de l'opposition sait fort bien que, s'il fallait faire la genèse de toutes les familles politiques et des gens qui se retrouvent un peu partout dans l'administration publique, on pourrait retrouver des gens de sa famille politique, nombreux, tant dans la fonction publique qu'à la Commission d'accès à l'information.

M. le Président, ce que je fais ici, c'est rappeler ma confiance à l'endroit du vote que nous avons fait ici, à cette Assemblée, lorsque nous avons élu le président de la Commission, lorsque, ensemble, nous avons élu les commissaires. C'est en ce vote que j'ai confiance, en l'appui de l'opposition officielle et de tous les députés ministériels et, à cet égard, M. le Président, il ne m'appartient pas de porter un jugement sur les procédures de la Commission.

Le Président: Alors, la période des questions et des réponses orales est terminée pour aujourd'hui.


Votes reportés


Adoption du projet de loi n° 149

Nous avons un vote reporté, cependant. Alors, nous allons maintenant procéder au vote sur la motion de Mme la ministre de la Sécurité du Revenu proposant que le projet de loi n° 149, Loi portant réforme du régime de rentes du Québec et modifiant diverses dispositions législatives, soit adopté.

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Jolivet (Laviolette), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Perreault (Mercier), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Bélanger (Anjou), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), Mme Caron (Terrebonne), M. Bertrand (Portneuf), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), Mme Charest (Rimouski), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Duguay (Duplessis), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

M. Dumont (Rivière-du-Loup). M. Filion (Montmorency), M. Le Hir (Iberville).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Kelley (Jacques-Cartier), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun)...

Des voix: Bravo!

Le Président: Un instant, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Marsan (Robert-Baldwin)...

Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Le vote, c'est un moment solennel. Alors, j'aimerais ça que ça paraisse.

Le Secrétaire adjoint: ...M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Lefebvre (Frontenac), M. Cherry (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Mulcair (Chomedey), M. Laporte (Outremont), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Chalifoux (Bertrand), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata).

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:68

Contre:41

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion est adoptée. En conséquence, le projet de loi n° 149 est adopté.


Motions sans préavis

Nous en arrivons maintenant à l'étape des motions sans préavis. M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.


Souligner le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de la personne et le 11e anniversaire de la Déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales

M. Boisclair: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de la personne et le 11e anniversaire de la Déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Alors, une intervention de chaque... M. le ministre.


M. André Boisclair

M. Boisclair: Oui, M. le Président. L'année 1998 marquera, en effet, le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui a été adoptée par l'assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948. Elle a servi de modèle universel en matière de droits humains et a été une grande source d'inspiration et de progrès au Québec et, d'ailleurs aussi, partout dans le monde.

Aujourd'hui marque le début d'une année où le gouvernement du Québec et ses partenaires entendent sensibiliser les citoyens et citoyennes du Québec aux acquis et aux défis, constatant que la conquête et l'actualisation des droits politiques, économiques, sociaux et culturels représentent l'idéal démocratique.

Le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme offre notamment l'occasion de remettre en mémoire quelques éléments de l'histoire des droits humains, de mieux faire connaître ces droits à travers la Déclaration universelle des droits de l'homme et la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Il est important de reconnaître les acquis, les efforts et la progression dans la concrétisation des droits humains.

Depuis longtemps, la situation des droits de la personne en général et des citoyens du Québec en particulier a bénéficié des luttes pour la démocratie, la justice sociale et la conquête des droits et libertés. La plupart des historiens situent les droits de la personne comme une conquête moderne qu'on illustre généralement par la Déclaration d'indépendance américaine de 1776 et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Toutefois, les droits humains, tels qu'énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, marquent un tournant. Ils s'inscrivent dans une perspective universelle reconnaissant l'égalité de toute personne en valeur et aussi en dignité.

Je me permets de vous rappeler qu'un Québécois, le professeur John Humphrey, de l'Université McGill, et haut fonctionnaire des Nations unies de 1946 à 1966, est l'auteur de la première version de la Déclaration universelle des droits de l'homme dont nous soulignerons le 50e anniversaire en 1998. Nous voulons aujourd'hui rendre hommage à sa mémoire et à l'héritage universel de son travail.

(11 heures)

Il était donc, M. le Président, tout naturel que la Déclaration universelle des droits de l'homme inspire la rédaction de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, adoptée en 1975 par l'Assemblée nationale. On y retrouve les mêmes quatre grands axes des droits énoncés dans la Déclaration, à savoir la liberté, la fraternité, l'égalité et l'interdiction de discrimination. Ces valeurs fondamentales font partie intégrante de l'identité québécoise; elles tracent les grandes lignes de principes de vie collective. Ces principes incluent notamment les libertés publiques, la souveraineté du Parlement, la règle de droit, la neutralité d'État à l'endroit des religions, la primauté du français, la résolution pacifique des conflits, l'égalité des citoyens et, en conséquence, celle des hommes et des femmes.

L'expérience québécoise en ce domaine est novatrice à plusieurs égards et mérite d'être signalée. Le fait de se doter d'une Charte des droits et libertés de la personne est une initiative unique au Canada. En effet, le Québec est la seule province à s'être dotée d'une telle Charte. Les autres provinces ont choisi plutôt, en matière de droits de la personne, de se doter de codes ou de lois ordinaires, surtout en matière de discrimination. Malgré donc les progrès reconnus en matière de droits et libertés, il nous faut toujours déployer des efforts et une grande vigilance pour éviter des reculs dans l'application de ceux qui ont déjà cours. Cette Journée marquera également le onzième anniversaire de la Déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales adoptée le 10 décembre 1986 et proposée par l'actuelle députée de Saint-François.

Dans cette Déclaration, nous condamnons le racisme et la discrimination sous toutes leurs formes. J'ai eu l'occasion de réaffirmer ces principes lors de la Semaine québécoise de la citoyenneté qui avait pour objectif la pleine participation et l'appartenance à la société québécoise. Cet anniversaire est à l'évidence relié à celui du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, s'inscrit dans les quatre grands axes de la Déclaration universelle et aussi s'inscrit dans le contexte de la Charte québécoise des droits et libertés.

Il est évident, en conclusion, M. le Président, que l'on ne peut s'en tenir à des déclarations de principes. Le gouvernement a pris une série de mesures, entre autres le Fonds pour les jeunes des minorités visibles, par exemple, qui a pour objet de s'assurer que la lutte contre l'exclusion sous toutes ses formes soit efficace. Les efforts pour développer l'ouverture au pluralisme et la lutte à la discrimination doivent continuer à constituer une préoccupation du ministère.

Par la création de ce ministère, justement, l'an passé, le gouvernement a d'ailleurs voulu mettre l'accent sur le citoyen comme membre à part entière de la communauté, qui partage tant des droits que des responsabilités. L'année 1998 marquera un moment privilégié ou une occasion pour faire le point au Québec sur la question des droits humains. Le gouvernement du Québec indique, par l'action qu'il entend mener, sa volonté de sensibiliser la population à la Charte québécoise des droits et libertés, à son contenu mais surtout aux valeurs démocratiques qui la sous-tendent.

Vous me permettrez donc, M. le Président, de convier l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale à appuyer cette motion. Je vous remercie.

Le Président: M. le député d'Outremont.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: Merci, M. le Président. Au nom de l'opposition officielle, j'aimerais apporter mon appui à la motion présentée par le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration à l'occasion de la Journée des droits de la personne. L'article premier de cette Déclaration stipule que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.

Le 10 décembre est une occasion privilégiée pour mesurer le chemin parcouru depuis l'adoption de cette Déclaration universelle. C'est également un moment idéal pour faire le point sur le dossier des droits de la personne. Le Québec est l'une des premières provinces à s'être dotées, en 1975, d'une Charte des droits et libertés, dont nous pouvons tous être fiers. Cette Charte traduit la volonté du législateur de protéger les citoyens contre toute violation des droits et contre toutes les formes de discrimination.

Le préambule de la Charte reprend les principaux engagements de la communauté internationale que l'on retrouve dans la Déclaration universelle des droits de l'homme qui affirme, et je cite, «que tout être humain possède des droits et libertés intrinsèques, destinés à assurer sa protection et son épanouissement; que tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi; que le respect de la dignité de l'être humain et la reconnaissance des droits et libertés dont il est titulaire constituent le fondement de la justice et de la paix; et que les droits et libertés de la personne humaine sont inséparables des droits et libertés et du bien-être général».

L'un des articles majeurs de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne est sans conteste l'article 10 qui stipule que «toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l'orientation sexuelle, la grossesse, l'état civil, l'âge, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap».

C'est sur la base même de ce principe que la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit à tous les citoyens des libertés et des droits fondamentaux, a été adoptée. Dans une société démocratique et pluraliste comme la nôtre, où règne la primauté du droit, ces deux pièces législatives d'importance capitale constituent pour les Québécois et les Québécoises la principale garantie contre toute atteinte à leur liberté et à leurs droits fondamentaux.

M. le Président, j'aimerais aussi ajouter qu'il me fait plaisir de prendre la parole au nom de ma formation politique pour appuyer cette motion qui souligne aussi le onzième anniversaire de l'adoption par le gouvernement du Québec de la Déclaration sur les relations interethniques et sur les relations interraciales. Le Québec qu'on connaît aujourd'hui a été enrichi et transformé par l'apport de l'immigration non seulement depuis des décennies, mais à travers toute son histoire. Ces gens, d'ailleurs, ont choisi le Québec comme terre d'accueil et ont contribué et contribuent toujours à notre développement économique, politique, social et culturel.

Le fait que plus de 1 000 000 de Québécois soient d'origine autre que française ou britannique constitue un apport des plus précieux. C'est ce qui fait du Québec moderne une société démocratique riche de sa diversité et ouverte sur le monde. Dans cette Déclaration sur les relations interethniques et interraciales adoptée il y a 11 ans, le gouvernement du Québec condamne le racisme et la discrimination raciale sous toutes ses formes et sans réserve. Le gouvernement doit continuer à s'engager à faire tout ce qui est en son pouvoir pour favoriser la pleine participation de toute personne indépendamment de sa race, de sa couleur, de sa religion, de son origine ethnique ou nationale aux progrès économique, social et culturel du Québec.

Cette déclaration rappelle les grands principes d'égalité en valeur et en dignité de tout être humain. Par cette déclaration, le gouvernement du Québec s'est engagé à favoriser le développement de mesures destinées à encourager l'épanouissement économique, social et culturel des différents groupes ethniques de même que le développement des programmes d'accès à l'égalité. Les principes contenus dans cette Déclaration sur les relations interethniques et interraciales doivent guider les actions du gouvernement du Québec dans la poursuite de ses objectifs et dans le développement des relations interculturelles harmonieuses.

Le Québec de demain doit continuer à démontrer sa capacité d'intégrer et de refléter le pluralisme de la société québécoise et nous devons poursuivre une philosophie d'ouverture à l'égard des Québécois issus des communautés culturelles. Cette philosophie doit être fondée sur la conviction que la diversité linguistique et culturelle du Québec est une force et une richesse qui profite à l'ensemble des citoyens. Il faut également reconnaître l'importance des échanges interculturels, la valorisation de la culture des Québécois et Québécoises issus des communautés culturelles par la société d'accueil et que cette contribution contribue encore ici au développement du sentiment d'appartenance de tous les Québécois à une même société.

En tant que société démocratique, nous avons l'obligation de promouvoir le respect mutuel entre les Québécois de toutes origines. Et je tiens aujourd'hui à saluer tout particulièrement les efforts de ceux et de celles qui, au Québec, travaillent sur une base quotidienne pour combattre toute manifestation de racisme et de discrimination. Merci, M. le Président.

Le Président: Alors, la motion de M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. leader de l'opposition.

M. Paradis: Vote nominal, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.


Vote reporté

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Tel que le permet le règlement à l'article 223, report aux affaires courantes de demain.

Le Président: Très bien. Autre motion sans préavis, M. le chef de l'opposition officielle.


Hommage à M. Melvyn Racine, ex-responsable du Service aux courriéristes parlementaires, et condoléances à sa famille

M. Johnson: Oui, M. le Président. Je demande le consentement de cette Chambre pour que nous puissions discuter et éventuellement adopter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale offre ses plus sincères condoléances à la famille de Melvyn Racine qui fut responsable du Service aux courriéristes parlementaires de l'Assemblée nationale pendant plus de 30 ans.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre, M. le leader du gouvernement?

M. Jolivet: Oui, M. le Président, un de chaque côté.

(11 h 10)

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: M. le Président, lorsque j'ai appris il y a quelques jours le décès de Mel Racine, comme on l'appelait, pour moi, c'est une page de la vie parlementaire qui était tournée. Comme beaucoup d'entre nous, il était la tribune parlementaire, la Tribune de la presse. On se souvient tous évidemment de son gabarit imposant. C'était la caractéristique... On ne pouvait pas le manquer, autrement dit, à la Tribune de la presse ou autrement.

Et certainement, pour les députés de l'opposition, notamment, c'était la permanence qu'il assurait à l'égard de la Tribune de la presse lorsque nous avions un message à transmettre, une conférence de presse à convoquer ou quelque renseignement qu'on voulait se procurer sur le fonctionnement, la disponibilité et, en général, l'humeur de la Tribune de la presse. Il était affable à l'endroit de tous les députés. Il était d'une efficacité tranquille qui résumait bien son engagement au service aux courriéristes parlementaires tout autant qu'aux députés.

Il avait été embauché – j'ai découvert ça il y a peu de temps – par Henri Dutil père, au début de la Révolution tranquille. Henri Dutil était au journal Le Soleil . Il était également, comme on se plaît à l'appeler, le secrétaire perpétuel de la corporation de la Tribune de la presse, et il s'était adjoint, au début de la Révolution tranquille, ce jeune homme, Mel Racine, pour le décharger quelque peu d'une tâche qui devenait de plus en plus alourdie par l'intérêt que suscitait la Révolution tranquille un peu partout en Amérique du Nord, et notamment dans les autres provinces canadiennes.

Il y avait énormément d'intérêt sur ce qui se passait au Québec, à ce moment-là. Beaucoup d'appels, donc, de courriéristes d'autres journaux, d'autres agences de presse de l'extérieur du Québec qui voulaient, l'un, s'enquérir du programme parlementaire, l'autre, voir comment on pourrait l'accueillir ici.

Parce que ce n'était pas facile, à l'époque – je fais une parenthèse – ce n'étaient pas les mêmes facilités, je dirais, d'organisation physique. De plus en plus, au début des années soixante, les journalistes s'empilaient littéralement. C'était ici, dans cet édifice, dans les tribunes, dans la tour centrale. Et c'était toute une affaire que de recevoir des visiteurs, accréditer des journalistes de l'extérieur, de toujours savoir: Est-ce que le dactylo va être fourni? Je «vais-tu» avoir une ligne téléphonique? Je «vais-tu» avoir une chaise pour m'asseoir?

La réalité, c'était que ce qui se passait au Québec éveillait beaucoup d'intérêt. Il y avait même des courriéristes parlementaires permanents du Hamilton Spectator , du Winnipeg Free Press , de Vancouver, du Edmonton Journal , du New York Times , à une époque. Il est évident, à ce moment-là, que M. Dutil, qui avait un autre travail à faire – il était journaliste et secrétaire de la Tribune – devait aussi recevoir toutes ces communications et il avait demandé à Mel Racine, notamment en raison de son bilinguisme, de pouvoir s'occuper de toutes ces questions.

M. Racine a occupé des tâches de messagerie. C'est comme ça qu'il a commencé, tout jeune, messager, commis, Service aux courriéristes parlementaires pour éventuellement assurer la direction de cette petite équipe qui soutient les courriéristes qui couvrent nos débats et la vie parlementaire.

Je veux dire à toute la famille de M. Racine, y compris à son oncle Bernard Racine, de La Presse canadienne , qui a été ici longtemps, qui est membre honoraire de la Tribune maintenant, combien nous le manquons déjà, depuis trois ou quatre ans, alors qu'il a pris sa préretraite. Mel Racine, nous le manquons tous et nos pensées accompagnent, bien évidemment avec nos condoléances et toutes nos sympathies, sa famille, à l'occasion de son décès.

Le Président: M. le député de Joliette.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Notre formation politique se joint au chef de l'opposition et à sa formation politique pour souhaiter les plus sincères condoléances à toute la famille. Effectivement, si le chef de l'opposition était impressionné par la stature de M. Melvyn Racine, imaginez-vous à quel point j'ai pu l'être. Du haut de ses 6 pi 10 po, me dit-on... Je n'en doute pas, parce que je l'ai rencontré à plusieurs reprises et je dois vous dire que je devais élever la vue, et de beaucoup.

Mais il me fait plaisir de souligner le travail d'un salarié, d'un employé qui a accompli sa tâche correctement pendant 32 ans et bien souvent dans l'ombre, sans que personne ne souligne la qualité de son travail. Trente-deux ans de service à la presse parlementaire. Comme disait le chef de l'opposition, il a commencé simplement comme humble employé pour devenir facilement et rapidement responsable, d'autre part, parce qu'on lui reconnaissait des qualités et qu'on lui connaissait la capacité de remplir des tâches supérieures.

Je voudrais donc, au nom de notre formation, dire à toute la famille, à son père et à sa mère, à ses cousins, à Bernard Racine, effectivement, qu'on a connu ici, à La Presse canadienne , pendant de nombreuses années et qui nous a quittés il y a à peine quelques années, d'ailleurs, pour une heureuse retraite, je voudrais dire nos sympathies, nos condoléances, et assurer cette Chambre et assurer sa famille que nous gardons tous un excellent souvenir de ce travailleur de l'ombre, mais combien efficace.


Mise aux voix

Le Président: Alors, la motion de M. le chef de l'opposition officielle est adoptée.


Avis touchant les travaux des commissions

S'il n'y a pas d'autre motion sans préavis, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Pour faire plaisir au leader de l'opposition, je prendrai sa couleur préférée, le bleu.

M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'aménagement du territoire poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 171, Loi sur le ministère des Régions, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'éducation, quant à elle, poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 166, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

J'avise également cette Assemblée, M. le Président, que la commission de l'aménagement du territoire entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé qui suivent: le projet de loi n° 256, Loi concernant la Ville de Blainville, le projet de loi n° 261, Loi concernant la Ville de Shawinigan, le projet de loi n° 226, Loi concernant la Ville de Varennes, et le projet de loi n° 260, Loi concernant la Ville d'Otterburn Park, le mercredi 17 décembre, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

J'avise que la commission des institutions entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 224, Loi concernant l'adoption de Rémi Julien, le mercredi 17 décembre 1997, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'éducation entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 248, dite Loi modifiant la Loi concernant la Fédération des commissions scolaires du Québec, le mercredi 17 décembre 1997, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Et, finalement, M. le Président, que la commission des finances publiques entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 259, Loi concernant la Fondation du Centre hospitalier de l'Université de Montréal, le mercredi 17 décembre 1997, de 15 heures à 17 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: Alors, merci, M. le leader adjoint du gouvernement. Pour ma part, je vous avise que la commission de l'administration publique se réunira en séance de travail aujourd'hui, le mercredi 10 décembre, de 15 heures à 16 heures, à la salle RC.171 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de discuter de l'organisation des travaux et du fonctionnement de la commission.

Je vous avise également que la commission des finances publiques se réunira en séance de travail aujourd'hui, le mercredi 10 décembre, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est de poursuivre les discussions suite aux auditions des 3 et 4 septembre dernier relatives au mandat de surveillance de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Je vous avise aussi que la commission des affaires sociales se réunira en séance de travail aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle RC.171 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est d'organiser les travaux de cette commission.

Et, finalement, je vous avise que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation se réunira en séance de travail aujourd'hui, de 14 heures à 15 heures, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est aussi d'organiser les travaux de la commission.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Alors, s'il n'y a pas d'autres interventions, nous allons procéder aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

(11 h 20)

M. Fournier: Merci, M. le Président. Je suis intervenu il y a deux semaines, peut-être, ou trois semaines pour rappeler la question 29 à notre feuilleton, qui date du 17 décembre. Dans une semaine, ça fera un an. Ce qu'il faut savoir, M. le Président, c'est que cette question-là fait suite à une réponse à une question du 16 mai 1996, donc bientôt deux ans, et c'est une question, comme bien d'autres questions, qui est excessivement importante pour les gens du milieu.

Je redemande encore une fois au leader adjoint, qui s'était engagé à ce que la réponse soit obtenue rapidement... Et ce n'est pas la première fois, je l'ai fait il y a deux semaines, comme vous vous en doutez. Comme ça fait un an et demi, je reviens périodiquement pour demander une réponse à cette question au feuilleton.

Je redemande, à ce moment-ci, M. le Président: Est-il possible d'avoir la collaboration du gouvernement pour répondre au questionnement des citoyens qui paient leurs taxes au gouvernement et qui ont le droit d'avoir des réponses, des réalisations, et qu'on sache où ce gouvernement s'en va. On a le droit d'avoir des réponses. On prend le biais, le moyen que le règlement nous donne. Il faudrait s'assurer, que ce règlement signifie quelque chose. Si on pose des questions dans le feuilleton pour attendre qu'on ait à se lever périodiquement sans que rien ne se passe, à quoi ça sert, le règlement, M. le Président? Donc, j'implore le gouvernement de répondre.

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Bien, M. le Président, je prends bonne note des remarques et des commentaires du leader adjoint de l'opposition. Je lui dis – et je sais qu'il ne mettra pas ma parole en doute – que nous avons fait les remarques nécessaires auprès des ministres. S'il faut les refaire, M. le leader adjoint de l'opposition, nous les referons. S'il faut hausser le ton, M. le leader adjoint de l'opposition, nous hausserons le ton. Mais, par contre, quant au délai, je dois vous avouer que, malheureusement, ce Parlement, à une époque antérieure à la nôtre, n'a peut-être pas été le meilleur des modèles à ce niveau-là, mais nous nous empresserons de corriger, croyez-moi.

Le Président: Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, en fait MM. les leaders adjoints du gouvernement, je vous inviterais, par l'occasion, à vous saisir de la proposition que je vous ai déposée ce matin. Vous aurez, dans cette proposition, peut-être, justement, un modèle de fonctionnement qui serait peut-être plus adéquat à la fois pour les membres de l'Assemblée et pour les citoyens, aussi, du Québec. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui, je me permets, avec votre permission, d'insister. J'ai déjà déposé une question au feuilleton en date du 4 novembre. C'est sur la privatisation des laboratoires, on veut savoir la politique du ministère. On sait que les travaux devraient se terminer bientôt et, si on attend la fin des travaux, bien, on reprend, je pense, la session vers le milieu du mois de mars et on n'aura encore aucune de ces réponses-là. Alors, à mon tour de souhaiter, M. le Président, qu'on puisse avoir les réponses avant la fin de la session. Merci.

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Eh bien, même remarque que j'ai faite au leader adjoint de l'opposition, ce n'est pas une remarque de technocrate, le député le sait fort bien, je ferai en mon nécessaire. Effectivement, le sujet est d'importance, donc la remarque sera adressée pas plus tard que cet après-midi au ministre responsable.

Le Président: Très bien. Alors, nous allons passer maintenant aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, à la demande de l'opposition officielle, et demande fort légitime, de façon à avoir les intervenants qui sont à l'extérieur dans les salles de commissions, etc., je vous demanderais une brève suspension d'environ cinq minutes de nos travaux.

Le Président: Alors, nous allons suspendre quelques minutes, le temps de permettre à nos collègues de revenir au salon bleu.

(Suspension de la séance à 11 h 23)

(Reprise à 11 h 28)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Permettez-moi de souligner le retour en Chambre de notre ami le député de Limoilou, M. Rivard. M. Rivard a été hospitalisé pendant quelques semaines. Alors, il nous fait plaisir de vous retrouver.


Affaires du jour

Nous débutons les affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, pour débuter cette séance, je vous demanderais de considérer l'article 6 du feuilleton.


Projet de loi n° 181


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Alors, à l'article 6 de votre feuilleton, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 181, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité des droits personnels et réels mobiliers et à la constitution d'hypothèques mobilières sans dépossession. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 181? M. le ministre de la Justice.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. La majorité du discours que je vais prononcer est écrite d'avance pour des raisons techniques. Lorsqu'on l'écoutera, on s'apercevra d'ailleurs qu'il était important de le faire parce qu'il s'agit de concepts juridiques avec lesquels certainement plusieurs juristes sont familiers. Mais certainement aussi que la majorité du public ne peut l'être. Je réalise en le relisant qu'il est peut-être effectivement très difficile à comprendre par certains moments. Pour en faciliter la compréhension à un plus vaste public qui est quand même intéressé à ce genre de choses, j'aimerais donner quelques explications préliminaires d'abord sur la nature des biens qui sont en jeu et puis sur des transactions commerciales dont les gens ont l'habitude et qu'ils peuvent comprendre. À partir de cela, ils comprendront la nécessité des dispositions techniques que je vais expliquer ici et auxquelles je vais référer.

(11 h 30)

Alors, la première distinction entre les biens que l'on doit comprendre, c'est celle entre les immeubles et les biens meubles. Les immeubles, les gens connaissent ça facilement, c'est tout ce qui ne bouge pas. Les immeubles sont immobiles, c'est pourquoi on les appelle ainsi. Ce sont les fonds de terrain, les terrains et les édifices qui sont construits dessus, les maisons qui sont construites.

Les meubles, c'est tout le reste, tout ce qui peut être déplacé. Traditionnellement, il y a plusieurs siècles même, les seuls biens de valeur, d'une grande valeur, étaient les immeubles. Il est naturel, lorsqu'on achète un immeuble, tout le monde le comprend aujourd'hui, de ne pas être capable d'en payer le prix comptant. Donc, on fait un emprunt pour l'acheter. Généralement, cet emprunt est garanti par une hypothèque. Aussi, quand on a déjà payé complètement un immeuble et qu'on a besoin d'argent, on sait qu'on a une valeur importante dans les mains. Donc, on peut aller aussi dans une banque ou même auprès d'un autre prêteur et offrir en garantie l'immeuble. Le prêteur sera d'autant plus prêt à nous prêter qu'il sait qu'on pourra lui donner en garantie un immeuble. Ce qui veut dire que, si nous faisions faillite, par exemple, il récupérerait presque la totalité de ce qu'on lui doit à partir de la vente de l'immeuble en question. Mais on comprend tout de suite à ce moment-là qu'il est important que ce droit qu'a le prêteur soit enregistré quelque part. Donc, il y a évidemment des registres d'hypothèques.

Mais on réalise dans le monde moderne que beaucoup de biens meubles qui peuvent se déplacer ont parfois une valeur grande, même plus grande que certains immeubles. Par exemple, une pièce de machinerie importante ou même un véhicule routier susceptible de transporter peut avoir très souvent une plus grande valeur qu'un bungalow. Donc, on a développé au cours des temps, on a senti la nécessité de pouvoir aussi offrir en garantie de pareils biens meubles, de la même façon, comme ça représentait une dépense de capital important, d'emprunter pour l'acheter.

Mais on comprendra encore une fois qu'il est nécessaire que l'on puisse enregistrer quelque part ces biens. Pour que le prêteur soit vraiment en confiance de prêter, il faut qu'il soit garanti qu'il pourra, si l'entreprise fait faillite ou si le particulier fait faillite, retrouver la valeur de son prêt en vendant le bien meuble, comme il l'aurait fait pour l'immeuble. Mais, pour cela aussi, on comprend tout de suite qu'il faut que les tiers, c'est-à-dire les autres personnes qui voudraient acheter une pièce de machinerie ou un véhicule, par exemple, puissent savoir, comme ils le feraient sur notre maison, s'il y a un droit comme celui-là qui est enregistré, un droit qu'on appelle un droit réel, dans le sens latin du mot qui vient de res, reis, qui veut dire chose, un droit qui porte sur la chose. Et bien qu'on ait permis justement dans le Code civil de prévoir de pareilles hypothèques sur des biens meubles, la difficulté de constituer un registre pour les enregistrer n'ayant pas encore été solutionnée, cette possibilité a été retardée.

On comprendra aussi une troisième chose qu'il est important de réaliser, c'est que dans le commerce, dans l'opération... Je vous donne un exemple avec lequel les gens seraient familiers, mettons, un concessionnaire automobile. Il y a des biens de grande valeur qui sont renouvelés constamment et il y a de multiples transactions financières. Alors, si ces transactions financières devaient toutes être enregistrées une par une, il y aurait là une augmentation des coûts. Et on verra qu'il y a, dans les dispositions du projet de loi que j'ai présenté, une façon plus facile et moins coûteuse de protéger les droits réels qu'un prêteur aurait sur les objets de valeur que détient un commerce de ce type, mais qui peut s'appliquer à n'importe quel commerce.

Je pense que, quand on comprend ces données, la grande valeur qu'ont prise des biens meubles, même par rapport à des immeubles, la nécessité d'avoir des registres fiables pour que les acheteurs ne soient pas victimes de fraude, par exemple, et la nécessité aussi de favoriser, dans le domaine du commerce, des transactions plus rapides qu'avec les particuliers, on pourra avoir plus de facilité à comprendre les dispositions qui, parfois, hélas, doivent être expliquées dans un langage plus technique.

Alors, je commence donc, cette fois, le projet écrit et le discours que j'ai, puisque ces dispositions étant si techniques, il est imprudent de les présenter de mémoire ou même de chercher à improviser.

Donc, M. le Président, le projet de loi n° 181, que j'ai présenté devant l'Assemblée nationale le 28 novembre dernier et dont le principe est aujourd'hui soumis pour adoption, propose, comme son titre l'indique, de modifier le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité des droits personnels et réels mobiliers et à la constitution d'hypothèques mobilières sans dépossession. Il s'agit là, M. le Président, d'un projet de loi d'importance. Mis à part certains ajustements destinés à accroître la fiabilité et l'efficience du registre des droits personnels et réels mobiliers, ce projet de loi propose en effet des mesures qui s'inscrivent dans des phases attendues du développement de ce registre et qui, de ce fait, visent à compléter la réforme commencée au Code civil dans les matières abordées, afin que les citoyens et les entreprises du Québec puissent bénéficier d'un système juridique complet et adapté à leurs besoins dans ces matières.

C'est ainsi que le projet de loi n° 181 propose en premier lieu de lever la suspension des règles du Code civil qui prévoient l'inscription obligatoire sur le registre mobilier des réserves de propriété, facultés de rachat et autres droits affectant des biens meubles acquis pour le service ou l'exploitation d'une entreprise.

L'exigence de publication de ces droits, bien qu'elle soit prévue par le Code civil, M. le Président, avait été suspendue par la Loi sur l'application de la réforme du Code civil parce que le registre, au moment de la mise en vigueur du Code, le 1er janvier 1994, n'était pas pleinement opérationnel quant à ces droits. Or, le registre est maintenant sur le point d'être opérationnel à l'égard des droits visés. Il convient donc de lever aujourd'hui cette suspension afin que les intéressés puissent, en consultant le registre, connaître en tout temps l'existence des charges grevant les biens d'une entreprise avec laquelle ils font affaire, conformément aux objectifs qui sous-tendent tout registre de publicité des droits.

Cependant, même s'il convient de rétablir ainsi l'application des règles du Code civil relatives à la publicité des droits qui grèvent les biens d'une entreprise, des atténuations à ces règles demeurent nécessaires pour tenir compte de la situation particulière de certaines entreprises. En effet, de nombreuses entreprises requièrent, pour la poursuite de leurs activités, la constitution et le renouvellement d'un stock de biens meubles ou de marchandises destinés à la revente ou à la location. C'est le cas notamment des entreprises du secteur de l'automobile et de l'alimentation.

Or, selon des usages bien établis, la constitution et le renouvellement du stock de ces entreprises reposent, d'une part, sur la conclusion répétée de contrats de vente avec réserves de propriété ou facultés de rachat entre le fabricant ou fournisseur des biens et l'entreprise qui les acquiert et, d'autre part, sur la cession constante de ces réserves ou facultés par le fabricant ou fournisseur au prêteur qui assure par ailleurs le financement de l'entreprise pour la soumission de ces biens.

On imagine alors facilement, dans ces circonstances, l'ampleur des démarches et des coûts que devraient assumer ces entreprises si, comme le prévoient les règles actuelles du Code civil, chacune de ces multiples réserves de propriété, facultés de rachat ou cession devait faire l'objet d'une inscription distincte sur le registre pour être opposable au tiers. Aussi, le projet de loi propose-t-il en deuxième lieu de permettre aux entreprises qui font affaire ensemble, sur une base régulière, de procéder à la publication sur le registre des réserves de propriété, facultés de rachat ou cession de ces droits qui les concernent au moyen d'une inscription unique globale couvrant l'ensemble des biens sujets à ces droits.

Cette mesure constitue un assouplissement majeur pour les entreprises visées. Elle devrait permettre d'assurer efficacement la protection des droits des tiers tout en évitant aux entreprises les démarches et les coûts importants qui, autrement, auraient pu découler des exigences actuelles en matière de publicité des droits.

Certes, ces inconvénients n'ont-ils pas encore été ressentis puisque l'exigence de publication des droits en cause est à ce jour demeurée suspendue, comme je l'ai indiqué. Mais le projet de loi n° 181 propose une solution à ce problème anticipé qui n'avait pas été perçu dans le cadre de la réforme du Code civil.

(11 h 40)

Par ailleurs, M. le Président, ce projet de loi propose d'assujettir à la publication sur le registre mobilier non seulement les réserves de propriété et les facultés de rachat consenties par des entreprises, comme cela est présentement prévu par le Code civil, mais aussi, dorénavant, toutes les réserves de propriété ou facultés de rachat qui seront consenties par des particuliers – par exemple, ceux qui achèteraient leur voiture sans en payer le plein montant – lorsque ces réserves ou facultés porteront sur des véhicules routiers ou d'autres biens meubles d'une certaine valeur. Le projet de loi propose également de soumettre à la même exigence tous les baux de plus d'un an, qu'ils concernent des particuliers ou des entreprises, dès lors que ces baux porteront eux aussi sur des véhicules routiers ou d'autres biens meubles de valeur.

On connaît bien l'importance qu'ont, de nos jours, la vente à tempérament ou avec faculté de rachat et la location à long terme comme modes de financement utilisés pour l'obtention de biens mobiliers et en particulier de véhicules automobiles, mais, lorsqu'on sait que les droits ou charges qui découlent de ces contrats demeurent présentement occultes et bien souvent ignorés des acquéreurs potentiels des mêmes biens, voire des créanciers de ceux qui détiennent ces biens, on comprend aisément la nécessité des deux nouvelles mesures que propose ici le projet de loi n° 181. On comprend d'autant plus, d'ailleurs, leur nécessité lorsqu'on sait aussi que des mesures similaires existent depuis déjà un certain temps dans les autres provinces canadiennes et que plusieurs groupes déplorent actuellement le fait qu'on ne dispose pas, au Québec, d'un système comparable à celui qui prévaut dans ces provinces permettant de vérifier l'existence de droits ou de charges grevant des véhicules routiers. M. le Président, je pense que les citoyens et les entreprises du Québec sont en droit de bénéficier, au même titre que leurs voisins, d'un système de publicité des droits mobiliers, qu'il soit complet, fiable et qu'il leur permette d'assurer efficacement la protection de leurs droits en tant qu'acquéreurs ou créanciers.

Et je pense aussi que ces deux nouvelles mesures s'ajoutant aux autres mesures que contient le projet de loi n° 181 et que je viens d'invoquer vont effectivement permettre de doter le Québec d'un système de publicité des droits mobiliers qui sera à la hauteur des attentes légitimes de ses citoyens et entreprises et qui, en tout cas, accroîtra grandement la sécurité de leurs transactions et diminuera d'autant les risques de fraude, car c'est la sécurité même des rapports juridiques entre les citoyens et les entreprises qui est en cause lorsqu'il est question de la publicité des droits. Cela est particulièrement vrai lorsque, comme ici, ces droits portent sur des biens mobiliers. Sécurité, bien sûr, pour l'ensemble des créanciers qui seront en mesure de connaître rapidement, à partir du registre des droits, les charges susceptibles de grever des biens qu'on leur offre en garantie ou sur lesquels ils pourraient avoir des droits à faire valoir. Sécurité également pour les créanciers détenant une charge sur les biens meubles visés, lesquels pourront, avec le registre, rendre publics leurs droits et ainsi se prémunir notamment contre les fraudes possibles. Sécurité, enfin, pour tous les acquéreurs des biens visés qui seront à même, en consultant le registre, de s'assurer des droits de leur vendeur et d'éviter ainsi la désagréable surprise encore trop fréquente dans le domaine de l'automobile d'avoir à restituer le véhicule à leur véritable propriétaire, et ce, bien souvent sans indemnisation. On nous a rapporté un certain nombre de cas où les gens achètent une voiture usagée d'un particulier sans savoir que ce particulier n'est pas entièrement propriétaire de son véhicule et ils ont justement cette désagréable surprise de devoir le remettre à celui qui avait un droit réel sur ce véhicule et, quand ils cherchent le revendeur, ils ne le trouvent plus.

Maintenant, en ayant un registre dans lequel les droits sur les véhicules automobiles seront enregistrés, en le consultant, ils pourront savoir, avant d'acheter l'automobile usagée, si, oui ou non, il y a justement un droit mobilier qui grève l'automobile qu'ils vont acheter et s'assurer évidemment de déduire du prix qu'ils vont payer au vendeur le montant de ce droit ou encore lui demander d'obtenir quittance de son créancier, c'est-à-dire d'aller payer le créancier pour qu'il reconnaisse qu'il n'a plus de droit sur l'automobile. Alors, on voit l'intérêt du registre mobilier même pour les particuliers.

Mais le projet de loi que j'ai présenté ne se limite pas à ces interventions qui concernent la publicité des droits personnels et réels mobiliers, il propose également – et cela est aussi au coeur du projet – de permettre aux citoyens de consentir désormais des hypothèques mobilières sans dépossession pour garantir l'exécution de leur obligation.

Encore ici, je peux donner une explication supplémentaire. On comprend qu'une hypothèque, c'est comme celle à laquelle on était habitué sur un immeuble. On donne l'immeuble en garantie, c'est une hypothèque immobilière; on donne un bien meuble en garantie, c'est une hypothèque mobilière. Sans dépossession, bien c'est un peu encore comme dans votre maison, si vous avez consenti à une hypothèque, vous l'habitez; vous avez consenti à une hypothèque mobilière sur votre véhicule, vous vous en servez. Il demeure en votre possession même s'il est offert en garantie du prêt que vous avez obtenu.

Vous vous rappellerez sans doute, M. le Président, que cette question a largement été débattue lors des travaux de réforme du Code civil et qu'il fut alors décidé, à défaut de consensus sur la nature des biens qui pouvaient être hypothéqués, que les personnes qui n'exploitent pas d'entreprise ne pouvaient consentir de telles hypothèques que dans les conditions et suivant les formes autorisées par la loi. Or, nous venons aujourd'hui fixer ces conditions et formes.

Le projet de loi n° 181, en prévoyant la constitution d'hypothèques sans dépossession sur des véhicules routiers ou d'autres biens meubles déterminés par règlement, vise donc à bien marquer dans le Code civil même la nature générale de ces biens qu'un particulier pourra dorénavant affecter à l'exécution de ses obligations. Il permettrait également à certaines personnes d'obtenir des liquidités sans avoir nécessairement, comme c'est souvent le cas à l'heure actuelle, à se départir de leurs biens en les donnant en gage ou en les vendant ou encore sans avoir à hypothéquer leurs immeubles, ce qui n'est pas toujours commode ou adapté aux besoins de chacun.

Enfin, l'ouverture proposée en matière d'hypothèque offrirait un mode de financement de rechange à la vente à tempérament pour l'acquisition des biens meubles visés, mode qui présenterait le double avantage de permettre à la personne d'acquérir la propriété même des biens vendus et surtout de pouvoir négocier plus librement les conditions de leur acquisition, par exemple, auprès de l'institution financière avec laquelle elle fait ordinairement affaire.

Il importe toutefois, M. le Président, de bien comprendre, à ce moment-ci, qu'il n'est pas question, avec l'ouverture proposée par le projet de loi, de permettre aux personnes physiques d'hypothéquer n'importe lequel de leurs biens meubles, mais seulement certains de ces biens: des véhicules routiers, et on pense notamment aux automobiles et aux remorques, de même que d'autres biens d'une certaine valeur, comme des bateaux de plaisance et des aéronefs. Mais il ne sera pas possible pour une personne physique d'hypothéquer l'ensemble de ses biens meubles ou encore des meubles qui servent à l'usage du ménage et garnissent la résidence de la famille. De telles possibilités, d'ailleurs formellement interdites par le Code civil, auraient été contraires à la protection souhaitable des intérêts familiaux.

Je me permets une explication supplémentaire. On comprendra que, dès que l'on permet de créer des hypothèques mobilières, il est important, pour la protection de ceux qui voudraient acheter ces biens par la suite, de pouvoir les connaître, donc d'avoir un registre. Et, s'il est facile d'établir un registre sur les immeubles, parce qu'on l'établit de façon territoriale, il faut trouver une autre façon facile d'établir un registre.

Alors, tant que les choses sont enregistrées, comme les automobiles ou les véhicules routiers, ils sont tous immatriculés, on peut facilement établir un registre pour justement enregistrer ces biens et permettre à ceux qui voudraient les acquérir par la suite de vérifier s'il n'y a pas une hypothèque mobilière d'enregistrée sur ces biens. Je pense que ce sera un petit peu la même situation pour les bateaux de plaisance où l'enregistrement sera plus facile et, donc, la publicité des droits possible, et c'est certainement, en tout cas, la même chose pour les aéronefs. Mais, pour le moment, le règlement ne prévoira pas les bateaux de plaisance et les aéronefs. On verra selon la facilité que nous aurons de créer un registre qui soit facilement consultable par les gens qui voudraient acheter ces objets par la suite.

(11 h 50)

Alors, je continue maintenant le texte écrit. Malgré, donc, ces limites, l'ouverture que propose le projet de loi en matière d'hypothèques n'en demeure pas moins significative et devrait assurément répondre aux besoins de financement de la plupart des citoyens.

Telles sont, M. le Président, les principales mesures que comporte le projet de loi n° 181, mesures auxquelles s'ajoutent encore un certain nombre d'ajustements aux règles actuelles du Code civil ou d'autres lois dans le domaine de la publicité des droits personnels et réels mobiliers. Certains de ces ajustements concernent les réserves de propriété, les facultés de rachat qui, comme on l'a vu, seront désormais assujetties à des formalités de publicité pour être opposables aux tiers. À cet égard, le projet de loi propose d'abord d'accorder un délai de grâce pour la publication de ces droits de manière à ce qu'ils puissent, à certaines conditions, être opposables à compter de la vente même des biens qui en sont l'objet. Il ne s'agit là d'ailleurs que d'une modification de concordance avec le régime de publicité actuellement applicable dans le domaine des hypothèques.

Le projet de loi propose aussi de modifier l'application au droit de reprise du bien exercé par le titulaire d'une réserve de propriété des règles de la prise en paiement énoncées au livre Des propriétés et des hypothèques du Code civil afin que le titulaire de la réserve puisse également exercer les autres droits hypothécaires énoncés à ce livre pour administrer le bien, pour le vendre en justice ou pour le faire vendre sous le contrôle de la justice.

Une telle extension des recours du titulaire de la réserve s'avérait nécessaire étant donné que le recours de prise en paiement, avec l'effet extinctif de la dette qui s'y attache, est souvent peu approprié dans le cas de biens qui, comme les biens meubles, se déprécient rapidement. Elle ne s'appliquerait pas cependant aux réserves de propriété consenties par des consommateurs où la protection qui leur accordée par la loi requiert le maintien du seul recours de prise en paiement à leur endroit avec l'effet extinctif de la dette du consommateur dans tous les cas.

Le projet de loi n° 181 propose également de mieux préciser d'autres règles afférentes à l'exercice par le titulaire d'une réserve de propriété ou d'une faculté de rachat de son droit de reprendre le bien vendu sans que la réserve ou faculté ait été ou non publiée sur le registre. Ces précisions sont pour l'essentiel destinées à mettre un terme à certaines interprétations divergentes auxquelles les règles actuelles ont pu donner cours.

Quant aux autres ajustements proposés par le projet de loi, ils concernent pour la plupart des aspects liés plus spécifiquement à la publicité même des droits personnels et réels mobiliers et au fonctionnement du registre de ces droits. Ainsi, le projet de loi attribue désormais à un officier de la publicité autonome la garde et la gestion du registre des droits personnels et réels mobiliers et il reconnaît à cette fin l'existence d'un bureau de la publicité distinct des bureaux fonciers. La récente réorganisation administrative des services rattachés au registre de la publicité des droits a en effet rendu nécessaire de revoir le statut actuel du registre mobilier et l'autonomie de l'officier chargé d'en assurer la garde.

Le projet de loi précise par ailleurs clairement l'assujettissement des fiducies constituées pour garantir l'exécution d'obligations à l'exigence de leur publication sur les registres, comblant ainsi une lacune du Code civil actuel. Il revoit également certaines règles relatives à l'inscription des avis de conservation d'hypothèques mobilières ou à la publication des ventes forcées ou consécutives à l'exercice des droits hypothécaires pour tenir compte de la spécificité du registre mobilier.

Finalement, le projet de loi introduit une règle nouvelle destinée à interdire expressément toute utilisation par l'officier de la publicité des renseignements figurant sur les registres à d'autres fins que celles pour lesquelles ils y ont été versés, à savoir assurer, conformément à la loi, la publicité des droits inscrits sur les registres, notamment pour les rendre opposables aux tiers, établir leur rang ou leur donner effet. Cette règle nouvelle, qui fait tout de même la réserve de certaines fins nécessaires prévues par règlement, comme des fins de recherche statistique, a paru s'imposer pour favoriser une meilleure protection du droit des citoyens au respect de leur vie privée.

Comme on peut le constater, M. le Président, les modifications que contient le projet de loi n° 181 sont nombreuses et variées. Toutes cependant poursuivent un même objectif: accentuer la fiabilité et l'efficience du registre des droits personnels et réels mobiliers et offrir de nouvelles voies pour le financement des activités de chacun de manière à ce que les citoyens et les entreprises puissent, dans un avenir prochain et conformément aux orientations marquées lors de la réforme du Code civil, bénéficier d'un système juridique complet et adapté à leurs besoins dans le domaine de la publicité des droits et des sûretés hypothécaires.

Pour qu'un tel objectif puisse se réaliser, il faudra toutefois, M. le Président, procéder encore à un certain nombre de modifications à la réglementation applicable en matière de publicité des droits personnels et réels mobiliers. Ces modifications seront en effet nécessaires, bien sûr, pour compléter les mesures proposées par le projet de loi n° 181, ne serait-ce que pour définir avec plus de précision les véhicules routiers et les autres biens meubles à l'égard desquels les réserves de propriété, facultés de rachat et baux à long terme devront être publiés ou qui pourront faire l'objet par les particuliers d'hypothèques sans dépossession. Elles seront aussi nécessaires pour concrétiser, par ailleurs, le développement des services que vont recueillir toutes les nouvelles inscriptions découlant des mesures préconisées par le projet de loi. Ces services devraient ainsi non seulement faciliter l'accès du justiciable à l'information pertinente qui sera disponible sur le registre, mais également permettre l'inscription et la consultation à distance des droits assujettis à la publicité sur le registre.

Mais ces modifications réglementaires, M. le Président, doivent avant tout pouvoir s'appuyer sur des principes clairs, fermement établis par la loi et le projet de loi n° 181 qui nous est soumis aujourd'hui comporte ces principes dont l'adoption constitue un prérequis essentiel à l'élaboration de ces modifications et, par conséquent, à la mise en place du système juridique souhaité. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Justice. Nous allons maintenant céder la parole au critique officiel de l'opposition en matière de justice et député de la circonscription de Chomedey. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour et au nom de l'opposition officielle, il me fait plaisir de prendre la parole concernant le projet de loi n° 181, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité des droits personnels et réels mobiliers et à la constitution d'hypothèques mobilières sans dépossession, Bill 181, An Act to amend the Civil Code and other legislative provisions as regards the publication of personal and movable real rights and the constitution of movable hypothecs without delivery.

M. le Président, je pense qu'on n'a pas besoin d'aller beaucoup plus loin que le titre en langue anglaise et en langue française du projet de loi n° 181 pour constater que, comme le ministre l'a dit tantôt, c'est un sujet un peu aride qui intéresse d'abord et en tout premier lieu les praticiens du droit, mais aussi, il faut le dire, les gens qui sont appelés à vendre des produits, comme des véhicules automobiles, et qui cherchent toujours à avoir les moyens les mieux adaptés pour eux de contrôler ce qu'ils viennent de vendre, de s'assurer qu'ils ne les perdent pas de vue, mais, en même temps – on l'espère du moins – faciliter la tâche pour le consommateur qui veut magasiner, trouver la meilleure occasion possible. C'est ce qu'on croit que le projet de loi n° 181 va faire et c'est pour ça que l'opposition officielle est d'accord avec son adoption.

Rappelons, M. le Président, qu'en 1993 le nouveau Code civil du Québec a été adopté et depuis lors... si vous me passez l'analogie, ça a été une sorte de grand boum, le nouveau Code civil, puis, depuis lors, on entend les échos de ce boum-là. Il y a eu d'abord un énorme projet de loi d'application qui a dû être adopté; ensuite, croyez-le ou non, un assez important projet de loi d'application du projet de loi d'application, parce que c'était à ce point-là des changements qui bouleversaient tout le régime juridique dans notre société.

Ce que nous avons ici cette fois-ci, M. le Président, ce n'est pas une série de corrections. C'était planifié comme ça. En 1993, c'était convenu, on fait dans un premier temps avec ces nouveaux registres, on fait le ménage avec ce qui existe déjà et, peu à peu, on va commencer à intégrer d'autres choses là-dedans, une fois que c'est rodé. Mais ça y est, M. le Président, le système, quatre ans plus tard, commence à être relativement bien rodé, et on peut commencer à assigner de nouvelles tâches dans le système.

Le ministre l'a très bien dit tantôt, une des choses principales qui vont être visées, ce sont les véhicules automobiles, et on espère du moins, en donnant cet outil additionnel aux institutions prêteuses, que les consommateurs vont pouvoir en bénéficier.

(12 heures)

Une partie du débat en 1993 sur ce sujet-là portait justement sur la question, à savoir si, oui ou non, on allait ouvrir les vannes complètement pour ce genre d'hypothèque là. Est-ce que les gens allaient pouvoir littéralement hypothéquer tout ce qu'ils avaient dans leur maison? C'est un peu le «chattel mortgage» tel qu'on le connaît dans d'autres juridictions en Amérique du Nord et, pour des raisons sociales, il a été décidé – et, à notre point de vue, c'est une décision tout à fait correcte – qu'on va y aller en gardant un certain contrôle là-dessus. On lèvera la barrière puis on laissera passer seulement à chaque fois qu'on verra que c'est de l'intérêt du public et que ça n'ouvre pas complètement. Même si, en 1993, d'aucuns pouvaient préconiser justement cette ouverture totale, disant: On laisse le marché décider, il y en a d'autres, d'autres voix qui se sont levées en disant: Écoutez, faites bien attention à ça. Le monde est déjà assez endetté, les compagnies de cartes de crédit les roulent déjà assez, les institutions financières comme Household Finance et d'autres chargent toujours un maximum d'intérêts. Si vous leur donnez ça aussi, les gens vont vraiment être pris à la gorge. Faites bien attention avec ça.

Moi, je pense que le ministre l'a bien compris. Sa démarche par le biais des règlements va nous permettre justement d'avoir un certain contrôle là-dessus. Ce qu'il faut toujours mentionner lorsqu'on parle de légiférer par le biais des règlements, M. le Président, c'est le fait qu'on ne sait pas, on n'a pas le même contrôle qui s'exerce au cas par cas qu'ici, en Chambre. Les gens parlent toujours des lois et des règlements, mais la différence n'est pas souvent appréciée par tout le monde: les lois sont adoptées ici, à l'Assemblée nationale, par les élus de part et d'autre; un règlement, la plupart du temps, est pris, on dit, par une autorité décentralisée comme un office, ou une commission, ou une régie, ou dans la plupart des cas, pour ce qui est des choses majeures, par l'État lui-même, c'est-à-dire par l'Exécutif, le lieutenant-gouverneur en conseil, le Conseil des ministres.

Le problème avec ça, M. le Président, c'est qu'on n'a pas le même débat, on n'a pas la même ouverture. Le ministre tantôt, lorsqu'il a quitté son texte, a évoqué les bateaux de plaisance, a évoqué les aéronefs. Pour avoir déjà eu des causes en pratique privée en ce qui concerne justement l'arraisonnement d'un aéronef, je peux lui dire à quel point ces questions-là sont extrêmement complexes. Effectivement, on tire un peu de l'arrière en n'ayant pas encore ces outils-là, ici.

Quoi qu'il en soit, M. le Président, c'est une démarche, à notre point de vue, qui est mûre, c'est une démarche qui vient au bon moment, c'est une démarche, par ailleurs, qui est balisée. Ce n'est pas l'ouverture complète. On se donne le temps de voir. Et peut-être que, dans quelques années, on se rendra à l'évidence qu'il n'y a pas de problème, peut-être que ça pourra être complètement ouvert, peut-être qu'on pourra déréglementer à ce moment-là. C'est sûr que, comme principe, tout le monde souhaite voir que le gouvernement intervienne le moins possible, qu'il y ait le moins de règlements. Mais, dans un cas comme celui-ci, la meilleure approche, c'est peut-être une approche de prudence.

Deux autres remarques de notre part, en terminant, M. le Président, en ce qui concerne justement la prudence qu'on doit avoir lorsqu'on aborde des questions comme celle-là. Personne qui a suivi les débats dans cette Chambre au cours des dernières semaines n'ignore à quel point les questions concernant la confidentialité des renseignements personnels sont extrêmement importantes. Et, à cet égard, on trouve qu'il y a déjà suffisamment d'informations qui circulent sur les personnes qui doivent emprunter. Il faut vraiment se mettre à nu devant les prêteurs. Mais, maintenant, on craint qu'avec ce nouveau système ça ne soit pas suffisamment tenu en compte, cette question de la confidentialité. Et, au fur et à mesure que le système s'impose, s'introduit et que ça se rode, bien, de notre côté, on va vraiment veiller à cette question-là, s'assurer que les questions de confidentialité sont suffisamment tenues en compte.

Un dernier mot, M. le Président, sur les prêts sur gages. Je pense que ça a été vu par beaucoup de monde, je suis sûr que le ministre se l'est déjà fait expliquer, il y a eu une importante émission à J.E. dernièrement sur les prêteurs sur gages, qui, pour le dire délicatement, ne font pas toujours très attention de savoir si les choses qu'ils sont en train de vendre ne font pas déjà l'objet d'un contrat de location. Très souvent, justement les propriétaires des sociétés qui louent des équipements de musique, par exemple, se font flouer avec ce système-là. Il n'y a pas suffisamment de garde-fous là-dedans.

Alors, le ministre a dit tantôt, avec raison, que maintenant, pour des objets d'importance comme les véhicules automobiles, on va être en train de s'assurer que, lorsqu'on achète quelque chose, ce n'est pas déjà grevé d'une hypothèque, il n'y a pas déjà quelqu'un d'autre à qui on doit de l'argent là-dessus. Et ça, c'est une bonne chose. Mais on invite le ministre et le gouvernement à réfléchir à la question suivante: Est-ce qu'il est opportun de faire un peu de ménage dans le domaine des prêts sur gages? Parce que les victimes là-dedans sont souvent des propriétaires honnêtes.

Je me souviens, pour l'avoir vu en commission parlementaire lorsqu'on était en train de faire la révision quinquennale de la loi sur la Commission d'accès et qu'on regardait la question des cartes d'identité au Québec... C'était très intéressant, M. le Président. Il y a un groupe qui fait un très bon travail, un groupe dans le domaine des consommateurs – les ACEF, si ma mémoire est bonne – qui est venu nous présenter un peu comme pièce à conviction... Il a déposé le document qu'il faut remplir lorsqu'on veut louer un instrument musical chez une grande compagnie à Montréal qui travaille dans ce domaine-là. Puis effectivement j'étais surpris comme tout le monde qu'elle demandait plein d'affaires, y compris des numéros et des cartes que normalement on n'aurait pas le droit de demander.

Mais ce n'est pas suffisant de s'arrêter là et de dire: La personne qui a cette compagnie-là demande des informations en trop. Lorsqu'on sait qu'une proportion alarmante du stock de ces personnes-là qui est donné en location, même quand c'est gravé en arrière: produit loué chez Untel... Ils vont dans ce qu'on appelait jadis les «pawn shops», chez les prêteurs sur gages, ils retournent ça, ils «check» la guitare; pas de problème, ils prêtent là-dessus. L'autre ne la reverra jamais plus, puis la question n'est vraiment jamais posée.

Alors, d'un côté on s'étonne tous que les compagnies qui se livrent à ce genre de commerce là – c'est-à-dire qui louent des objets comme des instruments de musique – demandent un pedigree puis des informations à n'en plus finir, mais d'un autre côté on constate qu'il y a des lacunes, des failles énormes dans le système. Alors, comment concilier ces deux-là? Je pense que le ministre doit être déjà sensibilisé à cette question-là. S'il ne l'était avant d'arriver à aujourd'hui, je suis sûr qu'il l'est maintenant. J'offre notre collaboration – et j'espère qu'il l'acceptera – pour travailler sur ces importantes questions avec lui, parce que, au fur et à mesure que l'informatique notamment progresse, c'est de plus en plus pratique et facile de faire des enregistrements, de s'assurer que les produits ne sont pas grevés d'une hypothèque ou d'une charge, c'est-à-dire qu'il y a quelqu'un qui a le droit de le reprendre. Mais il faut quand même que, nous, on s'ajuste à tout ça.

Le législateur suit souvent plusieurs années en arrière de la réalité commerciale, mais dans un cas comme celui-ci il me semble qu'il y a encore du travail à faire. Encore une fois, tout comme on va être avec le gouvernement sur le projet de loi n° 181, parce qu'il y va de l'intérêt du public, on offre notre collaboration si le ministre veut pousser plus avant sa réflexion en la matière. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 181? M. le ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique.

M. Ménard: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre.


M. Serge Ménard (réplique)

M. Ménard: De façon très courte, M. le Président. D'abord, je suis heureux de l'attitude positive de l'opposition dans ce dossier. Je pense qu'elle s'inscrit aussi dans une attitude de collaboration entre l'opposition et le gouvernement pour l'adoption du Code civil, qui est recommencée. Quand le Code civil a été adopté, c'était sous un gouvernement libéral, mais c'était l'aboutissement de travaux de plus de 25 ans. Je me souviens, moi, quand j'ai commencé à pratiquer le droit, il y avait déjà une commission voyant... la réforme du Code civil. Le Code civil du Québec est maintenant modernisé. Il est certainement, dans le domaine du droit écrit – je pense que nous en sommes tous très fiers – l'un des plus beaux textes de droit privé, un des plus beaux recueils de droit privé au monde. D'autres juridictions de droits civils d'ailleurs s'en sont inspirées. Certaines même, dans des pays plus petits, d'une population moins grande que celle du Québec, l'ont purement et simplement adopté comme étant leur droit privé.

Alors, il est important que cette collaboration continue. C'est avec... Je vais rappeler... Je ne peux pas faire trop d'humour là-dessus, mais c'est vrai que c'était un peu humoristique de penser qu'aujourd'hui l'opposition relève qu'il y a eu un débat sur justement l'hypothèque mobilière sans dépossession, donc l'hypothèque sur des meubles, au moment où ça a été présenté par le ministre de la Justice, l'honorable Gil Rémillard, à l'époque d'un gouvernement libéral. Et, moi, ce qu'on m'a rapporté – ni le député de Chomedey ni moi-même n'étions en Chambre à cette époque – c'est que c'étaient des députés de notre parti qui ont soulevé ce débat. Il paraît même que ça a failli faire briser l'unanimité que l'on voulait autour de l'adoption du Code civil. À l'époque, ce sont des députés de notre parti qui avaient soulevé les conséquences sociales que pourrait avoir cela.

(12 h 10)

C'est pourquoi ça a une certaine importance que je les rappelle quand même maintenant pour que ces gens-là, ceux qui les soutenaient et ceux qui leur avaient parlé soient rassurés. Parce que ce que tout le monde comprend – et surtout pour les gens qui ont peu de revenus et les associations qui les défendent – c'est que, quand on a besoin d'argent et qu'on arrive devant un prêteur, on est vraiment dans une position d'infériorité et de très grande vulnérabilité, et là on va pouvoir, dans le besoin où l'on est, consentir toutes les garanties qu'il nous demanderait, signer les yeux fermés des formules qui sont encore plus arides que certaines parties du discours que je devais lire. Donc, nous avions peur que des compagnies de finance demandent, effectivement, systématiquement aux gens qui viendraient emprunter chez eux, qui seraient donc en difficultés financières, d'offrir comme hypothèque mobilière l'ensemble de leurs biens. Bien, cela ne sera pas encore possible.

Alors, vous avez peut-être compris, il y a une première raison pour laquelle ne seront possibles les hypothèques mobilières que sur certains biens prévus par règlement, c'est que les gens soient assurés, quand ils veulent acheter un bien, qu'ils peuvent vérifier si, effectivement, il y a une hypothèque sur ce bien. De la même façon, quand ils veulent acheter une maison, ils peuvent vérifier s'il y a une hypothèque sur cette maison. Donc, il faut nécessairement un système d'enregistrement. Alors, on en a prévu pour les automobiles, on n'en a pas encore prévu pour les guitares, hein, ou pour les instruments musicaux, puis je ne vois pas encore tout de suite comment on pourrait le prévoir. Mais là les gens comprennent que c'est important. D'ailleurs, les exemples donnés par le député de Chomedey sont excellents là-dessus, lorsqu'il parle des exemples sur le gage, qu'il parle d'instruments de musique.

Alors, c'est donc ces deux raisons: la raison, d'abord, de protéger les gens démunis qui ont besoin d'argent contre des garanties exagérées que demanderaient systématiquement les compagnies de finance qui sont prêtes à leur prêter – et cela, ils sont protégés par le fait que ce ne sera que les biens prévus par règlement – et puis, deuxièmement, la nécessité que ceux qui veulent acheter ces biens de seconde main, comme une automobile, ou bien un bateau de plaisance, ou bien etc., puissent aller voir sur un registre si le bien...

C'est aussi avec justesse – et je veux revenir là-dessus – que l'opposition a signalé la nécessité de protéger, dans la mesure du possible et dans la mesure de la nécessité, les informations de nature personnelle. Mais, cependant, là-dessus, je pense que l'opposition l'a compris, mais il serait important que tout le monde le comprenne également, il est important qu'on comprenne ceci: c'est que, quand on décide d'emprunter et de donner en garantie un bien, l'un de ses biens, bien, il est normal qu'il y ait un système par lequel ceux qui voudraient nous l'acheter par la suite soient informés. Donc, il y a là un consentement implicite à ce que ce fait, cette garantie que nous donnons soit enregistrée quelque part. Et il est normal aussi que ceux qui veulent nous l'acheter ou même qui songent simplement à nous l'acheter sans avoir encore décidé de l'acheter puissent avoir accès à ce registre. Je peux vous dire que la loi que nous allons adopter prévoit ces mesures pour que le registre ne soit pas utilisé à d'autres fins que celle-là.

Je donne un exemple. Un jeune est enthousiasmé par le fait qu'il peut obtenir une Corvette à un excellent prix, n'est-ce pas, une voiture sport et, alors, évidemment, il est tout excité, il en a vérifié la mécanique, il la trouve en excellent état, et là il est certainement prudent qu'il puisse aller vérifier si la Corvette ou la voiture sport en question n'a pas été offerte en garantie quelque part puis qu'il ait le temps de réfléchir, que l'autre ne lui dise pas: Ah bien, tu ne me fais pas confiance. Simplement, tu ne me fais pas confiance en achetant... Le jeune va se sentir... Il faut que, donc, la consultation soit facile.

Par contre, dans une autre façon, ce ne serait pas normal et nécessaire que, quand on veut obtenir des informations sur quelqu'un, on n'ait qu'à entrer son nom dans un registre ou dans une mesure pour s'informer par des moyens électroniques, par exemple, et que l'on obtienne tous les biens, toute la situation financière d'une personne. Alors, l'avantage du registre, c'est qu'il sera particulier au bien et qu'il faudra avoir le numéro d'immatriculation, par exemple, pour obtenir le bien.

Une dernière chose aussi, je suis sensible à ce que dit l'opposition sur le prêt sur gages, mais, d'abord, je pense qu'on comprend qu'il n'est pas question du prêt sur gages dans le projet de loi n° 181. Il faut se rappeler aussi que le prêt sur gages est une des plus vieilles façons d'obtenir un emprunt. Ça date de plusieurs siècles, je pense que ça existait même chez les Romains. Alors, c'est une très vieille pratique commerciale qui reste encore dans notre droit privé et à laquelle on ne s'est pas appliqué.

Je sais que, effectivement, au cours de l'histoire, il y a toujours eu ces problèmes. Les prêteurs sur gage ont souvent été soupçonnés par les policiers de faire du recel, c'est-à-dire de prendre les biens qui ont été volés. La police, généralement, exerce une surveillance particulière dans ces commerces, et ces commerçants savent qu'ils doivent être attentifs au fait qu'ils doivent prendre les précautions, parce que, s'ils ne prennent pas assez de précautions, ils pourraient être trouvés coupables de l'acte criminel de recel, c'est-à-dire d'être en possession d'objets volés les sachant volés.

Mais c'est vraiment un sujet pour peut-être un autre projet de loi sur lequel nous essaierons, après avoir imaginé une solution, d'obtenir les critiques de l'opposition pour que le projet de loi soit amélioré et qu'il obtienne, dans ces questions qui intéressent vraiment, qui sont au-delà de la politique et qui intéressent l'ensemble des citoyens, un consentement éclairé.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Justice. Le débat étant terminé, le principe du projet de loi n° 181, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité des droits personnels et réels mobiliers et à la constitution d'hypothèques mobilières sans dépossession, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, je vais vous demander une... Ah non! je m'excuse. Notre collègue de l'opposition officielle est déjà à son poste, prêt. Alors, M. le Président, conséquemment, je vais vous demander de considérer l'article 29 de notre feuilleton.

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 29 de votre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 9 décembre dernier, sur l'adoption du projet de loi n° 177...

M. Boulerice: Je m'excuse, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Je pense que...

Le Vice-Président (M. Pinard): Il y a erreur sur le projet de loi appelé? Oui?

M. Boulerice: Il y a erreur effectivement, oui. C'est plutôt l'article 5. Je ne veux pas priver notre collègue de son droit de parole, c'est que je suis empressé de faire voter les lois.


Projet de loi n° 179


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 5 de votre feuilleton – c'est bien ça, l'article 5? – l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 5 décembre 1997, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 179, Loi modifiant de nouveau la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. Lors du débat du 5 décembre 1997, le ministre et député de Louis-Hébert, le ministre de l'Environnement et de la Faune, avait prononcé son allocution. Alors, nous allons maintenant céder la parole au critique officiel de l'opposition en cette matière, le député de Bertrand. M. le député.


M. Denis Chalifoux

M. Chalifoux: M. le Président, c'est toujours avec plaisir que j'ai l'occasion d'écouter ou de lire le ministre de l'Environnement et de la Faune et, la semaine dernière, je l'ai lu. Et, comme je vous dis, je pense, comme plusieurs de nos concitoyens et concitoyennes, que j'ai appris des choses, mais j'ai aussi à répondre avec le plus de précision possible à certains questionnements.

(12 h 20)

Je dois vous avouer d'entrée qu'il y a certains aspects de ce projet de loi, le projet de loi n° 179, projet de loi qui modifie de nouveau la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, qui sont moins enthousiasmants que d'autres. Vous comprendrez qu'à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de faune je vais insister un peu plus sur les aspects où nous sommes moins enthousiastes que sur ceux où nous sommes plutôt enthousiastes. C'est pour cela que nous avons été élus, c'est pour cela que nous avons prêté serment, afin de faire voir aux gens qui nous écoutent ici aujourd'hui, entre les deux versions, où se situe la vérité et où se situe ce qu'il faut vraiment comprendre et ce qu'il faut vraiment faire. C'est ce que je vais tenter de vous démontrer ici aujourd'hui, M. le Président.

Donc, j'ai devant moi le projet de loi n° 179 qui modifie, comme je le disais tantôt, de nouveau la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. La première modification du projet de loi a pour objectif principal de donner au ministre, et non plus au gouvernement tel que stipulé dans la loi, le pouvoir d'autoriser le sous-ministre de l'Environnement et de la Faune ou un fonctionnaire à exercer un pouvoir qui lui est dévolu en vertu de la loi. Aux dires du ministre de l'Environnement et de la Faune, cette modification est présente dans ce projet de loi, et je cite: «Dans le cadre de la nouvelle politique gouvernementale en matière de déréglementation, il m'apparaît souhaitable d'accélérer et d'alléger le processus décisionnel en matière de gestion de la faune et de son habitat en permettant au ministre lui-même, par opposition au gouvernement, de déléguer des pouvoirs au sous-ministre ou à un fonctionnaire.»

La modification proposée nous amène à croire, M. le Président, que le ministre pourrait décider que le pouvoir sera dévolu aux ministères de l'Environnement et de la Faune régionaux, ce qui pourrait avoir pour conséquence 15 gestionnaires, donc 15 petites politiques du ministère de l'Environnement et de la Faune qui seraient en application. À notre avis, cette situation est à éviter, puisque la faune est un bien public et, par conséquent, un bien qui, selon nous, doit être géré de façon globale et non selon des principes de supposée décentralisation.

M. le Président, il est curieux de constater que ce que le ministre veut, alors que l'on sait déjà que les normes réglementaires prescrites indiquent aux utilisateurs de la faune les règles à respecter pour assurer le maintien des populations animales à un niveau souhaitable de même qu'une répartition équitable de la ressource... Cet objectif du ministère de l'Environnement et de la Faune, selon nous, ne passe pas par une déréglementation telle que proposée, mais plutôt par une vision globale de l'environnement et de la faune, et non pas par une vision que je pourrais dire sectorielle telle que semble avoir le ministre. La déréglementation doit absolument être pensée et doit absolument être globale. Je ne crois pas que c'est ce que nous amènera la déréglementation proposée par le ministre de l'Environnement et de la Faune.

Il importe aussi, M. le Président, de mentionner que plusieurs groupes oeuvrant dans le domaine de l'environnement et de la faune pensent tout comme nous, c'est-à-dire que la faune est un bien public et doit être soumise à une vision d'ensemble. Il semble donc que le ministre n'ait pas tout à fait la même vision que plusieurs groupes oeuvrant dans ce domaine, le domaine de la faune, dans le domaine, en fait, où il est le législateur.

L'article suivant du projet de loi, soit l'article 2, vient modifier l'article 47 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. Inutile de vous rappeler que l'article 47 touche les permis à des fins scientifiques, alimentaires et à ces conditions... C'est-à-dire que: «Le ministre peut, pour des fins scientifiques, éducatives ou de gestion de la faune, délivrer un permis autorisant une personne à passer outre à une disposition des articles 26, 27, 28, 30, 30.1, 30.2, 32, 34, 42, 57 et 60, du premier alinéa de l'article 56 ou d'un règlement adopté en vertu de cet article.

«Le ministre peut, en outre, pour des fins alimentaires, délivrer un permis autorisant une personne à passer outre à une disposition des articles 34, 38, 39, 41, ou d'un règlement adopté en vertu de l'un des paragraphes 1°, 2°, 3°, ou 5° de l'article 56.

«Le titulaire de ce permis doit se conformer aux conditions déterminées par le ministre sur le permis.»

Alors, là, on vient donc de faire une nouvelle addition à l'article 47 de la loi qui va être modifié par l'addition, à la fin du premier alinéa, de ce qui suit: «ou de l'un des paragraphes de 1° à 5° de l'article 73».

Les modifications proposées par le ministre nous amènent à nous questionner sur les motivations du ministre à vouloir passer outre à la loi. Le zonage n'est-il pas bon? C'est ce que, nous, on se demande en tous les cas. Pourquoi le ministre veut avoir le pouvoir de passer outre cette loi, c'est-à-dire sans modifier le zonage par voie de règlement? À notre avis, ce n'est pas possible de changer la vocation des lacs. À l'heure actuelle, M. le Président, il est nécessaire d'avoir un règlement. Pourquoi cette volonté du ministre de vouloir changer les règles actuelles?

Le principal sujet que touche ce projet de loi est la reconnaissance d'une personne morale sans but lucratif qui agira à titre de représentante soit de l'ensemble de tous les organismes qui feront partie d'un protocole d'entente ou soit de l'ensemble de ceux d'entre eux qui gèrent une zec appartenant à une ou à plusieurs catégories de zones définies par règlement.

Quand on parle de ces zones définies par règlement, c'est naturellement les zecs d'exploitation qui concernent la faune, celles qui concernent le saumon et celles qui concernent la sauvagine. À la lecture de cette modification, on se rend donc compte que cette personne morale semble mise en place pour remplacer ou améliorer la Fédération québécoise des gestionnaires de zecs, qui regroupe plusieurs zecs de la province.

De plus, le ministre semble vouloir déterminer les fonctions de l'organisme qui sont de consulter, de concerter et d'exercer d'autres fonctions dévolues par le ministre. Or, pour les autres fonctions dévolues par le ministre, il semble que celui-ci n'ait pas cru pertinent de les définir ni même d'y mettre un cadre. Cela veut donc dire que, si le ministre le veut, les zecs pourront faire ce qu'elles entendent, en tout cas c'est ce que nous constatons à la lecture de l'article 106.4 du projet de loi n° 179.

Le ministre a aussi prévu qu'il y aurait des coûts d'adhésion aux zecs qui vont vouloir adhérer à cette personne morale et profiter en fait de la force de frappe du regroupement. Notons que les coûts d'adhésion seront déterminés par règlement sans publication dans la Gazette officielle , comme il est prévu à l'article 9 du projet de loi.

Donc, quand on regarde l'article 4 du projet de loi, globalement on constate que le ministre veut créer un nouvel organisme, alors que le rapport Facal, lui, annonçait l'élimination de plusieurs organismes. De plus, M. le Président, les coûts de financement de la personne morale sont inconnus, alors qu'on sait pertinemment, vous, moi et le ministre, que la situation financière des zecs est difficile.

(12 h 30)

Afin de bien faire valoir ce point, M. le Président, j'aimerais vous lire le passage d'un article publié dans Progrès-Dimanche , le 16 novembre dernier, qui disait: «La fréquentation dans les zecs enregistre une baisse constante depuis le début des années quatre-vingt. Des 8 890 membres qu'ils étaient en 1986 dans la région, les membres des zecs ne sont plus que 5 849, 10 ans plus tard. Les zones d'exploitation contrôlées vivent des heures difficiles – disait-on. Le gouvernement exige des baux de villégiature plus élevés, les MRC imposent de nouvelles taxes, les compagnies forestières bûchent honteusement leur territoire et négligent l'entretien des routes forestières. Les dirigeants devront faire face à un défi de taille au cours des prochaines années pour maintenir le territoire et la ressource faunique accessibles à leurs usagers et maintenir une qualité d'activités décente pour leurs usagers.»

Un autre article du Progrès-Dimanche , écrit, celui-là, le 21 septembre 1997, nous dit, et je prendrai la peine de vous le citer, M. le Président: «Gaston Larouche, biologiste, responsable des zecs au bureau régional du MEF, constate qu'on comptait trois fois moins de chasseurs de petit gibier lors de l'automne 1996 comparativement à la saison de 1980. En 1980, les préposés au poste d'accueil des zecs de la région avaient enregistré un achalandage de 42 000 jours-chasseurs. Ce chiffre est passé à 12 500 jours-chasseurs en 1996.»

Les chiffres ne mentent pas, M. le Président, nous le voyons tous, nous l'entendons tous, la situation est critique en ce qui concerne l'état des finances des zecs. Les zecs n'ont pas d'argent et nous allons leur demander de cotiser, et ce, pour une période de trois ans, sans savoir quel sera le montant à donner à la personne morale qui les représentera. Alors, tout ce que je peux dire, c'est qu'il serait important qu'on les connaisse avant de donner notre consentement. Nous sommes tous trop responsables pour émettre un chèque en blanc.

Les fonctions que vont avoir ces zecs nous préoccupent aussi. On est d'accord avec la concertation. On est d'accord avec le ministre, avec le principe de la consultation. Ce qui nous dérange quelque peu, c'est le fait que le gouvernement dise, au troisième alinéa de l'article 106.4 de ce projet de loi: «d'exercer toute autre fonction que peut lui attribuer le ministre». Alors là, encore une fois, on se pose la question, M. le Président: Quelles sont ces autres fonctions? On ne peut pas permettre un autre chèque en blanc comme nous le demande le ministre. Il est nécessaire qu'à tout le moins ces autres fonctions soient définies par un cadre ou par des balises.

M. le Président, l'opposition officielle n'est pas sans savoir non plus que les gestionnaires des zecs estiment avoir besoin d'un lieu de concertation et d'échange, un organisme de représentants permanent et efficace, capable d'élaborer et de se faire mousser des politiques qui émanent du milieu. M. le Président, nous sommes parfaitement conscients que les organismes sans but lucratif qui ont pris la relève des clubs privés dans l'exploitation de la faune des forêts publiques passent, pour consolider les zecs, par une fédération forte et efficace; après consultation auprès de plusieurs gestionnaires de zec, nous avons constaté que c'est manquant à l'heure actuelle. On est aussi au courant que la création d'une personne morale a été faite suite à la demande des gestionnaires des zones d'exploitation contrôlée du Québec. Ce qu'ils veulent, c'est une fédération forte qui va pouvoir agir à titre d'intermédiaire auprès du ministre de l'Environnement et de la Faune. Ce que nous vous disons, c'est qu'on espère que vous allez les écouter une fois que la création de ce nouvel organisme aura... On espère que ce nouvel organisme aura réellement une voix, un poids auprès du ministre et du ministère de l'Environnement et de la Faune.

En terminant, au sujet des zecs, une autre question qu'on s'est posée: Pour quelle raison le gouvernement ne sent pas le besoin de publier un projet de règlement dans la Gazette officielle concernant le montant versé à la personne morale qui va être désignée par les zecs faisant partie du protocole d'entente? Il est important, M. le Président, de mentionner que ces sommes à verser le seront pour une période de trois ans à compter de la date déterminée par le gouvernement. Donc, pourquoi ce manque de transparence? C'est ce qui nous préoccupe énormément au niveau de la création de cet organisme sans but lucratif. Donc, si je résume nos craintes quant à la création de cette personne morale, elles sont principalement: premièrement, ses fonctions; deuxièmement, le coût d'adhésion; troisièmement, la non-publication dans la Gazette officielle des coûts d'adhésion qui seront mis en place pour une période de trois ans; et, quatrièmement, le poids réel qu'aura cette personne morale auprès du ministère de l'Environnement et de la Faune.

Enfin, une dernière modification apportée par les articles 5, 6 et 7 du présent projet de loi consiste à modifier la réglementation en ce qui concerne la tarification. Actuellement, le gouvernement peut, par règlement, à l'égard des zones d'exploitation contrôlée, déterminer les conditions auxquelles les activités de chasse, de pêche et de piégeage sont permises et les droits maxima exigibles pour la pratique de ces activités. Le montant des droits exigibles qui peut être déterminé peut varier selon les catégories de personnes, selon l'âge des personnes, selon l'activité pratiquée, selon l'espèce faunique recherchée, selon la durée de séjour ou selon le secteur ou la date de l'activité de chasse, de pêche, de piégeage qui est pratiquée.

La modification que le ministre semble vouloir faire aura pour conséquence de donner la possibilité de varier les montants des droits exigibles selon la catégorie de permis ou selon la période où l'activité est pratiquée. Cette modification-là voudrait dire que, dès la prochaine saison, les zecs pourront bénéficier d'une modification de la réglementation en ce qui regarde la tarification. Les zones d'exploitation contrôlée pourront tarifer l'accès en fonction de l'âge, en fonction du type d'activité pratiquée, en fonction de l'espèce faunique recherchée, du secteur, de la date, etc. Il pourra aussi y avoir deux tarifications différentes pour la période de pêche, par exemple, une tarification pour l'été et une tarification pour la période de pêche d'hiver.

Ces nouvelles possibilités vont donc permettre, à notre avis, aux zecs de générer des revenus supplémentaires. Pour les zecs, je dis bien. Mais, pour les consommateurs, eux, les utilisateurs, pour ceux qui vont aller chercher leur permis, il y a un nouveau casse-tête qui s'annonce. En fait, on se dirige vers une anarchie dans les droits exigibles, et ça commence à être dangereux en ce qui nous concerne. Ça commence surtout à être compliqué pour un chasseur ou un pêcheur de se promener de zec en zec pour effectuer une activité qu'il aime et de prévoir combien ça va lui coûter, puisque ça pourrait lui coûter n'importe comment en raison de toutes les conditions que je vous ai énumérées précédemment et de celles qui s'ajoutent.

De plus, je ne crois pas que d'émettre de nouvelles conditions quant aux montants exigibles pour l'obtention des permis sortira les zecs du pétrin dans lequel elles sont actuellement. Personne ne réussira à me convaincre que nous allons attirer des chasseurs et des pêcheurs sur les territoires des zecs en changeant, pour une raison ou pour une autre, la tarification. Nous avons des problèmes à trouver de la relève, à créer un sentiment de fidélité de la part des utilisateurs vis-à-vis des zecs du Québec, et là nous allons permettre une augmentation ou des changements de la tarification.

M. le Président, outre les réserves que nous avons, les craintes que nous partageons avec plusieurs intervenants du milieu environnemental et de la faune à l'égard de certains des articles de ce projet de loi, le projet de loi nous apparaît quand même un pas en avant, à l'exception de certaines dispositions où nous sommes encore dans une zone grise. Nous pensons que ce projet de loi mérite une adoption en faisant en sorte que, évidemment, à l'étude article par article, nous puissions voir le ministre de l'Environnement et de la Faune établir de façon claire que chacun des articles qu'il nous a présentés permet des modifications et des bonifications nécessaires à la Loi sur la mise en valeur et la conservation de la faune. Pour l'instant, je m'en tiendrais à ces quelques remarques, et j'espère sincèrement que le ministère de l'Environnement et de la Faune a compris le message de façon à ce que l'on puisse adopter, si possible, avant la période des Fêtes le projet de loi n° 179. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Bertrand. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 179? Comme il n'y a pas d'autres intervenants, le principe du projet de loi n° 179, Loi modifiant de nouveau la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

(12 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des transports et de l'environnement

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je fais motion que ce projet de loi soit déféré à la commission des transports et de l'environnement pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, cette fois-ci, c'est le bon chiffre. Je vous demanderais de considérer l'article 29 de notre feuilleton. Le porte-parole de l'opposition, dont la réplique devait être entendue, effectivement est ici avec nous.


Projet de loi n° 177


Reprise du débat sur l'adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader adjoint du gouvernement. À votre feuilleton, à l'article 29, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 9 décembre 1997 sur l'adoption du projet de loi n° 177, Loi modifiant la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès. Lors du débat du 9 décembre, M. le ministre de la Sécurité publique avait terminé son intervention. Nous cédons maintenant la parole au critique officiel de l'opposition en matière de sécurité publique, le député de Frontenac. Alors, M. le député, vous avez un temps de parole de 60 minutes.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci. M. le Président, vous aurez sûrement compris que je ne parlerai pas pendant 60 minutes, parce que vous savez déjà – sauf erreur, vous étiez sur le banc au moment où le principe avait été appelé sur ce projet de loi n° 177 – que l'opposition avait indiqué être en accord avec la proposition du ministre. Alors, évidemment qu'on ne prend pas 60 minutes pour dire qu'on est d'accord, à moins que ce soit extrêmement compliqué à expliquer. Ce n'est pas le cas du projet de loi n° 177.

Alors, en deux mots, M. le Président, le ministre, au moment où il a fait son intervention sur le principe, a expliqué – je pense qu'on peut conclure – dans le détail les raisons qui justifient la proposition contenue dans le projet de loi n° 177. C'est de permettre au juge en chef de la Cour du Québec de donner à un autre de ses juges la responsabilité d'enquêter, s'il y a lieu, la conduite d'un coroner.

La seule réserve que nous avons, du côté de l'opposition, et je l'ai exprimée au ministre au moment où on discutait le projet de loi en commission plénière, c'est qu'on aurait souhaité que, dans le cas où, comme c'est prévu à l'article 15... Alors, on modifie l'article 15 de la loi actuelle, tout comme on modifie l'article 14, à savoir qu'on ajoute: «, ou d'un juge de cette cour désigné par lui,» dans les deux cas. Alors, ce sera le juge en chef qui pourra lui-même se saisir de l'enquête d'un coroner ou, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, déléguer cette responsabilité à un de ses juges. Lorsqu'il s'agira du coroner en chef, si ça arrivait, ce sera toujours le juge en chef qui pourra lui-même procéder à l'enquête ou désigner un de ses juges pour procéder à cette enquête.

Ce qu'on aurait souhaité, du côté de l'opposition, et je l'ai proposé au ministre, si, par hypothèse, M. le Président, on devait enquêter – ce qu'on ne souhaite pas, évidemment, du côté de l'opposition – la conduite du coroner en chef, on aurait souhaité que, dans un cas aussi sérieux, à savoir enquêter le coroner en chef... Il y a une nuance quant à nous. Enquêter un coroner et enquêter le coroner en chef, ce n'est pas tout à fait pareil. C'est évidemment, dans les deux cas, des situations extrêmement sérieuses et extrêmement graves, mais c'est encore plus préoccupant, plus grave s'il s'agit de la conduite du coroner en chef. Dans une situation comme celle-là, si ça arrivait, on aurait souhaité que l'enquête à être effectuée sur la personne du coroner en chef soit laissée à la seule discrétion et responsabilité du juge en chef de la Cour du Québec.

Alors, le ministre, M. le Président, considère qu'il n'y a pas lieu d'aller aussi loin; et même si – je termine là-dessus – le ministre ne s'est pas rendu à la suggestion de l'opposition, comme je viens de l'indiquer, de laisser au juge en chef et à lui seulement l'enquête éventuelle d'un coroner en chef, même si le ministre n'est pas d'accord pour accepter cette proposition de l'opposition officielle, nous continuerons à appuyer quand même le projet de loi n° 177 parce que ça reste quand même une amélioration.

Globalement, la proposition contenue dans le projet de loi, elle est acceptable. On aurait souhaité un peu mieux, à savoir, comme je viens de l'indiquer, faire la distinction entre le coroner puis le coroner en chef, mais quand même on va appuyer le projet de loi. L'opposition, comme toujours, a de la suite dans les idées. C'est ce qu'on a dit au moment où on discutait du principe, on l'a dit en commission plénière. On a fait des propositions en toute bonne foi. Ce n'est pas parce que le gouvernement ne nous écoute pas que de temps en temps on ne dit pas: Ça reste quand même correct, globalement, la proposition du gouvernement.

Comme toujours, M. le Président, l'opposition va se comporter de façon responsable, correcte, surtout lorsqu'il s'agit de la protection des institutions. Puis le coroner, c'est une institution extrêmement importante, très importante même. On souhaiterait évidemment que le ministre de la Sécurité publique, après qu'il aura compris que l'opposition collabore, comprenne à quel point également on collaborerait s'il décidait de se battre auprès du ministre des Finances, auprès du président du Conseil du trésor pour donner au coroner en chef et à son équipe peut-être un peu plus d'argent que ce dont ils disposent présentement pour bien faire leur travail. On le sait, ça a été mentionné à plusieurs reprises, il y a un nombre considérable d'enquêtes qui sont en suspens au moment où on se parle parce que le coroner en chef n'a pas les effectifs nécessaires; il n'a peut-être pas tous les coroners qu'il souhaiterait avoir, particulièrement des coroners à plein temps.

Alors, j'en profite et je le dis à M. le leader adjoint du gouvernement qui m'écoute avec la plus grande attention, je l'invite à faire le message à son ministre de la Sécurité publique d'insister, au cours des prochaines semaines, auprès de son gouvernement, de son ministre des Finances, de son président du Conseil du trésor pour bien protéger l'institution extrêmement importante qui est celle des coroners au Québec. Je m'arrête là-dessus. Si vous appelez le vote sur cette motion du gouvernement, je vous indique tout de suite qu'on sera d'accord. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Frontenac. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi n° 177? Comme il n'y a pas d'autres intervenants, le projet de loi n° 177, Loi modifiant la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès, est-il adopté?

M. Lefebvre: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, nous irons maintenant à l'article 25 de notre feuilleton, avec une petite suspension... Je m'excuse, là, il y a ordre et contre-ordre. Donc, nous ferons une suspension, M. le Président, c'est bien cela, et nous reprendrons à 15 heures cet après-midi, il va de soi. Alors, bon appétit à tous! Voilà.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement, je pense qu'il y aurait peut-être lieu dans l'avenir de voir à améliorer notre service auprès de la députation pour faire en sorte qu'il y ait une communication directe, sans fil, entre le bureau du leader ici même à l'Assemblée nationale et l'arrière du trône.

M. Boulerice: M. le Président, dans cet esprit, si vous me permettez de vous présenter une requête: Est-ce que cela serait possible d'avoir une prise de courant électrique de façon à ce que je puisse, comme c'est permis en cette Chambre, utiliser mon ordinateur portable, et une connexion Internet, qui me permettraient, avec un programme qui s'appelle ICQ, d'être en relation complète? Vous savez, ce Parlement doit vivre à l'heure des hautes technologies et, malheureusement, j'estime que nous sommes encore à l'âge de pierre.

(12 h 50)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, c'est évident, M. le leader adjoint du gouvernement, c'est évident, considérez seulement les relations entre la table et la présidence ici, au fauteuil, comme c'est difficile de pouvoir communiquer ensemble. Alors, nous sommes dans une vieille enceinte. Et soyez sûr que je me ferai le porte-parole de votre requête auprès des membres du Bureau de l'Assemblée nationale.

M. Boulerice: M. le Président, si vous me permettez, je vais vous remercier pour cette sollicitude que vous manifestez en vous rappelant cette phrase de Jacques Brel, qui disait: «C'est avec du vieux qu'on fait du neuf.» Donc, avec un vieil immeuble, on peut en faire un instrument moderne de législation et de communication.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci pour votre citation. Et j'invite nos gens à nous revenir, les membres de l'Assemblée, à nous revenir cet après-midi à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 51)

(Reprise à 15 h 8)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît!

Alors, nous allons poursuivre nos travaux aux affaires du jour, et j'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer la matière à l'ordre du jour.

M. Boulerice: M. le Président, comme je disais à votre collègue qui vous a précédé que notre Parlement, malheureusement, était un peu au Moyen Âge au niveau des hautes technologies, je me fie à l'écran de l'ordinateur portable que j'ai pour voir le menu législatif de ce jour, et je vous demande donc de bien vouloir considérer l'article 25.


Projet de loi n° 178


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, à l'article 25, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 178, Loi sur l'abolition de certains organismes. Alors, je vais céder la parole à M. le député de Robert-Baldwin. M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: M. le Président, je vous remercie. Je voudrais tout de suite en commençant rappeler aux membres de cette Assemblée que le projet de loi qui est devant nous comporte l'abolition d'une dizaine d'organismes publics et parapublics.

Je voudrais quand même mentionner que ce projet de loi fait suite au rapport d'un groupe de travail sur l'examen des organismes gouvernementaux, rapport qui a été présenté en septembre 1997. Un rapport qui contient 127 pages, qui étudie plusieurs organisations – je crois que c'est au moins 209 – et qui recommande l'abolition ou l'intégration de quelque 80, 81 organisations.

(15 h 10)

Alors, c'est surprenant d'un côté d'avoir un groupe de travail qui s'est penché de façon assez sérieuse sur l'élimination des chevauchements, des dédoublements, qui arrive avec un rapport de 127 pages. Et on arrive ici, à l'Assemblée nationale, avec un projet de loi qui, lui, comporte l'abolition de seulement 10 organisations. Pas n'importe quelles, M. le Président, ce sont des organisations qui sont inopérantes.

Il me fait plaisir de dire à la Chambre que ce projet de loi va abolir, par exemple, l'Office des autoroutes du Québec, le Comité d'études musicales, le Comité d'études dramatiques ou les dispositions se rapportant aux comités d'études musicales et dramatiques, le Bureau d'examinateurs des mesureurs de bois, le Bureau des examinateurs en tuyauterie, le Bureau des examinateurs électriciens... à la Régie des télécommunications, à la Société de la Maison des sciences et des techniques, à la Société québécoise des transports et à toute personne morale dont elle contrôle le capital-actions et aussi au Conseil de la recherche et du développement en transport.

M. le Président, je vais vous souligner d'abord quelques constats. Bien, tout geste visant la réduction de la taille de l'État, vous pouvez être certain que l'opposition officielle va toujours regarder ces gestes, ces décisions avec un préjugé favorable. On ne peut pas être contre la vertu, mais encore faudrait-il avoir la vertu. Nous trouvons, à ce moment-ci, que la réduction de dépenses est quand même extrêmement minimale. Ces organismes sont des coquilles vides, et, dans certains cas, depuis longtemps. Ce n'est pas le motif économique qui implique cette présentation devant l'Assemblée nationale.

De nouveau, nous trouvons, nous de l'opposition, que c'est un projet de loi qui est bien maigre et on se demande jusqu'à quel point le menu législatif est en difficulté. On présente un rapport d'un groupe de travail qui a examiné 209 organismes et qui recommande la disparition ou l'intégration de 90 de ces organismes. On arrive avec le projet de loi, M. le Président: abolition de 10 organismes qui ne sont plus opérants.

M. le Président, depuis le début des travaux de ce Groupe, il faudrait voir, de l'autre côté, combien de groupes, et de projets de loi, et de ministères ont été créés. Il y en a plusieurs. Alors, au moment où les députés ministériels nous disent: Regardez si on pratique la saine gestion, on diminue la taille de l'État en abolissant 10 sociétés inopérantes, de l'autre côté je voudrais vous faire une description, peut-être un peu longue mais elle est certainement éloquente, de tous les organismes qui ont été créés depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement péquiste.

D'abord, M. le Président, l'agence autonome Tourisme Québec; l'Agence métropolitaine de transport, vous vous souvenez des débats qui ont eu lieu en cette Chambre à ce sujet; le bureau de révision administrative qui remplace les bureaux de révision paritaires en matière de santé et de sécurité au travail; le centre de la petite enfance; le centre local d'emploi, les CLE, c-l-e, les centres locaux d'emploi qui remplacent les centres Travail-Québec attachés au ministère de l'Emploi et de la Solidarité; la Commission de la capitale nationale; la Commission des partenaires du marché du travail; la Commission de l'équité salariale; la Commission de développement de la métropole.

M. le Président, on a bien hâte de voir les résultats de plusieurs de ces commissions-là, particulièrement celle du développement de la métropole. Je ne voudrais pas élaborer sur cette promesse du gouvernement péquiste d'avoir un pacte fiscal en 1994, alors que dans les lois qui ont été présentées devant ce Parlement, tout ce qu'on a proposé, c'est d'autoriser la ville de Montréal à inscrire des espèces de comptes à recevoir. Ce sont des astuces comptables. On y reviendra.

M. le Président, je viens déjà d'énumérer une dizaine d'organisations mises sur pied par le gouvernement péquiste. Je voudrais continuer, mais rappeler en même temps que ce gouvernement nous présente aujourd'hui l'abolition d'une dizaine d'organisations qui ne sont pas opérantes actuellement. D'un côté, on s'attarde, on dit: Bien, voilà, on diminue la taille de l'État, puis, de l'autre côté, voyez comment on engraisse ce même État, ce même gouvernement.

D'autres commissions: la Commission de protection de la langue française a été révisée, créée avec cette fameuse police de la langue – vous vous souvenez des débats sur lesquels nous avons insistés; Commission des lésions professionnelles; Commission régionale des partenaires du marché du travail. Et là on arrive à la création des fonds: Fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier; Fonds de développement du marché du travail; Fonds de gestion des départs assistés; fonds des départs volontaires.

M. le Président, je voudrais, étant donné qu'on parle des fonds – on crée d'autres entités au moment où on nous propose d'en diminuer quelques-unes qui sont inopérantes – rappeler les commentaires du Vérificateur général au sujet de ces créations de fonds spéciaux: «Depuis plusieurs années, on assiste à la prolifération de fonds spéciaux dont les données financières sont soustraites aux états financiers actuels du fonds consolidé du revenu et du Fonds des services de santé. La publication d'états financiers consolidés permettrait d'éliminer cet effet.

«Institués en 1996, le Fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier, le Fonds de gestion des départs assistés – et là c'est le Vérificateur général qui parle – et divers fonds relatifs aux technologies de l'information sont des exemples concrets du problème qui se pose. Ces fonds permettent, en substance, de reporter sur plusieurs années certaines dépenses qui seraient autrement comptabilisées dans les états financiers actuels du gouvernement. Or, les règles comptables que le gouvernement s'est données lui interdisent notamment d'inscrire par amortissement ou par tranches des dépenses de nature capitale qu'il devrait porter à ses livres dans l'année où il acquiert ses biens.»

«Le discours du budget du ministre des Finances, M. Bernard Landry, le 9 mai 1996, annonçait – là aussi, la création d'un nouveau fonds – la création du Fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier, pour financer les projets d'investissement du gouvernement. Ce dernier remboursera le fonds sur plusieurs années...» Alors, ce qui est actuellement passé à dépenses dans une année maintenant va être reporté sur plusieurs années. Donc, ça va diminuer la dépense par année. Cependant, on est en train d'endetter les contribuables payeurs des prochaines années. «Ce dernier remboursera le fonds sur plusieurs années et il inclura annuellement dans ses dépenses un montant égal à l'amortissement des actifs calculé par le fonds au lieu de comptabiliser dans la même année [...] de l'investissement.»

Il faut, pour bien comprendre cette remarque du Vérificateur général, associer le débat avec la présentation aujourd'hui du projet de loi qui veut éliminer une dizaine d'organisations inopérantes. D'un côté, on diminue des organisations inopérantes puis, de l'autre côté, on crée des entités, des fonds spéciaux, M. le Président.

Je voudrais terminer avec une autre remarque du Vérificateur, cette fois sur le Fonds de gestion des départs assistés qui voit au versement des primes de départ accordées au personnel de la fonction publique selon le cadre de gestion adopté en 1996 par le Conseil du trésor. Le gouvernement versera au fonds les sommes prélevées sur les crédits alloués à cette fin par le Parlement pour le rembourser des primes qu'il aura à payer. Les sommes versées au fonds pourront être échelonnées sur plus d'une année sans dépasser le 1er avril 2001. Alors, on pellette en avant. On va être en mesure de payer sur une période de cinq ans les départs assistés. Ça, c'est pour les départs assistés.

On a aussi les départs volontaires, toute l'opération qui a été mise en place au 1er juillet. Eh bien, là, ce n'était pas assez sur cinq ans, M. le Président, nous apprenons qu'on veut reporter la dépense de 3 000 000 000 $ sur une période de 16 ans. C'est très discutable du point de vue comptable, et je suis heureux que le Vérificateur général puisse nous donner raison. Je pense qu'on avait alerté la population aussitôt qu'on s'était aperçu que le ministre des Finances commençait à créer divers fonds, diverses entités.

(15 h 20)

«Le principe déjà décrit pour le Fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier s'applique aussi aux quatre fonds des technologies de l'information institués aux ministères de l'Emploi, de la Solidarité et de la Condition féminine, des Finances, du Revenu ainsi qu'au Conseil du trésor, puisque la dépense du gouvernement est étalée sur la durée de vie utile des immobilisations acquises.» Alors, ça, c'était le rapport du Vérificateur général, le tome I qui a été présenté au mois de juin dernier.

Plus récemment, au mois de décembre, au début décembre, eh bien, le Vérificateur général reprenait encore une fois les commentaires qu'il avait faits. Il indique: «..."Comptes publics, élément de reddition de comptes du gouvernement" comportait des commentaires quant au périmètre comptable du gouvernement. Je critiquais – «je» étant le Vérificateur général – particulièrement la constitution de fonds spéciaux qui permet d'étaler sur plusieurs années certaines dépenses qui, autrement, seraient comptabilisées au fur et à mesure dans les états financiers». Et il ajoutait, en terminant, qu'il déplorait «le fait que la publication d'états financiers consolidés se fasse encore attendre et que les fonds spéciaux continuent de se multiplier (plus de 15 nouveaux fonds depuis le 1er avril 1996)».

M. le Président, ici, nous avons un gouvernement qui se targue de diminuer la taille de l'État, de présenter un projet de loi pour abolir 10 organisations qui ne sont plus opérantes, puis de l'autre côté nous avons ce même gouvernement qui n'arrête pas d'augmenter la taille soit par des fonds, soit par des nouvelles entités, soit par des ministères. Vous allez me permettre de poursuivre la liste de création d'organisations, de fonds ou d'entités par ce gouvernement. Alors, le Fonds de partenariat touristique, Fonds de pensions alimentaires, Fonds national pour le développement de la formation professionnelle.

Création de ministères: ministère de l'Emploi et de la Solidarité, ministère de la Métropole, ministère de la Famille, ministère des Régions, bientôt – alors, la taille de l'État, est-ce qu'elle diminue vraiment? – Régie de l'énergie, tribunaux administratifs, unités autonomes de services au sein du ministère de l'Emploi, celles-ci sont appelées Emploi-Québec, Secrétariat à l'action communautaire, Fonds de l'industrie des courses de chevaux, Centre de perception fiscale, Fonds de lutte à la pauvreté, Service d'information et de référence pour le démarrage d'entreprises, Commission des partenaires du marché du travail.

Rappelons-nous aussi les promesses qui nous avaient été faites sur la déréglementation. Là aussi, il n'y a jamais eu autant de règlements depuis que le gouvernement péquiste a fait ces promesses-là. Je pourrais continuer. Il y en a plusieurs, et j'ai l'impression que ça prendrait tout le temps que j'ai à ma disposition, mais j'aurais aussi d'autres éléments sur lesquels je me permettrais d'insister et sur lesquels j'aimerais vous entretenir.

Alors, le 9 avril dernier, le gouvernement du Québec confiait à un groupe de six députés la tâche d'examiner le rôle et les fonctions des organismes gouvernementaux afin de ne conserver que les organismes requis. C'était le mandat qui était donné au Groupe de travail afin que le gouvernement puisse remplir adéquatement sa mission.

J'aurais sûrement un commentaire à faire. Si j'avais été un des députés impliqués dans cette étude-là et que je voyais aujourd'hui le résultat qui est présenté à la Chambre, je pense que j'aurais sûrement un moment de déception, M. le Président. Je pense que les gens ont voulu faire un travail relativement sérieux: ils ont voulu rencontrer ou s'informer auprès de certains dirigeants. Et, quand on accouche vraiment d'une très petite souris... Bien, c'est ça qui arrive aujourd'hui, et je vois dans les yeux de nos collègues beaucoup d'éléments de déception.

Le rapport propose un réaménagement des organismes gouverne-mentaux qui devrait permettre de les adapter au contexte socio-économique des prochaines années et assurer un meilleur service à la population. Soulignons que, pour l'année 1996, les crédits votés par l'Assemblée nationale pour leur financement représentent plus de 1 000 000 000 $. Alors, on a étudié tout l'impact que peuvent avoir des intégrations, des diminutions avec une enveloppe de 1 000 000 000 $. On sait que le budget de dépenses du gouvernement du Québec dépasse les 40 000 000 000 $. Eh bien, M. le Président, on arrive avec une abolition de 10 organisations inopérantes et on ne peut même pas nous dire exactement quelles sont les économies qu'on peut réaliser. Au meilleur des informations que nous possédons, il n'y en pas ou il y en a très, très peu.

Des 204 organismes étudiés par le Groupe de travail, Hydro-Québec, Loto-Québec et la Caisse de dépôt et placement étant exclus, il y en a eu 81 qui ont été sur la liste du gouvernement, 15 changeaient de statut pour devenir des comités du ministre et, pour les autres, 62 seraient regroupés, six verraient leurs activités réparties et 34 seraient abolis, privatisés ou considérés comme privés. Les six organismes relevant de l'Assemblée nationale et qui font partie de la liste étudiée ne devaient cependant plus être considérés comme des organismes gouvernementaux. Certains organismes dont les fonctions ont été regroupées changeraient d'appellation pour devenir 12 nouveaux organismes. Dorénavant, l'organigramme gouvernemental, comprenant les trois organismes mentionnés plus haut qui n'ont pas été étudiés, compterait 96 organismes.

M. le Président, je me permets de nouveau d'essayer de faire comprendre aux députés ministériels qu'on est en train d'étudier un projet de loi qui vise l'abolition de 10 organisations, dont une des plus anciennes, l'Office des autoroutes du Québec, des organisations qui sont inopérantes. En même temps, tantôt j'ai fait la liste du nombre d'organisations qui ont été créées par ce gouvernement.

De plus, un groupe de travail de six députés a conclu et nous a remis un rapport de 127 pages avec des recommandations qui touchent 209 organismes qui ont été étudiés, dont 81 reçoivent une recommandation. Le président du Conseil du trésor n'a pas voulu en tenir compte. Tout ce qu'on fait actuellement, bien c'est un éléphant qui accouche d'une souris, avec l'abolition de 10 organismes inopérants sans aucune économie. C'est ce qui fait dire à plusieurs d'entre nous que le menu législatif en prend pour son rhume cette fois-ci, que le gouvernement n'a pas grand-chose à apporter à l'Assemblée nationale.

Vous allez me permettre, M. le Président, de revenir sur les recommandations du rapport, des recommandations qui, à tout le moins, auraient été intéressantes à étudier, d'écouter également des groupes qui sont associés à ces recommandations. Je prends la première: le soutien à la recherche. Au nombre des recommandations, soulignons la proposition du Groupe de doter le Québec d'un centre québécois de recherche scientifique qui serait constitué de trois branches autonomes, soit la recherche sociale, la recherche en santé et la formation des chercheurs et l'aide à la recherche. Le Groupe de travail estime que le regroupement de ces trois organismes déjà existants devrait faciliter l'émergence d'une vision d'ensemble dynamique et cohérente dans ce secteur en créant une masse critique susceptible d'entraîner des effets multiplicateurs non seulement pour la recherche fondamentale, mais aussi pour l'application des découvertes et également pour la recherche clinique.

M. le Président, moi, j'aurais bien aimé ça être capable d'être associé, d'une façon ou d'une autre, à ce Groupe de travail pour savoir quel est le fondement de ce regroupement, pourquoi, quels sont les buts qui sont visés, et est-ce qu'on va pouvoir aider le support à la recherche de cette façon-là. Et j'aurais aussi aimé être capable d'entendre des chercheurs venir nous dire, eux, quels sont les problèmes qu'ils voient dans les structures actuelles, quelles sont les améliorations qui peuvent être apportées.

M. le Président, dans le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui, aucun mot sur la recherche et sur cette recommandation à tout le moins intéressante du Groupe de travail.

Une autre recommandation, la collecte des statistiques. Alors, le Groupe de travail propose aussi de regrouper au sein d'un unique organisme qui serait appelé Statistique Québec la collecte et le traitement des données statistiques actuellement effectuées par le Bureau de la statistique du Québec, le BSQ, l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération, l'IRIR, et le Centre de recherche en statistique sur le marché du travail du ministère du Travail. Statistique Québec disposerait d'un statut qui l'assurerait d'exercer ses fonctions en toute impartialité et avec crédibilité. C'est la recommandation du Groupe de travail, du groupe des six députés. Dans le projet de loi présenté par le ministre aujourd'hui, rien, M. le Président, sur cette recommandation.

(15 h 30)

Nous, ce que nous aurions aimé, comme députés de l'opposition, c'est de fouiller davantage cette recommandation du Groupe de travail. Quelles sont les raisons profondes pour regrouper tous ceux qui font de la statistique au Québec? On peut penser qu'il y a un intérêt certain. Est-ce qu'il y a des chevauchements aussi avec le Bureau de la statistique du Canada? Est-ce qu'on aurait pu entendre des spécialistes dans le domaine venir nous dire quelles sont les embûches qu'ils ont par rapport à la taille de l'État? Et quels auraient été les avantages et aussi les inconvénients à créer un bureau Statistique Québec? Là aussi, M. le Président, comme membre du Parlement, parlementaire, eh bien, je pense qu'il y avait un intérêt et un enrichissement collectif à travailler ensemble et à questionner les conclusions du rapport du Groupe de travail. Malheureusement, dans le projet de loi présenté aujourd'hui, rien.

M. le Président, une autre recommandation importante, les sociétés d'État. Le Groupe de travail s'est penché sur l'avenir des sociétés d'État, dont la création, dans les années soixante, a marqué la vie économique du Québec. Je pense que nous allons tous être d'accord avec cette affirmation du Groupe de travail. Alors, cette fois-ci, il propose un virage qui est quand même majeur. Eux autres, ils prétendent que ça devrait stimuler l'économie du Québec et la création d'emplois. Je pense que ça aurait été drôlement intéressant de pouvoir ensemble valider une telle affirmation, de pouvoir confirmer de quelle façon on aurait pu travailler à la création d'emplois, à stimuler l'économie du Québec. Dans le projet de loi qui nous est présenté, aucune mention des sociétés d'État. Tout ce qu'on dit, c'est qu'on va abolir 10 organisations qui sont inopérantes, dont la plus connue, l'Office des autoroutes du Québec.

M. le Président, même chose en agriculture, une autre recommandation intéressante, la création d'une... Dans le domaine agricole, le Groupe de travail recommande de fusionner les sociétés de financement, la Régie des assurances agricoles et le Programme d'aide aux entreprises agroalimentaires en un seul organisme qui serait appelé Société d'assurance et de financement agricoles. Je pense que cette recommandation, là encore, elle n'est pas dépourvue de sens. Ç'aurait été intéressant pour nous, les parlementaires, d'écouter ce que les gens qui sont impliqués par cette recommandation-là ont à dire, les agriculteurs, les représentants des agriculteurs. Je pense qu'on vient de manquer, encore une fois, le bateau. On manque la chance de travailler ensemble. Et on assiste surtout à l'abolition d'organisations qui sont inexistantes, plutôt que de travailler sur l'avancement de la société du Québec par rapport à diverses recommandations, dont celles en agriculture.

Je poursuis, M. le Président. Les autochtones. Alors, quant aux organismes conjoints créés en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois ou de la Convention du Nord-Est québécois qui sont rattachés au ministre responsable du champ d'activité où ils oeuvrent, le groupe propose, tout en préservant leur existence, de les regrouper au sein d'un nouvel organisme qui serait appelé Bureau des nations autochtones et qui serait rattaché au premier ministre. Moi, j'aurais aimé ça être capable d'entendre les autochtones, ce qu'ils ont à dire sur une telle recommandation. Est-ce qu'ils veulent être rattachés au bureau du premier ministre? Comment est-ce que ça fonctionne actuellement? On est totalement absent d'un débat qui, à notre avis, aurait pu sûrement enrichir notre société.

Toujours dans le même dossier, le groupe souligne qu'il s'agit d'un changement de cap important. Ce regroupement permettrait, selon le Groupe de travail, une meilleure vision d'ensemble et une coordination plus efficace de l'action gouvernementale. Moi, j'aurais le goût de dire oui. Mais j'aurais aimé ça entendre les autochtones, ce qu'ils ont à nous dire là-dessus aussi, M. le Président. Malheureusement, aujourd'hui, avec l'abolition de 10 organismes inopérants, inexistants maintenant, eh bien, on passe complètement à côté du rapport du Groupe de travail sur l'examen d'organismes gouvernementaux.

M. le Président, on propose des regroupements. Et, de nouveau, je pense qu'on ne peut pas être contre la vertu. Au nombre de ces regroupements proposés, notons celui de la Commission d'accès à l'information à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pour constituer la Commission des droits de la personne, de la jeunesse et de l'accès à l'information, en raison des affinités qui existent entre les organisations dont les missions sont axées sur la protection des droits. Là aussi, on aurait sûrement des bonnes questions, surtout avec tout le dossier des fuites de renseignements confidentiels, là, qui a été étalé sur la place publique. Cependant, il y aurait sûrement des commentaires ou des questions qui auraient pu être posées.

D'autres regroupements: la fusion de la Commission de la construction du Québec et la Régie du bâtiment, qui deviendraient la Régie de la construction. Là aussi, il aurait pu être intéressant d'entendre les travailleurs nous dire ce qu'ils en pensent, d'entendre les syndicats, d'entendre les patrons, les entrepreneurs. Mais, tout ça, c'est absent du discours que nous avons aujourd'hui, parce qu'aujourd'hui on ne discute seulement que de l'abolition de 10 organisations qui n'ont plus leur raison d'être et pour lesquelles il n'y a même plus d'économie à effecteur.

Un autre regroupement intéressant, M. le Président, le regroupement du Conseil de la santé et du bien-être et du Conseil médical du Québec pour former le Conseil des services sociaux et des services médicaux. Je pense qu'on peut sûrement questionner la pertinence de ces deux conseils ou même du regroupement. Mais, là encore, nous aurions aimé pouvoir en discuter avec le Groupe de travail, avec les députés d'en face, avec les ministres concernés. Pourquoi ne pas avoir donné de suite au rapport du Groupe de travail sur l'examen des organismes gouvernementaux?

Alors, M. le Président, on parle aussi d'abolitions dans ce rapport-là. Au chapitre des abolitions, on parle d'abolir principalement la Commission municipale du Québec, dont les mandats seraient répartis entre le ministère des Affaires municipales, le Tribunal du travail et le Tribunal administratif du Québec.

Il y en a plusieurs autres, d'autres recommandations. L'introduction, lorsque la chose est possible et pertinente, d'une clause crépusculaire prévoyant la durée de vie d'un organisme dans le projet de loi le créant. M. le Président, si on fait le tour de tous les députés à l'Assemblée nationale, je pense que tous, nous allons être d'accord avec le principe d'une clause crépusculaire. Mais pourquoi on n'en fait même pas mention dans ce projet de loi? Ça aurait pu être une première étape. Il faudrait aussi signifier ce que c'est, une clause crépusculaire. Eh bien, c'est de s'assurer que tout projet de loi sera révisé au bout d'un certain temps; ça peut être quelque cinq ans, trois ans, cinq ans, 10 ans dans certains cas, mais au moins s'assurer qu'il y aura une évaluation des intentions du législateur suite à l'application du projet de loi. Puis, de nouveau, je suis certain que l'ensemble de la députation ici, tous les députés, même les indépendants, auraient pu donner un accord de principe à tout le moins sur ce genre de clause, parce qu'elle est drôlement intéressante lorsqu'on nous demande de légiférer sur un nombre de lois extrêmement élevé.

M. le Président, vous me faites signe que déjà le temps est presque écoulé, il reste une minute. Je pense que c'est avec déception que nous nous voyons dans l'obligation d'accepter ce projet de loi. On ne peut pas être contre la vertu. Cependant, je pense qu'il y a quand même une autre alternative qui va s'offrir très bientôt à la population, et c'est celle du gouvernement du Parti libéral. Déjà dans le programme, plusieurs clauses sont prévues, plusieurs résolutions pour diminuer la taille de l'État, surtout dans les secteurs où le lien avec la population est le plus fort: on pense à l'éducation, on pense à la santé.

En terminant, on ne peut pas être contre la vertu, je vous l'ai dit. Nous allons donc voter en faveur du projet de loi, sauf que ce projet de loi, on trouve que c'est une très, très mince consolation par rapport à l'ensemble des recommandations qui sont faites par un groupe de travail et pour lequel, nous, les députés de l'opposition, nous aurions vraiment aimé pouvoir être associés, pouvoir questionner, pouvoir travailler ensemble pour le mieux-être de nos citoyens. Merci, M. le Président.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. Il n'y a pas d'autres intervenants. Le rapport de la commission des finances publiques portant sur le projet de loi n° 178, Loi sur l'abolition de certains organismes, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

(15 h 40)

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je vous demanderais de bien vouloir vous référer à l'article 6 de notre feuilleton, qui est le projet de loi n° 176, je crois bien.


Projet de loi n° 176


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): L'article 4, oui. Excusez-moi, j'ai eu un moment d'hésitation. C'est l'article 4, ça va. À l'article 4, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 9 décembre 1997 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Y a-t-il des interventions? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je vous cède la parole.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. M. le Président, je prends la parole au niveau de l'adoption du projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, Bill 176, An Act to amend the Act respecting the Ministère de la Santé et des Services sociaux and the Act respecting the Régie de l'assurance-maladie du Québec.

M. le Président, on a devant nous un projet de loi qui, à première vue, de toute apparence, apparaît très anodin. Trois petits articles dont un indique que la loi sur le ministère de la Santé est modifiée, là on arrive avec la modification; le deuxième qui indique que la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec est modifiée, une modification; puis, troisième article, l'entrée en vigueur. Ce n'est pas exactement une loi qui apparaît, à sa face même, d'une importance majeure. Mais, de temps en temps, de petites choses dévoilent une certaine complexité et prennent de l'importance. Ce n'est pas avec la taille qu'on mesure l'importance des choses. Si ça avait été le cas, on jugerait sur la taille de beaucoup de choses, incluant les personnes.

Quel est le but de cette loi? On lit les notes explicatives qui, elles, sont très anodines aussi: Ce projet de loi modifie la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux afin que le ministre puisse, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par cette loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application. Le projet de loi modifie également la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec afin de permettre à la Régie d'exercer toute fonction qui lui est déléguée aux termes d'une entente conclue avec un ministre.

C'est la première partie du projet de loi qui m'intéresse le plus, M. le Président, celle où le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de ses fonctions. Je comprends très bien le désir – ce qui ne veut pas dire que je le partage nécessairement – du ministre actuel de vouloir décentraliser. Semble-t-il, de ce temps-ci, la décentralisation est à la mode. Tout est décentralisé. Les décisions ne sont plus prises à Québec avec un ministère ou avec un ministre, mais c'est décentralisé.

Dans la santé, c'est décentralisé aux régies régionales. On voit, au fil des ans, que les régies régionales prennent une importance accrue dans notre système de santé. À chaque fois que, nous, de ce côté, on tente de questionner le ministre sur des décisions qui arrivent dans les questions de santé, neuf fois sur 10, je dirais plus huit fois sur 10, le ministre répond: Bien, ça, c'est une décision qui relève de la régie régionale de telle et telle région. Il dit ça à peu près huit fois sur 10: Ce n'est pas de mes responsabilités, c'est des responsabilités des régies régionales. Il y a une fois sur 10 qu'il dit: Bien, c'est la faute du fédéral. C'est un refrain qu'on entend souvent ici, en cette Chambre. C'est peut-être une fois sur 10 que le ministre répond: Oui, j'ai une certaine responsabilité là-dedans puis j'accepte cette responsabilité, puis il défend son cas. Mais, moi, je vous dirais, après trois ans, M. le Président, qu'à peu près huit fois sur 10 le ministre dit simplement: Ce n'est pas de mes affaires, la régie régionale détermine les budgets, détermine des établissements locaux. Tout ce qu'il fait, lui, comme ministre, c'est qu'il détermine les budgets globaux pour les régions, et par la suite c'est elles qui décident.

Ça pose d'énormes problèmes d'imputabilité, en ce qui me concerne, M. le Président. Je sais que les gens des régies régionales et autres, pour poursuivre l'exemple, sont en principe redevables devant la population. Ils sont élus par des collèges électoraux divers, etc., mais il n'y a pas, quant à moi, la même mesure d'imputabilité, de responsabilité qui existe au niveau régional comme on la connaît ici, au Parlement du Québec.

Le ministre, quand il a présenté le projet de loi, a parlé d'une situation très particulière. Quand il a présenté le projet de loi, quand il a défendu l'adoption du principe, il a indiqué qu'il veut déléguer des responsabilités peut-être à la RAMQ, peut-être à d'autres organismes, pour s'assurer que les personnes âgées sont hébergées dans les centres d'accueil, etc. Il avait décrit une situation, quant à moi, qui était peut-être très réelle mais qui est très pointue, hein? Comprenons-nous. Il a dit: Pour régler ces problèmes, j'arrive avec le projet de loi n° 176. Mais, si on se fie au texte du projet de loi... Parce que, ça, c'est autre chose que j'ai appris pendant trois ans, M. le Président, avec grand respect pour les ministres du gouvernement du Parti québécois, c'est de ne pas nécessairement se fier aux paroles, en ce qui concerne la législation, mais de se fier sur ce qui est écrit, ce qui est indiqué dans le projet de loi. Le projet de loi ne parle pas d'entente pour régler une situation chez les personnes âgées avec un organisme quelconque. Non. Le projet de loi dit de façon extrêmement large: «Le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application.»

La portée de cet article, M. le Président, est immense. On lui donne, au ministre de la Santé, la possibilité de déléguer n'importe quelle de ses fonctions à n'importe quel organisme du gouvernement du Québec, selon la Loi sur le ministère de la santé et des services sociaux ou n'importe quelle autre loi dont il est responsable de l'application. C'est immense! C'est immense comme portée. Nous, de ce côté de la Chambre, moi particulièrement, nous nous fions énormément à un projet de loi qui dit essentiellement que le ministre peut se décharger de ses responsabilités, les attribuer à d'autres organismes, organismes de la fonction publique, où les fonctionnaires oeuvrent, comparé au ministre de la Santé qui est un membre de l'Assemblée nationale dans un système de gouvernement responsable, ce qui veut dire que lui, comme ministre, il est responsable devant ce Parlement.

(15 h 50)

On a l'occasion de le questionner. Si on peut en arracher des réponses, on a l'occasion de débattre avec lui soit en commission parlementaire ou ici, au salon bleu, on aurai l'occasion de lui signaler des demandes d'information, des questions écrites sur le feuilleton. C'est la base même de notre administration et de notre gouvernance ici, au Québec, un système de représentation, de responsabilités ministérielles. Il est redevable devant la population par le biais de l'Assemblée nationale du Québec.

Et, moi, je pense que cette loi lui permet de se décharger de ses responsabilités de façon très grande et de façon qui ferait en sorte que le ministre, quand il se lève en Chambre, au lieu de dire, huit fois sur 10: Ce n'est pas de mes responsabilités, c'est une décision qui est prise ailleurs, ce n'est pas de mes affaires. Je ne suis que le ministre de la Santé du Québec, mais les décisions, elles ont été prises ailleurs. Au lieu que ça arrive huit fois sur 10, ça va arriver neuf fois sur 10. Ça va diminuer ses fonctions comme ministre de la Santé et ça va affaiblir le fait qu'on est redevable devant le Parlement du Québec, les ministres sont redevables devant le Parlement du Québec des conséquences de leurs décisions. Et c'est très grave, M. le Président, c'est très grave.

On se souvient très bien, peut-être, en ce qui concerne le comté de Notre-Dame-de-Grâce. Mr. Speaker, one only has to think back two years, when decisions that were essentially made in Québec City by the Minister, budgetary decisions to dramatically cut health care spending in the Province of Québec imposed on regional health boards, the decision to cut off hospital services and in many, many cases to close hospitals. And I recall very, very vividly questioning the Minister about the closure of the Queen Elizabeth Hospital in the Riding of Notre-Dame-de-Grâce

We tried to indicate to him at that time that this would have dramatic consequences for the population of NDG, Montréal-Ouest, Côte-Saint-Luc, Hampstead, the west end of Montréal, and I can recall very vividly the Minister standing up and saying: But I don't want to necessarily close the Queen Elizabeth Hospital. It's not a decision I'm taking, the Minister said. He said it's a decision of the regional health board. So a decision of the magnitude of closing a community hospital which has existed for 100 years was all of a sudden taken out of the hands of the Minister of Health and was thrown to a regional health board so that they bore the brunt of public pressure to keep the Queen Elizabeth open. It was a very, very elegant manoeuvre on the part of the Minister of Health. He could just wash his hands of the affair, he could play at being a Pontious Pilate and say: It's not my fault. I didn't close the Queen Elizabeth Hospital. I wash my hands of the affair, and I leave it in the hands of the regional health board.

So, to a large measure, I think, unfortunately, that the current Minister of Health, the member for Charlesbourg managed to avoid being the lightning rod of public discontent with regard to hospital closures in the Montréal area because he simply said: It's not my decision. I told the regional health boards that they had to save $400 000 000. How they go about doing it is their business. I don't have anything to do with it.

As I say, I recall vividly inviting the Minister to come to the Queen Elizabeth Hospital to see the kind of services that are provided. The Minister refused, continued to say: Look, all these decisions are decisions being made at another level of government. Well, that was unacceptable then, Mr. Speaker, and it remains unacceptable today.

M. le Président, pendant toute l'affaire des fermetures d'hôpitaux à Montréal, le ministre de la Santé a pu échapper à ses responsabilités pour la fermeture des hôpitaux à Montréal largement parce qu'il se disait: Ce n'est pas moi qui prends ces décisions-là. Je n'ai pris que des décisions d'ordre budgétaire. C'est la régie régionale qui décide. Ce n'est pas de ma faute. Si j'ai fermé sept hôpitaux dans la région de Montréal, ce n'est pas de ma faute. Si quatre de ces sept hôpitaux-là étaient des hôpitaux anglophones, ce n'est pas de mes affaires, c'est la régie régionale qui décide.

Bien, là, M. le Président, de façon très efficace et quasiment par une astuce, le ministre a fait porter l'odieux de la fermeture des hôpitaux de Montréal sur le dos de la régie régionale. Il a passé l'odieux de ces gestes-là sur le dos de la régie régionale. Il n'avait pas le courage de dire: Moi, j'accepte la responsabilité pour la fermeture des sept hôpitaux de Montréal, j'accepte la responsabilité de la fermeture de quatre hôpitaux anglophones.

De temps en temps, M. le Président, des députés ministériels ont fait un certain chiard au niveau de l'hôpital Montfort. Je peux en discuter les mérites, de cette décision, mais je pense que c'était très discutable, les gestes posés par le gouvernement de M. Harris. Mais, par contre, ça prend du culot pour faire ça, M. le Président, quand ce même gouvernement a fermé the Queen Elizabeth Hospital, the Lachine General Hospital, the Sherbrooke General Hospital, the Reddy Memorial Hospital, the Jeffery Hale's Hospital. Faut le faire, M. le Président! Le seul hôpital anglophone de la région de Québec, le Jeffery Hale, fermé. Ça prend du culot pour se lever en Chambre ou ailleurs en disant: Écoutez, nous, on trouve que les gestes d'un gouvernement voisin en ce qui concerne l'hôpital Montfort est odieux, mais, nous, on en ferme cinq, ce n'est pas grave, c'est un autre ordre d'idées. Ça prend du culot quand même, M. le Président!

Mr. Speaker, we still operate, in Québec, in a system of ministerial responsibility. It is the foundation of our parliamentary system whereby a minister is responsible before the Parliament of Québec for actions that he or she takes. And this bill, I believe, Mr. Speaker, decreases a level of ministerial responsibility that we currently have. Because it says essentially, Mr. Speaker, in one fairly and accurate phrase: «The Minister may delegate to an organization, by agreement, the exercise of functions assigned to the Minister by this Act or by another Act under the Minister's administration.» This is an enormous hole, Mr. Speaker, through which you could drive a Mack truck in terms of the Minister's responsibility before this House, and before this House, by extension, to the people of Québec.

Alors, M. le Président, le projet de loi me laisse perplexe. Les députés ministériels ont déjà dit dans le passé que ça arrive souvent que le député de Notre-Dame-de-Grâce est perplexe. Oui, les gestes de ce gouvernement me laissent perplexe. Quand je lis le projet de loi, ça ne concorde pas à la démonstration qu'a faite le ministre de la Santé, d'aucune façon. Si le ministre de la Santé veut régler une question très pointue qui touche les personnes âgées, qu'il revienne avec un projet de loi qui est beaucoup circonscrit, dont la portée est limitée, mais qu'il ne vienne pas avec un projet de loi qui dit essentiellement qu'il peut déléguer n'importe quoi à n'importe qui, à n'importe quel moment, tel qu'autorisé par la loi n° 176. Ce n'est pas ma vision des responsabilités ministérielles au Québec, ce n'est pas notre vision non plus. Et, tant et aussi longtemps que le ministre ne peut expliquer à notre satisfaction pourquoi il a besoin du projet de loi n° 176 pour corriger un problème pointu qui touche des personnes âgées, on va s'opposer au projet de loi. Merci, M. le Président.

(16 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Y a-t-il d'autres interventions? M. le député de Kamouraska-Témiscouata, je vous cède la parole.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. À mon tour d'intervenir sur le projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec. La première fois que j'ai ouvert cette loi, trois articles, je me suis dit immédiatement: Ce n'est pas ce projet de loi là qui va changer l'évolution du ministère de la Santé et du système de santé au Québec. Pourtant, c'est souvent dans les plus petites choses qu'on retrouve les plus grands changements. Vous me permettrez de dire que ces trois articles-là sont très surprenants et sont même quelque part sans précédent, M. le Président.

Parce que c'est la première fois – je suis encore jeune, plusieurs de mes collègues du gouvernement s'amusent à me le rappeler constamment – que je vois ça, moi, un ministre qui volontairement vient dire: Je n'en veux plus, de responsabilités, j'en ai trop, je n'en veux plus, je veux que ce soit donné à quelqu'un d'autre. Pourtant, l'explication qu'on nous donnait quand j'ai écouté le discours du ministre, ce n'était pas tout à fait ça. Ce n'était même pas du tout ce qui est présenté dans les notes explicatives puis dans les trois premiers articles, qui est l'intention que le ministre nous a mentionnée. Il mentionnait que c'était pour protéger les argents des personnes âgées, et tout ça, alors que pourtant ce projet de loi là ouvre la porte à beaucoup plus que ça.

Comme le disent les articles, quand on parle de l'article 1: «Le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application». M. le Président, ce n'est pas rien, là. On vient d'ouvrir la porte à la possibilité de voir le ministre complètement se décharger de toute responsabilité, c'est-à-dire que...

Tantôt, j'entendais mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce dire qu'il était perplexe face à ce projet de loi là et qu'il était souvent perplexe. Bien, permettez-moi de partager sa perplexité à ce moment-ci, parce que c'est un précédent qu'on crée de voir un ministre se décharger d'une telle façon de ses responsabilités. Et il ne le fait pas directement, même si c'est clair selon nous dans les articles, lui-même tente de faire passer la pilule – c'est le cas de le dire – autrement. Mais on connaît sa méthode, et je pense qu'il y a des gens qui aujourd'hui encore, dans les salles d'attente, vivent cette fameuse méthode là du ministre actuel au niveau de la santé.

Vous savez, M. le Président, c'est toujours un peu surprenant, après voir vu ce qui s'est fait en 1994 avec, entre autres, le bill 83 qui a ouvert la porte aux fermetures d'hôpitaux, c'est quand même très curieux de voir ce qui nous est présenté aujourd'hui. Tous se souviennent de ce fameux printemps et de ce fameux été 1994 et des événements qui ont suivi. Toutes les fois que l'opposition soulevait une hypothèse, toutes les fois que l'opposition disait: C'est fort possible que tel ou tel hôpital ferme ou qu'il ait une vocation transformée – on disait, dans le temps: Un hôpital ne ferme pas, sauf que dans mon livre à moi, quand on enlève l'urgence et la moitié des services dans l'hôpital, ça change un petit peu la vocation et ce n'est plus vraiment un centre hospitalier – toutes les fois que l'opposition soulevait ce genre d'hypothèses là, le ministre se levait en Chambre et disait: Non, non, ça n'arrivera pas, ce n'est pas vrai.

Puis, M. le Président, vous savez, vous connaissez comme moi des gens qui ont été victimes de ces paroles-là. Et pourtant on se rendait compte que, oui, éventuellement il y avait des annonces puis que, quand l'opposition disait qu'il y avait trois ou quatre centres hospitaliers qui allaient fermer dans la région de Montréal, qu'il y en avait deux ou trois qui allaient fermer dans la région de Québec, c'était vrai. L'hypothèse était confirmée par la suite. Ça, je pense qu'il n'y a personne du côté du gouvernement qui peut remettre ça en question.

Il y a un phénomène là-dedans, puis ça m'amène à vous dire pourquoi je pense qu'encore une fois l'opposition a raison, c'est qu'on a droit au même scénario. C'est-à-dire que l'opposition se lève et dit: Regardez, faites attention à ces aspects-là, c'est la première fois qu'on voit un ministre se décharger de ses responsabilités d'une façon aussi peu cavalière et surtout aussi claire que présentement. Et pourtant c'est comme on l'a fait dans le passé, puis les gens du gouvernement ont l'air de dire: Bien non, ce n'est pas ça, vous avez tort, ce n'est pas ça du tout, du tout qui est mis en question. Mais ils disaient la même chose, M. le Président, en 1994, avant qu'on assiste à une telle séance de fermeture d'hôpitaux. Peut-être que ça nous donne confiance un peu et que ça nous donne raison dans nos doutes qu'on a à l'égard de ce projet de loi là.

M. le Président, juste quelques instants pour parler du fameux virage ambulatoire et des résultats qui en ont suivi. Je pense que tous s'entendent pour dire que l'évolution de notre système de santé fait en sorte qu'il doit y avoir certaines modifications qui soient apportées dans l'ensemble du réseau. Ça, je pense que tout le monde s'entend là-dessus.

Ce qui est moins clair et ce qui est surtout beaucoup moins acceptable, c'est de voir que normalement la personne qui devrait apporter ces changements-là et être le grand maître d'oeuvre de ça, bien, depuis deux ans, on peut dire qu'elle n'en est plus vraiment la responsable. Le vrai responsable de ce qui se passe au niveau de la santé actuellement, c'est nul autre, encore une fois, que le ministre de l'Économie et des Finances. C'est lui qui est le vrai responsable de ça. Je pense que, quand on parle de virage ambulatoire, de réforme du réseau de la santé, c'est peut-être pour ça que le ministre de la Santé veut, par ce projet de loi là, se décharger de ses responsabilités. Il dit: Tant qu'à ne pas avoir le contrôle, bien, au moins je vais pouvoir le dire clairement, que c'est quelqu'un d'autre qui le fait et que ce n'est pas moi, étant donné que je n'ai déjà pas le contrôle et que tout ce qui guide ma réforme de la santé, ce n'est rien d'autre que les impératifs économiques et budgétaires que m'impose le ministre des Finances. Ce n'est rien d'autre que ça. Donc, peut-être qu'on se dit: Bien, quant à y être, on va le faire dans une loi, on va s'en décharger complètement, M. le Président.

Vous savez, il y a, au niveau, je dirais, du respect et de l'attitude qu'on doit avoir envers l'Assemblée nationale... On parle souvent de la nécessité d'augmenter le rôle du député, de revaloriser le rôle du député. Mais, avec des projets de loi comme ça, M. le Président, on est en train de dévaloriser le rôle des parlementaires, le rôle des députés, même le rôle du ministre. Ce n'est plus lui qui va gérer la santé. À qui on va poser les questions? Ça prend déjà tout pour avoir des réponses. Imaginez-vous si, en plus... Il le faisait alors qu'il n'avait pas le pouvoir de le faire, quand il disait que les fermetures d'hôpitaux, ce n'était pas lui, que c'étaient les régies régionales, puis on se rendait compte finalement que les commandes étaient passées puis que les régies régionales n'agissaient que selon les ordres qu'elles avaient du cabinet du ministère de la Santé. Bien, là, il va avoir, par cette loi-là, le pouvoir direct de le faire et de le dire: Non, ce n'est pas de ma responsabilité. Il va pouvoir s'en laver les mains. Quel recours on va avoir, M. le Président?

Quand les gens dans les comtés vont nous demander: Qu'est-ce qui va arriver de notre hôpital, où est-ce qu'on s'en va avec le réseau de la santé? puis, que, nous, ici, on ne pourra même pas questionner le ministre là-dessus parce qu'il va dire: Ce n'est pas de ma faute, ce n'est pas de ma responsabilité, il va servir à quoi? Qu'est-ce qu'il va gérer? À quoi ça va servir, d'être ministre s'il n'est capable de répondre de rien et qu'il peut se déresponsabiliser aussi facilement face à ça?

Vous savez, M. le Président, dans ce projet de loi là, quand on regarde l'impact que ça a sur les différents articles, sur ce qui fait, je dirais, la valeur du ministre de la Santé, quand on regarde ce qui constitue ses responsabilités, on regarde l'article 3 de la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux, qui est très clair sur les devoirs du ministre de la Santé, qui sont: d'assurer la protection sociale des individus, des familles, des autres groupes; de prendre les mesures requises pour assurer la protection de la santé publique; de voir à l'amélioration de l'état de santé des individus et du niveau de santé de la population; de favoriser l'étude et la recherche scientifiques dans le domaine de la santé et des services sociaux; de participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre des programmes d'assainissement du milieu physique dans lequel vit la population à laquelle ces programmes sont destinés; de promouvoir la participation des individus et des groupes à la détermination des moyens de satisfaire leurs besoins dans le domaine de la santé et des services sociaux; de consulter les individus et les groupes sur l'établissement des politiques du ministère de la Santé et des Services sociaux...

Il y en a d'autres. On peut parler de promouvoir le développement et la mise en oeuvre de programmes et de services en fonction des besoins des individus, des familles, des autres groupes; d'établir les normes applicables en matière de services, d'équipement, de finances, de personnel dans l'utilisation des subventions accordées par le gouvernement; d'assurer l'organisation et le maintien des établissements dans le domaine de la santé et des services sociaux; de déterminer les possibilités d'adoption des enfants domiciliés hors du Québec. Il y en a d'autres: obtenir des ministères du gouvernement et de tout organisme public ou privé des renseignements disponibles aux fins de la mise en oeuvre de la politique du ministère. Tout ce que je viens de vous dire là, M. le Président, ces éléments-là, ça fait partie de façon directe, de façon implicite du rôle du ministre de la Santé et des Services sociaux et aussi de ses devoirs.

(16 h 10)

Ce qu'il vient nous dire aujourd'hui, c'est: Chacun de ces éléments-là, tout ce qui est sous ma responsabilité, je vais pouvoir le donner à quelqu'un d'autre et m'en laver les mains. Je vais pouvoir le faire directement. Ça fait trois ans que je le fais indirectement; maintenant, je me donne le pouvoir de le faire directement. Et ça, je pense que, si on regarde l'ensemble de ce qui a été fait depuis l'arrivée de ce gouvernement-là au niveau de la santé, c'est très inquiétant. C'est inquiétant parce que...

On parlait du virage ambulatoire. J'ai dit tantôt que, finalement, le vrai responsable, celui qui guide le virage comme tel, celui qui guide l'évolution du système de la santé, c'est le ministre des Finances. La plus belle preuve, c'est que le virage ambulatoire, c'est certain qu'avec les nouvelles technologies, c'est certain qu'avec les nouvelles façons d'opérer, c'est certain qu'avec les chirurgies d'un jour c'est un élément qui change la vocation de nos centres hospitaliers. Peut-être pas de là à tous les fermer, puis je pense que le Parti libéral du Québec n'a jamais été d'accord avec le fait, de près ou de loin, de fermer un hôpital – ça, là, c'est clair – sauf que c'est certain que les gens demeurent de moins en moins longtemps dans les hôpitaux. Mais, s'ils demeurent de moins en moins longtemps dans les hôpitaux, M. le Président, ils sortent plus vite. Il faut quand même qu'il y ait un suivi qui soit fait, et ce suivi-là peut être fait par d'autres ressources, des ressources de CLSC, des ressources des groupes communautaires, mais il faut que ces groupes-là, il faut que ces organismes-là aient les capacités financières de le faire.

Mais, cependant, à la première partie du virage ambulatoire, on a dit: Bon, bien, c'est vers là qu'on va. Et, quand on est arrivé à la deuxième partie, on s'est rendu compte que tous ces organismes-là de soutien qui doivent assurer le suivi des opérations, le suivi des traitements qui sont faits, bien, ils n'étaient pas là. Ils n'étaient pas là, M. le Président. Et ça, ce que ça provoque, c'est bien simple, c'est que les gens sortent plus vite, s'en vont chez eux, mais ils se ramassent seuls. Ils se ramassent seuls, il n'y a personne pour s'en occuper. Et souvent, à la moindre petite fièvre ou à la moindre petite inflammation, ce qui est normal et ce qui peut arriver, s'il n'y a personne pour assurer le suivi de ça et s'en occuper directement sur place – à domicile dans bien des cas – bien, ces gens-là retournent dans les hôpitaux, retournent dans les urgences, et c'est ça qui congestionne notre réseau de la santé.

Et là on entend le ministre de la Santé, tout surpris, nous dire: Bien, c'est des cas isolés; si on regarde les colonnes de chiffres, ça arrive bien, si on regarde les chiffres puis si on regarde les statistiques, tout va bien dans le réseau de la santé. Il a même fait une conférence de presse pour le dire. Cependant, on n'entend pas ce ministre-là, on n'entend pas ce gouvernement-là dire le mot «patient», dire le mot «malade». Ce qu'on entend dire, c'est le mot «chiffres», le mot «statistiques», le mot «clients», même. Je pense qu'il n'y a pas grand monde qui choisit d'être client dans le réseau de la santé. Ce n'est pas un choix, là. Quand on parle du rôle de l'État, du rôle d'un gouvernement, s'il y a un endroit qui doit être priorisé, c'est la santé. S'il y en a un autre, c'est l'éducation. Mais, au niveau de la santé, force est d'admettre, M. le Président, qu'on est à des lunes de ce que devrait être le rôle d'un gouvernement responsable dans ce domaine-là.

M. le Président, il y a des articles qui nous ont dit, dans les dernières semaines, dans L'actualité , que l'on retournait carrément en arrière au niveau de notre système de santé. On retourne en arrière, et, je veux dire, ce n'est pas ce qu'il y a de plus rassurant. Pourquoi je dis qu'on retourne en arrière? C'est que, premièrement, on ne peut pas comprendre comment il y a des économies à réaliser quand les patients qui sortent trop tôt après leur opération doivent revenir à l'hôpital, à l'urgence, aux soins intensifs parce qu'ils sont trop faibles, qu'ils sont trop souffrants pour demeurer à la maison. Puis, quand il n'y a pas de personnes d'encadrement qualifiées à la maison, il n'y a pas d'économie à réaliser là.

La plus belle preuve, on se souvient tous, la semaine passée, de l'Ordre des infirmières qui est sorti en disant: Mais regardez, là, on n'est plus capable d'en prendre. On n'est plus capable d'en prendre. Et cette réforme-là, cette improvisation-là au niveau de la santé résulte en la mise en place indirecte, par en arrière, d'un régime de santé à deux vitesses. C'est-à-dire qu'il y a des gens qui vont pouvoir demeurer à la maison et se payer des soins privés, se rétablir en parfait confort, dans les meilleures conditions, parce que c'est eux qui mettent la main dans leurs poches et qui paient, et il y a d'autres personnes qui, elles, c'est bien de valeur, mais elles ne peuvent pas se permettre ça. Bien, elles vont souffrir deux, trois jours à la maison avant de revenir dans le réseau de la santé.

On ne peut pas dire que c'est ce qu'il y a de plus cohérent quand on parle d'une réforme. C'est la plus belle preuve que, finalement, ce n'est pas le ministre de la Santé qui a le contrôle à ce niveau-là, mais que c'est bel et bien le ministre de l'Économie et des Finances.

Quand je dis qu'on retourne en arrière à ce niveau-là, quand on parle de retour en arrière, c'est que justement, dans cette équation-là – on sort plus vite, on se retrouve à la maison, on a besoin de soins et on retourne dans les urgences quand on ne les a pas – c'est que... Tous se souviennent, surtout de l'autre côté qui semble affairé à ces lectures-là, des lectures des années cinquante, parce que c'est sans doute ce qui explique leur programme électoral et leur programme politique tout court... On n'a plus la même structure sociale qu'on avait dans ce temps-là, dans le passé, les livres que vous lisez, ce n'est plus pareil. On n'a plus la même structure sociale, c'est-à-dire qu'il n'y a plus la même structure familiale, il n'y a plus les mêmes communautés pour s'occuper des moins bien nantis, ça n'existe plus. Les familles sont plus petites, les familles sont éclatées dans bien des cas, et les gens se retrouvent de plus en plus souvent seuls.

Donc, à partir de ce moment-là, M. le Président, il faut se requestionner en tant que gouvernement non pas en pensant et en ayant comme référence ce qui se passait dans les années trente-cinq, dans les années quarante, dans les années cinquante, mais plutôt en regardant ce qui se passe ailleurs, dans les autres provinces, dans les autres pays présentement. Oui, c'est ça qu'il faut faire. Mais ce n'est pas ça qu'on semble faire, et la preuve, c'est que les infirmières sont sorties en disant: Nous, on n'est plus capables d'en prendre, on n'est plus capables de le faire. Ma collègue de Bourassa disait avec justesse hier, avec une très grande justesse: Cette surcharge qu'on inflige de plus en plus ou qu'on cherche à infliger de plus en plus aux femmes qui sont dans le réseau... Ce sont elles qui semblent avoir la plus grosse surcharge et, je dirais, les plus gros inconvénients de cette réforme-là. Je pense que, quand on parle d'une société qui évolue, quand on parle d'une société branchée sur l'avenir, c'est la plus belle preuve qu'on revient à des prototypes d'il y a 30, 40, 50 ans.

Je pense qu'il y a des gens qui devraient se réveiller et dire: Regardez, tout le monde le dit. Ce n'est pas juste l'opposition, tout le monde le dit: les femmes, les infirmières, tout le monde. Mais de l'autre côté on continue à nous dire que ça va bien, on continue à se lever en Chambre pour dire: C'est bien, ce qu'on fait au niveau de la santé, il faut continuer. Ils ont dit ça jusqu'à fin septembre, début octobre, quand, dans une conférence de presse un samedi après-midi, en toute épouvante, la main sur le coeur encore une fois, ils ont dit: C'est fini, les coupures au niveau de la santé, c'est fini, il n'y en aura plus.

M. le Président, ils devaient être un petit peu surpris de voir, la semaine passée, le président du Conseil du trésor venir annoncer que tout le monde serait mis à contribution pour trouver un autre 2 %. Je pense que ce n'est pas une bien bonne nouvelle, ça, pour les gens du réseau de la santé, d'entendre dire que le président du Conseil du trésor, lui, il en veut encore plus. Mais c'est juste une belle indication de comment fonctionne ce gouvernement-là au niveau de la santé. Le ministre qui est là n'est pas responsable de ça, c'est le président du Conseil du trésor, c'est le ministre de l'Économie et des Finances qui mènent dans le réseau de la santé aujourd'hui.

C'est eux autres qui fixent les grands objectifs à atteindre, et ces objectifs-là, ils ne les fixent pas en termes d'amélioration des soins de santé. Ce n'est pas les soins de santé, ce n'est pas les deux «s» qu'il y a là qu'ils visent, eux autres, c'est le «s» avec deux barres dessus: les piastres. C'est ça qui compte, M. le Président, c'est ce genre de «s» là qu'ils visent, ces gens-là, point final. Et même là on apprend dans les derniers jours que, même si on vise les «s» avec des barres dessus, on en échappe de tous les bords, et ce n'est pas grave. On paie trop de TVQ... Je suis certain que les gens qui se sont fait avoir par les lecteurs optiques, ils n'auront pas de retour de TVQ là-dessus.

Mais, pour revenir au projet de loi, M. le Président, c'est la première fois que je vois – il y a des gens qui ont plus d'expérience que moi ici, et j'espère qu'ils n'auront jamais la chance de revoir ça – un ministre abdiquer de telle façon, dire: J'ai déjà perdu le contrôle, je ne suis déjà plus responsable; c'est de la faute des autres, c'est de la faute des médecins, c'est de la faute des infirmières, c'est de la faute de tout ce qui bouge, des régies régionales, c'est de la faute de n'importe qui, sauf de moi. Là, il vient de dire...

Une voix: Des libéraux.

M. Béchard: Oui, oui, et là on parle de: C'est la faute du gouvernement précédent. Ça, c'est parce que c'est la cassette qu'on donne aux députés gouvernementaux. Nous autres, on ne l'a pas, cette cassette-là. Mais c'est vrai, on l'entend tellement qu'on l'apprend: C'est la faute de l'autre gouvernement, c'est la faute du fédéral. Ça, ils le disent constamment, M. le Président.

(16 h 20)

Cependant, ce que le ministre de la Santé fait par ce projet de loi, il vient confirmer: Je vais me donner la légitimité de pouvoir me lever en Chambre et dire que ce n'est pas de ma faute. Il va pouvoir dire à son sous-ministre, quand il va lui poser des questions: Regarde, va demander au vrai responsable, c'est un tel et un tel; ce n'est pas de ma faute. Je pense qu'on abdique, M. le Président, par ce projet de loi là. C'est inacceptable qu'un ministre de la Santé plie les genoux comme ça et refuse d'améliorer le système de la santé et s'en décharge pour s'en laver les mains. On va être contre. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Viau. M. le député.


M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président. Ce qui est intéressant dans ce projet de loi, c'est la présentation même du projet de loi. Je lisais attentivement les notes explicatives ainsi que le projet de loi lui-même pour m'apercevoir que les notes explicatives sont même plus longues que le projet de loi. C'est un peu la marque de commerce de ce ministre qui nous arrive avec des projets de loi – si on regarde la loi sur, justement, l'assurance-médicaments, projet de loi qui contenait très peu d'articles pour l'importance d'un tel projet de loi – où, en fin du compte, on remarque, quasiment à chaque deuxième ou troisième article, que le ministre se donne des pouvoirs par règlement.

Dans ce projet de loi, on fait la même chose. J'ai écouté le ministre dans sa présentation où il disait que c'était pour régler un petit problème au niveau de certains centres. Mais, moi, j'ai toujours pensé que, lorsque quelqu'un s'en va dans un magasin et veut acheter un canon pour tuer un maringouin, il y a quelque chose qui ne marche pas, quelque chose qui ne fonctionne pas. Dans ce projet de loi, comme on le lit de façon très précise, c'est que le ministre dit qu'il peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par cette loi ou par toute autre loi dont il est chargé de l'application. Bon. Alors, il se donne un canon pour tuer un maringouin. Juste ça, M. le Président, devrait, à ces gens-là qui sont de l'autre côté, les membres du Conseil des ministres et les députés ministériels, leur donner au moins l'incitation à poser des questions au ministre, à savoir pourquoi il veut se donner ces pouvoirs qui peuvent souvent devenir abusifs.

On est habitués, avec ce ministre, on est habitués qu'il arrive ici puis qu'il nous dise le contraire de ce qu'il avait promis. On est habitués, avec ce gouvernement, de faire le contraire de ce que son programme électoral disait ou ne disait pas. M. le Président, vous avez participé, vous, à la dernière campagne électorale. Je ne me souviens pas, pour ma part, jamais vous avoir entendu parler dans votre campagne que ça faisait partie de votre programme de fermer des hôpitaux au Québec. Vous avez aidé certainement... Et, vous comme moi, on a été touchés de façon plus directe parce que, et dans votre comté et dans mon comté, le ministre, tout d'un coup, un matin il décide: Bon, on ferme les hôpitaux.

Chez nous, j'ai été frappé par la fermeture de l'hôpital Saint-Michel qui s'était, au fil des ans, donné une expertise un peu particulière au niveau de l'urgence, un hôpital qui était très bien coté par la population qu'il servait, un hôpital qui était très bien coté par le ministère, un hôpital qui était très bien coté par Urgences-santé où on disait que c'était l'hôpital, dans l'est de Montréal, qui était le plus efficace justement pour recevoir des cas urgents. Le ministre dit: Non, non. On ne ferme pas l'hôpital, on va le transformer. Encore là, on fait... Puis vous l'avez entendu comme moi, M. le Président, ce ministre se péter les bretelles: C'est parce qu'on avait besoin de lits de longue durée. Vous l'avez entendu comme moi ici, dans cette Chambre, nous dire: Depuis son arrivée au pouvoir, et à cause des fermetures d'hôpitaux, ce gouvernement a réussi à créer des milliers de lits de longue durée. C'est bien dans la tour d'ivoire du ministre, où il voit ça sur papier, M. le Président, et il dit qu'il va créer.

J'ai vérifié au niveau de l'hôpital Saint-Michel, chez nous, M. le Président, et on s'aperçoit que ce que le ministre dit et la réalité, c'est totalement différent. C'est incroyable, ce qu'on peut affirmer de son siège, ici, à l'Assemblée nationale: nous faire croire que, justement, au Québec, depuis que ces gens-là sont au pouvoir, nous avons maintenant des milliers de lits de longue durée dans nos hôpitaux. À l'hôpital Saint-Michel, justement, ce qui est inscrit dans les livres ou les rapports du ministre: il est censé y avoir 192 lits. Il y a à peu près une heure et demie, j'ai appris que, sur les 192 lits, il y en avait seulement 140 qui étaient opérationnels, qui recevaient des patients; 140 sur 192, ça fait une moyenne de 73 %.

Lorsque le ministre nous dit qu'il a ouvert 3 000 lits de longue durée au niveau de l'ensemble de la province, est-ce que je dois, par extrapolation, dire: Bien, si, à Saint-Michel, sur 192 lits il y en a seulement 140 qui sont ouverts, ça veut dire que la même chose, certainement, se passe ailleurs? Et ça veut dire que, lorsqu'il nous parle de 3 000 dans cette Chambre, il nous parle de 2 000 et plus; s'il parle de 2 000, il parle de 1 500? C'est la réalité. C'est la grande différence entre ce que ces gens nous disent ici, dans cette Chambre... Avec toute la sainteté, les vierges offensées, ils disent: Voilà, c'est ça. Ils possèdent toute la vérité. Mais, lorsqu'on vérifie sur le terrain, on s'aperçoit que ce n'est pas exactement la même chose.

En parlant de ça, l'hôpital Saint-Michel, qui avait justement acquis une réputation au niveau de son urgence, M. le Président, on l'a fermé. Et on entend le ministre ici, dans cette Chambre, dire que les choses s'améliorent. Mais, quand j'écoute le ministre, j'ai l'impression d'entendre les météorologues qui nous disent que la planète se réchauffe. C'est peut-être vrai que la planète se réchauffe. Et, si on regarde au niveau des statistiques, la température moyenne de chaque jour au Québec est de 21°. Ça, ça veut dire que, si on écoute le ministre, si j'ouvre la fenêtre et que je regarde dehors, il n'y a pas de neige, selon le ministre. Mais pourtant je pense que vous comme moi ce matin en arrivant ici, à l'Assemblée nationale, vous avez remarqué qu'il y a de la neige. Et, si quelqu'un pense que c'est parce que la planète se réchauffe, qu'au Québec on n'a pas besoin d'acheter des pneus d'hiver pour les mois de décembre, janvier, février et des fois même mars, il y a des chances que vous ayez un accident.

Le ministre nous dit que ça va tellement bien au niveau de nos hôpitaux, que ça progresse, que le temps d'attente est inférieur. Mais comment explique-t-il qu'il y ait des engorgements au niveau des urgences? Et je comprends qu'il peut y avoir des engorgements ici et là une fois de temps en temps, mais vous avez lu les journaux comme moi, M. le Président, pour pouvoir certainement constater que maintenant ça n'est qu'une habitude, de voir des hôpitaux engorgés. Moi, il me semble que, si je m'en vais dans le Nord du Québec et qu'il y a de la neige, je vais y aller avec des pneus d'hiver. Et c'est ça qu'on dit au ministre: S'il y a des engorgements au niveau des urgences et que ça dure de jour en jour et de mois en mois, ça veut dire que ces hôpitaux-là manquent de ressources pour justement contrer... Ce n'est pas lorsqu'on est en santé qu'on a besoin des urgences, c'est lorsqu'on est malade qu'on a besoin de ça.

(16 h 30)

Alors, on entend ça du côté ministériel et ça m'étonne qu'on n'entende personne des ministres nous dire: Oui, le ministre de la Santé a besoin de plus de pouvoirs pour qu'il puisse exercer ses fonctions. Je suis surpris parce qu'on dit dans ce projet de loi que le ministre peut déléguer à un organisme l'exercice des fonctions qui lui sont attribuées. Normalement, M. le Président, vous avez assez d'expérience ici, dans cette Chambre, lorsqu'on parle d'organismes, le moins que l'on puisse demander, c'est qu'on puisse définir le mot «organisme». Le projet de loi aurait pu dire – puis je suis heureux de voir le ministre du Travail qui est ici, parce qu'il va comprendre – le mot «organisme» aurait pu être défini comme un organisme gouvernemental. Non. On a laissé le mot «organisme». Ça veut dire quoi? J'ai consulté le dictionnaire avant de descendre ici; un organisme, c'est à peu près n'importe quoi. Un organisme, c'est un groupe de personnes qui s'organisent pour faire n'importe quoi.

Alors, je suis surpris que le ministre du Travail ne soit pas intervenu. J'espère qu'il va intervenir, parce que je vais lui poser maintenant des questions et j'aimerais qu'il me donne des réponses. Je dois présumer, M. le Président, qu'avant que ce projet de loi soit déposé ici, à l'Assemblée nationale, il a passé les étapes qui sont habituelles, incluant le comité ministériel. Le ministre du Travail a certainement dû prendre connaissance de ce projet de loi. Lorsqu'on parle de déléguer à des organismes... puisque le ministre ne nous donne pas de réponse, je pose la question au ministre du Travail: C'est quoi qui est défini comme organisme? «C'est-u» un comité de volontaires qui peut à un certain moment recevoir un mandat du ministre? «C'est-u» un comité ou une organisation syndicale? Un syndicat, c'est une organisation.

Ce qui m'inquiète, c'est que peut-être le ministre du Travail n'a pas vu venir, comme on dit en bon Québécois, on lui en a passé une petite vite. Ça veut dire quoi, ça, en termes de relations du travail, lorsqu'on donne à un ministre un tel pouvoir? Est-ce que le ministre entend légaliser une pratique courante que le ministre du Travail connaît certainement, où dans le réseau nous avons présentement... Dans la région de Montréal, il y a 1 000 employés du réseau qui sont à la maison, payés à ne rien faire parce qu'ils n'ont pas encore été placés, et en même temps – et là j'aimerais bien que le ministre du Travail m'écoute – des hôpitaux font affaire avec des agences de placement. Oui, M. le ministre. Peut-être que vous l'apprenez, mais, si vous l'apprenez, j'espère que vous allez faire quelque chose; si vous le saviez, je ne sais pas pourquoi vous êtes resté muet durant tout ce débat et je vous invite certainement à nous donner la réponse suite à mon intervention.

Est-ce qu'on a l'intention ici, par ce projet de loi, de laisser tomber certains regroupements de travailleurs, que ce soient des infirmières, que ce soient des personnes qui travaillent manuellement dans un hôpital, des cuisiniers, des laveurs de plancher, ainsi de suite, et d'aller à l'extérieur, à une agence de placement, pour que celle-ci puisse fournir à nos hôpitaux de la main-d'oeuvre?

M. le Président, moi, je n'ai pas une boule de cristal, mais je m'interroge à savoir c'est quoi, la raison pour laquelle le ministre veut avoir ça. Et je m'interroge pourquoi, si c'est tout simplement, comme il a dit, pour régler un petit problème avec des gens où on doit garder des sous en poche pour finir le mois. Mais, si c'était ça, pourquoi on n'a pas dit ça dans le projet de loi? Pourquoi dire, dans le projet de loi, qu'on donne au ministre tous ces pouvoirs-là?

Depuis les 17 dernières années ici, à l'Assemblée nationale, que je siège à l'Assemblée nationale d'un côté ou de l'autre, j'ai entendu souvent des députés dire: À chaque année, nous, les parlementaires, on nous enlève certains droits, certains privilèges. On a été élus, M. le Président, pour légiférer, puis, d'année en année, ce qu'on fait, on enlève justement aux parlementaires ce pouvoir, ce devoir de pouvoir justement formuler au nom de la population... d'arriver avec des projets de loi, des règlements qui se tiennent. Mais combien d'entre vous, les députés ministériels, êtes consultés sur les règlements qui régissent une loi avant qu'ils soient publiés? Voilà. J'aimerais bien que quelqu'un se lève de l'autre bord puis qu'il me dise: Oui, j'ai été consulté sur les règlements qui ont été justement adoptés par un Conseil des ministres, et ainsi de suite, M. le Président.

C'est ça que je ne comprends pas, parce que, d'un côté, on dit: Oui, il faut une réforme parlementaire, il faut que le député se sente valorisé, mais, quand je vois des projets de loi comme ça, moi, je ne me sens pas valorisé. C'est qu'on me dit de signer un chèque en blanc au ministre pour qu'il puisse faire n'importe quoi. N'importe quoi. C'est tellement vague. Et je suis surpris, comme je vous l'ai dit, particulièrement que le ministre du Travail ne nous ait rien dit présentement. J'aimerais bien savoir de lui: Est-ce que ce projet de loi, selon lui, donne la possibilité au ministre d'entrer dans un terrain de sous-traitance au niveau de santé et services sociaux? Est-ce que ce projet de loi là lui permet ça? Moi, M. le Président, je pense que oui. Moi, je pense que ce projet de loi, si adopté, va donner au ministre la possibilité de justement remplacer des corps de travail dans un établissement par des gens d'une agence. Le ministre du Travail, si lui comprend la même chose, il devrait nous le dire; s'il ne comprend pas la même chose, il devrait nous le dire aussi pour qu'on puisse être rassurés.

Moi comme vous, je pense que personne ici, dans cette Chambre, n'est favorable à signer un chèque en blanc. Et je trouve ça totalement inacceptable. Je trouve ça, de la part du ministre, comme quelqu'un qui veut abdiquer ses pouvoirs, quelqu'un pour qui les 124 personnes, M. le Président, qui sont assises à vos côtés n'ont rien à dire. On a l'impression que c'est le Conseil des ministres. Le Parlement, aïe! ils pourraient bien s'en passer. Et, lorsqu'ils arrivent avec des projets de loi comme ça, oui, le Conseil des ministres se passe du Parlement. Est-ce que c'est ça qu'on veut comme société qui se dit démocratique, où des gens comme vous et moi, M. le Président, on s'est fait élire au fil des ans parce que... Et la population nous a donné le mandat justement de venir ici et de s'assurer que tous ceux qui les gouvernent, que, vous et moi, nous ayons un mot à dire.

(16 h 40)

Mais lorsque c'est par règlement, lorsque c'est un chèque en blanc, lorsque c'est un canon pour tuer un maringouin ou, même, pour tuer une petite mouche à feu, il faut bien se poser des questions à savoir pourquoi cette intention. Moi, si on me dit que c'est strictement pour régler des problèmes, il doit certainement y en avoir, des problèmes au niveau de santé et services sociaux de façon ponctuelle, bien oui, qu'on l'inscrive dans le projet de loi, puis on va donner la bénédiction. Mais, et je vais aller un peu plus loin, puisque ce projet de loi, selon moi, ouvre la porte à ce gouvernement, à ce ministre, pour aller en sous-traitance pour certains services, je pense qu'il aurait dû avoir le courage de consulter les syndicats.

Qu'est-ce que vous pensez de ça, de donner tous ces pouvoirs-là – où vous ouvrez la porte au ministre, justement – presque d'abolir ce qu'on a acquis ici, au Québec, que ça soit au niveau de la santé, que ça soit au niveau des relations de travail? Oui, je termine. Je sais que ça vous agace, M. le leader du gouvernement, mais je termine. Et je suis surpris, avec une chose qui est aussi large que ça, que ce gouvernement n'ait pas eu la décence de, au moins, consulter les gens concernés, et particulièrement des syndicats. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Viau. Nous cédons maintenant la parole au député de Frontenac. Alors, M. le député.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: M. le Président, je pensais que, du côté des ministériels, il y aurait eu quelqu'un prêt à relever le défi puis à défendre son ministre. On est habitué, depuis trois ans, M. le Président, de voir 75 députés écrasés devant l'exécutif. C'est le législatif écrasé devant l'exécutif.

Mon collègue a posé toute une série de questions. Il s'est même adressé au leader du gouvernement, qui vient tout juste d'arriver, qui arrive de je ne sais pas trop où. J'aurais pensé que le député de Laviolette, qui est supposément préoccupé par le sort des petites gens, par le sort de ceux et celles qui ont besoin d'être bien traités dans nos hôpitaux, lui, il se serait levé. Ce n'est pas le cas. Il a tenté d'interrompre mon collègue, mais il ne s'est pas levé au moment où vous avez indiqué aux ministériels que, en vertu de la règle de l'alternance, c'était à lui de parler.

Je le comprends, M. le Président, parce que c'est assez gênant de défendre le projet de loi n° 176. Vous savez, on a un ministre de la Santé qui a démontré, depuis trois ans, qu'il n'a pas de courage, qu'il n'a pas de compassion. Puis là on vient de découvrir qu'il veut continuer à se cacher, se cacher autrement que ce qu'il a fait depuis trois ans. Il a trouvé une autre astuce avec ses conseillers et ses conseillères pour se cacher en arrière de certains organismes dont on ignore les noms. On ne sait pas comment ça va se passer. Il s'était caché, à date, depuis trois ans, en arrière des régies. Puis là, bien, il va tirer un autre rideau.

La santé, l'éducation, la justice et la sécurité publique sont les quatre plus importantes missions qu'a un gouvernement dans une société démocratique comme la nôtre, que doit défendre un gouvernement. Et c'est précisément dans ces quatre secteurs d'activité – la santé, l'éducation, la justice et la sécurité publique – où le gouvernement dirigé par le député de Jonquière a le plus failli, de façon absolument exceptionnelle. Une faillite, M. le Président, incroyable.

Je n'aurais jamais pensé, moi, entre autres dans un Québec où la population vieillit à un rythme accéléré – on le sait, on en est tous conscients, M. le Président: dans nos régions respectives, la population au Québec vieillit – que le ministre de la Santé aurait trahi le serment qu'il a fait alors qu'il a été assermenté comme médecin. Parce que le ministre de la Santé, on s'attendrait à ce qu'il comprenne: il est lui-même médecin! Évidemment, il ne se souvient pas de ce que ça veut dire, être médecin. Je n'aurais jamais pensé que le ministre de la Santé, au surplus médecin, aurait capitulé devant le président du Conseil du trésor, aurait capitulé devant le ministre des Finances, acceptant une compression dans son ministère qui affecte quotidiennement toutes les Québécoises, tous les Québécois, une compression de 3,3 %, alors que l'ensemble des budgets mis à la disposition des autres ministères, au gouvernement du Québec, s'est vu imposer une compression de 0,6 %. Alors, 0,6 % par rapport à 3,3 %, c'est six fois plus.

Le ministre de la Santé, M. le Président, a capitulé, lui qui est censé défendre les plus démunis de notre société, a accepté une compression de 427 000 000 $. C'est le ministère où la coupe a été la plus brutale. Puis ici, à l'Assemblée, comme ailleurs, il se prétend être un bon défenseur de la santé et de la sécurité physique des Québécois et des Québécoises. Vous savez, ça parle tout seul, ça, un ministre qui a capitulé, moins fort que le ministre des Finances, moins fort que le président du Conseil du trésor, pas capable de défendre sa population, pas capable de respecter le serment qu'il a fait comme ministre, pas capable de respecter le serment qu'il a fait comme médecin il y a un certain nombre d'années. Le projet de loi n° 176, c'est la continuité du processus de démolition du système de santé que les libéraux ont mis en place à coups de beaucoup d'efforts.

M. le Président, il y a un député en avant de moi, il n'est pas à sa banquette, en plus d'avoir un leader qui fait des bouffonneries. Alors, celui qui n'est pas à sa place, article 32, qu'il s'en aille à sa chaise.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, effectivement... Je tiens à remercier le député de rejoindre sa banquette. Est-ce qu'actuellement il y a d'autres députés qui ne sont pas à leur place? M. le ministre, s'il vous plaît, je vous prierais de rejoindre votre banquette. M. le ministre, merci.

Alors, la journée est longue, nous sommes en fin de session, c'est normal qu'il y ait un peu de tension, un peu de fatigue; j'apprécierais que le niveau de nos débats soit rehaussé un petit peu plus et que le tout se poursuive dans l'harmonie. Alors, M. le député de Frontenac, on vous écoute religieusement.

M. Jolivet: M. le Président.

M. Lefebvre: Qu'un député ne soit pas à sa banquette...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de... Ça va. M. le député de Frontenac, vous n'avez pas à faire le travail que je viens de faire. S'il vous plaît, je n'aime pas ça, jouer au principal d'école, ce n'est pas dans ma nature, mais je pense que vous allez quand même me laisser effectuer mon travail. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, je ne dérange jamais le député de Frontenac, mais je ne peux pas accepter qu'à toutes les fois il m'interpelle alors que je n'ai rien fait; je parlais à mon collègue qui est assis à côté de moi et qui n'avait rien à voir avec ce qu'il disait. Mais, comme il a l'habitude de faire, il dit n'importe quoi et il m'accuse de bouffonnerie, alors que je ne faisais en aucune façon quoi que ce soit qui le regardait. Je ne pense pas qu'il ait le droit de faire ces choses en cette Chambre.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement, comme vous avez pu le constater, je ne vous ai pas interpellé sur aucun point de règlement. Je comprends tout ça. C'est la raison pour laquelle je me plais à ce moment-ci à vous rappeler, s'il y a lieu... Il nous reste environ 1 h 10 min de débat, je vous rappelle qu'il y aurait lieu de continuer ce débat passionnant sur la santé et la sécurité du revenu. Alors...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): La santé et les services sociaux, effectivement. M. le député de Frontenac, il vous reste actuellement un temps de parole d'exactement 13 min 30 s. Alors, M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, vous avez entendu le leader, vous l'avez entendu grogner? S'il a de quoi à dire, qu'il se lève, qu'il fasse son intervention...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Frontenac, à ce stade-ci, est-ce que je pourrais vous demander de vous en tenir à votre allocution? Je demanderais également aux députés du côté ministériel de bien vouloir l'écouter, sinon de procéder à autres travaux mais dans la quiétude de ces lieux. M. le député.

(16 h 50)

M. Lefebvre: M. le Président, j'ai des commentaires à faire sur le projet de loi n° 176. Je ne m'attends pas à ce que mes collègues d'en face soient d'accord. Si, comme je le pense, on n'est pas d'accord avec ce que je dis, quand j'aurai terminé, on se lèvera puis on me contredira; s'il y en a un qui devrait savoir ça, depuis le temps qu'il est ici, c'est le député de Laviolette, hein?

M. Jolivet : ...

M. Lefebvre: Voyez-vous? Alors, s'il ne veut pas que je l'interpelle, qu'il se ferme pendant que je parle, puis il parlera tout à l'heure. C'est aussi simple que ça.

Je disais donc que c'est le Parti libéral qui a bâti le système de santé que l'on connaissait jusqu'à 1994, qui essentiellement tenait à deux principes fondamentaux: l'accessibilité pour tous les Québécois à des soins de santé corrects, modernes, adéquats, et, évidemment, la gratuité totale.

Qu'est-ce qu'on est en train de faire depuis 1994? On est en train de démolir tout ce qu'on a bâti ensemble comme société. Les Québécois avaient décidé de se donner un système de santé incomparable qui était cité en exemple un petit peu partout en Amérique et même en Europe, et le premier ministre Parizeau, à partir de 1994, repris dans le même cheminement par le député de Jonquière aujourd'hui premier ministre... Et je voudrais citer ce que le premier ministre actuel disait il n'y a pas si longtemps: «Le ministre de la Santé – il le nommait – Jean Rochon, est le bon gars à la bonne place.» Effectivement, M. le Président, c'est le bon gars à la bonne place: pas de courage, pas de compassion. Son seul objectif comme ministre de la Santé, contredisant dans ce sens-là les serments qu'il a faits, je me répète, c'est de récupérer de l'argent dans le système de santé.

Essentiellement, le virage ambulatoire dont a parlé à maintes reprises le ministre de la Santé, il en parle moins depuis un certain temps parce que tout le monde a compris et qu'il réalise que les Québécois ont compris qu'essentiellement le virage ambulatoire, ça a consisté en la fermeture de sept centres hospitaliers ici, à Québec, comme dans la région de Montréal, sur l'île de Montréal. Ça a été ça, le virage ambulatoire. Le virage ambulatoire, M. le Président, a consisté en des compressions comme on n'aurait jamais pensé qu'un gouvernement ferait, alors que, comme je l'indiquais tout à l'heure, la population du Québec vieillit: 3,3 % cette année, 427 000 000 $. Le virage ambulatoire a consisté en une opération de mises à la retraite puis de congédiements faits dans une confusion absolument incroyable. Et, à tous les jours, au moment où on se parle, on réalise que ça a été fait dans la confusion, on réalise que ça a été fait sans aucune stratégie comprise, et surtout comprise au niveau des structures de la santé partout au Québec.

Vous savez, il y a des cris du coeur qui sont assez révélateurs. Le ministre de la Santé disait... Puis là je veux juste rappeler ce que le journaliste Michel Vastel à écrit dans L'actualité il y a à peine une semaine ou deux: «Tout a commencé à déraper, selon le ministre – le ministre de la Santé – quand l'opposition a rapporté des cas particuliers et s'est mise à publier des listes d'attente en chirurgie cardiaque.» Alors, ce que le ministre de la Santé dit essentiellement, M. le Président, c'est : Si l'opposition n'avait pas parlé, autant les interventions du député de Brome-Missisquoi aujourd'hui que celles qui ont été faites et qui sont encore très régulièrement faites par le député de Robert-Baldwin... Si ces députés, avec l'opposition dans nos régions respectives, à l'occasion dans des dossiers qui nous concernent de façon plus spécifique, si l'opposition n'avait pas parlé, le ministre était en train de nous dire: J'aurais pu tout faire ça à la cachette. Incroyable! Pas de courage, pas de compassion, cachottier, puis il n'est pas capable de se retenir, il l'a dit à Vastel, à Michel Vastel: «Tout a commencé à déraper quand l'opposition a parlé.» Il a au moins la franchise d'admettre qu'il s'est fait poigner. Il s'est fait poigner.

Ça fait partie de sa nature. À chaque fois qu'il est contredit, c'est d'accuser l'opposition de démagogie, c'est d'accuser des médecins de ne pas avoir compris, c'est d'accuser des représentants ou des représentantes de fédérations, peu importe dans quel secteur de la santé précis, de défendre leurs intérêts corporatifs, c'est le fédéral qui est responsable de son écrasement devant le président du Conseil du trésor puis devant le ministre des Finances, acceptant une compression de 3,3 %. Toujours la faute des autres. Toujours la faute des autres, M. le Président, et tout à l'heure j'espère que j'aurai le temps... J'ai tellement de choses à dire qu'il faut choisir les bonnes cibles. Si j'ai le temps de raconter à ceux et celles qui nous écoutent ce qui s'est passé, le fouillis indescriptible, la gaffe d'un ministre entêté, M. le Président, le déménagement manqué du centre de transplantation pulmonaire du pavillon Notre-Dame de Montréal à Québec, ici, c'est la faute de tout le monde, sauf de lui. C'est toujours la faute des autres.

M. le Président, je veux rappeler – parce que j'en ai parlé à deux ou trois reprises à date – quel est le serment qu'a fait le ministre de la Santé alors qu'il a commencé à pratiquer comme médecin. Même s'il n'a pas pratiqué dans le quotidien, il a quand même dû faire le serment d'Hippocrate. Il y en a sûrement quelques-uns ou quelques-unes ici, en cette Chambre, à qui ça dit quelque chose: Je respecterai... Alors, l'article 109 du code de déontologie prévoit que tout médecin doit prêter le serment suivant. M. le Président, c'est un texte assez long, je vais lire les passages qui m'apparaissent être les plus importants: «Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination, selon leur état ou leurs convictions. J'interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité.»

Ça, c'est le serment qu'a prêté le ministre de la Santé actuel lorsqu'il est devenu médecin. Lorsqu'il est devenu docteur, il a juré d'intervenir pour protéger les plus affaiblis, les plus vulnérables, ceux et celles qui sont menacés dans leur intégrité ou leur dignité. Et jamais n'a-t-on eu, au cours des 50 dernières années, un ministre de la Santé si peu préoccupé par la santé quotidienne des Québécois puis des Québécoises, bien au contraire. Son seul objectif, c'est de répondre aux commandes qui lui sont adressées par ses supérieurs: le ministre des Finances, le président du Conseil du trésor et évidemment le premier ministre. Quand le premier ministre parle, pour lui, c'est comme si c'était Dieu le Père. Il exécute aveuglément et servilement les commandes qu'on lui passe, autant venant du premier ministre que du ministre des Finances.

M. le Président, quand le ministre propose de céder ses pouvoirs en vertu des dispositions du projet de loi n° 176, on peut se demander pour quelles raisons. Pour quelles raisons le ministre renonce à exercer les responsabilités qui lui sont dévolues par la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux? C'est à l'article 2 de cette loi-là qu'on peut réaliser quelle est la responsabilité légale du ministre de la Santé, puis c'est énorme, c'est un ministre qui a une responsabilité énorme dans un gouvernement comme le gouvernement du Québec, au même titre que le ministre de l'Éducation, quant à moi, et, je l'ai dit tout à l'heure, le ministre de la Justice: «Le ministre – de la Santé – a pour fonctions d'élaborer et de proposer au gouvernement des politiques relatives à la santé et aux services sociaux. Le ministre doit voir à la mise en oeuvre de ces politiques, en surveiller l'application et en coordonner l'exécution.»

Comment – c'est ça que je ne comprends pas, moi – le ministre peut-il concilier de telles responsabilités avec ce qu'il propose dans le projet de loi n° 176, à savoir: par entente, déléguer à un organisme l'exercice des fonctions qui lui sont attribuées par la loi? Moi, je ne comprends pas, sinon d'arriver à la conclusion que le ministre veut maintenant se cacher, comme je l'ai dit tout à l'heure, en plus de continuer à se cacher derrière les régies de santé qu'on retrouve dans nos régions respectives, il va maintenant se cacher en arrière d'organismes dont on ignore la structure, les noms, puis on ne sait pas comment ça va fonctionner.

(17 heures)

M. le Président, je voudrais terminer en invitant le ministre de la Santé et des Services sociaux, d'abord, à comprendre le message que lui a envoyé le Protecteur du citoyen. Je parle évidemment des problèmes énormes qu'on vit dans le secteur de la santé mentale au Québec. J'espère que le ministre de la Santé va retrouver un peu de compassion, comprendre que le Protecteur du citoyen lui demande avec beaucoup d'insistance d'arrêter, de faire le point dans le processus de la désinstitutionnalisation en matière de déficience mentale. C'est un cri du coeur que lui a lancé le Protecteur du citoyen au nom des plus démunis de notre société, M. le Président, au nom de ceux et celles qu'on appelle les sans-voix. Le Protecteur du citoyen, même si du côté du gouvernement on le trouve pas mal embarrassant, ce n'est pas rien au Québec. J'espère que le ministre de la Santé écoutera le Protecteur du citoyen.

Également, j'espère aussi qu'il aura le courage de se rendre à Bernierville, dans mon comté. On se souviendra qu'il y a une quinzaine de jours j'ai eu un débat avec le ministre de la Santé, assez vigoureux, où je lui reprochait de procéder à la fermeture d'un centre hospitalier spécialisé dans l'hospitalisation de patients qui ont de la déficience intellectuelle à différents degrés. Il y a au moins la moitié des patients, on parle de 250 personnes, qui ne peuvent pas, et ça tient à l'opinion – quelques secondes, M. le Président – des experts du ministre lui-même, qui ne peuvent pas être retournés dans la communauté, qui ne peuvent pas être désinstitutionnalisés.

Le ministre m'avait promis de venir, si l'invitation lui était faite, à l'hôpital de Bernierville; il ne l'a pas fait, M. le Président. Il ne l'a pas fait. Il a plutôt obligé, jusqu'à un certain point, les membres du comité de survie, certains membres du conseil d'administration à venir les rencontrer à Québec. J'espère et je lui renouvelle l'invitation au nom de toute la population concernée, les travailleurs et les travailleuses, les patients eux-mêmes, les parents de ces patients-là, je lui demande de venir à Bernierville constater lui-même que ça n'a pas de bon sens, la décision qu'il a prise. Je lui demande également d'écouter – M. le Président, je me répète – le Protecteur du citoyen, de retrouver ses esprits et de comprendre que sa responsabilité, ce n'est pas d'exécuter servilement les commandes du président du Conseil du trésor, mais plutôt de respecter le serment qu'il a fait comme ministre de la Santé et comme médecin. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je vous remercie infiniment, M. le député de Frontenac, pour votre allocution. Nous cédons maintenant la parole au leader en chef du gouvernement et député de Laviolette. Alors, M. le leader.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je suis toujours surpris et je devrais dire abasourdi d'entendre le député de Frontenac. D'abord, au début de son allocution, vous me permettrez de commencer, quand il m'a tout simplement cité en disant que j'empêchais quelqu'un de son côté de parler, alors que je ne faisais que le même signe que vous faisiez; son temps étant écoulé, je disais: S'il vous plaît, on passe à un autre. C'est le règlement qui... il l'avait fait. Et en conséquence, de voir le député de Frontenac s'en prendre à une personne d'une très haute qualité, une personne qui a été dans l'Organisation mondiale de la santé, une personne qui a été responsable d'un rapport, qui a le courage... parce qu'il l'a traité de toutes les sortes de mots, M. le Président, il disait: Il manque de courage, il est un ci, il est un ça. C'est un homme qui est très courageux. Il ne se cache derrière personne. Je trouve ça insultant pour les membres de régies régionales de la santé et des services sociaux, qui, à travers le Québec, bénévoles comme ils le sont, se sont organisés pour réorganiser le système de santé au Québec et de l'ensemble des services sociaux.

Je vais parler de ma région, je la connais mieux que d'autres, et je sais que partout mes collègues auraient l'occasion d'en parler et ils en parleraient de la même façon. La régie régionale chez moi fait un travail formidable. Prenons d'abord la haute région qui s'appelle la Haute-Mauricie. Lorsque le ministre, qui était Marc-Yvan Côté, était à la tête – avant lui, Mme Lavoie-Roux – du ministère de la Santé et des Services sociaux pour le Parti libéral, nous avions, à La Tuque, un CLSC, nous avions un foyer pour personnes âgées et un hôpital. À l'intérieur de l'hôpital, il y avait des espaces disponibles. Tout le monde à La Tuque trouvait convenable qu'on utilise d'abord les espaces appartenant à l'État avant d'en engager d'autres qui étaient payés par les deniers de l'ensemble de la population, mais pour du privé.

Qu'est-ce qui est arrivé, M. le Président? On a, clé en main, donné à des amis du parti, dans une bâtisse appelée le Centre des Indiens, bâti un CLSC dans lequel on a payé grassement les gens qui louaient leurs locaux, alors que nous avions des bâtisses disponibles appartenant à l'État et non utilisées. Le directeur de l'hôpital de l'époque avait essayé de faire le travail convenablement en essayant d'intégrer ça à l'intérieur de l'hôpital, et voilà qu'il s'est fait mettre dehors. Le ministre a trouvé toutes sortes de raisons pour dire qu'il n'était pas bon, puis ci, puis ça. Finalement, il s'est retrouvé à Rouyn-Noranda, où, là, le ministre y allant à un moment donné, toujours M. Marc-Yvan Côté, devant tout le monde, dit: Vous êtes chanceux, vous avez le meilleur financier qu'il n'y a pas...

M. Lefebvre: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Question de règlement, M. le leader de l'opposition.

M. Lefebvre: M. le Président, le député de Laviolette a sûrement compris que je faisais un appel au règlement pour lui rappeler qu'il y a un article qui s'appelle «la pertinence», l'article 211. On est très, très loin, là, très, très loin, des prescriptions ou des propositions de la loi...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Frontenac, la pertinence en cette Chambre, elle est vraiment élastique. Je peux vous dire que tout ce que j'entends, tout ce que j'ai le plaisir d'entendre... J'entends régulièrement des députés qui vont prendre une forte portion de leur temps avant d'en arriver directement au sujet, mais, en bout de ligne, je donne toujours la chance au coureur afin de voir et d'établir effectivement le lien entre les propos qui sont tenus et le texte de loi que nous étudions présentement. Alors, je suis persuadé que, tout comme vous tout à l'heure, M. le député de Frontenac, nous assisterons bien entendu prochainement, de la part du député de Laviolette, à un rattachement au projet de loi que nous avons actuellement sur la table. M. le député de Laviolette, si vous voulez bien poursuivre.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Donc, je continuerai en disant que, rendu à Rouyn-Noranda, on le traitait comme étant le meilleur financier qu'il n'y avait pas. Il s'est retrouvé à Shawinigan, dans votre propre région; il vient de prendre sa retraite. Mais, pourtant, ce personnage-là essayait de faire en sorte que le système de santé dans lequel nous étions à l'époque, puisqu'il a parlé qu'il avait le meilleur système de santé, au niveau du Parti libéral... Je vous dis que ce n'est pas vrai.

Et ça, là, aujourd'hui, ce que l'on voulait faire à l'époque, bien, la régie régionale a réussi à le faire, et nous sommes dans un centre de santé qu'on appelle le Carrefour de la santé et des services sociaux, incluant le CLSC, les personnes âgées, les soins de longue durée et le système de santé lui-même, M. le Président, de courte durée. Nous avons tout amené ça dans la même bâtisse. Les derniers travaux devront se faire pour amener les personnes de soins de longue durée.

Alors, M. le Président, je vous dis que le ministre qui est devant nous a eu ce courage de changer un système qui demandait à être changé.

Continuons, M. le Président. Dans la région qui est la mienne, à Grand-Mère et à Shawinigan-Sud, vous aviez deux hôpitaux construits par les gouvernements antérieurs, dont l'un est situé dans un champ qui s'appelle Shawinigan-Sud et qui, malheureusement, s'il avait été rattaché à la bonne place au bon moment, dans le coin de l'autoroute à Garnier, ce qu'on appelle, chez nous, aujourd'hui...

Ça fait longtemps que les débats qu'on a depuis 1972 – ce n'est pas un Parti québécois qui était là, c'était un Parti libéral – ont été réglés. Qui l'a réglé? C'est vous, M. le Président, comme député de Saint-Maurice, et moi, comme député de Laviolette, grâce à l'aide de la régie de la santé et des services sociaux.

Nous avons donc réussi à faire ces choses. Et le ministre, dans le contexte de toute la discussion que nous avons actuellement, continue dans la même veine, de faire en sorte que les gens, au lieu de se diviser, se chicaner, en arrivent à se réunir et à donner le meilleur service. On dit: On a mis à la porte du monde, on a congédié du monde. Personne n'a été congédié, M. le Président. Tout le monde a eu la chance, premièrement, de prendre, en vertu des ententes que nous avons eues, une retraite anticipée dans les meilleures conditions possibles, permettant à des jeunes éléments d'y rester, tout en faisant en sorte, bien entendu, que, dans l'ensemble, il y ait un brassage, au niveau des personnes, le moins dur possible.

Est-ce que vous entendez parler de la Mauricie comme étant un lieu où c'est difficile? Non, ça va très bien, M. le Président. Il y a des choses extraordinaires qui se sont faites et qui continuent à se faire. Et, dans ce sens-là, je suis toujours surpris d'entendre les députés, au lieu de parler des choses concrètes de la vie, s'attaquer au ministre lui-même dans sa personnalité, dans son travail. C'est un homme courageux qui a eu le courage... Et l'ex-ministre, Marc-Yvan Côté, le disait: C'est un homme qui va avoir la chance, puisque son gouvernement l'aide à faire ces choses, alors que, moi, j'aurais bien voulu le faire, mais mon gouvernement m'en a empêché.

(17 h 10)

C'est évident, M. le Président, qu'on pourrait trouver à tous les jours des difficultés; il y en a. Ça, il n'y a personne qui va me dire qu'il n'y en a pas. Ma fille est infirmière à l'hôpital Saint-François d'Assise. Avant le changement, pendant le changement et après le changement, je suis sûr que, malheureusement, il arrivera, puisqu'elle est en obstétrique de risques, des accidents ou des incidents qui font qu'une femme arrivée en détresse pourra voir son enfant mourir ou elle-même mourir pour toutes sortes de raisons qui n'ont rien à voir avec la question du virage ambulatoire, mais, parce que ça arrive à ce moment-ci, on va vouloir le mettre sur le dos du ministre, sur le dos du virage ambulatoire, sur le dos de la transformation qui doit se faire, qui se fait et qui se fera malgré les difficultés.

Ça m'horripile toujours, M. le Président, de voir les gens de l'opposition parler de cette façon-là, en ne regardant que le mauvais côté de la médaille. C'est évident, on ne niera jamais que dans le futur il y aura des événements comme ceux-là. Pouvez-vous, vous, M. le Président, pouvons-nous, nous, membres de l'Assemblée, dire que demain matin il va y avoir un tremblement de terre, que des gens vont... Non, on ne peut pas. Est-ce que vous allez être capable de me dire que dans cinq minutes je vais être encore vivant? Je ne le sais pas plus que vous, ce n'est pas moi qui vais décider. La seule chose, c'est que je l'espère, je mets les conditions. Et c'est ce que le ministre est en train de faire. Il est en train de mettre les conditions pour que le système se change, demeure le meilleur possible et donne aussi les fruits que nous espérons.

Alors, M. le Président, dans ce sens-là, le projet de loi devant nous mérite que le ministre soit appuyé pour qu'il soit adopté, avec des amendements potentiels, j'imagine – il y en a à peu près toujours dans un projet de loi – pour le bonifier lorsqu'on fera l'étude article par article. Mais les députés de l'opposition, à la demande du leader de l'opposition, ont décidé de faire une étude systématique de ce projet de loi, c'est leur droit. Ils ont décidé, comme hier, d'en faire une motion de report et de retarder l'étude, c'est leur droit – je ne nierai jamais à l'opposition ce droit-là, je l'ai été, membre de l'opposition, je l'ai fait – pour des raisons qui leur appartiennent. Mais ils n'ont pas à s'attaquer aux qualités de l'individu, quand il disait, le député de Frontenac, qu'il trahissait son serment d'office comme médecin. Voyons donc! Est-ce que vous pensez que cet homme qui est courageux, qui, malgré les embûches, malgré les difficultés qu'il savait qu'il rencontrerait, fait les changements qui s'imposent pour le mieux-être du projet de la santé et des services sociaux au Québec et des individus qui auront à y participer et à utiliser le système, que ce personnage-là, cet homme qui est courageux en arriverait à faire en sorte qu'il le fasse contre eux autres?

Je pense que les gens de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président, les gens de notre formation politique considèrent que c'est un homme qui a beaucoup de passion, beaucoup de compassion, beaucoup de courage. Nous l'appuyons et nous allons continuer à l'appuyer parce que nous savons que ce qu'il est en train de faire, c'est pour le mieux-être de tout notre système de santé et de services sociaux au Québec, c'est pour le mieux-être des gens qui vont en retirer des services. Et, dans ce contexte-là, on ne peut pas faire autre chose que de voter en faveur du projet de loi qui est devant nous.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Laviolette et leader en chef du gouvernement. Alors, nous cédons maintenant la parole au député de Marquette. Alors, M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. On vient tout juste d'entendre le discours du député de Laviolette qui vantait les mérites du Carrefour de santé et des services sociaux du Saint-Maurice et qui vantait également les mérites du ministre de la Santé. Ce n'est pas étonnant, M. le Président, que le député de Laviolette vante les mérites. Voici ce qu'a fait le Carrefour de santé et des services sociaux du Saint-Maurice dans son comté.

Le 12 octobre dernier, le journal Le Nouvelliste rapportait ceci: «Les résidents permanents de Clova, dans le Haut-Saint-Maurice, ne sont pas heureux de la décision du Carrefour de santé et des services sociaux du Saint-Maurice de fermer le dispensaire de l'endroit et de le relocaliser ailleurs.» Les résidents du comté du député de Laviolette ont appris la mauvaise nouvelle lors d'une assemblée spéciale lundi dernier, et là le député de Laviolette avait été dépêché sur les lieux avec le directeur général du Carrefour et des représentants de la régie régionale pour venir annoncer la bonne nouvelle du ministre de la Santé et du Carrefour de santé. On disait ceci: «Ils ont fait le voyage jusqu'à Clova pour tenter de leur faire avaler la pilule sans trop de cris.» Il s'agissait de quoi, M. le Président? Il s'agissait d'un service qui coûtait 120 000 $ pour rendre des services aux résidents de Clova.

M. le Président, le député de Laviolette est très fier aujourd'hui de défendre cette décision-là, et ça témoigne du fil conducteur de tous les députés du Parti québécois qui applaudissent lorsque le ministre de la Santé ferme des points de services, ferme des hôpitaux. Ils en sont très fiers. Chez nous, ils ont fermé l'Hôpital général de Lachine. Ils ont fermé sept hôpitaux dans la région de Montréal et ils se disent très fiers du ministre de la Santé. On tente d'expliquer par la suite à la population qu'avec ce dérapage ambulatoire on est en train d'améliorer les services de santé pour la population québécoise tout entière. Bien, M. le Président, personne n'y croit. Les seules personnes qui continuent d'y croire, ce sont les députés du Parti québécois, et on se demande: Comment peuvent-ils être près de leurs citoyens, lorsqu'ils vont dans leur propre comté annoncer et défendre des décisions du ministre de la Santé, et des régies régionales de la santé, et du Carrefour du comté du député de Laviolette, lorsqu'ils vont fermer des services et dire: Il n'y en aura plus, de services pour vous dans ce coin-ci?

M. le Président, on a fait des coupures budgétaires dans la santé, juste l'année passée, de 3,3 %. En éducation, ça a été de 6 %. Comme le disait le député de Frontenac, ce sont les missions essentielles de l'État. Santé, éducation, c'est là-dedans qu'on décide de couper. Si on voyait au moins une réduction des dépenses gouvernementales comparable, on dirait: Bien, ils font des compressions dans ce secteur-là puis c'est en train de baisser les dépenses gouvernementales. Pourtant, ce n'est pas le cas. 6 % en éducation, 3,3 % dans la santé, mais, au total, savez-vous de combien ils ont baissé leurs dépenses l'année passée? Moins de 1 %, 0,6 %! Est-ce que c'est là-dessus qu'il faut s'interroger, les choix budgétaires des députés, du premier ministre et du Parti québécois? Parce que, si on baisse les dépenses de 6 % dans le domaine de l'éducation mais qu'au niveau gouvernemental on les a baissées de moins de 1 %, c'est parce qu'on a pris l'argent qu'on est allé chercher dans les coupures de services de santé et d'éducation pour financer d'autres choses. On a financé, hein, 1 000 000 000 $ juste avant le référendum, on a distribué de l'argent, on a fait des ententes avec les grandes centrales syndicales pour se les mettre de son côté, et aujourd'hui c'est la population tout entière qui en paie le prix, y compris les résidents du comté de Laviolette, y compris les résidents de Clova.

M. le Président, le ministre des Finances a décidé d'investir 50 000 000 $ pour Blue Bonnets, le premier ministre décide que ça sera 75 000 000 $ pour une superbibliothèque, alors que de jour en jour depuis quelques semaines on se rend compte que les élèves dans les écoles n'ont même pas de manuels, n'ont même pas de livres pour faire leurs apprentissages. 75 000 000 $ pour une superbibliothèque, ça, c'est le choix du premier ministre du Québec, député de Jonquière, alors que nos élèves dans les écoles primaires, dans les écoles secondaires du Québec n'ont même pas leurs propres livres pour faire leurs apprentissages dans des matières comme le français, comme l'histoire, comme la géographie, comme les sciences physiques. Puis on dit: On a le plus beau ministre de la Santé qu'on n'a jamais eu.

(17 h 20)

Quels autres choix est-ce qu'on a faits, M. le Président? Référendum: ça a coûté 100 000 000 $ au bas mot. On avait de l'argent, la caisse débordait, le Trésor débordait d'argent, avant le référendum, dans le but d'acheter un oui. Pourtant, maintenant, depuis trois ans, depuis deux ans, la population paie durement les choix budgétaires de ce gouvernement: fermeture de sept hôpitaux, engorgement des salles d'urgence, blocs opératoires fermés, médecins, il n'y en a presque plus dans certains endroits, dans certaines spécialités. Et là on vient dire qu'on a le meilleur ministre de la Santé que le Québec n'a jamais connu!

Des voix: Bravo!

M. Ouimet: Oui, c'est ça. Voyez-vous, M. le Président, c'est ça. S'il fermait encore 10 hôpitaux, M. le Président, il y aurait plus de députés qui se lèveraient. S'il fermait encore 20 hôpitaux, ça serait l'euphorie à l'Assemblée nationale, du côté des banquettes des députés ministériels. Ils en sont fiers, M. le Président, ils sont contents de couper des services à la population! C'est de ça qu'il s'agit.

Et, lorsqu'on regarde le projet de loi... Parce que le ministre, il faut le dire, parce que c'est un dossier que j'ai suivi avec beaucoup d'attention, se cachait derrière les mêmes régies régionales pour dire: Ce n'est pas vraiment moi qui ai pris cette décision-là, ce sont les régies régionales qui ont fermé les hôpitaux, eh bien, là il veut se donner un projet de loi, il veut se donner des pouvoirs pour pouvoir continuer à faire la même chose. Et ça ressemble étrangement au type de décentralisation qui est envisagé par le gouvernement dans plusieurs secteurs, dans plusieurs domaines.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le député de Marquette. Actuellement, je suis très près de vous et malheureusement j'ai énormément de difficulté à vous entendre. Et, contrairement à ce que certains prétendent, je suis relativement jeune.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): N'est-ce pas, M. le député de Crémazie? Alors, s'il vous plaît, messieurs, mesdames également, nous allons poursuivre nos débats en essayant de porter une attention toute particulière au député de Marquette. M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, il faut vraiment ne pas entendre les voix de nos concitoyens et concitoyennes. Chaque fois que je suis dans mon comté, les gens me parlent de la catastrophe dans le système hospitalier. Et je suis convaincu que ça doit être la même chose dans les comtés des députés du Parti québécois. Ça doit être sûrement la même chose, parce que les services de la santé, c'est rendu une catastrophe, M. le Président. C'est rendu à un tel point que les gens ont peur d'être malade au Québec. C'est rendu à un tel point que les gens espèrent qu'ils ne devront pas se faire opérer au Québec. J'ai vécu la situation moi-même cet été. J'étais en voyage à l'extérieur du Québec où mon père, malheureusement, est tombé malade. Il a dû se faire opérer et il a été hospitalisé à l'extérieur. Il a reçu tous les soins de santé. Ça a été des soins extraordinaires qu'il a reçus. À l'extérieur du Québec. Et ce que les gens nous disaient, M. le Président, c'était: Une chance que ça lui est arrivé à l'extérieur du Québec. S'il avait été au Québec, on ne sait pas s'il aurait été correctement soigné. Il y a eu des cas de péritonite au Québec et on a vu ce que ça a donné. Dans certains cas, il y a eu des décès à cet égard-là.

Alors, M. le Président, avant 1994, personne n'avait cette réflexion-là. Personne n'hésitait. Aujourd'hui, après trois ans de règne du Parti québécois, l'opinion publique a changé dramatiquement à l'égard de nos hôpitaux, de nos centres d'accueil, de tous les services auxquels on pouvait s'attendre antérieurement, avant l'arrivée du Parti québécois. Et si au moins c'était vrai qu'on faisait le ménage dans les finances publiques au Québec, mais on se rend compte que ce n'est pas le cas.

On a juste à regarder les choix budgétaires faits par le gouvernement. Blue Bonnets: 50 000 000 $. Comment est-ce que le député de Masson explique ça à sa population? Comment explique-t-il, lui, quand il fait la tournée dans les écoles primaires et secondaires de son comté, qu'il s'aperçoit qu'il y a des élèves qui n'ont même pas leurs livres à amener à la maison pour faire leurs devoirs et leurs leçons dans les matières aussi importantes que le français, l'histoire, les mathématiques, et, par la suite, il va aller dire à sa population que c'est une bonne chose de mettre 75 000 000 $ dans du béton pour avoir une superbibliothèque? C'est ça, les choix budgétaires effectués par le député de Jonquière.

Et le ministre de la Santé, dans une perspective de décentralisation, de désengagement... Il fallait entendre le discours de la CSN, en commission parlementaire qui étudie le projet de loi n° 180, mettre en garde le gouvernement sur son désengagement par rapport aux services publics. On se lave les mains, on pellette des problèmes ailleurs et on tente de dresser un mur autour du gouvernement pour dire: Ce n'est pas de notre faute. La ministre de l'Éducation qui, encore hier, au Point ... Ce n'est jamais de leur faute. La ministre de l'Éducation, hier, au Point , qui disait: C'est la faute des commissions scolaires. Le ministre de la Santé qui dit: C'est la faute des médecins, c'est la faute de l'opposition, c'est la faute des patients, ce sont des cas particuliers. Il y en a partout à travers la province, dans tous les comtés!

Alors, il a décidé maintenant de se désengager de ses responsabilités comme ministre. Le projet de loi prévoit ceci, à l'article 9.2: «Le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions...». Ses fonctions de ministre, il veut les déléguer à un organisme en vertu de la présente loi. Quels sont ses devoirs? Quelles sont ses fonctions? À l'article 3 de la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux, on indique les devoirs du ministre de la Santé. «Le ministre doit – premièrement – assurer la protection sociale des individus, des familles et des autres groupes.»

M. le Président, j'ai une situation dans mon comté: une dame de 86 ans à qui on a fait des représentations pour aller en centre d'accueil. La personne a vendu tous ses biens dans son appartement. Son appartement a été sous-loué par la famille. On lui a dit: L'hôpital est engorgé. Vous occupez un lit; on a besoin de ce lit-là. Si vous acceptez d'aller dans un centre privé, vous allez nous donner un bon coup de main. Puis inquiétez-vous pas, vous allez être inscrite sur la liste d'attente pour le centre d'accueil. Les représentants, les membres de la famille ont dit: Ça va prendre combien de temps? Les responsables se sont informés pour lui dire: Ça va prendre à peu près quatre mois. Ça lui coûte, à cette dame-là de 86 ans, 2 000 $ par mois. Ses économies sont en train d'y passer. Ça fait plus de six mois qu'elle attend, et là on lui dit: Vous ne pouvez pas aller au centre d'accueil. Vous vous en allez en foyer d'accueil.

J'ai écrit à deux reprises au ministre de la Santé pour lui demander un peu de compassion, de faire respecter les engagements qui ont été pris par des personnes qui oeuvraient au niveau de l'hôpital et au niveau des services sociaux. Il accuse réception de ma lettre. Il accuse réception d'une lettre pour une personne qui a dépensé jusqu'à date 12 000 $ de ses économies qu'elle a amassées au cours des 60 dernières années. Le peu d'économies qu'il lui restait, c'est rendu dans un centre privé.

(17 h 30)

Et lorsqu'on demande au ministre de la Santé d'exercer les devoirs qui sont les siens en vertu de la loi, il ne s'en occupe pas, il n'a pas cette préoccupation-là, il n'a pas de compassion pour nos citoyens et nos citoyennes. Pire que ça, il a l'audace de venir ici même, à l'Assemblée nationale, faire voter une loi qui va lui permettre de se désengager encore plus des responsabilités qu'il n'exerce même pas. Ça va lui permettre de dire quoi éventuellement, lorsqu'on va lui soumettre des problèmes, comme députés, autant les députés de l'opposition que les députés ministériels? Il va dire: J'ai signé une entente avec tel organisme. Ce n'est pas de ma responsabilité. Allez voir l'organisme. Et, entre-temps, par la porte d'en arrière, on demande à l'organisme de serrer la vis constamment. Ils sont les boucs émissaires, ils prennent des décisions, odieuses dans certains cas, parce qu'ils n'ont plus de financement, et le ministre dit: Ce n'est pas de ma faute, c'est la faute de l'organisme. Le même discours que la ministre de l'Éducation face à un problème important, pénurie de manuels scolaires dans les écoles primaires et secondaires du Québec: Ce n'est pas de ma faute, c'est la faute des commissions scolaires, c'est la faute des écoles qui ont fait des mauvais choix.

Pensez-vous que l'opposition va adopter un tel projet de loi après avoir entendu le ministre de la Santé ne pas s'occuper de cas que nous lui soumettons quotidiennement? C'est rendu qu'on est obligé de passer à l'Assemblée nationale, interpeller le ministre de la Santé et lui soumettre des cas. Et le critique en matière de santé est en train de nous dire le nombre d'appels téléphoniques qu'il reçoit pour faire débloquer des dossiers. On en est rendu là au Québec, M. le Président, et on applaudissait tantôt; on est fier de ça, on est content de ce bilan-là!

Et là je passe sous silence les propos du Vérificateur général de la province qui dit au gouvernement: Votre comptabilité parallèle quand vous tentez de cacher votre déficit réel parce que les hôpitaux sont en train de s'endetter, les cégeps sont en train de s'endetter... On leur demande d'offrir des services qu'on ne cesse de couper; on leur coupe les vivres, et ils ne sont pas en mesure d'assurer les services et ils doivent emprunter.

Et ils vont se présenter lors des prochaines élections en disant: Nous avons assaini les finances publiques au Québec, avec des projets comme une bibliothèque de 75 000 000 $, avec des investissements, au niveau de Blue Bonnets, de 50 000 000 $, avec l'échec retentissant du plan Paillé. Combien de centaines de millions ont été engouffrés dans ce plan Paillé là pour ouvrir des bars topless, d'après ce qu'on me rapportait? C'est assez incroyable, et on espère de tout coeur que la population, lors des prochaines élections générales, va dire au député de Jonquière: Assez, c'est assez, on vous sort. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Marquette. M. le député de Masson.


M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Je n'avais pas prévu d'intervention sur ce projet de loi, cependant, il y a des choses qui sont tellement insupportables à entendre qu'il faut absolument prendre quelques minutes pour essayer de rectifier certains faits. J'ai trouvé ça curieux d'entendre dire, une personne que je connais bien – je ne veux pas la nommer – qui disait avoir eu des soins extraordinaires à l'hôpital – virgule – heureusement qu'elle a été soignée à l'extérieur du Québec!

On ne peut pas laisser une phrase comme celle-là sans aucune réponse. Qu'il y ait certains problèmes dans le virage ambulatoire, il y en a eu, il faut qu'on l'admette, mais de dire qu'on est à Beyrouth dans nos systèmes hospitaliers, il y a une limite. À trop vouloir jouer à la catastrophe, à l'épouvantail ou à essayer de semer l'épouvante, bien, on se rend incrédible soi-même. Il y a des limites à tout, surtout que le virage ambulatoire – il y en a eu, des heurts – s'est fait à peu près sans heurts, et sans eux aussi, ils n'ont jamais voulu collaborer.

Partout où nous voulons prendre notre responsabilité, dans tous les domaines où le gouvernement actuel prend ses responsabilités, ils envoient sur le territoire du Québec des gens pour essayer de semer la discorde et la zizanie. Ils étaient comme ça quand on a parlé avec nos fonctionnaires et avec tous les gens du public et du «paripublic» sur un essai de couper la masse salariale de 6 %. Ils ont fait le même travail quand est arrivé... On est encore après le faire avec les municipalités, on se promène partout pour dire aux maires: Ne signez pas. Et on essaie de trouver dans les organisations syndicales des gens qui sont partisans du côté rouge pour essayer de faire des démonstrations et de dire qu'ils ne feront rien.

Ils veulent saboter le déficit zéro. Indirectement, ils veulent saboter la réussite économique du Québec et ils font tout ce qu'ils peuvent pour que nous ne réussissions pas. Cependant, dans tous les domaines, quand on a parlé des garderies à plein temps, ils ont semé la zizanie sur tout le territoire. Il y a des gens présents ici qui l'ont fait dans mon propre comté. Je ne les nomme pas, par respect; ils ont le droit de le faire. Maintenant qu'il y a, depuis le mois de septembre, les maternelles à plein temps, est-ce que entendez les gens critiquer? Plus un seul mot! Donc, votre crédibilité est attaquée. Vous vous promenez sur le terrain, vous semez la zizanie, vous l'amenez en Chambre avec des pétitions et, ensuite, dès que les choses sont réglées, on n'entend plus un seul mot. Ça veut dire que les gens sont contents. Qui est mécontent? Les députés de l'autre côté parce qu'ils ne sont pas de ce côté-ci. C'est de «l'égocentricité» de pouvoir.

Ça a été la même chose dans le cas de nos employés de l'État. Ils font la même chose avec les maires, actuellement, sur le terrain. Cependant, que nous sommes patients, de ce côté-ci! Nous avons réussi avec nos employés de l'État, vous avez raté votre coup. Dans les maternelles à plein temps, vous avez raté votre coup. Sur le déficit zéro, on est après vous prouver que vous allez rater votre coup. C'est la même chose dans le virage ambulatoire, la même chose. On est sur le point d'arriver à la lumière qu'on dit au bout du tunnel.

Mais ce n'est pas nouveau, chez les libéraux, M. le Président, ils ont toujours été contre les lois qui étaient pour l'ensemble de la population. Ils étaient contre l'assurance automobile. Ils avaient levé le Québec tout entier contre l'assurance automobile. Est-ce qu'il y a une seule personne au Québec qui voudrait qu'on revienne à l'ancien système? Mais pas du tout! Ils ont manqué leur coup. Quand est arrivé le zonage agricole, ils ont levé le Québec encore une fois. Qui reviendrait à l'époque où on pouvait construire n'importe où n'importe comment, sans loi, sans respect du territoire, sans respect des cultivateurs, sans respect des citadins? Ils étaient contre. Toutes les lois évolutives, ils sont contre. Ils sont contre tout ce qui est évolutif, au Québec. Ils s'y prennent de façon un peu curieuse, par la démagogie. On dirait qu'ils viennent tous de Magog: ils sont démagogues, c'est épouvantable! Ce n'est pas croyable. J'ai bien du respect pour les gens de Magog, mais, pour les démagogues, pas du tout, pas du tout, pas du tout!

M. le Président, je voudrais juste ouvrir une fenêtre sur un brin de vérité pour laisser percevoir à ceux qui nous écoutent... Il ne doit pas y avoir grand monde qui nous écoute, ça fait à peu près 10, de l'autre côté, qui parlent sans que personne ne se lève de ce côté-ci, parce que c'est monotone, «motonone», même, qu'on dit. Quand c'est plus que c'est plus monotone, on dit «motonone». Ça vient... On ne peut plus entendre.

Une voix: Inaudible.

M. Blais: Inaudible. Nos tympans ne résistent plus à une kyrielle de démagogies qui se suivent et qui se ressemblent. M. le Président, quand on exagère trop...

Il y a Alphonse Allais, qui était un pharmacien français et très poète, et qui a dit dans un de ses livres à peu près l'équivalent de: Quand on n'est pas capable, on fait à peu près n'importe quoi. Ils essaient de faire péter un âne mort. C'est ce que disait Alphonse Allais. C'est très difficile. On peut, à une grenouille, donner une cigarette et lui dire: Hume, hume, hume! Elle s'enfla tant et tant qu'elle péta, dit La Fontaine. Mais je tiens à vous dire que leur façon un petit peu irritante, irascible... Je me tolère, M. le Président, à cause de ma longévité dans cette Chambre, et je vois que vous me regardez d'un air et que vous m'écoutez de façon très attentive. Je remercie mes confrères de m'écouter avec autant d'attention. Donc, je choisis des mots que je me dois de dire. Mais vous m'aigrissez – «m» apostrophe – du verbe aigrir. Vous m'aigrissez beaucoup, et je tenais à le dire. J'aimerais que la diète de votre vocabulaire trouve un bon dictionnaire. Je vous remercie.

(17 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Masson. Nous cédons maintenant la parole au député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai essayé d'écouter le député de Masson pour savoir c'est quoi, la connexion entre son discours et le projet de loi n° 176. Demain, je vais sortir les galées pour comprendre ça, parce que j'ai pensé que, vous-même, vous alliez soulever... questionner la pertinence. Mais, en tout cas, il me semble qu'il a décidé d'utiliser son temps comme il veut. Je trouve ça un peu triste qu'il n'ait pas vraiment avancé le débat sur un projet de loi assez important.

Je vois que le député de Laviolette, quand nous avons eu une discussion dans l'antichambre, a décidé de parler. Au moins, je lance un défi aux autres, s'il vous plaît, d'avoir le courage de se lever – je vois mes collègues dans le coin, le député de Maskinongé, la députée de Pointe-aux-Trembles – et de discuter de ce projet de loi, parce que c'est un projet de loi tellement dangereux. J'espère qu'ils vont avoir le courage de discuter de ce projet de loi avec honnêteté et de ne pas être dirigés par la ligne de parti. Je vois qu'ils ont déjà eu une petite visite du whip ou du leader qui a dit: Assis, là, vous n'avez pas le droit de parler sur ça – je vois le député de Valleyfield-Soulanges. J'espère qu'au moins pendant le débat, plus tard, les personnes vont se lever et dire qu'effectivement ils trouvent que c'est un projet de loi dangereux.

Le projet de loi n° 176, M. le Président, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, présenté par M. Jean Rochon, le ministre de la Santé et des Services sociaux. Moi, quand je vois les projets de loi qui viennent de ce ministre, c'est assez clair que son rôle n'est pas celui de ministre de la Santé et des Services sociaux, mais d'un adjoint parlementaire du ministre des Finances, comme d'habitude. Ce n'est pas surprenant, M. le Président – et je vois que le député de Laviolette trouve ça intéressant – qu'il ait le record du pourcentage des bâillons, parce qu'il propose, depuis trois ans en cette Chambre et à la commission des affaires sociales, des lois complètement inacceptables. Vous pouvez sortir les galées. Je suis vice-président de la commission des affaires sociales. Nous avons passé des lois avec une grande opposition, presque unanime souvent, à ces projets de loi. Le pourcentage de bâillons, le nombre de projets de loi est tellement élevé.

M. le Président, je mets ce projet de loi dans la liste, une longue liste des très mauvais projets de loi, des projets de loi tellement dangereux qui donnent un pouvoir absolu au ministre de la Santé et des Services sociaux, un pouvoir absolu. C'est ouvrir un abus de pouvoir incroyable. Rappelons, M. le Président, le projet de loi 83. C'est le style de ce ministre qui veut avoir tous ces pouvoirs de passer une loi qui donne une garantie complète. Le projet de loi 83, c'est comme le projet de loi n° 176: donne-moi tout le pouvoir, je vais décider quand je veux, comme je veux et je vais fermer, dans le projet de loi 83, les hôpitaux que je veux. C'est ça qu'il a fait. Vous avez vu, M. le Président, sur l'île de Montréal, il a fermé sept hôpitaux, quatre hôpitaux anglophones. C'est ça qu'il a fait. Ils ont utilisé le pouvoir de 83, ils ont fermé ça. Le projet de loi 83 a donné le pouvoir au ministre de fermer nos hôpitaux, de réduire le nombre de lits quand il veut, comme il veut et selon le nombre qu'il veut. C'est dangereux.

Où est l'imputabilité avec ça? Est-ce que le ministre... Je comprends que ce gouvernement ne respecte pas la démocratie, je comprends ça. Mais là il y a une simple décence sur la question d'imputabilité devant cette Chambre. Le ministre veut avoir le pouvoir absolu avec le projet de loi n° 176. Laissez-moi citer quelques paragraphes.

Ce projet de loi modifie la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux afin que le ministre puisse, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par cette loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application. Le projet de loi modifie également la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec afin de permettre à la Régie d'exercer toute fonction qui lui est déléguée aux termes d'une entente conclue avec un ministre.

Les articles sont assez clairs: «Le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application.»

Qu'est-ce que ça veut dire, M. le Président? C'est le pouvoir absolu. Le ministre peut déléguer tous ses pouvoirs. On peut sortir la liste de ses pouvoirs qu'on peut trouver dans le chapitre M-19.2, article 3, il y a une longue liste des pouvoirs. «Le ministre doit plus particulièrement assurer la protection sociale des individus, des familles et d'autres groupes.» Est-ce qu'il va déléguer ça? C'est ça qu'il veut? Il doit «prendre les mesures requises pour assurer la protection de la santé publique». Est-ce qu'il veut déléguer ça? «Voir à l'amélioration de l'état de santé des individus et du niveau de santé de la population.» Est-ce qu'il veut abdiquer sa responsabilité là aussi? «Favoriser l'étude des recherches scientifiques dans le domaine de la santé et des services sociaux.» Est-ce qu'il veut abdiquer cette responsabilité?

«Participer à l'élaboration et la mise en oeuvre des programmes d'assainissement des milieux physiques dans lesquels vit la population à laquelle ces fonctions sont destinées.» Est-ce que le ministre de la Santé veut abdiquer ses responsabilités dans ces programmes? «Promouvoir la participation des individus et des groupes à la détermination des moyens de satisfaire leurs besoins dans le domaine de la santé et des services sociaux.» Est-ce que le ministre veut abdiquer sa responsabilité dans ce domaine aussi? «Consulter les individus et les groupes sur l'établissement des politiques du ministère de la Santé et des Services sociaux.» Est-ce que le ministre veut abdiquer ces responsabilités-là? «Promouvoir le développement et la mise en oeuvre des programmes et de services en fonction des besoins des individus, des familles et des autres groupes.» Est-ce que le ministre veut abdiquer ses responsabilités dans ce domaine?

«Établir des normes applicables en matière des services, d'équipement, de finance et de personnel dans l'utilisation des subventions accordées par le gouvernement dans le domaine de la santé et des services sociaux et en surveiller l'utilisation.» Est-ce que le ministre veut abdiquer ces responsabilités-là? «Assurer l'organisation et le maintien des établissements dans le domaine de la santé et des services sociaux lui-même ou par un tiers.» Est-ce que le ministre veut abdiquer ces responsabilités-là? «Déterminer les possibilités d'adoption des enfants domiciliés hors du Québec en tenant compte des objectifs définis par le ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles en vertu de la Loi sur le ministère des Affaires internationales, de l'Immigration des Communautés culturelles et la Loi sur l'immigration au Québec.» Est-ce que le ministre veut abdiquer ses responsabilités dans ce domaine? Finalement, «obtenir des ministères du gouvernement et tout organisme public ou privé les renseignements disponibles aux fins de la mise en oeuvre de la politique du ministère». Est-ce que le ministre veut abdiquer ces responsabilités-là, M. le Président?

Il me semble que c'est clair que c'est un ministre que j'appelle souvent «le dictateur de la santé», mais maintenant il devient l'abdicataire. Et là c'est à cet abdicataire-là, si vous avez bien compris... He's in the process of abdicating all his responsibilities.

Là, si vous essayez de comprendre ce qui se passe dans le système de santé et de services sociaux et si vous voulez faire une plainte, si vous voulez faire avancer la cause, si vous voulez trouver une façon de dire: Arrêtez toutes ces coupures, arrêtez cette façon de tuer notre système de santé et de services sociaux, si vous essayez de parler avec un établissement, un hôpital, un CLSC, quelque chose, ils vont dire que c'est à cause du ministre; le ministre va dire que ça va être à cause de la régie régionale; la régie régionale va dire que c'est à cause du ministre. Maintenant, avec le projet de loi n° 176, tout le monde va dire que c'est la faute des autres. C'est typique de ce gouvernement, c'est le gouvernement de la faute des autres. Ils sont complètement irresponsables de leur façon de faire.

M. le Président, c'est assez clair que c'est un mauvais projet de loi, avec aucune balise. J'ai peur que maintenant, parce que c'est assez clair depuis trois ans, le ministre, techniquement appelé «le ministre de la Santé et des Services sociaux» et que, je pense, tout le monde appelle «l'adjoint parlementaire du ministre des Finances», accepte les commandes du ministre des Finances et fasse ses coupures dans la santé et les services sociaux. Avec ça, quand j'ai étudié ce projet de loi, c'était clair, c'est une autre astuce, c'est un autre petit truc par lequel maintenant le ministre peut faire les coupures, techniquement, selon ses vues, ses façons de faire: déléguer, faire du pelletage, comme il est en train de faire avec les municipalités, dans les autres groupes. Il va dire, avec son pouvoir de délégation, qu'effectivement les programmes existent. Est-ce qu'il va demander aux autres groupes communautaires de faire le travail sans argent ou sans le même montant d'argent, de faire le travail que nos CLSC sont en train de faire, nos hôpitaux, nos CHSLD? Je ne sais pas.

(17 h 50)

C'est quoi qui est en arrière de ça? On sait que le ministre aime parler de désinstitutionnalisation. Avec ce projet de loi, il va dire: Bah! j'ai délégué les pouvoirs. Je n'ai pas donné les sous, les ressources, les moyens de faire le travail, mais j'ai délégué les pouvoirs. Ce n'est pas ma responsabilité, je m'en lave les mains. Ce n'est pas ma responsabilité, je n'ai pas besoin de tenir compte des conséquences de mes décisions. On n'accepte pas ça, M. le Président, on n'accepte pas ça.

Là, nous sommes une société démocratique, malgré ce gouvernement. M. le Président, il y a un concept d'imputabilité, il y a un concept de responsabilité devant le Parlement. Maintenant, le ministre est en train de créer une loi qui va donner toute la marge de manoeuvre pour faire encore des coupures dans la santé, faire encore mal à nos professionnels de la santé et plus particulièrement faire encore plus mal aux patients, aux clients, aux citoyens qui sont malades, qui sont dans nos institutions.

Je trouve ça bizarre comme priorité de ce gouvernement, M. le Président, qui a assez de moyens pour payer pour une bibliothèque, 73 000 000 $, qui a les moyens d'acheter Blue Bonnets mais n'a pas de moyens pour assurer que nous ayons assez de lits, n'a pas de moyens pour assurer que nous ayons assez de services sociaux dans nos centres de services sociaux. Non, M. le Président. C'est un autre exemple du désengagement complet du ministre de la Santé et des Services sociaux dans ses responsabilités.

Là, je pense que peut-être il veut continuer à se promener dans sa limousine, faire des tournées préélectorales, s'assurer que peut-être il va convaincre les autres encore une fois de voter pour le gouvernement. Mais le monde a tout vu ça. Ils ont vu toutes les astuces préréférendaires quand ils ont offert les augmentations de salaire. Ça ne marche pas. Est-ce que c'est ça qu'il y a en arrière de sa stratégie? Il va avoir le pouvoir de tout déléguer. Après ça, il pourra utiliser son titre pour faire avancer la cause péquiste, pour faire avancer la cause séparatiste. Moi, j'ai de la misère à croire qu'il n'y a pas d'autres raisons en arrière de ça.

C'est un abus de pouvoir potentiel incroyable, M. le Président. Aussi, dans les devoirs que j'ai mentionnés, il y a toute la question de... Dernier devoir: «obtenir des ministères du gouvernement et de tout organisme public ou privé les renseignements disponibles aux fins de la mise en oeuvre de la politique du ministère.» Vous savez toutes les discussions que nous avons eues ici en cette Chambre, avec les renseignements confidentiels, l'échange de renseignements privés, le couplage de ces informations et les fuites que nous avons entendu qui existent avec ce gouvernement péquiste. Est-ce que je dois comprendre, M. le Président, qu'avec ce projet de loi le ministre peut déléguer à un groupe ou à un organisme qui va avoir le pouvoir, l'opportunité d'avoir l'information sensible, l'information peut-être confidentielle sur les programmes? J'espère que la réponse à ma question va être non. Mais je voudrais avoir ces balises dans le projet de loi n° 176.

M. le Président, ça donne une opportunité en or à ce ministre, avec ce gouvernement, de continuer son dumping dans la communauté. Je pense que les députés péquistes qui m'écoutent aujourd'hui ont honte de ce qui se passe avec le gouvernement. Et, s'ils n'ont pas honte... Je lance un défi, là: Si vous êtes en désaccord avec moi, j'espère que vous allez avoir le courage de vous lever après que j'aurai parlé et de faire une réplique. Sinon, je suis convaincu que la population va prendre ça comme acquis que vous êtes d'accord avec moi.

M. le Président, le projet de loi, comme je l'ai mentionné, c'est un projet de loi dangereux. Ça peut mettre en place le pouvoir, comme nous avons vu dans le projet de loi n° 83, que le ministre peut décider tout pour lui-même. Il peut décider qui va faire quoi et comment, et il va déléguer. Il va abdiquer sa responsabilité comme ça existe maintenant. C'est inacceptable. C'est une autre façon de faire des coupures.

Mr. Speaker, Bill 176 is a very dangerous law. And if I can just quickly read the main article: «The Minister may delegate to an organization, by agreement, the exercise of functions assigned to the Minister by this Act or by another Act under the Minister's administration.»

Mr. Speaker, this gives the Minister absolute power to decide how he is going to continue his vicious cutbacks, his programs of continued cutbacks and harassment of professionals in the health and social service sector. The Minister can delegate to any group various responsibilities without any accountability. So you can see what he is going to do because what this Minister does is that he follows 100 % the instructions of the Minister of Finance. He says: I need more money, cut again in the health care. Because that's where this Government has been cutting the most, health care and education. So what is going to happen with this bill? He is going to continue to be pushing, and pushing to keep cutting and keep the devastation of the health and social service network. What this bill will do is then allow the Minister to say: No, I've delegated the power to some other group with no accountability. And if there is a problem, what is he going to do?

Mr. Speaker, we have seen this, and if you would like to come to the next commission des affaires sociales, I'll show you that it happens all the time. The Minister hides behind all these rules. He says, when we ask some questions: Well, we have the regional boards. They say it's their responsibility. We talked to our local institutions. They say that it's the Minister's responsibility. The Minister will be able to say: It's not my responsibility, I've delegated it. I delegated the power. I abdicated my responsibility. I certainly hope, and I see that there are a few ministers here tonight, at the next Conseil des ministres, I hope that you speak to the Minister and say: This is not what being a minister is all about. Being a minister is to take responsibility, not follow blindly the orders of the Minister of Finance. We need somebody to protect the health and social service network. For three and a half years, it has been devastated by this Government.

You try to get services in Québec now, Mr. Speaker. It's getting more and more difficult. There are waiting lists that are being extended. There are blatant lacks of services, more and more. It's very clear to see that this Government doesn't care about health care, and certainly this Minister doesn't care about health care, because what you see here is a bill that says: Give me the absolute power to abdicate my responsibilities. And then, how are we going to address the questions here, in this House, when this Government continues the devastation of the health and social services system? Who are we going to ask? How are we going to hold this Government accountable? Well, the next time we get the Minister, if he's here to answer the questions, will he say: It's not my fault, c'est la faute des autres?

M. le Président, j'espère que, dans ma brève allocution, j'ai convaincu les autres de dire que c'est effectivement un très mauvais projet de loi. Au minimum, nous avons besoin d'avoir les balises de ce pouvoir, parce que, comme nous l'avons vu dans les autres projets de loi, c'est un pouvoir absolu. Un pouvoir absolu, c'est dangereux. Et là, particulièrement avec ce gouvernement, avec ce ministre des Finances qui n'a aucune intention d'aider le système de santé et des services sociaux, c'est une porte ouverte, c'est un chèque en blanc au ministre des Finances pour pousser comme d'habitude son adjoint parlementaire qu'on appelle le ministre de la Santé et des Services sociaux à continuer les coupures, à continuer de faire mal à notre système de santé et de services sociaux, à continuer le dumping dans les programmes, à continuer le désengagement de tout notre système de santé et de services sociaux.

Le problème le pire de tout ça, qui paie, M. le Président? Le député de Laviolette sait que c'est les citoyens qui paient, c'est le citoyen qui n'a pas de services, c'est le citoyen qui, avant ce gouvernement, a eu un des meilleurs systèmes de santé et de services sociaux. Maintenant, à cause de ce gouvernement, à cause du pire ministre de la Santé et des Services sociaux que nous ayons jamais eu, ça fait mal à notre système. C'est un mauvais projet de loi, et j'espère que ça va être corrigé le plus tôt possible. Merci beaucoup, M. le Président.

(18 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est acceptée? M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Afin de permettre aux députés de vaquer à d'autres occupations pour la soirée – tout en espérant ne pas me le faire reprocher un jour – je vais vous demander d'ajourner l'ensemble de nos travaux à demain matin, le jeudi 11 décembre, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée? Alors, nous ajournons donc les travaux à jeudi 11 décembre, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 1)


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